Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
pas de Rajchman
Il s'agit en fait dans les deux cas de la même mesure d'ensembles, mais considérée
pour des structures de groupe abélien compact diérentes, à savoir: i) la mesure
binomiale µp de paramètre p ∈ [0, 1] sur le cercle S 1 (identié à l'intervalle
[0, 1[), et ii) la mesure de pile ou face µp de paramètre p ∈ [0, 1] sur le groupe
G = (Z/2Z)N = {0, 1}N . L'exercice qui suit consiste dans les deux cas à calculer
la transformée de Fourier de µp , qui est une fonction µ̂p : Ĝ → C dénie sur
le groupe dual Ĝ (groupe des caractères de G muni de la multiplication des
fonctions, ainsi que de la topologie de la convergence simple des caractères), et
à constater que µ̂p ne tend pas vers 0 à l'inni dans Ĝ, i.e. µ̂p ∈/ C0 (Ĝ). On
notera λ la mesure de Haar sur G: dans le cas i) c'est la mesure de Lebesgue
sur [0, 1[, dans le cas ii) c'est la mesure de pile ou face de paramètre p = 21 . Les
cas i) et ii) sont isomorphes du point de vue de la théorie de la mesure, mais
bien sûr pas du point de vue des groupes commutatifs localement compacts.
i) La mesure binomiale µp sur G = [0, 1[≈ S 1 . C'est la mesure obtenue
comme limite faible des mesures µp,k = fp,k λ quand k → ∞, où fp,k ∈ L1 (G)
désigne la densité de probabilité constante par morceau dénie par
Pk Pk
fp,k (x) = 2k (1 − p)k− l=1 xl
p l=1 xl
pour que fp,k soit bien la densité d'une loi de probabilité sur [0, 1[.)
De façon plus intuitive, la mesure µp peut s'interpréter comme la mesure
empirique de l'ensemble borélien Ep des nombres x ∈ [0, 1[ dont le développement
binaire x = 0, x1 x2 ... est tel que limk→∞ k−1 kl=1 xl = p (autrement dit la
P
fréquence des 1 dans ce développement est égale à p). Pour p 6= 12 l'ensemble
Ep est de mesure de Lebesgue nulle, et par suite la mesure binomiale µp est
singulière par rapport à λ.
Les caractères de G = S 1 sont les exponentielles γn : G → C, γn (t) =
hγn , ti = e2iπnt , n ∈ Z, et puisque γn γm = γn+m , le groupe dual Ĝ s'identie à
Z. La transformée de Fourier de µp est la fonction µ̂p : Z → C dénie par
Z Z Z 1
∗
µ̂p (n) = hγn , −tidµp (t) = γn (t) dµp (t) = e−2iπnt dµp (t)
S1 S1 0
1
Z 1
= lim e−2iπnt dµp,k (t) = lim µ̂p,k (n)
k→∞ 0 k→∞
les deux dernières égalités provenant de ce que µp est limite faible de la suite
(µp,k )k≥1 .
On a par ailleurs
Z 1 X Z
µ̂p,k (n) = e−2iπnt dµp,k (t) = e−2iπnt dµp,k (t)
0 Ix
x∈{0,1}k
X Pk Pk
Z
= 2k (1 − p)k− l=1 xl
p l=1 e−2iπnt dt,
Ix
x∈{0,1}k
où pour x = (x1 , ..., xk ) ∈ {0, 1}k , on a posé Ix = [Ck (x), Ck (x) + 2−k [, avec
Ck (x) = l=1 xl 2−l , en identiant (de manière un peu abusive) la suite x ∈
Pk
{0, 1}k avec le nombre Ck (x) ∈ [0, 1[.
L'intégrale sur Ix se calcule facilement:
Z
i −k
e−2iπnt dµp,k (t) = e−2iπn(Ck (x)+2 ) − e−2iπnCk (x)
Ix 2πn
i −k −k −k
= e−iπn2 − eiπn2 e−2iπnCk (x)−iπn2
2πn
i −k−1
(−2i) sin πn2−k e−2iπn(Ck (x)+2 )
=
2πn
πn2−k
k sin xl −2iπn(Ck (x)+2−k−1 )
X P P
µ̂p,k (n) = 2 (1 − p)k− l xl
p l e
πn
x∈{0,1}k
sin πn2−k
k −iπn2−k xl 2−l
X P P P
xl −2iπn
=2 e (1 − p)k− l xl
p l e l
πn
x∈{0,1}k
k
−k sin πn2−k Y X −l
= 2k e−iπn2 (1 − p)1−x px e−2iπnx2
πn
l=1 x∈{0,1}
−k
k
k −iπn2−k sin πn2 −l
Y
=2 e × 1 − p + pe−2iπn2 ,
πn
l=1
2
sin πn2−k
et comme 2k e−iπn2 → 1 quand k → ∞, on en déduit
−k
πn
∞ ∞
Y −l Y −l
1 − p + pe−2iπn2 1 − p + pe−iπn2
µ̂p (n) = lim µ̂p,k = = .
k→∞
l=1 l=0
∞
Y −l+1
1 − p + pe−iπn2 = (1 − p + pe−2iπn )µ̂p (n) = µ̂p (n),
µ̂p (2n) =
l=0
donc µp n'est pas une mesure de Rajchman, à part dans le cas p = 1/2Q, puisque
µ1/2 = λ. (Dans ce cas on a de fait µ̂1/2 (0) = 1 et µ̂1/2 (n) = l≥0 ( 12 +
1 −iπn2−l
2e ) = 0 si n 6= 0.
ii) La mesure de pile ou face µp = (pδ1 + (1 − p)δ0 )⊗N sur G = {0, 1}N .
On supposera p ∈]0, 1[\{ 12 }, pour éviter les cas triviaux et le cas µp = λ.
Caractérisons d'abord les caractères de G. Un tel caractère est une fonction
continue ω : G → C∗ qui vérie ω(x+x0 ) = ω(x)ω(x0 ) quels que soient x, x0 ∈ G.
On va voir qu'un tel caractère s'identie à une suite ω = (ω0 , ωQ1 , ...) ∈ {0, 1}N
de support ni, de sorte que la forme ω est dénie par ω(x) = l≥0 (−1)ωl xl =
(−1)hω,xi pour tout x = (xl )l≥0 ∈ G. Autrement dit, le dual de G s'identie
au groupe abélien libre Ĝ = {0, 1}(N) . Soit en eet ω : G → C∗ un caractère.
Comme x + x = 2x = 0 pour tout x ∈ G, on a ω(2x) = ω(x)2 = 1, ce qui
montre déjà que ω prend ses valeurs dans le groupe {+1, −1} ≈ Z/2Z. Pour
tout l ≥ 0 dénissons ωl ∈ {0, 1} en posant ω(el ) = (−1)ωl , où el = (δl,l0 )l0 ≥0 =
(0, ..., 1, 0, ...) ∈ G (le 1 étant à la lème place). La fonction ω étant supposée
être continue en 0 = (0, ..., 0, ...) ∈ G, il existe un voisinage ouvert V de 0 dans
G tel que pour tout x ∈ V on ait |ω(x) − 1| < 1/2, ce qui entraîne ω(x) = 1.
Or un tel voisinage V pour la topologie produit de G contient un ensemble
de la forme {0k } × {0, 1} × {0, 1} × ... ≈ {0k } × {0, 1}N où 0k = (0, ..., 0)
désigne l'élément neutre du groupe {0, 1}k . Il s'ensuit que pour l > k on a
ω(el ) = Q 1, soit ωl = 0, donc la suite (ωl )l≥0 est bien de support ni. Alors le
produit l≥0 (−1)ωl xl = (−1)hω,xi est déni pour x ∈ G quelconque, et puisque
x(k) = (x1 , ..., xk , 0, ...) → x quand k → ∞, on a bien
k
Y Y
ω(x) = lim ω(xk ) = lim (−1)ωl xl = (−1)ωl xl = (−1)hω,xi .
k→∞ k→∞
l=0 l≥0
3
X P Y
xl ωl
µ̂p (ω) = (−1) l (1 − p)1−xl pxl
(x0 ,...,xl(ω) )∈{0,1}l(ω) l
l(ω)
Y X
(−1)xωl (1 − p)1−x px
=
l=1 x∈{0,1}
l(ω)
Y
1 − p + (−1)ωl p = (1 − 2p)n1 (ω)
=
l=1