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LE TRUC D'OCTAVE
Pièce en un Acte
SCÈNE PREMIÈRE
Ernest, Mme du Mouillard, Mme Tatzy
Ernest (3), chantant, assis sur le canapé à droite
Et pendant ce temps-là, la fille de la concierge
etc., etc.
Mme du Mouillard, hargneuse, assise à droite du guéridon
Vous ne savez pas autre chose?
Ernest
Si, si !... Je ne suis jamais à court. (Il chante :)
Nous avons tous eu cinq francs.
C'est la moitié de dix francs,
La thune.
Mme Tatzy (1), assise à gauche du guéridon
Voyons... tais-toi, Ernest... Je ne m'entends pas lire.
Ernest
Ah tu ne t'entends pas lire... (Se lève.) Eh bien, moi, j'entends
!
pousser ma barbe.
Mme du Mouillard
Est-ce à dire que vous vous ennuyez avec nous?
Ernest
Plutôt ! (Descend à droite.)
Mme du Mouillard
Goujat !
Ernest, allant à elle
Belle-maman, vous employez un terme dont vous ne connais-
sez pas la valeur. Le duc d'Elbœuf...
Mme du Mouillard
Ditesque je suis une imbécile.
Ernest
Je ne le dis pas, mais je le pense.
Mme du Mouillard, se levant, pose son livre sur le guéridon
Monsieur !...
Ernest
Madame !...
Mme Tatzy
Là !... Ça y est !... Voilà la scène quotidienne qui commence.
(Se levant, prend le milieu 2.) Vous ne pouvez donc pas passer une
journée sans vous...
Ernest (3)
Engueuler?... Tu peux dire le mot.
Mme du Mouillard (1)
Je n'ai pas une gueule, moi, Monsieur !
Ernest
C'est vous qui le dites !...
Mme du Mouillard
Monsieur !...
Ernest
Madame !...
Mme Tatzy (2)
Ernest, tu lasseras ma patience... Je te défends de manquer de
respect à maman.
Ernest
Prie ta mère de me respecter, d'abord.
Ernest, à lui-même
Oh si peu !...
!
Mme Tatzy
...Tu ne dois pas l'oublier, elle est ma mère, souviens-t'en...
Ernest
Je n'ai garde de l'oublier, je t'en réponds.
Mme Tatzy
...Et à ce double titre, elle a droit à des égards. (Lui se dirige
vers la porte.) Où vas-tu ?
Ernest
Je sors. « Je dirige mes pas vers des yeux plus cléments ». Un
beau vers, hein ?... Il est de moi, la mère à ma femme. ( Il remonte.)
Mme Tatzy
Où vas-tu?
Ernest
Je sors.
Mme Tatzy
Je le vois bien, parbleu ! Mais où diriges-tu tes pas?
Ernest
Oh sois sans crainte, je ne vais pas me noyer... malgré tout
!
Mme du Mouillard
Je ne suis pas sourde.
Ernest
Tant mieux pour vous. Alors ouvrez vos esgourdes.
Mme du Mouillard (1), se lève, descend à gauche
Esgourdes ! Ah ! pouah !... que cet homme est commun ! Ah !
ma fille ! pourquoi faut-il que tu sois la femme de cet homme !
Ernest
Oui,... je me le demande. Pourquoi? (A sa femme.) Et toi, tu ne
te le demandes pas ?
Mme Tatzy
Mon Dieu, non !... Moi... je suis très heureuse comme ça.
Ernest
Ah !... tu es heureuse !... Tu n'es pas difficile Eh bien, si tu es
!
fants !... Quand je songe qu'un jour tu pourrais, toi aussi, devenir
un de ces êtres malfaisants, qui n'ont de la femme que le nom,
mes cheveux se hérissent d'épouvante.
Mme Tatzy (2)
Voyons, Ernest, calme-toi. Tu n'es pas méchant au fond, et
maman t'aime bien.
Ernest (3)
Oui, comme un chien aime les coups de fouets.
Mme du Mouillard (1)
Mais non, grand dadais (Passe 2.) Allons... venez ici... qu'on
!
vous embrasse.
Ernest
Qu'on me morde, voulez-vous dire?
Mme Tatzy (1)
Là ! c'est toi qui recommence. Allons, faites la paix... Embras-
sez-vous.
Ernest
Heu... je ne sais si je dois...
Mme du Mouillard, agressive
Ne vous faites pas violence, vous savez.
Ernest
Vous n'y tenez pas?
Mme du Mouillard
Pas plus que vous, sans doute.
Mme Tatzy
Voilà que vous recommencez.
Ernest
C'est elle qui...
Mme du Mouillard
Pardon... c'est vous.
Ernest
Moi?... Ah ! ben, elle est raide, celle-là!
Mme du Mouillard
Vous n'avez pas tiqué pour m'embrasser?
Ernest
Si, là, j'ai tiqué Si, si ! Finissons-en, ban Dieu Tendez vos
! !
exemple
Mme Tatzy, lui barrant le chemin
Ernest ! Ernest
Laisse-moi... il faut que je la bouffe.
Mme Tatzy
Ernest !
Mme du Mouillard
Ne m'approchez pas...
Ernest
Je vais me gêner.
Mme du Mouillard
Je crie à l'assassin.
Mme Tatzy
Maman !
Ernest
Criez tout ce que vous voudrez; ça ne m'empêchera pas de vous
ficher la fessée.
Mme du Mouillard
Une fessée à moi !
Ernest
Et à nu; comme à une gosse.
( Elle se sauve, il la poursuit.)
Mme Tatzy
Voyons, Ernest !
Ernest
Une gifle Ah ! sacrée garce sacrée femelle belle-mère
! ! ! ! ! ! ! !
Mme du Mouillard
A moi ! Au secours ! A l'assassin !...
Mme Tazy
Maman !... Ernest !... Je vous en prie!...
Ernest, gueulant
La fessée !
Mme du Mouillard
La fessée, à moi, une du Mouillard ! Faites donc, si vous l'osez !
Ernest, calme
C'est vrai, je n'oserai pas : «la particule» m'arrête. Mais ce que
je vais oser, par exemple, c'est vous foutre à la porte. Décampez...
et vivement parce que je ne réponds plus de ma patience. (Se-
!
Mme Tatzy
Je te jure que non. Fais ça pour me faire plaisir, dis?
Ernest
Tu y tiens ?
Mme Tatzy
C'est mon vœu le plus cher.
Ernest
Ah faut-il que je t'aime ! (Passe 1.) Allons... appelle-la.
!
Mme Tatzy
Comme tu es bon.
Ernest
Tu es sûre de ne pas te tromper d'adjectif?
Mme Tatzy, souriant
J'en suis sûre. (Appelant) Maman! (Pas de réponse.) Maman !...
(Même jeu.)
La bonne Euphémie, criant, cantonade
Madame, elle est montée dans sa chambre.
Ernest (1), allant à la porte droite, passe 2
Dites donc, Euphémie, vous ne pouvez donc pas venir nous dire
ça ici au lieu de le crier comme si vous étiez dans une ferme?
Euphémie (3), même jeu
Je vas vous dire, M'sieu : je suis entrain de récurer les castero-
les... alors !... (Elle paraît, figure barbouillée, mains sales, une cas-
serole à la main.) Monsieur veut-y que j'aille vouër?
Mme Tatzy
Non, restez, j'y vais. (Elle sort à droite, 1er plan.)
SCÈNE II
Ernest, Euphémie
Ernest (1)
Euphémie, je ne veux pas vous entendre hurler comme ça.
Vous êtes une excellente domestique, mais vous manquez d'édu-
cation.
Euphémie (2)
Ben, moi je fais comme ici : on gueule, alors je gueule. J'savais
point.
Ernest
Cette fille, quoique tourte, ne manque pas d'une certaine logi-
que. Tiens, voilà cent sous.
Euphémie
Pour mé?
Ernest
Bien sûr. Seulement ces cent sous, il faut les gagner,
Euphémie
Quoi qui faut faire ?
Ernest
Répondre à mes questions.
Euphémie
Allez-y, M'sieu.
Ernest
Dis-moi : écoutes-tu aux portes, quelquefois?
Euphémie
Oh ça, jamais, M'sieu jamais
! ! !
Ernest
Alors, rends-moi mes cent sous.
Euphémie
J'écoute aux portes, M'sieu, j'écoute aux portes.
Ernest
Bon. Quand je ne suis pas là, que fait ma belle-mère? Ne parle-
t-elle pas de moi à sa fille?
Euphémie
Oh que si, M'sieu.
!
Ernest
Et que lui dit-elle?
Euphémie
Oh ça, M'sieu, c'est pas des choses à dire.
!
SCÈNE III
Ernest, Octave, puis Euphémie
(Ils entrent de droite 3e plan.)
Ernest (1), cantonade
Eh c'est ce vieil Octave.
!
Octave
? ?
Eh ! pas de blagues, hein ne mords pas !... Alors comme ça,
tu es belle-mèrophobe Ça se guérit, tu sais...
Ernest
Je ne crois pas.
Octave
Mais si, mais si Veux-tu que je te dise?... tu n'as pas su la
!
Ernest
La cour? Tu lui as fait la cour?
Octave
Parfaitement. J'ai feint d'avoir pour elle une passion profon-
de !... Quand elle venait à la maison, je n'avais d'yeux que pour
elle; je poussais des soupirs impressionnants; puis, un jour, à
brûle-pourpoint, je lui ai dit que je l'aimais. Elle a été flattée,
dans sa vanité de femme, tu comprends; car jamais une femme
n'est froissée qu'on lui tasse la cour... qu'on lui dise qu'elle est
belle et qu'on l'aime... Elle m'a lavé la tête gentiment ; et, pour
couper court à cette passion funeste, m'a déclaré entre deux bai-
sers, qu'il ne fallait plus nous revoir pour son repos à elle et pour
le bonheur de sa fille. J'ai feint un profond désespoir; puis, me
jetant à ses genoux, je lui ai juré par notre amour de ne la revoir
jamais et de me consacrer au bonheur de sa fille. Depuis, elle
m'adore... de loin... et je le lui rends bien, va !
Ernest
Octave, tu m'ouvres un horizon de délices. L'agnelet qui suce
la tétine de sa mère éprouve moins de joie que ton serviteur n'en
éprouve en buvant tes paroles. Octave tu es... tu es mon sauveur,
laisse-moi te serrer la main.
Octave, tendant la main
Serre.
Ernest, reniflant, son front
Mâtin tu sens bon. Tu as le front odorant. C'est naturel?
!
Octave
Non. C'est de la brillantine.
Ernest
Aussi, je me disais... Ah ! cher vieux ! Quelle bonne idée tu as
eue de venir me demander à dîner.
Octave
Mais m'expliqueras-tu?
Ernest
Comment ! tu ne devines ? Mais ce qui t'a sauvé peut me
pas
sauver aussi
Octave
Tu vas faire la cour à ta belle-mère?
Ernest
Une cour, dis-tu?... Un quinconce, une esplanade, un champ
de Mars. Je la réduirai, ou je ne m'appellerai plus Ernest.
Octave
Ne la chauffe pas trop.
Ernest
Chez le fleuriste, acheter un bouquet de violettes. Je veux
commencer illico. Ah mon bon cher, tiens tu es le plus chouette
! !
phémie ! Euphémie !
!
veux-je dire, ne vont sans doute pas tarder à descendre. Je vole
et je reviens. Merci, mon gros, merci (Criant à droite.) Eu-
Euphémie
M'sieu !
Ernest
Donnez un verre de malaga à M. Octave. (Il sort fond droite,
3e plan.)
SCÈNE IV
Octave, Euphémle, puis Mme Tatzy, Mme du Mouillard,
puis Ernest
Octave, se lève, va s'asseoir à droite du guéridon
Ce brave Ernest ! Il exulte !... Voyons ces journaux.
Euphémie, entrant avec le malaga, le pose sur le guéridon
et prend le milieu 2
V'là l' malaga, M'sieu.
Octave (1)
Merci, Euphémie... Dis-moi, Euphémie, comment que ça va ici ?
?
Ça n'a pas l'air de bicher, hein (Euphémie ne répond rien et tend
la main.) Eh bien, tu ne m'entends pas?
Euphémie (2)
Si M'sieu; mais M'sieu me donne cent sous chaque foués...
Octave
Ah ! Monsieur...
Euphémie
Mais-z-oui...
Octave
Eh bien, tiens; les voilà.
Euphémie
Eh ben, ça va très mal... très très mal... Monsieur a voulu
donner une fessée à sa belle-mère... A nu, qui disait, à nu !
Octave, riant
Non !... Et alors?... (Euphémie tend à nouveau la main.) En-
core?
Euphémie
Monsieur, il le fait, lui...
Octave, lui donne cent sous
Allons... faisons comme Monsieur.
Euphémie, met les cent sous dans sa poche et parle
Alors, Mme du Mouillard, il lui z-y a dit comme ça : « Une fes-
sée à moi, Madame du Mouillard? Faites donc si que vous l'osez ».
Octave
Et alors?... (Euphémie tend la main.) Ah non ! !
Euphémie
C'est vrai. M'sieu ne m'a donné que dix francs. Alors, Monsieur
a dit : « C'est vrai... j'oserai jamais... la partie cul m'arrête. » Et
pis, il l'a fichue à la porte... Pschutt, v'là Madame (Octave rit.)
!
Mme Tatzy
Si maman voulait y mettre du sien...
Octave
?
Pourquoi pas Ernest est un charmant garçon, Madame... Te-
nez, il me parlait de vous, tout à l'heure, en des termes... vrai-
ment...
Grossiers.... Mme du Mouillard
Octave
Mais pas du tout. Je vous affirme que non. Il me disait : « Ah !
si Mme du Mouillard voulait Car enfin elle est encore char-
!
Ah ! voilà Ernest.
Ernest, entre du fond droite, 3e plan ; il porte
deux bouquets de violettes
Bonjour, ma femme. Bonjour, belle-maman. Voulez-vous me
permettre de vous offrir ce modeste bouquet de violettes?...
Mme du Mouillard
Ce bouquet,... à moi?
Ernest, galant
A vous, ma très charmante belle-maman.
Mme du Mouillard
Je suis vraiment touchée...
Ernest
Moins que moi, croyez-le bien, de vous le voir accepter.
Mme du Mouillard
Elles sont exquises... (A part.) Qu'est-ce qu'il lui prend?...
Ernest
Et à toi celui-ci, ma jolie.
Mme Tatzy
Merci, mon grand. Tu ne peux savoir le plaisir que tu viens de
me faire. Encore merci. Décidément, tu es un mari délicieux.
Ernest
Un verre de malaga, belle-maman?... Oh belle-maman ! Vous
!
Mme du Mouillard
Ernest, pourquoi n'avez-vous pas toujours été comme vous
êtes aujourd'hui. Que de belles journées perdues...
Ernest
Ah ! Marquise, si je vous le disais...
Mme du Mouillard
Dites-le
Ernest, bas
Ceci ne peut se dire qu'en tête-à-tête.
Mme du Mouillard, même jeu
Hein ?
Ernest, bas
Pschutt on nous observe. (Il lui jette un regard amoureux.)
!
SCÈNE V
Ernest, Mme du Mouillard
Ernest
Un coussin. Marquise?...
Mme du Mouillard
Merci.
Ernest (1), à part
Tiens, vieux chameau (Il lui met un coussin sous les pieds,
!
Mme du Mouillard
Cela dépend de quoi?...
Ernest
De... certaines circonstances... de... la manière que... la chose
va s'emmancher... de... d'un tas de choses, enfin...
Mme du Mouillard
Mon Dieu que de réticences !...
!
Ernest
Ah ça, pour des réticences, il y en a
! Il y en a même
!
beaucoup, je l'avoue.
Mme du Mouillard
C'est donc si difficile à dire?
Ernest
Si c'est difficile !... Ah ! Mama... Ah ! Marquise !
Mme du Mouillard
Voyons... Asseyez-vous là près de moi... et ouvrez-moi votre
cœur.
Ernest
Que je vous ouvre... (A lui-même.) C'est bien ce que je crai-
gnais... Eh bien ! oui, Madame Je vais vous l'ouvrir ce cœur...
!
ce cœur que vous ignorez. Fasse le ciel que ça ne soit pas en vain.
(A part.) Non de Dieu qu'est-ce que je vais dire. (Haut.) Mar-
!
Isabelle
Maman, ma rivale !... Ce n'est pas possible !...
Ernest
Cela est.
Isabelle
Alors?...
Ernest
Eh bien, ma fille, il faut divorcer. Je veux épouser ta mère...
Il me la faut, il me la faut.
Isabelle
Divorcer ?...Tu n'y penses pas !...
Ernest
J'y pense au contraire, avec énergie.
Isabelle, en larmes
Mais je t'aime, moi... je t'aime... c'est fou...
Ernest
Je sais bien... seulement... tant que ta mère sera là... entre
nous... je ne verrai plus qu'elle... je n'aimerai plus qu'elle.
Octave
Oh le roublard !...
!
Ernest, à part
Enfin !...
Mme du Mouillard, criant
Euphémie ! allez me chercher une voiture.
Euphémie, coulisse, 1er plan droite
Bien, Madame.
Mme du Mouillard, à sa fille, qui ne bouge pas
Ne me retiens pas, mon enfant. Non, non, c'est inutile. Je dois
me sacrifier à ton bonheur. N'insiste pas, te dis-je. Mon cœur de
mère ne saurait résister à tes prières. Laisse-moi, laisse-moi : il le
faut, Ne m'attendris pas par tes larmes. Et vous, Monsieur mon
gendre, pas un mot. Je vous demande seulement de rendre ma
fille heureuse. Et pour vous arrcher à jamais du cœur la passion
funeste que j'y ai fait involontairement naître, je vous déclare
que vous me voyez aujourd'hui pour la dernière fois.
Ernest
Vrai?
Mme du Mouillard
Sur mon honneur de du Mouillard.
Ernest, s'affaissant dans un fauteuil
Ah je m'évanouis... (Il se trouve mal. A lui-même) de joie...
!
Isabelle
Comme il l'aime !...
Mme du Mouillard, à elle-même
Pauvre garçon.
Octave, tapant dans les mains d'Ernest, passe 3
Reviens à toi, mon vieux.
Ernest, bas à Octave
Attends qu'elle soit partie.
Octave
Ah bon !... (Il lui tape toujours dans les mains.)
!
Mme du Mouillard
Adieu, ma fille... (Elle l'embrasse.)
Isabelle, froidement
Adieu, maman.
Ernest, à Octave
Tape moins fort, mon vieux.
Euphémie (3), entrant du 1er plan droite
La voiture est en bas. (Elle sort 1er plan droite.)
Mme du Mouillard, à sa fille
Je t'enverrai mon adresse : tu me feras parvenir mes affaires.
Isabelle, même jeu
Oui, oui... je t'accompagne. (A Octave.) Occupez-vous de lui.
Octave
Soyez sans crainte.
(Elles sortent fond, 3e plan droite.)
Isabelle, à sa mère
Passe, maman.
SCÈNE VI
Octave, Ernest
Ernest, se redressant comme mû par un ressort, passe à gauche 1
Partie?
Octave (2)
Partie.
Ernest, fou de joie, exultant
Ah Octave !... Ah mon vieux !...Ah c'est à devenir fou de
! ! !
autre attaque.
Isabelle
Soyez tranquille, elle ne remettra plus jamais les pieds ici.
Ernest
Jamais ?...
Isabelle
Jamais !...
Ernest, sanglotant à la blague
Oh ! c'est horrible !... horrible !...
Euphémie (3), annonçant
Madame est servie. (Elle sort.)
Isabelle
Monsieur Octave... Allons, viens, mon chéri.
Ernest
Je n'ai pas faim.
Octave
Il faut te faire une raison.
Ernest
Allons... Ça sera donc pour vous faire plaisir. Qu'est-ce qu'il
y a pour dîner?
Isabelle
Un tourne-dos-belle-maman.
Ernest, pousse un cri et simule un évanouissement. Il tombe
sur la chaise qui est à droite du guéridon
Ah !
Isabelle
Qu'est-ce qu'il y a, mon Dieu, qu'est-ce qu'il y a?
Octave
Vous avez dit : belle-maman. Ne prononcez jamais plus ce mot
ici... Voyez l'effet qu'il produit.
Isabelle, tapant dans les mains d'Ernest
Reviens à toi, mon chéri; reviens à toi. (Elle remonte.)
Ernest, bas
Dans un instant.
Isabelle, criant à la porte
Euphémie ! du vinaigre. (Elle redescend à Octave et à Ernest.)
Mon chéri ! mon chéri !...
Octave
Le voilà qui remue.
Ernest, semblant sortir d'un rêve
Où suis-je?
Isabelle
Dans mes bras, mon amour, dans mes bras.
Euphémie (4), rentrant et criant
Madame, tout le vinaigre est dans la salade. Mais j'ai apporté
du pouèvre. En voulez-vous t'y?...
Ernest, à Euphémie, passe 3
O huître précieuse ! Où donc as-tu caché ta perle?... Tiens, je
t'adore !
Isabelle, à Octave
La bonne, maintenant?...
Octave
Silence !... Le tourne-dos nous attend.
Isabelle
C'est juste.
(Octave lui offre le bras. Ils remontent vers le 2e plan gauche.)
Ernest
Qu'est-ce que je vais m'envoyer !
(Ils sortent 2e plan gauche.)
Euphémie, pendant que le rideau baisse
Imp.LEBOISFrères. — Bar-sur-Aube