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Proposition d'un modèle d'intelligence collective pour les écosystèmes


d'affaires

Article  in  Management & Avenir · December 2011


DOI: 10.3917/mav.046.0177

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Proposition d’un modèle d’intelligence
collective pour les écosystèmes d’affaires

par Serge Edouard et Anne Gratacap54

Résumé

Dans un contexte d’innovation forte, où l’on voit se multiplier les écosystèmes


d’affaires (EA) se pose la question de l’identification des processus
technologiques, organisationnels, institutionnels susceptibles d’assurer
leur soutenabilité. En effet, comment ce système complexe de relations
inter-organisationnelles variées parvient-il à émerger et à se maintenir
dans le temps ? Une des réponses à cette question peut être trouvée
en termes d’intelligence collective. Cette dernière est définie comme la
résolution par une communauté de problèmes de cognition, de coopération
et de coordination. Il s’agit ici de caractériser les instruments (plateforme,
leadership de type « keystone », modèle d’affaires communautaire) et
les processus (confiance institutionnelle, coopétition, management des
connaissances) qui font des EA des communautés stratégiques dotées
d’une certaine intelligence collective.

Abstract

This article presents a collective intelligence model applied to business


ecosystems. This aspect has forgotten by the literature (Moore, Iansti et
Levien, etc.). We insist about the technical, organizational and institutional
processes that reinforce the business ecosystem’s robustness. The business
ecosystems are some large strategic communities that are confronted to
some problems of cognition, coordination and cooperation. These problems
establish the question of collective intelligence. We distinguish two
dimensions: the instruments (platforms, leadership and business model) and
the processes (institutional trust, coopetition and knowledge management)
of the collective intelligence.

Les écosystèmes d’affaires (notés par la suite EA) tentent de dépasser le cadre
d’analyse traditionnel de l’économie industrielle et du management stratégique,
à savoir l’analyse sectorielle. Dans son ouvrage séminal, Moore (1996) voit l’EA
comme « une communauté d’affaires et d’individus qui co-évoluent, partagent
une ou plusieurs ressources sur la base d’une destinée stratégique collective ».
Un EA transcende les frontières, et de l’organisation, et du secteur, et modifie la
nature même de la concurrence (Moore, 1996, 1998). Gueguen et Torrès (2004)
inscrivent les EA comme une approche complémentaire des théories en place,
54. ANNE GRATACAP, Université Paris 1 Pantéon-Sorbonne, PRISM Sorbonne, anne.gratacap@sfr.fr

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mieux adaptée pour comprendre des situations concurrentielles combinant une


grande hétérogénéité des acteurs avec des interactions complexes. De fait, c’est
l’ensemble de nos représentations d’une organisation et de son insertion dans
son environnement concurrentiel qui se voit remis en cause. De manière plus
opérationnelle, c’est l’ensemble des outils de gestion, développés dans un cadre
organisationnel bien identifié (l’entreprise, le groupe) qui se verraient aujourd’hui
questionnés si l’on adopte la logique des EA. En effet, l’unité d’analyse ne
serait plus l’entreprise (ou le secteur), mais un réseau d’organisations, plus ou
moins hiérarchique, réunies par des relations complexes de « coopétition »,
autour d’une ou plusieurs entreprises leaders, en vue de faire d’innovations
collectives des standards techniques et commerciaux. L’objectif d’un EA et de
son leader serait d’impulser des innovations dans un champ technologique non
fermé, d’engager l’ensemble de ses membres sur une trajectoire technologique
originale et soutenable en termes de rentabilité. D’où le foisonnement observé
du terme d’écosystème dans la presse économique et la littérature en conseil
d’entreprise. Le terme d’EA désigne à la fois une entreprise, et sa stratégie : les
EA de Linux, d’Apple, de Cisco, de SAP, d’Oracle, d’IBM ou de Twitter ; mais aussi
des domaines d’activités : EA de l’informatique, du PC, du commerce de détail,
du cloud computing. Dans tous les cas, le secteur d’activité concerne avant tout
les technologies de l’information et de la communication. L’EA désignerait alors
l’ensemble des relations qu’aurait l’une de ces entreprises dominantes avec un
grand nombre de producteurs de services et de produits complémentaires.

Dans un contexte d’innovation forte, où l’on voit se multiplier les EA, se pose
la question de l’identification des processus technologiques, organisationnels et
institutionnels susceptibles d’assurer la robustesse et la fiabilité de la relation entre
des centaines, voire des milliers d’organisations partenaires qui ne se connaissent
pas forcément, mais qui doivent travailler ensemble. Iansiti et Levien (2004) ont
dénombré pas moins de 38 338 organisations membres de l’EA de Microsoft,
appartenant à 32 segments industriels. En effet, un des enjeux dans un système
d’innovation ouverte est d’établir une relation partenariale, d’échange réciproque
entre les contributeurs à l’EA afin de faire naître un avantage concurrentiel
susceptible d’assurer sa pérennité. Comment ce système complexe de relations
inter-organisationnelles variées parvient-il à émerger et à se maintenir dans le
temps ? L’EA est donc d’abord confronté à un problème d’adéquation entre des
comportements sans logique a priori convergente : comment être certain que les
membres de l’EA, l’entreprise leader en premier chef, s’engageront à atteindre les
objectifs communs ? Ensuite à un problème de coordination : sous l’hypothèse
de comportements coopératifs, qui fait quoi ? Enfin, à un problème de cognition :
comment ? La résolution de ces problèmes correspond à ce que Surowiecki
(2008) dénomme « la sagesse des foules » ou « l’intelligence collective ».

L’une des problématiques récentes associée à la littérature sur les EA est le


management communautaire des connaissances à travers le développement de

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plateformes techniques inter-organisationnelles (Iansiti et Levien, 2004 ; Evans et
Schmalensee, 2007). La question sous-jacente est la suivante : comment un EA
parvient-il à collecter des informations disséminées en interne et à l’extérieur, à
les transformer en connaissances partagées, puis en connaissances actionnables
venant supporter la vision stratégique de la communauté, et ceci dans un contexte
de coopétition ? Autrement dit, il est intéressant de comprendre comment des
entreprises davantage habituées à s’affronter sur les marchés, à se surveiller,
à se surprendre, voire à se défendre, parviennent à cohabiter et à partager de
l’information critique en vue de renforcer la rente pour l’EA55 et de développer
cette intelligence collective. L’objet de cet article est de présenter les sources
de l’intelligence collective d’un EA, répondant ainsi en partie à la question de sa
robustesse dans le temps et de sa performance.

Dans un premier temps, nous définirons ce que nous entendons par intelligence
collective pour une communauté d’organisations, terme qui a surtout foisonné
dans la littérature managériale et sur les relations intra-organisationnelles (Zara,
2008). La seconde partie abordera les trois variables identifiées dans la littérature
comme facteurs de production de cette intelligence collective : coopétition,
management des connaissances et confiance institutionnelle. L’enjeu est ici
d’expliciter un modèle synthétique (intégrant l’ensemble des variables pertinentes)
des sources de l’intelligence collective au sein des EA. La construction de ce
modèle d’intelligence collective pour les EA s’appuiera également sur plusieurs
illustrations qui traduisent des configurations d’EA très différentes : Microsoft,
Linux et Apple.

1. La démarche d’intelligence collective au sein des EA

1.1. Définition et rôle de l’intelligence collective


L’organisation se comprend aujourd’hui comme un « système intelligent », un
« système agile » au sens de H. Simon, i.e. doté d’une aptitude à s’adapter face
à des modifications complexes de son environnement, tant interne qu’externe,
en modifiant sa base de connaissances et de capacités cognitives collectives
(règles, conventions, routines, etc.). L’organisation n’a donc pas pour seule
mission d’assurer une simple gestion de l’information, mais elle constitue un
véritable socle de recueil et de mobilisation de la connaissance. L’intelligence et
l’agilité organisationnelles peuvent s’entendre comme l’ensemble des aptitudes
qui visent à créer de la valeur au cours d’une relation, dans un environnement
donné, à travers le partage d’informations et de connaissances.

55. Il faut comprendre la rente d’EA comme une quasi-rente organisationnelle, ici celle d’un réseau stratégique constitué d’organisations
réunies par des relations de coopétition. Quelles en sont les sources ? Le déploiement et l’utilisation d’actifs spécifiques communautaires,
l’exploitation de capitaux relationnels, les économies de coûts de coordination, etc. Elle résulte de l’avantage concurrentiel d’un EA.

179
46

L’intelligence collective doit être distinguée de l’action collective. L’action


collective désigne les projets coopératifs de mise en commun de ressources en
vue de réaliser une activité et d’atteindre une ou plusieurs finalités. L’intelligence
collective va au-delà de cette seule mise en commun de ressources. Elle suppose
interaction et fertilisation croisées, donc présente un caractère plus innovant,
entre participants à l’occasion de ces projets ou de la résolution de problèmes.
Elle désigne une intelligence partagée par une communauté qui émerge de
la coopération et compétition d’un très grand nombre d’acteurs (individus,
organisations), un « nous savons ensemble ». La « swarm intelligence » est
cette intelligence collective où chaque membre de la communauté sait ce qu’il
a à faire sans recevoir, en permanence, ou devoir aller prendre ses ordres
du leader, bref sans supervision (Bonabeau et Meyer, 2001). Le modèle
comportemental et organisationnel est celui des colonies d’insectes sociaux
(fourmis, abeilles). L’infrastructure technologique et organisationnelle de l’EA
facilite la décentralisation des informations et des décisions multiples, et renforce
cette propriété d’auto-organisation.

En reprenant les travaux de Surowiecki (2008), il semble possible de synthétiser


le rôle de l’intelligence collective à trois dimensions :

- La première dimension touche la sphère de la cognition. En effet,


l’intelligence collective est au service de la résolution d’un problème de
cognition consistant à trouver une solution unique à un problème qui se
pose à la communauté. Les acteurs doivent rester indépendants les uns
des autres pour imaginer des solutions intelligentes et éviter de sombrer
dans le conformisme et le mimétisme généralisé. La solution collective
est d’autant meilleure que les acteurs ont des opinions et des solutions
divergentes, en facilitant l’exploration56.

- La deuxième dimension touche aux modalités de coordination entre


acteurs, la coordination consistant à organiser les actions des différents
acteurs afin d’éviter toute forme de redondance, gaspillage, mésentente,
etc. La coordination associée à l’intelligence collective est une forte
décentralisation, qui encourage indépendance et spécialisation,
complétée de mécanismes d’agrégation de l’information pour qu’une
solution, une décision collective émerge. La théorie économique a mis en
avance des dispositifs de coordination : prix, points focaux, conventions,
institutions.

- Enfin le troisième rôle assumé par l’intelligence collective est celui de


la coopération, consistant à faire travailler ensemble des entités qui n’ont
pas les mêmes intérêts. Dans la compétition émerge de la coopération.
56. Un EA se caractérise par des dynamiques d’exploration collective mais, à l’inverse, l’exploitation des innovations relève de la seule
stratégie de chaque membre. D’où la dominance de coopétition dans les EA.

180
Cette dernière s’appuie notamment sur de la confiance interpersonnelle
contextualisée à une situation d’interaction (trust) ou la propension
individuelle à faire confiance (confidence), mais pas seulement comme
nous allons le voir.

1.2. Les instruments de l’intelligence collective


Un EA est une vaste communauté d’acteurs (concurrents, fournisseurs, clients,
utilisateurs, laboratoires publics, centres de formation) appartenant à plusieurs
secteurs et systèmes de valeur, initiée, animée et structurée par une entreprise
leader, via des outils partagés (des plateformes collaboratives), des valeurs et
règles du jeu sur la création et le partage de la valeur, et une vision stratégique
commune en vue de développer des innovations, d’imposer des standards,
bref de s’inscrire dans une trajectoire technologique originale et durable
(Moore, 1996 ; Gueguen et Torres, 2004). Cette approche étudie les propriétés
de résilience face à des chocs exogènes, de robustesse face à l’irruption de
nouvelles espèces organisationnelles au voisinage de cette communauté, mais
aussi cherche à mesurer le degré d’hétéronomie des acteurs, certes disparates
mais aussi complémentaires, le degré de complexité des interactions et leur
capacité à innover.

Trois instruments de l’intelligence collective ont été repérés, au sein de la littérature


sur les EA, afin d’agir comme des leviers d’action. Il s’agit de la plateforme, du
modèle d’affaires et de la nature du leadership exercé par la firme pivot.

La plateforme communautaire

Dès lors, l’une des conditions nécessaires à la structuration de telles communautés


partageant un même destin stratégique est la configuration de plateformes
technologiques, définies comme un ensemble de solutions techniques et de
services disponibles pour résoudre des problèmes que chaque membre peut
rencontrer sans faire intervenir systématiquement le leader (Iansiti et Levien,
2004). Ces plateformes prennent la forme d’interfaces (ex : Web service,
Applicating programming interfaces ou API) mais aussi de standards que chaque
membre améliore, et ces perfectionnements profitent à l’ensemble des autres
membres par des externalités de réseau indirectes57, générées par de fortes
interdépendances entre la demande et les offreurs d’applications ou de services
complémentaires. Dans la vie des affaires, de telles stratégies de plateforme
se multiplient dans ce qu’on appelle les marchés bifaces qui reposent sur un
« échange triangulaire » entre les offreurs, les demandeurs et le fournisseur de
la plateforme (Tableau 1a), ou des marchés multifaces (Tableau 1b).

57. Les externalités de réseau indirectes se distinguent des externalités de réseau directes, qualifiées également de rendements
croissants d’adoption d’une technologie par exemple (Arthur, 1994).

181
46

Tableau 1a. Exemples de plateformes sur des marchés bifaces


Côté 2
Marché Côté 1 Plateforme
Systèmes d’exploitation Utilisateurs Windows, Développeurs
des PC d’ordinateur Macintosh, Linux d’applications
Partage de vidéos Réalisateurs de clip YouTube Visionneurs
Chercheurs Monster.com,
Sites de recrutement Employeurs
d’emploi Hotjobs.com
Détenteurs de Diners Club, Visa,
Cartes de paiement Commerçants
cartes de crédit MasterCard
Xbox, Playstation,
Jeux vidéo Joueurs Développeurs de jeux
Wii
NYSE-Euronext,
Marchés financiers Acheteurs d’actions Entreprises côtées
NASDAQ, BATS,
Match.com,
Clubs de rencontre Hommes AmericanSingles. Femmes
com, Meetic
Sites d’enchères Acheteurs eBay Vendeurs

Tableau 1b. Exemples de plateformes sur des marchés multifaces : le cas d’Amazon.
com
Editeurs Librairies Critiques littéraires

Plateforme
Lecteurs Développeurs d’applications
Amazon.com (web services)

Une plateforme est un ensemble de solutions fournies par la communauté à un


ensemble de problèmes qui la concerne (console de jeu, logiciels, systèmes
d’exploitation, site Internet, etc.). Ces solutions techniques et services sont à
la disposition de chacun des membres de l’EA via des points d’accès ou des
interfaces. Pour Iansiti et Levien (2004), la plateforme constitue l’architecture
structurante de l’EA ; elle est le « package » par lequel la firme leader organise
la création de valeur (en offrant de multiples opportunités et en collectant de
multiples contributions) et le partage de la valeur entre les différents membres.
En ce sens, en étant le vecteur de l’innovation collective et ouverte, la plateforme
déplace la frontière technologique de l’EA.

Elle est le « catalyseur » de la mise en relation durable d’une multitude d’acteurs


qui, dans des conditions normales de marché, ne se seraient pas rencontrés
pour réaliser des transactions : consommateurs, utilisateurs, complémenteurs,
développeurs, etc. Cette réaction de catalyse est fortement créatrice de valeur :
une plateforme permet à des idées de se concrétiser et de rencontrer des usages
et des utilisateurs, qui eux-mêmes vont stimuler de nouvelles idées (Evans et

182
Schmalensee, 2007). L’enjeu pour le leader est de trouver un équilibre entre
maîtrise et ouverture de la plate-forme. Microsoft multiplie ainsi les plate-formes
selon les communautés d’utilisateurs ciblées : dans l’EA du PC avec Windows,
l’EA du cloud computing (informatique à distance) avec la plateforme Azure, l’EA
du jeu vidéo avec la Xbox.

Le modèle d’affaires communautaire

Les EA émergent et survivent à la condition que le leader et ses instruments


(plateforme, vision stratégique, valeurs) parviennent à faire vivre l’ensemble des
organisations membres de sa communauté stratégique. Sans proposition de
valeur, l’EA ne peut émerger et encore moins survivre. Une proposition de valeur
est une promesse implicite d’une entreprise à ses partenaires pour leur générer
un flux particulier de revenus. Moore (1996, p. 57) insiste bien sur l’aptitude d’une
entreprise à faire de son modèle d’affaires un modèle d’affaires communautaire :
« The central game of strategic management in moving from managing oneself
to leading a community of allies. Having a business model for your firm is not
enough. Executives must become ultrasophisticated at developing business
models for their respective communities ».

Un modèle d’affaires est performant à deux conditions : d’une part, il est créateur
de la valeur et, d’autre part, il capture une partie de cette valeur. Sa vocation est
donc d’assurer la cohérence entre création de valeur et partage de la valeur,
autrement dit, de décrire les rôles et les relations qu’entretiennent les acteurs
sur la valeur à créer et à partager. Cette mission suppose de définir les flux
d’informations, de connaissances et de compétences, de revenus et de produits
entre l’entreprise pivot, les fournisseurs, les consommateurs, les complémenteurs,
etc. Le modèle d’affaires, proposé par l’entreprise leader, doit permettre à tous
les membres de vivre de leurs innovations et d’exploiter les opportunités de
marché. Un EA ne survit, à long terme, que s’il offre un milieu d’abondance à ses
membres (ressources, opportunités, revenus).

L’exemple de l’iPad peut nous éclairer sur l’enjeu lié au modèle d’affaires. L’iPad,
lançé en mars 2010, est une tablette numérique tactile sur laquelle on peut jouer
(44% des applications testées), lire des livres et des journaux, regarder des films
et des photos, surfer sur Internet, consulter des mails, etc., ce qui laisse entrevoir
des perspectives de développement florissantes pour les différents acteurs de ce
large marché. Mais ce qui apparaît comme véritablement nouveau d’un point de
vue stratégique c’est l’opportunité qu’elle offre en autorisant le renouvellement
à la fois du marché du livre et de la presse numériques qui, jusqu’alors, n’ont
jamais rencontrés de modèles économiques rentables. La force d’Apple et de
son écosystème est de concentrer, dans un produit technologique comme l’iPad,
une réelle promesse de marché. Comme l’iPod l’avait fait dans le monde musical
et l’iPhone dans le monde des télécommunications, l’offre iPad, en tant que

183
46

plateforme matérielle et logicielle, contribue à réinventer les règles de l’évolution


de l’industrie des contenus (Institut Gartner). L’iPad, en s’appuyant sur iTunes
d’une part et les applications de l’iPhone d’autre part, va devenir une plateforme
incontournable, une sorte de « hub » de consommation de médias et, à ce titre là,
illustre parfaitement l’impact d’un modèle d’affaires communautaire. En effet, le
succès de l’iPad ne repose pas uniquement sur une trajectoire d’innovation iPod,
iPhone, iTunes conçue sur le long terme et qui renouvelle le marché. Il est aussi
le fruit d’un EA qui arrive à maturité dans un environnement technologique. En
effet, c’est bien grâce à la saturation progressive du marché du micro-ordinateur
et à l’émergence des technologies mobiles numériques (ordinateurs portables,
baladeurs, téléphones) qu’Apple a su construire, depuis l’iPod jusqu’à l’iPad,
au sein d’un écosystème, une relation unique, d’une part avec des partenaires
pour constituer l’offre, et d’autre part avec ses clients utilisateurs en proposant
un environnement complet de contenus, de chansons, de films, d’applications
et maintenant de livres vendus à petits prix sur une plate-forme de commerce
électronique.

Derrière cette dimension communautaire, deux enjeux importants apparaissent


pour caractériser le modèle d’affaires :

- D’une part, la coopération avec les partenaires pour constituer


l’offre. Une offre variée d’applications attire de fait un nombre croissant
d’utilisateurs. En témoigne le succès actuel de l’iPad face à ses
concurrents sous Android (Xoom de Motorola, Galaxy Tab de Samsumg
par exemple) : fin avril 2011, seules 7 000 applications étaient disponibles
pour les tablettes équipées de la version Honeycomb d’Android contre
75 000 applications spéciales iPad chez Apple, auxquelles il faut
ajouter les 350 000 autres applications disponibles sur l’App Store, en
grande majorité compatibles avec l’iPad. L’intérêt des développeurs
pour Android a été limité par deux raisons : (i) l’absence de règles de
répartition claire de la valeur et (ii) la fragmentation de l’EA Android avec
plusieurs leaders (Motorola, Samsung…), ces deux facteurs étant liés.

- D’autre part, la répartition de la rente entre ces mêmes partenaires.


Ainsi, Apple prélève 30% sur toutes les ventes d’applications (iPod) et
d’ouvrages (iPad), et laisse 70% du prix aux éditeurs ou développeurs.
Concernant l’iPad, les éditeurs sont libres de fixer le prix de vente, sauf
pour les best-sellers qui doivent afficher un prix inférieur à 10 dollars.

Dans l’optique d’Apple, le modèle d’affaires de l’EA est spécifique en ce sens


qu’il correspond à ce que Chesbrough (2006) dénomme un modèle d’affaires
ouvert (Figure 1) : la création de la valeur est collective et son partage aussi.
L’innovateur renonce pour partie aux droits de propriété qui assurent, dans
l’économie traditionnelle, la captation de la valeur par lui seul. Ce modèle

184
v

best-sellers

d’affaires communautaire d’Apple s’oppose notamment à celui de son concurrent


sur l’édition, Amazon avec son Kindle : Amazon fixe deux prix, 9,99$ pour les
best-sellers et une fourchette 12,99-14,99 dollars pour les autres ouvrages,
alors qu’Apple laisse plus de choix dans la fixation du prix aux offreurs, l’offre
numérique pouvant mieux s’ajuster à la demande.

Figure 1. Modèle d’affaires ouvert d’un EA vs modèle fermé


(adapté de Chesbrough, 2006, p. 17)



  

 

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   # $%

       




Si l’on considère l’EA de Microsoft, le cabinet d’étude IDC58 a quantifié la valeur


créée. En 2010, ce sont 580 milliards de dollars de revenus qui ont été générés
(contre 475 milliards en 2007), par 700 000 entreprises (les deux tiers sont des
PME nationales). Le chiffre d’affaires de Microsoft ne contribue que pour 62,5
milliards de dollars (mais 95% de ce chiffre d’affaires est généré par les relations
avec les partenaires de Microsoft). L’EA emploie 15 millions de salariés (42%
des collaborateurs de toutes les sociétés des TIC et départements des systèmes
d’information tous secteurs confondus). Pour chaque dollar gagné par Microsoft,
8,70 dollars sont gagnés par ses partenaires (4,27 dollars par les sociétés de
hardware, 1,99 dollar par les sociétés de software et 2,44 dollars par les sociétés
de services). Les partenaires de Microsoft qui investissent le plus dans l’EA
présentent aussi un revenu par employé de 28% supérieur à celui des autres
membres.
58. www.idc.com

185
46

Le leadership

Moore (1996) fait du leadership d’un EA l’une des sources principales d’un
avantage concurrentiel des grandes entreprises actuelles. Comment ce leadership
s’obtient-il ? Avec le temps, à travers les étapes du cycle de vie de l’EA. Mais
aussi par l’aptitude de l’entreprise à combiner et partager des compétences
clés dispersées et définir des valeurs « holistiques » (Moore, 1996, p. 52). Trois
modes de configuration inter-organisationnelle sont identifiés en fonction du type
de leadership (Iansiti et Levien, 2004).

- Les « dominants physiques » cherchent à devenir les propriétaires


de leur EA, à le contrôler directement (rachat d’entreprises, alliances,
mise en place d’ERP ou d’outils de supply chain, bref d’imposer son
SI), à réduire et absorber ce réseau complexe de relations. L’enjeu est
d’extraire le maximum de valeur des actifs contrôlés le plus rapidement
possible. L’absence de plateforme traduit probablement le fait que nous
ne sommes pas en présence d’un véritable EA. L’exemple de Cisco et
de sa stratégie agressive de fusions-acquisitions visant à contrôler de
façon rapide son EA en captant notamment son système d’information
inter-organisationnel (Li, 2009) démontre la volonté de la firme pivot de
devenir propriétaire de l’organisation. Elle recherche le contrôle direct,
tout comme Wal-Mart a pu le faire en son temps, une fois quasi-épuisées
les ressources issues de relations complexes. Le souci de faire vivre, et
bien vivre, les autres acteurs de la communauté ne caractérise plus l’EA
(la question peut d’ailleurs se poser de savoir s’il s’agit alors toujours
d’un EA ?).

- Les « centres d’affaires » ou « landlords » visent également un contrôle,


mais plus limité et indirect, de l’EA, notamment en prenant le contrôle
des nœuds critiques. Dans une perspective réticulaire, le leader cherche
à s’imposer comme tertius gaudens, à exploiter des trous structuraux
entre des acteurs complémentaires qui ne se connaissent pas (Burt,
1992), à rester maître des ponts entre acteurs. Cela passe par exemple
par la mise en place d’une plateforme configurée et alimentée par le
seul leader. La plateforme propriétaire type Apple avec sa plateforme
iPod/iTunes constitue une illustration de ces « centres d’affaires ».

- Les « firmes pivots » ou « keystones », qu’on peut qualifier de


dominateurs par les valeurs, conçoivent l’EA comme un réseau
communautaire de relations décentralisées. Leur objectif est d’améliorer
la santé de l’EA (et pas seulement la leur) en fournissant des actifs
spécifiques qui, au final, leur échapperont pour partie. La performance
de l’EA ne se mesure pas à la valeur appropriée par le leader mais bien
à la création de valeur pour l’ensemble de la communauté, à sa capacité

186
à développer des niches innovantes (niches players) et à recruter
d’autres acteurs, à développer des compétences écosystémiques. Les
plateformes collaboratives hybrides ou ouvertes sont au cœur d’un tel
leadership en permettant à chacun de développer des applications,
des services qui profiteront à l’ensemble des membres. La plateforme
d’Amazon.com ou de Linux en sont deux illustrations.

Pour la communauté du logiciel libre59, l’EA constitue l’organisation industrielle


la mieux adaptée à la gestion de la rareté que la chaîne de valeur. Alors que
cette dernière permet la gestion de la rareté « artificiellement créée » des copies
d’un logiciel (Microsoft, Apple, etc.) dans une logique propriétaire, le logiciel libre
supprime cette rareté mais révèle d’autres raretés que seule une organisation en
EA est à même de gérer :

Ressources rares révélées dans la communauté du logiciel libre justifiant son


organisation en EA
Grand nombre de consultants et de développeurs individuels,
absence d’un recensement des compétences individuelles
(qui sait faire quoi ?). Emergence de nombreuses sociétés de
Les compétences service de logiciel libre (SS2L) afin de « gérer cette rareté » :
Smile, Linagora, Alterway en France. Plutôt que vendre un
droit d’usage sur une application, il s’agit de commercialiser un
savoir-faire, une expertise.
Les moyens de Microsoft (en serveurs) ne se retrouvent pas
dans le logiciel libre. Plusieurs contributeurs fournissent un
L’infrastructure environnement complet de développement (SourceForge,
Github), une plateforme globale dédiée à un projet
informatique.

Absence de réseau de distribution de solutions standardisées.


RedHat (entreprise US) distribue son système d’exploitation pour
L’industrialisation les entreprises (RedHat Entreprise Linux), tout en fournissant
aussi des plateformes logiciels Linux pour l’ensemble des
besoins de ses clients.

« Un logiciel sans communauté a rarement beaucoup de valeur.


La communauté L’accès à une communauté (décision, interaction, vision sur
l’évolution technologique) est une ressource rare » (Cf. Linux).

* Source : R. di Cosmo, op. cit.


** Dans la suite de l’article, nous reviendrons sur les procédures d’accès à la communauté Linux,
notamment en mettant en avant le rôle de la confiance communautaire.

Moore (1998) définit une nouvelle forme organisationnelle, celle qui mobilise
une plateforme, parvient à proposer un modèle d’affaires communautaire et, de-

59. Source : Présentation de Roberto di Cosmo aux Journées Nationales des MIAGES, 12-13 mai 2011, Faculté des Sciences d’Orsay.

187
46

là, à définir une vision stratégique et des valeurs partagées : la « E-form », en


opposition à la « M-Form » de la théorie économique de la firme.

2. Les sources de l’intelligence collective

La robustesse des EA s’appuie sur trois pratiques fortement ancrées dans ces
communautés et qui leur sont originales : un management des connaissances
communautaire, de la coopétition et une confiance écosystémique. Ces trois
éléments constituent les sources de l’intelligence collective, ceux qui permettent
de résoudre les trois problèmes de cognition, coordination et coopération.

2.1. Management communautaire des connaissances


Le management de la connaissance désigne un système d’information composé
d’outils, de procédures et de pratiques pour la gestion, en particulier le partage
en interne, de l’information et de la connaissance dans l’organisation, en vue
d’améliorer sa performance, notamment en favorisant l’apprentissage collectif et
la transformation de la connaissance tacite en une connaissance explicite.

Zara (2008) remarque que le management de la connaissance interagit fortement


avec l’intelligence collective pour former une organisation ou une communauté
intelligente :

- Des mécanismes de collecte des données, à l’extérieur et l’intérieur,


en s’appuyant prioritairement sur les membres de l’organisation
collectivement sensibilisés à ces démarches de « veille intelligente ».
L’objectif que doit se fixer toute entreprise est alors de structurer
l’organisation en « réseaux de capteurs », de veilleurs.
- Des mécanismes de filtrage et de classement des données
susceptibles de répondre avec efficacité, voire efficience, aux questions
suivantes : Que doit-on conserver dans la mémoire organisationnelle la
communauté ? Quelles informations peuvent être considérées comme
stratégiques ? Quelles données apparaissent comme pertinentes
aujourd’hui tout en étant tout aussi sensibles demain alors que
l’environnement aura évolué ?
- Un processus d’interprétation et d’analyse de ses informations pour
en faire des connaissances clés, notamment à travers des cercles de
réflexion et d’experts, mobilisés sur un problème. Les outils collaboratifs
ou participatifs, de type web 2.0, ont évidemment favorisé l’émergence
de ces pratiques, à travers les forums de discussion et les débats
interactifs virtuels en interne.
- Un processus de traçabilité des connaissances afin de les extraire
rapidement, au moment opportun, et de les destiner au décideur le plus
qualifié pour les utiliser.

188
L’intelligence collective est un processus de transformation informationnel qui
s’appuie sur deux dimensions. D’une part, ils reposent sur une infrastructure
technique, non plus seulement orientée vers l’optimisation des processus, mais
aussi vers leur adaptation à travers la plateforme communautaire. D’autre part, ils
se fondent sur des « capacités cognitives collectives » permettant la collecte des
données, l’interprétation des informations, leur transformation en connaissances
actionnables et, sur cette base de connaissances, la prise de décision. La figure
2 permet de schématiser ce processus.

Figure 2. Architecture du système de management des connaissances

Capacités Collecte Interprétation


Apprentissage
cognitives (scanning) (donner du sens aux données)
collectives

Processus Connaissances
Données Informations Connaissances Décisions
informationnels actionnables

Systèmes à base de connaissances


Infrastructure
technologique Plateforme, cloud computing, API, web
services …

Des processus informationnels intelligents, permettent la découverte de


connaissances. Les sciences de l’information ont fait d’énormes progrès
ces derniers temps avec les sciences cognitives (agents intelligents, réseaux
neuronaux, apprentissages et raisonnements automatiques), et les techniques et
outils s’implantent peu à peu dans les entreprises. Cela se traduit, par exemple,
par des capacités de data mining, des applications d’analyse de textes, des
worflows, le développement d’outils collaboratifs tel le web 2.0, où la distinction
entre le producteur de contenu et l’utilisateur s’estompe. Les « systèmes à base
de connaissances » (SBC, anciennement dénommés « systèmes experts »)
tendent à remplacer les systèmes d’information, ou en tout cas de développer
leur aspect d’aide à la décision. Ces systèmes permettent d’opérationnaliser des
connaissances portant sur le traitement ou la résolution d’un problème complexe
donné. Ils permettent donc une résolution semi-automatique des problèmes.
Les SBC sont un système technique, combinant des outils informatiques, des
langages de modélisation des problèmes (par exemple, le langage XML), et un
système d’usage avec la prise en compte des pratiques et du contexte (Charlet,
2005).

Cependant, l’infrastructure technique s’inscrit notamment dans des dispositifs


cognitifs collectifs et des systèmes de représentation organisationnels. Ces
capacités cognitives collectives facilitent le processus de transformation des

189
46

données en décisions à travers plusieurs étapes, et sont de natures variées :


capacité d’absorption (Cohen et Levinthal, 1990), capacité d’apprentissage
collectif en double boucle (Argyris et Schon, 1978), capacité d’interprétation
(Daft et Weick, 1984), etc. Une architecture du management des connaissances
devenue complexe se dessine alors progressivement.

Iansiti et Levien (2004) évaluent la marge totale de Wal-Mart, dans l’activité de


grande distribution, à 22% de son chiffre d’affaires. Les deux tiers sont les bénéfices
générés par le management de l’écosystème, dont un quart (27,3% exactement)
au seul partage de l’information entre membres de l’EA. Cet exemple met en
évidence l’importance du management de l’information et de la connaissance
au sein d’un EA. Ainsi Moore (1996, p. 24) réaffirme que « les organisations
ont besoin de travailler ensemble, et d’utiliser des technologies de l’information
et des communications pour assembler réseaux et équipes virtuelles ». Reste
que les EA font face à un défi redoutable de centralisation et capitalisation
des connaissances, à l’échelle du réseau. « Cette base de connaissances
est incroyablement dispersée à travers d’innombrables sources, tant externes
qu’internes à la firme. Un processus efficace d’intégration, suffisamment large,
suppose un scanning externe général pour extraire les informations dont on
aurait besoin, et un travail en équipe dirigé et spécialisé pour son exécution »
(Iansiti et Levien, 2004, p. 174). Ces auteurs préconisent alors la création d’un
groupe d’intégration de la connaissance en vue de la constitution d’une base de
connaissances communautaires.

La figure 3 illustre le management communautaire des connaissances à travers


un processus de maillage de l’intelligence collective, du knowledgde management
et de la plateforme communautaire.

Figure 3. Le management communautaire des connaissances (adapté de Zara, 2008)

Intelligence Knowledge
collective management
Management

communautaire des
connaissances

Infrastructure

technique,
Technologies de

190
Lors du processus de management communautaire des connaissances,
l’intelligence collective apparaît comme la capacité à unir les intelligences
individuelles des différents partenaires de l’EA afin de réaliser un objectif
(innovation, commercialisation), ainsi que la capacité de ce collectif à s’interroger
et à fournir conjointement des réponses. De façon complémentaire, le knowledge
management sera lui plutôt orienté vers la capitalisation des connaissances et
leur partage à travers des processus de diffusion ayant notamment comme
soubassement technologique une plateforme d’échange communautaire.
Celle-ci organisée notamment autour de technologies de l’information, d’outils
de collaboration, etc., facilitera les flux relationnels et informationnels entre les
différents acteurs. La plateforme joue un rôle considérable dans l’accessibilité à
l’information, dans son stockage et son partage entre membre de l’EA.

Il est important d’observer, tout comme le fait Zara (2008) pour « l’organisation
intelligente », mais ici à un niveau que nous pouvons qualifier de méta-
organisationnel, puisque nous ne parlons pas « d’entreprise intelligente » mais
d’un ensemble d’entreprises intelligentes regroupé au sein d’un EA, que ces
trois piliers sont tout autant indispensables l’un que l’autre au processus de
management communautaire des connaissances. Nous insistons d’autant plus
sur cet aspect, que, si l’on reprend une des caractéristiques fondamentales de
l’EA qui est la co-évolution (voir ci-dessous), alors agir sur l’un des piliers, « c’est
faire évoluer les autres pour rétablir la cohérence de l’ensemble des piliers
(…) ». Si un des piliers fait défaut, ou n’a pas d’impact sur les autres, il convient
de s’interroger sur la notion même de management communautaire, qui plus est
au sein d’un EA ; en effet cela signifierait que les acteurs ne s’impactent pas les
uns les autres via les trois piliers décrits ici et qui ont pour vocation notamment
de structurer l’EA et de le pérenniser.

2.2. Une coopétition généralisée


La dynamique d’interaction de ces acteurs se caractérise par un processus de
co-évolution, c’est-à-dire que la décision de l’un d’eux affecte, positivement,
les décisions et les gains des autres membres (relations de symbiose ; Moore,
1996). Peltoniemi (2006) distingue trois formes de co-évolution qui cohabitent
au sein des EA : la « co-évolution concurrentielle » (ex : guerre des prix), la
« co-évolution d’exploitation » (domination d’une organisation, asymétrie
dans les transferts de compétences), et la « co-évolution coopérative » (ex :
développement de ressources et de compétences partagées). Ces relations de
co-évolution prennent ici la forme de relations de coopétition, où les concurrents
coopèrent aussi entre eux. Les membres s’affrontent dans le partage de la
valeur mais s’associent pour la co-créer (Moore, 1996, 82-83). Si la relation
dyadique prise isolément explique difficilement la possibilité de coopérer tout
en se faisant concurrence, la coopétition se révélant par essence instable (Park
et Russo, 1996), au sein d’un EA, elle s’inscrit dans un ensemble de relations

191
46

plus large, un « réseau de valeur » selon Brandenbeurger et Nalebuff (1996).


Ce dernier comprend l’entreprise et ses concurrents, mais aussi ses clients, ses
complémenteurs et ses fournisseurs. Ainsi, deux concurrents (dans l’édition de
logiciel par exemple) peuvent devenir complémenteurs de l’offre d’une troisième
entreprise (dans le hardware). La coopétition se révèle être un comportement
stable au sein des EA en présentant un horizon d’interaction à long terme et
des antécédents coopératifs forts (Pellegrin-Boucher et Gueguen, 2005). Dans le
secteur des TIC, la coopétition permet de répondre au raccourcissement du cycle
de vie des produits, au partage des dépenses de R&D de plus en plus élevées
et, surtout, au développement de plateformes et de standards qui assurent l’inter-
opérabilité de produits concurrents (Gnyawali et Park, 2011).

La coopétition peut être gérée par la firme leader, lui permettant d’organiser les
relations entre les membres de son EA. Pour Moore, la coopétition est un mode
de management des relations de l’EA par le leader. Par exemple, au sein de l’EA
de conception Boeing, pour le 787 Deamliner, les équipementiers du monde entier
ont été sollicités pour faire des propositions créatives sur les matériaux, le design,
les composants futurs. Concrètement, chaque proposition doit être compatible
avec les autres, à travers des plateformes de conception virtuelle en temps réel
et, de l’autre, les propositions retenues donnaient à l’équipementier le marché en
phase de production. Il y avait donc une association séquentielle et organisée par
Boeing entre une coopération nécessaire sur la conception et une compétition
pour emporter le contrat de co-traitance (Edouard et Gratacap, 2010). Un autre
exemple est le « sponsorship » dans le secteur de l’Internet. Cette stratégie
consiste à construire un réseau de sites web affiliés (et d’organisations) à travers
le sponsoring d’événements virtuels, la création de bandeaux publicitaires sur un
site partenaire (avec une commission sur tout achat faisant suite à un clic sur le
bandeau), etc. (Maître et Aladjidi, 1999 ; Drennan et Cornwell, 2004).

La coopétition désigne donc, à la suite de Brandenburger et Nalebuff (1996), un jeu


gagnant – gagnant (« win-win ») entre deux partenaires/concurrents (fournisseurs-
clients). Mais ces deux acteurs ne sont pas les seuls gagnants, et la définition large
de la coopétition que ces auteurs adoptent le laisse entendre. Tout un ensemble
d’autres acteurs membres de l’EA le sont aussi. Iansiti et Levien (2004), dans
une visée classique de l’écologie des organisations, indiquent trois critères de
performance d’un EA : la robustesse face à des chocs économiques, légaux ou
techniques, la productivité (aptitude à régénérer les opportunités d’innovations)
et l’aptitude de permettre à un grand nombre d’entreprises de développer leur
niche stratégique. On ne peut réduire les relations de coopétition au seul jeu
Win-Win ; ces relations de co-évolution bénéficient également au milieu qui les
accueille, l’EA dans son ensemble : promotion de standards par les rendements
croissants d’adoption (biens, processus, technique, etc.) et externalités positives
(notamment technologiques et managériales). Pour reprendre la philosophie
de Pascal Baudry, le leader de l’EA doit faire émerger un jeu Win-Win-Win :

192
« je gagne, tu gagnes et le reste y gagne aussi »60. Il s’agit du jeu du Win-Win
de la théorie des jeux auquel on rajoute un troisième acteur, souvent inconnu
des protagonistes directs, pour intégrer la dimension collective (le territoire, le
milieu, l’EA). Ici, tous les acteurs de l’EA vont gagner aux relations dyadiques
coopétitives qui vont se développer. On rejoint l’idée avancée par Moore (1996)
qui assimile l’EA à une communauté productrice de « biens publics » tangibles
(infrastructures techniques, financements) et intangibles (vision stratégique,
opportunités, innovations)61.

2.3. De la confiance écosystémique


La thématique de la confiance constitue un point aveugle de l’analyse en termes
d’EA (Edouard et Gratacap, 2011). Ainsi, la référence à la confiance est sous-
jacente à cette littérature, mais sa définition et sa caractérisation sont passées
sous silence62. De manière lapidaire, pour caractériser la coordination de l’EA du
PC, Sinofsky et Iansiti (2010) indiquent que lorsque l’environnement économique
et technologique menace l’EA, la confiance doit être reconstruite. Au-delà, les
liens entre la confiance institutionnelle et la confiance relationnelle, celle issue
des multiples interactions et échanges entre les membres de l’EA, devront
être précisés. L’enjeu est l’émergence d’une confiance institutionnelle, au sens
de Zucker (1986), venant pallier l’anonymat des acteurs au sein d’une vaste
société : la production de la confiance entre deux acteurs ne se connaissant
pas se fait via une tierce partie, un ou plusieurs médias, humains, techniques,
ou organisationnels. Ainsi, à côté des modes de production de la confiance
traditionnels, les caractéristiques intrinsèques (« caracteristic-based trust ») et
la relation (« process-based trust »), existe un troisième mode de production de
la confiance, l’institution (« institutional-based trust »). Dans ce cas, la confiance
est attachée à une structure formelle qui garantit les attributs spécifiques d’un
individu ou d’une organisation. Ainsi, dans la définition formelle de la confiance :
X fait confiance à Y pour faire Z

Y n’est plus nécessairement le partenaire, mais un ensemble de médias


institutionnalisés Yi que sont la plateforme, le modèle d’affaires communautaire
(le jeu Win-Win-Win) et le leadership (Edouard et Gratacap, 2011). Dans son
travail sur les places de marché et la confiance institutionnelle qui assure les
transactions entre acheteurs et vendeurs s’ignorant, Pavlou (2002) identifie cinq
mécanismes institutionnels, que nous illustrons avec le fonctionnement de l’EA
Linux.

60. P. Baudry (2007), Français et Américains. L’autre rive, 3ème édition, Village mondial, Pearson Editions. Nous remercions un
évaluateur de cette référence.
61. Dans cet article, le recours au concept de bien public (« public good ») vise à défendre les EA aux yeux des autorités de la
concurrence. Pour rappel, un bien public au sens de Paul Samuelson repose sur deux critères : le non-rivalité (la consommation du bien
par un agent n’empêche pas la consommation par les autres agents) et la non-exclusion (tous les agents ont libres accès au bien).
62. Le recours à l’analogie écologique par Moore (1993, 1996) et Iansiti et Levien (2004) peut expliquer l’absence de recours aux
approches économiques et sociologiques de la confiance.

193
46

- Superviseur central : supervision et sanctions avec la Free Software


Foundation63 qui, sous l’égide de R. Stallman depuis 1985, assure la
promotion du logiciel libre et la protection de ses utilisateurs. Elle a édicté
les quatre règles fondatrices du mouvement, a conçu les différentes
licences GNU-GPL, LGPL, FDL. Bref, elle a défini la philosophie du
logiciel libre et exclu sociétés et développeurs qui s’en écarteraient.
- Autorité d’accréditation : accréditation et exclusion (le noyau de
programmeurs responsables de modules et quasi gourous) ;
- Obligations légales : droits et obligations contractuels (General Public
Licence GNU-GPL) et adhésion aux règles du logiciel libre ;
- Mécanismes de feedback (retours d’expériences, notation) : effet de
réputation (évaluation d’adhésion d’un programmeur à la philosophie de
l’open source, qualité du travail pour rejoindre le noyau, non-anonymat
des contributions) ;
- Codes de bonne conduite : valeurs, standards de comportement,
principes d’action, signaux de fair-play (valeur d’entraide au sein du
noyau de développeurs et de la communauté des utilisateurs, état
d’esprit propre tendu vers la résolution des problèmes techniques,
partage des solutions, bénévolat).

Cette forme de production de confiance est intéressante dans le cas des EA à


double titre.

D’une part, autant les modes traditionnels, notamment la relation, permettent


de produire de la confiance seulement localement, autant les médiateurs
institutionnalisés permettent de produire une confiance généralisée. Pour une
vaste communauté stratégique, de milliers d’acteurs et d’organisations, il ne peut
y avoir qu’une confiance institutionnelle, sans exclure pour autant localement des
formes de confiance relationnelle.

D’autre part, Zucker (1986) souligne l’importance de la confiance institutionnelle


pour des communautés hétérogènes. Dans son travail, elle étudie les effets
de compensation qu’a permis la production de confiance institutionnelle face
à la hausse de l’hétérogénéité au sein de la société américaine : l’immigration
étrangère, l’exode rural et l’urbanisation, l’innovation et la création d’entreprises
dans de nouveaux secteurs sont autant de chocs qu’a pu encaisser et surmonter
la société américaine entre 1840 et 1820 par l’émergence d’institutions nouvelles
productrices d’une confiance généralisée. Pour chaque communauté, fonction
de son degré d’hétérogénéité, il existe un niveau de confiance nécessaire à
une bonne coordination, mais produite de manière à la fois complémentaire et
substituable par les interactions et les institutions.

63. www.fsf.org.

194
La confiance écosystémique désigne ici le fait que c’est l’ensemble des membres
de l’EA qui se font confiance parce que les dispositifs internes à l’EA de régulation
et d’assurance sont crédibles. Il ne s’agit pas seulement d’une confiance par des
dispositifs pour les utilisateurs, mais aussi pour les fournisseurs, développeurs,
complémenteurs. « La confiance systémique se construit sur le fait que l’autre fait
également confiance et que cette communauté de confiance devient consciente.
(…) La base rationnelle de la confiance systémique se trouve dans la confiance
des autres » (Luhmann, 1968, p. 82), et cette dernière ne peut s’ancrer que
sur des piliers institutionnels (règles endogènes ayant acquis le statut de règles
extériorisées) propres aux EA.

Ces deux modes de production de la confiance – relationnelle et institutionnelle


– ne sont pas indépendants l’un de l’autre. Rousseau et al. (1998) repèrent cette
complémentarité entre confiance relationnelle et confiance institutionnelle, mais
la situent dans le temps : au sein de la société ou de grandes organisations, la
confiance institutionnelle, impersonnelle est la première à assurer une coordination
d’ensemble, la confiance relationnelle prenant le relais avec le temps.

3. Conclusion : pour un modèle d’intelligence collective propre


aux EA

La première partie de ce travail nous a permis de distinguer les trois rôles


de l’intelligence collective. Il s’agit pour elle de répondre notamment à des
problématiques de cognition, de coopération et de coordination que nous avons
qualifiées ici au niveau des modalités de gestion spécifiques de l’EA. De même,
avons-nous identifiés les principaux instruments de gestion de l’EA : la plateforme,
le modèle d’affaires et le leadership.

A partir de ces deux niveaux, il nous est possible de jeter les bases d’un modèle
synthétique d’émergence et de développement de l’intelligence collective de l’EA
en introduisant la confiance institutionnelle, la coopétition et le management
des connaissances comme leviers d’action respectifs des trois dimensions de
coordination, de coopération et de cognition.

195
46

Tableau 2. Relations entre instruments et processus de l’intelligence collective


Processus
Instruments Confiance
Management des
Coopétition institutionnelle ou
connaissances
écosystémique

Constitution d’un
réseau de valeur
Partage d’informations
permettant à un
et de connaissances.
grand nombre de Transparence de
Compatibilité et
complémenteurs l’information, émergence
Plateforme développement de
de s’identifier, de d’une base de
standards en favorisant
s’interconnecter connaissances partagée.
les externalités de
et d’identifier les
réseau indirectes.
contributions des
autres.

Marché interne à l’EA


des connaissances
Partage de la rente entre
(modèle d’affaires Jeu gagnant-gagnant-
tous les membres.
Modèle d’affaires ouvert). gagnant (Win-Win-
Proposition de valeur
communautaire Connections des Win).
permettant de faire vivre
innovations internes Réseau de valeur.
tous les membres.
et externes à une
entreprise.
Vision stratégique
Développement de
Jeu coopératif à partagée, innovation
compétences et d’actifs
horizon infini. collective, soft
écosystèmiques
Leadership de type Risque d’opportunisme power (absence
par le leader avec
firme pivot réduit. de comportement
mise à disposition
Constitution de triades opportuniste du leader),
pour l’ensemble des
complètes. règles du jeu internes
membres de l’EA.
assurant l’autonomie.

Le lien entre les modalités ou problématiques de gestion, auxquelles répond


l’EA, et l’émergence de l’intelligence collective s’organise à travers les processus
suivants (Figure 4) :

- La confiance institutionnelle ou écosystémique facilite la résolution


des problèmes de coordination au sein d’une communauté vaste et
hétérogène. Elle entretient la décentralisation des actions, tout en faisant
de la plateforme ou de la vision stratégique du leader des mécanismes
puissants d’agrégation.
- La coopétition, contrairement à ce qu’a pu relever la littérature sur les
alliances bilatérales entre concurrents, est une relation stable au sein
des EA. Elle maintient diversité des stratégies et des contributions des
membres tout en assurant la coopération à travers l’explicitation des
complémentarités.
- Enfin, le management des connaissances résout les problèmes de
cognition, et fait de l’EA une machine de résolution des problèmes

196
collectifs. Il repose à la fois sur l’indépendance de chacun des membres
tout en reposant sur une multitude de relations inter-organisationnelles
(alliances, accord de R&D, entreprises virtuelles, contrats de long terme
ou de court terme).

Figure 4. Modèle d’émergence de l’intelligence collective au sein des EA

 
    






 
 
 


  
   
Problèmes
 
  

  


 



 

 


  Modalités de

 gestion au sein de
l’EA


 Instruments de

 
  gestion de l’EA

Grâce à l’étude du processus d’intelligence communautaire il nous est possible


d’entrevoir les frontières de l’EA, même si elles sont mouvantes. Dès qu’il s’agit
d’envisager le partage de l’information et la gestion des connaissances comme
nous l’avons fait, la nature des relations entre acteurs, donc le statut et la place
occupée par chacun d’eux s’en trouve nécessairement explicités. Que ce soit
en termes de frontières64 liées à l’efficience de l’EA, du pouvoir ou de l’influence
qui s’y exerce entre membres, ou bien encore des frontières de compétences
(capacité à développer et exploiter des ressources spécifiques) ou des frontières
identitaires (comment les membres de l’EA se définissent-ils ?), chacune des ces
dimensions est explorée à travers le prisme de la coordination, la coopération et
la cognition qui se trouve au centre du modèle.

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