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Théories des organisations

Introduction

La théorie des organisations est située aux confins de l’économie des organisations, de
la sociologie des organisations, de la gestion et de la science politique. Ainsi, l’économie des
organisations étudie l’organisation en tant qu’entité économique spécifique dans l'objectif
d’améliorer la prise de décision au sein de l’organisation. En revanche, la sociologie des
organisations a pour objectif d’améliorer la connaissance du comportement d’un groupe
d’individus formant l’organisation. Quant à la théorie des organisations, elle a pour objectif
d’analyser le fonctionnement de ces dernières, leur structuration et leur développement et de
proposer des améliorations.
Considérée comme une branche de l'économie, la théorie des organisations analyse la
totalité des arrangements institutionnels (entreprise, marché ou toute forme d'organisation
« hybride » [sous-traitance, concession, alliance, réseaux etc.]) permettant la mise en place de
la production et de l'échange de biens et services. Dans un sens plus restreint, la théorie des
organisations consiste à étudier l'organisation comme entité spécifique.
Jusque dans les années 80, les chercheurs se sont appuyés sur des approches classiques
(organisation scientifique et administrative du travail, relations humaines, bureaucratie...)
pour tenter de mieux faire comprendre ce qu'elles sont. Ensuite, la théorie des organisations a
vu s'imposer d'autres concepts comme l'analyse symbolique. Cette discipline étudie les
thèmes majeurs qui concernent les organisations à savoir, le pouvoir, les relations et les
rapports sociaux, l’analyse des configurations et l’analyse de la communication dans les
groupes.

Le développement de la théorie des organisations a suivi les évolutions politiques,


économiques et sociales qui ont marqué le XXe siècle. Née au début du XXe siècle, elle
constitue le résultat des efforts déployés par certains chefs d’entreprises, comme Taylor,
Fayol pour dégager des principes d’administration et de direction du travail. Elle s’est
développée tout particulièrement dans les années trente avec l’enquête effectuée dans l’usine
de la Western Electric dans la ville de Hawthorne. Elle s’est alors imposée en discipline
scientifique autonome regroupant des chercheurs de diverses branches des sciences humaines,
psychologues et psychosociologues, sociologues et économistes, juristes et historiens.

La théorie des organisations a pour but de rassembler dans un corps de doctrine unique
les connaissances acquises sur le fonctionnement des organisations, sur la manière dont il
convient de les diriger, sur le comportement des différents membres qui les composent, sur les
motivations de ceux-ci, sur les processus qui régissent la communication entre eux et sur la
manière dont ils prennent leur décision.

I- Qu’est ce qu’une organisation ?

Schein (1970), psychologue propose la définition suivante: « une organisation


c’est la coordination rationnelle des activités d’un certain nombre de personnes en vue de
poursuivre des buts et des objectifs implicites communs par une division du travail et des
fonctions et par une hiérarchie du travail et des responsabilités ».
Cette approche cherche à cerner avec précision ce qu’est une organisation en insistant
sur la coordination, les finalités, les aspects sociaux ou le pouvoir. Mais c’est une définition
difficile à manier car complexe et peu démonstrative.

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Dans une perspective plus opérationnelle, on peut proposer une autre définition comme
contre-exemple de celle de Schein, ainsi selon Howard Aldrich, sociologue (1979) : "Une
organisation, ce sont des systèmes d'activités dirigées vers un but et maintenant leurs
frontières".
Cette vision opérationnelle des organisations insiste sur leurs finalités et sur leurs réalisations.
La simplicité de cette définition permet de l’utiliser facilement. Mais, on peut la considérer
comme incomplète puisqu’elle ne mentionne pas les aspects sociaux et humains des
organisations. Elle privilégie une seule vision de l’organisation et, partant, ne permettra pas
de fédérer la théorie.

Plusieurs auteurs adoptent la définition donnée l'organisation par Crozier et Friedberg


(1977), sociologues qui définissent l'organisation comme: « la réponse au problème de
l’action collective ».
L’action collective traduit à la fois ce que sont les organisations et ce que font les
organisations. Elles mettent en œuvre des pratiques, elles sont constituées de personnes …
Henry Mintzberg, en donne une définition similaire. Pour lui, "L'organisation se définit
comme une action collective à la poursuite de la réalisation d'une mission commune".
Ces dernières définitions présentent l'avantage de fédérer les théories sans négliger aucun
aspect.

II- Pourquoi étudier l'organisation?

Deux raisons sont avancées pour justifier l’utilité de l’enseignement sur le fonctionnement des
organisations : l’importance et le rôle que jouent les organisations dans nos sociétés et la
nécessité d’y avoir recours dans la pratique de presque tous les métiers, c'est-à-dire pendant
l’exercice de toute activité professionnelle.

Premier argument: L’usage commun des organisations


Les organisations encadrent notre existence quotidienne depuis la naissance ( hôpital
ou maternité), jusqu'au décès (société de pompes funèbres) en passant par notre
développement dans la crèche, l'école, le collège, le lycée, l'université, puis notre activité où
nous sommes accueillis dans des organisations privées ou publiques : entreprises,
associations, administration. Nos besoins en nourriture, en habillement, en logement, en
loisirs et en d'autres services sont satisfaits par des
Organisations (entreprises ou administration). De même notre vieillesse est prise en charge
par des organisations (maisons de retraite)
Ce caractère prégnant des organisations dans notre existence justifie, dans le cadre d’une
culture générale, que soit enseigné le fonctionnement des organisations.

Deuxième argument: L’usage des connaissances sur les organisations.


Tous les métiers exercés exigent une connaissance du fonctionnement des
organisations pour mieux pratiquer les activités professionnelles. Ainsi un informaticien peut
connaitre des déboires dans la réalisation d'un projet Intranet car ce dernier est un ensemble
de systèmes d’information visant à faire coopérer les différents salariés d’une entreprise dans
leurs activités de travail quotidiennes. En effet, la simple mise en place de l’outil dans
l’entreprise n’est pas suffisante même si cette tâche éminemment technique, exigeant des
compétences en informatique, est absolument nécessaire. Isolée, la mise à disposition d’outils
peut aboutir à un cas fréquent de dysfonctionnement : une application disponible mais non

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utilisée par les utilisateurs potentiels. C'est la raison pour laquelle, que préalablement à cette
tâche, il convient:
- d’analyser les caractéristiques organisationnelles de l’entreprise : les entités qui la
composent et les activités qui les caractérisent,
- de définir des objectifs d’amélioration pour chacune de ces entités,
- de choisir pour chaque entité les outils qui permettent de répondre au mieux à ces objectifs
d’amélioration,
- d’intégrer les différents outils, pour finalement les installer.
Seule la dernière étape du projet exige des compétences à dominante informatique, les deux
premières nécessitent des compétences organisationnelles, la troisième étape nécessite un
mélange de compétences organisationnelles et informatiques.
On voit ainsi qu’un projet informatique de type Intranet, d’essence technique, a besoin pour
réussir d’utiliser, pour 75 à 80 % de ses tâches, des notions et des méthodes issues de la
théorie des organisations. C’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises recherchent
des informaticiens à double compétence : informatique et organisation.

Il en est de même pour le contrôleur de gestion qui doit mettre en place une
comptabilité par activités ou processus doit avoir une bonne connaissance des métiers et des
activités de l’entreprise et donc de l’organisation de celle-ci.
Le spécialiste du marketing n'est pas en reste puisqu'il aura recours, pour analyser son marché
et y répondre, à des théories de structuration de l’organisation en fonction des caractéristiques
de son environnement.
L’’objectif pour l’étude des organisations est donc de comprendre leur
fonctionnement, en utilisant de multiples perspectives, pour apprendre à agir dans les
organisations.

Troisième argument: une bonne organisation: levier de la performance


On s’accorde aujourd’hui à penser et à accepter que le fonctionnement de
l’organisation est un facteur déterminant de la performance, tant des entreprises situées en
milieu concurrentiel que des organismes publics.
A cet effet, Ronald Coase (économiste, 1937), considère que le recours au système
néoclassique des prix a un coût (remettant en cause l'hypothèse néoclassique d'information
parfaite, une des conditions de la concurrence pure et parfaite), et ce coût explique la
formation de structures collectives comme les entreprises ou les administrations, qui
contribuent à la réduction de ces coûts de transaction en imposant la coopération entre
employés. Autrement dit, le marché seul ne suffit pas à réguler l’économie.

III- L'Homme : raison d'être de l'organisation


Étudier l'organisation nous amène fatalement à étudier sa raison d'être à savoir
l'Homme. Ce dernier est au centre de toutes les disciplines du savoir. Il intéresse la
psychologie, la psychosociologie, la sociologie, l'Anthropologie, l'économie, le Management,
la Science politique.

La psychologie est une science qui étudie le comportement humain sous tous ses aspects
psychiques, normaux ou pathologiques.

La psychosociologie est une science qui étudie:


- le comportement des personnes dans les organisations, c'est-à-dire comment elles se
soumettent, acceptent ou refusent l’autorité;

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- le rôle de l’influence sociale, c'est-à-dire comment les leaders se comportent pour


convaincre les autres personnes ? Comment les individus apprennent dans les organisations et
comment cet apprentissage contribue à améliorer leurs performances ?

La sociologie étudie les groupes humains à savoir comment fonctionnent les groupes (c'est-à-
dire les unités, les services et les filiales qui composent une entreprise) ?
D'ailleurs, les organisations très anciennes comme les empires chinois, romain, babylonien
ainsi que les cités grecques, les corporations médiévales… ont été des modèles
d’organisation.

Cependant, la sociologie des organisations apparaît en 1920. Elle naît avec les
premiers pas de l’industrialisation et le développement des entreprises et du salariat. Les
sociologues vont alors tenter de répondre partiellement aux questions suivantes : quels sont
les types de pensée et d’action qui expliquent l’existence de certains types d’organisation ? A
cet effet, M. Weber propose un type de rationalité, dite rationalité instrumentale à travers des
objectifs de résultats, pour caractériser les organisations que sont les entreprises.

Autre question à laquelle la sociologie des organisations tentera de répondre :


comment les individus et les groupes d’individus coopèrent-ils dans les organisations ? Un
autre thème largement abordé par la sociologie concerne le changement organisationnel : que
se passe-t-il lorsque des événements marquants surviennent dans les organisations comme
une fusion d’entreprises, la mise en place d’une nouvelle technologie ? Comment les rôles et
les pratiques de travail évoluent à la suite de ces événements ?

L’anthropologie est elle aussi interpellée par l’étude des organisations, à travers notamment
la notion de culture organisationnelle, c’est-à-dire le système des significations, normes,
valeurs, règles acceptées collectivement par les membres d’une organisation. On assiste ainsi,
avec la culture d’entreprise, à la transposition de la notion de culture d’une société ethnique
ou nationale, organisation plus large, à celle d’une organisation plus restreinte : l’entreprise.
Les membres d’une administration comme celle de la justice ou de l’enseignement utilisent
dans leur activité professionnelle des normes, des valeurs, des règles différentes. Il en est de
même pour les membres d’une grande banque d’affaires et ceux d’une petite agence de
communication.

L’économie est une discipline dont est issu en grande partie le management. Elle a contribué
largement aux analyses des organisations. Ainsi au XVIIIe siècle, Adam Smith découvre le
secret de la productivité dans la division du travail et le machinisme. Les outils, les
équipements de production et la spécialisation des ouvriers permettent de produire plus avec
la même quantité d’heures de travail.

Plus récemment, la notion de coût de transaction, en faisant référence aux échanges sur
les marchés des biens et services, a mis en évidence les conditions qui pouvaient expliquer le
développement de grandes firmes : lorsque les coûts de transaction sont trop élevés il y a alors
tendance à internaliser, c'est-à-dire à développer les activités concernées en créant des unités
et en recrutant des salariés, ce qui conduit à une croissance de la taille de l’entreprise. Dans le
cas inverse, on externalise en ayant recours au marché. Ce faisant, et la taille de l’organisation
diminue.

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La science politique a apporté sa contribution à l’étude des organisations en s’intéressant aux


processus de décision et au pouvoir dans les organisations que sont les partis politiques ou
d’autres systèmes politiques comme les Etats.
Concernant le processus de décision, les questions suivantes sont posées de savoir:
- comment pour atteindre leurs objectifs les organisations agissent-elles ?
- quel est le processus qui les conduit à envisager différentes alternatives d’action?
- comment sélectionnent-elles une alternative et comment cette alternative est-elle mise
en œuvre ?
Par exemple, pour répondre aux besoins de sa clientèle asiatique plusieurs alternatives
peuvent-elles être envisagées par une entreprise telle:
- transporter et distribuer les produits fabriqués par des sites de production préexistants sur un
autre continent;
- créer des sites de production ailleurs;
- sous-traiter la production à un fabricant externe.

Quant au phénomène de pouvoir dans les organisations, il est défini comme suit: le
pouvoir d’une personne A sur une autre personne B correspond à la capacité pour A
d’influencer le comportement de B.
Les sources du pouvoir sont variées : la contrainte physique, l’argent, la contrainte morale
(séduction manipulation, idéologie), la confiance réciproque, l’intercompréhension …

Le management ou la gestion est une discipline récente qui est née de la prolifération des
organisations particulières que sont les entreprises. La gestion fait partie des sciences sociales

IV- L’organisation des entreprises


Les différentes réflexions et approches concernant l’organisation se sont développées
dans des champs très divers et constituent un domaine très vaste et très hétérogène. Ainsi, on
y trouve :
- des contributions de différentes sciences sociales, fournissant des théories généralement
ambitieuses ;
- mais également des pratiques et des outils liés à la nécessité d’une action sur la réalité,
marquée par leur inscription dans le temps.
Donc, la science de l'organisation ne s'est pas développée de manière linéaire. Comme toutes
les sciences humaines, elle a évolué selon un "enveloppement" perpétuel :
-des écoles et des théories les unes par les autres. Chaque mouvement s'est développé en
réaction contre celui qui le précédait, non sans en intégrer quelque partie, et s'est effacé
devant celui qui le suivait selon un processus analogue.
- on observe ainsi une oscillation perpétuelle entre une volonté normative à la recherche de
principes d'application immédiate et une tendance descriptive attachée à l'élaboration de
modèles toujours plus précis.
Le but est de montrer la richesse des regards et des approches possibles du phénomène
organisationnel et d'apprendre à décrypter, derrière tel concept ou tel vocable, le type
d'approche auquel l'utilisateur éventuel se réfère. Le but est aussi de fournir de larges grilles
d'analyse issues des sciences humaines et sociales.

Chapitre 1 L’organisation comme machine

C’est assez significatif lorsque l’on évoque le vocabulaire courant de la gestion de


l'entreprise ou de l'Administration : on parle de rouages qui doivent être bien huilés, de

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circuits, de contrôle ou encore de tableaux de bord. Ces mots renvoient à une métaphore
«machinique» : l'organisation est une machine, c'est-à-dire un ensemble d'éléments formels
agencés les uns par rapport aux autres et à partir desquels découle une efficacité plus ou
moins grande de l'organisation et où chacun doit y être à sa place. Il ne doit pas y avoir de
perte d'énergie ni de pannes. Tout doit être prévisible.
On voit bien qu'il y a là la métaphore première de l'organisation moderne, celle qui va donner
naissance à l'« organisation scientifique du travail » et à ses dérivés : machine technique
d'abord, à travers F.W. Taylor ; machine administrative ensuite, à travers H. Fayol.

Section 1 L'œuvre de Taylor.


Introduire de la rigueur « scientifique » dans quelque chose qui, jusqu'à présent,
fonctionnait de manière empirique, aléatoire, arbitraire : telle sera l'ambition des premiers
« organisateurs» au début du XXe siècle, et notamment de Frederick Winslow Taylor (1856-
1915).
Une des raisons des réactions variées et contradictoires suscitées par Taylor est que celui-ci
produit trois discours :
-celui d'un expert de la production industrielle (à l'origine spécialiste de la découpe des
métaux);
-celui d'un théoricien (qui propose une méthode générale d'organisation) ;
-et celui d'un doctrinaire (qui a une certaine philosophie des relations sociales dans
l'entreprise).

Paragraphe 1 Taylor et l'organisation scientifique du travail


L'application des idées de Taylor débouche sur trois grandes pratiques en matière
d'organisation du travail :
- L'observation minutieuse et le chronométrage permettent de décomposer le travail afin d'en
préparer une organisation «rationnelle». Il faut donc développer des techniques d'observation
et d'analyse (relevés de tâches, photos et films ...).
- La décomposition des gestes aboutit à structurer les tâches de manière précise et fortement
parcellisée. Par exemple, jusque dans les années soixante, confectionner une veste d'homme
fait intervenir 54 postes de travail différents. Pour ce faire, il faut notamment procéder à des
descriptions de postes afin de préciser la place qu'occupe chacun dans la division du travail,
surtout lorsqu'elle est poussée à l'extrême.
Ceci permet de calculer des temps qui seront alloués à l'opérateur pour effectuer sa tâche. Les
organisateurs professionnels des années 1930-1950 mettront en œuvre plusieurs méthodes
pour calculer les temps. Mais le raisonnement reste le même et constitue jusqu’à aujourd'hui
la base de nombreux systèmes de gestion.
Ce recours à la science permet, selon Taylor, de résoudre aussi les problèmes de relations
patrons-ouvriers : plus de contestation, car les décisions seront justes (l'ouvrier devra
travailler à un rythme étudié et recevra la rémunération correspondante). Plus d'arbitraire
patronal puisque le dirigeant adoptera des règles indiscutables.
Une organisation réglée comme une machine, au fonctionnement bien huilé, ne peut que
réconcilier tout le monde.
Ce qui apparaît aujourd'hui comme une approche classique de l'organisation, dont les
héritages sont nombreux, n'a pas manqué de susciter, dès l'époque de son apparition, de
nombreux débats dont certains ont eu longtemps une actualité frappante.
- Du côté des dirigeants, les enthousiastes et les sceptiques s'affrontaient. Ces derniers
s'inquiètent surtout du coût de la «méthode Taylor» (les nombreuses tâches d'études et de
préparation du travail) et des bouleversements que son application ne manquerait pas de faire
naître au sein de l'entreprise.

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- Du côté ouvriers, ces mêmes changements au niveau de l'atelier et les risques que pouvait
comporter cette réforme sur les rythmes de travail suscitèrent des protestations et même des
grèves (aux États-Unis puis en France). (1)
Après la première guerre mondiale, ces débats furent oubliés. Un accord assez général
commença alors à se faire sur la méthode, tant du côté patronal américain et européen que du
côté du gouvernement soviétique, arrivé entre temps au pouvoir et admirant l'efficacité des
usines américaines à laquelle la méthode Taylor avait tant contribué notamment avec la
réussite de Ford.

Paragraphe 2 Mise en œuvre de l'organisation scientifique du travail: Le Fordisme

Henry Ford (1873-1947) reprend les principes de l’OST. Il les applique à son usine en
introduisant le travail à la chaîne, mécanisé.
-En 1908, il lance le modèle T (standardisation de la production).
-En 1914, première chaîne de montage complète.
-En 1925, il produit en 1 jour ce qu’il produisait en 1 an en 1914.
La doctrine de Ford se décline en 2 grands points :
-Production de masse et spécialisation, il pense que la production de masse implique des
produits très simples où le nombre de types est réduit à l’extrême → machines rationalisées
→ spécialisation très forte de l’ouvrier → pas de formation nécessaire. Cette production de
masse à cadence rapide et à bas prix doit trouver des débouchés.
-Les hauts salaires sont un facteur de prospérité pour l’entreprise. Ford considérait qu’en
distribuant des salaires très élevés :
- il créerait des débouchés à ses propres produits ;
- il faciliterait l’acceptation de la mécanisation ;
- et il éviterait tout conflit social.
Section 2 L'apport de Henri Fayol.

Contemporain de F. Taylor (et aussi de M. Weber, voir infra.), H. Fayol (1841-1925)


est aussi un ingénieur, mais qui, lui, est devenu dirigeant d'entreprise. Il livre sa philosophie
de l'organisation en 1916 dans son ouvrage "Administration industrielle et générale".

Paragraphe 1 Fayol et la théorie administrative

Pour Fayol, une des fonctions essentielles de l'entreprise a jusqu'à présent été négligée,
la fonction « administrative ». En effet, au-delà de la production, de la finance et de la vente,
ce sont la prévoyance, l'organisation, le commandement, la coordination et le contrôle qui
assurent la réussite d'une entreprise.

La fonction administrative doit par conséquent être étudiée et enseignée. On retrouve


l'historique PODC (Planifier, Organiser, Diriger, Contrôler) qui fonde tout enseignement de
gestion dans le monde occidental.

1) Les troubles furent tels que Taylor fut convoqué pour se justifier devant une commission
d'enquête du Congrès américain.

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Paragraphe 2 Principes de la théorie administrative


Comme pour Taylor, l'entreprise doit appliquer quatorze principes rigoureux à savoir:
1. La division du travail : elle a pour but essentiel de produire plus et mieux avec le même
effort. Elle permet la spécialisation des fonctions et la séparation des pouvoirs.
2. Le principe d’autorité et de responsabilité : l’autorité, c’est le droit de commander et le
pouvoir de se faire obéir. La responsabilité accompagne l’exercice du pouvoir.

3. La discipline : c’est le respect des conventions qui ont pour objet l’obéissance, l’assiduité,
l’activité, la tenue, les signes extérieurs de respect.
4. L’unité de commandement : Fayol s’est opposé au modèle fonctionnel proposé par
Taylor. Il considère que la multiplicité des chefs est néfaste au bon fonctionnement des
entreprises. Pour une action quelconque, un agent ne doit recevoir des ordres que d’un seul
chef (ex. : les similitudes avec l'armée).
5. L’unité de direction : il ne doit y avoir qu’un seul responsable pour un ensemble
d’opérations visant le même but. La direction doit faire un effort de coordination de tous les
services en vue de la réalisation d’un même objectif.
6. La subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général : l’intérêt de l’individu est
secondaire par rapport à celui de l’organisation.
7. La rémunération du personnel : le mode de rémunérations est fondamental puisqu’il peut
avoir une influence considérable sur le fonctionnement de l’entreprise. La rémunération doit
dépendre de l’effort de chacun et doit être équitable. La rémunération doit être "aussi
satisfaisante que possible" pour le salarié et pour l'employeur.
8. La centralisation : Fayol considère qu’il s’agit d’un phénomène naturel. Selon lui, la taille
de l’entreprise, le caractère du chef et la valeur des subordonnées déterminent le degré de
centralisation.
9. La hiérarchie : chaque personne doit connaître sa position dans la hiérarchie de
l’entreprise. Les ordres et les informations suivent la ligne hiérarchique. La ligne hiérarchique
est un circuit imposé par l’unité de commandement (ex. : Citroën implantée en Chine et le
problème de culture).
10. L’ordre matériel et social : il contribue à l’efficience de l’entreprise. «Une place pour
chaque personne, chaque personne à sa place» (ex. : le premier travail du consultant est la
recherche de l'inutile).
11. L’équité : traiter les subordonnés sans aucune préférence personnelle (équité qui résulte
de la justice et de la bienveillance).
12. La stabilité du personnel : elle contribue à un meilleur résultat général (savoir-faire).
13. L’initiative : elle augmente le zèle et le rendement des salariés. Un responsable qui
accorde de l’initiative à ses salariés est supérieur à celui qui ne le fait pas.
14. L’union du personnel : il y a une recherche de l’harmonie dans la gestion du personnel.
Mieux vaut éviter de diviser pour régner.

Mais pour Fayol, il ne s'agit pas seulement du travail de production : c'est l'ensemble
de l'organisation et du management de l'entreprise qui est concerné.

Section 3 Max Weber (1864-1920): Le modèle wébérien de bureaucratie


On ne saurait terminer cette vision mécanique de l'organisation sans évoquer l'apport
de Max Weber. Cet auteur s'est posé la question de savoir comment s'y prendre pour
constituer une organisation efficiente?

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A cet effet, sa réflexion sur l'autorité l'amène à distinguer trois types d'autorité:
Paragraphe 1 L’autorité traditionnelle, fruit des mœurs et des coutumes du passé, qui
est subordonnée au pouvoir politique. Dans ce type d'autorité, c'est la personne et non la
fonction qui est investie de l'autorité. Ce type d'autorité se retrouve dans les sociétés
familiales, les transmissions par héritage.
Paragraphe 2 L’autorité charismatique d’un individu à qui l’on prête des qualités
exceptionnelles et des dons surnaturels. Il s'agit d'une autorité non transmissible car liée à la
personnalité du chef; après la disparition de ce dernier, ce type d'autorité tend à muer soit vers
l'autorité traditionnelle soit vers l'autorité rationnelle légale;

Paragraphe 3 L’autorité rationnelle légale, qui a été confiée à un individu en vertu d’une
compétence attestée et selon le critère légal de règles fixes connues de tous. Elle est
impersonnelle car c'est la fonction et non la personne qui est investie de l'autorité. A ce
propos, Weber considère que cette autorité est la plus efficace car les tâches sont définies par
des règles écrites, les liens hiérarchiques entre supérieurs et subordonnés sont réglementés par
des procédures précises et formelles.
Dans cette perspective, l'entreprise considérée comme une bureaucratie devient un
centre de la pratique rationnelle de la gestion.

Paragraphe 4 Weber et la rationalisation bureaucratique


Max Weber à l'instar de Taylor et de Fayol croit en le "one best way" pour la
prospérité. Si pour les deux derniers auteurs le meilleurs chemin est la productivité, Weber
opte pour la rationalisation bureaucratique comme meilleur chemin pour la prospérité.
Weber, sans qu'il soit préoccupé directement par les problèmes de gestion d'entreprise, a mis
au jour les caractéristiques de la bureaucratie. Ces caractéristiques bureaucratiques que doit
posséder toute organisation rationnelle sont:
- l'obéissance aux devoirs objectifs de la fonction;
- l'intégration au sein d’une hiérarchie fermement établie;
- la possession de solides compétences;
- le recrutement contractuel;
- la nomination aux postes sur la base du jugement des supérieurs en fonction de
qualifications attestées par un examen ou par la possession d’un diplôme;
- la rétribution sur la base d’une rémunération proportionnelle au rang occupé dans la
hiérarchie;
- l'évolution de carrière soumise au jugement des supérieurs;
- l'exercice de la fonction sans être propriétaire;
- la discipline et contrôle strictes.

Section 4 Enseignements à tirer de la vision "mécanique" de l'organisation


Pourquoi les théories classiques et celles qui s'en sont inspirées ont-elles eu, et ont
encore, une grande influence ?
Pour répondre à cette question, il faut voir en quoi les apports des auteurs de la vision
mécanique correspondent à des besoins permanents de la part des gestionnaires et des
dirigeants d'organisations. Cette vision basée sur des lois scientifiques et des règles offre un
cadre où peut se déployer la recherche d'ordre et de rationalité qui a attiré des adeptes parmi
les nouvelles élites industrielles dès le début du XXe siècle.
Quand bien même le modèle économique et de production de Taylor a subi l'usure du
temps, son schéma intellectuel, lui, perdurera. D'ailleurs, Taylor et dans une moindre mesure
Fayol dans leur recherche de rationalité fournissent, directement ou indirectement, des outils
pour l'action. On peut donc dire que tous ceux qui veulent faire de la gestion - ou de l'étude de

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l'homme au travail - un domaine « scientifique » sont peu ou prou des héritiers de l'ambition
taylorienne.

Taylor fait porter ses recherches sur l’organisation du travail en ateliers de production
au stade de l’exécution. Son centre d’intérêt est l’ouvrier, l’outil de production.
Fayol se préoccupe très peu de l’organisation du travail et beaucoup de l’organisation
administrative. Il met l’accent sur le rôle prépondérant du chef et sur les qualités qu’il doit
posséder.

Par ailleurs, Taylor, Fayol et Weber ont en commun une croyance en une rationalité illimitée,
qui permet de trouver les meilleures façons de produire et de gérer efficacement les
organisations.

Chapitre 2 L'organisation comme un organisme vivant: l'école des relations


Humaines.
Contrairement à l'école classique et à la théorie wébérienne de la bureaucratie qui
considèrent l'organisation comme une machine, l'école des relations humaines découvre que
l'aspect "relations entre les individus" est complètement ignoré. En ce sens, elle considère que
les problèmes qui existent au sein des organisations sont dus à des personnalités difficiles, aux
communications défectueuses et plus généralement à l'incompréhension entre individus. La
raison est donc plus psychosociologique que structurelle. Il est par conséquent possible de
pallier ces problèmes sans repenser les structures de travail.

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Ce courant de pensée aidée par la crise économique de 1929 remet en cause les
postulats de rationalité illimitée de l'école classique et de la théorie wébérienne de la
bureaucratie. Des facteurs tels que l'insatisfaction des ouvriers et les difficultés à gérer
scientifiquement les entreprises rend illusoire l'application du principe de rationalité illimitée.
A cet effet, les représentants de cette école de pensée proposent d'analyser et de
concevoir l’organisation comme un organisme vivant. Ceci, permet notamment de
comprendre l’action et l’incidence du milieu environnant et d’incorporer cette conception
dans le pilotage de l’organisation. L’organisation est composée de sous-systèmes reliés entre
eux et congruents avec leur environnement, pour sa survie ou mieux, pour son
développement. (NDLR il faut vérifier cette affirmation qui me semble en contradiction avec
les préceptes de l'école des RH)
L'école des relations humaines va prendre deux orientations:
- le courant interactionniste prenant en compte l’humain (Elton Mayo), avec ses désirs (F.
Herzberg) et ses besoins (A. Maslow) principalement;
- le courant lewinien de la dynamique du groupe et de leadership.

Section 1 Le courant interactionniste

Paragraphe 1 Elton Mayo (1880-1949)

Inventeur de l’école des relations humaines, Mayo, sur la base des études menées à la Western
Electric Company » de Hawthorne, montra avec la collaboration de Roethlisberger et
Dickson que le management basé sur l’unique récompense matérielle ne peut conduire
systématiquement à la rationalité dans le travail. L’ouvrier peut être motivé en humanisant les
conditions de travail. La participation des travailleurs et l’amélioration de l’environnement
social dans lequel ils remplissent leurs fonctions permettent d’améliorer le rendement du
personnel.

Mayo est considéré comme le fondateur de la sociologie en milieu industriel car il a


identifié les sources non économiques de la satisfaction au travail. En effet, il considère que la
satisfaction au travail peut provenir de la satisfaction des besoins de relation, de coopération,
d'appartenance à un groupe, d'être utile. Ces motivations sont plus bénéfiques que les
récompenses pécuniaires préconisées par Taylor.
A cet effet, il considère qu'une meilleure communication entre la direction et
l'employé peut améliorer la productivité.
Par ailleurs, Mayo considère que dans chaque structure il existe des organisations
formelles et plusieurs autres organisations non formelles. Ces dernières peuvent améliorer la
productivité si on leur donne la latitude de fixer leurs propres objectifs et leurs propres règles
et si on leur accorde l'intérêt et le respect nécessaires.

Paragraphe 2 Abraham Maslow et la hiérarchie des besoins


Maslow s’est rendu célèbre par sa théorie de la hiérarchie des besoins. Son idée directrice
affirme que le comportement humain au travail est d’autant plus positif et productif que
l’organisation lui procure la satisfaction de ses besoins. Ces besoins sont hiérarchisés allant
des plus élémentaires aux plus complexes.

Voyons à présent les différentes catégories de besoins et l’attitude du manager à


l’égard de chaque besoin.

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Théories des organisations

A. Maslow, "Motivation and


personality",1954
Traduction française
« Vers une psychologie de l’être »,
Editions Fayard, 1972.

1 Les besoins physiologiques


Ce sont les besoins relatifs à la nourriture, au logement, à l’eau, à l’air. Ce sont des besoins de
base incontournables. L’individu est prêt à accepter n’importe quel emploi qui lui permet de
satisfaire ces besoins physiologiques. Dans ces conditions, le manager doit chercher la
motivation de ses collaborateurs dans les augmentations de salaire, dans l’octroi d’avantages
sociaux.
2 Les besoins de sécurité
Se protéger, avoir un emploi stable, une retraite font partie des besoins de sécurité. Les
employés qui sont préoccupés par les besoins de sécurité s’attachent à leur emploi parce qu’il
leur procure ces besoins de sécurité. Dans ces conditions, le manager convaincu de
l’importance de ces besoins pour ses collaborateurs insiste sur le respect des procédures, des
règlements et des instructions convaincu qu’il est de leur strict respect par les employés.

Néanmoins, cette politique n’encourage pas l’innovation et la prise de risque


conduisant l’organisation à la sclérose.
3 Les besoins sociaux
Etre accepté par un groupe, écouté par les autres est recherché par les individus en
quête de besoins d’appartenance.
Ces besoins surgissent et taraudent l’individu une fois les besoins physiologiques et de
sécurité assouvis. L’employé cherche à nouer des relations interpersonnelles.
Par conséquent, le manager doit faciliter l’acceptation de son employé par les autres,
l’encouragement des activités de loisir au sein de l’organisation.
4 Les besoins d’estime et de prestige
L’individu a besoin d’être reconnu capable et compétent, d’être valorisé et considéré,
d’avoir un statut. Le manager dirigeant des employés préoccupés par ce genre de besoins doit
mettre l’accent sur la publicité lors de la remise des récompenses ou la distribution d’insignes.
En effet, les hommages et les témoignages de reconnaissance et de félicitations
publiques et solennelles sont de nature à flatter l’orgueil de leurs employés préoccupés à
satisfaire ce besoin.
5 les besoins de réalisation et d’accomplissement personnel.

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Théories des organisations

Ce sont les besoins de responsabilisation, de l’utilisation et de développement des


capacités, de l’épanouissement dans le travail. Il s'ensuit que les employés préoccupés par ces
besoins augmentent leurs aptitudes à résoudre les problèmes. Par conséquent, le manager doit
impliquer de tels collaborateurs dans la définition de leurs emplois, leur confier des missions
qui mettent en valeur leurs aptitudes spécifiques, leur octroyer une liberté d’action dans la
planification du travail.

Pour Maslow, les besoins d’un niveau supérieur ne peuvent être exprimés qu’une fois
les besoins de niveau inférieur satisfaits.

Par ailleurs, l’idée développée par Maslow est qu’aucun de ces besoins n’est absolu
puisque dès que l’un d’eux est satisfait, il cesse d’être important. Sa satisfaction n’engendre
pas de motivation. Néanmoins, un besoin satisfait déclenche un autre besoin qui se substitue à
lui. Il s’ensuit qu’il existe toujours un besoin à satisfaire.

Maslow qualifie les quatre premiers besoins de besoins «en creux », c’est-à-dire qu’ils
taraudent celui qui ne parvient pas à les assouvir. Mais une fois rassasiés, on ne sent pas de
satisfaction particulière et ils cessent simplement de préoccuper.
Par contre, les besoins de réalisation et d’accomplissement personnel deviennent d’autant plus
impérieux qu’ils sont comblés et à mesure que l’individu se développe pour réaliser son
potentiel.

L’apport de la théorie de Maslow est indéniable en matière de mesure du degré de


complexité des motivations humaines au travail, en l’occurrence le désir qui anime des
individus à chercher à se réaliser par la prise de responsabilité.

Néanmoins, cette théorie a été critiquée pour son caractère universel et la stricte
hiérarchie dans les besoins;

Paragraphe 3 Douglas McGregor (1906- 1964)


Elargissant en 1960 les travaux de ses prédécesseurs de l’école des relations humaines. Mc
Gregor délivre des idées dans les célèbres théories X et Y.

La théorie X suppose que l’homme est paresseux, immature, refuse la responsabilité


et peu ambitieux. Appliquée au management, cette théorie suppose une attitude autocratique
en matière de gestion des hommes ; c'est-à-dire amener ces derniers à travailler efficacement
par les contraintes et la menace. A cet effet, Mc Gregor affirme que ni la menace ni la
rémunération n’amèneront les personnes à donner un haut niveau de qualité dans le travail.
Seule à son avis la satisfaction des besoins d’accomplissement personnel des employés
permet d’utiliser toutes leurs potentialités.
Quant à la théorie Y, elle postule que l’individu moyen n’éprouve pas d’aversion innée
pour le travail. Bien au contraire, il a besoin du travail pour se développer. Pour ce faire,
l'homme moyen est capable d'apprendre car il considère que faire des efforts physiques et
mentaux au travail est aussi naturel que s'amuser et se reposer. De même, l’individu aime
assumer des responsabilités, et ce titre, si un travail lui apporte des satisfactions, alors son
engagement envers l'organisation s'améliore. Il s'ensuit que tout contrôle externe et la menace
de sanction ne sont pas les seuls moyens pour obtenir la collaboration de l’individu. Bien au

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Théories des organisations

contraire, l'individu sera capable de se réaliser si on l'associe aux buts de l'organisation car
l'homme est motivé par le désir de se réaliser pleinement.
Appliquée au management, la théorie Y stipule que le manque d’initiative ou le refus
d’assumer des responsabilités par les employés s’explique par l’incompétence des dirigeants.

Paragraphe 4 Frederick Herzberg (1923- 2000) : La motivation et l’hygiène de vie

L’idée principale de cette théorie développée par F. Herzberg (1) réside dans le fait
que les circonstances qui conduisent à la satisfaction dans le travail sont de nature différente
de celles qui procurent l’insatisfaction et le mécontentement de l’individu au travail.

A l’appui de sa théorie, Herzberg développe deux facteurs :

A- Les facteurs de motivation


Les facteurs de motivation provoquent un sentiment de satisfaction. Ce sont des facteurs
intrinsèques au travail en relation directe avec le travail lui-même parce que leurs effets sont
intérieurs à l’individu. Ils sont exclusivement motivants parce qu’ils sont associés aux
sentiments positifs qu’éprouve un individu à l’égard du travail qu’il effectue.
-Il s’agit de:
- la reconnaissance dans le travail;
-la réussite dans le travail;
- la réalisation de soi ;
- le progrès personnel et la promotion ;
- la recherche de la considération.

B- Les facteurs d’hygiène ou d’insatisfaction au travail


Les facteurs d’hygiène sont extrinsèques car liés à l’environnement dans lequel le travail est
réalisé. Autrement dit, leur appréciation ne dépend pas de l’employé mais de l’organisation.
Ils sont associés aux sentiments négatifs qu’éprouve un individu envers son emploi. Ils
concernent :
- la politique du personnel ;
- le système de rémunération ;
- la politique générale de l’Administration de l’entreprise ;
- les relations interpersonnelles entre salariés ;
- les conditions de travail.

Cette théorie stipule que les deux sentiments de satisfaction (motivation) ou d’insatisfaction
ne sont pas opposés, en ce sens que l’élimination des facteurs d’insatisfaction ne crée pas
automatiquement la motivation. De même, l’absence de facteurs de motivation (satisfaction)
ne mécontente pas les employés et ne les rend pas insatisfaits.

Dès lors, comment le manager doit agir pour faire des facteurs d’hygiène un levier de
motivation pour ses collaborateurs ?

1) Frederick Herzberg (1923-2000), Psychologue. L’ouvrage exposant sa théorie


s’intitule: « Work and the nature of Man», 1966.

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Théories des organisations

Le manager possède une influence directe sur les facteurs d’hygiène (Salaire, conditions de
travail, développement des relations intra et intergroupe, la politique de l’entreprise et son
système de gestion). Par conséquent, il peut définir le niveau d’une prestation qualifiée
d’exceptionnelle (Objectif seuil, idée innovatrice engendrant l’augmentation du chiffre
d’affaires, module de formation ayant amélioré la productivité,…). Cette action peut
influencer les employés pour qu’ils aient l’impression d’avoir accompli leurs tâches de façon
exceptionnelle et partant augmente leur satisfaction et leur motivation.
Section 2 Le courant lewinien: Le "leadership"
Le chef de file de ce courant de pensée est le psychologue américain Kurt Zadek
Lewin (1890-1947). Ce théoricien est l'inventeur du concept de la dynamique du groupe
notamment la théorie du leadership dans les groupes restreints. Selon cette théorie, la
dynamique des groupes fait ressortir différents types de leadership et notamment l'impact du
leadership sur le travail produit (qualité des biens manufacturés), mais aussi sur la satisfaction
des producteurs (santé mentale au travail).
Paragraphe 1 Styles de leadership
Lewin s'intéresse entre autres aux divers styles de leadership et leurs conséquences sur
les travailleurs. A cet effet, il distingue trois styles à savoir:
- Leader autoritaire : il ordonne et punit. Il est directif dans sa passation d'ordres et ceux-ci ne
peuvent pas être discutés;
- Leader démocratique : Avec lui il est possible de choisir ce qu'il y a à faire mais le choix est
obligatoire. Le leader est participatif avec tous les membres du groupe. L'apprentissage est
basé sur l'interaction entre les membres du groupe et le leader occupe un poste d'animation
dans le processus d'apprentissage.
- Leader "laisser-faire" : Il observe sans agir et répond aux sollicitations. Le leader est en
retrait face aux demandes du groupe. Son rôle est de surveiller les activités sans intervenir
dans le groupe.
Les résultats de cette étude ont montré que le type de leadership pouvait avoir une
influence sur le travail produit (qualité des biens manufacturés), mais aussi sur la satisfaction
des producteurs (santé mentale au travail).

On peut dire que les courants interactionniste et lewinien ont tenté de démontrer
l'existence d'une relation causale entre une variable indépendante (les sentiments face aux
autres travailleurs ou le style de leadership) et une variable dépendante (la productivité des
travailleurs et l'efficacité de l'organisation).
Paragraphe 2 critiques à l'égard de l'école des relations humaines
Certes, l'école des relations humaines a contribué à élargir le champ d'analyse des
organisations. Néanmoins, elle a fait l'objet de critiques lui reprochant notamment:
- de réduire l'analyse des organisations à l'étude des relations entre les individus et entre
les groupes. En d'autres termes, l'unité d'analyse n'est plus l'organisation en tant que telle mais
les membres qui la composent.
- de négliger l'influence des variables sociographiques comme la classe sociale d'origine.
L'école des relations humaines s'est limitée aux différences psychologiques qui existent entre
les travailleurs comme facteurs susceptibles de les motiver négligeant ainsi les facteurs
sociologiques.

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Théories des organisations

Débats suscités par les apports de l'école classique et de l'école des relations humaines

L'école classique et l'école des relations humaines ont fait l'objet de critiques
notamment sur le fait de considérer l'organisation comme une entité qui ne s'intéresse qu'à ses
caractéristiques internes et qu'elles ignorent l'influence de l'environnement sur la vie
organisationnelle et sur son efficacité. En d'autres termes, l'analyse procède comme si
l'organisation était indépendante de toute influence extérieure. L'importance de la dimension
environnementale dans le choix des caractéristiques formelles les plus susceptibles de rendre
l'organisation efficace n'est pas incluse dans le modèle explicatif. L'organisation est
considérée comme un système autosuffisant.
Ainsi l'école classique considère les ouvriers comme des machines relativement simples,
motivés par les seules récompenses monétaires et qui acceptent les décisions rationnelles
prises par les dirigeants. Du coup, elle élimine l'impact des rôles extra-organisationnels des
individus sur leur participation à la vie de l'organisation.
De même, la plupart des études appartenant au courant des relations humaines ignore l'effet
des variables extra-organisationnelles sur le moral, la satisfaction et, partant, sur la
productivité des membres de l'organisation.
Le modèle wébérien n'est pas en reste puisqu'il considère les caractéristiques bureaucratiques
comme moyens de maximiser l'efficacité des organisations et qu'aucune d'entre elles ne peut
être modifiée par l'environnement.
Ceci a amené d'autres chercheurs à étudier l'entreprise sous forme de système défini comme
un ensemble de parties reliées les unes aux autres et en interaction les unes avec les autres.
Cet ensemble n'est pas fermé mais entretient des relations dynamiques de transaction et
d'échange avec son environnement. C'est l'analyse systémique de l'organisation

Chapitre 3 L'organisation comme un système

Ce courant s'est développé dans les années 60 du XXème siècle. L'organisation est alors
définie comme un système qui importe certains éléments de son environnement, les
transforme et les exporte vers l'environnement.

Section1 L'organisation: un système

Selon J. L. Le Moigne (1931- ), le système possède les caractéristiques suivantes qui


s'appliquent à l'organisation:
- le système est un modèle global de la réalité. Autrement dit, il convient de considérer tout
objet comme une partie d’un tout et de l’appréhender globalement dans ses relations avec son
environnement;
- le système est un ensemble d'interrelations entre les éléments qui le composent;
- le système possède une frontière définissant ce qui est à l'intérieur du système et ce qui est à
l'extérieur du système;
-le système a des objectifs qui peuvent varier d'un seul objectif pour les systèmes simples à
une pluralité d'objectifs pour les systèmes complexes. L'identification des objectifs du
système est une phase importante et utile de l'analyse systémique.
- le système a un environnement qui affecte (ou il est affecté) par le système. L'organisation
est un système ouvert sur son environnement
-le système est concret et abstrait. L'entreprise est un système concret par son matériel, ses
immobilisations et abstrait par sa culture, par ses objectifs;
- le système est varié de par les nombreux états qu'il peut prendre;

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Théories des organisations

- le système peut être décomposé en plusieurs sous-systèmes dont on peut préciser les
frontières, le objectifs, les entrées, les sorties, les processus et les effets de rétroaction;
-l'analyse en terme de système met plus l'accent sur les relations entre les éléments que sur les
éléments eux-mêmes. L'approche systémique a remis en cause l'approche verticale et
cloisonnée de l'organisation issue des théories classiques;
- le système possède des boucles de rétroaction (feed-back). Les sorties rétroagissent sur les
entrées.

Section 2 L'organisation: un système ouvert sur son environnement

Il s'ensuit que l'organisation ne peut être considérée comme un système fermé mais en
tant que système ouvert sur son environnement. L'influence y est réciproque à des degrés
divers oscillant entre des frontières moins perméables (asiles psychiatriques, prisons) et des
relations plus étendues comme le département des ventes.
L'environnement influe sur l'organisation par cinq types d'éléments à savoir:
-les rôles extra-organisationnels des participants de l'organisation. Les individus se trouvant
dans l'organisation jouent des rôles qui dépassent la seule réalité organisationnelle. Ils
conservent des attaches à l'extérieur de l'organisation qui profitent d'ailleurs à celle-ci en ce
sens qu'elles influencent leurs modalités da participation à l'intérieur de l'organisation.
- les caractéristiques agrégées de l'environnement c'est-à-dire le type de stratification sociale
qui existe dans une population donnée, son niveau moyen d'instruction ou de revenu, la
diversité ethnique, religieuse ou sexuelle de cette population, etc. Il est possible d'établir un
lien entre ces caractéristiques de l'environnement et certaines caractéristiques internes de
l'organisation;
- la culture c'est-à-dire l'ensemble des façons de penser, d'agir et de se comporter qu'ont en
commun les membres d'une société donnée. Les caractéristiques spécifiques de l'entreprise
Japonaise s'expliquent par des valeurs telle l'autorité paternelle (Abbegglen). Crozier établit
un lien entre la bureaucratie française et certaines valeurs comme la peur des relations face-à-
face et le goût de maintenir des distances entre les différentes strates sociales;
- la structure du marché qui se définit par la structuration organisationnelle des échanges. En
effet, la structure du marché est de moins en moins influencée par les échanges entre
individus et de plus en plus par les échanges entre individus et organisations, ou entre
organisations. Les organisations deviennent alors les mécanismes par lesquels le marché se
structure;
- les autres organisations formelles: toute organisation de par son fonctionnement quotidien
entretient des relations avec d'autres organisations qui ne constituent pas pour elle son marché
comme par exemple les lois promulguées par l'Etat ont une influence sur l'organisation
pourtant l'Etat peut ne pas être un client ou un fournisseur de l'organisation.
Les défenseurs de l'analyse systémique considèrent que cette approche procure deux
avantages:
-elle permet de saisir la complexité des rapports de l'entreprise avec le milieu dans lequel elle
évolue. Elle favorise les analyses en distinguant les entrées, les sorties, les buts et les
objectifs;
-du point de vue structure, l'analyse systémique remet en cause une vision verticale et par trop
simpliste des rapports entre les services et les hommes. Elle paraît donc plus riche que la
représentation classique parce que plus proche du réel.

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Théories des organisations

L'approche systémique a favorisé l'ouverture de l'organisation sur son environnement. Du


coup, elle a atténué les prétentions analytiques selon lesquelles l'organisation est un
microcosme pouvant être étudié en vase clos. Elle affirme que l'organisation est en étroite
relation avec son environnement qu'il soit immédiat ou éloigné. Cet environnement doit être
intégré dans toute analyse des organisations. De même, l'approche systémique est une
approche résolument dynamique de par l'importance qu'elle accorde aux processus de
rétroaction.

Section 3 le rôle stabilisateur du processus de "feed-back"

Le principal postulat de l'approche systémique est le principe d'équilibre des


organisations. Ce dernier assure sa pérennité. Pour fonctionner, l'organisation doit maintenir
un équilibre entre ses entrants, son processus de transformation et ses extrants. Cet équilibre
suppose que l'organisation soit reconnue légitime par son environnement car c'est la source de
ses intrants et le débouché pour ses extrants. Il en est de même pour ses composantes internes
(sous-systèmes) qui doivent être en relation entre elles pour maintenir cet équilibre afin de
pouvoir produire de façon efficace.
Le maintien de cet équilibre est réalisé grâce aux processus de "feed-back". En effet, les
mécanismes de rétroaction ramènent tout dysfonctionnement de l'organisation à son état
d'équilibre. Il s'agit donc d'un équilibre quasi stationnaire dans lequel les périodes de
dysfonctionnement ne sont qu'éphémères.
A l'instar des écoles classique et des relations humaines, l'approche systémique ignore les
concepts d'intérêts contradictoires et de pouvoir qui auraient pu déboucher cette approche sur
une analyse des relations conflictuelles entre les éléments d'un même système.
Toujours est-il que la théorie des systèmes a pris un autre élan avec Trist. Les travaux
de cet auteur en collaboration avec Emery et leurs collaborateurs de "Tavistock Institute" ont
débouché sur l'approche socio - technique de l'organisation (1). Ces auteurs considèrent
l'organisation comme un système à la fois technique et social.

1) Emery, F.E. and Trist E.L. "The causal texture of Organizational Environment", Human
Relations, 18 Février 1965.

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Théories des organisations

Chapitre 4- L'approche socio- technique de l'organisation


Analysant les apports de l'école classique et celui des relations humaines, les
chercheurs du "Tavistock Institute" (1) montrèrent que l'organisation peut être analysée sous
la double perspective technique et sociale. L'efficacité de l'organisation peut être obtenue
grâce à l'ajustement entre les systèmes obéissant à cette logique double.
S'appuyant sur les recherches de Von Bertalanffy sur la théorie des systèmes, Emery et Trist,
chefs de file de l'école socio- technique, affirment que "la continuité d'une entreprise suppose
un commerce régulier de biens ou des services avec les autres entreprises, institutions,
personnes de son environnement social externes" (Emery et Trist, 1960).

Section 1- Interactions socio - techniques de l'organisation


Pour ce courant de pensée, il existe deux types de systèmes de production:
- le système technique qui privilégie les concepts de temps et de coût afin d'optimiser la
gestion et une certaine conception de la rentabilité: l'homme est alors un rouage d'un
ensemble, les tâches sont fractionnées et le contrôle efficient;
- le système social qui considère que si l'organisation veut atteindre ses objectifs, elle doit
réunir les conditions de motivation des salariés.

Dans ce sens, la théorie socio- technique considère l'organisation comme un système


ouvert entretenant des échanges constants avec l'environnement composé d'un sous-système
technique et d'un sous-système social qu'il est nécessaire d'optimiser conjointement.
Paragraphe 1 Le sous-système technique
Le sous-système technique donne à l'entreprise à la fois une stabilité et une grande
tolérance face aux mutations du marché grâce à la souplesse de son outil de production. Le
sous système technique détermine ainsi la capacité d'autorégulation de la firme. Emery et
Trist se démarquent ainsi de l'école des relations humaines pour laquelle la situation
psychologique et sociale de l'homme au travail prime sur le travail, sa technologie et ses
exigences.
Autrement dit, l'efficacité du système de production dépend de la manière dont le système
social répond aux "conditions limitatives" induites par le système technique.
Paragraphe 2 Le sous-système social
Quant au sous-système social repose sur le choix effectué par les acteurs eux-mêmes
d'un type d'organisation qui intègre leurs besoins sociaux et psychologiques. Il ne s'agit pas de
maximiser l'autonomie des acteurs mais de définir leur sphère d'autorégulation en regard des
exigences de la composante technique.
Paragraphe 3 Application des principes de l'école sociotechnique au management
A cet effet, Emery et Trist proposent la création de groupes semi-autonomes fondés sur la
coopération et les liens de camaraderie tissés autour des conditions d'accomplissement et de
l'interdépendance des tâches.
Quant à l'encadrement, son rôle consiste à contrôler et à coordonner le système des relations
homme- tâches que les groupes autorégulés de par leur nature ne peuvent assurer. En d'autres
termes, au lieu d'assurer la régulation interne classique (qui doit être assumée par le groupe
autorégulé), l'encadrement doit détecter les conditions-limites du système et de prendre les
mesures appropriées lorsque ces limites sont atteintes et à mieux s'occuper des relations de
l'entreprise avec son environnement.

1) Le "Tavistock Institute" fut fondé en 1946 par une équipe de chercheurs britanniques en
sciences sociales réunis dans un groupe de travail militaire pendant la seconde guerre
mondiale. Ses principaux fondateurs sont F. Emery et E. Trist.

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Théories des organisations

Par ailleurs, bien qu'ils insistent sur la nécessité pour l'entreprise de tenir compte de
l'influence de l'environnement, Emery et Trist refusent le déterminisme de celui-ci. A cet
effet, ils considèrent que les organisations peuvent construire et contrôler un environnement
social et se protéger, ne serait-ce que partiellement, des aléas de l'environnement externe
grâce à un effort collectif fondé sur un système d'arrangements mutuels pro- actif.

Section 2 Mode de gestion de l'organisation


Les conclusions de la théorie du "Tavistock Institute" ont été dégagées d'une étude
empirique qui a remis en cause les structures autoritaires traditionnelles. Elle a montré que
plus de souplesse, plus d'autonomie et une meilleure adaptation à l'environnement, dans un
contexte de démocratie industrielle, se traduit par une amélioration des facteurs (1). L'école
socio- technique prône la mise en place de structures démocratiques. Il s'agit de transformer
l'organisation bien plus profondément que ne le permet le management participatif. En effet,
si ce dernier maintient les structures hiérarchiques mais les a renforcées par d'autres structures
comme les cercles de qualité, les délégations d'autorité,…l'école socio- technique promeut les
groupes semis- autonomes, l'enrichissement des tâches et l'amélioration des conditions de
travail. Ainsi, pour cette école, il est plus efficace de développer des petits groupes de travail
disposant d'un haut degré d'autonomie. Il s'agit en fait de groupes de travail autonomes ou
semi-autonomes. Pour ce courant de pensée, les salariés sont capables de s'organiser en
groupes autorégulés tenant compte à la fois des besoins des individus et ceux de la production
et au sein desquels les différentes catégories de personnel sont associées aux chercheurs afin
d'avancer par apprentissage mutuel.

Du reste, ils s'opposent au modèle taylorien d'organisation du travail. Pour eux, la


seule justification d'une division rigide du travail réside dans l'emploi d'une technologie
nécessitant des compétences spécialisées et non substituables. Mais cette organisation est
incapable de répondre aux changements fréquents des conditions d'activité.

Chapitre 5 - L'approche politique de l'organisation


Généralement, on parle de politique lorsque, pour concilier des intérêts divergents des
individus, la société intervient pour procurer aux individus le moyen de régler leurs différends
par la consultation et la négociation. En effet, dans la Grèce antique, Aristote estimait qu'on
pouvait réconcilier le besoin d'unité de "Polis" grecque c'est-à-dire la cité-Etat et le fait que
cette "Polis" était faite d'un "agrégat de nombreux membres". Pour lui, la politique permettrait
de créer de l'ordre à partir de la diversité tout en évitant le totalitarisme.

Transposé à l'organisation, le concept de politique ou de gouvernement a été utilisé


parce qu'on s'est rendu compte que l'idée selon laquelle l'organisation est une entité rationnelle
au sein de laquelle les individus (les acteurs) tentent de chercher des buts communs est un
paradigme qui vise à masquer certains aspects réels et essentiels de la vie de l'organisation.

1) La «démocratie industrielle» est la formation et à la mise en place de pouvoirs


contrebalançant les pouvoirs de gestion. Exemple : élaborer des formes de
participation des travailleurs au sein même des organes dirigeants des entreprises. Cela
permettrait d'y «démocratiser» les relations du travail.

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Théories des organisations

En fait, à l'instar la vie sociétale, l'organisation est intrinsèquement politique en ce


sens qu'elle est composée d'individus qui ont des intérêts potentiellement différents et, peut
être, conflictuels et pour lesquels il faut trouver des moyens de créer ordre et direction.
Il est possible d'analyser la dimension politique de l'organisation en se focalisant sur les
rapports entre intérêt, conflits et pouvoir. En effet, les individus pensent et veulent agir de
façon différente (intérêt), ce qui crée une tension (conflit) qu'il faut résoudre par des moyens
politiques (pouvoir).

Section 1 Analyse de la dimension politique de l'organisation

La dimension politique d'une organisation est le fruit des rapports entre intérêt, pouvoir et
conflit.
Paragraphe1 Comprendre les intérêts
Les intérêts comprennent les buts, les valeurs, les désirs, les attentes et les tendances de
l'individu. Au sein de l'organisation, les individus poursuivent des intérêts divergents. En
s'efforçant de défendre et de protéger ses préoccupations individuelles et particulières,
l'individu est amené à se comporter d'une façon plutôt que d'une autre.
Analyser les intérêts d’un individu au sein d’une organisation c’est prendre en compte:

1-Les intérêts liés à la tâche. Ce sont les intérêts qui concernent le travail que l'individu doit
effectuer. Autrement dit, ce sont ses désirs et aspirations concernant l’intérêt qu’il trouve dans
la réalisation d’une tâche donnée. Exemple: le vendeur doit vendre la quantité fixée et
maintenir de bons rapports avec ses clients.
2- l’intérêt qui sert son désir d’évolution professionnelle
Ils concernent ses aspirations et sa vision de l’avenir. Ces intérêts peuvent être indépendants
de la tâche à accomplir.
3- les intérêts extérieurs
L'individu apporte aussi avec lui à l'organisation sa personnalité, ses attitudes propres, ses
valeurs, ses préférences, ses croyances et ses engagements extra-professionnels. Il va sans
dire que ces intérêts influent sur la façon dont il se comporte à l'égard de ses tâches et de sa
carrière.
Les liens entre ces trois types d'intérêt peuvent être illustrés par la figure suivante:

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Théories des organisations

Approche politique de
l’organisation

Tâche

Intérêts
Carrière
extérieurs

Cette figure illustre les rapports et la tension qui existent entre l'emploi c'est-à-dire la
tâche, les aspirations et les valeurs personnelles c'est-à-dire la carrière et le style de vie ou la
vie extra-professionnelle.
Dans une organisation, ces trois intérêts peuvent coïncider comme par exemple faire du bon
travail, obtenir de l'avancement et parvenir à équilibrer travail et loisir pour passer ses
vacances de fin de semaine en famille. C'est ce qu'on appelle le phénomène de rationalité de
l'organisation ou de la tâche. Ce phénomène est très rare car la focalisation sur un intérêt se
fait au détriment de l'autre car par exemple vouloir se concentrer sur sa tâche et sa carrière
peut se faire au détriment de sa vie privée. Par conséquent, l'équilibre que l'individu s'efforce
de trouver est incertain et mouvant car l'individu en s'efforçant de se focaliser sur un type
d'intérêt peut être amené à en négliger un autre. Cette situation est due aux contradictions
latentes entre les exigences du travail et celles des loisirs. Exemple: vouloir se concentrer sur
sa tâche peut défavoriser sa vie professionnelle. Ceci crée des tensions entre les divers intérêts
chez un même individu. Ces tensions vont s'accentuer quand les intérêts de l'individu
s'opposent à ceux d'autres membres de l'organisation. Il s'ensuit que l'individu va développer
différents types de comportement qui varient selon que l'individu perçoit son travail comme
une fin en soi ou qu'il pense plus au développement de sa carrière ou qu'il cherche à organiser
l'ensemble de son travail pour atteindre tous les buts à la fois. Décidément, les motivations de
l'individu sous-tendent ses comportements. L'individu peut poursuivre son intérêt à titre
individuel ou comme membre de groupe ayant des intérêts particuliers ou comme participant
à une coalition plus générale.
Par conséquent, quand on analyse l'organisation de point de vue politique, on se rend compte
du caractère factice de l'idée selon laquelle l'organisation est une entreprise intégrée et
rationnelle qui poursuit des buts communs à celles ou à ceux qui en font partie. En effet, la
métaphore politique permet de présenter l'organisation comme un ensemble de réseaux
d'individus (acteurs) ayant des intérêts divergents voire même contradictoires mais réunis
parce qu'ils sont conscients que seule la réunion permettrait à tout un chacun de gagner sa vie,
de poursuivre sa carrière, d'atteindre son but. Cette réunion donne naissance à des coalitions
c'est-à-dire des groupes d'individus réunis pour collaborer à propos d'enjeux, des décisions ou
d'événements particuliers ou pour promouvoir des valeurs ou des idéologies précises.

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Théories des organisations

L'organisation peut alors rentrer dans cette définition de coalitions parce qu'elle se compose
de groupes de gestionnaires, de travailleurs, de fournisseurs, de clients, d'actionnaires, de
conseillers juridiques, de représentants de l'Etat et d'autres groupes, structurés ou non, ayant
des intérêts en jeu dans l'organisation mais dont les buts et les préférences sont différents. Ces
coalitions peuvent émaner d'individus dotés d'un pouvoir faible à la recherche d'un appui des
autres comme elles peuvent être engendrées par des individus dotés d'un pouvoir fort mais qui
cherche à l'asseoir en plaçant des éléments fidèles à la tête de postes clés dans l'organisation.

Paragraphe 2 Analyser le conflit

Pour R. Goldman dans son ouvrage: «A theory of conflict process and organizational offices
», journal of conflict resolution, 1966, le conflit « une situation dans laquelle il existe une
relation entre deux ou plusieurs agents où l’un au moins des agents perçoit un autre agent
comme un adversaire dont le comportement est de nature à lui porter préjudice ». Le conflit
trouve sa source dans une divergence d'intérêt réelle ou perçue comme telle.
Autrement dit, le terme conflit s’applique à toute situation dans laquelle se trouvent des
individus ou des groupes dont les objectifs, les cognitions et les émotions sont incompatibles
et conduisent à s’opposer. Trois types de conflit entrent dans cette définition générale :
- Le conflit d’objectifs est une situation dans laquelle les buts et les issues préférées par les
parties semblent être incompatibles. Exemples: le service marketing qui cherche à modifier un
produit pour correspondre aux besoins des clients va créer un problème de conception et de
production. Le souci du service comptable de voir l'entreprise maîtresse des dépenses
mécontente les services où se font les dépenses.

- Le conflit cognitif est une situation dans laquelle les idées ou les pensées respectives sont
perçues comme incompatibles. On parle de discordance cognitive quand des individus
admettent que leurs pensées, attitudes ou comportements sont contradictoires.

- Le conflit affectif est une situation dans laquelle les sentiments ou les émotions respectives
sont incompatibles. Exemple: le directeur de production peut s'entendre avec le directeur
marketing pour torpiller une initiative venant d'un ingénieur de son propre service non pas
parce que la proposition est objectivement inopportune mais à cause du ressentiment qu'il
éprouve à l'égard de l'ingénieur avec lequel il ne s'est jamais entendu.
Dans les organisations, le conflit peut avoir une influence positive. La naissance et/ou la
résolution d’un conflit permet de trouver une solution constructive au problème. C'est le cas
lorsque la nécessité de résoudre un conflit peut amener les intéressés à changer la manière
dont ils font les choses.
Un conflit peut aussi avoir de graves conséquences négatives et détourner certains efforts de
leur but.

Il existe 5 niveaux ou sources de conflit à l’intérieur des organisations :


1-Le conflit intra personnel :
Il survient chez un individu et concerne souvent une forme quelconque de conflits d’objectifs
ou de conflit cognitif.
Nous pouvons distinguer trois types de conflit intra personnels :
- le conflit entre une acceptation et une autre ;
- le conflit entre une chose à éviter et une autre : c’est le choix entre plusieurs options qui
auront toutes des résultats négatifs ;

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Théories des organisations

- Le conflit entre une acceptation et une chose à éviter : une décision qui aura des résultats
simultanément positifs et négatifs.
2-Le conflit interpersonnel :
Le conflit interpersonnel implique deux ou plusieurs individus qui se perçoivent eux-mêmes
opposés entre eux au sujet de leurs préférences respectives en matière d’objectifs, de valeurs
et de comportements. Le conflit interpersonnel présente deux dimensions :
- les réactions de concurrence : l’une des deux parties cherche à s’assurer le meilleur résultat
possible au détriment de l’autre ;
- les réactions de coopération.
3-Le conflit intragroupe :
Le conflit intragroupe désigne les heurts qui se produisent entre les membres d’un groupe, ou
certains d’entre eux et affecte souvent le fonctionnement du groupe et les résultats obtenus par
celui-ci.
4-Le conflit intergroupe :
Il comprend des désaccords et des heurts qui surviennent entre deux ou plusieurs groupes
(exemple : entre le syndicat et la direction).
5-Le conflit intra organisationnel :
Il provient de l’opposition et des heurts suscités principalement par la manière dont les postes
sont définis, dont l’organisation est structurée et dont l’autorité officielle est répartie. Il existe
4 types principaux de conflits internes à l’organisation :
- le conflit vertical ;
- le conflit horizontal ;
- le conflit entre le personnel de l’atelier et celui des bureaux ;
-le conflit relatif aux rôles se produit quand une personne donnée reçoit (de la personne qui lui
attribue un rôle) des messages et des pressions qu’elle perçoit comme étant incompatibles
entre eux.
Un groupe de pourvoyeurs de rôles est un ensemble de personnes chargées de distribuer les
rôles dont les messages affectent directement la personne visée.
Quatre types de conflit de rôles peuvent se produire du fait que les pourvoyeurs de rôles
émettent des messages et des pressions contradictoires.
- Conflit de rôles intra pourvoyeurs
- Conflit de rôles inter pourvoyeurs
- Conflit inter rôles
- Conflit entre la personne et le rôle

Paragraphe 3 Analyse du pouvoir


Dahl définit le pouvoir comme la capacité d'obtenir d'une personne qu'elle face quelque chose
qu'elle n'aurait pas fait autrement. Il constitue le moyen grâce auquel les conflits d’intérêts
finissent par se résoudre.
Les sources du pouvoir sont nombreuses et variées. Ainsi on trouve:
A- L'autorité officielle
C'est la reconnaissance légitime par des individus du pouvoir d'une personne et s'estiment de
leur devoir de lui obéir. Cette autorité légitime a été sous-tendue par le charisme, la loi ou la
tradition (Cf. Supra, Max Weber). Tant que les individus qui sont soumis à ces formes
d'autorité en respectent et en acceptent la nature, l'autorité représente une forme de pouvoir.
Le type le plus évident de l'autorité officielle est l'autorité bureaucratique.

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B - Gestion des ressources rares

Toute personne qui contrôle les capitaux, les matières premières, les équipements, le
personnel, l'information, les clients, les fournisseurs, les logiciels importants, détient un
pouvoir considérable à l'intérieur d'une organisation. Parmi ces ressources, l'argent constitue
sans conteste la source la plus dominante du pouvoir. En effet, un fournisseur qui détient une
matière première rare ou celui qui détient une information stratégique sur un projet nouveau
prometteur peuvent se laisser convaincre d'échanger ces ressources contre l'argent.

C-Utilisation de la structure et des règles de l'organisation comme instrument de


domination
La structure d'une organisation, les règles sont considérées comme des moyens rationnels
destinés à faciliter l'accomplissement d'une tâche. Néanmoins, la structure de l'organisation
sert souvent d'instrument politique. Le responsable d'une organisation peut se servir de la
réorganisation structurelle comme subterfuge pour affaiblir un chef de service dont la
puissance le gène ou pour réorganiser certains services afin de les mettre sous son contrôle
direct.
Certains ouvriers d'une organisation peuvent par exemple utiliser l'application stricte des
règles comme instrument de pouvoir pour punir les dirigeants. Ils observent à la lettre les
règles établies par la direction générale au point de provoquer le ralentissement ou l'arrêt du
travail sans que personne n'a rien à leur reprocher (Exemple: la grève de zèle)

E- Autorité sur la prise de décision


La capacité d'influencer le processus de prise de décision constitue une source de pouvoir.
L'individu peut agir sur les prémisses de la décision en utilisant certaines limitations et
certains tabous d'ordre culturel relatifs aux croyances, aux suppositions, aux praxis, aux
normes pour influencer la prise d'une décision (Exemple: "notre identité " ou "notre façon de
faire ici" ne permet pas de prendre telle décision, mais favorise la réussite de telle autre
décision). L'individu peut agir aussi sur les mécanismes de la prise de décision en agissant sur
la manière de prendre une décision, sur qui doit prendre la décision et quand faut-il prendre la
décision, quels sont les points qui seront inscrit à l'ordre du jour et faut-il discuter la question
au début ou à la fin de la réunion. L'individu peut enfin influencer la prise de décision en
ayant la main mise sur les enjeux et les objectifs de la décision. En usant de son éloquence, de
sa maîtrise du sujet de sa ténacité il peut accroître son pouvoir d'influence sur la décision.

F- Contrôle des connaissances et de l'information


L'information est source de pouvoir dit-on. L'individu peut alors "filtrer" l'information et en
contrôler le débit pour ne communiquer que celle qui sert ses intérêts. Il peut aussi contrôler le
timing de livraison de l'information en communiquant trop tard pour la vider de son
importance ou au contraire en la livrant en temps opportun pour accroître les chances de la
prise d'une décision souhaitée par lui (exemple: avoir une information sur le budget, sur le
prix de revient)

G- Gestion des frontières


La frontière désigne l'interface entre les diverses parties d'une organisation. L'individu peut
acquérir une certaine autorité en surveillant et en analysant les transactions de son service
avec les autres entités à l'intérieur et/ou à l'extérieur de l'organisation. En centralisant ces
informations, il pourrait même être capable de les interpréter et de formuler des propositions
pertinentes qui lui confèrent un pouvoir de conseiller indispensable auprès de ses supérieurs

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hiérarchiques et de tampon inévitable pour les autres services. C'est le cas de la secrétaire du
directeur ou du chef de cabinet du ministre ou du gouverneur.

H- Capacité de composer avec l'incertitude


Dans une organisation, l’incertitude est l’incapacité de prédire exactement quelque chose
(pénurie de matière première, arrêt brusque d'une machine, disparition inopinée d'un
technicien clé, la capacité à répondre urgemment à un besoin immédiat en capitaux). Celui qui
dans une organisation dispose de connaissance ou de contacts voulus pour résoudre ces
incertitudes, dispose d'un pouvoir relativement important. C'est le cas des dépanneurs et du
personnel d'entretien par exemple. Toujours est-il que l'importance de ce pouvoir dépend de
deux facteurs: la mesure dans laquelle il est possible de substituer d'autres connaissances aux
leurs, c'est-à-dire la facilité avec laquelle on peut les remplacer (diversifier les sources de
matières premières) et le degré d'influence de leurs fonctions sur le reste des activités de
l'organisation (fonction marginale ou stratégique).

I-Maîtrise des techniques


Dans certaines organisations, la technique de production utilisée est basée sur des opérations
enchainées où le fonctionnement de chaque poste dépend du poste qui le précède (chaîne de
montage, raffinage de pétrole). Il s'ensuit que ceux qui dirigent une partie quelconque de
l'opération technique disposent d'un pouvoir de dérangement manifeste sur les postes situés en
aval. Ceci n'est pas le cas au sein des organisations utilisant des techniques de production plus
autonomes.
J- Alliances interpersonnelles, réseaux et gouvernes de l' "organisation non officielle"
Un individu peut constituer un système de "réseautage" composé d'amis bien placés dans la
hiérarchie ou de coalitions pour avoir des informations sur sa situation et sur les décisions et
les intentions des dirigeants en ce qui le concerne. Il dispose par là un pouvoir dans la mesure
où il peut intervenir pour anticiper une décision et la détourner en sa faveur. Néanmoins, il
doit jouer le jeu et rendre service en échange.

K- Autorité sur les contre- organisation


Des organisations externes peuvent exercer un contre-pouvoir sur une organisation. Il s'agit
des syndicats qui s'imposent face à une direction centralisatrice ou une association de
distributeur face à un producteur jouissant d'un monopole ou une association de
consommateurs face aux producteurs ou les pouvoirs publics réglementant le monopole des
producteurs et des importateurs. Par conséquent, l'adhésion à ces associations peut constituer
une source de pouvoir à travers la force de ces contre-organisations jouissant d'un pouvoir
compensatoire conséquent.

L- Symbolisme et gestion de signification


Le pouvoir ne s'exerce pas uniquement par le recours à la contrainte. Il peut prendre d'autres
formes de persuasion plus subtiles et symboliques qui peuvent influencer de façon décisive la
manière dont les individus perçoivent leur réalité et, partant, dont ils vont agir. Pour ce faire,
certains dirigeants utilisent des symboles pour montrer leur pouvoir ou l'asseoir comme:
- les images. Certains dirigeants répandent et encouragent l'idée que leur organisation est une
équipe qui doit affronter l'environnement présenté comme une jungle où règne la compétition.
Ce faisant, ils traitent les problèmes comme des défis
- le théâtre. D'autres personnes utilisent le cadre physique, les apparences et certains types de
comportement pour asseoir leur pouvoir. Par exemple, ils aménagent leurs bureaux en mettant
dans un coin un grand bureau très officiel ayant l'aspect d'un trône dominant des chaises plus
basses et éloignées devant lui pour mettre l'interlocuteur en situation d'infériorité et le chef le

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Théories des organisations

regardant de haut pour donner à l'interlocuteur l'impression de vivre des moments pénibles en
perspective. Dans un autre coin, il installe des fauteuils uniformes et au même niveau avec
une table à café formant un cadre plus convivial qui va donner à l'interlocuteur l'impression
que l'entretien sera plus détendu.
- les apparences. Certains dirigeants garnissent leurs bureaux de paperasses, de dossiers pour
donner l'impression de grands bosseurs. D'autres au contraire laissent leurs bureaux vides
pour donner l'impression qu'ils maîtrisent la situation.
- les cérémonies. Certains dirigeants prennent le soin d'arriver avec quelques minutes de
retard aux réunions et se font précéder par des collaborateurs annonçant son arrivée. D'autres
cherchent à être très en vue dans les grandes cérémonies.
- les symboles. Certains individus tentent de se procurer du pouvoir à travers leurs supérieurs
hiérarchiques comme les chefs de cabinets ou les secrétaires ou même les chaouchs des
ministres ou des gouverneurs. Le fait qu'ils sont plus proches d'eux et d'avoir plus de facilité
d'accès dans leurs bureaux leur confèrent un pouvoir.
- les jeux de pouvoir. Certains exercent un certain pouvoir sous diverses formes. Ils peuvent
être hardis et impitoyables se bagarrant et critiquant tous le monde au sein des conseils
d'administration. D'autres usent de la ruse et passent inaperçus tout en laissant autant que faire
se peut de fortes impressions. Ces tactiques exercent une profonde influence sur la structure
des relations de pouvoir de l'organisation à laquelle ils appartiennent.
M- La gestion des rapports entre les sexes
Certains stéréotypes et certaines valeurs en vigueur dans certaines organisations et qui
émanent de la société confèrent certains pouvoirs à un sexe (masculin ou féminin) au
détriment de l'autre. Les femmes souffrent en effet de l'effet de "plafond de verre" qui les
empêchent d'accéder à des postes supérieurs non pas pour manque de compétence mais à
cause de certains stéréotypes qui collent aux femmes certains attributs incompatibles avec
l'exercice de management (tel que: la femme est intuitive, affective, soumise, spontanée,
loyale, coopérative alors que l'homme est respectivement logique, rationnel, dynamique,
utilise la stratégie, meneur et décideur, aime la compétition) (1). Dans ces organisations les
hommes quelque soit leurs compétences ont plus de chance d'accéder à des postes d'autorité
plus que les femmes.
N-Facteurs structurels qui définissent le cadre d'action
L'individu quelque soit le rang qu'il occupe dans la hiérarchie de l'organisation ne peut
prétendre disposer d'un pouvoir absolu et sans limite. Quand bien même certaines personnes
parviennent à acquérir un pouvoir considérable, ce dernier est compensé par le pouvoir des
autres. Montesquieu ne disait-il pas " Il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir
arrête le pouvoir". Ceci est dû au fait que l'accès au pouvoir est si large, si ouvert et si varié
que les rapports de force finissent par s'équilibrer.

Une autre explication du pouvoir d'un individu est déterminée non pas par les manifestations
apparentes du pouvoir dont il jouit mais par les structures profondes ou les logiques qui sous-
tendent la vie organisationnelle. Exemple: un ouvrier peut détenir un pouvoir considérable du
fait de sa maitrise de la chaîne de production. Sa source immédiate du pouvoir vient donc de
son aptitude à perturber la production, mais sa source profonde et ultime c'est la structure
d'activité de production qui donne à son pouvoir toute son importance. Autrement dit, c'est la
structure de production en chaîne qui lui donne cette importance. Il n'aurait pas ce pouvoir si
la structure s'appuyait sur un mode de production individualisé.
1) Effet de "plafond de verre": il désigne le fait que, dans une structure hiérarchique, les
niveaux supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes (femmes
notamment mais aussi certaines nationalité beurs, africains de France par exemple). (Cf. le
machisme).

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O-Pouvoir que l'on a déjà


L'individu utilise le pouvoir qu'il détient pour en acquérir davantage. Selon le principe
donnant/donnant. Un gestionnaire peut utiliser son pouvoir pour aider X à vaincre son
adversaire Y si, et seulement si, il obtient des garanties de la part de X de lui apporter le
même soutien en échange sinon davantage. En fait, l'individu utilise son pouvoir comme de
l'argent placé dans des affaires rentables à des échéances plus ou moins brèves.
Le détenteur de pouvoir peut aussi profiter du caractère attractif de ce dernier. Espérant
obtenir des faveurs, les gens peuvent donner au détenteur du pouvoir un appui qu'il n'a pas
cherché, ou ces gens peuvent accepter sa façon de voir en espérant qu'il comprenne qu'ils sont
de son côté.
Le pouvoir peut aussi avoir un aspect stimulant sur son détenteur. Quand les gens progressent
ou réussissent, ils éprouvent un regain d'énergie qui leur permet d'aller encore plus loin. En
quelque sorte, un sentiment de pouvoir peut amener à plus de pouvoir.

Section 2 L'organisation comme un système de gouvernement


Lorsqu'on analyse l'organisation sous une perspective politique on met en évidence les jeux de
pouvoir. Mais d'une manière générale, ce sont les dirigeants qui détiennent le pouvoir dans les
organisations. Cependant, tous ne l'exercent pas de la même manière.
On distingue cinq types de gouvernement dans les entreprises:
- l'autocratie, lorsque les capacités de décision sont détenues par un très petit nombre de
responsables, voire par un seul;
- la bureaucratie, lorsque le gouvernement s'exerce par le biais de l'écrit et s'inscrit dans une
autorité de type rationnel ou légal;
- la technocratie, lorsque le contrôle et les pouvoirs sont distribués en fonction des
compétences techniques et du savoir-faire des individus;
- la cogestion, lorsque le « gouvernement » de l’organisation se compose de représentants des
parties en opposition;
- la démocratie, lorsque le pouvoir revient aux employés ou à des gestionnaires qui les
représentent. Dans cette conception, la dimension politique d'une organisation est le fruit des
rapports entre intérêt, pouvoir et conflit.
Un autre concept de gouvernement d'entreprise proposé par Alvin Tofler et popularisée par
Robert Waterman avec le livre «Adhocracy - The power to change». Il s'agit de l'Adhocratie.

- l'Adhocratie On qualifie une organisation d'"adhocratique" lorsque les individus choisis


dans l’organisation travaillent dans le cadre de groupes-projets peu formalisés. Ces individus
bénéficient d’une grande autonomie par rapport aux procédures et aux relations hiérarchiques
normalement en vigueur.
Burns et Stalker ont assimilé l'organisation Adhocrarique à la structure organique. Cette
dernière s'oppose à la structure mécanique. L'organisation Adhocratique est utilisée par des
firmes comme la NASA ou Motorola. A signaler que le concept d'Adhocratie s'oppose à la
bureaucratie.

Remarques sur la vision politique de l'organisation


Apport de la métaphore politique de l'organisation
1- Approche politique et pouvoir
Contrairement aux écoles: classique, des RH, Systémique, Socio- technique qui tendent à
sous-estimer l'importance des rapports entre pouvoir et organisation, la métaphore politique
pallie cette lacune et place la connaissance du rôle et de l'usage du pouvoir au centre de
l'analyse de l'organisation.

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Théories des organisations

2- Approche politique et rationalité de l'organisation


Par ailleurs, la métaphore politique aide à se débarrasser du mythe de la rationalité de
l'organisation. Certes, l'organisation cherche à atteindre des buts rationnels; mais cette
rationalité n'est pas commune à tous les acteurs en ce sens que ces mêmes buts peuvent être
rationnels pour certains mais pas pour d'autres. En fait, l'organisation adopte plusieurs
rationalités parce que ces dernières sont fondées sur des intérêts qui sont par nature
différents. Il s'ensuit que la rationalité change selon la perspective. Décidemment, l'accent
mis sur la rationalité par les autres écoles essaie simplement de rendre cohésif un système
politique qui, en raison de la diversité des intérêts sur lesquels il est construit, a toujours une
tendance latente à avancer dans de multiples directions et parfois à s'effondrer.
2- Critique
La compréhension et l'utilisation exagérée de la métaphore politique de l'organisation tend à
assimiler cette dernière à une jungle où règne le cynisme, l'arrivisme, l'égoïsme. Cet emploi
de la métaphore politique tend à comparer l'organisation à un jeu à somme nulle au terme
duquel il n'y a que des gagnants et des perdants et du coup, réduit la place à l'ouverture et à la
collaboration franches.

Chapitre 6 L'organisation et la prise de décision

La décision est "le processus qui consiste à opérer un choix entre plusieurs options en
vue d’apporter une solution satisfaisante à un problème posé".

R.Brennemam et S. Sépari dans « Economie d’entreprise », Dunod, page 13,


définissent la décision comme suit : «le choix réalisé à un moment donné dans un contexte
précis, en tenant compte des contraintes et des objectifs à atteindre ». Ainsi par exemple,
lorsqu’une entreprise doit gérer son système de production ou lorsqu’elle doit répondre aux
exigences particulières d’un client, elle est appelée à prendre des décisions.

Il y a lieu de rappeler que l'organisation scientifique de Taylor, l'organisation ou la théorie


administrative de Fayol, l'affectivité de l'école des relations humaines prônent une rationalité
illimitée de l'organisation.
Selon la vision classique, l'individu dispose d'une capacité cognitive d’optimisation, il a une
vision claire des préférences et il peut avoir un accès illimité à l’information. Par conséquent,
son comportement est rationnel.

Section 1 Herbert Simon ou la théorie de rationalité limitée (1)


En ce qui concerne le paradigme de rationalité, H. Simon considère qu'il est inexact d'affirmer
que la spécialisation et l'unité de commandement sont toujours source d'efficacité. Pour cet
auteur, il n'existe pas de principe valable en toutes circonstances.
Quant au concept de prise de décision, Chester Barnard peut être considéré comme le premier
auteur à élaborer une conception de l'organisation dans laquelle la prise de décision occupe
une place importante (2). Mais c'est H. Simon qui développe une véritable théorie
administrative de la décision. Il affirme que c'est la prise de décision qui donne cohérence et
consistance à l'organisation.

1) Herbert Alexander Simon, auteur de la rationalité limitée, "Administrative Behavior", 1947


2) Chester Barnard, "The functions of the executive", 1938.

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Théories des organisations

Paragraphe 1 Principe de la rationalité limitée


Simon rejette la théorie microéconomique de la rationalité parfaite, illimitée ou instrumentale
en lui substituant celui d'une rationalité limitée ou procédurale ou partagée
qui est plus réaliste(1). Pour ce faire, il élabore son modèle « Intelligence, Modélisation et
Choix (IMC) » comme suit:
- étape 1: Intelligence
Comprendre en recueillant toutes les informations sur l'entreprise et sur son environnement;
- étape 2: Modélisation
Traitement des informations recueillies et recherche des solutions envisageables.
-étape 3: Choix
Choisir la meilleure solution compte tenu des contraintes.
On rajoute généralement une quatrième étape consacrée au contrôle de la mise en œuvre de la
décision et la mise en place des boucles de rétroaction éventuellement.

Simon formule le processus de décision classique et le critique en expliquant qu’à chaque


étape, la rationalité des décideurs est limitée parce qu'ils ont des connaissances et des
habiletés elles-mêmes limitées. Ceci est dû au fait qu'ils disposent d'informations incomplètes.
De même, ils ont des valeurs personnelles qui les incitent à choisir certaines directions plutôt
que d'autres.

Pour Simon, les décisions sont le résultat d’un processus de négociation entre les
responsables. Le décideur s’arrêtera à la première solution acceptable et satisfaisante pour
tous sans aller jusqu’à la décision optimale.

Par ailleurs, la rationalité est qualifiée de partagée parce qu'elle n'est pas l'apanage de
l'entrepreneur et du dirigeant de l'entreprise seulement, mais oriente le choix de tous les
membres de l'organisation quel que soit leur niveau de positionnement dans la hiérarchie de
l'entreprise.

Paragraphe 2 Théorie de l'équilibre contribution/rétribution de Simon

Etant donné que la rationalité est limitée et qu'elle peut varier selon les membres de
l'organisation (c'est-à-dire partagée), il est impossible de maximiser la prise de décision
contrairement à ce que postule l'école classique. A défaut de maximisation de la décision, il
est possible tout au plus de l'optimiser en prenant des décisions qui s'avèrent satisfaisantes
pour l'organisation.

Toutefois, le risque est de voir les individus se servir de l'organisation pour satisfaire
leurs intérêts personnels. A cet effet, si on veut prendre des décisions satisfaisantes pour
l'organisation, il faut:

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1) H. Simon (1916 – 2001), sociologue, initiateur de l’école française de sociologie des


organisations. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont : « le phénomène bureaucratique »
(1963), « l’entreprise à l’écoute » (1989) et « la crise de l’intelligence ».

1- du côté des individus:


- les encadrer en exigeant des qualifications de base;
- leur fournir un entraînement de base;
- développer des critères connus d'efficacité et des programmes
d'exécution complets;
- développer l'esprit de loyauté à l'organisation.

2- du côté du groupe dominant c'est-à-dire celui qui parvient à imposer ses propres critères de
prise de décision, il doit être capable d'offrir aux autres participants des incitations suffisantes
pour garantir leur contribution.

Section 2 Cyert et March ou la rationalité adaptative.


Les travaux de ces deux auteurs se situent dans le prolongement de la pensée de Simon
sur la rationalité limitée dans la prise de décision. Ils considèrent que l'organisation est formée
de groupes ou des coalitions.
Pour ces auteurs, l’entreprise est une organisation sociale formée de groupes
antagonistes ou de partenaires aux intérêts multiples. Ces groupes forment selon les
circonstances des « coalitions d’acteurs » qui influencent fortement les processus décisionnels
de l’entreprise. Ces coalitions définissent leurs buts par le biais de tractations et de
marchandage complexes. Ce sont ces buts qui seront adoptés in fine par l'organisation qui ne
peut afficher son objectif général qu’à travers la poursuite de ses objectifs partiels compatibles
avec ceux des coalitions. Par cet acte, l'organisation cherche plutôt à concilier les intérêts des
différentes coalitions d’acteurs qu'à poursuivre un processus de choix rationnel.

Dans ces conditions, l'équilibre de l'organisation quoique précaire maintient


l'organisation "viable tant que les rétributions versées aux différents membres des groupes
sont suffisantes pour les garder dans l'organisation". (1)

1) Cyert et March, "L'élaboration des décisions dans les entreprises américaines", Analyses et
prévision. II, 1960, page 36.

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