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Middle manager et capacité organisationnelle : deux études de cas et un


système propositionnel.

Conference Paper · January 2008

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1 author:

Marielle Payaud
Université Jean Moulin Lyon 3
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ACFAS 2008 – Colloque Management des Capacités Organisationnelles

MIDDLE MANAGER ET CAPACITE ORGANISATIONNELLE :


DEUX ETUDES DE CAS ET UN SYSTEME PROPOSITIONNEL

Marielle A. Payaud
Maître de Conférences
Université Jean Moulin, Lyon 3
EURISTIK (IAE-Lyon3)
6, cours Albert Thomas
69008 Lyon - France
Marielle.payaud@univ-lyon3.fr

L’objectif de cette proposition de communication est de se concentrer sur le


processus de mise en émergence, de comprendre comment le middle manager
contribue à l’émergence d’idées, celles-ci venant renforcer le développement des
compétences de l’entreprise, et donc ses capacités dynamiques. Deux études de cas
sont traitées.

Les idées émergentes s’appréhendent dans un raisonnement ago-antagoniste (Bernard-Weil,


1998) qui nécessite de dépasser la dichotomie « formulation/mise en œuvre » de la stratégie au profit
de la « formation » de la stratégie. Cela signifie considérer que des idées s’adoptent, améliorent, et
contextualisent « chemin faisant » (Avenier, 1997), la stratégie délibérée.
Selon Ansoff (1965), la performance dépend d'une part de l'exploitation des ressources, des
compétences, des savoir-faire existants et d'autre part de l'exploration de nouvelles techniques, de
nouveaux procédés, dans le développement de nouveaux produits. Les décisions et les processus
organisationnels issus de ces systèmes de ressources se construisent grâce à deux types d'apprentissage
: une amélioration continue des routines et des savoir-faire, et leur indispensable évolution qui passe
par des idées hétéroclites, originales et/ou nouvelles que certains individus par nature ou par position
sont en mesure de proposer. L'exploration est alors le résultat d'une structure organisationnelle et, pour
partie, des comportements de middle managers qui sont en position de mesurer quelles idées parmi les
situations diverses rencontrées méritent d'être approfondies. Dans une démarche identique, Baden-
Füller et Stopford (1992, p.186) avancent que la performance de l'entreprise passe d’une part par
l'organisation et d’autre part, par une forte mobilisation des middle managers. Une structure
organisationnelle qui favorise les réflexions collectives, une aspiration dépassant les objectifs à court
terme, l'apprentissage, et l'expérimentation. Un middle manager qui circule dans des sphères
organisationnelles multiples et devient un acteur pivot parce que frontalier de sphères diverses.
Le thème développé ici prend son point de départ dans cette réflexion : Les entreprises de
services de réseau présentent un contexte significatif de la contribution « potentielle » des « middle
managers », à la formation de la stratégie. La nature de l'activité de ces entreprises les prédispose à
formuler une stratégie délibérée, mais aussi à transformer des opportunités locales en stratégies
émergentes. Le « middle manager » prend dès lors toute son importance ; la proximité avec le marché
local suscite l'intérêt de la prise en compte d'idées, d'adaptations locales de stratégies appropriées au
marché des centres de résultats, autrement dit l'intérêt de stratégies émergentes coexistant avec la
stratégie officielle. Le « middle manager » est chargé de suivre la stratégie délibérée, mais aussi, du
fait de sa position, de faire germer des stratégies émergentes. Ainsi, notre problématique porte sur
l’identification des processus qui permettent aux idées d’émerger et d’être adoptées au sein de
l’organisation.
Floyd et Wooldridge (2000) proposent un modèle descriptif du développement des initiatives
stratégiques émergentes dans lequel ils font intervenir le middle management. La présentation et la
critique de ce modèle constituent le point de départ de notre réflexion. L’objectif de cet article est de
se concentrer sur le processus de mise en émergence, de comprendre comment le middle manager
contribue à l’émergence d’idées, celles-ci venant renforcer le développement des compétences de
l’entreprise. Nous tentons de mettre en perspective des processus de mise en émergence (les phases,
les étapes, le contenu, les interlocuteurs) à l’aide de deux cas de grandes entreprises de services –
Adecco, travail temporaire et Gaz de France, transporteur de gaz – dont la divergence des
cheminements et résultats permettra d’émettre des propositions. Nées de la confrontation des
matériaux théorique et empirique, les propositions théoriques ou fondatrices délimitent les dimensions
du cadre théorique de notre problématique.

Le processus d’idées émergentes :


un processus mettant en scène des acteurs dans un système biologique

le modele de Floyd et Wooldridge (2000) : point de départ et critique

Floyd et Wooldridge (2000) présentent un modèle qui identifie les étapes qu’une idée franchit
pour devenir une capacité organisationnelle, et jugent que le middle manager est le plus à même
d'intervenir dans ce processus. Le modèle de développement des initiatives stratégiques émergentes en
5 étapes (idée, question, initiative, routine émergente et capacité organisationnelle) et 4 processus
(interprétation, articulation, élaboration et ratification) est fondé sur une hypothèse clé : « Les
nouvelles aptitudes émergent de processus sociaux complexes qui sont enchâssées dans les
connaissances et les relations sociales » (Floyd et Wooldridge, 2000, p.109). Cette hypothèse sous-
entend que la complexité du processus de construction des capacités dynamiques rend difficile
l'imitation.
Figure 1 : Le développement des initiatives stratégiques émergentes

Interprétation Articulation Elaboration Ratification

Routine Capacité
Idée Question Initiative émergente organisationnelle

Source : Floyd et Wooldridge (2000, p.118)

Ce modèle ne répond que très partiellement à nos préoccupations et ce, pour plusieurs raisons.
Premièrement, les étapes et processus sont décrits d'une manière linéaire, sans référence aux espaces
de temps et de lieux, en faisant abstraction des éventuelles récursivités.
Floyd et Wooldridge (2000) font intervenir les middle managers dans le système propositionnel, mais
non au sein du modèle. Les propositions éclairent les raisons qui permettent d'envisager la
participation du middle manager, mais n'abordent ni les espaces de lieux et de temps de leur
intervention : sa contribution est-elle répartie d'une manière homogène dans les différentes étapes du
modèle ?
Deuxièmement, le modèle préfigure que le middle manager est un acteur pivot de toutes les idées et
donc de toutes les capacités organisationnelles, sans jamais nuancer le degré « d'innovation » de l'idée.
Le schéma de Floyd et Wooldridge (2000) sous-entend une compétence individuelle à émettre
des idées et des processus organisationnels qui projettent, transforment la compétence individuelle en
une capacité organisationnelle. Dès lors, ce cheminement appelle des précisions sur les notions de
compétences et d’apprentissage.
De la compétence individuelle à la compétence organisationnelle : un modèle d’apprentissage.
L’identification, la construction et l’appropriation de compétences, passe par l’apprentissage
organisationnel (Dodgson, 1993). Le concept d’apprentissage est un concept dynamique pour
interpréter le changement dans les organisations, mais également un concept intégrateur qui réunit
plusieurs niveaux d’analyse : l’individu, le groupe et l’entreprise (Crossan, Lane et White, 1999). De
ce fait, il permet de revoir la nature de la coopération au sein des organisations. Une approche
interdisciplinaire de l’apprentissage permet également d’éviter des perspectives trop cognitivistes. Si
l’apprentissage est généralement considéré comme étant une compétence de l’entreprise, nous pensons
que l'intérêt réside plus particulièrement dans le mécanisme de transfert qui permet à l’apprentissage
individuel de devenir apprentissage organisationnel, et réciproquement (Kim, 1993).
Ainsi, que nous le schématisons ci-dessous, la capacité dynamique naît de la manifestation de trois
catégories de compétences : les compétences individuelles, les compétences locales et les compétences
globales.
Figure 2 : Entreprise de services de réseau : la dynamique de compétences
Compétences
Individuelles

Compétences Compétences
Locales Globales

Cela confirme que la connaissance à la base des compétences est détenue à différents niveaux.
Sans la présence de cette dynamique, la pleine formation de la stratégie ne peut avoir lieu. Les
entreprises doivent développer des « réseaux de compétences » selon Gadrey et Zarifian (2002, p.50),
c'est à dire des : « Communautés d'actions au sein desquelles s'active un agir collectif, un assemblage
souple de sujets, pris (…) dans le filet de leurs initiatives croisées ». Expliquer les liens étroits entre
les trois types et les processus permettant les passages entre les compétences signifie comprendre
comment une idée émergente devient une pratique explicite et reconnue de l'entreprise, comprendre la
contribution individuelle aux actions collectives ou encore comprendre comment se développent les
capacités dynamiques. Le passage d’une compétence à l’autre intègre à la fois la simple boucle
(« single-loop learning ») : apprentissage adaptatif par lequel on réagit aux changements en adaptant
son action ; la double boucle (« double-loop learning ») : l’atteinte des objectifs nécessite une remise
en cause des schémas d’action de l’organisation ; et le deutero-apprentissage : apprendre à apprendre
(Argyris et Schön, 1978). La dynamique entre ces trois types de compétences est à la base de la
formation de la stratégie dans la mesure où elle permet la ratification d'idées émergentes,
l’institutionnalisation d'informations et de connaissances, et dont elle trouve son origine dans des
structures facilitant l'apprentissage organisationnel (Voir également Nonaka & Takeushi, 1995). Kim
(1993) construit un schéma d’apprentissage global à partir de plusieurs modèles d’apprentissage
individuel et organisationnel, les articulant, les complétant, les rendant compatibles afin de souligner
les conditions structurationnistes requises. Kim (1993) apporte une nouvelle dimension comme étant
primordiale à l’apprentissage : les modèles « mentaux » de l’individu et de l’organisation. L’auteur
considère que la connaissance opérationnelle (Observation et implémentation) et la connaissance
conceptuelle (Evaluation et conceptualisation) sont indispensables parce qu’elles informent et sont
informées par les modèles mentaux. La première désigne, comme son nom l’indique, l’apprentissage à
un niveau opératoire : on apprend les étapes permettant de réaliser une tâche particulière : ce savoir-
faire définit et est défini par les routines. La connaissance conceptuelle concerne quant à elle la
capacité à articuler une compréhension conceptuelle avec une expérience : le « savoir-pourquoi » qui
constitue les cadres de travail.
Concernant l’apprentissage organisationnel, Kim (1993) est parti du problème suivant : impartir de
l’intelligence et une capacité d’apprentissage à une entité humaine sans l’anthropologiser. Dès lors, il
ajoute que les modèles mentaux partagés – à savoir la mémoire de l’organisation dont l’explicitation,
la connaissance et la diffusion sont cruciales pour le développement de nouveaux modèles – sont
primordiaux pour l’articulation entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage organisationnel.
Finalement, parmi les dysfonctionnements possibles – l’apprentissage cantonné ; l’apprentissage
fragmenté ; l’apprentissage opportuniste – ce sont soit les modèles mentaux individuels, soit les
modèles mentaux partagés qui affectent l’interaction de l’apprentissage individuel et l’apprentissage
organisationnel. Ce même apport est confirmé par Hay et Williamson (1997) qui s’intéressent à ce que
les échelons inférieurs jugent être une bonne stratégie. Premièrement, la stratégie délibérée doit fournir
une « inspiration », une vision, autrement dit un but à atteindre. Deuxièmement, elle doit aider « à voir
les liens » entre les initiatives de chacun, c’est-à-dire que la stratégie délibérée doit annoncer
clairement le système en place. Troisièmement, elle doit servir de « critère » pour les décisions
courantes : un cadre annonçant des règles du jeu. Quatrièmement, elle doit créer de la « marge de
manœuvre », autrement dit : autoriser, laisser libre cours à des initiatives. Enfin, elle doit instaurer un
« langage commun », afin d’homogénéiser les concepts et faciliter la communication. Finalement, les
cinq qualités énoncées par les échelons inférieurs correspondent à un besoin de modèles mentaux
individuels et partagés dont la clarté et la communication dépendent des échelons supérieurs.

Un parcours habilitant, contraignant et évolutionniste. L’approche évolutionniste peut s’appliquer


au processus qui conduit une idée à se transformer en une capacité organisationnelle. Selon cette
conception de l'organisation, Lovas et Ghoshal (2000) accordent un rôle plus important et plus actif au
haut management que celui qui est sous-entendu dans les théories évolutionnistes (Hannan et Freeman,
1977) ou de l’adaptation (Child, 1972) et mettent en perspective cinq éléments interdépendants
constitutifs du processus stratégique appréhendé comme une évolution guidée. Repérer ces éléments
permet de déterminer les forces qui influencent les processus de variation (ce qui est suggéré), de
sélection (ce qui est testé) et de rétention (ce qui est retenu) qui conditionnent et sont conditionnées
par les structures (la structure administrative et la fonction d'objectifs). L'idée sous-jacente de relations
structurantes entretenues par les facteurs, mise en exergue par Lovas et Ghoshal (2000), est que le
développement des initiatives stratégiques est issu d'une présence indispensable de règles, de cultures,
d'objectifs qui cadrent et sont affectés en retour par les sources de variation, les agents de sélection et
de rétention.
Nous postulons que ce système écologique guidée intentionnellement par le noyau stratégique, et
enrichi de façon continue par les variations et leur filtrage émanant du reste de l’organisation, s’appuie
sur le processus de ratification d’une idée émergente jusqu'à sa concrétisation en une capacité
organisationnelle (Martinet et Payaud, 2006) ; dès lors identifier l’ensemble des éléments définis ci-
dessous permet de visualiser les facteurs et acteurs qui agissent, ou non, sur le processus de ratification
des idées émergentes. Leur identification permet effectivement de disposer d’un schéma de conception
du processus de ratification qui indique les domaines activables, autrement dit d’apporter quelques
réponses de « finalisation, conception, préparation et conduite d’une action humaine collective de type
économique en milieu conflictuel » (Martinet 1990, p.213). Les éléments d’influence d’une évolution
guidée de la stratégie sont présentés par Lovas et Ghoshal (2000) dans les termes suivants :
- l'unité de sélection se trouve être l'initiative stratégique. Il s'agit d'un effort délibéré de l'entreprise de
créer ou de s'approprier une valeur économique de l'environnement, organisé en tant que projet
indépendant. Elle est sujette à des processus évolutionnistes et à des forces écologiques des marchés
internes et externes.
- La fonction d'objectifs correspond à l'intention stratégique du dirigeant. A la fois contraignante et
habilitante, si elle est définie par des instances supérieures, elle implique l'ensemble du personnel et le
guide tant dans le choix et la structuration des compétences, que dans la sélection des opportunités de
marché ;
- Les systèmes administratifs sont des configurations de structures, systèmes, culture et leadership
habilitants et contraignants les comportements ;
- Les sources de variation dans les processus stratégiques comprennent les personnes qui soulèvent des
problèmes et suggèrent de nouvelles façons de faire les choses et celles dont les connaissances sont
appropriées aux questions soulevées ;
- Les agents de sélection et de rétention désignent les personnes qui travaillent sur l'initiative
stratégique et sont autorisés (ont autorité) à décider de son sort.
Quelques remarques doivent cependant être ajoutées, le modèle de Lovas et Ghoshal (2000) indique
de façon juste que la connaissance est structurée au sein de l'organisation grâce à un « système
administratif » et à une « fonction d'objectifs », mais il ne spécifie pas quels types de systèmes
administratifs et de fonction d'objectifs sont nécessaires pour développer, encourager les initiatives
stratégiques ; ni la manière dont l’environnement peut faire évoluer la connaissance nécessaire à
l'émergence des initiatives stratégiques. De plus, si différents acteurs de variation, sélection, rétention
sont évoqués, ils restent non identifiés, ce qui nuit à l'opérationnalisation.
L’opérationnalisation passe notamment par l'identification des acteurs dans les processus de variation,
sélection, rétention d'une idée selon sa portée, ses conséquences dans l'entreprise par le biais de l'étude
des narrations. Considérer isolément les rôles joués par les agents de variation, de sélection et de
rétention, serait la manifestation d’une grande naïveté et signifierait croire au simplisme des processus,
néanmoins cela permet d’imaginer, d’anticiper le contenu des étapes, des échanges entre les
interlocuteurs. La compétence individuelle de l’acteur de variation réside dans sa capacité de déceler
l’anomalie ou la possible amélioration, celle de l’acteur de sélection dans sa capacité d’engager son
savoir, son expérience afin de résoudre cette anomalie en tranchant quelle pratique est estimée être la
plus appropriée, et enfin celle de l’acteur de rétention qui va décider de sa pratique officielle dans
l’organisation qui va l’accueillir, la faire vivre, et la transformer. Le tout permettant à une idée
d’émerger, et in fine que la capacité dynamique se développe. Dès lors nous révisons le schéma de
Lovas et Ghoshal (2000) et proposons une nouvelle interprétation (Figure 3 : Eléments d’influence des
capacités dynamiques).
Figure 3 : Eléments d'influence des capacités dynamiques à partir de Lovas et Ghoshal (2000)

Fonction d’objectifs

Compétence
individuelle
Agents de
Source de sélection &
variation Compétence
rétention
locale Compétence
globale

Système
administratif

Une dynamique stabilisante. L’entreprise est alors assimilée à un système biologique qui utilise les
signaux de l’environnement afin de trouver une « dynamique stable ». L’apprentissage s’apparente à la
capacité des systèmes adaptatifs qui « modifient leur comportement en fonction des modifications des
paramètres environnementaux en vue de maintenir leur évolution vers un objectif » (Martin et
Rolland, 2000, p.6). L’organisation est vue comme un système d’entités interdépendantes qui créent,
partagent et appliquent des connaissances pour poursuivre les objectifs stratégiques et économiques.
Dès lors, la capacité dynamique entendue comme renouvellement des compétences (Pisano, Teece et
Shuen, 1997) est basée sur une accumulation de connaissances conceptuelles et opératoires ainsi que
sur des processus d’apprentissage organisationnel appuyés sur des modèles mentaux individuels et
partagés (Kim, 1993). Ainsi, la variété de connaissances et croyances individuelles est nécessaire et
disponible pour que l'apprentissage organisationnel puisse avoir lieu. Soutenir la variété des croyances
individuelles, les modèles mentaux, les modèles partagés permet à l’entreprise de s’adapter à
l’environnement en mouvement. Cela implique qu’il faille, selon les termes de Lovas et Ghoshal
(2000), multiplier les possibles sources de variation afin que l’entreprise puisse « voir le système »
(Chiesa et Manzini, 1997), autrement dit qu’elle développe l’aptitude à identifier et comprendre
l’environnement concurrentiel et le cadre de référence de ses actions. Cela implique de la part des
membres de l’organisation, une parfaite connaissance de la « structure administrative » et de la
« fonction d’objectifs » pour qu’ils captent et intègrent les signaux adaptables au fonctionnement de
l’organisation. La capacité d’apprentissage dépend notamment de la manière dont une entreprise
perçoit son niveau de connaissances par rapport à celui qui est requis pour évoluer dans le monde
extérieur (Chiesa et Manzini, 1997).
Des middle managers au cœur du processus de mise en émergence

Le middle manager, en tant que manager « sécant » (Crozier et Friedberg, 1977), à la frontière
de l’organisation, est supposé coordonner la réflexion et l’action, les activités fonctionnelles et
opérationnelles et, de ce fait, susceptible d’être une personne clé dans le processus d’émergence
d’idée.
Pourquoi les middle managers sont-ils des acteurs clés du processus de mise en émergence ?
Comme Payaud (2004, 2005a) l’a démontré, les middle managers sont pris dans des nœuds de
conversations inter- et intra-organisationnels. Rappelons ici que 1) des dialogues de la relation inter-
organisationnelle résulte une co-production de l'offre, 2) des conversations stratégiques de la relation
intra-organisationnelle peuvent résulter une co-évolution de la stratégie et une co-construction des
compétences. En effet, impliqués dans des échanges inter-organisationnels, les middle managers sont
en mesure de capter des signaux de l’environnement et donc d’évaluer la soutenabilité, la désuétude ou
la nécessité de l’amélioration d’une offre. La conversation développée par les cadres intermédiaires au
cours de leurs relations inter-organisationnelles permet la mise en œuvre d'une co-production de l'offre
car elle aide, favorise, participe à une définition « ex ante » du succès. Egalement impliqués dans des
échanges intra-organisationnels, ils sont en mesure d’alimenter le partage de connaissances, le
transfert de compétences. Le rôle d’« intégrateur clé » peut leur être attribué du fait qu’ils lient
activités et idées, ainsi que le niveau technique et institutionnel (Van Cauwenbergh et Cool, 1982),
puis celui de « coordonnateur » où ils servent de médiateur, négocient les relations entre les niveaux
institutionnel et technique de l’organisation (Floyd et Wooldridge, 1997). Les middle managers sont
en excellente position pour identifier les écarts de compétences, développer et mettre en oeuvre les
compétences manquantes (King et al., 2001) et donc de faire co-évoluer la stratégie. Les actes, les
expériences et les informations issus de la conversation inter-organisationnelle sont susceptibles de
nourrir la conversation intra-organisationnelle. Les middle managers sont de fait des acteurs qui
animent, conduisent, guident des acteurs, des actions, des idées et des décisions. Ainsi, le middle
manager est agent de variation, de sélection et de rétention.
Le middle manager au centre de la source de variation, déterminant de la sélection, catalyseur
de rétention. Les sources de variation, « qui soulèvent et suggèrent de nouvelles façons de faire les
choses » (Lovas et Ghoshal, 2000), sont constituées par l'ensemble des parties prenantes de
l’environnement (clients, fournisseurs, concurrents, collectivités locales, Etat…) et de l'entreprise
(Tous niveaux hiérarchiques confondus, connaissance opérationnelle, connaissance conceptuelle,
modèles mentaux, modèles partagés, etc). Chaque acteur représente une source de variation parce qu'il
détient une expérience, une connaissance de son unité, du marché d'implantation et de son
organisation. Le middle manager est au centre de la source de variation parce qu'il entretient des
relations intra- et inter-organisationnelles, autrement dit les processus d'interprétation et d'articulation
(Floyd et Wooldridge, 2000) sont largement entre ses mains : il connaît chacune des parties, et cette
connaissance mutuelle le conduit à opérer un arbitrage approprié.
Les agents de sélection décident quelles sont les suggestions, idées qui doivent être mises en action
parmi celles suggérées par les sources de variation (acteurs de l'environnement et de l'entreprise). Le
middle manager, au centre du système de variation, constitue un agent de sélection (parmi d'autres de
rang hiérarchique supérieur) puisqu'il détermine quelle(s) donnée(s) nécessite(nt), mérite(nt) d'être
mise(s) en action. Le middle manager entretient des relations de concurrence et de coopération avec
ses pairs dont la littérature ne fait pas état. Pourtant cette relation inter-unités au sein de l’organisation
prend une importance substantielle dans les phases de variation et de sélection. Nous pensons que, du
fait d'une connaissance à la fois globale et locale, chaque responsable d'unités est une source de
variation pour ses pairs, et ce partage de connaissances avec les autres responsables d'unités conduit à
deux niveaux de sélection. Le premier concerne une phase de sélection locale où l'idée développée sur
le site est l'idée qui a émergé dans ce même site. Une seconde phase de sélection est dite translocale où
l'idée développée dans un site est née sur le territoire d'un autre site. Dans les deux cas, il s'agit d'un
processus qui réunit les processus d'articulation et d'élaboration (Floyd et Wooldridge, 2000) et dont le
middle manager est un acteur pivot.
Les agents de rétention, qui décident de poursuivre ou de stopper la pratique de certaines routines,
apprécient d’une part la pertinence de l'idée en fonction du respect de la politique générale, d'une
amélioration potentielle localement et d'une contribution à la performance globale, et d’autre part
s'assurent que l'adaptation est en adéquation avec la ligne directrice de l'entreprise et contribue à
l'avantage concurrentiel. Ils participent à des processus de ratification. Contrairement au modèle de
Floyd et Wooldridge (2000) qui suppose un seul niveau de ratification, nous postulons que les
entreprises connaissent plusieurs processus de ratification au sein de la phase de rétention. Nous avons
vu que le cadre intermédiaire est un acteur pivot de la variation, et que la sélection s'effectue au niveau
des centres de résultats, ce sont deux étapes qui se réalisent au plan local.

Figure 4 : Modèle de Floyd et Wooldridge (2000) élargi

Idée Interprétation : entre source de variation


(interne et/ou externe) et agents de sélection.

Question Variation

Articulation : entre source de variation


interne et agents de sélection.

Initiative Sélection
Elaboration : entre agents de sélection, niveau 1,
source de variation externe et interne 2.
inférieur.
Routine émergente
Rétention
niveau 1,
Ratification : entre agents de 2, 3, 4.
sélection et agents de rétention.
Capacité
organisationnelle

Nous avançons enfin que la rétention est un processus qui s’effectue entre d’une part le centre de
profit autonome et l’infrastructure et, d’autre part, entre les unités stratégiques elles-mêmes, et qu'il
peut se manifester dans quatre circonstances. 1) une idée émergente apparaît positive à un centre de
profits, autrement dit que le succès relatif ou non de l'idée émergente à un niveau local dicte la
rétention. Seul, le cadre intermédiaire concerné peut décider de l'application ou non de l'idée compte
tenu de sa performance sur ledit marché local. Il s'agit ici d'un processus de rétention/ratification
localisé. 2) une idée émergente est bénéfique à plusieurs centres de profits, sans la généraliser à
l'ensemble du groupe, nous sommes alors en présence d'un processus de rétention pluri-localisé. 3)
l'application de l'idée émergente à l'ensemble d'une activité ou d'un métier, il s'agirait d'un processus
de rétention global. Le processus de ratification global débute lorsque le middle management rapporte
le retour d’expérience de la routine testée au niveau local aux instances supérieures en vue de
démontrer l’intérêt de la généraliser à l’ensemble de l'activité, en d’autres termes de la ratifier. Et
enfin, 4) une application du projet à l'ensemble de l'entreprise de services réseau constitue notre
dernier cas : une rétention totale.
Dans la mesure où les processus de variation et de sélection évoluent à un niveau local, chaque unité
devient un laboratoire où peuvent être testées des émergences. Si elles font leur preuve à un niveau
local, elles sont soumises à l’ensemble du groupe, et appropriées à tout ou partie de cet ensemble. Un
gain de temps pour la mise en place, puisque le centre de profit est en mesure de fournir un retour
d’expérience. Les activités similaires des centres de profit des entreprises de services de réseau
permettent, entre autres, la pratique du « benchmarking ».
Chaque processus de co-formation est constitué de sources de variation et des phases de sélection et de
rétention. En effet, il est possible, à chaque fois, d’identifier des étapes et des acteurs qui sont le plus à
même d’être qualifiés d’agents de variation, de sélection et/ou de rétention. En outre, chaque
processus est interdépendant de l’autre ; chacun joue un rôle pour l’autre. L’offre issue du processus
de co-production de l’offre est une source de variation pour le processus de co-construction des
compétences. Symétriquement, la compétence issue du processus de co-construction des compétences
est le résultat d’une sélection et d’une rétention des processus de co-construction de l’offre : l’acquis,
le requis, l’indispensable, l’anecdotique, la potentielle duplication, la possible généralisation ont été
mesurés. Les compétences élaborées offrent à leur tour une zone de variation pour le processus de co-
évolution de la stratégie. Enfin, la co-évolution de la stratégie est à la fois le résultat d’une réflexion
menée sur l’appropriation des compétences construites localement et une source de variation pour la
définition de la stratégie globale de l’entreprise.

Deux exemples contrastes de processus de mise en emergence

L’objectif, ici, est de repérer quels sont les acteurs qui sont plus particulièrement acteurs de variation,
de sélection, et de rétention en se référant au modèle de Lovas et Ghoshal (2001), selon à la fois le
champ de la décision – par exemple : gestion des ressources humaines, gestion commerciale, le
management de la qualité – et la portée de sa mise en action – par exemple : en agence(s), sur un ou
plusieurs secteur(s) géographique(s), dans l’entreprise, ou dans l’industrie des services.
Au sein des mises en émergences, nous repérerons quels sont les acteurs qui animent simplement,
participent plus ou moins activement, mènent, initialisent les conversations stratégiques qui font vivre
les idées émergentes. En se préoccupant des acteurs, du contenu des échanges, de la temporalité, des
lieux des échanges, nous pourrons « dessiner » des zones de variation, de sélection et de rétention
puisqu’un acteur n’est pas seulement un « acteur de variation » par sa position, mais par les relations,
les échanges et les conversations qu’il entretient. Dès lors, nous tentons de mettre à jour ce qui se
trouve dans l’ombre de cette remarque « J’ai une totale autonomie à partir du moment où je respecte
les règles société, et que je ne froisse personne… » ; d’élucider celle-ci « Chaque directeur d’agence,
chef d’agence a quand même une grande autonomie et un grand pouvoir de décision sur son travail. ».
Nous avons pris le parti de présenter, ici, trois formes de processus de mise en émergence qui
correspondent à trois niveaux croissants de complexité pour chacune des entreprises.

L’identification des middle managers

Les entreprises n’emploient pas les mêmes appellations, c’est pourquoi nous choisissons
d’homogénéiser les titres en prenant le parti suivant : les Directeurs de Régions dans les deux
entreprises sont nommés les MM1 (Middle manager de niveau 1), les directeurs de secteur d’Adecco
et les managers de deuxième ligne de Gaz de France-Transport sont les MM2 (Middle managers de
niveau 2) et enfin les responsable d’agence d’Adecco et les managers de première ligne sont les MM3
(Middle managers de niveau 3).
Un processus de mise en émergence simple identique. La complexité du processus de mise en
émergence dépend, pour Adecco, du type de la demande (« pénurique » ou non), du volume réclamé,
du nombre d’agences concernées, des ressources nécessaires pour la mise en place, etc. ; et pour GdF-
Transport, du type de contrat engagé (le contrat d'acheminement, de raccordement et/ou d'accès aux
terminaux méthaniers), qui signifie le type d'ouvrage emprunté (stockage sous-terrain, station de
compression, terminal méthanier, poste de livraison), du nombre d'intervenants concernés par la
prestation et enfin des types de « parties intéressées » en présence sur le territoire.
Lors d’un processus simple, le MM3 est à la fois acteur de variation, de sélection et de rétention. Suite
à une rencontre avec son ou ses clients, il comprend la nécessité de co-construire une offre. Il partage
cette compréhension avec l’ensemble de son équipe afin d’« être force de proposition » en prenant en
considération l’opportunité de marché, la sensibilité d’une continuité dans l’action, les objectifs à
atteindre et la connaissance de la politique de l’entreprise. Ainsi, des MM3 expliquent :
« On est autonome sur les décisions, c’est à nous de nous rendre compte si c’est rentable ou non,
mais on est toujours tributaire du réseau Adecco. Quand on parle de stratégie, je vais d’abord me
référer à la stratégie Adecco Travail Temporaire, après ma région, et mon agence. »
Si une nouvelle co-construction naît dans une agence, la diffusion de sa réalisation ne reste pas
intra muros, le MM3 informe généralement son responsable hiérarchique direct, à savoir le MM2. Ce
processus est commun aux deux entreprises.
« Si l’idée naît en agence, on bâtit le dossier entre l’agence et moi. Si l’enjeu s’arrête au niveau de
l’une de nos agences, et que je peux être décisionnaire, je prends la décision et j’en informe le
MM2. Ça veut dire un travail en amont : un dossier à préparer. » MM3/Adecco
Figure 5 : Processus d'émergence simple commun

MM3, Entreprise, intérimaire, Agence/


Sélection - Rétention
institution, partie intéressée… MM3

Rétention
Variation - Sélection Sélection
Variation

MM1
MM2
MM3
Ext.
Etapes 1 2 3
Echanges entre Clients et Echanges en agence, Proposition de l'offre aux
MM3, déf. de la demande montage d'une offre. clients et info au MM2

Un processus de mise en emergence semi-complexe variable

Dans le processus semi-complexe, chez Adecco (Figure 6), le MM2 n’est pas seulement informé, mais
devient une partie prenante de l’idée et plus particulièrement lors de sa sélection. Une fois la demande
du client prise en considération, le MM3 sollicite son hiérarchique direct pour une aide commerciale
et/ou technique. L’échange entre le MM3 et ses clients constitue une zone de variation, ainsi qu’une
zone de sélection dans la mesure où le MM3 estime que la demande peut être satisfaite, il nécessite
seulement un soutien, un avis. Ce soutien se manifeste par une visite du MM3 accompagné de son
hiérarchique direct au client. Ce duo signifie à l’entreprise cliente que l’entreprise ne néglige pas sa
demande : une personne de la hiérarchie qui se déplace prouve que le prestataire de services porte de
l’intérêt à son client. Les échanges entre les trois interlocuteurs sont l’occasion d’aborder différents
sujets : un bilan de service, une négociation des tarifs en vigueur, l’exposition d’une problématique et
l’évocation de solutions possibles. Ce lieu de conversations constitue une zone de pré-sélection. Le
MM3 et MM2 réfléchissent ensemble à une solution qui sera proposée au client (sélection et rétention)
et dont le MM1 sera informé.
« Si c’est la création d’une agence, ce sont des études de concurrence, de fiches, de marges, de
coûts, de possibilités du marché. Si c’est une proposition d’organisation, il faut un argumentaire
pour justifier. On a une première contre-discussion, échange d’idées, avec le MM2. Souvent, il
apporte d’autres éclairages, une autre vision, il va soulever des questions qu’on n’aurait pas vues
dans le quotidien. Si le dossier est ficelé, complet, il ne nous prend pas à défaut, il l’adopte, et le
soumet à notre MM1. Toutes ces demandes il faut les motiver, les commenter. Ça dépend du
niveau d’implication : dans le domaine de décision du secteur, du niveau organisationnel local, sur
le quotidien, l’atteinte des objectifs. » MM3

Le processus d’émergence semi-complexe est différent chez GdF-Transport (Figure 7). L’anomalie en
main, l’émetteur se préoccupe d’analyser la situation rapidement afin de savoir si une correction peut
être exécutée immédiatement. Si c’est le cas, il la traite lui-même, en revanche si l’anomalie requiert
des compétences plus exigeantes, la sélection du traitement s’effectue lors d’une phase d’analyse :
lister les conséquences, déterminer les causes immédiates et fondamentales et établir un plan d’action,
enfin, pour chaque action un responsable et un délai seront attribués. Les acteurs concernés par
l’analyse, c’est-à-dire la sélection, sont des experts du domaine des dysfonctionnements. A priori, la
source de variation est déconnectée des agents de sélection alors que faire participer celui qui détecte
l’anomalie à son analyse permettrait éventuellement de lier praticien et expert :
« Il faudrait informer au bon niveau, on ne demande pas à l’agent du terrain de connaître le schéma
d’amélioration continue, mais qu’il puisse remonter l’idée, et que quelqu’un soit là pour l’aider, à
formuler, à la traiter, à la corriger. Il faut réguler le système pour éviter qu’il s’engorge. » Expert
« Il y a débat, négociation avec mon MM2 compte tenu des réponses du MM1 ou DG, de l’enjeu
que cela peut avoir sur un site, de l’enjeu que cela peut représenter au niveau national, parce que
moi je n’ai pas la vision au niveau national, enfin moins précise, j’ai une vision sur le site. » MM3

Lorsque le dysfonctionnement est relevé et qu’il ne peut être traité par « l’agent concerné », il est alors
transmis à une instance supérieure, d’expertise, afin d’analyser et planifier des actions correctives. La
participation des MM2 et MM3 est évincée. Cela confirme une rupture dans leur contribution : s’ils
sont eux-mêmes source de variation, ils ne participent pas à la sélection. Dès lors, il devient difficile
qu’ils soient des agents de rétention.

Figure 6 : Processus d'émergence semi-complexe chez Adecco

MM2 Sélection
Rétention

Ets, intérimaire,
institution… MM3

Variation Sélection
Rétention
Sélection
Variation

MM1

MM2
Ext Ext
MM3 Ext

Etapes 1 2 3 4 5
Echange avec le Niveau de MM3 et MM2 MM3 et MM2 Proposition de la
MM3 et ses complexité >, besoin rencontrent le délibèrent, co-production et
clients : Déf. d'une de support, d'avis ou les clients, construisent information au
pbmatique et/ou présentation du p.p. ens. une MM1
projet solution
Figure 7 : Processus de mise en émergence semi-complexe chez GdF-Transport

Resp.
MM2
de
Parties processus
MM3
intéressées Sélection Rétention

Rétention
Sélection
Variation Variation

DR

MDL

MPL

Ext.

Etapes 1 2 3
Echanges entre MM3 informe et Le MM2 transmet
parties intéressées et passe au MM2. au responsable de
MM3, définition de processus (expert)
la requête

Un processus de mise en emergence complexe

L’étendue du processus de mise en émergence, le nombre d’intervenants, ou encore la densité des


échanges dépendent à la fois du degré d’expertise et de la diffusion souhaitée (inter-agences, inter-
secteurs, etc.) qui influent le plus souvent sur les ressources nécessaires. La nouvelle compétence ou
offre peut être réclamée, imposée, ou naître soit par nécessité, soit par opportunité.
Chez Adecco, si les caractéristiques de l’opportunité d’amélioration au sein d’une agence requièrent
une expertise, un accompagnement, un suivi, l’intervention du MM2 n’est pas ponctuelle, mais se
réalise dans le temps. Il participe avec l’auditeur ou autre chargé de mission à la définition de la
régularisation de l’agence dont il est responsable, le MM2 est donc présent et actif lors des phases de
sélection et de rétention. De plus, il ne se contente pas de contrôler son existence ou sa bonne
application, mais il participe à son maintien dans le temps.
« L’interlocuteur principal en agence c’est le MM3, mais le MM2 sait ce que je vais faire en
agence. Quand je vais intervenir sur un sujet délicat, qui concerne directement le management du
MM3, je dois tenir compte du MM2 et des enjeux de l’agence. J’en discute, j’en informe le MM2,
de manière à être d’accord sur la manière dont je vais intervenir. Je suis en ressources par rapport
au MM2. J’ai intérêt à jouer sur tous les leviers, j’explique au MM3 pourquoi je suis là, mais avant
j’ai fait un travail en amont, il y a une problématique au départ. Ce n’est pas parce qu’on intervient
une fois, que le problème est réglé, il y a un suivi avec le MM3, le MM2 et moi. » Expert
Si l’idée émergente se met en place face à un manquement d’une agence, elle peut servir à
d’autres agences qui rencontrent des situations semblables mais non encore déclarées. Devant un
dysfonctionnement organisationnel répété dans ses agences, le MM2 est à même d’envisager de
nouvelles pratiques, ou de servir de témoins de bonnes pratiques. Cette position permet au MM2 de
faire interagir les activités de support (Chargés de missions formation, intérimaire, sécurité, etc.) avec
les besoins des équipes de l’agence. Ici, le MM2 est à la fois un agent de sélection et de rétention pour
la compétence construite localement, mais de fait devient une source de variation pour un niveau plus
global de l’entreprise, et plus particulièrement pour le MM1 qui sert de relais-sélectionneur de
compétences.
Le processus complexe (Figure 8) s’illustre par le cheminement d’une idée qui a d’ores et déjà fait ses
preuves au sein d’espaces plus ou moins isolés de l’entreprise et qui est susceptible d’améliorer la
performance de l’entreprise si tant est qu’elles puissent devenir applicables à l’ensemble de
l’entreprise. Les rencontres et échanges avec les MM2 servent alors de source de variation, ceux et
celles avec ses homologues de sa direction opérationnelle et ses interventions auprès des hiérarchiques
institutionnels et professionnels renforcent sa variation et influent sur la sélection. La rétention d’une
opportunité estimée viable dans sa région et potentiellement appropriable à l’entreprise devient une
possibilité d’évolution, de complément de la stratégie globale. Source d’inspiration, la région confère
de multiples exemples, de multiples expériences qui peuvent être le départ d’une initiative. Un suivi
prompt sert de source de variation, le recul, l’expérience et l’imagination constituent la base de la
sélection, et la rétention en termes de faisabilité se réalise avec les directions fonctionnelles.
Figure 8 : Processus d'émergence complexe chez Adecco

MM2 MM1 Rétention

CM en DR
et/ou DN

Sélection
MM3
Ets,
intérimaire,
institution…
Variation
Sélection
Application
Sélection
Rétention
Variation

DR
DS

Ext CM
RA
Ext Ext
Ext

Etapes 1 2 3 4 5 (6 7 8
Echange avec Niv. de MM3 et MM3 et MM2 Discussion des  Le CM et/ou le Rencontre aboutit à que le MM3
le MM3 et ses complexité MM2 délibèrent, moy, possibilités, MM1 peut aussi une proposition soumet à son/ses
clients : Déf. >, besoin de rencontre le besoin de soutien confrontés à la rencontrer les clients validée par le MM1 ; clients
d'une support, ou les clients et d'aide des CM pbmatique. accompagné du le MM2 fait suivre
pbmatique d'avis. et du MM1. MM3) au MM3
La négociation, la discussion, le débat pour faire converger les idées n’existent pas ou peu
chez le gazier français. La prise en compte des réalités du local se fait à travers un outil : le cadre
stratégique de l’unité ; mais les émergences capables de faire évoluer la stratégie « chemin faisant »
ont peu d’espaces d’évolution. La contribution des middle managers de GdF–Transport à la co-
production de l’offre se résume à un accompagnement, ils diffusent des informations mais n’agissent
pas directement sur l’offre qui est confiée à une division externe à la région, centralisée du métier.
Ensuite, le débat d’idées au sein du processus de co-construction des compétences engage davantage
les services fonctionnels régionaux que les middle managers eux-mêmes. De fait, la co-évolution de la
stratégie, étant un processus résultant du bon fonctionnement des deux précédents, est quasi-
inexistante. Parmi les explications obtenues, nous retenons que :

Figure 9 : Processus de mise en émergence complexe chez GdF-Transport

MDL / Resp. de
Animateur processus

Sélection
DVG
Parties DA
intéressées MPL
… Sélection /
Rétention

Variation Rétention - Enregistrement


Sélection
Variation

DR

MDL Resp. DVG


Processus DA

MPL
Ext

Etapes 1 2 3 4
Echange avec le Niveau de complexité MM2 passe le Resp. de processus et
MM3 et les parties >, besoin de support et projet au services de niveau groupe
intéressées : Déf. présentation du projet responsable de délibèrent, construisent ens.
d'une pbmatique au MM2/animateur processus solution.
Si deux systèmes de management animent l’entreprise (processus et hiérarchie), la prise de décision
incombe à la hiérarchie ; ce qui implique d’une part que le MM2, animateur de processus, ait une
relation continue avec ses homologues hiérarchiques de la région et avec ses homologues processus
des autres régions et, d’autre part, qu’un dispositif permette au MM1 de ne pas être écarté des
discussions tenues (présence, compte rendu, etc.) :
« En parallèle de cette structure hiérarchique, il y a une structure par processus. La cartographie
des processus de la Direction Transport a été établie, il y a au niveau national un responsable des
processus, au niveau de la région il y a un animateur de processus qui peut avoir des
correspondants à des niveaux inférieurs. On a les 2 lignes qui coexistent, la ligne hiérarchique et la
ligne processus. La décision appartenant à la ligne hiérarchique. » MM1/GdF

Le circuit de communication est, d’une manière générale, descendant, de fait sans les boucles
récursives qui sont au cœur de l’enchaînement des étapes du système évolutionniste, la succession des
phases de variation/sélection/rétention a des difficultés à vivre :
« L’impression sur les liens avec les services centraux de la DT est qu’il y a plus de sollicitations
du national vers le local, que l’inverse » MM3/GDF
« Le directeur est très sollicité par le national, il ne se consacre pas suffisamment au local, il ne
s’implique pas suffisamment. Il est tiré par le haut. » Expert/GdF

Le groupe Qualité–Santé–Sécurité–Environnement joue le rôle d’interface entre la situation locale et


la direction régionale, il constitue une source de sélection pour le directeur régional :
« Nous sommes plutôt des experts qui accompagnons la direction et la région pour faire
de l’amélioration continue de l’organisation. Nous proposons au directeur de région et
c’est lui qui le porte, ce n’est pas nous, on est des facilitateurs parce qu’on accompagne,
on est expert, et on demande au directeur de faire. » Expert/GdF

Le MM1 véhicule à son tour des idées issues de sa région, il est un agent de rétention pour la
région, et un agent de sélection pour la direction nationale du métier Transport :
« Il apporte ses idées sans être sûr qu’elles soient prises en compte, la stratégie est élaborée en
cabinet par des experts, ça reste déconnecté du terrain. Il y a une stratégie qui doit rester macro, de
niveau national, développement de l’entreprise, etc., par contre dans l’amélioration du
fonctionnement, si, il apporte des choses, par notre expérience, on essaie de remonter, de se faire
écouter. Il essaie de se servir du réseau national, mais il fait remonter, contribue, dans le domaine
technique, comme dans le domaine du fonctionnement. » Expert/GdF

La présence d’une forte hiérarchie supérieure et la déresponsabilisation des managers de région, des
structures formelles abondantes et directives et des services centralisés ne favorisent pas une co-
évolution de la stratégie. Les compétences individuelles ne peuvent s’élargir à des compétences
régionales, dès lors l’étape supérieure qui consisterait à devenir une compétence globale car
appropriable ou généralisable ne peut se développer.

Conclusion des cas. Dans l’entreprise de travail temporaire, nous constatons une confusion des agents
source de variation, de sélection et de rétention, parce qu’ils sont tour à tour, selon le degré de
complexification des processus, l’un et/ou l’autre. En effet, nous avons vu que la position inter- et
intra-organisationnelle ainsi que les responsabilités qui incombent aux MM1, MM2 et MM3 leur
confèrent des rôles spécifiques dans les processus de co-formation.
Le MM3 est un agent de sélection et de rétention pour une co-production de l’offre qui concerne un
client de son agence et une source de variation pour une co-production de l’offre à dimension
sectorielle ou régionale, il participe à chacune des co-formations. En ce qui concerne la co-
construction des compétences, il agit plus particulièrement en tant que source de variation et d’aide à
la sélection. Le MM2 participe également à la co-production de l’offre premièrement en tant qu’agent
de sélection et de rétention sur son secteur, deuxièmement en tant qu’agent de sélection et d’aide à la
rétention sur la région, autrement dit comme consultant de son MM1 et troisièmement comme source
de variation de la co-évolution de la stratégie. Le MM1 de par sa position hiérarchique est un agent de
rétention pour les co-productions de l’offre et les co-constructions de compétence qui se limitent à une
application régionale, il devient un agent de sélection et d’aide à la rétention au sein du processus de
co-évolution de la stratégie.
De plus, l’aboutissement d’un processus sert de base de travail à l’engagement d’un autre. Par
exemple, la co-production de l’offre micro-locale sert de variation à la sélection de la co-construction
des compétences régionales qui elle-même sert de sélection à la rétention de la co-évolution de la
stratégie qui, à son tour, offre une base de travail, formelle et transformable à l’ensemble de
l’organisation.
Pour les trois processus de co-formation, les phases évolutionnistes ne se restreignent pas à des
acteurs, mais s’élargissent à des zones de relations. Il ne s’agit non plus seulement d’agents de
variation, de sélection ou de rétention mais des zones où se développent, se négocient, se discutent la
sélection et la rétention. Ces zones se matérialisent par des échanges, des conversations stratégiques,
des moments de négociation. Ces zones d’évolution sont nombreuses et provoquées par chacun, pour
le besoin, autrement dit en fonction de sa position au sein de la co-formation. Les zones elles-mêmes
se superposent du fait de la participation multiple des agents à chaque étape, où chacun devient un
porte-parole de la zone évolutionniste précédente. Ainsi, le développement des compétences s’effectue
sans rupture.
En revanche, au sein de Gaz de France–Transport, les agents de variation, de sélection et de rétention
sont parfaitement identifiables, avec des zones qui se chevauchent peu ou pas. La non confusion des
zones signifie également des lieux de négociation peu nombreux, un nombre d’échanges limité, le tout
étant un affaiblissement des sources de variation.
Le fait que la communication informelle soit peu développée provoque un isolement des agents et
cloisonne ainsi les activités, les services et les processus. Les homologues échangent peu et limitent la
diffusion de bonnes pratiques. L’organisation suggère alors des compétences individuelles cloisonnées
qui limitent le développement des compétences locales, et de fait les compétences globales sont des
compétences tournées vers le macro-environnement (réglementation européenne, santé, sécurité, etc.)
mais peu sensibles au marché sous sa forme micro-locale et régionale.

Propositions

Le dialogue entre le travail théorique et le travail sur les études de cas conduit à soumettre 8
propositions dites fondatrices. Ces propositions fondatrices visent à délimiter et préciser les
dimensions du cadre théorique et les concepts centraux susceptibles de répondre à notre
problématique. L’intérêt est de considérer ce jeu de propositions en un bloc, et non les propositions
une à une, lesquelles pourraient alors suggérer une critique quant à leur originalité.
Proposition 1 : Les émergences stratégiques peuvent être vues comme un processus évolutionniste,
caractérisé par trois phases : la variation, la sélection et la rétention.
Les émergences stratégiques suivent les étapes du processus évolutionniste, elles ne naissent pas
instantanément, mais à partir d’un ensemble de savoirs lié aux environnements externe et interne (la
variation), puis un arbitrage s’opère (la sélection) afin que l’idée soit ratifiée (la rétention). Ces trois
étapes du système évolutionniste se réalisent individuellement, localement ou globalement, et
constituent un processus de mise en émergence des idées.

Proposition 2 : Ce processus porte, de façon indissociable, sur des savoirs macro et microscopiques et
des relations inter- et intra-organisationnelles.
L’action managériale dépend notamment de la relation structurante entre le savoir et la relation : il n’y
a pas de mise en œuvre de savoir sans l’établissement de relation, et réciproquement. Les idées
émergent à partir de connaissances qui constituent une base de réflexion. La construction de
connaissances contraignantes et habilitantes liées d’une part à l’entreprise et d’autre part au métier, à
son secteur géographique, à son secteur d’activité, à ses parties prenantes locales, nationales, etc.
constituent une source de variation. Dès lors, les entreprises doivent développer des zones de
conversations stratégiques afin d’entretenir des relations et des connaissances inter- et intra-
organisationnelles façonnant leurs savoirs macro et micro.

Proposition 3 : Cette indissociabilité et la position qu’occupe le middle manager font de celui-ci un


acteur clé dans le processus.
La position organisationnelle des middle managers favorise leur connaissance inter- et intra-
organisationnelle nécessaire au développement d’idées émergentes. Ils sont en situation d’intervenir à
chacune des étapes du processus évolutionniste. Leur connaissance du contexte et leur position
hiérarchique leur permettent d’émettre, de porter et/ou de ratifier une idée. Dès lors, la mise en
émergence d’une idée conçue comme un système écologique guidée intentionnellement est une action
collective qui se déploie comme un mouvement conjoint de savoirs et de relations.

Proposition 4 : Les échanges inter-organisationnels développés par le middle manager mobilisent et


participent à la formation de réseaux sociaux, sources de variation.
La construction de réseaux sociaux passe par les échanges inter-organisationnels. Les middle
managers sont en position théorique de reconnaître, d’identifier les signaux susceptibles de conduire à
des opportunités ou des menaces de l’environnement qui peuvent influencer soit la soutenabilité ou la
désuétude des compétences actuelles, soit de révéler des futures compétences pour lesquelles il
conviendrait investir. Les middle managers doivent être encouragés à développer et entretenir des
relations avec l’ensemble des partenaires de leur environnement local, afin de pouvoir capter ces
signaux.

Proposition 5 : Les échanges intra-organisationnels développés par le middle manager (à l’occasion


des rencontres formelles ou informelles, avec ses supérieurs, ses subordonnées, ses homologues ou des
experts) mobilisent et participent à la formation d’un réseau intra-organisationnel, source de
capitalisation de compétences.
Bien qu’il soit difficile de capturer dans une forme strictement codifiée la connaissance nécessaire à la
construction de compétences, la connaissance tacite est le plus souvent communiquée lors de partages
d’expériences, d’histoires ou de narrations. Les middle managers doivent être encouragés à partager
leurs histoires afin que chacun en exploite des éléments. Ce partage aide au transfert de compétences
dans l’organisation, en construisant un nouvel ensemble d’expériences tacites, ajoutant de la valeur.

Proposition 6 : Le passage d’une compétence individuelle à une compétence locale, autrement dit
l’officialisation d’une contextualisation émergente, sollicite l’ensemble des conditions requises pour
que l’interaction entre les connaissances opératoires et conceptuelles nécessaires à l’apprentissage
individuel d’une part et, les modèles mentaux (routines et framework) d’autre part, opère.
Le résultat de l’interaction « compétence individuelle/compétence locale » constitue une réponse aux
spécificités d’un territoire. Il est l’aboutissement d’une émergence adaptée à un contexte local,
autrement dit la contextualisation d’une stratégie délibérée à un territoire donné menée par un
ensemble d’acteurs participant au processus évolutionniste. Ainsi, les agents de variation et de
sélection de l’émergence ont une connaissance importante des compétences de l’entreprise, des
volontés de l’organisation, de ses ressources, de ses règles et de son territoire. Le développement des
compétences nécessite une connaissance opérationnelle, une connaissance conceptuelle et des modèles
mentaux afin que l’individu puisse situer son action au sein de l’entreprise, se situer dans
l’organisation, savoir ce que la structure lui autorise, connaître l’existant contraignant et habilitant afin
qu’il agisse avec, en son sein, et qu’il l’améliore ou le renouvelle.

Proposition 7 : Le passage d’une compétence locale à une compétence globale, autrement dit une
contextualisation émergente généralisée, sollicite l’ensemble des conditions nécessaires au modèle
intégré d’apprentissage organisationnel.
Le passage d’une compétence locale à une compétence globale marque l’aboutissement d’une
traduction, d’une anticipation (conjoncturelle, structurelle, sectorielle, etc.) nées du terrain. Le résultat
de l’interaction « compétence locale/compétence globale » représente un enrichissement de la stratégie
délibérée par la possible généralisation des émergences ratifiées localement. Il permet une sélection
des idées expérimentées, une variation des signaux de l’environnement dans la mesure où il soumet
des micro-diagnostics et avec eux des propositions, des « solutions ». Une idée se développe à partir
de connaissances qui constituent une base, un cadre de réflexion, des repères pour chacun. Une idée
d’amélioration d’une compétence, d’une offre ne peut s’effectuer sans connaître d’une part les
engagements, la politique, les objectifs, la vision, la culture, les offres, les compétences, le
fonctionnement de l’entreprise afin que l’idée soit « en phase », connectée avec le reste de
l’organisation ; et d’autre part, sans connaître un monde externe, ses règles, ses pratiques et ses
exigences afin que l’initiative corresponde à l’activité, au métier. Les savoirs macro/micro, les
relations inter- et intra- organisationnelles augmentent les connaissances individuelles et
organisationnelles, construisent les modèles mentaux sources de variation. Favoriser l’existence de ces
lieux d’échanges conduit les entreprises de services de réseau à créer la possibilité de prendre en
considération les spécificités locales, émergentes pour affiner leur stratégie délibérée. Dès lors, les
agents de variation et de sélection de l’émergence doivent avoir une connaissance forte de l’activité,
du métier, et de la capacité d’absorption de l’organisation, autrement dit de modèles partagés.
Proposition 8 : Les capacités dynamiques qui résultent de la relation structurante des niveaux de
compétences (individuelle, locale, globale), traduisant un modèle d’apprentissage complet (individuel,
groupe, organisation), voient ainsi renforcé leur caractère idiosyncrasique (porté par les émergences)
tout en étant diffusées au sein de l’organisation (rétention/officialisation).
L’interaction « compétence globale/compétence individuelle » est le résultat d’idées émergentes
généralisées qui génèrent, à leur tour, de nouveaux éléments de la stratégie délibérée, et entraînent,
peut-être, de nouveaux dispositifs de gestion. Ainsi, la relation structurante des trois compétences
traduit le processus de ratification des capacités dynamiques, où chaque compétence représente une
étape du processus évolutionniste, structurationniste : la ratification d’une idée adaptée à un contexte
local en respect des politiques globales peut être un signal pour l’organisation, et devenir une priorité.
Ainsi, les modèles partagés se développent, alimentés par la rétention d’idées.

Conclusion

Dans la mesure où une entreprise souhaite une contribution de ses middle managers, elle doit
s’intéresser au mode de gouvernance et aux différentes structures organisationnelles favorisant cette
participation. Il ne suffit pas de prôner l’autonomie, il faut la créer. Donnons quelques exemples :
concernant le mode de gouvernance, le style et le processus d’exercice doivent être basés sur
l’animation et la négociation et non l’imposition et/ou l’autorité sinon débat et discussion sont
anéanties ; un fonctionnement stable et connu de la ligne hiérarchique permet que chacun puisse
identifier les acteurs sources de variation, de sélection et de rétention de l’idée. Concernant maintenant
les structures et outils organisationnels, les directions régionales doivent être indépendantes et
autonomes afin que les acteurs sur le territoire aient des marges de manœuvres, si tout est centralisé,
aucune émergence ne peut naître ; les ressources disponibles connues par les acteurs clés traduisent, ou
non, la faisabilité des émergences ; la mise en place et la connaissance des procédures de diffusion, de
déclinaison et de suivi de la stratégie servent de catalyseur dans la mesure où elles permettent à chacun
de situer ses objectifs par rapport à ceux de l’organisation, sa progression… ; un mode de
rétribution/sanction précisant le dosage et le degré de reconnaissance ainsi que la définition de l’échec
permet à l’acteur d’identifier sa prise de risque.
Les structures, infrastructures et outils, tout à la fois habilitants et contraignants, doivent
favoriser le développement des émergences.
Ce type d’objet de recherche – l’étude des processus – associé à ce projet – un système de
propositions – reste encore trop discret dans la recherche en sciences de gestion. Trop souvent des
propositions découlent de la seule analyse de la littérature ou encore des propositions opératoires
découlent des seules études empiriques. Nous tenons à souligner, ici, que les huit propositions
fondatrices sont issues de la dialectique des deux matériaux. Nous ne les opposons pas, nous les
confrontons afin que chacun enrichisse l’autre et ce, afin de proposer un cadre conceptuel qui fournit
les principales dimensions à étudier dans le cadre de notre problématique.
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