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Calviniste, Arminien,

intermédiaire ou éclectique
David Shutes
[version 4.0 – août 2019]

Avec mes remerciements à Claude Schneider, ainsi qu'à Sonia et Nathanaël Gimenez-Shutes, pour leurs
contributions dans la correction du texte. Surtout à Claude, qui a fait la plus grande partie de ce travail.

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librement mais les droits d'auteur appartiennent à l'auteur. Merci de visiter le site pour les détails concernant les conditions
d'utilisation.

Table des matières


page 2 Un débat sans fin
page 3 Les enjeux
page 3 L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?
page 3 Élection conditionnelle ou inconditionnelle
page 4 Christ est-il mort pour tous ?
page 4 L’homme peut-il refuser le salut ?
page 5 Peut-on perdre le salut ?
page 5 Les positions et les problèmes
page 6 La position calviniste
page 7 La position arminienne
page 8 La position intermédiaire
page 10 La position éclectique
page 10 Conclusion sur les différentes positions
page 11 L’herméneutique
page 11 Faut-il résoudre toutes les contradictions logiques apparentes ?
page 13 Exégèse ou eiségèse
page 14 Un texte difficile interprété par d’autres textes clairs
page 14 Les risques de la théologie systématique
page 16 L’enseignement (apparent) de la Bible sur chacun des cinq points
page 16 L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?
page 17 Élection conditionnelle ou inconditionnelle
page 18 Christ est-il mort pour tous ?
page 21 L’homme peut-il refuser le salut ?
page 22 Peut-on perdre le salut ?
page 25 Résumé des cinq points
page 26 Conclusion : plaidoirie pour la Bible plutôt que la logique humaine
page 27 Annexe : analyses de quelques textes et principes clés
page 27 Romains 9
page 28 Hébreux 6
page 29 « Dieu veut le salut de tous »
page 30 La prédestination
page 32 Le compatibilisme

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Un débat sans fin
Tous les problèmes théologiques n’ont pas de solution simple et convaincante. Il est difficile pour un
théologien de l’admettre, mais devant de nombreuses questions, nous sommes obligés de répondre : « Je ne
sais pas. » Notre information est terriblement incomplète, et notre manière de raisonner est forcément
imparfaite. Du coup, notre raisonnement nous conduit souvent à des réponses insoutenables et, dans
l’incapacité de situer l’erreur, nous devons avouer nos limites. Nous ne savons pas tout, et nous ne
comprenons pas tout.
Le péché est un de ces sujets où nous n’avons pas de réponse suffisante. D’après ce que la logique
humaine peut comprendre, le péché ne devrait pas exister. Si Dieu est parfait, tout ce qu’il fait l’est aussi, ses
créatures y compris. Or, le péché étant quelque chose de mauvais, il ne semble y avoir aucune raison logique
pour laquelle une créature parfaite choisirait cette voie franchement imparfaite. La liberté de choisir ne suffit
pas à elle seule pour résoudre le problème. Bien sûr, une créature réellement libre pourrait choisir le péché.
Mais pourquoi le ferait-elle ? Les mauvais choix s’expliquent par de mauvaises dispositions ou des
informations insuffisantes. Quelqu’un qui a de mauvaises dispositions ou qui manque d’informations sur un
point essentiel est une créature imparfaite ; ce n'est donc pas ainsi que Dieu l'a créé.
Dieu a-t-il fait exprès de créer les hommes (et les anges, soit dit en passant) de manière imparfaite,
pour qu’ils puissent tomber dans le péché ? Impensable ; cela rendrait Dieu responsable du péché. Non
seulement cela contredit la nature parfaite de Dieu, mais aussi la nature du péché. Celui-ci étant le refus de la
créature de vivre selon la volonté de Dieu, s’il faisait partie de ce que Dieu a voulu, le péché ne serait plus
péché !
Comment expliquer alors l’origine du péché ? Nous ne le pouvons pas. Toutes les tentatives
conduisent à des erreurs manifestes. Pourtant, le péché existe. Nous ne pouvons que le constater. Et s’il
existe, comment expliquer aussi qu’une créature empreinte de péché s’en détourne, en acceptant le salut ?
Cela ne devrait pas se faire non plus. Pourtant, tout comme le péché, le salut existe. Des centaines de
millions de personnes l’ont expérimenté dans l’histoire de l’humanité.
C’est la tentative d’expliquer la conversion qui a conduit au débat qui, de nos jours, prend la forme
du choix entre les systèmes de pensée qui s’appellent le calvinisme et l’arminianisme. Le premier est nommé
d’après le réformateur Jean Calvin, bien qu’il ait été élaboré dans sa forme actuelle une cinquantaine
d’années après sa mort. Le second tire son nom du théologien hollandais Jacob Arminius qui a essayé de
répondre au calvinisme. Pour lui, le calvinisme ne tenait pas suffisamment compte de la liberté que Dieu lui-
même avait donnée aux êtres humains. Mais le débat est bien plus ancien que les formulations utilisées à
l’époque moderne. Déjà dans le livre de Job, on trouve certains propos qui relèvent de la difficulté à faire la
part entre la souveraineté de Dieu et la liberté qu’il nous a donnée.
Moi-même, j’ai lutté longtemps avec cette question et j’ai changé de position plusieurs fois. Élevé
dans la théologie arminienne pure, j’ai été obligé de constater que mon parcours vers Dieu n’était pas le
simple choix d’accepter le salut, comme je l’avais pensé. Dieu était intervenu de nombreuses fois, de
manières très diverses, pour influencer mon choix. Sans son intervention, je n’aurais jamais choisi de lui
faire confiance et de me tourner vers lui.
M’étant rendu compte de cela dans le début de ma vie adulte, je suis devenu calviniste. Peut-être
n’ai-je jamais été un calviniste aussi pur que l’arminien que j’avais été auparavant, mais il est indiscutable
que j’étais calviniste. J’étais convaincu que c’est Dieu, en fin de compte, qui fait le choix de qui sera sauvé et
qui ne le sera pas, plutôt que l’homme qui se positionnerait librement.
Mais au bout de quelques années, j’étais obligé d’admettre que cela conduisait à des problèmes tout
aussi grands que l’arminianisme, si ce n’est pas plus grands encore. J’ai donc fait marche arrière par rapport
au calvinisme aussi, en adoptant une position qui n’est pas vraiment en accord total avec l’un ou l’autre de
ces deux camps théologiques. Pourtant, il m’a fallu encore de nombreuses années pour arriver à définir avec
clarté, même dans ma propre tête, les contours de cette position.
Je sais qu’il s’agit d’un débat houleux, où même entre évangéliques, on a parfois tendance à
considérer comme hérétiques ceux qui ont un avis différent du nôtre. Le but du présent document est
d’expliquer ma position et les raisons qui m’y ont conduit. Si cela peut aider d’autres à voir un peu plus clair,
sa rédaction en aura valu la peine.

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Les enjeux
Les grands enjeux, les questions sur lesquelles le débat se porte, sont plus ou moins standardisés
depuis l’époque des partisans de Jean Calvin et de Jacob Arminius. Les calvinistes, les premiers, les ont
formulés autour de cinq points. Les arminiens, en réponse, ont formulé leur propre système en fonction des
mêmes cinq points, mais en donnant évidemment d’autres réponses.
Nous verrons par la suite qu’on pourrait éventuellement y ajouter un sixième point, quoique ce sujet
puisse fort bien s’examiner aussi comme une implication relativement évidente des points 2 et 3 de la liste
classique. Nous nous contenterons donc des cinq points utilisés habituellement pour définir le débat :

• L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?


• Élection conditionnelle ou inconditionnelle
• Christ est-il mort pour tous ?
• L’homme peut-il refuser le salut ?
• Peut-on perdre le salut ?

Voici, brièvement, la nature du débat pour chacun de ces points :

L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?


On pourrait avoir l’impression que la réponse à cette question est forcément affirmative, et que la
question ne se pose même pas. Puisqu’il y a des millions de personnes qui sont sauvées, il est évident que
chacune d’elles a accepté le salut.
Pourtant, ce n’est pas aussi simple. L’enjeu de base ici est de savoir à quel point le péché affecte
notre nature. Nous sommes tous pécheurs de naissance, certes, mais le péché affecte-t-il notre comportement
uniquement, ou aussi notre disposition à vouloir marcher avec Dieu ?
Si nous disons qu’il n’affecte pas notre disposition à nous soumettre à Dieu, cela voudrait dire que
l’homme naturel pourrait choisir spontanément de se détourner du péché. Si c’est le cas, c’est que l’homme
n’est pas fondamentalement disposé à rejeter Dieu. Autrement dit, il n’est pas foncièrement pécheur. Il
pèche, mais il pourrait choisir librement de s’en détourner.
En revanche, si nous disons que notre disposition à faire confiance à Dieu et à marcher avec lui est
corrompue depuis la naissance par le péché qui nous affecte tous, cela implique incontestablement que
l’homme pécheur n’accepterait jamais de se soumettre à Dieu, même si l’option lui est proposée. Sans une
intervention divine, aucun pécheur n’accepterait de se repentir et revenir à Dieu. Le terme théologique dont il
est question ici est la dépravation totale.
Ceux qui soutiennent ce concept disent que le péché affecte la totalité de l’homme pécheur, y
compris sa volonté, et notamment sa disposition à accepter le salut. Ceux qui refusent la dépravation totale
admettent sans hésitation que tout homme est pécheur, mais pensent que même un pécheur peut
éventuellement accepter librement le salut en Christ, s’il arrive à comprendre de quoi il s’agit.

Élection conditionnelle ou inconditionnelle


En tant que terme théologique, élection signifie tout simplement choix. Ce point du débat serait plus
clair pour les non-théologiens si on parlait de choix conditionnel ou de choix inconditionnel, mais le
vocabulaire théologique est fixé depuis longtemps. Nous utiliserons donc le terme élection tout en
comprenant que cela veut dire choix, ni plus ni moins.
Bien évidemment, Dieu aurait le droit de refuser le salut à tout le monde. L’homme s’est détourné de
lui par le péché ; il n’a donc absolument aucun droit de revenir à la relation avec Dieu qu’il a abandonnée.
Tout comme le fils prodigue, il n’est plus digne d’être compté parmi les enfants de Dieu. Si donc le salut
nous est offert, c’est parce que Dieu choisit de le faire. C’est dans ce sens qu’on parle d’élection : le terme
fait référence à ceux que Dieu a choisi de sauver.
Mais qui choisit-il pour le salut ? Choisit-il de sauver tous ceux qui se conforment à tel ou tel critère,
ou choisit-il librement de sauver certains et non d’autres, selon son bon plaisir, sans que le choix repose sur
quoi que ce soit chez ceux qui sont sauvés ?
S’il y a un critère, on dit que le choix est conditionnel, c’est-à-dire que Dieu choisit de sauver ceux
qui remplissent une certaine condition. Normalement, du moins parmi les évangéliques, le critère en question

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est celui de la foi en Christ. L’élection conditionnelle signifierait donc que Dieu a choisi de sauver tous ceux
qui viennent à lui par la foi en Christ.
L’élection inconditionnelle, en revanche, voudrait dire qu’il n’y a pas de critère, du moins du côté
des hommes. Autrement dit, Dieu ne choisirait pas d’accorder le salut à telle personne en raison de sa foi, et
de le refuser à telle autre personne parce qu’elle n’a pas la foi. Son choix serait indépendant de la foi des
hommes. À ce moment-là, la foi devient un résultat du salut et non un élément du moyen du salut : Dieu
opérerait une transformation unilatérale chez ceux qu’il a choisi de sauver, de manière qu’ils aient la foi.
Mais sans le choix de Dieu de les sauver, ils n’auraient jamais eu la foi.
Dans le fond, en termes assez brutaux, l’élection inconditionnelle signifie que le choix de Dieu serait
arbitraire. Dieu aurait pu tout aussi bien en choisir d’autres, puisque c’est lui qui fait tout chez ceux qu’il
veut sauver. Il opère la régénération, il leur donne la foi, il produit la repentance, il pardonne et il donne la
vie éternelle. Tout cela sans qu’il y ait eu quoi que ce soit chez la personne choisie qui aurait eu une
influence quelconque sur le choix de Dieu de la sauver.
C’est ici qu’on pourrait éventuellement ajouter un point supplémentaire : Dieu veut-il le salut de tous
les pécheurs ? C'est un aspect très important du débat, après tout. Ce n'est pas essentiel de le mettre à part,
toutefois, puisqu'il est impliqué dans la réponse donnée par rapport à l'élection :
• Si Dieu choisit certains pour le salut, sans qu’ils aient à avoir la foi, c’est qu’il pourrait sauver
n’importe qui. Dans cette optique, il n’a pas besoin d’une réponse de foi, puisque c’est lui, Dieu, qui
donne la foi à ceux qu’il choisit de sauver. Dieu étant souverain, il fait ce qu’il veut. Si donc il ne
sauve pas certains, alors qu’il le pourrait s’il le voulait, c’est qu’il ne le veut pas. L’élection
inconditionnelle implique donc sans conteste que Dieu ne veut pas le salut de tous.
• En revanche, s’il accepte tous pour le salut, à condition qu’ils viennent à lui par la foi en l’œuvre de
Christ, c’est qu’il veut bien le faire. Par conséquent, l’élection conditionnelle indique que Dieu veut
le salut de tous, aussi clairement que l’élection inconditionnelle implique le contraire. Il est donc
utile de se poser la question si Dieu veut vraiment le salut de tous, mais dans le fond ce n’est qu’une
reformulation de la question de l’élection conditionnelle ou inconditionnelle.

Christ est-il mort pour tous ?


Ce point découle lui aussi du précédent : si Dieu n’a jamais prévu de sauver certains hommes,
puisqu’il ne le veut pas, il semble parfaitement logique de dire que la mort de Christ n’est pas pour eux.
C’est presque un pléonasme : si Dieu n’a pas prévu de les sauver, Christ n’est pas mort pour les sauver.
En revanche, si Dieu veut le salut de tous et sauve tous ceux qui correspondent à un certain critère (la foi),
qui relève d'eux et non de l’œuvre unilatérale de Dieu, il est tout aussi raisonnable de dire que Christ est mort
pour tous. C’est ce que le langage théologique appelle la rédemption illimitée.
Ce n’est pas du tout la même chose que la doctrine de l’universalisme, qui enseigne que tous seront
sauvés, sans exception. L’universalisme étant pour ainsi dire impossible à concilier avec ce que la Bible
semble enseigner clairement et à maintes reprises, il ne fait pas partie des croyances qui se trouvent
normalement dans les milieux évangéliques.
Mais la doctrine de la rédemption illimitée n’enseigne pas et n’implique pas l’universalisme. Elle
maintient uniquement que la mort de Christ permettrait potentiellement le salut de quiconque, et non que le
salut d’une personne donnée ait effectivement lieu. Cela dépendra de l’acceptation par la personne de cette
offre de salut, ce qui nous renvoie à l’élection conditionnelle.
Ainsi, tout comme la question de savoir si Dieu veut le salut de tous, il ne serait pas obligé que celle-
ci figure dans la liste des enjeux fondamentaux du calviniste-arminien. Elle découle directement de la
réponse donnée en ce qui concerne l’élection. Mais historiquement, elle a été formulée à part, tandis que le
désir de Dieu de sauver tous les hommes ne l’a pas été. En suivant l’énumération traditionnelle, il est donc
utile de l’inclure dans la liste.

L’homme peut-il refuser le salut ?


Ce point est en quelque sorte le contrepoint du deuxième point, l’élection conditionnelle ou
inconditionnelle, qui explore la question de ce que l’homme peut faire pour influencer son acceptation par
Dieu. Ici, il s’agit de voir la même question dans l’autre sens : si Dieu choisit de sauver quelqu’un, cette
personne peut-elle refuser le salut, et persister jusqu’au bout dans son péché ?
Si on pense que le choix de Dieu est d’accepter de sauver tous ceux qui viennent à lui par la foi
(élection conditionnelle), ce point-ci n’a plus tellement de sens. Le choix du salut reposant en fin de compte

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sur l’homme et non sur Dieu, il est évident que l’homme peut le refuser. Mais si on accepte l’élection
inconditionnelle, la question a un sens : l’homme est-il autant incapable de dire non que de dire oui ?
Normalement, les deux vont de pair. Ceux qui croient que l’homme a la possibilité d’accepter
librement le salut pensent évidemment qu’il a aussi la possibilité de le refuser. Et ceux qui pensent qu’il ne
peut pas l’accepter librement, sans une œuvre transformatrice de Dieu qui produit en lui la foi et la
repentance, croient aussi que l’homme ne peut pas refuser cette transformation. Ainsi, ceux qui sont sauvés
n’auraient pas vraiment plus de choix que ceux qui ne le sont pas. Dans les deux cas, la volonté humaine n’y
serait pour rien. En théorie, il serait possible d’imaginer que personne ne puisse se convertir sans le choix
inconditionnel de Dieu, mais que, face à ce choix, l’homme pécheur pourrait tout de même le refuser. Mais
dans la pratique, je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui soutiendrait cette position. Ceux qui pensent
que l’élection est inconditionnelle croient aussi que l’appel au salut est irrésistible.

Peut-on perdre le salut ?


Des cinq points qui fixent les contours du débat calviniste-arminien, celui-ci est le plus connu. De ce
fait, il y a besoin de moins d’explications. Il s’agit simplement de savoir si une personne réellement née de
nouveau peut perdre son salut.
Il est incontestable qu’il existe d’innombrables cas de personnes qui semblaient bien converties,
parfois depuis de longues années, qui se sont détournées du Seigneur et ne marchent plus dans la foi. La
question n’est pas de savoir si de telles personnes existent, mais de comprendre quel est leur statut. Il existe
quatre possibilités :

• Certains disent qu’il s’agit effectivement, dans certains cas au moins, de personnes qui étaient
sauvées dans tous les sens du terme et qui sont de nouveau parmi les perdues. Si ces personnes ne
reviennent pas au Seigneur, elles seront condamnées éternellement.
• D’autres affirment la même chose, mais pour eux, ces personnes ne peuvent jamais retrouver le salut.
Ceux qui maintiennent cette position s’appuient sur le texte d’Hébreux 6.6. Paradoxalement, malgré
ce texte très explicite, cette position est largement minoritaire parmi ceux qui disent qu’un véritable
croyant peut perdre son salut. La grande majorité de ceux qui pensent qu’il est possible de perdre le
salut pensent tout de même qu’une telle personne peut se convertir de nouveau. Ils s’appuient même
sur Hébreux 6 pour cela.
• Parmi ceux qui croient qu’un véritable enfant de Dieu ne peut pas perdre son salut, la position
largement majoritaire est que, malgré les apparences, de telles personnes n’étaient pas réellement
nées de nouveau.
• Quelques-uns parmi ceux qui ne croient pas qu’un croyant puisse perdre son salut disent toutefois
que de telles personnes sont toujours sauvées, puisque le salut n’est pas basé sur les œuvres de la
personne, mais sur la grâce de Dieu.

L’enjeu de la question de la perte du salut est donc plus compliqué qu’il ne parait au premier abord.
Alors qu’on aurait tendance à penser qu’il y a deux réponses possibles, en fait il y en a quatre. Se positionner
sur ce point demande donc plus qu’un simple oui ou un simple non.

Les positions et les problèmes


Il y a, en gros, quatre positions théologiques en ce qui concerne l'ensemble de ces points, celles qui
correspondent au titre de ce document. Chacune d’elles a des variantes, bien sûr, chacune a aussi ses
avantages et ses difficultés, même parfois majeures. Voici l’approche générale de chacune :

 La position calviniste : cette approche analyse tout le domaine de la conversion du point de vue de
l’œuvre de Dieu. Elle dit que l’homme ne peut pas se convertir sans l’intervention de Dieu. Dieu agit
en l’homme sans la moindre attente d’une réponse favorable quelconque de sa part. Comme Dieu
peut produire la repentance et donner le salut à quiconque, mais que tous ne sont pas sauvés, cela
montre selon cette thèse que Dieu ne désire pas le salut de tous, et donc que Christ n’est pas mort
pour tous. Comme le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, l’homme ne peut ni le choisir ni le

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refuser. Il s’ensuit que le salut ne se perd pas si la personne fait réellement partie des élus de Dieu,
parce que Dieu ne va pas changer d’avis et la personne en question ne le peut pas.
 La position arminienne : cette approche analyse tout le domaine de la conversion du point de vue de
la réponse humaine. Elle dit que l’homme peut accepter ou refuser le salut, qui est offert à tous en
Christ, quelle que soit l’œuvre de Dieu pour l’appeler à lui. Dieu, de son côté, accepte tous ceux qui
viennent à lui par la foi en Christ. L’homme est donc entièrement responsable de son choix. Comme
la conversion est une œuvre humaine selon cette thèse, si l’homme change d’avis et se détourne de
Dieu, il perd son salut, même s’il était réellement au Seigneur pendant un temps.
 La position intermédiaire : comme son nom indique, cette approche tente de trouver une position
entre le calvinisme et l’arminianisme qui sont considérés tous deux comme extrémistes. Sur la
plupart – voire la totalité – des cinq points du débat, la position intermédiaire donne une réponse
moins tranchée que les deux conceptions traditionnelles. Elle dit par conséquent que les calvinistes et
les arminiens ont tous tort.
 La position éclectique : le terme éclectique veut dire « acceptant des positions diverses ». Dans ce
débat, la position éclectique donne raison aux calvinistes et aux arminiens, mais non sur les mêmes
points. Elle se distingue de la position intermédiaire par le fait que sa réponse sur chaque point n’est
pas entre le calvinisme et l’arminianisme, mais bien en accord avec l’un ou l’autre. Seulement, elle
va donner raison aux calvinistes sur certains points (au moins un, sinon il ne s’agit pas d’une
position éclectique) et aux arminiens sur d’autres (de nouveau, au moins un point).

La position calviniste

Historiquement, le calvinisme a été élaboré en réponse à la théologie catholique, où le salut est basé
sur les œuvres humaines et les sacrements de l’église (effectués, eux aussi, par des hommes). Calvin a
compris – correctement – que le salut nous est donné par Dieu, par grâce, en fonction de l’œuvre de Christ et
non par les nôtres. Son enseignement luttait contre cette doctrine catholique et, de ce fait, quand certains ont
formulé « les cinq points du calvinisme », une cinquantaine d’années après sa mort, c’est ce qui ressort
entièrement.
Sur les cinq points énumérés dans les enjeux, le calvinisme répond systématiquement d’une manière
qui élimine toute participation de l’être humain dans la conversion :

 Est-ce que l’homme pécheur peut accepter le salut ? Non, un point, c’est tout. Dieu fait une œuvre
transformatrice chez l’homme (la régénération, c’est-à-dire la nouvelle naissance) avant que
l’homme se repente ou manifeste la foi. La foi ne fait pas partie du moyen du salut ; elle en est un
des résultats.
 Le choix de Dieu pour sauver certaines personnes est basé entièrement sur sa souveraineté et non sur
un critère quelconque chez les personnes qui sont sauvées. Dieu aurait pu tout aussi bien ne sauver
aucune des personnes qui ont été élues au salut, et en sauver d’autres à leur place, si tel avait été son
désir.
 Christ n’est pas mort pour tous, mais uniquement pour les élus, puisque Dieu n’avait jamais ni
l’intention ni le désir de sauver les non-élus. Si Christ était mort pour les non-élus, sa mort aurait été
en vain, en ce qui les concerne.
 L’homme ne peut pas plus résister à la grâce salvatrice qu’accepter de son propre chef le salut. C’est
Dieu qui décide tout dans la matière ; l’homme n’est pour rien dans ce choix, ni dans un sens ni dans
l’autre.
 Le salut étant une œuvre divine et non humaine, rien de ce que l’homme fait ne peut l’influencer et,
de ce fait, il ne se perd pas.

La force de cette position est qu’elle est très logique, construite entièrement sur les implications de
l’enseignement biblique (et raisonnable) qui stipule que le salut nous est donné par grâce seule, sans qu’il y
ait le moindre mérite humain dans cela. On peut démontrer par A plus B que toutes les réponses du
calvinisme découlent inéluctablement de cela, que toute autre position implique quelque part un mérite
humain, une œuvre humaine qui contribuerait au salut.
Seulement, on doit toujours se méfier de la logique humaine. La logique raisonne en fonction des
informations disponibles. De ce fait, il y a deux erreurs possibles en elle. D’une part, si le raisonnement est

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faux, le résultat n’est pas fiable. D’autre part, si les informations sont incomplètes ou erronées, le résultat
n’est pas fiable non plus. En tant qu’êtres limités, nous ne pouvons pas être sûrs que nos raisonnements
soient justes. Et nous pouvons être sûrs que nos informations sont sérieusement incomplètes, voire erronées à
cause d’interprétations fausses de notre part, même si nous croyons qu’elles viennent de la Bible. Du coup,
ce n’est pas parce qu’une position se base sur ce qui semble être un raisonnement incontournable qu’elle est
forcément vraie.
Le calvinisme est très logique, mais il implique un certain nombre de choses concernant la personne
de Dieu qui devraient au moins nous poser des questions sérieuses :

 Le salut, selon la Bible, consiste non seulement à pardonner au pécheur, mais aussi – et surtout – à le
transformer de manière qu’il ne soit plus pécheur : l’aboutissement ultime du salut délivre réellement
une personne du péché. Bien sûr, cela ne se fait pas au moment de la nouvelle naissance, mais maints
passages bibliques montrent que c’est le résultat final de l’œuvre de Christ en nous. De ce fait, dire
que Dieu ne désire pas le salut de certains, c’est dire qu’il veut que certains restent dans le péché,
alors qu’il aurait la possibilité de les en délivrer. Cela rend Dieu responsable, non de leur péché, mais
du fait qu’ils continuent dans le péché, alors qu’il pourrait faire autrement.
 Jacques 4.17 dit que celui qui sait faire le bien et ne le fait pas est un pécheur. Dieu pourrait délivrer
les perdus de leur perdition, selon la position calviniste, mais ne veut pas le faire. Le principe de
Jacques 4.17 s’appliquerait donc clairement dans ce cas, et Dieu serait pécheur.
 Il est difficile de voir dans quel sens on pourrait dire que Dieu est amour s’il y a des milliards de
pécheurs qui vont souffrir la perdition éternelle alors qu’il pourrait leur épargner cette souffrance. La
notion que Dieu ne veut pas le salut des perdus est incompatible avec l’amour de Dieu.

On peut dire en conclusion que le calvinisme présente un système cohérent et logique par rapport
aux enjeux de la conversion, mais non un système sans problème. Au contraire, cette position implique des
difficultés énormes en ce qui concerne le caractère de Dieu. L’implication logique du calvinisme est que
Dieu n’est pas amour, et qu’il est sérieusement compromis avec le péché, voire qu’il est lui-même pécheur.
Notons bien que le calvinisme peut difficilement ne pas tenir compte des implications logiques de ses
positions, puisque c’est la logique qui dicte une bonne partie de ce système de pensée.

La position arminienne

De la même manière que le calvinisme a été élaboré en réponse au catholicisme, l’arminianisme a


été élaboré en réponse au calvinisme. L’arminianisme aussi est un système très logique, mais il commence
avec d’autres données que le calvinisme. Là où le calvinisme débute avec la constatation biblique que le
salut est l’œuvre de la grâce imméritée de Dieu et non une œuvre humaine, l’arminianisme commence avec
la constatation – également biblique – que Dieu nous appelle à choisir et nous tient responsables de notre
choix. À partir de là, les réponses aux cinq points des enjeux de la conversion découlent de la pleine liberté
de l’homme dans ce domaine :

 D’abord, l’homme est forcément capable de choisir le salut, car il ne pourrait pas y avoir
responsabilité s’il n’y avait pas cette possibilité. Il s’ensuit que l’homme est corrompu par le péché
dans son comportement, mais non entièrement dans sa volonté, puisqu’il est capable, dans certains
cas au moins, de choisir ce qui est bien.
 L’élection, le choix de Dieu dans le salut, est basée sur une condition que l’homme est libre de
remplir ou non : c’est l’acceptation du salut en Christ, par la foi. Dieu choisit d’accepter tous ceux
qui viennent à lui par la foi, mais ce n’est pas Dieu qui choisit qui aura la foi et qui ne l’aura pas.
La foi n’est pas le produit d’une œuvre divine, mais la réponse humaine à l’œuvre divine.
 Puisque Dieu veut le salut de tous et que le salut est offert à tous, Christ est forcément mort pour
tous. La mort de Christ qui paye le prix du péché n’aura pas comme résultat le salut de tous, puisque
tous ne vont pas accepter ce salut, mais potentiellement cela pourrait être le cas.
 Même quand Dieu intervient pour attirer une personne à lui, il ne le fait pas au point de violer la
volonté de la personne. La personne a encore la possibilité de refuser le salut et cela, jusqu’au bout.
 Le salut étant le résultat d’un choix humain et l’être humain étant entièrement libre, si l’homme
change d’avis ensuite il ne sera plus sauvé, alors qu’il l’a été réellement. La conversion, même quand

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elle est réelle, n’est pas forcément définitive.

La force de l’arminianisme est donc que ce système de pensée est tout aussi logique que le
calvinisme, à condition de commencer avec d’autres données. Plutôt que de commencer avec le fait que le
salut est entièrement l’œuvre de la grâce de Dieu, il suffit de commencer avec la liberté et la responsabilité
de l’homme et tout le reste en découle. Toutefois, l’arminianisme souffre du même problème que le
calvinisme : la logique humaine n’est pas toujours un guide fiable de ce qui est vrai. L’homme peut ignorer
certains aspects importants de la réalité, ou mal interpréter ce qu’il voit. De ce fait, l’arminianisme présente
des problèmes tout autant que le calvinisme, quoique non dans les mêmes domaines.
Là où le calvinisme, basant tout son raisonnement sur l’œuvre de Dieu, finit par impliquer des
notions gravement fausses en ce qui concerne Dieu, l’arminianisme, basant son raisonnement sur la réponse
humaine à l’offre de salut, implique des choses tout aussi fausses en ce qui concerne la nature humaine.

• D’une part, l’arminianisme diminue forcément la gravité du péché. Selon ce système de pensée,
l’homme est pécheur, certes, mais il peut néanmoins choisir librement de s’en détourner. Le péché
est un problème, mais non un problème absolument inextricable. L’homme peut choisir de changer
de route. Or, tout cela est contraire non seulement à l’enseignement biblique, mais aussi à ce que
nous constatons dans nos propres natures et dans le monde autour de nous.
• D’autre part, et encore plus grave, l’arminianisme introduit forcément le mérite humain dans le salut.
Tout en reconnaissant qu’aucun de nous ne mérite ce cadeau immense de Dieu qu’est le salut,
l’arminianisme implique clairement que les rachetés sont tout de même mieux en leur propre
personne que les perdus. Non que leurs œuvres soient bonnes et suffisantes en soi, mais ils ont au
moins eu une meilleure réponse à l’offre de salut que ceux qui le refusent. Ce n’est certes pas
suffisant pour dire qu’ils méritent d’être sauvés. Cette qualité humaine (la bonne disposition à
accepter le salut) est forcément un élément qui contribue au salut, cela introduit clairement une part
de mérite humain dans le salut.
• On peut noter en passant que l’arminianisme implique que Dieu est plus ou moins impuissant face au
péché. Dans la pensée arminienne pure, le rôle de Dieu dans le salut est limité presque entièrement
au fait d’avoir mis en place la possibilité de rédemption, par l’œuvre de Christ. Dans la conversion
de l’homme, Dieu ne fait pas grand-chose, parce qu’il ne le peut pas – il doit respecter la liberté
humaine. Il peut appeler les perdus à se tourner vers lui, mais il ne peut rien faire pour qu’ils le
fassent. La nouvelle naissance est un changement d’idée chez l’homme et rien de plus ; elle ne
représente pas une œuvre divine.

L’arminianisme est donc également un système cohérent et logique, qui permet d’expliquer certains
aspects de l’enseignement biblique nettement mieux que le calvinisme, qui, lui, est plus fort sur d’autres
points. Aucun des deux systèmes n’est sans mérite, mais aucun des deux ne permet de résoudre tous les
problèmes. Si on pousse les implications logiques jusqu’au bout, les deux systèmes impliquent carrément des
hérésies : le calvinisme implique que Dieu est compromis avec le péché et l’arminianisme implique que le
mérite humain contribue à son salut.

La position intermédiaire

La position intermédiaire résulte tout simplement de la constatation des limites des systèmes de
pensée calviniste et arminien. Voulant éviter les implications inacceptables des deux positions classiques,
beaucoup tentent de se positionner comme calvinistes modérés ou arminiens modérés, en prenant des
positions moins tranchées. De ce fait, les positions intermédiaires variées prennent toutes une forme de « oui,
mais... ». Il s’agit de se positionner par rapport au calvinisme ou l’arminianisme, en y mettant des nuances.
Ainsi, en ce qui concerne les cinq grands enjeux du débat, les réponses intermédiaires peuvent être celles-ci :

• L’homme peut accepter le salut offert par Dieu, mais uniquement avec l’aide de Dieu. Sans cette
aide, l’homme naturel n’aurait jamais le désir de revenir à Dieu.
• L’élection n’est pas inconditionnelle, puisque l’homme doit accepter le salut par la foi, qui est la
condition pour le salut. Mais Dieu aide l’homme à avoir cette foi, sans que la foi soit pour autant
entièrement et unilatéralement l’œuvre de Dieu.

Calviniste-arminien, page 8 sur 34


• Christ est mort pour tous, mais sa mort n’a absolument aucun effet chez ceux qui n’acceptent pas ce
salut. Ainsi, ce n’est nullement la responsabilité de Dieu si certains ne sont pas sauvés, puisqu’il
aime tous les hommes et veut le salut de tous. Mais la conséquence est que son amour, manifesté par
la mort de Christ, ne change rien du tout – c’est comme s’il n’existait pas – chez ceux qui ne sont pas
sauvés. Christ n’est pas mort en vain en ce qui concerne les perdus, toutefois, puisque sa mort a au
moins l’effet de leur montrer son amour illimité à leur encontre.
• L’homme peut résister et même refuser le salut, mais Dieu intervient néanmoins pour attirer les
pécheurs à lui. Dieu n’est pas passif, attendant simplement que l’homme veuille bien se convertir. Au
contraire, il agit très activement pour inciter les gens à la conversion. Mais il ne le fait pas au point
de violer la liberté humaine (liberté qu’il a mise en place lui-même, dans sa souveraineté).
• Une personne qui est réellement sauvée ne se détournera pas du salut, donc le salut ne se perd pas.
Mais une personne qui manifestement ne marche pas avec Dieu et ne veut pas que Dieu règne dans
sa vie n’est pas sauvée, même si autrefois tout portait à croire qu’elle l’était. Ce n’est pas que cette
personne ait perdu son salut, mais elle a fini par montrer qu’elle n’était jamais réellement née de
nouveau.

Ces affirmations sont très proches, à quelques nuances près, de celles de la majorité des évangéliques
en France. Elles sont moins choquantes que le calvinisme brut (Dieu ne veut pas le salut des perdus ; Christ
n’est pas mort pour eux ; l’amour de Dieu n’est que pour les élus) ou l’arminianisme brut (l’homme
contribue à son salut par sa bonne volonté en acceptant le salut, et il perd son salut s’il change d’avis).
Le problème ici n’est pas les affirmations en soi, mais le fait que, pour la plupart, elles ne sont pas
réellement des positions intermédiaires. La plupart sont simplement des formulations d’une position
calviniste ou arminienne, mais avec quelques nuances.

 La première affirmation est la plus proche d’une véritable position intermédiaire, puisqu’elle met en
avant en même temps :

- la position calviniste : l’homme naturel ne peut pas, par lui-même, accepter le salut parce que sa
nature pécheresse fait qu’il n’est pas du tout disposé à cela.
- la position arminienne : l'homme naturel est capable, en fin de compte, d’accepter le salut.

Toutefois, selon l’interprétation qu’on en fait, ce serait une affirmation tout à fait acceptable à la fois
pour :
- un calviniste, qui dirait simplement que l’homme accepte le salut parce que Dieu l’a incité à le
faire,
- ou un arminien, qui ne nie nullement le fait que Dieu appelle les gens à lui-même.
Ainsi, l’aspect intermédiaire de la position réside uniquement dans l’ambiguïté de la formulation.
 La deuxième affirmation relève tout simplement de la position arminienne. L’œuvre de Dieu qui aide
les perdus à venir à la foi n’est pas du tout incompatible avec l’arminianisme, à condition de ne pas
dire que cette aide va jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine. Ainsi, le fait de
dire que l’élection est conditionnelle, mais que Dieu aide l’homme à entrer dans la condition qui lui
permet d’être sauvé (l’acceptation du salut par la foi) est tout de même une formulation d’élection
conditionnelle.
 La troisième affirmation est également une conviction purement arminienne. Dans les milieux
évangéliques, personne ne nie que la mort de Christ ne sauve pas, en soi, ceux qui refusent ce salut.
L’enjeu est de savoir si tout le monde pourrait être sauvé par la mort de Christ, à condition de
l’accepter, et la formulation donnée ci-dessus affirme que c’est effectivement le cas.
 La quatrième affirmation relève aussi de l’arminianisme. La précision que Dieu attire les perdus à lui
n’est pas contraire à la doctrine arminienne. Du moment qu’on admet que cette œuvre de Dieu ne va
pas jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine, on est dans la théologie arminienne.
 La dernière affirmation, enfin, est tout simplement la position calviniste sur ce point : l’homme ne
peut pas perdre son salut s’il est réellement sauvé. Dire qu’une personne qui ne marche pas du tout
avec Dieu n’est pas sauvée, même si autrefois elle semblait être au Seigneur, donne une précision
acceptée par la très grande majorité de ceux qui se réclament du calvinisme. Très, très peu, en effet,

Calviniste-arminien, page 9 sur 34


diraient qu’une personne est sauvée alors que toutes ses valeurs et toute sa façon de vivre indiquent
le contraire, simplement parce qu’autrefois elle a fait profession de foi.

La position intermédiaire n'en est donc pas réellement une. C’est un mélange de calvinisme et
d’arminianisme, avec des nuances pour éviter certains malentendus dans les différents points. C’est cette
constatation qui donne lieu à la dernière ligne théologique, la position éclectique.

La position éclectique

La position éclectique ne prétend pas se situer entre le calvinisme et l’arminianisme sur les enjeux du
débat. Elle reconnaît que si on formule les positions avec suffisamment de clarté, on constate qu’on est
forcément dans l’une ou l’autre des deux grandes optiques sur la question. La position éclectique est tout
simplement calviniste dans certains domaines et arminienne en d’autres.
On peut imaginer n’importe quelle composition des deux positions et le résultat serait éclectique du
moment qu’elle comporterait au moins un point de calvinisme et un point d’arminianisme. Mais le plus
souvent, la position éclectique est arminienne sur les points deux, trois et quatre, et calviniste sur le
cinquième, celle qui porte sur la perte du salut. Ce n’est que sur le premier point qu’il y a divergence
d’opinions parmi ceux qui défendent une position éclectique :
 Certains sont de conviction calviniste sur ce point. Ils disent que l’homme naturel, en lui-même,
n’est absolument pas capable de répondre positivement à l’offre de salut, ni même de contribuer en
quoi que ce soit à cette acceptation. La conversion est donc le résultat de l’œuvre de Dieu et ne vient
nullement d’une bonne disposition quelconque chez l’homme pécheur qui accepte le salut.
 D’autres s'alignent avec les arminiens sur ce point. Ils reconnaissent que Dieu agit pour attirer les
hommes à lui, mais maintiennent que le dernier mot revient à l’homme qui, quelque part, est capable
de l’accepter librement malgré son péché.
 Comme on verra par la suite, on peut même être pour ainsi dire calviniste et arminien sur ce point, en
disant que les deux ont raison (même si on n’arrive pas à comprendre comment cela est possible).
La position éclectique est donc très proche de la position intermédiaire, à la différence près qu’elle
reconnaît que ses réponses ne se situent pas entre les deux thèses, mais constituent simplement une
composition d’affirmations choisies dans les deux colonnes. En réalité, ceux qui croient défendre une
position intermédiaire sont tous, dans le fond, éclectiques.
Le grand problème avec la position éclectique (et donc avec la position intermédiaire) est qu’elle se
contredit. Il est même relativement facile de le montrer clairement.
Il suffit de commencer avec la question : « Est-ce que l’homme contribue en quelque chose à son
salut ? » Est-ce que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, d’un bout à l’autre, ou est-ce que l’homme y
participe, même d’une manière minime ? (Parmi les évangéliques, cette participation est vue le plus souvent
dans l'acceptation du salut par la foi.)
Si l’homme ne contribue en rien du tout à son salut, tous les points du calvinisme suivent
logiquement. C’est pourquoi cette proposition est le point de départ du calvinisme. Dans ce cas, n’importe
quel point de l’arminianisme est une contradiction. Et, tout aussi logiquement, tous les problèmes implicites
dans le calvinisme s'en suivent aussi.
Inversement, si l’homme contribue en quoi que ce soit à son salut, si Dieu ne peut pas sauver quelqu’un
sans que cette personne accepte volontairement d’être sauvée, tous les points de l’arminianisme avec leurs
problèmes théologiques découlent logiquement de cette seule proposition. Dans ce cas, une logique
rigoureuse nous impose d’accepter, non une partie, mais la totalité des points de l’arminianisme.
Toute position éclectique contient donc des contradictions internes insolubles, par le fait même
d’être éclectique. Puisque les positions calviniste et arminienne se contredisent systématiquement, mais
forment chacune un système avec une logique interne, le fait de les amalgamer oblige l’acceptation de
contradictions logiques.

Conclusion sur les différentes conceptions

Chacune des positions présentées a donc ses points forts et ses points faibles. Toutefois, le but n’est
pas de choisir celle qui semble le plus raisonnable, mais celle qui est conforme à l’enseignement de la Bible.

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Seulement, qui dit « l’enseignement de la Bible » dit : « ce que le texte dit réellement » – l’ensemble du texte
et non uniquement les passages qui nous conviennent – correctement compris dans son contexte.
Cela peut sembler évident, mais ce ne l’est pas toujours. Il est facile de voir dans un texte ce qu’on a
envie d’y voir – par erreur, par manque de connaissances, ou par refus de mettre en cause ses interprétations.
En vue de réduire autant que possible ce problème – sachant qu’on ne peut jamais l’éliminer complètement –
il est indispensable d’appliquer certaines règles d’interprétation saines. L’ensemble de ces règles s’appelle
l’herméneutique. Celle-ci ne s’applique pas uniquement à la Bible, mais l’herméneutique biblique est un
sujet hautement important pour toute étude biblique sérieuse.
Avant d’essayer de trancher sur les différentes positions théologiques proposées en ce qui concerne
le salut de l’homme, nous allons donc nous pencher un peu sur ces règles d’interprétation. Cela nous aidera à
voir plus clair dans ce domaine où les lignes sont souvent très tranchées. Il ne s’agira pas de faire le tour de
l’herméneutique ; c’est un vaste domaine qui dépasse largement le cadre de nos considérations ici. Mais nous
allons regarder au moins comment il faudrait s’approcher de la Bible pour comprendre ce qu’elle a à nous
dire dans ce domaine si important.

L'herméneutique
Il ne s'agit pas ici d'une étude générale de l'herméneutique biblique, mais uniquement de celle qui est
spécifique à notre sujet précis : comment choisir entre les différentes possibilités dans la gamme calviniste-
arminien ? De ce fait, nous allons nous contenter de regarder seulement trois principes herméneutiques – qui
affectent chacun notre sujet de manière très directe – puis d'un regard sur la différence importante entre la
théologie systématique et la théologie biblique. Nous verrons comment cette différence peut affecter notre
compréhension du texte.

Faut-il résoudre toutes les contradictions logiques apparentes ?

La première question à se poser concerne les contradictions apparentes, car la réponse que nous
donnons à cette question sera un principe herméneutique important dans le débat.
On pourrait penser qu'il faut évidemment résoudre les contradictions. Si deux propositions se
contredisent, elles ne peuvent pas être vraies toutes les deux. C'est une des règles les plus fondamentales de
la logique. Mais il convient de bien retenir la différence énorme entre contradictions réelles et contradictions
apparentes. Ce n'est pas parce que nous ne voyons pas comment concilier deux choses qu'elles ne peuvent
pas l’être.
« On ne peut pas concilier l'existence d'un Dieu parfaitement bon avec un monde où il y a tant de
souffrances et tant d'injustices ! » Telle est l’une des objections que nous entendons le plus souvent de la part
des non-croyants. Ils pensent donc que, logiquement, la foi chrétienne n'est pas rationnelle, parce qu'elle se
base sur une contradiction fondamentale. Ils se trompent. La contradiction n'est qu'apparente, et beaucoup de
théologiens et de philosophes chrétiens (et même non chrétiens) ont pu expliquer comment les deux
affirmations peuvent être vraies en même temps.
Il est vrai que dans le débat sur la conversion, la contradiction apparente est d'un autre ordre que
celle entre l'existence d'un Dieu bon et la souffrance dans le monde. Personne ne voit de solution dans le
premier cas, tandis que beaucoup en voient une dans le deuxième. Néanmoins, même le fait que personne ne
voie de solution pour le cas qui nous occupe ne prouve en rien que celle-ci n'existe pas.
Dans ce qui suit, je ne cherche en aucun cas à discréditer l'utilité de la logique. J'ai été formé en
mathématiques avant d'aborder sérieusement la théologie et j'apprécie beaucoup la rigueur de la logique. Elle
permet d'éviter bon nombre d'erreurs évidentes. Il y aurait certainement moins d’inepties proférées au nom
de la théologie si tous les théologiens avaient une formation de base dans la logique. Celle-ci a une validité
incontestable.
Néanmoins, la logique a aussi ses limites. Nous ne savons pas tout. Nous savons même peu de
choses par rapport à tout ce qui se fait dans l'ensemble de l'univers. C’est particulièrement vrai quand nous
prenons en compte la dimension spirituelle, pour laquelle nous avons si peu d'informations, puisque nous ne
pouvons pas l'examiner directement. Nous ne pouvons pas être sûrs, dans ces conditions, que nos
raisonnements soient justes.
Pourquoi la logique humaine est-elle si sévèrement limitée ? Cela vient de notre nature, en tant que

Calviniste-arminien, page 11 sur 34


créatures limitées :
D'une part, la logique est simplement la manipulation légitime des données disponibles. Pourtant,
l'information dont nous disposons, en tant qu'êtres humains, est loin d'être complète. Nous ne savons pas
tout, et nous ne savons même pas toujours si ce que nous croyons savoir est réellement juste. Or, une logique
érigée en fonction d'informations insuffisantes ou erronées peut-elle donner des résultats fiables ?
D'autre part, nos opérations logiques sont-elles toujours si logiques que cela ? Il est impossible de
prouver la validité de la logique sans avoir recours à la logique. Autrement dit, il faut supposer la conclusion
à l'avance afin de valider la conclusion. Cela ne prouve rien. Il est donc tout à fait possible qu'une partie de
ce qui nous semble manifestement logique ne le soit pas pour autant.
Bien sûr, ce n'est pas une raison pour accepter sans raison convaincante ce qui semble être des
erreurs logiques dans nos raisonnements. Quand nous étudions la Bible, il ne s'agit pas de mettre de côté
notre capacité de réfléchir d'une manière intelligente. Si une interprétation des textes ne comporte pas de
contradiction, tandis que d'autres en ont, celle qui résout les contradictions logiques est évidemment à
préférer.
Mais ce n'est pas toujours possible. Quand toute tentative de résoudre une difficulté conduit à des
impasses totalement inacceptables, il faut parfois admettre que les connaissances humaines et le
raisonnement humain ne suffisent pas pour tout comprendre. À ce moment-là, il faut continuer à utiliser la
raison autant que possible, tout en acceptant ses limites.
C'est ce que nous faisons avec la doctrine de la Trinité, par exemple. Toutes les tentatives d'expliquer
comment un seul et unique Dieu peut exister en tant que Père, Fils et Saint-Esprit conduisent à des hérésies.
Pourtant, nous devons admettre la divinité de l'homme Jésus-Christ et du Saint-Esprit autant que celle de
Dieu le Père céleste.
Certains croient à plusieurs êtres distincts qui peuvent s'appeler Dieu, ce qui fait de lui une sorte de
« Dieu-comité ». D’autres nient la divinité de Christ et du Saint-Esprit, malgré de nombreux textes qui
indiquent le contraire. D’autres encore pensent que Dieu change de mode d'existence de temps en temps,
bien que la Bible nous montre clairement Père, Fils et Saint-Esprit en même temps (par exemple au baptême
de Jésus).
Depuis deux-mille ans maintenant, les théologiens chrétiens essaient de résoudre les contradictions
apparentes dans la personne de Dieu et n'y arrivent pas. On s'est donc contenté d'inventer un mot – la
Trinité – qui fait référence au fait qu'il n'y a qu'un seul Dieu, que nous voyons dans le Père, dans le Fils et
dans le Saint-Esprit. Toutefois, ce mot n’explique rien en soi. On est bien obligé d’accepter que la logique
humaine ne suffise pas pour comprendre la nature d'un Dieu infini, un Dieu qui existe en dehors de notre
temps, de notre espace, et de notre logique.
Il y a en fait de nombreuses questions théologiques qui nous obligent à accepter, pour l'instant, ce qui
semble contradictoire, tout en espérant que dans l'éternité nous comprendrons mieux. L'origine du péché,
l'incarnation du Christ, la manière précise dont la mort de Christ nous délivre du péché, la relation entre la
partie spirituelle et la partie physique d'un être humain, tous ces concepts nous posent des problèmes
théologiques pour lesquels aucune solution vraiment satisfaisante ne se présente.
Dans le débat calviniste-arminien, il est à remarquer que tout le monde sans exception est obligé de
constater les limites de la logique humaine.
Nous avons vu que le calvinisme fait de Dieu le responsable du péché, puisqu'il pourrait délivrer tout
être humain de son état de péché, mais qu'il ne veut pas le faire. Est-ce que cela veut dire que les calvinistes
sont des hérétiques ? Non. Ils évitent cette hérésie en répondant, à ceux qui le font remarquer, qu'on ne peut
pas se fier à la logique humaine.
Le même principe s'applique aux arminiens. Si l'homme, par sa réponse positive, contribue en quoi
que ce soit à son salut, celui-ci n'est plus entièrement le résultat de la grâce. Confrontés à l'implication
incontournable de leur théorie d’une part de mérite humain dans le salut, les théologiens arminiens donnent
la même réponse que leurs collègues calvinistes : la logique humaine nous induit en erreur, parce que nous
ne pouvons pas tout comprendre.
La position éclectique, ainsi que la position intermédiaire qui revient au même, impliquent une
contradiction logique. Ce n'est pas un plus grand problème que les contradictions logiques apparentes dans le
calvinisme et dans l'arminianisme.
Ainsi, toute tentative de comprendre le mécanisme précis de la conversion nous met face à ce qui
semble être bel et bien des contradictions logiques. On ne peut pas les éviter complètement. De même que
nous n'arrivons pas à expliquer de manière suffisante l'origine du péché, de même nous n'arrivons pas à

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expliquer de manière satisfaisante comment l'homme s'en détourne. Nous constatons que le péché existe, et
que le salut existe. Mais nous sommes obligés de nous fier à l'enseignement de la Bible et non à la logique
humaine, puisque celle-ci nous induit en erreur, quelle que soit la position que nous défendons sur ce sujet.
Pour toutes ces raisons, je ne rejette pas la logique comme moyen d'appréhender la vérité, mais je
n'ai pas une confiance absolue en elle non plus. Seul Dieu sait tout, et il nous a révélé, dans sa Parole, ce dont
nous avons besoin pour nous approcher de lui. Sa Parole est infaillible, justement parce qu'elle vient d'un
Dieu infaillible.
Le principe herméneutique de base est donc celui-ci : nous ne devons pas nous appuyer sur la
logique humaine, qui est forcément faillible, pour invalider l'enseignement clair de la Parole de Dieu, qui
est infaillible. Quand la Bible n'est pas claire, ou si un texte semble dire quelque chose qui contredit le reste,
oui, je suis prêt à utiliser mon raisonnement humain pour essayer de résoudre la contradiction ou comprendre
la vérité. Mais quand Dieu nous révèle de manière répétée un principe dans sa Parole, je dois l'accepter. Tant
pis si cela me pose des problèmes de compréhension. L'homme n'a pas besoin de tout comprendre et de tout
résoudre. Il a besoin de s'appuyer sur la Parole de Dieu, pour se laisser guider par la seule personne dans
l'univers qui puisse tout comprendre et tout résoudre.

Exégèse ou eiségèse
L'exégèse biblique, c'est faire ressortir (du préfixe grec ex-, qui veut dire « sortir de ») ce qui est dans
le texte. Autrement dit, on étudie le texte pour essayer de comprendre ce qu'il veut dire. L'auteur a mis dans
le texte un message qu'il veut communiquer ; l'exégèse fait ressortir ce message. Le résultat de l'exégèse est
que notre compréhension des vérités spirituelles est basée sur la Bible.
L'eiségèse est un mot artificiel, construit avec le préfixe grec eis- qui veut dire « aller dans ». C'est le
contraire de l'exégèse : au lieu de faire sortir du texte le sens qui s'y trouve, on met dans le texte le sens qu'on
veut y trouver. On s'approche des textes bibliques avec des idées préconçues et on se débrouille pour
interpréter les textes en fonction de ces idées. Le résultat de l'eiségèse est que notre compréhension de la
Bible est basée sur nos idées dans le domaine spirituel, plutôt que le contraire.
Dans toute étude biblique, il est essentiel de faire de l'exégèse plutôt que l'eiségèse. Au lieu de
modifier notre interprétation des textes selon nos idées, nous devons veiller constamment à modifier nos
idées – quand il le faut – en fonction de ce qui est dit dans les textes.
Cela semble évident, mais c'est plus facile de faire de l'eiségèse qu'on ne le pense. Quand quelqu'un
est conditionné à comprendre tel aspect de la Bible de telle ou telle manière, cette idée devient une sorte de
filtre à travers lequel doit passer la lecture de tout texte touchant à ce domaine. Ainsi, toute modification
éventuelle des idées préconçues est bloquée d'office.
On pourrait citer d'innombrables exemples de ce principe. Un des plus flagrants qui me vient à
l'esprit concerne la consommation de l'alcool. Surtout parmi les anglophones, il y a de nombreux courants
chrétiens qui enseignent fortement qu'un vrai chrétien ne doit jamais consommer d'alcool. Confronté avec le
texte de 1 Timothée 5.23 (« Cesse de boire uniquement de l’eau, mais fais usage d’un peu de vin »), un des
ardents défenseurs de cette position a dit : « Mais Paul n'a pas dit de boire le vin. En fait, il s'agissait de se
frictionner le ventre avec. » C'est un exemple clair d'eiségèse : au lieu de former ses opinions en fonction des
textes, cette personne a mis dans les textes l'interprétation qu'elle voulait, afin de maintenir les idées qu'elle
avait déjà.
Je pense que nous faisons tous quelque part de l'eiségèse. Il n'est pas possible de se séparer
entièrement des idées que nous avons déjà. Elles continuent d'influencer notre manière de lire les textes.
Néanmoins, il est important d'essayer, autant que possible, de s'en défendre. Il faut s'approcher des textes
bibliques en faisant tout notre possible pour les lire d'une manière neutre. Il faut tenir compte de tous les
principes herméneutiques de base (notamment, prise en compte du contexte), puis essayer de lire le texte en
se demandant : « Si je n'avais aucune information ou opinion préalable sur le sujet de ce texte, comment est-
ce que je comprendrais ce que l'auteur veut communiquer ? »
En grande partie, le débat calviniste-arminien tourne en rond, sans qu'on s'approche d’un consensus,
parce que chacun a tendance à faire de l'eiségèse plutôt que de l'exégèse. Si nous voulons que nos idées
soient réellement guidées par la Bible, pourtant, c'est de l'exégèse qu'il nous faut – l'exégèse la plus
rigoureuse et la plus impartiale que nous soyons capables de faire.

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Un texte difficile interprété par d'autres textes clairs
Le troisième principe herméneutique qu'il nous faut mettre en avant dans ce débat concerne la
manière d'interpréter des textes qui semblent aller à l'encontre d'autres textes.
Par exemple, tant de textes bibliques nous enseignent la justification par la foi, sans les œuvres.
Pourtant, Jacques écrit que nous sommes justifiés par nos œuvres. De nombreux textes nous montrent
clairement que Jésus-Christ est Dieu lui-même, manifesté en chair, mais Jésus dit au jeune homme riche dans
Marc 10.18 : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, si ce n'est Dieu seul. » Malgré tant de
passages qui enseignent clairement que le salut nous est donné entièrement par la foi, sans l'accomplissement
de rites, Pierre écrit dans 1 Pierre 3.21 que le baptême nous sauve.
Dans tous ces cas, ainsi que tant d'autres qui pourraient être cités comme exemples, les théologiens
ne sont pas spécialement bouleversés. Ils interprètent ces textes problématiques en tenant compte de
l'enseignement clair de textes nombreux qui nous montrent le principe biblique en question. Cela semble être
une sorte d'eiségèse, et peut-être que dans un certain sens cela l'est. Mais c'est une eiségèse où le sens qu'on
choisit de lire dans un texte difficile découle, non des idées préconçues, mais d’une exégèse saine. Celle-ci
est basée sur une approche herméneutique juste, des textes bien plus nombreux qui nous montrent que ce que
le texte en question semble dire ne peut pas être ça.
Ce principe est bon et utile. Nous l'appliquons constamment dans la vie, même en dehors de la
lecture biblique, sans même y penser : confrontés à quelque chose qui semble contredire ce que nous savons,
nous l'interprétons en fonction de l'ensemble des informations disponibles, en vue d'éliminer ce qui semble
être une contradiction. Si, par exemple, nous savons que tel ami est parti en Australie pour six mois, et nous
croyons l'avoir vu au loin en ville, nous nous disons : « J'ai dû me tromper ; ce n'était sûrement pas lui, mais
seulement quelqu'un qui lui ressemblait un peu. » Même si cela ne correspond pas à ce que nous pensons
avoir vu, c'est plus raisonnable que : « Il revient parfois en cachette pour se promener en ville, sans rien dire
à personne. »
Néanmoins – et c'est ici l'aspect fondamental de ce principe en ce qui concerne notre sujet ici – ce
principe est à utiliser quand on est en présence d’un nombre extrêmement limité de textes (un ou deux)
semblant contredire de nombreux autres textes clairs. Il n'est vraiment pas à utiliser pour invalider une
dizaine ou une vingtaine de textes, simplement parce que ce qu'ils semblent dire va à l'encontre de notre
théologie. Surtout si celle-ci se base sur une interprétation qui ne découle pas de manière évidente d'un
nombre encore plus important de textes. Si nous réinterprétons une vingtaine de textes, parce que deux ou
trois textes peuvent éventuellement être compris dans un autre sens, il est évident qu'il s'agit de l'eiségèse et
non de l'exégèse. Nous cherchons alors à éviter tout bonnement le sens qui découle clairement du texte.

Les risques de la théologie systématique


Il y a deux manières différentes d'apprendre des enseignements théologiques à partir de la Bible. On
les appelle la théologie biblique et la théologie systématique. Il est utile de comprendre la différence entre les
deux, ainsi que les difficultés que présente chacune.
La théologie biblique consiste à étudier ce que la Bible enseigne en suivant les livres bibliques, les
uns après les autres (bien que ce ne soit nullement nécessaire de le faire dans l'ordre où les livres se trouvent
dans la Bible). On ira d'un bout à l'autre de chaque livre, en vue de comprendre ce que disent les textes, en
passant par toutes les doctrines différentes qui se trouvent éparpillées dans les livres. Ainsi, en étudiant
l'épître aux Romains, par exemple, on va aborder la christologie (la doctrine sur la personne de Christ), la
sotériologie (l'enseignement sur le salut), la hamartiologie (l'étude de ce qu'est le péché), l'anthropologie
(l'étude de la nature humaine), l'eschatologie (la doctrine au sujet de l'avenir, surtout l'avenir final, y compris
le passage dans l'éternité), la pneumatologie (l’œuvre du Saint-Esprit), l'ecclésiologie (l'étude du
fonctionnement d'une église locale), la missiologie (l'enseignement sur la manière de faire une œuvre
missionnaire, ainsi que les raisons pour le faire), et d'autres doctrines encore. Le tout sera abordé dans ce seul
livre biblique, et chaque sujet ne sera même pas abordé en un seul bloc. En plus, aucun de ces sujets ne sera
abordé de manière exhaustive ; il faudra prendre en compte d'autres passages dans d'autres livres bibliques,
qui compléteront l'enseignement trouvé dans l'épître aux Romains.
En résumé, la théologie biblique – le fait d'étudier la totalité d'un livre après l'autre – permettra
d'apprendre ce que cette partie de la Bible enseigne sur toutes les doctrines qui y sont abordées. Mais aucune
doctrine ne sera abordée dans sa totalité dans un seul endroit.

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La théologie systématique, c'est le fait d'étudier une doctrine après l'autre, en regroupant l'ensemble
des passages qui se trouvent éparpillés à différents endroits dans les Écritures afin de voir tout ce que la
Bible enseigne à ce sujet. Au lieu de suivre un livre dans l'ordre, à travers toutes les doctrines abordées, on va
suivre une doctrine à travers tous les livres ou parties de livres où elle est abordée.
La théologie biblique et la théologie systématique sont en quelque sorte la trame et la traverse de
l'enseignement biblique : on approfondit l’enseignement d’un livre biblique en suivant le fil du livre à travers
toutes les doctrines différentes, ou on étudie une doctrine, en suivant les textes pertinents à travers tous les
livres bibliques différents où ils se trouvent.
Chacune de ces approches de la théologie a ses avantages et ses inconvénients :
La théologie biblique permet beaucoup plus facilement de s'assurer que l'idée qu'on se fait d'un texte
découle effectivement du contexte. Elle permet aussi d'aborder l'ensemble des enseignements dans la Bible et
non uniquement les sujets qu'on a envie d'approfondir. Mais son grand inconvénient, c'est le temps qu'il faut
pour arriver au point où l’on peut dire avec une certaine confiance qu'on sait ce que la Bible dit sur tel ou tel
sujet. Même l'étude d'un seul livre biblique, comme l'épître aux Romains dont on vient de parler, peut
facilement prendre une année entière, à moins de disposer de suffisamment de temps pour ne faire
pratiquement que ça. Et ce n'est qu'un livre sur soixante-six.
La théologie systématique permet de voir l'ensemble de ce que la Bible dit sur un sujet, alors que le
sujet est peut-être éparpillé un peu partout aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament. Le sens
sera donc bien plus clair. En plus, cette approche permet d'apprendre beaucoup plus rapidement l'essentiel de
l'enseignement biblique. Une centaine d'heures d'études, avec quelques livres sérieux de théologie
systématique ou en suivant des cours avec des professeurs compétents, permettront de faire le tour des
grands enseignements théologiques de la Bible. Bien sûr, il sera toujours possible d'approfondir, mais après
une centaine d'heures de travail, on aura une compétence générale en théologie. C'est pour cette raison que la
quasi-totalité des structures de formation utilisent la théologie systématique. Au lieu de prendre vingt ou
trente ans pour devenir compétent, on le devient au bout d'un an ou deux.
Mais chacune de ces approches comporte ses risques aussi. Le grand risque avec la théologie
biblique est que peu de gens s'y appliqueront assez longtemps pour arriver à quelque chose de sérieux. Mais
le grand risque avec la théologie systématique – et c'est ce qui nous concerne le plus ici dans notre étude du
débat calviniste-arminien – c'est qu'il est possible d'utiliser cette approche pour enseigner n'importe quoi.
Avec la théologie systématique, je peux présenter de manière convaincante l'évangile de la prospérité, le
salut par les œuvres, ou plein d'autres hérésies encore. Le tout, c'est de choisir les textes que je veux et d'en
donner l'interprétation que je veux. Ainsi, dans ce texte, ai-je réellement tenu compte du contexte de chaque
passage ? Ou bien ai-je abordé uniquement des passages qui vont dans mon sens, en laissant volontairement
de côté des passages qui ne me donneraient pas raison ? Si mes lecteurs n'ont pas fait suffisamment de
théologie biblique pour discerner les erreurs, ils ne le sauront pas.
La théologie systématique a incontestablement sa place dans l'enseignement biblique. D'ailleurs,
dans la prochaine section, nous allons en faire. Je peux difficilement condamner cette approche alors que je
l'utilise moi-même. Mais en comprenant le risque qu'elle comporte, il convient de se méfier. Ce n'est pas
parce qu'on a vu une démonstration très convaincante de ce que la Bible semble dire sur ce sujet qu'on peut
forcément discerner que c'est juste. Le nombre de versets cités à l'appui de la thèse n’y change rien. Si on sait
que celui qui a présenté une thèse a fait suffisamment de théologie biblique pour savoir de quoi il parle en
théologie systématique, on peut éventuellement l’accepter provisoirement. Mais ce n'est que quand on aura
fait soi-même suffisamment de théologie biblique avec une herméneutique saine qu'on pourra l'adopter
définitivement.
Ceci constitue un grand problème dans le débat calviniste-arminien (comme dans pas mal d'autres
débats théologiques, soit dit en passant). Les gens optent pour une position via la théologie systématique, et
la communiquent à d'autres par le même moyen, et le système se perpétue. La position en question devient
une idée fixe, le filtre à travers lequel tout doit passer, et la véritable exégèse devient de plus en plus difficile.
Il est alors de plus en plus facile de voir dans les textes ce qu'on a été conditionné à voir et donc de faire de
l'eiségèse, même sans s'en rendre compte.
Dans ce qui suit, donc, il ne faut pas tout prendre comme argent comptant. Ma position est le résultat
de plus d'une trentaine d'années de théologie biblique, mais ceux qui ne me connaissent pas n'ont aucun
moyen de vérifier cela. Chacun doit faire pour lui-même de la théologie biblique : étudier les livres bibliques,
d'un bout à l'autre, livre après livre, année après année, en vue de comprendre pour lui-même ce que la Bible

Calviniste-arminien, page 15 sur 34


dit sur le sujet. En le faisant, il est quasi-certain de découvrir que l'enseignement biblique sur le sujet n'est
pas aussi simple que ce que beaucoup prétendent, aussi bien du côté calviniste que du côté arminien.

L'enseignement apparent de la Bible sur chacun des


cinq points
Dans ce qui suit, nous essayerons autant que possible de faire table rase des idées préconçues,
qu'elles soient calvinistes, arminiennes ou autres. Nous examinerons simplement l'enseignement de la Bible
sur les cinq points qui, historiquement, ont défini ce débat. Il ne sera pas possible de tout voir, et ce sera de la
théologie systématique avec tous les risques que cela comporte. Évidemment, il s’agit de mon interprétation
personnelle, et ce sera à chacun de l’évaluer par une étude méthodique de la Bible (théologie biblique).

L'homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?


On pourrait croire que la réponse ici est évidente : bien sûr que les pécheurs peuvent accepter le
salut. La preuve, c'est que beaucoup l'ont fait. Mais la difficulté apparaît plus nettement quand on précise
ainsi la question : l'homme pécheur peut-il accepter de lui-même le salut, sans que Dieu l'incite à le faire ?
Notons tout d'abord que tous les textes qui exhortent les pécheurs à choisir, à se repentir, à se
convertir ou à se réconcilier avec Dieu semblent indiquer que l'homme pécheur peut effectivement accepter
le salut. Il est en effet évident que l'homme doit bien être capable de faire ce que Dieu l'encourage à faire.
Quel sens y aurait-il à appeler les pécheurs à la repentance s’ils étaient incapables de le faire ?
Certains prétendent que ces textes pourraient avoir un autre sens. L'homme étant incapable en lui-
même de se convertir, il serait possible que, pour des raisons qui nous dépassent, Dieu choisisse d'utiliser de
telles exhortations sans qu'elles aient un quelconque effet réel. Néanmoins, une telle interprétation n'est pas
celle qui découle naturellement de ces textes.
En même temps, il nous faut admettre que d'autres textes bibliques semblent bien aller dans le sens
de l’incapacité naturelle des hommes de se tourner vers Dieu. Il ne s’agit pas simplement d'un ou deux textes
non plus, mais d'un nombre suffisant pour qu'on ne puisse pas les écarter comme de simples textes
problématiques qu’on pourrait – ou devrait – réinterpréter en fonction de la thèse opposée.
L’un des textes les plus explicites est celui de 1 Corinthiens 2.14 : « Mais l’homme naturel ne reçoit
pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est
spirituellement qu’on en juge. » Le problème, c'est que ce sont des hommes naturels qui doivent se convertir.
Comment pourraient-ils le faire si, dans leur état de péché, ils ne peuvent que le rejeter ?
Ajoutons à cela un texte comme Romains 3.10-18, qui montre si clairement l'étendue du péché. Non
seulement celui-ci touche tous les hommes, mais il affecte chacun profondément, il déforme chaque aspect
de sa personne. L'homme naturel n'a pas la crainte de Dieu, il ne cherche pas Dieu, il ne veut pas agir en
conformité à la loi de Dieu.
Jésus lui-même a dit : « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jean 6.44).
Cela semble clair : même si le salut nous est proposé, en tant que pécheurs, aucun de nous n'aurait l'idée de
l'accepter. Ce n'est qu'avec l’œuvre de Dieu qui nous attire vers lui que nous arrivons à le faire.
Nous trouvons le même sens en Philippiens 2.13 : « Car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le
faire selon son dessein bienveillant. » Notre bonne volonté à vouloir avancer vers Dieu et notre capacité à le
faire viennent de Dieu et non de nous-mêmes. Notre nature pécheresse ne peut pas recevoir le message de
Dieu, comme le texte de 1 Corinthiens 2.14, cité plus haut, nous l'a montré.
Pierre semble enseigner le même principe dans 2 Pierre 1.3 : « Sa divine puissance nous a donné tout
ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et
par sa vertu. » C'est la puissance de Dieu qui nous a fait découvrir la vie et la piété, c'est Dieu qui nous a fait
connaître notre Sauveur.
On pourrait ajouter d'autres textes, mais ceux-ci suffisent déjà pour établir le principe : il y a
effectivement un nombre non négligeable de passages bibliques qui semblent contredire le reste de
l'enseignement de la Bible. Ils indiquent que l'homme pécheur n'est pas capable, en lui-même, d'accepter le
salut. Sans l’œuvre de Dieu qui l'attire au salut, aucun pécheur n'aurait l'idée de dire « oui » à l'offre du salut.

Calviniste-arminien, page 16 sur 34


Cela s'accorde très bien avec le principe qu'il n'y a aucun mérite humain dans le salut. Si l'homme
pouvait accepter librement le salut, éventuellement avec l'encouragement de Dieu, il est incontestable que les
rachetés seraient meilleurs que les perdus : ce serait ceux qui auraient donné une meilleure réponse à l'offre
du salut, ceux qui étaient moins fermés à l'idée de revenir à Dieu et de le laisser régner dans leurs vies. Ils
seraient donc moins pécheurs en quelque sorte – avant la conversion – et c'est l’un des facteurs qui auraient
permis leur salut. Cela introduit forcément le mérite humain dans le salut.
Tous ces textes qui montrent que l'homme pécheur en lui-même ne peut pas accepter le salut disent
bien que c'est Dieu qui produit en nous non seulement le salut, mais même la disposition à l’accepter. Ils
écartent de ce fait tout mérite humain dans le salut, qui nous est accordé entièrement par grâce.
Parallèlement, il y a les textes encore plus nombreux qui appellent l'homme pécheur à la repentance d'une
manière ou d'une autre. Ces textes-là mettent bien en lumière l'amour de Dieu, qui de ce fait n'est nullement
responsable de la perdition de qui que ce soit. Il n'est pas compromis avec le péché, même pas par le fait de
le tolérer alors qu'il pourrait en délivrer les personnes concernées. Ces textes sont importants, car ils nous
permettent de comprendre comment un si grand salut, mis en place par un Dieu d'amour, ne sauve pas tout le
monde.
À priori, ces deux types de textes semblent être inconciliables. En effet, ils nous enseignent à la fois :
 « Non, l’homme ne contribue en rien à son salut, c'est Dieu qui le sauve, et c'est même lui qui incite
les élus à accepter le salut. »
 « Si, l'homme contribue en quelque chose à son salut : l'acceptation de cette grâce. »
C'est celui des cinq points qui pousse le plus les gens vers la théologie calviniste (s'ils privilégient les
textes qui montrent que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu) ou vers la théologie arminienne (s'ils
privilégient ceux qui indiquent que l'homme peut et doit choisir, en acceptant librement le salut).
Si une doctrine est juste, elle doit tenir compte de l'ensemble de la Bible et non uniquement d'une
partie. Et les textes sont trop nombreux, des deux côtés, pour pouvoir appliquer le principe de
réinterprétation d’un texte à la lumière de l'enseignement clair de tous les autres textes. Ici, il y en a
suffisamment des deux côtés pour que, si on se permet de les lire autrement que dans leur sens normal, on
puisse dire qu’il s'agit vraiment d'eiségèse – le fait de mettre dans un texte ce qu'on veut y trouver parce que
le sens évident dérange.
La seule conclusion que je voie sur ce premier des cinq points que nous évaluons est de dire que les
deux concepts sont vrais, même si ma logique humaine ne me permet pas de voir comment articuler la
compatibilité entre les deux. Je suis donc tout à fait d'accord avec l'enseignement de la doctrine calviniste qui
dit que l'homme est totalement corrompu par le péché, y compris dans sa volonté. Cela signifie que nous
sommes incapables par nous-mêmes de changer d'idée et d'accepter de retourner à Dieu. C'est Dieu seul qui
nous attire à lui, ce qui fait que nous n'avons absolument aucun mérite dans le salut, même pas du fait d'avoir
fait un meilleur choix que les perdus. En même temps, je suis tout à fait d'accord avec l'enseignement de la
doctrine arminienne sur ce point : suite à l’œuvre de Dieu qui l'attire à lui, l'homme peut et doit accepter
librement le salut, et il est pleinement responsable de son choix.
De ce fait, j'ai une position éclectique non seulement en ce qui concerne l'ensemble des cinq points,
mais même en ce qui concerne ce seul point : à mon avis, les calvinistes ont raison et les arminiens ont raison
aussi. Comme l'ensemble de la doctrine calviniste ou arminienne découle de la position qu'on accepte sur ce
point, il n'est pas étonnant que j'arrive à un mélange éclectique sur le reste. Il me semble que c'est le sens qui
découle de la Bible, si on tient compte de tous les textes qui ont trait à ce sujet.

Élection conditionnelle ou inconditionnelle


Le terme élection, nous l’avons déjà vu, veut dire choix dans le contexte biblique. La question est
donc celle-ci : la Bible indique-t-elle que Dieu choisit de sauver certains en fonction d'un critère qu’il trouve
réalisé chez eux ? Ou s'agit-il d'un choix souverain de Dieu, de sorte que l'homme ne puisse rien faire de lui-
même qui pourrait influencer ce choix dans un sens ou dans l'autre ? Dans le premier cas, on parle d'élection
conditionnelle ; dans le deuxième cas, il s'agit plutôt d'élection inconditionnelle.
Ici, la quasi-totalité des textes va dans un même sens : l'homme est accepté auprès de Dieu s'il
s'approche de lui par la foi. Il y a un critère très précis en vue : la foi. L'élection serait donc conditionnelle.
Un des textes les plus pertinents à ce sujet se trouve dans Romains 9.30-32 : « Que dirons-nous donc
? Les païens, qui ne recherchaient pas la justice, ont obtenu la justice – la justice qui vient de la foi – tandis

Calviniste-arminien, page 17 sur 34


qu’Israël, qui recherchait une loi qui donne la justice, n’est pas parvenu à cette loi. Pourquoi ? Parce
qu’Israël l’a cherchée, non par la foi, mais comme provenant des œuvres. » L'enjeu est clairement expliqué :
comment se fait-il que les Juifs, dans l'ensemble, ne soient pas arrivés à la justice de Dieu, tandis que de si
nombreux païens y sont parvenus ? La question « Pourquoi ? » au début du verset 32 appelle une explication
à cette situation. Et l'explication est on ne peut plus univoque : parce qu'ils n'ont pas vu la nécessité de la foi.
Il serait difficile de formuler plus explicitement la doctrine d'une élection conditionnelle.
Mais il n'y a pas que ce seul texte. Tous les textes qui parlent du salut par la foi plaident en faveur de
l'élection conditionnelle. Si la foi n'est pas un critère déterminant dans le salut, mais seulement le résultat du
salut comme dit la doctrine calviniste, on ne peut plus parler de salut par la foi. Il faudrait plutôt parler de foi
par le salut. Sauf à faire de l’eiségèse, on ne trouvera quasiment aucun texte qui aille dans le sens inverse.
Les seuls textes qui semblent parler en faveur d'une élection inconditionnelle se trouvent, eux aussi,
dans Romains chapitre 9. Le plus explicite se trouve dans les versets 11 à 13 : « Car les enfants n’étaient pas
encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal, pourtant – afin que le dessein de Dieu demeure selon l’élection
qui dépend non des œuvres, mais de celui qui appelle – il fut dit à Rébecca : L’aîné sera asservi au plus
jeune ; selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü. »
Il faut avouer que la lecture impartiale de ce texte semble plaider fortement en faveur d'une élection
inconditionnelle : « les enfants n’étaient pas encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal » et « l’élection ...
dépend non des œuvres, mais de celui qui appelle ». Le problème à utiliser ce texte pour défendre l'élection
inconditionnelle dans le débat calviniste-arminien, c'est que le contexte ne concerne pas du tout le salut.
Aucun texte ne nous dit que Jacob ait été sauvé et pas Ésaü. Au contraire, dans Genèse 33, quand Jacob
retrouve Ésaü après vingt ans de séparation, Ésaü est un homme transformé tout autant que Jacob. Ésaü fait
grâce, il pardonne, il ne cherche plus à se venger. Tout porte à croire que Dieu a œuvré dans sa vie tout autant
que dans celle de Jacob, même si le texte ne nous montre pas comment Dieu l'a fait. Mais s'il est vrai que
l’on connaît l'arbre à ses fruits, comme l'a dit Jésus, il est évident qu'Ésaü n'est plus le même « arbre ».
En fait, le contexte de l'argumentation dans cette partie de Romains 9 n'est pas le choix de Dieu en ce
qui concerne le salut, mais celui de mettre en place son salut en se servant de la nation d'Israël. Et ce choix-
là, effectivement, est inconditionnel. Beaucoup de textes dans la Bible nous montrent que si Dieu a fait son
œuvre à travers Israël, ce n'est pas parce qu'Israël était meilleur qu'une autre nation.
Prétendre que le choix de Dieu dans le salut est inconditionnel, simplement parce que son choix
d'utiliser la nation d'Israël l'est, n'est ni logique ni une herméneutique saine. Ce texte n'a donc rien à voir avec
notre sujet ici. Il y a plus de détails sur le sens de Romains 9 dans l'annexe.
Une lecture impartiale des textes bibliques va donc nettement dans le sens arminien : l'élection pour
le salut est conditionnée par la foi. Certes, on peut argumenter que c'est Dieu qui donne la foi, que l'homme
ne la produit nullement par lui-même, mais cela nous renvoie simplement au point précédent. Il ne change en
rien le fait que l'ensemble des textes bibliques plaide très fortement pour l'élection conditionnelle.

Christ est-il mort pour tous ?


Si Dieu ne veut pas sauver tout le monde, il est parfaitement raisonnable de dire que la mort de
Christ ne concerne pas les non-élus, c'est-à-dire ceux qui ne vont pas accepter le salut. En revanche, si Dieu
désire le salut de tous, il est tout aussi sensé de dire que Christ est mort pour tout le monde, même si on doit
admettre que sa mort ne va pas sauver tout le monde (parce que tous ne vont pas accepter le salut). Il y a
donc deux types de textes qui portent sur cette question : ceux qui parlent directement de la mort de Christ et
ceux qui parlent du désir de Dieu en ce qui concerne les perdus.
Comme pour le point précédent, le sens qui ressort des textes n'est pas spécialement problématique,
car pratiquement tous vont dans le même sens.
Commençons avec des versets qui décrivent la portée de la mort de Christ. Un des plus éclairants est
1 Jean 2.2 : « Il est lui-même victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi
pour ceux du monde entier. » Dans le contexte, il est incontestable que le nous que Jean utilise tout au long
de ce passage fait référence à l'ensemble des croyants. De ce fait, la lecture la plus évidente de ce texte est la
bonne : Christ est mort, non seulement pour les péchés des croyants, mais pour ceux de tout le monde.
Certains disent que le nous dans ce verset veut dire :nous, les croyants juifs, et que le monde entier
fait référence aux élus du monde entier, c'est-à-dire d’autres nations. Mais une telle lecture du mot nous
n'aurait aucun sens dans le verset précédent ni dans le verset suivant. Quand Jean écrit nous dans ce contexte,

Calviniste-arminien, page 18 sur 34


il veut dire nous, les chrétiens. Prétendre autre chose est manifestement un cas d'eiségèse.
Ajoutons le célèbre texte de Jean 3.16, ainsi que le verset 17 : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il
a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu,
en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par
lui. » Là encore, avec une idée préconçue, on pourrait lire ce verset différemment. Mais si on le lit avec un
esprit réellement ouvert et prêt à accepter ce qu'il dit, le sens est bien clair : Christ est mort pour le monde
entier.
2 Pierre 2.1 est un verset intéressant à ce sujet : « Il y a eu de faux prophètes parmi le peuple ; de
même il y a parmi vous de faux docteurs qui introduiront insidieusement des hérésies de perdition et qui,
reniant le Maître qui les a rachetés, attireront sur eux une perdition soudaine. » Sans conteste, il s'agit ici de
gens qui ne font pas partie des élus, mais il est établi aussi que le prix qui sauve (c'est le sens de racheté) a
été payé pour eux aussi. Ils ne sont pas sauvés pour autant, non parce que Christ ne serait pas mort pour eux,
mais parce qu'ils préfèrent le péché. Cela apparaît très nettement dans la suite du chapitre (voir par exemple
les versets 13 et 14).
On peut y ajouter Romains 5.18, un texte qui n'est pas sans poser des problèmes, mais qui semble
bien porter sur cette question. Je cite ici la traduction de la Bible à la Colombe : « Ainsi donc, comme par
une seule faute la condamnation s’étend à tous les hommes, de même par un seul acte de justice, la
justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. »
Le verbe s'étendre est ajouté deux fois au texte ici, car le texte original ne comporte pas un seul
verbe dans tout le verset. Ce manque de verbes dans l'original oblige chacun à essayer de comprendre de
quoi il s'agit. Du coup, certains lisent ce verset dans un sens universaliste : « De même que par un seul acte
de péché tous les hommes ont été condamnés, de même par un seul acte de justice tous les hommes ont été
justifiés. » Mais c'est une interprétation libre, puisque le texte ne donne pas le verbe. Et l'ensemble de la
théologie de Paul, même dans l'épître aux Romains, ne permet pas de lire l'universalisme dans ses idées. S'il
croyait réellement que tout le monde était sauvé par la mort de Christ, qu'ils le veuillent ou pas, quel sens y
aurait-il à ses propos au début du chapitre 9 ? La perdition des Juifs qui refusent le salut par la foi en Christ
n'est pas spécialement grave si de toute façon ils vont tous être sauvés dans l'éternité.
La traduction de la Colombe semble donc correcte ici, avec le verbe s'étendre. De même que la
condamnation est venue jusqu'à tout le monde, de même la justification est venue jusqu'à tout le monde. Non
que tout le monde l’accepte, mais elle atteint tout le monde. Christ est venu frapper à la porte de tout le
monde, en quelque sorte, pour leur dire : « Je t'ai acheté la justification. » Qu'ils l'acceptent ou pas, c'est fait.
Le verset suivant va dans ce sens, d'ailleurs, car dans ce verset 19 – qui comporte effectivement des
verbes et qui parle sans conteste d'un résultat – Paul utilise un terme moins inclusif : beaucoup. De même
qu'un grand nombre de personnes (en l’occurrence, tout le monde) sont devenues des pécheurs, de même un
grand nombre de personnes (tous les rachetés) deviendront justes. Quand il parle d'un résultat précis et
explicite, il ne dit plus tout le monde.
En tout cas, ce qui est incontestable dans ce verset 18, c'est que la mort de Christ a une portée qui
concerne tout le monde. On peut se demander exactement quel est le résultat de cette portée, puisque les
verbes manquent, mais les mots « tout le monde » ne manquent pas. Ils sont clairement là, dans le texte.
Il est vrai que Jésus dit dans Jean 10 qu'il donne sa vie pour ses brebis. (voir surtout les versets 11 et
15). Cela permettrait de plaider pour une portée plus limitée de la mort de Christ : elle serait uniquement
pour ses brebis, c'est-à-dire pour les élus. Mais ce n'est pas un texte qui porte fortement dans ce sens,
puisqu'il ne dit pas « Je donne ma vie uniquement pour mes brebis. » Si je dis à ma femme que je l'aime, cela
n'implique nullement que je n'aime pas aussi mes enfants. Le maximum qu'on puisse dire en ce qui concerne
Jean 10, c'est qu'il pourrait facilement s'accorder aussi bien avec la notion calviniste qu'avec la notion
arminienne, sans besoin de recourir à l'eiségèse.
La lecture impartiale (autant que possible) des textes sur la portée de la mort de Christ semble donc
formellement aller dans le sens que Christ est mort pour tout le monde. Les textes sur le désir de Dieu en ce
qui concerne le salut sont encore plus nombreux et encore plus explicites.
Déjà dans l'Ancien Testament, nous trouvons un des textes les plus distincts à ce sujet : « Dis-leur :
Je suis vivant ! – oracle du Seigneur, l'Éternel –, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est
qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de vos mauvaises voies. Pourquoi devriez-vous
mourir, maison d'Israël ? » (Ézéchiel 33.11).
Le sens de ce texte est très explicite. Il l'est encore plus dans le contexte historique, parce qu'il
s'adresse à une génération de Juifs qui (à quelques exceptions près) n'allait pas se repentir, qui n'allait pas

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revenir à Dieu. Il ne s'agit pas des élus ici, mais de pécheurs condamnés qui allaient le rester jusqu'à la fin de
leur vie. Et le désir de Dieu à leur sujet est on ne peut plus clair aussi : il ne veut pas leur perte, il veut qu'ils
se repentent.
Dieu avait dit quelque chose de similaire, toujours par la plume du prophète Ézéchiel, un peu plus
tôt : « Est-ce que je désire avant tout la mort du méchant ? – oracle du Seigneur, l'Éternel. N'est-ce pas qu'il
se détourne de sa voie et qu'il vive ? » (Ézéchiel 18.23).
Ces textes d'Ézéchiel, à eux seuls, sont nets et précis, sans la moindre ambiguïté. Même avec une
tendance à pratiquer de l'eiségèse, il est difficile de leur faire dire autre chose que ce qu'ils semblent dire à
première lecture. Mais ils sont loin d'être les seuls versets dans la Bible qui montrent que Dieu veut le salut
de tous. Ajoutons quelques autres textes à la liste :
« Tournez-vous vers moi et soyez sauvés, vous, tous les confins de la terre ! Car je suis Dieu, et il n'y
en a point d'autre » (Ésaïe 45.22).
« Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous
lieux, qu’ils aient à se repentir » (Actes 17.30)
« Cela est bon et agréable devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2.3-4).
« Nous travaillons et luttons, parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, qui est
le Sauveur de tous les hommes, surtout des croyants » (1 Timothée 4.10).
« Le Seigneur ne retarde pas (l’accomplissement de) sa promesse, comme quelques-uns le pensent. Il
use de patience envers vous, il ne veut pas qu’aucun ne périsse, mais (il veut) que tous arrivent à la
repentance » (2 Pierre 3.9).
Les textes qui indiquent que Christ est mort pour tous (y compris pour les personnes qui ne seront
finalement pas élues), plus les textes qui disent explicitement que Dieu veut le salut de tous, montrent qu'il
ne s'agit pas ici d'une idée obscure qui découlerait seulement d'un verset ou deux. De ce fait, on n'a pas le
droit de réinterpréter tous ces versets. Le sens de l’expression tous les hommes n'est manifestement pas « des
hommes de tous les peuples, et non uniquement des Juifs ». Comme nous l'avons vu, cette approche est
justifiée uniquement quand un ou deux versets semblent contredire tout un ensemble d'autres versets. Elle
n'est pas justifiée pour éliminer de multiples textes clairs, simplement parce qu'ils ne disent pas ce que nous
voulons leur faire dire.
Cela est d'autant plus vrai qu'il n'y a aucun texte qui indique que Dieu ne voudrait pas sauver tout le
monde. Pas un seul texte n’affirme que Christ ne serait pas mort pour tout le monde, ce qui n'aurait de sens
que si Dieu ne voulait pas le salut de tous. Parmi les textes souvent mis en avant dans ce sens, le seul qui
semble a priori pertinent vient encore de Romains 9 : « L’aîné sera asservi au plus jeune ; selon qu’il est
écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü » (Romains 9.13).
Si on ne tient nullement compte du contexte, on peut effectivement penser, en lisant ce verset isolé,
qu'il montre que Dieu n'aime pas Ésaü, et donc qu'il ne veut pas le sauver. Mais comme nous l’avons déjà
fait remarquer, le contexte de Romains 9 n'est pas le choix que Dieu a fait pour sauver des hommes, mais
celui de se révéler au monde à travers Israël. Il est à noter d'ailleurs que « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü »
n'est pas une citation de la Genèse, où il est question de ces deux hommes, mais de Malachie. Dans ce
contexte, comme dans Romains 9, c'est un choix concernant une nation et non des personnes. (De nouveau,
plus de détails à ce sujet sont donnés dans l'annexe.)
Certains veulent y ajouter les textes du livre de l’Exode qui disent que Dieu a endurci le cœur de
Pharaon. Pour eux, ce serait une indication supplémentaire que Dieu ne veut pas le salut de tous. Mais, quand
on examine le contexte, cela se heurte à deux problèmes majeurs. D'abord, il n'est pas question du salut ici,
mais de la décision de Dieu de laisser sortir d'Égypte les Israélites. Ensuite, et surtout, quand on regarde
l'ensemble du récit, on constate que dans un premier temps, les textes disent que Pharaon a endurci son
cœur ou simplement que son cœur était endurci. Ce n'est que plus tard, après que Pharaon ait confirmé son
refus plusieurs fois par son propre choix, que Dieu a endurci son cœur. Même s'il s'agissait du salut, tout ce
que Dieu a fait ici est de confirmer Pharaon dans la disposition qu'il avait lui-même choisie de manière
répétée. Ce texte ne peut donc nullement servir d’argument à la thèse calviniste d'un choix souverain de Dieu
qui ne voudrait pas le salut de tous. Au contraire, même si l’on appliquait (à tort) à la question du salut, il
irait dans le sens arminien d'un Dieu qui accepte en fin de compte le choix de l'homme.
La Bible montre donc très clairement que Dieu veut le salut de tous. Dieu est amour, ce qui veut dire
autre chose que Dieu aime. Dire que Dieu aime pourrait signifier qu'il aime dans certains cas, mais non dans
d'autres. Mais dire qu'il est amour veut dire qu'il ne peut pas ne pas aimer. Dieu aime toutes ses créatures, ce

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qui veut dire dans le contexte biblique qu'il voudrait ce qui est le mieux pour chacun. De ce fait, il voudrait
forcément leur salut. Comme nous l'avons déjà vu, Dieu nous dit dans sa Parole : « Si quelqu’un sait faire le
bien et ne le fait pas, il commet un péché » (Jacques 4.17). Lui, Dieu, ne peut pas en faire autrement lui-
même.
Nous pouvons dire en conclusion à cette section que ce troisième point du débat calviniste-arminien
est vraisemblablement le plus indiscutable de tous : la Bible penche très, très fortement dans le sens
arminien.

L'homme peut-il refuser le salut ?


À moins d'être universaliste, il faut avouer que l'homme peut refuser le salut. Mais la question ne
concerne pas simplement le fait de le refuser ; il est surtout question de savoir si nous pouvons le refuser
même si Dieu nous incite à l'accepter. Le calvinisme dit que la grâce de Dieu est irrésistible : si Dieu appelle
quelqu'un au salut, la personne se convertira forcément. L'arminianisme dit que l'homme peut refuser le
salut, même si Dieu œuvre dans son cœur pour l'appeler à lui. Qu'en dit la Bible ?
Commençons avec la citation de Jésus dans Matthieu 22.14 : « Car il y a beaucoup d’appelés, mais
peu d’élus. » Cela indique incontestablement que le nombre d'appelés est largement supérieur au nombre
d'élus. L'homme peut donc refuser l'appel de Dieu, et beaucoup le font.
Mais il est au moins possible que ce texte ne soit pas aussi clair qu'il y paraît. Il se peut que Jésus
utilise le terme appelés ici dans un sens autre que celui de Dieu qui agit dans un cœur en vue du salut. Citons
donc quelques autres textes bibliques qui relèvent plus explicitement du sujet :
Toujours dans l'évangile de Matthieu, Jésus a dit : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et
qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule
rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matthieu 23.37). Dans ce que Jésus dit,
la volonté divine est nettement exprimée : « j'ai voulu ». Mais cela n'a pas pu se faire, et de nouveau la raison
en est exprimée de manière très explicite : « vous ne l'avez pas voulu ». Il semble incontestable dans ce texte
que l'homme peut frustrer la volonté de Dieu en refusant l'appel de venir à lui.
Un autre texte qui cite Jésus se trouve dans l'Apocalypse, dans la lettre à l'église de Thyatire : « Mais
ce que j’ai contre toi, c’est que tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes
serviteurs, pour qu’ils se livrent à l’inconduite et qu’ils mangent des viandes sacrifiées aux idoles. Je lui ai
donné du temps pour se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de son inconduite. Voici que je la jette sur
un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande tribulation, à moins qu’ils ne se repentent
de ses œuvres. Je frapperai de mort ses enfants ; toutes les Églises connaîtront que moi, je suis celui qui
sonde les reins et les cœurs, et je vous rendrai à chacun selon ses œuvres » (Apocalypse 2.20-23 ; la
traduction du verset 22 est de moi, en suivant le texte grec plutôt que la Colombe que j'utilise
habituellement).
Cet avertissement fait la différence entre la femme Jézabel, ses enfants, et ceux qui commettent
adultère avec elle. Ce qui va arriver à chacun est différent : Jézabel (celle qui enseigne cette hérésie) est jetée
sur un lit, ses enfants (vraisemblablement ceux qui sont réellement partisans de ses doctrines) seront frappés
de mort et ceux qui commettent adultère avec elle (vraisemblablement ceux qui sont compromis avec ses
doctrines, sans être pleinement adhérents eux-mêmes) sont mis « dans une grande tribulation, à moins qu'ils
ne se repentent ». En constatant les degrés de châtiments selon les cas, la plupart des commentaires
interprètent l’expression jetée sur un lit comme « jetée sur un lit de souffrance et de mort ».
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que Jésus a donné du temps à « Jézabel » pour qu'elle se repente,
mais elle ne voulait pas se repentir. Le sens le plus évident ici, la lecture naturelle sans idée préconçue, c’est
que Jésus a voulu que « Jézabel » se repente, mais qu’elle ne l'a pas voulu. De nouveau, donc, nous avons un
cas où le refus de la repentance a frustré le désir divin.
Nous pouvons ajouter à cela le texte de Romains 2.3-5 : « Comptes-tu, toi qui juges ceux qui
agissent ainsi et qui fais comme eux, que toi, tu échapperas au jugement de Dieu ? Ou méprises-tu les
richesses de sa bonté, de son support et de sa patience, sans reconnaître que la bonté de Dieu te pousse à la
repentance ? Mais, par ton endurcissement et par ton cœur impénitent, tu t’amasses un trésor de colère pour
le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu. »
Ceci est un texte plus général, dans le sens qu'il ne s'adresse pas à quelqu'un de précis, mais plutôt à
tous les pécheurs, et notamment à ceux qui refusent de se repentir. Pourtant, Paul leur dit : « la bonté de Dieu

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te pousse à la repentance ». Il semble clair, dans la pensée de Paul, que si Dieu ne juge pas tout de suite le
péché, c'est que dans sa bonté il est en train de donner aux pécheurs le temps de se repentir. Ici encore, la
lecture la plus simple du texte indiquerait que Dieu veut que les pécheurs se repentent, mais que beaucoup
refusent de le faire.
Il y en a qui opposent à de tels textes celui d'Hébreux 12.16-17, que certains traduisent : « Veillez à
ce que personne ne soit débauché ni profanateur comme Ésaü, qui pour un seul plat vendit son droit
d’aînesse. Vous savez que plus tard, quand il voulut hériter de la bénédiction, il fut rejeté, car il ne trouva pas
place à la repentance, bien qu’il l’ait cherché avec larmes. » Un tel texte est censé montrer que même si Dieu
donne du temps pour se repentir, une personne qui n'est pas destinée au salut ne pourra pas le faire de toute
façon, même si elle le veut.
Mais quand on replace ce texte dans son contexte historique, nous voyons que ce n'est pas du tout le
sujet. Oui, on peut dire que le texte dit littéralement : « il ne trouva pas place à la repentance », mais sachant
que repentance signifie un changement d'avis ou d'état d'esprit, qu'est-ce que le texte de Genèse nous montre
au sujet de cette histoire ? Ce qu'Ésaü a cherché avec larmes, c'était d'inciter son père à changer d'avis. C'est
pour cette raison que d'autres traduisent la phrase d'Hébreux 12.17 : « il ne trouva pas moyen d’amener son
père à changer d’avis ». Il est vrai que le texte ne dit pas son père, mais le contexte nous montre bien que
c'est de cela qu'il s'agit.
Et comme nous l'avons déjà vu, quand Ésaü a voulu changer d'état d'esprit lui-même, cela a été tout à
fait possible. C'est pourquoi Jacob le trouve transformé à son retour. Il est devenu un homme qui pardonne,
un homme qui fait grâce malgré le tort qui lui avait été fait. Dieu a manifestement travaillé dans la vie
d'Ésaü, et il a manifestement accepté ce changement.
Est-ce que l'homme peut refuser l’œuvre de Dieu dans sa vie, quand Dieu l'incite à se repentir ? Le
sens général des textes bibliques semble bien dire oui.

Peut-on perdre le salut ?


Voici le sujet le plus connu dans le débat. La plupart des gens qui ne sont pas spécialement initiés à
la théologie ne connaissent que cette question. L'enjeu est très pratique et facile à comprendre, mais la
réponse à la question ne l'est pas autant.
Le texte par excellence dans ce débat est celui d'Hébreux 6.4-6 : « Quant à ceux qui ont été une fois
éclairés, qui ont goûté le don céleste et sont devenus participants à l’Esprit Saint, qui ont goûté la bonne
parole de Dieu et les puissances du siècle à venir, et qui sont tombés, il est impossible de les ramener à une
nouvelle repentance. Car ils crucifient de nouveau, pour leur part, le Fils de Dieu et le déshonorent
publiquement. » Il est celui qui parle le plus clairement de la perte du salut.
Certains disent que ce texte ne parle pas de personnes qui étaient réellement sauvées, mais de ceux
qui ont bien compris le message et l'ont refusé. Mais c’est un cas assez flagrant d'eiségèse. On pourrait le
maintenir si on n'avait que les mots ont été une fois éclairés, mais le reste décrit nettement ceux qui ont
connu la régénération. Ils y ont goûté, ils sont devenus participants à l'Esprit Saint. Dire qu'ils ne sont pas
nés de nouveau, c'est déformer le sens évident du texte.
D'autres disent qu'il s'agit de personnes qui sont effectivement nées de nouveau et qui tombent dans
le péché, mais qui n'ont pas perdu leur salut pour autant. Ils seraient tombés, mais ils seraient toujours dans la
main de Dieu. Mais ici aussi, il est difficile d'accorder cette interprétation avec le texte. La suite du passage
dit : « il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance » et « ils crucifient de nouveau… le Fils de
Dieu ». Cela ne semble pas du tout correspondre à quelqu'un qui est toujours un enfant de Dieu.
Du coup, il est très difficile d'éviter la lecture naturelle qui découle du texte : une personne qui est
réellement sauvée, et qui se détourne du salut, ne peut pas être sauvée de nouveau. (Et pourtant, comme dit
en introduisant ce sujet, très peu de gens acceptent cette interprétation ; soit ils pensent que le passage ne
parle pas de la perte du salut, soit ils croient qu'une personne qui perd son salut peut être sauvée de nouveau.)
D'autres passages aussi semblent aller dans le sens de la possibilité de perdre le salut :
« Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il sèche ; puis l’on
ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent » (Jean 15.6).
« Au contraire, je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux
autres, d’être moi-même disqualifié » (1 Corinthiens 9.27).
« Vous êtes séparés de Christ, vous qui cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la

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grâce » (Galates 5.4).
« Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos œuvres mauvaises, il
vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints,
sans défaut et sans reproche ; si vraiment vous demeurez dans la foi, fondés et établis pour ne pas être
emportés loin de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le
ciel, et dont moi Paul je suis devenu le serviteur » (Colossiens 1.21-23).
« Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera »
(2 Timothée 2.12).
« Prenez donc garde, frères, que personne parmi vous n’ait un cœur méchant et incrédule, au point
de se détourner du Dieu vivant. Mais exhortez-vous chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire :
Aujourd’hui ! afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché » (Hébreux 3.12-13).
« Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de
sacrifice pour les péchés, mais une attente terrifiante du jugement et l’ardeur du feu prêt à dévorer les
rebelles ! » (Hébreux 10.26-27).
« En effet, si après s’être retirés des souillures du monde par la connaissance du Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ, ils s’y engagent de nouveau et sont vaincus par elles, leur dernière condition est pire que la
première. Car mieux valait, pour eux, n’avoir pas connu la voie de la justice, que de l’avoir connue et de se
détourner du saint commandement qui leur avait été donné » (2 Pierre 2.20-21).
« Vous donc, bien-aimés, qui êtes prévenus, soyez sur vos gardes, de peur qu’entraînés par
l’égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté » (2 Pierre 3.17).
Il est vrai que certains de ces passages peuvent se comprendre, éventuellement, dans un autre sens.
Dans plusieurs textes, il n'est pas du tout évident qu'ils parlent de personnes qui étaient réellement sauvées ;
peut-être suggèrent-ils que ces personnes n'étaient jamais réellement au Seigneur. Quoi qu’il en soit, vu le
nombre d’occurrences de ces versets, on ne peut pas dire honnêtement que le thème de la perte du salut soit
absent de la Bible.
Toutefois, d'autres textes semblent aller dans le sens opposé, notamment en montrant que notre salut
est l’œuvre de Dieu et non la nôtre :
« Or, voici la volonté de celui qui m’a envoyé : que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais
que je le ressuscite au dernier jour. Voici, en effet, la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit
en lui ait la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6.39-40).
« Mes brebis entendent ma voix. Moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie
éternelle ; elles ne périront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données,
est plus grand que tous ; et personne ne peut les arracher de la main du Père » (Jean 10.27-29).
« Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni
l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous
séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur » (Romains 8.38-39).
« Il vous affermira aussi jusqu’à la fin, (pour que vous soyez) irréprochables au jour de notre
Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre
Seigneur » (1 Corinthiens 1.8-9).
« Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous une œuvre bonne, en poursuivra l’achèvement
jusqu’au jour du Christ-Jésus » (Philippiens 1.6).
« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a
régénérés, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une espérance vivante, pour un héritage
qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir et qui vous est réservé dans les cieux, à vous qui êtes
gardés en la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps » (1 Pierre
1.3-5).
« Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils
seraient demeurés avec nous ; mais de la sorte, il est manifeste que tous ne sont pas des nôtres » (1 Jean
2.19).
« À celui qui peut vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant sa gloire, irréprochables
dans l’allégresse, à Dieu seul, notre Sauveur, par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et
autorité dès avant tous les temps, maintenant et dans tous les siècles ! Amen ! » (Jude 1.24-25)
Ici encore, il serait possible de comprendre certains de ces textes dans un autre sens. Notamment,
certains pourraient vouloir dire que personne d'autre ne peut nous enlever notre salut, mais que cela ne nous
empêcherait pas nous-mêmes, éventuellement, de nous détourner de Dieu. Néanmoins, vu le nombre de

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versets qui vont dans ce sens, il est de nouveau évident qu'on ne peut pas se permettre de les réinterpréter
tous, afin de leur faire rentrer dans notre système de pensée.
Répétons que nos doctrines doivent tenir compte de toute la Bible, et non uniquement d'une liste de
textes qui vont nous donner raison. Comment donc concilier ces deux types de versets ? Les uns parlent de la
perte du salut si les croyants ne restent pas dans la foi ; les autres indiquent que notre salut est l’œuvre de
Dieu et que, de ce fait, nous pouvons être sûrs qu'il ira jusqu'au bout de ce qu'il est en train de faire en nous.
Les deux types de réponses peuvent-ils être vrais en même temps ?
Il me semble que oui, même sans avoir à admettre une contradiction apparente, comme j'ai dû le
faire avec le premier des cinq points. (L'homme pécheur, peut-il accepter librement le salut ?)
Tout d'abord, même si notre logique n'est pas suffisante pour résoudre tous les aspects difficiles de la
théologie, il ne faut pas rejeter complètement la logique pour autant. Quand une position permet d'expliquer
l'enseignement biblique de manière cohérente, elle est à préférer à une explication qui ne semble pas
raisonnable. Nous n'écarterons d'office que ce qui est manifestement inacceptable, comme le fait que Dieu
serait responsable du péché ou que le mérite humain jouerait un rôle dans le salut. Ici, dire que notre salut
dépend de Dieu et que nous pouvons donc compter sur lui pour terminer ce qu'il a commencé est une pensée
tout à fait raisonnable. Il n'y a pas de raison de la rejeter, de se dire : « Ce n'est sûrement pas ce que ces textes
signifient. »
C’est d'autant plus le cas que la nouvelle naissance n'est pas simplement une décision humaine,
même si celle-ci est nécessaire puisque chacun de nous doit se positionner en donnant à Dieu le contrôle de
sa vie. Mais la Bible nous montre que quand nous le faisons, Dieu ne reste pas simplement un spectateur à
cette conversion. Il fait quelque chose en nous qui transforme notre nature. Dans Tite 3.5 Paul appelle cela la
régénération et dans 2 Corinthiens 5.17 il l'appelle une nouvelle création. Ces termes semblent bien être
équivalents à ce que Jésus appelle naître de nouveau. (Jean 3.7).
La pensée, apparemment, c'est que Dieu ne viole pas la liberté que, dans sa souveraineté, il a lui-
même choisi de nous accorder. Il ne nous obligera pas à nous tourner vers lui. Il est tout-puissant, mais même
la puissance infinie ne lui donne pas le droit de nous transformer contre notre volonté, car cela le mettrait en
contradiction avec lui-même (puisque c'est lui qui nous a donné cette liberté). Comme le dit Paul dans
2 Timothée 2.13 : « il ne peut se renier lui-même » Mais comme il sait que nous sommes incapables de nous
rendre purs et saints par nous-mêmes, afin de vivre en communion avec lui, il utilise sa puissance pour nous
transformer. Il attend simplement que nous soyons d'accord pour qu'il le fasse.
De ce fait, si nous nous donnons à lui, il commence en nous cette transformation qui nous mènera
jusqu'à la sainteté parfaite, dans sa présence, pour l'éternité. Le salut est cette œuvre transformatrice qui est
accomplie entièrement par Dieu. La conversion est un choix humain mais la nouvelle naissance est une
œuvre divine.
Mais si notre salut ne peut pas se perdre, parce qu'il est l’œuvre de Dieu et non la nôtre, que dire de
tous ces versets qui mettent en garde contre le fait de se détourner de Dieu, qui montrent que seuls ceux qui
vont jusqu'au bout sont sauvés ? En fait, c'est ce même principe (Dieu ne fera pas son œuvre transformatrice
en nous sans notre accord) qui nous montre comment les comprendre.
Si l'homme change d'avis, s'il ne veut plus aller de l'avant avec Dieu, Dieu ne va pas l'obliger à le
faire. Cela s'accorde non seulement avec la liberté qu'il nous a donnée, mais avec tous les textes qui parlent
de se détourner de lui. La question se pose seulement : comment une personne régénérée par la puissance de
Dieu, donc une nouvelle création, peut-elle changer d'avis ? Cette personne n’a-t-elle pas vécu un
changement profond dans ce qu'elle est et non uniquement dans ses conceptions ?
Il me semble qu'une telle personne ne le ferait jamais. C'est pour cette raison que Dieu nous dit qu'il
peut nous préserver de toute chute (Jude 1.24). La transformation de régénération qu'il a opérée en nous,
ainsi que l’œuvre qu'il est en train de faire en nous, font que nous n'allons pas changer d'avis. Néanmoins – et
ceci est très important – personne n'arrive jamais au point où il peut se permettre de se relâcher sur le plan
spirituel, sous prétexte qu'il ne peut pas perdre son salut. S'il le fait, il n'est pas sauvé, un point, c'est tout.
Non parce qu'il l'était et ne l'est plus, mais parce que, par le fait même de se détourner de la vérité, il montre
qu'il ne l'était jamais. C'est ce que l'apôtre Jean a écrit dans 1 Jean 2.19, cité plus haut : « Ils sont sortis de
chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ;
mais de la sorte, il est manifeste que tous ne sont pas des nôtres ».
C'est pour cette raison que tant de passages mettent les croyants en garde contre le fait de se
détourner de Dieu. Un tel avertissement est toujours approprié. Ceux qui sont réellement au Seigneur ne se
sentiront pas concernés, parce qu'il ne leur viendrait pas à l'esprit de le faire. Mais ceux qui sont concernés

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par un tel avertissement sont ceux qui ont besoin, justement, de réaffirmer leur engagement à marcher avec
Dieu.
Il est vrai que le texte d'Hébreux 6.4-6 semble aller bien plus loin qu'une simple mise en garde. Dans
ce texte, nous avons l'impression que l'auteur parle réellement de ceux qui le font. C'est le seul texte qui le
fasse d'une manière aussi claire. Et il faut admettre que le contexte de l'ensemble de l'épître est effectivement
un avertissement à ceux qui seraient tentés de se détourner de la foi chrétienne pour retourner à une doctrine
de salut par les œuvres de la loi juive, mais il demande une explication tout de même. Une proposition
d'explication de ce texte se trouve dans l'annexe.
Quoiqu’il en soit, l'ensemble des Écritures semble donc donner raison aux calvinistes sur ce
cinquième point, au moins en ce qui concerne le principe : un vrai croyant ne perdra jamais son salut. Mais
dans la pratique, même si quelqu'un qui est réellement au Seigneur ne va pas s'en détourner, les arminiens
ont raison d'insister sur l'éventualité que même une personne qui pense réellement appartenir au Seigneur
peut finir par s'en détourner et, si elle le fait, elle n'est pas sauvée.

Résumé des cinq points


L'homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?
Ici, il y a suffisamment de textes bibliques pour donner raison à la fois aux calvinistes et aux arminiens. On
peut défendre l'une ou l'autre position, d'une manière parfaitement raisonnable, en choisissant les textes qu'on
veut pour appuyer sa position. Mais comme la vérité biblique doit tenir compte de l'ensemble des textes, et
comme il y en a de trop pour justifier une réinterprétation des uns ou des autres, il semble que la Bible
soutienne les deux vérités, sans que notre logique humaine suffise pour nous aider à les concilier : l'homme
pécheur doit choisir consciemment et explicitement de marcher avec Dieu et il est pleinement responsable de
ce choix, et en même temps personne ne peut le faire sans que Dieu agisse en lui pour l'inciter à le faire, ce
qui fait que ceux qui sont sauvés ne sont nullement supérieurs aux perdus, même pas par le fait d'avoir fait
un meilleur choix.
Élection conditionnelle ou inconditionnelle : si on tient compte simplement des textes bibliques, en les
gardant bien dans leurs contextes, et sans les réinterpréter en fonction d'idées préconçues, l'enseignement
biblique penche très nettement en faveur de l'élection conditionnelle. Dieu choisit d'accepter pour le salut
tous ceux qui viennent à lui par la foi, car il ne veut la perte d'aucun pécheur. Sur ce point, c'est la position
arminienne qui semble être juste.
Christ est-il mort pour tous ? Ici encore, si on accepte les textes bibliques comme ils sont, la Bible semble
très claire sur ce point. Christ est mort pour tous, parce que Dieu veut le salut de tous. Cela ne veut pas dire
que tous seront sauvés, malheureusement, parce que certains refusent ce salut. Mais leur perdition n'est
nullement imputable à Dieu. Ce n'est pas qu'il aurait pu les sauver malgré eux, et qu’il ne l'aurait pas voulu.
Il a tout prévu pour leur salut, tout en respectant la liberté qu'il a lui-même donnée à l'homme. Ceux qui ne
seront pas sauvés ne le seront pas par suite de leur propre refus. Ici aussi, c'est la position arminienne qui
ressort le plus clairement des textes.
L'homme peut-il refuser le salut ? Sur ce point aussi, les textes bibliques semblent très clairs, si on évite de
les réinterpréter. Il y a plusieurs cas précis dans la Bible qui montrent que l'homme peut refuser le salut,
même si Dieu agit explicitement pour l'attirer à lui. C'est la démonstration la plus claire que l'homme a
réellement la liberté de se soumettre à Dieu ou non, et qu'il est responsable de son choix dans ce domaine.
Une fois de plus, donc, c'est la position arminienne qui semble juste.
Peut-on perdre le salut ? Il y a des textes qui semblent argumenter assez fortement dans les deux sens, mais il
y a moyen de les concilier. Une personne qui est réellement au Seigneur ne perdra pas son salut,
effectivement. Mais cela ne signifie pas qu'un croyant puisse vivre dans le péché parce que son salut est
garanti par Dieu. S’il se détourne de ce qui semblait être une vie de foi, pour vivre dans le péché, cela montre
qu'il n'était pas réellement au Seigneur. C'est donc la position calviniste qui est juste sur ce point, mais la
mise en garde des arminiens disant qu’il faut persévérer jusqu'à la fin pour être sauvé est néanmoins
appropriée. Si les calvinistes ont raison en ce qui concerne le principe théologique, la position arminienne
n'est pas entièrement fausse, dans la pratique, bien que ce ne soit pas pour les bonnes raisons.

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Conclusion : plaidoirie pour la Bible plutôt que la logique humaine
Comme je l'ai dit en introduction, à différents moments de ma vie, j'ai cru – et défendu – l’une puis
l’autre de ces deux optiques. Élevé dans l'arminianisme pur, je suis devenu calviniste quand j'ai constaté les
insuffisances de l'arminianisme. C'était par défaut : comme je ne connaissais que ces deux positions, si l'une
était fausse, l'autre devait être vraie. Mais quelque temps plus tard, j'ai constaté aussi les insuffisances du
calvinisme. Je ne l'ai jamais totalement rejeté, mais je ne pouvais plus l'accepter sans réserve non plus.
Cela me posait sérieusement un problème, car je ne voyais pas de solution logique à la question du
salut. Avec ma formation en mathématiques, je me suis donc appliqué pendant des décennies à essayer de
comprendre ce que la Bible dit réellement à ce sujet, en vue d'éliminer les difficultés logiques que je
constatais. Ce document représente l'état de mes réflexions à ce jour. Je retiens surtout les trois grands
principes suivants de tout ce que nous avons vu jusqu'ici :

 Historiquement, le calvinisme a été formulé afin de remettre la grâce de Dieu à sa juste place dans la
théologie chrétienne. Alors que la doctrine catholique de l'époque prônait les œuvres humaines et la
valeur des rites administrées par l'Église pour sauver l'être humain, le calvinisme nous rappelle à
juste titre que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu et non la nôtre. Le salut nous est accordé par
sa grâce, sans que nos actes, rites, paroles ou même dispositions d'esprit nous donne le moindre
mérite. Tout est de lui, par lui et pour lui, comme dit la Bible (Romains 11.36). Seulement, tout en
défendant si bien la grâce de Dieu, le calvinisme diminue sérieusement la force de l'amour de Dieu.
Dieu n'est plus le Père aimant qui est prêt à tout pour le bien-être de toutes ses créatures, mais un
souverain qui pourrait sauver tous les perdus, s'il le voulait, et qui choisit pour ses raisons à lui de ne
plus le faire.
 L'arminianisme a été formulé, historiquement, en réaction contre le calvinisme, en vue de remettre
l'amour de Dieu à sa juste place dans la théologie protestante. Alors que le calvinisme enseignait que
Dieu ne veut pas le salut de tous mais uniquement celui des élus – une classe dont on ne peut rien
faire pour en faire partie – l'arminianisme nous rappelle que Dieu veut le salut de tous. Si certains ne
sont pas sauvés, c'est parce qu'ils ne le veulent pas et non parce que Dieu ne le voudrait pas. Mais en
mettant l'accent sur l'amour de Dieu et par conséquent sur la pleine responsabilité humaine dans la
perdition, l'arminianisme diminue forcément le rôle de la grâce dans le salut. Les rachetés sont
meilleurs que les perdus, au moins par leur meilleure réponse à l'offre du salut (et parfois sur d'autres
points aussi, selon les formulations).
 La logique humaine a ses limites. Si nous l'appliquons jusqu'au bout dans l'optique calviniste, Dieu
devient responsable de la perdition car il pourrait sauver et ne le fait pas. Nous pouvons même dire
qu'il devient responsable de l'état de péché – ou du moins dans le maintien de celui-ci – de ceux qu'il
choisit de ne pas sauver. Pourtant, ce n'est pas du tout ce que les calvinistes veulent dire, ni ce qu'ils
croient. De même, la logique humaine dans l'optique arminienne implique que certains êtres humains
sont moins affectés par le péché que d'autres, puisqu'ils arrivent à accepter librement le salut quand
Dieu agit dans leurs vies pour les appeler à lui. Du coup, il y a une part de mérite humain dans le
salut. Mais ici aussi, ce n'est pas ce que les arminiens veulent dire, ni ce qu'ils croient. C'est la
logique humaine, qui n'est pas capable de comprendre comment articuler l'amour infini et
inconditionnel de Dieu pour toutes ses créatures avec la grâce de Dieu qui seule nous conduit au
salut.

La conclusion que j'en ai tirée, et qui a déjà été développée longuement dans ce qui précède, est que
nous n'avons pas besoin de tout comprendre et que nous ne pouvons pas tout comprendre. Nous devons
accepter, dans certains cas, des conclusions qui nous semblent contradictoires. Les calvinistes le font (Dieu
ne sauve pas tout le monde parce qu'il choisit de ne pas le faire et non parce qu'il n'est pas capable de le faire,
mais il n'est nullement responsable du péché), les arminiens le font (l'homme contribue quelque chose à son
salut, si ce n'est que par le fait de l'accepter, mais il n'y a aucun mérite humain dans le salut), et toute position
éclectique le fait aussi.
La logique humaine a une grande utilité, mais force est de constater qu'elle n'est pas la réponse à tout
non plus. Où donc doit-on situer sa limite ? C'est-à-dire, si nous sommes obligés d'accepter une contradiction
logique apparente quelque part dans notre théologie en ce qui concerne le salut, quelle règle va nous guider
pour savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas ?

Calviniste-arminien, page 26 sur 34


La réponse me semble évidente, et je suis persuadé qu'elle conviendrait à tout le monde dans ce
débat : c'est la Parole de Dieu qui est notre seul guide infaillible. Quand je dis la Parole de Dieu, je n'entends
pas une liste d'extraits, de passages qui semblent soutenir telle ou telle optique. La vérité doit tenir compte de
toute la Bible – aussi bien des textes qui semblent donner raison à la thèse calviniste que ceux qui vont plutôt
dans le sens de la thèse arminien.
Bien des années se sont écoulées, alors que j'essayais encore de trouver un système qui ne semblait
pas comporter de contradictions logiques internes. Je n'y suis jamais parvenu. Au fond, ce dont j'avais besoin
était une bonne dose d'humilité : le fait d'accepter que Dieu n’ait pas besoin de tout expliquer pour avoir
raison, et que je n'avais pas besoin de tout comprendre pour accepter sa Parole. Aujourd'hui, je me tiens au
principe annoncé précédemment : je refuse de m'appuyer sur ma logique humaine, que je sais faillible,
pour invalider l'enseignement clair de la Parole de Dieu, que je sais infaillible.
Je ne dis pas que tout le monde doive partager exactement les mêmes conclusions que moi. Ce serait
même étonnant si cela se faisait, dans un débat aussi compliqué que celui que nous examinons ici. Mais
j'encourage tout le monde à utiliser le même principe de base : donner raison à la Bible, au moins dans les
principes qu'elle enseigne clairement de manière répétée. Laissons la Bible nous parler, sans rejeter de
multiples textes parce que nous ne voyons pas comment réconcilier leur enseignement avec d'autres
passages, tout aussi clairs.
La tension de base dans tout ce débat se situe entre l'amour de Dieu et la grâce de Dieu. La doctrine
que le calvinisme met en avant défend très bien la notion biblique du salut qui vient de la grâce seule.
L'arminianisme défend très bien la notion – tout aussi biblique – de l'amour illimité de Dieu qui veut le salut
de tous. Or, si nous comprenons cela, nous devons pouvoir constater directement qu'il y a un problème dans
notre logique, car la Bible ne nous permet nullement d'opposer la grâce de Dieu et l'amour de Dieu. Les deux
sont manifestement vrais et sont mis en avant de manière répétée dans la Bible. Et cela me convient très bien.
Il n'y a rien de plus beau dans l'univers que l'amour parfait de Dieu manifesté dans la grâce parfaite de Dieu.

Annexe : Analyse de quelques principes et textes clés


Romains 9
Dieu a choisi de se manifester au monde à travers l'histoire d'Israël. C'est le sens de ce que Paul écrit
dans les deux premiers versets de Romains chapitre 3 : « Quel est donc le privilège du Juif, ou quelle est
l’utilité de la circoncision ? Considérables de toute manière. Tout d’abord, les oracles de Dieu ont été confiés
aux Juifs. » Il détaille davantage en quoi consistent ces oracles (c'est-à-dire, les moyens par lesquels Dieu
communique son message à l'humanité) dans le début du chapitre 9 : « ...les israélites, à qui appartiennent
l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses, les patriarches, et de qui est issu, selon la
chair, le Christ » (extrait des versets 3 à 5).
Cela ne veut pas dire, et n'a jamais voulu dire, que Dieu voulait le salut d'Israël plus que d'autres
peuples. Paul se donne de la peine pour que cela soit très clair dans l'épître aux Romains (voir par exemple
Romains 2.11, 3.9, 3.23, 3.29-30, 10.12). L'Ancien Testament nous retrace surtout l'histoire de ce que Dieu a
fait à travers Israël (évidemment – c'est là tout le sens d'utiliser Israël comme « oracle »), mais même dans
l'Ancien Testament, nous voyons par-ci par-là des indications de ce qu'il a fait auprès d'autres peuples. Le
livre de Job se situe certainement pendant la période où les israélites sont en Égypte, mais concerne d'autres
peuples au sud et à l'est de la Mer Morte. Dans Luc 4.25-27, Jésus fait remarquer comment Dieu a agi envers
d'autres peuples à travers Élie et Élisée. Le prophète Jonas a été envoyé a pratiquement 1000 km de chez lui,
pour que Dieu puisse annoncer son message aux hommes de la ville de Ninive. Dans les écrits de Daniel,
nous voyons comment Dieu a agi dans le cœur de Nébukadnetsar, un roi païen et cruel qui ne cherchait pas
du tout Dieu, mais qui a néanmoins bénéficié de sa grâce.
Les Juifs se sont souvent fait des illusions sur ce point, toutefois. Ils pensaient facilement que Dieu
se révélait à eux – et à eux seulement – plutôt qu'à travers eux. De ce fait, leur attitude à l'époque de Paul
était que le salut en Christ concernait les Juifs, tous les Juifs, et rien que les Juifs. Si les païens voulaient
connaître le salut, ils n’avaient qu'à devenir juifs (d'où la nécessité de la circoncision pour les chrétiens
d'origine païenne, prêchée par certains qui contredisaient le message de Paul).
C'est en vue de répondre à cela que Paul écrit les chapitres 9 à 11 de Romains. Le contexte de

Calviniste-arminien, page 27 sur 34


Romains 9 est donc fondamentalement important en vue de comprendre ce dont il s'agit.
Le choix d'Israël comme oracle (moyen de transmission de son message à l'humanité) est une
élection autant que le choix de sauver une personne (ou non) de son péché. Le problème, c'est que trop de
personnes, dans le débat calviniste-arminien, pensent que le mot ne peut faire référence qu'à une seule chose.
De ce fait, quand ils lisent « choix » (ou « élection ») dans Romains 9, ils pensent forcément choix pour le
salut.
Pourtant, ce n'est pas le cas. Le plan de Dieu de se manifester au monde à travers la nation d'Israël
est effectivement un choix inconditionnel ; c'est le sens très clair des versets 7 à 13. Mais l'argumentation de
Paul dans ce texte est justement de montrer que ce choix n'a rien à voir avec le salut. Il démontre que Dieu
utilise qui il veut, par un choix totalement libre et souverain, pour faire son œuvre à travers Israël. Il fait
remarquer que cela n'inclut même pas tous les descendants d'Abraham (verset 7). Ceci est important parce
qu'à cette époque, beaucoup de Juifs prétendaient être supérieurs aux autres peuples parce qu'ils étaient les
descendants d'Abraham. C'est pourquoi Paul écrit explicitement que les Juifs ne sont pas supérieurs
(Romains 3.9) et que même en ce qui concerne son programme avec Israël, Dieu n'utilise pas tous les
descendants d'Abraham.
Il n'utilise même pas tous les descendants d'Isaac, qui est pourtant le fils de la promesse. Les versets
10 à 12 du chapitre 9 montrent qu'il a choisi, inconditionnellement, de faire son œuvre à travers les
descendants de Jacob plutôt qu'à travers les descendants d'Ésaü. « J'ai aimé Jacob et j'ai haï Ésaü », comme il
est montré plus haut, n'est nullement une référence aux deux hommes en question, mais au rétablissement
d'Israël après la destruction babylonienne, alors que Dieu n'a pas fait la même chose pour Édom (qui existait
toujours, et qui se portait même nettement mieux qu'Israël, jusqu'à ce que Dieu rétablisse Israël).
Et même tous les descendants de Jacob ne font pas partie de ce peuple que Dieu utilise pour se
révéler au monde. Paul ne développe pas cela en détail, mais il y fait référence dans les versets 27 à 29. Cela
nous renvoie à la période des Assyriens, des Babyloniens et des Perses, quand le royaume du nord a été
détruit, le royaume du sud a été déporté, et le retour de l'Exil a laissé une très grande partie des Juifs
dispersés dans d'autres pays.
La démonstration de Paul ici, c'est que Dieu n'a pas choisi tous les Juifs, même pas dans son choix
inconditionnel de se révéler à travers eux. De ce fait, dans la pensée de Paul, il n'est pas du tout raisonnable
de penser que sur le plan du salut, Dieu aurait choisi uniquement Israël pour le salut. Dans la dernière partie
du chapitre, il tourne son argumentation de plus en plus vers le choix pour le salut et de moins en moins vers
le choix de la nation à travers laquelle Dieu se révèle au monde.
Ayant montré que le choix de Dieu en ce qui concerne Israël n'implique nullement qu'il préfère les
Juifs aux autres peuples, Paul montre que Dieu est libre de choisir qui il veut pour le salut. Il n'est nullement
obligé de calquer son choix pour le salut sur le choix d'utiliser Israël comme oracle. C'est dans ce contexte
qu'il introduit, à la fin du chapitre, le critère que Dieu utilise en ce qui concerne le salut : la foi.
Il est donc tout à fait faux, en ce qui concerne le débat calviniste-arminien, d'utiliser des textes de
Romains 9, en dehors de leur contexte historique et biblique, pour prétendre que le choix de Dieu dans le
salut est inconditionnel. Ce n'est pas du tout le sujet.

Hébreux 6
En ce qui concerne la perte du salut, Hébreux 6.4-6 semble aller bien plus loin que le simple fait de
dire que le croyant doit faire attention, doit persévérer dans sa marche avec Dieu, faute de quoi il n'est pas
sauvé. Beaucoup d'autres textes qui sont utilisés régulièrement pour soutenir la notion de la perte du salut
peuvent se comprendre dans ce sens, et certains semblent même le dire de manière explicite. C'est
notamment le cas de 1 Jean 2.19, comme nous l'avons vu : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient
pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ; mais de la sorte, il est
manifeste que tous ne sont pas des nôtres. » Ceux qui se détournent de la foi montrent en le faisant qu'ils
n'étaient jamais réellement au Seigneur.
Mais le texte d'Hébreux 6 ne peut pas se comprendre dans ce sens. Les termes dans les versets 4 et 5
sont trop explicites, trop clairs, pour dire honnêtement qu'il s'agit de gens qui n'étaient pas réellement nés de
nouveau. En même temps, il semble presque impossible de concilier ce texte avec le reste de ce que la Bible
dit sur le sujet. Ce n'est pas pour rien d’ailleurs que pratiquement personne n'essaie de le faire. Même ceux
qui utilisent ce texte pour avancer qu'une personne réellement sauvée peut perdre son salut n'acceptent que

Calviniste-arminien, page 28 sur 34


très rarement l'idée qu'une telle personne ne puisse jamais être sauvée de nouveau. Pourtant, cela est exprimé
tout aussi clairement dans le texte que le fait que l’auteur parle de personnes qui étaient effectivement
sauvées.
Je suis très persuadé du principe que la vérité doit tenir compte de l'ensemble de l'enseignement
biblique, et non uniquement des textes qui soutiennent l'optique voulue. Mais j'avoue que, dans ce cas, ce
n'est pas facile. Pourtant, ce n'est peut-être pas impossible.
Hébreux 6 parle de ceux qui sont nés de nouveau et qui se détournent de Dieu. Cela semble être la
seule interprétation qui honore le texte (c'est-à-dire, qui n'est pas un exemple plus ou moins flagrant
d'eiségèse). Mais en regardant bien, on constate qu'il n’est pas dit qu'il y ait réellement des personnes qui
agissent ainsi. Quelle est la différence ? Peut-on parler de ceux qui font une chose sans que cela implique
qu'il y en ait qui le fassent ?
Oui. La Bible le fait à plusieurs reprises en ce qui concerne le salut par les œuvres. La Loi de Moïse
promet la vie à ceux qui la gardent (Lévitique 18.5, Deutéronome 30.16, voir aussi Ézéchiel 20.11). Paul,
adversaire par excellence du principe du salut par les œuvres, en parle plusieurs fois dans ses écrits. Il fait
référence aux textes de la loi sur le principe dans Romains 10.5 et Galates 3.12, et il va jusqu'à écrire
explicitement, dans Romains 2.13 : « ceux qui pratiquent la loi seront justifiés ». Même Jésus en parle.
Quand le jeune homme riche lui a demandé : « Qu'est-ce que je dois faire de bon pour hériter la vie
éternelle ? » (autrement dit : « Comment puis-je avoir le salut par mes propres œuvres ? »), Jésus lui dit
simplement : « Garde les commandements » (voir par exemple Matthieu 19.15-18). Le principe est très clair
dans la Bible : ceux qui gardent la loi de Dieu seront sauvés par leurs œuvres.
Pourtant, tout en parlant de ceux qui le font, la Bible montre très clairement, et à maintes reprises
qu’en fait, personne ne le fait, personne ne peut le faire, et donc que personne ne sera sauvé par ce moyen. Il
est donc tout à fait possible, et admissible, même dans la Bible, de parler de ce que serait le résultat d'une
manière d'agir, sans que cela implique qu'il y en ait qui le fassent dans la réalité.
Il est fort possible aussi que ce soit ce que Jésus fait aussi en ce qui concerne le blasphème du Saint-
Esprit. Il en parle, mais il ne dit pas que ceux qu'il met en garde contre cela l'aient fait. En réalité, aucun texte
ne dit que quelqu'un l'ait fait. Mais cela reste une mise en garde utile, un avertissement très fort à ceux qui
sont engagés dans un mauvais chemin, pour les dissuader d’aller plus loin dans ce sens.
Est-ce possible que dans Hébreux 6 nous ayons un autre exemple du même principe ? Oui. Nous ne
pouvons pas dire avec certitude que ce soit la bonne explication de ce texte, mais au moins elle s'accorde
avec le reste des textes sur le sujet, ainsi qu'avec le contexte de l'épître. Celui-ci est, après tout, un
avertissement très solennel d'un bout à l'autre à ceux qui sont tentés de se détourner de la foi chrétienne,
après l'avoir connue. En plus, cela permettrait d'accepter le sens clair du passage (ceux qui sont réellement
sauvés et qui s'en détournent sont définitivement perdus) sans qu'il soit nécessaire de réinterpréter le texte
pour le rendre conforme à nos théories.
On peut même penser que la suite du texte donne une certaine crédibilité à ce point de vue. Hébreux
6.9 dit : « Quoique nous parlions ainsi, bien-aimés, nous sommes convaincus que vous êtes dans des
conditions meilleures et favorables au salut. » Il est tout à fait possible que ce verset signifie que ce qui
précède est là uniquement pour monter à quel point il serait catastrophique de se détourner de la foi
chrétienne, et non en tant que description de quelque chose qui arrive effectivement dans la réalité.
Une telle interprétation nous permet de concilier Hébreux 6 avec les autres textes sur la perte du
salut, tout en donnant encore plus de poids au côté « avertissement fort à ceux qui se disent croyants ». Le
salut ne se perd pas s'il est réel, parce qu'il est l’œuvre de Dieu et non la nôtre, mais cela ne donne
absolument pas lieu au croyant de se complaire dans la médiocrité, sous prétexte qu'il ne peut pas perdre son
salut. Les deux vérités semblent importantes dans le débat, et ne se contredisent pas forcément.

« Dieu veut le salut de tous »


Le fait que Dieu désire le salut de tous a été traité dans pas mal de détails dans ce qui précède, avec
suffisamment de textes à l'appui pour l'établir comme un enseignement incontournable de la Parole de Dieu.
J'aimerais simplement ajouter ici que certaines explications de ces textes, avancées par ceux qui défendent la
position calviniste, ne tiennent pas la route.
Il y a d'abord ceux qui disent que tous veut dire les croyants qui sont issus de tous les peuples, et non
uniquement du peuple Juif. Comme nous l'avons vu, cela n'est pas une explication raisonnable pour deux

Calviniste-arminien, page 29 sur 34


raisons. D'une part, il y a des textes (comme Ézéchiel 33.11) qui indiquent clairement que Dieu veut le salut
même de ceux qui ne sont pas ses enfants, et qui ne vont pas le devenir. D'autre part, le nombre de textes qui,
dans leur contexte, sembleraient indiquer le contraire est extrêmement faible en comparaison avec le nombre
de textes qui montent ou même qui disent explicitement que Dieu veut le salut de tous. Aucun des textes qui
peut être utilisé pour dire que Dieu ne veut pas le salut de tous ne le dit explicitement. C'est toujours une
interprétation, qui peut se discuter. De ce fait, nous ne pouvons pas nous permettre de réinterpréter de si
nombreux textes qui vont dans un sens en faveur de quelques textes faibles qui iraient éventuellement dans
l'autre.
Rappelons que c'est un principe d'interprétation qui se justifie quand un ou deux textes semblent
contredire tout un ensemble de textes clairs, mais non un principe à utiliser pour écarter tout un ensemble de
textes clairs, pour les accorder avec un ou deux textes qui peuvent éventuellement être compris dans l'autre
sens. Une telle approche va clairement à l'encontre des principes herméneutiques sains.
Mais il existe une autre explication de ces versets qui est un peu plus fine. Bien sûr, elle s'utilise
toujours dans le but d'écarter le sens clair d’un nombre impressionnant de textes, en faveur d'une
interprétation qui n'est enseignée explicitement nulle part, ce qui est une herméneutique très douteuse. Cela
devrait suffire pour montrer que ce n'est pas une interprétation raisonnable. Elle est pourtant avancée
régulièrement ; il vaut donc la peine de l'examiner.
Cette explication consiste à faire la différence entre deux « volontés » de Dieu : ce qu'il veut dans le
sens de le décréter souverainement, et ce qu'il veut dans le sens de « ce serait une bonne chose ». Cela leur
permet de dire que oui, dans un sens, Dieu veut le salut de tous (parce qu'il est amour), mais dans le sens de
ce qu'il fait par décret souverain, il ne le veut pas.
Le grand problème avec cette explication, c'est qu'il n'y a que lorsqu'une personne ne peut pas faire
tout ce qu'elle veut que nous puissions parler de « deux volontés » dans ce sens. Cela nous arrive à tous de
vouloir une chose, sans avoir le droit de le faire. Cela vient du fait que notre volonté n'est pas souveraine.
Seulement, cet argument est avancé justement par ceux qui disent que la volonté de Dieu est
parfaitement souveraine, c'est-à-dire qu'aucune créature n'a le droit ou même la possibilité d'agir à l'encontre
de cette volonté. Selon eux, Dieu fait ce qu'il veut et rien ni personne ne peut frustrer sa volonté. Mais dans
ce cas, il n'y a aucun sens à parler de « deux volontés » chez Dieu. On ne peut pas dire en même temps que
Dieu est absolument souverain, et qu'il est frustré dans ce qu'il « voudrait ».
La conclusion est qu'il n'y a pas moyen de contourner le sens évident de « Dieu veut le salut de
tous ». Essayer de comprendre tous autrement que dans son sens normal n'est pas raisonnable, et évoquer la
notion de deux sens différents du mot vouloir ne l'est pas non plus. Il y a suffisamment de textes qui
affirment clairement cette volonté divine pour qu'on ne puisse pas en douter.

La prédestination
La prédestination est un sujet qui est très mal compris, et utilisé dans le débat calviniste-arminien
d'une manière qui ne tient absolument pas compte de ce que disent les textes. La prédestination est en fait un
enseignement biblique très important, mais qui ne signifie pas du tout ce que la plupart des gens pensent.
Commençons par remarquer que le mot est relativement rare dans le Nouveau Testament. Il
n’apparaît que six fois, dont deux fois dans le même texte.
Deux de ces usages, dans Actes 4.28 et 1 Corinthiens 2.7, parlent du fait que Dieu avait ordonné
d'avance le plan de salut de l'humanité par la mort de Christ. Ces deux passages, bien que très importants sur
le plan théologique, n'ont aucun rapport avec le débat calviniste-arminien et précisément avec la question de
savoir qui peut être sauvé et qui ne le peut pas.
Cela nous laisse quatre utilisations du mot, tous les quatre dans les écrits de Paul. Il l'utilise deux fois
dans Romains 8 (dans les versets 29 et 30, qui vont clairement ensemble) et deux fois dans Éphésiens 1
(versets 5 et 11). Dans chacun de ces textes, il est effectivement question des croyants qui sont prédestinés. Il
convient donc de voir de quoi il s'agit dans chaque texte.
Il y a deux questions qui vont guider notre examen des textes : « À quoi les gens en question sont-ils
prédestinés ? » et « Qui, précisément, est prédestiné à ce dont il est question ? » On pourrait penser que
l'ordre logique pour examiner ces deux questions serait l'inverse, mais nous verrons que c'est plus facile de
comprendre l'enseignement de Paul en examinant le quoi avant le qui.
Dans Romains 8.29-30 (les deux versets font clairement partie d'un même passage), il s'agit d'être

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prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, c'est-à-dire du Fils de Dieu, Jésus-Christ. Dans
Éphésiens 1.5 il s'agit d'être prédestinés à être adoptés, et dans Éphésiens 1.11-12, Paul parle d'être
prédestinés afin que nous servions à célébrer sa gloire. Nous allons voir ce qu'il entend par ces termes.
Le fait que tous ces textes proviennent du même théologien nous simplifie le travail, puisqu'il arrive
parfois que deux auteurs utilisent le même mot dans des sens assez différents. Ce n'est pas le cas ici ; nous
pouvons comprendre ce que Paul dit dans ces textes en comparant ce qu'il écrit avec ce qu'il écrit ailleurs.
Les termes dans Romains 8.29 ne sont pas compliqués. Être conformes à l'image de Christ est assez
clair. Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous serons en tous points comme Christ ; il est Dieu et nous ne le
sommes pas. Mais dans la théologie de Paul, l'accent est mis sur l'espérance et précisément sur le fait que
l'aboutissement de l’œuvre de salut en nous est de nous rendre parfaits dans la sainteté. Parmi les textes les
plus clairs : dans Colossiens 1.22 il dit que nous serons saints, sans défauts et sans reproches quand nous
entrerons dans la présence de Dieu, dans Colossiens 1.28 il dit que le but de l'évangile est de rendre tout
homme parfait en Christ, et dans Philippiens 3.12, il dit explicitement que son but – qu'il reconnaît
volontairement ne pas encore avoir atteint – est la perfection. Dans le contexte de cette optique théologique,
il est facile de comprendre qu'il parle d'être conformes à l'image de Christ dans le sens de la sainteté, avec
tout ce que cela implique de communion parfaite avec Dieu, d'obéissance en tout à sa volonté, et de
confiance totale et sans réserve dans la bonté de Dieu. Romains 8.29 parle donc de la prédestination en vue
de devenir parfaitement saints.
Dans Éphésiens 1.5, Paul parle d'être prédestinés à être adoptés. Ici, le sens est un peu moins clair.
De quoi s'agit-il ?
En fait, il nous fait comprendre ce qu'il entend par adoption dans Romains 8.23 où il la situe dans
l'avenir. C'est quelque chose que les croyants attendent, dans le sens dont Paul utilise le mot, et non quelque
chose qui est déjà une réalité. L'ensemble du passage, qui s'étend du verset 19 au verset 25, développe la
notion de vivre la vie chrétienne en fonction de l'espérance d'atteindre pleinement, un jour, tout ce que Dieu a
prévu pour les croyants. L'adoption, dans la théologie de Paul, n'est pas le fait de devenir enfants de Dieu.
L’apôtre montre dans Romains 8.14-17 que nous le sommes déjà ; dans ces versets il dit même que nous
avons reçu un esprit d'adoption, même si dans les versets suivants il montre que le plein accomplissement de
cette adoption est encore futur. L’adoption pour Paul est le fait d'entrer pleinement et définitivement dans la
relation filiale que nous ne connaîtrons que quand nous serons dans la présence de Dieu, totalement délivrés
du péché.
Dans Éphésiens 1.11-12, pour finir, Paul parle d'être prédestinés afin que nous servions à célébrer sa
gloire. Ici encore, ce n'est pas parfaitement clair ce qu'il veut dire, mais une fois de plus, Romains 8 nous
aide. (Décidément, c’est le texte par excellence pour comprendre l'espérance dans la théologie de Paul.) Dans
le texte de Romains 8.29-30, Paul décrit l'enchaînement de ce que Dieu fait dans la vie d'une personne en vue
du salut. Le processus commence dans sa prescience (« ceux qu’il a connus d’avance »), se poursuit avec la
prédestination, l'appel et la justification, et se termine avec la glorification.
La gloire de Dieu, dans la pensée de Paul (et même dans l'ensemble de la Bible) semble être la pleine
manifestation, de manière visible, de la perfection invisible de Dieu. La glorification, dans le salut, est donc
la transformation finale quand le croyant entre dans l'éternité, qui termine l’œuvre de salut et délivre le
croyant définitivement de toute trace de péché, pour qu'il soit réellement saint. « Servir à célébrer la gloire de
Dieu », dans Éphésiens 1.11-12, fait donc référence à cette manifestation finale et parfaite de la perfection de
Dieu en nous.
En ce qui concerne le quoi de la prédestination, donc, la réponse est claire. La prédestination se fait
en vue de l'aboutissement final de l’œuvre du salut, c'est-à-dire la perfection dans la sainteté. Dans les trois
passages où Paul utilise le terme (les seuls passages dans la Bible où il est question de prédestination pour les
êtres humains autres que Christ), la prédestination ne parle pas de la conversion (l'entrée dans le processus du
salut), mais de la destination finale du croyant.
La traduction française du mot, « prédestination », correspond donc bien à l'usage que Paul en fait. Il s'agit
de fixer d'avance la destination. « Pré-destiner » est donc un terme parfait pour exprimer cette idée.
Qui, donc, dans les textes de Paul, est prédestiné à cette sainteté parfaite qui consiste à être
conformes à l'image de Christ ? Qui est prédestiné à entrer pleinement dans la relation filiale avec Dieu par
l'adoption, et à « célébrer la gloire de Dieu » ? La réponse est importante. Elle est peut-être surprenante aussi,
du moins pour certains.
Dans Romains 8.29-30, ceux qui sont prédestinés sont ceux que Dieu a connus d'avance. C'est ce
même groupe qui est appelé, justifié et glorifié. Autrement dit, la prédestination concerne les rachetés.

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Dans Éphésiens 1.5, Paul parle de nous. Ce mot renvoie aux versets 3 et 4 qui sont très clairs : il
s'agit des croyants, de ceux qui bénéficient de ce salut que Dieu a mis en place avant la fondation du monde
(la prescience de Dieu, dont il est question dans Romains 8.29, nous montre qu'il n'est pas du tout difficile
pour Dieu de préparer de manière très personnelle le salut de ceux qui vont se convertir). La prédestination
concerne ceux qui sont appelés à devenir saints et sans défauts devant lui. (le mot dans le texte original parle
d'être dans sa présence, et non simplement de la manière dont il nous voit).
Dans Éphésiens 1.11-2, pour finir, Paul dit précisément que ceux qui sont prédestinés à célébrer la
gloire de Dieu, c'est « nous, qui d'avance avons espéré en Christ ». (Le mot d'avance signifie déjà, dans le
sens de ceux qui ont espéré en Christ avant d'atteindre cette glorification, et non « avant la fondation du
monde ».) Il s'agit clairement des croyants.
Dans les trois passages, donc, ce sont les croyants qui sont prédestinés. Il n'est jamais question de
non-croyants qui sont prédestinés à devenir croyants, mais de croyants qui sont prédestinés à aller jusqu'à la
perfection dans la sainteté.
Cela veut dire que la prédestination, dans la Bible, n'est pas du tout l'équivalent de l'élection. La
plupart des gens voient les deux termes comme plus ou moins interchangeables, mais il n'en est rien.
L'élection, comme nous l'avons vu, concerne le choix de Dieu pour le salut. Ce choix se base sur la foi : Dieu
a choisi d'accepter tous ceux qui viennent à lui par la foi. L'élection concerne effectivement les non-croyants
qui vont devenir croyants. Mais la prédestination concerne la suite du processus : une fois que nous sommes
devenus croyants, quelle est la destination finale qui nous est fixée ?
Les calvinistes et les arminiens ne sont pas du tout d'accord sur la manière dont l'élection se fait.
Pour les calvinistes, c'est en fonction d'un choix souverain de Dieu qui n'a rien à voir avec la disposition du
cœur humain, tandis que pour les arminiens c'est en fonction de la réponse de l'être humain, par la foi, à
l'offre du salut. Mais les deux groupes devraient être d'accord sur le sens de la prédestination. Un examen
attentif des contextes où le terme est utilisé montre qu'il n'y a pas vraiment de rapport avec les questions qui
séparent ces deux optiques théologiques.
Autrement dit : on peut avoir des opinions différentes quant à ceux qui peuvent se convertir, mais
quel que soit le critère qui permet à Dieu de les accepter (leur réponse de foi, ou le choix souverain de Dieu),
la nature du salut qu'ils reçoivent est fixée d'avance. Il ne s'agit pas simplement d'être pardonné de nos
péchés pour aller au ciel, mais d'être pleinement et définitivement transformés, totalement délivrés du péché
dans toutes ses formes subtiles et pernicieuses.
On peut illustrer la différence entre l'élection et la prédestination avec l’exemple d’un voyage en
avion. L'élection parle de ceux qui ont le droit de monter dans l'avion, tandis que la prédestination parle de la
destination finale de l'avion. Certains pensent que ceux qui vont monter dans l'avion n'ont aucun choix dans
cela, d'autres disent au contraire que cela dépend de chacun. Mais cela ne change rien par rapport à la
destination finale. On peut prendre la position qu'on veut sur l'élection, le but final du voyage de la foi est
bien fixé à l'avance : c'est la perfection dans la sainteté.
La doctrine de la prédestination est donc un enseignement très utile et même précieux, car elle nous
empêche de modifier le salut (comme cela se fait tant de fois) pour en faire un salut humain qui se limite à
nous rendre heureux en nous évitant les conséquences (notamment la punition) de notre péché. Ce qui est
dommage, c'est que dans la pensée de trop de croyants, « prédestination » en est venu à signifier un choix
arbitraire d'un Dieu qui ne veut pas sauver tout le monde. De ce fait, le véritable sens de cette doctrine si
importante est presque totalement négligé dans nos milieux.
Le mot prédestiné, en soi, ne répond nullement à la question de savoir si l'homme peut accepter
librement le salut ou non, mais il montre que pour ceux qui l'acceptent, ils ne se convertissent pas à n'importe
quoi. Ils ne peuvent pas changer la destination en prétendant que le but du salut est simplement d'éviter
l'enfer, ou de vivre une vie heureuse dans ce monde ou après la mort. Le but du salut est de devenir comme
Christ, d'entrer pleinement dans la relation d'enfants de Dieu, et de manifester parfaitement sa gloire. C'est à
cela que nous sommes prédestinés, que nous soyons calvinistes, arminiens, intermédiaires ou éclectiques.

Le compatibilisme
Dans le débat calviniste-arminien, certains évoquent le compatibilisme comme explication de
certaines contradictions apparentes dans les positions avancées. Il serait donc utile de regarder ce qu'est cette
philosophie et le rapport qu'elle peut avoir avec notre sujet.

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Le compatibilisme est une optique philosophique qui essaie d'intégrer le déterminisme avec la
responsabilité morale de l'homme. En vue de comprendre le compatibilisme, il faut donc d'abord comprendre
le déterminisme et le problème qu'il soulève en ce qui concerne la responsabilité morale.
Le déterminisme est une optique philosophique qui dit que rien ne peut varier dans l'univers, que
tout est déterminé par des conditions préexistantes. Ce qui arrive, c'est toujours et invariablement ce qui
devait arriver. Étant donné la situation qui existait juste avant, il ne pouvait pas y avoir d'alternative. Le
déterminisme semble effectivement être juste dans le domaine physique (du moins, au-delà du niveau
quantique – mais nous n'allons certainement pas aborder de telles considérations ici). La matière obéit à des
lois précises en tout. Il n'y a pas de choix dans le domaine physique. Mais le déterminisme dans le sens
philosophique va plus loin et prétend que même chez l'homme, il n'existe pas de véritables choix. Quand une
personne « choisit » de faire une chose, deux facteurs font que la personne n'aurait pas pu faire autrement :
ses dispositions avant de le faire, ainsi que les conditions physiques qui avaient un effet sur la situation. Dans
ce que nous faisons, dans ce que nous pensons, même dans nos réactions, ce qui devait arriver arrive
inéluctablement. Il n'y a aucun véritable choix, aucune vraie liberté de « faire autrement ».
Cette philosophie résulte du refus de croire qu'il puisse y avoir chez l'être humain autre chose que de
la matière. Puisqu'il n'y a pas de choix dans ce que fait la matière physique, s'il n'y a rien d'autre dans l'être
humain, il n'y a pas de choix chez l'homme non plus.
L'optique déterministe semble donc exclure toute responsabilité morale. Comment peut-on dire
qu'une personne est responsable de ses choix, si elle ne pouvait pas faire autrement ? Comment dire qu'il
existe même une notion du bien et du mal, sur le plan moral, si tout dans l'univers arrive exactement comme
il doit arriver ? Il y a des événements qui ne nous conviennent pas (« Je n'ai pas apprécié que cet arbre
tombe sur ma voiture »), mais on ne peut pas évaluer la chose en fonction de valeurs morales. (L'arbre n'est
pas « mauvais » dans le sens moral, même s'il a écrasé ma voiture, puisqu'il n'a fait que ce qu'il devait faire,
étant donné le vent, la place de la voiture, et les autres facteurs de la situation.)
Le compatibilisme a donc été élaboré pour contourner ce problème. Il est censé permettre une
optique déterministe tout en disant que le bien et le mal existent sur le plan moral. En gros, le compatibilisme
dit simplement que le déterminisme et la responsabilité morale sont compatibles. Mais le compatibilisme se
heurte à au moins quatre grands problèmes :
 D'abord, en ce qui concerne le déterminisme lui-même, c'est une philosophie très problématique. Ce
n'est pas une philosophie naturelle. Elle ne correspond pas du tout à ce que nous avons l'impression
de vivre. Même quand nous agissons effectivement en conformité à nos dispositions générales, il
nous semble que c'est un choix. Un choix qui n'est pas difficile, peut-être, puisque nous sommes
décidés depuis quelque temps sur la question, mais un choix tout de même.
 En plus, le déterminisme pose un problème majeur dans l'optique biblique. La Bible enseigne
clairement que l'homme n'est pas composé uniquement de matière physique. Nous sommes créés à
l'image de Dieu, avec un composant spirituel en plus de nos corps. Il semble même très raisonnable
de penser que cette image de Dieu est justement la capacité à choisir. Les animaux agissent par
instinct et la nature inanimée obéit en tout à des lois physiques, mais l'homme peut décider
consciemment de ce qu'il veut faire.
 Un autre problème avec le déterminisme est qu'il n'est pas possible de formuler une croyance dans
cette philosophie sans se mettre en contradiction avec soi-même. Si je ne peux rien choisir, si tout ce
que je fais, dis et pense est déterminé de manière absolue, si j'adhère à une telle philosophie, c'est
uniquement parce que je suis « programmé » à l'accepter. Je ne crois pas plus qu'un ordinateur croit
ce qu'il est programmé d'afficher à l'écran. S'il n'est pas possible d'affirmer d'une manière cohérente
sa croyance en une philosophie, cela incite à se demander si la philosophie en question est elle-même
cohérente.
 Le compatibilisme, enfin, ne fait qu'ajouter des difficultés logiques, alors qu'il est censé en résoudre.
Ceux qui prônent le compatibilisme ne peuvent absolument pas expliquer comment la responsabilité
morale est compatible avec le déterminisme. Ils ne peuvent que l'affirmer. Toutes leurs tentatives de
montrer comment les deux peuvent cohabiter s'avèrent futiles. Or, en logique, le simple fait
d'affirmer une chose sans pouvoir expliquer en quoi l'affirmation est raisonnable ne tend pas du tout
à crédibiliser un argument.
Pour toutes ces raisons, le compatibilisme n'est pas une philosophie particulièrement utile. Le
déterminisme est difficile à intégrer dans une pensée chrétienne, car cela voudrait dire qu'Adam et Ève ne

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pouvaient que pécher, que la chute même de Satan était inévitable dans la nature de l'univers. Inévitablement,
une telle philosophie rend Dieu responsable du péché.
Le compatibilisme qui est mis en avant par certains dans le débat calviniste-arminien n'est donc pas
le compatibilisme ordinaire. C'est une philosophie qui s'en rapproche mais qui, le plus souvent, se limite
essentiellement au domaine de la conversion, sans inclure le déterminisme d'une manière générale. Le but est
de montrer qu'on peut croire en même temps que l'homme est responsable moralement de son état de péché,
tout en disant qu'il n'est pas libre de changer cet état.
Seulement, ce compatibilisme théologique se heurte à plusieurs des mêmes problèmes que le
compatibilisme ordinaire. Le premier des quatre problèmes soulevés ci-dessus s'y applique et, surtout, le
quatrième. Dans la théologie comme dans la philosophie, le simple fait d'affirmer sa conviction que deux
choses qui semblent se contredire totalement sont compatibles ne prouve rien du tout. Une telle approche ne
tend même pas à donner une crédibilité à l'affirmation en question.
Mais alors, n'est-ce pas ce que je fais moi-même, en affirmant que l'homme naturel n'est pas capable,
en lui-même, d'accepter le salut qui est entièrement l’œuvre de Dieu d'un bout à l'autre, et en même temps
que l'homme peut et doit l'accepter et qu'il est responsable de ce choix ? Ce n'est pas le compatibilisme, mais
quelque part il y a un élément de logique qui est similaire : le fait d'accepter deux choses, sans pouvoir
expliquer comment les concilier, alors qu'elles semblent se contredire. Qu'est-ce qui me permet de dire que le
compatibilisme n'explique rien du tout, puisqu'il se limite à affirmer la compatibilité de deux principes
apparemment contradictoires, tout en utilisant une approche tellement similaire ?
Si on s'en tient à la logique, la position éclectique n'est pas plus raisonnable que le compatibilisme
théologique. Mais dans la position éclectique, l'affirmation de la compatibilité de ces deux principes ne vient
pas du simple fait de vouloir que les deux soient vrais. Il vient de la conviction profonde que la Bible est
vraie et qu'elle est faite pour être comprise sans qu'on ait besoin de recourir constamment à une
réinterprétation du sens normal des mots. Et comme nous l'avons vu, de multiples textes de la Bible montrent
ces deux vérités.
C'est pour cette raison que je plaide pour l'acceptation de ce que la Bible dit clairement, même quand
notre logique nous fait défaut. Puisque de toute façon nous sommes obligés de reconnaître quelque part dans
notre système qu'il y a des vérités qui semblent se contredire, autant le faire de la manière la plus simple.
Aucun besoin de déformer l'enseignement clair de la Parole en vue de construire une théologie « logique » si,
tôt ou tard, on va être obligé tout de même de reconnaître que la logique humaine ne suffit pas.
Avant de clore ces réflexions sur le compatibilisme et l'approche logique qu'il utilise, il serait utile de
montrer qu'il n'y a pas besoin d'avoir recours à une telle approche pour concilier la souveraineté de Dieu avec
la véritable liberté de l'homme. Certains pensent que là aussi, nous avons deux vérités qui se contredisent et
qu'il faut simplement les accepter. Mais ce n'est pas du tout le cas.
Si Dieu est souverain, cela veut dire qu'il a le droit de faire tout ce qu'il veut. Cela va exclure
uniquement des actes ou dispositions qui le mettraient en contradiction avec lui-même, notamment avec sa
bonté, sa sainteté, son amour, et d'autres aspects de son caractère. (C'est ainsi que la Bible dit, par exemple,
que Dieu ne peut pas mentir.) Il est donc libre de faire ce qu'il veut, du moment qu'il n'y a pas de mal dedans.
Si Dieu est tout-puissant, cela veut dire qu'il est capable de faire tout ce qu'il choisit de faire. S'il ne
fait pas une chose, c'est par choix, afin de rester fidèle à lui-même, et non par manque de capacité.
Dieu peut-il donc créer des êtres qui sont réellement libres dans leurs actes et leurs choix ? Bien sûr
que oui. La seule contradiction entre une telle création et la souveraineté de Dieu serait si Dieu avait été
contraint à le faire, ce qui n'est nullement le cas. Il n'y a personne au-dessus de Dieu qui a pu l'obliger à créer
des êtres réellement libres. Il l'a fait parce qu'il l'a voulu. Le faire n'est pas en contradiction avec sa
souveraineté. Au contraire, c'est une manifestation de sa souveraineté : il l'a voulu, il le pouvait, il l'a donc
fait.
Aucun besoin, donc, de se faire des soucis pour accepter, à la fois, que Dieu est souverain et que
l'homme est réellement libre. C'est justement parce que Dieu est souverain qu'il a pu créer des hommes
réellement libres.

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