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intermédiaire ou éclectique
David Shutes
[version 4.0 – août 2019]
Avec mes remerciements à Claude Schneider, ainsi qu'à Sonia et Nathanaël Gimenez-Shutes, pour leurs
contributions dans la correction du texte. Surtout à Claude, qui a fait la plus grande partie de ce travail.
Ce document – ou éventuellement une mise à jour – est disponible gratuitement sur www.davidshutes.fr. Il peut être distribué
librement mais les droits d'auteur appartiennent à l'auteur. Merci de visiter le site pour les détails concernant les conditions
d'utilisation.
• Certains disent qu’il s’agit effectivement, dans certains cas au moins, de personnes qui étaient
sauvées dans tous les sens du terme et qui sont de nouveau parmi les perdues. Si ces personnes ne
reviennent pas au Seigneur, elles seront condamnées éternellement.
• D’autres affirment la même chose, mais pour eux, ces personnes ne peuvent jamais retrouver le salut.
Ceux qui maintiennent cette position s’appuient sur le texte d’Hébreux 6.6. Paradoxalement, malgré
ce texte très explicite, cette position est largement minoritaire parmi ceux qui disent qu’un véritable
croyant peut perdre son salut. La grande majorité de ceux qui pensent qu’il est possible de perdre le
salut pensent tout de même qu’une telle personne peut se convertir de nouveau. Ils s’appuient même
sur Hébreux 6 pour cela.
• Parmi ceux qui croient qu’un véritable enfant de Dieu ne peut pas perdre son salut, la position
largement majoritaire est que, malgré les apparences, de telles personnes n’étaient pas réellement
nées de nouveau.
• Quelques-uns parmi ceux qui ne croient pas qu’un croyant puisse perdre son salut disent toutefois
que de telles personnes sont toujours sauvées, puisque le salut n’est pas basé sur les œuvres de la
personne, mais sur la grâce de Dieu.
L’enjeu de la question de la perte du salut est donc plus compliqué qu’il ne parait au premier abord.
Alors qu’on aurait tendance à penser qu’il y a deux réponses possibles, en fait il y en a quatre. Se positionner
sur ce point demande donc plus qu’un simple oui ou un simple non.
La position calviniste : cette approche analyse tout le domaine de la conversion du point de vue de
l’œuvre de Dieu. Elle dit que l’homme ne peut pas se convertir sans l’intervention de Dieu. Dieu agit
en l’homme sans la moindre attente d’une réponse favorable quelconque de sa part. Comme Dieu
peut produire la repentance et donner le salut à quiconque, mais que tous ne sont pas sauvés, cela
montre selon cette thèse que Dieu ne désire pas le salut de tous, et donc que Christ n’est pas mort
pour tous. Comme le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, l’homme ne peut ni le choisir ni le
La position calviniste
Historiquement, le calvinisme a été élaboré en réponse à la théologie catholique, où le salut est basé
sur les œuvres humaines et les sacrements de l’église (effectués, eux aussi, par des hommes). Calvin a
compris – correctement – que le salut nous est donné par Dieu, par grâce, en fonction de l’œuvre de Christ et
non par les nôtres. Son enseignement luttait contre cette doctrine catholique et, de ce fait, quand certains ont
formulé « les cinq points du calvinisme », une cinquantaine d’années après sa mort, c’est ce qui ressort
entièrement.
Sur les cinq points énumérés dans les enjeux, le calvinisme répond systématiquement d’une manière
qui élimine toute participation de l’être humain dans la conversion :
Est-ce que l’homme pécheur peut accepter le salut ? Non, un point, c’est tout. Dieu fait une œuvre
transformatrice chez l’homme (la régénération, c’est-à-dire la nouvelle naissance) avant que
l’homme se repente ou manifeste la foi. La foi ne fait pas partie du moyen du salut ; elle en est un
des résultats.
Le choix de Dieu pour sauver certaines personnes est basé entièrement sur sa souveraineté et non sur
un critère quelconque chez les personnes qui sont sauvées. Dieu aurait pu tout aussi bien ne sauver
aucune des personnes qui ont été élues au salut, et en sauver d’autres à leur place, si tel avait été son
désir.
Christ n’est pas mort pour tous, mais uniquement pour les élus, puisque Dieu n’avait jamais ni
l’intention ni le désir de sauver les non-élus. Si Christ était mort pour les non-élus, sa mort aurait été
en vain, en ce qui les concerne.
L’homme ne peut pas plus résister à la grâce salvatrice qu’accepter de son propre chef le salut. C’est
Dieu qui décide tout dans la matière ; l’homme n’est pour rien dans ce choix, ni dans un sens ni dans
l’autre.
Le salut étant une œuvre divine et non humaine, rien de ce que l’homme fait ne peut l’influencer et,
de ce fait, il ne se perd pas.
La force de cette position est qu’elle est très logique, construite entièrement sur les implications de
l’enseignement biblique (et raisonnable) qui stipule que le salut nous est donné par grâce seule, sans qu’il y
ait le moindre mérite humain dans cela. On peut démontrer par A plus B que toutes les réponses du
calvinisme découlent inéluctablement de cela, que toute autre position implique quelque part un mérite
humain, une œuvre humaine qui contribuerait au salut.
Seulement, on doit toujours se méfier de la logique humaine. La logique raisonne en fonction des
informations disponibles. De ce fait, il y a deux erreurs possibles en elle. D’une part, si le raisonnement est
Le salut, selon la Bible, consiste non seulement à pardonner au pécheur, mais aussi – et surtout – à le
transformer de manière qu’il ne soit plus pécheur : l’aboutissement ultime du salut délivre réellement
une personne du péché. Bien sûr, cela ne se fait pas au moment de la nouvelle naissance, mais maints
passages bibliques montrent que c’est le résultat final de l’œuvre de Christ en nous. De ce fait, dire
que Dieu ne désire pas le salut de certains, c’est dire qu’il veut que certains restent dans le péché,
alors qu’il aurait la possibilité de les en délivrer. Cela rend Dieu responsable, non de leur péché, mais
du fait qu’ils continuent dans le péché, alors qu’il pourrait faire autrement.
Jacques 4.17 dit que celui qui sait faire le bien et ne le fait pas est un pécheur. Dieu pourrait délivrer
les perdus de leur perdition, selon la position calviniste, mais ne veut pas le faire. Le principe de
Jacques 4.17 s’appliquerait donc clairement dans ce cas, et Dieu serait pécheur.
Il est difficile de voir dans quel sens on pourrait dire que Dieu est amour s’il y a des milliards de
pécheurs qui vont souffrir la perdition éternelle alors qu’il pourrait leur épargner cette souffrance. La
notion que Dieu ne veut pas le salut des perdus est incompatible avec l’amour de Dieu.
On peut dire en conclusion que le calvinisme présente un système cohérent et logique par rapport
aux enjeux de la conversion, mais non un système sans problème. Au contraire, cette position implique des
difficultés énormes en ce qui concerne le caractère de Dieu. L’implication logique du calvinisme est que
Dieu n’est pas amour, et qu’il est sérieusement compromis avec le péché, voire qu’il est lui-même pécheur.
Notons bien que le calvinisme peut difficilement ne pas tenir compte des implications logiques de ses
positions, puisque c’est la logique qui dicte une bonne partie de ce système de pensée.
La position arminienne
D’abord, l’homme est forcément capable de choisir le salut, car il ne pourrait pas y avoir
responsabilité s’il n’y avait pas cette possibilité. Il s’ensuit que l’homme est corrompu par le péché
dans son comportement, mais non entièrement dans sa volonté, puisqu’il est capable, dans certains
cas au moins, de choisir ce qui est bien.
L’élection, le choix de Dieu dans le salut, est basée sur une condition que l’homme est libre de
remplir ou non : c’est l’acceptation du salut en Christ, par la foi. Dieu choisit d’accepter tous ceux
qui viennent à lui par la foi, mais ce n’est pas Dieu qui choisit qui aura la foi et qui ne l’aura pas.
La foi n’est pas le produit d’une œuvre divine, mais la réponse humaine à l’œuvre divine.
Puisque Dieu veut le salut de tous et que le salut est offert à tous, Christ est forcément mort pour
tous. La mort de Christ qui paye le prix du péché n’aura pas comme résultat le salut de tous, puisque
tous ne vont pas accepter ce salut, mais potentiellement cela pourrait être le cas.
Même quand Dieu intervient pour attirer une personne à lui, il ne le fait pas au point de violer la
volonté de la personne. La personne a encore la possibilité de refuser le salut et cela, jusqu’au bout.
Le salut étant le résultat d’un choix humain et l’être humain étant entièrement libre, si l’homme
change d’avis ensuite il ne sera plus sauvé, alors qu’il l’a été réellement. La conversion, même quand
La force de l’arminianisme est donc que ce système de pensée est tout aussi logique que le
calvinisme, à condition de commencer avec d’autres données. Plutôt que de commencer avec le fait que le
salut est entièrement l’œuvre de la grâce de Dieu, il suffit de commencer avec la liberté et la responsabilité
de l’homme et tout le reste en découle. Toutefois, l’arminianisme souffre du même problème que le
calvinisme : la logique humaine n’est pas toujours un guide fiable de ce qui est vrai. L’homme peut ignorer
certains aspects importants de la réalité, ou mal interpréter ce qu’il voit. De ce fait, l’arminianisme présente
des problèmes tout autant que le calvinisme, quoique non dans les mêmes domaines.
Là où le calvinisme, basant tout son raisonnement sur l’œuvre de Dieu, finit par impliquer des
notions gravement fausses en ce qui concerne Dieu, l’arminianisme, basant son raisonnement sur la réponse
humaine à l’offre de salut, implique des choses tout aussi fausses en ce qui concerne la nature humaine.
• D’une part, l’arminianisme diminue forcément la gravité du péché. Selon ce système de pensée,
l’homme est pécheur, certes, mais il peut néanmoins choisir librement de s’en détourner. Le péché
est un problème, mais non un problème absolument inextricable. L’homme peut choisir de changer
de route. Or, tout cela est contraire non seulement à l’enseignement biblique, mais aussi à ce que
nous constatons dans nos propres natures et dans le monde autour de nous.
• D’autre part, et encore plus grave, l’arminianisme introduit forcément le mérite humain dans le salut.
Tout en reconnaissant qu’aucun de nous ne mérite ce cadeau immense de Dieu qu’est le salut,
l’arminianisme implique clairement que les rachetés sont tout de même mieux en leur propre
personne que les perdus. Non que leurs œuvres soient bonnes et suffisantes en soi, mais ils ont au
moins eu une meilleure réponse à l’offre de salut que ceux qui le refusent. Ce n’est certes pas
suffisant pour dire qu’ils méritent d’être sauvés. Cette qualité humaine (la bonne disposition à
accepter le salut) est forcément un élément qui contribue au salut, cela introduit clairement une part
de mérite humain dans le salut.
• On peut noter en passant que l’arminianisme implique que Dieu est plus ou moins impuissant face au
péché. Dans la pensée arminienne pure, le rôle de Dieu dans le salut est limité presque entièrement
au fait d’avoir mis en place la possibilité de rédemption, par l’œuvre de Christ. Dans la conversion
de l’homme, Dieu ne fait pas grand-chose, parce qu’il ne le peut pas – il doit respecter la liberté
humaine. Il peut appeler les perdus à se tourner vers lui, mais il ne peut rien faire pour qu’ils le
fassent. La nouvelle naissance est un changement d’idée chez l’homme et rien de plus ; elle ne
représente pas une œuvre divine.
L’arminianisme est donc également un système cohérent et logique, qui permet d’expliquer certains
aspects de l’enseignement biblique nettement mieux que le calvinisme, qui, lui, est plus fort sur d’autres
points. Aucun des deux systèmes n’est sans mérite, mais aucun des deux ne permet de résoudre tous les
problèmes. Si on pousse les implications logiques jusqu’au bout, les deux systèmes impliquent carrément des
hérésies : le calvinisme implique que Dieu est compromis avec le péché et l’arminianisme implique que le
mérite humain contribue à son salut.
La position intermédiaire
La position intermédiaire résulte tout simplement de la constatation des limites des systèmes de
pensée calviniste et arminien. Voulant éviter les implications inacceptables des deux positions classiques,
beaucoup tentent de se positionner comme calvinistes modérés ou arminiens modérés, en prenant des
positions moins tranchées. De ce fait, les positions intermédiaires variées prennent toutes une forme de « oui,
mais... ». Il s’agit de se positionner par rapport au calvinisme ou l’arminianisme, en y mettant des nuances.
Ainsi, en ce qui concerne les cinq grands enjeux du débat, les réponses intermédiaires peuvent être celles-ci :
• L’homme peut accepter le salut offert par Dieu, mais uniquement avec l’aide de Dieu. Sans cette
aide, l’homme naturel n’aurait jamais le désir de revenir à Dieu.
• L’élection n’est pas inconditionnelle, puisque l’homme doit accepter le salut par la foi, qui est la
condition pour le salut. Mais Dieu aide l’homme à avoir cette foi, sans que la foi soit pour autant
entièrement et unilatéralement l’œuvre de Dieu.
Ces affirmations sont très proches, à quelques nuances près, de celles de la majorité des évangéliques
en France. Elles sont moins choquantes que le calvinisme brut (Dieu ne veut pas le salut des perdus ; Christ
n’est pas mort pour eux ; l’amour de Dieu n’est que pour les élus) ou l’arminianisme brut (l’homme
contribue à son salut par sa bonne volonté en acceptant le salut, et il perd son salut s’il change d’avis).
Le problème ici n’est pas les affirmations en soi, mais le fait que, pour la plupart, elles ne sont pas
réellement des positions intermédiaires. La plupart sont simplement des formulations d’une position
calviniste ou arminienne, mais avec quelques nuances.
La première affirmation est la plus proche d’une véritable position intermédiaire, puisqu’elle met en
avant en même temps :
- la position calviniste : l’homme naturel ne peut pas, par lui-même, accepter le salut parce que sa
nature pécheresse fait qu’il n’est pas du tout disposé à cela.
- la position arminienne : l'homme naturel est capable, en fin de compte, d’accepter le salut.
Toutefois, selon l’interprétation qu’on en fait, ce serait une affirmation tout à fait acceptable à la fois
pour :
- un calviniste, qui dirait simplement que l’homme accepte le salut parce que Dieu l’a incité à le
faire,
- ou un arminien, qui ne nie nullement le fait que Dieu appelle les gens à lui-même.
Ainsi, l’aspect intermédiaire de la position réside uniquement dans l’ambiguïté de la formulation.
La deuxième affirmation relève tout simplement de la position arminienne. L’œuvre de Dieu qui aide
les perdus à venir à la foi n’est pas du tout incompatible avec l’arminianisme, à condition de ne pas
dire que cette aide va jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine. Ainsi, le fait de
dire que l’élection est conditionnelle, mais que Dieu aide l’homme à entrer dans la condition qui lui
permet d’être sauvé (l’acceptation du salut par la foi) est tout de même une formulation d’élection
conditionnelle.
La troisième affirmation est également une conviction purement arminienne. Dans les milieux
évangéliques, personne ne nie que la mort de Christ ne sauve pas, en soi, ceux qui refusent ce salut.
L’enjeu est de savoir si tout le monde pourrait être sauvé par la mort de Christ, à condition de
l’accepter, et la formulation donnée ci-dessus affirme que c’est effectivement le cas.
La quatrième affirmation relève aussi de l’arminianisme. La précision que Dieu attire les perdus à lui
n’est pas contraire à la doctrine arminienne. Du moment qu’on admet que cette œuvre de Dieu ne va
pas jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine, on est dans la théologie arminienne.
La dernière affirmation, enfin, est tout simplement la position calviniste sur ce point : l’homme ne
peut pas perdre son salut s’il est réellement sauvé. Dire qu’une personne qui ne marche pas du tout
avec Dieu n’est pas sauvée, même si autrefois elle semblait être au Seigneur, donne une précision
acceptée par la très grande majorité de ceux qui se réclament du calvinisme. Très, très peu, en effet,
La position intermédiaire n'en est donc pas réellement une. C’est un mélange de calvinisme et
d’arminianisme, avec des nuances pour éviter certains malentendus dans les différents points. C’est cette
constatation qui donne lieu à la dernière ligne théologique, la position éclectique.
La position éclectique
La position éclectique ne prétend pas se situer entre le calvinisme et l’arminianisme sur les enjeux du
débat. Elle reconnaît que si on formule les positions avec suffisamment de clarté, on constate qu’on est
forcément dans l’une ou l’autre des deux grandes optiques sur la question. La position éclectique est tout
simplement calviniste dans certains domaines et arminienne en d’autres.
On peut imaginer n’importe quelle composition des deux positions et le résultat serait éclectique du
moment qu’elle comporterait au moins un point de calvinisme et un point d’arminianisme. Mais le plus
souvent, la position éclectique est arminienne sur les points deux, trois et quatre, et calviniste sur le
cinquième, celle qui porte sur la perte du salut. Ce n’est que sur le premier point qu’il y a divergence
d’opinions parmi ceux qui défendent une position éclectique :
Certains sont de conviction calviniste sur ce point. Ils disent que l’homme naturel, en lui-même,
n’est absolument pas capable de répondre positivement à l’offre de salut, ni même de contribuer en
quoi que ce soit à cette acceptation. La conversion est donc le résultat de l’œuvre de Dieu et ne vient
nullement d’une bonne disposition quelconque chez l’homme pécheur qui accepte le salut.
D’autres s'alignent avec les arminiens sur ce point. Ils reconnaissent que Dieu agit pour attirer les
hommes à lui, mais maintiennent que le dernier mot revient à l’homme qui, quelque part, est capable
de l’accepter librement malgré son péché.
Comme on verra par la suite, on peut même être pour ainsi dire calviniste et arminien sur ce point, en
disant que les deux ont raison (même si on n’arrive pas à comprendre comment cela est possible).
La position éclectique est donc très proche de la position intermédiaire, à la différence près qu’elle
reconnaît que ses réponses ne se situent pas entre les deux thèses, mais constituent simplement une
composition d’affirmations choisies dans les deux colonnes. En réalité, ceux qui croient défendre une
position intermédiaire sont tous, dans le fond, éclectiques.
Le grand problème avec la position éclectique (et donc avec la position intermédiaire) est qu’elle se
contredit. Il est même relativement facile de le montrer clairement.
Il suffit de commencer avec la question : « Est-ce que l’homme contribue en quelque chose à son
salut ? » Est-ce que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, d’un bout à l’autre, ou est-ce que l’homme y
participe, même d’une manière minime ? (Parmi les évangéliques, cette participation est vue le plus souvent
dans l'acceptation du salut par la foi.)
Si l’homme ne contribue en rien du tout à son salut, tous les points du calvinisme suivent
logiquement. C’est pourquoi cette proposition est le point de départ du calvinisme. Dans ce cas, n’importe
quel point de l’arminianisme est une contradiction. Et, tout aussi logiquement, tous les problèmes implicites
dans le calvinisme s'en suivent aussi.
Inversement, si l’homme contribue en quoi que ce soit à son salut, si Dieu ne peut pas sauver quelqu’un
sans que cette personne accepte volontairement d’être sauvée, tous les points de l’arminianisme avec leurs
problèmes théologiques découlent logiquement de cette seule proposition. Dans ce cas, une logique
rigoureuse nous impose d’accepter, non une partie, mais la totalité des points de l’arminianisme.
Toute position éclectique contient donc des contradictions internes insolubles, par le fait même
d’être éclectique. Puisque les positions calviniste et arminienne se contredisent systématiquement, mais
forment chacune un système avec une logique interne, le fait de les amalgamer oblige l’acceptation de
contradictions logiques.
Chacune des positions présentées a donc ses points forts et ses points faibles. Toutefois, le but n’est
pas de choisir celle qui semble le plus raisonnable, mais celle qui est conforme à l’enseignement de la Bible.
L'herméneutique
Il ne s'agit pas ici d'une étude générale de l'herméneutique biblique, mais uniquement de celle qui est
spécifique à notre sujet précis : comment choisir entre les différentes possibilités dans la gamme calviniste-
arminien ? De ce fait, nous allons nous contenter de regarder seulement trois principes herméneutiques – qui
affectent chacun notre sujet de manière très directe – puis d'un regard sur la différence importante entre la
théologie systématique et la théologie biblique. Nous verrons comment cette différence peut affecter notre
compréhension du texte.
La première question à se poser concerne les contradictions apparentes, car la réponse que nous
donnons à cette question sera un principe herméneutique important dans le débat.
On pourrait penser qu'il faut évidemment résoudre les contradictions. Si deux propositions se
contredisent, elles ne peuvent pas être vraies toutes les deux. C'est une des règles les plus fondamentales de
la logique. Mais il convient de bien retenir la différence énorme entre contradictions réelles et contradictions
apparentes. Ce n'est pas parce que nous ne voyons pas comment concilier deux choses qu'elles ne peuvent
pas l’être.
« On ne peut pas concilier l'existence d'un Dieu parfaitement bon avec un monde où il y a tant de
souffrances et tant d'injustices ! » Telle est l’une des objections que nous entendons le plus souvent de la part
des non-croyants. Ils pensent donc que, logiquement, la foi chrétienne n'est pas rationnelle, parce qu'elle se
base sur une contradiction fondamentale. Ils se trompent. La contradiction n'est qu'apparente, et beaucoup de
théologiens et de philosophes chrétiens (et même non chrétiens) ont pu expliquer comment les deux
affirmations peuvent être vraies en même temps.
Il est vrai que dans le débat sur la conversion, la contradiction apparente est d'un autre ordre que
celle entre l'existence d'un Dieu bon et la souffrance dans le monde. Personne ne voit de solution dans le
premier cas, tandis que beaucoup en voient une dans le deuxième. Néanmoins, même le fait que personne ne
voie de solution pour le cas qui nous occupe ne prouve en rien que celle-ci n'existe pas.
Dans ce qui suit, je ne cherche en aucun cas à discréditer l'utilité de la logique. J'ai été formé en
mathématiques avant d'aborder sérieusement la théologie et j'apprécie beaucoup la rigueur de la logique. Elle
permet d'éviter bon nombre d'erreurs évidentes. Il y aurait certainement moins d’inepties proférées au nom
de la théologie si tous les théologiens avaient une formation de base dans la logique. Celle-ci a une validité
incontestable.
Néanmoins, la logique a aussi ses limites. Nous ne savons pas tout. Nous savons même peu de
choses par rapport à tout ce qui se fait dans l'ensemble de l'univers. C’est particulièrement vrai quand nous
prenons en compte la dimension spirituelle, pour laquelle nous avons si peu d'informations, puisque nous ne
pouvons pas l'examiner directement. Nous ne pouvons pas être sûrs, dans ces conditions, que nos
raisonnements soient justes.
Pourquoi la logique humaine est-elle si sévèrement limitée ? Cela vient de notre nature, en tant que
Exégèse ou eiségèse
L'exégèse biblique, c'est faire ressortir (du préfixe grec ex-, qui veut dire « sortir de ») ce qui est dans
le texte. Autrement dit, on étudie le texte pour essayer de comprendre ce qu'il veut dire. L'auteur a mis dans
le texte un message qu'il veut communiquer ; l'exégèse fait ressortir ce message. Le résultat de l'exégèse est
que notre compréhension des vérités spirituelles est basée sur la Bible.
L'eiségèse est un mot artificiel, construit avec le préfixe grec eis- qui veut dire « aller dans ». C'est le
contraire de l'exégèse : au lieu de faire sortir du texte le sens qui s'y trouve, on met dans le texte le sens qu'on
veut y trouver. On s'approche des textes bibliques avec des idées préconçues et on se débrouille pour
interpréter les textes en fonction de ces idées. Le résultat de l'eiségèse est que notre compréhension de la
Bible est basée sur nos idées dans le domaine spirituel, plutôt que le contraire.
Dans toute étude biblique, il est essentiel de faire de l'exégèse plutôt que l'eiségèse. Au lieu de
modifier notre interprétation des textes selon nos idées, nous devons veiller constamment à modifier nos
idées – quand il le faut – en fonction de ce qui est dit dans les textes.
Cela semble évident, mais c'est plus facile de faire de l'eiségèse qu'on ne le pense. Quand quelqu'un
est conditionné à comprendre tel aspect de la Bible de telle ou telle manière, cette idée devient une sorte de
filtre à travers lequel doit passer la lecture de tout texte touchant à ce domaine. Ainsi, toute modification
éventuelle des idées préconçues est bloquée d'office.
On pourrait citer d'innombrables exemples de ce principe. Un des plus flagrants qui me vient à
l'esprit concerne la consommation de l'alcool. Surtout parmi les anglophones, il y a de nombreux courants
chrétiens qui enseignent fortement qu'un vrai chrétien ne doit jamais consommer d'alcool. Confronté avec le
texte de 1 Timothée 5.23 (« Cesse de boire uniquement de l’eau, mais fais usage d’un peu de vin »), un des
ardents défenseurs de cette position a dit : « Mais Paul n'a pas dit de boire le vin. En fait, il s'agissait de se
frictionner le ventre avec. » C'est un exemple clair d'eiségèse : au lieu de former ses opinions en fonction des
textes, cette personne a mis dans les textes l'interprétation qu'elle voulait, afin de maintenir les idées qu'elle
avait déjà.
Je pense que nous faisons tous quelque part de l'eiségèse. Il n'est pas possible de se séparer
entièrement des idées que nous avons déjà. Elles continuent d'influencer notre manière de lire les textes.
Néanmoins, il est important d'essayer, autant que possible, de s'en défendre. Il faut s'approcher des textes
bibliques en faisant tout notre possible pour les lire d'une manière neutre. Il faut tenir compte de tous les
principes herméneutiques de base (notamment, prise en compte du contexte), puis essayer de lire le texte en
se demandant : « Si je n'avais aucune information ou opinion préalable sur le sujet de ce texte, comment est-
ce que je comprendrais ce que l'auteur veut communiquer ? »
En grande partie, le débat calviniste-arminien tourne en rond, sans qu'on s'approche d’un consensus,
parce que chacun a tendance à faire de l'eiségèse plutôt que de l'exégèse. Si nous voulons que nos idées
soient réellement guidées par la Bible, pourtant, c'est de l'exégèse qu'il nous faut – l'exégèse la plus
rigoureuse et la plus impartiale que nous soyons capables de faire.
Historiquement, le calvinisme a été formulé afin de remettre la grâce de Dieu à sa juste place dans la
théologie chrétienne. Alors que la doctrine catholique de l'époque prônait les œuvres humaines et la
valeur des rites administrées par l'Église pour sauver l'être humain, le calvinisme nous rappelle à
juste titre que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu et non la nôtre. Le salut nous est accordé par
sa grâce, sans que nos actes, rites, paroles ou même dispositions d'esprit nous donne le moindre
mérite. Tout est de lui, par lui et pour lui, comme dit la Bible (Romains 11.36). Seulement, tout en
défendant si bien la grâce de Dieu, le calvinisme diminue sérieusement la force de l'amour de Dieu.
Dieu n'est plus le Père aimant qui est prêt à tout pour le bien-être de toutes ses créatures, mais un
souverain qui pourrait sauver tous les perdus, s'il le voulait, et qui choisit pour ses raisons à lui de ne
plus le faire.
L'arminianisme a été formulé, historiquement, en réaction contre le calvinisme, en vue de remettre
l'amour de Dieu à sa juste place dans la théologie protestante. Alors que le calvinisme enseignait que
Dieu ne veut pas le salut de tous mais uniquement celui des élus – une classe dont on ne peut rien
faire pour en faire partie – l'arminianisme nous rappelle que Dieu veut le salut de tous. Si certains ne
sont pas sauvés, c'est parce qu'ils ne le veulent pas et non parce que Dieu ne le voudrait pas. Mais en
mettant l'accent sur l'amour de Dieu et par conséquent sur la pleine responsabilité humaine dans la
perdition, l'arminianisme diminue forcément le rôle de la grâce dans le salut. Les rachetés sont
meilleurs que les perdus, au moins par leur meilleure réponse à l'offre du salut (et parfois sur d'autres
points aussi, selon les formulations).
La logique humaine a ses limites. Si nous l'appliquons jusqu'au bout dans l'optique calviniste, Dieu
devient responsable de la perdition car il pourrait sauver et ne le fait pas. Nous pouvons même dire
qu'il devient responsable de l'état de péché – ou du moins dans le maintien de celui-ci – de ceux qu'il
choisit de ne pas sauver. Pourtant, ce n'est pas du tout ce que les calvinistes veulent dire, ni ce qu'ils
croient. De même, la logique humaine dans l'optique arminienne implique que certains êtres humains
sont moins affectés par le péché que d'autres, puisqu'ils arrivent à accepter librement le salut quand
Dieu agit dans leurs vies pour les appeler à lui. Du coup, il y a une part de mérite humain dans le
salut. Mais ici aussi, ce n'est pas ce que les arminiens veulent dire, ni ce qu'ils croient. C'est la
logique humaine, qui n'est pas capable de comprendre comment articuler l'amour infini et
inconditionnel de Dieu pour toutes ses créatures avec la grâce de Dieu qui seule nous conduit au
salut.
La conclusion que j'en ai tirée, et qui a déjà été développée longuement dans ce qui précède, est que
nous n'avons pas besoin de tout comprendre et que nous ne pouvons pas tout comprendre. Nous devons
accepter, dans certains cas, des conclusions qui nous semblent contradictoires. Les calvinistes le font (Dieu
ne sauve pas tout le monde parce qu'il choisit de ne pas le faire et non parce qu'il n'est pas capable de le faire,
mais il n'est nullement responsable du péché), les arminiens le font (l'homme contribue quelque chose à son
salut, si ce n'est que par le fait de l'accepter, mais il n'y a aucun mérite humain dans le salut), et toute position
éclectique le fait aussi.
La logique humaine a une grande utilité, mais force est de constater qu'elle n'est pas la réponse à tout
non plus. Où donc doit-on situer sa limite ? C'est-à-dire, si nous sommes obligés d'accepter une contradiction
logique apparente quelque part dans notre théologie en ce qui concerne le salut, quelle règle va nous guider
pour savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas ?
Hébreux 6
En ce qui concerne la perte du salut, Hébreux 6.4-6 semble aller bien plus loin que le simple fait de
dire que le croyant doit faire attention, doit persévérer dans sa marche avec Dieu, faute de quoi il n'est pas
sauvé. Beaucoup d'autres textes qui sont utilisés régulièrement pour soutenir la notion de la perte du salut
peuvent se comprendre dans ce sens, et certains semblent même le dire de manière explicite. C'est
notamment le cas de 1 Jean 2.19, comme nous l'avons vu : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient
pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ; mais de la sorte, il est
manifeste que tous ne sont pas des nôtres. » Ceux qui se détournent de la foi montrent en le faisant qu'ils
n'étaient jamais réellement au Seigneur.
Mais le texte d'Hébreux 6 ne peut pas se comprendre dans ce sens. Les termes dans les versets 4 et 5
sont trop explicites, trop clairs, pour dire honnêtement qu'il s'agit de gens qui n'étaient pas réellement nés de
nouveau. En même temps, il semble presque impossible de concilier ce texte avec le reste de ce que la Bible
dit sur le sujet. Ce n'est pas pour rien d’ailleurs que pratiquement personne n'essaie de le faire. Même ceux
qui utilisent ce texte pour avancer qu'une personne réellement sauvée peut perdre son salut n'acceptent que
La prédestination
La prédestination est un sujet qui est très mal compris, et utilisé dans le débat calviniste-arminien
d'une manière qui ne tient absolument pas compte de ce que disent les textes. La prédestination est en fait un
enseignement biblique très important, mais qui ne signifie pas du tout ce que la plupart des gens pensent.
Commençons par remarquer que le mot est relativement rare dans le Nouveau Testament. Il
n’apparaît que six fois, dont deux fois dans le même texte.
Deux de ces usages, dans Actes 4.28 et 1 Corinthiens 2.7, parlent du fait que Dieu avait ordonné
d'avance le plan de salut de l'humanité par la mort de Christ. Ces deux passages, bien que très importants sur
le plan théologique, n'ont aucun rapport avec le débat calviniste-arminien et précisément avec la question de
savoir qui peut être sauvé et qui ne le peut pas.
Cela nous laisse quatre utilisations du mot, tous les quatre dans les écrits de Paul. Il l'utilise deux fois
dans Romains 8 (dans les versets 29 et 30, qui vont clairement ensemble) et deux fois dans Éphésiens 1
(versets 5 et 11). Dans chacun de ces textes, il est effectivement question des croyants qui sont prédestinés. Il
convient donc de voir de quoi il s'agit dans chaque texte.
Il y a deux questions qui vont guider notre examen des textes : « À quoi les gens en question sont-ils
prédestinés ? » et « Qui, précisément, est prédestiné à ce dont il est question ? » On pourrait penser que
l'ordre logique pour examiner ces deux questions serait l'inverse, mais nous verrons que c'est plus facile de
comprendre l'enseignement de Paul en examinant le quoi avant le qui.
Dans Romains 8.29-30 (les deux versets font clairement partie d'un même passage), il s'agit d'être
Le compatibilisme
Dans le débat calviniste-arminien, certains évoquent le compatibilisme comme explication de
certaines contradictions apparentes dans les positions avancées. Il serait donc utile de regarder ce qu'est cette
philosophie et le rapport qu'elle peut avoir avec notre sujet.