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Les modèles de rédaction de textes

Chapter · January 2002

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Denis Alamargot Lucile Chanquoy


Université de Poitiers University of Nice Sophia Antipolis
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Alamargot, D. & Chanquoy, L. (2002). Les modèles de rédaction de textes. In M. Fayol (Ed.), La
production du langage. Encyclopédie des Sciences cognitives, Vol.X. Paris : Hermès.

Chapitre 2

Les modèles de rédaction de textes

2.1. Introduction

La production de textes est souvent définie, dans le cadre de la psychologie


cognitive, comme une activité mentale complexe supposant la mise en œuvre d’un
ensemble de connaissances langagières et de différents processus mentaux. Au cours
des vingt dernières années, de nombreux modèles ont été élaborés dans le but de
formaliser ces connaissances et processus. Non forcément antagonistes, ces modèles
sont le plus souvent complémentaires en ce sens qu’ils abordent chacun différents
aspects ou différentes composantes de la rédaction de texte. Ce chapitre propose de
décrire sur un plan théorique ces principaux modèles en les distinguant selon qu’ils
tentent de rendre compte de l’activité rédactionnelle experte, de définir les étapes de
développement de l’écrit, d’expliciter plus particulièrement certains des processus
rédactionnels ou d’inscrire l’activité rédactionnelle dans le cadre plus large d’un
système cognitif de traitement de l’information. Quelques pistes de réflexion quant
aux évolutions potentielles des modèles de production de textes sont présentées à
titre de conclusion.

2.1.1. L’activité de rédaction de texte

Le texte écrit peut être défini comme une succession de phrases localement et
globalement enchaînées, formant un ensemble cohérent d’idées à transmettre à un
lecteur. Deux raisons essentielles font que la rédaction d’un texte est une activité

Chapitre rédigé par Denis ALAMARGOT et Lucile CHANQUOY.


46 Production du langage

particulièrement complexe pour le scripteur. D’une part, rédiger nécessite le recours à


des connaissances à la fois référentielles (le domaine de connaissances auquel renvoie
le texte), linguistiques (relatives aux connaissances syntaxiques, orthographiques, etc.)
et pragmatiques (concernant l’adaptation du texte aux intentions communicatives de
l’auteur, au destinataire et au contexte). D’autre part, cette activité est sous-tendue
par l’activation et l’articulation d’un nombre important de processus. Ceux-ci
permettent de déterminer le contenu du texte (notamment grâce à des opérations de
récupération et de sélection des informations à transmettre), de choisir des formes
linguistiques adaptées aux idées récupérées (choix du lexique, de la syntaxe, de
l’orthographe, etc.), de programmer et de réaliser les mouvements moteurs
nécessaires à l’apparition de la trace écrite et de mettre éventuellement en œuvre des
activités de relecture et de correction du texte. Ces ajustements du texte à des
objectifs communicatifs (par exemple, le texte doit être cohérent et compréhensible)
et à des contraintes langagières (par exemple, la correction de l’orthographe) sont
difficiles puisque l’écriture est en général une activité monogérée, c’est-à-dire se
déroulant en l’absence de toute interaction avec le destinataire du message.

Cette diversité de connaissances, de processus (activités globales de planification,


de révision, elles-mêmes analysables en sous-processus, par exemple, la correction),
d’opérations et/ou de traitements, ainsi que leurs interactions, expliquent également
les difficultés que rencontrent les chercheurs à analyser et circonscrire précisément
l’activité de rédaction. En effet, seules certaines des conditions de production, à
défaut du texte produit, peuvent être contrôlées ou manipulées. Le recours à la
modélisation s’avère alors indispensable pour définir a priori puis étudier les
composantes qui sous-tendent la production d’un texte. Les modèles évoqués ici ne
relèvent pas de l’implémentation ou de la simulation informatique, mais d’une
description figurative ou schématique formalisant l’activité rédactionnelle. Les
auteurs de ces modèles ont le plus souvent adopté une perspective globale, afin
d’intégrer les différentes opérations composant ou gérant l’activité de production
et/ou les paramètres contextuels et/ou les caractéristiques du scripteur. Cette
perspective a donné lieu à deux types de modélisations.

La première, plutôt psycholinguistique, présente des modèles tentant de rendre


compte, à travers l’étude des produits, des décisions auxquelles est confronté le
scripteur lors de sa production (De Beaugrande, 1984), ou décrivant de manière très
précise les différentes activités de la production langagière et de ses
paramètres externes (Bronckart, Bain, Schneuwly, Davaud et Pasquier, 1985).
Cependant, ces modèles sont davantage considérés comme des descriptions des
différentes dimensions de la production que comme des modèles procéduraux.

Le second type de modélisation est issu des études en temps réel, et plus
particulièrement de l’analyse des protocoles verbaux. Ces modèles incluent des
processus entretenant des relations spécifiques qui reçoivent et transforment des
Modèles de la production verbale écrite 47

informations. En outre, un processus ou une instance de contrôle régule l’information


et évalue le produit terminal. Ces modèles proposent, pour la plupart, un découpage de
l’activité rédactionnelle en deux composantes centrales : l’environnement physique du
scripteur (la situation, les consignes, les aides potentielles – dictionnaires,
collaborateurs –, etc.) et l’environnement mental. Ce dernier se compose généralement
de connaissances stockées en mémoire à long terme et de processus (eux-mêmes
composés de sous-processus ou d’opérations) qui s’appliquent sur ou exploitent ces
connaissances. C’est dans cette perspective que se situe le premier modèle de
production de textes, élaboré par Hayes et Flower en 1980.

2.1.2. Le modèle princeps de Hayes et Flower

L’objectif de Hayes et Flower, en 1980, était de formaliser la production de


textes en tant qu’activité humaine complexe. Leur modèle, élaboré à partir de
l’analyse de protocoles verbaux recueillis au cours de l’activité d’un scripteur, est
relativement simple. Il distingue trois composantes majeures : l’environnement de la
tâche, la mémoire à long terme et l’ensemble des processus rédactionnels.
L’environnement de la tâche (tout ce qui est externe au scripteur) se compose aussi
bien des consignes rédactionnelles que du texte déjà élaboré. Les connaissances en
mémoire à long terme sont relatives au domaine auquel renvoie le texte
(connaissances référentielles), au type de texte à produire (connaissances
linguistiques et rhétoriques liées à la mise en texte et, plus particulièrement, à
l’élaboration d’un plan de texte) et aux caractéristiques des lecteurs (connaissances
pragmatiques). L’environnement de la tâche et les connaissances du scripteur sont
autant de ressources qui sont utilisées par la troisième composante : le processus de
rédaction. Celui-ci regroupe trois sous-processus nommés planification (planning),
formulation (translating) et révision (reviewing) et une instance de contrôle
(monitor) qui comporte un système de règles procédurales permettant l’activation
récursive et stratégique et l’interaction des trois processus tout au long de l’activité.
Ces trois processus jouent chacun un rôle propre et déterminé au cours de l’activité
rédactionnelle. En ce sens, ils comportent un nombre plus ou moins important de
sous-processus et/ou d’opérations mentales spécifiques.

Le processus de planification (Planning) permet d’établir des plans de contenus


(l’organisation du contenu général du texte) et de traitements (l’organisation
générale des traitements sous-tendant la réalisation du texte). Plus précisément,
Flower et Hayes (1980) distinguent le plan « pour faire » (plan to do) qui fédère les
plans « pour dire » (plan to say) et « pour rédiger » (plan to compose). Le plan
« pour faire » circonscrit les buts rhétoriques et pragmatiques de la rédaction, sur la
base des caractéristiques du scripteur (ses intentions ou sa motivation), du lecteur
(familier ou non du scripteur), ou encore de l’objectif ou du genre du texte (décrire,
convaincre, expliquer, etc.). Le deuxième type de plan (« pour dire ») détermine et
48 Production du langage

organise le contenu général du texte qui sera ultérieurement écrit. Il s’agit d’une
version abstraite, simplifiée et abrégée du futur texte (des notes organisées, un
brouillon, un plan ou un schéma). Enfin, le plan « pour rédiger » concerne les
traitements. Il peut être assimilé à un plan procédural qui gère les traitements
conceptuels (pour définir le contenu) et linguistiques (pour produire le texte
traduisant ces contenus).

Dans le modèle de Flower et Hayes (1980), le processus de planification se


décompose en trois sous-processus. Le sous-processus de génération (generating)
permet d’abord de récupérer depuis la mémoire à long terme les contenus généraux
(les idées principales du texte, les informations à transmettre) qui sont ensuite
organisés (hiérarchisés, ordonnés, etc.) par le sous-processus d’organisation
(organizing). Ces deux sous-processus contribuent donc à l’élaboration du plan
« pour dire ». La fonction du troisième sous-processus d’établissement de buts (goal
setting) permet d’ajuster les traitements en fonction des objectifs de production. En
ce sens, il sous-tendrait l’élaboration du plan pragmatique « pour faire ».

A la différence du processus de planification, le processus de formulation


(translating) n’inclut pas de sous-processus. D’après Flower et Hayes (1980), il
articule plusieurs opérations de traitement qui assurent globalement deux fonctions.
La première est de développer chacune des parties du plan élaboré par le processus
de planification. Il s’agit de spécifier, à un niveau conceptuel et sémantique, le
contenu microstructural qui sous-tendra chacune des phrases du texte. La seconde
fonction consiste à traduire linguistiquement ce contenu sémantique. Il s’agit alors
de construire une phrase ou une portion de phrase puis de la transcrire.

Le processus de révision (reviewing) est divisé en deux sous-processus,


respectivement la lecture (reading) et la correction (editing). Le sous-processus de
Lecture permet de repérer des erreurs et d’évaluer l’adéquation entre le texte écrit et
les buts poursuivis. Le sous-processus de correction est formalisé comme un
système complexe de règles de production, mis en œuvre pour corriger les
problèmes (de compréhension, orthographiques, etc.) rencontrés.

2.1.3. Un modèle heuristique mais limité

Depuis sa parution, le modèle de Flower et Hayes (1980) a suscité de nombreux


travaux expérimentaux. Il demeure encore aujourd’hui une référence centrale.
Malgré cette place prépondérante, il comporte de nombreuses limites et a fait l’objet
de fréquentes critiques, formulées soit par d’autres auteurs (Berninger et Swanson,
1994), soit par l’un de ses auteurs : Hayes (1996). L’une des réserves les plus
importantes et les plus récurrentes est qu’il s’agit avant tout d’un modèle d’expert,
qui ne permet donc pas de décrire la construction progressive de l’expertise
Modèles de la production verbale écrite 49

rédactionnelle et encore moins des débuts de la production écrite. Une autre critique
concerne la relative imprécision de la définition à la fois structurale et fonctionnelle
des processus rédactionnels (plus particulièrement pour ce qui concerne le processus
de Formulation), mais aussi de la nature et de la fonction des connaissances stockées
en mémoire à long terme. Enfin, hormis les hypothèses très spéculatives de Hayes et
Flower (1980) et de Flower et Hayes (1980), peu d’informations ont été fournies
relativement à la dynamique du déroulement des traitements, en relation avec la
capacité limitée de ressources attentionnelles du rédacteur par exemple.

D’autres modèles, visant à compléter ou a complexifier le modèle initial de


Hayes et Flower (1980) ont été élaborés. Ils avaient pour objectif soit d’expliquer la
mise en place des processus rédactionnels chez le scripteur débutant, soit
d’approfondir, chez le scripteur expert, la définition des différents processus
rédactionnels, soit, enfin, de préciser le rôle et les contraintes de la mémoire de
travail au cours de l’activité rédactionnelle.

2.2. Les modèles liés au développement de l’activité rédactionnelle

La production écrite, en tant qu’activité délibérée, signifiante et communicative


n’est enseignée aux enfants qu’à partir de 5 ou 6 ans. Selon Martlew (1983),
l’apprentissage de l’écrit s’appuie d’abord sur la production orale précoce, avant de
se détacher progressivement du discours pour tendre vers la maîtrise des formes
verbales propres à l’écrit et à la dimension textuelle (limitation des répétitions,
emploi de formes déictiques et temporelles spécifiques de l’écrit, etc. (Fayol, 1996)
pour une explicitation des différences entre le discours et le texte). Certains modèles
se sont plus particulièrement focalisés sur le développement de l’expertise
rédactionnelle, qu’il s’agisse, chez les plus jeunes, de l’accès progressif à la
dimension textuelle (Berninger et Swanson, 1994) ou de l’accès, chez les plus âgés
ou les adultes, à des stratégies expertes de composition et de planification (Bereiter
et Scardamalia, 1987).

2.2.1. La mise en place des processus rédactionnels : les propositions de Berninger


et Swanson

En s’appuyant sur le modèle de Hayes et Flower (1980), le modèle


développemental de Berninger et Swanson (1994) décrit la mise en place des
premières habiletés rédactionnelles et leur évolution chez l’enfant de 5 à 10 ans.
L’un des aspects les plus novateurs de ce modèle est de postuler un rythme
spécifique d’apparition des trois processus de production :
– le processus de formulation serait composé de deux sous-processus : la
génération de texte (text generation) et l’exécution (transcription). Du point de vue
50 Production du langage

du développement, le sous-processus d’exécution serait fonctionnel avant le sous-


processus de génération de texte. En conséquence, l’enfant peut, par exemple,
recopier un mot présenté, sans avoir encore les moyens de le générer lui-même.
Le sous-processus de génération de texte ne deviendrait opérationnel que
consécutivement à l’automatisation progressive du sous-processus d’exécution ;
– l’activité du processus de révision serait au départ extrêmement réduite, voire
inexistante. Elle se limiterait à de simples corrections de surface (orthographe et
ponctuation principalement), avant de s’étendre à l’ensemble du texte et de
concerner ainsi aussi bien la forme que le sens ;
– le processus de planification apparaîtrait plus tardivement et progresserait peu
à peu d’un mode de fonctionnement local à un mode de fonctionnement plus global.
Au départ, ce processus ne pourrait gérer que l’enchaînement de deux phrases. Au
fur et à mesure de son développement, il permettrait de planifier, en amont de leur
production, un nombre de plus en plus important de phrases et leur organisation
(préplanification – pre-planning – pour les auteurs). Enfin, la phase ultime
d’évolution de ce processus permettrait de ne plus seulement recourir à des schémas
préétablis de textes (par exemple, le schéma narratif) mais de construire entièrement
le plan du contenu du texte.

Le modèle développemental proposé par Berninger et Swanson (1994) est


relativement pertinent pour rendre compte de l’accès à la production textuelle car il
propose aussi bien une description fine de la mise en place progressive des différents
processus qu’une définition précise des opérations de traitement intervenant dans le
processus de formulation, de la production de mots à celle de textes. L’évolution
ultérieure, voire le renforcement, de cette expertise rédactionnelle chez le scripteur
plus âgé, n’a pas été abordée par Berninger et Swanson (1994) mais par Bereiter et
Scardamalia (1987) qui ont opposé deux stratégies décrivant, d’une part, les
procédures de rédaction adoptées par des rédacteurs novices et, d’autre part, celles
de rédacteurs plus expérimentés.

2.2.2. La complexification des processus : les travaux de Bereiter et Scardamalia

Le modèle de Bereiter et Scardamalia (1987) est articulé autour de deux


stratégies de production de textes qui constituent deux extrêmes permettant de
décrire, pour la première, la manière dont procèdent des scripteurs âgés de 9 à 16
ans pour parvenir à produire un texte et, pour la seconde, les procédures
rédactionnelles stratégiques de scripteurs adultes. Ces deux modes de rédaction sont
respectivement nommés « stratégie des connaissances rapportées » (knowledge
telling strategy) et « stratégie des connaissances transformées » (knowledge
transforming strategy).
Modèles de la production verbale écrite 51

La stratégie des connaissances rapportées décrit un mode de rédaction adopté par


les novices mais également, dans certaines situations, par les experts lorsque, pour
ces derniers, les enjeux rédactionnels ou les contraintes de qualité ne sont pas
fondamentaux. Elle consiste à composer un texte en formulant les idées au fur et à
mesure qu’elles sont récupérées en mémoire à long terme, sans procéder à une
réorganisation d’ensemble du contenu conceptuel ou de la forme linguistique du
texte. Cette stratégie correspond à une transcription directe des idées en mots
(penser-écrire : « Think it, write it » ; McCutchen, 1996).

L’autre stratégie, dite des connaissances transformées, plus élaborée, se


rencontre plus fréquemment chez les adolescents et les adultes. Elle suppose de
procéder à des réajustements du contenu conceptuel du texte en fonction, d’une part,
des buts pragmatiques et rhétoriques instaurés et, d’autre part, du produit en cours de
rédaction. En d’autres termes, cette stratégie permettrait au rédacteur de se focaliser
aussi bien sur le contenu conceptuel que sur la forme linguistique du texte, jusqu’à
une adéquation jugée satisfaisante à l’intention et la visée communicative de départ.
Ceci suppose de ne pas formuler les informations au fur et à mesure de leur
récupération, mais au contraire de les modifier et de les adapter.

Cette transformation du contenu comme des formes linguistiques exige la mise


en œuvre par le scripteur d’une véritable activité de résolution de problèmes
reposant sur une dialectique entre ce qui doit être dit (espace des contenus) et ce qui
peut être dit, à qui et comment (espace rhétorique). Le recours à cette stratégie
rédactionnelle, coûteuse en ressources cognitives et en temps, suppose que le
scripteur ait pu non seulement développer des connaissances du domaine
suffisamment expertes pour permettre des modifications et des aménagements, mais
également des connaissances pragmatiques et rhétoriques afin de varier et de
moduler les formes verbales et linguistiques en fonction de paramètres textuels et
contextuels.

Ainsi, la mise en œuvre de la stratégie des connaissances transformées nécessite


une importante planification du contenu du texte, en tenant compte de contraintes
rhétoriques, communicatives et pragmatiques. Elle suppose aussi une lecture
attentive de ce qui vient d’être rédigé. Selon Bereiter et Scardamalia (1987),
l’adoption de ce mode de traitement complexe serait assujetti à l’augmentation des
capacités de planification (permettant de construire des buts de plus en plus
complexes) et de l’empan de la mémoire à court terme (permettant de maintenir
actives les contraintes inhérentes à l’activité de résolution de problème).

D’une manière générale, le modèle de Berninger et Swanson (1994), décrivant la


mise en place progressive des processus rédactionnels, et le modèle de Bereiter et
Scardamalia (1987), opposant deux stratégies de production, demeurent des
descriptions relativement générales tout comme l’était déjà le modèle de Hayes et
52 Production du langage

Flower (1980 ; voir également le chapitre 7 de cet ouvrage). Ainsi, même si ces
différents modèles ont constitué une avancée indispensable à la compréhension du
fonctionnement de l’ensemble de l’activité rédactionnelle, il est également
nécessaire de s’attacher à une analyse plus fine de chacun des processus
rédactionnels, en termes d’architecture de leurs sous-processus, par exemple.
L’objectif est alors moins, dans ce cas, de rendre compte de l’ensemble de l’activité
que d’isoler certains traitements jugés centraux et déterminants dans cette activité
pour en approfondir l’étude. C’est en ce sens que d’autres formalisations plus
spécifiques ont été proposées à la suite du modèle de Hayes et Flower (1980). Deux
processus ont été plus particulièrement analysés : la planification et la révision.

2.3. Les modèles spécifiant les processus

2.3.1. Les modèles de planification

Réflexion préalable à l’action, l’activité de planification peut être retrouvée dans


la plupart des activités cognitives complexes. Dans le cas de la rédaction de textes, il
est possible de distinguer, au-delà de la définition initialement proposée par Hayes et
Flower (1980) et Flower et Hayes (1980), des définitions plus complètes de ce
processus, qui correspondent souvent à des formalisations locales plus approfondies.

L’un des premiers approfondissement du fonctionnement du processus de


Planification a été effectué par Flower, Schriver, Carey, Haas et Hayes (1989) chez
des rédacteurs adultes. Ces auteurs distinguent plusieurs stratégies possibles de
planification relatives aux contenus et aux traitements. Les scripteurs (ici plutôt
experts), outre le fait d’élaborer des plans pragmatiques (« pour faire ») et de
contenu (« pour dire »), auraient la possibilité d’intégrer ces deux plans au sein
d’une structure unique, stratégique et de plus haut niveau, en appliquant une
stratégie de planification qualifiée de « constructive » (constructive planning). Cette
stratégie entraîne l’élaboration d’un plan sur-ordonné et contextuel, c’est-à-dire
élaboré pour une et au cours d’une situation de production donnée. Ce plan
contrôlerait l’ensemble du déroulement du processus rédactionnel et permettrait
d’organiser toutes les étapes de la rédaction en en gérant les contraintes. Il s’agirait
alors d’établir une sorte de « réseau de buts de travail » (network of working goals),
permettant de planifier toutes les composantes rédactionnelles (ce qui doit être dit,
comment le dire, à qui le dire, de quelle manière, etc.). Ce mode de « planification
constructive » suppose une grande expertise rédactionnelle et représente un coût
cognitif certain. Aussi, les auteurs considèrent-ils possible de rédiger un texte en
adoptant des modes de planification plus économiques, mais plus locaux. Par
exemple, l’élaboration du contenu du texte peut être intrinsèquement guidée par
l’application d’un plan ou d’un schéma de texte (schema driven) ou encore, à défaut,
par la structure même des connaissances référentielles (knowledge driven).
Modèles de la production verbale écrite 53

Hayes et Nash (1996) ont approfondi la notion de planification rédactionnelle, en


dressant un bilan de l’ensemble des définitions associées à ce processus au sein de
différents modèles. Les auteurs ont alors proposé leur propre définition analytique
de la planification. Selon eux, cette planification (qu’ils nomment planning in
writing) peut être décomposée en un ensemble hiérarchisé d’activités de
planification, s’appliquant à différents types de connaissances. Au niveau le plus
élevé, Hayes et Nash distinguent d’abord la planification des processus (process
planning) de la planification textuelle (text planning). Tandis que la première est
centrée sur les stratégies procédurales du scripteur et la manière dont celui-ci a
l’intention de réaliser la tâche, la seconde se focalise sur le texte en cours d’écriture,
son contenu, sa forme et son impact sur le destinataire. A un niveau intermédiaire, la
planification textuelle est elle-même scindée en une planification abstraite (abstract
planning) et une planification langagière (language planning). La première génère
des idées, sans spécification linguistique, alors que la seconde permet de produire un
texte grammaticalement et syntaxiquement correct. Ce dernier type de planification
correspond généralement, dans les modèles de production écrite, à l’étape de
formulation (Hayes et Flower, 1980). La planification abstraite se décompose en une
planification sans (ou hors) contenu (non-content planning), permettant de résoudre
les problèmes rhétoriques d’adéquation du texte à la fois au scripteur, au destinataire
et au but, et en une planification du contenu (content planning), générant une
version simplifiée des contenus à transmettre. La planification sans contenu pourrait
correspondre au plan « pour faire » de (Flower et Hayes, 1980), la planification du
contenu étant assimilée au plan « pour dire ».

En résumé, au niveau le plus fin de cette classification hiérarchique, Hayes et


Nash (1996) distinguent cinq types de planification pouvant apparaître au cours de
l’activité rédactionnelle : la planification, celle des aspects pragmatiques et
rhétoriques (planification sans contenu), celle des contenus, celle des formes
linguistiques et enfin celle de la production effective du texte (text production). Ces
différentes planifications sont caractérisées par la nature des traitements et des
opérations mentales. En ce sens, trois types généraux de « méthodes de
planification » (planning methods) peuvent être distingués :
– la planification par abstraction (planning by abstraction) est souvent utilisée
par les rédacteurs lors de la génération et de l’organisation des idées à inclure dans
le texte. Cette forme de planification, consistant à manipuler et organiser des
concepts abstraits, serait plus particulièrement à l’œuvre lors de l’élaboration des
contenus. Ce type de traitement permettrait la production de brouillons ou de
premiers jets relativement abstraits, sans tenir encore compte des contraintes de
traduction linguistique ;
– la planification par analogie (planning by analogy) permet, selon la définition
classique, de recourir à des connaissances déjà utilisées dans des activités
proches réalisées antérieurement et de les appliquer à la production du texte en
54 Production du langage

cours. Il peut s’agir par exemple de l’utilisation d’un schéma textuel (par exemple,
le schéma narratif), stocké en mémoire et que le rédacteur active pour rédiger le
texte en cours ;
– la planification par modélisation (planning by modeling) ne porte pas, comme
le traitement par abstraction, sur des éléments abstraits mais sur tous les éléments
qui sont directement impliqués pour réaliser une partie de la rédaction. Les auteurs
citent l’exemple de la formulation et avancent l’hypothèse selon laquelle la
production d’une phrase suppose d’en planifier mentalement toutes les composantes
en établissant un modèle de cette phrase, alliant contenu et forme linguistique.

La revue de Hayes et Nash (1996) fournit une description fine de l’activité de


planification au cours de la rédaction. Cette activité se révèle hautement complexe et
stratégique. Selon ces auteurs, elle est largement composite et met en jeu différents
modes de traitement s’appliquant sur différentes connaissances, aussi bien
déclaratives (par exemple, la planification des contenus) que procédurales (par
exemple, la planification des traitements). Cette diversité explique en partie
pourquoi les définitions concernant la planification restent aujourd’hui encore très
hétérogènes. Elle suggère également que l’étude de son fonctionnement doit être
abordée empiriquement et de manière plus différenciée. Il est sans doute
indispensable d’explorer la planification au-delà de la simple analyse des sous-
processus de récupération et d’organisation des connaissances référentielles définies,
car ils ne semblent représenter qu’une infime partie des traitements impliqués lors de
la planification. Ces traitements, non spécifiques de l’activité rédactionnelle,
relèveraient en réalité de processus généraux de réflexion, de raisonnement, de
construction de connaissances et de résolution de problèmes. La question est alors
de déterminer quelles sont les contraintes qui pèsent sur ces processus lorsqu’ils sont
impliqués dans le cadre plus strict de la production écrite.

2.3.2. Les modèles de révision

La révision consiste à relire le texte écrit ou en cours d’écriture, et


éventuellement, à le modifier. Malgré l’apparente simplicité de cette définition, il
existe dans la littérature plusieurs conceptions et différents modèles de la révision.
Bereiter et Scardamalia (1983), par exemple, ont proposé une procédure de révision,
nommé CDO (compare, diagnose, operate). Cette procédure suppose que le
scripteur évalue, grâce à un processus mental de comparaison (compare), la
différence potentielle entre la trace écrite et le texte tel qu’il a été mentalement
planifié. Le processus de diagnostic (diagnose) permet alors de cerner l’origine des
éventuelles différences et le processus de Réalisation (operate) conduit à procéder
effectivement et stratégiquement aux modifications nécessaires.
Modèles de la production verbale écrite 55

Les formalisations de Bereiter et Scardamalia (1983) et, auparavant, celle de


Hayes et Flower (1980), sont en réalité relativement simples : toutes deux mettent en
jeu un texte intentionnel (sa représentation), un texte réel (le texte écrit), des
opérations d’évaluation de la distance entre ces deux textes et un certain nombre
d’opérations dont le rôle principal est de réduire cette distance (par des corrections,
des modifications, etc.).

Des modèles plus complexes sont apparus au milieu des années 1980,
notamment celui de Flower, Hayes, Carey, Schriver, et Stratman (1986), dont
l’objectif était non seulement de décrire plus finement les processus et opérations
mentales engagés dans la révision, mais également d’en préciser le fonctionnement
dans un système de traitement de l’information répertoriant les différentes
connaissances impliquées. Dans ce modèle, la révision est considérée comme une
activité particulièrement stratégique et délibérée, que le rédacteur choisit ou non de
mettre en œuvre en fonction de ses objectifs, de l’état d’avancement de son texte et
des connaissances rédactionnelles dont il dispose. La sélection hautement délibérée
d’une stratégie de révision est guidée par l’importance du problème telle que le
scripteur l’a évaluée après une lecture attentive de son texte (lire pour comprendre,
évaluer, identifier, sérier les problèmes potentiels ; Flower et al., 1986). La situation
peut être telle que le scripteur décide d’ignorer le problème, s’il le juge superficiel
ou trop complexe, de différer l’effort pour le résoudre, de rechercher plus
d’informations en mémoire ou dans le texte pour le comprendre et mieux le définir,
de réécrire le texte ou un fragment de celui-ci en préservant l’idée de base, ou
encore, de réviser le texte afin de préserver au maximum le texte déjà produit. Dans
le cas où le scripteur s’engage dans une réécriture de certains aspects de son texte,
différentes catégories de modifications sont distinguées selon : (a) le type
d’opérations réalisées pour y parvenir (addition, suppression ou substitution de mots,
de groupes de mots ou de phrases, modification d’une partie du texte, etc.), (b)
le niveau textuel auquel ces modifications se situent (en surface ou en profondeur),
(c) leur localisation dans le texte (début, milieu, fin) et dans la phase de composition
(écriture d’un plan, d’un brouillon, de la version finale, lors d’une étape
spécifiquement révisionnelle, etc.).

Grâce à son caractère procédural et à la finesse de ses définitions, le modèle de


révision de Flower et al. (1986) a permis une avancée des recherches. Son
originalité provient essentiellement du fait qu’il s’agit du premier modèle autonome
de la révision. Ce processus est étudié et formalisé de façon isolée, indépendamment
de ses rapports et interactions éventuelles avec les autres processus de production
écrite. C’est également dans cet esprit que peut être situé le modèle de Butterfield,
Hacker, et Albertson (1996) qui, en s’inspirant du modèle précédent, représente
certainement le modèle de révision le plus complet, si l’on considère l’ensemble des
composantes formalisées.
56 Production du langage

Le modèle de Butterfield et al. (1996) inclut deux composantes :


l’environnement du scripteur et le système de traitement. Ce système comprend un
niveau de fonctionnement cognitif et un niveau métacognitif. Le modèle met
l’accent sur le rôle de la mémoire à long terme, de la mémoire de travail et sur
l’importance, tout au long de l’activité, du contrôle et des décisions d’ordre
métacognitif que doit prendre le rédacteur.

A l’instar du modèle de Hayes et Flower (1980), l’environnement du scripteur ou


de la tâche circonscrit les dimensions rhétoriques et pragmatiques de la production
(consignes, thème, visée communicative, enjeux de révision, etc.), ainsi que le texte
déjà produit ou en cours d’élaboration.

Le système de traitement distingue la mémoire de travail de la mémoire à long


terme. Les traitements contrôlés se déroulent en mémoire de travail et les processus
concernés sont proches de ceux décrits par Flower et al. (1986). Globalement, ils
assurent l’établissement d’une représentation des textes et des problèmes rhétoriques
associés, la détection et le diagnostic des problèmes textuels et l’établissement de
stratégies pour résoudre ces problèmes. Le registre de mémoire à long terme permet de
libérer des ressources en mémoire de travail en assurant le stockage, plus ou moins
long, du matériel textuel déjà révisé. Deux niveaux caractérisent le fonctionnement de
la mémoire à long terme : le niveau cognitif et le niveau métacognitif.

Le niveau cognitif assure le stockage des connaissances et stratégies liées à


l’activité de révision, ainsi que la représentation du texte en cours de révision. Les
connaissances se répartissent en trois catégories : les connaissances relatives au
thème (référentielles), les connaissances sur le langage et l’écriture (règles et
conventions linguistiques) et les connaissances nécessaires à l’évaluation d’une
production écrite (connaissances relatives aux critères de qualité d’un texte par
exemple). Selon les auteurs, les stratégies permettent de « penser », notamment en
inférant la signification du texte en train d’être traité, de « comprendre » ce qui est
lu, « d’écrire » et de « réviser » effectivement la trace écrite. Plus précisément, il
existerait des stratégies d’évaluation permettant la relecture d’un passage difficile, le
retour en arrière, les prédictions sur le texte à venir et la comparaison de plusieurs
propositions de révision. De la même manière, des stratégies de contrôle-régulation
permettraient de résumer l’information textuelle, de clarifier et de corriger le texte.
Les auteurs précisent que, lorsque les procédures sont automatiques, elles sont
directement réalisées en mémoire à long terme, avec un coût cognitif très faible en
mémoire de travail. A l’inverse, lorsqu’elles sont délibérées et contrôlées, elles
opèrent en mémoire de travail. Leur mise en œuvre et leur déroulement sont alors
contraints par les ressources limitées de celle-ci.

Le niveau métacognitif stocke non plus des connaissances opératoires mais des
« modèles de et sur les connaissances » et permet au scripteur de comprendre et
Modèles de la production verbale écrite 57

d’analyser ses propres stratégies et connaissances. En ce sens, la même


catégorisation des connaissances se retrouve aux niveaux métacognitifs et cognitifs
(connaissances versus métaconnaissances sur le thème, sur le langage et sur la
production écrite). De la même manière, les trois groupes de stratégies « penser,
comprendre et écrire » ont, selon les auteurs, leur pendant à un niveau métacognitif.
La dimension métacognitive associée aux stratégies permet au scripteur de
déterminer « quand, où, comment et pourquoi » mettre en œuvre les différentes
stratégies au niveau cognitif.

Les niveaux métacognitifs et cognitifs entretiennent des relations d’étroite


interdépendance. Cette interdépendance est assurée par deux stratégies qui établissent
une interface entre cognitif et métacognitif : le « superviseur » (monitoring) et le
« contrôle ». Le superviseur assure le transfert à un niveau métacognitif des
traitements cognitifs. Il permet de procéder à une analyse métacognitive des
traitements effectués à un niveau cognitif. A l’inverse, le contrôle assure le transfert
d’une réflexion métacognitive vers un niveau de traitement cognitif.

Ce dernier aspect du modèle, lié à la gestion et au contrôle des traitements de


révision est important. Il implique en effet que l’activité dépende essentiellement de
facteurs métacognitifs. Ainsi, les difficultés rencontrées par les scripteurs pour
réviser peuvent aussi bien être liées à l’absence ou à la moindre efficience des
connaissances et des stratégies, qu’à une impossibilité métacognitive de coordonner
et contrôler stratégies et connaissances.

Ce modèle accorde une place majeure aux composantes métacognitives


d’analyse stratégique des produits, dépendant de processus de lecture et de
compréhension. Il relativise la frontière entre activité de compréhension et activité
de production. Il ouvre dès lors d’intéressantes perspectives en intégrant les
connaissances et opérations nécessaires à la révision dans un système cognitif
général, composé de registres mémoriels (notamment la mémoire à long terme et la
mémoire de travail). Ce type de modélisation dépasse la simple définition ou
description des processus pour s’interroger sur leur mode de fonctionnement dans un
système à capacité limitée, autrement dit, sur la nature et le coût des traitements
impliqués lors de l’activité rédactionnelle. Ce dernier aspect a d’ailleurs été plus
particulièrement étudié par les chercheurs au cours de ces dernières années.

2.4. Les modèles spécifiant les traitements : l’importance de la mémoire de


travail

2.4.1. Articulation des traitements en mémoire de travail : le modèle de Kellogg

Alors que Flower et Hayes (1980) avaient simplement évoqué le rôle des
contraintes imposées par l’empan limité de la mémoire à court terme dans la gestion
58 Production du langage

de l’activité de rédaction de texte, Kellogg (1996) a proposé un modèle précis des


relations entre les différents processus rédactionnels et les différents registres de la
mémoire de travail, tels que définis par Baddeley (1986).

Suivant la formalisation de Brown, McDonald, Brown et Carr (1988), Kellogg


(1996) distingue trois systèmes de traitement, nommés formulation (formulation),
exécution (execution) et contrôle (monitoring), composés chacun de deux processus
de base :
– la formulation comprend la planification (planning) et la traduction
linguistique (translating). Il s’agit globalement ici des mêmes processus (planning et
translating) que ceux décrits par Hayes et Flower (1980) ;
– l’exécution comprend la programmation (programming) et l’exécution
(executing) motrices du message. La représentation linguistique issue de la
composante de formulation est programmée préalablement à sa transcription, en
fonction du médium utilisé lors de l’émission finale (dactylographie, écriture
manuscrite) ;
– le contrôle implique la lecture du message (reading) et, éventuellement, une
nouvelle édition (editing) de celui-ci. Le premier processus permet de relire/vérifier
régulièrement le message, pendant et après son élaboration. L’édition détecte et
diagnostique les problèmes, puis édite une nouvelle version du message, une fois les
problèmes résolus.

Outre une définition et une architecture des processus rédactionnels, le modèle


de Kellogg postule des activations simultanées de la formulation, de l’exécution et
du contrôle, telles que les demandes imposées à la mémoire de travail ne dépassent
pas ses capacités limitées. Kellogg (1996) décrit très précisément les interactions
entre systèmes et processus de production et les composants de la mémoire de
travail :
– l’administrateur central jouerait un rôle fondamental et interviendrait
pratiquement lors de tous les processus rédactionnels (sauf le processus d’exécution,
largement automatisé, au moins chez le rédacteur expert) ;
– la boucle phonologique ne serait sollicitée que lors de l’activité des processus
de traduction et de lecture, processus mettant en jeu les dimensions linguistiques ;
– le calepin visuo-spatial serait seulement nécessaire pour la planification.
Kellogg (1996) justifie le recours à ce registre en avançant le fait que créer des idées
et les récupérer en mémoire à long terme peut nécessiter le recours à l’imagerie
mentale.

Selon Kellogg (1996), la mise en œuvre de la formulation serait la plus coûteuse


en mémoire de travail du fait qu’elle mobilise les processus de planification et de
Traduction linguistique. La question se pose du coût relatif en mémoire de travail
Modèles de la production verbale écrite 59

des autres composantes et de leur compétition éventuelle. Par exemple, le postulat


de Kellogg (1996) selon lequel la composante d’exécution est peu coûteuse n’est
sans doute recevable que chez le scripteur le plus expert. Dans le cas d’un scripteur
novice, il est plausible que les traitements graphomoteurs aient un coût et que, de ce
fait, ils gênent ou diffèrent l’application des traitements de planification, voire de
formulation (chapitre 7 de ce volume). En fait, si le modèle de Kellogg (1996) est
particulièrement pertinent pour rendre compte des relations entre la mémoire de
travail et les traitements rédactionnels, il reste limité pour décrire le rôle de cette
mémoire dans le développement des habiletés rédactionnelles. Certains modèles
alternatifs ou complémentaires peuvent alors être considérés. Ceux-ci discutent la
pertinence de l’association entre le modèle de Baddeley (1986) et les modèles de
production écrite.

2.4.2. Mémoire de travail et rédaction de textes : alternatives et évolution

Le modèle de Kellogg (1996) a fait l’objet de nombreuses validations


expérimentales afin de tester l’implication des registres mémoriels dans différents
processus ou au cours des différents traitements rédactionnels (Levy et Ransdell,
1996 ; voir aussi le chapitre 6 de cet ouvrage). Ce souci de validation devrait, à
terme, permettre de répondre à deux questions fondamentales. Le modèle de
mémoire de travail de Baddeley (1986) est-il pertinent pour rendre compte du
déroulement des traitements sous-tendant la production de textes ? Si oui, cela vaut-
il pour n’importe quels contexte et niveau d’expertise ? En effet, si le modèle de
Kellogg (1996) est particulièrement pertinent, des modèles alternatifs existent
(Alamargot et Chanquoy, 2001). Ces modèles reposent souvent sur une conception
de la mémoire de travail différente de celle qui a été décrite par Baddeley (1986).

Ainsi, pour expliquer l’accroissement de l’interactivité des processus


rédactionnels généralement constaté avec l’évolution de l’expertise (passage d’une
apparente encapsulation à l’interactivité des processus), McCutchen (1996) a repris
la théorie de la capacité, développée par Just et Carpenter (1992) dans le cadre de la
compréhension, pour l’appliquer à la production de textes. Cette adaptation permet à
l’auteur de rendre compte des relations entre mémoire et expertise rédactionnelle.
Dans ce cadre, l’automatisation par la pratique des processus graphomoteurs ou
d’accès au lexique permettrait de libérer des ressources cognitives alors allouables à
des processus de plus haut niveau, fortement contrôlés et susceptibles de fonctionner
en parallèle tant que les ressources du système cognitif ne sont pas dépassées.

Ainsi encore, les tentatives de rapprochement entre les modèles mémoriels


d’activation (Anderson, 1983) et les modèles de rédaction ouvrent d’intéressantes
perspectives pour rendre compte de la dynamique des processus, en fournissant une
explication fonctionnelle et contextuelle du déclenchement de ceux-ci. Van den
60 Production du langage

Bergh et Rijlaarsdam (1999) considèrent que le potentiel d’activation alloué à un


processus donné et permettant ou non son déclenchement fluctuerait tout au long de
la rédaction. Cette fluctuation serait liée à la nature de l’activité dans laquelle le
scripteur est engagé (par exemple, relire le texte augmenterait la probabilité de le
corriger) et modifierait les potentiels d’activation dans l’ensemble du système
cognitif, incluant les réseaux des connaissances impliquées dans l’activité
rédactionnelle.

Outre ces modèles alternatifs, Kellogg (1999) et McCutchen (2000) proposent


d’intégrer dans les modèles de production de textes, respectivement chez l’adulte et
chez l’enfant, le concept de mémoire de travail à long terme défini par Ericsson et
Kintsch (1995). La mémoire de travail à long terme y serait considérée comme un
registre hautement stratégique et intermédiaire entre la mémoire de travail et la
mémoire à long terme et permettrait au scripteur d’encoder, de récupérer et
d’utiliser, de manière économique tout au long de la rédaction, l’ensemble des
connaissances impliquées dans l’activité. Toutefois, ces propositions restent
spéculatives et n’ont pour la plupart pas été validées empiriquement. Cependant,
elles fournissent des données théoriques pour modéliser à la fois la dynamique des
traitements, en termes d’activation des processus, et le développement vers
l’expertise rédactionnelle, en termes de facilitation de l’accès aux connaissances et
d’automatisation de certains processus.

2.5. Conclusion : évolution des modèles de production écrite

L’objectif de ce chapitre était d’exposer les caractéristiques des principaux


modèles de production écrite. Cette présentation concernait essentiellement les
modèles procéduraux. Ces modèles, plus ou moins complémentaires, se focalisent
chacun sur un aspect particulier de l’activité rédactionnelle. Ainsi, le modèle de
Hayes et Flower (1980) permet de cerner les processus et connaissances du
rédacteur expert. Le modèle développemental de Berninger et Swanson (1994) vise
à expliquer l’apparition et l’intégration progressives des différents processus alors
que le modèle de Bereiter et Scardamalia (1987) analyse le développement plus
tardif du processus de planification et d’organisation du contenu du texte. Le
décours des traitements et les contraintes pesant sur ces traitements en mémoire de
travail sont abordés par Kellogg (1966, 1999) chez le rédacteur expert et par
McCutchen (1966, 2000) chez le rédacteur novice. Outre ces modèles généraux, des
formalisations plus spécialisées proposent d’expliciter l’architecture et le
fonctionnement, en termes d’opérations de traitement, de certains des processus
rédactionnels comme la planification (Flower et al., 1989 ; Hayes et Nash, 1996) ou
la révision (Flower et al., 1986).
Modèles de la production verbale écrite 61

Au regard de ce bilan, deux directions théoriques complémentaires devraient


guider l’évolution des modèles : la nécessité d’une précision plus importante dans la
description des processus de rédaction et de contrôle de celle-ci ; inversement, la
nécessité d’intégrer dans les modèles des dimensions plus larges ou plus générales
(en termes de connaissances, de processus ou encore de systèmes de traitements).

2.5.1. Une nécessité de précision

Alors que les processus de planification et de révision ont fait l’objet


d’approfondissements théoriques et de modélisations spécifiques, deux
composantes, pourtant centrales dans l’activité rédactionnelle, demeurent encore peu
définies : le processus de formulation (Translating) et le (ou les) processus
intervenant dans la gestion et le contrôle de la production (monitor).

Relativement à la formulation, alors que les traitements linguistiques sont à la


base même de la génération du texte, les modèles de rédaction sont encore peu
explicites sur les mécanismes qui permettent de transcrire une représentation
sémantique en phrases. Cet approfondissement du fonctionnement de ce processus
paraît d’autant plus important que son développement est central chez le jeune
scripteur (Berninger et Swanson, 1994 ; Fayol, 1997) et que sa mise en œuvre, ne
serait-ce qu’en termes d’accès au lexique, peut monopoliser une grande part des
ressources cognitives (voir chapitre 1 de ce volume).

De la même façon, le processus de gestion et de contrôle de l’activité


rédactionnelle (c’est-à-dire monitor chez Hayes et Flower, 1980) n’est pas
systématiquement considéré ou discuté dans les modèles de production de textes.
Or, la rédaction de textes est une activité dynamique, nécessitant le plus souvent un
mode de gestion contrôlé. En effet, la limitation des ressources de traitement
contraint la mise en œuvre des processus, par exemple en exigeant une application
séquentielle (plutôt que parallèle), voire en empêchant l’activation des processus les
plus coûteux (ou les moins automatisés). D’après Hayes et Flower (1980), l’instance
de contrôle (monitor) gérerait le déroulement et l’enchaînement des processus de
manière à éviter toute activation simultanée incompatible ou toute compétition.
Dans les autres modèles de production écrite, ce type de processus de contrôle et de
régulation de l’activité est rarement considéré. D’ailleurs, dans leur adaptation du
modèle de Hayes et Flower (1980), Berninger et Swanson (1994) nient l’existence
d’un tel processus de contrôle et proposent de le remplacer par une instance plus
générale et métacognitive, contrôlant l’ensemble du système cognitif. La question
reste donc ouverte de la nécessité et/ou du rôle d’une telle instance.
62 Production du langage

2.5.2. Une nécessité d’ouverture

Si le modèle de Hayes et Flower (1980) reste pertinent pour décrire le processus


général de production, il ne met pourtant l’accent que sur certaines dimensions de
l’activité rédactionnelle. Hayes (1996) a reconsidéré ce modèle, afin de rendre
compte de situations de rédaction plus diverses (écriture collaborative, rédaction via
ou à partir d’éléments imagés, etc.). Les processus rédactionnels classiques
(planification, formulation et révision) ont été intégrés dans des processus plus
vastes et plus génériques. Ainsi, la planification devient une composante d’un
processus réflexif (reflection) qui permet la transformation de connaissances en
d’autres types de connaissances (par déduction, induction, inférence, résolution de
problèmes, etc.). La formulation devient une composante du processus de
production de texte (text production), qui permet de composer le texte. En outre, ce
processus peut, selon l’auteur, aussi bien produire de l’écrit, de l’oral que des
graphismes. Enfin, la révision est assimilée à une activité plus générale
d’interprétation de texte (text interpretation).

Le point sans doute le plus intéressant de ce second modèle, à l’instar de celui de


Kellogg (1996), est qu’il situe clairement l’activité rédactionnelle dans un système
de traitement de l’information, en décrivant notamment le rôle de la mémoire de
travail et en précisant la nature et le rôle des différentes connaissances stockées en
mémoire à long terme.

Toutefois, intégrer les modèles de production de textes dans le cadre plus large
d’un système cognitif de traitement de l’information suppose également de préciser
les modalités d’exécution et de déroulement des traitements rédactionnels. Il s’agit
alors moins de décrire les processus (en termes d’opérations constitutives, par
exemple) que d’expliciter les modalités de leur fonctionnement en termes de
traitement séquentiels, parallèles, etc. A ce titre, l’approche symbolique classique,
assortie d’une conception séquentielle des traitements, constitue encore aujourd’hui
la base essentielle de la plupart des modèles de production écrite. La pertinence
d’autres modes ou principes de traitements comme les traitements parallèles,
connexionnistes, modularistes mérite cependant d’être envisagée, notamment pour
rendre compte du fonctionnement de processus rédactionnels dits « de bas niveaux »
comme la planification graphomotrice ou l’accès lexical. Le modèle de de
Beaugrande (1984), dit « d’interaction d’étapes parallèles » (parallel-stage
interaction model), peut être considéré comme un bon exemple de tentative de
modélisation alternative. Il s’agit d’un modèle à plusieurs niveaux (multilevel
model) qui donne la priorité aux différentes représentations mentales pouvant être
manipulées durant la composition. Le principal intérêt de ce modèle est d’envisager
que les différents processus rédactionnels fonctionnent plus ou moins simultanément
et sont surtout interpénétrables. Ainsi, le résultat d’un traitement à un niveau peut
modifier l’état de représentations d’autres niveaux. Ce modèle implique que le
Modèles de la production verbale écrite 63

scripteur habile puisse avoir un accès flexible à une vaste classe de représentations
mentales de l’état du texte actuel et à venir, aux conditions portant sur les plans du
texte, ainsi qu’à une structure de contrôle sophistiquée pour coordonner les
opérations sur ces différentes étapes.

Finalement, que les modèles de production de textes se spécialisent ou, au


contraire, qu’ils tendent à intégrer des dimensions plus larges, ils s’apparentent plus
à des descriptions, dont l’objectif est de circonscrire et délimiter les dimensions
d’une activité complexe, qu’à de véritables modèles pouvant faire l’objet
d’implémentations informatiques. Alors que la pertinence théorique d’un modèle est
largement déterminée par la possibilité de validations expérimentales qu’il offre, les
modèles de production écrite présentés ici n’ont pas ou peu fait l’objet
d’investigations empiriques a posteriori, systématiques et répétées. Confronter à
l’expérimentation ces modèles de production afin de les valider et/ou de les modifier
nécessite l’élaboration et la mise en œuvre de méthodologies adaptées à l’analyse
des phénomènes complexes. Les méthodes en temps réel (analyses des temps de
pauses, des temps de réaction, des mouvements oculaires en cours en rédaction),
alliées à l’analyse des produits rédigés, devraient permettre une évolution en ce sens.

2.6. Bibliographie

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