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FabLab, l’avant-garde de la nouvelle révolution industrielle(*)

(*) Titre d’un ouvrage de Fabien Eychenne de la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération)

Lorsque l’on s’intéresse à la technologie, on entend de plus en plus souvent parler d’objets connectés, de
systèmes embarqués, d’impression 3D, d’usines du futur, voire d’usines personnelles et quelquefois
même d’une nouvelle révolution industrielle.

De quoi peut-il s’agir ?

Vers la fin du XVIIIème siècle, il y eut une première révolution industrielle avec l’apparition des machines
à vapeur, puis ensuite celle des moteurs à explosion. Environ un siècle plus tard, l’arrivée de l’électricité
provoqua une deuxième révolution. Puis dans le dernier quart du XXème siècle, il y en eut une troisième,
avec la diffusion des technologies de l’information et de la communication et de l’informatisation en
général. Ce serait alors une quatrième ? Si c’était le cas, qu’est ce qui la caractériserait ?

En quoi les FabLab, qui sont de nouveaux lieux ressources, de rencontres    et d’échanges, participent à
cette révolution ?

Je vais essayer de caractériser les « évolutions technologiques » en cours, en prenant en compte


quelques critères qui englobent à la fois des aspects techniques, mais aussi des usages prévisibles et
quelquefois même des comportements induits.

Les 7 C
1) La complexité :
Un grand nombre de systèmes ou d’objets technologiques sont devenus pluri technologiques et
d’une complexité croissante. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’évolution de nos voitures,
qui de strictement mécaniques, se sont vu adjoindre de plus en plus de dispositifs électriques et
électroniques. Nous en sommes à envisager    demain de nous laisser véhiculer par des
automobiles sans conducteur.

Les éléments mécaniques, eux-mêmes d’une complexité croissante, sont pilotés par des cartes et
des composants électroniques, sur lesquels tournent des programmes basés sur des algorithmes
de plus en plus sophistiqués.

Cette complexité fait qu’il est de plus en plus difficile d’intervenir sur les systèmes, de les
maintenir en bon état de fonctionnement, et encore plus de les modifier pour les faire évoluer.
Ainsi seuls des professionnels, équipés et formés, sont en mesure de réaliser ces interventions
techniques.

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2) La convergence :
L’intégration des composants électroniques de plus en plus poussée, accompagnée
simultanément d’une augmentation des performances et d’une baisse des coûts, a permis la
généralisation des systèmes numériques.

Actuellement, certaines technologies, et notamment celles de l’électronique embarquée, de


l’informatique et des réseaux, sont de plus en plus convergentes.

C’est déjà le cas des techniques audio visuelles et de la téléphonie. En effet,    si hier, il fallait des
appareils différents pour enregistrer, stocker, transmettre et lire des textes, des sons, des images
et des vidéos, aujourd’hui, n’importe quel ordinateur, tablette ou smartphone fait tout cela très
facilement, sur un même support physique, ou sur un serveur délocalisé (cloud).

Demain, ce sera une grande partie des objets nous entourant que nous piloterons à partir de
notre tablette ou smartphone et qui interagiront. Notre voiture qui était partie se garer toute
seule, viendra nous chercher lorsque nous le lui demanderons. L’éclairage de notre maison se
mettra en marche au fur et à mesure que nous nous approcherons avec notre smartphone en
poche; le chauffage, ou la climatisation se mettra en route au moment optimum, lorsque nous
aurons signalé à notre voiture que nous allions rentrer.

Ces systèmes ou objets très différents, voiture, maison, smartphone, …,    intègrent dès à présent
des technologies proches, voire similaires.

3) La communication :
Grâce à ces technologies convergentes, nous pouvons communiquer entre nous par
l’intermédiaire de nos téléphones ou de nos ordinateurs, il y a d’ailleurs de moins en moins de
différences technologiques entre nos ordinateurs et nos smartphones, si ce n’est la taille et la
nature des IHM (Interface Homme Machine) : écrans tactiles ou non, claviers virtuels ou réels, les
capacités de stockage et les performances globales.

Nous pourrons communiquer avec des objets, voitures, maisons, robots, appareils
électroménagers, jouets, outils, … , pour leur donner des consignes et pour recevoir leurs
comptes rendus. Et les objets pourront également communiquer directement entre eux, pour se
transmettre des données, on parle alors de communication M2M (Machine to Machine).

4) La connexion :
Il est évident que pour communiquer entre eux, ces différents objets ou systèmes sont forcément
connectés. S’ils sont dans un environnement restreint et proche, il est possible de les faire
communiquer en utilisant des supports et des protocoles spécifiques. Pendant un certain temps,
de nombreux fabricants ont eu tendance à inventer des protocoles propriétaires. Mais de plus en
plus, c’est tout simplement à Internet que ces objets sont connectés, en utilisant les mêmes

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supports et protocoles que nos ordinateurs, tablettes et smartphones. Ce qui permet une
« universalité » des connexions et des communications.

Les connexions se font alors par câble, fibre optique ou par WiFi pour les objets ou systèmes
fixes, par WiFi ou LiFi pour les dispositifs peu mobiles ou à proximité d’une borne, et en 3G ou 4G
pour ceux dont la mobilité est grande.

Ainsi pour appeler notre voiture avec notre smartphone, pour qu’elle vienne nous chercher à la
fin d’un rendez-vous, nous passerons vraisemblablement par le réseau mobile (4G ou son futur
remplaçant). Alors que la box domotique sera reliée par de la fibre optique au réseau.

5) La consommation :
La maîtrise de la consommation électrique des systèmes numériques est de plus en plus
importante. Tout d’abord car les objets connectés mobiles nécessitent une alimentation par pile
ou batterie, et que la taille, le poids et l’autonomie des objets mobiles connectés sont des critères
essentiels. Mais aussi, dans une logique globale de maîtrise et d’économie de l’énergie, il est
nécessaire de réduire la consommation de chaque élément, d’autant plus que leur nombre est
grand.

C’est pour cela que les fabricants de microcontrôleurs ont développé des composants ultra low
power. Ainsi, certains microcontrôleurs 32bits consomment moins d’un µA (dans les modes de
fonctionnement appropriés), ce qui leur permettra de fonctionner durant plusieurs années,
alimentés par une simple pile bouton.

Les techniques de transmission sans fil évoluent également dans ce sens. Par exemple, bluetooth
LE (Low Energy) encore appelé bluetooth smart consomme 10 fois moins d’énergie pour des
débits équivalents.

6) La collaboration :
La complexité des systèmes implique une complémentarité entre les différentes personnes qui
les conçoivent et les développent. Il est donc indispensable que les ingénieurs mécaniciens,
électroniciens, informaticiens, ... collaborent pour mettre au point des systèmes innovants,
complexes et toujours plus performants.

Il est de plus en plus difficile, pour un entrepreneur isolé de développer et commercialiser de


nouveaux produits technologiques s’il ne dispose pas d’expertises pointues dans différents
domaines.

C’est une des raisons pour lesquelles se sont multipliés des lieux d’échanges et de partages soit
virtuels sur des sites thématiques et à travers des forums de discussion et d’entraide, soit
physiques à travers des FabLab.

Les FabLab sont des tiers lieux(*), souvent associatifs, où des professionnels et des non
professionnels se retrouvent pour échanger des idées et des compétences autour de projets
individuels ou communs.

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(*) les tiers lieux sont des lieux autres que les lieux de vie habituels : domicile, travail, ...

Dans un FabLab les ingrédients de base sont :

 la communauté qui le compose et donc les ressources en créativité, compétences, …


 les moyens de fabrication numériques : imprimante 3D, fraiseuses CNC (Computer
Numerical Control), découpe laser, …
 les moyens de prototypage de systèmes électroniques : cartes arduino, capteurs, petits
moteurs…, mais aussi appareils de mesure : oscilloscopes, analyseurs logiques (analyseurs de trame), …

En quelques années, les cartes de prototypage à microcontrôleur    comme les « arduino » sont
devenues incontournables. Elles sont utilisées dans un très grand nombre de développements
pour lesquels les performances recherchées ne sont pas spécifiques et critiques. A ce jour,
environ un million de cartes originales en été commercialisées, auxquelles il faut rajouter à peu
près deux fois autant de clones divers. Les principales raisons de ce succès sont que ces cartes
sont Open Hardware, peu chères, faciles à mettre en œuvre, et qu’il existe de très nombreuses
cartes filles (shield) pour diverses applications : Ethernet, Wifi, Bluetooth, GSM, commande de
moteurs, de relais, ...., elles sont quasiment devenues un standard. Il existe bien entendu de
nombreuses autres cartes à microcontrôleur, soit pour des usages généraux ou plus spécifiques,
mais à ce jour aucune d’entre elle n’a connu la même diffusion que les cartes arduino.

Ces cartes sont actuellement les composants électroniques de base de beaucoup de projets
techniques.

Une partie de ces projets sera diffusée et distribuée sous licences Open Source ou Open
Hardware (la licence Creative Commons : CC est de plus en plus souvent utilisée), d’autres seront
commercialisés sous des formes plus communes.

N.B.    La charte des FabLab encourage le partage sous licence ouverte.

7) La communauté :
Pour que les échanges et les partages puissent avoir lieu, il est indispensable qu’une
communauté existe. Cette communauté peut se créer à travers des échanges via des forums,
mais elle sera plus riche et plus forte si elle peut se fédérer et se rencontrer dans un tiers lieu, tel
qu’un FabLab.

Grace à ces communautés, il est aujourd’hui possible de se lancer dans le développement d’un
projet pluri technologique relativement complexe, même si on ne possède pas toutes les
compétences nécessaires.

Cela implique que l’on est prêt à partager et mettre à la disposition des autres membres de la
communauté, (au moins pour partie), les solutions techniques et les produits réalisés. Ce n’est
pas un fonctionnement habituel du monde industriel, même si de plus en plus d’entreprises

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proposent des produits libres (Open hardware / Open source). Dans ces cas l’accent est souvent
mis sur les services proposés et la réactivité concernant l’évolution et l’adaptation des produits.

Aujourd’hui nous sommes face à une situation ou un grand nombre de technologies sont matures, leurs
coûts ayant baissés, elles deviennent accessibles. Et même si leur complexité est croissante, leur mise en
œuvre est facilitée par les échanges et les partages que l’on peut trouver sur Internet ou dans des
FabLab.

Aussi, il me semble qu’il s’agit plutôt d’une somme d’évolutions qui conduit à une révolution des usages
et des pratiques, que d’une véritable révolution industrielle.

Dans un prochain article, je vais essayer d’illustrer cela en prenant trois exemples auxquels je m’intéresse
depuis quelques temps et dont les développements sont en plein essor : la domotique, l’impression 3D
et la robotique. Puis dans un troisième je proposerai quelques éléments de réflexion pour ce qui
concerne l’impact de ces évolutions sur l’acquisition et le développement des compétences
technologiques.

Guy SINNIG

Professeur d’électronique (Sciences industrielles de l'ingénieur option informatique et numérique) dans


l’académie d’Aix-Marseille.

Membre du L.A.B. (Laboratoire d’Aix-périmention et de Bidouille), Fab Lab d’Aix en Provence.

Pour toute remarque ou suggestion, n’hésitez pas à me contacter : guy.sinnig@ac-aix-marseille.fr

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Ceci est le résumé explicatif du code juridique (http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/legalcode)

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