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L’autre monde

Elle est dans une ruelle sombre, à l’abri de la foule malhonnête, des passants
moqueurs et des enfants criards. Une ruelle dans laquelle seuls les curieux osent
s’aventurer. Les gouttières encore pleines de rosée se déversent par petites gouttes
succinctes sur le sol pavé couvert de mousse. Les rayons de soleil, filtrés par les arbres,
donnent à ce lieu quelque chose de presque sanctuaire. Ce qui me persuade que même
un passant moqueur ou malhonnête aurait été touché en plein cœur par la poésie de cet
endroit hors du temps. Il suffit de humer l’air pour sentir un vent pur et frais revigorer nos
corps et soigner nos âmes.

Chaque pas nous éloigne de nos vies insipides et fâcheuses et nous rapproche de
cette autre dimension. Une dimension que tout être humain cherche par tous les moyens à
tâter du doigt. Ce monde parallèle loin de nos embarras ridicules, loin de ce tourbillon fou
et dénué du moindre sens. Se rapprocher de cette librairie, c’est se rapprocher de ce
monde si lointain mais si proche, si immense mais assez petit pour tenir dans un livre.
Goûter à ce lieu revient à goûter à la liberté même.

Ces pensées traversant les esprits, on accélère la cadence et on se retrouve


devant cette devanture si mystérieuse et accueillante. Les regards se posent sur les
vieilles et grandes pierres de l’édifice qui ont vu passer tant d’affaires et de temps. La
porte vernie d’un rouge éclatant se tient fière au milieu de cette devanture. Au-dessus, se
tient fièrement le grand écriteau. Tracé avec des lettres bleues, on lit le mot « Librairie .
N’y tenant plus, on pousse cette porte qui s’ouvre avec un doux grincement. Une fois à
l’intérieur, subjugué par l’aura de cet endroit hors du temps, on oublie de refermer la porte
si bien qu’elle va retrouver sa place brusquement non sans un grand bruit mais
qu’importe, là où on est, on ne l’entend pas.

Un pied devant l’autre, on s’approche des immenses étagères. On peut considérer


cet endroit comme un guide de vie à part entière. Lorsque notre main saisit un ouvrage,
c’est comme si elle tendait le bras vers un autre monde. Plus encore quand on le sent, et
qu’on laisse son parfum enivrer notre âme toute entière. Ce qui fait selon moi la beauté de
ce lieu est aussi son ambiance rassurante. Si bien qu’il peut s’écouler deux minutes
comme deux heures, le pouvoir de l’horloge n’existe pas ici. En entrant dans cette librairie,
le temps n’existe plus et laisse place au calme et à la volupté. Cependant je ne pense pas
me tromper en disant que cet endroit, bien que paisible, fait battre nos cœurs d’un
commun accord. On sent alors une force nouvelle se glisser dans notre sang. Un soudain
sentiment d’excitation réveille l’âme et transporte le cœur. Certains diront délire, moi je dis
liberté.

En entrouvrant le livre, les mots couchés sur le papier nous envoûtent dès les
premières lignes et le voyage commence enfin. Chaque syllabe possède sa musicalité
propre qui, mises ensemble, forment une véritable valse dans laquelle on se laisse
volontiers emporter. Le décor de la librairie s’efface pour se voir remplacé par un océan de
clarté pure. Cependant il faut refermer le livre, et régler au comptoir. On glisse alors ce
monde sous notre bras, n’attendant plus qu’une chose, y retourner.

Pour ma part je vois cette librairie comme une sorte de refuge. Peu importe
comment vous vous sentez, un livre saura toujours éclairer vos sentiments les plus
profonds. Il n’y a pas meilleur moyen de connaître un individu, sinon avec les livres qu’il lit.
Cet endroit doit rester inchangé malgré le temps et malgré les événements, son essence
ne doit jamais être altérée. C’est pourquoi ma librairie restera toujours la même : un repère
pour le monde entier. C’est cette philosophie que je partage. Chacun est le bienvenu, car
tout le monde a besoin de s’évader de ce monde terne. Et à mes yeux, le portail qui y
mène, c’est la librairie.

Quand on sort de la librairie et qu’on constate que les rayons du soleil ont laissés
place a la clarté de la lune, on sourit. On sourit parce que cette journée nous aura apporté
plus que n’importe quelle banale journée de labeur. Lorsque nos pas nous reconduisent
vers la grand-route, on hâte le pas, évite la foule de travailleurs pressés de rentrer chez
eux. Nous aussi nous sommes pressés de rentrer chez nous, mais pas pour dormir. Pour
se replonger dans cet autre monde jusqu’au petit matin.

Dalila Moutaïrou- Nicolas (16 ans)

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