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Georgiana Lungu-Badea
Alina Pelea
Mirela Pop
Timişoara
2010
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Esthétiques de la traduction
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Présentation
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Esthétiques de la traduction
Comités
Comité d’honneur
Comité scientifique
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Présentation
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Esthétiques de la traduction
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Présentation
premier degré est unique, non répétable, une activité artistique, totalement
originale.
Izabella Badiu propose une ébauche de l’état des lieux d’une éthique
roumaine de la traduction dans Traductions sur le marché. Éthiques multiples.
Elle considère qu’il serait préférable de se rapporter au contexte et de parler
d’éthiques au pluriel et non au singulier ; à ce sens elle retient comme
arguments deux traductions éloignées en style, genre et public : le texte
philosophique et le polar.
Avec L’ethos du traducteur, Irène Kristeva fait observer que les
modèles de traduction du XXe sont centrés sur le texte plutôt que sur la
langue, mais aussi que la traduction s’efforce néanmoins de préserver les
traces de l’original dans la langue-cible.
Dans Qu’est-ce qu’on sait quand on sait traduire ?, Marija Paprasarovski
se questionne sur les choix du traducteur : doit-il remplacer le créateur ou
rester soi-même ? Quelle éthique à suivre ? Celle du traducteur ? Celle de
l’enseignant ? Celle du traductologue ?
Eugenia Enache apporte quelques éclaircissements sur la difficulté de
traduire des textes juridiques et s’interroge sur le Devoir du traducteur du
texte de spécialité.
Alina Pelea analyse, dans La traduction pour enfants et son potentiel en
didactique de la traduction, des manières différentes d’exploiter la traduction
pour enfants et pour la jeunesse dans les trois premières années de
formation universitaire. Elle étudie l’impact que cette pratique
traductionnelle peut avoir dans la formation des apprentis traducteurs.
La Dynamique de la signification et le jeu des reformulations dans la
traduction d’ouvrages touristiques du roumain vers le français représentent les
objets d’étude de Mirela Pop qui examine, dans une lecture énonciative,
l’(in)adéquation des reformulations libres postulées par le sujet traduisant
en focalisant sur les transformations (quantitatives et/ou qualitatives)
subies par les contenus source sous la plume du traducteur professionnel.
Eugenia Arjoca-Ieremia s’intéresse au Rôle de la dérivation impropre
dans la traduction médicale du roumain vers le français et étudie Le cas des
adjectifs employés adverbialement dans les textes du domaine ophtalmologique.
Dans La traduction des documents audio-visuels: volet indispensable dans
la formation des traducteurs, Mariana Pitar propose que la formation du
traducteur des documents visuels soit orientée vers le spécifique de la
traduction visuelle et vers la formation des compétences techniques
nécessaires.
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Esthétiques de la traduction
Georgiana Lungu-Badea
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Esthétiques de la traduction
Jean-René LADMIRAL
Résumé : La traduction des œuvres littéraires pourra constituer un objet d’étude pour
plusieurs disciplines différentes mais convergentes : poétique de la traduction, stylistique,
sémiotique littéraire, rhétorique, littérature comparée, esthétique de la traduction, etc. ţ’est
pour une esthétique de la traduction que plaide J.-R. Ladmiral, parce que c’est une catégorie
plus générale ou au sein de laquelle pourront être intégrées les autres approches.
L’esthétique de la traduction prendra notamment pour objet le décalage que peuvent
connaître les genres littéraires entre cultures différentes, ce qui constitue un défi majeur
pour le traducteur littéraire. L’esthétique de la traduction en vient aussi à problématiser
l’immémoriale question du littéralisme. Enfin, dans le prolongement du domaine
proprement littéraire, J.-R. Ladmiral esquisse une esthétique générale des différentes
modalités de traduction.
Abstract : The translation of literary works may constitute the object of several, however
convergent subjects: the poetics of translation, stylistics, literary semiotics, rhetoric,
comparative literature, the aesthetics of translation, etc. J.-R. Ladmiral is in favour of the
aesthetics of translation, because this is a more general category within which the other
approaches may be integrated. The object of study of the aesthetics of translation will be the
difference that might appear between literary genres rooted in different cultures, which may
turn out to be a real challenge for s/he who translates literature. Thus, the aesthetics of
translation tackles the long-standing problem of literalism. Last, in connection with the
literary domain itself, J.-R. Ladmiral sketches a general aesthetics of various means of
translation.
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Esthétiques de la traduction
1 D’une façon générale, la problématique de l’explicitation qui est en jeu dans la dialectique
de l’écrit et de l’oral est à mes yeux un problème intéressant auquel il n’a guère été prêté
attention. Aussi ai-je abordé ce point dans plusieurs études, cf. notamment Ladmiral 2009a :
47-70, speciatim 63-66. Par ailleurs, la logique de l’explicitation joue aussi dans le sens opposé
de celui qui vient d’être indiqué, comme le montre le décalage entre la plénitude
désordonnée de ma conférence et le mode d’exposition propre aux pages qu’on va lire.
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Georgiana LUNGU-BADEA
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Esthétiques de la traduction
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2 S’agissant ici d'un texte synoptique, j’ai renoncé à illustrer mon propos des diverses
références qui le sous-tendent. Il y aurait fallu tout un « océan bibliographique ». Aussi ai-je
préféré m’en tenir à un « archipel » de quelques références limitées, quand il s’agissait
d’expliciter très directement un passage allusif de mon propos. Dans cette logique, j'ai été
conduit à ne citer quasiment que mes propres travaux, conformément à un usage de plus en
plus répandu dans les publications en sciences humaines — pratique qu’on pourra trouver
agaçante ...
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Esthétiques de la traduction
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Esthétiques de la traduction
la métrique qu’ils mettent en œuvre n’a pas d’équivalent pour nous. ţ’est
non seulement la métrique latine d’alors qui fait problème mais, plus
fondamentalement encore, la langue sur laquelle elle fait fond. L’hexamètre
dactylique est intraduisible tel quel, ne fût-ce que parce qu’il repose sur le
jeu de l’alternance des voyelles brèves et des voyelles longues propres au
latin classique, avant de s’être vue progressivement supplantée par la
dynamique de l’accent tonique. Sans parler de la différence fondamentale
entre la poésie germanique fondée sur des rythmes accentuels et la poésie
française « classique », qui repose sur les rimes et le nombre de pieds ...
Pour étiqueter ces problèmes qui touchent aux limites formelles de
la traduction, je reprendrai volontiers à mon compte un concept que
j’emprunte à notre collègue Georgiana Lungu-Badea et je parlerai de
culturèmes littéraires. Mais, en l’espèce, ces derniers nous confrontent
d’emblée à une échéance aporétique pour autant que ce qui est en cause,
c’est la forme du signifiant qui, à la lettre, est intraduisible (Ladmiral 2002 :
182). Mais alors que va-t-on pouvoir traduire ? Il ne peut s’agir de « garder
la forme » en général, et tout particulièrement ces formes et genres
littéraires. En passant d'une langue-culture à une autre, la forme est
irrémédiablement et totalement perdue : il faut en faire son deuil. Ce que la
traduction va pouvoir transmettre, c’est l'effet littéraire qu’était censé
produire cette forme. Les cas où on retrouve les mêmes formes dans deux
traditions littéraires parallèles sont des cas limites. D’une façon générale, on
pourra conclure provisoirement cet immense débat en invoquant l’idée
suggestive qu’a mise en avant Emilio Mattioli : la traduction des œuvres
littéraires implique qu’on traduise les poétiques qui ont présidé à leur
création ...
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Georgiana LUNGU-BADEA
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Esthétiques de la traduction
3 II y a là toute une problématique dont il ne peut être question ici, mais aussi une
incertitude de vocabulaire quant à la façon de désigner l'ensemble de ces modalités
de la traduction : Ladmiral 2007. Sur la typologie de la traduction : Reiss 2009.
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Esthétiques de la traduction
sensibilité. Sans entrer dans le détail, je dirai que Kant et moi, nous sommes
d’accord ! Je reprends à mon compte ce retour aux sources étymologiques
du concept pour ce qui est de ce que je viens d’appeler mon Esthétique
(générale) de la traduction (tout court) ; et si j’ai mis une majuscule à ce
mot, c’est pour connoter par un indice graphique ce glissement sémantique
(« archéo-néologique »), qui me permet de produire un concept
relativement nouveau.
S’agissant ici d’une conclusion, je m’en tiendrai à n’indiquer
qu’allusivement l’orientation de ma réflexion en cette affaire. Pour faire
simple, je dirai seulement que le plus important au cœur de mon Esthétique
de la traduction, c’est l'attention portée au ressenti langagier du texte — et
plus précisément des textes, c’est-à-dire du texte-source dont il convient
d'abord de faire une lecture-interprétation, et puis du texte-cible dont il
nous faudra contrôler la réexpression que nous avons cru devoir en faire
(Ladmiral 2004 et 2009c). En ce sens, ladite Esthétique de la traduction se
tient au plus près du vécu du traducteur (cf. Ladmiral 2005). Du même
coup, elle va à nous libérer de la tentation littéraliste, dont je tiens que c’est
une régression. J’y vois non seulement une régression idéologique au plan
de la théorie esthétique, ainsi que je l’ai indiqué plus haut. Mais c’est aussi
à mon sens le plus souvent une régression plus élémentaire, qui consiste à
traduire mot à mot quand on n’a pas bien compris le texte-source ! comme
si on tenait là un lambeau de vérité et comme si on pouvait ainsi tromper
son monde, alors qu’on perd ainsi sur les deux tableaux et que ce cache-
misère n’en est pas un mais ne fait au contraire qu’exhiber une insuffisance.
Et pour conclure ma conclusion, je voudrais donner à ma
généralisation de l'esthétique de la traduction l’ampleur d’un enseignement
philosophique. La grande leçon qu’il y a lieu de tirer de notre travail, c’est
qu’il convient d’assumer la subjectivité. D’une façon générale, je plaide
pour une re-subjectivation de la pensée au sein des sciences humaines : a
fortiori en va-t-il ainsi de la traduction et de la traductologie. À cet égard, le
littéralisme des sourciers fait à mes yeux figure de dénégation du sujet de la
traduction, de dénégation de leur propre subjectivité. Un peu comme s'ils
voulaient se débarrasser d’eux-mêmes ! mais faut-il rappeler qu’où qu’on
aille, on s’emmène toujours avec soi ... Ţien plus, la désubjectivation
implicite dont ils sont paradoxalement les vecteurs n’est au bout du compte
qu’un avatar malheureux du positivisme, qui constitue l'idéologie
dominante et partiellement inaperçue de la modernité en crise. Qui eût cru
que ce dût être à cette activité modestement ancillaire de la traduction qu'il
revenait de nous indiquer l’horizon d’un malaise dans la civilisation dont il
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Georgiana LUNGU-BADEA
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception
Sauvetage de l’étrangeté et / ou consentement à la perte
Georgiana LUNGU-BADEA
Abstract : Our primary aim in this article is to evoke Jauss’ esthetics of reception so that we
should (re)situate the translator in what we might call the esthetics of translation reception
adjusted by the translator. To this purpose, we shall try to distinguish direct reception (of
the receptor-translator and the source-reader) from “indirect” reception (of the target-
reader). From the perspective of various dichotomies, three- and four-parts classifications,
we identify four types of entropic agreements – determined, more or less, by linguistic
hospitality or by the desire to translate. These agreements inevitably influence the esthetics
(of betrayal/fidelity) of the translated work. In order to illustrate the essential role played by
the translator in the process of reception, we exemplify the esthetic differences by
mentioning a number of Romanian translations
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
1. Introduction
1 Tout comme elle l’était lorsque bon nombre de traducteurs y avaient recours à la
suggestion de leurs mécènes princiers ou ecclésiastiques.
2 Grosso modo : sourcière, salvatrice de l’étrangeté, et cibliste, consentant à la perte,
lorsqu'il s'agit des Écritures saintes, où l’ordre même des mots renferme quelque
mystère, je ne m’attache point à rendre mot pour mot, et que je me borne à rendre
le sens de l’auteur. En cela, j’ai pour guide ţicéron [...]. ţe n’est point ici le lieu de
montrer combien il a omis de choses, combien il en a ajouté, combien il en a
changé, afin d’accommoder les expressions d’une langue aux expressions de
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Georgiana LUNGU-BADEA
l’autre. » (Jérôme 1837, 149). Jérôme ne fait que perpétuer la stratégie prônée par
son maître d’esprit, ţicéron, qui, dans la préface des oraisons d’Eschine et
Démosthène, avoue les avoir traduites « non pas en interprète, mais en orateur,
conservant les pensées et leurs différentes formes, employant les figures et les
termes propres au génie de notre langue ; je n’ai pas cru que ce fût une nécessité de
rendre mot pour mot, mais j’ai voulu reproduire tout le caractère, toute la force des
expressions. Il m’a semblé que je devais au lecteur, non pas de compter, mais de
peser les mots.» (ţicéron cité par Jérôme 1837, 150). Et il conclut en nous révélant
ses espoirs de reproduire les discours : « en conservant toutes les beautés qu’ils
offrent, c’est-à-dire, les pensées, les figures, l’ordre des choses, et en ne m’attachant
aux expressions qu'autant qu'elles peuvent s'accommoder aux usages de notre
langue. Si toutes ne se trouvent pas traduites, je me suis efforcé, du moins, d’en
rendre l’esprit. » (ţicéron cité par Jérôme 1837, 150)
4 Parole orgueilleusement nommée la sienne (soit qu’il s’agisse de celle de l’auteur
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
Lettre 749 à Ernest Feydeau, 1858, 615). Surtout lorsque « à chaque ligne, à
chaque mot, la langue – avoue Flaubert – me manque et l’insuffisance du
vocabulaire est telle que je suis forcé de changer des détails très souvent.
(id. Lettre 793 à Ernest Feydeau, 19 décembre 1858, 646).
ţonfesser ses affres d’écrivain, ce n’est guère tolérer celles du
traducteur. Même si, devant trouver la note juste d’autrui, la tâche du
traducteur semble être au moins aussi rude (sinon plus exigeante) que celle
de l’écrivain. À ces fins, le traducteur recourt à une double traduction,
permanente, et évite de se trouver en disette de propos dans sa langue
(langue-cible). Plus qu’un passeur de frontières, linguistiques, culturelles,
etc., le traducteur est un funambule. Et la corde (la traduction), sur laquelle
il danse, est tendue au-dessus d’un abîme qui sépare plutôt le dicible de
l’auteur et celui du traducteur que la beauté (qui n’est pas toujours
fausseté) et la laideur (n’étant pas non plus une garantie de fidélité) du
texte traduit ; une corde qui (dés-)unit simultanément les deux maîtres5 du
traducteur : l’auteur6 et le lecteur7-cible.
ţ’est dans un contexte pareil que naissent l’idée de l’esthétique de
la beauté des traductions (incluant l’idée de la forme de la Ţeauté qui
détermine le discours traductionnel, cf. Griener 1998, 54) et l’idée d’une
esthétique de la réception accommodée par le traducteur. On pourrait, bien
sûr, envisager une esthétique de leur laideur, tout comme on pourrait se
situer à mi-chemin. Mais, au-delà de grandes oppositions telles que :
esthétique (signe) – poétique (signifiance, cf. Meschonnic 2004, 17) ou
esthétique (signe) – éthique (sens), chacun de ces termes constitutifs se
fonde sur un clivage : beau-laid (esthétique) ; correct-incorrect (éthique) ;
ou technè-praxis (poétique). Il faudrait donc établir si ces clivages dirigent
toujours l’appréciation qualitative / quantitative des traductions et
l’évaluation de la fidélité / du rapport du traducteur face aux instances
intervenant dans les processus de création et réception.
Ce ne sont pas que les critères idéologiques, politiques, sociaux,
artistiques qui imposent au traducteur l’arsenal à exploiter pour obtenir
une traduction exotique (sauvegardant l’étrangeté) ou hypertextuelle
(consentant à la perte). ţ’est l’analyse systémique de l’« étrangeté » en tant
texte étranger.
7 Par cela, ici, il faut comprendre son concitoyen / compatriote, sa langue
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
façon), modifié aussi peu que possible pour des raisons bien justifiées.
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10Un désir inconscient qui ne respecte ni l’auteur ni son texte. Un désir conscient
de ne pas traduire, par amour pour la langue-source, mènerait à la préservation
des éléments lexicaux d’origine, à vocation exotique.
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
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Georgiana LUNGU-BADEA
11 Selon Ricœur (2004, 46), il y a trois types d’unités : les mots, les phrases, les
textes.
12 Dans l’acception développée dans Le Monolinguisme de l’autre (1996).
13 Voir ci-dessus 2.1. Le consentement à la perte.
14 Il est également lecteur-source par rapport à l’écrivain et auteur de second degré
restitution des idées (du sens) plutôt que des mots : « les idées rest[a]nt les
mêmes », il ne jugeait pas « nécessaire de rendre mot pour mot », « comme le ferait
un interprète maladroit. » (In : Jérôme 1837).
16 Dans la foulée de ţicéron et confirmant la primauté de l'esprit sur la lettre,
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
Une autre question que nous nous sommes posée concerne le rapport
insécable trahison-fidélité – envers le texte, l’auteur, les langues source et
cible, etc. Il faudrait en outre – et c’est essentiel pour cette analyse
traductologique – établir le statut de la trahison : n’est-elle que la
défaillance de la traduction ? Or, cette défaillance est la responsabilité
paritaire de la trahison et la fidélité ? Le terme traduction est en lui-même
déjà « significatif du phénomène sociosémiotique en cause aussi bien pour
l’importation de littérature » (française, en l’occurrence, cf. Gouanvic 1999,
7) dans le champ littéraire cible (roumain, ici), que pour l’importation de
modèles, canons, etc. La pratique traductionnelle montre que traduire est,
pourrait-on dire, le contraire d’une traduction littérale, donc d’une
littéralité syntaxique17. Et cela parce que les traducteurs roumains, surtout
au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, ont estimé – dans
« la bonne tradition » du non respect du droit de propriété littéraire et
intellectuelle, héritée des siècles passés – qu’il convenait de faire table rase
de toutes les caractéristiques sourcières pour donner une impulsion à la
littérature traduisante. Dans la tradition (antagonique) du respect de
l’Autre (du plus fort, ici des littératures dominantes), certains traducteurs
ont proclamé le caractère spécifique de la littérature à traduire (française)
par rapport à tous les genres existant déjà dans la littérature roumaine cible
et lui ont reconnu, par traduction directe ou par « traduction de
traduction », le rôle de ferment et d’intermédiaire dans l’importation des
littératures d’ailleurs. Il s’agit donc des morales d’intention. ţette
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Georgiana LUNGU-BADEA
18 ţ’est déjà trop, car traduire l’interprétation d’un traducteur, donc un Tţ, c’est
faire l’exégèse de ce texte-là et non pas celle du TS. L’apparition d’une troisième
langue dans la relation de traduction représente la refonte de l’intention de la
première culture traduisante qu’on ne peut pas minimiser.
19 Y compris toutes les formes déformantes dans l’acception bermanienne.
20 « La littéralité sémantique d’un texte est toujours la littéralité d’un contexte
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
21 Par fidélité complète nous comprenons le respect de toutes les instances qui
interviennent dans la création et la réception d’une œuvre littéraire.
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Conclusion
Bibliographie
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Georgiana LUNGU-BADEA
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Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception Sauvetage …
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Quelques réflexions sur certains des enjeux de la traduction :
entre théorie et pratique
Estelle VARIOT
Résumé : Le but de notre intervention est de présenter certains des objectifs de la traduction
et du traducteur, en se fondant sur une pratique quelque peu diversifiée. Elle tente
également de mettre en avant l’intérêt de la traduction comme méthode de travail
contribuant à son niveau, par les interrogations qu’elle suscite, les critères qu’elle utilise et le
message qu’elle transmet ou tente de transmettre, à une meilleure connaissance des langues
et de l’environnement socioculturel de ses locuteurs.
Abstract :Our intervention tends to present what the translation or the translator aims to do,
by a practice somewhat diversified. It also aims at underlining the interest of translation as a
method which contributes, at its level, owing to the interrogations that it generates, the
criterions that it uses and the message it transmits or tries to transmit, to a better
understanding of languages and of the socio-cultural environment of its speakers.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
comme une réécriture car le passage d’une langue à une autre entraîne des
changements notables dans la forme et une très / trop grande reprise au
compte du traducteur de l’œuvre originale. ţela se produit dans le cas où
en privilégiant, je dirais presque à l’excès, l’harmonie ou la vision culturelle
et linguistique qui entoure la langue-cible, le traducteur ne maintient plus
les caractéristiques propres à l’œuvre originale. Si l’on pousse le
raisonnement encore plus loin, l’on passe d’une opération littéraire à une
opération artistique mais l’on peut se demander si l’on est face à une
traduction ou bien à une (totale) recréation. Tout ceci fait intervenir, on le
voit bien, la sensibilité de chacune des personnes qui interviennent dans le
processus, depuis l’auteur de l’œuvre originale, jusqu’au traducteur (ou au
groupe de traducteurs), sans oublier les réviseurs qui peuvent être des tiers
et qui ajoutent une nuance au texte, le personnalise, volontairement ou pas.
On constate également que, quel que soit le domaine dans lequel on
traduit, certaines constantes semblent de mise, de façon à obtenir une
variante qui soit acceptable, par son respect du sens initial, euphonique et
esthétique. Ainsi, les tenants du maintien de « l’enveloppe » originale (la
forme, les vers poétiques, la structuration du vers, le nombre de pieds ou
les rimes, entre autres) seront confrontés à ceux qui prônent le respect du
sens et donc du fond (l’information transmise, la richesse des mots, leur
racine). Toutefois, cette opposition est à bien des égards difficile à
maintenir de manière aussi « carrée » car, dans de nombreux cas, forme et
fond vont de pair (ainsi, la richesse lexicale concourt à l’esthétique du vers
ou de la phrase par exemple).
Il est bien évident que la (ou les) traduction(s) varie(nt) en fonction
de chacun, traducteur, critique, lecteur, en particulier, et que n’est pas poète
qui veut. Il en est certains pour qui c’est inné et d’autres qui développent
cet art par une pratique plus ou moins assidue et y prennent de plus en
plus goût. Dans tous les cas, cela nécessite travail et rigueur, si l’on veut
parvenir à un ensemble harmonieux. Il nous semble, par ailleurs, que la
traduction évolue au fil du temps et qu’en reprenant les textes et les auteurs
(d’autant plus si on a la chance de pouvoir être en contact avec ceux-ci), on
peut aboutir à une variante relativement finalisée. ţelle-ci sera forcément
différente de la forme initiale puisque chaque langue correspond à une
vision donnée d’un peuple (Atelier. Traduciton et Plurilinguisme, 14/2005) ;
néanmoins, elle correspondra progressivement à une vision particulière
d’une autre communauté, celle du traducteur qui utilise sa perception et sa
propre expérience pour tenter de faire passer au mieux le message originel.
44
Muguraş ţONSTANTINESţU
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1
Linguiste et dialectologue, mon Directeur de thèse, décédé depuis peu.
48
Muguraş ţONSTANTINESţU
fait des traductions techniques), puisque j’ai traduit les notes de V. Rusu.
Celles-ci consistaient en des précisions, des ajouts et des mises à jour
bibliographiques de l’ouvrage de Densuşianu. ţet auteur particulièrement
important pour la philologie roumaine s’est attaché à décrire l’évolution du
roumain des origines jusqu’au XVIe siècle, en mettant en évidence les
différents éléments qui ont contribué à son modelage (élément autochtone,
latin, slave, influences orientales), en décrivant les particularités des
premiers textes roumains des points de vue morphologique, phonétique,
sémantique entre autres et en présentant leurs évolutions en roumain
moderne.
Un second ouvrage me semble pertinent à mentionner de par son
titre, sa composition et sa présentation, et par la personnalité de son
auteur : Mic dicţionar folkloric [Petit dictionnaire folklorique] de Tache
Papahagi, et je vais m’en expliquer.
Papahagi2, qui connaissait lui-même de nombreuses langues, insiste
sur la notion de folklore qui permet, de son point de vue, de connaître
réellement un peuple, car le folklore émane de celui-ci et transmet des
valeurs et des coutumes ancestrales qui trouvent des connexions, des liens,
des divergences ou des convergences au gré des lieux, des pays et des
continents, par le biais des citations utilisées et laissées en langue originale,
avec en parallèle leur traduction. Les 101 thèmes traités dans l’ouvrage
illustrent cette richesse du fonds folklorique roumain et participent à ce que
nous pensons être un patrimoine commun qu’il est nécessaire de
sauvegarder, d’autant plus quand il est issu de variétés de langues peu
usitées ou disposant de peu de locuteurs. Dans la traduction d’un ouvrage
technique tel que celui-ci, qui se présente sous la forme d’un dictionnaire, il
est apparu nécessaire de maintenir certains éléments dans la langue
d’origine telles que les entrées et nous avons cherché un équivalent pour
chacune d’elles en français. L’ordre d’apparition a été conservé afin de
maintenir la cohésion de l’œuvre qui révélait également le cheminement de
la pensée de l’auteur.
49
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Références bibliographiques
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Muguraş CONSTANTINESCU
Abstract : Translation criticism, the equivalent of literary criticism in the history and theory
of translation, though convincingly put forward by Antoine Berman as a discipline in its
own right, has not yet acquired a real existence in the practice of literary journals or
magazines. Reflections on translation have offered some landmarks, illustrations, even
directions, but they have never got very far. In exchange, we can find all around and along
the borderland of this not yet fully-fledged discipline, a series of forms and practices of
analysis and evaluation of the translated text as contrasted to the original and the other
versions, like commentary or chronicle, which pave the way for its development. By means of
exegeses or studies, which have originally been doctoral theses, translation criticism is
thoroughly taken into account. In the present article, the author aims at analyzing several
practices on the fringes of translation criticism in the Romanian (French-speaking) literary
and academic world, in order to enlighten this important and (de)valorizing phenomenon
for both translation and the translator.
55
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
56
Muguraş ţONSTANTINESţU
57
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
sans doute, à un public plus large et plus pressé que celui de la presse
littéraire.
Le problème plus récent des blogues, où l’on peut trouver des
commentaires et allusions à des traductions et à la manière de traduire est à
prendre en compte avec la réserve que là nous avons affaire à une forte
subjectivité et, en général, à un manque de systématisation + systématicité.
En revenant à la réflexion traductologique, plusieurs noms et idées
sont à retenir.
Dans son ouvrage sur les possibilités et les limites de la critique des
traductions, Katharina Reiss (2002) parle tantôt de « critique constructive
des traductions » (18), tantôt de « l’objectivité» et de la « pertinence » de
cette critique (18). Pour elle, la critique des traductions doit « constater
objectivement […] si la traduction restitue pleinement en langue-cible le
contenu du texte-source » (18) ; la traductologue allemande réclame dans
l’esprit d’une critique constructive que les « critiques ponctuelles des choix
faits par le traducteur soient assorties d’une contre-proposition » (18). Et,
comme trop souvent, la tendance dans le jugement des traductions est d’en
relever les fautes, Reiss exige de la part d’une critique fondée sur la
comparaison avec l’original la mise en lumière des bonnes solutions et la
motivation convaincante des appréciations, fondées sur des « critères
solides et objectifs » (31).
Pour elle, le véritable traducteur se doit de transmettre en langue-
cible le vouloir-dire de l’auteur « de manière vivante et naturelle » de
réaliser ce qu’on appelle une « traduction normale », c’est-à-dire
« l’opération par laquelle on tente d’élaborer en langue-cible un texte
équivalent au texte-source sans rien retrancher, sans rien ajouter ni distordre »
(33, nous soulignons).
En ce qui concerne l’idée d’une « critique objective », Reiss la
comprend comme la critique qui refuse l’arbitraire des appréciations et est
pratiquée par quelqu’un qui a le devoir « d’expliciter les raisons de toute
appréciation, positive ou négative, et d’étayer son propos par des
exemples » (16). Sur ce dernier point, la traductologue allemande insiste sur
la nécessite d’assortir la critique négative d’une proposition de solution
meilleure.
Pour pouvoir parler d’une « critique pertinente des traductions »
(79), Reiss exige des critères objectifs et une nette distinction entre critique
des textes et critique des traductions. Mais, selon sa vision de la traduction,
où le but, le « skopos » est déterminant, cette armature de normes et
principes sera, en fait, modulée en fonction du but et du destinataire de la
58
Muguraş ţONSTANTINESţU
59
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
60
Muguraş ţONSTANTINESţU
polytraducteur, quels sont les ouvrages qu’il a déjà traduits, s’il a écrit sur
les ouvres traduites, s’il a écrit sur sa pratique de traducteur. Dans cette
esquisse de méthode entre également la connaissance de la position
traductive – sorte de compromis entre la pulsion de traduire, la tâche de la
traduction, la manière dont le traducteur internalise le discours ambiant sur
le traduire – le projet de traduction et l’horizon du traducteur. Si le projet
de traduction concerne le mode de traduire – anthologie ou recueil entier,
édition bilingue ou monolingue, édition avec ou sans paratexte – l’horizon
du traducteur concerne les paramètres langagiers, littéraires, culturels et
historiques qui déterminent le sentir, l’agir et le penser du traducteur.
L’étape décisive reste pour Ţerman l’étape concrète de la
confrontation de l’original et de sa traduction ; elle doit opérer sur
plusieurs modes : confrontation des passages sélectionnés dans l’original
avec le « rendu » de la traduction, la confrontation inverse entre des zones
textuelles problématiques ou accomplies de la traduction avec l’original,
confrontation avec d’autres traductions et confrontation de la traduction
avec son projet.
L’évaluation de la traduction va se faire en termes de poétique – le
traducteur doit réaliser un travail textuel et produire une œuvre véritable –
et éthique – le traducteur doit respecter l’original.
Mais ce que Ţerman nous propose est une analyse de spécialiste,
adressée d’abord aux spécialistes, et moins, à notre avis, aux traducteurs-
praticiens et moins encore au lecteur d’œuvres étrangères. La critique des
traductions, publiable dans la presse littéraire, ce qu’on appelle une critique
d’accueil, ne peut pas être si fouillée, si étendue, si spécialisée.
Dans un ouvrage de synthèse comme celui de Michaël Oustinoff
(2007) sur la traduction, la critique a sa place, restreinte comme dans la
pratique et les 3-4 pages qui lui sont dédiées suivent les idées de Ţerman et
de Meschonnic : « Meschonnic parle de "traduction-texte" : comme il existe
une critique des textes, il doit y avoir une critique des traductions. » (2007,
63). Oustinoff (2007, 63-65) reconnaît la nécessité d’une critique et son rôle
de trier et d’ordonner devant la masse colossale des traductions, en
commençant déjà par le XIXe siècle et illustre l’existence de la critique par
quelques exemples récents, dont les articles sur les nombreuses traductions
et trahisons de Stendhal en ţhine. ţ’est l’occasion pour l’auteur de mettre
en relation le phénomène de la retraduction et la critique des traductions,
d’évoquer le débat à l’échelle nationale, provoqué en France par la
traduction « radicalement nouvelle » de Dostoïevski par André Markowicz
(65).
61
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1 « […] Idei in dialog, unde sus in o cronic a traducerilor, ceea ce este ambi ios dintr-un
singur punct de vedere: pân acum nu a mai existat aşa ceva ».
62
Muguraş ţONSTANTINESţU
2 În general, de traducere nu se pomenea aproape deloc sau se pomenea atunci când era
vorba de o traducere scandalos de proast . Acum îns , eu încerc s fac o „şurub rie” pur
tehnic în planul traducerii, încerc s demontez textul şi s v d ce este bine şi mai pu in bine
în felul în care a fost el t lm cit. Nu prescriu re ete, nu vreau s stârnesc animozit i în
breasl […]. Vreau s lansez nişte nume noi de traduc tori, cei care merit gira i, vreau s
tai din „mo ” celor care nu-şi cunosc limitele şi care colaboreaz nepermis, stânjenitor, cu
autorul, vreau s încheg un soi de cronic a traducerii şi doar a traducerii unei c r i. ţonstat
cu pl cere c are efect acest demers, pentru c am vorbit cu universitari din Ţucureşti care
deja folosesc texte de acolo pentru observa ii în câmpul traducerii, care deja dau exemple
din modul în care se face o cronic a traducerii.
63
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
3« …am sim it cum mi se taie r suflarea: eram în fa a unei excep ionale traduceri de poezie
veche, cu teribile exigen e legate de un lexic şi o sintax arhaizante, de forme prozodice fixe,
şi care devenise totodat – aşa cum se întâmpl cu orice traducere excep ional – un
monument de limb şi de poezie român . »
4« Originalul era acolo, îi sim eai b t ile inimii, dar nu mai pu in vie era şi prezen a noii
rostiri poetice româneşti, legat de cea francez şi totodat autarhic , existând ca oper în
sine. »
64
Muguraş ţONSTANTINESţU
65
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
poèmes de Poe, mais ne les re-créent pas dans l’espace culturel de la langue
française.
Leur attitude exprime, sans doute, un grand scepticisme envers les
possibilités de la traduction poétique et néglige le fait que l’espace culturel
d’une langue est un « terrain de virtualités » (p. 25) et qu’au moins pour les
langues ayant la même origine ou une assez proche il n’y a pas de forme
littéraire qui ne puisse être transportée d’une langue à l’autre.
Traduire Poe, soutient le traducteur-poète-essayiste, ne signifie pas
nécessairement imiter au plus près sa versification, mais réaliser dans la
langue traduisante la même différence d’expression, le même effort
d’individualisation que Poe a réalisé dans sa langue maternelle.
ţes quelques exemples tirés de la presse littéraire, de la réflexion
traductologique ou universitaire, de l’essai, nous montrent que ces
pratiques placées sous le signe du non-systématique, du manque de
méthode rigoureuse, du mélange original / traduction, marquées, en
général par la personnalité, l’expérience et la formation de leur auteur
constituent une forme de critique des traductions, critiquée et critiquable
mais tout aussi nécessaire, justifiée et justifiable.
La situation déplorée par Irina Mavrodin, concernant l’absence et la
superficialité des chroniques des traductions, situation valable en 1967,
année de la parution de la version de Hodoş, en 2007, année de la rédaction
de l’article par Irina Mavrodin, n’a pas beaucoup changé et dans ce cas il
importe d’inventorier même des articles sporadiques et des commentaires,
analyses et réflexions qui se trouvent en marge de la critique scientifique,
technique de la traduction, tout en lui assurant un terrain favorable pour
son émergence réelle. Si l’histoire de la traduction, assez mince elle aussi, a
réussi finalement à faire reconnaître ses lettres de noblesse générique, tout
en se trouvant dans un grand décalage par rapport à l’histoire de la
littérature, la critique des traductions, marquée pour ne pas dire
stigmatisée par sa double secondarité, met du temps à se faire reconnaître
comme genre à part entière et pour cela toute bribe, tout fragment se
trouvant dans son entourage mérite attention et intérêt.
Références bibliographiques
66
Muguraş ţONSTANTINESţU
67
De l’esthétique vers l’éthique dans la traduction. L’idiolecte
du traducteur, le contrat de lecture et « autres plaisirs
minuscules »
Magdalena MITURA
Résumé : La traduction d’un texte littéraire présuppose un travail de réécriture. Son résultat
comporte donc inévitablement les traces de la réalisation subjective du nouveau projet
poétique effectué par le traducteur. L’objectif du présent article est de montrer de quelle
manière les choix récurrents du traducteur concernant l’emploi des pronoms personnels, la
cohésion inter- et intraphrastique, ainsi que le transfert des éléments socioculturels
modifient le pacte énonciatif noué entre l’auteur de l’original et le lecteur imprimé dans le
texte. L’évaluation finale du texte-cible s’opère en fonction des critères proposés par Antoine
Ţerman qui sont la poéticité et l’éthicité.
Abstract : Translation of a literary text presupposes the repetition of the creative act.
Therefore, its result inevitably shows traces of the translator’s subjective approach in the
new artistic project. The objective of this paper is to present how the recurring choices made
by the translator with regard to personal pronouns, inter- and intra-phrasal cohesion, as
well as transfer of social and cultural elements, affect communication between the author of
the original work and projected reader of the text. Final evaluation of the target text is based
on criteria suggested by Antoine Berman that is poeticity and ethicity.
Introduction
69
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1 L. Hewson (1995, 151) envisage ainsi l’apport du lecteur à la traduction : « [...] son
rôle ne se limite pas à incarner l’aboutissement pur et simple d’une opération
préalable, mais signifie le début d’un nouveau processus, où il engage sa propre
subjectivité dans une activité qui est productrice de la signification. ».
2 Nous reprenons le terme contrat de lecture de l’étude de M. Morel qui le définit
70
Muguraş ţONSTANTINESţU
Après, on fait glisser les boules d’un seul doigt. [...] Parfois, on a envie de la
croquer. [...] Alors on parle à petits coups [...]. De temps en temps, on relève
la tête […]. On parle de travail, de projets, de fatigue […].[…] On passe les
71
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
mains dans les boules écossées qui remplissent le saladier. ţ’est doux ; [...]
l’on s’étonne de ne pas avoir les mains mouillées. (14)3
Rappelons que le pronom personnel on est une forme très riche
sémantiquement parce qu’elle focalise plusieurs référents potentiels sous
forme d’un seul signifiant. En fonction du contexte elle peut représenter
toutes les personnes du discours au sens benvenistien du terme (cf.
Benveniste 1990, 225-236) : je, tu, nous, vous ainsi que les non-personnes
dans leurs emplois génériques ils, elles. Vu la caractéristique stylistique
analysée, il est intéressant de signaler que Harald Weinrich (1989, 78-79)
attribue au pronom on une fonction de neutralisation des « trois
communicants : locuteur vs. auditeurs vs. référent » impliqués dans la
situation de communication car « [...] la situation de communication est
souvent telle que cette imprécision est non seulement tolérée, mais encore
peut être bienvenue aux locuteurs [...] ». En plus, le linguiste fait remarquer
que « [...] l’art d’employer on fait partie de la compétence linguistique dans
l’éventail des nuances ».
À la lumière des observations ci-dessus, il devient évident que par
le biais de cette forme grammaticale l’auteur transcrit une esthétique toute
particulière à la réalité évoquée ou plutôt réveillée dans les souvenirs
communs. Le pronom personnel on traduit une connivence des expériences
partagées avec le lecteur auquel pourtant la place est faite d’une manière
nuancée.
L’absence d’un tel pronom dans le système de la langue polonaise4
rend pratiquement impossible la restitution du réseau aussi fin des
relations énonciatives inscrites dans l’écriture delermienne, comme le
prouve le passage correspondant en polonais5.
Et puis tu égrènes les boules d’un coup de doigt. [...] on [la forme originale –
l’impersonnel] a envie de les croquer. [...] La conversation se déroule
lentement. De temps en temps, tu relèves la tête […]. Vous parlez de
3 Tous les exemples proviennent du livre La Première gorgée de bière et autres plaisirs
minuscules de Philippe Delerm et de sa traduction polonaise mentionnés dans les
références bibliographiques. Les nombres entre parenthèses signalent la page de la
citation.
4 Malheureusement, ni même Stanisław Gniadek (1979, 78-84) dans sa très connue
72
Muguraş ţONSTANTINESţU
travail, de fatigue, de projets […]. […] Il est agréable de plonger les mains
dans le saladier rempli de boules entassées [...] jusqu’à ce que tu t’étonnes
d’avoir les mains sèches. (10)
6 Michał Głowiński (1997, 92) fait remarquer que le jeu narratif entre la première et
la deuxième personne du singulier a pour résultat immédiat une tension plus
grande que celle qui s’instaure dans la narration à la troisième personne. La
prédominance de la forme tu caractérise les endroits textuels où le narrateur
cherche avant tout le contact avec le lecteur, le rôle de l’histoire racontée diminue
donc considérablement.
73
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Tout près, très loin, des bruits de repas préparé viennent d’un monde
simple. (26) / Tu entends tout près, très loin, dans ce monde simple,
quelqu’un faire des bruits de repas préparé. (20)
On traverse la nuit. Les panneaux espacés [...]. […] Quelques pas gourds, le
regard vague, quelques silhouettes croisées, mais pas de mots. (43) / Tu
traverses la nuit. Tu passes à côté des panneaux espacés [...]. […] Quelques
pas gourds, tu laisses vaguer le regard, tu croises quelques silhouettes, mais
tu ne dis rien. (28)
Alors il faut un nouveau pull. Porter sur soi les châtaignes, les sous-bois,
les bogues des marrons, le rouge rosé des russules. Refléter la saison dans
la douceur de la laine. (57) / Il te faut alors un pull. Tu désires porter sur toi
les châtaignes, les bogues des marrons, les sous-bois et le rouge rosé des
russules. Tu voudrais refléter la saison dans la douceur de la laine. (47)
74
Muguraş ţONSTANTINESţU
La cohésion phrastique
7Précisons que le terme technique doit être ici compris comme une solution d’un
problème ponctuel choisie par le traducteur à un endroit concret du texte. Par
contre, la stratégie en tant que la résultante et la somme des techniques traductives
articule la totalité du projet traductif entrepris face au texte-source.
75
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
On fait couler un bain. Un vrai bain de dimanche soir [...]. (51) / Tu fais
couler un bain. Ça va être un vrai bain de dimanche soir [...]. (41)
ţafétéria dix kilomètres. (34) / Dans dix kilomètres il y aura une cafétéria.
(28)
76
Muguraş ţONSTANTINESţU
77
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
78
Muguraş ţONSTANTINESţU
Conclusion
79
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Textes analysés
80
L’histoire des traductions en hongrois
de Tartuffe et de Ainsi va l’carnaval
FARKAS Jenő
Dès le début il faut préciser que la traduction dont nous parlons est
liée à la spécificité de la traduction théâtrale. L’horizon traductif du théâtre
est toujours imprégné des contraintes historiques et littéraires
conjoncturelles puisque la traduction, l’adaptation et l’interprétation des
textes doivent répondre aux exigences morales, sociologiques ou
historiques de l’époque. D’autre part, la traduction théâtrale est plutôt un
81
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
travail de dramaturge et, en plus, toute forme de théâtre est accordée avec
le goût et la propagande de l’élite (soit religieuse ou politique, soit
administrative ou culturelle). N’oublions pas que Tartuffe a été interdit à la
ţour de Louis XIV à cause de la critique du fanatisme religieux. Molière
s’est adressé au roi de la manière suivante :
SIRE,
Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant,
j'ai cru que, dans l'emploi ou je me trouve, je n'avais rien de mieux à faire
que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle ; et,
comme l'hypocrisie, sans doute, en est un des plus en usage, des plus
incommodes et des plus dangereux, j'avais eu, Sire, la pensée que je ne
rendrais pas un petit service à tous les honnêtes gens de votre royaume, si
je faisais une comédie qui décriât les hypocrites, et mît en vue, comme il
faut, toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance, toutes les
friponneries couvertes de ces faux-monnayeurs en dévotion, qui veulent
attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistique.
(Premier Placet présenté au Roi, sur la comédie du Tartuffe qui n’avait pas encore
été représentée en public, in Molière 1965, 686)
1 « În adev r, poate c nici într-un stat, din Europa cel putin, nu exist atâta extravagant
82
Muguraş ţONSTANTINESţU
2En Pologne, Tartuffe a été créée au « Stary Teatr » de ţracovie (par Mikolaï Grabowski) et
en Hongrie, au « Nemzeti Színház » de Ţudapest (par Róbert Alföldi).
83
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
transformée en une imitation burlesque qui n’a rien à voir avec le texte
original :
3 Parti Nagy, Lajos (1953-) poète, prosateur, dramaturge et traducteur hongrois est l’auteur
d’une trentaine de volumes. Il est considéré le maître incontestable du renouveau du
langage poétique en Hongrie. Il a traduit, réécrit et adapté des pièces de Molière, Gerhart
Hauptmann, Ion Luca Caragiale, Michel Tremblay, Ödön von Horváth, Ivan Menchell,
Evgeni Schwarz, Martin McDonagh, Franz Xaver Kroetz, Werner Schwab, Oliver Bukowski
et Max Frisch. Ses adaptations ont un réel succès auprès du public.
84
Muguraş ţONSTANTINESţU
4 Dans la bibliographie de l’œuvre de Parti Nagy figurent les pièces en hongrois de Franz
Xaver Kroetz (L'envie), de Werner Schwab (Les Présidentes), Oliver Bukowski (Londn-L.Ä-
Lübbenau) et de Max Frisch (Monsieur Bonhomme et les Incendiaires), qui sont des traductions-
réécritures.
85
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
86
Muguraş ţONSTANTINESţU
dactylographiés, pleins de ratures et d’ajouts, introduits dans le texte hongrois pendant les
répétitions.
6 L’école militaire Teresianum de Vienne, puis les lycées de Pest, Ţuda, ţluj, Ţratislava,
Sopron, Tirnovo seront les centres de diffusion de la langue française grâce surtout aux
professeurs Jésuites français. Les jeunes aristocrates et militaires hongrois vont créer la
littérature nationale hongroise dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle sous l’influence du
modèle français propagé par le théâtre français, la littérature française, les journaux en
français publiés à Vienne, puis à Pest, par la franc-maçonnerie et, bien entendu, par
l'enseignement du français à l'école et dans les universités.
7 ţ’est par cette francophonie de plus en plus présente entre 1770 et 1800 que l’on explique
la passion, sinon la fureur, avec laquelle les premiers traducteurs hongrois adaptent et
traduisent les comédies de Molière. En trois décennies, neuf comédies de Molière : en 1769
le Bourgeois gentilhomme, présenté à Eger et en 1773 à ţluj; en 1775, Les fourberies de Scapin ;
en 1791, Le mariage forcé présenté à Aiud et publié à ţluj l’année suivante ; en 1791, Le
médecin malgré lui ; en 1792, L’avare à Pest; en 1792, Sganarelle ou le cocu imaginaire (publié à
Buda la même année) ; en 1792, Le malade imaginaire à Pest ; en 1794, L’amphitrion à Pest. Le
journal Magyar Hírmondó publie en 1793 une notification selon laquelle les traducteurs de
Hongrie doivent annoncer le titre des pièces qu’ils sont en train de traduire pour éviter les
versions parallèles. Molière est mentionné à trois reprises, comme suit : en 1792, le Tartuffe ;
en 1793, Les fourberies de Scapin (publié à ţluj) ; en 1795, le Tartuffe à Pest. À partir de 1797,
87
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
un écrivain connu, Ferenc Kazinczy, va traduire des « jeux-bouffes » de Molière (Le mariage
forcé et Le médecin malgré lui). En 1803, Kazinczy écrivait à un ami au sujet du Médecin malgré
lui : « ţ’est la pièce la plus alerte et la plus fougueuse de Molière dont la renommée est si
grande qu’elle a été traduite par une duchesse en langue de Moscou ». (ţité in Gagger 1909,
147-166).
88
Muguraş ţONSTANTINESţU
8 Les rééditions les plus importantes de cette traduction jusqu’à 1989 : Budapest : Művelt
nép, 1954 ; Budapest : σj Magyar Kiadó, 1956 ; Budapest : Corvina, 1957 ; Budapest :
Szépirodalmi Kiadó, 1958 ; Budapest : Szépirodalmi Kiadó, 1960, 1962 ; Budapest : Európa
Kiadó, 1965 (édition de poche) ; Bucarest : Kriterion, 1972 ; Budapest : Európa Kiadó, 1983, et
1985.
89
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
tous les deux ce que vous avez ». Voilà les traductions du même fragment
par György Petri et Parti Nagy :
Molière c’est moi-même … mon rapport à lui est intime, malgré le fait que
nos talents ne peuvent pas être comparés, nous sommes très proches dans
la manière de haïr avec affection le monde et de le déconsidérer sans
aucun sentiment de vengeance. (« A műfordító dilemmája » 1995, 32, nous
traduisons)
Il fait parler en vers seulement Tartuffe, tandis que les autres personnages
s’expriment en prose. Son but est de stigmatiser Tartuffe par ce langage du
mensonge et de la tromperie. Dans cette version, Tartuffe veut forcer ses
interlocuteurs de parler en vers et il répond en rimes sur le dernier mot en
prose prononcé par les autres personnages. Petri transforme les alexandrins
français « trop monotones » en un vers hybride, composé de ïambes et
d’anapestes en nombre variables de syllabes. ţ’est ainsi que la traduction a
l’air d’une œuvre contemporaine.
Si Petri garde la structure de Tartuffe, un autre poète, Lajos Parti
Nagy, va restructurer complètement la pièce en 2006. Nous assistons à un
90
Muguraş ţONSTANTINESţU
ACTE V
Puisque cet ouvrage n’est pas du tout une traduction (le texte appartient
au traducteur, quoique l’œuvre ne soit guère « personnelle »), l’auteur a pu
se permettre de traiter l’histoire originale à sa guise. En ce sens, pour lui, la
pièce finit avec le dernier mot du IVe Acte. Cela n’est pas obligatoire pour
les spectacles à venir, car la fin sera toujours à la disposition du metteur en
scène ; c’est par ailleurs ce que Molière lui-même avait fait du Ve acte, sans
le vouloir, en l’écrivant d’une manière, euphémiquement parlant,
hypocrite – pour que la postérité en fît ce qu’elle voulait. L’auteur doit
avouer qu’il a essayé de composer plusieurs fins, plus ou moins longues,
mais qu’il les a trouvées toutes fausses, extrêmement faibles face à la scène
finale muette du IVe acte : toute la famille se trouve sur une scène vide, au-
delà de tous sentiments, de toutes hystéries, de toutes résignations, en
attendant le transporteur pour le déménagement. Orgon bredouille puis
reste bouche close, il est assis, immobile comme un ballot prêt à emporter.
Orgon s’est fait exclure non seulement de la maison, mais de sa propre vie
aussi. Que peut-on espérer ? Un miracle ou l’arrivée de l’exécuteur ? Ce
qui arrive c’est
Le rideau. (Molière / Parti Nagy 2006, 24, nous traduisons)
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
9Le traducteur est Attila Seprődi Kiss, le metteur en scène Gábor Tompa, qui a monté à
Limoges La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, présentée aussi à Paris.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
96
Muguraş ţONSTANTINESţU
Références bibliographiques
Textes de référence
Molière, Premier Placet présenté au Roi, sur la comédie du TARTUFFE qui n’avait pas
encore été représentée en public, in Molière. Œuvres complètes, I, Ţibliothèque de la
Pléiade, Paris : Gallimard, 1965, 686.
Molière. Tartuffe. Vígjáték öt felvonásban. Fordította Kazinczy Gábor, Budapest,
Kisfaludy Társaság ; 1881.
Kazinczy, Gábor. Előszó, in Molière. Vígjátékai, Fordítá Kazinczy Gábor, vol. I.
Ţudapest : Kisfaludy Társaság, 1863, IX.
Molière. Tartuffe. Fordította Jankovich Ferenc. Budapest: Franklin, 1943.
Molière. Tartuffe. Fordította és az előszót írta Vas István. Budapest : Szépirodalmi
Könyvkiadó, 1951.
Molière. Drámák Petri György fordításában. Pécs : Jelenkor Kiadó, 1999.
Parti Nagy, Lajos. Molière : Tartuffe in Színház, Suppliment, XXXIX no 12/2006.
Molière. Tartuffe. Vígjáték öt felvonásban. Fordítá Kazinczy Gábor, Ţudapest :
Kisfaludy Társaság, 1863, 60.
Molière. Tartuffe. Fordította Jankovich Ferenc, Ţudapest : Franklin, 1943, 41.
Molière. Tartuffe. Fordította és az előszót írta Vas István, Ţudapest : Szépirodalmi
Könyvkiadó, 1951: 63.
Molière. Drámák Petri György fordításában, Pécs : Jelenkor Kiadó, 1999.
Petri, Görgy. A műfordító dilemmája. In : Magyar Lettre Internationale, 19 (1995), 32.
Caragiale, Ion Luca. Publicistică politică şi... delicatese. Ţucureşti : Editura Funda iei
ţulturale Române, 2003.
97
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Caragiale, Ion Luca. Válogatott művei, Színművek. I. Trad. Hobán Jenő et alii.
Ţucureşti : θllami irodalmi és művészeti kiadó, 1952.
Caragiale, Ion Luca. Farsang. Adaptation de György Gera après la traduction de
Jenő Hobán (1962). Exemplaire de souffleur, Théâtre « Madách Kamara » de
Budapest, 1962.
Caragiale, Ion Luca. Az elveszett levél és egyéb komédiák. Fordította Szász János,
Ţucureşti : Kriterion, 1988.
Caragiale, Ion Luca. Vígjátékok Kacsir Mária fordításában, Kolozsvár: Kriterion, 2005.
I. L. Caragiale összes színpadi művei. Fordította Seprődi Kiss Attila, Nagyvárad :
ARţA Kiadó, 2008.
Caragiale I.L. Farsang, Hobán Jenő fordítása, in I.L. Caragiale, Ion Luca. Válogatott
művei, Színművek, I. Ţucureşti : θllami irodalmi és művészeti kiadó, 1952.
Caragiale, I. L. Farsang, adapté par György Gera après la traduction de Jenő Hobán,
l’exemplaire de souffleur, Théâtre „Madách Kamara” de Ţudapest, 1962.
Caragiale, I. L. Az elveszett levél és egyéb komédiák. Fordította Szász János, Ţucureşti :
Kriterion, 1988.
Farsangi bolondság, in Caragiale, I.L. Vígjátékok Kacsir Mária fordításában, Cluj:
Kriterion, 2005, 184.
I. L. Caragiale összes színpadi művei. Fordította Seprődi Kiss Attila, Oradea : ARCA
Kiadó, 2008.
Ion Luca Caragiale. Karnebál. Réz Pál fordítása nyomán írta Parti Nagy Lajos. In :
Színház, Suppliment, 2005, août.
98
99
Pertinence de Mme de Staël pour l’esprit des traductions du
XXIe siècle
Ramona MALIŢA
Résumé : Notre étude propose un point de vue concernant le rôle formatif et canonique des
traductions à l’époque du romantisme français. Parmi les formes de manifestations
culturelles du cénacle de ţoppet, les traductions sont un projet parallèle à la création des
œuvres originales. La Bibliothèque des traductions fait entrer dans la langue française les
œuvres capitales du romantisme allemand, anglais et italien devenues canoniques pour le
romantisme européen. La formation des canons esthétiques passe nécessairement par des
traductions bien faites et intelligemment choisies.
Mots clés : Mme de Staël, traductions, canons esthétiques, romantisme, Groupe de ţoppet.
Abstract : The paper expresses a point of view about the liaison (never dangerous!) between
the history of translation and the axiological theory about the formation of aesthetic canons
via translation. One of the activities carried out by the Coppet Group, whose spokesperson
was Mme de Staël, is the translation, cultivated in order to demonstrate the need to conceive
literature differently. In their effort to connect the literary and aesthetic movements of
Western Europe (the budding Romanticism), the members of the Coppet Group back up
their writings with translations.
Liminaires
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
vivante des deux premières décennies du siècle en discussion : cela veut dire le
théâtre et les expériences théâtrales d’un côté, la critique littéraire, de l’autre côté.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
années 1830-40)6. ţela serait d’un côté, de l’autre côté se situerait l’influence
littéraire et paralittéraire de ce projet au-delà des frontières de la France
romantique : il s’agit de la vague des quarante-huitards des littératures
romantiques de l’Europe ţentrale et de l’Est dont les intellectuels se sont
formés à l’école esthétique française. Nous n’en donnons ici qu’un exemple,
mais très éloquent à l’égard de notre hypothèse : il s’agit de Biblioteca
universală de Ion Heliade R dulescu (Mali a 2008, 169) dans les lettres
roumaines dont nous avons parlé lors d’un autre colloque de traductologie7
(2008, 169-182).
La Bibliothèque des traductions du cénacle de ţoppet s’organise à trois
volets qui construisent le triangle de la formation intellectuelle de l’homme
romantique : les choix littéraires, les choix philosophiques et les choix
critiques. Nous ne nous sommes pas proposé dans cette étude
d’enregistrer, de donner toutes les traductions faites par Mme de Staël et
son cénacle, ni de dresser comme une table des matières des traductions
issues à l’époque romantique, mais notre démarche débouche à :
A. mettre en vedette le rôle formatif des traducteurs du Groupe de
ţoppet dans le processus de changement des canons esthétiques et
littéraires de leur époque vivante et
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
8Pour ce qui est de ce palier (librairie, bibliothèques), il faut bien différencier les
best-sellers (mais vendables) de la littérature canonique, parfois non vendable et
n’enregistrant aucun succès de librairies.
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Considérations finales
Une question finale paraît justifiée : est-ce que Mme de Staël comme
traducteur et les traducteurs du Groupe de Coppet comptent parmi les
grands traducteurs des chefs-d’œuvre ? Jugée sans arrière-pensées, d’une
manière honnête et sans avoir la prétention d’une grande découverte, mais
surtout jugée hors du contexte historique, la réponse est négative : non, ils
ne peuvent pas être qualifiés de grands traducteurs du XIXe siècle. Dans ces
circonstances, il faudrait reformuler la question en la situant du point de
vue historique (cela veut dire historiciser la question) : est-ce que Mme de
Staël et les traducteurs de son cercle littéraire comptent parmi les plus
importants pour le romantisme historique européen du XIXe siècle ? Cette
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Références bibliographiques
Textes de référence
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Peut-on (vraiment) re-créer la chanson de Brassens par la
traduction ?
Anda R DULESCU
Université de ţraiova
Roumanie
Résumé : Notre travail se propose un double but : a) théorique – d’établir les critères de
traduction selon lesquels on a affaire à une re-création d’un texte original, dans notre cas
une chanson de Georges Brassens ; b) pratique – d’analyser, en appliquant la grille de lecture
traductologique de Katharina Reiss, la variante traduite par Romulus Vulpescu. Nous
estimons que la traduction est très réussie, grâce à la prédisposition artistique de Vulpescu,
à son empathie avec Ţrassens, de même qu’à sa vaste expérience de traducteur.
Abstract : Our study has a double aim: a) a theoretical one – to establish the criteria according
to which we consider that a translation is a re-creation of an original text, in our case, of one
of Ţrassens’ songs; b) a practical one – to analyze the variant translated by Vulpescu, using
Reiss’ reading grid for translation. We consider Vulpescu’s translation to be a very
successful one, owing to his own artistic skills and particular empathy with Brassens, as well
as to his vast experience as a translator.
Keywords : re-creation of the original, reading grid for translation, value judgement,
equivalent, imagery.
Argument
Georges Ţrassens est l’un des chanteurs français les plus écoutés,
même après sa mort. Son succès ne s’explique pas uniquement par la
qualité de ses vers et par son remarquable talent de guitariste, mais aussi
par les traductions de ses chansons, dont les plus nombreuses et réussies
sont en italien. En Roumanie, il y a peu de traducteurs qui se soient
hasardés à le traduire, ses textes étant de vraies pierres de touche non
seulement sous l’aspect syntaxique et lexical, parce qu'il joue sur différents
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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2. La relation auteur-traducteur
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Muguraş ţONSTANTINESţU
par Schlegel, les vingt-quatre Sonnets de Louise Labé traduits par Rainer
Maria Rilke, ou Baudelaire traduit par Stefan George.
Parfois, le tempérament artistique du traducteur est divergent de
celui de l’auteur. Il est plus audacieux et moins fidèle au texte-base, sa
traduction enregistre plusieurs écarts par rapport à l’original, mais cela
n’empêche pas que le résultat de son travail ne soit un nouveau texte à
valeur artistique propre, que Reiss considère une « recréation poétique »,
qui peut égaler la création originale.
En plus, l’expérience du traducteur, ses habiletés linguistiques
exercées sur divers textes littéraires, ses connaissances extralinguistiques,
culturelles et encyclopédiques, son excellente mémoire bilingue, doublées
d’une bonne connaissance des procédés de transfert textuel constituent un
atout pour réaliser une bonne traduction. Et, notamment, le traducteur doit
aimer l’écrivain qu’il traduit, connaître en détail l’œuvre de celui-ci, le
milieu où il s’est formé et a créé, en un mot, il doit être d’abord un exégète
et ensuite un traducteur. ţe n’est qu’après une recherche personnelle
poussée qu’il fait sien l’univers culturel et de création de l’auteur, il y puise
et s’inspire à son tour, pour pouvoir ensuite faire son choix et proposer les
équivalents aptes à éveiller les mêmes réactions, les mêmes sentiments aux
lecteurs / auditeurs de la langue-cible.
ţ’est, croyons-nous, le cas de Vulpescu. Pour le lecteur roumain il
devient évident, dès le premier coup d’œil jeté sur la traduction de
l’Hécatombe, que le traducteur a procédé à une re-création de la chanson de
Ţrassens, assez fidèle par ailleurs, mais par des procédés individuels,
propres à un traducteur dont la sensibilité poétique, le sens de l’humour et
les connaissances du potentiel expressif du roumain sont remarquables.
2 Sa typologie des textes est tripartite : informatifs, dont la fonction dominante est la
représentation, expressifs, dont la fonction dominante est expressive et incitatifs,
dont la dominante est la fonction d’appel (Reiss 2002, 42). À ces types principaux
elle ajoute un quatrième type, les textes scripto-sonores (63).
3 Textes indissociablement liés à une musique (de la chansonnette au plus solennel
des oratorios ou autre ouvrage choral, en passant par des lieds et des hymnes) (cf.
Reiss 2002, 63-64).
121
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
122
Muguraş ţONSTANTINESţU
3.1.1. Épithètes
Le traducteur suit de près l’original, en faisant appel à toute une
série d’épithètes péjoratives, portant en égale mesure sur les deux camps
qui s’affrontent. Ainsi, le spectacle du combat est considéré comme hazliu /
amusant et abundent în ghionţi / trad. litt. abondant en coups (vers 16), les
gendarmes sont traités de tembeli / idiots, stupides (vers 7), alors que les
marchandes qui le mènent sont étiquetées de bestii triviale / trad. litt. bêtes
triviales (vers 45). Les passants qui se hasardent à traverser ce champ de
combat risquent d’avoir le sort du pauvre con, aux yeux hébétés / ochi
năuci dans la variante traduite (vers 30) et à la tête de balourd / cap de tont
(vers 30) et d’être fourré entre ses gigantesques fesses / giganticele buci (vers
32) d’une commère guerrière.
près de Limoges.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
guignols de Brassens, et qui doit rimer avec le nom ghionţi / coups du vers
16. On remarque également le calque de la création brassénienne
gendarmicides (vers 23) / jandarmicide, facilement transférable en roumain,
langue permissive au transfert de ce mot, tant au niveau phonétique que
sémantique. Dans les deux langues, la création est le résultat d’une
amalgamation des noms gendarme / jandarm et génocide ou homicide /
genocid, omucidere.
3.1.4. Métonymies
Les expressions métonymiques relèvent d’une façon implicite de
présenter les événements ou les participants, sans les nommer
explicitement. Ainsi, les braves pandores (vers 17) deviennent dans la
variante roumaine bravii-n uniformă / trad. litt. les braves en uniforme,
l’habit porté renvoyant à une certaine catégorie professionnelle, alors que
les avis compétents du vers 38 deviennent savanţii / les savants, intellectuels
capables de se prononcer sur la valeur, l’importance et la beauté de ce
combat acharné.
3.1.4. Hyperboles
Le comportement de l’une des femelles (vers 33 de Brassens)
participantes à la rébellion, qui ouvre son corsage pour matraquer à grands
coups de mamelles (vers 35) / Îşi scoate â a la atac / Pocnind cu vastele-i
mamele5 … (vers 34-35 de Vulpescu) tous ceux qui passent par devant sa
porte, justifie pleinement la structure utilisée en roumain et intensifie
l’expressivité des deux textes, par l’image hyperbolique d’un combat où
l’on fait usage de tous les moyens pour remporter une victoire.
3.1.5. Répétitions
Les répétitions des interjections hip, hip, hip, hourra / hip, hip, hip,
ura (vers 24) et Mort aux vaches ! Mort aux lois ! / Jos cu vardiştii ! Jos legea !
(vers 26-27) ont pour rôle de mieux mettre en évidence les moments les
plus importants du combat : la joie de la victoire et les exhortations à la
lutte, alors que la répétition du verbe tomber, quatre fois en français par
rapport à trois fois en roumain (şi cad, şi cad, şi cad), suivie du verbe
succomber / sucomb pour raison de rime, accentue le dramatisme de la
lutte, en soulignant, implicitement, la force et le courage du combat des
marchandes.
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125
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
4. Limites de la traduction
126
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Conclusions
Références bibliographiques
Barthes, Roland. Le Degré zéro de l’écriture. Paris : Seuil 1972 [1953].
Derrida, Jacques. Positions. Paris : Minuit, 1972.
Derrida, Jacques. Marges de la philosophie. Paris : Minuit, 1972.
Eco, Umberto. Dire quasi la stessa cosa. Milan : Biompani, 2003.
Eco, Umberto. Dire presque la même chose. [Dire quasi la stessa cosa]. Traduction
française par Myriem Ţouzaher. Paris : Grasset et Fasquelle, 2006.
Llovet, Jordi. « Traddución es creación ». Vasos comunicantes, numéro 17/2000 [En
ligne]. URL : http://www.acett.org/numero.asp?numero=17 (ţonsulté le 18 novembre 2009).
Meschonnic, Henri. Politique du rythme, politique du sujet. Paris : Éditions Verdier,
1995.
Meschonnic, Henri. Poétique du traduire. Paris : Éditions Verdier, 1999.
127
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
128
Annexe
Hécatombe Hecatomb
9. Or, sous tous les cieux sans vergogne, 9. Da-n uzul public de milenii
10. C’est un usag’ bien établi, 10. E-un obicei pe mapamond:
11. Dès qu’il s’agit d’ rosser les cognes 11. E rost de caft cu gardienii?
12. Tout l’ monde se réconcili’. 12. Se-mpac to i la apropont.
13. Ces furi’s, perdant tout’ mesure, 13. ţumetrele, urlînd insulte,
14. Se ruèrent sur les guignols, 14. S-au n pustit pe holodron i,
15. Et donnèrent, je vous l’assure, 15. Dînd un spectacol, cred, destul de
16. Un spectacle assez croquignol. 16. Hazliu şi abundent în ghion i.
33. La plus grasse de ses femelles, 33. Iar cea mai gras dintre ele
34. Ouvrant son corsag’ dilaté, 34. Îşi scoate î a la atac,
35. Matraque à grand coup de mamelles 35. Pocnind cu vastele-i mamele
36. Ceux qui passent à sa porté’. 36. Pe cine-i trece sub ceardac.
37. Ils tombent, tombent, tombent, tombent, 37. Şi cad, şi cad, şi cad, sucomb ,
38. Et, s’lon les avis compétents, 38. Încît savan ii spun c fu
39. Il paraît que cett’ hécatombe 39. ţea mai frumoas hecatomb
129
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
40. Fut la plus bell’ de tous les temps. 40. De la Genez pîn-acu.
41. Jugeant enfin que leurs victimes 41. S tule s -i mai dea-n t rbac
42. Avaient eu leur content de gnons, 42. Se-ntoarser -n sfîrşit la praji,
43. Ces furi’s comme outrage ultime, 43. Nu înainte s le fac
44. En retournant à leurs oignons, 44. Un ultim şi suprem ultraj.
45. Ces furi’s à peine si j’ose 45. Aceste triviale bestii
46. Le dire, tellement c’est bas, 46. Ezit s-o spun aici pe şleau,
47. Leur auraient mêm’ coupé les choses. 47. I-ar fi deposedat de chestii…
48. Par bonheur, ils n’en avaient pas. 48. Noroc de poli ai c n-au.
130
Traductions sur le marché. Éthiques multiples
Izabella BADIU
Résumé : Aujourd’hui, il semble raisonnable de parler plutôt d’éthiques au pluriel, selon les
acteurs impliqués dans le processus – du traducteur à l’éditeur, de l’auteur au public. Il
devient également incontournable de placer le métier dans le contexte du marché. Nous
proposons une ébauche de l’éthique roumaine de la traduction à travers l’exemple de deux
traductions récentes et aussi éloignées en style, genre et public que le texte philosophique et
le polar. Méthodologiquement, le point d’ancrage reste la traductologie doublée d’éléments
d’analyse sociologique de la traduction, afin de rendre compte du jeu des éthiques diverses
qui se déploie depuis la décision de publication d’une traduction jusqu’au bilan des ventes.
Abstract : Today it would seem appropriate to talk about ethics in the plural, taking into
account all the actors involved in the process – translator, publisher, author and audience. In
the same spirit, the profession needs to be looked upon form the perspective of the market.
We propose an outline of the Romanian ethics in translation giving two recent yet opposite
examples, a philosophical text and a crime novel. In terms of method, we focus on
translatology accompanied by sociological remarks on translation in order to depict the state
of play between the various ethics involved, from the decision to publish a translation down
to the sale figures.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
l’autre qui fait tout de suite penser à ţharon, trafiquant à la frontière et joueur qui
passe le ballon, autrement dit un milieu de terrain, celui qui construit le jeu de
l’équipe. En contrepartie, călăuză, le mot équivalent en roumain, lui, est connoté de
manière littéraire et archaïsante comme un guide spirituel.
4 Nous trouvons particulièrement heureuse la formule de François Ost selon qui le
Gouanvic postule une éthique de la traduction qui respecterait non pas l’original
(vision sourcière) mais le champ d’appartenance du texte. ţe serait le genre précis
du texte qui dicterait les stratégies mises en place par le traducteur d’adapter ou
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Dans le même esprit, d’un ton plus fruste mais aussi plus ludique,
Bogdan Ghiu – écrivain très contemporain et grand traducteur – définit le
rôle du traducteur complexe et multiple : « Un “collabo” ineffable. Le
traducteur, de ce point de vue, est un agent de l’auteur et non seulement
littéraire mais qui a de l’influence, peut propulser une panoplie d’idées
qu’il ne souffre pas de voir clouées au mur, injustement et de manière
suicidaire, plutôt qu’à l’œuvre, en action. »7 (2009 b). Ghiu parle de la
situation bien précise de la Roumanie où il arrive que les rôles de l’éditeur
et du traducteur en tant que promoteurs de tel auteur se recoupent. Mais ce
qu’il faudrait retenir ici comme généralement valable est ce rôle proactif de
choix et de médiation du traducteur qui n’est pas sans rappeler cet autre
propos : « Pour que la traduction offre une image éthique d’elle-même, le
texte-cible et le texte-source doivent être dans une communauté de destin.
[…] L’éthique de la traduction a son origine dans la décision de traduire. »
(Gouanvic 2001, 40). À qui revient cette décision reste à comprendre dans la
suite d’une discussion au cas par cas.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
des occurrences multiples de story, off the record, on the record, cover story,
free-lancer, outsider, start-up, layout, time out. Dans le même genre, mais des
mots qui n’ont même plus besoin d’italiques : hard-rockeri, skiper. Par contre,
au sein de cette même catégorie, il subsiste quelques mots, surtout du
domaine économique mais aussi journalistique, qui sont encore
problématiques pour la langue roumaine cependant que dans d’autres
langues ils ont été complètement adoptés (y compris en français). Je me
réfère à yuppie, loft, do gooder, presa people, young warriors, cash-flow problem,
ou encore l’omniprésent researcher. Enfin, de manière aléatoire certains
anglicismes se trouvent expliqués et commentés en note de bas de page :
par exemple biker (601).
Il faut dire que la grande majorité des exemples cités ne donnent
pas la liberté à la traductrice de remplacer ces termes utilisés tels quels dans
le texte original et porteurs de fonctions narratologiques assez souvent.
Même si parfois le roumain est moins accueillant que d’autres langues pour
certaines de ces tournures anglaises, force est de constater que l’option de
les garder respecte une certaine éthique du traduire. Toujours pour la
défense de la traductrice, on devrait ajouter l’utilisation en langue
roumaine d’expressions idiomatiques très imagées et plutôt bien trouvées
avec tout notre regret de ne pas savoir à quoi cela correspond dans
l’original. En guise d’exemple : « zeflemitor », « un delict de categoria
“pan ” » (21), « vocea îi era ca glaspapirul » (305).
Nous arrivons à la liste, non-exhaustive mais assez longue, des
traductions problématiques. Quoi qu’on en dise et en dépit d’un certain
laxisme qui lui est propre, la langue roumaine s’accommode mal de tours
tels : « flori mistificatoare » (8) au lieu de flori misterioase, « m şti de gum »
(14) au lieu de măşti de cauciuc, « furt cu mîna înarmat » (21) pour jaf armat,
« un misil de croazier » (45) pour rachetă, « pun semn tura sub un raport »
(34) au lieu de pe un raport, « focusul privirilor » (84), « fotografiile erau
focusate » (133) pour centrul privirilor respectivement fotografii focalizate, « o
bimbo » (150), « o chimie proast între el şi restul redac iei » (151), « s
fantazezi » (16, 80) pour să fantasmezi, ou encore le flagrant « teip », à
répétition, en transcription phonétique au lieu de bandă adezivă ou, à la
limite, scotch.
Sans préjuger de la source des calques ou autres incongruités dans
le texte original, nos connaissances de la langue anglaise nous permettent
de déduire, du moins dans certains cas, qu’il est fort probable qu’en
suédois certains calques sur l’anglais aient pris droit de cité dans le langage
courant et, au contraire des exemples antérieurs d’emprunts signalés en
137
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
tant que tels, ces mots sont passés dans les interstices du texte et ont
échappé à la vigilance de la traductrice.
Encore faut-il compter avec le délai de temps déraisonnablement
bref accordé pour la traduction de Millenium 1, dont la conséquence est un
manque de révision de la part de la traductrice, à lire dans les variantes
différentes données pour un même terme : fautif d’abord, correct par la
suite. ţ’est le cas de « un godin din font » (157) contre « soba de tuci »
(158). Reste cependant un nombre non-négligeable d’expressions
inadéquates en roumain dont la source n’est même pas identifiable sur la
filière anglaise : « torped mafiot » (40), « spanacuri sociale » (48) une
variante aujourd’hui en vogue serait varză, « re etele publicitare » (148)
pour veniturile din publicitate, practicant au lieu de stagiar à plusieurs
endroits, « liga de ho i » (142 et sq.), etc.
Pour faire bref, la lecture attentive de la traduction dévoile les
contraintes pour le moins temporelles sous lesquelles la publication de
Millenium 1 s’est faite ce qui est corroboré par les propres déclarations de
l’éditeur (dans un cadre privé). La chose remarquable c’est que pour les
deux autres tomes les délais de production ont été plus judicieux et la
traduction n’en a donc plus pâti. ţe qui nous laisse penser que, dans ce cas-
ci, il ne s’agit pas a priori d’un problème éthique de l’éditeur ou du
traducteur mais d’une urgence ponctuelle. Hélas, ô combien de fois le
traducteur roumain ne s’y trouve confronté.
Et c’était bel et bien le cas de la traduction de Foi et savoir.
Indépendamment des stipulations de son contrat, le traducteur s’est
retrouvé devant une échéance très serrée en raison d’une grande foire du
livre à laquelle l’ouvrage devait être lancé à tout prix. Si le pari de la
traduction a été néanmoins gagné – et l’atteste tout un dossier de presse8 –
c’est principalement parce que le traducteur est en même temps fin
connaisseur de la philosophie française contemporaine.
Parlons d’abord lexique ! L’écriture de la déconstruction de Jacques
Derrida est notoire pour sa complexité (peut-être est-il plus exact de parler
de désécriture) et pour la difficulté d’identifier en langue française même le
sens exact et le vouloir dire du grand philosophe. À juste titre, Ţogdan
Ghiu – traducteur de Derrida – parle d’un « idiolecte philosophique
derridéen » (2009 a, 334) qui, tout en se servant de certains éléments de la
langue française, pourrait en soi être défini comme un langage à part. Si
8Plusieurs compte rendus du volume, parus soit dans des revues culturelles soit
dans des revues spécialisées, sont extrêmement positifs, voire laudatifs, à l’égard
du traducteur qui arriverait à reconstruire le texte derridien en langue roumaine.
138
Muguraş ţONSTANTINESţU
bien que des outils précieux non seulement pour les lecteurs de Derrida
mais aussi ou surtout pour ses traducteurs sont aujourd’hui disponibles. Et
je cite au passage l’ouvrage de référence de ţharles Ramond, Le vocabulaire
de Derrida (2001) ainsi qu’une initiative que j’ai trouvé remarquablement
adaptée aux technologies actuelles de recherche / terminologie /
traduction / rédaction, le Derridex. ţ’est véritablement un dictionnaire
Derrida interactif en ligne selon les règles de la terminologie.
Si le traducteur de Foi et savoir en a fait usage ou non est secondaire
pour nous. Dans la pléthore des problèmes traductologiques que posent
habituellement les textes de Jacques Derrida, nous souhaitons nous
attarder, brièvement hélas, sur ceux qui font la marque distinctive de l’essai
Foi et savoir. Et il faut dire d’emblée qu’il ne s’agit pas ici de créations
linguistiques telles la célèbre différance. Au niveau lexical, le texte fourmille
de mots donnés en nombreuses langues européennes pour circonscrire
avec un tant soit peu d’exactitude un certain concept.
139
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
140
Muguraş ţONSTANTINESţU
141
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
9Pour une synthèse du concept et les citations clé puisées dans l’œuvre de Derrida
nous renvoyons au Derridex.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
10ţe thème fait l’objet d’un travail en cours dont la publication est prévue pour
2011 dans RIELMA no 4.
145
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
146
Muguraş ţONSTANTINESţU
sont effacés. Les textes sont naturalisés. Ils ne feront pas l’objet d’une
communication en traductologie.
147
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
narration de type thriller ne restera pas sans écho quel que soit le lecteur.
Un moment éthique sera vécu.
La troisième voie
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Références bibliographiques
149
L’éthos du traducteur
Irène KRISTEVA
Université de Sofia
Bulgarie
Abstract : The XX century disrupted the translation’s paradigms and took great care in
preserving the linguistic and cultural difference, moving the stress from language to text.
Nowadays, the translation makes an effort to keep the presence of the original in the
receptive language without trying to domesticate the foreign. This way it achieves the “Test
of the Foreign” (Ţerman) thanks to the “linguistic hospitality” (Ricœur) offered to the Other
from the “tribe” of those who are in the same language (Mallarmé).
151
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
152
Muguraş ţONSTANTINESţU
La pierre de la Rosette2
2La pierre de la Rosette, datée de 196 av. J.-ţ., dont l’inscription s’est avérée un décret du
pharaon Ptolémée V au sujet de quelques impôts abrogés, reste le plus important vestige
d’un texte ancien reproduit selon trois systèmes d’écriture différents : des hiéroglyphes
égyptiens, du démotique et du grec. Il s’agit ici d’un emploi métaphorique relatif à l’éthique
de la traduction qui demande le dialogue constant de l’original et de la traduction.
153
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
3 Heidegger soutient dans son cours sur l’essence de la liberté humaine chez Schelling
(Heidegger 1977) qu’il existe des langues plus ontologiques que les autres. De telles langues
seraient d’abord le grec, et ensuite l’allemand. Pourquoi le grec et non pas le latin ? D’après
lui, le grec est la langue originaire de la philosophie, étant donné que c’est la langue dans
laquelle s’exprime pour la première fois l’être, la langue qui révèle le sens originaire de
l’être. Pour cette raison la philosophie naît notamment en Grèce. Il juge, par contre, les
traductions latines mauvaises car elles ont effacé la parole de l’être que le grec faisait sentir.
La scholastique et le développement successif de la philosophie de Descartes et de Spinoza,
qui ont forgé les notions fondamentales de la métaphysique moderne, auraient déformé en
outre la pensée grecque. Quant à l’allemand, l’une des raisons de la prédilection
heideggérienne pour sa langue maternelle réside dans sa pauvreté en paroles d’origine
latine, porteuses de cet héritage malheureux qui a déformé la façon primordiale de
philosopher. L’allemand aurait donc hérité du grec l’aptitude à dire l’être.
154
Muguraş ţONSTANTINESţU
L’hospitalité langagière
155
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
(Jervolino 2001, 214). Ţien plus, toute notre vie, marquée par la présence de
l’Autre, témoigne d’une activité de traduction importante grâce à laquelle
nous communiquons avec lui sur le plan du langage, de l’action, des
affects. ţ’est notamment en ce sens qu’on pourrait affirmer que la
traduction et l’original entretiennent le même type de rapport que le même
et l’autre.
Dès les années 90 du XXe siècle, Ricœur se rend donc compte que la
traduction peut servir de modèle conceptuel, à la fois théorique et éthique,
de la réflexion philosophique. Il concrétise cette idée dans ses derniers
textes, rédigés au tournant du XXIe siècle, où il transforme la traduction en
tant que rencontre avec l’Autre en paradigme éthique pour
l’herméneutique philosophique. La légitimité de ce paradigme réside dans
l’objet commun que partagent l’herméneutique et la traduction : la
compréhension des textes. Si Gadamer (1996, 408-409) rapproche
l’expérience herméneutique de la traduction et le dialogue herméneutique, en
précisant que dans l’acte de traduire la langue étrangère complique
davantage la difficulté herméneutique par son étrangéité, Ricœur (2004-1,
19) envisage la traduction comme une rencontre avec l’étranger. La
traduction d’une langue dans une autre et la traduction comme
communication interhumaine accueillent toutes les deux l’étranger. Ainsi,
la fidélité en traduction devient la marque du respect de la diversité de
l’Autre.
La philosophie herméneutique rend explicite une instance implicite
de réflexion et de compréhension. Elle met en relief le travail interprétatif
dans l’acte de traduire. Dans cette perspective, traduire n’est pas un
problème purement technique, mais un paradigme herméneutique. Et
comme toute interprétation implique le langage, la pratique et la
problématique de la traduction s’insèrent entre « l’unité du langage » et « la
pluralité des langues ». La pluralité de la traduction découle de la pluralité
des langues, des connotations, des référents, des visions du monde, des
traditions et des cultures.
La nature conflictuelle de la rencontre avec l’Autre déclenche le
dramatisme de la tâche du traducteur. La conscience du caractère pluriel de
la traduction suppose la possibilité de retraduire. De même qu’on peut
raconter autrement, on peut traduire autrement sans espérer combler
entièrement l’« écart entre équivalence et adéquation totale ». La solution
« heureuse » de la traduction réside dans une espèce d’« hospitalité
langagière […] où le plaisir d’habiter la langue de l’Autre est compensé par
le plaisir de recevoir chez soi, dans sa propre demeure d’accueil, la parole
156
Muguraş ţONSTANTINESţU
L’auberge du lointain
157
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Conclusion
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Références bibliographiques
160
161
Qu’est-ce qu’on sait quand on sait traduire ?
Marija PAPRASAROVSKI
Abstract : This article sets out to examine what it is we know when we know how to
translate, and whether this mastery consists of knowledge we can pass on our students.
After discussing the relevant theories and concepts concerning the relationship between a
practical ability and a reflexive activity which makes translating possible, the article
questions both the possibility of teaching the art of translating and those attitudes regarding
wariness towards this (im)possibility.
Keywords : the theory of meaning, language, translating and knowledge, the task of the
translator and the work of mourning, teaching translation.
163
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
164
Muguraş ţONSTANTINESţU
165
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
distance » (Riœur 2004, 25), force est de constater que la réponse à notre
question initiale pourrait tout simplement être celle-ci : pour traduire, il
faut connaître le langage, au sens le plus large possible, bien sûr. Nous
reconnaissons cependant qu’il ne faut pas oublier la polysémie inhérente
aux termes de langage et de connaissance. Quand, dans Les testaments
trahis, comme le montre Philippe Forget (1994, 65-72), Kundera traite de la
littéralité dans plusieurs traductions de Kafka, il critique avant tout les
traducteurs qui n’ont qu’intériorisé les normes du langage, ce qui, il faut le
souligner, ne correspond pas à ce qu’on devrait connaître quand on connaît
un langage. À cet égard, il ne faut pas seulement mentionner le rapport
avec le caché et l’incommunicable, mais revenir à l’idée que soutient
Dummett, selon laquelle le langage est une manifestation de la pensée. ţela
signifie que tout, le monde réel et le monde irréel, les phénomènes de la
nature et ceux de l’esprit, passe par le langage faute d’un meilleur moyen
de communication, telle la télépathie (Dummett 1993, 97), car com-
muniquer c’est, avant tout, transmettre des pensées. ţependant, pour
revenir au sujet qui nous concerne surtout au moment où, en tant que
traducteurs et enseignants, nous sommes chargés de former d’autres
traducteurs, disons que notre réflexion s’appuie sur les démarches de la
pensée théorique qui finit toujours par s’enfermer dans l’aporie mettant en
abyme les débats sur la traduction. Loin de représenter un obstacle, ce
mode de penser est au contraire, nous semble-t-il, la preuve d’une
exploration incessante et féconde pour l’exercice de la traduction. Les
travaux repris montrent bien qu’il s’agit de recherches qui font de l’impasse
théorique la condition même de cette activité dont on ne sait pas expliquer
les règles ni dévoiler les secrets. Il y a, certes, une longue tradition du
discours traductologique que nous ne prétendons pas épuiser, loin s’en
faut, mais dans lequel se reflète notre (im)possiblité de savoir ce qu’on sait
quand on sait traduire. En plus, c’est justement cette tradition qui se nourrit
de chaque geste de révolte contre la théorie ou, du moins, contre un certain
scientisme qui lui est souvent attribué sans pour autant oublier que chaque
approche, théorique ou poétique, enrichit notre capacité de penser la
traduction. Quoique les choses dites et redites dans de nombreux ouvrages
se répètent pour aboutir toujours à une plus grande confusion, ce fil
ininterrompu de la pensée qui accompagne les « grandes difficultés et [les]
petits bonheurs de la traduction » (Ricœur 2004, 7) est quelque chose de
bien rassurant non parce qu’il nous aide à apprendre à traduire ou à le faire
apprendre aux autres, mais parce qu’il nous aide à apprendre à réfléchir
sur l’acte de traduire. Une certitude : si glissant que soit ce terrain de la
166
Muguraş ţONSTANTINESţU
pensée, ce qui est solide, ce sont ces observations souvent paradoxales qui
s’efforcent de décrire plutôt que de prescrire les démarches de la
traduction. Qu’il s’agisse de théorèmes pour mettre en œuvre une
dialectique de la théorie et de la pratique, comme le propose Jean-René
Ladmiral (1999, 211-246), ou de traités visant à élaborer une théorie plus ou
moins exacte, comme le voudrait « une aristocratie de linguistes qui
philosophent sur la traduction, dont il n’ont pas la pratique » (Ladmiral
1999, 88), ces enjeux cognitifs et réflexifs entre « l’enseigne de la
négociation » (Eco 2006, 9) et « une poétique du rythme » (Meschonnic
1999, 460) ont ceci de particulier : tout en s’appuyant sur une vision du
monde (une des définitions possibles du langage au sens large du terme) et
sur des prêts-à-porter théoriques incontournables pour affronter la
traduction, ou mieux, l’acte de traduire, ils laissent le traducteur sur sa faim
tel un combattant aux mains nues et en même temps gros de toutes les
expériences vécues. Préférer un vécu riche à un savoir construit
théoriquement ne signifie pas, toutefois, tourner le dos aux travaux bien
pertinents, d’ailleurs, des théoriciens de la traduction, mais se situer entre-
deux. Autrement dit, nous nous refusons largement à l’objectivité
analytique de même que nous ne nous réfugions pas tout à fait dans la
subjectivité de l’expérience. En variant sans cesse ces positions, nous
espérons en profiter pour créer ce rapport tendu et jamais apaisé entre
savoir et faire. Donc, ni l’optique déformée de la proximité microscopique
de l’approche scientifique, ni le regard ambigu de la relativité artistique
pour un enseignement actif du traduire qui place le traducteur au cœur de
ce croisement. Double exigence constamment respectée par le lecteur
privilégié et le critique impliqué qu’il est.
Donc, que faut-il enseigner ? Dans ce domaine informe et sans
contours précis qu’est la traduction, il ne suffit pas seulement d’occuper
cette position transitoire, fort inconfortable d’ailleurs, il faut aussi se
demander inlassablement ce qu’on fait, ce qu’on doit maîtriser pour y
arriver et comment se servir de tout ce bagage théorique et pratique dans
une optique utilitaire en se préparant à la fois à une découverte personnelle
d’un travail désespéré dont « le but [...] ne se laisse pas fixer, car il est
toujours soumis à une sorte d’oscillation ou tangage « (Forget 1994, 29).
Alors, tout en privilégiant l’approche descriptive au détriment de
l’approche prescriptive ou purement théorique, comme le propose Michaël
Oustinoff (2003, 7), il est compréhensible qu’on soit terrifié quand, côté
réflexion, on entend qu’il s’agit d’ « une entreprise d’approximation »
(Ricœur 2004, 16), que « l’opération de traduction semble toujours vouée à
167
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
l’échec » (Launay 2006, 39), que « quand on traduit, on traduit toujours plus
ou moins « (Forget 1994, 45) contraint à « dire presque la même chose » (Eco
2006 – nous soulignons), « ce qui signifie souvent faire autre chose »
(Genette 1982, 297). Soulagé par le fait qu’« il est parfois possible de
compenser les pertes » (Eco 2006, 124) et qu’« une traduction est un acte de
langage » (Meschonnic 1999, 18), on est content de pouvoir recourir à cette
connaissance du langage qui suppose que tout ce qui est connaissable est
exprimable. ţe qui nous rassure aussi c’est que la langue que nous parlons
est peut-être la même chose (ou presque la même chose) que la pensée qui
nous habite. En outre, si on accepte la fameuse formule de Lacan selon
laquelle l’inconscient humain est structuré comme un langage avec ses lois,
sa syntaxe et ses caractéristiques intrinsèques et qu’en tant que tel, c’est le
discours de l’Autre, nous sommes tous des êtres traduisants ayant une
faculté innée, mais refoulée de traduire. Sans doute pouvons-nous
remarquer que le dire et le penser sont inséparables et que ces deux
activités sont souvent tenues pour acquises, ce qui a provoqué cette belle
définition selon laquelle pour traduire il ne faut que comprendre. Le plus
difficile, c’est de trouver comment le faire. Peut-on apprendre à
comprendre ? Peut-on tout simplement passer outre la compréhension d’un
texte et raconter sa propre version ? Le « comprendre, c’est traduire » de
Steiner et le « d’abord interpréter, puis traduire » d’Eco montrent bien que
l’invisible toile de fond du contexte ne doit pas et ne peut pas être comprise
et transmise d’une façon précise, un sens complet et univoque faisant
évidemment défaut. De ce point de vue, la traduction est un procédé
magnifiquement imparfait, qui nous fait réfléchir, mais qui nous dépasse,
pour le dire tout court, pour éviter de parler d’une sorte d’alchimie ou
d’une tentative de dégager la pensée derrière les mots, ce qui est peut-être
une belle manière de causer sur l’art de traduire, mais peu efficace. Et
comment, donc, enseigner quelque chose qui n’est pas à notre portée, avec
toutes les implications que cela comporte ? Réponse : cela se fait. Oui, mais
comment ? Nous y reviendrons. Au-delà de ce plaisir éphémère de pouvoir
être dans la tête d’un autre pendant quelque temps et de pouvoir faire
naître une écriture se faisant l’écho du texte donné, force est de constater
qu’il n’est pas question du pouvoir mais d’un malaise qui se fait action.
Pour en finir avec le « travail de deuil ». Pendant qu’il traduisait
Ruskin, Proust a magnifiquement exprimé dans une de ses lettres ce que
Paul Ricœur, à l’instar de Freud (1968), appelle le « travail de deuil » :
[...] vous savez qu’on ne « traduit » qu’un peu, et que la moitié des grâces
ne peut suivre, expire dès le début du périlleux voyage et ne saurait vivre
168
Muguraş ţONSTANTINESţU
dans l’atmosphère trop différente d’une autre langue. J’y ai mis le plus de
précautions que j’ai pu et sens bien que je n’apporte que des rameaux
défleuris. (Kolb 1979, 30)
Il s’ensuit que chaque traducteur, y compris celui qui est tout près du
mystère de la création, comme Proust, aurait fait sienne l’idée de « laisser
toute espérance ». On pourrait dire que ni la bonne compétence
linguistique ni la maîtrise littéraire ne sont suffisantes pour une traduction
absolue parce qu’une telle chose n’existe pas. Et c’est avec ce sentiment
d’inachèvement et de perte que le traducteur doit vivre dans l’état
permanent d’insatisfaction. Après une longue lutte avec le texte qui se
refuse à l’imitation, l’angoisse bat son plein au moment où l’on voit que ce
travail n’apporte que « des rameaux défleuris », ce qui pourrait être
blessant mais c’est surtout frustrant. ţomment faire face à cette
impossibilité qu’engendre une situation où le paradoxe est imposé et
maintenu et où il faut obéir à deux ordres contradictoires (faire tout son
possible et accepter le résultat incomplet de cette activité). ţ’est un cas
parfait de double contrainte qui pourrait bien nous enfermer dans un
modèle relationnel d’interaction schizophrénique, ce qui n’est pas sans
doute si loin de la vérité, du moins dans le sens deleuzien du terme. Or, les
traducteurs comme machines désirantes, ce serait bien sûr très productif, et
cela nous aurait peut-être largement suffi d’appliquer à la traduction l’idée
que « la littérature est tout à fait comme la schizophrénie : un processus et
non pas un but, une production et non pas une expression » (Deleuze-
Guattari 1972, 159). De toute façon, schizophrènes ou pas, cela ne signifie
pas que les traducteurs sont perdus, de même que le travail de deuil qu’ils
doivent subir n’est pas un critère pertinent pour diagnostiquer une
maladie. Or, Freud (1968) fait remarquer dans son texte « Deuil et
mélancolie » que le deuil est dépressif, mais ce n’est pas une dépression
pathologique. Quoique lié à une perte, le deuil ne marque pas la fin d’une
relation, bien au contraire, on voit que la relation avec l’objet de notre
attachement se modifie, car un deuil est pensable et élaborable
psychiquement. Freud s’est aperçu qu’il s’agit d’un investissement
narcissique. Le travail de deuil est en même temps un travail de
détachement que laisse une trace ou une cicatrice dans le Moi qui a perdu
une de ses parties narcissiques avec la disparition de l’objet du désir. Le
Moi affaibli apaise le psychisme et on finit par accepter la réalité. ţette
explication très élémentaire nous aide à comprendre ce qui se produit
quand le mécanisme d’adaptation se met en marche permettant de rendre
opérationnels nos réflexes innés et de les ajuster aux variations des
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Il vaudrait mieux, sans doute, distinguer non entre textes traduisibles (il
n’y en a pas) et textes intraduisibles, mais entre textes pour lesquels les
défauts inévitables de la traduction sont dommageables (ce sont les
littéraires) et ceux pour lesquels ils sont négligeables [...]. (Genette 1982,
295)
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1 ţet ouvrage est donné à titre d'exemple pour les idées que Girard développe avec
172
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Références bibliographiques
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Girard, René. Des choses cachées depuis la fondation du monde. Paris : Grasset, 1978.
Kolb, Philip. Correspondance de Marcel Proust. Tome V : 1905. Paris : Plon, 1979.
Ladmiral, Jean-René. Traduire : théorèmes pour la traduction. Paris : Gallimard, 1994.
Launay, Marc. Qu'est-ce que traduire ? Paris : Vrin, 2006.
Meschonnic, Henri. Poétique du traduire. Lagrasse : Verdier, 1999.
Oustinoff, Michaël. La traduction. Paris : Presses Universitaires de France, 2003.
Ricœur, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
174
Devoir du traducteur du texte de spécialité
Eugenia ENACHE
Résumé : Notre communication porte sur les difficultés de la traduction des textes
juridiques, relevant de la diversité textuelle et des différences qui existent entre les systèmes
et les institutions juridiques. En plus les concepts juridiques eux-mêmes, la jurisprudence
diffèrent d’une langue à l’autre et il est souvent difficile de trouver l’équivalent adéquat
pour les termes du droit. Le travail vise à porter quelques éclaircissement sur la difficulté de
traduire du / en français et à répondre aux questions que tout traducteur doit se poser :
quelle est la différence qui sépare l’original du texte traduit ? ; une traduction est-elle en
mesure d’évoquer la même chose que l’original ?
Abstract : Our work focuses on the difficulties of translating legal texts given the fact that
there are many types of texts in the legal domain and differences between systems and legal
institutions. Moreover, the legal concepts themselves differ from one language to another
and it is often difficult to find the adequate equivalent for legal terms. The work aims to
bring some light on the difficulty of translating from/into French and to answer the
questions that every translator must ask himself: what is the difference that lies between the
original and the translated text?; is a translation capable of evoking the same thing as the
original?
175
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
juridique émis dans une langue et dans un système juridique vers une
autre langue et un autre système juridique. Dans le cas du traducteur
roumain nous pouvons utiliser le terme de « traduction juridique » car les
deux systèmes de droit, français et roumain, ont des institutions semblables
ou même identiques et la plupart des termes juridiques roumains
proviennent du français.
Pour le traducteur roumain, l’opération de traduire du / en français
paraîtrait simple, à la portée de tout traducteur, parce que la terminologie
juridique roumaine a été empruntée au ţode civil napoléonien, et le droit
roumain a été fondé sur la pensée juridique française. Et pourtant, quand
on s’applique au travail, on se heurte à bien des problèmes, parce qu’on
doit passer des formes spécifiques d’une langue, aux découpages souvent
différents d’une autre, et ce découpage se fait selon des modèles de phrases
où les unités signifiantes sont agencées de façon très différente.
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Muguraş ţONSTANTINESţU
interprètent et qui appliquent les textes de loi. Aux grands langages qui
coexistent au sein du langage du droit – législatif, juridictionnel,
conventionnel, coutumier, administratif – s’ajoutent tous les discours
auxiliaires qui contribuent à la réalisation du droit (plaidoiries,
réquisitoires, rapports, notifications, etc.).
Les spécialistes soutiennent l’idée que l’on ne traduit pas de la
même façon une loi que l’on veut appliquer comme loi nationale et de cette
façon faire un usage juridique direct du produit de traduction, et une loi
que l’on traduit dans le but d’informer les juristes d’un pays donné sur le
droit étranger. Dans ces circonstances, on parle de la traduction-instrument
et respectivement de la traduction-document (Bocquet 2008, 84).
Ţien que le traducteur déploie une recherche documentaire
approfondie pour étudier le domaine qu’il approche, bien qu’il possède
une connaissance suffisante du langage juridique, il ne pourra pas se passer
de la collaboration du spécialiste. Il lui faut une connaissance suffisante du
domaine juridique pour éviter de dénaturer le message original.
Le traducteur doit faire attention au passage d’un système juridique
à un autre, au caractère normatif des textes juridiques et de ses
conséquences, à la terminologie technique et aux formules types.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
« [i]l ne faut donc traduire que quand c’est possible et ne jamais transposer
d’un pays à un autre, d’un système à un autre. Lorsqu’il n’existe ni
traduction, ni équivalent, il faut expliquer (soit entre parenthèse dans le
texte, soit par des notes du traducteur. »
En guise de conclusion
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Références bibliographiques
185
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La traduction pour enfants et son potentiel didactique
Alina PELEA
Abstract: The teaching of translation involves several disciplines – translation intoL1 and L2,
history and deontology, etc. – each of them with its own specific objectives and methods.
Our paper sets out to explore various ways in which translation for children can be used at
the beginning of the university professional training of future translators. Our starting point
was the observation of the fact that this type of translation can illustrate “in miniature” most
of the difficulties (terminological, cultural, linguistic and other) occurring in professional
practice and the various kinds of possible solutions.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Étant donné que, dans les lycées roumains, la traduction est, à juste
titre d’ailleurs, avant tout une méthode privilégiée d’acquisition du lexique
et des structures grammaticales de la langue étrangère, les étudiants
débutants ont, en général, une perception tronquée (sinon carrément
erronée) de ce qu’elle est vraiment, dans la « vie réelle », dans la société.
ţ’est, en fait, la perception commune, du public non-spécialiste. Ainsi, le
plus souvent, les étudiants n’ont-ils aucune exigence par rapport à la
qualité du texte traduit dans leur langue maternelle (ils s’accrochent à la
restitution de chaque mot étranger et ont du mal à se libérer de cette
« tyrannie » de l’original pour aboutir à des formulations naturelles en
langue-cible) et n’envisagent pas les textes dans leur ensemble, d’où une
approche simpliste et susceptible d’engendrer des erreurs de contenu.
Celle-ci consiste à travailler par de très petites unités de traduction, sans
souci pour le message global. De même, ils ne se rendent pas compte de la
différence entre les exigences du thème et de la version, dans le sens où,
pendant leur formation antérieure, l’accent n’a pas été mis sur la qualité de
la langue maternelle : la traduction est encore, à leurs yeux, un exercice
dont la difficulté est liée presque exclusivement à la langue étrangère,
qu’elle soit source ou cible. La compétence traductive semble se mesurer,
dans cette étape, à l’aune des connaissances linguistiques (lexicales,
grammaticales) sans prise en compte conséquente et consciente de
l’extralinguistique. L’affirmation de Jean-René Ladmiral et Marie Mériaud
selon laquelle
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
magazines pour les enfants de moins de trois ans, en passant par les contes
classiques et les récits pour adolescents, il y a une profusion de matériels à
exploiter en classe et autant d’aspects à traiter y compris sous un angle
théorique : genre, type de texte, support éditorial, public visé, oralité,
créativité, adaptation vs. fidélité, etc. Les dimensions souvent réduites des
textes contribuent à leur tour à l’efficacité de ce matériel pédagogique.
D’autant plus qu’il peut être plus facile de choisir un thème (ex. rapport
texte-illustration) et de l’illustrer sans s’en écarter pour régler des
problèmes de compréhension ou de grammaire.
Ce type de traduction sert bien cet objectif de la didactique qui est la
prise de conscience de la réalité de la traduction dans un cadre qui ne
néglige point, mais qui, au contraire, met en avant de manière explicite –
par le fait même que la traduction pour enfants offre des illustrations
concrètes de nombre de théories, concepts et principes – les fondements
théoriques de cette activité. ţomme le souligne Michel Ţallard, c’est là un
des principaux objectifs de l’enseignement universitaire de la traduction :
194
Muguraş ţONSTANTINESţU
À défaut d’adapter le cours aux exigences d’un public qui a intérêt à faire,
plutôt qu’à prendre en note, et qui désire faire, du moins dans des
conditions où son travail peut être directement évalué, l’intérêt du cours
risque de n’être plus ressenti, ni par les étudiants, ni par les enseignants
eux-mêmes. L’exercice rendu trop austère ou trop dur, pour un public
malgré tout peu confronté aux exigences de l’expression écrite, ne
permettra plus à personne de s’exercer. (Gournay 2009, 129)
1 Nous pensons que ce genre de texte a toutes les chances de fonctionner auprès de
la grande majorité des étudiants en tant que « révélateur », au sens que donne
Michel Ţallard à ce terme : « La traductologie, en tant que science, démarche ou
concaténation de réflexions sur l’objet traduction, fonctionne comme révélateur à
plusieurs degrés. Au premier degré, celui de l’individu qui se penche sur la
traduction pour en analyser le fonctionnement, la démarche traductologique révèle
un besoin de comprendre, de prendre de la distance avec l’acte de traduire […] !
ţe premier degré concerne l’individu et sa motivation : la motivation devrait être
interne et déjà révéler un attrait pour un inconnu déroutant (la traduction) ou bien
au contraire la conscience immédiate d’un ordre sous-jacent via la perception de
récurrences dans le comportement du traducteur. » (Ţallard 2009, 91)
195
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
La maîtresse fait tout pour lui apprendre à travailler à l’endroit. (Amiot 43)
196
Muguraş ţONSTANTINESţU
[i]l ne suffit pas de connaître les classiques pour pouvoir déceler toutes les
allusions que recèle un texte. ţ’est parfois à des séries télévisées, à des tics
de langage d’hommes politiques disparus depuis longtemps ou à des
comptines qu’il est fait référence. (Fontanet 2009, 323)
2 ţet article présente les résultats d’un sondage lors duquel les participants
devaient associer les chacun des favoris de l’élection présidentielle roumaine de
2009 à un personnage (littéraire, de dessin animé ou de film) ou à une personnalité,
sans qu’il y ait une liste préétablie des options. Il est intéressant d’observer que, sur
les 73 noms relevés, 20 appartiennent à des personnages de la littérature pour
enfants (dont 11 typiquement roumains !) et 25 à des personnages de dessins
animés ou de films pour enfants. ţ’est dire l’importance de connaître la culture des
et pour les enfants aussi pour mener à bien une traduction somme toute destinée
aux adultes.
197
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
pas moins importants pendant la formation (voir aussi Gournay 2009, 137-
138). Un texte exigeant une approche créative met à l’épreuve la capacité
d’expression, ce qui est utile surtout dans le travail sur la langue maternelle
des étudiants. ţ’est là une manière subtile, mais ludique et agréable – donc
susceptible de stimuler plutôt que de décourager – d’attirer l’attention à la
fois sur ses propres limites d’expression, si c’est le cas, en même temps que
de faire découvrir les possibilités (infinies ?) d’expression de sa langue. ţar
Poichiche est haut comme trois pois, mais il est assez costaud pour
soulever une noix. Et il connaît un tas de formules magiques sur le bout
des doigts.
[…]
– Pas chiche Poichiche d’aller chatouiller les naseaux du dragon ! (Brissy
72)
198
Muguraş ţONSTANTINESţU
199
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
200
Muguraş ţONSTANTINESţU
On établira aussi la distinction entre ce qui ne doit pas se faire et ce qui peut se
faire, et est même souhaitable. On distinguera l’omission (oubli ou
suppression), qui est une faute, de l’effacement, qui est une opération de
traduction (témoignant souvent du souci d’alléger le texte pour des raisons
d’ordre stylistique) […]. » (Ţallard 2005, 54 – nous soulignons]
Conclusion
201
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
dessins animés et de films (à cet égard c’est surtout l’anglais qui est
concerné en tant que langue-source ; les calques est les faux amis pullulent
sur nombre de chaînes pour enfants), de revues ou de logiciels.
L’enjeu n’est donc pas seulement pédagogique, mais aussi éthique.
À travailler sur des textes pour enfants, le traducteur apprenti se rendra
plus facilement compte du danger qui pèse s’il fausse des éléments
culturels clés ou s’il rend un texte incohérent. En effet, une mauvaise
traduction risque de pervertir le sens de la langue chez les petits lecteurs et
leur ôter le goût de relire et d’apprendre par cœur un texte sans charme et
qui ne dispose plus d’éléments de mnémotechnie (rime, rythme, répétition,
etc.).
Nous pensons pouvoir conclure par une paraphrase de la citation
de Claude Ponti (in Cauwe 2006, 22) que nous avions mise en exergue de
cette intervention : parfois, la métaphore d’un texte pour enfants nous
permet de mieux voir, comprendre la traduction et donc de mieux s’y
prendre.
Références bibliographiques
202
Muguraş ţONSTANTINESţU
Texte de référence
203
Dynamique de la signification et jeu des reformulations dans
la traduction d’ouvrages touristiques du roumain vers le
français
Mirela POP
Abstract : Based on the dynamic nature of signification, the present paper analyzes “the
play” of reformulations provided by translators. In particular, it focuses on the ways in
which professional translators change the content of the source text in the translation
process. Taking into account that source text production and target text production are not
identical processes, special emphasis is placed on those reformulations which move away
from the literality of the original text. In addition, the solutions offered by translators are
looked at in terms of their pertinence. The paper is part of the body of literature dealing
with applied linguistics - more specifically, with the linguistics of utterance (linguistique de
l’énonciation) - in the field of translation, and is based on a corpus of tourism-oriented texts
translated from Romanian into French.
1. Préliminaires
205
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
206
Muguraş ţONSTANTINESţU
207
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
2. Contenu de la démarche
« Nous vous attendons afin que vous puissiez découvrir tout cela sur les
lieux ! »
Du point de vue formel, l’énoncé est correct parce qu’il restitue les
structures grammaticales et lexicales du français. Au niveau du contenu,
aucun changement qualitatif n’est enregistré : le sens restitué est conforme
à celui d’origine : le sujet énonciateur qui dit « nous » invite les touristes
français à voir de leurs propres yeux – « sur les lieux » – les beautés du
pays. Toutefois, la reformulation est jugée comme étant inadéquate vu
qu’elle ne satisfait pas aux conditions d’emploi de l’énoncé à l’intérieur du
208
Muguraş ţONSTANTINESţU
ţomme nous l’avons mentionné plus haut, les choix opérés par les
sujets lors des reformulations intra- ou interlinguales sont d’ordre
quantitatif et / ou qualitatif. Les choix quantitatifs peuvent aller jusqu’à la
transformation formelle totale de l’énoncé de base, alors que les choix
qualitatifs sont susceptibles d’entraîner des déformations légères ou
significatives allant jusqu’à l’altération inacceptable des contenus. Les choix
quantitatifs et qualitatifs seront jugés en termes d’acceptabilité ou
d’inacceptabilité en raison du degré de déformabilité observé suite aux
2 Il convient de préciser que les traductions fautives et, pour cela, inacceptables,
sont bien nombreuses aussi dans le corpus étudié, mais ne font pas l’objet de notre
discussion. ţes traductions peuvent être utilisées lors d’activités de réécriture en
classe de traduction du roumain vers le français.
209
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
210
Muguraş ţONSTANTINESţU
traduction est pertinente sur le plan formel, elle ne restitue pas pour autant
l’allusion culturelle renfermée par le syntagme « veşnicia satului » qui
renvoie à un vers très connu par le public roumain, extrait du poème
Sufletul satului [L’âme du village] du poète roumain Lucian Ţlaga (« Eu cred
c veşnicia s-a n scut la sat »). Une traduction plus réfléchie serait : L’âme
éternelle du village roumain (notre traduction).
En (2), la traductrice choisit de diluer le contenu de l’énoncé source
afin d’éviter une reformulation littérale perçue probablement comme étant
trop plate (România rurală / *la Roumanie rurale). La traductrice opte pour
une formulation plus explicite, où le syntagme nominal « România rural »
est rendu par une périphrase explicative (« venir en Roumanie goûter la vie
campagnarde »). Sur le plan du contenu, la reformulation est acceptable,
malgré la modulation introduite, car elle laisse sous-entendre un processus
intermédiaire de reformulation intralinguale : « Cela vaut vraiment la peine
de venir en Roumanie ; là, vous pourrez goûter la vie campagnarde ».
De tout autre nature est l’énoncé cité sous (3) qui, dans l’ouvrage, a
pour fonction d’expliquer (ou de renforcer) une image prise à l’occasion
d’une fête ayant eu lieu dans une maison traditionnelle du Maramureş, au
nord du pays. La comparaison avec un correspondant littéral fait ressortir
le statut de reformulation libre de l’énoncé traduit : *Chants et danses dans
une maison du Maramureş // Fête familiale traditionnelle, avec chants et
danses, dans le Maramureş. La dilution s’accompagne d’une modulation
métonymique (cas / maison – fête familiale traditionnelle) censée créer un
effet stylistique en français, absent de l’original.
En (4), la traductrice opte pour la concentration des signifiés par
l’effacement d’un terme jugé comme étant superflu : « Ve i descoperi o ar
de sate … » / « Vous y découvrirez des villages… ». La reformulation
apparaît comme étant appropriée en contexte, en raison de la relation3 que
l’on peut établir avec l’énoncé antérieur : « Cela vaut vraiment la peine de
venir en Roumanie goûter la vie campagnarde ». ţe procédé formel est
jugé comme adéquat par rapport à son correspondant littéral qui passerait
mal en français (o ar de sate / *un pays de villages).
Dans l’exemple cité sous (5), la traductrice opte pour la
réorganisation totale du contenu source afin de mieux répondre aux
exigences structurelles du français. La restructuration s’accompagne d’une
211
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Très pittoresques sont aussi les villages habités par les minorités
(hongroises et sicules) dont les costumes, danses, musiques et coutumes
attirent bon nombre de touristes.
212
Muguraş ţONSTANTINESţU
6. (R) Acesta este mediul autentic în care se poate descoperi cum sunt
sărbătorile la români – Crăciunul şi Anul Nou, cu alaiurile lor
de mascaţi, de colindători şi urători ; Paştele – cu ouăle roşii şi
slujbele religioase ce adună procesiuni impresionante …
(F) C’est la meilleure manière de prendre connaissance du calendrier
festif traditionnel – Noël et le Nouvel An, avec leurs cortèges
masqués menés par des enfants qui chantent des cantiques
religieux, Pâques, avec ses œufs rouges consommés après la
grand’ messe suivie d’importantes processions religieuses.
7. (R) Desigur, mulţi străini sunt descumpăniţi şi vorbesc de paradox
şi contraste … Alţii sunt entuziasmaţi să urce în trenuri de
epocă, unele trase de locomotive cu aburi, aşa cum numai în
filme se mai pot vedea, … iar omul se crede într-un misterios
decor al timpului.
(F) Les touristes occidentaux sont assez déconcertés et évoquent
aisément le caractère paradoxal et contrastant … Certains
voyageurs se laissent tentés par les petits trains d’époque, dont
les wagonnets sont tractés par des locomotives à vapeur … Ils
peuvent se croire dans un décor de cinéma.
8. (R) Verdele pantelor molcome est petecit de nuanţele diverse ale
terenurilor cultivate.
(F) Sur les collines aux versants arrondis, le vert des bocages alterne
avec les nuances des parcelles de champs cultivés pour former un
plateau patchwork.
Nous pouvons dire que les segments d’énoncés source et cible cités
sous (6) « Acesta este mediul autentic în care se poate descoperi cum sunt
s rb torile la români » / « ţ’est la meilleure manière de prendre
connaissance du calendrier festif traditionnel » peuvent être mis en relation
de « parenté sémantique » vu que leurs sémantismes se recoupent dans une
zone sémantique ; l’invariant peut être formulé comme il suit : « Les
villages de Roumanie représentent le milieu authentique où les touristes
peuvent découvrir les coutumes autochtones ». L’implicite est évident, de
même que la cible : « Venez visiter les villages de Roumanie si vous voulez
connaître les coutumes des habitants ! ».
À avoir recours aux théories de l’énonciation, nous observons que le
démonstratif roumain acesta est repéré par rapport à la situation
213
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
214
Muguraş ţONSTANTINESţU
Nous observons que la traductrice n’a pas opté pour des choix directs (le
sourire de l’enfance ou la candeur a les yeux bleus) proposant des solutions lui
permettant de restituer l’effet visuel transmis par les images qui
accompagnent les deux énoncés (des enfants qui sourient et des petites
Moldaves aux yeux bleus) : « les enfants et leur merveilleux sourire » (10) et
« l’ingénuité des petites Moldaves aux yeux bleus » (11).
Parmi les modulations, celles métaphoriques sont les plus
spectaculaires, vu qu’elles entraînent un effort de reformulation majeur. Le
recours à l’image est censé justifier certaines reformulations que l’on serait
enclin à juger comme étant trop libres. Les exemples sont nombreux dans
notre corpus ; nous citerons l’exemple suivant :
215
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Conclusion
Si l’on admet que les choix traductifs sont subjectifs et, par
conséquent, variables selon les sujets, on ne saurait négliger les
« déformations » susceptibles d’intervenir dans toute activité de
reformulation, qu’elle soit intra- ou interlinguale, et qui vont, comme nous
avons essayé de le montrer, de glissements légers à des déviations
significatives. On ne peut alors ne pas se demander jusqu’à quel point l’on
peut accepter ces déformations et de quels instruments l’on peut user afin
de mesurer le degré de déformabilité des reformulations résultées. Les
outils d’analyse fournis par la linguistique de l’énonciation nous ont
permis, dans les cas examinés plus haut, de renforcer nos jugements.
La concession que fait A. Culioli (1987, 4-10), adepte d’un « point de
vue énonciatif de la traduction », au phénomène de la traduction vient
renforcer notre thèse sur l’« adéquation » : « Reste que, avec des
approximations, des détours paraphrastiques, des pertes, on arrive à une
certaine adéquation. » (ţulioli 1990, 34).
Références bibliographiques
216
Muguraş ţONSTANTINESţU
217
219
221
Le rôle de la dérivation impropre dans la traduction médicale
du roumain vers le français. Le cas des adjectifs employés
adverbialement dans les textes du domaine ophtalmologique
Eugenia ARJOCA-IEREMIA
Abstract : Starting with the second half of the 19th century, Romanian medical terminology
has undergone a process of modernisation under the influence of French. Romanian medical
terms borrowed from French have undergone a process of adaptation to the rules of
Romanian valid for all other neologisms; moreover, certain simple or compound adjectives,
as for instance : macular, papilar, ultrasonografic, angiofluorografic, parapapilar, etc. can be
employed as adverbs without any formal modification. Our aim is to examine different
possibilities of translating into French such adjectives employed as adverbs as a result of
inadequate derivation. The corpus of examples is provided by texts belonging to the field of
ophthalmology.
223
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1 Les exemples, que nous donnerons, sont extraits des articles suivants :
« Facomatoza pigmento-vascular asociat cu persisten a şi hiperplazia de vitros
primitiv şi osificare sclero-coroidian » (La phacomatose pigmento-vasculaire associée à
la persistance et à l’hyperplasie du corps vitreux primitif et à l’ossification scléro-
choroïdienne, PhPV) ; « Osificarea coroidei – cu referire la trei cazuri» (Ossification de
la choroïde : à propos de trois cas, Och) ; « Fibrele nervoase cu mielin asociate cu o
ocluzie a arterei cilioretiniene » (Les fibres nerveuses à myéline associées à une occlusion
de l’artère ciliorétinienne, FNM) ; « Hamartomul combinat al epiteliului pigmentar şi
al retinei » (L’hamartome combiné de l’épithélium pigmentaire et de la rétine, H) ;
« Angiosarcomul lui Kaposi conjunctivo-palpabral » (Angiosarcome de Kaposi
conjonctivo-palpébral, K). Observation. Tous ces articles sont parus dans différents
224
Muguraş ţONSTANTINESţU
articles de spécialité en français, portant sur des sujets similaires aux sujets traités
par les ophtalmologues roumains. Ces articles nous ont permis de dresser, avant
de commencer la traduction, un glossaire comportant la terminologie générale et
spécifique, ainsi que certains tours phraséologiques.
3 Voir la bibliographie. Tous les articles doivent respecter rigoureusement une
225
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Adjectifs Noms
Roumain français Roumain français
Pigmentar pigmentaire Distrofie dystrophie
Papilar papillaire Crioterapie cryothérapie
Capilar capillaire Hemoragie hémorragie
Astrocitar astrocytaire Eritrocite érytrocytes
Histopatologic histopathologique Orjelet orgelet
Endofitic endophytique Fotocoagulare photocoagulation
lecture. Donc, en tant que traducteur, nous avons pu bénéficier d’observations précieuses
d’ordre linguistique, faite par les spécialistes français.
4 Dans les sous-paragraphes qui suivent, nous allons donner quelques exemples
226
Muguraş ţONSTANTINESţU
227
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
5Pour plus de détails sur la traduction des prépositions, dans les textes médicaux,
voir notre article, Arjoca-Ieremia (2003, 121-124).
228
Muguraş ţONSTANTINESţU
229
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
230
Muguraş ţONSTANTINESţU
Daniel Vigier propose que l’on emploie le terme d’« adverbial » (pour le
terme « circonstant » qui avait été introduit par ţlaude Guimier (1993, 15);
il s’agit d’« un constituant satellite du verbe qui ne remplit aucune des
fonctions sujet, attribut, complément essentiel, direct ou indirect. (2005,
293)
231
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
(6) Sub ierea corneei periferice, juxtă limbic, nazal şi temporal cu aspect de
« jgheab » cu epiteliu intact, m rginit de linii albe, cu aspect de calcar.
(PhPV)
L’amincissement de la cornée périphérique, jouxtant le limbe, des côtés nasal
et temporal donnant un aspect de « gouttière ». L’épithélium reste intact,
bordé par des lignes blanches d’aspect calcaire.
Conclusions
232
Muguraş ţONSTANTINESţU
Références bibliographiques
Dictionnaires
233
La traduction des documents audio-visuels :
volet indispensable dans la formation des traducteurs
Mariana PITAR
1. Argument
235
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
236
Muguraş ţONSTANTINESţU
237
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
1 Yves Gambier (2004, 3) parle aussi de formes de traduction telles que le commentaire libre
(adaptation d’un programme à un nouvel auditoire), la traduction à vue (à partir d’un sous-
titrage d’une autre langue ou d’un script) et l’audio-description (descriptions placées sur la
bande sonore des détails de l’image – expressions faciales, gestes, couleurs, etc. – à
l’intention des aveugles ou des malvoyants).
2 Yves Gambier affirme, par contre, que la TAV est une traduction qui n'est pas plus
contrainte que d’autres types de traduction : « elle est une traduction sélective avec
adaptation, compensation, reformulation et pas seulement pertes ! Elle est traduction ou
tradaptation si celle-ci n’est pas confondue avec le mot à mot, comme elle l’est souvent dans
les milieux de l’AV, mais définie comme un ensemble de stratégies (explicitation,
condensation, paraphrase, etc.) et d’activités incluant révision, mise en forme, etc. » (2004, 5).
238
Muguraş ţONSTANTINESţU
Contraintes sémiotiques
Nous avons vu que les documents audio-visuels sont un mélange
de plusieurs codes sémiotiques porteurs d’information dont les plus
importants sont la bande sonore et l’image visuelle. Dans le cas du sous-
titrage, le texte qui s’insère au-dessous de l’image introduit un troisième
code sémiotique : le texte écrit qui vient s’ajouter au code de l’image en
permanent mouvement et à celui du son. Il constitue ainsi une situation
unique de passage d’un code oral à un code écrit.
Quels en sont les effets sur la perception ? Il surcharge l’écran et
éloigne l’attention du spectateur de l’action qui se passe sur l’écran. Le
spectateur est en face de deux sources linguistiques véhiculant un même
signifié et de trois codes différentes qui se superposent ou s’entrecroisent
en permanence. ţ’est pourquoi le sous-titre doit passer d’une manière
discrète, apportant l’essentiel de l’information sans trop surcharger l’écran
du point de vue spatial ni accaparer l’attention du spectateur du point de
vue du temps nécessaire à la lecture. Assez souvent, il embrouille la
réception de l’information du document, c’est pourquoi il doit rester
secondaire avec le rôle de simple support de l’information nécessaire à la
compréhension.
Les caractéristiques mentionnées plus haut ont des effets aussi sur
le texte des sous-titres. Si, dans la traduction d’un texte écrit, le texte-cible
essaie de remplacer entièrement le texte-source (avec toutes les spécificités
qui tiennent du transfert lexicale, culturel, stylistique etc.), le sous-titrage
fait surtout un transfert d’information, les autres aspects tels que le style,
les éléments culturelles etc. étant soumis à cette exigence majeure de
compréhension, d’où les caractéristique suivantes du texte du sous-titrage :
réduction de l’information, élimination de tout élément redondant,
superflu, répétitif (répétitions, onomatopées).
Du point de vue stylistique, il y a un appauvrissement nécessaire de
l’expression. Il faut maintenir un équilibre juste entre traduit et non traduit,
bien sélecter l’information tenant compte du fait qu’une bonne partie de
l’information est transmise par l’image et la bande sonore.
Pour le doublage, il y une suppression de ce troisième code ce qui
simplifie la compréhension, mais en même temps elle mène a une perte
linguistique et culturelle.
239
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Contraintes cognitives
Le sous-titrage crée un écart entre la lecture de l'image et la lecture
du texte, demande un va-et-vient permanent entre le film et la lecture du
sous-titre, avec des effets sur la perception et sur le texte, effets mentionnés
plus haut. À la suite des recherches sur le spécifique de la perception
humaine, on a réussi à établir un temps optimal en ce qui concerne la durée
du sous-titre sur l’écran aussi que la longueur du texte. On a ainsi limité le
texte à deux lignes, la première plus courte que la deuxième, et contenant
environ 60 caractères. Le texte doit rester sur l’écran 5 secondes pour
pouvoir être lu. La vitesse de lecture dépend, bien sûr, du degré de culture
des spectateurs. ţeux qui sont moins habitués à une lecture constante
auront de difficultés à suivre les sous-titrages. En général, le temps de
déroulement des sous-titres est calculé pour un lecteur avec une vitesse
Contraintes techniques
moyenne de lecture et des connaissances moyennes de la langue.
240
Muguraş ţONSTANTINESţU
commencé, le spectateur n’a aucun contrôle sur le texte qui se déroule sur
la bande et il doit faire face au rythme imposé par l’action et le dialogue du
film.
adapter les textes, les réduire, éliminer les notes et donner un texte
points les plus importants :
241
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
242
Muguraş ţONSTANTINESţU
titrage emploie une langue assez soutenue, essayant d’éviter l’argot, les
régionalismes, les jargons, les gros mots qui ont un impact beaucoup plus
fort sur l’écran que dans un livre.
b) Compétences rédactionnelles
Dans les sous-titres on utilise les caractères et les signes de
ponctuation d’une manière particulière : d’une part, ceux-ci sont beaucoup
simplifiés, pour permettre une lecture linéaire, rapide, sans les
interprétations suggérées par l’emploi de certains signes ou symboles, tels
que les points de suspension, les points d’exclamation répétés, les couleurs
différentes, les types de caractères différents (d'habitude italiques ou gras),
les parenthèses, etc. ; d’autre part, les signes de ponctuation connus sont
parfois employés d'une manière spécifique. Ainsi :
- le tiret apparaît seulement si les paroles des deux personnages font
l’objet d’un même sous-titre. Si chaque sous-titre contient les paroles d’un
seul personnage, le tiret n’apparaît pas quand le personnage change ;
- les points de suspension marquent le fait que la phrase est continuée
dans un autre sous-titre, mais son emploi fréquent est à éviter ;
- les parenthèses explicatives sont en général interdites. Leur emploi
est permis parfois s’il faut donner des explications absolument nécessaires
à la compréhension du film, mais elles doivent être très courtes et ne pas
faire l’objet seul d’un sous-titre. Les informations qui peuvent apparaître
dans des parenthèses expliquent certains jeux de mots ou la signification de
certains noms propres.
Une bonne partie de l’information de nature pragmatique que
cachent ces signes est explicite dans l’image ou la bande sonore et ne
nécessite pas d’être doublée. Une telle traduction doit supprimer toute
répétition d’information explicite transmise par un autre code : émotion,
exclamations, cries, sanglots, rires, balbutiements, etc.
En revanche, une traduction pour les sourds-muets et
malentendants utilisera toutes les possibilités que les signes de ponctuation
offrent pour ajouter au message du texte les informations sonores qui lui
manquent. Il y a ainsi dans ce type de traduction tout un code de couleurs
qui expriment les paroles dans le cadre ou hors cadre, qui distinguent
différents type de bruits de la musique ou les personnages qui parlent entre
eux, le discours oral du dialogue intérieur, etc. D’autre part, la place du
texte sur l’écran est elle aussi porteuse d’informations et dirige le plus
souvent l’attention du spectateur vers le personnage qui parle.
Toujours dans le cadre des compétences rédactionnelles, nous
devons mentionner le talent du traducteur d’organiser le texte. Il doit
243
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
savoir distribuer judicieusement les phrases plus longues soit entre deux
sous-titres, soit, dans le cadre d’un seul sous-titre, entre les lignes qui le
composent. ţe découpage de la phrase doit tenir compte des règles
morphologiques et syntaxiques, mais aussi sémantiques et d'une logique de
la distribution de l’information à l'intérieur d'une ou de plusieurs phrases.
244
Muguraş ţONSTANTINESţU
Conclusions
Références bibliographiques
245
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
246
Stratégies de transport culturel dans la traduction du roman
Notre Dame de Paris de Victor Hugo
Petronela MUNTEANU
Abstract : This article concentrates on literary translation and intends to offer a brief outline
of the strategies of cultural transport used in the translation of the hugolien novel Notre-
Dame-de-Paris in the Romanian space. The methodology employed consists of comparing the
source text with some Romanian versions, approaching the problems of translation raised
by certain sequences (non-existent cultural entities in the Romanian culture, terms which
relate to sociopolitical organization, the name of holidays, public services, proper nouns,
verbal expressions). We shall see that, from the very first page of the novel, the Romanian
translators are faced with several problems because of the cultural elements contained in the
text. To draw a successful correspondence between sociocultural connotations, the
Romanian translators have to possess language and linguistic skills and they have to master
the employment of the right translation strategies.
247
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
248
Muguraş ţONSTANTINESţU
249
Pratiques (en marge) de la critique des traductions
La limite de la culture est marquée par des « points riches » qui sont en fait
des lieux de différences dans le comportement qui provoquent des conflits
culturels ou des crises de la communication entre deux communautés en
contact.[….] ţes aspects – qui vont des signes lexicaux aux actes langagiers
jusqu’aux concepts fondamentaux du fonctionnement du monde – sont
autant de points riches … (2008, 36)
250
Muguraş ţONSTANTINESţU
connu à travers les chroniques des mémorialistes. Parmi les éléments qui
rendent difficile la traduction on peut signaler l’évocation des événements
historiques du Moyen Âge tardif avec les aspects théologiques,
philosophiques, le mélange de registres linguistiques (jargon, langue
populaire, l’argot). À cela s’ajoute, dans les pages consacrées à
l’architecture, la difficulté d’une certaine précision terminologique.
Un autre défi pour le traducteur est donné par l’intertexte, riche en
citations latines, grecques de comptines, refrains, chansons populaires,
françaises ou espagnoles.
Les quatre traductions roumaines de Notre Dame de Paris de Victor
Hugo ont été publiées à des époques différentes. La première traduction,
Cocoşatul de la Notre Dame, a été publiée par George A. Dumitrescu en 1919-
1920. Une deuxième traduction, réalisée quelques ans après par George Ţ.
Rareş, a paru en 1935 aux Editions « ţultura Româneasc », Ţucureşti, sous
le titre Cocoşatul de la Catedrala Notre Dame de Paris. Dès la première page on
mentionne que c’est une traducere complectă [traduction complète] de
George Ţ. Rareş. Une autre traduction analysée, sous le titre Cocoşatul de la
Notre Dame, appartient à Ion Pas, parue à la Maison d’édition Arc, Bucarest,
1992, et compte 492 pages. Le conseiller éditorial Paul Lampert explique
qu’on a utilisé comme texte de base la traduction de Ion Pas parue aux
Editions « Cugetarea » en 1938 et que dans la présente édition on a
modernisé l’orthographe, on a corrigé les inadvertances onomastiques et
stylistiques et, cette fois-ci, le roman a été réédité dans un seul volume.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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1 Sur l’emplacement de l’actuelle rue Saint André des Arts. L’Université et l’abbaye de Saint
Germain se disputaient encore au XVI e siècle ce territoire.
2 Il s’agit de la division traditionnelle, topographique et organique de Paris : le pouvoir civil
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
et par Naum
Fiecare se hot rase fie pentru focul de s rb toare, fie pentru arborele de mai,
fie pentru mister, tandis que Dumitrescu recourt à une réorganisation de la
phrase : Mul imea burghezilor şi burghezelor se îndrepta deci din toate
p r ile dis de diminea , dup ce îşi încuiaser casele şi îşi închiseser
pr v liile, spre unul din cele trei locuri desemnate.
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Certes, ce fut un triste jeu / Quand à Paris dame Justice / Pour avoir
mangé trop d’épice / Se mit tout le palais au feu.
Desigur c a fost un trist joc / ţând la Paris cucoana Justi ie, / Mâncând
prea multe dulciuri, / A dat întregului Palat foc. (Ion Pas)
N-a fost pl cut sinistrul joc / ţînd la Paris doamna Dreptate / Luînd
bacşiş pe s turate / Palatul şi l-a pus pe foc. (G. Naum)
Conclusions
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
Références bibliographiques
Ballard, Michel. La traductologie dans tous ses états. Arras : Artois Presse Université,
2007.
Berman, Antoine. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris : Gallimard,
1995.
Cristea, Teodora. Stratégies de la traduction. Ţucureşti : Editura Funda iei România
de Mâine, 2000.
Eco, Umberto. Les limites de l’interprétation. Traduction par M. Bouhazer. Paris :
Grasset, 1992.
Eco, Umberto. A spune cam acelaşi lucru. Traduction par Laszlo Alexandru.
Ţucureşti : Polirom, 2008.
Hurtado Albir, Amparo. Traducción y Traductología. Introducción a la traductología,
Madrid : ţátedra, 2001.
Lungu-Badea, Georgiana. Teoria culturemelor, teoria traducerii. Timişoara : Editura
Universit ii de Vest, 2004.
Lungu-Badea, Georgiana. Mic dicţionar de termeni utilizaţi in teoria, practica si
didactica traducerii. Timişoara : Editura Universit ii de Vest, 2008.
Nanni, Luciano. « Estetica e semiotica : il ribaltone post-strutturalista ». Bologne :
Parol 12, 1995.
Nord, Christiane. La traduction : une activité ciblée. Artois : Presses Université, 2008.
Sévry, Jean. « Traduire une œuvre africaine anglophone ». Palimpsestes no. 11,
Traduire la culture. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1998.
Textes de référence :
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Muguraş ţONSTANTINESţU
Hugo, Victor. Notre Dame de Paris. Traducere de Gellu Naum. Ţucureşti : Editura de
Stat pentru Literatur , 1962.
Hugo, Victor. Cocoşatul de la Notre Dame. Traducere de Ion Pas, Ţucureşti : Maison
d’édition Arc, 1992.
257
La traduction – point de convergence de plusieurs identités.
Le cas d’Amin Maalouf
Florina CERCEL
Résumé: Notre article s’inscrit dans une préoccupation pour les techniques et les stratégies
de la traduction ressortissant d’une éthique de la traduction qui, selon le théoricien Antoine
Ţerman, consiste à préserver l’étrangéité du texte original. ţette préoccupation s’est
matérialisée dans un travail de comparaison du roman « Le Périple de Ţaldassare » de
l’écrivain libanais d’expression française, Amin Maalouf, et la version roumaine donnée par
la traductrice Ileana ţantuniari. Les repères théoriques concernant la traduction comme
compréhension d’une identité, d’une culture et d’une pensée qui se dévoilent à travers
l’écriture seront valorisés dans l’analyse des stratégies de la traduction et des problèmes
posés par le texte original.
Abstract : Our paper is part of our concern with translation techniques and strategies
emerging from the ethics of translation which, according to Antoine Berman, consists of
preserving the foreign character of the original text. This preoccupation materialized in a
comparative study of the Lebanese writer of French expression Amin Maalouf’s novel ’’Le
Périple de Ţaldassare’’ and its Romanian translation by Ileana Cantuniari. The theoretical
references concerning translation as comprehension of identity, culture and thought will be
applied in the analysis of the translation strategies and problems posed by the original text.
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
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Nous nous proposons d’analyser dans cette étude l’écart entre le projet de
l’auteur (dans notre cas, l’écrivain libanais d’expression française Amin
Maalouf) et ce que la traductrice Ileana ţantuniari a réussi à transposer
dans la traduction roumaine de son œuvre. Dans quelle mesure le
traducteur a-t-il réussi à transposer les visages de l’identité qui
transparaissent dans l’original ? Notre démarche prend en compte les
stratégies déployées par le traducteur pour rendre dans un autre code
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Pratiques (en marge) de la critique des traductions
taire. Il doit garder le silence sur ce qu’il écrit dans ce journal à cause des
déterminations liées aux persécutions religieuses et politiques pratiquées
par les Ottomans et sans rapport à ses croyances intimes. ţ’est une époque
où règnent l’intolérance, les discriminations religieuses et politiques ce qui
oblige l’homme à cacher sa vraie identité, l’identité personnelle, pour
afficher ce qu’on appelle une « identité de façade » (Mucchielli 1986, 82).
ţ’est pour cela que Ţaldassare tient ce journal. À une autre époque que
celle de son héros, Maalouf se dévoile aussi à travers l’écriture.
La cohabitation de deux langues et de plusieurs référents culturels
dans l’original se traduit au niveau textuel par un mélange de deux
langues, le français et l’arabe. Quoiqu’écrit en français, le roman est
parsemé de mots désignant des réalités culturelles arabes ce qui rend
d’autant plus difficile la tâche du traducteur. Voici quelques exemples de
mots arabes dans le texte français avec la version roumaine donnée par
Ileana Cantuniari : « salamalecs »/ « salamalecuri », emprunt au turc
« selâma leyküm » ; « maidins »/ « maidini », mot qui n’existe pas en
roumain, donc la traductrice utilise le report pur et simple et fait confiance
au lecteur qu’il va comprendre du contexte qu’il s’agit d’une monnaie ;
« Amân »/ « Aman », toujours un emprunt au turc ; « cadi »/ « cadi »,
report pur et simple. Nous observons que la traductrice utilise tantôt
l’emprunt, tantôt le report pour rendre des mots désignant des référents
culturels spécifiques à la culture arabe. Le souci de préserver ces mots
prouve que la traductrice évite de faire appel à des équivalents de la langue
roumaine pour mieux garder la spécificité culturelle du texte de départ. Par
exemple, le syntagme « le sophi de la Perse » (342) a été traduit par « sufi-ul
din Persia ». Ni l’auteur, ni le traducteur ne choisissent pas d’expliquer ce
que ce mot signifie et le lecteur se rend seulement compte qu’il s’agit d’un
leader de Perse. Voilà la définition donnée par le dictionnaire Littré :
« Nom qu'on donnait autrefois dans l'Occident au schah de Perse. ». Un cas
similaire est le mot « wali » rendu en roumain par le même terme mais en
italiques : « wali ». Dans ce cas, aussi, la traductrice utilise le report direct
même si le sens du mot ne relève pas du contexte. Le petit Robert (2007,
2750) enregistre la définition suivante : « wali – milieu XXe, mot arabe. En
Algérie, Haut fonctionnaire responsable d’une wilaya (homologue du
préfet en France) ». Ileana Cantuniari aurait eu une alternative pour
faciliter au lecteur la compréhension du mot : introduire une note pour
préserver ainsi l’étrangéité du texte de départ.
ţantuniari fait rarement appel au report accompagné par des notes
de bas de page parce que le contexte aide en général le lecteur à
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Gol, da, dar ca un nou-n scut la sânul maicii sale. Mama mea reg sit .
ara mea mam . rmul meu matern. Genova, cetatea mea-mam . »
(Maalouf 2004, 249) ; « În acest oraş m-am n scut cu mult înainte de a m
naşte, iar faptul c nu-l mai v zusem niciodat pân acum îl f cea înc şi
mai drag inimii mele, ca şi cum l-aş fi p r sit şi ar trebui s -l iubesc şi mai
mult pentru a m face iertat. (264)
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Références bibliographiques
Textes de référence
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Notices biobibliographiques
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Littératures étrangères. Titre de la thèse : Repérage et traduction des modalités dans les
chroniques de presse. Ses domaines d’intérêt sont la théorie, la pratique et la
didactique de la traduction, la linguistique appliquée et la didactique du FLE et du
FOS. Ouvrages publiés en français : Initiation à la traduction. Cahier de séminaire pour
la Ière année (1999), Pratique du français. Manuel (2004), Pratique du français. Cahier de
séminaire (2004). Elle fait partie actuellement d’une équipe de recherche intéressée à
la problématique de la traduction des documents officiels de l’anglais, de
l’allemand et du français vers le roumain.
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Table des matières
Présentation / 5
Esthétiques de la traduction/Jean-René LADMIRAL / 9
Le rôle du traducteur dans l'esthétique de la réception. Sauvetage de l’étrangeté et
/ ou consentement à la perte/Georgiana LUNGU-BADEA / 23
Quelques réflexions sur certains des enjeux de la traduction : entre théorie et
pratique/Estelle VARIOT / 41
Pratiques (en marge) de la critique des traductions / Muguraş
CONSTANTINESCU / 55
De l’esthétique vers l’éthique dans la traduction. L’idiolecte du traducteur, le
contrat de lecture et « autres plaisirs minuscules » / Magdalena MITURA / 69
L’histoire des traductions en hongrois de Tartuffe et de Ainsi va l’carnaval /
FARKAS Jenő / 81
Pertinence de Mme de Staël pour l’esprit des traductions du XXI e siècle / Ramona
MALI A / 101
Peut-on (vraiment) re-créer la chanson de Ţrassens par la traduction ? / Anda
R DULESCU / 117
Traductions sur le marché. Éthiques multiples / Izabella BADIU /131
L’éthos du traducteur / Irène KRISTEVA / 151
Qu’est-ce qu’on sait quand on sait traduire ? / Marija PAPRASAROVSKI / 163
Devoir du traducteur du texte de spécialité / Eugenia ENACHE / 175
La traduction pour enfants et son potentiel didactique / Alina PELEA / 189
Dynamique de la signification et jeu des reformulations dans la traduction
d’ouvrages touristiques du roumain vers le français/ Mirela POP / 205
Le rôle de la dérivation impropre dans la traduction médicale du roumain vers le
français. Le cas des adjectifs employés adverbialement dans les textes du domaine
ophtalmologique / Eugenia ARJOCA-IEREMIA / 223
La traduction des documents audio-visuels : volet indispensable dans la formation
des traducteurs / Mariana PITAR / 235
Stratégies de transport culturel dans la traduction du roman Notre Dame de Paris de
Victor Hugo / Petronela MUNTEANU / 247
La traduction – point de convergence de plusieurs identités. Le cas d’Amin
Maalouf / Florina CERCEL / 259
277