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Abstract: This study proposes to address the problem of the theory of sense
that results from the interpretative theory of translation ESIT Paris
advocates in didactic of literary text translation and of poetry in particular.
The act of translating consists in understanding the original text, stifling its
linguistic form and expressing, in another language, the understood ideas
and the meanings (Marianne Lederer 1994). This theoretical premise
justifies a didactic of translation which uses a consistent and rigorous
methodology. Once it is admitted that the university institution can train
translators, it is also understood that the future translator should have a
precise and clear idea of the essence of what he will learn, the goal pursued
through his learning and how to go ahead in that process (Rosario Garcia,
2004). In its didactic function, the teaching of literary text translation is at
the crossroads of commentary, and therefore of the elucidation of the text,
which allows to remove the residual opacities related to gender and
reformulation.
Introduction
Peut-on enseigner à traduire ? Je reprends à mon compte cette
interrogation d’Arregui Barragón, (2009). Elle pose une double problématique
liée à la didactique et à la pédagogie de l’enseignement de la traduction du texte
littéraire, spécifiquement la poésie. Rappelons que la didactique est toujours
spécifique. Elle transmet des savoirs, se règle sur la matière, son programme et
le contenu du cours. C’est l’étude systématique des méthodes et pratiques de
l’enseignement en général, ou de l’enseignement d’une discipline en particulier
(APPAC, 2015). En revanche, la pédagogie1 s’occupe de la manière dont ce
contenu sera communiqué et reçu. Elle se règle sur les sujets. De la sorte, l’on
peut répondre par l’affirmative à la question ci-dessus énoncée puisque depuis
les précurseurs qui ont transmis les théories linguistiques de la traduction, l’on
admet que pour interpréter, plus encore que pour traduire, il faut connaitre les
langues, mais cette connaissance ne constitue qu’une donnée initiale de
l’opération, un tremplin, et le saut ne s’effectue que lorsqu’on a la force de s’en
arracher. (Cary [1958], 1985, p.79). Ainsi, la Théorie du Sens, amenée par l’Ecole
de Paris2 décrit le processus de traduction en trois concepts que sont : la
compréhension, la déverbalisation et la réexpression en langue cible. Pour ce
qui est du sujet-traduisant, il faut avoir des connaissances linguistiques et
extralinguistiques (Lederer 1994). Par rapport à la didactique de la traduction,
la Théorie du Sens sert de support théorique dans la pratique pédagogique
exercée. L’expérience de classe s’appuie sur ce support dont les résultats sont
vérifiables dans bien des aspects. Elle vient corriger :
La manière très scolaire qu’avaient les étudiants d’envisager l’interprétation
comme un passage d’une langue à une autre et de rechercher constamment des
correspondances linguistiques au lieu de se soucier de faire passer le message.
Colette Laplace (2005, p.23). Cette manière de faire est le résultat des pratiques
de l’exercice scolaire enseignées dans les filières de l’enseignement des langues.
En réalité, les enseignements du Thème (exercice de traduction vers les langues
étrangères) et de la Version (exercice de traduction vers la langue maternelle)
ont pour objectifs, l’appropriation des deux langues étudiées. Ces deux
exercices visent la connaissance d’une langue, une culture et certainement pas
le processus de traduction. Ainsi, se posent alors les questions suivantes :
comment réformer la pédagogie de la traduction littéraire ? De quelles
dispositions pédagogiques le professeur de traduction doit-il faire montre pour
de meilleures performances ? Les filières universitaires constituent-elles une
exigence dans la formation de traducteur ?
1 La didactique se différencie de la pédagogie par le rôle central des contenus disciplinaires et par sa
dimension épistémologique (la nature des connaissances à enseigner).
2 Amparo Hurtado Albir, (2005), La Théorie Interprétative de la Traduction ou « Théorie du sens » est le
résultat de la recherche conduite à l’ESIT, notamment par D. Seleskovitch et M. Lederer. Elle est fondée sur
l’analyse de l’interprétation et se centre sur l’étude du processus mental pour élaborer un modèle
théorique de la traduction dans une perspective cognitive. Cette théorie tient l’interprétation pour une
activité discursive qui a pour objectif la réexpression du sens exprimé par l’orateur et dans laquelle
intervienne des connaissances linguistiques et extralinguistiques. P.163
3 J’entends par groupe-classe, l’ensemble des acteurs qui occupent l’espace de la classe. Il s’agit
notamment, des étudiants et du professeur.
4D. Seleskovitch et M. Lederer sont des pionnières de la théorisation sur l’interprétation. La TIT s’intéresse
o Exercice de compréhension
Ces préalables ont pour unique objet d’enseigner la compréhension et la
déverbalisation, pour aboutir à la traduction. Les consignes données sont les
suivantes pour chaque groupe désigné :
o Groupe 1 : étude de la structure métrique de l’ensemble du poème.
o Groupe 2 : situation historique et positions littéraire de Paz.
o Groupe 3 : repérage des constantes rhétoriques.
o Groupe 4 : situation du poème en relation avec les autres textes.
o Groupe 6 : examen de la distribution du lexique en fonction des vers.
o Groupe 9 : recherche des unités de sens.
6 L’espace dans lequel se déroule l’expérience est exolingue dans la mesure où des langues vernaculaires
parlées par nos interlocuteurs sont de faible diffusion avec un statut non prestigieux. Tandis que le
français jouit d’un prestige du à son statut de langue culture occidentale. Quant à l’espagnol, c’est une
langue enseignée juste en milieu scolaire.
Les groupes qui n’entrent pas dans la réalisation des tâches ne sont pas passifs,
ils contribuent à la prise de parole soit pour enrichir, soit pour contester les
résultats obtenus par les autres sous-groupes. Il s’agit aussi de gagner du temps
par rapport au programme d’enseignement et du volume horaire qui est donné
pour cet enseignement.
Professeur : « on recherche ici, tout ce qui, en dehors du texte peut apporter une
réponse au projet d’écriture de Paz. Regardez bien le texte et dites nous s’il y a
une quelconque allusion aux légendes méso-américaines ».
Professeur : « je peux ajouter que sur l’œuvre de Paz, le style est complexe,
inclassable. Tantôt on le retrouve dans des productions d’influence surréaliste,
existentialiste8. »
Groupe 5 : « nous avons découvert que ce poème est très localisé dans un
espace. Il est écrit à Naples (1948). En outre, il se pose à Teotihuacán, New-
York, Londres, Moscou ; sur la mer etc. »
(Silence dans la classe)
8 Ces courants littéraires sont connus des étudiants puisque faisant partie de leur programme.
9 Cf. Madeleine Pardo et Arcadio Pardo, “La mesure du mètre » pp.10-28
Groupe 10 : le mètre, ce sont les syllabes que l’on coupe en pieds, n’est-ce- pas ?
Groupe 8 : tous les vers sont paroxytons car les mots sont accentués à l’avant-
dernière syllabe, à l’exception de l’avant-dernier vers qui est oxyton.
Une question cependant, lorsqu’on a dit ça, qu’est-ce que ça apporte à l’objet
qui nous intéresse ici ?
Professeur : je suis d’accord avec vous. Faire cet exercice ne veut pas dire
s’arrêter au niveau technique de l’observation. Cela permet de comprendre la
démarche du poète parce que comme disent Pardo et Pardo :
Non seulement chaque mètre a son histoire mais chaque poète peut en
jouer comme d’un instrument, instrument qu’il a choisi ou qui s’est imposé
à lui. Les raisons de ce choix ou de cette utilisation sont complexes.
Pardo (1992, p.18).
Quand on parle poésie, il faut noter le rythme, la prosodie, les sonorités. Nous
sommes dans le domaine de l’émotion, de l’effet produit. C’est aussi cela que
nous cherchons à comprendre et à capitaliser pour notre ultime étape.
Groupe 3 : on observe que tout le texte joue avec ces enjambements qui sont des
vers de fin de strophe et souvent avec un seul mot.
Exemples:
Las apariencias son hermosas en esta su verdad, (v5)
momentánea (v6)
el sol pone su huevo de oro y se derrama sobre el (v11)
mar. (v12)
Professeur : vous faites bien de le noter. Creuser encore un tout petit peu pour
voir l’incidence de cette forme avec le sens que le poète veut donner au niveau
de l’effet émotionnel.
Groupe 6 : on peut y voir la question du rythme avec ses pauses qui sont des
chutes et faire une relation avec cette manière de s’exprimer avec des vers
longs, et des vers courts.
Professeur : ces vagues dont vous parlez peuvent être vues comme un
mouvement de va-et-vient. C’est Emile Benveniste qui a mis au jour le lien
ancien de rhuthmos, forme de ce qui s’écoule avec la philosophie ionienne
d’Héraclite, selon la métaphore majeure du fleuve. La valeur héraclitéenne du
rythme, comme organisation du mouvant, (Dessons, Meschonnic, 1998 : 54). Il
est important que vous ayez souligné cet aspect.
Professeur : vous êtes devenus de grands lecteurs ! Alors que signifie tout cela ?
Groupe 9 : nous sommes tentés de reprendre tout ce que vous avez dit dans
votre article.10
Groupe 9 : il y a aussi tous ces verbes de mouvement que sont : poner, extender,
afianzarse, derramarse, caer, estallar, cubrir…, tous conjugués au présent de
l’indicatif. Ces verbes, en relation avec chaque substantif, entrent dans le champ
sémantique de l’exil, peut-on dire.
Groupe 11 : nous voulons souligner la présence d’une métaphore filée avec le
mot « día » ; celui-ci convoque toutes les métaphores et affecte le texte du
premier vers au seizième vers.
10L’article auquel il est fait référence s’intitule « Lire Himno entre ruinas pour comprendre Octavio Paz »
publié dans Cuadernos de la Hispanidad n°3.
3. La traduction
Couronné de soi le jour étend ses plumes.
Haut cri jaune !
Jet brulant au centre d’un ciel
Impartial et bénéfique !
De même les apparences sont belles, leur vérité
momentanée.
La mer ondule le long de la côte,
s’infiltre dans les rochers, araignée lumineuse ;
la blessure violacée de la montagne resplendit ;
une poignée de chèvres est un troupeau de pierres ;
le soleil pose son œuf d’or et se répand sur la
mer.
Tout est Dieu.
Statue brisée !
colonnes inondées de lumière,
ruines vives dans un monde de morts en vie !
Conclusion
L’on sait que les connaissances extralinguistiques aident à la
compréhension et même à la reformulation du texte cible. Ainsi, observer le
fonctionnement de la langue au moyen de commentaires contribue à améliorer
le processus de compréhension. Bien souvent, il est confronté à la cohabitation
de plusieurs systèmes de pensée, de cultures. Dans ce cas, la compréhension
relève bien du bagage cognitif et des compléments cognitifs. En lieu et place de
la déverbalisation, c’est plutôt le « Think Aloud Protocols »11 qui aide à la
compréhension du texte. En effet, les processus de compréhension et de
reformulation révèlent que les étudiants comme le professeur emploient une
méthode de raisonnement à haute voix. La technique d’auto-diagnostique,
d’autoévaluation est de rigueur. Toute traduction, quel que soit le lieu de son
expression et le type de discours, est toujours partiellement constituée de
correspondances et d’équivalences. La correspondance étant le moment où le
traducteur ayant vérifié toutes les solutions possibles, trouve une
correspondance terme à terme véhiculant le même trait de culture. En revanche,
l’équivalence c’est le texte recréé sur le plan émotionnel et culturel, tout en
gardant un lien avec le sens premier. Au total, l’expérience a montré que les
11 Cf en annexe
étudiants sont réceptifs dès qu’ils ont la preuve que le projet améliore leur
production intellectuelle en termes d’appropriation de la langue-culture de
départ comme de la langue-culture cible.
Références bibliographiques
ANNEXES
Suite du poème « Himno entre ruinas »