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Approches textuelles

Pr. Mostafa AGHZAFEN


mostafa.aghzafen1@uit.ac.ma

26/04/2022 Approches textuelles : cours inaugural 1


Plan du module

1. Approche, méthode ?
2. De la complexité de la catégorisation ;
3. La notion de texte ;
a. La cohésion du texte ;
b. La cohérence du texte ;
c. L’analyse du texte.
4. La notion de genre ;
a. Perspective classificatrice ;
i. Classification empirique ;
ii. Classification systématique ;
b. Perspective historique ;
5. Récapitulatif ;
6. Les axes de réflexion.

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Approche, méthode ?

Étymologiquement, la méthode serait emprunté au bas latin methodus « méthode », du grec


με ́φοδος (proprement «poursuite» d'où «recherche» (de μετα = meta «vers» et οδος = odos « route, voie,
manière de faire quelque chose» «poursuite, recherche ; plan méthodique ; traité méthodique ; doctrine
scientifique».
Manière de dire ou de faire quelque chose avec un certain ordre, et suivant certains principes. En
didactique des langues, le terme désigne « l’ensemble des règles, des principes normatifs sur lesquels
repose l’enseignement », mais aussi « le manuel exposant de manière graduelle ces règles », dans la
première acception, le mot est parasynonyme de méthodologie, dans la seconde de manuel.

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Approche, méthode ?

La méthode cartésienne énonce quatre règles :


- Règle de l’évidence : appréhender par intuition des idées claires et distinctes ;
- Règle de l’analyse : décomposer le complexe en éléments simples ;
- Règle de la synthèse : structuration logique des éléments analysés en vue d’un objectif à atteindre ;
- Règle du dénombrement ou de la vérification : prudente prise de conscience.

Une méthode au sens de méthodologie fait appel à :


- La linguistique pour déterminer la manière d’enseigner ;
- La pédagogie pour choisir les conduites d’enseigner ;
- Psychologie pour adapter l’enseignement à l’âge et aux besoins de l’enseigné ;
- La sociologie pour déterminer les objectifs de l’enseignement et respecter l’environnement culturel
de l’apprenant ;
- Technologie pour la sélection des moyens techniques nécessaires à la situation d’enseignement.

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Approche, méthode ?

Le terme « approche » peut être défini comme « manière d'aborder un sujet » ou « mouvement par
lequel on s'avance ».
Selon le TLFI, (http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3141827970;), il s’agit
d’une « voie (souvent tâtonnante et où la méthode se cherche en même temps que l'objet) par laquelle on
cherche à cerner un problème complexe. »
Dans son Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, J.-P. CUQ (2003:24)
affirme que « le recours à un terme comme approche (en anglais approach) et l’usage occasionnel du
pluriel tendent à marquer une distance par rapport aux courants antérieurs et notamment à une
méthodologie (,,,) réputée plus dogmatique »

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Approche, méthode ?

Si la méthode pédagogique décrit le(s) moyen(s) pédagogique(s) adopté(s) par l’enseignant pour
favoriser l’apprentissage et atteindre son objectif pédagogique, l’approche s’appuie sur une ou plusieurs
stratégies pouvant être agencées en alternatives possibles.
Aussi, l’approche serait-elle à la perception ce que la stratégie serait à l’action. Par conséquent,
l’approche serait un paradigme, un regard, un modèle, une vision, une façon d’aborder alors que la
stratégie une façon s’investiguer, d’étudier, d’intervenir.
Pourquoi, donc, approche et non méthode ?
Nous savons que le texte est d’une telle complexité qu’il serait impossible à une méthode de rendre
compte de tous ses paramètres, linguistiques, paralinguistiques et extralinguistiques et, le cas échéant,
cela supposerait la prise en charge et l’intégration de tous ces paramètres mis au jour par les différentes
théories.

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L’approche textuelle

D’un point de vue pédagogique, l’approche textuelle est :


- une « méthode » didactique qui s’intéresse à l’étude de la structure du « texte » et de son
fonctionnement comme structure globale au détriment de la phrase et comme construction complexe
où s’entremêlent différents niveaux linguistique, structurel, idéel, et littéraire ;
- Il s’agit d’une manière de connaitre la typologie du texte et de ses caractéristiques.

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De la complexité de la catégorisation

La linguistique textuelle s’est penchée attentivement sur le problème de la catégorisation des textes sans
parvenir à ce jour à l’identification de critères communs
Selon J. M. Adam « parler vde types de textes c’est en réduire la complexité parce qu’un texte est
hétérogène dans sa construction interne ».
Un texte peut être tout en même temps tous les types dialogal, argumentatif, etc. donc, les types de textes
n’existent pas puisque le texte est une réalité de haut niveau extrêmement complexe pour être typologisé.
Pourquoi donc typologiser ?
La typologie textuelle présente un outil d’apprentissage à double intérêt, théorique et
didactique/pédagogique pour la recherche scientifique et pour en faciliter l’étude académique et en
déterminer les enjeux. La didactique s’en est emparé pour faciliter l’apprentissage de la lecture et
l’écriture.

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De la complexité de la catégorisation

Les typologies retenues


A. Celle issue des travaux de Jakobson et qui reposent sur les fonctions du langage à partir du schéma
de communication. De cette perspective, les textes peuvent s’analyser à partir de l’enjeu
communicatif, ce qui ne rend pas justice à tout le texte ;
B. Celle proposée par Egon Werlich et qui ne rend pas compte de toute la complexité du texte ;
C. Celle fondée sur le support (texte, cassette, CD, etc.), c. à. d. toute production du langage ; typologie
qui nuirait à clarté de l’analyse ;
D. Celle fondée sur les modalités de l’échange impactant les modalités textuelles (le face à face,
échange à distance, synchrone, asynchrone, etc.
Si la carte ne fait pas le territoire, un type de texte n’existe pas, mais le besoin ne se fait pas moins
sentir de réduire la complexité du réel et, partant, penser et analyser un certain nombre de choses.

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De la complexité de la catégorisation

J. M. Adam assimile la notion de « type de texte » au « genre de texte » et que cette dernière a vu le jour
avec la poétique grecque qui la subdivise en genres judiciaire, délibératif et épidictique.
Pour Bakhtine, « chaque époque et chaque groupe social a son répertoire de formes de discours dans la
communication idéologique » : le locuteur/récepteur est tout de suite capable, dès le début d’un discours,
de percevoir son genre et de le recevoir comme tel, selon certaines conventions qui lui sont liées et qui
commandent la mise en texte à tous les niveaux.
On en déduit:
A. Un texte s’incarne, avant tout, dans un genre ;
B. Il alterne des séquences (types) textuelles qui, elles-mêmes; se présentent sous des formes
particulières. Une séquence narrative peut se présenter dans un roman, une fable, un poème ou dans
une scène dramaturgique, etc.

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Le texte

Étymologiquement, « texte » est issu du mot latin « textum », dérivé du verbe « texere » qui signifie
« tisser ». Il appartient à la famille de textile, tissu, tisser, tissage, texture : est texte  étymon : textus,
ce qui est tramé, tissé. Tissu de liens, trame et chaîne, enchaînement et progression du récit...
Le sens du mot renvoie à l'entrelacement des fibres utilisées dans le tissage (Ovide : « iniecit textum =
tissu grossier »), le tressage (Martial : « Vimineum textum = panier d'osier tressé ») ou la construction
(Cicéron : « basilicam texere = construire une basilique »).
Le sens figuré d'éléments organisés et enchaînés du langage désigne un agencement particulier du
discours : Cicéron parle d’« epistolas texere = composer des épîtres » et Quintilien parle de « verba in
textu jungantur = l'agencement des mots dans la phrase ».
Les formes anciennes du mot (1) au Moyen Âge désignent au XIIe siècle le volume qui contient le texte
sacré des Évangiles, puis au XIIIe siècle, le texte original d'un livre saint ou des propos de quelqu’un.
Au XVIIe siècle, le mot s’applique au passage d'un ouvrage pris comme référence et au début
du XIXe siècle le mot texte a son sens général d'« écrit ».
__________________________
(1) : cf. https://www.cnrtl.fr/lexicographie/texte

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Le texte

Le texte peut être une unité de longueur variable : une page extraite d'une œuvre, un chapitre, un
livre, une trilogie, une fresque romanesque comme la Comédie Humaine de Balzac... On pourrait le
définir, à la suite de H. Weinrich, comme une succession signifiante de signes linguistiques entre deux
ruptures manifestes de la communication.
Pour qu'il y ait texte, il faut qu'une séquence d'éléments linguistiques ait une existence concrète,
matérielle, qu'elle constitue une énonciation dans le cadre d'un acte de communication interpersonnelle.
- Un texte est un message lié à une situation de communication ;
- Un texte forme un tout sous forme d’un mot, d’une phrase, quelques pages ou un livre ;
- Un texte n'est pas la simple juxtaposition de phrases : la textualité d’une œuvre dépend de :
➢ sa cohésion (équivalant à la grammaticalité de la phrase : enchainements linguistiques,
liaison des éléments phonétiques, grammaticaux, etc.) ;
➢ sa cohérence (l’organisation globale et l’économie générale de l’œuvre ).
on pourrait le schématiser ainsi :
Texte = P(E+E+…En+G/c)1 + C + P(E+E+…En+G/c)2 + C + ... Pn (1)
___________________________________________________
(1) : P = phrase, E = élément constitutif de P, G/c = grammaticalité ou cohésion et C = cohérence entre les unités textuelles.

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Le texte

Dans cette perspective de cohérence globale, on découvre un acte énonciatif, un acte de langage
qui peut se décomposer en trois actes fondamentaux :

1. Acte de Pour parler de quelque chose, un élément réel ➔ Structure thématique (progression
référence : ou imaginaire thématique; thème de base).
2. Acte de Pour en dire quelque chose ➔ Structure sémantique.
prédication :
3. Acte Pour communiquer avec quelqu'un dans une ➔ Structure pragmatique.
illocutionnaire : intention spécifique : raconter, décrire,
argumenter, informer, expliquer, faire rire ou
sourire, divertir, émouvoir...

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La cohésion du texte

La lecture du texte devient un dialogue entre le lecteur et le texte; dialogue d’autant plus fructueux
lorsqu’il s’agit d’un texte littéraire : l’une des étapes de ce dialogue est l’analyse de la cohérence et de la
cohésion du texte dont les régularités relèvent de la grammaire de texte.
1. les facteurs de cohésion :
Ils relèvent tous de la langue et du discours :
- la cohésion de la forme orale : elle tient au rôle des mélodies des types de phrases, des accents et les
pauses. Elle est liée à la ponctuation ;
- la cohésion morphosyntaxique : (emploi anaphorique de l’article défini, l »emploi anaphorique,
cataphorique ou déictique des adjectifs possessifs, pronoms représentants et pronoms déictiques, les
valeurs aspectuelles et modales, coordination/subordination, insertion du discours, etc.
- la cohésion lexico-sémantique qui repose sur les ensembles de vocabulaire répartis dans le texte,
champ lexical et sémantique,
2. Les ruptures de cohésion :
- Volontaires : incises de commentaires, apostrophe, intervention du narrateur, l’anacoluthe,
l’hyperbate, le zeugme, l’énallage (grammatical), l’attelage, l’ellipse syntaxique, etc.
- Erronées : phrases inachevées, ambigüité du gérondif, du participe ou de l’infinitif, erreurs
d’orthographe, etc.

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La cohérence du texte

1. Les types de cohérence


Elle dépend de :
- La différence entre communique (transmettre) et communiquer (comprendre)
- La différence entre textes informatifs à dominante référentielle et textes littéraires à dominante
associative.
Il existe quatre types de cohérence considérés comme des cadres généraux : un texte n’appartient pas
obligatoirement à un seul type de cohérence.
- La cohérence informative ;
Appelée aussi cohérence d’application ou cohérence pratique. En lisant le texte, on « regarde » hors du
texte. Elle est à dominante référentielle et concerne des textes informatifs (guides, catalogue, etc.). Peu
de phrases complexes, temps verbaux courants, précision et clarté, telles en sont les marques.
- La cohérence d’exposition ;
Elle demande une grande unité thématique avec un seul objet. On cite comme exemples les textes
législatifs et juridiques, les textes scientifiques et techniques ainsi que les textes d’opinion et d’idées, on
parle ainsi de cohérence délibérative. La cohérence de ces textes peut être assurée par toutes les
ressources de la langue et du discours.

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La cohérence du texte

- La cohérence de narration ;
Elle intervient dans tous les textes qui « racontent ne histoire » ayant en commun le souci d’organiser
les rapports entre les épisodes de la narration, l’évolution chronotopique et psychologique, les référents,
etc. la dominante est associative puisque le plus « réaliste » des romans est d’abord un roman, aussi,
toutes les possibilités de la langue et du discours servant à la cohérence de la narration.
- La cohérence d’évocation
Appelée aussi cohérence poétique, elle ne concerne pas que les textes poétiques : elle joue sur le sons,
les associations d’idées et des figures rhétoriques, tout ce qu’un texte peut suggérer.
- Le début et la fin du texte
Formant un tout indivis et compact, il est utile d’en analyser les frontières :
Dans les cohérences informatives ou expositives, le début et la fin ne sont pas libres (ex. la dissertation
où l’on commence avec la citation du sujet, les problèmes à examiner et l’annonce du plan. À la fin, on
présente le résultat de la démonstration).
Dans les textes à cohérence narrative ou poétique, le début et la fin sont entièrement libres et l’on
s’interroge sur ce qui donne l’effet de début, de fin tout en imaginant d’autres début et fin et ce que cela
pourrait impacter la cohérence du texte

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La cohérence du texte

Que ce soit dans l’un ou dans l’autre types, début et fin reçoivent des noms différents :
- Préface (avertissement, avant-propos, introduction) et postface (conclusion) en dehors du texte ;
- Prologue et épilogue, faisant partie du texte et d’origine théâtrale, peuvent être employés dans
d’autres genres de textes ;
- Exode et péroraison dans un discours ;
- Attaque et chute (pointe) s’appliquent à des textes brefs, satiriques ou polémiques ;
- Le titre et, éventuellement, le sous-titre annonçant le contenu du texte et participe pleinement au sens
général du texte ;
- Incipit et excipit, début et fin ; des notions qu’il faudrait manipuler avec précaution notamment lors
de l’analyse d’un extrait : elles ne dépendent pas de l’auteur mais du choix effectué et si l’extrait
coïncide avec un début ou une fin, ne pas manquer d’en tenir compte dans l’analyse.

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La cohérence du texte

2. La rupture de la cohérence
Elles peuvent être volontaires :
- La digression : elle rompt la continuité d’un raisonnement, du moins à éviter sinon en user brièvement
- La rupture de cohérence à effet comique : le quiproquo, péripéties, coup de théâtre (deus ex machina)
- Les figures de style sont de parfaites incohérences qui ouvrent sur d’autres cohérences :
- La métaphore (la belle Isabelle a un cœur de pierre) ;
- L’énallage sémantique (des ténèbres vacillantes tombait la clarté profonde des étoiles) ;
- Etc.
- Les détournement de textes :
- Le plagiat (un copier-coller que l’on s’approprie frauduleusement) à ne pas confondre avec la
citation (forme légitime de discours emprunté) ;
- Le pastiche : imitation aussi fidèle que possible du style d’un narrateur ;
- La parodie : imitation d’un texte en le caricaturant pour le détourner de ses intention initiales et
ce pour des effets comiques.

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L’analyse du texte

1. L’analyse d’un texte peut être faite selon les niveaux suivants :
a) La microstructure relève de l'organisation des phrases entre elles, dans une perspective
inter-phrastique ;
b) La macrostructure relève de l'organisation des unités textuelles de tailles variées
(paragraphes, chapitres) caractérisées par leur possibilité d'être résumées ;
c) La superstructure est l'organisation de base stable que chaque texte possède en termes de
types ou de genres : schéma quinaire, actantiel, etc.

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L’analyse du texte

2. Le texte peut être lu à l’aide du/de :


2.1. cotexte est l'ensemble des éléments paralinguistiques assurant la matérialité du texte ;
2.2. paratexte : ce qui est à l'entour du texte, ensemble de données extratextuelles: titre,
introduction, références, notes, renseignements divers sur l’œuvre et l'auteur...
2.3. contexte qui recouvre deux domaines à distinguer :
❖ le contexte textuel : ce qui précède / suit un passage dans un texte, entourage
linguistique d'un élément - mot, phrase...L'amont et l'aval aident à éclairer, comprendre
un élément ;
❖ le contexte situationnel : situation de discours, ensemble des circonstances au milieu
desquelles se déroule un acte d'énonciation. Tout ignorer de la situation d'énonciation
n'aide guère à comprendre, interpréter un énoncé.
2.4. L'intertexte qui renvoie à l'espace culturel, aux citations, aux genres, aux textes de
référence. L'espace intertextuel déborde d'ailleurs des seuls " textes " : la littérature peut faire écho à
d'autres formes d'expression : peinture et sculpture, musique, cinéma, etc. : un texte est toujours
interprété selon un cadre de références.

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Le genre

Étymologiquement, emprunté au latin « genus, generis » = « origine, extraction, naissance » qui


recouvre l'ensemble des sens de l’ancien français : « race, nation; espèce, sorte, type, manière ». La
forme de l’ancien. Français gendre s'explique probablement par l'influence du verbe gendrer du latin
classique « generare » = engendrer.
La notion de « genre » littéraire reste floue car chaque époque définit sa notion de genre selon les
attentes des lecteurs et les idéologies dominantes. Aussi, le débat sur la constitution des genres littéraires
existe-t-il depuis Platon et surtout depuis l’ouvrage majeur en la matière d’Aristote : La Poétique.
Un genre littéraire est donc un concept de type catégoriel qui permet de classer des productions
littéraires en prenant en compte des aspects (genre pictural, narratif ou dramatique), de contenu (roman
d’aventure, journal intime, théâtre de boulevard, etc.) ou de situation (fantastique, comique, etc.)
Les genres littéraires sont des ensembles de textes que réunissent des caractéristiques communes,
thématiques ou formelles. En général, inscrire une œuvre dans un genre est une façon de répondre à
l’horizon d’attente d’un public donné : le lecteur s’en fait une représentation plus ou moins stéréotypée,
qui peut toutefois être remise en question lors de la lecture. Le genre est alors, une convention qui donne
un cadre au public et fonctionne comme un modèle d’écriture pour les auteurs,

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le genre

les théories de genres oscillent entre :


- Un très haut niveau de généralités et d’abstraction dont la fameuse « triade » de l’épique, du lyrique
et du dramatique demeure certainement l’illustration la plus célèbre ;
- Une prolifération anarchique en genres, sous-genres, sous-sous-genres, etc.
la multiplication des textes ‘’inclassables’’ a fait éclater les définitions génériques traditionnelles. Et
d’une manière générale, le XXème siècle reste celui d’une crise généralisée des genres.
➔ l’étude des genres littéraires implique une double perspective :
- Classificatrice : l’analyse des différences formelles ;
- Historique : l’analyse des évolutions formelle

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Le genre : La perspective classificatrice

1. La perspective classificatrice des genres ou le catalogue


Ce catalogue peut être établi :
En fonction de l’énoncé, de la distinction traditionnelle entre la prose et la poésie : on obtient une
classification empirique qui énumère les différentes formes existantes ;
En fonction de l’énonciation, du mode d’intervention de l’auteur dans son œuvre : on obtient une
classification systématique qui oppose les différentes formes possibles.

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Le genre : Classification empirique

1.1. Classification empirique


1.1.1. La poésie
Genre Contenu Effet de lecture Sous-classes
Récit d’événements Admiration (personnages L’épopée guerrière (origine collective) et l’épopée
héroïques surhumains) et philosophique (origine individuelle)
Épique
étonnement (contact des
hommes et des dieux)
Représentation d’une Terreur et pitié (tragédie)
Drame (tragique mêlé de comédie) et le
action où s’affrontent ou rire (comédie) mélodrame (tragique démonstratif et moral), la
Dramatique des caractères opposés farce (comédie d’intrigue à l’enchaînement
sommaire) et le vaudeville (comédie de mœurs à
l’enchaînement sommaire)
Expression de Sympathie et exaltation L’ode (poésie morale ou philosophique pour la
sentiments personnels glorification), l’élégie (poésie amoureuse :
Lyrique
plainte), l’épigramme (légèreté du contenu) et la
chanson (légèreté de la forme) …
Enseignement moral, Connaissance des autres La satire (la morale l’emporte sur le récit) et la
Didactique philosophique et et de soi fable (le récit l’emporte sur la morale)
politique
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Le genre

1.1.2. La prose
Genre Contenu Effet de lecture Sous-classes
Parole Conviction L’éloge ou la panégyrique (discours civil), la
Oratoire adressée à un (sentimentale et/ou harangue (discours militaire), l’oraison (discours
public relationnelle) religieux), le plaidoyer (discours juridique)
Réflexion Analyse et L’essai historique, littéraire et philosophique
intellectuelle compréhension d’un (parole objective), l’autobiographie et le journal
Critique
sur l’homme problème intellectuel intime (parole subjective)
et le monde
Récit Adhésion à une Le roman psychologique (importance des
d’événements histoire et à des personnages), le roman réaliste (importance de la
Romanesque imaginaires personnages société), la roman pastoral (permanence du
décor), le roman picaresque (changement des
décors), le roman historique (unité d’une époque)
Remarques :
-L’énumération n’est jamais close : les variétés indiquées dans les sous-classes n’épuisent pas toute la matière littéraire possible, il
faudrait en ajouter d’autres voire en créer de nouvelle (ex. l’article du journal, le scénario de cinéma) ;
-La répartition poésie/prose n’est pas rigoureuse : dans la littérature classique, le genre dramatique appartenait au domaine de la
poésie.
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Le genre : Classification systématique

1.2. Classification systématique


Les textes peuvent être répartis en trois grandes catégories qui rendent compte de toutes les situations
narratives possibles. Ils sont alors soit :
- Lyriques quand l’énonciation de l’auteur est dominante ;
- Dramatique quand l’énonciation de l’auteur s’efface devant celle des personnages ;
- Épiques quand l’énonciation est alternée, appartient à l’auteur ou au personnage.

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Le genre

Formes grammaticales
Mode Fonction de dominantes
Genre Sous-classes
d’énonciation l’énoncé Perspective Personnes
temporelle verbales
Ode, élégie, satire, fable,
Énonciation de Expression des 1ère personne
Lyrique Présent différents types de discours
l’auteur sentiments « je »
ou de textes critiques
1ère et 2e
Énonciation des Mettre en scène Présent et Différents types des pièces
Dramatique personnes
personnages des actions futur de théâtre
« je » et « tu »
1ère ou 3e
Énonciation de
Raconter des personne Épopée, différents types de
Épique l’auteur ou des Passé
actions « je » ou romans
personnages
« il »

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Le genre : La perspective historique

2. La perspective historique : l’analyse des évolutions formelles des genres


2.1. Moyen Âge (XIe – XVe siècles)
Tendances littéraires Genre dominant Genres secondaires
Littérature nationale et - Poésie lyrique : -Poésie satirique : Le Roman de Renart
religieuse -Guerrière : La Chanson de Roland (début du (XIIe -XIV e s.)
XIIe s.) -Poésie dramatique : Le Jeu d’Adam
-Courtoise : Chrétien de Troyes, Lancelot, (anonyme au XIIe s.), La Farce de Maître
Perceval (fin du XIe s.) Pathelin (anonyme ≈ 1460)
-Philosophique : G. de Loris et J. de Meung, -Poésie lyrique : Rutebeuf (XIIIe s.),
Le Roman de la Rose (1230-1280) Villon, Le Testament (1461)

2.2. XVIe siècle


Tendances littéraires Genre dominant Genres secondaires
Littérature -Poésie lyrique : -Poésie épique : Ronsard, La Franciade (1572),
aristocratique, partagée Ronsard, Les Amours -Poésie dramatique : Garnier, Les Juives (1583),
entre les thèmes (1552), Du Bellay, Les -Poésie didactique et satirique : Ronsard, Les Discours (1562),
individuels et thèmes Regrets (1558) D’Aubigné, Les Tragiques (1577), La Satire Ménippée (1594),
collectifs -Textes romanesques (Rabelais, Pantagruel 1532) et critiques
(Montaigne, Les Essais 1595).

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Le genre

2.3. XVIIe siècle


Tendances littéraires Genre dominant Genres secondaires
-Littérature de cour -Poésie dramatique : -Poésie didactique : La Fontaine, Fables (1694),
préoccupée de l’analyse et -Tragique : Corneille, -Prose critique :
de la représentation des Le Cid (1636), Racine, -Religieuse : Bossuet, Histoire des variations des
actions humaines. Phèdre (1677) ; Églises protestantes (1688), Pascal,
-Comique : Molière, Pensées (1670);
- Recherche de règles Tartuffe (1669) -Morale : La Rochefoucauld, Maximes (1665), La
d’écriture (idéal classique Bruyère, Les Caractères (1696) ;
d’où une évolution marquée -Prose romanesque :
par les antagonismes -Sentimentale : H. d’Urfé, L’Astrée (1607)
(burlesque et baroque ≠ -Burlesque : Scarron, Le Roman Comique (1651)
classicisme) -Psychologique : Mme de LA Fayette, La
Princesse de Clèves (1678).

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Le genre

2.4. XVIIIe siècle


Tendances littéraires Genre dominant Genres secondaires
-Littérature de cercles -Essai critique : -Épopée : Voltaire, La Henriade (1723) ;
philosophiques en rupture avec Montesquieu, L’Esprit -Théâtre :
la vision du monde classique. des lois (1748), -Tragique : Voltaire, Zaïre (1732),
Rousseau, Du Contrat -Comique : Marivaux, Le Jeu de l’amour et du
-Audace des idées (philosophie Social (1762), hasard (1730), Beaumarchais, Le Mariage de
de l’Encyclopédie) mais Voltaire, Le Figaro (1784),
conservatisme de l’écriture Dictionnaire -Roman :
(classicisme du style) Philosophique (1764). -Philosophique : Voltaire Candide (1759),
-Réaliste : Prévot, Manon Lescaut (1731),
Diderot, Jacques le fataliste (1773).

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Le genre

2.5. XIXe siècle


Tendances littéraires Genre dominant Genres secondaires
-Littérature d’individus à -Roman : -Poésie lyrique :
la recherche d’une -Psychologique : -Romantique : Lamartine, Les Méditation (1820),
fonction dans Chateaubriand, René Musset, Les Nuits (1835-1837), Hugo, Les Contem-
l’institution littéraire. (1802) plations (1856) ;
-Historique : Hugo Notre- -Parnassienne : Leconte de Lisle, Poèmes Antiques
-Étude de l’homme Dame de Paris (1831) (1852), Heredia, Les Trophées (1893) ;
(romantisme) et de la -Réaliste : Stendhal, Le -Symboliste : Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857),
société (réalisme). Souci Rouge et le Noir (1830), Verlaine, Poèmes saturniens (1866), Rimbaud,
de perfection formelle Balzac, Le Père Goriot Illuminations (1886), Mallarmé, Poésies (1898) ;
(poésie parnassienne) et (1834), Flaubert, Madame -Poésie épique : Hugo, La Légende des siècles
d’explorations Bovary (1857) ; (1883) ;
intellectuelles (poésie - Naturaliste : Zola avec -Théâtre : drame (Hugo, Ruy Blas, 1838), vaudeville
symboliste). son cycle Les Rougon- (Labiche, Le Chapeau de paille d’Italie, 1851) ;
Macquart dont -Critique : Michelet, Histoire de France (1833-44),
L’Assommoir est le plus Sainte-Beuve, Les Causeries du lundi (1851-52),
représentatif (1877) Taine, Histoire de la littérature anglaise (1864)
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Récapitulation sur le genre

LE GENRE

PERSPECTIVE CLASSIFICATRICE OU PERSPECTIVE HISTORIQUE OU


VERTICALE HORIZONTALE

Classification Empirique Classification systématique

Poésie Triade Tendances dominant dans chaque siècle :


-Épique ; - Moyen-Âge : poésie lyrique guerrière, courtoise
-Lyrique ; -Épique ; ou philosophique ;
-Didactique ; -Lyrique ; - XVIe siècle: poésie lyrique ;
-Dramatique. -Dramatique. - XVIIe siècle : poésie dramatique (comique et
tragique) ;
- XVIIIe siècle : l’essai critique ;
Prose - XIXe siècle : le roman psychologique, historique
-Critique ; et réaliste.
-Oratoire ;
-Romanesque.
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Axes de réflexion

1. Théorie du texte ;
2. Théorie du genre ;
3. Typologie textuelle ;
4. Typologie textuelle selon E. Werlich ;
5. Typologie textuelle selon D. Maingueneau ;
6. Typologie textuelle selon J. M. Adam ;
7. Poétique d’Aristote, République de Platon ;
8. Récit et discours chez Benveniste ;
9. La sémiotique : R. Barthes ;
10. L’autobiographie ;
11. L’argumentation ;
12. La rhétorique ;
13. G. Genette : Figure II et III.

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