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UNIVERSITÉ DE DANANG

ÉCOLE DE LANGUES ÉTRANGÈRES


DÉPARTEMENT DE PÉDAGOGIE

COURS POLYCOPIÉ

INITIATION À LA DIDACTIQUE DU
FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE

DANANG 2020
CIRCULATION INTERNE

1
ĐẠI HỌC ĐÀ NẴNG
TRƯỜNG ĐẠI HỌC ĐÀ NẴNG
KHOA SƯ PHẠM NGOẠI NGỮ

GIÁO TRÌNH

GIÁO HỌC PHÁP


TIẾNG PHÁP 1

ĐÀ NẴNG 2020
LƯU HÀNH NỘI BỘ

2
TABLE DE MATIÈRES

Table de matières
Chapitre 1: Théories de l’enseignement/apprentissage des langues
1. Généralités de la didactique des langues étrangères page 4
2. Théorie de l’apprentissage et didactique des langues page 14
3. Les styles d’apprentissage et les implications pédagogiques page 24

Chapitres 2 : Grands courants en didactiques de langues


4. Le modèle éducatif de Legendre page 28
5. Les grands courants en didactique page 31

Chapitre 3 : Pratiques de classe


6. Objectifs d’apprentissage et choix méthodologiques en vue de
l’acquisition d’une compétence de communication page 32
7. Outils pour l’analyse des méthodes et des sites webs éducatifs page 42
8. Les compétences attendues du professeur de langue vivante page 48
9. Repères pour construire une séquence pédagogique page 52
10. Conduire la classe page 56

Bibliographie page 65

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CHAPITRE 1
DOSSIER 1
GÉNÉRALITÉS DE LA DIDACTIQUE DES LANGUES

1. Objet de la didactique :
La didactique étudie des méthodes d’enseignement.
C’est une science qui peut être rangée parmi des sciences pédagogiques car elle étudie,
outre les méthodes, les finalités, les principes, les contenus, les procédés de l’enseignement. Elle
exige des connaissances de pédagogie et un savoir - faire. Elle permet au professeur d’organiser
son enseignement sur la base des données scientifiques.
Cette discipline prend appui sur :
- La linguistique, pour ce qui est de la matière à enseigner.
- La psychologie, la pédagogie, la sociologie, pour ce qui concerne l’adaptation de la
matière à enseigner au public visé.
- Les autres applications scientifiques dont la statistique, la technologie, pour ce qui touche
l’appareillage destiné à faciliter et à rentabiliser le travail de l’enseignant et de
l’apprenant.

2. Terminologie :
2.1. Méthodologie – méthode :
Il est nécessaire de se mettre d’accord sur l’emploi de ces termes méthodologie - méthode
et de chercher à savoir ce qu’ils désignent.

2.1.1. Méthode :
Toute situation enseignante comporte 3 éléments fondamentaux :
L’enseignant (le professeur)

La méthode L’enseigné (l’élève)

Le terme méthode est malheureusement ambigu puisqu’il désigne aussi bien le matériel
pédagogique utilisé (un simple manuel ou un ensemble pédagogique complexe : livres,
auxiliaires techniques, tableaux, dessins, films, bandes magnétiques, etc.) que la technique
adoptée par le professeur, c’est-à-dire, tout ce qui se passe dans la classe.
Pour l’enseignement du français langue étrangère, on a par exemple la méthode « CAFÉ-
CRÈME », la méthode « ADO ». Pour éviter l’ambiguïté, mieux vaudrait, dans ce cas, utiliser
« manuel » ou « cours ».
Elle désigne également une somme de démarches raisonnées, basées sur un ensemble
cohérent de principes ou d’hypothèses linguistiques, pédagogiques… répondant à un objectif
bien déterminé.
Dans l’acceptation vietnamienne, le terme « méthode » désigne encore la ligne de
conduite, le point de vue d’un travail (méthode traditionnelle, avancée, populaire, bourgeoise…)

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2.1.2. Méthodologie :
Le terme « méthodologie » a aussi un sens restreint et un sens large.
Au sens restreint, c’est la mise en œuvre d’une méthode quelconque, suivant un certain
nombre de principes, selon lesquels la méthode concernée a été élaborée.
Au sens large, c’est l’étude des méthodes d’enseignement.
Notre travail portera sur ces deux aspects, c’est pour cela que cette discipline s’appelait
longtemps la méthodologie des langues étrangères.

Didactique - pédagogie :
En Italie et en Suisse, didactique est synonyme d’une matière tenant à la fois la
psychopédagogie et la psycholinguistique. En Belgique, on le confond avec pédagogie.
En France, l’emploi du terme didactique est souvent discuté. Il est d’ailleurs
fréquemment confondu avec le terme pédagogie.
Parmi les utilisateurs de l’expression « didactique des langues », deux tendances se
dessinent actuellement, qui en font un synonyme :
- soit de méthodologie des langues,
- soit de linguistique appliquée, c’est-à-dire une discipline recouvrant l’ensemble des
approches scientifiques de l’enseignement des langues en constituant un lieu de synthèses entre
les apports différents de la linguistique, de la sociologie, de la pédagogie.
Nous pouvons en citer quelques définitions :
Pour R. Galisson et D. Coste (1976, p.150 et p.404) :
- Didactique renvoie au champ conceptuel d’une discipline (réflexion théorique sur le
traitement d’une matière à enseigner).
- Pédagogie à l’action pratique mettant en relation un enseignant et des apprenants
(quelque soit la discipline en question).
Pour C. Battaglia (1989, p.131)
Si la pédagogie peut se définir comme réflexion sur la conduite de la classe, nous
entendons par didactique la réflexion sur les procédés de transmission de connaissances pour une
discipline donnée. Cette réflexion doit être fondée sur une analyse de la matière de
l’enseignement, du public auquel on s’adresse et des outils à la disposition de cet enseignement.
En ce qui concerne de façon plus spécifique la didactique des langues, cette première
approche terminologique est complétée et affinée par D. Coste (1989, P.20).
Sous didactique, on désigne un ensemble de discours portant (directement ou
indirectement) sur l’enseignement des langues (pourquoi, quoi, comment enseigner, à qui, en
vue de quoi) et produits, sur des supports généralement spécifiques (par exemple des revues
s’adressant aux enseignants de langues), par les producteurs eux-mêmes le plus souvent
professionnellement particularisés (enseignants, formateurs d’enseignants, chercheurs).
Signalons toutefois que les termes didactiques et pédagogie ont fait l’objet de multiples
définitions qui reprennent en d’autres termes ce qui vient d’être précisé ci-avant.
Ainsi a été proposé par L. Cornu et A. Vergnou (1992, p.10) :
Dans l’univers scolaire, on entendra par pédagogie tout ce qui concerne l’art de conduire
et de faire la classe, ce qui relève de ce qu’on a pu appeler autrefois la discipline, mais aussi
l’organisation et la signification du travail. L’exercice de cet art et la réflexion sur ses ressources
et ses fins sont ici associés.

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Les didactiques concernent l’art ou la manière d’enseigner les notions propres à chaque
discipline, et même certaines difficultés propres à un domaine dans une discipline.
C’est aussi le cas de celle de Pierre Martinez (Le Français dans le monde no 219, 1988) :
« En pédagogique, tout ce qui touche à la relation entre celui qui enseigne et celui qui apprend et,
par conséquent, à l’instruction et à l’éducation. La didactique et la mise en œuvre d’un ensemble
de principes et d’hypothèses à travers une démarche et un ensemble d’outils fini (une méthode)
incluant des procédés et des techniques. En tout état de cause les définitions ci-dessus montrent,
d’après Laurence Cornu et Alain Vergioux, « qu’en pédagogie comme en didactique, c’est un
jugement réfléchi qui est au cœur des pratiques même si les objets en sont distincts : la classe ou
les savoirs à enseigner ».
Les aspects didactiques abordés dans le cadre de ce cours porteront en partie sur les
discours véhiculés en classe (essentiellement dans le domaine de l’enseignement/ apprentissage
du F.L.E) avec un regard particulier sur ceux qui sont produits sur (ou à partir) des méthodes.

2.2. Enseignement implicite et explicite :


L’enseignement implicite est la forme d’enseignement qui prévoit l’acquisition des
formes et des structures linguistiques sans passer par l’explication ou l’exposé des règles ou de
principes théoriques.
On parle d’enseignement explicite lorsque la compétence linguistique est fondée sur
l’exposé et l’explication des règles par le professeur, suivis d’applications conscientes par des
élèves.
C’est généralement à propos de la grammaire que ces deux adjectifs sont utilisés, mais ils
sont également valables pour les autres structures de la langue. En phonétique, par exemple, on
peut enseigner des règles d’orthoépie pour faire pratiquer des séquences sonores. (Phonétique
explicite).
L’explication peut suivre une phase d’enseignement implicite : les élèves dégagent eux-
mêmes ou avec l’aide du professeur des règles d’un fonctionnement linguistique dont ils ont déjà
en partie la maîtrise. Ce passage à l’explicite exige dans la plupart des cas le recours à un
métalangage (vous en trouverez la définition plus bas) : celui, par exemple, d’une terminologie et
d’une description grammaticale.
On n’est pas en mesure de répondre à la question fondamentale qui est de déterminer le
rôle et la place d’un enseignement explicite dans l’apprentissage d’une langue étrangère. On ne
peut que faire état des tendances qui se sont successivement sur ce point mais qui, tout en se
recommandant de théories linguistiques ou psychologiques, n’ont pas valeur éprouvée :
- l’enseignement traditionnel était le type résolument explicite.
- les méthodes audio-visuelles préconisaient une pratique implicite avant tout
passage éventuel à l’explicite.
- une réhabilitation de l’explicite est en train de se dessiner.

2.3. Métalangage : C’est un langage sur un langage, c’est-à-dire un langage construit pour
décrire un langage naturel. Alors que le langage naturel dit « langage objet » renvoie à des
référents extralinguistiques et parle des objets, le métalangage, sorte de « langage instrument »,
renvoie à des référents linguistiques et parle des signes du langage objet.

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Ex : les termes techniques (substantif, conditionnel, syntagme, déterminant, etc.) qui servent à
décrire la grammaire d’une langue et les définisseurs (beaucoup d’hyperonymes comme être,
liquide, qualité, organe, etc.) qui servent, dans les dictionnaires, à d’écrire le sens des mots d’une
langue, déterminent deux métalangages distincts, qui ont en commun de fonctionnement sur le
même modèle syntaxique que le langage naturel.

2.4. Technique : Outils, prolongement matériels apportés à certains procédés pour faciliter le
travail du professeur et renforcer l’efficacité de son enseignement.
Ex : Le film fixe, le tableau de feutre, le magnétophone, le rétro-projecteur, etc. « Techniques,
procédés et méthodes constituent un ensemble hiérarchisé et entretiennent entre eux des lieux de
dépendance mutuelle ». Le choix d’une technique dépend de l’option méthodologique et du
procédé qui en découle. Sa mise en œuvre n’a pas de valeur en soi.
Ex : - option méthodologique : interdépendance langue-situation
- procédé : enseignement de la langue orale en situation
- technique : magnétophone, film fixe.

2.5. Procédé : manières de faire qui règlent les rapports maître-élèves dans des situations
scolaires précises, en vue de la présentation, de l’assimilation ou du contrôle de la matière à
enseigner. La reconstitution de texte, l’exercice structural, la dictée préparée, le commentaire
d’image, le dialogue, etc. sont des procédés. L’ensemble des procédés employés dans une
méthode ou dans un manuel caractérise une conduite pédagogique. Leur évaluation est liée aux
choix méthodologiques qui les inspirent et pas seulement à leur rendement immédiat dans la
classe.
Si l’on veut bien admettre qu’une technique correspond à un ensemble de procédés, et si
l’on conserve le terme d’enseignement comme le plus général, tous ces termes clés se
définiraient donc par des niveaux d’inclusion réciproque que l’on pourrait présenter ainsi :

enseignement
didactique
méthodologies
méthodes
techniques
procédés

2.6. Du texte au discours :


Ces notions sont au centre de toute réflexion sur les manuels de F.L.E. Le premier
principe à retenir est que tout discours ne peut véritablement être appréhendé qu’en additionnant
« texte » au « contexte » selon la proposition de P. LANE (1989) :
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Un discours est donc un énoncé caractérisable par des propriétés textuelles, mais surtout
par les données contextuelles d’un acte de discours accompli dans une situation (participants,
institution, lieu, temps).
Le texte, lui, est en conséquence, un objet abstrait résultant de la soustraction du contexte
opérée sur l’objet empirique.
L’utilisation de manuels en classe de langue conduit en effet s’interroger sur le rôle du
contexte et de la situation dans la production d’un discours et à réaffirmer ici l’importance de ces
deux composantes. A ce titre, le manuel présente de multiples spécificités. Elle permet, entre
autres, de mettre en place des activités au travers desquelles les apprenants s’expriment
(oralement ou par écrit), lisent et rédigent pour communiquer, résolvent des tâches.
Tout discours est « Le produit de l’interaction de deux individus socialement organisés »
(Bakhtine, 1977, p.123). Si ce caractère interactionnel est évident pour un dialogue, il nous
semble qu’il peut être posé dans des termes similaires pour l’écrit, même si celui - ci a toutes les
apparences du monologue. Le scripteur doit anticiper les réactions possibles du lecteur tout
comme ce dernier interprète le message reçu en fonction des objectifs présumés qu’il assigne à
l’auteur. C’est ainsi que le lecteur déchiffre un contenu tout en essayant de deviner l’intention du
scripteur : il cherche en fait à retrouver ce qui avait été pensé avant le discours même. Partant de
là, on ne peut que rejoindre L. Guespin (1971, p.10) lorsqu’il écrit que « le discours écrit est
l’énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne ». L’un des objets
du travail de l’enseignant en classe de F.L.E sera donc d’aider l’apprenant à construire son
propre discours et de permettre une interaction constante entre productions langagières et
processus de compréhension, selon une « symétrie inversée » pour reprendre l’expression de
Guespin (1975, p.55).

2.7. De l’énoncé à l’énonciation :


À un moment ou à un autre, ces deux termes nous conduisent à en distinguer deux autres
(« énoncé » et « énonciation ») que Pierre Martinez (1988) définit de la façon suivante :
L’énoncé est un segment de la chaîne parlée ou écrite de type « phrase » ou « discours »
(Harris parle d’un « énoncé suivi »), résultat de la mise en œuvre d’une compétence de
communication. « Énonciation désigne la réalisation effective de l’énoncé et les conditions dans
lesquelles il est produit (Qui parle à qui ? De quoi et comment ? - voir également Bally, 1909 et
Searle, 1969) (F.D.M, no127, 1988)

2.8. Didactique du F.L.M, F.L.E :


Le concept d’enseignement / apprentissage d’une langue maternelle a fait l’objet de
multiples approches de ces dernières années (G. Gagne, R. Lazure, 1985, entre autres). Celles-ci
ont donné lieu à des définitions parfois contrastées parmi lesquelles il nous a fallu trancher. Nous
considérerons ici que ce concept renvoie la succession d’actes linguistiques qu’un individu est
amené à réaliser pour transmettre (ou pour s’approprier) un certain nombre de savoirs, savoir-
faire et savoir-être dispensés dans la langue de socialisation des apprenants, celle - ci ayant un
statut officiel au regard de la société environnante.
La distinction entre F.L.M, F.L.E, F.L.S pose, elle aussi, de nombreuses questions
montrant ainsi que la langue est avant tout un phénomène social. Nous pouvons nous reporter
aux différents travaux menés par Henri Besse (1987,1989), chercheur dans ce centre, sur le sujet.
Celui-ci part du constat qu’« une langue peut être considérée comme une ensemble de variétés
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langagières qui permettent une intercompréhension plus ou moins immédiate entre ceux qui en
usent ». Les quelques éléments de description qu’il nous propose ensuite semblent pouvoir
synthétiser l’approche qui sera la nôtre ici :
Si cette langue est réputée connue de ceux-ci (les apprenants), souvent parce qu’acquise
dans leur prime enfance, on parle de didactique des langues maternelles ; si elle ne leur est pas
connue ou s’ils la maîtrisent encore mal, on parle de didactique des langues étrangères quand ils
n’ont pas l’opportunité d’être confrontés quotidiennement à leurs usages en dehors des cours qui
leur sont réservés, et parfois de didactiques des langues secondes, quand ils sont confrontés dans
leur environnement à la langue apprise et / ou qu’elle sert à enseigner d’autres matières qu’elle -
même. (H. Besse, 1989, p.29).
H. Besse distingue également trois expressions :
Enseigner/apprendre une langue maternelle (incluant la culture nécessaire à des
usages appropriés) revient à enseigner une variété de cette langue, la variété cultivée à des
apprenants qui en pratiquent déjà au moins une autre oralement, celle de leur première
socialisation.
Enseigner/apprendre une langue étrangère (y compris la culture nécessaire à ses
usages appropriés) revient à enseigner une variété de cette langue, en général la variété cultivée
(on peut parfois décider d’enseigner un de ses dialectes ou sociodialectes), à des apprenants qui
n’en pratiquent encore aucune autre mais qui maîtrisent déjà une ou plusieurs variétés d’une ou
plusieurs autres langues.
Enseigner/apprendre une langue seconde (la question d’y inclure ou on la culture
nécessaire à ses usages appropriés dans le pays où elle a d’abord été parlée se pose) revient à
enseigner une variété de cette langue, en général la variété cultivée à des apprenants qui n’en
pratiquent encore aucune autre ou malaisément ; bien qu’ils soient confrontés à la variété
enseignée dans d’autres cours et/ou que cette variété et d’autres, plus ou moins éloignées soient
pratiquées dans leur environnement d’une manière ou d’une autre (c’est la langue du pays ou on
apprend, sa langue « seconde », « privilégiée », « officielle »... )
Les supports exploités en F.L.E, en dehors des manuels élaborés spécifiquement pour
l’enseignement du français langue étrangère, seront abordés à partir des mêmes critères (c’est le
cas en particulier des documents dits authentiques) car il me paraît difficile de procéder à un tri a
priori (et a fortiori à un traitement différencié) des outils appartenant à l’un ou l’autre domaine.
C’est donc avant tout, et surtout, le public visé et les démarches mises en œuvre qu’on sera
amené à prendre en compte pour l’analyse proposée. Les supports (documents authentiques par
exemple) peuvent être identiques, mais les exploitations que l’on fera de ces matériels seront
nécessairement différentes. La spécificité des supports de travail est cependant à considérer avec
beaucoup de précautions : il est en effet difficile d’imaginer que l’on peut proposer n’importe
quel support de travail à des apprenants débutants dans l’étude de la langue cible.

2.9. Didactique du F.L.S :


Si la différenciation entre français langue maternelle et français langue étrangère est
relativement aisée, il en va différemment du français langue seconde.
Suivant Jean - Pierre Cuq (1991) :
Nous entendrons donc langue étrangère dans un sens beaucoup plus restreint, et qui tient
compte du paramètre individuel au détriment du paramètre national : toute langue non première

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est une langue étrangère. Parmi les langues étrangères, certains ont des propriétés particulières
qui le font appeler langue seconde.
Même s’il convient d’être prudent sur cette notion (le F.L.S vu du Canada n’est pas
forcément celui que l’on voit de Genève ou de Paris), le F.L.S peut se définir à différents
niveaux : parle-t-on du français pratiqué dans un pays étranger ? du français pratiqué sur le
territoire national par des immigrés dont l’objectif est de s’intégrer au pays d’accueil ? du
français servant de véhicule à l’enseignement d’autres disciplines ?
En tout état de cause, selon J.P Cuq, Il convient avant tout de considérer
« l’appartenance du français langue seconde au domaine du français langue étrangère », (1991,
p.32) c’est-à-dire comme langue non première. Ce chercheur en déduit donc que « sur le plan
pédagogique, les méthodologies applicables au français langue maternelle se trouvent
disqualifiées ». Il constate par ailleurs que « sur le plan de l’apprentissage / acquisition, le
processus mis en œuvre par l’apprenant sont ceux d’une langue étrangère ». Par cette prise de
position, il considère enfin que « l’apprenant, en tant qu’individu, verra sa formation aux plans
psychologique et cognitif en être affectée comme par une langue non première ».

2.10. Interaction - Interactivité :


Interaction et interactivité sont souvent utilisés de façon indifférenciée dans bon nombre
d’ouvrages, il semblerait cependant que le second lexème soit généralement employé dans le cas
d’un échange oral ou écrit entre deux ou plusieurs personnes alors que le premier concernerait
plutôt la seule situation de communication entre un homme et un support matériel dans ses
aspects les plus rudimentaires.
En ce qui nous concerne, il est préférable d’utiliser le terme interaction qui sera défini
comme la manifestation linguistique du « dialogue » (avec toute la prudence s’imposant) qui
s’instaure entre l’apprenant et le support matériel ou entre deux individus (l’auteur du manuel)
par le biais de celui-ci.
Pour ce qui est de l’oral, on considérera que le processus interactif concerne bien entendu
« les messages (à caractère verbal ou non) échangés entre des individus », mais l’on peut aussi
« avoir affaire à d’autres modes de comportement : verbal, tonal, postural, etc. Chacun d’eux
spécifiant le sens de l’autre » (E. Bulot, 1988 :119). De nombreux travaux sont actuellement
menés autour de la compétence corporelle des individus qu’on peut définir comme aptitude qu’a
chaque individu, dans un cadre culturel et social précis, de produire et de comprendre des
messages non verbaux (gestes, mimiques, mouvements du visage...) pouvant venir en
complément de la parole, voire de la préciser.

2.11. L’interaction dans l’écrit : une réalité et un enjeu


L’interaction a fait l’objet de nombreux travaux dans des disciplines aussi diverses que la
psychologie, la sociologie, les sciences de l’éducation et bien entendu la linguistique. Plutôt que
d’aborder cette question en prenant compte des perspectives, il me paraît plus raisonnable de
nous restreindre à la partie linguistique de la problématique interactionniste. Cette optique me
conduit à affirmer qu’il est indispensable de « reconsidérer le principe même d’interaction
comme élément fondateur de toute communication » (E, Bulot, 1988, p.1), que celle-ci soit orale
ou écrite. En effet, la scission qui existe de fait entre discours écrit et discours oral ne me semble
pas toujours fondée, leur fonctionnement présentant un caractère dialogique fortement marqué
(d’un côté un destinateur et de l’autre un destinataire entrant en interaction l’un avec l’autre par
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l’intermédiaire de texte). Je rejoins ainsi F. Jacques (1979 et 1983) qui propose une dialogisation
de l’effet de sens à la suite de M. Bakhine (1978) dont le point de vue est tout à fait significatif :
Tout discours est dirigé sur une réponse, et ne peut échapper à l’influence profonde du
discours- réplique prévu. Dans le langage parlé ordinaire, le discours vivant est directement et
brutalement tourné vers le discours-réponse futur : il provoque cette réponse, le pressent et va à
sa rencontre. Se constituant dans l’atmosphère du « déjà-dit », le discours est déterminé en
même temps par la réplique non encore dite, mais sollicitée et déjà prévue. Il en est ainsi de tout
dialogue vivant. (1978, p.102)
Si différence il y a, je pense qu’elle se situe plutôt dans la façon dont on aborde un
discours qui peut être soit oral soit écrit (approche formelle ou communicative) et qui rejoint
naturellement le rôle qu’on lui assigne du point de vue social. C’est d’ailleurs ce que montre
clairement Claire Kramsch (1984). En expliquant que la classe peut constituer un lieu privilégié
où l’apprenant et enseignant ont la possibilité de bâtir une réalité sociale qui est la leur, par la
construction d’un discours étranger, Claire Kramsch, en particulier, vient corroborer ce point de
vue.

2.12. Les méthodes de français langue étrangère


Outre les définitions données ci-dessus, je vous invite à les compléter par les propositions
formulées par Henri BESSE (1985) et C. GERMAIN (1993) : « un ensemble raisonné de
propositions et de procédés (d’ordre linguistique, psychologique, socio pédagogique) destinés à
organiser et à favoriser l’enseignement et apprentissage d’une langue naturelle » (p.14). Ainsi,
à partir de cette proposition, peut-on répartir les méthodes selon les spécificités et de leur
chronologie : les méthodes traditionnelles, directes, audio-orales.
Je reprendrai ici le travail de H. BESSE et considérai que « l’adoption d’un point de vue
méthodologique dans l’étude des pratiques d’enseignement des langues implique la distinction
de trois niveaux d’analyse :
- Le niveau des hypothèses mis en jeu (d’ordre linguistique, sociologique, technique ou
autre) ;
- Le niveau des manuels ou des ensembles pédagogiques servant à « exemplifier » et à
recommander ces pratiques ;
- Le niveau de pratique de classe, par un enseignant, pour des élèves ou des étudiants
donnés.
Le niveau des hypothèses permet de distinguer les différentes manières d’enseigner une
langue étrangère. Les méthodes que l’on a évoquées plus haut (traditionnelle, directe…) sont en
fait l’application (sur le plan méthodologique) de certains principes directement issus des
hypothèses que l’on se fait de ce qu’est « enseigner-apprendre une langue étrangère ». C’est le
terme « méthodologie » qui est le plus souvent employé dans le cas présent (à la place du terme
« méthode »). Ce terme tend d’ailleurs à être supplanté par d’autres expressions telles que :
démarche, approche …
Le niveau des manuels ou ensembles pédagogiques est celui qui est le plus connu des
enseignants : livre de l’élève, guide pédagogique à l’attention des enseignants, cahiers
d’activités, films vidéo, diapositives, cassettes audio… TRAMPOLINE par exemple, est
considéré comme « méthode », aussi bien par l’éditeur l’ayant produit que par les enseignants
qui l’utilisent. Il s’agit en fait de la concrétisation de certains choix méthodologiques.

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Le niveau des pratiques de classe : c’est ce qui correspond à l’acte pédagogique de
l’enseignant, c’est-à-dire aux procédés et techniques qu’il utilisera pour obtenir un résultat
escompté de la part de l’élève. Dans ce cadre-là, ce sont les méthodes actives qui sont les plus
connues et qui ont d’ailleurs donné naissance à différents mouvements associatifs (hors du
domaine de l’enseignement des langues) comme les CEMEA (Centres d’Entraînement aux
Méthodes d’Éducation Active).
Une réflexion approfondie sur le terme « méthodologie » est d’autant plus important que
beaucoup d’enseignants et chercheurs prônent aujourd’hui une attitude beaucoup plus orienté
vers l’ « éclectisme » (qui rassemble une grande variété de tendances ou bricolage des différentes
techniques d’enseignement quelque chose de bien à l’enseignant.)

2.13. Unité didactique :


Dans l’enseignement actuel des langues, la notion d’unité didactique tend à remplacer
celle de leçon. Alors que dans la leçon, le temps détermine souvent le contenu, dans l’unité
didactique, c’est le contenu qui détermine le temps : l’unité didactique n’a pas de durée
préétablie : elle déborde presque toujours le cadre de la période ou de l’heure pour s’étaler sur
deux, cinq, sept ou dix heures … ce qui présente l’avantage d’éviter les cours trop chargés ou
trop dilués.
On peut définir l’unité didactique comme :
- un ensemble cohérent d’activités pédagogiques qui conduit l’élève à la découverte
d’éléments nouveaux, à leur appropriation, et à leur fixation
- une succession de phases (ou moments) liés entre elles par une hypothèse sur les
conditions optimales d’apprentissages.
L’unité didactique résulte d’une option méthodologique. Elle reflète le choix d’une
méthode et se caractérise par un ensemble de procédés pédagogiques.
Elle varie selon les niveaux d’apprentissage et, pour un même niveau, selon les choix
méthodologiques, les conditions d’enseignement et les techniques utilisées.
Au niveau 1, l’unité didactique se décompose le plus grand en deux grandes phases : la
présentation des éléments nouveaux et l’appropriation de ces éléments.
La présentation des éléments nouveaux se scinde à son tour en plusieurs étapes :
- Présentation du matériau pédagogique (dialogue, par exemple à l’aide d’un film fixe ou
d’un tableau de feutre), précédé ou non d’un contrôle rapide des acquisitions antérieures
(le contre fait partie de l’unité didactique précédente) ;
- Explication, en vue de la compréhension des éléments nouveaux
- Répétition, et mémorisation des modèles linguistiques proposés
L’appropriation des éléments nouveaux se subdivise également en :
- Exploitation de l’acquis récent en vue de son réemploi et de son intégration de l’acquis
antérieur ;
- Fixation des structures nouvelles (phonologiques, grammaticales, lexicales) ;
- Transposition de l’ensemble des acquisitions en vue de l’expression personnelle et
spontanée.
En fin de niveau 1 et au niveau 2, il semble nécessaire d’assouplir le déroulement de
l’unité didactique. On constate par exemple que la mémorisation exacte des textes présentés
(oraux ou écrits) n’est plus indispensable et que les limites entre explication et exploitation sont
moins nettes.
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On peut espérer les travaux en cours sur l’enseignement au niveau 2 permettront de
définir l’unité didactique à ce niveau et de la redéfinir au niveau 1.
En tout état de cause, le développement d’une pratique pédagogique plus centrée sur
l’enseigné tend à assouplir l’organisation didactique et à la rendre sensiblement moins
canonique.

2.14. Acte de parole :


Notion appliquée à l’étude linguistique de la communication mais liée aussi à d’autres
domaines (Philosophie du langage, pragmatique, ethnographie de la communication), cette
notion cardinale s’inscrit encore dans un certain flou terminologique. En effet, selon que l’on
rapproche acte d’actualisation ou d’action, deux pôles sensiblement différents apparaissent. Mais
l’amalgame et l’ambiguïté, demeurent dans des expressions comme acte de parole.

2.14.1 Actualisation et réalisation des potentialités de la langue dans une instance précise de
communication. Spécifique quant aux locuteurs, au lieu, au moment, aux circonstances diverses
qui l’accompagnent, chaque acte de parole est un acte unique. En ce sens, on parle aussi (en
particulier BENVENISTE) d’instance de discours, pour signaler par exemple, que certains
éléments de la langue (les déictiques personnels, temporels et spatiaux) ne prennent sens qu’en
acte, dans une instance de discours. Dans tous ces emplois, la notion d’acte est alors à rapprocher
de l’usage classique (aristotélicien), qui l’oppose à la puissance. Ce qui est puissance au niveau
de la langue devient acte au niveau de la parole.

2.14.2 Action qu’accomplir la parole de par son insertion et son fonctionnement pragmatiques.
Dire, c’est toujours faire. Pendant la parole, j’asserte ou je promets, j’explique ou je demande, je
félicite ou j’injurie. Et ma parole a des effets : elle ennuie ou enthousiasme, fait faire ou empêche
de faire, convainc ou irrite. C’est surtout le philosophe AUSTIN, qui par ses travaux sur les
performatifs par la distinction qu’il établit entre locution, illocution, perlocution, a remis au jour
l’étude du langage comme acte. Si cette approche (adoptée également par SEARLE) relève de la
philosophie du langage, elle converge en partie avec des analyses portant sur l’énonciation,
intéresse indirectement la sociolinguistique et ce qu’on a pu appeler (aux États-Unis notamment),
l’ethnographie de la communication, et rejoint enfin à un certain niveau, la description
fonctionnelle du langage.

13
DOSSIER 2 :
THEORIE DE L’APPRENTISSAGE ET DIDACTIQUE DES
LANGUES

L’apprentissage des langues faisant nécessairement appel à la perception, il est nécessaire


d’insister, dans un premier temps, sur les deux points suivants :
1. La perception est un ensemble d’opérations organisées dans le temps, un processus par
lesquels nous sommes en relation avec le monde extérieur physique et humain. Comme ce
processus a pour fonction de structurer les données fournies par nos organes sensoriels et de leur
donner sens, il nous permet de nous adapter dans une pratique de tous les instants à cet
environnement. Dans l’apprentissage d’une langue, la perception est ce processus fondamental
par quoi nous prenons connaissance avec les données sonores et graphique de cette langue.
2. L’ensemble des opérations qui constituent la perception n’est pas inné ; mais font
l’objet d’un apprentissage dans lequel interviennent de multiples facteurs psychologiques et
sociologiques. Signalons notamment que son efficience est largement dépendante du nombre, de
la variété et de la qualité des savoirs dont dispose un individu et des expériences qu’il a faites
antérieurement à cette nouvelle expérience perceptive que constitue la confrontation à une
langue étrangère.
On peut dire qu’apprendre une langue, c’est pour une large part apprendre à la percevoir.
Mais il est cependant bien évident qu’apprendre une langue ne se réduit pas à des apprentissages
perceptifs. Il nous faut donc envisager de façon bien plus large la réflexion sur ce que c’est qu’un
apprentissage linguistique.
Qu’est – ce apprentissage ? et à quoi reconnaît-on qu’il y a apprentissage ?
Existe-t-il une ou des théories susceptibles d’éclairer ce qui se passe dans l’apprentissage
d’une langue étrangère ?
Quelles opérations sont engagées dans un apprentissage linguistique ? Quels sont les
facteurs déterminants d’un apprentissage de ce type ?

1. Quelle définition de l’apprentissage ?


Une définition de l’apprentissage consiste à considérer qu’il y a apprentissage si un
individu présente, dans un milieu ou dans un environnement donné et en interaction avec celui-
ci, des comportements nouveaux, ou si des comportements en place sont modifiés, de façon plus
ou moins durable et significative, c’est-à-dire si ces comportements présentent des aspects qui
permettent de les distinguer du répertoire antérieur des comportements de l’individu.
Cette définition qui reprend l’essentiel des définitions les plus classiques de
l’apprentissage (P. FRAISE ou DE LANDSHEERE) permet certes de distinguer les conduites
apprises des conduites aléatoires ou d’adaptation instantanée ou encore de ne pas confondre les
comportements appris avec les effets secondaires de certains facteurs entraînant des
modifications qui disparaissent avec la disparition des dits facteurs (par exemple, la fatigue).
Toutefois, elle ne permet pas de distinguer les comportements appris des comportements acquis
comme peuvent en provoquer l’accoutumance ou la maladie mentale par exemple, ou certaines
substances (alcool, etc.)
Les idées d’adaptation, de progrès, d’efficience supérieure, souvent évoquées à l’appui
pour opérer les distinctions nécessaires entre ces différents types de modification des
14
comportements, outre qu’elles ne sont jamais tout à fait exemples d’une tonalité morale, me
paraissent moins pertinentes que l’idée qu’il y a, dans l’apprentissage chez l’homme,
mobilisation des capacités de l’individu pour la réalisation d’un projet, la poursuite d’un objectif,
ou du moins la satisfaction d’un besoin vital ou social.
La définition classique ne permet pas non plus de distinguer l’apprentissage d’une
pratique, comme c’est le cas dans un apprentissage linguistique (qu’on le sache ou non, qu’on
entire ou non les conséquences), de l’acquisition d’informations ponctuelles, non réelle entre elle
par exemple. Apprendre que le français comporte des verbes irréguliers, et n’apprendre que cela,
n’est pas apprendre à employer ou comprendre ces verbes dans un énoncé.
Il faut donc inclure également dans la notion d’apprentissage l’idée qu’il y a modification
ou élargissement des capacités en termes de savoirs et de savoir-faire organisés.
Enfin, on peut admettre qu’il y a dans l’apprentissage, des niveaux, voire des types
d’apprentissages qui ne sont pas équivalents et qui ne peuvent pas être compris de la même
façon : apprendre à pratiquer le ski et apprendre à demander son chemin dans une langue
étrangère, ce n’est pas la même chose. Apprendre à recopier un énoncé en chinois et apprendre à
rédiger un texte en chinois, ce n’est pas non plus la même chose.
S’agissant d’apprentissage d’une langue, on a ainsi intérêt à distinguer ce qui relève, par
exemple, de la reproduction d’un modèle (ce qu’un perroquet bien dressé sait faire), aussi
conforme soit cette reproduction à son modèle, avec la possibilité d’adapter son comportement
langagier à des situations très diverses, d’innover, de produire des énoncés nouveaux, différents
par exemple de ce qui ont fourni le matériau et l’occasion de l’apprentissage. Bref, on a intérêt à
distinguer le savoir ou le savoir-faire ponctuel ou automatique et le développement d’une
compétence.
Ceci va nous permettre de « mettre hors jeu » ou de critiquer un certain nombre de
théories de l’apprentissage qui, même si la didactique (ou plutôt certains didacticiens) s’y
réfèrent, même s’ils sont servis (souvent a posteriori…) à la justification de certaines pratiques
pédagogiques. Elles ont même parfois fait l’objet de mises en application, au niveau des
principes méthodologiques, qui ne me paraissant pas constituer des modèles adéquats à la
compréhension de ce que c’est l’apprentissage d’une langue étrangère.
Ce disant, je en nierai pas que je prends déjà parti et que j’adopte un point de vue parmi
d’autres possibles.

2. De l’associationnisme au behaviorisme
2.1. Les premières théories de l’apprentissage
Il me paraît important de faire un rapide panorama des premières théories sur
l’apprentissage dans la mesure où nos conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage en
sont imprégnées sans que nous sachions d’où viennent nos idées les plus ordinaires, et donc aussi
les plus tenaces, puis du coup, les plus difficiles à remettre en cause, dans ce domaine.
Les théories de l’apprentissage de toute la première partie de ce siècle sont
essentiellement affiliées à associationnisme. Cet associationnisme a continué d’inspirer (plus ou
moins cependant) bon nombre de théories jusqu’au béhaviorisme pur et dur ou aux
béhaviorismes plus ou moins révisés.

2.1.1. L’associationnisme :

15
L’associationnisme est plus qu’une théorie, une sorte de doctrine qui entend rendre
compte de la vie mentale par un jeu d’associations, c’est-à-dire un ensemble de rapports ou de
liaisons qui s’établiraient entre des faits psychiques ou des comportements et des objets de
l’environnement, voire au niveau des faits psychiques ou des comportements entre eux.
Ainsi, le premier, EBBINGHAUS étudie les phénomènes d’acquisition, d’oubli, de
réapprentissage pour formuler la première loi de l’apprentissage :
La répétition d’un stimulus constitué par une série d’éléments verbaux (ou autres) permet
l’établissement d’une association entre ces éléments du fait de leur contiguïté, soit par effet
antérograde, soit par effet rétrograde.
En fait, si on a pu effectivement montrer depuis que la contiguïté de deux éléments
verbaux (ou autres) est un facteur favorable à leur association et à leur apprentissage, des travaux
ultérieurs ont infirmé l’hypothèse que cette contiguïté puisse être une condition suffisante de
l’apprentissage.
Quelques années plus tard, mais toujours dans la lignée associationniste, THORNDIKE,
a établi un certain nombre de lois de l’apprentissage qui, malgré les critiques des écoles
ultérieures, n’ont pas vu leur crédit global disparaître. Dans la théorie de THORNDIKE, dite
« théorie connexionniste », l’apprentissage est essentiellement caractérisé par la formation de
connexions entre des éléments de situation (S) et des éléments de réponses (R) :
- renforcés par l’exercice et affaiblis lorsque l’exercice est arrêté (loi de l’exercice),
- et/ou renforcés par l’effet des conséquences de la connexion (loi de l’effet), notamment
lorsque cette conséquence consiste en un état de satisfaction du sujet apprenant.
Remarquons que pour THORNDIKE, la satisfaction en question peut être liée à la
connaissance qu’a le sujet des résultats de son action.
Des lois secondaires sont dégagées par le connexionnisme. Elles concernent le fait
qu’individu doit disposer d’un répertoire varié des réponses différentes pour mettre en place une
réponse adaptée à la situation nouvelle à laquelle il est confrontée. Autrement dit, on presse là le
rôle que joue le stock de nos savoirs et savoir-faire antérieurs dans nos apprentissages.
On reconnaîtra du reste sans peine ici la justification de bien des principes
méthodologiques et de nombre de pratiques pédagogiques, tels que répétition, « l’exercice »
(certaines formes d’entre eux, comme la réédition d’un item), l’évaluation (notamment dans sa
forme récompense/sanction qu’est la notation), etc.
En dégageant, en outre, le rôle de l’attitude, des motivations, THORNDIKE a préparé les
esprits aux idées qui seront développées ultérieurement par les « médiationnistes » (voir plus
loin). De même, en mettant en valeur l’importance, dans l’apprentissage, de la possibilité pour
un apprenant de fournir les réponses par analogie, il a jeté des bases de l’étude du transfert et de
la généralisation.
C’est au cours de la même période que PAVLOV entreprend ses travaux sur le
conditionnement et élabore une théorie qui contribuera, avec les théories associationnistes et
connexionnistes, à impulser une quantité de travaux et de théories dérivés (plus ou moins
critiques) dont certains ont pesé et continuent de peser sur la conception de l’enseignement et de
l’apprentissage.
On sait que PAVLOV a montré qu’en associant à un stimulus inconditionnel (de la
viande par exemple) un stimulus quelconque neutre (un son par exemple) et en répétant plusieurs
fois cette conjonction, le stimulus neutre finit par suffire pour provoquer la réaction que le

16
stimulus inconditionnel était seul capable de provoquer au départ. On dit qu’on a mis en place
une réaction conditionnelle : le stimulus d’abord neutre est devenu conditionnel.
Les explications de ce phénomène pour PAVLOV sont neuro-physiologique : il s’agit
d’un frayage des voies du système nerveux.

2.1.2. Le behaviorisme :
Bien que la confirmation de la théorie de PAVLOV soit chez l’homme aussi difficile à
établir que sa réfutation à faire, celle-ci a fortement inspiré SKINNER dans l’élaboration de sa
théorie dite du « conditionnement instrumental ».
Le conditionnement opérant ou instrumental se caractérise par le fait que c’est le sujet
qui, confronté à une situation nouvelle, tire parti, à la suite d’une série de répétitions de la
situation, de l’une de ses réactions (d’abord contingente) pour peu que celle-ci soit récompensée
systématiquement.
Le sujet est donc actif dans la situation. Cette différence est essentielle et sépare
nettement la théorie de PAVLOV que celle de SKINNER, mais la contiguïté des éléments
stimulus/réponse, la répétition de la conjonction, l’existence d’un besoin à satisfaire, le
renforcement par récompense restent, comme dans le conditionnement pavlovien, des conditions
nécessaires et suffisantes à l’apprentissage.
Cette conception béhavioriste de l’apprentissage a fortement influencé bon nombre de
méthodologies de l’enseignement, que les concepteurs de ces méthodologies le sachent et le
reconnaissent … ou pas.
C’est évidemment le cas de l’enseignement programmé inventé par SKINNER lui-même
et de bien des matériaux conçus pour l’E.A.O (Enseignement Assisté par l’Ordinateur). Mais
c’est aussi le cas de beaucoup de méthodes, dites modernes, d’apprentissage des langues
vivantes : méthodes directes, voire audiovisuelles qui, elles, se réclament cependant du structuro-
globalisme.
Dans ces matériels ou ces exposés méthodologiques, on retrouve ainsi l’un ou l’autre,
voire la totalité des principes suivants dont j’ébaucherai au fur et à mesure la critique :
a. L’apprentissage porte sur un objet, une matière et non sur une capacité particulière.
b. C’est bien ainsi que la langue est comprise dans méthodes d’inspiration béhavioriste, et non
pas d’abord comme un ensemble de pratiques sociales (même si rien n’est clairement dit
dans ce sens, ni un autre dans les préfaces ou les discours didactiques correspondants) ;
c. La « matière » est coupable-elle doit l’être par l’enseignant ou le concepteur du matériel –
en une série d’éléments ou d’unités d’apprentissage formées de telle façon qu’elles soient les
plus petites possibles. Le but de ce découpage est de ne pas autoriser chez l’apprenant
l’émergence de réponses erronées à chaque « situation/question/stimulus » dans laquelle se
trouve insérée l’unité minimale de l’apprentissage.
Dans cette perspective, une « bonne méthode » se caractérise donc par le fait qu’elle
cherche à éviter à tout prix la possibilité d’une erreur chez l’apprenant. En conséquence de quoi,
on remarque alors que la « situation / question / stimulus » est réduite le plus souvent à sa plus
simple expression (trou dans une phrase, proposition de réponses possibles).
Du même coup, c’est l’activité du sujet, activité qui constitue pourtant le postulat
essentiel de la théorie de SKINNER, qui se trouve également réduite à sa plus simple expression
(placer un mot dans un espace prévu à l’intérieur d’un énoncé, cocher une case, etc.)

17
Ces deux points confirment l’existence du présupposé contenu dans la conception de la
langue : elle est objet, et un objet dont l’apprentissage serait segmentable selon les principes de
sa description, telle que les linguistes, par exemple, peuvent la concevoir dans le cadre de leur
champ de recherche propre… et non considérée comme une pratique comportant des variantes,
et une compétence qui se construit selon les règles non linéaires.
a. Des éléments - unités d’apprentissage de la matière - langue doivent être organisés selon une
progression réputée aller de plus simple au plus complexe.
On renvoie ici aux conceptions classiques de la progression dans les méthodes de
langues, conceptions qui tendent à considérer telle ou telle forme plus simple que d’autres, et la
maîtrise de telle structure ou de telle forme nécessaire à l’acquisition de telle autre : le présent
avant le futur, l’indicatif avant l’impératif, « Voici Monsieur Thibault », plutôt que « Vous vous
êtes fait mal » et bien entendu, l’approche des textes littéraires reléguée à la fin du cursus…
b. L’apprenant doit toujours pouvoir vérifier immédiatement que la réponse qu’il a fournie est
la réponse dite « exacte », du moins celle qui est attendue… ce qui lui permet de recevoir la
« récompense » susceptible de renforcer la « bonne » réponse ou éliminer une réponse
incorrecte.
c. La répétition de la « situation/question/stimulus » est censée assurer la durabilité des
réactions nouvellement apparues et souhaitées.
On peut encore ajouter à ces critiques le fait que la conception de l’apprentissage qui la
sous-tend fait peu de cas, par principe, du contenu de ce que SKINNER appelle « la boîte
noire » : l’affectivité, les motivations, les attitudes de l’apprenant mais aussi et surtout ses
capacités au niveau des activités cognitives. Rien ne prévoit la prise en compte des unes, ni la
mise en œuvre des autres, même si l’existence de celles-ci est postulée et si l’on compte sans
doute sur elles (sans la dire, ni rien faire pour les favoriser) pour que s’effectue cette somme
(rendue considérable par le principe du découpage de l’objet-langue) d’opération mentale
nécessaire à la synthèse fonctionnelle de toutes les données partielles.
Il faut cependant souligner que tout n’est pas critiquable dans cette conception de
l’apprentissage, qu’elle peut effectivement rendre compte d’un certain nombre de phénomènes
qui se produisent dans un apprentissage linguistique… et les méthodes les plus béhavioristes (pas
plus bien que les autres) n’ont jamais entravé l’apprentissage de ceux qui veulent apprendre.

2.2. Les théories médiationnistes


Elles se situent dans la mouvance des théories béhavioristes, mais entendent prendre en
compte le contenu de la « boîte noire ».
Dans leur principe, elles cherchent toutes à compliquer le schéma stimulus/réponse en y
insérant des éléments intermédiaires susceptibles de rendre raison du langage, de la signification
et de l’utilisation des concepts.
Sans envisager dans le détail les travaux de HULL, TOLMAN, OSGOOD, BOUSFIELD,
MOWER, etc.… pour ne citer que les auteurs auxquels la didactique se réfère le plus souvent, on
peut noter que les travaux des médiationnistes se sont attachés à démontrer les hypothèses
suivantes :
a. La signification d’un mot est acquise à la suite de conjonctions fréquentes du mot avec
l’objet ou l’événement qu’il désigne.
Mais tout stimulus - objet peut provoquer par lui-même un ensemble de réactions
perceptives et motrices dont certains sont détachables. Ces réactions détachables peuvent être
18
provoqués à la fois par l’objet et par le mot qui le désigne. Elles finissent par former un
processus stable de la médiation entre objet et le mot : elles constituent en quelque sorte la
signification du mot.
b. Dans un apprentissage notamment verbal, il se produit des transferts et des phénomènes de
généralisation sémantique qui sont explicables par l’existence de réactions intermédiaires
détachables : certaines d’entre elles peuvent être communes aux deux éléments entre
lesquels s’effectue, par leur intermédiaire, le transfert ou la généralisation.
Nombre d’études sur des problèmes du bilinguisme s’appuient sur cette hypothèse (et les
travaux qu’elle a inspiré) notamment les études qui attribuent l’origine des erreurs, ou au
contraire des facilités, de l’apprenant aux interférences qui se produisent entre les systèmes
considérés à plusieurs niveaux (phonétique, morphologique, syntaxique) des langues maternelle
et étrangère (voir à ce sujet les méthodes qui s’appuient sur de descriptions contrastives de la
langue maternelle des apprenants et la langue-cible).
c. La notion de variable intermédiaire, comme l’attention l’attitude perceptive ou réactionnelle,
permet d’expliquer les phénomènes dans lesquels interviennent notamment des mécanismes
de sélection de l’information.
Ce serait l’attitude, qu’elle soit « spontanée », délibérée ou provoquée par l’action de
l’entourage (du pédagogue, par exemple) pour en faire des informations pertinentes. La sélection
ainsi obtenue serait maintenue si les informations sont renforcées, déplacées vers d’autres
éléments si aucun renforcement n’intervient.
Les théories médiationnistes sont souvent critiquées, entre autres raisons parce qu’on leur
reproche d’être trop compliquées pur expliquer les phénomènes qu’elles invoquent, mais trop
simple pour rendre raison d’un fait aussi complexe que la signification.
Toutefois, il n’est pas sûr que les théories plus récentes, et apparemment plus savantes,
comme les théories dites « de l’information », tirent mieux leur épingle de ce jeu difficile, ni les
travaux de psycholinguistique dès lors qu’il ne s’agit plus seulement d’apprentissage portant sur
du matériel verbal, mais de l’appropriation d’une pratique langagière.
Au total, l’intérêt des recherches entreprises par les médiationnistes tient beaucoup au fait
qu’elles ont recentré les préoccupations des didacticiens sur le sujet apprenant, ses activités et ses
particularités psychologiques au niveau tant de ses capacités cognitives que de ses attitudes,
motivations, etc. qu’à des apports réellement décisifs dans la connaissance des processus
d’apprentissage.

3. Les théories cognitives et le constructivisme


Les théories dites « cognitives » se sont élaborées en opposition avec les théories
béhavioristes et les théories innéistes.
A l’inverse des théories béhavioristes, elles entendent établir que l’apprentissage
langagier, ou autre, ne réside pas dans la mise en place de simples circuits associatifs entre des
phénomènes sensoriels et comportementaux, mais plutôt dans une réorganisation simultanée et
solidaire de la perception de l’acte.
Par ailleurs, les théories cognitives, plus précisément la théorie constructiviste, se sont
opposées à la conception innéiste, c’est-à-dire pour l’essentiel celle de N. CHOMSKY dont je
rappelle très brièvement ici la position :
Il n’y aurait pas de théorie possible de l’apprentissage de la langue, car la compétence
linguistique relève d’un dispositif inné et spécifique d’acquisition dont la propriété serait
19
justement de construire une grammaire, c’est-à-dire une théorie, fondant la compétence du
locuteur.
Prenant contre-pied de l’innéisme en introduisant la notion de constructivisme, notion
pivot de la psychologie cognitive telle que PIAGET l’a élaborée, les théories (dites
« constructiviste » pour cette raison) veulent d’abord montrer que le développement d’un
comportement (langagier en particulier) ne s’effectue pas par une accumulation de morceaux, un
empilement de parties d’acquisition juxtaposées, mais par l’émergence de systèmes successifs,
liés les uns aux autres, chacun constituant des sortes de compétences spécifiques ou provisoires.

3.1. Quelques aspects des théories cognitives


3.1.1. Les Gestalistes
Ils généralisent aux problèmes soulevés par l’étude de l’apprentissage les lois qu’ils ont
mises au point pour l’activité perceptive. Ainsi, apprendre, c’est découvrir ou établir des
relations entre des éléments non reliés jusque-là. C’est découvrir une solution comportementale
appropriée par une (re)structuration des éléments de la situation dans laquelle le sujet apprenant
est placé. Cette recherche de relation ou de solution présente un caractère actif et ses résultats
tiennent autant des capacités du sujet (son intelligence, ses expériences au préalable, etc.) qu’à la
nature de la situation et de la tâche.
Dans la conception de l’apprentissage gestaltiste, le rôle de la répétition est discuté : il
semble bien que dans certain nombre de cas la répétition ne soit pas une condition nécessaire à
l’apprentissage et que l’on puisse observer des phénomènes « d’insight », c’est-à-dire de
compréhension immédiate, intuitive et totale d’un problème : la structuration des éléments
donnés par la situation se ferait d’emblée. On parle alors d’apprentissage par tout ou rien, ou par
« insight », par opposition aux apprentissages progressifs ou par essais et erreurs.
La mémoire est enfin dans les théories gestaltistes de l’apprentissage une fonction tout à
fait essentielle. BERTLEIT, notamment, considère qu’elle est constituée par un ensemble des
schèmes qui se recouvrent partiellement et qui se transforment dans le temps. Ce sont ces
schèmes qui se réorganiseraient du fait de l’apprentissage. Leur existence expliquerait la
soudaineté des mises en relation entre les éléments d’une nouvelle situation (si et) chaque fois
qu’ils présentent une ou des partie(s) commune(s) une expérience passée et une expérience
présente.
Quelles que soient les critiques faites aux gestaltistes pour leur approche de
l’apprentissage, on note que leur théorie a marqué nettement certains médiationnistes et qu’elle
présente des aspects que l’on retrouve chez les constructivistes.

3.1.2. Les « médiationnistes – cognitivistes »


Ce sont des médiationnistes qui se situent plus volontiers dans la perspective des théories
cognitives que dans la mouvance d’un béhaviorisme a l’égard duquel ils adoptent d’ailleurs une
attitude critique.
CROWWDER, par exemple met en cause la position de SKINNER sur « la boîte noire »,
dont il estime nécessaire de rechercher le fonctionnement.
L’originalité de CROWDER réside dans le fait qu’il considère que chaque erreur peut
être comprise comme l’aboutissement d’une hypothèse fausse ou insuffisante chez l’apprenant :
il faut donc la prendre en compte en tant que manifestation de l’activité du sujet. En cherchant en

20
quel endroit de la résolution d’un problème d’apprentissage elle intervient, on peut orienter
l’apprenant vers un itinéraire d’apprentissage particulier (dérivation).
Cette réflexion a conduit CROWDER et d’autres à mettre au point une méthodologie
d’enseignement programmé dont le matériel abouti est le « livre brouillé ». En didactique des
langues, cette méthodologie a eu et continue d’avoir une influence non négligeable sur la
conception de certains manuels d’E.A.O (Enseignement assisté par ordinateur).
Dans ces matériels, l’atomisation skinnérienne des contenus cède la place à la
transmission d’information plus vaste pour permettre l’activité effective de l’apprenant : l’item
est le moyen de faire apparaître l’hypothèse du sujet ; la réponse n’est vérifiée le plus souvent
que pour localiser les erreurs que l’apprenant commet, et non pour sanctionner ou pour renforcer
les réponses.
La tâche de l’enseignant est donc de prévoir toutes les erreurs possibles des apprenants
pour renvoyer ces derniers sur des dérivations idoines de la progression.
Sans faire ici la critique technique de ces matériels, on notera cependant que les
« médiationnistes – cognitives » n’ont pas produit de matériels à la hauteur de leur
ambition…Plus grave, leur conception de la langue reste celle d’un objet de manipulation et non
celle d’une pratique que l’apprenant doit s’approprier. Quant à la complexité d’un apprentissage
langagier dans ses dimensions sociales et culturelles, elle n’est pas même entrevue, alors que la
conception des activités cognitives reste elle-même à un niveau tout à fait élémentaire.

3.2. Le constructivisme
Le constructivisme est surtout l’affaire de l’école de Genève fondée par J. PIAGET.
Certes, J. PIAGET ne s’est pas penché sur les problèmes spécifiques de l’apprentissage
d’une langue étrangère (du reste, la quasi-totalité des auteurs et des théories cités précédemment
non plus), ni donc sur les problèmes de l’apprentissage d’une langue chez l’adulte. Toutefois, ses
travaux sur le développement des activités mentales, activités qui comprennent les activités
symboliques dont le langage fait à son tour partie, apporte un éclairage, différents de tous ceux
que nous venons d’envisager, sur les phénomènes de l’apprentissage verbal.
Le constructivisme pose au départ de sa théorie l’idée que l’acquisition du langage utilise
les structures opératoires générales de l’intelligence, structures qui sont construites par le sujet
dans le cours de son activité et par cette activité.
Ainsi, pour que l’enfant s’approprie le langage, il lui faut, d’une part, disposer d’un
minimum des structures logiques rendant cette appropriation possible, d’autre part, se trouvent
confronté directement avec des problèmes langagiers sur lesquels et avec lesquels il agit. Cette
activité est essentiellement pratique et se produit à la mesure des capacités de l’enfant, capacités
variables selon les moments de l’évolution génétique.
Elle aboutit à la formation d’états équilibre transitoire (étape) de la maîtrise de la langue :
le langage enfantin peut ainsi être décrit sous la forme de véritable systèmes linguistiques
successifs ayant chacun ses propres règles de fonctionnement et sa cohérence particulière.
Dans telles conceptions peuvent servir de modèle de référence (sous réserve de ne pas en
faire une translation mécanique, bien-sûr) pour la compréhension de ce qui se passe dans
l’apprentissage d’une langue seconde.
Aussi, dans une perspective constructiviste, on peut considérer que l’apprenant d’une
langue seconde passe par des étapes ou des stades, pour reprendre là des notions importantes de
PIAGET, dont la caractéristique ne résiderait pas dans l’absence de règles de production et de
21
réception, mais dans l’apparition successive de règles différentes de celles sur lesquelles
fonctionne une compétence langagière constituée pleinement comme chez le locuteur natif
adulte.
Pour expliquer le passage d’une étape ou d’un système à l’autre, les constructivistes font
intervenir la notion de conflit. C’est la confrontation aux données langagières qui conduirait
l’enfant (l’apprenant) à une situation conflictuelle entre ses structures intégratrices (l’appris) et
des aspects de la langue qui résistent, en quelque sorte, au système de règles dont dispose
l’enfant (l’apprenant) à un instant donné. Cette situation conflictuelle tend à déstabiliser l’appris
qui se trouvera transformé, et non pas simplement augmenté d’un acquis supplémentaire, par le
jeu alterné de certaines opérations mentales.
A cet endroit, on notera que la notion « d’interlangue » développée par certains
didacticiens comme PY ou SELINKER coïncide avec les théories piagétiennes. Quantités de
« fautes » commises par un apprenant en langue seconde ne peuvent en effet s’expliquer ni par
une déficience des associations, ni par des phénomènes de transfert et d’interférence abusifs
entre les langues maternelle et étrangère, mais plutôt par des opérations de sur-généralisation du
système intermédiaire portant sur des dimensions diverses : phonétique, morpho- syntaxique,
sémantique, etc.
Les deux opérations qui sont à la base de l’activité d’apprentissage, comme tout
processus de connaissance aux yeux des constructivistes, et qui donc permet la formation des
systèmes intermédiaires ainsi que le passage entre eux, sont l’assimilation et l’accommodation.
L’assimilation est l’opération du schème d’action cognitive, par laquelle l’individu
intègre les données du monde extérieur – les données auditives et visuelles de la langue
actualisée dans les pratiques auxquelles l’apprenant est confronté – aux structures mentales dont
il dispose. Si ces données « résistent » à l’assimilation, l’intégration peut entraîner une
modification des structures disponibles : l’accommodation.
Des méthodologies du F.L.E (à tendance structuro-globale) sont en principe cohérentes
avec la théorie constructiviste. Peu de matériels en témoignent cependant, sauf ARCHIPEL. Ce
matériel pédagogique s’appuie simultanément sur une description de la langue d’inspiration
notionnelle-fonctionnelle et sur le principe de la plus grande activité de l’apprenant, provoquée
par des conditions pédagogiques idoines (en l’occurrence par la mise en place de situation de
communication favorisant l’émergence d’un maximum d’interactions dans le groupe-classe.
Il faut se garder cependant de tout décalque de la théorie piagétienne, élaborée pour
rendre raison des phénomènes d’apprentissage d’une seconde langue chez l’adulte.
On a tout lieu de penser que dans ce cas, les activités de l’individu dans ses
apprentissages tiennent à des facteurs plus variés que ceux qui jouent chez l’enfant dans son
appropriation de sa langue maternelle, ne serait-ce que parce que l’adulte possède déjà sa langue
(ou du moins différents par bon nombre de leurs contenus si ce n’est même par leur nature).
Pour mémoire, car ce n’est pas le lieu ici de développer ces points, on mentionnera parmi
ces facteurs : les motivations – ou les contraintes – qui peuvent conduire un adulte (ou un
écolier) à apprendre une langue étrangère, les conditions pédagogiques qui sont faites à son
apprentissage, en particulier le statut dont il bénéficie en tant qu’apprenant dans cette situation,
les représentations qu’il a de lui-même comme apprenant, de la langue étrangère et de ses
usages, de l’investissement qu’il doit faire pour atteindre les objectifs qu’il se donne, des
stratégies adéquates qu’il lui faut en œuvre pour apprendre en général, et apprendre une langue
donnée en particulier.
22
DOSSIER 3 :
LES STYLES D’APPRENTISSAGE ET LES IMPLICATIONS
PÉDAGOGIQUES

1. Les styles d’apprentissage


Pour apprendre, chacun dispose d'un style personnel, d'une façon qui lui est particulière
d'organiser les informations. C'est ce que l'on appelle en pédagogie et en psychologie les styles
d'apprentissage. Chaque individu a des styles d'apprentissage différents. Ce qui explique qu'une
situation pédagogique ne soit pas perçue de façon identique par tous les apprenants.
Comment les enseignants peuvent-ils tenir compte des ces critères dans leur
enseignement ? Comment peuvent-ils proposer à leurs apprenants des activités adaptées à leurs
différents styles d'apprentissage ? Quelles sont les implications pédagogiques ?
Définition
"Le style d'apprentissage est la manière dont chaque apprenant commence à se
concentrer sur une information nouvelle et difficile, la traite et la retient". Dunn et Dunn, 1993 ;
"Les styles d'apprentissage sont des comportements cognitifs, affectifs et physiologiques
caractéristiques des individus et qui servent comme indicateurs relativement stables de la
manière dont les apprenants perçoivent, interagissent et répondent dans un environnement
d'apprentissage", Keefe, 1979.
Les styles d'apprentissage seraient selon certains théoriciens la (les) façon(s) dont un
apprenant est programmé pour apprendre de la manière la plus efficace. Des apprenants auraient
des cheminements nerveux plus rapides et plus efficaces que d'autres, et ils préfèreraient de ce
fait travailler en les utilisant.
Remarque:
Il ne faut pas confondre la notion de "style d'apprentissage" avec celle de "stratégies
d'apprentissage" qui sont des "actions volontaires (ou involontaires) d'un apprenant qui servent
à améliorer une partie de son apprentissage ou à résoudre un problème dans sa production
d'une langue." Par exemple, on peut traduire un mot pour le retenir.
Quelques exemples

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Le style d'apprentissage et le style cognitif sont des concepts distincts même s'ils sont
souvent confondus. Pour les puristes, le style cognitif est inné ou stable tandis que le style
d'apprentissage résulte de l'inné et de l'acquis et peut donc évoluer par l'expérience.

Dans la littérature scientifique, les styles cognitifs vont en général par deux. Le tableau
ci-dessous recense quelques styles cognitifs parmi les plus classiques et les caractérise en
quelques mots.

Auditifs (1) Visuels


• Vous intégrez plus facilement ce que vous • Vous intégrez plus facilement ce que
entendez. vous voyez, et vous visualisez dans votre
• Vous vous appuyer surtout sur la tête ces éléments.
chronologie, le déroulement du discours, • Vous faites appel à ces images mentales
pour mémoriser. pour vous en souvenir.

Dépendants du champ (2) Indépendants du champ


• Vous préférez qu'on vous fournisse un • Vous vous préoccupez d'abord du
cadre de travail précis. contenu du travail à faire, quel qu'en soit
• Vous êtez sensibles au contexte affectif et le contexte.
social. • Vous répondez strictement à la question
• Vous êtes capables de prélever des posée.
informations plus larges que celles qui • Vous avez tendance à faire confiance aux
sont demandées. repères personnels, d'origine interne.
• Vous avez tendance à faire confiance aux • Votre apprentissage est impersonnel,
informations d'origine externe, c'est-à-dire que vous pouvez apprendre
environnementale. sans être influencé par le contexte social
• Vous avez tendance à restituer les données et affectif.
telles qu'elles ont été proposées. • Vous avez tendance à restructurer
• Vous avez besoin de buts externes. personnellement les données.
• Vous êtes un apprenant synthétique. • Vous êtes un apprenant analytique.

Réflexifs (3) Impulsifs


• Vous hésitez à prendre la parole et différez • Vous prenez facilement la parole pour
votre réponse afin de vous assurer que répondre sans avoir peur de commettre
vous ne vous trompez pas. d'erreurs.
• Vous allez privilégier l'indécision pour ne • Votre raisonnement se construit au fur et
pas commettre d'erreurs, au risque de à mesure que vous vous exprimez.
regretter d'avoir parlé. • Vous ne tolérez pas l'incertitude.
Balayage
Centration (4)
• Vous menez volontiers plusieurs activités
• Vous préférez traiter une seule information
de front sans toujours finir chacune
à la fois, clarifier ce point et allez au bout
d'entre-elles.
de votre objectif avant de passer à un autre
• Vous construisez votre savoir
point.
progressivement. Votre travail est de type
• Votre travail est de type intensif car vous
extensif, car vous aimez papillonner en
n'aimez pas faire plusieurs choses à la fois.
allant et venant parmi vos activités.
Cerveau gauche Cerveau droit
• Vous êtes logique, analytique, digital, • Vous êtes intuitif, créatif. Vous utilisez
rationnel, à l'aise avec la théorie. volontiers les comparaisons et les
• Le cerveau gauche gère le langage, les métaphores.
codes. C'est le lieu de l'abstraction. • Le cerveau droit gère les images, il est

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L'approche est axée sur les détails. synthétique, global. Il fonctionne non pas
avec les codes mais avec les analogies, il
est le lieu du concret, du palpable, de
l'action.

(1) D'après Antoine de la Garanderie


(2) D'après Herman Witkin et Michel Huteau
(3) D'après Jérôme Kagan
(4) D'après Jérôme Bruner (1956)

Remarques:
1- Cette présentation sous forme de tableau pourrait laisser suggérer que ces différents styles
cognitifs s'opposent. En fait, chacune des oppositions du tableau ne représente en réalité que les
extrêmes d'un spectre beaucoup plus diversifié. Il s'agit, dans chaque cas, d'un continuum avec
un « curseur » qui peut se déplacer en fonction de chacun.
2- Toutes ces façons d'apprendre sont à priori aussi valides les unes que les autres. Il n'ya pas de
bon ou de mauvais style d'apprentissage. Tous ces styles sont en relations étroites et ne s'excluent
pas les uns les autres. Par exemple, écouter et parler demandent à un apprenant d'être à la fois
intuitif et analytique, auditif et visuel.
3- Ces différences de style correspondent, d'après Dunn et Dunn, à un trait de comportement
difficilement modifiable. Ainsi Herman Witkin a pu tester les mêmes personnes à plus de vingt
ans d'intervalle et retrouver chez elles des styles cognitifs inchangés. Ce qui ne signifie pas que
notre façon d'apprendre soit programmée ou déterminée. La Garanderie a parlé à ce sujet de
"profil individuel" qui s'adapte selon la nature des activités.

2. Les implications pédagogiques


Jean-Pierre Astolfi (1) nous propose à ce sujet 3 réflexions:

A- On ne peut pas dresser le portrait-robot de chaque apprenant


Les styles d'apprentissage ne permettent pas de classer les individus dans des catégories
strictes. Ils ne reflètent qu'un aspect particulier de la complexité des personnes.
Par conséquent, il est impossible de reconstituer, à partir de ces données (cf. tableau à la
page précédente), l'ensemble d'une personnalité d'élève ou de normaliser la démarche
d'apprentissage des apprenants. L'enseignant est alors amené à examiner pour chaque exercice
quel est l'aspect le plus directement concerné.
Ex: Lors d'un travail autonome, on va favoriser les dépendants du champ si on leur
propose une gamme de choix de sujets où chacun pourra trouver un sujet qui lui correspondra.
Mais en même temps on peut favoriser les indépendants du champ en proposant un cadre ouvert
quant à la production attendue, aux phases de travail, aux modalités d'organisation des élèves.
Tout dépend donc des modalités précises qu'organise l'enseignant.

B- L'enseignant n'est pas neutre


Notre façon d'enseigner reflète notre façon d'apprendre. Nous oublions souvent que nous
sommes nous-mêmes situés quelque part par rapport à ces styles, que nous ne sommes pas
neutres. Jean-Louis GOUZIEN définit deux caractéristiques propres à chacun, d'une part le
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« système personnel de pilotage de l'apprentissage » (S.P.P.A.) et d'autre part, le « système
personnel de pilotage de l'enseignement » (S.P.P.E.). Il démontre que notre S.P.P.A. influence
grandement notre S.P.P.E.
Un enseignant doit alors varier ses dispositifs (au lieu de répéter toujours ceux avec
lesquels il est à l'aise) afin de ne pas pénaliser les apprenants qui ont un style d'apprentissage
différent du sien.
Par exemple, un enseignant plutôt de style impulsif qui privilégie habituellement les
apprenants qui répondent de façon spontanée à ses questions, pourrait demander de temps en
temps à ses apprenants de prendre du temps pour réfléchir (et éventuellement écrire au brouillon)
avant de répondre. L'enseignant devra alors repérer l'intervention d'un apprenant toujours
silencieux lorsqu'il faut répondre de façon instantanée.

C- Trouver un juste milieu


Deux manières d'enseigner peuvent gêner un apprenant dans son apprentissage:
- lui proposer une activité dont le but est trop éloigné de ses possibilités (il se décourage).
- lui proposer des activités trop « sur mesure », privilégiant uniquement ses possibilités
immédiates (il ne va pas évoluer).
Notre enseignement se devra, par conséquent, de :
- ne pas pénaliser l'apprenant dont le style d'apprentissage est éloigné du nôtre.
- éviter d'enfermer chacun dans son propre système et proposer à l'apprenant une évolution
possible pour son apprentissage. Il faut aider l'apprenant à prendre conscience de ses préférences
mais aussi de ses besoins d'apprentissage, c'est-à-dire les qualités qu'il n'a pas encore et qu'il lui
faut développer.

Conclusion
Il est impossible de classer un apprenant dans des catégories d'apprentissage. Comme
l'enseignant est toujours face à un public d'apprenants hétérogène quant à leurs styles
d'apprentissage, l'enseignant doit varier ses activités afin de ne pas privilégier un type
d'apprenant. L'enseignant peut aider l'apprenant à découvrir ses styles d'apprentissage dominants
et peut, éventuellement, discuter avec sa classe de ses méthodes de travail employées.
L'enseignant doit s'adapter à l'apprenant en l'aidant à se dépasser. C'est pourquoi tout
apprenant a besoin d'une pédagogie à sa mesure et de se mesurer à d'autres pédagogies.

26
CHAPITRE 2
LES GRANDS COURANTS EN DIDACTIQUES DES LANGUES

DOSSIER 4
LE MODÈLE ÉDUCATIF DE LEGENDRE

Parmi les instruments d’analyse susceptible de faciliter la comparaison entre les diverses
méthodes ou approches, le modèle éducatif de Legendre a été retenu.
Pour Legendre (1983) (Dictionnaire actuel de l’éducation 1988), Une situation
pédagogique est définie comme « l’ensemble des composantes interreliées sujet-objet-agent dans
un milieu donné » (p.514). C’est ainsi que les quatre composantes considérées par Legendre
comme constitutives de toute situation pédagogique sont les suivantes : (Legendre, 1983, pp.270-
176) :
- Le sujet (S) : l’être humain mis en situation d’apprentissage :
- L’objet (O) : les objectifs à atteindre :
- Le milieu (M) : l’environnement éducatif humain (enseignant, orienteurs, appariteurs,
conseillers pédagogiques…), les opérations (inscription, évaluation…) et les moyens
(locaux, équipement, matériel didactique, temps, finances) ;
- L’agent (A) : les « ressources d’assistance » telle les personnes (enseignant, autres élèves),
les moyens (volumes, appareils, films, micro-ordinateur, etc.) et les processus (travail
individuel ou collectif, cours magistral, etc.
Dans une perspective systémique, pareille conception est illustrée à l’aide du schéma suivant :

Relation d’apprentissage

Relations pédagogiques OBJET

SUJET
relation
didactique
Relation
d’enseignement

MILIEU
AGENT

27
S’inspirant de ce modèle, C.Germain (1993) en propose une application à la didactique
des langues.
Dans son ouvrage, C. Germain applique ce modèle aux hypothèses servant de base à la
mise en œuvre des différentes méthodes utilisées (aujourd’hui ou autrefois…) en didactique des
langues étrangères. Ce chercheur décrit de la façon suivante cette application du modèle de
Legendre à l’étude de grands courants en didactique des langues (1993, pp.13-14)
Cela revient à concevoir le niveau des hypothèses comme étant constitué de quatre
composantes majeures : l’apprentissage (par un sujet apprenant), la langue et la culture (objets de
l’apprentissage), le milieu et l’enseignement (par un ou des agents).
Il est également constitué de trois types de relations pédagogiques : une relation
d’apprentissage, une relation d’enseignement, une relation didactique (le milieu étant partout
présent). Le cadre de Legendre peut dès lors être représenté ainsi pour illustrer le niveau des
hypothèses dans le domaine de la didactique des langues secondes ou étrangères.

Relation d’apprentissage

OBJET
langue et
Relations pédagogiques culture
SUJET
apprenants
de langue 2
relation
didactique

Relation AGENT
d’enseignement personnes,
processus
MILIEU moyens

Pareille conception peut également prendre la forme suivante :


Conception de la langue (O)
Conception de l’apprentissage (S)
Conception de l’enseignement (A)
Conception de la relation pédagogique (O-S-A)
- Relation didactique (O-A)
- Relation d’apprentissage (S-O)
- Relation d’enseignement (S-A)

Un cadre conceptuel de cette nature n’est certes pas dénué d’intérêt. Toutefois, afin d’en
vérifier le caractère véritablement opératoire pour l’analyse des méthodes ou approche dans le
28
domaine de la didactique des langues (les termes méthode et approche étant utilisés comme des
synonymes), il convient d’essayer de caractériser chacune des parties de l’ensemble. Voici
comment cela pourrait être conçu, au moins provisoirement, compte tenu de l’état embryonnaire
dans lequel se trouve à l’heure actuelle la didactique des langues.
Conception de la langue (O)
• Nature de la langue
• Nature de la culture
Conception de l’apprentissage (S)
• Nature de l’apprentissage
• Rôle de l’apprenant
Conception de l’enseignement (A)
• Rôle de l’enseignant
• Rôle du matériel didactique
Conception de la relation pédagogique (O-S-A)
- Relation didactique (O-A)
a. Sélection du contenu
b. Organisation du contenu
c. Présentation du contenu
- Relation d’apprentissage (S-O)
a. Rôle de L1
b. Activités pédagogiques
- Relation d’enseignement (S-A)
a. Interaction enseignant-apprenants
b. Traitement de l’erreur

29
DOSSIER 5 :
LES GRANDS COURANTS EN DIDACTIQUE

(DOSSIER À REMETTRE)

30
CHAPITRE 3 : PRATIQUES DE CLASSE

DOSSIER 6 :
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE ET CHOIX
METHODOLOGIQUES EN VUE DE L’ACQUISITION D’UNE
COMPETENCE DE COMMUNICATION

Le passage d’une centration sur la méthode à une centration sur l’apprenant redonne (et
ce n’est paradoxal qu’en apparence) un rôle essentiel à l’enseignant et rend sa tâche plus difficile
et plus variée. En effet, d’utilisateur éclairé (au mieux) de matériel élaboré et classé par d’autres
selon des critères extérieurs à son propre public, il devient maître d’œuvre et responsable à part
entière dans le processus éducatif.
Toute proposition de procédures didactiques nouvelles, dont la ligne directrice de
l’individualisation l’enseignement en vue de l’acquisition d’une compétence de communication
nécessite :
- une définition des objectifs pédagogiques,
- des choix linguistiques,
- des choix méthodologiques,
- un cadre de référence pour l’apprentissage
Puisque l’on veut répondre aux besoins langagiers des apprenants et aussi parce qu’« il
n’est pas déraisonnable de penser qu’un maître sachant ce qu’il essaie de faire a plus de chance
de réussir que s’il ne sait pas. »
Comme la remarque non sans humour Wiseman et Pidgeon, la détermination des
objectifs passe au premier plan des préoccupations de l’enseignant. Avant de choisir une
quelconque option méthodologique et un contenu, il faut se demander qui va apprendre la
langue, pour quelles raisons en en vue de quelle utilisation.

1. La définition des objectifs


1.1. Objet de la définition des objectifs :
Pour la majorité des publics, le cas n’est pas aussi simple que celui, par exemple, de
l’ingénieur argentin voulant lire des articles spécialisés sur le béton pré-contraint. Dans chaque
cas, les contraintes institutionnelles, les variables socio-culturelles et les variables relatives à
l’apprenant doivent faire l’objet d’une analyse afin de déterminer ce qu’on enseignera, comment
on enseignera et comment on évaluera pour que l’apprenant puisse « se comporter efficacement
et adéquatement dans les circonstances que retient la définition d’objectifs ».
Nous avons déjà dit ce qu’il en était des variables socio-culturelles et individuelles.
Quant aux programmes, horaires et examens, ils relèvent des contraintes institutionnelles, sont en
général définis dans les instructions officielles et tiennent lieu trop souvent d’objectifs :
l’enseignement n’est alors que cette course d’obstacles où la performance consiste à passer d’une
classe à l’autre sans pour autant s’approprier l’outil de communication. Ces contraintes
constituent l’un des paramètres de toute situation d’enseignement et comme telles, on ne saurait
les négliger, ce qui serait d’ailleurs malhonnête vis-à-vis des élèves dont l’avenir dépend le plus

31
souvent de la « performance ». Mais il faut les expliciter au même titre que les contraintes
d’ordre individuel.

1.2. Modalités de la négociation des objectifs :


La poursuite d’une tâche sur objectif ne peut se faire sans un consensus apprenants-
enseignant et pour que ce consensus soit possible, le travail doit d’abord porter sur la recherche
d’un langage commun qui permet l’établissement d’un contrat pédagogique et une évaluation.
La tâche de l’enseignant consiste traditionnellement à médiatiser un certain savoir selon
des techniques qu’il a choisies ou qui lui sont imposées. L’enseignement sur objectif modifie ce
rôle, car un compromis opérationnel doit se faire, compte tenu des contraintes auxquelles le
groupe-classe dans sa totalité est soumis, entre les besoins langagiers des élèves, (hypothétiques
et exprimés) et les propositions méthodologiques de l’enseignant.
Toutefois, cette réflexion ne peut être menées à bien sur des mots qui n’auraient de sens
que pour l’une des parties. Il est dons indispensable de veiller à ce que les termes sur lesquels on
tombera d’accord recouvrent une expérience partagée, ce qui revient à dire qu’il ne suffit pas de
prévoir un temps et des modalités pour l’expression des besoins des élèves et les propositions du
maître ; il faut également une mise en œuvre commune de techniques pédagogiques de base et un
premier moment de réflexion et d’ajustement des besoins et des propositions, afin de préciser les
objectifs à atteindre et les modalités choisies et acceptées. Mais il ne peut s’agir là que d’un
préalable à une structure permanente d’évaluation et de réajustement permettant de tenir compte
constamment de l’évolution du groupe (enseignant et enseignés) tant au plan psychologique
qu’au plan d’apprentissage.
Pour ce qui est de ce travail de réajustement et d’évaluation, dire qu’il est permanent ne
signifie pas pour autant que la réflexion prenne le pas sur l’action, en l’occurrence sur
l’apprentissage. Mais c’est mettre l’accent sur la nécessité du dialogue, en vue d’un consensus,
moyen privilégié de responsabiliser l’apprenant.

2. Choix linguistiques
2.1. Supports théoriques :
La définition des objectifs linguistiques d’un groupe d’apprenants donné exclut
désormais l’utilisation d’un matériel unique présentant un contenu sélectionné et classé, comme
par le passé, selon les critères de fréquence ou de progression grammaticale. Ce sont les objectifs
d’apprentissage qui constituent la base des choix linguistiques à effectuer, et l’existence même
d’une structure permanente d’évaluation permettra de prendre en compte les modifications
survenues des cours de l’apprentissage.
En effet, ainsi que le souligne Richterich :
On peut supposer que la représentation vague que se faisait l’apprenant de ses objectifs
va se transformer et se préciser en cours d’apprentissage. Le fait même d’apprendre une langue
vivante modifiera, indirectement, sa conception première.
De plus, on admet maintenant que l’on sait trop peu de choses sur le fonctionnement de
l’apprentissage des langues étrangères pour définir une fois pour toutes scientifiquement un
contenu qui serait facilitant.
« En d’autres termes, la fonction du matériel didactique est de présenter à l’étudiant au
moment opportun les matériaux linguistiques propre à faciliter la découverte et l’acquisition des
structures ou des règles de la langue seconde.
32
Comme les étudiants ont des stratégies d’apprentissage, des besoins et des intérêts
différents, il est impossible de prévoir et, par conséquent, de sélectionner, à l’avance les
matériaux linguistiques dont chacun aura besoin. On court même le risque, si on procède à une
sélection trop stricte, de bloquer les facultés de langage en lui fournissant trop peu de données
linguistiques.
Cette souplesse requise dans la sélection des matériaux ne va pas à l’encontre de la
nécessité de la programmation selon des domaines, situations, thèmes et objets de référence à
privilégier en fonction de l’analyse des besoins. Cette programmation générale se fait à long
terme et permet des itinéraires différenciés. La sélection des matériaux quant à elle, intervenant à
moyen terme, garantit l’individualisation et doit rester souple ; elle se fera à partir des intentions
énonciatives de l’apprenant et la situation de communication ne sera pas réduite à son cadre
physique mais tiendra compte des paramètres psychologiques et sociaux. La définition des
besoins langagiers et sa traduction en terme d’objectifs opérationnels permet, en travaillant à
moyen terme, d’apporter, de manière raisonnée, le matériel nécessaire pour que l’apprenant se
situe par rapport à son discours (maîtrise des fonctions du langage et capacité de modaliser) et
acquière des variétés de langue dont il a besoin pour fonctionner de manière adéquate dans les
situations correspondant aux domaines qui sont prioritaires pour lui.

2.2. Matériel :
Cela implique que l’on ne travaille plus sur les modèles de langues neutralisés où la
forme est privilégiée par rapport à la fonction du langage. C’est là que « Un niveau-seuil » prend
toute sa valeur d’outil d’analyse et de « mémoire ».
En fournissant un inventaire d’actes de paroles qui a une certaine exhaustivité, il permet
aux auteurs éventuels d’assurer un ancrage situationnel plus complet. En attirant l’attention sur la
multiplicité des formes que peut revêtir un même acte de parole, il devrait inciter le
méthodologue à concevoir des situations plus diversifiées aux plans psychologique, social et
culturel, de façon à permettre l’emploi contrasté de ses diverses formes, condition nécessaire
pour l’acquisition d’une véritable compétence de communication
Le contenu linguistique pourra s’élaborer essentiellement sur deux bases : le discours de
l’apprenant et les documents authentiques.

2.2.1 Le discours de l’apprenant :


Si l’on cesse de sanctionner la faute comme un acte manqué et qu’on lui restitue sa
fonction de révélateur de la grammaire transitoire de l’élève à un moment donné pour en faire,
selon l’expression d’A. Lamy « un tremplin vers l’expression juste », le discours produit par
l’apprenant fournit très vite un corpus évolutif permettant de mettre en place un travail de
conceptualisation et de systématisation. Ce discours se construit par essais et approximations
successifs à partir des apports de la classe et par d’éventuelles analogies avec la langue
maternelle. Il puise à des sources diverses, mises à la disposition de l’élève en fonction de ses
intérêts et des besoins de ses thématiques propres. Nous ne prétendons pas que le discours de
l’apprenant puisse progresser à l’aide de ces seuls apports. Mais on a tout lieu de penser que la
valorisation de ce discours aide à l’enseigner à y voir clair dans ses façons d’apprendre et à
mieux ajuster celles-ci à la réalisation des actes de paroles correspondant à sa définition
d’objectifs. Ce choix linguistique impose à son tour des choix méthodologiques que nous ferons
plus loin ; il exige en particulier que l’élève soit constamment mis dans des situations réelles ou
33
simulées dans lesquelles il ait à utiliser ce qu’il sait en langue étrangère face à des interlocuteurs
aussi variés que possible afin de mesurer l’efficacité de son discours.

2.2.2 Les documents authentiques : fourniront un autre corpus d’apprentissage. En effet, dans
une pédagogie visant à l’acquisition d’une compétence de communication, l’utilisation de
documents fabriqués paraît insuffisante. Si l’on ne voit guère comment se passer du « fabriqué »
lors d’exercices et de tâches de systématisation, il semble que la découverte d’une langue
authentique, c’est-à-dire réellement situé dans un milieu, un moment, un groupe social, une
action en cours- ne puisse se faire autrement que par le recours à des documents eux-mêmes
authentiques. Leur variété, leur actualité et leur pertinence thématique en rendent l’utilisation
motivante. Ils s’imposent pour une pédagogie ouverte sur le monde et le pays de la langue
étudiée. Dans la mesure où chaque document authentique est un discours unique (locuteur(s)
unique(e) en situation unique), il se prête au repérage par l’élève des éléments linguistiques et
sociolinguistique, condition préalable à une expression personnalisée et à l’édification
progressive d’une compétence de communication. On ne dialogue pas plus avec le document
authentique qu’avec un document fabriqué et il n’est donc pas le moyen irréfutable, ni surtout le
garant de la pratique de différents registres, mais les tâches qu’il suscite de recueil, de sélection
et d’analyse, permettent de dépasser son utilisation « passive ». C’est le discours d’un autre, réel,
qu’il faut comprendre dans ce qu’il a de spécifique et à partir duquel l’élève peut se situer et
prendre position.
Il ne s’agit pas de limiter de manière absolue les supports linguistiques aux documents
authentiques et à la communication au sein du groupe-classe, mais il est évident que notre
pédagogie de la communication nous conduit à rejeter ce qui, dans les supports linguistiques
traditionnels, ne contribue pas à enseigner les formes en liaison avec leur emploi pragmatique et
social.

3. Choix méthodologiques
Nos lignes méthodologiques directrices en matière de procédures et techniques de classe
sont :
- Le travail de groupe
- Les exercices de créativité et de simulation
- Les méthodes actives
A ces orientations viennent s’ajouter, bien entendu, toute une série d’exercices ou de
conceptualisation qui ne se situent pas au même niveau parce que ce sont des activités pour
lesquelles il faut ménager le temps quelque soit l’option méthodologique retenue. Notre propos
n’est pas de nier les acquis toujours actuels de la linguistique appliquée mais de redonner toute
son importance à l’affectivité dans l’apprentissage des langues. Ainsi que le confirme une
analyse des grades taxonomies (Bloom, Guilford, Gagné-Merrill), les domaines cognitif et
psychomoteur ont largement été exploités à ce jour en ce qui concerne les objectifs généraux de
l’éducation. Pour ce qui est de l’apprentissage des langues, les méthodes du passé ont tenu
compte de l’aspect psychomoteur et plus récemment, se sont attachés (ou sont revenus) aux
aspects cognitifs de l’apprentissage. Mais, dans cette discipline comme dans les autres, le
domaine affectif n’a pas reçu, à ce jour, l’attention qui lui revient. C’est parce que l’affectivité
représente le niveau le plus profond auquel prennent racines l’envie d’apprendre une langue et
l’aptitude à le faire que nous avons voulu, par nos options méthodologiques, utiliser comme
34
leviers l’implication dans l’action, la créativité et les relations sociales. On donnera donc une
large place à toutes les tâches et activités qui laissent libre cours à l’imagination pour ce qu’elle
autorise d’expression personnelles et créatives.

3.1. Travail de groupe:


3.1.1. Quelques rappels indispensables :
A l’origine on a, dans toute situation d’enseignement, un groupe fixe qui englobe le
professeur et les élèves et que nous avons appelé le groupe-classe. Ce groupe fixe d’origine
éclatera en autant de groupes plus restreints, variables par leur dimension, leur composition, leur
durée d’existence, selon les intérêts et les tâches à accomplir. Leur constitution est subordonnée
à ces et leur dimension dépendra le plus souvent du nombre et de la nature des tâches. Le travail
de groupe entraîne le brassage des participants, dans différents rôles, différentes activités,
relatives à différents thèmes. La valeur éducative générale du travail de groupe provient en
particulier de ce brassage qui oblige les participants à une grande flexibilité.
L’impossibilité pour le professeur de faire partie de tous les groupes à la fois, contraint
les élèves à organiser eux-mêmes leur travail dans cette structure réduite et sur des tâches à court
terme et favorise ainsi leur apprentissage de l’autonomie.

3.1.2. Avantages du travail de groupe :


Ils sont multiples et d’ordre pratique : on peut considérer que, le temps à la disposition du
groupe classe est multiplié par autant de fois qu’il y a de groupe dans la classe, du moins du
point de vue du temps de la communication à la disposition de chacun.
En outre, la communication étant réelle – chacun parle en son propre nom en assumant
son rôle – le travail de groupe est un facteur sociolinguistique qui contribue directement à
l’apprentissage de la langue comme il a été défini, même s’il est inévitable que cette
communication ne fasse partiellement en langue maternelle. Il importe ici que le professeur
assure, par ses explications, l’adhésion du groupe à ce mode de travail, sur la base d’une claire
compréhension des avantages pour la production en langue étrangère. L’explication de cette
règle du jeu aura été un des éléments constitutifs du contrat initial.
Un troisième avantage est d’ordre pragmatique : en effet, le travail de groupe a la
fonction de replacer le discours de l’élève dans une interaction sociale en vue d’une tâche à
réaliser ou d’un but à atteindre.
De plus, le travail de groupe présente des avantages psychologiques reconnus, tels que
l’incitation mutuelle, un feedback multiple et toutes autres formes d’interaction qui font qu’on
résout volontiers à plusieurs une tâche on est moins armé ou moins motivé si on est seul.
Nous terminerons sur des avantages linguistiques proprement dits du travail de groupe :
chaque membre est personne-ressource pour tous les autres y compris au plan de la production et
de la correction orales et écrites, ce qui représente une bonne façon d’amener les élèves à
recourir à d’autres sources de savoir que le professeur de langue. La seule limite du travail de
groupe au plan de l’apprentissage réside dans l’impossibilité d’assurer, au sein du groupe, la
totalité des opérations de conceptualisation ainsi que certains apprentissages psychomoteurs,
lorsqu’ils exigent des modèles, des activités et un contrôle individuel.

3.2 Exercice de créativité et de simulation :


3.2.1 Définitions préalables :
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Nous avons choisi de traiter ensemble deux grandes catégories d’activité qui ont en
commun de mettre en jeu l’affectivité et l’imagination, de donner à l’apprenant-locuteur
l’occasion de parler pour exprimer certains aspects de sa personnalité, certains fantasmes, bref de
communiquer pour le plaisir. Nous-mêmes ne résistons pas ici à l’envie de citer Debyser dans
Jeu, langage et créativité :
« Roman Jacobson attribue au langage toutes sortes de fonctions, non seulement celle de
coder l’expérience ou l’information, mais aussi celle d’exprimer ce qu’on ressent, d’agir sur
autrui, d’entretenir la communication…, de permettre de se demander ce que parler veut dire
grâce au soi-disant « métalangage », enfin de faire du joli, du drôle, du beau, dernière ou
première des fonctions du langage, la fonction poétique, « qui met en évidence le côté palpable
des signes ». Malheureusement, Jacobson n’est pas allé jusqu’ au bout de son intuition désirante ;
prisonnier d’une société et d’une génération structuralistes et fonctionnalistes, il ne pouvait,
quelque l’envie qu’il en eût, faire sauter la machine en dégrafant ce dernier voile néo-classique
du langage qu’est la fonction poétique, pour faire apparaître dans sa nudité un peu choquante, la
fonction PLAISIR… Nous pensons que le langage et le plaisir entretiennent des rapports intimes
et que le jeu langagier n’est si profondément gratifiant et choquant que parce qu’il enfreint le
tabou qui les sépare. A côté du dicton « jeu de mains, jeu de vilain », proposons « jeu verbal,
plaisir oral ».
Nous ajoutons que cette fonction plaisir, par la sollicitation des ressorts les plus profonds
de l’individu, est le chemin le plus direct pour que le locuteur soit investi dans son discours.
Remarquons cependant que ce raccourci, s’il libère l’expression, n’est ni le garant ni le modèle
de la communication courante, régie par une logique différente et qu’en conséquence, les
exercices de créativité en particulier devront toujours suivis d’un retour à une communication
« banale », simulé ou authentique.
Si l’on peut trouver autant de plaisir dans les exercices de simulation que dans les
exercices de créativité les premiers toutefois permettent un apprentissage de la communication et
de ses règles, qui n’apparaît pas toujours dans les seconds. En outre, les exercices de simulation
ont pour fonction de diversifier les rôles et statuts que devra assumer l’élève.

3.2.2. Fonctionnement et caractéristiques :


Il nous semble que les exercices ludiques, créatifs et de simulation s’articulent autour de
deux activités mentales complexes que nous appelons le « remue-méninge » ou le « faire
semblant de ».
3.2.1.1. Le « remue-méninge » trouve son origine dans le « brainstorming » et a pour seule règle
d’abolir dans une plus ou moins grande mesure un certain nombre de conventions logiques,
sociales et sémantiques (ne peut être évidemment abolies des règles phonétiques et syntaxiques ;
même dans une production absurde du type « les galats noirpeux mourtaient stacieusement les
flènes » la syntaxe est respectée). La nature du remue-méninge sollicite d’abord les
performances individuelles mais le travail de groupe favorise ensuite l’invention en donnant à
chacun, dans le courant d’une communication réelle, un tremplin ou rebondit l’imagination et ou
se crée un véritable pouvoir d’invention collective. A partir de cette règle de base (ou absence de
règle…) la variété et la richesse des exercices sont obtenues, d’une part, par l’invention
combinatoire des consignes et d’autre part par la variété des supports (écrit, iconique, sonore ou
inexistant). C’est alors que l’on peut parler de jeux de créativité.

36
3.2.1.2. Le « faire semblant » de conserve l’ensemble des règles de la communication mais il est
en ceci créatif qu’il permet au locuteur de sortir de son identité pour jouer une infinité de rôles et
vivre une infinité de situations qu’il ne lui est pas donné d’assumer ou de vivre en son nom
propre et dans le cadre habituel du cours de langue. La variété tient moins ici à une combinatoire
des règles qu’au degré de contraintes introduit en fonction de ce qu’on veut privilégier dans
l’exercice : les personnages, l’intention communicative, la mise en œuvre de certaines structures,
l’argumentation, etc…
On peut en gros distinguer le « faire semblant d’être quelqu’un d’autre », ou jeu de rôle,
et le « faire semblant de faire quelque chose », ou simulation, qui évidemment, ne sont pas
exclusifs l’un de l’autre et se fondent par exemple la création théâtrale. On ne peut toujours
éviter que le « faire semblant » surtout le « faire semblant d’être quelqu’un d’autre », ne se
réalise au détriment de l’implication du locuteur dans son discours, implication que nous prônons
par ailleurs. En effet, il est des rôles qu’un apprenant non seulement ne sera jamais appelé à
assumer, surtout en langue étrangère, mais qui, de plus, ne correspond à aucune motivation. En
conséquence, il est indispensable d’une part à veiller au choix des jeux et, d’autre part de rendre
claire la finalité de l’exercice. Il permet le réemploi, le plaisir verbal, celui de changer de
personnage et peut donc se concevoir comme un moment de l’apprentissage ou l’apprenant se
distancie de son discours.

3.2.2 Méthodes actives :


3.2.2.1 Remarques et définitions :
Posons en premier lieu qu’il ne suffit pas que l’élève soit actif dans la classe pour qu’on
puisse parler des méthodes actives. Par exemple, dans tous les exercices définis ci-dessus, l’élève
est actif mais au seul plan de la production langagière : la langue est moyenne et fine. Nous
appellerons méthodes actives toute réalisation d’une tâche au moins partiellement extra-
linguistique, dans laquelle la production langagière est un moyen et où l’apprentissage des
formes linguistiques, nécessaire à l’accomplissement de la tâche, est un sous-produit. En
méthodes actives, l’élève est mis en situation de communiquer, non plus à cause du groupe-
classe, ou de l’exercice, mais parce que la tâche exige.
Ici se manifeste clairement que le travail de groupe, créativité et simulation et méthodes
n’ont rien de mutuellement exclusif, bien au contraire : les méthodes actives impliquent le travail
de groupe et font appel, dans bien des cas, à des phrases de créativité ou de simulation qui ont
valeur d’exercices de préparation (pour préparer une enquête, un spectacle ou chercher la
solution d’un problème).

3.2.2.2 Types d’activités possibles :


Vous trouvez ci-dessous une liste non exhaustive d’activités dont nous savons qu’elles
sont réalisables dans les conditions pédagogiques et institutionnelles les plus diverses et qu’elles
se prêtent plus particulièrement à l’apprentissage d’une langue étrangère.
Nous les regroupons selon trois rubriques : recueil d’information, établissement de
contact et réalisations.
S’apparentent au recueil d’information :
- L’enquête
- L’interview
- Le dossier
37
L’établissement de contact recouvre essentiellement deux activités :
- La préparation d’un voyage de groupe en pays de langue cible axé sur un thème, une
région etc…
- La correspondance multimédia (ne pas exclure bandes magnétiques et vidéo-cassettes.
Dans les réalisations nous regroupons :
- Le montage et la réalisation d’un spectacle.
- Les montages multimédias
- Les travaux interdisciplinaires pour lesquels on utilise la langue cible.
Il serait paradoxal, compte tenu de nos options fondamentales et de nos conceptions d’un
travail sur objectif de présenter ici une démarche unique pour l’ensemble de ces activités ou
même pour une seule activité sans tenir compte de la diversité des situations pédagogiques. Mais
nous insisterons sur l’idée qu’il n’est pas impossible de travailler en méthodes actives, même
dans un cadre horaire restreint, à condition de se fixer des buts correspondant aux moyens.

3.2 Cadre méthodologique intégré


Si travail de groupe, créativité et simulation se prêtent assez aisément à des utilisations
ponctuelles et indépendantes, même à l’intérieur des classes traditionnelles et si les méthodes
actives peuvent être mises en œuvre, au moins modestement, même avec des contraintes
institutionnelles relativement pesante (horaire…), il est évident que notre propos n’en demeure
pas moins de tendre vers un canevas méthodologique intégrant ces trois orientations.
La présentation d’un tel canevas a pour but de faciliter, d’une part le travail de
professeurs isolés, d’autre part les travaux éventuels de production à plus grande échelle d’unités
capitalisables par exemple. Ce canevas s’articule de la façon suivante :
- Faire surgir la communication des nécessités de l’action par une situation simulée, une
tâche à résoudre, une discussion réelle, un échange au sein de la classe ;
- Fournir les moyens linguistiques qui font défaut, à l’aide d’un support approprié ;
- Amener à la maîtrise de ces outils linguistiques aux plans psychomoteur (automatismes
de langage) et cognitif (conceptualisation des règles syntaxiques, morpho-syntaxiques et
sociolinguistiques dans ou à l’issus des courts exercices, jeux ou activités à caractère
communicatif et implicant ; et les paramètres socio-culturels : conceptualisation
sociolinguistique et personnalisation de l’expression.
Ce schéma est, notons-le, indépendant des supports utilisés, non tenu à un minutage ou à
un déroulement impératif. Enfin, comme on le voit, il intègre d’une part les aspects pragma-
linguistiques et sociolinguistique et, d’autre part, il fait sa place à l’utilisation des supports
linguistiques et des choix méthodologiques que nous venons d’exposer.

4. Un cadre de référence pour l’apprentissage - La taxonomie de D’Hainaut


Il nous faut décrire et commencer ici notre outil de référence principal dans le domaine de
l’apprentissage, compte tenu de son importance tant pour la définition des objectifs opérationnels
que pour la conception des matériels didactiques et de fiches pédagogiques.
C’est D’Hainaut qui a proposé une synthèse particulièrement cohérente et accessible,
d’une part des taxonomies antérieures d’objectifs opérationnels en termes de comportements
observables, d’autre part des typologies existantes des activités intellectuelles d’apprentissage.
D’Hainaut établit ainsi une quadruple relation :

38
- Entre les objets de l’apprentissage (éléments, classes, relations, opérations, structures) et
les activités d’apprentissage (reproduction, conceptualisation, application de règles,
mobilisation et association, résolution des problèmes) ;
- Entre les activités d’apprentissage et les comportements observables qui leur
correspondent ;
- Entre les activités et comportements d’une part et produits de l’apprentissage d’autre
part ;
- Enfin, relation entre activités d’apprentissage et degrés d’intégration, entre produits de
l’apprentissage et degrés d’intégration des objets de connaissance,
Si chacune de ces rubriques a son importance dans la formulation d’un objectif
opérationnel d’apprentissage et son évaluation, les deux rubriques qui nous paraissent jouer un
rôle prépondérant dans la préparation de la mise en œuvre de tout processus d’apprentissage
sont :
- Les activités intellectuelles.
- Les comportements observables correspondants.
C’est pourquoi nous rappelons ci-dessous la définition générale (interdisciplinaire) telle
que nous l’avons reprise, pour l’essentiel, à D’Hainaut lui-même présenté par De Landsherre :

Activités intellectuelles Comportements observables


1. Reproduction : Savoir par cœur
Les circonstances d’exécution sont identiques Enoncer - Nommer
aux circonstances d’apprentissage Énumérer
Décrire
Indiquer – Citer / Identifier
Reconnaître un objet unique
2. Conceptualisation Identifier une classe d’objets
C’est la capacité de fournir une réponse Reconnaître une caractéristique
commune à une classe d’objets distincts Attribuer une caractéristique
possédant une caractéristique commune Paraphraser
(généralisation et abstraction) Donner des exemples de la même classe
Choisir
Classer
Sélectionner -Discriminer
Refuser un objet ne correspondant pas à la
définition, ou une définition ne correspondant
pas à l’objet
3. Application de principes - Prévoir-prédire
Production convergente Trouver-calculer
La situation particulière et la réponse Déterminer
particulière n’ont pas été rencontrées Évaluer-juger
ultérieurement, mais la classe de situation et Comparer
la classe de réponses ont été apprises en tant Destiner-appliquer
que telles (production après apprentissage Produire –utiliser
spécifique pour cette classe d’objets ou de
notions)
4. Mobilisation - Production divergente Associer
La classe de situations n’a pas été rencontrée Combiner
antérieurement, la réponse ou la combinaison Imaginer
de réponses sont empruntées à des classes Utiliser en contexte différent
différentes déjà rencontrées (production sans Utiliser en combinaison
39
apprentissage spécifique pour cette classe Appliquer en situation différente (ou
d’objets) partiellement différente)
Faire une synthèse originale
5. Résolution de problèmes nouveaux Trouver sans appliquer une
La classe de situations n’a pas été rencontrée Calculer règle ou une
antérieurement, la réponse ou la méthode de Déterminer méthode apprise
réponse non plus (production sans Produire
apprentissage spécifique ni similaire : Inventer / Créer
invention d’une méthode de solution non Imaginer
apprise) Présenter un problème dans une perspective
originale (nouvelle)

40
DOSSIER 7
OUTILS POUR L’ANALYSE DES MÉTHODES ET DES
SITES WEBS ÉDUCATIFS

I. Pour une typologie des méthodes :


L’établissement d’une typologie des méthodes est indispensable si vous souhaitez définir
les principales caractéristiques des outils que vous utilisez. Plusieurs instruments existent dans ce
cadre-là.
Henri BESSE, pour sa part, retient 4 critères pour définir toute typologie (1985, pp.21-
23) :
1. La démarche choisie pour aider les étudiants à saisir le sens des signes étrangers qu’on
leur présente :
L’enseignant peut refuser la traduction : il s’appuie alors sur des données non
linguistiques (gestes, mimiques, films…). S’il accepte, il sera amené à interpréter les signes de la
langue cible au moyen des signes de la langue des apprenants. Dans le cas présent, on parlera de
méthode avec traduction ou sans traduction.
2. La démarche utilisée pour enseigner la grammaire (morpho-syntaxe) :
L’enseignant peut donner des explications, formuler des règles en langue maternelle
(désormais L1), puis progressivement en langue cible (désormais L2). Il peut également refuser
de donner des explications grammaticales, mais faire pratiquer des exercices systématiques qui
ont pour but de fixer les régularités morphologiques et syntaxiques sans les expliquer. Il peut
enfin refuser les explications et les exercices formels et s’en tenir à des procédures (jeux de rôle,
tâches à effectuer, jeux communicatifs…) On parle de grammaire explicite pour la première
approche, de grammaire implicite pour la seconde et la troisième approches.
3. La façon dont la L2 est présentée aux étudiants :
Documents authentiques morceaux choisis, documents à finalité didactique, récits, textes,
dialogues produits par l’enseignant ou l’auteur du manuel… Il s’agit là d’un choix
méthodologique : si l’on opte pour des documents authentiques, il est clair que l’on vise plutôt
une imprégnation dans la mesure où l’apprenant n’aura pas à retenir la totalité des dialogues du
film qu’il visionnera ou l’ensemble du texte qui lui sera donné à lire. S’il s’agit d’un document
didactique, il est probable qu’un dosage aura été fait au préalable (en particulier sur le plan
linguistique) pour permettre à l’apprenant à saisir l’ensemble de ce qui lui sera proposé …
4. L’ordre et les regroupements selon lesquels les éléments lexicaux et morphosyntaxiques
de la L2 sont introduits ou travaillés dans la classe :
Ce critère est bien entendu en corrélation avec le précédent puisqu’il concerne la
progression choisie. Si l’on choisit de travailler à partir de documents pédagogiques, on pourra
considérer que la progression sera (le plus souvent) déterminée à priori. Par contre, si l’on opte
pour des documents authentiques, ce sera à l’enseignant de procéder au choix du lexique et des
formes syntaxiques à exploiter à partir du matériau qui lui sera fourni. Il devra donc organiser sa
progression à posteriori.
Même si la typologie proposée par Henri Besse me parait particulièrement pertinente dans
le cadre de notre enseignement, il est clair que d’autres critères pourraient servir à étudier des
méthodes FLE.

41
Je ne citerai que le travail proposé par Anne Marie Thierry du CIEP de Sèvres : Analyse
des méthodes pour le français langue étrangère (Centre International d’études Pédagogiques –
Sèvres)

3. Grille d’analyse des méthodes (manuels) :


Anne Marie Thierry propose une analyse d’un ensemble de méthodes de FLE à partir des
critères suivants :
1. Fiche signalétique : Titre, auteur, éditeur, date de parution
2. Descriptif du matériel didactique : Information concernant l’ensemble de la méthode
o Public visé
o Type de langue privilégié
o Finalités
o Type de méthode
3. Analyse de la méthode :
o Structure de la méthode
o Durée et rythme d’apprentissage
o Contenu linguistique (lexique, rapport oral-écrit, principaux types
d’exercices de langue, grammaire)
o Phonétique
o Appareil de contrôle
o Rôle de l’image
o Contenu socioculturel

II. Revue de quelques grilles d'analyse de sites Web


Les outils ci-dessous devraient permettre aux enseignants et aux élèves d'utiliser les
ressources du Net avec plus de mesure.

1. Web evaluation for Primary, for Intermediate and for Secondary Grades (1)
Il s'agit ici de trois pages Web, du même auteur, proposant un outil simple, de complexité
croissante selon le public visé - du primaire, secondaire I et secondaire II - permettant aux élèves
d'évaluer et donc de prendre de la distance par rapport au site Web visité.
Ces pages dédiées à l'évaluation sont toutes construites autour des quatre rubriques
suivantes :
• Design : facilité de navigation, usage approprié des couleurs, interactivité du site, les pages
ne sont pas trop longues, l'information est facile à trouver, le site est esthétiquement plaisant ;
• Contenu : l'information est utile et le site sera certainement revisité, comment se compare ce
site avec d'autres ayant un contenu similaire, des liens utiles sont inclus dans le site ;
• Aspects techniques : tous les liens fonctionnent, de l'information significative apparaît à
l'écran dans les 30 secondes, les graphiques s'affichent rapidement, des alternatives texte sont
proposées à la place de frames ou de graphiques lourds.
• Crédibilité : il y a une personne de référence qui est atteignable par e-mail, le nom de
l'institution ou de l'école qui héberge le site est mentionné, il est annoncé quand cette page ou
site à été mis à jour, les liens sont tenus à jour, les ressources Web utilisées pour construire
ce site sont mentionnés.

42
2. The Good, The Bad & The Ugly: or, Why It's a Good Idea to Evaluate Web Sources (2)

Ce site en anglais, propose cinq items pour évaluer un site Web. Chacun de ces items est
succinctement détaillé et commenté.
• Fiabilité : l'information est-elle fiable et sans erreurs ? y a-t-il un éditeur qui vérifie
l'information ?
• Auteur : la page est-elle signée ? l'auteur est-il qualifié pour traiter du sujet ? qui est le
sponsor ? etc.
• Objectivité : l'information est-elle biaisée ? la page défend-elle une opinion ? y a-t-il de la
publicité dans la page ?
• Tenue à jour : la page est-elle datée ? quand a eu lieu la dernière mise à jour ? les liens sont-
ils à jour ?
• Couverture du sujet : quels sont les sujets traités ? que propose cette page qui n'est pas déjà
sur le Web ? quelle est sa valeur intrinsèque ? avec quel degré de profondeur est traité ce
sujet ?

3. Evaluation de sites Web (3)


Ce site de l'université d'Ohio propose les étapes suivantes pour l'évaluation d'un site Web :
• déterminez si le but principal du site est d'informer ou de persuader;
• les meilleurs sites sont produits par les personnes qui ont la formation adéquate ou
l'expérience pour écrire de manière reconnue sur le sujet. Cherchez des informations sur le
site ou à l'extérieur pour avoir plus d'information sur l'auteur.
• demandez-vous s'il y a un biais dans l'information proposée. Recherchez des informations
sur les auteurs et un point de vue équilibré ;
• comparez ces pages avec d'autres sur le même sujet pour déterminer celles qui ont le plus
d'information;
• si vous recherchez des informations récentes sur le sujet, tenez compte de la date de la
dernière mise à jour.

4. Le Toucanomètre : Grille d'évaluation des sites Web (5)


Comme le précédent, ce site en français, créé pour les médecins désirant produire un site Web,
propose une brève grille pour évaluer un site, avec une répartition de points, selon les rubriques
suivantes :
• Contenu : clarté du but du site et du public concerné (à indiquer en page d'accueil), qualité
du contenu et richesse du site, éventuellement originalité des sujets traités. Datation des
différentes pages ou au minimum date de mise à jour du site. Indication précise des sources.
Identification des auteurs avec leurs(s) titre(s) et qualification(s).
• Déontologie : respect de la déontologie professionnelle, de la Nétiquette ... Respect des
droits de la propriété intellectuelle et des lois nationales dont relève chaque webmaster.
Identification claire du financement du site et des sponsors ou des promoteurs. Identification
claire du webmaster (possibilité de le contacter et réactivité de celui-ci). Possibilité de pages
sécurisées si besoin (accès grand public/professionnel, achat en ligne ...).

43
• Navigation : rapidité de chargement des pages, facilité de navigation, mémorisation facile et
reproductibilité de la navigation et/ou plan du site. Liens actifs et non rompus. Page des
nouveautés pour les habitués du site.
• Esthétique : qualité du graphisme, facilité de lecture.

Cette grille est suivie d'une trousse du webmaster (6) qui énonce une série de recommandations
pour la création de sites :
• quel va être le sujet exact de mon site: bien définir le sujet.
• à qui va-il s'adresser: à des amis ? une association? au grand public ? à des
professionnels ? des acheteurs potentiels ...
• existe-t-il déjà fait un site comme celui que je veux faire: est-il raisonnable de
commencer à faire ce site ?
• quels outils utiliser: éditeur classique ou professionnel;
• où le publier: le prix et la renommée des hébergeurs varient.

Une discussion technique plus complète sur la construction d'un site est précédée du rappel de
quelques règles d'or :
• rapidité d'affichage;
• sobriété;
• clarté de la présentation;
• mise à jour fréquentes et de qualité .....

III. Grille d'évaluation d'un site Web pour les enseignants (4) - commentaires
a. Identification du site :
• Le nom du site qui apparaît sur la page d'accueil. Le nom représente bien le contenu du
site.
• Bien identifier le ou les publics cibles
• Spécifier si certains services sont offerts sur le site comme l'abonnement à une liste de
diffusion, ou un service d'inscription de sites Web, etc.
• Indiquer si des catalogues ou des répertoires de ressources, de scénarios pédagogiques
sont offerts, des banques de textes ou d'images, etc.
b. Contenu :
• Information détaillée et en profondeur du sujet ou du thème et exhaustivité des
informations. Exploitation de tous les aspects. Les ressources ou les services offerts sont
en lien avec les activités proposées.
• Les objectifs pédagogiques sont clairement indiqués et congruents avec les ressources et
les activités disponibles sur le site. La clientèle ou les clientèles cibles sont clairement
identifiées.
• Logique de l’organisation des informations : Structure cohérente simple et
compréhensible de l’information ? Organisation par thème répondant aux besoins de la
clientèle cible ? Les activités sont présentées de façon cohérentes et congruentes. Elles
sont variées et des activités complémentaires sont proposées. Pertinence des activités de
formation ou d'apprentissage.

44
• Pertinence des hyperliens vers l’extérieur : Qualité des sites choisis ? Pertinence ? Les
liens sont-ils encore fonctionnels ?
• Qualité de la langue : Exactitude de l’orthographe ? Formulation et structure correctes
des phrases ? Lisibilité des textes, niveau de langage approprié à la clientèle visée.
Consignes clairement décrites. Durée indiquée des activités. Suggestions d'activités
complémentaires.
• Présence utile et pertinence des illustrations et des séquences audios : Illustrations ou
séquences audio significatives ? Valeur ajoutée au contenu ?
• Accès en ligne aux documents : Disponibilité sur le site même de l’information
recherchée ? En format intégral ? Des références sont fournies ?
• Date de la dernière mise à jour : Mise à jour et maintenance régulière du site ? S'il y a
moins de deux mois que la mise à jour a été faite.
c. Droits d’auteurs, sources, “netiquette” :
• Les sources des documents présentés sur le site sont indiquées. Le nom de l’auteur et, s’il
y a lieu, la maison d’édition ou l’adresse URL. L’année de publication des textes est
indiquée.
• Chacune des photos est accompagnée d’une présentation décrivant ce que l’on y voit ou
expliquant son origine. La source de la photo est indiquée (auteur ou collection, revue,
etc.). De même pour les séquences sonores et les animations.
• Une page de crédits est accessible sur le site ou du moins une mention est faite des
auteurs, ou encore des responsables, ou du Webmestre. L’organisme ou l’entreprise
responsable du site sont indiqués.
• On peut facilement expédier un message aux responsables du site. Leur courriel est
indiqué et même un numéro de téléphone ou de télécopieur, ou encore une adresse. Les
objectifs du site sont clairement indiqués.
d. Navigation :
• Facilité de navigation sur le site : Pour les documents présentés sur plusieurs pages,
facilité de navigation entre les parties ? Un plan du site est offert. Il en facilite la
compréhension. On a accès à ce plan de site en tout temps.
• Compréhension aisée des boutons de navigation sur le site : Icônes significatives ?
Métaphores efficaces ? On retrouve une information signalée ou visitée préalablement de
façon aisée et efficace.
• S'il y a multifenêtrage, il ne dérange pas la lisibilité du texte, il améliore la
compréhension du site. L'information est bien disposée à l'écran. La différence entre les
sources d'information et les services est facile à établir.
• L'information et les services sont structurés avec cohérence ce qui facilite la
compréhension de l'organisation du site.
• Rapidité de chargement du site et des différentes pages : Navigation fluide à différentes
périodes de la journée ? On nous indique quand on quitte le site.
• On indique la taille des fichiers à télécharger en Ko par exemple : Différents formats de
fichiers sont offerts (texte, doc, pdf, gif, jpeg, etc.). Il est proposé de charger certaines
applications, si nécessaire.
e. Présentation visuelle et sonore :

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• Design du site et couleurs utilisées : sobriété des couleurs ? Présentation aérée ? Les
messages publicitaires sont discrets ?
• Lisibilité typographique et visuel du texte : Facilité de lecture à l’écran ? Choix des
caractères ? Harmonie entre la couleur du fond et des caractères ?
• Rapidité de chargement des illustrations ou des séquences sonores ? Qualité des images,
résolution, choix de couleurs, animation pertinente, qualité technique des séquences
sonores. Si des applications sont requises on propose de les téléchargées.
• Les boutons de navigation sont mnémoniques, discrets, bien dessinés, élégants.
f. Référencement et accessibilité sur Internet :
• Présence dans les principaux répertoires et outils de recherche : Site repérable par la
Toile du Québec, Francité, Alta Vista, Hotbot, Yahoo, etc.
• Adresse intuitive : Identification significative de l’adresse du site ? Repérage facile ?
Accès télématique facile, la ligne n'est pas toujours occupée ?

Conclusion
Les premiers types d'évaluation ci-dessus permettent de rapidement se faire une idée sur
la validité pédagogique d'un site. Les derniers par contre parcourent en détail les différents
aspects pédagogiques d'une séquence d'apprentissage. Ces mêmes critères sont d'ailleurs très
proches des critères d'évaluations de leçons en formation des maîtres (cf. annexe : Grille
d'évaluation d'un cours, ISPFP 2000).
Il semble en fin de compte, qu'à l'heure actuelle, seuls certains sites Web ou CD-ROM
d'apprentissage faits par des professionnels des éditions de formation soient en mesure de créer
des produits qui remplissent la majorité des critères pédagogiques proposés par D. Gilbert. Des
critères d'évaluation plus limités tels que celui de T. Payton ou ont cependant un intérêt
pédagogique indéniable pour la formation des enseignants et de nos élèves ; de par leurs limites,
ils sont plus accessibles et se remplissent aisément. Ils permettent aux enseignants de faire
acquérir aux élèves des outils qui font évoluer leur regard critique de manière à contrebalancer la
fascination immédiate d'un site Web. En sommes-nous actuellement au même stade que lors de
l'introduction de la critique de l'information dans les années 60-70 au CO pour éduquer nos
élèves à la lecture de l’image face à la présence grandissante de la télévision ?

46
DOSSIER 8 :
LES COMPÉTENCES ATTENDUES DU PROFESSEUR DE
LANGUE VIVANTE

Ce document vise à recenser et à présenter l’essentiel des compétences attendues du


professeur de langue vivante. Il sera un outil de réflexion pour les professeurs en formation et
constituera un référentiel permettant à tout professeur d’évaluer au quotidien sa pratique et son
efficacité.
Les compétences de pédagogue et de didacticien se mettent en œuvre conjointement;
elles relèvent toutefois de deux domaines séparés, d’où la distinction établie dans le document
entre didactique et pédagogie. La première (didactique) relève d’une démarche personnelle
d’analyse, de définition d’objectifs et de choix de stratégies d’enseignement au moment de la
préparation du cours, guidée par des savoirs de tous types. La seconde (pédagogie) ressortit à la
mise en œuvre des objectifs dans le cadre de la relation maître-élève.

1. Didactique
1.1. Les objectifs et leurs caractéristiques :
- liés à la communication et s’appuyant sur des documents riches d’un contenu culturel et
civilisationnel ;
- fondés sur la mise en œuvre d’un cheminement visant à l’autonomie des élèves ;
- variés ;
- lisibles par les élèves ;
- démultipliés sans être atomisés donc souvent recombinés ;
- inscrits dans une démarche qui, allant du connu à l’inconnu, allie rebrassage constant,
avancées, mises en relation et appropriation ;
- inscrits dans des programmations à court, moyen et long termes, rigoureuses mais
modulables en fonction des acquis repérés lors de bilans réguliers ;
- intégrés les uns aux autres ;
- liant toujours formes et sens transmis et à transmettre.

1.2. Les supports et leur choix :


- la variété des objectifs visés implique la variété des supports ;
- le choix du document et le choix de son traitement dans le respect de sa spécificité prennent
appui sur la capacité personnelle du professeur à procéder à sa didactisation ; c’est dans ce
cadre que les réseaux et les interactions des signes linguistiques qui construisent le sens
seront repérés et exploités ;
- le travail d’analyse s’accompagne du repérage des obstacles, des éléments facilitateurs et des
pré-requis de tous types ; il permet de choisir ce qui sera exploité prioritairement au niveau
visé.

1.3. Les activités :


(distinguer les activités d’apprentissage et les activités d’évaluation)
Elles doivent être :
- interactives ;
47
- signifiantes, c’est-à-dire explicitement contextualisées, ce qui n’exclut pas une nécessaire
mécanicité ;
- en cohérence avec les objectifs définis et le support choisi ;
- variées : le professeur prévoit une palette d’activités, même s’il ne les utilise pas
toutes (diversification des schémas d’échange, des supports, des capacités exercées, en
réception ou en production, de façon contrainte ou libre) ;
- intégrées et non juxtaposées ;
- toujours orientées vers une construction du sens ;
- de nature à susciter l’intérêt (le déficit d’information, par exemple, provoque le besoin de
communication) ;
- de nature à induire le transfert, mettant ainsi l’élève sur la voie de l’autonomie ;
- de nature à favoriser la créativité, notamment par le truchement du travail personnel à l’oral
comme à l’écrit ; cela peut aller du simple devoir d’imitation ou de pastiche à la production
de rédactions (descriptions, récits, portraits, etc.), de compte rendus divers exigeant le
transfert des compétences sous une forme synthétique, globale et authentique.

2. Pédagogie
2.1. Pédagogie générale : la conduite de la classe
1- présence et autorité du professeur : ponctualité, tenue, voix, gestes, rayonnement, charisme.
2- attitude à l’égard des élèves :
- les accueillir, les connaître (dans les délais les plus brefs) ;
- maintenir la discipline ;
- les écouter et respecter leur parole ;
- leur donner des consignes claires (ex. livres ouverts / fermés) ;
- contrôler régulièrement leur travail ;
- favoriser l’écoute mutuelle ;
- encourager les initiatives (sans céder à la facilité du recours au seul volontariat, générateur
d’hétérogénéité) ;
- savoir faire face à l’imprévu (remédier aux échecs de la compréhension et de la
communication) ;
- maîtriser le temps disponible en maintenant un rythme de travail soutenu.

2.2. Techniques de base de la classe de langue


1- assurer la perception des objectifs (en les explicitant si nécessaire) et la compréhension des
supports ;
2- utiliser la langue cible pour susciter, organiser et conduire les échanges ;
3- utiliser les outils de base (collectifs et individuels) :
Les outils de la mise en contact avec la langue :
- le manuel ou autres types de support papier (sans abuser de la photocopie) ;
- le rétroprojecteur : substitut du tableau, support alternatif du travail sur texte ou sur
document iconographique ;
- le magnétophone et le magnétoscope : auxiliaires incontournables du développement de la
compréhension auditive par techniques de repérage, de segmentation, d’apprentissage /
amélioration de la prononciation ;
- le projecteur ;
48
- les TICE : les intégrer nécessairement au travail de la classe.
Les outils de la fixation de la langue, dont la fonction est de recueillir et de valoriser les traces
du travail individuel et collectif :
- le tableau : lieu de recueil et d’organisation des résultats du travail collectif ;
- le tableau de feutre : création de situations, grammaire visuelle ;
- le manuel ;
- le cahier de l’élève qui recueille la trace écrite du travail de classe et celle du travail
individuel demandé par le professeur ;
- le rétroprojecteur ;
L’outil témoin du travail de la classe et lien avec le monde extérieur :
- le cahier de texte.
4- maîtriser les techniques pédagogiques de la classe de langue :
- solliciter largement les élèves sans limiter leur participation au volontariat ; le professeur
doit savoir s’effacer et ne pas être le passage obligé des échanges (correcteur permanent,
répétiteur systématique) ;
- accorder son attention à tous, en veillant au regard et aux déplacements dans la classe ;
- assurer la circulation de la parole (groupe / individu, professeur / élève, élève / élève) ;
- valoriser l’initiative de prise de parole en l’intégrant au travail collectif ;
- maîtriser les techniques de correction de la langue (sans oublier la prononciation) en
suscitant la reproduction, l’inter-correction, l’autocorrection ;
- avoir à sa disposition des déclencheurs multiples et varier les modalités des échanges de
façon à soutenir et prolonger l’activité d’expression en rapport avec les exigences adaptées
au niveau réel du groupe ;
- utiliser avec pertinence le rapport entre questions ouvertes et fermées et en connaître les
effets respectifs, stratégie essentielle dans la mise en place de la compréhension / expression.
5- provoquer l’exercice systématique de la mémoire :
- en ménageant des pauses “ structurantes ” de manière récurrente pendant le cours ;
- en suscitant la production de synthèses partielles ;
- en faisant appel au “ par cœur ” (dialogues, poèmes, théâtre, chansons, données variées,
etc.) ;
- en pratiquant systématiquement des activités de mise en réseaux : classer, relier,
- organiser, hiérarchiser pour retenir les éléments lexicaux ;
- en procédant à une interrogation systématique de début d’heure répondant à des tâches
d’apprentissage précises et notées.
6- l’évaluation : la mesure des progrès
a) formes
- par le professeur qui doit rendre les devoirs dans le délai annoncé ;
- par auto-évaluation ou inter-évaluation des élèves.
b) modalités
- processus continu : évaluations formative et formatrice sans notation dont l’objectif est
l’information du professeur et la valorisation de la réussite en favorisant la pré-
conceptualisation ;
- processus ponctuel :
¤ diagnostic sans notation en début de séquence, de thème d’étude ou de cursus ;

49
¤ sommative avec notation portant sur les acquis d’une période (séance ou séquence) et
permettant d’évaluer la capacité de transfert, preuve de l’appropriation hors de tout contexte
particulier (ce qui suppose entraînement préalable avec décontextualisation) ;
c) analyse des erreurs et remédiation :
¤ modifier la perception du statut de l’erreur : l’erreur n’est pas faute mais trace d’un processus
d’acquisition qui doit être déchiffré par le professeur en termes de diagnostic porté sur la
construction de la compétence langagière ;
¤ mettre en place des activités de remédiation par l’introduction de nouvelles données ou la
présentation différente des mêmes données, en évitant la répétition à l’identique et l’acharnement
pédagogique ;
d) auto-analyse : le professeur doit se révéler capable d’évaluer l’efficacité de ses propres
pratiques professionnelles à travers les performances de ses élèves.

50
DOSSIER 9 :
REPÈRES POUR CONSTRUIRE UNE SÉQUENCE
PÉDAGOGIQUE

1. Modèles principaux d’apprentissage


J-P ASTOLFI esquisse quelques traits caractérisant les trois modèles principaux
d’apprentissage qui sous-tendent les pratiques des enseignants. Ces trois modèles pourraient se
retrouver dans n’importe quelle classe où l’on enseigne du FLE ou des langues étrangères.

1.1. Le modèle de l’empreinte (enseignement traditionnel)


Ce modèle symbolise une conception traditionnelle de l’enseignement : on part de l’idée
que l’apprenant ne connait rien – a priori – du domaine que l’on souhaite aborder. Dans ce type
de conception, on considère donc que l’apprenant a tout à apprendre de l’enseignant et qu’il
adopte nécessairement une attitude passive face au savoir qu’on lui propose. J.P. Astolfi utilise
même l’image de « la page blanche à écrire ou du verre à remplir ».
Le schéma communicatif mis en avant ici est celui – tout à fait rudimentaire – qui
autorise une circulation de l’information allant de l’émetteur au récepteur, le récepteur étant
censé se conformer strictement à ce que l’on attend de lui. Dans ce type de pédagogie, on estime
généralement que si l’enseignant procède de façon claire et logique, l’information fournie et les
savoirs enseignés seront assimilés de façon aisée par l’apprenant. Cette « pédagogie des idées
claires » (expression utilisée par J.P. Astolfi) doit théoriquement permettre à l’élève d’acquérir
l’ensemble des connaissances qu’on veut lui inculquer. A l’intérieur d’une telle démarche,
l’erreur est toujours évitée et, lorsqu’elle survient, elle est toujours imputée à un « manque de
l’élève » à qui l’on reproche le plus souvent de ne pas avoir adopté l’attitude attendue… Il suffit
de penser à certaines annotations figurant sur les carnets à l’école élémentaire : Elève attentif…
Ne manifeste guère d’intérêt pour la classe… Manque de persévérance, etc.
Cette pédagogie n’est pas à rejeter de façon péremptoire, mais elle ne peut être mise en
œuvre que dans des contextes tout à fait spécifiques. Comme le signale J.P. Astolfi, l’une des
conditions prioritaires pour qu’une telle démarche soit efficace est de s’adresser à un « public
motivé et averti » :
- Qui a fait la démarche de venir s’informer,
- Qui dispose de structures intellectuelles, comparables à celles de l’enseignant (de façon
à ce que l’information puisse passer par simple audition / réception).
- Qui dispose d’éléments de connaissance dans le domaine traité. De cette façon, les
apprenants peuvent « profiter d’un exposé systématique pour organiser et restructurer
des informations déjà existantes, mais lacunaires et mal hiérarchisées.
Il convient cependant de signaler que ces conditions sont rarement remplies dans un cadre
scolaire actuellement.

1.2. Le modèle du conditionnement (environnementalisme)


La pédagogie du behaviorisme (essentiellement connue dans le domaine de
l’apprentissage des langues par les travaux de Skinner) a influencé bon nombre de méthodes. Les
behavioristes pensent que l’apprenant construit son aptitude à communiquer en imitant les
comportements communicatifs qu’il a l’occasion d’observer autour de lui. Ils considèrent donc

51
qu’il faut avant tout s’intéresser aux « entrées » et aux « sorties » en matière d’apprentissage
plutôt qu’aux processus eux-mêmes. Dans ce type d’approche, les structures mentales de
l’apprenant sont considérées comme une « boîte noire » sur laquelle il est difficile d’avoir une
action sensible.
Dans le cas présent, on essaie de définir les connaissances à acquérir « non pas de
manière « mentaliste » (compréhension, esprit d’analyse ou de synthèse…), mais en terme de
comportement (« behavior » en anglais) observable que l’on attend en fin d’apprentissage ». Ce
modèle d’apprentissage a été popularisé par l’enseignement programmé qui en est directement
issu. Par la suite, d’autres courants, tels que la pédagogie par objectifs (pour partie seulement) ou
l’enseignement assisté par ordinateur (dans ses premiers développements), ont fait suite aux
théories sous-jacentes à ce modèle. La méthodologie issue du behaviorisme a souvent été
symbolisée par le fait que l’on recherchait non plus une manière d’être chez l’apprenant, mais
des comportements observables formulés ainsi : l’élève devra être capable de + verbe d’action
(faire, classer, exprimer…). Dans ce type d’approche, les objectifs généraux exprimés par des
verbes à caractère global (réfléchir, savoir…) sont assez souvent relégués au second plan.
La finalité du modèle behaviorisme est louable dans ses intentions : il s’agit de passer de
la sélection à une pédagogie du succès par l’adaptation du comportement de l’apprenant.
Lorsqu’il y a erreur, celle-ci est assumée par l’enseignant (qui est alors chargé de mettre en place
des processus de remédiation) ou imputée à une mauvaise conception du programme ou de la
méthode. L’apprenant n’est plus systématiquement incriminé… C’est plutôt dans ses modes
d’application (et donc les méthodologies pour atteindre les objectifs visés) que la théorie sous-
jacente devient discutable. Les grands principes de ce modèle, repris par la suite par
l’enseignement programmé, sont les suivants :
(1) Un comportement humain s’acquiert plus facilement si le sujet émet des réponses
(principe du conditionnement opérant). Ce principe trouvera une véritable concrétisation
dans le concept d’interactivité qui sera l’un des piliers de l’enseignement programmé,
puis de l’enseignement assisté par ordinateur.
(2) Un comportement nouveau s’acquiert d’autant plus rapidement qu’il y a renforcement
extérieur (encourager, rappeler…). Ce renforcement doit nécessairement être positif et
permettre d’augmenter la possibilité de formuler une réponse.
(3) Pour obtenir un bon renforcement, il faut fragmenter les difficultés (découpage de la
tâche à réussir en unités suffisamment petites pour faire réussir les apprenants), puis
relier entre eux les éléments d’information à transmettre.
(4) La prise en compte les difficultés individuelles dans le rythme de l’apprentissage est
indispensable.
Ce modèle conserve une certaine actualité aujourd’hui dans la mesure où il place
l’apprenant au centre du processus d’apprentissage et essaie d’aménager la difficulté de la tâche
à effectuer lorsque cela s’avère nécessaire dans l’espoir que les objectifs initiaux seront ainsi
plus facilement atteints. Signalons qu’un tel modèle met également en exergue le fait qu’il y a
souvent un écart considérable entre les objectifs que se fixe tout enseignant et ce que peut
réellement réussir l’apprenant.
Il n’en demeure pas moins qu’en didactique des langues étrangères un tel modèle ne peut
qu’être partiellement appliqué. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaitre que l’activité
de l’apprenant doit être considéré comme le pivot central de tout apprentissage (insistance sur la
notion d’interactivité) d’une part, qu’il est indispensable de s’appuyer sur ce que l’apprenant sait
52
déjà pour aller plus loin au lieu d’établir une progression a priori d’autre part. Toutefois, bon
nombre d’enseignants considèrent à juste titre qu’il est difficile de réduire l’apprentissage d’une
langue étrangère à une suite de comportements observables… un peu à la manière dont les
précurseurs de la méthodologie audio-orale considéraient que les exercices structuraux
permettaient à tout apprenant de parvenir à une plus grande maitrise de la langue étrangère. De
plus, comme le précise J.P. Astolfi, « cette pédagogie fait l’impasse sur l’état initial des
structures intellectuelles de l’élève » et « confond souvent le résultat produit (qui n’est que le
symptôme de l’apprentissage) avec le processus suivi (qui en est le cœur) ». C’est également vrai
pour les exercices structuraux : ce n’est pas parce que la maitrise d’une langue étrangère se
manifeste par le fait que l’apprenant est capable de mettre en œuvre des automatismes qu’il faut
en déduire qu’il est indispensable de proposer à des élèves en cours d’apprentissage des
exercices systématisés, générateurs d’automatismes, pour parvenir au résultat attendu…

1.3. Le modèle constructiviste.


En s’intéressant à ce qui se passe dans la « boîte noire » et en considérant que l’apprenant
doit rester au centre du processus, le constructivisme se situe entre deux oints de vue (le
behaviorisme de Skinner et l’innéisme de Chomsky) tout en les dépassant notamment si l’on
considère les travaux de Wallon, Piaget, Vygotsky, Brunner…
Au lieu d’être repoussée ou évitée, l’erreur se situe au contraire au centre de
l’apprentissage dans le cas présent. On s’appuie en effet sur les erreurs de l’apprenant pour
l’aider à progresser et pour l’encourager à aller au-delà des difficultés qu’il rencontre à un
moment donné de son parcours… La question des représentations des élèves se trouve
également au cœur d’un bon nombre de recherches récentes se rattachant à ce courant (sans
parler des travaux autour de l’interlangue). Il s’agit en fait de s’appuyer sur ces représentations
pour bien cerner les difficultés auxquelles les apprenants sont confrontés de façon à pouvoir les
transformer par la suite.
Jean-Pierre Astolfi distingue deux variantes de ce modèle :
- Le modèle de la « découverte » : Ce modèle respecte la place centrale de l’apprenant et
insiste sur l’idée « d’apprendre à apprendre »… L’élève peut ainsi refaire une partie du
chemin de la découverte intellectuelle. C’est d’ailleurs une des optiques suivies par certaines
méthodologies (méthode naturelle, par exemple).
- Le modèle « didactique » : Ce modèle (adopté par les courants actuels en didactique des
langues avec l’approche communicative notamment) place toujours l’apprenant au centre du
processus d’apprentissage, mais considère qu’il faut nécessairement aller plus loin.
L’analyse du domaine de référence (ici le français langue étrangère) et la prise en compte
des difficultés liées à l’acquisition d’une langue étrangère deviennent indispensables pour
une bonne appropriation des connaissances que l’on vise. Selon J.P. Astolfi, « c’est alors la
combinatoire d’un intérêt égal pour les structures mentales de l’élève et pour la structure
conceptuelle du savoir, qui peut permettre d’améliorer les apprentissages disciplinaires.

2. Repères pour la construction d’une séquence d’apprentissage


De par le choix de ses repères, J.P. Astolfi est amené à se situer très clairement dans une
perspective constructiviste. Selon ce chercheur, ces repères constituent avant tout une liste de
référence à laquelle on peut se reporter lors de la préparation d’une séquence et non pas une liste
prescriptive à laquelle il conviendrait de se conformer.
53
Voici les différents éléments du schéma proposé par J.P. Astolfi :
(2) Choisir le contenu d’enseignement qui va faire l’objet de l’apprentissage.
En FLE, il pourrait s’agir d’une notion que l’on se propose de faire acquérir par les
apprenants ou d’un point posant certaines difficultés (concordance de temps imparfait /
passé simple dans un texte narratif, par exemple).
(3) Identifier le profil de départ du groupe d’élèves par rapport à ce contenu.
- Repérer les représentations préalables que les élèves se font de la notion à acquérir,
en fait « les modes de pensée initiaux qu’ils mettent en œuvre, et que la séquence
d’enseignement va avoir un objet de transformer ».
- Ce repérage peut se faire de façon empirique (connaissance antérieure des
apprenants, expérience préalable en ce qui concerne l’enseignement de cette
question) ou par une prise d’information spécifique (questionnaire précis distribué
aux élèves, entretien directif ou semi-directif…). Ce repérage est destiné à se faire
une idée de ce que les apprenants connaissent sur le sujet avant le début de la
séquence.
(4) Effectuer une analyse a priori de la matière à enseigner
- Rechercher les notions clés qui organisent la séquence, et auxquelles ou
souhaiteraient parvenir.
- Différencier ces « concepts intégrateurs » de la masse d’informations élémentaires et
ponctuelles qui y est associée…
- Construire une petite trame conceptuelle permettant de visualiser les relations
logiques pouvant être établies a priori entre les notions clés (« squelette » ou
« branches maîtresses » de la séance) et les connaissances ponctuelles (« petites
branches et feuilles »)…
Selon J.P. Astolfi, cette trame devra fournir les liens logiques priori entre les éléments du
contenu – et non un ordre de succession chronologique de ce qu’il y aura à enseigner…
(5) Caractériser l’objectif0obstacle que l’on se propose de franchir.
- Il s’agit là d’amener les élèves à confronter leurs représentations (pour
éventuellement essayer de les modifier par la suite) et de faire en sorte que
l’enseignant puisse déterminer les notions-clés à faire acquérir aux apprenants.
- Il faut ensuite sélectionner un obstacle qui parait franchissable au cours d’une
séquence (ou d’un ensemble de séquences)
- Il convient enfin de caractériser le progrès intellectuel correspondant au
franchissement de ct obstacle par les élèves, et de le formuler en termes d’objectif à
atteindre. Comme le signale J.P. Astolfi, « pour que la séquence ait des chances
d’être efficace, il est important de choisir une tâche qui ne soit ni trop facile (sinon il
n’y a pas vraiment d’obstacle à franchir), ni trop difficile (sinon l’obstacle restera
infranchissable) ».
(6) Construire un dispositif didactique qui soit cohérent avec l’objectif-obstacle choisi.
La mise en place d’un dispositif didactique cohérent part de l’idée que si l’on veut
atteindre les objectifs que l’on s’est fixés initialement, il est nécessaire d’intervenir
prioritairement au niveau des processus d’apprentissage mis en place…
DOSSIER 10 :
CONDUIRE LA CLASSE
54
La plupart des grands spécialistes de la recherche en éducation ont tenté d'élaborer des
modèles de l'enseignement efficace. L'efficacité d'un modèle suppose que l'enseignant en
partage la théorie implicite. Il n'est donc pas question ici de développer un modèle. Nous nous
bornerons à quelques conseils communément admis.
Votre séquence (activité, leçon, unité didactique) ne pourra être efficace que si elle est
une réponse.
« Toute leçon doit être une réponse » DEWEY.
C'est-à-dire qu'elle doit répondre à un besoin. Nous n'apprenons que ce qui répond aux
problèmes que nous nous posons.

1. Démarche possible
1.1. Présentation, lancement de la séquence
- Proposer une situation problème dans laquelle la poursuite de la tâche impose de
surmonter un obstacle. C'est cet obstacle qui justifie l'objectif de votre cours.
- Mettre les élèves en projet de surmonter cette difficulté.
- Communiquer de façon très brève les objectifs.
- Tester les connaissances des élèves, sur le sujet.
- Structurer ces connaissances.
- Procéder par petites étapes à un rythme rapide.
- Accompagner la présentation de questions visant à contrôler la compréhension.
- Souligner les aspects les plus importants.
- Fournir suffisamment d'illustrations et d'exemples.
- Fournir des démonstrations et des modèles.

1.2. Pratique guidée


- Guider les élèves dans les premières applications.
- Poser de nombreuses questions et donner des exemples ouverts (avec le recours de
matériaux divers).
- Ne poser que des questions directement reliées aux nouveaux savoirs ou savoir-faire
appris.
- Contrôler la compréhension en évaluant les réponses fournies ou les comportements
observés.
- En cas de difficulté, faire parler l'élève sur sa manière de résoudre la tâche :
- "Dis-moi comment tu fais ? Qu'est-ce que cela signifie pour toi ? Qu'est-ce que tu
vois?..."
- Favoriser le travail en petits groupes (2 ou 3).
- S'assurer de la participation de chaque élève.
- Fournir des suggestions pendant les applications.
- La pratique guidée s'arrête quand l'élève peut travailler seul avec suffisamment
d'assurance.

1.3. Correction

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- Les réponses correctes des élèves peuvent être suivies d'une autre question ou d'une
brève reconnaissance du
- caractère correct de la réponse (par ex. : "C'est juste").
- Les réponses correctes mais hésitantes doivent être suivies d'un : "C'est juste. parce
que…".
- Les erreurs de l'élève doivent être l'indication d'un besoin d'applications
supplémentaires.
- Déceler chez les élèves les erreurs systématiques.
- Essayer d'obtenir des élèves des réponses complètes.
- Les corrections peuvent inclure une procédure de soutien, (simplification de la
question, Indications pour faire avancer), des explications, des révisions, un rappel de
la procédure ou un ré-enseignement des dernières étapes.
- Les encouragements sont plus efficaces s'ils sont spécifiques plutôt que généraux.

1.4. Pratique indépendante


- Programmer un nombre suffisant d'exercices à effectuer individuellement.
- La pratique indépendante doit être étroitement reliée au contenu ou aux objectifs
enseignés.
- Les élèves doivent être avertis quand le travail individuel est contrôlé.
- L'enseignant supervise activement le travail individuel dans la mesure du possible.

1.5. Retour à la situation problème de départ


- Les élèves doivent être en mesure de franchir l'obstacle.
- L'évaluation doit permettre de le confirmer
En résumé :
- Mettre les élèves en situation de projet, créer la motivation.
- Organiser la participation des élèves, varier les rythmes.
- Multiplier les travaux ( pour apprendre efficacement les élèves ont besoin d’agir, de
manipuler, de s’entraîner, d’être actifs).
- Suivre avec attention l’activité des élèves, soutenir, aider.
- Evaluer les résultats.

2. Sur la communication orale


2.1. Les échanges collectifs
- En début d'année est-ce que vous apprenez rapidement le nom et le prénom des élèves
?
- Les tutoyez ou les vouvoyez-vous ?
- Faites-vous attention à votre voix ?
- Comment gérez-vous les interventions orales des élèves ?
- Est-ce que vous avez des techniques verbales pour les valoriser ?

2.2. Les échanges élèves-élèves


- Qu'est-ce que vous estimez tolérable ?
- Comment intervenez-vous dans les autres cas ?

56
2.3. Les échanges professeur-élève
- En cas de travail individualisé, répondez-vous au cas par cas ou bien dans un certain
ordre ?
- Acceptez-vous de répondre à une demande avant la mise au travail de tous ou bien la
mettez-vous provisoirement de côté ?
- Est-ce vous qui vous déplacez ou bien l'élève ?
- L'échange a-t-il lieu la voix haute ou à voix basse ? le corps
- Réagissez-vous à des attitudes corporelles décontractées (élèves appuyés aux murs,
pieds sur les chaises...) ?
- Acceptez-vous qu'ils gardent leur anorak ou leur couvre-chef ?

2.4. Les déplacements


- Comment gérez-vous les entrées et les sorties de la salle de classe ?
- Comment gérez-vous les déplacements dans la salle ?
- Autorisez-vous les sorties en cours d'heure ?
- Les élèves ont-ils le droit de sortir de la salle quand vous les avez deux heures ou plus ?

2.5. La présence :
- Comment réagissez-vous quand un élève arrive ,en retard ?
- Comment réagissez-vous quand un élève rentre sans frapper ?
- Comment réagissez-vous aux absences longues d'élevés ?
- Comment réagissez-vous aux absences perlées ou sélectives ?

2.6. Les règles de politesse


- Avez-vous un code établi ?

2.7. Le conflit en classe avec un élève


- Comment résolvez-vous le problème ?
- Gardez-vous l'élève en fin d'heure pour un entretien ?

2.8. Le conflit avec un groupe d’élèves ou la classe


- Quel type de solution choisissez-vous ?

3. Sur la gestion de la classe


3.1. Les groupements
- Selon quels critères groupez-vous les élevés en début d'année ?
- Comment disposez-vous les tables dans la salle ?
- En fonction de quelle activité ?

3.2. Les mises au travail


- A quel moment remplissez-vous les différents registres (cahier de texte ou feuilles
d'absences) ?
- Ces tâches sont-elles déléguées à des élèves ?
- Vous contentez-vous des registres administratifs d'absence ou bien jugez-vous utile
d'en avoir un qui vous soit personnel ?
57
- Quel moment choisissez-vous pour faire des communications qui ne concernent pas
directement le cours ?

3.3. Le matériel de l'élève


- Quel matériel demandez-vous ? Pourquoi ?
- Faites-vous des vérifications de matériel ? Quand ?
- Que faites-vous pour que les élèves sortent vite leur matériel en début de cours ?
3.4. Le matériel de 1a salle
- Faites-vous vous-même les tâches matérielles quotidiennes (tableau à essuyer, chaises
à ranger, papier à ramasser) ?
- Déléguez-vous ces tâches ? Selon quelles règles ?

3.5. L'évaluation
- Avez-vous un système d'explication et de justification des notes que vous mettez?
- Acceptez-vous de revenir sur une erreur d'évaluation que vous avez commise ?

3.6. Le travail hors classe (devoirs à domicile)


- Comment vous assurez-vous qu'il est fait ?
- Que faites-vous quand il n'est pas fait ?
- Vous astreignez-vous à rendre les travaux dans des temps déterminés ?
- Prenez-vous des mesures si les notes de leçons sont régulièrement au-dessous de la
moyenne ?
- Intervenez-vous dans les couloirs ? Dans la cour ? Devant l'établissement ?
- Intervenez-vous auprès d'élèves que vous n'avez pas en classe ?

4. Utiliser les documents institutionnels


4.1. Le cahier de textes de la classe
C'est le Journal ou l'agenda de la classe. Il sert de référence pour les membres de l'équipe
éducative, les élèves, l'administration et le corps d'inspection, doivent y apparaître, sous une
forme accessible à tous, les activités échelonnées dans le calendrier :
- progression dans l'étude ;
- titres des leçons traitées, sujets et activités des travaux dirigés ;
- énonces des contrôles (interrogations, devoirs, compositions);
- indication des tâches effectuées par les élevés
- énoncé des travaux à faire à la maison.
Ces informations constituent des éléments indispensables pour renseigner :
- un élève qui désire vérifier qu'il n'a pas pris inexactement le texte d'un devoir ;
- un élève qui a dû s'absenter ;
- un suppléant qui prendra la classe en charge, en cas d'absence du professeur
- l'administration et l'Inspecteur sur la marche de l'enseignement dans une classe
déterminée.
Sans en faire un journal analytique de la vie de la classe, on y verra un document
justificatif fort précieux de l’activité du professeur et le support essentiel du dialogue entre les
partenaires du système éducatif.

58
4.2. Le contrôle des absences
Le professeur prend en charge le groupe dans la salle de classe, dans l’atelier, dans tout
lieu qui devient lieu d'enseignement et quelquefois hors de 'établissement. La participation (ou
la non-participation) des élèves à toutes les activités prévues à l'emploi du temps ou organisées
par le professeur, doit être connue des familles qui confient leur enfant à l'institution.
L'obligation, pour l’enseignant de vérifier la présence des élèves au cours est motivée :
- par sa responsabilité juridique ;
- par la sécurité à assurer à l'élève, vis-à-vis des familles qui connaissent les emplois du
temps ;
- par l'incidence de toute absence sur la validité et !a continuité du travail scolaire.
On ne saurait apprécier des résultats trimestriels et annuels sans tenir compte de
l'assiduité et de la présence aux cours. Cela implique que le professeur ait aussi,
indépendamment du document fourni par l'administration, son propre registre de recensement
des absences.
Quelles que soient les modalités du contrôle des absences adoptées au sein d'un
établissement, la constatation écrite de l'absence reste obligatoire à chaque séquence de travail.
Grâce au recours à ces documents, suite à des cas d'accidents de trajet, de délinquance,
d'agression dont des élèves ont été victimes ou auteurs, la personne publique et les personnels
ont pu être dégagés de toute responsabilité.

4.3. Le carnet de correspondance (ou de liaison avec la famille)


Ce document est tenu par l'élève. Il est un moyen de liaison permanente entre
l'établissement et la famille, la famille et l'établissement. Il apporte des informations diverses sur
le fonctionnement du lycée, tant sur les plans pédagogique, administratif que professionnel.
L'élève doit obligatoirement être en possession de ce carnet ; il doit le tenir avec
exactitude et avec soin.

5. Gérer l’information
5.1. Le classeur de l’élève (cahiers)
En fonction du type de classe et de l'âge des élèves, les exigences du professeur ne seront pas les
mêmes.
Quelques conseils
• Définir en début d'année les règles d'organisation des cahiers :
- faire apparaître le référentiel de la formation ;
- dissocier les matières enseignées ;
- diviser le classeur (le cahier) en différents chapitres (parties);
Par exemple : ou encore
• Partie cours, - référentiel
• Partie application, - grille d'évaluation
• Partie évaluation, - partie savoir-faire,
- Partie savoirs
• Imposer rigueur et soin en ce qui concerne la présentation et l'orthographe.
• Contrôler épisodiquement la tenue des cahiers.
• Réfléchir préalablement au cours à la structuration des informations que les élèves
devront noter (plan, paragraphes, définitions, ...).
59
• Adopter des règles de présentation de manière à mettre en évidence les points clés du
cours et de façon à faciliter l’utilisation ultérieure des documents.

5.2. Le cahier de roulement


- C'est un classeur dans lequel sont regroupés et classés l'ensemble des documents remis
aux élèves. Il est complété au fur et à mesure que se déroule la formation. Il constitue un
double et un modèle du classeur des élèves.
- Il peut être consulté par les élèves qui doivent mettre à jour leur dossier (unités). Il est la
mémoire de la classe dans une discipline donnée.

5.3. Photocopies
- Ce sont des documents qui permettent de gagner du temps durant la séquence. Ils
peuvent être conçus de telle sorte que les élèves aient à les compléter.
- Constituant des modèles, Ils doivent être irréprochables d'un point de vue technique
(rigueur professionnelle, respect des normes. lisibilité....).
Quelques conseils
- Lorsque les élèves manipulent de nombreux documents. Il est souhaitable d'adopter un
mode de repérage (sigles, codes, pagination,...) et de leur faire rassembler ces documents
dans des pochettes plastique.
- Il est inutile de photocopier des documents présents dans des ouvrages que les élèves
possèdent.
- Il est préférable de faire chercher l'information dans un document technique ou
professionnel que de la livrer hors de son contexte (quand cela est possible).
- Rien ne remplace un bon ouvrage scolaire (quand il existe).

5.4. Les manuels.


- Consultez les collègues de la spécialité pour connaître les ouvrages utilisés dans la
discipline.
- De même, renseignez-vous en ce qui concerne les procédures d'achat des ouvrages, en
fonction des classes: achat par l'établissement ? achat par l'élève ? commande groupée ?
coopérative scolaire ?

6. Utiliser le tableau et le rétroprojecteur


L’ordinateur, la vidéo, le rétroprojecteur et le tableau sont les outils de communication
du professeur. Nous n’aborderons, ici, que les deux supports les plus exploités : le tableau et le
rétro projecteur. Ce sont deux outils complémentaires.

Tableau Rétroprojecteur
- Support de l'écrit ou de schémas très - Support d'images complexes :
simples qui ne prennent pas trop de • plans, schémas, photos,
temps en réalisation. • tableaux, diagrammes,
- Support de représentations statiques. - Support attractif :
- Une fonction d'information : • simulation de mouvement, maquette,
• objectifs de la séquence, • Jeu d'images (superposition,

60
• étapes. glissement,...)
- Une fonction d'interaction professeur / - Exploitation rapide et interactive ;
élève : • images éphémères,
• exploitation des réponses élèves. • présentation, commentaire,
• essais, exercices, animation.
• brouillon. - Support d'analyse :
- Une fonction mémorisation : • fonctionnelle,
• messages permanents, • structurelle.
• synthèses, résumés, • temporelle.
• mots clés, formules, règles - Préparation en amont.

Structurer le tableau
Afin d'exploiter au mieux le tableau, il peut être utile de diviser l'espace en trois secteurs.

(A) (B) (C)

(A) Un espace réservé à l'information relative au déroulement de la séquence :


• objectifs.
• étapes.
Cet espace n'est pas effacé durant la séquence.
Les élèves savent ainsi, à tout moment, où ils en sont dans le déroulement de la séquence et ce
qui leur reste à faire.
(B) Un espace réservé aux notions fondamentales abordées durant le cours :
• principes,
• formules,
• vocabulaire,
• procédures.
L’information reste affichée tant que possible.
La stabilité de l’information permet la mémorisation.
(C) Un espace brouillon :
• démonstrations rapides,
• réponses des élèves.
Cet espace est régulièrement effacé en fonction des besoins.
C’est un espace de travail et d’interaction avec la classe.

7. Quelques conseils :

À éviter À préférer
Charte
de

gnant
La

l’ ensei

1. Mettre un zéro pour motif Mettre en application les sanctions figurant


disciplinaire sur le carnet de correspondance

61
2. Prendre de front un élève ou un Prendre du recul. Etablir avec l’élève ou le
groupe groupe un contrat avec des limites précises.
3. Annoncer la sanction sous le coup Suspendre la décision et prendre le temps
de la colère. de réfléchir (ne pas dépasser 1/2 journée).
4. Promettre quelque chose qui ne Rester réaliste. Mesurer les propos.
peut être tenu.
5. Donner une punition collective. Trouver la sanction individuelle adaptée à
la faute.
6. La punition qui punit autant le Le réalisme dans la détermination de
professeur que l'élève. l'application de la sanction.
7. Toujours tout voir et tout entendre. Savoir parfois fermer les yeux et les
oreilles.
8. Les propos injurieux ou blessants Un langage ferme, mesuré, courtois.
(langage familier, ironie) envers
les élèves.
9. L'utilisation abusive d'éléments Le tact et la discrétion.
concernant la vie privée de l'élève
ou de la famille.
10. L'intervention dans des domaines Le respect absolu du "territoire de l'autre",
hors de la compétence d'un quel qu'il soit. Le recours aux personnes
enseignant. qualifiées.
11. Face aux élèves, une attitude Mettre en pratique l'obligation de réserve
critique ou revendicatrice par rapport: inhérente au métier d'enseignant. Adresser
- à l'établissement et à son projet, ses remarques ou ses critiques directement
- aux autres professeurs. aux personnes concernées.
CHARTE DE VIE
DROITS ET DEVOIRS RECIPROQUES

ELEVES

LES DROITS LES DEVOIRS


- recevoir une éducation - accepter les différences
- bénéficier de condition de travail - accepter l'erreur de l'autre
- être évalué justement - respecter les membres du
- avoir des résultats groupe
- pouvoir s'exprimer - respecter le travail des autres
- être écouté - faire son travail
- être respecté - écouter les autres
- ... - ...
ENSEIGNANTS
- se former - motiver les élèves
- bénéficier de bonnes conditions de travail - faire progresser chacun
- se tromper - respecter les élèves
- faire des choix - se mettre en question
- avoir des résultats - être juste
- exiger un travail de ses élèves - proposer des activités
- s'épanouir adaptées aux élèves
62
- être respecté - ...
- ...

Mode d'emploi:
1. Faire remplir une grille vierge à chaque élève de la classe.
2. Faire une synthèse et engager le débat.
3. Rédiger la charte définitive.

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BIBLIOGRAPHIE
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[2] COSTE D., (éd) 1994, Vingt ans dans l’évolution de la didactique des langues, Paris,
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BESSE H., FORESTAL C., 1987, Une introduction à la recherche scientifique en
didactique des langues, Crédif-HATIER, coll. «Essais», 231 pages.
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seconde, Grenoble, PUG.
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étrangère et seconde. CLE International, Paris.
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rituels en classe de langue, Paris, Crédif - HATIER, coll. «Langues et apprentissage des
langues», 96 pages.
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[14] QUIVY M., et TARDIEU C., Glossaire de didactique de l’anglais, Ellipses, 1997.
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