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Qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ?

Sur la trahison et sur la traîtrise en traduction littéraire


© Editura Universității de Vest, 2017
Str. Paris, nr. 1, 300003Timisoara
(Roumanie)E-mail: editura@e-uvt.ro
Tel./fax: +40 256 592 681

Éditeurs : Centre d’Études ISTTRAROM-TRANSLATIONES, Faculté des Lettres, Histoire et


Théologie, Université de l’Ouest de Timişoara/Département de Lettres et de
Philosophie,
Université de Trente
Maquette et mise en page : Anne Poda
Couverture : Andreea Foanene
Université de Trente Université de l’Ouest de Timisoara

Qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ?

Sur la trahison et sur la traîtrise en traduction littéraire

Coordination :
Georgiana I. Badea
Gerardo Acerenza
Ileana Neli Eiben

Editura Universităţii de Vest


Timişoara
2017
Comité scientifique

Viviana AGOSTINI OUAFI (Université de Caen)


Antonio BUENO GARCIA (Université de Valladolid /Soria)
Walter CARLOS COSTA (Université Fédérale de Santa
Catarina/Université Fédérale de Ceará)
Jean-Paul DUFIET (Université de Trente)
Mzago DOKHTOURICHVILI (Université d’État Ilia de Tbilissi)
Kariné GRIGORYAN (Université d’État d’Erevan)
Anke GRUTSCHUS (Université de Cologne)
Germana HENRIQUES PEREIRA (Université de Brasilía)
Antonio LAVIERI (Université de Palerme)
Elisa RAVAZZOLO (Université de Trente)
Paolo TAMASSIA (Université de Trente)
Ludmila ZBANȚ (Université d’État de Chisinau)
Qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ?

Avant-propos

Sur la bonne-mauvaise traduction littéraire. Si ce recueil est


consacré à la mauvaise traduction, c’est aussi parce que de nombreux
théoriciens s’accordent et se contredisent sur les critères linguistiques
et esthétiques qui définissent une/la bonne traduction ou la traduction
optimale (l’exactitude, ou la fidélité au texte de départ, la lisibilité,
l’adaptation au destinataire, l’adéquation ou l’acceptabilité) : à
commencer avec les termes qu’utilise Cicéron pour parler aussi bien
de la traduction de philosophes grecs (v., dans Des termes extrêmes,
1.7, le paradigme sémantique : vertēre, transferre) que des différences
entre ses traductions (metaballein, metaphrasein) et ses propres
écrits ; à continuer avec les stratégies de traduction – mises en œuvre
par Jérôme dans la traduction des livres saints (verbum pro verbo) et
des textes profanes (sensum exprimere de sensu) ; à continuer avec les
acceptions médiévales du terme translatio, « déplacement » et
« transfert » – de culture, gouvernement, terme (interlinguistique) ou
de sens (intralinguistique) ; à recenser les traités de traduction
(Sebastiano Faustino da Longiano, Martin Luther, Étienne Dolet, John
Dryden, Samuel Jonson et ainsi de suite) ; pour finir avec les approches
scientifiques de la deuxième moitié du XXe siècle, qui jettent des
regards très différents sur leur objet d’étude (du polysystème au
fonctionnalisme, des normes à la traductologie réaliste, etc.).

Une traduction est généralement considérée comme étant


bonne si elle est fidèle à l’original, si elle respecte les équivalences
sémantiques et stylistiques du texte de départ. Selon Derrida, une
bonne traduction « honore sa dette et fait son travail ou son devoir en
inscrivant dans la langue d’arrivée l’équivalent le plus relevant d’un
original, le langage le plus juste, approprié, pertinent… » (2005, 16) ;
alors que « la bonne traduction – déclare Meschonnic – doit faire et
non seulement dire. Elle doit, comme le texte, être porteuse et
portée » (1999, 22 – nous soulignons), et, en outre, tendre vers « ce
que fait le texte, non seulement dans sa fonction sociale de

5
représentation (la littérature), mais dans son fonctionnement
sémiotique et sémantique » (Ibidem 85).

On a toujours tenté de « standardiser » la traduction.


Néanmoins, la traduction et le traducteur ont refusé un lit de Procruste
ce qui a engendré des critiques tantôt justifiées, tantôt moins ou
complètement injustes. Toujours est-il que le binarisme « bonne
traduction » – « mauvaise traduction » s’est pérennisé. D’après Eco,
« est optimale la traduction qui permet de garder comme réversibles
le plus grand nombre de niveaux du texte traduit » (2007, 81 – nous
soulignons).

Peut-on considérer aujourd’hui que le non-respect des critères


d’une traduction dite « bonne » mène inéluctablement à la production
d’une mauvaise traduction ? Quelles seraient les caractéristiques
« idéales » d’une mauvaise traduction qui ont engendré le dicton
« Traduttore traditore » ?1 Trahison ou traîtrise, traduisible ou
traductible (cf. Nouss 2001), intraduisibilité, in-traductibilité ou non-
traductibilité, ce sont des termes qu’on invoque, évoque ou utilise
pour établir des diagnoses spécifiques, plus ou moins objectives, de la
traduction – -processus et résultat. Même si l’on accepte qu’« une
traduction ne saurait tenir lieu de l’original » (Bellos 2012, 45), on
constate tantôt une inhabilité, tantôt une insuffisance dans les verdicts
de trahison qui font coutume et mettent en cause la compossibilité de
traduire que les analyses contrastives, des mises en regard d’unités de
traduction de départ et d’arrivée, ne peuvent pas résoudre. En
admettant, avec Meschonnic, que « pour la poétique est mauvaise la
traduction qui remplace une poétique (celle du texte) par une absence
de poétique » (1999, 130), devrions-nous admettre avec Berman et

1
Dicton, proverbe, sentence ou formule polémique, dont l’origine est controversée,
se voit attribuer la création soit à Niccolò Franco, dans « La risposta della Lucerna»
(1539, cf. Paulo Cherchi, dans la revue Lingua Nostra), soit, notamment, à Du Bellay,
en 1549 : « Mais que diray-je d’aucuns, vrayement mieux dignes d’estre appelez
traditeurs, que traducteurs ? vu qu’ils trahissent ceux qu’ils entreprennent exposer,
les frustrans de leur gloire, et par mesme moyen seduisent les lecteurs ignorans, leur
monstrant le blanc pour le noir. » (La Défense et illustration de la langue française,
[1549] 1905, 76, cf. Folena 1991, 31, v. aussi Bouzaher, dans la présentation de sa
traduction en français du livre d’Eco, 2007). Son origine, italienne, française ou autre,
ne serait que secondaire, car la formule, dit-on, devrait être attribuée à Jérôme.

6
considérer comme mauvaise toute « traduction qui, généralement
sous couvert de transmissibilité, opère une négation systématique de
l’étrangeté de l’œuvre étrangère. » (1984, 17) ?

La réflexion des auteurs est donc orientée vers la traduction


littéraire, afin d’établir une hiérarchie des critères définitoires
susceptibles d’identifier la mauvaise traduction et de la délimiter ainsi
de la bonne traduction. Les intervenants s’interrogent sur le statut et
le manque de qualités d’une mauvaise traduction :

 « Qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ? »


 Une traduction « servile » (trop attachée à la lettre), une
« traduction de deuxième ordre » ou une « traduction
mécanique » est-elle toujours mauvaise ?
 Quels sont les éléments objectifs qui autorisent les lecteurs et
les critiques à définir un texte littéraire traduit comme étant
une mauvaise traduction ?
 Actuellement, peut-on parler des traductions « laides et
infidèles » ou considérer que « presque toutes les traductions
effectuées avant [à] notre époque sont mauvaises » (Ortega y
Gasset [1937]1947, 427-448) ?

Les articles portent également sur :

 Les corrections effectuées, après la première publication, par


le traducteur lui-même ou par l’auteur, par d’autres
traducteurs ou d’autres écrivains.
 Les traductions qui estropient le style, le sens, etc., sur les
« belles infidèles » ou les « laides infidèles » contemporaines.
 La figure imparfaite du traducteur (il n’est pas au service de
l’étranger vs il est au service du lecteur d’arrivée ; il trahit
l’identité de l’Autre, en respectant son appartenance, le
Même ; il rajeunit ou régénère un texte d’arrivée, en vertu d’un
constat que la langue de traduction est plus périssable que la
langue de l’original (Benjamin).

7
Références bibliographiques

BENJAMIN, Walter. « Die Aufgabe des Übersetzers ». In : Gesammelte


Schriften, Bd. IV/1 : Kleine Prosa. Baudelaire – Übertragungen.
Frankfurt/Main, Suhrkamp, 1972 [1921] : 9-21.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BELLOS, David. Le poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la
traduction. Paris : Flammarion, 2012.
DERRIDA, Jacques. Qu’est-ce qu’une traduction « relevante ». Paris : Cahier
de l’Herne, 2005.
DU BELLAY, Joachim. La Défense et illustration de la langue française. Paris :
E. Sansot, 1905 [1549].
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2003.
FOLENA, Gianfranco. Volgarizzare e tradurre. Turin : Einaudi, 1991.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
NOUSS, Alexis. « Éloge de la trahison ». In : TTR : traduction, terminologie,
rédaction, Volume 14, numéro 2, 2e semestre, 2001 : 167-179.
ORTEGA Y GASSET, José. « La miseria y el esplendor de la traducción ». In :
Obras Completas, Tomo V. Madrid : Revista de Occidente, [1937] 1947: 427-
448.

Georgiana I. Badea
Gerardo Acerenza

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« De la traîtrise à la translucifération »

Inês OSEKI-DÉPRÉ
Université d’Aix-Marseille, CIELAM, France

La question-réponse qui est proposée à notre réflexion pourrait


sembler, à première vue, relativement simple à développer à ceci près
que la deuxième partie de la proposition introduit un élément d’ordre
éthique, alors qu’une mauvaise traduction correspondrait à des
critères historiques ou esthétiques.
En effet, des traductions pleinement satisfaisantes lors de leur
parution ont été rejetées le siècle suivant selon des critères
d’appréciation nouveaux et, à l’inverse, la réception négative d’une
traduction a pu se transformer en ovation posthume ou source de
nouvelles investigations. Après la constitution d’une traductologie
moderne (Berman, Meschonnic), on a pu ainsi relever toutes les
déformations traduisantes des œuvres latino-américaines traduites
dans les années 50 et, inversement, réhabiliter des traductions d’un
Hölderlin ou d’un Ezra Pound considérées fautives lors de leur
publication.
Question apparemment simple, elle s’avère en fait d’une
grande difficulté épistémologique. Il est indiscutable que la mauvaise
traduction ne se définit pas sans une idée claire de ce que serait une
bonne traduction. Les deux vont de pair.
Or, comme il est dit dans la présentation du colloque, selon
l’époque ou selon le penseur de la traduction, on en arrive à une
multitude d’approches forcément contradictoires qui définiraient la
bonne traduction.
Puisque la question a été abondamment étudiée, que l’on
trouve des propos aussi bien en faveur de la bonne traduction qui
serait « fidèle » au mot par mot (Derrida), ou d’une certaine façon
littérale (Benjamin, Berman) que du côté de la création et de la
présence du sujet traduisant (auteur) (Meschonnic), on tentera ici de
montrer que toute traduction traîtresse n’est pas forcément mauvaise
à condition qu’on définisse au préalable ce qu’on entend par trahison
et par traîtrise.

9
Car, si dans toute traduction il y a une part inhérente et
inévitable de « trahison » (= infidélité), il n’en va pas de même pour la
« traîtrise », qui possède une connotation plus forte (= perfidie) liée à
un comportement, à une attitude.
Ainsi, lorsqu’un traducteur du portugais du Brésil aussi notoire
que Jacques Thiériot s’attaque aux textes de Guimaraes Rosa, en
particulier à « Meu tio o Iauaretê », il est considéré comme tout à fait
créatif, sa traduction connaît un énorme succès auprès des
connaisseurs, on loue la musicalité de ses trouvailles, l’audace de ses
inventions, le rythme de sa traduction française où humour et jeux de
mots semblent faire bon ménage. Bref, sa traduction fait partie des
« bonnes traductions ». Or, il serait intéressant d’analyser la traîtrise
subliminale de Thiériot accessible aux seuls lecteurs bilingues : sa
traduction trahit l’original dans son point le plus sensible, ce que
Benjamin appelle : l’intention, das Meinen du texte.
En effet, comme des chercheurs l’ont montré, en sur-
interprétant l’original, en attribuant à l’Indien une personnalité
malfaisante et criminelle, la traduction de Thiériot joue sur le ton de
l’histoire, transforme un récit empreint de magie et de primitivisme en
quelque chose de vulgaire et banal, ce qu’il s’agira de démontrer.
En revanche, l’autre méthode traductive, celle qu’utilisent les
poètes brésiliens Augusto et Haroldo de Campos, tout en se fondant
sur la transformation, obtient une traduction de même intensité que
l’original, grâce à ce qu’Haroldo de Campos appelle
« l’isomorphisme ». Je l’illustre par la lecture des « Sirènes » par divers
traducteurs.
La traduction dont l’étymologie la rapproche de la tradition
(ainsi que de la trahison), toutes provenant de « tradere » (livrer,
emporter) est aussi, comme le souligne Antoine Berman (2008),
transmission de l’oralité qui n’est pas à confondre avec langue parlée
(Thiériot) mais qui se rapproche de la musicalité (les frères Campos).

Références bibliographiques

BENJAMIN, Walter. « La tâche du traducteur ». Traduit par Maurice de


Gandillac. Paris : Denoël, 1970.
BERMAN, Antoine. L’âge de la traduction. Paris : P.U.V., 2008.

10
CAMPOS, Haroldo de. « La traduction comme création et comme critique ».
Sao Paulo, 1962. Première publication française in : Change,
Traduire/transformer, 1972.
CAMPOS (DE) Haroldo, CAMPOS, Augusto de. Panaroma do Finnegans Wake,
S. P., Perspectiva, 1971.
DERRIDA, Jacques. « Qu’est-ce qu’une traduction relevante ? ». In : GRAHAM,
Joseph (dir.), Difference and Translation, Ithaca and London : Cornell
University Press, 1985 : 209-248.
GUIMARÃES ROSA, João. Mon oncle le jaguar (titre original : Meu tio o
Iauaretê). Traduction française de Jacques Thiériot). Paris : Albin Michel,
1998.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire, vol. IV. Lagrasse : Verdier, 1999.

11
La littérature francophone antillaise au péril de la traduction en anglais et
en espagnol

Raphaël CONFIANT
Université des Antilles

La littérature francophone antillaise a réussi à avoir une


audience internationale grâce à des écrivains de talent tels qu'Aimé
Césaire, Édouard Glissant ou encore Patrick Chamoiseau. Cette
audience lui a valu d'être traduite dans de nombreuses langues, y
compris des langues très éloignées de l’univers antillais telles que le
coréen ou le japonais. S’il est facile de comprendre les écueils auxquels
doivent faire face les traducteurs dans ces langues « exotique », plus
difficile est d’admettre qu’il en aille de même pour des langues proches
du français telles que l’anglais et l’espagnol lesquelles sont d'ailleurs
également parlées dans les Antilles. En effet, ces trois langues
européennes ont été déterritorialisées aux Amériques suite au
processus de découverte/conquête enclenché à partir de 1492 et se
sont progressivement nativisées, c’est-à-dire adaptées à leur nouvel
écosystème à la fois géographique, social et culturel. Il existe désormais
des variétés d'anglais « nord-américain », d’espagnol « sud-américain /
antillais » et de français « antillais », chose qui aurait dû pouvoir faciliter
la tâche des traducteurs des textes littéraires émanant de cette région
du monde et plus particulièrement des Antilles. En effet, tant à Cuba
(hispanophone) qu’à Trinidad (anglophone) qu’en Haïti (créolophone)
qu’en Martinique (francophone) a régné durant trois siècles un système
socio-politique généralement appelé « société de plantation »,
largement fondé sur l’institution esclavagiste, système qui a produit des
référents culturels assez similaires d’une île à l’autre.
Comment donc expliquer qu’en dépit de cette proximité
culturelle, les œuvres littéraires antillaises écrites en français soient
maltraitées lorsqu’elles sont traduites en anglais ou en espagnol ?
Qu’est-ce qui fait obstacle ? Serait-ce la plus ou moins grande

12
nativisation des langues européennes ? L’existence ou non de parlers
créoles ? La soumission (inconsciente ou consciente) des traducteurs
aux normes linguistiques européennes ? À travers quelques exemples
d’erreurs graves de traduction de Césaire, Glissant et Chamoiseau, nous
tenterons de dessiner les contours de ce qui peut être considéré comme
une « mauvaise traduction » en nous situant d'emblée dans une
perspective proche de celle d’Henri Meschonnic.

13
Les interventions du traducteur dans le texte, ou comment rendre une
traduction… mauvaise

Gerardo ACERENZA
Université de Trente, Italie

Lui non tornò più est le titre de la traduction italienne du


célèbre roman Maria Chapdelaine de Louis Hémon, publié en 1954 aux
« Edizioni Paoline ». Encore aujourd’hui, on ne possède pas
d’informations sur le traducteur, nommé simplement Melitta. S’agit-il
d’un homme ou d’une femme ? Melitta c’est un patronyme ou bien
s’agit-il d’un prénom féminin ? A-t-il (elle) traduit d’autres textes de la
littérature canadienne-française ?
La lecture du premier chapitre de cette traduction suffit pour
constater que le traducteur (ou la traductrice) propose une version
vraiment originale du célèbre Récit du Canada français et cela on le
comprend dès le titre. Au cours des 23 pages qui constituent le premier
chapitre, beaucoup plus court que celui du texte de départ, l’auteur de
cette traduction s’insinue maintes fois dans le texte (15 fois), en
ajoutant sa voix à celle de Louis Hémon à l’aide de segments
phrastiques de longueurs variables insérés, le plus souvent, dans des
parenthèses, mais également dans le texte sans balises
typographiques.
D’un côté, ces projections du traducteur rendent le texte
d’arrivée hybride et polyphonique et gomment la force expressive de
la langue de Louis Hémon, car le traducteur (–trice) prend la place de
l’écrivain et s’y substitue. De l’autre, les commentaires du traducteur
proposent de fausses piste d’interprétation et de compréhension de la
réalité canadienne-française de l’époque. De la sorte, par ses
commentaires, le traducteur fragilise la cohérence du texte. Par
exemple, lorsque Louis Hémon évoque la municipalité de « Saint-
Prime » (1946, 23), qui se trouve sur les rives du Lac-Saint-Jean au
Québec, le traducteur ajoute entre parenthèses qu’il s’agit d’un grand
village, à 300 km de Péribonka : « […] è tornata dal suo soggiorno
presso i parenti a San Primo (un grosso centro quasi civile e distante
300 km da Peribonka) » (1954, 13). Or, dans les années vingt, « Saint-
Prime » n’était pas du tout un « gros centre » (aujourd’hui 2.500

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habitants, beaucoup moins à l’époque !) et il se trouvait et se trouve
encore de nos jours à presque 80 km de distance de Péribonka. Cette
« parolisation (explicitation) » (Ladmiral 2004, 25) est-elle nécessaire ?
Les exemples de ce genre sont, hélas, nombreux. De plus,
Melitta ne rend pas en italien les caractéristiques lexicales et
syntaxiques du texte de départ, ne traduit pas plusieurs parties du
texte, en allant jusqu’à gommer parfois une phrase ou une suite de
phrases jugées inutiles, les prénoms de plusieurs personnages du
roman sont également modifiés.
Notre objectif est d’analyser la nature et la fonction des
nombreuses interventions du traducteur (de la traductrice) dans le
texte d’arrivée. Pourquoi intervient-il (elle) si fréquemment en
affichant sa visibilité dans le texte d’arrivée ? Peut-on dire que les
stratégies mises en œuvre par Melitta dénaturent le texte original et
que Lui non tornò più est une « mauvaise traduction littéraire » ? Les
nombreux écarts qui existent par rapport au texte de départ
autorisent-ils à considérer cette traduction dans la tradition des
« belles infidèles » ?

Références bibliographiques

HEROUX, Raymonde. « Maria Chapedelaine : best-seller made in France ». In :


Nicole DESCHAMPS, HÉROUX, Raymonde, VILLENEUVE, Normand (sous la
direction de), Le mythe de Maria Chapdelaine. Montréal : PUM, 1980 : 67-
138.
HEWSON, Lance. « L’adaptation larvée : trois cas de figure ». Palimpsestes, no
16, 2004 : 105-116.
LADMIRAL, Jean-René. « Lever de rideau théorique : quelques esquisses
conceptuelles ». Palimpsestes, no 16, 2004 : 15-30.
LEBLANC, Charles. Le Complexe d’Hermès. Regards philosophiques sur la
traduction. Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, 2009.
VENUTI, Lawrence. The Translator’s Invisibility. A History of Translation.
Londres et New York : Routledge, 1995.

Corpus

HEMON, Louis. Maria Chapdelaine. Récit du Canada français. Montréal :


Fides, 1946 [1921].
HEMON, Luigi [sic]. Lui non tornò più, [Trad. di Melitta]. Vicenza : Edizioni
Paoline, 1954.

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Le sérieux de la mauvaise traduction. À propos des versions roumaines
du roman Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas

Georgiana I. BADEA
Université de l’Ouest de Timisoara, Roumanie

Au XIXe siècle, Alexandre Dumas père est le favori des


traducteurs roumains (Lungu-Badea 2006). Sa littérature ne cesse pas
de charmer le goût et l’esprit des traducteurs, éditeurs et lecteurs des
XXe et XXIe siècles (Lungu-Badea et al. 2017). Les traductions et les
retraductions, tout comme les nombreuses rééditions attestent-elles
l’intérêt du public roumain pour la littérature dumasienne ? S’agit-il
plutôt, par ces traductions consécutives, d’une tentation de réviser les
traductions antérieures, mauvaises ou datées ? Est-il question de
qualité de la traduction ou de changement de l’horizon d’attente du
lecteur roumain ? Notre objectif est donc de donner, d’abord, un aperçu
de l’esthétique de la réception afin de contextualiser ce qu’on pourrait
nommer l’esthétique et la réception de la « bonne mauvaise
traduction ». En comparant les critères selon lesquels une traduction est
considérée soit bonne, soit mauvaise, nous tâchons d’illustrer leur
relativité.
À ces fins, nous nous appuyons sur le roman d’Alexandre Dumas,
Les Trois mousquetaires et sur trois versions en roumain, datant de
1857, 1956, 2009 (voir le Corpus pour les références bibliographiques
des textes cibles (TC)). L’analyse comparée des traductions de ce roman
ne vise pas à piétiner des lieux communs tels que la langue et les
principes de traduction, ou des platitudes sur l’horizon d’attente du
public cible (PC) évoluant d’un siècle à l’autre. Son objectif principal est
de montrer que de la même évolution est atteint l’horizon d’attente des
critiques de la traduction.
La problématique de l’évaluation de la justesse d’une traduction,
y compris de son exactitude et de sa lisibilité, suppose comme
accomplis/acquis les critères objectifs concernant la rigueur : des
aspects linguistique et grammatical, de l’exactitude sémantique et
stylistique, culturelle et pragmatique. Le poids de ces facteurs est
incontournable dans l’appréciation qualitative d’une traduction.
Néanmoins, conclure qu’une traduction est bonne parce qu’elle donne

16
l’impression d’avoir été rédigée dans la langue de la traduction, c’est
réduire en miettes l’idiolecte de l’écrivain traduit, l’exotisme du texte
source (TS), c’est l’acclimater, le relocaliser, etc. (Hartmann, Benjamin,
Meschonnic, Berman, etc.). Tout cela pour que le lecteur ne soit pas
appelé à relire une phrase ou à s’arrêter pour réfléchir. Donc, une
mauvaise traduction :

 restitue le TS tantôt mot à mot, tantôt l’interprète,


 n’est pas fidèle au TS,
 ne tient pas compte des facteurs tels que le public, le contexte
et le sujet,
 méprise l’histoire, la culture d’origine,
 méconnaît le thème, le sujet traité dans le texte,
 utilise une langue cible datée,
 donne l’impression qu’elle n’est pas une traduction, mais un
texte directement rédigé en langue cible, par un auteur de la
langue cible,
 produit un autre effet chez le lecteur cible que celui que le TS
éveille chez le lecteur source (est-ce un défaut ? tous les lecteurs
source accusent le même effet ?),
 ignore le PC et ses attentes, l’auteur, le TS et leurs intentions.

Cependant, au long de l’histoire, les critères d’évaluation de la


qualité d’une traduction ont évolué et changé selon les intérêts des
commanditaires ou ceux des éditeurs, selon des idéologies, politiques
et censures. Ce qu’on a considéré bonne traduction – la Bible de King
James, celle de Luther, la version que donne Amyot des Vie parallèles
de Plutarque, les traductions de Perrot d’Ablancourt, les Mille et Une
nuit d’Antoine Galland, Goethe dans la version de Lermontov, Poe dans
la version de Baudelaire, etc. – à une certaine époque, est devenue
mauvaise, infidèle peu de temps après. Et inversement.
Dans notre étude, en nous rapportant donc à la doxa traductive
de chaque époque, nous ferons valoir les critères d’évaluation en usage,
évitant, dans un premier temps, tout traitement anachronique. Ensuite,
si l’on le pratique, ce n’est que pour mettre en miroir les mentalités
critiques en vigueur, et non pas pour invalider les choix traductifs opérés
à des moments historiques différents (1857, 1956, 2009) dans un même
espace géographique et linguistique. Nous verrons ainsi que chacune

17
des époques concernées se caractérise par des consentements à la
perte. Par le truchement de la comparaison des trois versions
roumaines à l’original, on constatera que ce n’est pas une question de
mauvaise compréhension, ni de méthode inappropriée qui ferait
tomber les TC de 1857 et de 1956 dans un manque de clarté ou, aussi
pire, dans l’altération de l’intention sémantique du TS, etc. Ces trois
versions – de B. B., Archip et Lehrer, Zavastin – représentent trois siècles
auxquels correspondent trois étapes de l’évolution du roumain
littéraire, trois perspectives/conceptions traductives, trois attentes
mentalitaires et sociétales et, non pas dernièrement, trois réceptions de
l’univers discursif de Dumas-père (Neț 2008, 15).
S’il fallait résumer l’impact d’une (supposée) mauvaise
traduction littéraire selon le nombre de rééditions, alors, la dernière
version en date, celle de 2009, rééditée en 2011, se situerait au premier
rang. On est d’accord que les retombées d’une mauvaise traduction
littéraire pourraient être désastreuses pour un auteur, cependant d’une
mauvaise traduction on peut recueillir des avantages, tout comme en
peut recueillir d’une bonne, mais d’une autre nature pourtant : elle
instigue à la retraduction.
Nous conclurons sur les causes des différentes formes
d’entropies susceptibles de caractériser une mauvaise traduction qui
pourrait « voile[r] ce que [le texte] était censé […] évoquer sous prétexte
qu’il faut respecter l’ambiguïté de l’original » (Margot 1978, 158). Ces
entropies sont déterminées par une variable hospitalité langagière,
aiguillonnée d’un désir de (re)traduire des œuvres dont les traductions
vieillissent, parce qu’elles meurent (Meschonnic). Bonne, mauvaise,
médiocre, noble… Comment différencier les traductions ? Si l’on
considérait « bonne traduction » une traduction dite « objective » dans
la compréhension et subjective dans la réexpression, une mauvaise
traduction serait-elle subjective dans la compréhension et objective
dans la réexpression ? L’auteur et son traducteur spéculent leur
subjectivité dans la réexpression ; les lecteurs dans la réception. Par
surcroît, cette subjectivité d’expression n’est pas uniquement
interlinguistique, mais aussi intralinguistique (Derrida 1996). La
relativité des critères d’évaluation traductive témoigne de la
discrimination que l’examinateur – lecteur ou critique – s’emploie à
pratiquer.

18
Références bibliographiques sélective

BADEA, Georgiana I., CONSTANTINOVICI, Simona. « Traducerea de la rescriere


și reeditare la retraducere. Câteva observații cu privire la trei traduceri
(secolele al XIX-lea – al XXI-lea) din Les Trois mousquetaires de Alexandre
Dumas ». Analele Unviersității de Vest; Seria Filologie, Timișoara, 2017 (à
paraître).
*** Bibliografie analitică a limbii române literare. 1780-1860. Bucureşti:
Editura Academiei R.S.R., vol. I, 1966, vol. II, 1972.
DERRIDA, Jacques. Le Monolinguisme de l’autre ou la prothèse d’origine. Paris :
Éditions Galilée, 1996.
DERRIDA, Jacques. Qu'est-ce qu'une traduction relevante ?. Paris : Carnets de
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NEȚ, Mariana. Alexandre Dumas. Écrivain du XXIe siècle. L’impatience du
lendemain. Paris : L’Harmattan, 2008.

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Alexandre DUMAS
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Les Trois mousquetaires. Paris : Éditions Baudry, 1844.
Ceǐ treǐ musquetarǐ (TC1). Traducere din fraçosesce de B. P. Parté întîǐ illustrata
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Cei trei muschetari. Traducere de Ticu Archip și Milton Fanny Lehrer, 1956
(TC2). 19 rééditions : 1959 et 1969, Editura Tineretului ; 1964, Editura pentru
Literatură ; 1969, Editura Albatros ; 1988, Editura Facla, Timişoara ; 1992,
Editura Helicon, Timişoara, Editura Eden, Bucarest et Editura Porto-Franco ;
1993, editura Hyperion, Chișinău ; 1997, Editura Vizual, București ; 1999 et
2000, Editura 100+1 Gramar ; 2000, 2002, 2014, Editura Cartex ; 2001, Editura
Regis et Drago Print ; 2016, Editura Litera.
Cei trei muschetari. Traducere de Marius Zavastin, 2009 (TC3), București :
Adevărul Holding. Réédition en 2011.

19
Le style d’un « co-auteur » et la question de « la trahison » en
traduction littéraire ; sur les traductions de The Waves de Virginia
Woolf, de Marguerite Yourcenar à Michel Cusin

Hamza BALI
Université Echahid Hamma Lakhdar Eloued, Algérie

Dans le travail du traducteur, la création, dans son sens


linguistique, vise une fidélité au texte source. Il s’agit d’une
reproduction du travail créatif de l’auteur. Le traducteur en tant que co-
auteur joue le rôle d’un médiateur entre deux langues et deux cultures.
S’il est vrai qu’il limite sa tâche seulement à une sorte de médiation, la
question qui se pose est : Où se situe donc « la trahison » en traduction
littéraire ? Loin de son statut ontologique, il se trouve qu’une forme de
cette « trahison » réside dans l’effort de ce co-auteur à s’approcher, le
plus fidèlement possible, de l’entourage culturel et social du lecteur
cible, afin de lui faire parvenir le contenu du texte original et de
satisfaire ses attentes qui ne ressemblent pas forcément à celles du
lecteur original. De ce fait, résoudre les difficultés liées à la traduction
dépasse largement la question d’une compétence linguistique
permettant la traduction d’une langue à une autre, il s’agit aussi d’une
compétence d’ordre culturel, social, historique, etc.
Dans cette étude, nous nous intéressons à une œuvre qui a été
traduite au moins trois fois. La première est celle de Marguerite
Yourcenar en 1937, puis celle de Cécile Wajsbrot et enfin celle de Michel
Cusin en 2012 ; « The Waves » de Virginia Woolf1. Ce roman a connu un
grand succès littéraire dès son apparition à cause de sa forme
particulière et de sa composition méticuleuse. C’est en comparant en
particulier les deux traductions de Marguerite Yourcenar et Michel
Cusin, que nous étudions le style d’un co-auteur et son rapport à la
question de la trahison traductive. À travers cette réflexion, nous
mettons à l’épreuve la question de « la trahison » en traduction littéraire
et sa relation avec la figure du traducteur. Nous montrerons ainsi qu’elle
ne désigne pas seulement la mauvaise traduction. En comparant les
deux traductions du roman Les Vagues, de Virginia Woolf, nous
explorons une piste de recherche qui consiste à voir si, en s’engageant
1
Roman publié en 1931.

20
aussi loin dans le texte littéraire, le traducteur ne se trouve pas dans une
sorte de « trahison salvatrice » qui réponde en partie à ce qu’il a ressenti
lors de sa lecture du texte original ?
Nous proposons dans cette communication une réflexion qui
part d’une hypothèse à travers laquelle nous vérifions la question de la
figure du traducteur et le style d’un co-auteur en comparant deux
traductions. D’une part, celle de Marguerite Yourcenar où il s’agit avant
tout d’une romancière qui a vécu à l’époque de l’auteur du roman et l’a
côtoyée, ce qui a donné à la traduction un aspect d’engagement
beaucoup plus littéraire. Nous pouvons même préciser beaucoup plus
en nous intéressant à la toute première phrase du roman. Un exemple
qui illustre parfaitement la différence entre les deux traductions:

« The sun had not yet risen. The sea was indistinguishable from the
sky, except that the sea was slightly creased as il a cloth had wrinkles
in it. ».

Yourcenar a traduit le texte en commençant ainsi :

« Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé


confondus sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures
d’une étoffe froissée. » (1937).

Et la traduction de Cusin commence ainsi :

« Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer ne se distinguait pas du


ciel, sauf que la mer se plissait légèrement comme si une étoffe avait
des rides. » (2012).

Loin d’une simple traduction, il se trouve que la traduction de Yourcenar


soit en grande partie une sorte de compte-rendu de sa rencontre avec
le texte, mais aussi avec l’auteur. Par contre, la traduction de Cusin part
d’une simple vision d’un traducteur qui se trouve tout simplement
devant un texte à traduire. Cette différence dans les deux traductions
nous ramène par la suite à analyser la question de la trahison dans la
traduction littéraire ; s’agit-il d’une trahison dans la traduction
littéraire ? Et quelle est la traduction la plus pertinente dans ce cas ? Et
cela nous conduit à évoquer la question de « la traduction infinie »,
soulevée récemment par de nombreux écrivains traducteurs.

21
C’est dans cette différence que nous nous enfonçons dans notre
réflexion afin de parvenir à cerner la question du rapport entre le style
d’un co-auteur et la trahison en traduction littéraire. Nous précisons
qu’il s’agit d’une hypothèse à vérifier et à laquelle nous réfléchissons
pour parvenir à cerner un champ de recherche qui pourrait être fort
utile dans le domaine de la traduction littéraire.

Références bibliographiques

BENJAMIN, Walter. « La tâche du traducteur ». In : Walter Benjamin, Œuvres


1. Traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre
Rusch. Paris : Gallimard, 2000 : 244-262.
BERNARD, Catherine. Virginia Woolf, Essais choisis, Traduction nouvelle. Paris :
Gallimard, 2015.
FOUCRIER, Chantal, MORTIER, Daniel (Textes réunis et présentés par).
Frontières et passages. Rouen : Publications de l’Université de Rouen, 1998.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier Poche, 2012.
OUSTINOFF, Michael. La traduction. Paris : PUF, 2003.
POIGNAULT, Rémy, CASTELLANI, Jean-Pierre (Textes réunis par). Yourcenar,
Marguerite. Écriture, réécriture, traduction, Actes du colloque de Tours. Tours :
Siey, 2000.
RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
SMITH DI-BIASIO, Anne-Marie. Virginia Woolf, La hantise de l’écriture. Paris :
Indigo, 2014.
UMBERTO, Eco. Dire presque la même chose, Expériences de Traduction.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.

22
Affaiblissement et effacement de la focalisation dans la traduction en
italien de la phrase clivée française : un exemple de « mauvaise
traduction littéraire » ?

Alberto BRAMATI
Université de Milan, Italie

La phrase clivée est l’un des dispositifs de la rection (Blanche-


Benveniste 2002) les plus utilisés en français pour mettre en relief un
élément de la phrase : la structure « [ce + Vêtre] ... [(qui+que)] » permet
de déplacer en tête de phrase l’un des éléments  sujet, objet, ajout,
mais aussi certaines propositions subordonnées  qui sont régis par le
verbe principal. Ce dispositif existe aussi en italien (frase scissa) car la
structure « [Vessere] ... [che] » permet en principe d’extraire et de
mettre en relief les mêmes éléments de la phrase. La traduction en
italien de la phrase clivée française ne devrait donc poser aucun
problème au traducteur. En fait, la pratique de la traduction montre au
contraire que, dans de nombreux cas, la phrase clivée française n’est
pas reproduite telle quelle en italien, les traducteurs italophones
préférant avoir recours à d’autres solutions (postposition du sujet,
antéposition de l’objet direct, phrase pseudo-clivée, mais aussi la
simple omission de tout dispositif de mise en relief).
Notre étude exploite un large corpus parallèle bilingue
(français-italien) de phrases clivées (500 ex. environ) tirées de textes
littéraires contemporains en prose (romans, nouvelles, pièces de
théâtre). Les données collectées nous ont permis, d’un côté, de
dresser la liste des éléments régis qui sont les plus fréquemment
extraits en français ; de l’autre, d’identifier pour chaque élément
extrait les différentes solutions que les traducteurs ont adoptées pour
traduire la phrase clivée en italien. Il en ressort qu’à côté de solutions
qui reproduisent exactement la focalisation présente dans le texte
source – c’est le cas, par exemple, de la variante propre à l’italien de
l’extraction du sujet « è N0 a Vinf » –, d’autres solutions soit
affaiblissent la focalisation originale – c’est le cas de l’antéposition en
tête de phrase de compléments de lieu ou de temps ayant la fonction
d’ajouts au verbe –, soit l’effacent complètement, en normalisant ainsi
la structure de la phrase italienne (dispositif direct). S’agit-il pour

23
autant d’une « trahison » du texte source, et donc d’une « mauvaise
traduction littéraire » ? Pour répondre à cette question, notre
intervention se propose de montrer :

1) quelles sont les solutions que les traducteurs italophones


choisissent généralement pour traduire les différents types de
phrases clivées qu’ils rencontrent dans les textes français ;
2) quels sont les types de phrases clivées qui sont les plus
fréquemment traduits en italien par des solutions qui soit
affaiblissent soit effacent complètement la focalisation présente
dans le texte source ;

et de vérifier :

3) si ces solutions qui ne reproduisent pas la focalisation du texte


source tiennent à un problème grammatical ou à un choix purement
stylistique du traducteur. Dans un cas comme dans l’autre, peut-on
vraiment parler d’une « mauvaise traduction » lorsque la phrase
italienne ne reproduit pas la focalisation qu’exprime la phrase clivée
en français ? Si les contraintes grammaticales semblent justifier la
perte qu’on constate dans le texte cible, les choix stylistiques sont-ils
vraiment tout à fait libres ? Ne sont-ils pas soumis, eux aussi, à des
règles d’usage qui imposent quelquefois des solutions qui, bien
qu’imparfaites, sont ressenties par le traducteur comme plus
« naturelles », et donc plus « justes » ? En d’autres mots, la
suppression d’une focalisation au profit d’une expression plus
« orthonymique » (Chevalier, Delport 1995) dans la langue cible
autorise-t-elle à définir une traduction comme une « mauvaise
traduction littéraire » ?

Nous définissons donc la phrase clivée comme un « dispositif


de la rection » (Blanche-Benveniste 1990, 2002, 2006), dont
l'équivalent en italien est la frase scissa (Frison 2001, Panunzi 2011).
Prenant comme point de départ un corpus parallèle français-italien de
texte littéraires contemporains, nous nous proposons d’étudier
comment les traducteurs professionnels italophones traduisent les
différents types de phrases clivées. Puisqu’il arrive souvent qu'une
phrase clivée soit traduite en italien par une solution qui, soit affaiblit,
soit efface la focalisation présente dans le texte source, il s’agira
d'abord de définir exactement quels sont les types de phrases clivées

24
dont l'effet de focalisation n'est le plus souvent pas reproduit en italien
et, ensuite, d'essayer de comprendre pour quelle raison les
traducteurs professionnels préfèrent soit affaiblir, soit effacer cet effet
– y a-t-il un problème grammatical ? Y a-t-il un problème
d’« orthonymie » (Chevalier et Delport, 1995) ? Y a-t-il un problème
mélodique-rythmique ? Et dans ces cas, compte tenu du contexte
d’emploi de la clivée ainsi que du style de l’œuvre, est-ce qu’on peut
toujours parler d’une « mauvaise traduction littéraire » ? C’est à ces
questions que nous allons essayer de donner une réponse.

Références bibliographiques

BLANCHE-BENVENISTE, Claire. « Auxiliaires et degré de “verbalité” ». In : Syntaxe


et sémantique, n. 3, 2001 : 75-97.
BLANCHE-BENVENISTE, Claire. « Macro-syntaxe et micro-syntaxe : les dispositifs
de la rection verbale ». In : Hanne Leth Andersen & Henning Nølke (éds.).
Macro-syntaxe et macro-sémantique. Bern : Peter Lang, 2002 : 95-118.
BLANCHE-BENVENISTE, Claire. « Les clivées françaises de type : C’est comme ça
que, C’est pour ça que, C’est là que tout a commencé ». In : Moderna Sprak,
100, 2006 : 273-87.
BLANCHE-BENVENISTE, Claire et alii. Le français parlé. Études grammaticales.
Paris : Éditions du C.N.R.S., 1990.
CHEVALIER, Jean-Claude, DELPORT Marie-France. L’horlogerie de Saint Jérôme.
Problèmes linguistiques de la traduction. Paris : L’Harmattan, 1995.
FRISON, Lorenza. « Le frasi scisse ». In : L. Renzi (a c. di), Grande grammatica
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Bologna : Il Mulino, 2001 : 208-39.
PANUNZI, Alessandro. « Scisse, frasi ». In : Enciclopedia dell’italiano, Roma :
Istituto dell’Enciclopedia Italiana, 2011 : 1284-1287.

25
La mauvaise traduction : une question d'incohérence(s). Autour de La
Métamorphose de Kafka

Jean-Jacques BRIU
Université Paris Nanterre, France

Nous nous proposons d’étudier les questions de traductologie


posées, en particulier celles des caractères d’une « mauvaise
traduction littéraire », en référence à la traduction en français de Die
Verwandlung de Kafka par Alexandre Vialatte.
Cette traduction nous paraît fournir un cas exemplaire de
« mauvaise traduction » et de riche document pour les traductologues.
En 1938, A. Vialatte publie la première traduction française du récit de
Kafka (1915, Leipzig) ; jusqu’en 1988, durant 50 ans, le public
francophone ignorant l’allemand n’a disposé que de cette seule et
unique traduction exploitée dans diverses collections par la NRF et
Gallimard ; depuis 1988, le texte de Kafka est entré dans le domaine
public et neuf nouvelles traductions ont été produites. La question –
problématique – de l’exclusivité des droits de traduire n’est pas la
seule posée. Vialatte a toujours passé pour un vrai et un bon
traducteur de l’allemand, déjà du fait qu’il a traduit une dizaine
d’œuvres, certaines très connues, d’auteurs connus, entre 3000 et
4000 pages au total. Or La Métamorphose est, incontestablement, une
mauvaise traduction que Vialatte (puis ses ayant droits) n’a jamais
voulu corriger.
Elle en présente, en effet, bien des caractéristiques négatives ;
celles concernant le lexique (erreurs de sens, fréquences d’emploi,
oublis, ajouts notoires) sont objectives et comptabilisables : ainsi
Vialatte « oublie » de traduire près de 800 mots du texte allemand, y
« glisse » 700 mots qui ne s’y trouvaient pas, « Grégoire », le nom du
héros, apparaît 61 fois de moins que Kafka n’avait écrit « Gregor », et
« sœur » 38 fois de moins que « Schwester » ; comment avoir pu faire
de « un quart d’heure de labeur » « quatre heures à la besogne » ;
comment avoir pu transformer « quelques meubles » en « quelques
morceaux de bois » et à la dernière page « tous ces tourments » en…
« crèmes de beauté » ? Erreurs, trahisons et escroqueries assurément.
Mais il est aussi des caractéristiques d’ordre syntaxique et sémantique

26
qui modifient immédiatement l’expression et qui sont de type, dira-t-
on, « stylistique » (mais qu’est-ce au juste que le style ?) ;
secondairement, on y décèlera des éléments qui, au fil du texte,
déconstruisent, modifient, reconstruisent autrement le récit, lui
conférant une autre coloration, impression, interprétation (parlera-t-
on alors de « style » différent ou de signification globale différente ?)
jusqu’à l’aliénation, la trahison ? De tels éléments, ainsi que leurs effets
induits (par gauchissement, gommage, déraillement, connotations)
sont jugés plutôt qualitatifs ; leur perception est souvent intuitive,
diffuse, globale. Retrouve-t-on dans le texte de Vialatte la monotonie,
l’affectivité, l‘ironie, l’humour, voire le comique que contient le texte
de Kafka ? La traduction est-elle « mauvaise » quand elle ne les restitue
pas ou mal ? quand l’addition des erreurs, par excès ou par défaut,
devient trop importante ?
Nous soulignerons qu’il n’est pas de traduction qui duplique,
reproduit dans une autre langue, standardise de façon neutre un
changement de langue ; car il s’agit bien toujours d’un changement de
texte et de public, de lecteur. Une traduction ne cesse pas d’être
relative à divers repères : d’abord un auteur, puis un traducteur qui
chacun dans une situation donnée produit un texte dans une langue
différente, enfin un lecteur qui dans une autre situation donnée crée
dans l’autre langue un autre texte. Par conséquent, il n’y a pas identité,
reproduction, simple changement entre des systèmes linguistiques qui
seraient équivalents et réversibles – mais similarité, correspondance,
proximité, approximation ; leur évaluation est « mauvaise » si elle est
inexistante, faible, non cohérente. Il y a irréductiblement du
« presque » pour reprendre Eco, mais c’est toujours du « presque
quelque chose » de donné par l’auteur ; « presque » parce que l’auteur
et sa langue sont particuliers, autres, étrangers par rapport au
traducteur et qu’ils font chacun, au sens de Meschonnic, un texte dans
une situation donnée…
Pour le lecteur français de La Métamorphose qui ignore la
langue de l’original, il n’y avait qu’un texte, bon ou mauvais : c’était
celui de Vialatte. Il y a été réduit, condamné durant 50 ans. Seul le
lecteur bilingue – dont le traductologue – comparant les deux textes,
l’original et sa traduction, pouvait dire dans quelle mesure cette
dernière était « mauvaise ». Depuis 1988, les traductions se sont
rapidement multipliées : le lecteur non germanophone en a dix à sa

27
disposition qu’il peut lire et comparer. Les traductologues, eux, ont
onze textes… et bien plus de questions.

Références bibliographiques

BALLARD, Michel. De Cicéron à Benjamin : Traducteurs, traductions,


réflexions. Lille : Presses universitaires du Septentrion, 2007.
BRIU, Jean-Jacques. « Le “ style “/der “Stil” au 18e et 19e siècle : contribution
à l’analyse du contenu sémantique d’un concept ». In : Große, Hennemann,
Plötner, Wagner (eds) 2012 : 97-108. Angewandte Linguistik. Entre théories,
concept et la description des expressions linguistiques. Bern, Berlin, NY : Peter
Lang, 2013.
BRIU, Jean-Jacques. « Stilistik » [Stylistique] : contribution à l’histoire d’une
notion anthropologique ». In : Behr & Henninger, P. (eds)., Mélanges N.
Fernandez-Bravo. Paris : L’Harmattan, 2005 : 213-225,
CHEVREL, Yves, D’HULST, Lieven, LOMBEZ, Christine (dir.). Histoire des
traductions en langue française. Dix-neuvième siècle. Paris : Verdier, 2012.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2003.
LAUNAY, Marc de. Qu'est-ce que traduire ? Paris : Vrin, Coll. Chemins
philosophiques, 2006.
MESCHONNIC, Henri. Critique du rythme. Anthropologie historique du
langage. Lagrasse : Édition Verdier, Coll. « Verdier poche », 2009 [1982].
RASTIER, François. « La traduction : interprétation et genèse du sens ». In :
Marianne Lederer et Fortunato Israël (éds), Le sens en traduction. Paris :
Minard, 2006. En ligne: hhttp:// www. revue-texto. net/ Lettre/
RastierTraduction.pdf

Corpus

KAFKA, Franz. La Métamorphose. Traduction et introduction de Jean-Jacques


Briu, édition bilingue) Paris : Éditions du Franc-Dire, 1988.

28
De la fidélité comme standard pour une mauvaise traduction

Miloud BOUKHAL
Centre universitaire Salhi Ahmed de Naama, Algérie

Il est de coutume dans les recherches concernant la traduction


de vouloir répondre à la question sempiternellement posée : Qu’est-
ce qu’une bonne traduction ? Est-il de ce fait pertinent de vouloir savoir
qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ?
Nous trouvons, peut-être, la réponse chez Eugene Nida qui dit
à ce propos : « What is a good translation ? » (2003, 173). Lorsqu’il
évoque The Ultime basis for Judging a Transaltion, il la relie par
opposition logique à la mauvaise traduction. Il formule une
interrogation qui le hante : « What is a good translation? Perhaps we
can answer this question by contrasting a good translation with bad
translation ... » (Nida et Taber 2003, 173).
Cela veut dire qu’essayer de connaitre le profil d’une mauvaise
traduction littéraire n’est pas une fin en soi mais c’est seulement pour
dégager les traits de ce que c’est qu’une bonne traduction, par
contraste. Aussi, nous pensons que le critère sur lequel tout le monde
est d’accord parmi ceux cités pour atteindre la bonne traduction, est,
sans nul doute, la fidélité. Cette dernière est la clé de voûte de toute
réflexion sur la traduction. C’est dans cette optique qu’Edmond Cary
affirme que : « La fidélité à l’original, principe invariablement proclamé
par tous les traducteurs et qui n’en mène pas moins aux plus
étonnantes contradictions, est sans doute la notion centrale du débat
autour de la traduction et dont chaque siècle exhume à nouveau le
dossier. » (cité par Xu Jun 1990, 45).
Le manquement à atteindre cette fidélité constituerait une des
plus grandes raisons pour qu’une traduction soit mauvaise.
Dans sa théorie sur la traduction, Yan Fu1 évoque trois
principes : faithfulness, expressivness et elegance (Zhang 2013). Il met
alors la fidélité en tête parmi ces trois critères pour une bonne
traduction. Mais nous pensons que les deux autres critères

1
Yan Fu, né le 8 janvier 1854 et mort le 27 octobre 1921, est un écrivain chinois de
la période moderne. Ses traductions d’œuvres philosophiques occidentales ont
exercé une grande influence sur le mouvement intellectuel en Chine (v. Wikipédia).

29
contribuent seulement à garantir la première. Car il le dit à propos de
l’expressivité: « All these efforts are required for the translation to be
expressive, so as to be faithful. » (Zhang 2013, 182)
Mais au fait, qu’est-ce que la fidélité en traduction chez ce
traducteur ? Selon Zhang la fidélité ou faithfulness pour Yan Fu c’est :
« to remain true to the original text. If a translator adds something or
spices up the content at will, it is a rewriting rather than translation »
(Zhang 2013, 183). Dans un autre horizon nous trouvons d’autres
définitions pour cette notion. En Europe, par exemple, la fidélité a
connu plusieurs acceptions selon ceux qui se sont intéressés à la
traduction. Se mettant dans ce que Berman appelle la position
traductive, les théoriciens, depuis Cicéron, ont évoqué la fidélité
comme un objectif suprême à atteindre. Les sourciers considèrent
qu’être fidèle, c’est de conserver l’étrangeté du texte étranger. Et les
ciblistes estiment que la traduction ne devrait pas sentir la traduction.
Ce tiraillement entre fidélité comprise comme littéralité et trahison
admise comme liberté, existe bel et bien dans le monde de la
traduction, ce qui a amené des traductologues comme Berman à
affirmer que : « il est vrai que, dans ce domaine la traduction, il est
sans cesse question de fidélité et de trahison. » (Berman 1995, 15).
Pour étayer notre exposé sur cette notion, on va prendre des
exemples de la traduction du roman À quoi rêvent les loups de Yasmina
Khadra faites en arabe par Amine Zaoui pour avoir une idée sur le profil
idéal d’une mauvaise traduction littéraire.

Références bibliographiques

BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger, Culture et traduction dans


l’Allemagne romantique. Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt,
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GOUADEC, Daniel. Comprendre et Traduire. Paris : Bordas, 1974.
JUN, Xu. « Réflexions sur les études des problèmes fondamentaux de la
traduction ». In : Meta vol. 44, no.1, 1999 : 44–60.
LADMIRAL, Jean-René. Traduire, théorèmes pour la traduction. Paris :
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LEDERER, Marianne, SELESKOVITCH, Danica. Interpréter pour traduire.
Quatrième édition revue et corrigée, Paris : Didier érudition, Klincksiek,
Collection traductologie, 2001.

30
MOUNIN, Georges. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
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NIDA, Eugene, TABER, Charles. The Theory and Practice of Translation.
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Catherine Bocquet). Arras : Artois Presses Université, 2002.
VINAY, Jean-Paul. « La traduction littéraire est-elle un genre à part ? ». [En
ligne]. URL : http://id.erudit.org/iderudit/004570ar
XIAOYI, Yuan. « Débat du siècle : fidélité ou recréation ». In : Meta vol. 44, no.
1, 1999 : 61–77.
ZHANG, Min. « An Inquiry into Yan Fu’s Translation Theory of Faithfulness,
Expressiveness, and Elegance : The Beginning of China’s Modern Translation
Theory ». In : Trans-Humanities, Vol. 6, No. 3, 2013 : 179–196. [En ligne]. URL :
http://eiheng.ewha.ac.kr/page.asp?pageid=book10&pagenum=060600.
‫ رسالة إلى علي بن يحي في ذكر ما ترجم من كتب جالينوس بعلمه وبعض‬.‫ بن اسحاق‬،‫حنين‬
‫ أواصر‬.‫ما لم يترجم‬..2009 ‫ أفريل‬.‫ المركز القومي للترجمة‬،‫كتاب غير دوري‬
[Ḥunayn ibn Isḥāq, Risālaẗ Ilā Ali ibn Yaḥiā fī Ḏikri Mā Torǧima Min Kotob
Ǧālinous Bi’ilmihi Wa Ba’d Mā Lam Youtarǧam. Awṭsir. Kitāb Ġayr Dawrī, Al
Markaz Al Qawmī Littarǧamaẗ. Avril 2009.]

Corpus

KHADRA, Yasmina. À quoi rêvent les loups. Paris : Éditions Julliard Pocket,
1999.
ZAOUI, Amine 1‫ دار الغرب ط‬،‫ ترجمة أمين الزاوي‬،‫ ياسمينة خضرة‬،‫بم تحلم الذئاب‬
.2002
[Bima Tahlomo Aḏi’āb, Yasmina H̱ adra, Tarǧamaẗ Amine Zaoui, Dar Al- Ġarb,
Aṭab’a Al Oulā. 2002.]

31
Traduire la contrainte : des interrogations pour la tradition littéraire
brésilienne

Vinicius Gonçalves CARNEIRO


Université Paris Sorbonne, France

D’après l’oulipien Jean Lescure, le goût de l’obstacle de


Baudelaire cultivé par l’Oulipo permet une vraie liberté de création,
par opposition aux « effusions romantiques et à l’exaltation de la
subjectivité », associées à l’inspiration (2007, 34). Cette liberté sous
contrainte vient de l’étude, de la création et de la production d’œuvres
au moyen de méthodes restrictives. Georges Perec est l’auteur
français qui est le mieux parvenu à déployer toute la complexité des
contraintes. Sa première publication oulipienne, le roman
lipogrammatique La Disparition (1969), constitue, à ce titre, une
œuvre exemplaire. Partant d’un postulat pour le moins provocateur,
l’omission de la lettre « e », la plus courante dans la langue française,
ce livre aborde la thématique de la disparition : celle d’une lettre de
l’alphabet au sein d’un univers linguistique ; celle d’une série de
personnages au cœur d’un roman policier ; et, d’un point de vue
linguistique et métaphorique, celle de l’expérience de la révolution, de
la destruction, du génocide ou de la suppression de populations
entières, omniprésentes au XXe siècle.
L’ensemble des traductions de La Disparition a motivé un
corpus représentatif d’études perecquiennes et oulipiennes, dont
ressortent différentes procédures de traduction. Dans le présent cas
d’études, nous sommes particulièrement intéressés par des choix de
versions où la lettre la plus utilisée dans la langue d’arrivée diffère de
la lettre la plus utilisée dans la langue d’origine, le français. Quelle
lettre doit-on effacer : la voyelle que Perec a fait disparaître, ou la lettre
la plus fréquente dans l’idiome d’arrivée ? Une proposition consiste
alors à transposer le texte sans le « e », ainsi que tous ses contenus
fictionnels, c’est-à-dire, l’ensemble des références à la voyelle « e ». La
traduction brésilienne O Sumiço (2015) a choisi cette voie, qui peut
s’expliquer par une interprétation de l’œuvre de Perec où le « e »
renvoie à une écriture « auto(bio)graphique », selon l’expression de
Claude Burgelin (1988). La suppression du « e » est donc une référence

32
au pronom « eux », destinataires de la dédicace de W ou le souvenir
d’enfance (« Pour E »), les parents de Perec disparus pendant la
Deuxième Guerre mondiale. L’autre possibilité est de reconnaître
l’importance de la contrainte dans l’original, traduire le roman en
effaçant la lettre la plus courante dans la langue cible et en accepter
les conséquences. C’est le cas de la traduction en espagnol, El
Secuestro (1997), où le choix a été de supprimer la lettre « a ». Selon
d’autres interprétations de l’œuvre de Perec, le thème du roman La
Disparition n’est pas la Shoah, mais le vide, l’absence (Bénabou 2002),
ou encore la totalité, exprimée par l’idée du puzzle chez Perec, ainsi
que par ses créations de formes littéraires, ses énumérations, ses listes
et ses inventaires (Joly 2004). En accord avec cette interprétation de
l’œuvre de Perec, si le roman lipogrammatique radie la voyelle la plus
courante de la langue française parce que ce récit est une grande
représentation littéraire du vide, alors, pour la représentation du vide
dans la traduction en langue étrangère, la lettre effacée doit
pareillement être la plus utilisée dans la langue cible.
En considérant la contrainte oulipienne et la tradition littéraire
brésilienne, y aurait-il alors un bon et un mauvais choix de traduction
de La Disparition ?
Quelles sont les incohérences nocives derrières
chacune des deux versions ?
Dans notre étude nous nous proposons de répondre à ces
questions surtout à partir des concepts d’effet contrainte, de David
Bellos, et d’amnésie de la traduction brésilienne, d’Inês Oséki-Dépré.
Dérivation de l’effet de réel de Roland Barthes, le concept de Bellos, le
principal traducteur anglophone de Perec et un important diffuseur de
l’Oulipo aux États-Unis, est une « supposition provoquée chez le
lecteur non-averti qu’il y a, à un niveau quelconque du texte [oulipien],
un enjeu de type esthétique ou formel », dont « l’ignorance »
provoque les lectures les plus « productrices » (2004, 25). Dans un
article sur sa traduction de Jacques Roubaud, la traductrice et
théoricienne Oseki-Dépré affirme que la poétique du poète oulipien
explicite l’amnésie de la traduction brésilienne, car « le sol de la
littérature brésilienne, sa mémoire de langue, [sa « mémoire
publique »] n’est pas comparable à la mémoire de la littérature
française. Sa traduction de Quelque chose noir fait « surgir donc dans
notre langue une poétique inédite, héritière de formes et traditions
diverses, absentes dans notre mémoire » (2009, 401).

33
Ainsi, afin de respecter la tâche du traducteur énoncée par le
critique, poète et traducteur brésilien Haroldo de Campos, « la
configuration d’une tradition active [...] qui est née d’une pédagogie
fructueuse et stimulante [...] » (2011, 43), notre communication
ambitionne une réflexion sur l’importance de la traduction des textes
à contrainte pour le renouvellement de la mémoire publique culturelle
brésilienne. Les études sur les traductions des œuvres oulipiennes en
général, et sur La Disparition en particulier, se limitent à présenter les
choix de traduction et exposer les solutions en langue étrangère. À
partir d’une discussion sur la contrainte oulipienne, notre point original
est de démontrer comment les traductions lipogrammatiques du
roman de Perec de 1969 peuvent être « bonnes » ou « mauvaises »,
selon leur contribution à l’enrichissement d’une tradition littéraire
brésilienne et, par conséquent, examiner le rapport entre les formes
littéraires, la tradition littéraire et la traduction. Pour illustrer notre
argument, nous souhaitons proposer un projet de traduction vers le
portugais de quelques poèmes hétérogrammatiques de Perec, issus
d’Alphabets (1976). Les poèmes de ce recueil reposent sur une
réduction de l’alphabet à onze lettres, où figurent les dix plus
fréquemment utilisées en français (« e », « s », « a », « r », « t », « i »,
« n », « u », « l », « o »), auxquelles est ajoutée une lettre
supplémentaire. La contrainte supplémentaire est qu’une lettre ne
peut qu’être utilisée qu’après l’emploi des dix autres. Nous tenterons
de provoquer des lectures « farfelues », « imaginatives », ou encore
« poétiques », marques identifiées par Bellos (2004, 25) comme celles
d’une « bonne » interprétation du texte sous contrainte.

Références bibliographiques

BÉNABOU, Marcel. « Perec : De la judéité à l’esthétique du manque ». In


L’œuvre de Georges Perec Réception et mythisation, Rabat : Publications de
la Faculté des Lettres et des Sciences humaines, 2002. [En ligne]. URL :
http://oulipo.net/fr/perec-de-la-judeite-a-lesthetique-du-manque
BELLOS, David. « L’effet contrainte ». In : Revue Formules de littérature à
contrainte – Colloque de Cerisy. Clamecy : Noesis, 2004 : 19-27.
BURGELIN, Claude. Georges Perec. Paris : Seuil, 1988.
DE CAMPOS, Haroldo. « Da tradução como criação e como crítica ». In : Da
transcriação: poética e semiótica da operação tradutora. Belo Horizonte :
FALE/UFMG, 2011 : 31-46.

34
JOLY, Jean-Luc. Connaissement du monde : multiplicité, exhaustivité, totalité
dans l’œuvre de Georges Perec, 1147 f. (Thèse) – Lettres Modernes,
Toulouse, Toulouse 2, 2004.
LESCURE, Jean. « Petite histoire de l’Oulipo ». In : La littérature potentielle.
Paris : Gallimard, 2007 : 24-35.
OSEKI-DÉPRÉ, Inês. « D’une traduction amnésique (à propos de Algo : Preto,
de Jacques Roubaud) ». In : Alea, vol 11, n. 2, Rio de Janeiro, juil-déc, 2009 :
384-402.

Corpus

Georges PEREC

Alphabet. Paris : Galilée, 2001 [1976].


La Disparition. Paris : Gallimard, 2009 [1969].
A Void. Translated by Gilbert Aldair. London : The Harvill Press, 1994.
El Secuestro. Traducción de Marisol Arbués, Mercé Burrel, Marc Parayre,
Hermes Salceda e Regina Vega). Barcelone : Anagrama, 1997.
O sumiço. Trad. de Zéfere. Belo Horizonte : Autêntica, 2015.

35
La traduction entre écriture et désœuvrement

Djihed CHAREF
INALCO, France

L’équivalent d’usage de l’adjectif « mauvais » en arabe serait


l’adjectif « sayyi’ » : le premier signifie ce qui est désagréable ou
nuisible, le second entend dire la mise-à-nu des parties intimes du
corps, telle qu’elle est représentée par la scénographie d’Adam et Eve
dans les récits religieux. À partir de cette brève approche des deux
représentations, en guise de note allusive, nous nous trouvons face à
un exemple de la mauvaise traduction, qui nous renvoie
inévitablement à l’interrogation de ce colloque, dès son titre,
autrement dit, à ce que Derrida (1967) appelle « l’intraduisible corps
des langues ». À quelque moment que l’on prenne l’Agora
maghrébine - coloniale et/ou postcoloniale, cet espace pluriel de la
parole et de l’écriture, mais aussi de l’incessant absentement du sens,
la question de la traduction se présente véritablement comme une
problématique cruciale. Dans le contexte de la littérature maghrébine,
on ne peut penser l’écriture sans la traduction, ces deux gestes/actes
sont profondément inter-pénétrables et constituent le trait décisif de
cette littérature.
Dans ce qui suit, il sera question de se demander si une
bonne/mauvaise traduction serait-elle une bonne/mauvaise écriture ?
D’autre part, lorsqu’un texte se tisse et se textualise entre les langues
(arabe littéral – arabe maghrébin – berbère – français), cela signifie que
le geste de l’écrire est en forte corrélation avec l’acte de traduire, de
sorte qu’écrire se définit comme « absence d’œuvre (désœuvrement).
Ou encore : écrire, c’est l’absence d’œuvre telle que se produit à travers
l’œuvre et la traversant. Écrire comme désœuvrement (au sens actif de
ce mot), c’est le jeu insensé, l’aléa entre raison et déraison » (Blanchot
1977). Précisément, il s’agit d’un processus/procès de transition, de
confrontation et de négociation entre deux systèmes sémiologiques et
discursifs, souvent manifesté par le malentendu, l’anamnèse (Derrida
1967), le palimpseste du dédoublement (Khatibi 1985), du fait que
l’imaginaire, les stéréotypes et les représentations ne se déploient pas
dans langues mère mais dans une langue autre.

36
En vue de ce constat, si l’on considère que ces textes
(maghrébins) se situent à la lisière de deux langues/cultures/visions du
monde, car la langue maternelle « est à l’œuvre dans la langue
étrangère, de l’une à l’autre se déroule une traduction permanente et
un certain et un entretien en abîme, extrêmement difficile à mettre à
jour » (Khatibi 1985), cela nous conduit à la question de l’hybridité,
comme caractéristique fondamentale de la littérature maghrébine,
cette hybridité suppose, d’abord, énonciativement, que l’on pourrait
interpréter ces écritures comme un faire ou comme un résultat du faire
traductif, donc, comme autant de mauvaises écritures produisant de
mauvaises traductions. Textuellement ensuite, à travers une relation
interdiscursive et tensionnelle, impliquant une mise en présence
concrète du dire traduit et/ou de la parole traduite dans l’élaboration
du texte.

Références bibliographiques
BALLARD, Michel. La traduction, contact des langues et de cultures. Arras :
Artois Presses Université, 2005.
BARTHES, Roland. L’aventure sémiologique. Paris : Le Seuil, 1985.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BLANCHOT, Maurice. L’entretien infini. Paris : Gallimard, 1977.
CASANOVA, Pascale. La république mondiale des lettres. Paris : Seuil, 2008.
CALLE-GRUBER, Mireille. « Écrire de main morte ou l’art de la césure chez
Assia Djebar ». L’esprit créateur, vol. 48, n° 4, 2008 : 5-14.
DERRIDA, Jacques. L’Écriture et la différence. Paris : Seuil, coll. « Tel Quel »,
1967.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction,
traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2003.
GLISSANT, Édouard. Philosophie de la relation. Paris : Gallimard, 2009.
IVANTCHEVA-MERJANSKA, Kristinalrene. Écrire la langue de l’autre. Paris :
L’Harmattan, 2015.
KHATIBI, Abdelkebir. Maghreb pluriel. Paris : Denoël, 1985.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
ROUX-FAUCARD, Geneviève. Poétique du récit traduit. Caen : Lettres
modernes Minard, 2008.
STEINER, George. Après Babel ; une poétique du dire et de la traduction,
(traduit de l’anglais par Lucienne Lotringer). Paris : Albin Michel, 1978.
YELLES, Mourad. Littératures orales et écritures postcoloniales. Alger : OPU,
2002.

37
Splendeurs et misères de la réécriture (auto)traductive. Le cas de
Matéi Visniec

Georgeta CRISTIAN
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, France

Notre recherche s’inscrit dans les approches interdisciplinaires


qui relient la traductologie à la littérature comparée et, également, aux
études théâtrales.
La problématique que nous étudierons dans ce qui suit est la
suivante : comment la qualité de la réécriture (auto)traductive peut-
elle influer sur la réception du message littéraire et théâtral d’une
pièce de théâtre contemporaine ? Pour répondre à cette question,
nous partirons de deux hypothèses : d’un côté, ce message peut être
renforcé ou, au contraire, diminué si la traduction est, respectivement,
bonne ou mauvaise, et, de l’autre, l’auteur est a priori plus fidèle à son
texte et le comprend mieux que le traducteur allographe.
Notre corpus comprendra des extraits de trois textes : l’original
français de la pièce Le Roi, le rat et le fou du Roi… de Matéi Visniec et
les deux versions roumaines, réalisées, successivement, par Daniela
Magiaru et par l’auteur.
Dans l’étude de ces extraits, nous nous appuierons, à la fois, sur
les principes de la « critique des traductions » (Berman 1995, 64-97) et
sur les principaux éléments du dispositif dramaturgique (Barrientos
García 2017), tels l’espace, le temps, l’action dramatique, les
personnages et les didascalies.
Nous comparerons les deux traductions roumaines au texte
original afin d’y relever aussi bien des situations où le traducteur
allographe et l’autotraducteur ont suivi les mêmes principes traductifs
et dramatiques, que, notamment des cas de sur- et de sous-traduction
(Delisle et alii, 1999, 77-78), qui mettront en évidence l’écart entre la
« position traductive » et le « projet de traduction » des deux
traducteurs (Berman 1995, ibid.).
Pour les deux types de comportement traductif, nous
privilégierons les éléments qui évoqueront un certain dire et/ou un
certain faire (Déprats 2010, 125). Du point de vue terminologique,
nous nous reporterons à Delisle et alii (1999) et à Sarrazac (2001).

38
Au terme de notre étude comparative, nous dresserons le bilan
des aspects positifs et des aspects négatifs relevés précédemment
dans les deux traductions. Ensuite, nous les évaluerons en nous
appuyant sur les particularités d’une bonne ou d’une mauvaise
traduction théâtrale, particularités établies par différents traducteurs
professionnels de théâtre et par des chercheurs, dont Aaltonen (2000),
Déprats (2010), Pavis (1980), Zatlin (2005) et Zuber (1980).
À ce stade, nous estimons que les deux traductions font passer
le message littéraire et théâtral du texte original, mais par des moyens
différents et à des degrés différents. Plus précisément, la traduction
allographe est, paradoxalement, plus fidèle à l’original que
l’autotraduction mais elle « neutralise » davantage le message
littéraire et théâtral. En revanche, l’autotraduction s’écarte de
l’original, afin d’adapter le message esthétique à l’« horizon d’attente »
(Berman 1995) du lecteur/public roumanophone.

Références bibliographiques

AALTONEN, Sirkku. Time-Sharing on Stage. Drama Translation in Theatre and


Society. Clevedon/Buffalo/Toronto/Sydney : Multilingual Matters Ltd, coll.
« Topics in Translation », 2000.
BARRIENTOS GARCÍA, José-Luis. Comment analyser une pièce de théâtre.
Éléments de dramatologie (traduit de l’espagnol par Christophe Herzog).
Paris : Classiques Garnier, 2017.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris :
Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1995.
DAVID, Emilia. Consecinţele bilingvismului în teatrul lui Matei Vişniec [Les
conséquences du bilinguisme dans le théâtre de Matéi Visniec]. Bucureşti :
Editura Tracus Arte, 2015.
DELISLE, Jean, LEE-JAHNKE, Hannelore, CORMIER, Monique C. (dir.).
Terminologie de la traduction. Translation terminology. Terminología de la
traduccíon. Terminologie der Übersetzung, Amsterdam/Philadelphia : John
Benjamins Publishing Company, vol. 1, 1999.
DÉPRATS, Jean-Michel. « La retraduction de Shakespeare : problèmes et
enjeux ». In : KAHN, Robert, SETH, Catriona (dir.), La Retraduction. Mont-
Saint-Aignan : Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2010 : 117-
127.
LEFEVERE, André. Translating Literature. Practice and Theory in a
Comparative Literature Context. New York : The Modern Language
Association of America, 1992.

39
MAGIARU, Daniela. Matei Vişniec. Mirajul cuvintelor calde [Matéi Visniec. Le
mirage des mots chaleureux]. Bucureşti : Institutul Cultural Român, 2010.
PAVIS, Patrice. « Vers une spécificité de la traduction théâtrale : la traduction
intergestuelle et interculturelle ». In : Le théâtre au croisement des cultures.
Paris : José Corti, 1990 : 135-170.
SARRAZAC, Jean-Pierre (dir.). Poétique du drame moderne et contemporain.
Lexique d’une recherche. Louvain-la-Neuve : Éditions du Centre d’Études
Théâtrale, 2001.
SIMEONE, Bernard. Écrire, traduire, en métamorphose. L’Atelier infini. Paris :
Éditions Verdier, 2014.
ZUBER, Ortrun (ed.). Languages of Theatre. Problems in the Translation and
Transposition of Drama. Oxford/New York/Toronto/Sydney/Paris/Frankfurt :
Pergamon Press Ltd, 1980.

Corpus

Matéi VISNIEC

Le Roi, le rat et le fou du Roi. Fable baroque, farce, bouffonnerie et mascarade


pour comédiens et marionnettistes. Carnières-Morlanwelz (Belgique) :
Lansman Éditeur, 2002.
Regele, şobolanul şi bufonul. Fabulă baroc, farsă, bufonerie şi mascaradă
pentru doi actori şi unul sau mai mulţi marionetişti [Le Roi, le rat et le bouffon.
Fable baroque, farce, bouffonnerie et mascarade pour deux comédiens et
pour un ou plusieurs marionnettistes], traduit du français par Daniela
Magiaru ; texte non publié, 2013.
« Regele, bufonul şi domnii şobolani sau Reverii pe eşafod. Fabulă barocă,
farsă, bufonerie şi mascaradă pentru doi actori şi unul sau mai mulţi
marionetişti » [« Le Roi, le bouffon et messieurs les rats ou Rêveries sur
l’échafaud. Fable baroque, farce, bouffonnerie et mascarade pour deux
comédiens et pour un ou plusieurs marionnettistes »]. In : Hyperion. Revistă
de cultură, no 3-7, Botoşani (Roumanie), 2014 : 66-81.

40
Quelques réflexions sur le transfert de l’écriture durassienne en
albanais

Fjoralba DADO, Eglantina GISHTI


Université de Tirana, Albanie

Traduire un texte littéraire semble être un exercice très difficile


à cause du non isomorphisme des langues et de la nécessité de
reproduire le fameux style de l’auteur. Notre objet d’étude n’en fait
pas exception : il s’agit du roman L’Amant de Marguerite Duras, le plus
connu sans doute à l’étranger et le premier traduit en albanais.
L’Amant se caractérise par un manque de structure linéaire, ce que
Duras appelle « le style de laisser –aller » : « Quand j’écris, il y a quelque
chose en moi qui cesse de fonctionner, quelque chose qui devient
silencieux. Je laisse quelque chose en moi l’emporter, quelque chose
qui jaillit sans doute de mon être-femme. Mais tout le reste se tait : le
mode analytique de pensée, la pensée inculquée au collège, pendant
les études, par la lecture, l’expérience. Je suis absolument sûre de ça.
C’est comme si je retournais dans un pays sauvage » (Bouthors-Paillart
2002,139).
Duras songe également à une écriture qui s’oppose à celle
classique, une écriture nouvelle, marquée par une langue sans normes,
sans exigence aucune. En supprimant la grammaire, elle souhaite
rendre la liberté aux mots (Bouthors-Paillart 2002, 86). L’écriture
durassienne de la dernière période, c’est-à-dire à partir de L’Amant est
considérée comme une « écriture courante », à savoir une « écriture
facile, un style qui glisse » (Duras, 1984). Elle a hâte d’attraper les
choses plutôt que de les dire. Duras « a peur » de l’écrit parce qu’il est
lié au risque de l’oubli (Duras, 1984). Cette écriture se veut ainsi une
traduction immédiate de l’existence telle qu’elle est momentanément
vécue, tout en reflétant l’actualité et l’expérience quotidiennes.
Indubitablement, cette urgence de l’histoire explique la relation de
l’auteur avec les mots, saisis à l’immédiat par la crainte de l’oubli. Par
sa manière d’écrire, Duras s’oppose aux écrivains « conformistes ».
Ainsi, le style durassien ne coïncide pas avec la belle langue et l’auteur
se met à distance de la langue normée, il est vraiment serré, sobre,
télégraphique. Dans L’Amant, nous rencontrons souvent des phrases

41
courtes (réduites à l’essentiel), indépendantes, nominatives,
juxtaposées et souvent morcelées. Donc, il s’agit d’une langue proche
à l’oral, calquée sur le vietnamien (Bouthors-Paillart 2002, 163-164).
Face à une écriture si complexe, la tâche du traducteur se
révèle plus difficile parce qu’elle demande un effort supplémentaire si
l’on veut s’assurer que le lecteur « aille à la rencontre de l’écrivain »
(Schleiermacher, cité par Berman 1995, 299). Mais, comment parvenir
à transmettre cette urgence durassienne caractérisée à la fois par la
brièveté, la simplicité, l’oralité, l’implicite ? Comment présenter au
lecteur un texte assimilable sans pour autant en porter atteinte à la
nature étrangère ? La première traduction de l’Amant en Albanie a été
accomplie en 1994 (réédition 2005) par Nasi Lera, également écrivain
contemporain albanais.1
Cette étude se propose, à travers une approche comparative,
de mettre en évidence les stratégies de traduction utilisées, avec le but
de comprendre si le traducteur a respecté la spécificité de l’écriture
durassienne, qui constitue son altérité aussi bien sur le plan du sens
que sur celui des formes, ou bien il a cédé à la tentation de réorganiser
le discours tout en ne garantissant pas aux lecteurs albanais la
reconnaissance et la réception de « l’Autre en tant qu’Autre » (Berman
1999, 74).

Références bibliographiques

BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans


l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris :
Éditions Gallimard. Coll. « Bibliothèque des idées », 1995.
BERMAN, Antoine. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain. Paris :
Seuil, 1999.
BOUTHORS-PAILLART, Catherine. Duras la mètisse-Mètissage fantasmatique
et linguistique dans l’œuvre de Marguerite Duras. Genève : Libraire Droz S.A.,
2002.
DURAS, Marguerite. « Entretien avec Bernard Pivot ». In : Apostrophes,
septembre 1984.

1
N. Lera a traduit entre autres les grands de la littérature française tels qu’André
Gide, Albert Camus, Raymond Radiguet, J.M.C Le Clézio, Françoise Sagan, Simone de
Beauvoir, Guy de Maupassant, etc.

42
DURAS, Marguerite, GAUTHIER, Xavière. Les Parleuses. Paris : Les Éditions
de Minuit, 2013.
DURAS, Marguerite. Écrire. Paris : Gallimard, 1993.
DURAS, Marguerite. « Entretien avec Aliette Armel ». Le Magazine littéraire,
n° 276, 1990 : 18-24.
MOUNIN, Georges. Les belles infidèles. Lille : Presses Universitaires de
Septentrion, 2016.
TUPJA, Edmond. Këshilla një përkthyesi të ri. Tiranë : Onufri, 2000.

43
La retraduction d’une même œuvre littéraire serait-ce une solution
pour améliorer la qualité de la traduction ?

Mzago DOKHTOURICHVILI
Université d’État Ilia, Géorgie

« Parler de traduction, […] c’est parler


du mensonge et de la vérité, de la
trahison et de la fidélité » (Berman)

La traduction, en général, la traduction littéraire, dans notre


cas, est un phénomène qui représente l’objet d’innombrables
discussions entre les spécialistes qui établissent des critères diversifiés
de l’évaluation de sa qualité. C’est pour cette raison que n’importe
quelle question portant sur la traduction littéraire et plus
particulièrement, le problème proposé par les organisateurs du
colloque international est toujours d’actualité.
Pour répondre à la question Qu’est-ce qu’une mauvaise
traduction littéraire ?, nous allons analyser tout d’abord différentes
réflexions sur la traduction (Georges Mounin, Jean-Louis Cordonnier,
Walter Benjamen, Umberto Eco, Henri Meschonnic, Antoine Berman,
Jacques Derrida, Martin Heidegger, Paul Ricoeur, Maurice Blanchot,
Jean-René Ladmiral, Alexis Nouss, Georgiana Lungu-Badea, Dali
Pantchikidzé, Naïra Guélashvili…), en général, et sur les difficultés
devant lesquelles se retrouve le traducteur du texte littéraire, en
particulier. Nous allons essayer, en nous basant sur des exemples
concrets, d’établir les critères qui vont nous aider à comprendre si le
traducteur est fidèle au texte source ou au texte cible, si nous pouvons
attribuer la qualification d’une bonne ou d’une mauvaise traduction à
des traductions effectuées par différents traducteurs à des époques
différentes. Ce qui nous permettra également de déterminer la
fonction du traducteur.
Si nous prenons en considération l’idée des traductologues qui
affirment que la compréhension et l’interprétation du texte précèdent
la traduction, nous pouvons partager leur avis selon lequel la vocation
d’une œuvre classique est d’être traduite indéfiniment tant dans le
temps que dans l’espace. En effet, comme aucune lecture ne peut être
exhaustive, sa traduction peut se produire infiniment. Ainsi chaque

44
nouvelle traduction peut actualiser d’autres compréhensions ou
interprétations. L’original serait donc (cf. Brotski) l’ensemble de toutes
les éventuelles traductions. Par conséquent, nous allons porter une
attention plus particulière à des ouvrages et des discussions
théoriques qui traitent du caractère complexe du phénomène de
retraduction. Aussi, allons-nous nous interroger, en nous basant sur
des exemples concrets, sur des critères qui nous aideront à qualifier de
fidèles ou d’infidèles, de bonnes ou de mauvaises différentes
traductions d’une même œuvre littéraire effectuées à des moments
différents par différents traducteurs.
Le corpus de notre analyse est constitué de trois traductions en
français de Chevalier à la peau de tigre de Chota Rustavéli, de trois
traductions en géorgien des Fleurs du mal de Charles Baudelaire et de
trois traductions en géorgien du Petit Prince de Saint-Exupéry, ces
traductions ayant été effectuées à des époques différentes par
différents traducteurs.
L’analyse comparée des traductions effectuées des œuvres de
notre choix nous permettra de répondre à la question posée dans le
titre de notre communication, à savoir, si la retraduction à plusieurs
reprises d’une même œuvre littéraire pourrait être une solution pour
transmettre, dans la langue cible, d’une façon exacte le sens et la lettre
du texte source, si on peut mettre un signe d’équation entre une
traduction fidèle, exacte et une bonne traduction, et entre une
traduction infidèle (traîtresse) et une mauvaise traduction, ou bien si
les notions de traduisibilité–traductibilité vs intraduisibilité–
intraductibilité pourraient servir de critères, parmi tant d’autres, pour
la définition de la bonne et de la mauvaise traduction. Ou bien encore
devrait-on « renoncer à l’idéal de la traduction parfaite » (Ricœur) et
se réconcilier à l’idée que le traducteur doit effectuer une « double
trahison » (Nouss) afin d’arriver à « faire résonner dans sa propre
langue l’écho d’une œuvre conçue dans une langue étrangère »
(Benjamin).
L’analyse comparée de plusieurs traductions d’une même
œuvre littéraire nous permettra également d’établir les motifs et les
raisons qui conditionnent la nécessité d’une retraduction (le statut du
texte source, les erreurs lexico-sémantiques ou syntaxiques, la
sollicitation de l’éditeur, la curiosité du nouvel lecteur, l’évolution des
langues, le problème de traduction des références culturelles, la

45
négligence, dans la traduction déjà effectuée, de la poétique, du
rythme du texte source, le « vieillissement » de la traduction existante,
le caractère polysémique et la polyphonie du texte) et de contribuer,
de cette façon, au développement du courant de la théorie
traductologique qui étudie les motifs de la retraduction d’une même
œuvre littéraire et le caractère complexe de ce phénomène.

Références bibliographiques

BENJAMIN, Walter. « La tâche du traducteur ». In : Œuvres 1. Traduit de


l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch. Paris :
Gallimard, 2000 : 244-262.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris :
Gallimard, Bibliothèque des idées, 1995.
CORDONNIER, Jean-Louis. Traduction et culture. Paris : Hatier/Didier, 1995.
DERRIDA, Jacques. L’écriture et la différence. Paris : Seuil, 1967.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traductions.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.
FOUCAULT, Michel. Les mots et les choses. Paris : Gallimard, 1966.
HAGEGE, Claude. L’homme de paroles. Contribution linguistique aux sciences
humaines. Paris : Fayard, 1985.
HEIDGGER, Martin. Qu’appelle-t-on penser ? Traduit par Aloys Becker et
Gérard Granel. Paris : PUF, 1959.
HEIDGGER, Martin. Qu’est-ce qu’une chose?. Paris : Gallimard, coll. « Tel »,
1967.
LADMIRAL, Jean-René. Sourcier ou cibliste. Paris : Les Belles Lettres, 2014.
LADMIRAL, Jean-René. L’expérience de traduire. Paris : Honoré Champion,
2015.
LEDERER, Marianne. La traduction aujourd’hui. – Le modèle interprétatif.
Paris : Hachette, 1994.
MESHONNIC, Henri. « D’une linguistique de la traduction à la poétique de la
traduction ». In : Pour la poétique II. Paris : Gallimard, 1973 : 409-424.
MOUNIN, Georges. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
Gallimard, 1963.
NOUSS, Alexis. « Éloge de la trahison ». In : TTR : études sur le texte et ses
transformations, vol. 14, № 2, 2001 : 167-180. [En ligne] URL :
https://www.rechercheisidore.fr>search/ressource/?uri=10670/1
RICŒUR, Paul. « Défi et bonheur de la traduction ». In : Sur la traduction, [En
ligne] URL : https://www.scribd.com/doc/.../Paul-Ricoeur-Sur-La-Traduction
.

46
Les imperfections de la traduction du texte de théâtre

Jean-Paul DUFIET
Université de Trente, Italie

Nous nous proposons une réflexion sur la spécificité de la


traduction du texte de théâtre que l’on pose ici de manière
synthétique. Si l’on considère qu’une traduction littéraire n’est pas
mauvaise à condition qu’elle soit exacte au plan linguistique, fidèle par
sa littérarité (image, style, rythme) et respectueuse de la pragmatique
du texte source, alors la traduction du texte de théâtre est
nécessairement, pourrait-on dire, imparfaite et défectueuse.
Le texte de théâtre a, en effet, un statut tout à fait singulier eu
égard aux autres genres littéraires. Il peut être seulement lu comme
tous les autres genres textuels, mais il devrait être également
représenté : c’est même, mis à part quelques cas bien limités, sa
vocation première que d’être écrit pour la scène. On voit donc qu’il est
difficile de penser que les mêmes principes de bonne traduction, s’ils
existent, puissent s’appliquer de manière identique à tous les types de
textes littéraires.
Cette double possibilité de la traduction à lire et de la
traduction à représenter crée une situation délicate, au point d’ailleurs
que certains dramaturges, comme Goldoni, se sont opposés à la
traduction des textes de théâtre.
Alors que la traduction destinée à la représentation est souvent
soumises aux contingences propres à l’art du théâtre, la traduction
exclusivement à lire, comme par exemple celle de Corneille en italien,
se heurte à des difficultés sévères en raison du changement d’idiome,
de l’état historique de la langue française au XVIIe siècle, de la forme
linguistico-littéraire très particulière de l’alexandrin français et du
champ, lui aussi très français, des références culturelles. Si l’on
considère que même la traduction uniquement destinée à la lecture
doit résoudre sans accrocs et avec une égale précision ces quatre
catégories de difficultés, la version italienne d’une comédie ou d’une
tragédie de Corneille ne pourra jamais échapper à de nombreuses
imperfections. De telles difficultés, et les défauts qui en découlent,
s’atténuent quelque peu lorsque le texte est contemporain ou récent.

47
Mais en tout état de cause, la traduction du texte de théâtre
s’inscrit pleinement dans son genre textuel de référence lorsqu’elle est
destinée à la scène et qu’elle est indifférente aux préoccupations
éditoriales. La traduction n’est alors qu’un moment du processus
théâtral, elle n’est pas destinée à exister pour elle-même. D’ailleurs de
très nombreuses traductions de textes dramatiques sont représentées
sans être jamais publiées, et restent à l’état de tapuscrit.
Le propre d’une traduction destinée à être représentée est
d’être surdéterminée et orientée par un projet scénique qui dépend
d’un metteur en scène et non pas d’un éditeur. C’est le metteur en
scène qui sollicite le traducteur, qui d’ailleurs souvent le seconde pour
ne pas dire le « contrôle », même quand sa compétence linguistique
est très limitée. Le russe, le suédois, le norvégien, le serbe, etc… sont
des langues peu accessibles. Aucune incompétence linguistique
n’empêche un metteur en scène d’intervenir directement sur la
traduction. Car la question n’est pas linguistique et philologique : c’est
le projet scénique qui conditionne l’opération de traduction et non pas
l’inverse. Et c’est exactement pour cette raison que tout metteur en
scène veut sa propre traduction, c’est-à-dire la traduction adéquate à
son projet esthétique et scénique, et qu’il re-traduit toujours le texte
étranger qu’il entend mettre en scène, même s’il en existe déjà de
nombreuses traductions. Une pièce comme Hamlet a subi, ou
bénéficié selon ce qu’on en pense, d’un nombre incalculable de
traductions depuis que Shakespeare est entré dans le répertoire
français, au XIXe siècle ; la situation est identique en Allemagne,
comme en est la preuve la dernière mise en scène de Richard III par T.
Ostermeyer.
Il résulte de cette situation que le texte source subit ou peut
subir de nombreuses opérations qui fonctionnent souvent par couple
d’opposition : coupure et amplification, réécriture et citation,
accentuation et adoucissement sémantiques, historicisation et
contemporéanisation, simplification et complexification en vue du
passage à l’oral, etc. Dans une perspective linguistique et littéraire
stricte, toutes ces opérations peuvent être considérées comme des
défauts graves, alors qu’en réalité, elles expriment la nature – les choix
esthétiques, les intentions dramaturgiques – du projet scénique qui a
motivé l’acte de traduire. Le texte d’arrivée n’est pas destiné à être
confronté au texte de départ mais demande à être saisi dans ses

48
relations intersémiotiques avec l’espace, les lumières, les sons, les
costumes, le jeu des comédiens…
En termes disciplinaires, la traduction du texte de théâtre
dépend donc autant de critères esthétiques, pragmatiques et culturels
que de critères, linguistiques, philologiques et stylistiques. À partir de
cette problématique, on propose une réflexion sur la traduction de
texte de théâtre ; on s’appuiera sur un certain nombre d’exemples
français et européens, classiques et contemporains.

Références bibliographiques

***Traduire le théâtre, Sixièmes Assises de la Traduction littéraire – Arles


1989. Arles : Actes Sud, 1990.
***Traduire Lagarce. Langue, culture, imaginaire. Besançon : Les Solitaires
Intempestifs, 2008.
BASSNETT-McGUIRE, Susan. La traduzione. Teorie e pratica, a cura di Daniela
Portolano, traduzione di G. Bandini. Milano : Bompiani, 1993 (édition revue
de l’édition de 1980).
DE MARINIS, Marco. Semiotica del teatro : l’analisi testuale dello spettacolo.
Milano : Bompiani, 1982.
DÉPRATS, Jean-Michel. « La spécificité de la traduction théâtrale : quelques
exemples pris dans Shakespeare ». Actes du Colloque du CTL – Traduire le
Théâtre, Je perce l’énigme, mais je garde le mystère, n° 16, 1993 : 33-49.
DÉPRATS, Jean-Michel (études réunies et présentées par). Antoine Vitez, le
devoir de traduire, Montpellier : Éditions Climats & Maison Antoine Vitez,
1996.
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine. « Pour une approche pragmatique du
dialogue théâtral ». In : Pratiques – L’écriture théâtrale, n° 41, 1984 : 46-62.
MESCHONNIC, Henri. Éthique et politique du traduire. Lagrasse : Éditions
Verdier, 2007.
MOUNIN, Georges. « La Traduction au théâtre ». In : Babel, revue
internationale de traduction, n° 1, 1966 : 7-11.
PAVIS, Patrice. Le théâtre au croisement des cultures. Paris : Librairie José
Corti, 1990.
UBERSFELD, Anne. Lire le théâtre I, Lire le théâtre II, Lire le théâtre III. Paris :
Belin, 1996.
SEIDE, Stuart. « La traduction complétée par le jeu ». In : Théâtre public,
Dossier « Traduire », n° 44, 1982 : 60-61.
VITEZ, Antoine. « Le devoir de traduire ». In : Théâtre public, Dossier
« Traduire », n° 44, 1982 : 6-9.

49
L’inquiétude de la traduction

Catherine DU TOIT
Université de Stellenbosch, Afrique du Sud

Dans l’entre des langues, there is kein Universel.


Et le traducteur sait qu’il n’y a pas une idée, une
seule, vers laquelle remonteraient les mots
comme les saumons sauvages. Le traducteur sait
que l’entre-des-langues est le seul endroit
sauvage qu’il nous reste.
Camille de Toledo, L’Inquiétude d’être au monde

Une traduction est toujours une inquiétude, un itinéraire, un


reflet vacillant de notre présence dans le monde. Dire cela est déjà la
révélation d’une prise de position ; qu’on traduise ou qu’on parle de la
traduction, on ne peut éviter en ce faisant de trahir une certaine
conception de notre relation à soi et aux autres.
Cette relation devient d’autant plus compliquée dans le monde
contemporain où l’hybridité et le métissage sont des réalités qui sont
généralement tolérées, parfois même acceptées, sans que leur impact
concret et irrémédiable soit forcément reconnu. On admire ce qui est
différent à condition que cette différence soit clairement entretenue,
ou bien assimilée. Il en est de même pour la traduction.
Nietzsche, dans Le Gai savoir, commente la volonté
d’assimilation par la traduction en évoquant les traductions françaises
« du temps de Corneille » ainsi que les traducteurs de l’antiquité
romaine : « Ils ne connaissaient pas la jouissance du sens historique, le
passé et l'étranger leur étaient pénibles, et pour eux, en tant que
Romains, c’était là une incitation à une conquête romaine. En effet,
traduire c’était alors conquérir [...] » (Nietzsche 1901, §83). Cette
relation d’emprise n’est nullement limitée au passé lointain comme en
témoignent les nombreux textes d’auteurs qui critiquent l’annexion ou
l’appropriation de l’Autre par la traduction. C’est une relation de
pouvoir qui s’observe avant tout quand il s’agit de la traduction d’une
langue mineure vers une langue majeure.
Dans l’évaluation de la qualité d’une traduction, les
implications morales de l’approche adoptée par le traducteur (ou bien

50
par la politique éditoriale de la maison d’édition) ne sont pas très
souvent prises en compte. Cela s’explique par le fait que ces
implications ne sont, dans la plupart des cas, qu’une présence-fantôme
dont le lecteur exclu de la langue et de la culture source ne peut être
conscient – à moins qu’il ne soit hanté par la vague inquiétude
qu’exprime Camille de Toledo dans le chant cité en exergue.
Nous prendrons pour exemple la traduction en français de
textes afrikaans. Même dans les rares cas où il ne s’agit pas de
traduction-relais, le traducteur se heurte non seulement contre une
certaine rigidité de la langue française avec ses normes du bien écrire,
mais aussi contre d’autres difficultés parfois considérées comme des
intraductibilités, telles que l’alternance linguistique qui caractérise les
dialogues du quotidien sud-africain, ou la forte oralité des textes
afrikaans contemporains, où la répétition rythme le discours, alors que
cette répétition reste taboue dans la pratique de la traduction en
France.
Dans ses romans policiers, Deon Meyer trace le profil culturel
de la société sud-africaine dans toute sa complexité sans pour autant
réduire les personnages à des stéréotypes ethniques simplistes. Le
roman policier sud-africain fonctionne inévitablement comme
médiateur culturel et ceci se voit chez Meyer non seulement dans
l’intrigue, les références culturelles ou le contact interrelationnel mais
aussi dans le dialogue qui reflète souvent l’alternance linguistique qui
caractérise le quotidien sud-africain. Il ne s’agit pas seulement de se
faire comprendre par l’autre mais d’aller à sa rencontre. Pour le lecteur
local, le type d’alternance linguistique et son placement révèlent le
contexte social et ethnique du locuteur. Ainsi, l’alternance linguistique
dans le dialogue fonctionne comme une didascalie invisible qui fait
vivre la diversité culturelle et linguistique tout en donnant des indices
importants pour l’intrigue et la caractérisation identitaire.
La traduction peut-elle rendre la complexité de ce tissu social
tout en respectant les limites imposées par des pratiques éditoriales
qui, selon Ortega y Gasset (2004) enferment l’auteur traduit dans la
prison de la norme expressive ? Est-il possible d’arriver à des
compromis fonctionnels malgré les attentes supposées des lecteurs ?
Ou faudrait-il accepter de voir les textes afrikaans homogénéisés au
cours de leur transformation en français ? Est-ce, par ailleurs, une
question de langue mineure qui s’incline devant la force imposante

51
d’une langue majeure ? Ou s’agit-il plutôt d’une rigidité ancrée dans
de vieilles habitudes ? Et qu’en est-il, au milieu de ces approches et
compromis, de la qualité de la traduction ?
Nous vivons une époque d’hybridation et de métissage où
s’impose une plus grande réceptivité à la traduction comme espace
d’échange et de communication au-delà de la diversité linguistique ;
un espace où nous pouvons apprendre à penser et à vivre, dans l’entre-
les-langues.

Références bibliographiques

ARCIA, Ulises Franco. « Translating Multilingual Texts : The Case of “Strictly


Professional” in Killing Me Softly. Morir Amando by Francisco Ibáñez-
Carrasco ». In : Mutatis Mutandis, Vol. 5, No. 1. 2012 : 65-85.
AUER, Peter (éd.). Code-switching in Conversation. Language, interaction and
identity. New York/London : Routledge, 1998.
BANDIA, Paul. « Code-switching and code-mixing in African creative writing :
Some insights for translation studies ». In : Le festin de Babel, Volume 9,
numéro 1, 1er semestre 1996 : 139-153.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions, John Donne. Paris :
Gallimard, 1995.
CORDONNIER, Jean-Louis. Traduction et culture. Paris : Hatier, 1995.
GLISSANT, Édouard. Introduction à une poétique du divers. Paris : Gallimard,
1996.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Verdier : Lagrasse, 1999.
NIETZSCHE, Friedrich. Le Gai Savoir. Paris : Société du Mercure de France,
1901.
ORTEGA Y GASSET, José. « Misère et splendeur de la traduction ». Texte
introduit et traduit par Clara Foz. In : TTR, Vol. 17. No 1, 2004 : 13-53.
TOLEDO, Camille de. L’inquiétude d’être au monde. Verdier : Lagrasse, 2012.

Corpus

Deon MEYER
Kobra. H&R : Le Cap, 2012.
En vrille. Seuil : Paris, 2014.
Koors. H&R : Le Cap, 2016.
L’Année du Lion. Seuil : Paris (à paraître).

52
Vers la connaissance du bon/mauvais traducteur littéraire

Ileana Neli EIBEN


Université de l’Ouest de Timisoara, Roumanie

Il est de coutume que la réflexion traductologique porte sur la


traduction en général et littéraire, en particulier, au détriment du
traducteur sans lequel la traduction n’existerait pas. D’ailleurs, quand
on parle du traducteur, on le présente comme un auteur au second
degré, on exige qu’il soit « fidèle » – la fidélité étant, en fait, l’une des
plus difficiles notions à cerner (fidélité à quoi, à qui ?) et en même
temps, l’une des plus controversées –, qu’il se mette au service de
l’Auteur, etc. Toutefois, un tournant se produit en traductologie :
l’objet d’étude n’est plus que la traduction, le texte traduit ; mais il
envisage le traducteur. Antoine Berman est parmi les premiers à avoir
souligné le rôle du sujet traduisant pour l’herméneutique du traduire
en affirmant que « la question qui est le traducteur ? doit-elle être
fermement posée face à une traduction » (1995, 73) (souligné dans le
texte). Il faut, par conséquent, repositionner le traducteur dans le
schéma de la traduction et qu’il cesse d’être « ce parfait inconnu qu’il
est encore la plupart du temps » (Berman 1995, 73). Dans le sillage de
la pensée bermanienne s’inscrivent les travaux ultérieurs de Venuti
(1995), de Pym (1997) et aussi le nôtre.
Par une approche interdisciplinaire empruntant des éléments à
la philosophie, la psychologie et la traductologie, nous nous proposons
dans cette étude d’aller à la recherche du traducteur littéraire pour
mieux comprendre sa condition et son devenir. Pour ce faire, nous
partons de la notion d’« autorité » en avançant, avec Hannah Arendt,
que « [l]a relation autoritaire entre celui qui commande et celui qui
obéit ne repose ni sur une raison commune, ni sur le pouvoir de celui
qui commande ; ce qu’ils ont en commun, c’est la hiérarchie elle-
même, dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où, tous
les deux ont d’avance leur place fixée. » (1972, 123) Selon nous, c’est
cette acception très spécifique de l’autorité qui caractérise la relation
auteur/traducteur, l’auteur occupant une position privilégiée,
reconnue et acceptée d’emblée par le traducteur qui occupe
inévitablement une place secondaire (cf. la relation adulte / enfant).
Ce dernier bûche sur un texte qu’un autre avait créé avant lui et sa

53
tâche est bien plus dure quand il doit transférer une grande œuvre
littéraire écrite par un écrivain jouissant d’une renommée
internationale.
Un survol des différents discours traductologiques, d’hier et
d’aujourd’hui, révèle le fait que le traducteur a été souvent considéré
comme un « humble médiateur d’œuvres étrangères, toujours traître
alors même qu’il se veut la fidélité incarnée » (Berman 1984, 16), ou
comme un « copieur d’œuvres d’art – copieur de talent […] – dont la
copie se doit de conserver l’essentiel de l’original » (Tatilon 2003, 114).
Rappelons en passant le fameux adage Traduttore, traditore qui plane
comme une ombre, depuis des siècles, sur le travail du traducteur.
Confronté à l’autorité (de l’auteur, du texte source) et victime
de nombreux préjugés, le traducteur risque d’éprouver un sentiment
d’infériorité qui constitue, selon nous, la clé de voûte de son devenir.
C’est de ce point que part et se développe sa profession : le traducteur,
grâce à la faculté psychique de tendre à un but, se fixe comme objectif
l’acte de traduire et se fraye une voie susceptible de l’aider à atteindre
son but, obtenir un nouveau texte en langue cible. Il y a alors deux
solutions qui se présentent à lui. D’une part, il peut s’estimer
insuffisant, se laisser accabler par le sentiment d’infériorité. Il court
ainsi le risque de devenir un « mauvais » traducteur puisqu’il ne
parvient pas à se libérer de la contrainte exercé sur lui par l’auteur, le
texte et la langue source. Il tombe dans le piège du littéralisme, de la
fidélité aux mots. D’autre part, il peut chercher à compenser le
sentiment d’infériorité par la tendance à se faire valoir. La
surestimation de soi risque aussi de le transformer en « mauvais »
traducteur : il n’hésitera pas à faire plus qu’on n’attend de lui, à
s’infiltrer dans le texte et à le déformer (pensons aux « belles
infidèles »). Dans ce cas, il se fera accuser d’infidélité, de déviation par
rapport au texte source, à l’intention de l’auteur. Le traducteur semble
ainsi se retrouver dans une situation impossible, presque sans issue.
Qu’est-ce qu’il peut encore faire ? Peut-il devenir un bon traducteur ?
Si oui, comment ? Il doit cultiver son sentiment de communion
humaine (présent selon Adler dans toutes les manifestations de la vie),
en ayant la conscience « de ne produire aucun dommage, mais de
rendre d’utiles services ». (Adler 1966, 58). En agissant de la sorte, le
traducteur pourra devenir maître de son destin.

54
Tous ces aspects sont faciles à repérer chez les apprentis
traducteurs qui, faute d’expérience traductive, et sous le poids de
l’auteur et du texte source, traduisent la langue en prenant la
traduction pour une opération strictement linguistique. Or, par la
traduction « [c]e ne sont donc pas des mots que l’on transpose d’une
langue en une autre, mais le sens dont ils sont porteurs. C’est le sens
qui est le fondement des équivalences de traduction. » (Delisle 2014).
Il faut par la suite leur apprendre la juste mesure leur permettant
d’accomplir adéquatement leurs tâches. Pour illustrer ces affirmations,
nous comparerons des traductions faites par des apprentis traducteurs
à partir de fragments extraits du livre d’Eric-Emanuel Schmitt, La
rêveuse d’Ostende, et d’autres versions en roumain. En guise de
conclusion, nous voulons souligner la nécessité de réévaluer le statut
du traducteur (littéraire) et plaider pour une formation de qualité lui
permettant d’acquérir les bonnes ressources pour son faire de
traducteur.

Références bibliographiques
ADLER, Alfred. Connaissance de l’homme. Étude de caractérologie
individuelle. Traduit de l’allemand par Jacques Marty. Paris : Payot, 1966
[1949].
ARENDT, Hannah. « Qu’est-ce que l’autorité ? ». In : La crise de la culture.
Traduit de l’anglais par LEVY, P. et al. Paris : Gallimard, 1972 : 121-185.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris :
Gallimard, 1995.
DELISLE, Jean. « La traduction littéraire ou l’art de "faire fleurir les déserts du
sens" ». 2014.
PYM, Anthony. Pour une éthique du traducteur. Arras/Ottawa : Artois Presses
Université /Presses de l’Université d’Ottawa, 1997.
TATILON, Claude. « Traduction: une perspective fonctionaliste ». In La
linguistique, vol. 39, no 1, 2003 : 109-118.
VENUTI, Lawrence. The Translator’s invisibility : A History of Translation.
London/New York : Routledge, 1995.
Corpus
Éric-Emmanuel SCHMITT
« Crime parfait ». In : La rêveuse d’Ostende. Paris : Albin Michel, 2007.
« Crimă perfectă ». In : Visătoarea din Ostende : Traducere din limba franceză
de Liliana Donose Samuelsson). Bucureşti : Humanitas, 2013.

55
Ni bonne ni mauvaise. La traduction allemande d’auteurs
francophones d’Afrique Subsaharienne

Deva EL-SHADDAI
Université Louis-et-Maximilien (LMU) Munich, Allemagne

Dans l’espace académique germanophone, très peu


d’attention est accordée à la problématique de la traduction des
littératures africaines en allemand. Cependant, depuis la publication
de l’ouvrage de Khadi Fall (1996) sur la traduction des Bouts de bois de
Dieu d’Ousmane Sembène, des analyses intéressantes ont été menées
dans ce sens. En général, les critiques de la traduction reprochent aux
traducteurs allemands à la fois des erreurs dues au manque de sérieux
dans le processus de traduction et des connaissances insuffisantes de
la culture africaine (Mayanja 1999, 89). D’après eux, les traducteurs
sont aveugles à l’hybridité culturelle et à l’hétéroglossie dont est
caractérisée la littérature africaine (Kamgang 2009, 198–199). Leur
traduction effacerait complètement l’hypotexte africain, ce « texte
afrophone non-écrit » qui, selon K. Fall, serait la base – la matrice
d’après Abiola Irele – de toute écriture littéraire africaine. A. Gouaffo
va plus loin en écrivant que la traduction allemande est marquée par –
et continue de véhiculer – des préjugés et clichés raciaux sur l’Afrique.
(1998, 16).
L’objectif de notre étude est de prendre position par rapport
aux analyses normatives des critiques susmentionnés et d’analyser la
traduction allemande de la littérature africaine comme ni bonne ni
mauvaise. Partant de l’analyse de la traduction de romans des auteurs
francophones d’Afrique Subsaharienne Ferdinand Oyono (Une Vie de
Boy (1956a) et Le Vieux Nègre et la Médaille (1956b)) et Amadou
Hampâté Bâ (L’étrange destin du Wangrin, 1995), nous essayons de
montrer que la traduction allemande d’œuvres africaines est partagée
entre le souci d’offrir au lecteur allemand un texte transparent et
« lisible » (Venuti 2008, 6), et celui de l’informer sur une culture
étrangère. Ceci résulte du fait que la traduction et la production
d’œuvre africaines sont inscrites dans des processus de globalisation,
la littérature africaine étant avant tout, comme le défend Eileen Julien,
une littérature extrovertie. Elle est, pour utiliser un concept de

56
Robertson (1995 ; 2009 ; 2012), une littérature glocale : elle est
produite dans l’espace où le local et le global se rencontrent et
interpénètrent. Elle est glocale parce qu’elle s’adresse (et s’est
toujours adressée) à une audience globale, parce qu’elle s’approprie,
au niveau local, des formes littéraires et des langues globales et, parce
qu’elle est hybride et met en scène un espace hybride et translocal.
Par conséquent, la traduction d’œuvres littéraires europhones
d’Afrique Subsaharienne est aussi glocale. Elle cherche à concilier le
souci de rendre accessible une œuvre produite sur le plan global au
public local allemand, et celui de préserver les spécificités esthétiques
et culturelles locales dans le texte original. Il s’ensuit qu’elle est à la
fois bonne et mauvaise : elle est mauvaise dans le sens bermanien
(Berman 1992, 5), car en essayant de produire un texte transparent,
elle corrige, réécrit et recadre le texte africain et le dépouille de bon
nombre de ses qualités esthétiques. En même temps, là où le texte
original africain ne pose aucun problème de lisibilité, elle lui reste
fidèle et se montre en bonne traduction.

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FALL, Khadi. Ousmane Sembènes Roman « Les Bouts de bois de Dieu ».
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Zur Rezeption der frankophonen Literatur des Subsaharischen Afrika im
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Europas, 19), 1998.
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Imaginaire africain et mondialisation : littérature et cinéma. Paris :
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57
MAYANJA, Shaban. « Pthwoh ! Geschichte, Bleibe ein Zwerg, während ich
wachse ! ». Untersuchungen zum Problem der Übersetzung afrikanischer
Literatur ins Deutsche. Zugl. : Hannover, Univ., Diss., 1999. 1. Aufl. Hannover:
Revonnah (Schriftstücke, 9), 1999.
ROBERTSON, Roland. « Glocalization: Time – Space And Homogeneity–
Heterogeneity ». In : M. Featherstone, S. Lash, R. Robertson (ed.): Global
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ROBERTSON, Roland, WHITE, Kathleen E. « What Is Globalization? ». In :
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Malden, Mass. : Blackwell, 2009 : 54–66.
ROBERTSON, Roland. « Globalisation or Glocalisation? ». In : Journal Of
International Communication, n° 18 (2), 2012 : 191–208.
VENUTI, Lawrence. The Translator's Invisibility. A History of Translation. 2
edition. London : Routledge, 2008.

Corpus

BÂ, Amadou Hampaté. L’étrange destin de Wangrin. Ou les roueries d’un


interprète africain. Nouv. Éd. Paris : Union Générale d’Éd (10,18, 785), 1995.
BÂ, Amadou Hampaté, WITT, Adelheid, LAADE, Wolfgang. Wangrins Seltsames
Schicksal Oder Die listigen Ränke eines afrikanischen Dolmetschers. Ein
Schelmenroman aus Afrika. Frankfurt Am Main : Lembeck, 1986.
OYONO, Ferdinand :
Le vieux nègre et la médaille. Paris : Julliard (Les Lettres Nouvelles, 695),
1956a.
Der alte Neger und die Medaille (Unter Mitarbeit von Katharina Arndt und
Heinrich Arndt). Düsseldorf : Progress-Verl. Fladung, 1957.
Der alte Mann und die Medaille. Roman. 1. Aufl. Berlin : Verlag Volk U. Welt,
1972.
Der alte Mann und die Medaille. Roman. 2. Aufl., (1. Aufl. Ex Libris Volk U.
Welt). Berlin : Verlag Volk U. Welt (Ex Libris Volk Und Welt), 1981.
Une vie de boy. Paris : Julliard (Les Lettres Nouvelles, 791), 1956b.
Flüchtige Spur Tundi Ondua (Unter Mitarbeit Von Katharina Arndt Und
Heinrich Arndt). Düsseldorf : Progress-Verl. Fladung, 1958.

58
L’utilité des mauvaises traductions. La première version des Chants
orphiques de Dino Campana en roumain

Aurora FIRȚA
Université de Bucarest, Roumanie

La première traduction partielle des Chants orphiques de Dino


Campana en roumain remonte aux années ’70 et a été réalisée par le
poète roumain Dragoş Vrânceanu. Il s’agit d’un petit recueil qui
propose une sélection des Chants orphiques (les fragments intitulés
Nottuni, le poème Viaggio a Montevideo et Genova) et aussi des textes
extraits d’autres manuscrits campaniens (Carnets – Taccuini
Matacotta e faentino et Cahier – Quaderno).
Le petit recueil exclut la plupart des Chants et met en avant des
textes moins importants et moins raffinés. En s’agissant de la première
traduction roumaine de l’œuvre de ce poète, on pourrait remettre en
question le choix des textes qui ont été traduits.
Dans les années ’70 durant lesquelles Vrânceanu a fait la
traduction, les traducteurs roumains accédaient difficilement aux plus
récents ouvrages traitant de la traduction. En outre, Vrânceanu ne
semble pas s’intéresser aux disciplines linguistiques, comme on peut le
déduire d’un côté de ses articles et de sa correspondance avec les amis
italiens, et de l’autre côté, de l’approche aux textes qu’il traduit de
l’italien en roumain. Vu le régime politique à l’époque en Roumanie,
les intellectuels vivaient dans une relative clôture par rapport aux
nouvelles théories développées en Occident dans les années ’50 et ’60.
Sans négliger les qualités de la présente traduction, nous
analysons son utilité pour la réception de Campana en Roumanie.
Ayant une finalité propédeutique, notre recherche propose de relever
la structure maladroite du volume, ainsi que plusieurs mauvais choix
traductifs que propose Dragoş Vrânceanu. Dans cette optique, nous
préciserons les acceptions du vocable mauvais : incorrect,
partiellement correct, maladroit.
Vrânceanu semble traduire de manière littérale et sémantique
menant lexicalement et syntaxiquement à des structures claquées sur
l’original. Contrairement à cette obédience structurale et sémantique,
il ignore la rime qui est sporadique chez Campana (v. la fin de La
Chimera, La Speranza, La petite promenade du poète – titre original en

59
français). Toutefois, qualifier de mauvaise cette traduction n’est pas
que le résultat de l’absence de la rime, qui semble un choix assumé par
le traducteur-poète, mais aux nombreux inexactitudes lexicales et
sémantiques causées, parfois, par des similitudes entre les langues
roumaine et italienne.
Voilà trois exemples :

1. l’expression « a conciarmi come un cane » traduite par « ca un


câine-ncolăcit » (La petite promenade du poète) change le sens du
texte source et nous démontrerons l’impact qu’un tel choix a sur
la réception/compréhension de l’œuvre ;

2. le vers « Vedo dietro le vetrate/Affacciarsi Gemme e Rose » (La


petite promenade du poète), rendu comme suit « Văd la geamuri
cum se-arată/Trandafiri şi Nestemate », le trait [+ humain] des
deux noms propres est annulé. En effet, les Gemme et les Rose de
Campana sont des filles de joie. Cette solution traductive est
partiellement correcte. Comment influe-t-elle sur l’effet
perlocutoire ?

3. La traduction de « Sorriso di un volto notturno » (La Chimera) en


roumain est plutôt grotesque et maladroite : « Zâmbet al unei feţe
de noapte » puisqu’en roumain « faţă de noapte »,
sémantiquement correcte, annule le lyrisme de l’image « le visage
nocturne » et la rend hilaire par une association mentale
automatique avec l’expression « faţă de masă » (nappe) ou avec
les expressions comparatives généralement péjoratives
construites avec « faţă de » suivie par un nom : « mutulică, prost
etc. », à savoir « air d’un simplet, stupide ». Des choix plus
poétiques pourraient être pris en considération.

Nous examinons aussi les difficultés syntaxiques des Chants


orphiques, les questions de stylistique, de nombreuses ambiguïtés
qu’egendrent les termes polysémiques, etc. Notre recherche souligne
aussi les défis que doivent relever les traducteurs roumains de langue
italienne, deux langues d’origine latine, avec syntaxe, morphologie et
vocabulaire similaires.

60
Références bibliographiques:

BOASE-BEIER, Jean. « Stylistics and translation ». In : Yves Gambier, Luc van


Doorslaer (ed.), Handbook of translation studies, 2nd vol. Amsterdam-
Philadelphia : John Benjamins, 2011 : 153-156.
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Studies. London/New York : Routledge, 2009 [1998] : 194-196.
DERRIDA, JACQUES. Qu’est-ce qu’une traduction relevante ?. Paris : Cahier de
l’Herne, 2005.
DINU, Mihai. Mică metodă de liră pentru începători (cu tabularea digitaţiei
prozodice şi optzeci de exerciţii rezolvate). Bucureşti : Spandugino, 2014.
DONATELLA, Antelmi. Comunicazione e analisi del discorso. Torino : UTET,
2012.
ECO, Umberto. Dire quasi la stessa cosa. Esperienze di traduzione. Milano :
Bompiani, 2003.
GRASSO, Dana. Traduttologia e traduzione : nozioni teoriche e applicazioni
italiano-romeno. Bucureşti : Meteor Press, 2005.
HERMANS, Theo. « Translability ». In : Routledge Encyclopedia of Translation
Studies. London /New York: Routledge, 2009[1998] : 300-303.
HOLMES, James S. Translated! Papers on Literary Translation and Translation
Studies. Amsterdam : Rodopi, 1994 [1988].
MOUNIN, Georges. Les Belles infidèles. Paris : Septentrion, 1994.
NOUSS, Alexis. « Éloge de la trahison ». In : TTR, Volume 14, n. 2, 2e semestre
2001 : 167-179.
SGROI, Salvatore. « Per lo studio della lingua dei Canti Orfic ». In : Marcello
Verdenelli (a cura di), Dino Campana « una poesia europea musicale
colorita ». Macerata : EUM, 2007 : 82-123.

Corpus

CAMPANA, Dino. Cânturi orfice (în româneşte de Dragoş Vrânceanu).


Bucureşti : Univers, 1970.
CAMPANA, Dino. Canti Orfici, introduzione e commento di Fiorenza Ceragioli.
Milano : Rizzoli, 1985.
CAMPANA, Dino. Taccuini, edizione critica e commento di Fiorenza Ceragioli.
Pisa : Scuola Normale Superiore, 1990.

61
Mauvaise traduction ou appropriation auctoriale et revendication
d’une « licence poétique » ? La traduction d’Anabase de Saint-John
Perse par T. S. Eliot

Esa Christine HARTMANN


Université de Strasbourg, France

« En théorie, seuls les poètes devraient traduire


la poésie ; en réalité, les poètes sont rarement de
bons traducteurs. Cela parce qu’ils se servent
presque toujours du poème étranger comme
d’un point de départ pour écrire le leur. »
(Octavio Paz 1971, 29).

En 1924, Saint-John Perse publie son premier long poème,


Anabase. Passionné de littérature française et plus encore de poésie,
T. S. Eliot découvre ce poème la même année sur la recommandation
de Marguerite Caetani ; il est profondément impressionné par le
souffle épique de ses versets et par des images audacieuses dont
l’éclatante nouveauté ne manque pas de l’éblouir. Il décide alors de
s’approprier, en le traduisant dans sa langue maternelle, cet univers
imaginaire qui le fascine. La lettre qu’il envoie à Saint-John Perse, le 2
septembre 1929, atteste cette double intention d’auteur et de
traducteur :

« Je veux vous dire combien a été grand pour moi le plaisir de


connaître et de traduire votre poème : il a, en plus d’un point que je
pourrais préciser, exercé son influence sur ma propre œuvre en
cours » (1972, 1143).

Ainsi le poète-traducteur T.S. Eliot ne transpose-t-il pas


uniquement le poème Anabase (1924) de Saint-John Perse dans sa
langue maternelle, mais le recrée selon sa propre expérience
auctoriale, son univers imaginaire et son art poétique. La traduction
éliotienne d’Anabase (1930) se nourrit de son œuvre précédente, The
waste land (1922), s’inspire de ses préoccupations spirituelles du
moment (sa conversion à l’anglicanisme, produisant un grand nombre
de résonances bibliques dans sa traduction, que Saint-John Perse ne
manque pas de critiquer), et servira de véritable avant-texte pour ses

62
œuvres contemporaines ou à venir, telles que Ash Wednesday (1930)1.
Fort éloignée du texte de départ2, mais d’autant plus admirée en tant
qu’œuvre poétique indépendante, l’œuvre de ce poète-traducteur
peut donc être considérée comme une création nouvelle.
Or, à en juger d’après les nombreuses infidélités (cf. Shlomo
1973) commises par T.S. Eliot, la traduction d’Anabase semble prendre
le parti de la littérarité contre la littéralité. Ces deux principes semblent
maintenir une tension dialectique infiniment riche, qui se révèle non
seulement tout au long de la genèse de cette traduction, mais aussi
dans les paratextes qui la commentent.
En effet, la traduction d’Anabase par T.S. Eliot connut quatre
éditions successives3, accompagnées de quatre préfaces. C’est ici que
le traducteur commente ses choix et justifie, à partir de la deuxième
édition, les modifications qu’il apporte, avec l’aide de Saint-John Perse,
à sa version précédente. Ce que T.S. Eliot avait fièrement revendiqué,
dans sa première préface, comme des « écarts poétiques » en faveur
d’une « liberté » et d’une « intention auctoriale », sera humblement
reconnu, dans les préfaces des versions successives, comme des
« inexactitudes » et des « erreurs », réparées pour assurer une plus
grande « fidélité littérale ». Les préfaces révèlent donc à la fois une
critique du traduire et l’ethos du poète-traducteur, dont le double
statut oscille entre la conscience professionnelle du traducteur voulant
servir le texte de départ, et la liberté créatrice du poète.
D’autre part, la traduction du poème Anabase fut en vérité une
transposition à quatre mains : Saint-John Perse annote la traduction

1
La traduction d’Eliot relève si clairement de l’appropriation poétique que des
lecteurs américains ont pu croire qu’il en était l’auteur – et Saint-John Perse, le
traducteur. Chapin rapporte cette conversation entre Saint-John Perse et « une des
“Précieuses” littéraires de Washington » : « “Je sais que vous êtes poète. Mais je ne
sais pas au juste si c’est T. S. Eliot qui a traduit un poème de vous, ou si c’est vous, au
contraire, qui êtes le traducteur d’un de ses plus fameux poèmes ?” — “La deuxième
hypothèse est la bonne !” lui affirma aussitôt le poète. Et tout au long du dîner ils
continuèrent de parler d’un poème d’Eliot intitulé Anabase. » (1965, 290).
2
« Elle est, inutile de le cacher, la plus infidèle, sur-traduction plutôt que
transposition, et pourtant la seule reconnue des Anglais, et cela malgré la tentative
d’un traducteur professionnel réputé, critique de Saint -John Perse par surcroît, de
présenter une version plus exacte. […] L’inventaire des libertés prises par T. S. Eliot a
été dressé par le critique israélien Shlomo Elbaz. » (Levillain 1999, 98-99).
3
Faber and Faber (Londres) 1930; Harcourt, Brace and Co (New York) 1938 ;
Harcourt, Brace and Co (New York) 1949 ; Faber and Faber (London) 1949.

63
éliotienne et la corrige à maints endroits (Hartmann 2007, 230 sq., 252
sq.). Cette collaboration, qui permet à Saint-John Perse de recréer son
œuvre dans la langue anglaise, de l’interpréter et d’en expliciter l’art
poétique, infléchit également son statut d’auteur – il devient « co-
traducteur », ou, comme le dit T.S. Eliot, « demi-traducteur »4. Aussi
notre étude s’intéressera-t-elle également au manuscrit de T.S. Eliot
annoté par Saint-John Perse, dévoilant la genèse collaborative de cette
traduction. Les variantes et corrections que Saint-John Perse y apporte
évoquent, implicitement, un discours traductologique, traversé lui
aussi par la dialectique d’une aspiration double, qui rend fascinante
toute entreprise de traduction – l’exigence d’une fidélité littérale et le
désir d’une liberté poétique.

Références bibliographiques

CHAPIN, Katherine Garrison. « Saint-John Perse chez ses amis d’Amérique ».


In : Honneur à Saint-John Perse. Paris : Gallimard, 1965 : 290.
ELBAZ, Shlomo. T. S. Eliot et Saint-John Perse face à face et face au désert,
Thèse de doctorat, Université de Jérusalem, 1973.
HARTMANN, Esa Christine. Les manuscrits de Saint-John Perse. Pour une
poétique vivante. Paris : L’Harmattan, 2007.
HARTMANN, Esa Christine. « Saint-John Perse et T.S. Eliot : une traduction à
deux plumes ». In : P. Hersant (dir.), Traduire avec l’auteur. Paris : Presses
universitaires de la Sorbonne, 2017 (à paraître).
LEVILLAIN, Henriette. « L’aventure poétique de la traduction d’Anabase ». In :
Revue des Deux Mondes, « Saint-John Perse, l’éternel exilé », n° 3, Paris, mars
1999 : 89-103.
PAZ, Octavio. « Traduction : littérature et littéralité ». In : La Nouvelle Revue
Française, n° 224, août 1971 : 26-77.

Corpus

PERSE, Saint-John. Œuvres complètes. Paris : Gallimard, Edition de la Pléiade,


1972.
ELIOT, T.S. « Préface d’Anabasis ». In : Anabasis. London : Faber and Faber,
1930, reprise, dans une traduction de Marie Tadié, dans Honneur à Saint-
John Perse, Paris : Gallimard, 1965 : 420-422.

4
« Quant à la traduction, elle n’aurait pu être ce qu’elle est sans la collaboration
prêtée par l’auteur, au point d’en faire pour moi un demi-traducteur. » (Eliot 1965,
420-422).

64
La Bande dessinée d’Hergé en grec : mutilations sémantiques dans les
bulles

Elisa HATZIDAKI
Université Paul-Valéry Montpellier, France

La bande dessinée (BD) constitue, à côté de la littérature non-


illustrée, un précieux réservoir de connaissances, messages socio-
culturels et idéologies de l’époque dans laquelle elle s’inscrit.
Longtemps dévalorisée, considérée même comme un sous-genre
littéraire, elle voit son caractère évoluer à partir de 1980, notamment
grâce aux progrès des techniques de diffusion massive. Pour les jeunes
lecteurs, elle constitue une source d’inspiration inépuisable et un
support éducatif important, puisqu’elle contribue pour une part à
façonner leur personnalité et influence inévitablement leur vision du
monde. Chez les adultes, la bande dessinée stimule les mécanismes de
réception et l’identification de stéréotypes et invite à une réflexion au
second degré sur l’imaginaire collectif. Ainsi, l’étude du récit s’inscrit
dans une approche qui met en exergue les représentations et les
valeurs culturelles ainsi que les idées préconçues véhiculées par le
texte. La présente étude se focalise sur les traductions des aventures
de Tintin de Georges Rémi, considéré comme le père de la bande
dessinée européenne. Ses albums ont connu un succès incontestable
si l’on considère que dans un laps de vingt ans, le tirage global passe
de 58 000 à 10 millions d’exemplaires. La diversité des péripéties du
héros dans des contextes socio-historiques et géographiques divers,
ainsi que l’interaction des personnages avec d’autres cultures suffisent
à justifier l'examen attentif du brassage des images, imprimées ou
implicites, afin de définir la place de l’interculturalité dans l’œuvre. Les
albums d’Hergé retracent des événements majeurs du XXe siècle et
donnent des leçons de morale, tout en critiquant le mal et l’injustice.
Sous cet angle, la BD n’a pas seulement une fonction référentielle mais
remplit une forte finalité communicative. D’un point de vue
traductologique, sa traduction nécessite elle aussi rigueur et précision,
mais comme elle s’adresse principalement à un jeune lectorat, elle doit
rester transparente ou du moins imperceptible pour celui-ci. Le corpus
qu’il s’agit d’étudier dans le cadre de notre travail comprend plusieurs
écarts. En effet, nous avons remarqué que le traducteur grec, soucieux

65
de respecter la taille standardisée des bulles, élimine certains éléments
sacrifiant parfois le sens de l’énoncé. En d’autres termes, pour parvenir
à tout rentrer dans les bulles, il n’hésite pas à remodeler le récit en
enlevant ce qui pourrait parasiter la clarté et la fluidité du texte grec et
par conséquent l’action du discours narratif. Plus encore, si la
traduction modifie délibérément des aspects du TS, en supprimant par
exemple des mots ou des signes, il est légitime que les réactions chez
le lecteur hellénophone ne soient pas les mêmes. Peut-on alors parler
d’une mauvaise traduction ? Comment définir au juste la bonne
traduction d’une BD ? Si l’on accepte la définition de la sociologue
Evelyne Sullerot qui affirme que la BD est l’antichambre de la culture
et si l’on admet que les textes illustrés sont vecteurs des sens,
symboles et représentations, on se situe au-delà de la tradition cibliste
ou sourcière, et loin de tout regard statique qu’impose la dichotomie
étrangéité vs familiarité. Ainsi, la traduction optimale de la BD serait
celle qui transmet les idées. Est-ce pourtant le cas chez Hergé ? Dans
les vignettes grecques, le texte correspond-il à l’illustration ? Quels
sont les messages estropiés et les images estompées dans la BD en
question ? Pour répondre à ces interrogations, nous nous proposons
de comparer des segments narratifs dans les deux langues afin
d’établir une typologie des dissemblances repérées. La méthode
d’analyse que nous proposons devrait nous permettre d’affirmer si la
traduction grecque atteint son but, si elle rend clairement et
intégralement la pensée et le vouloir dire du texte français ou si, en
revanche, elle atténue l’intensité de certains éléments sous-jacents.
Enfin, qu’en est-il des effets produits et quelles sont finalement les
représentations que peut se faire le public hellénophone ? Notre but
est de montrer aussi que l’interprétation ou la reformulation de la
parole de l’Autre, dans une société qui se veut multiculturelle, doit
respecter des valeurs universelles, héritage commun de l’humanité.

Références bibliographiques

BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans


l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
CHANTE, Alain, TABUCE, Bernard. « La BD : plus qu’un média ». In : Hermès,
La Revue, Volume 2, n°54, 2009 : 43-44.
DEERIDA, Jacques. Le monolinguisme de l’autre, ou la prothèse d’origine.
Paris : Galilée, 1996.

66
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzager. Paris : Grasset, 2003.
JAKBSON, Roman. Essais de linguistique générale. Paris : Minuit, 1973.
FAUR, Jean-Claude. À la rencontre de la bande dessinée. Marseille : Bedesud,
1983.
LADMIRAL, Jean-René. Traduire : théorèmes pour la traduction. Paris :
Gallimard, Coll. « Tel », 1994.
MCCARTHY, Tom. Tintin et le secret de la littérature. Paris : Hachette
Littératures, 2006.
MESHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
MOUNIN, Georges. Les Belles infidèles. Lille : Presses Universitaires du
Septentrion, 2016.
NOUSS, Alexis. « Eloge de la trahison ». In : TTR : traduction, terminologie,
rédaction, Volume 14, n°2, 2001 : 167-179.
PYM, Anthony. Pour une éthique du traducteur. Arras/Ottawa : Artois Presses
Université/Presses de l’Université d’Ottawa, 1997.
RICŒUR, Paul. Soi-même comme un autre. Paris : Seuil, 1990.
SULLEROT, Evelyne. Bande dessinée et culture. Paris : Opera Mundi, 1966.

67
Une approche pragmatique du concept de « mauvaise » traduction.
L’exemple d’Un amour de Dino Buzzati

Floryne JOCCALLAZ
Université de Genève, Suisse

Dans une perspective pragmatique et grâce au modèle critique


proposé par Lance Hewson (2011), nous mettrons en évidence
quelques aspects problématiques de la traduction française du roman
Un amore de Dino Buzzati, par Michel Breitman, traducteur de la plus
grande partie de l’œuvre buzzatienne (1963, 1964).
Lance Hewson développe une méthode critique qui expose
clairement les étapes à suivre pour confronter un texte source à sa
traduction. La force de son modèle tient à la progression guidée de
l’analyse à travers différents niveaux du texte. Grâce à un classement
des glissements observés en « effets de voix » et « effets
d’interprétation », l’approche de Hewson nous permettra de
démontrer que certains choix traductifs de Michel Breitman ont
profondément modifié plusieurs enjeux du roman de Buzzati.
Nous nous intéresserons notamment à la caractérisation des
protagonistes par leurs idiolectes et à la fonction symbolique de leur
expression. Fidèle à son projet néo-réaliste, Dino Buzzati s’est, par
exemple, attaché à ce que les discours directs de Laide, jeune
prostituée d’une vingtaine d’années, reflètent son identité
socioculturelle. Il a ainsi soigné la représentation d’une oralité qui se
fonde sur de nombreuses marques linguistiquement stigmatisantes
(cf. Gadet 1996, 17-40), tant au niveau lexical que syntaxique. Une
rapide confrontation entre le texte source et la version française du
roman met en évidence le fait que Michel Breitman a choisi de ne
rendre que peu d’éléments de cette oralité, pourtant essentielle pour
la caractérisation de la jeune femme. Nous évaluerons l’incidence de
certaines décisions du traducteur sur les enjeux narratifs liés aux
représentations de la parole de Laide et d’Antonio Dorigo. Ce dernier,
complètement dépendant de l’attention que daigne parfois lui
accorder la jeune prostituée, adopte certains de ses codes
linguistiques : nous observerons la manière dont Michel Breitman a

68
rendu ce phénomène d’annihilation de soi passant par l’adoption de
certains traits linguistiques de la personne désirée.
Notre analyse nous permettra d’affirmer que, de
« laboratoire » (Vignali-De Poli 2011, 207) linguistique audacieux au
service de riches effets narratifs en langue source, le roman apparaît
en français comme décoloré par l’intervention du traducteur. Ce
constat nous conduira à réfléchir au rôle essentiel d’une traduction
comportant des faiblesses au niveau de la compréhension du style de
l’auteur, dans la réflexion soutenant un projet de retraduction. Malgré
les évidents manquements d’Un amour, nous soulignerons son succès
éditorial dans l’Hexagone et évoquerons la manière dont les
« mauvaises » traductions françaises de Buzzati ont pourtant permis
d’offrir à l’œuvre de l’écrivain un second souffle en Italie, grâce
notamment aux activités de l’« Association internationale des Amis de
Dino Buzzati », fondée à Paris en 1976. Ce n’est en effet qu’en 1989,
sous l’impulsion de Nella Giannetto, qu’a été créée à Feltre
l’« Associazione Dino Buzzati ». Ce regain d’intérêt a ouvert la voie à de
nouvelles études qui ont mis en lumière la richesse, jusque-là souvent
ignorée, de l’écriture buzzatienne.

Références bibliographiques

ALTIERI BIAGI, Maria Luisa. « Aspetti sintattici della scrittura narrativa di


Buzzati ». In : Norma e lingua in Italia : alcune riflessioni fra passato e
presente. Incontri di Studio., n. 10, 1997 : 147-165.
BERMAN, Antoine. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain. Paris :
Seuil 1999 [1991].
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Buzzati ». Traduit par Yves Panafieu. In : Cahiers Dino Buzzati (Colloque de
Milan, 1982 : « La présence de Dino Buzzati, dix ans après sa disparition »), n.
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CONSTANTINESCU, Muguraş, BALAŢCHI, Raluca-Nicoleta. Critique des traductions.
Repères théoriques et pratiques. Cluj-Napoca : Casa Cartii de Stiinta, 2014.
GADET, Françoise. « Niveaux de langue et variation intrinsèque ».
Palimpsestes. Niveaux de langue et registres de la traduction, n. 10, 1996 :
17-40.
GIANNETTO, Nella (éd.). Dino Buzzati : la lingua, le lingue, Atti del Convegno
internazionale, Feltre e Belluno, 26-29 settembre 1991. Milan : Mondadori,
1994.

69
HEWSON, Lance. An Approach to Translation Criticism. Amsterdam
/Philadelphie : John Benjamins Publishing Company, 2011.
HEWSON, Lance. « Entretien avec Muguraş Constantinescu ». In : Atelier de
traduction, n. 19, 2013 : 15-21.
LAFFONT, Robert. « Un de mes auteurs préférés : Buzzati ». In : Cahiers Dino
Buzzati, n. 2, 1978 : 19-25.
LIVI, François. « Traduire Buzzati ». In : Travaux du Centre de traduction
littéraire (CTL). Traduire les classiques italiens. Dante, Boccaccio, Tasso,
Buzzati, n. 14, 1992 : 31-42.
PANAFIEU, Yves. Un autoritratto. Dialoghi con Yves Panafieu (Luglio-Settembre
1971). Milan : Mondadori, 1973.
PANAFIEU, Yves. Eve, Circé, Marie ou la femme dans la vie et dans l’œuvre de
Dino Buzzati. Paris : Association internationale des amis de Dino Buzzati,
1989.
VIGNALI-DE POLI, Cristina. La parole de l’autre : l’écriture de Dino Buzzati à
l’épreuve de la traduction. Berne, Berlin, Bruxelles, etc. : Peter Lang, 2011.

Corpus

BUZZATI, Dino

Un amore. Milan : Mondadori, 2012 [1963].


Un amour (trad. Michel Breitman). Paris : Robert Laffont 2010 [1964].

70
L’analytique de la traduction dans l’étude des traductions roumaines
de la nouvelle La Parure de Guy de Maupassant

Kinga Eva KELEMEN


Université « Babes-Bolyai » de Cluj-Napoca, Roumanie

Tout au long de l’histoire, la qualité des traductions a beaucoup


préoccupé les traducteurs. Aujourd’hui, le concept de qualité se
confond avec l’évaluation. Mais comment évaluer les traductions ?
Quels sont les critères selon lesquels nous pouvons les évaluer ?
En nous inspirant de l’analytique de la traduction proposée par
Antoine Berman, ainsi qu’en essayant d’appliquer quelques
instruments empruntés à l’analyse textuelle du discours (en nous
inspirant de Dominique Maingueneau et Jean-Michel Adam), nous
allons analyser trois variantes de traduction roumaines de la nouvelle
La Parure de Guy de Maupassant pour essayer de les classifier comme
« bonnes » ou « mauvaises ».
Le travail avec le texte est essentiel. L’appropriation et
l’interprétation des sens qu’il véhicule est une étape essentielle dans
l’activité de traduction. Chaque traducteur crée sa propre vision sur le
texte à traduire. Chaque lecture du texte implique une nouvelle
interprétation, une nouvelle découverte. En vertu des différentes
interprétations d’un même texte, on peut avoir des traductions
différentes. Par conséquent, on peut obtenir plusieurs expressions
d’un même message. Mais les critères d’analyse des traductions
peuvent être différents et, alors, les traductions peuvent être bonnes
ou mauvaises selon que l’on se rapporte au but/à la finalité de la
traduction, au public visé. Les différentes décisions/différents choix
engendrent, comme dans un jeu d’échecs, d’autres décisions, en
influant ainsi sur la qualité de la traduction.
En plus, on ne peut pas affirmer qu’une traduction est
entièrement mauvaise. Il y a éventuellement des passages, dus à une
mauvaise interprétation, à des choix traductifs inappropriés. Les choix
lexicaux considérés impropres sont discutables puisque deux
traducteurs peuvent ne pas employer le même terme pour un certain
objet mais des synonymes.

71
À travers ces analyses, nous visons à comparer non seulement
la façon dont les traducteurs ont interprété le texte, mais également
la manière dont ils ont contribué à manifester la pluralité
interprétative de l’œuvre littéraire en question. La comparaison à
l’original fait ressortir non seulement des passages plus ou moins
touchés par des déformations, mais également la différence entre
chaque traduction et le texte de départ ainsi qu’entre les traductions
elles-mêmes.
Les analyses macrostructurales ainsi que les analyses
microstructurales du texte vont nous aider à construire un parcours
cohérent de lecture du texte à traduire, à remplir des « blancs » du
texte (cf. Eco 1985), à identifier la cohésion et la cohérence textuelle,
la progression thématique, la segmentation, ainsi que la focalisation,
les marqueurs linguistiques, les structures des séquences descriptives,
narratives et dialogales, le fonctionnement des temps verbaux, etc., à
la reconstruction du texte dans la langue cible.
Lorsqu’on veut évaluer la qualité d’une traduction, on doit
prendre en compte ce gendre d’analyses. Ce n’est qu’ ainsi qu’on peut,
dans un premier temps, arriver au niveau de profondeur du texte à
traduire, et vérifier l’acceptabilité des choix traductifs ; et, dans un
second temps, identifier les tendances déformantes qu’engendre une
compréhension/interprétation déficitaire des structures du texte à
traduire, et implicitement les erreurs de traduction qui s’ensuivent.

Références bibliographiques

ADAM, Jean-Michel. Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes.


Paris : Nathan, 1999.
ADAM, Jean-Michel. La linguistique textuelle. Introduction à l’analyse
textuelle des discours. Paris : Armand Colin, (livre numérique), 2011.
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l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
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T.E.R., 1985.
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traduction du conte français ». In : TTR, vol.25, no.2, 2012 : 193-213.
CONSTANTINESCU, Muguraş. Pour une lecture critique des traductions.
Réflexions et pratiques. Paris : L’Harmattan, 2013.

72
ECO, Umberto. Lector in fabula ou coopération interprétative dans les textes
narratifs. Paris : Éd. Bernard Grasset&Fasquelle, 1985.
FLOREA, Ligia Stela. Pour une approche linguistique et pragmatique du texte
littéraire. București : Ed. Eliteratura, 2015a.
FLOREA, Ligia Stela. « Construction du point de vue et traduction. À propos
de l’incipit de Qui j’ose aimer d’Hervé Basin ». In : Atelier de traduction, n. 24,
2015b : 91-105.
MAINGUENEAU, Dominique. Manuel de linguistique pour les textes
littéraires. Paris : Armand Colin (livre numérique), 2010.

Corpus

Guy de MAUPASSANT

« La Parure ». In : Œuvres Complètes-67 titres (Annotées et illustrées). Éditions


Arvensa, édition numérique, 2014.
Nuvele și Schițe. Traducere de Lucia Demetrius. București : Editura Albatros,
1972 : 165-174 ;
Bijuteria. Traducere de Cezar Petrilă. Iași : Editura Tehnopress, 2006 : 118-
128,
La parure. Traducere de Irina Petraș. Pitești : Editura Paralela 45, 2011 : 6-39.

73
Qui est Laura ? Réflexions sur le pouvoir de déformation du transfert
d’une langue à une autre

Evaine LE CALVÉ IVIČEVIĆ, Matea KRPINA


Université de Zagreb, Université de Zadar, Croatie

Le roman est un cadre privilégié où se croisent et


communiquent des personnages dont les échanges nous donnent à
pénétrer l’étoffe psychologique. La trame psychologique sous-tend le
récit bien au-delà de la simple vraisemblance narrative : elle le nourrit
et en compose les strates. En cela elle réclame du traducteur une
attention et une interprétation aiguës, et c’est pourquoi nous posons
comme prémisse que le bon rendu de la psychologie des personnages
est l’un des « éléments objectifs » essentiels pour juger de la réussite
de la traduction. Cette épaisseur psychologique s’exprime, outre par la
voix du narrateur, dans la communication entre les personnages, or,
remarque Steiner (1975), toute unité de communication comporte
une part de contenu personnel et tient de l’idiolecte. Il suffit de peu de
choses au cours du processus traductif pour que le traducteur, peu
compétent, distrait ou trop occupé à « raconter l’histoire », échoue à
détecter les réseaux idiolectaux qui s’y croisent, à interpréter les liens
unissant les acteurs du récit. Le résultat de son travail nous met alors
en présence du pouvoir de déformation que recèle le transfert d’une
langue à une autre. Redoutable lorsqu’il s’exerce sur le portrait
psychologique des personnages et la nature des liens les unissant, ce
pouvoir est susceptible d’altérer les uns comme les autres au point de
les rendre méconnaissables, de rendre opaque la nature et les
motivations de leurs émotions, jusqu’à trahir l’intention de l’auteur,
nous proposant ainsi une copie faussée du texte original.
L’un des mécanismes de distorsion du sens est le décalage qui,
tel un prisme déformant, a entre autres effets de briser l’univers du
texte source. Il serait plus juste de dire les décalages, puisqu’ils
peuvent être de diverses natures ; ceux qui nous intéresseront ici sont
notamment de type interlinguistique, interculturel, sémantique, de
connotation. Leur impact au niveau microstructurel est ponctuel et,
considéré isolément, semblera parfois peu perceptible. Cependant, au
niveau macrostructurel leurs myriades en viennent à brouiller les

74
portraits des personnages, les sentiments qui les animent, voire même
la narration. Tel est le cas pour Les Bains de Kiraly de Jean Mattern
(2008), dont un personnage en particulier sort défiguré de la
traduction croate (Királyeve toplice, 2010) : Laura, devenue
méconnaissable, et avec elle la relation qui la lie à Gabriel, son époux
et le personnage central du roman. Nous montrerons comment la
Laura croate est dépossédée de sa personnalité et de quelles façons
opèrent les « tendances déformantes » (Berman) qui la rendent
étrangère à elle-même. Abordant cette traduction aux niveaux
microstructurel et macrostructurel, nous scruterons d’abord les choix
lexicaux et les décalages sémantiques qui en découlent. Nous
aborderons également une question le plus souvent escamotée dans
les travaux traductologiques, à savoir celle de l’aspect, qui en croate
est une catégorie verbale et morphologique, relevant de la grammaire
et du lexique, mais qui a aussi à voir avec la sémantique ainsi qu’avec
la représentation que l’énonciateur se fait du procès. La question des
choix aspectuels et des valeurs aspectuelles qui en découlent relève
des décalages interlinguistiques qu’implique la rencontre de deux
systèmes verbaux différents. Nous montrerons que, considérés au
niveau macrostructurel, l’ensemble de ces décalages contribue à
déformer les personnalités des personnages, après quoi nous
soulignerons comment le rapport affectif reliant Laura à Gabriel se
trouve du même coup faussé. Nous tenterons finalement de trouver
dans le texte en croate la réponse à la question initiale : Qui est Laura ?

Références bibliographiques

BALLARD, Michel. « Effets d’humour, ambiguïté et didactique de la


traduction ». In : Meta: journal des traducteurs, vol. 34, n° 1, 1989 : 20-25.
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Presses Université, 2004.
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Badea Georgiana (éd.), De la méthode en traduction et en traductologie.
Timişoara : Eurostampa, 2013 : 9-35.
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HURTADO ALBIR, Amparo. La Notion de fidélité en traduction. Paris : Didier
érudition, 1990.
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Gallimard, 1994 [1979].
LE CALVÉ, Ivičević. « Traduire l’infinitif prédicat : quand le processus traductif
éclaire la langue source ». In : Ljubičić M. (éd.). Studia Romanica et Anglica
Zagrabiensia, vol. LX, Zagreb : Facultas Philosophica Universitatis Studiorum
Zagrabiensis, 2015 : 39-54.
LE CALVÉ, Ivičević. « Traduire l’absence : la phrase elliptique du verbe dans
Istanbul de Daniel Rondeau ». In : Vinaver-Ković M./Stanojević V. (dir.), Les
études françaises aujourd'hui, Belgrade : Faculté de Philologie de l’Université
de Belgrade, 2014 : 319-330.
LE DISEZ, Jean-Yves, WINIBERT, Segers. Le bon sens en traduction. Rennes :
Presses universitaires de Rennes, 2013.
MILLIARESSI, Tatiana (éd.). De la linguistique à la traductologie : Interpréter /
traduire. Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2011.
POP, Mirela. « L’équivalence comme adéquation – essai de définition du
concept ». In : Buletinul Ştiinţific al Universităţii « Politehnica » din Timişoara,
vol. 1, n° 1, 2002 : 46-53.
STEINER, Georges. Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction.
Traduction de Lucienne Lotringer. Paris : Albin Michel, 1998.

Corpus

Jean MATTERN

Les Bains de Kiraly. Paris : Sabine Wespierer éditeur, 2008.


Királyeve toplice. Traduction de Mihaela Vekarić. Zagreb : Fraktura, 2010.

76
La traduction du pertexte : introduction et quelques cas particuliers

Alberto MANCO
Université « L’Orientale » de Naples, Italie

Dans la réflexion sur la traduction que nous proposons, nous


avons recours à la notion de « pertexte », avec une référence
spécifique à la bande dessinée. Les pertextes sont des textes d’un
second niveau que nous avons identifiés (Manco 2015 ; 2016 ; 2017)
comme des textes qui sont caractérisés par une identité textuelle
spécifique. Ils ne sont pas identifiés mais on peut les trouver partout
comme des panneaux publicitaires, des journaux, des lettres et
d’autres occurrences similaires qui ont été répétées à nouveau (d’où
la référence au deuxieme niveau) dans des textes figuratifs tels que la
publicité, les bandes dessinées, les romans graphiques et ainsi de suite.
Du fait que les pertextes ne sont pas détectés dans
l’énumération traditionnelle des typologies textuelles qui forment la
bande dessinée, constitue un résumé représentatif la liste proposée
par l’Encyclopédie de la langue et de la linguistique : « There are three
main groups of written text in comics : a. text within a balloon, b. text
within the panel, c. text at the edge of, or between panels, so-called
caption texts » (Brown et al. 2005, 625)
Parce qu’ils ne sont pas repérés, les pertextes souffrent d’une
condition singulière: ils n’ont même pas d’identification
métalinguistique, et ils ne sont pas destinataires d’une attention
systématique par les traducteurs, qui en face d’eux se comportent
d’une manière différente. Nous proposons donc quelques exemples
afin d’identifier et remarquer l’existence des pertextes, d’en
commenter les caractéristiques saillantes et de produire peut-être
l’intérêt pour quelques approfondissements.
Grâce à la sélection de quelques bandes dessinées traduites (et
parfois retraduites) en italien, nous passerons en revue des
« pertextes » afin d’en commenter les principales caractéristiques et
de montrer que leur traitement par les traducteurs n’est pas
uniforme : elle est surprenante, plûtot, la disparité de traitement à
laquelle ils sont soumis, avec des solutions qui sont très mal compris
sur le plan traductologique.

77
Nous proposons trois étapes d’analyse. D’abord, nous allons
présenter quelques exemples tirés de diverses publications italiennes :
de Topolino à Rat-Man, de L’Eternauta à Batman, pour n’en nommer
que quelques-unes. Ensuite, nous dédions une attention particulière
aux éditions françaises, italiennes et espagnoles de Maus d’Art
Spiegelman que nous repportons à l’original anglais afin de faire
remarquer que le traitement auquel les pertextes étaient soumis n’est
certainement pas uniforme. En fait, la disparité des traitements qui les
concernent surprend beaucoup.
Enfin, la comparaison de deux éditions italiennes de Maus,
proposées par de Ranieri Carano (1995) et Cristina Previtali (2010),
nous a permis de constater que le choix de ne pas traduire le pertexte
est parfois discutable, influant directement sur la réception dont la
traduction est l’intermédiaire.

Références bibliographiques

BROWN, Keith (ed.). Encyclopedia of Language and Linguistics, 2nd Edition.


Oxford : Elsevier, 2005.
CELLOTTI, Nadine. « The Translator of Comics as a Semiotic Investigator ». In :
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Naples : Liguori, 2012 : 1–12.
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Nguyen. Jackson: University Press of Mississippi (titre d’origine: Système de
la bande dessinée, 1999), 2007.
HORN, Maurice, SECCHI, Luciano. Enciclopedia mondiale del fumetto.
Milano : Editoriale Corno, 1978.
MANCO, Alberto. « Testi mediati da testi. Precarietà e pertestualità ». In :
Alessandria, 9, 2015 : 129-144.
MANCO, Alberto. « Testi mediati da testi : il pertesto. Descrizione e aspetti
storici (1918-1943) ». In : Alberto Manco e Azzurra Mancini (a cura di),
Scritture brevi: segni, testi e contesti. Dalle iscrizioni antiche ai tweet. Napoli :
L’Orientale, 2016.
MANCO, Alberto. « La rappresentazione del parlato in un frammento di storia
del fumetto italiano : l’uso della ‘nuvoletta’ nel periodico La tradotta (1918-
1919) ». In : G. Ruffino e Marina Castiglione, La lingua variabile nei testi
letterari, artistici e funzionali contemporanei (1915- 2014). Analisi,

78
interpretazione, traduzione, Atti del XIII Congresso SILFI. Società
Internazionale di Linguistica e Filologia Italiana (Palermo, 22-24 settembre
2014), Franco Cesati Editore e Centro di studi filologici e linguistici siciliani,
2016b : 363-382.
PODEUR, Josiane (a cura di). Tradurre il fumetto/Traduire la bande dessinee.
Napoli : Liguori, 2012.
PODEUR, Josiane. « De Malet à Malet-Tardi en Italie: une histoire de
contraintes ». In : Podeur Josiane (dir.), Tradurre il fumetto/Traduire la bande
dessinée. Naples : Liguori, 2012 : 51-80.
WALKER, Mort. The Lexicon of Comicana. USA : Backinprint.com, 2000.

Corpus

Art SPIEGELMAN

Maus. A survivor’s tale. London : Penguin, 1987.


Tutto Maus. Racconto di un sopravvissuto. Milano : BUR, 1997 [1989].
Maus: relato de un superviviente. Traduccíon de Roberto Rodríguez, grafismo
y rotulación Beni Vázquez, Esteban Carmona. Barcelona : Editorial Planeta-
DeAgostini, 2001.
Maus. Traduzione di Cristina Previtali. Lettering Booh Stoodio (Milano).
Torino : Einaudi, 2010.
Maus. Traduction de Judith Ertel. Lettrage Anne Delobel. Paris : Flammarion,
2012.

79
Tout est loin. Problèmes de traduction d’un roman hongrois, datant du
régime communiste

MARÁDI Krisztina
Université de Debrecen, Hongrie

Dans ma communication, je propose d’analyser la traduction


française d’un roman hongrois de Sándor Tar (1941-2005). Originaire
de Debrecen, une ville orientale hongroise, l’auteur travaillait en usine
comme ouvrier. Homosexuel, il avait été obligé de collaborer avec la
police politique du régime communiste. Dans ses romans et courts
récits, il évoque la vie des prolétaires, des ouvriers qu’il connaît par
expérience. Ses personnages vivent dans un monde sans avenir, dans
une misère insupportable matériellement comme intellectuellemen.
Souvent, l’alcool est l’unique consolation.
Le roman choisi (Minden messze van/Tout est loin) présente
quatre ouvriers qui travaillent ensemble sur un chantier et, le soir,
partagent deux pièces d’une maison sordide, quelque part en Hongrie.
L’alcool, les filles, une camaraderie gouailleuse animent leur existence
sans avenir. Ils rêvent de grosses voitures et d'abondance mais ne
voient pas plus loin que le bistrot du coin. Un jour, le patron leur
propose d’aller faire de l’argent en Allemagne. Commence alors un
voyage qui va les conduire vers un nouveau chantier — en réalité une
décharge où il faut enfouir, chaque nuit, des déchets d’une inquiétante
nature, tandis que Laboda, le plus beau des quatre, arrondit ses fins de
mois en se déshabillant dans un cabaret pour amatrices de strip-
tease...
Dans son roman, l’auteur évoque les expériences des années
passées en travailleur étranger dans la République Démocratique
d’Allemande entre 1967 et 1970. La réalité représentée dans cette
œuvre, les personnages, leurs objets symboliques (des chaussures
d’ouvriers, des sacs achetés des soldats russes présents à l’époque en
Hongrie), leurs expressions, mode de vie sont devenus pour
aujourd’hui des éléments du passé, inconnus et incompréhensibles
même pour les jeunes générations.
La forte présence de références culturelles dans l’œuvre
représente un défi difficile à relever par le traducteur. Elles peuvent

80
être exprimées sous forme directe, concrète ou, au contraire, de
manière allusive, codée, faisant appel à un vécu commun avec le
lecteur.
Traduire ce monde pour le montrer à des personnes qui n’en
avaient que des notions vagues et embellies – comme le régime
communiste améliorait l’image transmise à l’extérieur – représentent
une difficulté majeure. La traduction entre dans le processus
d’interculturation où « il s’agit de faire se croiser deux univers
linguistiques et culturels par la production d’un texte intermédiaire,
venu de l’un et transposé dans l’autre, intégré dans l’autre pour y
former un nouvel ensemble cohérent et pourtant lié à ses origines »
(Blanchet 2004). Pour que ce processus donne de bons résultats, il faut
tout d’abord interpréter le texte de départ, faire une identification
sociopragmatique et après reformuler l’information pertinente
extraite. L’opération nécessite une réflexion approfondie de la part du
traducteur afin d’identifier les éléments culturels directement
traduisibles, les différences traduisibles par des équivalents indirects
et celles proprement intraduisibles. Or, une approche
sociopragmatique exige une connaissance profonde de la culture
source pour éviter les mauvaises traductions dont l’œuvre choisie est
pleine et qui sont imputables surtout – comme je viens de le dire – à la
méconnaissance d’une réalité, hermétiquement fermée pour
l’extérieur et imprégnée de références socio-culturelles.

Références bibliographiques

ALBERT, Sándor. Fordítás és filozófia [Traduction et philosophie]. Budapest :


Tinta Kiadó, 2003.
BLANCHET, Philippe. « Témoignage sur un essai de traduction interculturelle :
de Alice in Wonderland à Liseto en provençal ». In : La linguistique, Vol. 40,
2004 : 109-130.
BÁRCZI, Géza. « A városi népnyelv kérdéséhez [à la question de la langue
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présent de la langue hongroise]. Budapest : Gondolat, 1980 : 280-297.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction.
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.
KERBRAT-ORRECCHIONI, Catherine. La connotation. Lyon : Pul, 1977.
KLAUDY, Kinga. Bevezetés a fordítás elméletébe [Introduction à la théorie de
la traductologie]. Budapest : Scholastica, 2009.

81
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littéraire de la France. No 3, 1997 : 428-179
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lehetetlen?) » [Système linguistique et traduction (comment l’impossible
devient-il possible?]. In : Francia-magyar szótárak és műfordítás
[Dictionnaires franco-hongrois et traduction]. Revue d’Études Françaises. No
15, Budapest : Centre Interuniveritaires d’Etudes Françaises, 2010 : 35-43.
KONTRA, Miklós (éd.). Nyelv és társadalom a rendszerváltozáskori
Magyarországon. [Langue et société en Hongrie, à l’époque du changement
de régime]. Budapest : Osiris, 2003.
LACKFI, János. « Kettős megközelítésben a műfordításról » [Une double
approche de la traduction littéraire]. In : Francia-magyar szótárak és
műfordítás [Dictionnaires franco-hongrois et traduction]. Revue d’Études
Françaises. No15, Budapest : Centre Interuniveritaires d’Etudes Françaises,
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MOREAU, Marie-Louise (éd.). Sociolinguistique. Concepts de base. Sprimont :
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MOUNIN, George. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
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TATILON, Claude. « Traduction : une perspective fonctionnaliste ». In : La
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TAR, Sándor. Minden messze van. Debrecen : Határ Könyvek, 1995.


TAR, Sándor. Tout est loin. Traduit du hongrois par Patricia Moncorgé.Arles :
Actes du Sud, 1996.

82
Vieillissement et oubli, contretemps de la (bonne) traduction (avec
Walter Benjamin et Marcel Proust)

Marcelo Jacques de MORAES


Université Fédérale de Rio de Janeiro, Brésil

Les souvenirs qui font la trame du temps retrouvé dans l’œuvre


de Marcel Proust portent toujours l’empreinte d’une double
temporalité : ils constituent le trait de la fugacité, du vieillissement, de
la disparition, de la destruction de cela même – de la vie – qu’ils
évoquent, et, simultanément, celui de son inscription dans un réseau
de sens qui se configure au-delà de tout « événement vécu » (Benjamin
2000, II, 137), en une survie où il devient finalement possible de vivre
tout ce qu’on n’aura pas vécu de la vie qu’on a vécue, justement parce
qu’enfermé dans une sorte d’oubli original, déterminé par les
oscillations du désir et du sentiment qui, selon l’écrivain, filtrent à
chaque fois, pour chacun, la perception de ce qu’on vit (cf. Benjamin
2000, III, 337).
C’est au milieu d’un développement temporel analogue entre
vie consumée et vie continuée que se tissent la survivance d’une
œuvre dans son historicité propre et, plus précisément pour ce qui
nous intéresse ici, les « corrélations de vie » (Benjamin 2000, I, 247) –
impliquées aussi dans cette survivance – que cette œuvre entretient
avec ses traductions, telles que les conçoit Walter Benjamin dans ses
réflexions sur la « tâche du traducteur ». Car de même que l’œuvre de
Proust, instable par cette complexité temporelle inscrite dans sa
propre nature, se trouve condamnée par sa virtualité intrinsèque à se
réécrire à l’infini, de même une traduction, telle que Benjamin nous
permet de la penser, est par définition inachevée et inachevable :
entre le saut dans le « temps de maintenant » dans laquelle elle
survient – et survit – en dépit de l’original et de sa langue, et la
fatidique retrouvaille d’un temps et d’un sens perdus que cet original
et cette langue, dans « leur mutation et renouveau » propres
(Benjamin 2000, I, 249), s’acharnent à chercher, en en reflétant le
vieillissement, entre l’oubli de la propriété des langues – de la propre,
de l’étrangère – et sa hantise permanente et changeante, elle, la
traduction, ne cesse de solliciter, en contretemps, et en même temps,

83
son propre achèvement et celui de l’original, sa propre métamorphose
et celle de l’original, sa propre « croissance » (Benjamin 2000, I, 252)
et celle de l’original. C’est-à-dire, à la limite, elle ne cesse de solliciter
une autre traduction, ou, si l’on veut, une retraduction, qui rouvre et
réinterroge, du même coup, l’original et ses traductions, aussi bien que
« le rapport le plus intime entre les langues » (Benjamin 2000, I, 248)
qui se remettent ainsi en contact.
C’est donc en partant du contrepoint proustien que je voudrais
revenir sur la pensée de Benjamin sur la littérature et la traduction, sur
leurs « corrélations de vie », pour réfléchir plus spécialement sur la
dimension productive du vieillissement et de l’oubli, pris en tant que
contretemps critiques inhérents à toute œuvre – original ou traduction
–, et qui les vouent tous les deux – original et traduction –, de façon
nécessaire et inexorable, à l’inachèvement et à la « vie continuée »,
cela à la fois « à l’intérieur du massif forestier » (Benjamin 2000, I, 254)
de chacune des langues en jeu et dans la frontière entre elles – au
moins pour les lecteurs « qui comprennent l’original » (Benjamin 2000,
I, 244).
J’explorerai en particulier dans mon étude un élément
fondamental lorsqu’il est question, chez Proust, des rapports entre le
monde sensible, les souvenirs et la traduction de la vie que l’œuvre
aspire toujours à être pour l’écrivain, élément mis en relief par
Benjamin lui aussi dans son essai sur l’écrivain : il s’agit de l’odeur,
« refuge inaccessible de la mémoire involontaire » (Benjamin 2000, III,
337). C’est à partir de là que je proposerai une image conceptuelle qui
me permettra peut-être de spéculer sur la distinction entre la bonne
et la mauvaise traduction : celle d’une traduction odorante.

Références bibliographiques

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Maurice de Gandillac, révisé par Rainer Rochlitz. Paris : Gallimard, 2000 : 244-
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Maurice de Gandillac, révisé par Rainer Rochlitz. Paris : Gallimard, 2000 : 135-
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BENJAMIN, Walter. « Sur quelques thèmes baudelairiens ». In : Œuvres III :
Traduit par Maurice de Gandillac, revu par Rainer Rochlitz. Paris : Gallimard,
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WEIDNER, Daniel. Traduction et survie. Walter Benjamin lit Marcel Proust :
Traduit par Guillaume Burnod et Aurélia Kalisky) Paris : Éditions de l’éclat,
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Corpus

BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes, Bibl. de la Pléiade, 2 vol. Paris :


Gallimard, 1975.
PROUST, Marcel. Contre Sainte-Beuve. Paris : Gallimard, 1954.
PROUST, Marcel. À la recherche du temps perdu, Bibl. de la Pléiade, 4 vol.
Paris : Gallimard, 1954
.

85
La traduction sans un original achevé : traduire le continu du brouillon
de Mon cœur mis à nu, de Charles Baudelaire

Thiago MATTOS
Université de São Paulo, Brésil

Publié à titre posthume, Mon cœur mis à nu, de Charles


Baudelaire, est un texte inachevé, un ensemble de fragments, de
notes, d’aphorismes, de fusées. Si l’on considère les cas des Fleurs du
mal et de Spleen de Paris, les (re)traductions de Mon cœur mis à nu au
Brésil sont tardives et peu fréquentes : la première traduction date de
1981, et la première retraduction n’est publiée que 14 ans plus tard. Il
y a aujourd’hui quatre (re)traductions brésiliennes : Meu coração
desnudado (Aurélio Buarque de Holanda, 1981), Meu coração a nu
(Fernando Guerreiro, 1995), Meu coração desnudado (Tomaz Tadeu,
2009), Diários íntimos (Jonas Tenfen, 2013). À partir de l’idée que la
retraduction est un espace dynamique de relations et de tensions
entre plusieurs manières de lire et de réécrire un texte (Mattos, 2015),
on se pose une première question : quelles sont les stratégies
adoptées par chaque traducteur pour donner une forme à une écriture
fondée sur la variabilité et l’indétermination ? Cette question, qui nous
mène à une critique des (re)traductions brésiliennes de Mon cœur mis
à nu, nous mène aussi à la question centrale dans cette
communication : qu’est-ce qu’une bonne traduction dans le cas d’un
texte source qui n’existe qu’en état de brouillon ? Si, comme on
pourrait le penser, une bonne traduction est la traduction « fidèle » à
son original, comment peut-on évaluer une traduction dont l’original
est un texte inachevé, un brouillon, un ensemble mouvant et ouvert
de notes ? Autrement dit, qu’est-ce qu’une traduction « fidèle » dans
le cas où le texte source est forcément une construction à la fois
éditoriale et traductive ?
Pour développer ces questions, nous prenons appui sur la
théorie de Meschonnic (1969, 1989, 1990). Concevant le texte comme
continu, Meschonnic montre que les œuvres inachevées peuvent être
éditées et traduites selon un autre type de construction de stratégies,
qui incorporent des dimensions jusque-là effacées et homogénéisées :
« Le texte comme continu a transformé l’édition critique. On n’a pas
seulement étalé les états comme des étapes vers le texte final, on est

86
allé jusqu’à privilégier les états “intermédiaires” comme autant de
textes – fin du privilège du produit fini. C’est ainsi qu’on édite et qu’on
lit maintenant Nietzsche, et Hölderlin » (Meschonnic 1990, 172). Pour
évaluer une traduction qui n’a pas de texte source « définitif » et pour
exposer brièvement notre projet de retraduction, nous proposons la
notion de continu du brouillon, qui nous permet de penser la fidélité
dans ce cas comme une fidélité à l’inachèvement de l’« original ».
Comme on le verra, au Brésil on traduit Mon cœur mis à nu en tant que
journal intime. Pour cela, on a préparé un texte source structuré,
organisé et transcrit comme un journal. L’inachèvement y est présent,
mais de manière marginale et même non littéraire. Néanmoins, Mon
cœur mis à nu n’est pas un journal (Ruff 1968 ; Didier 1973 ; Pichois
1983 et 2001 ; Guyaux 2011), mais un projet littéraire, une œuvre à
venir. D’après Meschonnic, en traduisant le continu, on traduit le
rythme, c’est-à-dire le mode d’organisation du discours. Ce que le
langage fait. Or, en traduisant Mon cœur mis à nu à partir de ses
variables, à partir de son brouillon, on peut traduire le continu de cette
écriture, la manière dont on organise et on met en mouvement le
continu du brouillon. À cet égard, on traduit le manuscrit, sa dimension
matérielle, son processus, ses tensions, la dispersion, la sélection et la
mise en séquence des fragments, les ratures, les décisions des éditeurs
par rapport au manuscrit, à la marge brouillée entre l’achevé et
l’inachevé. Comme dirait Duchet, « le bourgeonnement, le parasitage,
le bruit, les lacunes, le chaos d’un work in progress dans le tissu
textuel » (1985, 245).

Références bibliographiques

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Almuth, WERNER Michaël (textes réunis par), Leçons d'écriture. Ce que disent
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Manuscrítica, no. 16, 2009 : 10-24 .
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MATTOS, Thiago. (Re)traduções brasileiras de Mon cœur mis à nu, de Charles
Baudelaire. Dissertação de mestrado. Universidade de São Paulo, São Paulo,
2015.

87
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– théories et pratiques sémiologiques. Université du Québec à Chicoutimi, vol.
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MESCHONNIC, Henri. La rime et la vie. Paris : Gallimard, 2006 [1989].
NEEFS, Jacques. « Marges ». In : HAY, Louis et al., De la lettre au livre :
sémiotique des manuscrits littéraires. Paris: Éditions du CNRS, 1989 : 57-88.
PICHOIS, Claude. « Notice ». In : BAUDELAIRE, Charles, Œuvres complètes.
Paris : Gallimard, 1983.
PICHOIS, Claude. « Introduction ». In BAUDELAIRE, Charles. Mon cœur mis à
nu. Édition diplomatique établie par Claude Pichois. Genève : Librairie Droz,
2001.
RUFF, Marcel. « L’intégrale ». In : BAUDELAIRE, Charles. Œuvres de
Baudelaire. Paris : Seuil, 1968.
ZULAR, Roberto, PINO, Claudia Amigo. Escrever sobre escrever. São Paulo :
Martins Fontes, 2007.

Corpus d’analyse

Charles BAUDELAIRE

Meu coração desnudado. Traduit par Aurélio Buarque de Holanda. Rio de


Janeiro : Nova Fronteira, 1981.
Meu coração a nu. Traduit par Fernando Guerreiro. In : BAUDELAIRE, Charles.
Poesia e prosa. Rio de Janeiro : Nova Aguilar, 1995.
Meu coração desnudado. Traduit par Tomaz Tadeu. Belo Horizonte :
Autêntica Editora, 2009.
Diários íntimos. Traduit par Jonas Tenfen. Florianópolis : Edições Caminho de
Dentro, 2013.

88
Bien traduire pour séduire. Organisation textuelle et problèmes de
traduction dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos

Andrea NAGY
Université de Debrecen, Hongrie

Si nous acceptons que « toute énonciation est un travail, surtout


celles donnant naissance à des textes artistement élaborés qui, même
lorsqu’ils semblent "couler de source", représentent un travail de
création toujours difficile » (Tatilon 2003, 113), il est également à
admettre que l’arrangement et le liage des phrases d’un texte littéraire
sont des procédés dont l’écrivain se sert consciemment au cours de la
création de son œuvre afin de pouvoir exprimer ses idées par la forme
syntaxique la plus appropriée. Cependant, dans le cas d’une œuvre
littéraire, ce n’est pas la structure des propositions individuelles qui
détermine la structure textuelle et stylistique de l’œuvre entière, mais
la structure particulière des unités textuelles plus grandes, à savoir
celle des blocs de phrases qui contribuent à la constitution linguistique
du texte au méso-niveau, au niveau le plus complexe en ce qui
concerne les relations morphosyntaxiques et sémantiques du texte. En
effet, au méso-niveau du texte littéraire, les formes linguistiques
élémentaires s’organisent souvent en structures abstraites plus
complexes, en figures qui, par leur contenu symbolique, s’intègrent
ensuite à la structure macro-textuelle, et finalement au sens global du
texte. C’est la traduction de ces séquences ayant une position
intermédiaire dans la hiérarchie textuelle qui sera donc au cœur de
notre communication.
S’appuyant sur les principes de la linguistique textuelle (Adam
1999), de la textologie sémiotique (Petőfi 1995, 2004) et de la
stylistique (Adam 1997, 2002), notre étude a comme objectif de
mettre en exergue, à l’aide d’analyses textuelles, la relation étroite
entre le rôle pragmatique et la traduction adéquate des figures
stylistiques dans Les Liaisons dangereuses de Laclos. En effet, comme
le jeu complexe de la séduction, sujet central du roman, se réalise par
et dans la langue, les figures syntaxiques qui, déjà par leur structure,
ajoutent une signification supplémentaire au sens global de l’œuvre,
méritent une attention particulière du point de vue de la traduction.
C’est donc à la structure syntaxique des propositions et à leur liage

89
méso-textuel que nous nous intéresserons dans cette communication,
convaincue avec Bakhtine que « [l]orsque nous choisissons un type
donné de proposition, nous ne choisissons pas seulement une
proposition donnée ; en fonction de ce que nous voulons exprimer à
l'aide de cette proposition, nous sélectionnons un type de proposition
en fonction du tout de l'énoncé fini qui se présente à notre imagination
verbale et qui détermine notre opinion ». (1984, 288). Notre corpus
inclut le texte original français et deux traductions des Liaisons
dangereuses : la traduction italienne réalisée par Maria Teresa Nessi
en 1977 (édition Garzanti, Milan) et la traduction hongroise faite par
István Örkény en 1965 (édition Helikon, Budapest). Ces deux
traductions, quoique réalisées à peu de distance temporelle l’une de
l’autre, présentent des divergences considérables quant à la
traduction des figures méso-textuelles : alors que la traduction
italienne respecte la structure séquentielle du texte original français,
la traduction hongroise s’en détache en la décomposant et en
réorganisant les propositions qui la constituent, ce qui ne laisse pas
intact le message véhiculé. En effet, nos analyses comparées de lettres
choisies montreront que le non-respect de la structure des séquences
méso-textuelles françaises fait perdre, dans la traduction hongroise,
des contenus affectifs latents, et affaiblit la tension cachée entre le
contenu sémantique de la séquence (amour, souffrance) et le sens
suggéré de sa structure (pure séduction, conquête).

Références bibliographiques

ADAM, Jean-Michel. Le style dans la langue. Une reconception de la


stylistique. Lausanne-Paris : Delachaux et Niestlé, 1997.
ADAM, Jean-Michel. Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes.
Paris : Nathan, 1999.
ADAM, Jean-Michel. « Le style dans la langue et dans les textes ». In : Bernard
Combettes et Étienne Stéphane Karabétian (sous la direction), Langue
française, La stylistique entre rhétorique et linguistique, n°135, 2002 : 71-94.
BAKHTINE, Mikhaïl Mikhaïlovitch. Esthétique de la création verbale. Paris :
Gallimard, 1984 [1979].
COMBETTES, Bernard. L’organisation du texte. Metz : Université de Metz,
1992.
GRANASZTÓI, Olga. « Les Liaisons dangereuses et la crise du langage ». In :
Revue d’Études Françaises, no 2, Budapest : CIEF, 1997 : 239-252.

90
KÁROLY, Krisztina. Szövegtan és fordítás [Linguistique textuelle et
traductologie]. Budapest : Akadémiai Kiadó, 2007.
KLAUDY, Kinga. Bevezetés a fordítás elméletébe [Introduction à la théorie de
la traductologie]. Budapest : Scholastica, 2009.
PETŐFI, János S. « La textologie sémiotique et la méthodologie de la
recherche linguistique ». In : Fondements de la recherche linguistique :
perspectives épistémologiques, Cahiers de l’ILSL no 6. Lausanne : Université
de Lausanne, 1995.
PETŐFI, János S. A szöveg mint komplex jel. Bevezetés a szemiotikai-
textológiai szövegszemléletbe [Le texte comme signe complexe. Introduction
à l’approche textuelle en textologie sémiotique]. Budapest : Akadémiai Kiadó,
2004.
TATILON, Claude. « Traduction : une perspective fonctionnaliste ». In : La
Linguistique, Vol. 39, Fasc. 1, 2003 : 109-118.
TOLCSVAI NAGY, Gábor. A magyar nyelv szövegtana [Grammaire textuelle de
la langue hongroise]. Budapest : Nemzeti Tankönyvkiadó, 2001.

Corpus

Pierre CHODERLOS DE LACLOS

Les Liaisons dangereuses. Paris : Pocket, 1998 [1782].


Veszedelmes viszonyok [Les Liaisons dangereuses]. Traduit par István Örkény.
Budapest : Magyar Helikon, 1965.
Le relazioni pericolose [Les Liaisons dangereuses]. Traduit par Maria Teresa
Nessi. Milano : Garzanti, 1977.

91
Une traduction, deux antidotes : les contrefaçons du psautier de
Genève

Vanessa OBERLIESSEN
Paris-Sorbonne, France

En 1560, à une époque où recueils polémiques et paraphrases


bibliques font foule, le polémiste Artus Désiré publie une
« contrefaçon », c’est-à-dire une imitation programmatique, des
psaumes de Marot, en conservant leur mètre et leurs rimes. Un poète
protestant publie en 1561, sous les initiales I.D.D.C, une contrefaçon
de cette contrefaçon – respectant le mètre, les rimes et les timbres, il
représente un cas rarissime d’une imitation parodique des psaumes de
Marot/Bèze en milieu protestant. Ouvrage à succès dans le monde
catholique, le Contrepoison d’Artus Désiré a toutefois suscité peu
d’intérêt chez les critiques modernes. Le recueil d’I.D.D.C, conservé
dans un exemplaire unique, a été signalé et décrit par Jacques Pineaux
qui commente, entre autres, sa technique de traduction. Cependant, il
manque jusqu’à présent une étude qui relève les enjeux
traductologiques de cette polémique. Il sera donc fructueux de
chercher à identifier, en opposant les recueils de Désiré et d’I.D.D.C.,
ce qu’est une « mauvaise » traduction dans ce contexte très particulier
juste avant la première guerre de religion.
1) Psaumes de David, psaumes de Marot
Artus Désiré, dans les deux préfaces de son recueil de chansons
polémiques, insiste particulièrement sur l’imposture de Marot qui
prétend traduire les psaumes de David pour ne produire finalement
que des « chansons ». Lui-même affirme n’avoir aucune intention de
traduire les psaumes, car une telle entreprise serait impossible à
mettre en œuvre sans faire du tort au texte, mais seulement de
parodier l’hérétique Marot : « non pas que j’aye translaté le Psalmiste :
car c’est matière trop haulte et impossible à l’homme, de le mettre en
rithme Françoyse, sans y adjouster ou diminuer. A ceste occasion j’ay
changé seulement le sens des chansons dudict Marot, tant pour raison
des censures d’icelle, que pour vostre salut et conservation. » Un
programme poétique qui nie toute possibilité d’une traduction en
vernaculaire est rare chez les poètes catholiques de la deuxième moitié
du XVIe siècle qui produisent en effet un grand nombre de paraphrases

92
bibliques en français, et il ne peut pas être tout à fait sincère de la part
de Désiré qui propose lui-même une traduction de certains passages.
L’identification ou non des paraphrases versifiées en français avec le
texte biblique qu’elles imitent est toutefois une question majeure pour
la théorie de la traduction de l’époque, un problème qui ne s’arrête
d’ailleurs pas aux frontières confessionnelles.
2) Le traducteur comme hérésiarque
Désiré, tout comme I.D.D.C., s’attaque à des traductions qu’il juge
« mauvaises » – Désiré à celle de Marot, son adversaire protestant à
celle de Désiré. Ce jugement est, du moins en apparence, basé sur des
critères exégétiques : les « chansons » incriminées sont dangereuses
parce qu’elles traduisent les sensibilités hérétiques de leurs auteurs.
Artus Désiré va particulièrement loin dans son analyse de Marot en
proposant une liste des « erreurs » du Quercinois : il s’agit
essentiellement d’une liste de vers qui laissent deviner des idées
« hérétiques », et non de critiques philologiques, même si les deux
disciplines sont indissociables au XVIe siècle. Désiré assimile Marot à
plusieurs traditions (luthérienne, calviniste, etc.) qu’il distingue
correctement. En effet, il fait l’étalage de son expertise dans le
domaine pour mieux « classer » son adversaire dans la foule des
courants hérétiques qui affligent la chrétienté depuis ses débuts. Sa
définition d’une traduction « fausse » ressemble ainsi à celle de la
faculté de théologie de la Sorbonne pour qui associer une publication
à une erreur doctrinale connue revient à la disqualifier.
3) Contre le poison des mots
Il ne faut toutefois pas accorder trop d’importance au programme
« anti-traduction » d’Artus Désiré, ni d’ailleurs aux déclarations
d’intention de son adversaire qui proclame comme lui qu’il ne se
permettrait pas de se faire l’émule de Marot. En effet, de nombreux
passages de son recueil représentent des tentatives de traduction à
part entière, intercalées entre des strophes de polémique religieuse.
C’est grâce à ces passages que l’on peut deviner des éléments d’une
théorie de la traduction concrète que les pièces liminaires, quoique
nombreuses, ne précisent pas. C’est notamment la question de la
source qui est au centre des intérêts divergents de Désiré et d’I.D.D.C.,
puisque Désiré traduit spontanément des formules du latin de la
Vulgate tandis que Marot et I.D.D.C. prennent appui sur les traductions
de Louis Budé et de la Bible de Genève. Si une traduction est

93
poisonneuse, c’est donc parce qu’elle découle d’une source
empoisonnée. En plus du texte, il sera nécessaire de s’intéresser aux
pièces liminaires car Artus Désiré et I.D.D.C parodient non seulement
les psaumes de Marot mais aussi leur dédicace, leur préface et les
entêtes qui proposent un résumé, une interprétation et un usage
possible pour chaque psaume.

Références bibliographiques

BARBIER-MUELLER, Jean Paul. « Artus Désiré ». In : Dictionnaire des poètes


français de la seconde moitié du XVIe siècle (1549-1615). Genève : Droz, 2015:
507-514.
CROUZET, Denis. Les Guerriers de Dieu, t. I. Seyssel : Éditions Champ Vallon,
1990.
GIESE, Frank. Artus Désiré priest and pamphleteer of the sixteenth century,
Chapel Hill, University of North Carolina press, 1973.
JEANNERET, Michel. Poésie et tradition biblique au XVIe siècle. Recherches sur
les paraphrases des psaumes de Marot à Malherbe. Paris : J. Corti, 1969.
NASH, Frederick, BOWEN, Barbara. « Unrecorded first edition of Artus
Désiré ». In : BHR, Vol. 43, 3, 1981 : 573-576.
PIDOUX, Pierre. Le Psautier huguenot du XVIe siècle. Bâle : Bärenreiter, 1962.
PINEAUX, Jacques. La poésie des protestants de langue française (1559-
1598). Paris : Klincksieck, 1971.
PINEAUX, Jacques. « Une contrefaçon protestante des psaumes de Marot au
XVIe siècle : le Singulier Antidot d'I.D.D.C. ». In : Bulletin de la Société de
l’Histoire du Protestantisme Français, vol. 122, 1976 : 149-165.

Corpus

***Le Singulier antidot contre la poison des chansons d’Artus Desiré,


ausquelles il a damnablement et exécrablement abusé d’aucuns psalmes du
prophète Royal David, fait par I.D.D.C., s.l., 1561.
CHRESTIEN, Florent. Seconde response de F. de la Baronie à Messire Pierre de
Ronsard, s.l., 1563, f. E4 r.
DÉSIRÉ, Artus. Le Miroir des francs taupins, autrement dictz antechrists,
auquel est contenu le deffensoire de la foy chrestienne, Rouen, J. Du Gort, s.d.
***Les Combatz du fidelle Papiste pelerin rommain, contre l'Apostat
Antipapiste, tirant à la sinagogue de Geneve, maison Babilonique, Rouen, R.
et J. Dugort, 1552.
***Le contrepoison des cinquante-deux chansons de Clément Marot,
faulsement intitulees par luy Psalmes de David, faict & composé de plusieurs

94
bon[n]nes doctrines &sente[n]ces preservatives d'heresie, tant pour les sains,
que pour les malades... Par Artus Desiré. Paris : Pierre Gaultier, 1560, réed.
en 1561, 1562 et 1567.
MAROT, Clément. Pseaumes Octantetrois de David, mis en rime Françoise.
Genève : Jean Crespin, 1551 (avec Théodore de Bèze).
MONTMÉJA, Bernard de. Réponse aux calomnies, s.l. [Orléans], 1563, f. f3 v.

95
La mise à mort (1965) de Louis Aragon dans l’Espagne franquiste : un
cas de trahison et de « mauvaise » traduction ?

Marian PANCHON HIDALGO


Universités de Toulouse et de Salamanque, France/Espagne

On sait que le champ de réception de la traduction a une


grande importance dans l’étude de la littérature mondiale, puisque les
traductions constituent d’une certaine manière une consécration pour
l’écrivain (Lefevere 1992 ; Casanova 1999). Cependant, les œuvres
circulent souvent dans d’autres pays sans leur contexte (Bourdieu
1989) et peuvent avoir des réinterprétations, influencées par la culture
et la structure du champ récepteur. C’est pourquoi les traductions en
tant que médiations sont essentielles dans l’étude de la circulation des
œuvres. Il va sans dire que ces médiations et transferts sont
complexes, puisqu’ils impliquent des acteurs différents (auteurs,
traducteurs et responsables des maisons d’édition), que ces acteurs
peuvent se situer à la confluence de domaines divers (culturel,
politique et social). Le transfert est en effet une question essentielle
car il est conditionné tant par la culture de départ que par la culture
d’accueil. Dans ce cas l’objet du transfert est la littérature, qui devient
un puissant agent de médiation culturelle. Les importations
éclaircissent en général la configuration du champ récepteur : son
histoire, la répartition du ou des pouvoir(s), les oppositions
idéologiques et/ou esthétiques (Lefevere 1992).
Nous nous proposons d’analyser la traduction espagnole de
l’œuvre La mise à mort de l’écrivain français Louis Aragon (1897-1982)
– roman expérimental publié en France en 1965 et qui fait partie des
dernières œuvres de l’auteur. Cette traduction a été effectuée en 1969
en Espagne par Oriol Durán.
Les ouvrages de Louis Aragon, connus dans ce pays seulement
par certains érudits parlant français, ont été découverts grâce à des
traductions publiées à partir des années ‘60. Cependant, la censure
franquiste a parfois obligé les maisons d’édition à supprimer certains
passages de ces traductions, même si la Ley de Prensa, la nouvelle loi
sur la liberté de la presse et d’expression approuvée en 1966, a rendu
la censure beaucoup plus permissive.

96
D’une part, nous analyserons brièvement les suppressions
faites par la censure officielle et, d’autre part, nous regarderons de
près le niveau microtextuel du livre et les stratégies de traduction
suivies par le traducteur. Nous constaterons que le traducteur a fait
plusieurs calques de la langue française, ainsi que des suppressions,
des mauvaises traductions résultant de phrases mal comprises, etc.
Cette traduction est-elle plutôt au service de l’étranger, ou au service
du lecteur d’arrivée ? Dans ce cas, nous verrons que les deux choix
dans une même traduction sont possibles et que cela peut
éventuellement s’exposer à une « mauvaise » traduction. En effet, le
traducteur est au service de l’étranger lorsque, dans certains passages,
il reste trop attaché à l’original, provoquant des faux sens, tandis que
dans d’autres passages c’est le censeur et le traducteur lui-même qui
suppriment et autocensurent des passages pour être plutôt au service
du lecteur d’arrivée. De fait, l’idéologie du traducteur peut être une
barrière lorsqu’il interprète et réécrit des textes, surtout quand ces
derniers ont des objectifs politiques ou idéologiques contraires aux
idées du traducteur ou du gouvernement. Ceci peut avoir des
conséquences assez graves, puisque la traduction a la capacité de
manipuler les discours sans que le public récepteur en soit conscient.
Si dans le processus de réécriture d’une œuvre les éléments
idéologiques qui définissent l’auteur original disparaissent ou se
transforment, l’image transmise dans la traduction ne correspond pas
à la réalité du contexte source. Par conséquent, une partie importante
du contenu se perd de manière irrémédiable pour les lecteurs du texte
cible.
Pour vérifier si l’œuvre de cet auteur dit « suversif » a
effectivement joui d’une bonne critique en Espagn et en dépit d’une
traduction contestée, nous analyserons également les critiques
littéraires de cette œuvre publiées dans le journal espagnol ABC, l’un
des journaux conservateurs les plus connu de l’époque, ainsi que dans
Triunfo, l’une des revues culturelles de gauche les plus importantes des
années ‘60 et ‘70. On pourrait donc considérer la réception comme un
passage clé pour l’acceptation des œuvres traduites : même si dans ce
cas la traduction n’est pas un reflet fidèle de l’original, elle permet
quand même de faire découvrir l’auteur et l’œuvre en Espagne. Dans
ce cas, la traduction devrait donc se présenter comme un processus de
découverte : la découverte de l’étrange, de la différence dans le texte

97
source, et la découverte des possibilités qui comporte l’auto réflexion :
« de cette manière, ce n’est pas seulement le traducteur qui crée le
texte traduit mais aussi la traduction qui crée le traducteur, car il n’y a
pas d’acte de traduction qui laisse les parties impliquées indemnes »
(Vidal 2007).

Références bibliographiques

ABELLÁN, Manuel L. Censura y creación literaria en España (1939-1976).


Barcelona : Península, 1980.
CASANOVA, Pascale. La République mondiale des Lettres. Paris : Seuil, 1999.
CRUCES, Susana. « Las traducciones de Camus en España durante el
franquismo: difusión y censura ». In : Transitions. Journal of Franco Iberian
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GÓMEZ, Cristina. Traduction y censura de textos narrativos inglés-español en
la España franquista y de Transición : TRACEni (1970-1978). León :
Universidad de León, 2009.
GÓMEZ-REINO, Enrique. « La ley 14/1966, de 18 de marzo, de prensa e
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durante la dictadura franquista (1939-1975) ». In : Transfer, VII, 2012 : 3-18.
RUIZ, Eduardo. « En pos del “buen lector” : censura editorial y clases
populares durante el Primer Franquismo (1939-1945) ». In : Espacio, Tiempo
y Forma, Serie V, Hª Contemporánea, nº16, 2004 : 231-251.
VENUTI, Lawrence. The Translator’s Invisibility : A History of Translation.
Londres : Routledge, 1995.
VIDAL, África. Traducir entre culturas : diferencias, poderes, identidades.
Berne : Peter Lang, 2007.
VIVES, Vicente. « El lugar extraterritorial de Miguel Labordeta en la poesía
española. Claves para una comprensión crítica de su obra ». In : Castilla.
Estudios de Literatura, nº4, 2013 : 56-74.

Corpus

Louis ARAGON
La Mise à mort. Paris: Gallimard, Coll. « Blance », 1965.
Tiempo de morir. Maison d'édition Lumen. Traduction d'Oriol Durán, 1969.

98
Les traductions brésiliennes des écrivains-traducteurs

Germana PEREIRA
Université de Brasília, Brésil

Les traductions brésiliennes des écrivains-traducteurs sont-


elles mauvaises ? Ou bonnes ? Ce sont de belles infidèles ou de laides
infidèles ? Et si elles sont bonnes ou mauvaises, dans quelles
circonstances ont-elles été produites et comment se présentent-elles
encore aujour’hui ? Ces quelques questions guideront cette recherche
et ont pour but de baliser nos considérations à propos d’une
importante période historique pour les traductions littéraires au Brésil,
située entre les années 1930 et 1950. Pour mieux cerner notre sujet,
nous proposons une analyse des traductions d’À la recherche du temps
perdu, publiées dans la collection Nobel, une des plus prestigieuses
collections de traductions littéraires de la maison d’édition Editora e
Livraria d’O Globo, de Porto Alegre. Ces traductions ont été réalisées
par deux importants écrivains et poètes brésiliens, qui, très tôt, ont
rejoint la grande équipe de traducteurs rassemblée autour du
prosateur et romancier Erico Verissimo, responsable de l’équipe de
traducteurs et des publications littéraires, à Porto Alegre, dans le sud
du pays. Il s’agit de Carlos Drummond de Andrade, traducteur de
Laclos, Balzac, Proust, et de Mario Quintana, traducteur de quatre
volumes1 d’À la recherche du temps perdu, de Proust, mais aussi
traducteur de Virginia Woolf, et d’autres grands noms de la littérature
occidentale au Brésil. Nous nous attarderons, pour illustrer nos propos,
sur l’analyse plus détaillée des traductions du volume Albertine
disparue (La fugitive), traduit en portugais du Brésil pour la première
fois, en 1956, par Carlos Drummond de Andrade, sous le titre de A
fugitiva. Le poète Quintana a, quant à lui, traduit les quatre premiers
tomes de la collection : Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes
filles en fleurs, Le côté de Guermantes et Sodome et Gomorrhe (No
caminho de Swann, À sombra das raparigas em flor, O caminho de
Guermantes e Sodoma e Gomorra. La collection complète est donc
parue en portugais entre 1948 et 1957, ce qui représente un exploit,
1
Manuel Bandeira et Lourdes Sousa de Alencar ont traduit La prisonnière/A
prisioneira; Lúcia Miguel Pereira a traduit Le temps retrouvé/O tempo redescoberto.

99
étant donné l’époque historique et les moyens à disposition des
traducteurs. La collection a été entièrement revisée et notée par Globo
et relancée entre 2006 et 2012 ayant pour titre « Proust définitif ».
Qu’est-ce qui établit le caractère définitif de l’œuvre ? Ses traducteurs,
des poètes reputés dans les lettres brésiliennes et à l’étranger ? La
qualité de leurs traductions ? Le travail de révision et, parfois, de
retraduction se réalise dans la nouvelle édition ? Voilà autant de
questions auxquelles nous essayerons de traiter à défaut d’y répondre.

Références bibliographiques

BERMAN, Antoine. A tradução e a letra ou o albergue do longínquo. 2. ed.


Tradução de Marie-Hélène Catherine Torres, Mauri Furlan e Andréia Guerini.
Rio de Janeiro : 7Letras, 2013.
BERMAN, Antoine. Pour une critique des traductions: John Donne. Paris :
Gallimard, 1995.
BRUNEL. Pierre. A crítica literária. Tradução de Marina Appenzeller. Livraria
Martins Fontes Editora Ltda, 1988.
BRUNET, Étienne. Le vocabulaire de Proust. Genève, Paris : Slatkine, 1983.
HALLEWELL, Laurence. O livro no Brasil: sua história. Tradução de Maria da
Penha Villalobos, Lólio Lourenço de Oliveira e Geraldo Gerson de Souza. 3.
ed. São Paulo : Editora da Universidade de São Paulo, 2012.
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tradutores e a tradução dos nomes próprios ». In : Translationes, v. 3, jan.
2011 : 81-101.
SOUSA, Germana Henriques Pereira de; RABELO, Lorena. « O palácio das
ilusões da tradução austeniana: “Orgulho e preconceito” no sistema
literário ». In : Belas Infiéis, v. 1, n. 2, 2012a : 45-71.
SOUSA, Germana Henriques Pereira de, SILVA, Alyne. « A Christmas Carol:
análise da tradução Um Hino de Natal, de Cecília Meireles ». In : Belas Infiéis,
v. 1, n. 1, 2012b : 69-82. [
SOUSA, Germana Henriques Pereira de, SILVA, Alyne do Nascimento. « As
traduções de Charles Dickens por Machado de Assis e Cecília Meireles ». In
Traduzires, v. 2, n. 2, 2013 : 67-88. [
SOUSA, Germana Henriques Pereira de. « As relações perigosas na
tradução ». In : FERREIRA, Maria Alice Araújo, SOUSA, Germana Henriques
Pereira de, GOROVITZ, Sabine (Org.). Tradução na sala de aula: ensaios de
teoria e prática de tradução. Brasília : Editora da Universidade de Brasília,
2014 : 91-116.
RISTERUCCI-ROUDNICKY, Danielle. Introduction à l’analyse des ɶuvres
littéraires traduites. Paris : Armand Collin, coll. « Cursus », 2008.

100
RÓNAI, Paulo. Escola de tradutores. 5 ed. rev. ampl. Rio de Janeiro : Nova
Fronteira, 1987.

Corpus

Marcel PROUST

A fugitiva. 8. ed. Tradução de Carlos Drummond de Andrade e revisão de


Olgária Chaim Féres Matos e Pierre Clémens. São Paulo : Globo, 1989. (Em
busca do tempo perdido, v. 6).
A prisioneira ; A fugitiva ; O tempo recuperado. Tradução de Fernando Py. Rio
de Janeiro: Ediouro, 2004a. (Em busca do tempo perdido, v. III).
No caminho de Swann; À sombra das moças em flor. Tradução de Fernando
Py. Rio de Janeiro : Ediouro, 2004b. (Em busca do tempo perdido, v. I).
À sombra das raparigas em flor. 3. ed. rev. Tradução de Mário Quintana;
Maria Lúcia Machado; prefácio, notas e resumo Guilherme Ignácio da Silva;
posfácio Rolf Renner. São Paulo : Globo, 2006a. (Em busca do tempo perdido;
v. 2).
No caminho de Swann. 3. ed. rev. Tradução de Mário Quintana ; Olgária
Chaim Féres Matos; prefácio, cronologia, notas e resumo Guilherme Ignácio
da Silva ; posfácio Jeanne-Marie Gagnebin. São Paulo : Globo, 2006b. (Em
busca do tempo perdido ; v. 1).
O caminho de Guermantes. 3. ed. Tradução de Mário Quintana ; revisão
técnica Olgária Chain Féres Matos ; prefácio, notas e resumo Guilherme
Ignácio da Silva ; posfácio Philippe Willemart. São Paulo : Globo, 2007. (Em
busca do tempo perdido ; v. 3).
Sodoma e Gomorra. 3. ed. rev. Tradução de Mário Quintana ; rev. por Olgária
Chain Féres Matos; prefácio, notas e resumo Guilherme Ignácio da Silva ;
posfácio Regina Maria Salgado Campos. São Paulo : Globo, 2008. (Em busca
do tempo perdido; v. 4).
A prisioneira. Tradução de Manuel Bandeira e Lourdes Sousa de Alencar. 13.
ed. rev. por Olgária Chain Féres Matos e Guilherme Ignácio da Silva; prefácio,
notas e resumo Guilherme Ignácio da Silva ; posfácio Olgária Chain Féres. São
Paulo : Globo, 2011. (Em busca do tempo perdido ; v. 5).
O tempo redescoberto. Tradução de Lúcia Miguel Pereira ; prefácio e resumo
Guilherme Ignácio da Silva, posfácio Bernard Brun ; ensaios críticos Leda
Tenório da Mota e Olgária Chain Féres Matos. São Paulo : Globo, 2013. (Em
busca do tempo perdido; v. 7).

101
Une mauvaise traduction littéraire ?
ou
Le rêve de la poésie du Tout Monde

Lilian PESTRE de ALMEIDA


Traductrice

Plusieurs réponses pourraient être avancées à cette question


paradoxale qui accouple l’épithète « mauvais » au terme « littéraire ».
Un mauvais texte provoquerait forcément une mauvaise traduction ?
Il semble que non. Il y a très certainement de nombreuses traductions
qui sauvent des textes, disons, mineurs ou carrément médiocres.
Le libellé du colloque fait allusion à la résistance incontestable
de toute langue-culture d’accueil. Il faudrait sans doute distinguer
deux problèmes assez différents : a) le manque de compréhension de
la part du traducteur de la langue de départ et b) l’existence avérée de
textes pratiquement intraduisibles, de façon énigmatique le plus
souvent faussement simples, inspirés de l’oralité traditionnelle.
On privilégiera tant du point de vue théorique comme pratique
des textes de poètes : pour l’espagnol : Jorge Luís Borges (Buenos
Aires, 1899 - Genève, 1986) ; pour le portugais : Manuel Bandeira
(Recife, 1886 – Rio, 1968) et Heberto Helder (Funchal, 1930 – Cascais,
2015) ; pour le français : Édouard Glissant (Martinique, 1928 – Paris,
2011).
Osons aborder un défenseur contemporain de la traduction et
un théoricien fort connu qui est en même temps de façon surprenante
un assez mauvais traducteur du moins de l’espagnol et du portugais. Il
nous permettra de répondre à la question à un premier niveau : qu’est-
ce une mauvaise traduction littéraire ?
Son nom surprendra, car c’est celui d’un poète francophone
avec une œuvre importante – Édouard Glissant – dont l’un de derniers
ouvrages est justement La Terre, le feu, l’eau et les vents : une
anthologie du Tout-Monde (2010). Ses traductions de l’espagnol et du
portugais, revendiquées comme inédites et personnelles dans les
notes finales du volume de 2010, aux droits réservés, révèlent des
problèmes réels de syntaxe et parfois même de simple compréhension
de deux autres langues romanes. On analysera pour l’espagnol, sa

102
traduction d’un poème de Pablo Neruda (« La isla », dans Glissant
2010, 38) et pour le portugais brésilien, sa traduction d’une chanson
populaire, intitulée « De la boue au chaos » (v. Glissant 2010, 222).
La connaissance des littératures étrangères par des traductions
et le manque de familiarité proprement linguistique avec la langue
portugaise (dans sa double face américaine et européenne) et à la
limite même avec l’espagnol (du point de vue sémantique et
syntaxique) empêchent sans doute Glissant d’appréhender l’une des
caractéristiques les plus importantes des littératures hispaniques (par-
là, nous voulons dire les littératures de langue portugaise et espagnole
en Europe et dans les Amériques), à savoir, la profonde innutrition, et
ce depuis la Renaissance, de l’oralité traditionnelle telle qu’elle existe
grâce au romancero, cet étonnant ensemble de courts poèmes
nommés « romances » d’origine médiévale et qui témoignent du
temps de la longue durée. En d’autres mots: le poète martiniquais
passe malheureusement à côté de quelque chose qui aurait dû le
passionner.
Pour ce qui est des textes qui résistent à tout effort de
traduction, malgré leur simplicité aberrante, l’exemple d’un quatrain
du poète moderniste brésilien Manuel Bandeira pourrait servir comme
point de départ d’une réflexion sur la réécriture littéraire de l’oralité
traditionnelle, l’une des voies de la création poétique contemporaine.

Références bibliographiques

BANDEIRA, Manuel. Poesia completa e prosa. Rio : Nova Aguilar, 1986.


BORGES, Jorge Luis. « Las dos maneras de traducir ». In : Textos recobrados
1919- 1930, Buenos Aires : Emecé, 1997 : 256 – 259.
DERRIDA, L’Oreille de l’autre. Textes et débats avec Jacques Derrida.
Montréal : VLB éditeur, 1982.
GARGATAGLI BRUSA, Anna. Jorge Luis Borges y la traducción. Barcelona :
Universidad Autónoma de Barcelona, 1993.
GLISSANT, Édouard. Le discours antillais. Paris : Seuil, 1981.
GLISSANT, Édouard. Poétique de la Relation. Paris : Gallimard, 1990.
GLISSANT, Édouard. Introduction à une poétique du Divers. Paris : Gallimard,
1996.
GLISSANT, Édouard. Traité du Tout-Monde. Poétique IV. Paris : Gallimard,
1997.

103
GLISSANT, Édouard. La terre le feu l’eau et les vents. Une anthologie du Tout-
Monde. Paris : Galaade, 2010.
HELDER, Heberto. « O Bebedor noturno : poemas mudados para o
português ». In : Poesia toda, 1996 : 159-241.
PAZ, Octavio. Cuadrivio. México : Joaquín Mortiz, 1965.
PESTRE de ALMEIDA, Lilian. « Traduire Césaire, entre l’oral et l’écrit, d’un
langage à un autre ou de la traductibilité entre deux langues sœurs et deux
cultures métissées ». In : Présence Africaine, n° 189, Césaire 2013: parole due.
Colloque de Cérisy, décembre 2014 : 195-210.
PESTRE de ALMEIDA, Lilian. Aimé Césaire hors frontières. Poétique,
intertextualité et littérature comparée. Würzburg, K/N, 2015.
PESTRE de ALMEIDA. Lilian. Mémoire et métamorphose. Aimé Césaire entre
l’oral et l’écrit. Königshausen & Neumann, 2010.
PESTRE de ALMEIDA, Lilian. « Habiter Babel ou traduisant l’œuvre de
Césaire ». In : Césaire, Arnold, 2013 : 1653-1670.
SMITH, Annette. « Traduire Césaire ou l'R/aire/erre de "rôdeuse" ». In : Aimé
Césaire ou l'athanor d'un alchimiste. Paris : Ed. Caribéennes et ACCT, 1987 :
145-156.

104
De quelle manière la traduction pensante nous aide-t-elle à traduire la
littérature?

Nino PIRTSKHALAVA
Université d’État Ilia, Géorgie

Selon le scepticisme linguistique de philosophe


germanophone, l’athéiste de langue, Fritz Mauthner, les traductions
ne peuvent servir que d’« Eselsbrücke » (littéralement « le pont
d’âne ») de guide-âne ou de pense-bête lequel traversera seulement
l’âne c’est-à-dire le contenu, l’objet; mais la délectation va totalement
disparaître.
En même temps pour José Ortega y Gasset l’approche
philologique dans l’absolu de la traduction est déficiente et peu
qualifiée, puisque lire une traduction ce n’est pas lire une belle œuvre
littéraire. Pour lui, la condition préalable de la traduction est de sortir
de la propre langue et de rapprocher au maximum le lecteur de la
langue de l’auteur, c’est-à-dire d’aller vers celle des autres jusqu’à la
limite de « la tolérance grammaticale » de la langue première (comme
l’avait réussi sa traductrice pour transcrire précisément ce qui n'était
pas allemand dans la manière dont il s’exprimait) et non l’inverse,
comme le veut la tradition. Le traducteur confronté à l’imposant
« appareil policier que sont la grammaire et l’usage commun»,
enfermera le « texte rebelle » de l’auteur traduit dans la prison de la
norme expressive et, partant, le trahira. Traduttore, traditore. Ou selon
d’un bon mot favori : les traductions, sont comme les femmes : soit
fidèles, soit belles. Lorsqu’elles sont belles, elles ne sont pas fidèles, et
lorsqu’elles sont fidèles elles ne sont pas belles. Alors, pour Ortega y
Gasset, le moment est donc venu de crier : « La traduction est morte !
Vive la traduction ! »
Pour le philosophe espagnol la traduction n’est pas un double
du texte original. Tout simplement parce qu’elle n’est pas l'œuvre mais
un chemin vers l’œuvre. Pour lui la seule traduction de Platon
véritablement féconde est celle de Schleiermacher et ce précisément
parce que celui-ci, de propos délibéré, a renoncé à traduire joliment.
Une pareille méthode du traduire ne se modèle pas sur la beauté et
volupté du texte original mais sur des choses.

105
Plus tard la chose deviendra primordiale pour Martin
Heidegger. Dans son célèbre recueil de l’après-guerre « Holzwege »
(Chemins qui ne mènent nulle part, 1950), dans la partie dénommée
« La parole d’Anaximandre » il affirme que lorsque nous traduisons
d’une langue à une autre en tout premier lieu il faut faire attention à
la chose, la matière (die Sache). « Or la chose ici en cause, c’est l’affaire
de la pensée (die Sache des Denkens). Sans donc négliger aucunement
la langue mise au point par la philologie, il nous faut, lors de la
traduction, penser d’abord en direction de la chose ici pensée. »
Heidegger insiste que seulement la traduction pensante (das
denkende Übersetzen) qui signifie un saut par-dessus un fossé (Sprung
über einen Graben) permet d’être fidèle à la chose du texte original.
L’analyse comparée des différentes versions des traductions
(géorgienne, française, anglaise, russe) de La Montagne magique (Der
Zauberberg) de Thomas Mann témoigne que fignoler
philologiquement la langue de traduction n’est pas suffisant. Une
langue impeccable au sens strictement philologique de la traduction
de ce roman n’est pas toujours capable de transmettre l’enjeu, le fait
de l’original. En ce compromis, la « chose » reste parfois
intraduisible et le véritable contexte philosophique, historique,
culturel se perd.
Dans cette optique, il est édifiant de prendre en compte
certains éléments composites en tant que mots-clés, par exemple :
« Sorgenkind » et « Siebenschläfer » dans l’œuvre de Thomas Mann
qui gagne la fonction d’un symbole universel dans le roman.
En parlant du fond mythique de La Montagne magique, il faut
attirer l’attention sur la légende paléochrétienne des Sept Dormants
d’Éphèse (Siebenschläfer-Legende) qui semble commun aux chrétiens
et aux musulmans. Il est à noter que nous ne pouvons trouver aucune
trace de cette légende dans les nombreuses traductions du roman.
Dans les versions géorgienne, russe, française et anglaise du roman, la
relation à la légende est pratiquement perdue en raison de la
transmission du mot original « Siebenschläfer » à travers diverses
formes linguistiques (en géorgien, nous avons ძილისგუდა
[dzilisguda], en russe « спящий летаргическим сном » et
« сонливец », en français « le dormeur » et « notre dormeur », en
anglais « our sleeper »).

106
Le problème est que le terme « Siebenschläfer » qui était
initialement lié uniquement à la légende des Sept Dormants d'Éphèse
et ne serait utilisé qu'au pluriel, désignant ainsi le nombre des jeune
gens dormants, acquis progressivement toute une gamme de
significations. En conséquence, dans l'allemand moderne, ce mot est
plutôt utilisé au singulier qu'en pluriel. Précisément pour
l'identification du contexte culturel des changements dans la
signification de ce terme, il faut tenir compte des données historiques
des langues (par exemple alléguées dans le « Deutsches Wörterbuch »
par l'un des plus brillants lexicographes européens, l’une des figures
les plus marquantes de l’histoire de la linguistique allemande Hermann
Paul).
En outre, l’analyse de la fonction de différents mythes,
légendes, symboles ou métaphores platoniciennes qui a eu une
influence exceptionnelle sur le travail poétique et philosophique des
artistes et penseurs occidentaux du XXe siècle, comme Thomas Mann
et Martin Heidegger, nous permet d'acquérir une perspective
totalement nouvelle de la littérature et de la philosophie moderne.
Le motif du « souci » pourrait servir d’exemple précis pour
l’illustration de l’histoire de l’accueil de la Cura Fable dans la littérature
et la philosophie européennes.
En conséquence l’examen du phénomène de l’anxiété comme
d’une figure mythologique profondément symbolique a une longue
tradition dans la poésie et remonte à l’antiquité. Goethe s’est
familiarisé avec la Cura Fable du poète latin Hyginus par l’adaptation
de cette fable par Herder dans son poème « L’enfant de l’angoisse »
(Das Kind der Sorge) et l’a utilisé dans son « Faust », devenant ainsi
l’une des principales sources d’influence pour les conceptions de
Heidegger et Thomas Mann.
Il s’agit ainsi du « Sorgenkind des Lebens » en tant que le
modèle cohérent pour l'illustration de l’histoire de la réception de la
Cura Fable et de l’accueil du motif du « souci » (Sorge). Il est à noter
que nous ne trouverons aucune trace de cette fable dans les
différentes traductions : en géorgien, nous avons ძნელად
აღსაზრდელი ბავშვი [dznelad aghsazrdeli bavshvi] ; en russe
« трудное дитя жизни » ; en français « l’enfant gâté de la vie » ; en
anglais « delicate children of life » ou « life’s delicate child ».

107
En l’occurrence pour chaque autre langue la capacité
d’expression est délimitée. L’expression porteuse de mythe vivant
dans son sein dans une autre langue va apparaître mort-née. Le
traducteur devient un certain accoucheur, le maïeuticien malchanceux
et la traduction même en tant qu’une sage-femme échouée se brise
contre l’impuissance d’éviter la mortinaissance de l’essence mythique
ou de « chose » inhérent à ces composites allemands. Par conséquent
au cours de la traduction se volatilisent trois quarts des choses qui dans
la formulation de Thomas Mann jouent un rôle crucial. C’est pour avoir
amputé le texte d’origine de sa substance, que la non-traduction de
ces mots-clés réduit le texte cible à un pâle reflet de l’original.

Références bibliographiques

BURDACH, Karl. « Faust und die Sorge ». In : Deutsche Vierteljahrsschrift f[r


Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte. Halle (Saale) 1 Jahrg., I.Bd.
1923 : 1-60.
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HAMANN, Johann Georg. Kreuzzüge des Philologen, Haman‘s Schriften, Bd.2,
Berl., 1821.
HAMANN, Johann Georg. Metakritik über den Purismum der reinen
Vernunft.Hamann’s Schriften. Bd.7, Lpz., 1821.
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introduit et traduit par Clara Foz. In : TTR, Vol. 17. No 1, 2004 : 13-53.
MAETERLINCK, Maurice. Le Trésor des humbles. Paris : Grasset, 1904.
MAUTHNER, Fritz. Beiträge zu einer Kritik der Sprache, Stuttgart und Berl.,
1906.
SCHLEIERMACHER, Friedrich. Über die verschiedenen Methoden des
Übersezens, (24. Juni 1813), Werke in 4 Bdn., 1981.
VALÉRY, Paul. La crise de l’esprit. Paris : Manucius, 2016 [1957].
WITTGENSTEIN, Ludwig. Philosophische Untersuchungen. Fr.a.M., 1967.
WITTGENSTEIN, Ludwig.Tractatus logico-philosophicus, Fr. A. M., 1961.

108
Retraductions, révisions. Les mauvaises traductions du théâtre
québécois en Italie

Fabio REGATTIN
Université de Bologne, Italie

Notre étude sera consacrée à l’analyse de quelques cas de


retraduction (à entendre ici comme « later translation of a single
source text into the same target language », Koskinen et Paloposki
2010, 294) et de révision. Un consensus « naïf » – qui prend en
traductologie la forme de l’hypothèse de la retraduction avancée par
Antoine Berman (1990) ou Paul Bensimon (1990) – veut que les
retraductions « améliorent » en quelque sorte les versions
précédentes.1 Yves Gambier résume l’hypothèse comme suit :

Une première traduction a toujours tendance à être plutôt


assimilatrice, à réduire l’altérité au nom d’impératif culturels,
éditoriaux : on fait des coupures, on réarrange l’original au nom
d’une certaine lisibilité, elle-même critère de vente. La retraduction
dans ces conditions consisterait en un retour au texte source (1994,
414).

Toute révision présuppose de manière encore plus évidente un


jugement porté sur la qualité de la version précédente : aucun besoin
de modifier un texte si celui-ci n’était pas, d’une manière ou d’une
autre, défaillant. Selon une hypothèse de travail avancée par Jean-
Claude Chevalier et Marie-France Delport (1995, 2010), les révisions
auraient ainsi tendance à se rapprocher de la forme du texte source,

1
L’hypothèse de la retraduction a été souvent mise en discussion (voir par exemple
Collombat 2004, Koskinen et Paloposki 2010, Monti 2011). Elle garde quand même
sa validité au moins du point de vue des croyances du public (comme le démontre le
prestige associé en général à une « nouvelle traduction », voir encore Monti 2011)
et lorsque l’on a affaire à ces retraductions qu’Anthony Pym définit « actives » (1998,
82), à savoir celles qui, partageant virtuellement la même collocation culturelle de
leur(s) antécédent(s), doivent avoir été conçues en opposition explicite à ces
derniers.

109
en réduisant l’« orthonymie »2 des traductions précédentes (ce qui
n’est pas sans rappeler l’hypothèse de la retraduction).
Les différences entre une traduction et une retraduction, entre
une traduction et sa version révisée semblent donc pouvoir dessiner,
en creux, les lieux textuels considérés comme insatisfaisants : des lieux
où une traduction est considérée, par quelqu’un au moins, à un
moment donné au moins, comme « mauvaise ».
Notre analyse portera sur quelques pièces québécoises
traduites en italien. Ces dernières ne sont pas très nombreuses : des
études récentes (Paré 2009, Regattin 2014, De Vaucher-Minelle 2003-
2016) en répertorient moins d’une centaine. Bien que l’importation de
la dramaturgie québécoise soit, de plus, très récente – on peut la faire
remonter à la fin des années 1980 – il existe déjà quelques cas de
retraduction et de révision, qui pourraient fournir des pistes
intéressantes pour l’étude du concept de « mauvaise traduction » au
théâtre. Selon plusieurs sources en ligne, le texte-phare de la
dramaturgie québécoise, Les Belles-sœurs de Michel Tremblay, a été
retraduit non moins de cinq fois après la parution de la première
version italienne (Le Cognate, 1994 ; traduit par Francesca Moccagatta
et Jean-René Lemoine). De même, trois pièces de Michel-Marc
Bouchard (Les Feluettes, Le Voyage du couronnement, Le Chemin des
passes dangereuses), traduites par Francesca Moccagatta, ont été
publiées en Italie à deux reprises : une première fois en 1993, 1995 et
2000 dans des revues, et une deuxième fois, en 2003, dans un recueil
publié par Ubulibri. Avant la deuxième publication, la traductrice a revu
chacun de ces textes, en y intégrant de nombreux changements au
niveau textuel et paratextuel.
Par une analyse systématique des textes, nous verrons si notre
corpus permet de confirmer l’hypothèse de la retraduction (sous sa
forme première ou bien sous celle de Chevalier et Delport) ou si, au
théâtre, d’autres impératifs l’emportent (comme semble le suggérer,
par exemple, Aaltonen 2003).

2
« La conviction que, dans tous les cas, il y a une façon "droite", "directe", moins
"travaillée", de dire le monde, ses choses et ses événements. Une façon plus que
toutes les autres déliée de celui qui y recourt, plus "objective" donc » (Chevalier et
Delport 1995, 9). Cette conviction se doublerait, selon Chevalier et Delport, de la
tendance inconsciente des traducteurs à l’usage de ces formulations.

110
Références bibliographiques

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traduçao, n. 1(11), 2003 : 141-159.
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Le Voyage du couronnement. Montréal : Leméac, 1992.

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« Il viaggio dell’incoronazione ». Traduction de Francesca Moccagatta. In :
Intercity Plays, n. 1, 1995: 85-100.
« Il viaggio dell’incoronazione ». Traduction de Francesca Moccagatta in
Michel-Marc Bouchard, Teatro. Milano : Ubulibri, 2003 53-95.
Le Chemin des passes dangereuses, Montreuil, Éditions Théâtrales, 1998.
« Il cammino dei passi pericolosi ». Traduction de Francesca Moccagatta. In :
Intercity Plays, n. 4, 2000 : 259-270.
« Il sentiero dei passi pericolosi ». Traduction de Francesca Moccagatta. in
Michel-Marc Bouchard, Teatro. Milano : Ubulibri, 2003.

TREMBLAY, Michel

Les Belles-sœurs. Montréal: Leméac, 1968.


« Le cognate ». In : Teatro del Québec, Milano, Ubulibri. Traduit par Francesca
Moccagatta et Jean-René Lemoine. 1994 : 25-74.
Un milione di punti. Version polycopiée non publiée, traduction de Giorgio
Incerti, 2009.
Mi prendo tutto. Version polycopiée non publiée, traduction de Graziella
Araceli, 2012.

112
Les traductions françaises des romans policiers de Tony Hillerman : de
l’ethnocentrisme à la « translatio exotique »

Romain RICHARD-BATTESTI
Université de Corse Pasquale Paoli, France

Une première traduction considérée mauvaise peut en faire


jaillir de nouvelles qui deviennent alors bonnes, de qualité, ou même
fidèles, au sens où l’entendait Umberto Eco. C’est précisément ce que
l’on a pu constater dans le cas de la diffusion française des intrigues
policières navajos rédigées par l’auteur américain Tony Hillerman au
début des années quatre-vingt. La première traduction française d’un
de ses romans, en l’occurrence People of Darkness, proposée en 1981
par Jane Fillion (éditions Gallimard) fut rejetée par l’auteur.
L’observation attentive et objective de cette première version
française laisse apparaître que de nombreux ethnocentrismes
compliquent la compréhension de l’intrigue puisqu’en effet, de longs
passages concernant la culture indienne Navajo disparaissent dans la
traduction en langue française de Jane Fillion. Cinq ans plus tard en
1986, c’est à Danièle et Pierre Bondil que fut confiée la tâche
traductive pour le compte des éditions Payot & Rivages, ce qui marqua
le point de départ d’une large diffusion française de ces romans : il est
donc admis que les traductions de Danièle et Pierre Bondil seraient
meilleures, mais il convient de comprendre pourquoi. Une étude
comparative des différentes versions françaises menée selon
l’approche d’Antoine Berman apporte certains éléments de réponse.
D’une part, si l’approche ethnocentrique de Jane Fillion n’est pas
condamnable en soi, elle semble inadaptée à ce type de roman policier
qualifié d’ethnologique et caractérisé par la présence de nombreuses
spécificités culturelles navajos : la dimension ethnologique de ces
romans s’étend dans la traduction. D’autre part, cela ne signifie
cependant pas nécessairement que les versions françaises proposées
par Danièle et Pierre Bondil soient l’exact contraire de celle de Jane
Fillion, à savoir absolument hypertextuelles selon le lexique
bermanien. En effet, les traductions françaises de ces romans policiers
ethnologiques semblent devoir emprunter une voie médiane, nous ne
parlons pas ici de méthode, mais plutôt d’approche et de sensibilité de
la part du traducteur. Appréhender les contours de cette approche

113
traductologique que nous proposons d’appeler « translatio exotique »
implique tout d’abord une prise en considération des spécificités du
texte source. Dans la sphère française, les romans de Tony Hillerman
font partie du genre policier ethnologique, une littérature fondée sur
les cultures dites archaïques (indiens navajos chez Tony Hillerman,
aborigènes australiens chez Arthur Upfield), qui évoque
l’interculturalité et plus largement la question du métissage. Nous
proposons d’y ajouter le concept d'exotisme tel qu’il est défini par
Victor Segalen. Le récit et l’intrigue reposent avant tout sur la
réappropriation et la réactualisation de procédés archaïques comme
l’observation des traces ou la chasse, ce sont les fondements mêmes
de l’enquête policière qui sont ainsi interrogés. Il en va de même pour
ce qui relève de la traduction de ces intrigues. Danièle et Pierre Bondil
assurent une transmission et une compréhension optimales au lecteur
français, ils exploitent ainsi une fonction exégétique en acceptant
parfois de ne pas traduire, en ayant recours à des procédés considérés
comme des faiblesses du traducteur. La traduction de ces intrigues
policières n’est plus seulement une opération de passage d’une langue
A vers une langue B, elle est un transfert, elle est une translatio.
Les clivages traditionnels tels que « traduction
littéraire/traduction littérale » se dissipent dans le cas des traductions
françaises des œuvres de Tony Hillerman, et cela ouvre la voie à de
nouvelles réflexions qui permettront de repenser les critères d’une
mauvaise traduction. Par ailleurs, certains concepts traductologiques
fondés sur l’inter-échange et la conciliation du même et de l’autre,
comme l’ouvertude (v. Cordonnier 1995), se réalisent peut-être dans
les traductions françaises des romans policiers de Tony Hillerman avec
la « translatio exotique ».

Références bibliographiques

BALLARD, Michel. De Cicéron à benjamin, Traducteurs, traductions,


réflexions. Lille : Presses Universitaires de Lille, 1992.
BERMAN, Antoine. La Traduction et la Lettre ou l’Auberge du lointain. Paris :
Seuil, 1999.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 2007.
CORDONNIER, Jean-Louis. Traduction et culture. Paris : Didier, 1995.

114
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Traduit de l’italien par Myriem
Bouzaher. Paris : Grasset, Coll. biblio essais, 2003.
ECO, Umberto. Du superman au surhomme. Traduit de l’italien par Myriem
Bouzaher. Paris : Grasset, Coll. biblio essais, 1993.
ELEFANTE, Chiara. « La note du traducteur : un enjeu complexe pour le
traducteur et l’éditeur ». In : Magdalena Nowotna et Amir Moghani (dir.), Les
Traces du Traducteur. Paris : INALCO-CERLOM, 2009 : 91-109.
GINZBURG, Carlo. Mythes, emblèmes, traces. Paris : Flammarion, 1984.
LAPLANTINE, François, NOUSS Alexis. Le métissage. Paris : Téraèdre, Coll. Ré,
2011.
REUTER, Yves. Le roman policier. Paris : Armand Colin, 2009.
SEGALEN, Victor. Essai sur l’exotisme. Paris : LGF, 1986.
TODOROV, Tzvetan. Poétique de la prose. Paris : Seuil, 1980 : 9-19.

Corpus

Tony HILLERMAN

People of Darkness. New-York : Harper & Collins, 2009.


Le peuple de l’ombre. Traduit par J. Filion. Paris : Gallimard, Coll. « Folio
policier », 1980.
Le Peuple des ténèbres. Traduit par D. et P. Bondil). Paris : Payot & Rivages,
Coll. « Rivages/Noir », 1990.

115
Traduction et retraduction d’Ulysse : le portrait du même en autre

Romain RIVAUX
Florida Atlantic University, États-Unis

Afin de définir ce qu’est une mauvaise traduction, nous nous


proposons d’abord d’envisager toute entreprise de retraduction en
tant qu’instrument d’évaluation potentiel. Passant au crible chaque
choix terminologique, stylistique ou idéologique, toute retraduction
n’est-elle pas par défaut dans une position de distance et de
perspective vis-à-vis d’une traduction originale, lui permettant de
distinguer le bon du mauvais, et d’opter pour des solutions jugées
optimales ? Dès lors on pourrait imaginer qu’une retraduction sérieuse
est avant toute chose un travail de correction, sorte d’espace mitigatif
qui se chargerait de définir l’essence même de ce qui fut une
« mauvaise » traduction. De telle manière, la retraduction peut être
envisagée comme une tentative de réduction, voire d’élimination, de
la portée de ce que Berman appelle les tendances déformantes. Par
exemple, lorsque Aubert opte, dans le cadre de sa retraduction
d’Ulysse de 2004, pour le maintien de l’ordre des mots le plus
« servile » – au nom d’une certaine « phénoménologie de la
perception » recherchée par Joyce dans le texte original – il y a bien là
un effort de contrôle actif de la destruction des rythmes et de
l’ennoblissement syntaxique, deux tendances relativement marquées
dans la traduction de 1929. Ainsi, nous nous efforcerons, dans une
première partie considérant une dizaine d’échantillons par sélection
randomisée (soit un corpus d’environ mille mots), de définir si, ou en
quoi, l’apport de l’Ulysse de 2004, vis-à-vis de l’Ulysse de 1929, peut
permettre de définir quelques « mauvaises » pratiques universelles en
matière de traduction littéraire.
Mais l’examen de cette traduction d’Ulysse soulève une
seconde question qui mérite d’être posée : la version de 1929 est-elle
une traduction proprement dite ? Le doute est permis. Ulysse, texte
nouveau pour son temps, à la fois difficile et long, a bénéficié de
l’intervention de nombreux participants, y compris de celle non
négligeable de l’auteur, soit par des corrections directes ou par le biais
de notes qui lui furent adressées par l’entremise de Stuart Gilbert.

116
Cette intervention au sein du processus de traduction fut pour Joyce
une opportunité d’aller parfois au-delà de l’original, d’explorer de
nouvelles limites, de littéralement recomposer le texte, à l’instar de
cette requête auprès de Monnier (au sujet de la traduction du
fragment de « Pénélope ») de supprimer non seulement la
ponctuation, comme cela avait été fait pour le texte anglais, mais aussi
les accents sur les lettres et les apostrophes. Nous tenterons ainsi
d’éplucher un maximum de correspondances et de notes de révision
du texte traduit – de tels documents étant disponibles au Ransom
Center de University of Texas, Austin – pour comprendre la mesure
dans laquelle l’Ulysse de 1929 n’est pas tant une traduction
relativement « mauvaise » qu’une œuvre de prolongement tendant à
tenir lieu de l’original. Rappelons effectivement que le texte original
fut censuré en Angleterre et aux États-Unis dès 1922 et ne vit jour,
initialement, qu’en France, sa terre première de réception.
Enfin, et c’est particulièrement le cas chez Joyce, une
« mauvaise » traduction peut aussi se définir par son incapacité à
restituer le plus grand nombre d’intertextes. Roman moderniste par
excellence, Ulysse se voulait le réceptacle des savoirs universels,
comme si Joyce avait voulu y réunir la plus grande des bibliothèques
du monde. Le skopos du texte d’Ulysse était donc précisément cet
universalisme culturel et linguistique qui était en train de germer et qui
encapsulait déjà Finnegans Wake. Ainsi, dans un troisième temps, nous
nous livrerons à un véritable jeu de piste pour déterminer en quels
points l’Ulysse de 2004, bénéficiant de près d’un siècle de distance, a
pu mieux saisir la complexité de l’œuvre en faisant coexister les
myriades d’intertextes déjà en contact dans le texte source de 1922.
Ce sera donc par la capacité du texte traduit à rester à la fois pluriel et
illisible – c’est-à-dire à privilégier ce que Lambert et van Gorp appellent
le contexte systémique – signature essentielle du grand moment
joycien, que nous nous permettrons de formuler l’ultime critère de
distinction en matière de « bonne » ou « mauvaise » traduction, chez
Joyce.

Références bibliographiques

BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans


l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.

117
DERRIDA, Jacques. Ulysse gramophone. Paris : Galilée, 1987.
DERRIDA, Jacques. Qu’est-ce qu’une traduction « relevante ». Paris : Carnets
de l’Herne, 2005.
LAMBERT, José, VAN GORP Hendrijk. « On describing translations ». In :
LAMBERT, José, DELABASTITA, Dirk, D’HULST, Lieven, MEYLAERTS, Reine
(éd.), Functional Approaches to Translation and Culture : Selected Papers by
José Lambert. Amsterdam/Philadelphie : John Benjamins, 2006 : 37-47.
POUND, Ezra. Literary Essays, éd. T. S. Eliot. New York/London : New
Directions, 1968.
***Pound/Joyce : The Letters of Ezra Pound to James Joyce, with Pound’s
Essays on Joyce. New York/London : New Directions, 1970.
VERMEER, Hans J. « Skopos and commission in translational action ». In : L.
Venuti (éd.), The Translation Studies Reader. New York : Routledge, 2012 :
191-202.

Corpus

James JOYCE
Letters I, éd. Stuart Gilbert. New York : The Viking Press, 1966.
Letters II, éd. Richard Ellmann. New York : The Viking Press, 1966.
Letters III, éd. Richard Ellmann. New York : The Viking Press, 1966.
Selected Letters, éd. Richard Ellmann. Londres : Faber & Faber, 1975.
Series I. James Joyce Writings and Correspondence, 1899-1958 Ulysses
(1922), Translated into French by A. Morel, page proofs with corrections by
Stuart Gilbert, 1928, Harry Ransom Center, The University of Texas at Austin,
Collection 1899-1968.
Ulysses, éd. Hans Walter Gabler. New York : Vintage Books, 1986.
Œuvres II, éd. établie par J. Aubert avec la collaboration de M. Cusin, D.
Ferrer, J. M. Rabaté, A. Topia et M. D. Vors, Traduction d’Ulysse par A. Morel
assisté de S. Gilbert, entièrement révisée par V. Larbaud et l’auteur. Paris :
Gallimard, coll. Pléiade, 1995.
Ulysse, traduction dirigée par J. Aubert. Paris : Gallimard, 2004.

118
Quand y a-t-il mauvaise traduction ?

Serge ROLET
Université de Lille, France

En écho à la célèbre question de Nelson Goodman « Quand y


a-t-il art ? », j’aimerais demander « Quand y a-t-il mauvaise
traduction ? ». Il s’agira de dégager les conditions générales qui
disposent à qualifier une traduction de « mauvaise ».
Une traduction n’est pas toujours mauvaise en soi, mais elle
peut le devenir quand l’entourage culturel change. On peut essayer
d’établir une durée, suffisamment vague pour avoir un intérêt
heuristique, au-delà de laquelle une traduction risque de tomber du
côté des mauvaises traductions. La traduction d’Eugénie Grandet que
fait Dostoïevski, par exemple, a vite vieilli. On pourra se demander si
on peut indiquer une durée moyenne, valable à peu près partout,
d’obsolescence d’une traduction (comme on peut le faire pour les
mises en scène de théâtre, qui se renouvellent en général au bout de
trente ans), ou s’il est possible de faire ressortir dans l’histoire des
cultures des seuils, qui marquent le passage de toutes les traductions
antérieures, même récentes, ou, au moins, une bonne partie d’entre
elles, du côté des « mauvaises » traductions. Bien entendu, l’hypothèse
la plus évidente est que ces seuils correspondent aux « changements
d’épistémè » (cf. Foucault), ou, dans le domaine de la littérature, aux
changements d’« époque système » (cf. Tynianov).
Si l’on considère non pas une traduction, mais une série de
traductions, on pourra émettre l’idée que la langue source n’est pas
neutre quant à la qualité de la traduction. Prises globalement, les
traductions actuellement disponibles en français de la littérature russe
ne sont pas très satisfaisantes (regardons celles des classiques russes
dans les éditions en français les plus diffusées), elles sont souvent
anciennes et vieillies. La cause de ce phénomène est à rechercher dans
l’asymétrie des cultures : la relation interculturelle franco-russe peut
se penser sous l’opposition centre/périphérie. Seule, peut-être, cette
situation peut expliquer qu’un texte, présenté par l’éditeur dans la
collection « les grandes traductions », soit en réalité complètement
bâclé (on prendra l’exemple de La Faculté de l’inutile, du romancier
russe Iouri Dombrovski 1979). Ici, c’est le côté « politique du traduire »

119
(cf. Meschonnic) qui se fait sentir. On peut penser que la question
« Qui traduit ? », dans ce cas, se pose : les traductions des romans de
guerre soviétiques sont réalisées par ce qu’on pourrait appeler des
traducteurs organiques (comme il y a des « intellectuels organiques »),
liés aux Partis communistes. Ce profil spécial, de même que le
processus de traduction lui-même (en URSS, la traduction est confiée
à deux personnes, la première est locuteur natif de la langue source,
l’autre de la langue cible) n’est pas sans effet sur la qualité, souvent
faible, des traductions.

Références bibliographiques

DOMBROVSKI, Iouri. La Faculté de l’inutile. Traduit du russe par Jean


Cathala. Paris : Albin Michel, 1979.
GODMANN, Nelson. Manières de faire des mondes. Traduit de l’anglais
par Marie-Dominique Popelard. Nîmes : Jacqueline Chambon, 1992.
GRAMSCI, Antonio. Cahiers de prison, (vol. III). Traduit de l’italien par
M. Aymard et P. Fulchignoni [puis par] Françoise Bouillot et Gérard
Granel [puis par] Claude Perrus et Pierre Laroche ; av.-propos, notices
et notes de Robert Paris. Paris : Gallimard, 1978.
KRÖMER, Wolfram. « Les rythmes perçus et perceptibles dans
l’histoire politique et dans l’histoire littéraire ». In : Gilli, Marita (éd.),
Les Limites de siècles, lieux de ruptures novatrices depuis les temps
modernes. Besançon : Presses Universitaires Franc-Comptoises, 2001 :
745-754.
MESCHONNIC, Henri. Éthique et politique du traduire. Lagrasse :
Verdier, 2007.
TYNIANOV, Iouri. « L’évolution littéraire ». In : TODOROV Tzvetan
(texte réunis, présentés et traduits par, préface de Roman Jakobson)
Théorie de la littérature. Textes des formalistes russes. Paris : Seuil,
1965 : 120-137.

120
Étude de la trahison dans la traduction des redoublements du turc en
français

Ilhami SIGIRCI
Université Kırıkkale, Turquie

Chaque langue dispose d’une conception différente du monde


et d’une façon de l’exprimer. De là, on n’a pas toujours la possibilité de
faire la traduction de certains lexèmes ou tournures en langue cible
lesquels entrainent souvent des difficultés d’ordres divers. Dans la
traduction du turc en français, un des lexèmes qui présente de grandes
difficultés pour le traducteur, c’est le redoublement. Le traducteur
n’arrive pas alors à trouver des solutions ou des modalités linguistiques
propres pour créer le sens et l’effet voulu du redoublement dans la
langue cible. Dans ce cas, il a du mal à trouver des tournures, des styles,
des images autres que ceux du contexte du départ. Ainsi le lecteur de
la langue cible reçoit un message « infidèle » selon les uns, et « trahi
selon les autres ». Et l’image que le lecteur perçoit du texte cible est
une image « inventée » pour des raisons de compréhension. Cette
image ne correspond pas à l’image créée dans la langue source, ce qui
mène à une perte de sens pouvant engendrer une déformation du
vouloir-dire sémantique d’origine, perte qui peut nuire à la réception
que fait lecteur cible. Cela entraîne une incohérence dans la traduction
qui laisse le lecteur perplexe et le conduit à prendre une certaine
distance par rapport au texte. Par conséquent la traduction ne produit
pas le même effet sur les lecteurs que l’original fait sur les siens, ce qui
entraîne souvent un manque de sens dans le texte cible. D’où provient
la mauvaise traduction. « Faute d’être maître du contenu, le
traducteur est maître de l’expression, et il dispose d’une liberté
relative quant aux choix des moyens linguistiques » (Delisle 1993, 151).
En vue d’étudier la trahison dans la traduction des
redoublements, nous prenons comme corpus un roman turc Sur les
terres fertiles d’Orhan Kemal. Cette œuvre, rédigée presque
entièrement sous forme de dialogues, met en relief à merveille la
mentalité des personnages de Tchoukourova en Turquie. Dans cette
œuvre, il s’agit de la langue courante et du parler quotidien des gens
de cette la région. Par conséquent, l’auteur y use souvent des
métaphores, des expressions ou des tournures syntaxiques ainsi que

121
des redoublements qui demeurent parfois intraduisibles et, de la sorte,
contraignent le traducteur à trahir le sens dans la langue cible. D’où
provient la mauvaise traduction la plupart du temps.
Appartenant à la famille des langues ouralo-altaïques, ayant
plusieurs niveaux d’expression et riche en connotation, le turc est une
langue agglutinante basée sur le fonctionnement des suffixes et
dispose d’un support culturel fort différent de celui du français. Par
conséquent, en turc, l’emploi, la construction et la fonction des
redoublements sont très différents de ceux du français. En turc, ils sont
utilisés fréquemment et remplissent des fonctions diverses, suivant le
contexte dans lequel ils figurent. Dans notre corpus, ils assument une
grande fonction dans la construction du sens de l’énoncé. Pour cette
raison, afin de contextualiser notre aproche, nous présentons leur
fonctions en turc. Ensuite, nous allons voir comment les
redoublements ont pu être traduits et examiner les trahisons faites par
le traducteur. Nous nous intéressons donc aussi bien à la stratégie
traductive qu’aux difficultés qui ont causé la mauvaise traduction. Car
le texte littéraire est avant tout un texte condensé, riche en
significations, se donnant à des interprétations multiples qu’un texte
cible prendra en considération sans traduire l’une d’elle. Or, en ce qui
concerne les redoublements, notre texte cible ne contient pas les
mêmes éléments culturels et multisémantiques que le texte source. Il
s’ensuit que le traducteur ne se soumet pas au jeu des forces des
signifiants du texte source, ce qui le pousse à ne pas chercher
l’équivalent en langue d’arrivée, mais à ne traduire que le sens général
de l’énoncé de manière à ce qu’ils soient entendus par le lecteur de la
langue cible.

Références bibliographiques

BANGUOĞLU, Tahsin. Türkçenin Grameri (Grammaire du turc). Ankara : TDK


Yayınları, 1986.
BAYRAKTAR, Sibel. Türk Dilinde İkilemelerin Görev-Yapı-Anlam Özellikleri
[Fonctions des redoublements en turc]. Yayımlanmamış yüksek lisans tezi,
2004.
CARY, Edmond. Comment faut-il traduire?. Lille : Presses Universitaires de
Lille, 1985.
DELISLE, Jean. La traduction raisonnée. Ottawa : Presses de l’Université
d’Ottawa, 1993.

122
HATIBOĞLU, Vecihe. Türk Dilinde İkileme [Redoublements en turc]. Ankara :
Türk Dil Kurumu Yayınları, 1981.
LADMIRAL, Jean-René. Traduire: Théorèmes pour la traduction. Paris :
Éditions Gallimard, 1994 [1979].
LEDERER, Marianne. Quelques considérations théoriques sur les limites du
traduisible. Forum Vol.3, n. 2. Paris : Presses de la Sorbonne, 2004.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
MOUNIN, Georges. Les belles infidèles. Villeneuve d’Ascq : Presses
Universitaires du Septentrion, 1994.
OSEKI-DEPRÉ, Inês. Theories et pratiques de la traduction litteraire. Paris :
Armand Colin, 1999.
STEINER, Georges. Après Babel, Une poétique du dire et de la traduction,
(trad. de l´anglais par Lucienne Lotringer). Paris : Albin Michel, 1978.
TATILLON, Claude. Sonorité et textes poétiques. Montréal : Didier, 1976.

Corpus

Orhan KEMAL

Bereketli Topraklar Üzerinde. İstanbul : Everest Yayınları, 32e édition, 2015.


Sur les terres fertiles. Traduit du turc par Jacqueline et Kemal Bastuji. Paris :
Éditions Gallimard, Coll. « Du monde entier », 1971.

123
L'Évaluation dans la traduction littéraire: le point de vue d’un
herméneute

Bernd STEFANINK
Université de Bielefeld, Allemagne

Le problème semble simple quand on lit cette naïveté sur un


site internet: « Aujourd’hui, grâce à la théorie de la traduction, il est
possible d’obtenir des traductions „belles et fidèles” » En réalité le
problème posé est très complexe. Il n’y a pas de critères généraux pour
dire globalement qu’une traduction est bonne ou mauvaise, car à
différents niveaux, différents facteurs interviennent.
La réponse dépend d’abord de l’identité de l’évaluateur. Le
traducteur peut être très satisfait de sa traduction, mais le
commanditaire de la traduction peut la trouver mauvaise pour des
raisons commerciales ou idéologiques (cf. les premières traductions
allemandes d’Astérix). De même, le réviseur de la maison d’édition
peut trouver mauvaises certaines solutions créatives, par manque
d’empathie avec le texte, avec lequel il ne partage pas la même
intimité que la traductrice (cf. certains exemples fournis par la
traductrice allemande d’Astérix, Gudrun Penndorf; cf. Irina Mavrodin
(1982) qui reproche aux critiques de traduction « d’envoyer des baisers
de l’avion »).
La réponse dépend aussi des critères imposés par l’influence
dominante dans l’idéologie traduisante d’une époque (cf. au plan
théorique la théorie du « sway » (Robinson 2011) et du « somatics »
(Robinson 1991, 2013) avancée par Douglas Robinson ; cf aussi
Stefanink/Bălăcescu (2017b) ; (au plan pratique on peut citer l’exemple
des « belles infidèles » au XVIIe siècle).
D’une façon générale, une telle évaluation de la qualité d’une
traduction ne peut se faire que sur fond d’une réflexion théorique.
Pour Hans-Georg Gadamer et à sa suite pour les tenants de l’approche
herméneutique, une bonne traduction est une traduction qui rappelle
à la vie un texte écrit. Selon Gadamer (1978, 261), « L’herméneutique
se définit quasiment comme un art de faire parler de nouveau ce qui a
été dit et écrit »1 la traductrice doit faire « parler » le texte. Se

1
« Hermeneutik lässt sich geradezu als die Kunst definieren, Gesagtes und
geschriebenes erneut zum sprechen zu bringen. Was das für eine Kunst ist, können

124
réclamant de la rhétorique aristotélicienne, aux termes de laquelle
l’oralité était toujours sous-jacente au texte écrit, Gadamer (1990,
387) décrit la tâche de la traductrice comme devant restituer « parole
et sens » aux signes du texte écrit. « Alles Schriftliche bedarf der
Rückverwandlung der Zeichen in Rede und Sinn ». Les signes
linguistiques du texte à traduire doivent être « réanimés » pour ainsi
dire, devenir chair et os. Si la traductrice n’y parvient pas, sa traduction
est mauvaise. Cette réanimation nécessite des techniques
d’interprétation et d’explicitation du sens pareilles à celles que nous
les fournit l’approche herméneutique ; elle est impossible si l’on s’en
tient aux termes des théories « objectivistes » dans le sillage d’Otto
Kade et de l’école de Leipzig. Pour Larbaud (1997, 65), traduire, c’est
rendre « Un son, une couleur, un mouvement, une atmosphère ». Est
par conséquent mauvaise toute traduction qui rate cet objectif.
Après un bref aperçu des réponses apportées par les
différentes approches théoriques à la question qui fait l’objet de ce
colloque, nous montrerons à l’aide d’exemples tirés de notre corpus
d’herméneutique traductive comment cette reconversion du texte
écrit en parole vivante peut se faire et comment l’approche
herméneutique fournit des critères scientifiques clairs permettant de
juger de la qualité d’une traduction. De même nous montrerons que
ces critères trouvent leur confirmation dans les recherches récentes
en sciences cognitives. En un troisième temps, nous donnerons des
exemples, tirés de notre corpus d’herméneutique traductive, illustrant
la thèse heideggerienne que ce sont les mots qui viennent au sens2 et
les retombées didactiques de cette thèse dans la formation à la
« bonne traduction ».

Références bibliographiques

GADAMER, Hans-Georg. « Hermeneutik als theoretische und praktische


Aufgabe ». In : Rechtstheorie 9, 1978 : 257-274.
GADAMER, Hans-Georg. Wahrheit und Methode. Grundzüge einer
philosophischen Hermeneutik. Tübingen : J.C.B. Mohr, 1990.
HEIDEGGER, Martin. Sein und Zeit. Tübingen : Niemeyer, 1967 [1927].

wir von der Rhetorik lernen » (Gadamer 1978, 261). « Alles Schriftliche [...] bedarf
der Rückverwandlung der Zeichen in Rede uns Sinn » (Gadamer 1990, 397).
2
„Den Bedeutungen wachsen Worte zu” (Heidegger 1967, 160)

125
LARBAUD, Valéry. Sous l’invocation de Saint Jerôme. Paris : Gallimmard, 1997
[1946].
MAVRODIN, Irina. Poietică și Poetică [Poïétique et Poétique]. Craiova : Scrisul
Românesc, 1982 [1998].
REISS, Katharina. Möglichkeiten und Grenzen der Übersetzungskritik:
Kategorien und Kriterien für eine sachgerechte Beurteilung von
Übersetzungen. Munich : Hueber, 1971.
ROBINSON, Douglas. The Translator’s Turn. Baltimore : John Hopkins
University Press, 1991.
ROBINSON, Douglas. Translation and the Problem of Sway. Amsterdam : John
Benjamins, 2011.
ROBINSON, Douglas. Schleiermacher’s Icoses. Social Ecologies of the different
Methods of Translating. Bucharest : Zeta Books, 2013.
STEFANINK, Bernd, BĂLĂCESCU, Ioana. « Les cheminements de la créativité
en traduction ». In : Meta, 60-3, 2015 : 599-620.
STEFANINK, Bernd, BĂLĂCESCU, Ioana. « Le verbum interius du traducteur et
la cristallisation du sens: traçabilité du processus traduisant à travers les
isotopies et les sciences cognitives ». In : Meta, 62/2 (under publication in
Aug. 2017).

126
Il tesoro dei poveri de D’Annunzio et ses traductions : les dérives d’une
translation

Jihane TBINI
Faculté des Lettres de la Manouba, Tunisie

Ali Douagi (1909-1949) publie en arabe une nouvelle qui se


veut la reprise d’un texte de Gabriele D’Annunzio intitulé « Il tesoro dei
poveri »1 (1887). Le recueil de Douagi (1945) est à son tour traduit en
français par Catherine Tissier (2008), et la nouvelle paraît sous le titre
français « Le trésor des pauvres ». Nous sommes face à la configuration
suivante : Tessier réécrit Douagi qui réécrit D’Annunzio. Comment
fonctionne alors cette traduction au second degré ? Le texte de Tessier
semble proche d’une rétrotraduction : de l’italien (langue latine) vers
l’arabe (langue sémitique) et de l’arabe vers le français (langue latine),
le texte d’origine est au final réécrit dans une langue ayant le même
substrat. Nous commenterons donc ce « retour du texte » en étudiant
le passage de l’ipséité vers une ipséité transitant par l’altérité de la
langue arabe.
Par ailleurs, une note de l’auteur tunisien précise que son récit
est écrit « d’après l’œuvre du grand poète italien Gabriele
D’Annunzio ». En cela, Douagi rejoint les traducteurs arabes du début
du XXe siècle, qui n’avaient pas accès à la langue source et dont les
traductions étaient vouées d’emblée à l’échec (compte tenu du critère
de la fidélité au texte source), traducteurs se situant par eux-mêmes
dans la sphère de l’à-peu-près, du « d’après ». Pouvons-nous avancer
qu’une piètre traduction peut être une « bonne » œuvre de création ?
Dans le cas de Douagi, la confrontation avec le texte source
révèle une interprétation assez libre des séquences qui encadrent le
récit. Des possibilités de traduction équivalentes de l’énoncé italien
existent pourtant en arabe. En ce qui concerne l’incipit, Douagi opte
pour un changement de la distance énonciative. Par ailleurs, alors que
la clausule du récit italien est imprégnée d’un charme fantastique, la
dernière phrase du texte de Douagi démystifie complètement la magie
de ce conte de Noël : la séquence attributive « il tesoro dei poveri è

Le titre italien reprend le titre d’un traité de médecine du XII e siècle.


1

127
l’illusione » hisse l’illusion au rang de trésor, alors que la tournure
restrictive de Douagi avilit le trésor en illusion.
Ainsi, notre propos n’est pas d’étudier les problèmes
linguistiques liés au passage d’une langue à l’autre, mais de
commenter les enjeux de la décision interprétative de Douagi. La
traduction pose en effet une question qui lui est inhérente, celle de la
réception du texte. Autrement dit : pour quiconque pense la
traduction, la question n’est pas de savoir comment on traduit, mais
comment on a lu. Or sachant que la réception d’un texte n’est jamais
strictement personnelle (nous lisons en fonction d’une époque, d’un
instant historique) la traduction est dès lors datée (et c’est pour cette
raison que les traductions « vieillissent »).
La traduction de la dernière phrase importe dans la mesure où
elle corrobore l’idée que la réception du texte varie. Loin d’être un
simple remaniement local dicté par le passage de l’italien à l’arabe, le
choix traductif de Douagi convie le lecteur à reconsidérer
rétroactivement la nouvelle, non sans un certain cynisme. Le
désenchantement de la génération de l’Entre-Deux- Guerres semble
avoir déteint sur la lecture du récit d’origine que fait Douagi.
Tessier traduit en français le texte de Douagi, qu’il considère
comme texte source de référence – nous y retrouvons la double
licence osée par Douagi –,adopte l’interprétation de l’auteur tunisien
et réécrit D’Annunzio via cette traduction intermédiaire. Nous nous
proposons d’étudier la « translation » à l’œuvre dans cette triade,
affectant certes la langue, mais aussi le sens, tributaire du contexte et
de la réception.
Si « traduire, c’est gérer un déficit » (Mejri 2005), le « déficit »
dans ce cas est de taille et altère le sens même de la nouvelle. Mais
une bonne traduction est-elle vraiment tributaire de la fidélité au texte
source ? À cet effet, nous adhérons à l’affirmation de Jalel Gharbi : « Ne
pas trahir peut être la pire des infidélités ».

Références bibliographiques

ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction.


Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset et Fasquelle, 2006.
GENETTE, Gérard. Palimpsestes. Paris : Seuils, 1982.
GENETTE, Gérard. Seuils. Paris : Seuil, 1987.

128
GHARBI, Jalel. « Poétique de la traduction ». In : Raymond Mbassi ATÉBA
(dir.), Francophonie et francophilie littéraires. Paris : Karthala (à paraître).
HURTADO ALBIR, Amparo. La notion de fidélité en traduction. Paris : Didier
Érudition, 1990.
JANKÉLÉVITCH, Valdimir. Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien. I. La manière et
l’occasion. Paris : Seuil, 1980.
KRISTEVA, Irena. « Perspectives herméneutiques de la traduction : du
dialogue herméneutique à l’hospitalité langagière ». Signes, Discours et
Sociétés, 3. Perspectives croisées sur le dialogue, 30 juillet 2009. [En ligne].
URL : ttp://www.revue-signes.info/document.php?id=1170.
LADMIRAL, Jean-René. Traduire : théorèmes pour la traduction. Paris : Payot,
1979.
LARBAUD, Valery. Sous l’invocation de Saint Jérôme. Paris : Gallimard, 1997.
MEJRI, Salah. « Traduire, c’est gérer un déficit ». In : Meta Vol. 50, No. 1,
2005 : 120–128.
MESCHONNIC, Henri. Poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
MOUNIN, Georges. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
Gallimard, 1963.
RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
STEINER, Georges. Après Babel. Paris : Albin Michel, 1998
TESTARD, Maurice. « Les problèmes de la traduction ». In : Bulletin de
l'Association Guillaume Budé, n°1, mars 1985 : 2-29.

Corpus

ʿali Dūʿaǧi, « Kanzu alfuqarāʾ ». In : Sahirtu minhu alayali [1945], Maison


Tunisienne d’Edition, 1993 : 19-23.
D’ANNUNZIO, Gabriele. « Il tesoro dei poveri ». In : Tutte le novelle. Milano:
Mondadori, 1992 [1887] : 702-704.
TISSIER, Catherine. « Le trésor des pauvres ». In : Longues, longues étaient
mes nuits, Tunis : Ed. Centre National de Traduction, 2008 : 9-12.

129
La traduction du texte sacré : Tension entre fidélité pragmatique et
trahison blasphématoire

Mustapha TIJJINI
Université Mohammed d’Oujda, Maroc

La traduction du texte sacré soulève des questions multiples et


redoutables qui relèvent des relations interculturelles, interreligieuses
et interconfessionnelles entre les peuples. Elle permet ainsi de mettre
en évidence les rapports des communautés à leurs langues-cultures et
aux textes fondateurs de leurs identités religieuses.
La sacralité constitue une sphère se situant au-delà de l’éthique
et du rationnel et se présente sous deux aspects paradoxaux de
mystère : effrayant et fascinant. Le texte sacré désigne donc tout écrit
en relation avec le divin, ou en général avec une divinité. Il englobe des
textes magiques, mythologiques, exégétiques, divinatoires, rituels, de
prières, de prescriptions… De ce fait, le texte sacré représente un
univers « littéraire » qui cristallise l’identité héritée d’une
communauté. Or dans sa dimension religieuse, le texte sacré oscille
entre la révélation et l’inspiration ayant un caractère ineffable qui ne
pourrait s’exprimer en langue humaine puisqu’il recèle un tabou
extrême. Sa traduction serait donc un blasphème et une transgression
de l’interdit de communication incarné par la malédiction de Babel que
représente la diversité des langues.
Toutefois, le rôle incontestable qu’ont joué la traduction et
l’interprétation dans la diffusion des trois monothéismes
abrahamiques, le judaïsme, le christianisme et l’islam, réfute la thèse
de l’intraduisibilité du texte sacré et pose la question de la traduction
du sacré dans une perspective intra- /inter-culturelle.
Mais, si l’on s’accorde sur la traduisibilité du texte sacré,
pourra-t-on également « sacraliser » sa traduction ? Ou bien, refuser
une telle sacralisation sous prétexte que l’acte de traduire un texte
sacré soit blasphématoire et contre religieux ?
Notre réflexion sur les problèmes de la traduction religieuse se
proposera donc d’examiner les rapports du texte sacré à la traduction
et à l’interprétation, examen qui s’opèrera d’abord selon une optique
verticale de la liaison que permet d’établir le texte sacré entre les

130
hommes et Dieu, ensuite selon une optique horizontale de la re-
lecture et l’inter-textualité intercommunautaire. L’objectif étant
d’élaborer des modes de mise en discours et de traduction efficaces
des univers de croyances de sorte à éviter les chocs inter-religieux et
interconfessionnels qui menacent actuellement l’humanité et
instaurer par la traduction un entre-deux où règnent paix et tolérance
entre les peuples.
À travers cette réflexion, nous avons l’intention de rapprocher
le texte religieux du texte littéraire – étant donné qu’ils présentent
beaucoup de ressemblances – afin de dégager des critères définitoires
permettant d’identifier la « mauvaise traduction religieuse » et
proposer ensuite des critères définissant « la bonne traduction
religieuse ».

Références bibliographiques

ALAWI, Yahya, HADIDI, Jawad. Le Coran, voilà le Livre. Traduction annotée


accompagnée d’études, de concordances et de lexiques, tome I. Centre pour
la traduction du Saint Coran, Qom, 2000 [1421].
AL-RAZZÂQ, S. Abd. « La traduction du Saint Coran : de la prohibition à la
permission », [En ligne]. URL : http ://www.annoormagazine.com/mag/ar/
163-164/deen/deen_01.asp.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BERMAN, Antoine. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain. Paris :
Seuil, 1999.
BERQUE, Jacques. L’Islam au défi. Paris : Gallimard, Coll. « Essais », 1980.
CAILLOIS, Roger. L’Homme et le sacré. Paris : Gallimard, Coll. « Idées », 1972
[1950].
DERRIDA, Jacques. « Des tours de Babel ». In : GRAHAM, Joseph (dir.),
Difference and Translation, Ithaca and London : Cornell University Press,
1985 : 209-248.
DERRIDA, Jacques. Foi et savoir. Paris : Seuil, Coll. « Points/Essais », 2001.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Traduit de l’italien par Myriem
Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.
GADAMER, Hans-Georg. Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une
herméneutique philosophique. Édition intégrale revue et complétée par P.
Fruchon, J. Grondin et G. Merlio. Paris : Seuil, 1996 [1976, allemand 1965,
1960].

131
HAMIDULLAH, Muhammad. « Introduction ». In : Le Coran. Traduction de
Muhammad HAMIDULLAH. Maryland : Amana Corp., 1989 : v-xxxiv.
LADMIRAL, Jean-René. Traduire : théorèmes pour la traduction. Paris :
Gallimard, 2002 [1979].
MESCHONNIC, Henri. La poétique du traduire. Paris : Verdier, 1999.
SELESKOVITCH, Daniela, LEDERER, Marianne. Interpréter pour traduire, Paris :
Didier, 1984.

132
Les « mauvaises » traductions : quelles instances évaluatrices ? Étude
de cas

Maria ȚENCHEA
Université de l’Ouest de Timişoara, Roumanie

Qu’est-ce qu’une « mauvaise traduction » et pour qui cette


qualification vaut-elle ? Nous essaierons de répondre à ces questions
à partir de l’analyse de la traduction en roumain d’un roman de
Georges Perec, Les Choses. Une histoire des années soixante (Julliard,
coll. « Les Lettres nouvelles », 1965, prix Renaudot ; en roumain :
Lucrurile. Povestire din anii 60, traduit par Livia Storescu, Editura
pentru Literatură Universală, București, 1967, la seule version
roumaine publiée à ce jour).
Nous avons étudié la réaction de trois catégories de
personnes devant le texte traduit :
a) le lecteur moyen, qui accepte le texte roumain tel quel,
considérant uniquement le contenu du livre, un ouvrage qui « restitue
l’air du temps à l’orée de la société de consommation » (Wikipedia) ;
pour lui, la question ne se pose même pas de se distancer du texte par
un regard critique ; n’étant pas sensible aux aspects linguistiques et
stylistiques du texte roumain, il juge implicitement la traduction
comme bonne, parfaitement lisible et acceptable, à tel point que l’on
retrouve sur la Toile des fragments de cette version, cités tels quels par
une blogueuse qui les considère comme particulièrement
intéressants ;
b) un lecteur plus cultivé, ayant une formation linguistique et
un niveau culturel qui le rendent sensible à la qualité de l’expression
dans la langue cible ; il émet un jugement critique sur le texte traduit,
qu’il évalue comme discutable du point de vue de la langue-culture
cible, donc plutôt mauvais. Dans le cas présent, il enregistrera des
« trahisons » par rapport à la langue cible, matérialisées surtout dans
certaines tournures maladroites ou peu usuelles en roumain – laissant
supposer des calques d’après la langue source –, des mots mal choisis
dans le contexte, des constructions stylistiquement inadéquates et
parfois même des formes carrément fautives.

133
c) le spécialiste traductologue (à la fois lecteur et critique, mais
aussi enseignant) : il compare le texte cible au texte source (cela peut
se faire dans le cadre d’une démarche didactique, avec de futurs
traducteurs), mettant en évidence nombre de « trahisons »
(inadéquations) par rapport au texte de départ, ce qui alourdit encore
le jugement rendu sur la traduction, qui sera considérée comme
franchement mauvaise. On pourra ainsi enregistrer des contre-sens ou
des faux-sens (traduction inexacte), ainsi que de fréquents décalages
quant au niveau de langue (choix injustifié de mots ayant une
connotation trop littéraire ou même archaïsante, totalement
inadéquats dans le contexte, qui évoque le monde moderne).
L’analyse de quelques fragments du texte traduit en roumain,
accompagnée de propositions d’amélioration de la traduction, nous
permettra de formuler plusieurs critères objectifs autorisant les
lecteurs et les critiques à qualifier un texte littéraire traduit comme
étant une bonne ou une mauvaise traduction (ou, de manière plus
exacte, plus ou moins bonne ou plus ou moins mauvaise : toute
qualification admet des degrés), sans néanmoins oublier de distinguer
entre subjectivité du traducteur et défauts de traductions et tout en
soulignant les différences quant à la réception de la traduction par les
instances évaluatrices considérées. Quels remèdes peut-on envisager
pour accroître la qualité des traductions ? Nous évoquerons, à part,
bien sûr, la nécessité d’un autocontrôle plus sévère du traducteur,
l’intervention essentielle d’un réviseur, ce qui n’est pas toujours une
réalité dans l’activité éditoriale.

Références bibliographiques

BALLARD, Michel. Le commentaire de traduction anglaise. Paris : Nathan


Université, 1992.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
DUSSART, André. « Faux sens, contresens, non-sens… un faux débat ? ». In :
Meta, vol. 50, n°1, 2005 : 107-119.
ECO, Umberto. A spune cam același lucru. Experiențe de traducere. Traducere
de Laszlo Alexandru. Iași : Polirom, 2008.
EL-MEDJIRA, Nassima. « Fidélité en traduction ou l’éternel souci des
traducteurs ». In : Translation Journal, vol. 5, n° 4, octobre 2001.

134
FLAMAND, Jacques. « Qu’est-ce qu’une bonne traduction ? ». In : Meta, vol.
29, n° 3, 1984 : 330–334.
GILE, Daniel. « Les fautes de traduction : une analyse pédagogique ». In :
Meta, vol. 37, n° 2, 1992 : 251-262.
HURTADO ALBIR, Amparo. La notion de fidélité en traduction. Paris : Didier
Érudition, 1990.
LANE-MERCIER, Gillian. « Antoine Berman aujourd'hui ». In : TTR : traduction,
terminologie, rédaction, vol. 14, n°2, 2001 : 83–95.
MOUNIN, Georges. Les Belles infidèles. Villeneuve d’Ascq : Presses
Universitaires du Septentrion, 1994.
NOUSS, Alexis. « Éloge de la trahison ». In : TTR : traduction, terminologie,
rédaction, vol. 14, n°2, 2001 : 167-179.
REISS, Katarina. La critique des traductions, ses possibilités et ses limites,
Traduction de l’allemand par Catherine Boquet. Arras : Artois Presses
Université, 2002.
LAROSE, Robert. « Méthodologie de l’évaluation des traductions ». In : Meta,
vol. 43, n° 2, 1998 : 163-186.
ȚENCHEA, Maria. « Traduction et communication : le problème de la qualité
des traductions ». In : Comunicare profesională şi traductologie (Lucrările
Conferinţei Internaţionale, 26-27.09.2002). Timişoara : Ed. Orizonturi
universitare, 2002 : 325-330.
ȚENCHEA, Maria. « Le rôle du commentaire de traduction dans la formation
des traducteurs ». In : Comunicare profesională şi traductologie (Lucrările
Conferinţei Internaţionale, 25-26.09.2003). Timişoara : Ed. Orizonturi
Universitare, 2004 : 181-186.

135
Un rythme, un souffle (in)fidèles ? La vocalité de Proust entre les
langues

Davide VAGO
Université Catholique Milan-Brescia, Italie

D’après la phonostylistique, le vocal « est tout ce que la


phonation peut produire lorsqu’on a déduit le verbal » (Léon, 1982).
La voix humaine, amalgame singulier du corporel, de la parole et des
traits psychologiques du locuteur, est souvent évoquée par les mots
écrits d’une façon imparfaite, souvent par la voie indirecte (des
périphrases). Or, si l’inscription du vocal dans l’orchestration
langagière du texte littéraire est déjà une première forme de
traduction – infidèle parce que nécessairement défectueuse, capable
néanmoins d’activer toute l’inventio de l’écrivain – il se trouve que
certains passages de la Recherche de Proust accordent aux traits de la
voix humaine une importance fondamentale, inscrivant en effet un
rythme primordial et ancestral dans l’écriture. C’est ce que nous
appelons la vocalité1 maternelle, à partir d’un passage célèbre : la
lecture nocturne de François le Champi (dans « Combray »), qui est
aussi une véritable initiation à la littérature pour le jeune héros de la
part de sa mère. Traduisant le rythmé vital, dans des phrases qui se
caractérisent par une ventilation bien reconnaissable, en utilisant
d’ailleurs toutes les gammes de la polysémie des termes comme
« accent » ou « souffle », la vocalité maternelle devient alors un
parangon stylistique pour l’écrivain, s’étendant à plusieurs
personnages et à plusieurs niveaux dans l’œuvre de Proust.
Dans notre communication nous reviendrons sur quelques
passages emblématiques (par exemple « La regarder dormir », dans La

1
Nous utilisons le mot « vocalité » dans l’acception que lui donnent Paul Zumthor et
Pierre Léon. L’oralité se réfère au fonctionnement de la voix en tant que véhicule du
langage ; la vocalité, par contre, est indépendante du langage. Elle indique en fait les
valeurs et les activités propres à la voix en tant que telle. Voir l’introduction de
P. Zumthor à l’essai de C. Bologna (Flatus vocis. Metafisica e antropologia della voce,
Bologna, Il Mulino, 1992) et P. Zumthor, « Oralité », Intermédialités : histoire et
théorie des arts, des lettres et des techniques/Intermediality: History and Theory of
the Arts, Literature and Technologies, 12, 2008 : 169-202. Pour Pierre Léon, cf.
Bibliographie.

136
Prisonnière) afin de montrer comment l’écriture de Proust se nourrit
aussi de ce modèle vocal par le biais d’une architecture lexicale et
syntaxique permettant d’ancrer le souffle de la voix dans la page. Après
avoir montré comment le « vocal » est à même de structurer certains
passages choisis, nous nous proposons d’étudier la fidélité ou
l’infidélité de quelques traductions de Proust (en anglais et en italien2)
de ces mêmes passages, à travers le prisme de la sensibilité (ou de
l’indifférence) des traducteurs à ce souffle original et originaire. Une
mauvaise traduction serait en effet, d’après nous, celle qui dénature le
rythme vital de la page proustienne, autrement dit une traduction qui
ne serait pas respectueuse de la vocalité émergeant des mailles de la
Recherche. Dans notre conclusion, nous reviendrons sur l’idée que
toute bonne traduction est bel et bien une herméneutique de l’œuvre
littéraire, c’est parce que celle-ci fait apparaître son originalité à
travers un « air de la chanson » bien reconnaissable, comme Proust
écrit dans une page de critique littéraire : dans le cas de la Recherche,
« l’équivalence sans identité » de la traduction (Ricœur) ne peut se
passer d’une fidélité au vocal.

Références bibliographiques

ADAM, Jean-Michel. Le style dans la langue. Une reconception de la


stylistique. Lausanne/Paris : Delachaux et Niestlé, 1997.
AGOSTINI-OUAFI, Viviana. « La voix de la mère et le ton proustien. Poétiques
de la traduction et de l’écriture créatrice ». In : Europe, N° 1012-1013, août-
septembre 2013 : 61-72.
BOLOGNA, Corrado. Flatus vocis. Metafisica e antropologia della voce.
Bologna : Il Mulino, 1992.
CIGADA, Sergio. Il linguaggio metafonologico. Ricerche sulle tecniche
retoriche nell’opera narrativa di G. Cazotte, M. G. Lewis, E. A. Poe, G. Flaubert,
O. Wilde. Brescia : La Scuola, 1989.
DUFOUR, Philippe. La Pensée romanesque du langage. Paris : Seuil, 2004.

2
Pour l’anglais : je vais utiliser la traduction « classique » de Proust par Scott-
Moncrieff et la nouvelle traduction (2003) parue chez Penguin sous la direction de
Christopher Prendergast (chaque tome a été confié à un traducteur différent). Pour
l’italien : Raboni (Mondadori « Meridiani ») ; Nessi Somaini (Rizzoli « Bur »), Pinto-
Grasso (Newton Compton « I Mammut ») e Serini (Einaudi).

137
EELLS, Emily, TOTH, Naomi (éds.). La sonorité proustienne et sa traduction en
anglais. Paris : Honoré Champion, « Recherches proustiennes », à paraître en
2017.
FONAGY, Ivan. La Vive Voix. Essais de psycho-phonétique. Paris : Payot, 1983.
GOPNIK, Adam. « Why an imperfect version of Proust is a classic in English ».
The New Yorker, March 30, 2015.
LEON, Pierre. Précis de phonostylistique. Parole et expression. Paris : Nathan
Université, 1993.
MESCHONNIC, Henri. Critique du rythme. Paris : Verdier, 1982.
MOUNIN, Georges. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
Gallimard, 1963.
RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
SOSTERO, G. Henrot, LAUTEL-RIBSTEIN, Florence (éds.). Traduire À la
recherche du temps perdu, Revue d’études proustiennes, n° 1, 2015.
SPITZER, Leo. Études de style. Paris : Gallimard, 1970.
ZUMTHOR, Paul. « Oralité ». Intermédialités : histoire et théorie des arts, des
lettres et des techniques/Intermediality: History and Theory of the Arts,
Literature and Technologies, 12, 2008 : 169-202.

Corpus

Marcel PROUST
À la recherche du temps perdu, éd. J.-Y. Tadié et alii. Paris : Gallimard,
« Bibliothèque de la Pléaide », 4 vol., 1987-1989.
La Prigioniera. Traduzione di Paolo Serini. Torino : Einaudi, 1950-1978.
Alla ricerca del tempo perduto. Traduzione di Maria Teresa Nessi Somaini.
Milano : BUR, 1985-1994.
Alla ricerca del tempo perduto. Traduzione di Giovanni Raboni. Milano : A.
Mondadori, 1995-1998, 4 vol.
Alla ricerca del tempo perduto. Traduzione di Paolo Pinto et Giuseppe Grasso.
Roma: Newton Compton, 2002, « I Mammut », 2 vol.
The Captive. Translated into English by C. K. Scott Moncrieff, 1929 [The
University of Adelaide Library, 2005.
In Search of Lost Time, vol. 5 The Prisoner and The Fugitive. Translated into
English by Carol Clark. Penguin, 2003.

138
La « mère » est-elle vraiment intouchable ?

Primoz VITEZ
Université de Ljubljana, Slovénie

« Tous les arguments contre la traduction se résument en un


seul : elle n’est pas l’original. » (Mounin 1994, 13) Même s’ils sont
censés dire (presque) la même chose (Eco, 2003), l’original et la
traduction sont deux textes distincts et autonomes. La différence
essentielle repose dans le fait que ces deux textes ont une origine
différente : l’original a un auteur, la traduction en a deux.
Il existe pourtant, entre l’original et sa traduction, une certaine
ressemblance. Selon une métaphore phylogénétique de la traduction
(Vitez 2016, 322), le texte original pourrait être considéré comme la
mère (texte mère, matrice), parce que la mère, même celle qui enfante
beaucoup, n’est qu’une seule. Le traducteur figurerait comme un père,
l’un des pères possibles, car il n’est pas rare qu’on voie un texte original
traduit plusieurs fois dans l’espace et dans le temps. La traduction
serait donc leur enfant, fruit d’une union procréative d’un père
traducteur et de la mère originale. Une traduction est toujours un texte
singulier, mais qui ne sort pas du néant. Elle possède dans son
génotype les propriétés des deux parents : le matériel linguistique
paternel réalisant le sens de l'esprit maternel. Le texte traduit peut
ressembler davantage à la mère ou au père (selon qu’il est davantage
sourcier ou cibliste, transparent ou coloré), mais comme tout enfant,
il est différent des deux, destiné à vivre sa propre vie, mais aussi à
vieillir. Dans le processus traductif, la vertu maternelle se trouve donc
exposée à l’intervention paternelle (sans égard a priori à la stabilité
morale du père) (Launay 2006, 40). La traduction est un processus
langagier où le géniteur n'aboutit à rien s’il ne touche la génitrice, et
cela dans un rapport de partenariat, parce qu’une traduction a tout à
gagner si son auteur a de la sympathie pour l’original. La traduction,
bref, est une action qui doit commencer par un contact (Mounin 1963,
3) interprétatif, la lecture, dans lequel le père fait tout pour
comprendre la mère, ou encore :

[…] Parler asseurement de ce qu'on sçait le moins,

139
Rendre de ses erreurs tous les Doctes tesmoins,
Et vouloir bien souvent par un caprice extréme
Entendre qui jamais ne s'entendit soy mesme. (Colletet, 1658)

La matrice textuelle originale, si elle attire des traducteurs, est


soumise à des interprétations multiples. L’évolution prénatale d’une
traduction dépend de la gestation interprétative qui, contrairement à
l’épigenèse humaine, est opérée par le père. À l’accouchement, le père
traducteur est assisté par plusieurs types de sages-femmes qui, sous
forme de correcteurs, lecteurs et éditeurs, soignent le texte nouveau-
né et lui permettent ainsi de mieux paraître à la sortie publique.
D’ailleurs, la qualité de la conception traductive, car il s’agit
d’une intervention langagière concrète, dépend moins de la fidélité du
père que de la confiance que celui-ci semble inspirer (Bonnefoy 2013,
83). Si la fidélité est intimement un concept moral – et par là, la
réputation du traducteur devient sujette à des jugements de valeur
(Berman 1984, 165) –, la fiabilité prend lieu dans une dimension
éthique plus large, sociale.
Les éventuels défauts d’une traduction résident dans les
manques éthiques du traducteur et ces manques peuvent se révéler à
tous les niveaux de sa participation langagière :
 relation au texte original (incompréhension, brutalité
irréfléchie, irrespect, gratuité arbitraire du choix, absence de
séduction),
 relation à la langue d'arrivée (ignorance, incompétence,
manque d'expérience linguistique),
 relation au travail (tempo, manque de relecture, incohérence),
 relation à soi-même (incompréhension, manque ou excès
d’amour-propre).
Le texte original est inaccessible à la plupart des lecteurs
potentiels : il s’agit donc, quant aux lecteurs, de croire que le
traducteur avait bien exécuté son devoir paternel – qu’il avait donc
bien réfléchi son action, celle de redire la même chose autrement,
mais bien (Ricœur 2004, 45). Il est dans l’intérêt public (lectorat,
experts) que la mère soit touchée avec respect. Mais il reste que le
traducteur est d’habitude conscient de l’imperfection singulière de son
travail par rapport à l’unicité historique de l’original : pater semper
incertus.

140
Références bibliographiques

BALLARD, Michel. Histoire de la traduction. Repères historiques et culturels.


Bruxelles : De Boeck, 2013.
BERMAN, Antoine. L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans
l’Allemagne romantique. Paris : Gallimard, 1984.
BONNEFOY, Yves. L’autre langue à portée de voix. Paris : Seuil, 2013.
CARY, Edmond. La traduction dans le monde moderne. Genève : Librairie de
l’Université de Genève, 1956.
COLLETET, Guillaume. « Discours contre la traduction ». In : Traité de la poésie
morale et sententieuse, Paris : Chez Antoine de Sommaville, 1658.
DU BELLAY, Joachim. La défense et illustration de la langue française. Paris :
Bordas, 1972 [1549].
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de la traduction.
Traduit par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2003.
LAUNAY, Marc de. Qu'est-ce que traduire ?. Paris : Vrin, 2006.
MESCHONNIC, Henri. Éthique et politique du traduire. Paris : Verdier, 2007.
MOUNIN, Georges. Les Problèmes théoriques de la traduction. Paris :
Gallimard, 1963.
MOUNIN, Georges. Les belles infidèles. Lille : Presses Universitaires de Lille,
1994.
OUSTINOFF, Michaël. La traduction. Paris : P.U.F., 2009.
RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
TENDE, Gaspard de, sieur de l’Estang. De la traduction, ou règles pour
apprendre à traduire la langue latine en langue françoise. 1660.
VITEZ, Primož. « Iskanje skupnega jezika ». In : PAGON, Neda (éd.) Utopije –
še vedno : zbornik o utopijah 21. Stoletja. Ljubljana, Studia humanitatis, 2016 :
343-354.

141
Yves Bonnefoy traducteur : trahir le poème au nom de la poésie

Thomas VUONG
Universités Paris-Sorbonne et Paris XIII – SPC, France

Yves Bonnefoy (1923-2016) s’est très tôt pensé en traducteur


autant que poète : dès la fin des années 1950, la parution d’Hier
régnant désert coïncide avec le début de son entreprise de traduction
de Shakespeare et son travail d’adaptation de La Quête du Graal réalisé
avec Albert Béguin. Plus tard dans sa carrière, l’écriture de poèmes
s’est nourrie chez lui de sa pratique de traducteur : Yeats, Keats ou
Leopardi ont irrigué sa propre poésie.
C’est ce rapport personnel qui détermine également son
approche théorique de la traduction poétique : dans la lignée du
romantisme allemand et d’Antoine Berman, Yves Bonnefoy ne
considère pas la translatio comme un déplacement d’une langue vers
l’autre, mais comme une réécriture, une réappropriation par un autre
poète. On commencera donc cette étude en étudiant la théorisation
de l’infidélité par ce poète et poéticien. Ainsi, il s’élève d’une part
contre l’approche sémantique défendue par George Steiner, qu’il
conçoit comme une fausse piste puisque le poème doit être création
individuelle, ré-expérience du langage vécue par le poète-source
plutôt que décalque de ce que son texte dit effectivement, ainsi que
contre la traduction littéraire d’autre part, qu’il considère comme une
fausse amie de la poésie.
Cette conception du traduire en poète l’amène en effet à
revendiquer une fidélité à la poésie en tant que processus linguistique
et philosophique, plutôt qu’envers le poème-source ; ce n’est pas pour
rien que la plupart de ses interventions ou textes théoriques s’ouvrent
sur une définition de la poésie en général, et une défense de son
importance dans la vie de l’individu et de la société. C’est ainsi au nom
de la poésie que le traducteur peut être amené à tourner le dos au
poème : dans toute son intransigeance de poéticien, Bonnefoy refuse
les termes d’adaptation ou d’imitation, et développe une nouvelle
théorie de la belle infidèle. On étudiera quelques cas précis
d’adaptation, discutables d’un point de vue de traduction mais fidèles
à la conception de la poésie comme enjeu supérieur du traduire, afin

142
de considérer selon quels critères ces traductions traîtresses
constituent ou non de mauvaises traductions.
Cette trahison, implicitement liée à sa vision du traduire, peut se
manifester de manière formelle : on prendra particulièrement
exemple sur le sonnet, emblème du poème conçu en tant que norme
close. Y. Bonnefoy se méfie de la contrainte, dans son œuvre de poète,
et ne vient au sonnet que tardivement ; au cours de son parcours de
traducteur, il choisit explicitement de remodeler la forme. Traduits en
treize, quinze ou seize vers, les sonnets de Pétrarque, Keats, Leopardi
ou Yeats perdent une partie de ce que la forme amène au propos qui
les motive – autant que thématique : cet héritier du surréalisme
revendique en effet la liberté de réinterpréter une partie du poème-
source, en lui attribuant un nouvel horizon imaginaire ou bien spirituel.
On se demandera en quelle mesure le bouleversement formel d’un
sonnet par la traduction amène à une modification de l’expérience
poétique qui s’y trouve, et ce que traduire en poète y substitue.
On rappellera quelques-unes de ses traductions, textes
autobiographiques ou théoriques et on évoquera leurs fondations,
souvent liées à l’histoire littéraire française, afin d’évaluer en quelle
mesure sa conception du traduire correspond à cet objectif assumé de
trahison tacite du poème, en vue de servir au plus près sa conception
de la poésie : souvent discutables, ses traductions présentent à la fois
des parti pris conséquents, et des beautés qui leur sont propres.
L’ensemble de cette étude constituera une analyse d’une
traduction pensée comme trahison, mais au nom d’un principe
supérieur du traduire : l’une des modalités de la mauvaise traduction
consiste-t-elle à se détourner du traduire, pour obtenir un texte traduit
de qualité supérieure ?

Références bibliographiques

AMADORI, Sara. « L’épreuve du dialogue entre Bonnefoy et Shakespeare ». In


FINCK, Michèle, WERLY, Patrick (dir.), Yves Bonnefoy, Poésie et dialogue.
Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2013 : 247-263.
BERMAN, Antoine. La Traduction et la Lettre, ou l’Auberge du Lointain. Paris :
Seuil, 1999 [1985].
BONNEFOY, Yves. L’Autre langue à portée de voix. Paris : Seuil, 2013.

143
BONNEFOY, Yves. « Traduire les Sonnets de Shakespeare » (1995), repris dans
Théâtre et Poésie : Leopardi et Yeats. Paris : Mercure de France, 1998 : 221-
224.
BONNEFOY, Yves. La Communauté des traducteurs. Strasbourg : Presses
Universitaires de Strasbourg, 2000.
FINCK, Michèle. « Yves Bonnefoy et Yeats, The Lake Isle of Inisfree et la
musique de paysage ». In Daniel Lançon (éd.), Yves Bonnefoy et le XIXe siècle :
vocation et filiation. Tours : Publications de l’Université François Rabelais,
2001 : 255-287.
LE BLANC, Charles. Le Complexe d’Hermès, Regards philosophiques sur la
traduction. Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, 2009.
LOMBEZ, Christine. « Yves Bonnefoy et la traduction “au sens large” ». In La
seconde profondeur. Paris : Traductologiques. Les Belles Lettres, 2016 : 97-
125.
OSSOLA, Carlo. « Bonnefoy et Leopardi ». In : Daniel Lançon (éd.), Yves
Bonnefoy et le XIXe siècle : vocation et filiation. Tours : Publications de
l’Université François Rabelais, 2001 : 289-309.
PINET-THELOT, Livane. « Hamlet père & fils ». In : FINCK, Michèle, WERLY,
Patrick (dir.), Yves Bonnefoy, Poésie et dialogue. Strasbourg : Presses
Universitaires de Strasbourg, 2013 : 224-230.
ROESLER, Stéphanie. « Au-delà des figures, les êtres : Shakespeare et Yeats
traduits par Yves Bonnefoy ». In : TTR : traduction, terminologie, rédaction,
vol. 19, n° 1, 2006 : 97-121.
SCOTTO, Fabio. « Yves Bonnefoy, traducteur de Leopardi et Pétrarque ». In :
Littérature, n°150, juin 2008 : 70-82.
SCOTTO, Fabio. « Le son de l’autre : théorie et pratique de la traduction d’Yves
Bonnefoy ». In : LANÇON, Daniel, NÉE, Patrick (éd.), Yves Bonnefoy, poésie,
recherche et savoirs. Paris : Hermann, 2007 : 73-89.

Corpus

Yves BONNEFOY
Quarante-cinq poèmes de W.B. Yeats. Paris : Hermann, 1989.
XXIV sonnets de Shakespeare. Paris : Bibliophiles de France, 1994.
Keats et Leopardi, quelques traductions nouvelles. Paris : Mercure de France,
2000.
PETRARQUE. Je vois sans yeux et sans bouche je crie. Paris : Galilée, 2011.
SHAKESPEARE, William. Les Sonnets. Paris : Gallimard, 2007.

144
Traduire le Coran : un rapport dialogique ou contrastif ?

Ouerdia YERMECHE, Hassane GUIROUS


ENS, Alger, Algérie

Notre étude essaye de répondre à une question qui est


usuellement la clef de voûte de la traduction : le transfert de sens
implique-t-il une altération de sens ? La traduction est un acte qui
présuppose une double exigence : respecter le code linguistique
réceptif et le charger sémantiquement d’un contenu qui lui est, dans
tout cas, « exogène ». Le cas de figure qui nous intéresse présentement
est un objet de discours à savoir le Nom Divin Traduit (NDT). L’examen
de ces noms traduits, de l’arabe vers le français, dans le cadre général
de la traduction française du Coran, montre des glissements
sémantiques subtils qui méritent d’être analysés linguistiquement.
Comme matériau d’analyse, nous prendrons en considération un texte
« littéraire » particulier, à savoir un verset coranique dans deux
versions traduites, celle de Jacques Berque et celle de Mohammed
Chiadmi. Issus de cultures différentes, ces traducteurs investissent
dans leurs textes-discours une vision différente de l’Islam. Cette
altérité se manifeste linguistiquement dans le Nom Divin, une
catégorie « hypersémantisée » dans le texte source. Dans quelles
mesures, ces traductions s’éloignent-elles de la version originale ?
Dans le texte source et selon les lectures exégétiques, les noms
divins constituent une thématique centrale et un paradigme de
désignations auxquels les fidèles sont appelés à méditer. Ils sont
chargés sémantiquement. Dans les traductions françaises nous
remarquons que chaque NDT forme un domaine notionnel où le sens
semble construit par le traducteur lui-même. Cette construction de
sens dans le texte traduit se fait par un conglomérat d’éléments qui
sont à la fois linguistiques, socio-historiques et culturels. Nous
concevons ainsi l’acte de traduire comme étant une espèce de
construction de sens, et non uniquement de transfert de sens, car la
circulation sémantique ne peut se faire docilement et innocemment ;
le parcours de texte, de discours et de sens est façonné par de
multiples pressions exercées sur le traducteur, que lui-même impose
à son tour au texte qu’il traduit. L’altération de sens est due selon nous

145
à ces multiples pressions, tantôt linguistiques, et tantôt
extralinguistiques. Pour dégager les critères d’une mauvaise
traduction, il nous semble édifiant de traiter aussi de la genèse du sens
telle qu’elle se profile dans le texte produit par le traducteur, une
formation textuelle qui prend appui sur un réseau intertextuel, où les
multiples voix président à la création du sens. Le traducteur du Coran
semble être imprégné d’une pluralité de voix, d’influences, de
traductions, et de textes. Subir l’influence d’autrui dans sa propre
traduction, ne constitue-t-il pas un critère d’une mauvaise traduction ?
« L’autarcie » textuelle est-elle une marque d’une traduction réussie ?
Nous essayerons de mettre en évidence les éléments qui
concourent à « une mauvaise traduction » en convoquant un ensemble
de concepts à même de répondre à notre problématique (analyse de
discours, mécanisme d’incidence syntaxique et sémantique
énonciative).

Références bibliographiques

BENVENISTE, Emile. « L’appareil formel de l’énonciation ». In : Langages,


Paris : Larousse, N°17, 1970 : 12-18.
CASSIRER, Ernst. Langage et mythe, à propos des noms de dieux. Paris :
Éditions de Minuit, 1973.
CHARAUDEAU, Patrick. Grammaire du sens et de l’expression. Paris :
Hachette, 1987.
DUCARD, Dominique. Entre grammaire et sens. Paris : OPHRYS, 2004.
ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Traduit de l’italien par Myriem
Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.
FALL, Khadiyatoulah, LEARD Jean-Marc, SIBLOT, Paul (éds.). Polysémie et
construction du sens. Praxiling, Université Paul Valéry, Montpellier III, 1996.
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine. L’énonciation : de la subjectivité dans le
langage. Paris : Armand Colin, 1980.
MAINGUENEAU, Dominique. Genèse du discours. Bruxelles : Mardaga, 1984.
MOUNIN, Georges. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris :
Gallimard, 1963.
RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
VIGNAUX, Georges. « Énoncer, argumenter : opérations du discours, logiques
du discours ». In : Langue française. Paris : Armand Colin, N° 1, 1981 : 91-116.
WALTER, Benjamin. « La tâche du traducteur ». In : Œuvres (T1). Paris :
Gallimard, Coll. Folio, 2000.

146
Corpus

‫ القرآن الكريم برواية ورش عن اإلمام نافع‬ENAG, Alger 1988.


Le Noble Coran, nouvelle traduction française du sens de ses versets,
Mohamed Chiadmi (trad.), Lyon : Éditions Tawhid, 2014.
Le Coran, (Essai de traduction, Jacques Berque). Paris : Albin Michel 2002

147
Retraduire = améliorer ? L’exemple de la nouvelle traduction
allemande des Exercices de style

Anke GRUTSCHUS
Université de Cologne, Allemagne

Assez régulièrement, les maisons d’édition éprouvent le besoin


de publier de nouvelles traductions d’œuvres littéraires ayant atteint
le statut de « classiques ». Tel est par exemple le cas de la version
allemande des Exercices de style de Raymond Queneau (1947), dont la
nouvelle traduction de Frank Heibert et de Hinrich Schmidt-Henkel,
parue en 2016 remplace dorénavant la première traduction effectuée
par Eugen Helmlé et Ludwig Harig, qui datait de 1961.
Quelles sont les motivations de la part des traducteurs qui se
mettent à retraduire une telle œuvre ? Tout d’abord, on retrouve
l’argument du « vieillissement » de la première version (Queneau
2016, 203), que l’on rencontre assez régulièrement dans ce contexte.
Delport (2013) observe à juste titre qu’il convient de manier cet
argument avec précaution étant donnée l’asymétrie du présumé
vieillissement : alors que l’on attribue généralement un caractère
intemporel à la langue de départ telle qu’elle a été utilisée par l’auteur,
c’est uniquement la langue du traducteur qui semble sujette au
vieillissement. Suivant l’idée de Yaguello (1988) qui classe ce
phénomène parmi les idées reçues sur la langue, Delport (2013, 429)
l’attribue à « l’orthonymie dont le sujet parlant éprouve le sentiment
beaucoup plus vivement dans sa propre langue. »
L’argument du vieillissement paraît d’autant plus discutable si
l’écart temporel entre l’original et la première traduction d’un côté et
entre la première traduction et la retraduction de l’autre est court. On
peut alors se demander quels sont les indices d’un tel vieillissement :
Est-ce que le phénomène concerne avant tout le lexique, se référant
alors aux archaïsmes, aux acceptions vieillies ou aux argots tombés en
désuétude ? Ou s’agit-il d’un phénomène d’ordre stylistique, qui serait
lié aux registres employés dans le texte de départ ? Si l’on suit la
réflexion de Pöckl (2004), ce seraient alors avant tout les traductions
employant des registres non-standard qui risqueraient de vieillir
prématurément.

148
À côté, les nouveaux traducteurs invoquent le motif suivant :
Tout en reconnaissant les mérites de la première traduction qualifiée
de « pionnière » (Queneau 2016, 202), ils reprochent à leurs
prédécesseurs le caractère trop littéral de leur traduction. Cette
fidélité excessive au texte de départ aurait empêché une pourtant
nécessaire « re-création de l’attitude de Queneau » (2016, 204). Par
ailleurs, la littéralité trop importante aurait eu pour résultat une
version allemande « globalement plus artificielle » (2016, 205)
comparée à l’original français.
La présente contribution se propose d’approfondir la réflexion
autour de la qualité présumée d’une traduction à partir des critères
déjà évoqués ci-dessus : la modernité d’une traduction, sa fidélité
(excessive ou adéquate) à l’original ainsi que son caractère « naturel ».
La comparaison des deux versions allemandes des Exercices de style
servira de base à la présente réflexion.

Références bibliographiques

DELPORT, Marie-France. « L’âge d’une œuvre. Auteur et traducteur aux


prises avec le temps », Bulletin hispanique, 115-2, 2013 : 429-438.
ECO, Umberto. « On Translating Queneau’s Exercices de style into Italian ».
In : The Translator, 8/2; 2002 : 221-239.
KHAN, Robert, SETH, Catriona (éds.). La REtraduction. Rouen : Publications
des Universités de Rouen et du Havre, 2010.
PÖCKL, Wolfgang. « Zwischen Zufall und Notwendigkeit :
Neuübersetzungen ». In : Internationales Archiv für Sozialgeschichte der
deutschen Literatur, 29/2, 2004 : 200-210.
YAGUELLO, Marina. Catalogue des idées reçues sur la langue. Paris : Le Seuil,
1988.

Corpus

Raymond QUENEAU

Exercices de style. Paris : Gallimard, 1947.


Stilübungen : Autobus S. Dt. von Ludwig Harig und Eugen Helmlé. Frankfurt a.
M. : Suhrkamp; 1961.
Stilübungen. Erweitert und neu übersetzt von Frank Heibert und Hinrich
Schmidt-Henkel. Frankfurt a. M. : Suhrkamp, 2016.

149
La polyphonie et le paratextuel dans la traduction en roumain des
romans de Frédéric Beigbeder

Ludmila ZBANȚ, Larisa CEBUC


Université d’État de Moldova, Chisinau

La problématique du titre de ce recueil met en exergue un sujet


qui occupe une place à part dans les études traductologiques
modernes, notamment celle de la réussite ou la non réussite d’une
traduction littéraire qui est le plus souvent mise sous la condition des
habilités d’opération avec les connaissances socioculturelles et
linguistiques du traducteur littéraire, car aux dires d’Inês Oseki-Dépré
« le traducteur doit s’efforcer de transformer sa traduction de sorte
qu’elle reste ouverte (polysémique, énigmatique, essentielle et à
nouveau traduisible) » (2006, 105)
De l’autre côté, le texte littéraire original construit « ses murs
d’intraduisibilité » qui sont plus ou moins infranchissables et se prêtent
différemment à la transparence interprétative en vue du choix des
équivalents adéquats lors de la transposition du message de l’écrivain
dans une autre langue-culture.
L’écrivain français Frédéric Beigbeder adresse à ses lecteurs une
œuvre littéraire particulière qui se caractérise par un canevas
complexe de sujets et de personnages faisant cohabiter leurs voix
multiples à côté de la sienne. Il en résulte une configuration
polyphonique importante produite par les multiples instruments
textuels et discursifs auxquels recourt l’auteur.
La traduction en roumain des écrits de Frédéric Beigbeder
s’avère très sensible aux choix faits par le traducteur qui doit suivre de
près les « virages » énonciatifs issus des changements parfois presque
inaperçus de l’énonciateur. Les effets polyphoniques qui se produisent
dans ces cas suite à l’emploi des jeux de mots, des aphorismes ou
encore des ruptures créent les préconditions des traductions erronées
à cause d’une sensibilité importante de la progression textuelle aux
stratégies ou aux procédés de traduction envisagés.
Notre étude se propose à découvrir la viabilité et la justesse des
stratégies adoptées par le traducteur lors de la recherche des
équivalents pour les structures exprimant l’humour et l’ironie fine

150
parsemés dans tous les romans de cet auteur. Les analyses préalables
appliquées au corpus empirique extraits des textes originaux et de leur
traduction ont fait surgir la nécessité de revenir sur plusieurs passages
des traductions en roumain des écrits de Frédéric Beigbeder qui
semblent être moins réussis. Le motif essentiel de ces problèmes de
traduction a à sa base, dans la majorité des cas, des interprétations
erronées de la polyphonie qui résultent des effets textuels et discursifs
des jeux de mots. Pour ne pas perdre le bon parcours de la nouvelle
production littéraire (le texte traduit), il faut que le traducteur puisse
mettre sur la table toutes ses compétences culturelles, linguistiques
(étymologiques) et autres. Nous avons remarqué aussi des faits
intéressants dans la traduction en roumain des effets polyphoniques
construits par des éléments grammaticaux qui sont générés par le
fonctionnement plus spécial des systèmes grammaticaux du français
et du roumain sur lesquels jouent avec plus ou moins de succès les
traducteurs des textes beigbederiens. Une autre situation qui pose des
signes d’interrogation est le recours aux paratextes de traduction qui,
d’une part, multiplient le nombre des voix dans la polyphonie des
romans soumis à la traduction et, de l’autre côté, nous poussent à
revenir sur la nécessité de ces « ajouts » paratextuels (notes
explicatives élaborées par le traducteur, par les spécialistes, les
érudits, etc.) et de leur pertinence informative mise au service des
destinataires de la traduction, car nous avons constaté que,
malheureusement, ces compartiments trahissent parfois les situations
de décodage erroné de l’original par le traducteur et donc
l’impossibilité d’assurer une reformulation adéquate du message
original dans le texte en roumain.

Références bibliographiques

ALBERTINI-GUILLEVIC Lucie, CHARVET Pascal, COMBEAUD Bernard et alii.


« Enjeux de la traduction : problèmes du traducteur pour rendre la littérarité
d’une œuvre ». In : Le Français et les langues d’Europe, sous la direction de
Française Argot-Dutard. Rennes : PUR, 2011 : 359-394
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Gallimard, Coll. « Bibliothèque des idées », 1995.

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linguistiques : actes du colloque, 3-9 septembre 2004. Bruxelles : Duculot,
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Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Paris : Grasset, 2006.
GENETTE, Gérard. Palimpsestes. Paris : Seuil, 1982.
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LADMIRAL, Jean-René. Sourcier ou cibliste. Paris : Les Belles Lettres, 2014.
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OSEKI-DEPRE, Inès. Théories et pratiques de la traduction littéraire. Paris :
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RICŒUR, Paul. Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004.
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texte, paratexte et prétexte ». In : Palimpsestes, n° 20, 2007 : 121-136.
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Gallimard, 2000 : 244-262.
YUSTE FRIAS, José. « Au seuil de la traduction : la paratraduction ». In : Event
or Incident. Événement ou Incident. On the Role of Translation in the
Dynamics of Cultural Exchange. Du rôle des traductions dans les processus
d’échanges culturels. Berne, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York,
Oxford, Wien : Peter Lang, coll. Genèses de Textes–Textgenesen (Françoise
Lartillot [dir.]), vol. 3, 2010 : 287-316.
ZBANŢ Ludmila, ZBANŢ Cristina. « Abordarea textuală a traducerii în viziunea
lui Eugeniu Coşeriu ». In : Anuar de lingvistică şi istorie literară. T. LI, 2011,
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ZBANŢ Ludmila, GHEORGHITA Elena. « Le modèle fractal appliqué à la
traduction spécialisée ». In : Revista Ştiinţifică “Studia Universitatis”. Seria
“Ştiinţe umanistice”, n° 10 (60). Chişinău : CEP USM, 2012 : 131-138.

152
Corpus

Frédéric BEIGBEDER

Au secours pardon. Paris : Grasset, 2010.


L’amour dure trois ans. Paris : Gallimard, 2007.
99 francs (14,99 euros). Paris : Gallimard, 2007.
L’Égoïste romantique. Paris : Gallimard, 2006.
Windows on the World. Paris : Gallimard, 2005.
Mémoire d’un jeune homme dérangé. Paris : La Table ronde, 1990.
Windows on the World. Traducere de Mareș Doru. Târgovişte : Pandora-M,
2008.
RON. Traducere de Vasiloiu Marie-Jeanne. Târgovişte : Pandora-M, 2008.
Dragostea durează 3 ani. Traducere de Vasiloiu Marie-Jeanne. Târgovişte :
Pandora-M, 2007.
Iartă-mă!… Ajută-mă!… Traducere de Vasiloiu Marie-Jeanne. Târgovişte :
Pandora-M, 2007.
Egoistul romantic. Traducere de Vasiloiu Marie-Jeanne. Târgovişte : Pandora-
M, 2005.
Memoriile unui tânăr ţicnit. Traducere de Vasiloiu Marie-Jeanne. Târgovişte :
Pandora-M, 2005.

153
Notices biobibliographiques

Gerardo ACERENZA est enseignant-chercheur à la Faculté des Lettres et Philosophie


de l'Université de Trente (Italie). De 2003 à 2005, il a enseigné le français et l’italien
au Département d’Études françaises et italiennes de St. Jerome’s University, à
Waterloo (Ontario, Canada), où il a organisé un colloque international ayant pour
thème la présence des dictionnaires français dans les littératures québécoise et
canadienne-française (Dictionnaires français et littératures québécoise et
canadienne-française, sous la direction de Gerardo Acerenza, 2005). Il a publié
plusieurs articles sur le débat linguistique au Québec, sur la traduction des
canadianismes en italien et sur l’œuvre de l’écrivain québécois Jacques Ferron, dont
l’ouvrage Des voix superposées : plurilinguisme, polyphonie et hybridation langagière
dans l’œuvre romanesque de Jacques Ferron (2010).

Georgiana I. BADEA, professeur à l’Université de l’Ouest deTimişoara (Roumanie), est


directeur de l’École doctorales en Sciences Humaines et Sociales (Faculté des Lettres,
Histoire et Théologie), rédacteur en chef des revues Dialogues francophones et
Translationes, fondateur et directeur du centre de recherche ISTTRAROM-
Translationes (Histoire de la traduction roumaine, www. translationes.uvt.ro). Elle a
organisé plusieurs colloques sur la traduction et l’histoire de la traduction roumaine,
sur la littérature et les problèmes de la traduction littéraire ; est membre : de la SoFT
(Sociéte Française de Traductologie), du SEPTET (Société d’Études des Pratiques et
Théories en Traduction, première société de traduction universitaire créée en
France), du CIEF ; dans les comités scientifiques des éditions : Artois Presses
Université (Arras), ZetaBooks (Bucureşti), Eurostampa (Timişoara) ;et des revues :
Des mots aux actes (France), Synergies (Canada), LIBRI, RIELMA, Analele Universitatii
din Craiova (Roumanie). Elle a publié plusieurs ouvrages, études et articles en
roumain et en français.

Romain Richard BATTESTI. Docteur en Langue et Littérature Françaises, Mention


Littératures Comparées (10e Section CNU), Université de Corse Pasquale Paoli, UMR
CNRS LISA 6240. Chargé de Cours à la Faculté des Lettres, Langues, Arts, Sciences
Humaines et Sociales, Université de Corse. Le roman policier ethnologique : un
observatoire de l’interaction entre mondialisation et traduction est le titre de sa thèse
de doctorat soutenue publiquement le 16 novembre 2016 à l’Université de Corse. La
vocation première de ses travaux a été de mettre en évidence les influences de la
mondialisation sur la traduction. Il est l’auteur de plusieurs productions scientifiques
et a participé à des séminaires, colloques et congrès sur la traduction et la littérature.

Miloud BOUKHAL, Maître de conférences et enseignant-chercheur au Centre


Universitaire Salhi Ahmed à Naama en Algérie. Docteur en traduction (arabe, anglais,
français). Miloud Boukhal a enseigné le français depuis 2004 jusqu’à 2010 aux cycles
primaires, moyen et secondaire. Sa thèse de doctorat en traduction porte sur La

154
critique des traductions chez les Arabes. Il enseigne la traduction à l’université depuis
2010. Il est auteur de plusieurs articles sur la traduction.

Alberto BRAMATI est professeur associé en Lingua e traduzione francese à


l’Université de Milan. Ses recherches portent sur les problèmes linguistiques de la
traduction du français vers l’italien, et notamment sur les problèmes de grammaire
contrastive («I quatre problème Del “traduttore della lettera”», Tradurre. Pratiche
teorie strumenti, 2012 ; « Arbitraire du langage et traduction : de l’interprétation du
texte à la médiation de l’Autre», in Lingue Culture Mediazioni - Languages Cultures
Mediation (LCM), 2014. Il a traduit pour différents éditeurs italiens aussi bien des
essais en sciences humaines que des romans - entres autres, La camera bianca de
Laurent Mauvignier (Zandonai 2009) et Sfinge d’Anne Garréta (Zandonai 2010).

Jean-Jacques BRIU est Maître de conférences à l’Université Paris Nanterre de 1992 à


1999. Il a obtenu son habilitation en 1999. Il est Professeur en sciences du langage
(2001-2015) à l’Université Paris Nanterre et Professeur émérite depuis 2015. Il est
membre des centres de recherche Pluridisciplinaire et multilingue EA 4418 et
Histoire des théories linguistiques, UMR 7597, Université Paris-Diderot Paris 7. Il
travaille aussi comme traducteur.

Vinícius Gonçalves CARNEIRO, docteur en théorie littéraire depuis 2015, à l’Université


pontificale catholique de Rio Grande do Sul. Dans le cadre de sa thèse portant sur
l’Oulipo et l’œuvre de Georges Perec, il a traduit quelques chapitres de La Disparition,
à partir de la notion de « traduction comme critique », de Haroldo de Campos. Il est
traducteur du français et lecteur à l’Université Paris-Sorbonne. Il a co-dirigé (avec
Ricardo Barberena) Das luzes às soleiras: perspectivas críticas na literatura brasileira
contemporânea (2014) et (avec Léa Masina et Ricardo Barberena) Guia de Leitura –
100 poetas que você precisa ler (2015). Il fait partie du Groupe d’études en littérature
brésilienne contemporaine de l’université de Brasília. Il a participé à la « Fabrique des
traducteurs » au Collège international des traducteurs littéraires à Arles en 2015. Il a
été chercheur invité à la Casa das Rosas – Centro cultural Haroldo de Campos à São
Paulo en 2016. Il développe actuellement une recherche postdoctorale à l’Université
d’Aix-Marseille, qui compare l’Oulipo à la Poésie Concrète brésilienne, et finalise la
traduction du roman d’Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll,
pataphysicien (à paraître).

Larisa CEBUC est chargée de cours et doctorante à l’Université d’État de Moldova,


Chisinau, République de Moldova. Elle se spécialise dans la problématique de la
traduction du français en roumain surtout dans l’approche polyphonique qui se
trouve au centre de sa recherche doctorale. Elle est directrice du projet moldo-
algérien visant la création et la production des contes qui est adressé aux étudiants
en traduction et qui met en valeur la spécificité de la traduction littéraire dans sa
dimension multiculturelle.

Djihed CHAREF. Doctorant à l’Inalco, Paris, France, il s’intéresse aux littératures et


sociétés du monde – Maghreb et Orient. Il est co-auteur des ouvrages : La

155
philosophie de la langue : la terminologie arabe à l’épreuve de la traduction, 2012 et
Falsafat al-sard, tarjamat al-huwiyya fi nas, 2013. Il a publié une série d’articles et de
traductions (du français vers l’arabe).

Raphaël CONFIANT. Raphaël CONFIANT. Écrivain, professeur des universités à


l’Université des Antilles et de la Guyane, doyen de la Faculté des Lettres et Sciences
humaines. Il écrit en créole et en français. Il a obtenu un DEA en linguistique à
l’Université de Rouen (1986), défendu sa thèse de doctorat en Langues et Cultures
Régionales à l’Université des Antilles et de la Guyane (1994). Il a publié plusieurs
livres en créole (Bit Akoa, 1985 ; Kod Yanm, 1986 ; Marisosé, 1987), ensuite en
français Le Nègre et l’Amiral (1988). Il est auteur d’une trentaine de romans suivent,
dont beaucoup primés, tel que Eau de café (Prix Novembre 1991), qui s’inscrivent
dans le droit fil du mouvement littéraire de la « créolité » dont il est un des chefs de
fil. Avec P. Chamoiseau et J. Bernabé, il écrit un manifeste, L’Éloge de la créolité, et
avec le premier il rédige aussi une anthologie, Lettres créoles : tracées antillaises et
continentales de la littérature (1635-1975).

Georgeta CRISTIAN. Après une maîtrise en lettres modernes et un master de


linguistique française (Université de Bucarest), elle a poursuivi ses études à l’École
Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs et à l’Institut d’Études Théâtrales (Paris
3). Depuis 2014, elle prépare une thèse de doctorat en traductologie au sein de
l’École doctorale 268 (Paris 3) ; son sujet de recherche est l’autotraduction
dramatique chez Matéi Visniec. À présent, elle collabore avec différentes maisons
d’édition roumaines en tant que traductrice indépendante.

Fjoralba DADO est, depuis 2002, enseignante et chercheuse en traduction au


Département de Français de la Faculté des Langues Étrangères de l’Université de
Tirana. Ses recherches se concentrent principalement sur la traduction et
l’interprétation, la traductologie et la méthodologie de la recherche scientifique en
traduction. Elle est l’auteur de plusieurs articles et communications sur la traduction,
publiés en Albanie et à l’étranger.

Mzago DOKHTOURICHVILI. Professeur titulaire en Romanistique (Philologie française)


à la Faculté des Sciences et des Arts, à l’Université d’État Ilia. Elle est auteure et
responsable des programmes de Baccalauréat (Licence) en Philologie romane et de
deux Masters : Master en Philologie romane (français, espagnol, italien) et Master
Langues Étrangères Appliquées et Négociations des Projets Internationaux. Elle est
directrice du Centre de recherches Intercompréhension romane. Dialogue
intertextuel (ICRDIT) et co-fondatrice et directrice sortante du CODFREURCOR
(Collège Doctoral Francophone d’Europe Centrale et Orientale en Sciences
humaines), membre du Comité de pilotage. Ses principaux domaines de recherche
sont : la linguistique textuelle, l’analyse de discours, la didactique des langues
étrangères, la traductologie et la littérature de langue française. Au cours des dix
dernières années, elle a publié plusieurs contributions scientifiques en géorgien,
français et russe : 29 ouvrages dont 18 articles en français et elle a organisé 7
colloques internationaux. Elle est co-directrice de trois ouvrages (actes de colloques)

156
publiés en Géorgie, en France et au Canada et directrice de la revue de langue
française Etudes interdisciplinaires en Sciences humaines (revue du CODFREURCOR,
Université d’État Ilia). Depuis 2000, elle est coordinatrice de la coopération entre
l’Université d’État Ilia et l’Université Paul Valéry – Montpellier 3. Elle est membre du
CIEF (Centre International d’Etudes Francophones) et chevalier dans L’Ordre des
Palmes Académiques (1996) ; élevée au grade d’Officier (novembre 2010).

Jean-Paul DUFIET enseigne à l’Université de Trente. Il est spécialiste de l’analyse du


discours et de la linguistique du texte de théâtre, en particulier du théâtre de la
Shoah. Il a publié de nombreux articles, entre autres sur Molière, Marivaux, Eugène
Labiche, Romain Rolland, Jean Giraudoux, Charlotte Delbo, Primo Levi, Anna Lagfus,
etc.

Catherine DU TOIT enseigne la littérature française et comparée à l’Université de


Stellenbosch en Afrique du Sud. Spécialiste d’Henri Pierre Roché (l’auteur de Jules et
Jim et de Deux Anglaises et le Continent), elle a publié de nombreux articles sur la vie
et l’œuvre de cet écrivain trop longtemps méconnu. Son travail sur Roché l’a amenée
à explorer des thèmes liés à la séduction, à l’érotisme, au mythe de Don Juan, à
l’écriture de soi et aux films de la Nouvelle Vague. De par son attachement au
continent africain, elle s’intéresse aux façons multiples dont le plurilinguisme et la
réalité multiculturelle de ce continent se manifestent dans la traduction. En tant que
traductrice, elle travaille en afrikaans, en anglais et en français et elle a publié des
traductions de poésie, de bandes dessinées et de nouvelles en Europe et en Afrique
du Sud.

Ileana Neli EIBEN est assistante à l’Université de l’Ouest de Timişoara, Roumanie. Elle
enseigne le français dans le cadre du Département des langues romanes de la Faculté
des Lettres, Histoire et Théologie. Ses principales lignes de recherche sont :
l’autotraduction, les études québécoises, la littérature migrante et l’écriture
féminine. Elle est membre fondateur des associations : Asociaţia de studii francofone
DF et ISTTRAROM–Translationes ; membre du Conseil International d’Études
Francophones, de l’Association Internationale des Études Québécoises et de
l’Association d’études canadiennes en Europe Centrale. Secrétaire de rédaction de
la revue Dialogues francophones, elle a publié plusieurs articles dans des revues de
spécialité.

Deva EL-SHADDAI est assistante au Département des Langues Etrangères, Faculté des
Lettres et Sciences Humaines, Université de Maroua. En 2015, elle a soutenu sa thèse
de doctorat « Schreiben und Übersetzen zwischen Lokalem und Globalem:
Kulturtransfer und Macht in der Produktion und Übersetzung kamerunischer
Literatur ins Deutsche, aufgezeigt am Beispile Mongo Bétis und Ferdinand Oyonos »,
à Ludwig-Maximilians-Universität Munich. Ses champs d’intérêt sont : la littérature
allemande, la littérature comparée, la théorie postcoloniale et la littérature
francophone africaine.

157
Aurora FIRȚA. Avec un doctorat en philologie italienne (« Ascendance de la poésie de
Salvatore Quasimodo dans les Chants de Giacomo Leopardi », 2011), Aurora Firţa est
maître assistant auprès du Département des Langues romanes de l’Université de
Bucarest et, depuis 2014, responsable de projets culturels et scientifiques auprès de
l’Institut roumain de la culture et de la recherche humaniste à Venise et, aussi,
coordinatrice du Lectorat de langue, culture et littérature roumaines de l’Université
Ca’ Foscari de Venise. Ses recherches portent sur la poésie italienne des XIX e et XXe
siècles, sur les relations roumaines-italiennes dans le domaine de la littérature et sur
des questions de traductologie italo-roumaines. Elle a traduit en roumain la poésie
de Giorgio Caproni, Poezii/Poesie (2015) ; a publié les volumes Leopardi în secolul XX.
Cazul Quasimodo (2013) et Carlo Bo, Dragoş Vrânceanu, Carteggio (1930-1976), a
cura di Aurora Firţa (2016).

Eglantina GISHTI est enseignante et chercheuse depuis 2009 auprès du Département


de Français à la Faculté des Langues Étrangères de l’Université de Tirana. Ses
recherches portent principalement sur les outils lexicographiques et la traduction.
Elle est l’auteur de plusieurs articles et communications sur la lexicographie et la
traduction, publiés en Albanie et à l’étranger.

Anke GRUTSCHUS est enseignante-chercheuse à l’Institut des langues romanes de


l’Université de Cologne. Elle est titulaire d’une thèse en sémantique cognitive portant
sur l’évolution diachronique des adjectifs français qualifiant les timbres musicaux.
Actuellement, elle prépare sa thèse d’habilitation portant sur le discours espagnol
rapporté dans différents types de texte (monologue humoristique, sermon,
communication scientifique). Ses domaines de recherche sont : la traductologie (la
traduction de la variation dans le roman contemporain) et la sémantique lexicale/la
linguistique de corpus (combinatoire du lexique d’émotion, français, allemand et
espagnol).

Hassen GUIROUS. Est maître-assistant à l’École Normale Supérieure de Bouzareah


(Alger) et prépare une thèse de doctorat en sciences du langage à l’Université d’Alger
II.

Bali HAMZA. Enseignant permanent au Département des lettres et de la langue


française, Université Echahid Hamma Lakhdar, El-Oued, Algérie, il prépare une thèse
de doctorat sur la poétique du nouveau roman historique à l’École Doctorale algéro-
française. Ses domaines de recherche sont : le rapport entre histoire et littérature,
le roman historique, la traduction du roman historique dans les langues française et
anglaise.

Esa Christine HARTMANN, agrégée de lettres modernes et docteur ès lettres,


membre de l’équipe « Plurilinguisme, traduction, création » de l’ITEM/CNRS. Maître
de conférences de langue et littérature françaises à l’Université de la Caroline du
Nord et à Georgia Institute of Technology (États-Unis), puis chargée de cours à
l’Université de Strasbourg. Préparation d’une HDR en littérature comparée, Saint-
John Perse, T.S. Eliot, R.M. Rilke : trois poètes-traducteurs, sous la direction de

158
Michèle Finck à l’Université de Strasbourg. Principales publications concernant la
traduction : « Traduction, interprétation et critique. Les traductions anglaises et
allemandes des poèmes de Saint-John Perse à l’épreuve de l’imagination créatrice »
(2009) ; « Histoire d’une traduction » [étude des manuscrits de la traduction anglaise
d’« Etroits sont les vaisseaux » d’Amers de Saint-John Perse], Souffle de Perse, 2000 ;
Les Manuscrits de Saint-John Perse. Pour une poétique vivante (2007).

Elisa HATZIDAKI est maître de conférences au département d’études néo-helléniques


à l’Université Paul-Valéry Montpellier. Elle enseigne la langue, la traduction
technique et littéraire et la traductologie. Sa thèse de doctorat porte sur la créativité
à travers l’auto-traduction chez Vassilis Alexakis. Traductrice indépendante et
membre de l’équipe de Recherche LLACS, de Hellenic Society of Translations Studies
et de European Society of Translations Studies, elle intervient à des séminaires et des
colloques et écrit des articles sur des sujets en rapport avec l’identité, l’altérité, la
diversité culturelle, les représentations mémorielles et le bilinguisme. Ses travaux de
recherche sont actuellement orientés vers les cours hybrides afin d’étudier le
sacrifice des valeurs culturelles quand elles passent d’une langue à l’autre.

Evaine Le Calvé IVICEVIC, docteur ès linguistique, est chargée de cours au


Département d’Études romanes de la Faculté de philosophie et des lettres de
l’Université de Zagreb. Elle possède une expérience personnelle de la pratique
traductionnelle pour avoir traduit vers le français un grand nombre d’ouvrages en
croate. A mis en place la filière traduction destinée aux étudiants de français de la
Faculté de philosophie et des lettres de Zagreb. Dans le cadre de cette filière, elle
enseigne la traductologie, la terminologie et les travaux pratiques de traduction du
croate vers le français. Auteur de plusieurs articles consacrés à la traduction, à la
traductologie et à la terminologie et de deux manuels universitaires à l’usage des
étudiants de français, co-auteur d’un dictionnaire phraséologique. Chevalière des
Palmes académiques (2005).

Floryne JOCCALLAZ. Doctorante à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de


l’Université de Genève, Floryne Joccallaz travaille actuellement à une thèse en
traductologie s’inscrivant dans le domaine de la sociologie de la littérature, sous la
direction de Prof. Mathilde Vischer Mourtzakis.

Kinga Eva KELEMEN est doctorande à l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca. Elle prépare
une thèse de doctorat intitulée Instruments linguistiques et pragmatiques dans l’analyse
critique de la traduction littéraire. Analyse critique de quelques traductions roumaines
de Guy de Maupassant sous la direction du professeur des universités Ligia-Stela
Florea. Elle a publié des articles dans des revues spécialisées et des actes de colloque
ainsi qu’une traduction dans Tribuna (2010).

Matea KRPINA, doctorante en philologie (linguistique) à la Faculté de Philosophie et


de Lettres de l’Université de Zadar. Actuellement, chargée des cours de traduction
du croate vers le français pour les classes de master à l’Université de Zadar.
Traductrice freelance depuis 2011, elle a publié plusieurs traductions (poèmes,

159
articles) dans différentes revues croates (Književna smotra, Fantom slobode, Revija
malih književnosti).

Alberto MANCO enseigne la linguistique générale et la linguistique textuelle à


l’Université « L’Orientale » de Naples, où il est également directeur de la revue de
linguistique AION-L (wwww.aionlinguistica.com). Coordinateur de la licence en
« Mediazione linguistica e culturale". Membre de la « Società Italiana di Glottologia »
et de la « Società di Linguistica Italiana »; responsable d’échanges linguistiques entre
les Universités « L’Orientale » de Naples, Aix-Marseille (France) et Babeș-Bolyai de
Cluj (Roumanie). Il a organisé de nombreuses conférences de linguistique et a
développé plusieurs publications. Parmi ses axes de recherche, on mentionne :
l’idéologie linguistique, l’analyse linguistique du texte, l’histoire et les aspects
théoriques des noms de lieux. En 2016, il a édité le livre Linguaggio, ideologia e loro
rappresentazioni.

Krisztina MARADI est maître de conférences au Département de Langue et Littérature


Françaises de l’Université de Debrecen (Hongrie). Ses recherches relèvent avant tout
du domaine de la linguistique historique et de la sémantique, mais ces derniers
temps elle s’occupe surtout des questions de traduction spécialisée et de traduction
littéraire, de langues française, espagnole, italienne et portugaise. En plus de son
travail universitaire, elle travaille comme traductrice et interprète également. Elle est
co-auteure de deux manuels électroniques de perfectionnement linguistique
français (2006, 2014) et traductrice en langue hongroise du roman d’Amin Maalouf,
Les jardins de lumière (2008), de l’œuvre de François Favre, Mani, Christ d’Orient et
Bouddha d’Occident (2007) et correctrice de la traduction du roman italien de Tiziano
Terzani, La fine è il mio inizio (2009).

Thiago MATTOS est doctorant, sous la direction du Prof. Álvaro Faleiros, en Études
Linguistiques, Littéraires et Traductologiques en Français, à l’Université de São Paulo,
Brésil. Sa thèse est intitulée Entre o texto e o não texto: o contínuo do rascunho na
tradução de Mon cœur mis à nu, de Charles Baudelaire. Il a publié les recueils de
poèmes Teu pai com uma pistola (2012) et Casa devastada (2014). En 2017, il publie
avec Álvaro Faleiros le livre A retradução de poetas franceses no Brasil: de Lamartine
a Prévert. Trois dernières publications d’auteur : Livro do desassossego, de Fernando
Pessoa, e Mon cœur mis à nu, de Charles Baudelaire: aproximações e afastamentos.
(2016) ; A prática discursiva editorial: leitura monocromática, enciclopédias e
precarização (2016) ; A relação entre poética e sistema literário em André Lefevere
(2016).

Marcelo Jacques de MORAES est docteur en littérature française à l’Université


Fédérale de Rio de Janeiro, où il enseigne la littérature française depuis 1994.
Chercheur du CNPq (Centre National de Recherches Scientifiques, lié au Ministère de
Science et Technologie) depuis 2000, il a fait des stages de post-doctorat en France
en 2003 (Paris VIII) et en 2010 (Paris VII), en travaillant toujours sur la littérature
française moderne et contemporaine, d’un côté, et sur le domaine de la traduction
littéraire, de l’autre. Traducteur aussi, il collabore depuis 2007 avec le Département

160
d’Études Luso-Brésiliennes de l’Université Aix-Marseille, où il vient régulièrement
pour donner des cours dans le domaine de la traduction. Il a séjourné à plusieurs
reprises au Collège International des Traducteurs Littéraires, à Arles, en tant que
traducteur (deux fois avec la bourse d’aide aux traducteurs étrangers, du CNL) et, en
2012 et 2015, en tant que tuteur de la « Fabrique des Traducteurs » (Portugais/
Français). Il a déjà publié plusieurs essais au Brésil et en France sur la traduction
littéraire et sur des auteurs comme Diderot, Baudelaire, Rimbaud, Bataille, Barthes,
Ponge, Deguy, Tarkos. Il a traduit beaucoup dans le domaine des sciences humaines
(plus récemment : Philippe Lacoue-Labarthe, Georges Didi-Huberman, Jacques
Derrida, Paul Veyne) et dans celui de la littérature et de la poésie (plus récemment :
Georges Bataille, Christian Prigent, Christophe Tarkos, Charles Pennequin).

Andrea NAGY est maître de conférences habilitée au Département de Langue et de


Littérature Françaises de l’Université de Debrecen (Hongrie). Ses recherches relèvent
avant tout du domaine de la linguistique textuelle et de celui de la sémantique, mais
plusieurs de ses travaux portent sur des questions pluri- et interdisciplinaires qui
présentent une relation étroite avec les aspects textuels, notamment dans le
domaine de la littérature, de la théorie de la traduction et de la stylistique. Elle est
membre de l’équipe de recherches textuelles dont les publications paraissent dans
la revue Officina Textologica. Elle est l’auteure de la monographie Les pronoms
indéfinis du français contemporain. Une approche sémiotique textuelle (2003),
corédacteur du Grand Dictionnaire Français-Hongrois (1999), et co-auteur de deux
manuels électroniques de perfectionnement linguistique français (2006, 2014).

Vanessa OBERLIESSEN. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure (Ulm) et


agrégée de Lettres modernes, Vanessa OBERLIESSEN prépare actuellement une
thèse sur le style hébraïsant dans les paraphrases bibliques des XVIe et XVIIe siècles
(à l’Université Paris-Sorbonne, sous la direction du professeur Olivier Millet). Ses
recherches portent principalement sur l’histoire de la traduction, de la paraphrase et
de la poésie religieuse entre la Renaissance et le début de l’âge baroque.

Inês OSEKI-DÉPRÉ est depuis sept. 2011 Professeur émérite de Littérature générale
et comparée à l’Université de Provence. Son laboratoire de rattachement : CIELAM
– AMU (Université d’Aix-Marseille). Elle est membre du Comité scientifique de
publications de la revue TTR (revue de traduction littéraire de l’Université Mc Gill,
Montréal) et membre du comité de publications de la revue Cadernos de Traduçao,
de l’Université Fédérale de Florianópolis. Elle est membre du conseil d’administration
du CIPM (Centre International de Poésie à Marseille). Elle fait partie de plusieurs
associations professionnelles : ATLAS (Association des Traducteurs Littéraires en
Arles), SFLGC (Société française de Littérature Générale et Comparée), Centre de
Recherches de Littérature Générale et Comparée et de Traduction Littéraire (EA),
aujourd’hui Centre de recherches de Transposition. Elle a bénéficié de plusieurs
missions de recherche et d’enseignement en France et à l’étranger. Dernière
mission : la chaire française à l’UFMG d’une durée de 6 semaines (cours magistraux,
conférences). Ses derniers ouvrages publiés sont : Traduction et Poésie, 2004 ;
Théories et pratiques de la traduction littéraire, 2006 ; De Walter Benjamin à nos

161
jours, Paris, Honoré Champion, 2006 ; De Haroldo de Campos une anthologie, 2006 ;
Algo : Prêt (traduction de Quelque chose noir, de Jacques Roubaud), 2006.
Traductrice littéraire, elle a publié de nombreuses traductions d’auteurs brésiliens,
portugais ou autres : Écrits, de Jacques Lacan, traduction portugaise (préfacée, 342
pages), 1976 ; Les Premières Histoires, de João Guimarães Rosa (203 pages) (avec le
Concours de l’Unesco), (préface, 10 pages), traduction française 1982 ; Galaxies,
préface et œuvre complète, Haroldo de Campos, La main courante, La Souterraine,
1998. Algo : preto, traduction brésilienne de l’œuvre de Jacques Roubaud, 2005 ;
Quelque chose noir; Haroldo de Campos : une anthologie, 2006 ; Essais critiques,
Christian Prigent, en collaboration avec Marcelo Jacques de Moraes (à paraître).

Marian PANCHON HIDALGO est doctorante à l’Université de Toulouse - Jean Jaurès


et de l’Université de Salamanque (Espagne). Sa thèse a pour titre : « Traduction,
diffusion et réception de la littérature surréaliste française en Espagne ». Elle a été
enseignante d’espagnol et de traduction à l’Université François-Rabelais de Tours de
2010 à 2016. Depuis octobre 2016, elle enseigne à l’Université de Nîmes.

Germana PEREIRA est Docteur en Théorie de la Littérature, par l’Université de Brasília


où elle est Professora Associada II. Est licenciée en Portugais et en Français-Lettres
Modernes (1988) par l’Université de Rennes 2. Est Professeur à l’Université de
Brasília, au Département de Langues Étrangères et Traduction - LET, depuis 1992.
Elle a réalisé un stage postdoctoral à Rennes 2 (2006-2007), et un post-doctorat
senior en 2013, au Canada, sous la supervision de Georges L. Bastin. Elle enseigne les
théories contemporaines de la traduction, la pratique de la traduction littéraire, la
critique de traduction, l’histoire de la traduction. Elle fait partie de deux programmes
de recherche en littérature où elle encadre des doctorants et des étudiants de
Master en histoire littéraire, critique et études comparées ; et en traductologie
(responsable du programme de 2011 à 2013 et de 2015 à 2016) et elle encadre des
étudiants de master en histoire, théorie et critique de la traduction littéraire. Est
éditrice du périodique Belas Infiéis, depuis 2011, et est actuellement Directrices des
Presses Universitaires de l’Université de Brasilia – UnB, Editora UnB - EDU. Est
organisatrice de la collection « Estudos da Tradução » qui a publié les volumes
História da Tradução: ensaios de teoria, crítica e tradução literárias (2015) et de
História da Tradução: desafios para o século XXI (2016).

Lilian PESTRE DE ALMEIDA, romaniste de formation, docteur ès lettres (Paris-


Sorbonne), a publié des textes sur la traduction et des traductions de poètes
francophones en portugais (Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas) et, inversement,
des poètes lusophones en français (João Cabral de Melo Neto).

Nino PIRTSKHALAVA est professeur titulaire de littérature comparée à l’Université


d’État Ilia, Géorgie. Ancien doyen de la Faculté des lettres étrangères de l’Université
d’État Ilia, Tbilissi, Géorgie. Ses domaines d’intérêt sont : les études de la mémoire,
l’idée du nationalisme dans l’histoire et la culture, les sociétés en transition et
l’identité, l’interrelation des cultures occidentales et orientales. Elle a publié une

162
série d’études (en français, en anglais, en allemand et en russe) dans des revues
spécialisées ou des actes de colloque.

Fabio REGATTIN, chercheur en langue française et traduction auprès de l’Université


de Bologne, travaille comme traducteur pour l’édition et pour le théâtre. Il
s’intéresse principalement à la traduction des jeux de mots, à la traduction pour le
théâtre et aux rapports reliant la traduction et l’évolution culturelle. Il a publié sur
ces sujets plusieurs contributions, parmi lesquelles figurent : Le Jeu des mots.
Réflexions sur la traduction des jeux linguistiques (2009) ; (avec Ana Pano Alamán),
Tradurre un classico della scienza. Traduzioni e ritraduzioni dell’Origin of Species di
Charles Darwin in Francia, Italia e Spagna (2015, ainsi que l’édition italienne des
pièces de plusieurs auteurs de langue française (Adolphe Nysenholc, Boris Vian,
Evelyne de la Chenelière).

Romain RIVAUX enseigne le français à Florida Atlantic University, États-Unis. Il est


titulaire d’une thèse de doctorat, Textual Resistance of Dubliners : a Rhizomatic View
on Joyce’s Early Work soutenue à l’Université François-Rabelais, Tours, France. Il a
publié, entre autres : « Technologie assistée par ordinateur et artificialisation du
traducteur », in Guillaume, A., Traduction et implicites idéologiques, 2016 ; Textual
Resistance of Dubliners : a Rhizomatic View on Joyce’s Early Work, (2012).

Serge ROLET, slaviste de formation, professeur de littérature russe à l’université de


Lille (France) depuis 2002. Il a publié plusieurs ouvrages personnels (Le Phénomène
Gorki, en 2007, la monographie Léonide Andréïev: l’angoisse à l’œuvre en 2010) et il
a dirigé les ouvrages suivants : La figure de Judas Iscariote dans la culture russe, Revue
des études slaves, vol. LXXVII/4, 2006 ; La Russie et les modèles étrangers (2010). Il
est aussi l’auteur de plusieurs travaux liés à la thématique de la « mauvaise
traduction littéraire » : « À propos de la "traduction des cultures" » (2012) ; « Les
éditions Academia et la littérature étrangère », Le rapport à l’étranger dans la
littérature et les arts soviétiques (2012). Travaux en cours : préparation (traduction,
préface, notes, dossier) de l’édition des Bas-fonds de Maxime Gorki pour les éditions
Gallimard, collection Folio-théâtre.

İlhami SIĞIRCI est professeur titulaire de traductologie à l’Université de Kırıkkale où il


a fondé le département de traduction et d’interprétation. Il a été président de quatre
congrès internationaux dont l’un concerne les problèmes terminologiques en
traduction et en interprétation. Ses activités de recherches portent essentiellement
sur la traduction, la linguistique et la sémiotique. Il a publié plus de 20 articles dans
des revues scientifiques nationales et internationales et il a fait plus de trente
présentations dans des congrès, séminaires et ateliers. Il a publié six ouvrages dont
deux en matière de difficultés de traduction du français vers le turc. Il a été
également consultant pour le ministère turc des Affaires européennes et pour le
Centre de Recherches nationale de Turquie.

Bernd STEFANINK. Professeur émérite de l’Université de Bielefeld. Depuis 2007


sélectionné par la Fondation Johann Gottlieb Herder/DAAD pour enseignement et

163
recherche à l’étranger. Missions d’enseignement et de recherche sponsorisées par
la Fondation Herder jusqu’à présent : août 2015 – juillet 2016, à Universidade Federal
de Santa Catarina ; févr. 2011–sept. 2012, à Adama University/Ethiopie (projet
DAAD) ; 2007-2010, Université Babeş-Bolyai de Cluj/ Roumanie (Projet DAAD) ; oct.
1998 - juillet 1999, à l’Université de Craiova/Roumanie (projet DAAD pour la création
d’un département de traductologie). Missions d’enseignement de courte durée (1-3
mois) : au Kenya, en Egypte, en Tunisie, au Portugal, en Roumanie, etc. pour la
formation de formateurs en traductologie. Formation : Maîtrise de Philosophie sur
Sartre et les « trois H » Hegel, Husserl, Heidegger (sous la direction de Paul RICOEUR,
Paris/Sorbonne 1966, avec une Bourse du Gouvernement Français) ; Maîtrise de
Lettres Françaises 1967 (Sorbonne, avec une bourse DAAD) ; Licence Langue et
Littérature Anglaises (Paris/Sorbonne 1969, avec bourse du DAAD) ; MA de
Linguistique Générale (sous la direction de André MARTINET, Université René
Descartes/Paris V, 1971, bourse DAAD) ; De 1972-1975 : École des Chartes ; École
Pratique des Hautes Études (EPHE) ; Maîtrise en édition de textes ; Doctorat en
Linguistique sous la Direction de A. Martinet et Gérard Moignet : « Aspects
diachroniques du français médiéval » (summa cum laude), en 1975, avec une bourse
« Villigst » de 1972-1975 ; les bourses « Villigst » sont destinées à former l’élite
protestante). Distinctions : Diplôme de l’Académie des Sciences Roumaines/Section
Linguistique, pour l’ensemble des recherches (sept. 2009).

Jihane TBINI, agrégée de langue et littérature françaises, est assistante de


l’enseignement supérieur à la Faculté des Lettres de La Manouba (Tunis, Tunisie).
Elle est auteure d’une thèse intitulée « Poétique de la définition dans l’œuvre de
Michel Tournier » et a signé une série d’articles sur l’œuvre de Michel Tournier.

Mustapha TIJJINI est enseignant-chercheur en linguistique et en traductologie à la


Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Mohammed d’Oujda, Maroc. Il
est professeur agrégé de traduction (arabe - français) et chercheur au Centre
d’Études et de Recherches Humaines et Sociales à Oujda (CERHSO).

Maria ŢENCHEA. Docteur ès lettres. Professeur à l’Université de l’Ouest de Timişoara


(Roumanie). Ancien doyen de la Faculté des Lettres, d’Histoire et de Théologie.
Domaines d’intérêt : linguistique française, linguistique contrastive, traductologie. A
dirigé un master de traduction spécialisée. 6 livres publiés, parmi lesquels : Études
contrastives (domaine français-roumain) et Dicţionar contextual de termeni
traductologici (franceză-română) (collab. et coord.). Plus de 80 études et articles
publiés. A coordonné plusieurs volumes collectifs. Traductions du roumain vers le
français : philosophie (Traité de l’Être, 2015), littérature (poésie et prose), histoire de
l’art. Membre de la Société de Linguistique Romane ; membre de SEPTET (Société
d’Études des Pratiques et Théories en Traduction).

Davide VAGO est l’auteur de Proust en couleur (2012) et de plusieurs articles


consacrés à la représentation de la voix dans la Recherche. Parmi ses études les plus
récentes, on signale « Durée et intensité, intonation et “tour”. Traduire les marques
prosodiques d’Un amour de Swann », Revue d’études proustiennes (2015). Il a traduit

164
en italien un texte d’Octave Mirbeaum La mort de Balzac/La morte di Balzac (2014)
et il a édité une nouvelle édition bilingue (italien-anglais) du Tartuffe de Molière
(2015). Il est à présent MCF en Littérature française à l’Université Catholique (Milan-
Brescia).

Primož VITEZ. Linguiste et traducteur, il enseigne au Département des langues et


littératures romanes de la Faculté des lettres (Université de Ljubljana) : le français
oral, la linguistique française, la traduction littéraire. Auteur de plusieurs articles sur
diverses occurrences textuelles de l’usage de la parole et de leurs origines
systémiques : par exemple, textes théâtraux, discours scientifiques, textes sacrés.
Auteur de plusieurs traductions de textes littéraires du français vers le slovène : entre
autres, La Rochefoucauld, Voltaire, Diderot, Chamfort, Jarry, Michaux. Une trentaine
de traductions de textes de théâtre : ceux de Molière, Ionesco, Novarina,
Maeterlinck, Belbel.

Thomas VUONG. Doctorant en cinquième année de Littératures Comparées, sous la


codirection de Jean-Yves Masson (Paris-Sorbonne) et Anne Larue (Paris XIII – SPC).
Agrégé de Lettres Modernes, Thomas Vuong s’intéresse au sonnet européen durant
la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’au cours du XXe siècle en général. Il a déjà
consacré des interventions ou des articles à Giorgio Caproni, Boris Vian, Pier Paolo
Pasolini, aux poètes et poétesses noirs-américains, à des auteurs de l’Oulipo (Jacques
Roubaud, Jacques Jouet ou Jacques Bens) ou bien expérimentaux (comme
Emmanuel Hocquard ou Tim Atkins). Outre ces préoccupations formelles, il se
penche sur des questions traductologiques : il a récemment prononcé une
communication consacrée aux imaginaires à l’œuvre dans les traductions d’Yves
Bonnefoy.

OUERDIA YERMECHE. Docteur en sciences du langage, Professeure des universités et


responsable du pôle linguistique à l’École Normale Supérieure de Bouzareah (Alger),
elle est membre fondatrice de la Société Algérienne d’Onomastique et chef de
division « Anthroponymie ». Ses travaux portent essentiellement sur les contacts des
langues au Maghreb (tamazight/arabe/français), sur le lexique et les systèmes de
dénomination des personnes et des lieux en Algérie. Elle s’intéresse au rapport
langue/histoire et l’identité à travers le nom propre. Auteure de plusieurs
publications sur la socio-onomastique, parus dans des ouvrages collectifs, en Algérie
et à l’étranger. Directrice de recherche au RASYD/CRASC d’Alger, elle est
coordinatrice de projets nationaux de recherche (PNR) et de plusieurs ouvrages et
d’actes de colloque relatifs à l’anthroponymie algérienne (patronymie) : Des noms et
des noms…, état civil et anthroponymie en Algérie (2005) ; Le nom propre maghrébin
de l’homme, de l’habitat, du relief et de l’eau (2005).

Ludmila ZBANT est professeur, docteur d’État ès lettres à l’Université d’État


de Moldova, Chisinau, République de Moldova. Actuellement elle est
doyenne de la faculté des Langues et Littératures Étrangères. Dès novembre
2015 elle directrice du Collège doctoral d’Europe centrale et orientale en

165
Sciences humaines (CODFREURCOR) et depuis octobre 2016 elle est membre
du Comité exécutif de l’AFELSH (Association des facultés et établissements
de lettres et sciences humaines). Elle est membre des comités scientifiques
des colloques internationaux organisés en Arménie, France, Italie, Géorgie,
République de Moldova, Roumanie, Ukraine et membre des comités de
rédaction des publications scientifiques. Les domaines des recherches
scientifiques ciblent les problèmes de la traductologie et de la traduction
dans la dimension cognitive, communicative, sociale, culturelle et autres.

166
Table des matières

Qu’est-ce qu’une mauvaise traduction littéraire ? Avant-propos /Georgiana I.


Badea et Gerardo Acerenza 5

« De la traîtrise à la translucifération » /Inês OSEKI-DÉPRÉ 9

La littérature francophone antillaise au péril de la traduction en anglais et en


espagnol /Raphaël CONFIANT 12

Les interventions du traducteur dans le texte, ou comment rendre une


traduction… mauvaise / Gerardo ACERENZA 14

Le sérieux de la mauvaise traduction. À propos des versions roumaines du roman


Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas / Georgiana I. BADEA 16

Le style d’un « co-auteur » et la question de « la trahison » en traduction


littéraire ; sur les traductions de The Waves de Virginia Woolf, de Marguerite
Yourcenar à Michel Cusin/ Hamza BALI 20

Affaiblissement et effacement de la focalisation dans la traduction en italien de


la phrase clivée française : un exemple de « mauvaise traduction littéraire » ?/
Alberto BRAMATI 23

La mauvaise traduction : une question d’incohérence(s). Autour de La


Métamorphose de Kafka / Jean-Jacques BRIU 26

De la fidélité comme standard pour une mauvaise traduction/Miloud BOUKHAL 29

Traduire la contrainte : des interrogations pour la tradition littéraire brésilienne/


Vinicius Gonçalves CARNEIRO 32

La traduction entre écriture et désœuvrement / Djihed CHAREF 36

Splendeurs et misères de la réécriture (auto)traductive. Le cas de Matéi Visniec


/Georgeta CRISTIAN 38

Quelques réflexions sur le transfert de l’écriture durassienne en albanais


/Fjoralba DADO, Eglantina GISHTI 41

167
La retraduction d’une même œuvre littéraire serait-ce une solution pour
améliorer la qualité de la traduction ? /Mzago DOKHTOURICHVILI 44

Les imperfections de la traduction du texte de théâtre / Jean-Paul DUFIET 47

L’inquiétude de la traduction / Catherine DU TOIT 50

Vers la connaissance du bon/mauvais traducteur littéraire / Ileana Neli EIBEN 53

Ni bonne ni mauvaise. La traduction allemande d’auteurs francophones


d’Afrique Subsaharienne / Deva EL-SHADDAI 56

L’utilité des mauvaises traductions. La première version des Chants orphiques de


Dino Campana en roumain / Aurora FIRȚA 59

Mauvaise traduction ou appropriation auctoriale et revendication d’une « licence


poétique » ? La traduction d’Anabase de Saint-John Perse par T. S. Eliot / Esa
Christine HARTMANN 62

La Bande dessinée d’Hergé en grec : mutilations sémantiques dans les bulles


/Elisa HATZIDAKI 65

Une approche pragmatique du concept de « mauvaise » traduction. L’exemple


d’Un amour de Dino Buzzati / Floryne JOCCALLAZ 68

L’analytique de la traduction dans l’étude des traductions roumaines de la


nouvelle La Parure de Guy de Maupassant / Kinga Eva KELEMEN 71

Qui est Laura ? Réflexions sur le pouvoir de déformation du transfert d’une


langue à une autre / Evaine É IVIČEVIĆ, Matea KRPINA 74

La traduction du pertexte : introduction et quelques cas particuliers / Alberto


MANCO 77

Tout est loin. Problèmes de traduction d’un roman hongrois, datant du régime
communiste / MARÁDI Krisztina 80

Vieillissement et oubli, contretemps de la (bonne) traduction (avec Walter


Benjamin e Marcel Proust) / Marcelo Jacques de MORAES 83

La traduction sans un original achevé : traduire le continu du brouillon de Mon


cœur mis à nu, de Charles Baudelaire Thiago MATTOS 86

168
Bien traduire pour séduire. Organisation textuelle et problèmes de traduction
dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos / Andrea NAGY 89

Une traduction, deux antidotes : les contrefaçons du psautier de Genève /


Vanessa OBERLIESSEN 92

La mise à mort (1965) de Louis Aragon dans l’Espagne franquiste : un cas de


trahison et de « mauvaise » traduction ? 96 Marian PANCHON HIDALGO 96

Les traductions brésiliennes des écrivains-traducteurs / Germana PEREIRA 99

Une mauvaise traduction littéraire ? ou Le rêve de la poésie du Tout Monde


/Lilian PESTRE de ALMEIDA 102

De quelle manière la traduction pensante nous aide-t-elle à traduire la


littérature? / Nino PIRTSKHALAVA 105

Retraductions, révisions. Les mauvaises traductions du théâtre québécois en


Italie /Fabio REGATTIN 109

Les traductions françaises des romans policiers de Tony Hillerman : de


l’ethnocentrisme à la « translatio exotique » / Romain RICHARD-BATTESTI 113

Traduction et retraduction d’Ulysse : le portrait du même en autre / Romain


RIVAUX 116

Quand y a-t-il mauvaise traduction ? / Serge ROLET 119

Étude de la trahison dans la traduction des redoublements du turc en français


/Ilhami SIGIRCI 121

L’Évaluation dans la traduction littéraire: le point de vue d’un herméneute /


Bernd STEFANINK 124

Il tesoro dei poveri de D’Annunzio et ses traductions : les dérives d’une translation
/ Jihane TBINI 127

La traduction du texte sacré : Tension entre fidélité pragmatique et trahison


blasphématoire / Mustapha TIJJINI 130

Les « mauvaises » traductions : quelles instances évaluatrices ? Étude de cas /


Maria ȚENCHEA 133

169
Un rythme, un souffle (in)fidèles ? La vocalité de Proust entre les langues / Davide
VAGO 136

La « mère » est-elle vraiment intouchable ? / Primoz VITEZ 139

Yves Bonnefoy traducteur : trahir le poème au nom de la poésie / Thomas


VUONG 142

Traduire le Coran : un rapport dialogique ou contrastif ? / Ouerdia YERMECHE,


Hassane GUIROUS 145

Retraduire = améliorer ? L’exemple de la nouvelle traduction allemande des


Exercices de style/ Anke GRUTSCHUS 148

La polyphonie et le paratextuel dans la traduction en roumain des romans de


Frédéric Beigbeder/ Larisa CEBUC, Ludmila ZBANȚ/150

Notices biobibliographiques des auteurs 154

Table des matières 167

170

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