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(1839)
Le Rapport Durham
Titre original :
Rapport sur les affaires de l'Amérique du Nord britannique
traduit en français
par Denis Bertrand et Albert Desbiens
1969
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Le Rapport Durham.
Titre original :
Rapport sur les affaires de l'Amérique du Nord britannique
Le Rapport Durham.
Titre original :
Rapport sur les affaires de l'Amérique du Nord britannique
[i]
[ii]
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 8
[iii]
Le Rapport
DURHAM
(1838)
[iv]
COPYRIGHT 1969,
Les Éditions Sainte-Marie, Montréal, février 1969.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 10
[V]
Le Rapport Durham
Remarques préliminaires
[VII]
Le Rapport Durham
INTRODUCTION [XXV]
r
[viii]
LE RAPPORT DURHAM
INTRODUCTION [1]
Chapitre I.
LES MAUX DU BAS-CANADA [5]
[ix]
IV. Principales différences entre les deux races et supériorité incontestée des
« British Canadians » [10]
Chapitre II.
LES MALAISES DU HAUT-CANADA [59]
Chapitre III.
LES DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES
DES PROVINCES DE L'EST ET DE TERRE-NEUVE [81]
[xvi]
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 18
Chapitre IV.
LES EFFETS D'UN MAUVAIS SYSTÈME
DE CONCESSIONS DES TERRES [86]
I. L’importance d’une bonne méthode de concessions des terres pour les jeunes
États peu peuplés [86]
II. L’évolution de la pensée de Durham à ce propos [87]
III. L’étude comparée des méthodes de concessions des terres aux États-Unis et
en Amérique du Nord britannique [88]
IV. Les principales conséquences de l’usage de ces deux méthodes opposées de
concessions des terres [90]
V. Conclusion [98]
[xvii]
Chapitre V.
LE GRAVE PROBLÈME DE L'ÉMIGRATION [99]
IV. Les difficultés auxquelles se heurtent les immigrés déjà entrés au Canada
[102]
1. Défectuosités des services de réception [102]
2. Manque d’argent, d’ardeur, de préparation et d’aptitudes [103]
V. Conclusion : condamnation du système actuel d’émigration britannique [104]
CONCLUSION [105]
• Conclusion [131]
III. Les remarques finales de Durham sur les exigences, la portée et les
conséquences de ses recommandations [148]
[xxiv]
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 24
[XXV]
Le Rapport Durham
INTRODUCTION
De drôles de rébellions
Pour Durham aussi bien que pour son enquête, ces préliminaires
étaient de mauvais augure.
Un désaveu intempestif
[XLIV]
[LII]
Abandon, par les sujets britanniques, des postes situés au-delà des
Grands Lacs.
1797 Entente relative au partage des droits de douanes entre le Haut et
le Bas-Canada.
1800-1811 Plans de Milnes, de Sewell, de John Black, des marchands, de
Craig et de Ryland en vue d’assimiler les Canadiens français.
LIII
1805 La « querelle des prisons » dans le Bas-Canada.
Fondation du journal radical canadien-anglais, le « Québec
Mercury ».
1805-1808 Weekes, Wyatt, Thorpe et Wilcocks tentent en vain de renverser
le régime du « family compact » dans le Haut-Canada. Lambton
(Durham) fait ses études à Eton.
1806 Fondation du journal radical canadien-français, « Le Canadien ».
1810 La Chambre d'Assemblée du Bas-Canada s'offre à payer toutes les
dépenses de la province.
Saisie des presses du journal « Le Canadien » et emprisonnement,
sur l'ordre de Craig, des rédacteurs de ce journal.
1812 Lambton (Durham) épouse Henrietta Chomondeley.
(18juin) Les États-Unis déclarent la guerre à l'Angleterre.
1812-1814 Invasion du Haut et du Bas-Canada et expulsion des troupes
américaines.
1813 Lambton (Durham) est élu député whig pour représenter le comté
de Durham.
1814 Projet voté par la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada à l'effet
d'envoyer un agent représentatif (Pierre Bédard) à Londres ; mais
refus du Conseil législatif.
1815 (9 mars) Paix de Gand.
Lambton (Durham) perd sa première épouse, Henrietta
Chomondeley.
1816 Voyage de Lambton en France.
Mariage de Lambton et de Lady Louisa, fille de lord Grey.
1817 Papineau refuse d'entrer au Conseil exécutif.
Lambton se prononce ouvertement en faveur d'une réforme
électorale en Angleterre.
1817-1819 L'affaire Gourlay, dans le Haut-Canada.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 56
[LVIII]
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 61
LE RAPPORT
DURHAM
THE REPORT
AND
DESPATCHES
OF
THE EARL OF DURHAM,
_____________________
LONDON :
RIDGWAYS, PICCADILLY.
UDCCÇXXX1X.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 63
[1]
Le Rapport Durham
Introduction
II. LA PORTÉE
ET LA LIMITE GÉOGRAPHIQUES
DE L’ENQUÊTE
Retour à la table des matières
LOUIS-JOSEPH PAPINEAU
(Toronto Public Library)
« ... les pasteurs doivent faire tous les efforts pour rétablir la charité et l’union
parmi leurs ouailles ; ils devraient représenter à leurs paroissiens qu’il n’est pas
permis de se révolter contre l’autorité légitime, ni de transgresser les lois du pays ;
qu’ils ne doivent point absoudre dans le tribunal de la pénitence quiconque enseigne
ou qu’il est permis de se révolter contre le gouvernement sous lequel nous avons le
bonheur de vivre, ou qu’il est permis de violer les lois du pays particulièrement
celle qui défend la contrebande, bien moins encore est-il permis d’absoudre ceux
qui violent ces lois ou enseignent de les violer ».
[5]
Le Rapport Durham
Chapitre I
Les maux du Bas-Canada
L’hostilité entre les races n’a acquis son influence permanente que
depuis quelques années et elle ne s’est pas montrée partout à la fois. (...)
D’un autre côté, d’année en année, en dépit des diverses influences
qu’un gouvernement peut exercer, et qu’aucun peuple au monde n’est
plus susceptible de trouver détestables que les Canadiens français, (...)
le nombre des Canadiens français sur qui pouvait compter le
gouvernement a diminué à cause de ces associations qui les ont
entraînés dans le camp de leurs compatriotes. Le soulèvement de 1837
a complété la division. Depuis le recours aux armes, les deux races se
sont distinctement et complètement dressées l’une contre l’autre.
[10]
A. La population canadienne-française
et ses principaux chefs
donc croire que cette animosité était seulement celle qui subsistait entre
une oligarchie officielle et un peuple. Davantage, j’en vins à la
conviction que la lutte qui a été représentée comme une lutte de classes
était, en réalité, une lutte de race. (...)
1. Origine et mentalité
A. Apathie congénitale
de la société canadienne-française
Les tentations qui, dans les autres États, conduisent aux délits contre la
propriété et les passions qui provoquent la violence étaient peu connues
parmi eux. Ils sont doux et accueillants, frugaux, ingénieux et honnêtes,
très sociables, gais et hospitaliers ; ils se distinguent par une courtoisie
et une vraie politesse qui pénètrent toutes les classes de leur société.
• Signification de la Conquête
• Situation en 1837
des gages est très infime. La masse de la population est formée de petits
propriétaires fonciers laborieux des districts ruraux, communément
appelés « habitants », et de leurs parents engagés dans d’autres
occupations. Il est impossible d’exagérer leur manque d’instruction ;
aucun moyen d’instruction n’a jamais été prévu pour eux et ils sont
presque tous dépourvus au point qu’ils ne savent ni lire ni écrire. (...)
La piété et la bonté des premiers possesseurs du pays permirent la
fondation, dans les séminaires qui existent en différents endroits de la
province, des institutions dont les fonds et l’activité sont depuis
longtemps consacrés au progrès de l’instruction. Ces institutions
établirent également des séminaires et des collèges dans les villes et
dans d’autres centres. L’enseignement donné dans ces maisons
ressemble beaucoup à celui des écoles publiques anglaises, bien que le
programme soit plus varié. Il est totalement entre les mains du clergé
catholique. On estime à environ un millier le nombre d’élèves dans ces
établissements et, autant que j’ai pu m’en assurer, entre deux et trois
cents jeunes gens ainsi formés en sortent chaque année. Presque tous
appartiennent à la famille de quelque habitant. (...) Quelques-uns
deviennent prêtres ; mais comme les carrières militaires et navales sont
fermées aux colons, la plupart ne peuvent trouver de situation
convenant à l’idée qu’ils se font de leurs propres qualifications ailleurs
que dans les « savantes » professions d’avocat, de notaire, et de
médecin. Il résulte de ce phénomène que ces professions sont très
encombrées. On trouve dans chaque village du Bas-Canada une
abondance de notaires et de médecins qui ont peu de clientèle pour
s’occuper et qui vivent parmi leurs propres familles, ou en tout cas au
milieu de la même classe. (...) La plus parfaite égalité règne toujours
dans leurs relations ; celui qui est supérieur par l’instruction n’est
séparé du paysan singulièrement ignare qui le coudoie par aucune
barrière d’usages, de fierté ou d’intérêts distincts. (...)
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 81
[14]
… Dans l'agriculture
2. Capital et main-d’œuvre
3. Fierté et intolérance
Les deux races, aussi distinctes, se sont trouvées dans une même
société et dans des circonstances où tout rapport devait inévitablement
produire un affrontement. D’abord, dès le départ, la différence de la
langue les tenait à distance l’une de l’autre. Ce n’est nulle part une vertu
de la race anglaise de tolérer toutes manières, coutumes, ou lois qui lui
apparaissent étrangères. Habituellement conscients de leur propre
supériorité, les Anglais ne prennent pas la peine de cacher aux autres le
mépris et l’aversion qu’ils portent à leurs usages. Les Anglais ont
trouvé, chez les Canadiens français, une somme égale de fierté
nationale ; fierté ombrageuse, mais inactive qui dispose ce peuple
moins à ressentir une insulte qu’à se tenir éloigné de ceux qui
voudraient le tenir dans l’abaissement. Les Français ne pouvaient pas
ne pas ressentir la supériorité de [17] l’esprit d’entreprise des Anglais ;
ils ne pouvaient pas se cacher leur succès dans tout ce qu’ils
entreprenaient, ni l’accroissement constant de leur supériorité. Ils
regardèrent leurs rivaux avec alarme, avec jalousie et enfin avec haine.
Les Anglais le leur rendirent par une morgue qui revêtit bientôt la même
forme de haine. Les Français se plaignaient de l’arrogance et de
l’injustice des Anglais ; les Anglais reprochaient aux Français les vices
d’un peuple faible et conquis et les accusaient de bassesse et de perfidie.
(...)
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 85
4. Religion
5. Éducation
6. Langue et culture
8. Journaux
9. Affaires et occupations
Les affaires et les occupations des deux races ne les rapprochent pas
dans l’amitié et la coopération ; elles les placent plutôt
occasionnellement en rivalité l’une contre l’autre. Un esprit
d’émulation louable a induit plus tard les Français à se lancer dans les
carrières occupées jusqu’ici par les Anglais et à essayer de leur faire
concurrence dans le commerce. On doit cependant regretter beaucoup
que cet effort ait eu lieu seulement lorsque l’animosité nationale eut
atteint son maximum d’intensité et que la concurrence eut été conduite
de manière à envenimer les différences déjà existantes. La fondation de
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 87
LA BATAILLE DE SAINT-EUSTACHE
[21]
V. L’AFFRONTEMENT
DES ANTAGONISMES
2. Déclenchement de la crise
On dit que les appels à la fierté nationale des Français et à leur haine
prirent un caractère plus généralisé et plus direct lors de la tentative
avortée d’union du Haut et du Bas-Canada de 1822. Les leaders de
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 95
C. Après 1828 :
crise nationale, sociale, économique, politique et coloniale
• Appréhension
1. Conséquences nationales
pour la collectivité canadienne-française
2. Conséquences nationales
pour la collectivité canadienne-anglaise
Dans leur triomphe, d’autre part, les Anglais n’ont pas oublié non
plus la terreur qui les saisit lorsqu’ils se virent soudainement environnés
d’une majorité insurgée ; non plus les incidents qui ont semblé seuls les
sauver de l’absolue domination de leurs adversaires. Ils se trouvent
encore en minorité au milieu d’un peuple hostile et organisé ; la crainte
de conspirations secrètes et de desseins sanguinaires les hante
constamment. Leur seule espérance de sécurité paraît reposer dans un
plan systématique qui consiste à terroriser et à paralyser les Français, à
empêcher une majorité de cette race de ne jamais être encore
prédominante dans quelque partie de la législature de la province. C’est
en termes énergiques que je décris les sentiments qui m’ont paru animer
chaque groupe de la population. Le tableau que je dessine ressemble si
peu à l’état de chose si familier au peuple de notre pays que plusieurs
croiront probablement que mes propos sont le fruit de la pure
imagination. Mais je suis confiant que tous ceux qui ont connu la
situation au Bas-Canada durant la dernière année reconnaîtront
l’exactitude et la modération de ma description. De même je n’exagère
pas plus la durée inévitable que l’intensité de ce conflit. Jamais plus la
présente génération de Canadiens français ne consentira à se soumettre
loyalement à un gouvernement britannique ; jamais plus les Anglais ne
supporteront l’autorité d’une Chambre d’Assemblée dans laquelle les
Français posséderont une majorité ou même s’en approcheront.
[27]
4. Conséquences judiciaires
[28]
L’affluence d’émigrants, si forte jadis, a très fortement diminué. En
1832, le nombre des émigrés qui débarquèrent au port de Québec était
de 52.000 ; en 1837, il était tombé à un peu plus de 22.000, et en 1838,
il ne s’élevait pas à 5.000. Les habitants loyaux des seigneuries
commencent à ressentir l’insécurité : beaucoup d’entre eux sont forcés
par la crainte ou par le besoin d’abandonner leurs occupations et de
chercher refuge à la ville. Si la situation actuelle persiste, les hommes
d’affaires les plus entreprenants et les plus riches de la province seront
ainsi en peu de temps chassés des lieux de leur présente activité.
1. Le malentendu géographico-national
C. Historique de la question
c. L’Acte de 1791,
association hétéroclite des deux méthodes
trouva divisé en deux races, dressées l’une contre l’autre par une haine
intense et durable.
2. La confusion politico-nationale
a. Complexité du problème
que les irriter toutes les deux, ont affaibli l’autorité du gouvernement
et, en entretenant les espérances d’une nationalité canadienne-
française, ont contrecarré une évolution qui aurait pu, avant les
événements actuels, amener le conflit à son terme naturel et nécessaire.
J’ai décrit avec minutie le conflit entre les races française et anglaise
[37] du Bas-Canada. (...) J’ai précisé, entre autres, les vices de la
Constitution et les erreurs provenant du système de gouvernement. (...)
L’hostilité des races est manifestement insuffisante pour expliquer tous
les maux du Bas-Canada, vu que les résultats ont été à peu près les
mêmes parmi la population homogène des autres provinces. Il n’est que
trop évident que le Bas-Canada, ou les deux Canadas, n’ont pas été les
seuls à présenter des conflits répétés entre l’exécutif et les branches
populaires de la législature. Avant la dernière élection, l’Assemblée
représentative du Haut-Canada était hostile à la politique du
gouvernement. Ce n’est que tout récemment que se sont apaisés les
mécontentements les plus graves dans l’Ile du Prince-Edouard et au
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 113
• Vers 1805
• La crise de 1809-1810
1. Le principe
Les pouvoirs pour lesquels l’Assemblée luttait, dans les deux cas,
paraissent être d’une nature telle qu’elle était parfaitement justifiable
de les réclamer. Il est difficile de concevoir quelle aurait pu être la
philosophie politique de ceux qui s’imaginent que, dans toute colonie
de l’Angleterre, un corps possédant le nom et le caractère d’une
Assemblée représentative pût être privé d’un seul de ces pouvoirs qui,
dans l’opinion des Anglais, sont inhérents à une législature issue du
peuple. C’était une vaine illusion de s’imaginer que, par de simples
restrictions dans la loi constitutionnelle ou par un système exclusif de
gouvernement, un corps, fort de la conscience de commander l’opinion
de la majorité, pourrait considérer certaines portions des revenus
provinciaux comme sacrées et hors de son emprise, pourrait se
contenter de la simple besogne de fabriquer des lois, et être un
spectateur passif ou indifférent, pendant que ces lois étaient mises en
opération ou éludées, et que toutes les affaires du pays étaient conduites
par des hommes dans les intentions ou dans la capacité desquels il
n’avait pas la moindre confiance.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 116
2. Le régime
3. La condamnation de la politique
et des mobiles anglais
e. Principales conséquences
d'un régime représentatif mais non responsable
• Désorganisation économique
• Irresponsabilité politique
a. Composition de ce Conseil
Il n’est pas difficile pour nous de juger ainsi avec calme les mérites
respectifs de ces partis éloignés. Mais il eut fallu un grand et très
profond respect de la Constitution et de la composition du Conseil
législatif pour persuader les représentants d’une grande majorité
d’endurer avec patience les entraves que quelques individus plaçaient
sur leur chemin. (...)
Ce fut pour parvenir à cette fin qu’elle utilisa tous les pouvoirs mis
à sa disposition. Mais elle doit être blâmée pour avoir, dans la poursuite
de cet objectif, perverti ses prérogatives législatives et perturbé la
marche de la Constitution. Elle subordonna la tâche de légiférer et
l’amélioration pratique du pays à sa lutte pour le pouvoir. Se voyant
alors frustrée de ses privilèges légitimes, elle s’efforça d’étendre son
autorité par des voies tout à fait incompatibles avec les principes de la
liberté constitutionnelle.
Une tentative éclatante faite directement et ouvertement pour
renverser la Constitution du pays fut l’adoption d’un projet de loi
destiné à révoquer, d’une façon formelle, les articles de la 31e année de
Georges III, chapitre 31, communément appelés Acte constitutionnel,
sur lesquels la constitution et les pouvoirs du Conseil législatif étaient
fondés. (...)
[47]
A. Institutions administratives
B. Institutions municipales
C. Institutions juridiques
[52]
Mais le mal le plus grave de l’administration de la justice criminelle
résulte de la perversion totale de l’institution du jury par les préjugés
politiques et nationaux du peuple. (...)
C’est un fait déplorable, qui ne doit pas être caché : le peuple de ce
pays n’a pas la moindre confiance dans l’exercice de la justice
criminelle. (...)
D. Institutions policières
E. Institutions éducationnelles
G. Institutions religieuses
a. La tolérance
[56]
moindre de deux maux, une réduction des droits, si cela était possible
sans diminuer en même temps les revenus du Haut-Canada qui ne peut
de toute façon se le permettre.
• La taxation directe
Pour les raisons que j’ai déjà expliquées, c’est à peine s’il existe au
Bas-Canada l’apparence d’une taxe directe pour des fins générales et
locales. Cette exemption de taxes a été parfois évoquée comme un
grand privilège du peuple du Bas-Canada et comme une grande preuve
de la justice et de la bienveillance de son gouvernement. La description
que j’ai faite des dispositions singulièrement défectueuses prises pour
l’accomplissement des devoirs les plus essentiels du gouvernement
local et général, montrera, je pense, une chose : c’est que l’épargne
apparente pour les goussets des contribuables n’est due qu’à l’absence
[58] de nombreuses institutions que toute société civilisée s’honore de
posséder. Un peuple ne peut guère être félicité de s’être procuré à peu
de frais une administration de la justice rudimentaire et imparfaite, un
semblant de police, aucune mesure publique pour l’instruction, aucun
éclairage, et de mauvais pavages dans ses villes, des moyens de
communications si imparfaits que la perte de temps et la détérioration
provoquées par le transport de quelque article vers le marché peuvent
probablement être estimées dix fois supérieures à la dépense pour la
construction de bons chemins. Si les habitants du Bas-Canada avaient
été soumis, ou plutôt avaient appris à se soumettre eux-mêmes à un
fardeau plus onéreux de taxation, aujourd’hui ils seraient probablement
un peuple beaucoup plus riche, beaucoup mieux gouverné, beaucoup
plus civilisé et beaucoup plus satisfait.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 140
[59]
Le Rapport Durham
Chapitre II
Les malaises du Haut-Canada
2. Objectif de Durham
Mon but sera de signaler les causes principales auxquelles, après une
observation générale de la province, je suis porté à attribuer les
discordes récentes. Et même cette tâche sera ( .. ) remplie avec plus de
facilité et de brièveté (...) puisque je peux renvoyer aux détails que j’ai
donnés et aux principes que j’ai posés en décrivant les institutions de la
province inférieure.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 141
3. Difficultés particulières
à saisir l’ensemble du problème
A. À cause de sa complexité
A. Nature générale
qu’il y a, en vérité, très peu de liens de famille parmi les personnes ainsi
unies. (...)
Les Gouverneurs qui se succédaient tour à tour, s’y sont, dit-on, ou
tranquilement soumis, ou bien, après une opposition courte et vaine, ont
cédé à ce parti bien organisé la conduite réelle des affaires. Le banc, la
magistrature, les hautes fonctions de l’Église épiscopale, une grande
partie de la profession légale sont occupés par les membres de ce parti.
Au moyen d’octrois ou d’achats, ils ont acquis presque toutes les terres
incultes de la province ; ils sont tout puissants dans les banques à charte,
et jusqu’à ces derniers temps, ils ont partagé presque exclusivement
entre eux tous les postes de confiance et rémunérateurs. L’ensemble de
ce parti se compose principalement de gens nés dans la colonie ou
d’émigrés qui s’y sont établis avant la dernière guerre avec les États-
Unis. Ses principaux membres appartiennent à l’Église d’Angleterre et
la défense des prérogatives de cette Église a toujours été une des
marques distinctives de ce parti.
Un monopole de pouvoir aussi étendu et aussi durable ne pouvait
pas manquer, à la longue, d’exciter l’envie, de créer le mécontentement,
et, en dernier lieu, de provoquer des attaques. Conséquemment, une
opposition s’éleva dans l’Assemblée qui assaillit le parti dominant, en
invoquant les droits populaires de gouvernement, en dénonçant le
prétendu agiotage et la prodigalité de l’équipe en place, et en conduisant
des enquêtes sur les abus dans le dessein de susciter la réforme et tout
particulièrement de faire mettre en application un régime d’économie.
(...)
Les réformistes, en agitant avec succès cette affaire ainsi que
diverses questions économiques, obtinrent la majorité. Mais comme
presque tous les partis populaires dans les colonies, ils manquèrent de
discrétion et d’habileté, ils offensèrent un grand nombre de leurs
électeurs. Ils étaient déjà frustrés dans leurs calculs par le Conseil
législatif, et contrecarrés résolument par toute [62] l’influence officielle
et personnelle de l’équipe en place, lorsqu’une dissolution de
l’Assemblée les mit de nouveau en minorité. Ce revers de fortune ne se
limita pas à un seul cas. Depuis quelque temps, en effet, ni l’un ni
l’autre des partis n’a possédé la majorité dans deux parlements
successifs. La Chambre actuelle est la cinquième de ces Chambres
d’Assemblée où la majorité alterne.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 144
[63]
C’est sur cette affaire de la responsabilité du Conseil exécutif que la
grande contestation s’est poursuivie longtemps entre le parti officiel et
les réformistes. (...)
Les idées de la grande masse des réformistes paraissent s’être
limitées, suivant leur expression favorite, à faire de la Constitution
coloniale, « une copie fidèle de celle de la Grande-Bretagne ». Ils
désiraient seulement que la Couronne, dans le Haut-Canada comme en
Angleterre, confiât l’administration des affaires à des hommes
possédant la confiance de l’Assemblée. On ne peut douter, toutefois,
qu’il y avait parmi eux beaucoup de gens qui voulaient modeler les
institutions de la province plutôt sur celles des États-Unis que sur celles
de la mère-patrie. (...)
J’ai dit qu’il n’y avait pas d’animosités raciales dans le Haut-
Canada. Il existe néanmoins une distinction quant au lieu d’origine qui
a exercé une influence très importante dans la composition des partis ;
elle promet aussi vraisemblablement de devenir, tôt ou tard, un élément
prééminent et fascinant de divisions politiques. (...) Mais il restait
encore une grande différence d’opinion entre chacun des deux partis
canadiens et le groupe des Anglais qui agirent quelque temps de concert
avec eux. Chaque parti canadien, tout en différant d’avis avec l’autre
sur la nature du pouvoir politique dans la colonie, désirait presque le
même degré d’indépendance pratique à l’égard de la mère-patrie ;
chacun ressentait et chacun manifestait dans sa conduite de la jalousie
envers les émigrés et la volonté de maintenir le pouvoir officiel et les
revenus des professions aux mains de personnes nées ou domiciliées
depuis longtemps dans la colonie. Les Britanniques, au contraire, à
quelque parti qu’ils appartiennent, semblent s’accorder pour resserrer
davantage le lien avec la mère-patrie. Ils diffèrent très peu les uns des
autres, je pense, en désirant un changement quelconque qui rendrait le
gouvernement du Haut-Canada, dans l’esprit comme dans la forme,
semblable à celui de l’Angleterre, en conservant un exécutif assez fort
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 147
D. Déclenchement de la crise
Tel était l’état des partis, quand Sir F. (Francis) Head, en assurant le
gouvernement de la colonie, renvoya du Conseil exécutif quelques-uns
des [65] membres qui étaient les plus antipathiques à la Chambre
d’Assemblée et invita trois personnes à leur succéder. Deux de ces
personnes, le docteur Rolph et M.R. Baldwin, étaient liées au parti
réformiste, et le troisième, M. Dunn, était un Anglais qui avait rempli
la place de receveur général durant 14 ans et s’était, jusqu’à ce temps,
abstenu de toute intervention dans les affaires publiques. (...) Parmi les
premiers gestes du Gouverneur, après la nomination de ce Conseil, se
trouva, cependant, la nomination à quelques postes vacants de
personnes qui furent choisies parmi l’ancien parti « officiel », et ceci
sans aucune consultation avec son Conseil. (...) Ils (les 3 nouveaux)
n’eurent d’autre choix que de démissionner. (...)
• Exaspération et désespoir
Il n’y a pas lieu de s’étonner que de pareils faits et impressions aient
provoqué dans le pays l’exaspération et la perte de tout espoir dans un
gouvernement meilleur. (...) Plusieurs même parmi ceux qui avaient
appuyé des candidats victorieux furent déçus dans les espérances qu’ils
avaient placées dans la future politique de leurs nouveaux députés. On
n’introduisit aucune réforme économique. L’Assemblée, au lieu
d’appuyer le Gouverneur, le força à se soumettre à elle et ne produisit
aucun changement dans l’administration des affaires, excepté celui de
réinstaller au pouvoir le « family compact ».
Sur certains points à propos desquels les sentiments du peuple
étaient profondément engagés, comme par exemple les réserves du
clergé, l’Assemblée est accusée d’avoir montré une tendance à
provoquer directement les sentiments connus d’une grande majorité de
ses électeurs.
Dans un ouvrage très élaboré qui fut publié à Toronto durant mon
séjour au Canada on a essayé de diviser les partis sous six bannières.
(...) Mais il est clair, selon les dires de tous les partis, que le
gouvernement nominal, c’est-à-dire la majorité du Conseil exécutif, ne
commande la confiance d’aucun parti important ; et que le parti appelé
« family compact », qui possède la majorité dans les deux Chambres de
la législature, ne reçoit maintenant l’appui d’à peu près personne dans
chaque parti. Personne n’est plus hostile à ce parti que la grande et
valeureuse population née britannique. (...) Elle voit avec indignation
qu’un monopole de pouvoir et de profit est encore aux mains d’un petit
groupe d’hommes qui semblent tendre à exclure toute participation des
émigrés britanniques. Ayant coopéré ardemment avec le parti qui
dominait pour combattre la trahison et pour repousser l’invasion
étrangère, cette population britannique néanmoins les déteste ; et bien
que des émigrés britanniques de marque aient toujours agi et agissent
encore invariablement en opposition aux réformateurs et ne partagent
pas leurs idées sur le gouvernement responsable, ils désirent vraiment,
j’incline à le penser, un gouvernement responsable suffisant pour
détruire le monopole actuel du pouvoir et de l’influence.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 154
Outre les motifs de plaintes qui sont communs à toute la colonie, les
colons venant des Iles britanniques en ont plusieurs qui leur sont
propres. Les émigrés qui se sont établis dans le pays depuis les dix
dernières années représentent vraisemblablement la moitié de la
population. Ils se plaignent de ce que les Canadiens, tout en désirant
l’introduction du capital et du travail britannique dans la colonie grâce
auxquels leurs champs sont cultivés et la valeur de leurs possessions
incultes accrue, refusent de rendre la colonie vraiment intéressante à la
main-d’oeuvre et aux capitalistes britanniques.
admise au barreau anglais est forcée de faire un stage de trois ans chez
un avocat de la province.
Par une loi adoptée lors de la dernière session, on a rendu difficile
le placement des capitaux dans les banques ; cette loi tend à conserver
le monopole possédé par les banques à charte de la colonie dans
lesquelles le parti « canadian » domine et dont l’influence, dit-on, est
employée directement comme un instrument pour soutenir la
suprématie politique du parti.
législation n’a fait que séparer davantage les deux classes au lieu
d’effacer les distinctions antérieures. La loi qui empêche les avocats
anglais de pratiquer est récente. (...) Et plusieurs personnes qui
pourraient émigrer demeurent en Angleterre, ou encore s’en vont dans
une colonie où de pareilles restrictions ne leur nuisent pas. (...)
a. Historique de la question
pour résultat, c’est à craindre, non pas d’aider une secte favorisée, mais
de risquer la perte de la colonie, et en justifiant les prétentions
exclusives de l’Église d’Angleterre, de risquer de perdre une des plus
belles possessions de la Couronne britannique.
[74]
Je dois dire, en effet, qu’une unanimité règne à propos des
établissements ecclésiastiques dans la partie septentrionale du continent
d’Amérique et qu’il serait prudent de ne pas l’oublier dans le règlement
de cette question. (...)
L’Église que l’on propose de faire rétribuer par l’État, à l’exclusion
des autres, est l’Église des citoyens riches. Elle peut le mieux subvenir
à ses besoins et possède le moins de pauvres à qui elle doit donner
gratuitement l’instruction religieuse. (...)
Il existe une objection plus forte contre la création d’une Église
établie au pays. Non seulement les membres de l’Église d’Angleterre
ne sont-ils actuellement qu’une faible minorité, mais la disproportion
devrait augmenter au lieu de diminuer pour autant que la majorité des
émigrés n’appartiennent pas à cette Église. (...)
tories ont réussi à gagner plus d’un siège par la violence des bandes
organisées de cette société. Ce n’est pas durant la dernière élection
seulement qu’on lui attribue le succès du candidat du gouvernement.
Aux élections précédentes, dans le comté de Leeds en particulier, on
assure que les réélections du député-grand-maître et du procureur
général d’alors, son collègue, sont dues à un rassemblement séditieux
d’orangistes qui empêchèrent les votants adversaires de participer au
scrutin. (...)
Dans mon rapport sur le Bas-Canada, j’ai déjà fait allusion aux
difficultés et aux querelles engendrées par les relations financières entre
les deux provinces. Toutefois, la situation qui a causé ces querelles est
d’un préjudice beaucoup plus considérable au Haut-Canada.
La province conçut il y a quelques années le très noble projet
d’enlever ou d’éviter tous les obstacles naturels à la navigation du
Saint-Laurent. Le plan était d’exécuter ces travaux sur une échelle
proportionnée à la largeur et à la profondeur du fleuve, de façon à ce
que les vaisseaux océaniques pussent naviguer sur tout son cours
jusqu’au lac Huron. Le plan était peut-être trop vaste, du moins pour le
premier effort d’un pays si petit et si pauvre. Mais la hardiesse avec
laquelle le peuple entreprit les travaux et les immenses sacrifices que
demanda leur achèvement sont des preuves de l’esprit d’entreprise qui
devrait faire du Haut-Canada un pays aussi prospère que n’importe quel
État de l’Union américaine. À cette fin, la Chambre d’Assemblée acquit
une grande partie des actions du canal Welland commencé par des
particuliers entreprenants. On entreprit alors le grand canal Cornwall,
afin de permettre aux vaisseaux à fort tirant d’eau d’éviter les rapides
du Long-Sault. Les travaux furent presque complétés, mais avec des
frais immenses.
On dit qu’il y eut beaucoup de mauvaise administration et peut-être
beaucoup de « tripotage » dans le maniement des fonds et dans
l’exécution des travaux. Mais la plus grande erreur fut d’entreprendre
les travaux dans le Haut-Canada sans s’assurer de leur continuation
dans le Bas. Car l’ensemble des travaux du Haut-Canada, une fois
achevé, aurait été relativement, sinon tout à fait inutile, sans l’exécution
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 164
IV. CONCLUSION
[81]
Le Rapport Durham
Chapitre III
Les difficultés particulières
des provinces de l’Est
et de Terre-Neuve
J’ai dit ailleurs que mes recherches auraient été très incomplètes si
elles s’étaient bornées aux deux Canadas ; à plus forte raison les
renseignements que je peux donner sur les autres colonies de
l’Amérique du Nord sont nécessairement très restreints. Comme il n’y
a pas dans ces provinces, à l’exception de Terre-Neuve, de sujets de
mécontentements de nature à menacer la tranquillité publique, je n’ai
pas vu la nécessité d’y instituer des enquêtes minutieuses sur les
particularités des divers services gouvernementaux. Il me suffit de vous
faire part de mon impression sur le travail général du gouvernement de
ces colonies de sorte que, s’il advenait que des institutions similaires à
celle des provinces en révolte occasionnassent ici des résultats
semblables, on pourrait appliquer un remède identique.
À ce sujet, j’ai pu obtenir nombre de renseignements utiles grâce
aux relations que j’ai établies avec les lieutenants-gouverneurs de ces
colonies, ainsi qu’avec les particuliers qui leur étaient liés, mais par-
dessus tout à la suite d’entretiens prolongés et fréquents avec les
députations qui me furent envoyées, l’automne dernier, de chacune des
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 168
trois provinces de l’Est pour étudier les principes et les détails d’un
projet de gouvernement unique pour toutes les colonies de l’Amérique
britannique du Nord. Il est malheureux que des événements d’une
importance provisoire, mais pressants, m’aient obligé à m’embarquer
pour l’Angleterre. (...)
[82]
sont pas seulement les citoyens d’une nation étrangère qui agissent
ainsi, mais encore ces derniers le font avec des capitaux britanniques.
Le major Head rapporte qu’un marchand américain lui avoua que le
capital, avec lequel ses compatriotes poursuivaient leurs entreprises
dans les environs de Saint-Jean, venait surtout de la Grande-Bretagne.
Et il ajoute, comme il le sait personnellement, que les riches financiers
d’Halifax, désireux de placer leur argent, préféraient le prêter aux États-
Unis plutôt que de spéculer au Nouveau-Brunswick ou de le prêter à
leurs propres compatriotes de la province.
Je regrette de le dire : le major Head note encore une différence entre
les provinces et l’État limitrophe du Maine. De l’autre côté de la
frontière, de bons chemins, de bonnes écoles et des fermes florissantes
présentent un contraste accablant avec la condition lamentable dans
laquelle un sujet britannique trouve les possessions voisines de la
Couronne.
[86]
Le Rapport Durham
Chapitre IV
Les effets d’un mauvais système
de concession des terres
Ils ne peuvent choisir les sols les plus fertiles et les lieux les plus
favorables. On les prive de cultiver cette étendue de sol considérable
proportionnellement au nombre de travailleurs disponibles. Ce serait
pourtant le seul moyen de compenser, par la quantité des produits, la
rude nature de l’industrie agricole en pays inculte.
[87]
Si, d’autre part, on accorde la terre avec une profusion négligente, il
en résulte des maux profonds d’une autre nature. De vastes espaces
deviennent la propriété d’individus qui laissent leurs terres inhabitées
et incultes. Des régions inhabitées coupent les uns des autres les colons
industrieux ; les difficultés naturelles de communication sont
grandement accrues ; les habitants ne sont pas seulement disséminés
sur une vaste étendue de pays, mais ils sont séparés les uns des autres
par d’infranchissables régions incultes. Le cultivateur est coupé ou est
très éloigné du marché où il pourrait disposer de l’excédent de ses
produits et se procurer d’autres articles. Les plus grands obstacles se
posent aussi alors à l’entraide dans le travail, aux échanges, à la division
du travail, à l’union pour des fins municipales ou autres de caractère
public, à la croissance de villes, au culte public, à l’instruction régulière,
à la diffusion des nouvelles, à l’acquisition des connaissances usuelles
et même à l’influence civilisatrice des simples réunions de plaisir.
En vérité, la condition des gens condamnés à vivre continuellement
séparés les uns des autres est monotone et stagnante. (...) Si
l’acquisition des terres, en quelque quantité que ce soit, est difficile,
incommode, ou prête à des incertitudes et délais inutiles, les requérants
s’irritent, l’établissement du pays est gêné, l’immigration dans la
colonie est découragée et l’émigration favorisée. (...) Il serait facile de
citer de nombreux exemples de l’influence du gouvernement en la
matière. Je n’en mentionnerai qu’un ici. Si la concession des terres
publiques est administrée d’une façon partiale, en faveur de certaines
personnes ou classes particulières, le résultat certain d’une telle
politique sera le courroux de tous ceux qui ne bénéficient pas de ce
favoritisme, (c’est le plus grand nombre, bien entendu) et par voie de
conséquence l’impopularité générale du gouvernement. (...)
Par suite de dispositions contraires, on obtiendra les meilleurs effets
au lieu des pires. (...) Quel contraste offrent les deux tableaux ! Ni l’un
ni l’autre ne sont forcés en couleurs ! Un simple coup d’œil jeté sur l’un
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 175
l’autre côté, les terres changent continuellement de mains. (...) Des gens
qui ne connaissent pas la nature du pays de frontière pourraient
supposer que le sol est d’une fertilité bien supérieure du [92] côté
américain. On m’a assuré que ce n’est nullement le cas. Au contraire,
le territoire britannique serait doué d’une fertilité naturelle supérieure.
(...)
3. Le phénomène de réémigration
au profit des États-Unis
J’ai déjà fait remarquer que presque toutes les différentes méthodes
suivies par le gouvernement avaient eu une mauvaise tendance en
particulier, celle de contribuer à placer une vaste étendue de terre hors
de l’autorité du gouvernement et à les laisser cependant dans un état
inculte. Ce mal sévit également dans toutes les colonies. A quel degré
et avec quelles conséquences néfastes ? Nous le démontrerons grâce
aux explications suivantes.
D’après les relevés officiels qui accompagnent ce Rapport, il appert
que sur environ 17,000,000 d’acres comprises dans les districts
arpentés du Haut-Canada, moins de 1,600,000 ne sont pas encore
concédées. Le chiffre des terres non concédées englobe 450,000 acres
de réserve pour les chemins, laissant moins de 1,200,000 acres
susceptibles d’être concédées. Parmi celles-ci, 500,000 [93] acres sont
nécessaires pour satisfaire aux réclamations d’octrois fondés sur des
promesses du gouvernement. De l’avis de M. Radenhurst, qui est de fait
l’arpenteur général, les 700,000 acres qui restent consistent, pour la plus
grande partie, en terres de moins bonne qualité ou mal situées. On peut
donc presque dire, par conséquent, que la totalité des terres publiques
du Haut-Canada a été aliénée par le gouvernement. Dans le Bas-
Canada, sur 6,169,963 acres dans les « townships » arpentés, environ
4,000,000 d’acres ont été concédées ou vendues ; et il y a des
réclamations non satisfaites, mais indiscutables d’octrois pour environ
500,000 acres. En Nouvelle-Ecosse, on a concédé environ 6,000,000
d’acres. De l’avis de l’arpenteur général, seulement environ un
huitième des terres qui restent à la Couronne, ou 300,000 acres, est
disponible pour fin de colonisation. La totalité de l’Ile du Prince-
Edouard, soit environ 1,400,000 acres, fut aliénée en un seul jour. Au
Nouveau-Brunswick, on a concédé ou vendu 4,400,000 acres, laissant
à la Couronne environ 11,000,000 dont 5,500,000 acres sont
considérées comme propres à un établissement immédiat.
Des terres octroyées dans le Haut et le Bas-Canada, plus de
3,000,000 d’acres consistent en « réserves du clergé », pour la plupart
des lots de 200 acres chacun, répartis à des intervalles réguliers sur toute
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 182
Mais ce serait une grande erreur de supposer que ceci est la seule
pratique par laquelle un tel dommage a été et est encore infligé aux
véritables colons. Dans les deux Canadas surtout, la coutume de
récompenser ou de tenter de récompenser les gens pour services rendus
à l’État par des octrois de terres publiques a produit et produit encore
pour les véritables colons de tels dommages [94] qu’il est difficile de
les imaginer sans en avoir été témoin. Le principe même de ces
concessions est mauvais, vu que, dans n’importe quelles circonstances,
il entraîne inévitablement une somme d’appropriations bien au-delà des
besoins de la société et très au-delà des moyens du propriétaire de
cultiver et de s’établir. Dans les deux Canadas, non seulement ce
principe a été suivi avec une profusion téméraire, mais les
gouvernements exécutifs locaux ont procédé, en violant ou en éludant
les instructions qu’ils recevaient du Secrétaire d’État, de manière à
ajouter, d’une façon incalculable, aux inconvénients qui de toutes
manières en auraient résulté.
Dans le Haut-Canada, on a concédé 3,200,000 acres aux réfugiés
loyalistes et à leurs enfants venus des États-Unis pour s’établir dans la
province avant 1787 : 730,000 acres aux miliciens, 450,000 acres à des
soldats et matelots licenciés, 255,000 acres à des magistrats et à des
avocats, 136,000 acres à des conseillers exécutifs et à leurs familles,
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 183
occupées par les personnes qui les avaient reçues, et dans la généralité
des cas, elles n’ont pas été occupées du tout. (...)
6. Le « patronage »
peut acquérir une grande valeur dans l’avenir par suite des besoins
grandissants des insulaires. (...)
[98]
V. CONCLUSION
[99]
Le Rapport Durham
Chapitre V
Le grave problème
de l’émigration
I. L’IMPORTANCE DU MOUVEMENT
D’IMMIGRATION AU CANADA AU COURS
DES DIX DERNIÈRES ANNÉES
Il y a environ neuf ans, des mesures ont été prises pour la première
fois pour s’assurer du nombre d’immigrants arrivant à Québec par mer.
Leur nombre, durant ces neuf années, a été de 263,089 ; dans une seule
année (1832), il y en a eu autant que 51,746. L’année précédente, le
nombre fut de 50,254 ; en 1833, 21,752 ; en 1834, 30,935 ; en 1835,
12,527 ; en 1836, 27,728 ; en 1837, 22,500 ; et en 1838, seulement
4,992. Je crois que la grande diminution de 1838 fut causée uniquement
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 189
par les vagues craintes entretenues en Angleterre sur les dangers que
présentait l’état anarchique des colonies.
Je suis vraiment surpris, cependant, que l’émigration des classes
pauvres aux Canadas n’ait pas entièrement cessé depuis quelques
années. Il ne peut, je pense, exister aucun doute sérieux : cela se serait
produit, si les faits que je vais rapporter avaient été généralement
connus dans le Royaume-Uni.
[100]
[102]
En vérité, on pourrait dire que rien n’a été fait dans ce sens. On verra
dans le maigre témoignage de l’agent des émigrants à Québec que ce
dernier occupe un emploi à peu près inutile. Je ne jette pas le blâme sur
lui ; je veux dire simplement qu’il ne possède aucun pouvoir et n’a
presque pas de devoirs à remplir. Presque tout ce qui se fait dans
l’intérêt des émigrants pauvres, après leur passage au lazarret, l’est par
l’intermédiaire des Sociétés des émigrants de Québec et de Montréal.
Ce sont des associations de bienfaisance dont je dois parler dans les
termes les plus élogieux. (...)
Dans le rapport sur l’émigration auquel j’ai déjà fait allusion, on
recommande le principe de remettre en partie la conduite de
l’émigration de préférence aux mains des « sociétés de bienfaisances »,
plutôt qu’à un service ordinaire du gouvernement. Je me crois tenu
d’exprimer mon désaccord complet avec cette idée. Je ne peux pas
imaginer qu’il existe un devoir plus propre au gouvernement que celui
de prévenir une mauvaise sélection des émigrants et d’assurer aux
pauvres gens disposés à émigrer toutes les facilités et l’assistance
possibles, à compter du jour où ils se décident à quitter leur pays jusqu’à
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 193
après leur arrivée, ils étaient dans le dénuement complet. Sur tout le
groupe qui vint dans la colonie, il n’y en eut probablement pas un sur
trois qui essaya de s’établir lui-même sur ses terres, et pas un sur six
n’y demeure établi actuellement. Le reste erra dans les environs des
villes principales s’efforçant d’arracher sa subsistance par la mendicité
et par le travail occasionnel. (...)
V. CONCLUSION :
CONDAMNATION DU SYSTÈME ACTUEL
D’ÉMIGRATION BRITANNIQUE
[105]
Le Rapport Durham
CONCLUSION
I. LA SYNTHÈSE
DES PRINCIPALES DONNÉES
langue, vivent-ils sous des lois d’une même origine et conservent-ils les
mêmes coutumes et usages, mais il y a une vraie alternance, si je puis
m’exprimer ainsi, entre les populations des [110] deux pays. Tandis que
de grandes étendues du territoire britannique sont peuplées de citoyens
américains, qui entretiennent encore des relations constantes avec leurs
parents et amis, les États avoisinants sont remplis d’émigrés de la
Grande-Bretagne dont certains ont quitté le Canada après
d’incalculables efforts pour retirer un profit suffisant de leurs capitaux
et de leur travail. Un grand nombre d’entre eux se sont établis aux États-
Unis, tandis que d’autres membres de leurs familles et des compagnons
de jeunesse se sont fixés de l’autre côté de la frontière. (...) Les relations
entre ces deux sections de ce qui est en fait une population identique
sont constantes et générales. (...) Les occupations quotidiennes de
chaque homme le mettent en contact avec ses voisins d’outre-frontière.
La production d’un pays supplée aux besoins de l’autre. La population
de chacun dépend jusqu’à un certain point du commerce et des
demandes de l’autre. De pareils besoins communs engendrent un intérêt
dans la politique de chaque pays parmi les citoyens de l’autre. En
certains endroits, les journaux circulent presque de façon égale des deux
côtés de la frontière. Et les gens découvrent que leur prospérité dépend
autant de la situation politique de leurs voisins que de celle de leurs
propres compatriotes. (...)
C. Conséquences de la rébellion
sur les relations canado-américaines
A. Dans le Bas-Canada
B. Dans le Haut-Canada
Tels sont les effets lamentables des maux politiques et sociaux qui
ont si longtemps bouleversé les Canadas ; et leur condition est telle qu’à
l’heure actuelle il nous faut prendre des précautions immédiates contre
des éventualités aussi graves que l’insurrection, l’invasion étrangère,
l’épuisement total et le dépeuplement. Lorsque je considère les causes
diverses et profondes du mal dont la dernière enquête a révélé
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 206
[114]
C. La création constitutionnelle
d’institutions municipales
A. Le remède social :
la lente assimilation des canadiens français
[119]
On peut dire que c’est une mesure sévère pour un peuple conquis ;
que les Français au début composaient la population entière du Bas-
Canada et qu’ils en constituent encore la masse ; que les Anglais sont
de nouveaux venus, n’ayant aucun droit de réclamer la disparition de la
nationalité d’un peuple au milieu duquel les ont attirés leurs aptitudes
commerciales. On peut dire encore que si les Français ne sont pas une
race aussi civilisée, aussi énergique, aussi apte à s’enrichir que celle qui
les environne, ils sont par ailleurs un peuple aimable, vertueux et
satisfait, possédant tout l’essentiel du confort matériel. On peut ajouter
qu’on ne doit pas les mépriser ou les maltraiter, parce qu’ils cherchent
à jouir de ce qu’ils ont sans partager l’esprit de lucre qui anime leurs
voisins. Après tout, leur nationalité est un héritage. On ne doit pas les
punir trop sévèrement parce qu’ils ont rêvé de maintenir sur les rives
lointaines du Saint-Laurent et de transmettre à leur postérité la langue,
les usages et les institutions de cette grande nation qui pendant deux
siècles donna le ton de la pensée au continent européen. Si les querelles
des deux races sont irréconciliables, on peut rétorquer que la justice
exige la soumission de la minorité à la suprématie des anciens et plus
nombreux occupants de la province, et non que la minorité prétende
forcer la majorité à prendre ses institutions et ses coutumes.
Mais avant de décider laquelle des deux nations doit maintenant être
placée en état de suprématie, il n’est que prudent de chercher laquelle
des deux finira par prédominer à la fin ; car il n’est pas sage d’affermir
aujourd’hui ce qui demain, après une dure lutte, doit être renversé. Les
prétentions des Canadiens français, à la possession exclusive du Bas-
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 214
grand nombre d’entre eux, par suite de la violence de leurs rivaux, aient
à subir l’anéantissement d’une nationalité que sa survivance prolongée
aura renforcée et aigrie.
• Assurer le bien-être
des Canadiens français eux-mêmes
1. Au profit de l’élite
La plupart des plans qui ont été proposés pour le gouvernement futur
du Bas-Canada suggèrent, soit comme mesure permanente, soit comme
mesure temporaire et transitoire, que le gouvernement de cette province
soit constitué sur une base tout à fait despotique ou sur une base qui le
mettrait entièrement entre les mains de la minorité britannique. On
propose de placer l’autorité législative entre les mains d’un Gouverneur
entouré d’un conseil composé des chefs du parti britannique ou bien
d’imaginer encore quelque système de représentation permettant, tout
en maintenant les formes représentatives, de priver la majorité de toute
voix dans la régie de ses propres affaires.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 221
On ne fit alors aucun changement dans les lois. (...) Le code, qui est
[128] à la gloire de la Louisiane et de M. Levingston, fut plus tard rédigé
sous les auspices de la législature par suite de la confusion qui s’élevait
quotidiennement dans l’administration à cause de l’emploi des
systèmes de lois anglaises et françaises dans les mêmes cours. (...)
Les populations en lutte dans le Bas-Canada pourraient bien imiter
ces exemples. Si (...) elles tentaient une fusion des deux systèmes en un
seul, en adoptant dans chacun ce qui réellement est le meilleur, le
résultat ferait honneur à la province.
On peut s’imaginer que les Français n’ont pas supporté cela avec
plaisir. Mais comme l’avance des Anglais était entièrement due, non à
la faveur, mais à leur supériorité dans une concurrence parfaitement
libre, cette jalousie ne pouvait pas provoquer de murmures contre le
gouvernement.
La concurrence rendit d’abord les deux races ennemies, puis elle a
peu à peu stimulé l’émulation de la race la moins active, et en a fait
deux rivales. Il fut un temps où la jalousie à la Nouvelle-Orléans était
si forte que l’Assemblée de l’État, selon le désir des Anglais qui se
plaignaient de l’inertie des Français, constitua des municipalités
séparées pour les quartiers français et anglais de la ville. Ces deux
municipalités sont maintenant animées d’un esprit d’émulation :
chacune entreprend de grands travaux publics pour l’embellissement et
la commodité de son quartier.
La distinction dure encore et cause encore beaucoup de divisions.
On dit que la société de chaque race est distincte jusqu’à un certain
point, mais n’est pas le moins du monde hostile à l’autre et certains
rapports prétendent que le mélange social est très avancé. Tous les
rapports montrent que la division des races est de moins en moins forte.
Leurs journaux sont imprimés dans les deux langues sur des pages
opposées. Leur politique locale se confond entièrement avec celle de
l’Union et, au lieu de découvrir dans leurs journaux quelques vestiges
des querelles raciales, on s’aperçoit qu’ils ne contiennent qu’une
répétition des mêmes récriminations et arguments de parti qui abondent
dans toutes les autres parties de la Fédération.
[130]
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 226
• Conclusion
[132]
Je ne doute guère que les Français, une fois placés en minorité, par
suite du cours naturel et légitime des événements et par le
fonctionnement de causes naturelles, abandonneraient leurs vaines
espérances de nationalité. Je ne veux pas dire qu’ils perdraient sur-le-
champ leur animosité actuelle ou qu’ils renonceraient tout de suite à
l’espoir d’atteindre leurs fins par des moyens violents, mais
l’expérience des deux unions des Iles britanniques peut nous enseigner,
avec quelle efficacité, le bras puissant d’une législature populaire peut
forcer l’obéissance d’une population opiniâtre. La perte irrémédiable
de tout espoir de succès atténuerait peu à peu les haines actuelles et
porterait graduellement les Canadiens français à accepter leur nouveau
statut politique. Je n’aimerais certes pas les soumettre à la domination
de cette même minorité anglaise [134] contre laquelle ils ont si
longtemps combattu. Mais je ne crois pas qu’ils puissent redouter une
oppression ou une injustice quelconque de la part d’une majorité qui
émanerait d’une source beaucoup plus étendue. En ce cas, la plus
grande partie de la majorité, n’ayant jamais eu de conflit avec eux, ne
les regarderait pas avec une animosité qui pourrait pervertir son sens
naturel de la justice. (...)
Mais tandis que je me persuade que des fins aussi désirables seraient
obtenues grâce à l’union législative des deux provinces, je suis porté à
aller plus loin et à me demander si on ne réussirait pas mieux encore à
atteindre tous ces objectifs en étendant cette union législative à toutes
les provinces britanniques de l’Amérique du Nord. Je me demande
aussi si les avantages que je prévois pour deux d’entre elles ne
pourraient pas et ne devraient pas en justice s’étendre à toutes.
I. ARGUMENTS EN FAVEUR
Mais les intérêts qui sont déjà communs à toutes ces provinces sont
minimes en comparaison de ceux que les conséquences d’une pareille
union pourraient et devraient certainement faire naître. Les grandes
découvertes de la technique moderne, qui à travers le monde et nulle
part ailleurs plus qu’en Amérique, ont transformé de fond en comble
les modes et les voies de communication entre les pays éloignés,
mettront toutes les colonies nord-américaines en relations rapides et
constantes les unes avec les autres. Le succès de la grande expérience
de la navigation à vapeur dans la traversée de l’Atlantique ouvre la
perspective d’une communication rapide avec l’Europe, ce qui
affectera sensiblement la condition future de toutes les provinces.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 239
[140]
gel rigoureux du continent ne nuisent que bien peu et n’arrêtent pas les
voyages en chemin de fer. Si mes renseignements sont exacts, le chemin
d’Utica, dans le nord de l’État de New-York, fonctionne tout l’hiver. Si
cette opinion est fondée, un chemin de fer entre Halifax et Québec
modifierait totalement quelques-uns des traits les plus caractéristiques
des Canadas. [141] Au lieu d’être fermés à tout contact direct avec
l’Angleterre durant une moitié de l’année, ils continueraient à profiter
de communications beaucoup plus sûres et rapides en hiver qu’ils n’en
ont actuellement durant l’été.
« Je suis opposé à tous les plans qui ont été proposés de donner un nombre égal
de députés aux deux provinces dans le but d’atteindre l’objectif temporaire de
surpasser en nombre les Français, parce qu’à mon avis il est possible d’atteindre le
même résultat sans violer aucunement les principes de la représentation et sans
aucune apparence d’injustice qui pourrait soulever fortement l’opinion publique en
Angleterre et en Amérique contre le projet et parce que, lorsque l’émigration aura
augmenté la population anglaise de la province supérieure, l’adoption d’un tel
principe fonctionnerait de façon à détruire le but qu’il est censé viser. Il me semble
que tout arrangement électoral de ce genre, fondé sur les divisions provinciales
actuelles tendrait à faire manquer les buts de l’union et à perpétuer l’idée de
désunion ».
(Durham)
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 246
[145]
électifs, subordonnés à la législature générale, mais exerçant une entière
autorité sur les affaires régionales qui ne sont pas du ressort d’une
législation générale. Le plan ainsi conçu devrait devenir une loi du
parlement impérial de manière à empêcher la législature générale
d’empiéter sur les pouvoirs des corps municipaux.
Les autres institutions et les lois des deux colonies ne devraient pas
être modifiées jusqu’à ce que la législature de l’union trouve à propos
de le faire. La sécurité des dotations existantes de l’Église catholique
dans le Bas-Canada devrait être garantie par la loi.
Le plan que j’ai dressé pour la régie des terres publiques étant
destiné à promouvoir l’avantage commun des colonies et de la mère-
patrie, je propose donc que son entière administration soit confiée à
l’autorité impériale. On trouvera au long, dans le rapport séparé sur les
terres et sur l’émigration, les raisons décisives qui m’ont incité à
recommander cette mesure.
Tous les revenus de la Couronne, sauf ceux qui découlent des terres
et de l’émigration, devraient être immédiatement confiés à la législature
de l’union, en retour d’une liste civile suffisante.
Lord Durham, Le Rapport Durham. (1839) [1969] 249
C. Le remède démographique :
l’immigration anglaise
Je ne me flatte pas que l’on puisse faire tant de bien sans efforts ;
mais pour cette suggestion comme pour les autres, j’ai supposé que le
gouvernement impérial et le parlement allaient apprécier la crise
actuelle de ces colonies et ne reculeraient pas devant aucun effort pour
les conserver à l’Empire.
Grâce à l’adoption des diverses mesures que je recommande dans ce
Rapport, j’ose espérer que les désordres de ces colonies pourront être
arrêtés, que le bien-être futur des colonies sera assuré et que leur lien
avec l’Empire britannique pourra être maintenu. Comme de raison, je
ne puis parler avec une entière confiance du résultat certain de mes
suggestions, parce qu’il me semble presque utopique d’espérer que des
maux si anciens et si étendus puissent être supprimés par l’application
tardive du remède, même le plus énergique, et parce que je sais que le
succès dépend autant de la vigueur et de la prudence toujours égales de
ceux qui auront à appliquer ce remède que du bien-fondé de la
suggestion. Il faudra une grande fermeté pour guérir les maux profonds
du Bas-Canada. Les désordres du Haut-Canada me paraissent parvenir
entièrement de simples lacunes dans le système constitutionnel. Ils
disparaîtront, je crois, si l’on adopte un plan d’administration
gouvernementale plus sain et plus logique.
[149]
4. Responsabilité de la Grande-Bretagne
envers ses colonies
ultime et immédiat à tous les maux dont les sujets américains de votre
Majesté se plaignent si fort, et dont j’ai donné tant de preuves.
7. Hommage de Durham
[152]
Le Rapport Durham
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE
[153]
Le Rapport Durham
Fin du texte