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UNIVERSITE DE REIMS

FACULTE DE MEDECINE

ANNEE 2012 N°

THESE

DE

DOCTORAT EN MEDECINE
(Diplôme d’Etat)

PAR

M. SAADA Michaël
Né le 1er mars 1982 à Marseille

Présentée et soutenue publiquement le 18 octobre 2012

PLEINE CONSCIENCE ET CONSCIENCE DE SOI :


ARGUMENTATION NEURO-SCIENTIFIQUE ET
PHILOSOPHIQUE
Revue de la littérature

PRESIDENT : Mr le Professeur Arthur KALADJIAN

  1  
SAADA Michaël
Pleine conscience et conscience de soi: argumentation neuroscientifique et
philosophique: revue de la littérature.
Thèse d’exercice mention “Médecine spé”. Reims, 2012.

RESUME

La méditation connaît une exposition médiatique majeure dans nos sociétés occidentales.
La méditation de pleine conscience désigne une façon d’être en relation à l’instant présent, à
notre propre esprit et à notre propre expérience. Plusieurs voies permettent à l’homme de
poursuivre sa perpétuelle quête de soi. La méditation, par sa pertinence technique, comme
outil d’accès à l’intériorité, en est une. Elle correspond au regard que l’on porte sur son
monde intérieur dans le but d’accéder à la connaissance de soi. Du bouddhisme aux
neurosciences cognitives, de Heidegger et Ricœur au post-rationnalisme, la pleine
conscience peut représenter une méthode de connaissance ou d’accès au soi.

MOTS CLES

Conscience, méditation, soi, bouddhisme, phénoménologie, herméneutique, psychiatrie

JURY

Président : Professeur Arthur KALADJIAN

Assesseurs : Docteur Guido BONDOLFI

Professeur Gérard SCHMITT

Professeur

Docteur Jean-Michel HAVET

ADRESSE AUTEUR

4 Rue des Poissonniers, 51100 REIMS.

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I. INTRODUCTION

II. QU’EST-CE QUE LA PLEINE CONSCIENCE?

II.1. DÉFINITIONS

II.1.1. Historique et définitions traditionnelles

II.1.2. Définitions contemporaines

II.1.3. Ce que la méditation n’est pas

II.2. ÉCHELLES DE MESURE DE LA PLEINE CONSCIENCE

II.3. CHAMPS D’APPLICATION ET EFFICACITÉ

III.3.1. Mindfulness Based Stress Reduction (M.B.S.R.)

III.3.2. Mindfulness Based Cognitive Therapy (M.B.C.T)

III.3.3. Efficacité

III. COMMENT FONCTIONNE LA PLEINE CONSCIENCE ?

III.1. RÉGULATION DE L’ATTENTION

III.1.1. Introduction

III.1.2. Attention et méditation : constatations cliniques

III.1.3. Attention et méditation : constatations neuroscientifiques

III.2. CONSCIENCE DU CORPS

III.2.1. Introduction

III.2.2. Conscience du corps et méditation : constatations cliniques

III.2.3. Conscience du corps et méditation : constatations neuroscientifiques

III.3. RÉGULATION DES ÉMOTIONS

III.3.1. Introduction

III.3.2. Régulation des émotions et méditation : constatations cliniques

  3  
III.3.3. Régulation des émotions et méditation : constatations
neuroscientifiques

III.4. CHANGEMENT DE PERSPECTIVE DU SOI

III.4.1. Introduction

III.4.2. Perspective du Soi et méditation : constatations cliniques

III.4.3. Perspective du Soi et méditation : constatations neuroscientifiques

IV. LA PLEINE CONSCIENCE COMME VOIE D’ACCÈS AU SOI : UN OUTIL


PLURIDISCIPLINAIRE

IV.1. PRIÈRES, MYSTIQUES, BOUDDHISME

IV.1.1. Bouddhisme

IV.1.2. La tradition mystique

IV.1.3. Prière du cœur

IV.2. PHÉNOMÉNOLOGIE

IV.2.1. Introduction et généralités

IV.2.2. Méthode et point de vue

IV.2.3. Heidegger et la pensée bouddhique

IV.3. NEUROSCIENCES COGNITIVES

IV.4. PLEINE CONSCIENCE ET SANTÉ MENTALE

IV.4.1. Phénoménologie psychiatrique

IV.4.2. Psychanalyse

IV.4.3. Voie d’accès à l’ipséité

a) Ipséité

b) Post-rationnalisme et voie d’accès à l’ipséité

  4  
V. DISCUSSION

VI. CONCLUSION

VII. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  5  
À NOTRE MAITRE ET PRÉSIDENT DE THÈSE

Monsieur le Professeur Arthur KALADJIAN

Professeur de psychiatrie

Vous nous avez fait l’honneur d’accepter la présidence de notre thèse.


Durant les trois semestres passés dans votre service nous avons pu apprécier
l’enseignement et les connaissances qui y sont dispensés.
Votre bienveillance nous aura éclairé durant ces mois passés à vos côtés.
Nous tenons à vous exprimer nos sincères remerciements et l’expression de notre plus
profond respect.

  6  
À NOTRE MAITRE ET JUGE

Monsieur le Professeur Gérard SCHMITT

Professeur de psychiatrie

Nous sommes honorés que vous acceptiez de juger ce travail.


Bien que n’ayant pas travaillé dans votre service, nous avons bénéficié durant notre
cursus de votre enseignement et nous vous en remercions.
C’est avec beaucoup de plaisir et de respect que nous vous soumettons ce travail.

  7  
À NOTRE MAITRE ET JUGE

Monsieur le Docteur Jean Michel HAVET

Docteur en psychiatrie

Vous nous avez accueilli dès les premières heures de notre internat et nous avons
bénéficié de votre enseignement chaque semaine.
Votre sens critique, votre bienveillance et votre savoir nous auront été précieux durant
notre parcours et nous vous en remercions infiniment.
C’est avec le plus grand des plaisirs que nous vous soumettons ce travail.

  8  
À NOTRE MAITRE ET DIRECTEUR DE THÈSE

Monsieur le Docteur Guido BONDOLFI

Docteur en psychiatrie

Vous nous avez accueilli avec enthousiasme durant 6 mois au sein du Programme
Dépression des Hôpitaux Universitaires de Genève.
C’est avec la plus grande joie que nous avons pu participer aux activités de votre
service et y suivre les enseignements dispensés.
Nous avons profité durant ce semestre d’une expérience philosophique extrêmement
riche et nous en sommes repartis avec l’envie d’avancer encore et encore sur le
chemin emprunté à vos côtés.
C’est une immense fierté d’avoir pu bénéficier de votre direction tout au long de ce
travail et nous souhaitons que vous y trouviez l’expression de notre profond respect et
de notre reconnaissance.

  9  
À mes maîtres d’internat :
Docteur Mustapha Kadri
Docteur Eric Tran
Docteur Elisabeth Wargny
Et particulièrement au Docteur Fruntes qui nous aura accueilli durant trois semestres et dont
la présence au quotidien est des plus chaleureuses qui soit.

Au Docteur Christophe André,


Depuis ce « hasard » qui a mis entre mains votre livre sur les états d’âmes et ce sujet de thèse
il y a ce fil rouge ; celui de votre gentillesse, de votre disponibilité, et de vos précieux conseils
qui m’ont permis de bénéficier de la meilleure des formations.

Aux équipes soignantes avec lesquelles nous avons eu la chance de travailler tout au long de
notre cursus.
Remerciements particuliers à Sébastien, Tonton François, Maxime, Murielle, Gérard, Amélie,
Nathalie et Nicolas.

À Michelle Hubert dont la bienveillance à l’égard des internes est des plus précieuses.

  10  
À mes parents,
Pour leur amour, leur soutien, leur présence, leurs conseils,…
Merci pour tout en fait.
Et plus encore.

À mes trois frères,


Parce que sans vous rien ne serait pareil, parce que vivre à vos côtés reste possible même à
plusieurs kilomètres.
Parce que la vie est le plus grand des bonheurs en votre présence.

À mes grands parents Odette, Francette, Simon et Émile,


J’emprunterai à Philip Roth la formulation de l’amour que je vous ai toujours porté, et qui je
l’espère aura été à la hauteur du votre : Vous êtes les dépositaires de notre passé familial, les
historiens de notre enfance, de notre adolescence et des années qui ont suivi…

À l’ensemble de ma famille et notamment à: Cyril, ce précieux « grand frère » depuis


toujours ; à mes « autres frères et soeurs » Eyal, Doron, Tali, Lior ; à ma tante Laurence pour
m’avoir offert une deuxième fratrie.

À tous mes amis, cousins, et autres présents depuis tant d’années,


Vous apportez dans ma vie des doses de grands fous rire et d’amitié qui sont inestimables :
Cyril, Antone, Rony, Emmanuel, John, Rémy, Jonathan, Stanley, Gregory, Michaël A.,
Michaël D., Yohann.

À tous ceux que cet internat m’aura permis de compter dorénavant parmi mes plus proches ;
vous aurez marquer ma vie pour toujours :
Jonathan, Fayçal, Thomas, Dimitri, et Cloé.

À la famille Beruben, Wally, Eric, Julien, Benjamin, Cléo, ainsi qu’à Richard et Viviane
Habib,
Vous m’avez accueilli dans votre îlot séfarado-champenois comme un des vôtres,
Votre générosité et votre chaleur m’ont toujours été d’un immense réconfort.

Les remerciements étant limités je pense enfin à tous ceux que je ne peux citer et à qui
j’accorde une place particulière dans mon cœur.

MERCI À TOUS.

  11  
I. INTRODUCTION

« La méditation, c'est transformer la manière dont fonctionne notre esprit, non pas
pour le museler. Les gens confondent la maîtrise de soi et le contrôle de l'esprit (…)
La méditation, c'est l'entraînement de l'esprit (…) La méditation, cela n'a rien
d'oriental : c'est transformer son esprit, c'est-à-dire la façon dont, du matin au soir,
on fait l'expérience du monde. »

Mathieu Ricard1

Remportant progressivement le pari de Mathieu Ricard consistant à la « démystifier » la


méditation n’est plus aujourd’hui enfermée dans les monastères extrêmes orientaux et connaît
une exposition médiatique majeure dans nos sociétés occidentales. De nombreux facteurs sont
certainement à l’origine de cette vague : mondialisation, révolutions culturelles etc.

Il s’agit pour Christophe André de s’arrêter et d’observer, les yeux fermés, ce qui se passe en
soi (sa propre respiration, ses sensations corporelles, le flot incessant des pensées etc.) et
autour de soi (sons, odeurs, etc.). Seulement observer, sans juger, sans attendre quoi que ce
soit, sans rien empêcher d’arriver à son esprit, mais aussi sans s’accrocher à ce qui y passe2.

Au-delà de la simple connaissance, au-delà de la simple ouverture à cette autre culture


bimillénaire, ce qui semble original dans cette (re)découverte c’est l’intérêt que les milieux
occidentaux scientifiques, et avant eux philosophiques, ont porté à ce sujet.

D’ailleurs, depuis plus de dix ans maintenant, les pratiques méditatives ont fait une irruption
marquée dans les champs de la psychologie clinique, de la psychiatrie et des neurosciences3.
C’est en grande partie grâce à des hommes tels que John Kabat-Zinn ou Francisco Varela que
nous devons très certainement cet essor. La fondation au début des années 90 du Mind And
Life Institute reflète cette entente pluridisciplinaire. Issue de la rencontre d’un avocat (R.
Adam Engle), d’un neurobiologiste et philosophe (F. Varela), et du 14ème Dalaï Lama
(Tenzin Gyatso), cet institut se définit comme une organisation qui s’attache à comprendre
l’esprit humain et les avantages des pratiques contemplatives au travers de méthodes
intégratives. Le but ultime étant de soulager l’homme de ses souffrances et le faire progresser
sur le chemin de son bien-être4.

  12  
Il est par ailleurs vraisemblable que l’accélération croissante des rythmes de vie dans les pays
développés soit, du moins en partie, liée à cette quête d’introspection, de calme, de lenteur et
de continuité, qualités qui sont attribuées aux pratiques méditatives5.

La méditation de pleine conscience, que nous définirons en détails au cours de cette rédaction,
désigne une façon d’être en relation à l’instant présent, à notre propre esprit et à notre propre
expérience selon les termes de Kabat-Zinn. Il considère cette pratique au cœur du bouddhisme
depuis plus de 2000 ans comme une aide à simplement être soi-même et à mieux se connaître6.

Plusieurs voies permettent d’ailleurs à l’homme de poursuivre sa perpétuelle quête de soi. La


méditation, comme possible outil d’accès à l’intériorité, en est une. Elle correspond au regard
que l’on porte sur son monde intérieur dans le but d’accéder à la connaissance de soi7.

La pleine conscience peut ainsi en partie se comprendre comme un mouvement de l’intérieur


vers l’extérieur, même si finalement il s’agira d’un ensemble homogène, éveillé et conscient
comme nous le verrons plus loin8.

Il nous a semblé que par sa pertinence technique, la méditation de pleine conscience est ainsi
un outil adapté pour une meilleure « conscience de soi ».

Nous nous attacherons donc au cours de ce travail à mieux définir cet outil de connaissance de
soi : son histoire depuis l’ère bouddhiste jusqu’à son avènement dans nos sociétés et dans
notre métier de psychiatre et psychothérapeute. Nous démontrerons l’efficacité des méthodes
basées sur la méditation de pleine conscience et exposerons leurs différents champs
d’application.

Cette méthode une fois cette méthode définie, il s’agira alors d’expliquer comment elle
fonctionne et nous en préciserons les mécanismes impliqués.

Le contexte historique et les bases théoriques ainsi posés, nous tenterons d’indiquer comment
la méditation de pleine conscience peut servir de lumière pour mieux, en reprenant les mots
de Socrate, se connaître soi-même. Surtout, il sera question de montrer que cet outil, loin
d’être une pratique réservée à quelques dévots mystiques et autres spécialistes de la pensée
orientale représente dans bon nombre d’écoles, scientifiques et philosophiques, ce fameux
outil nécessaire à la conscience de soi. Seront ainsi passés en revue, et de façon non
exhaustive, différents courants de pensées philosophiques et scientifiques : le mystique et la
psychothérapie ; la phénoménologie herméneutique chez Heidegger et Ricœur ainsi que la

  13  
pratique phénoménologique que l’on peut en dégager; nous verrons aussi d’ailleurs comment
il est possible de tisser des liens entre phénoménologie et bouddhisme ; la présence attentive
au sein des neurosciences cognitives avec Varela ; la vision après Ricœur du mouvement
postrationnaliste.

Enfin, au cœur de cette rencontre pluridisciplinaire, il nous faudra mettre à jour l’intérêt que
peut représenter ce formidable outil de travail pour le psychothérapeute.

Sur le plan sémantique, nous tenons à indiquer dès cette introduction que les termes de
“pleine conscience” et “mindfulness” en anglais seront utilisés indistinctement, renvoyant
tous deux à la même pratique méditative que nous allons dès les premières pages préciser.

II. QU’EST-CE QUE LA PLEINE CONSCIENCE ?

II.1. DÉFINITIONS

Donnant la parole tour à tour à Bouddha et à ses exégètes, aux intervenants en santé mentale,
psychologues, psychiatres et chercheurs, en rapportant précisément concepts traditionnels
puis modernes, et en laissant s’exprimer poètes et philosophes, nous souhaitons dans cette
première partie donner une vue d’ensemble satisfaisante de ce que représente la pleine
conscience.

II.1.1. Historique et définitions traditionnelles

L’expression « pleine conscience » viendrait du terme Pāli « sati » que l’on retrouve dans les
premières écritures bouddhistes telles que l’Abhidamma8,  section du canon pâli, le Tipitaka,
consacrée aux exposés psychologiques et philosophiques de l’enseignement du Bouddha, et
plus tard dans le Vishuddimagga, un des plus célèbres commentaires des chapitres de
l’Abhidamma traitant de la méditation9. Cette expression trouverait ainsi son origine autour
des VIème et Vème siècles avant J.-C. dans l’enseignement de Siddhartha Gautama dit
Shakyamuni « sage des Śākyas » (le futur Bouddha), et désignerait la conscience vigilante de
ses propres pensées, actions et motivations. Elle joue un rôle primordial dans le bouddhisme
où il est affirmé que la pleine conscience est un facteur essentiel pour la libération, à prendre
ici au sens d’éveil spirituel (Bodhi)10. Les bouddhistes utilisent d’ailleurs un terme Pāli

  14  
remarquable, dukkha, pour désigner le mal-être que nous éprouvons lorsque nous sommes
emplis de désirs, sans savoir ce que nous sommes. Dukkha est diversement traduit par chagrin,
souffrance, douleur ou angoisse, et bien que toute tentative de traduction de cet ineffable
concept soit vaine, il est classique de retenir « insatisfaction » comme son meilleur reflet.
Nous retrouvons ce terme dans ce que l’on appelle la Première Vérité du Bouddhisme qui est
que « Toute vie implique dukkha »11. Le Bouddhisme, comme l’explique Kabat Zinn, vise
donc à dissiper les illusions que nous tissons à notre propre intention et celles dans lesquelles
nos expériences passées nous ont conditionnés. En nous éveillant (via l’outil méditatif), nous
nous libérons de la souffrance et de l’angoisse générées par notre méprise sur la nature de la
réalité, elle-même issue de nos visions égocentriques limitées, de nos idées reçues et
interprétations, et de notre tendance à saisir et à nous cramponner à ce que nous désirons tout
en repoussant ce qui nous effraie12.

Historiquement, il s’agit donc d’un concept dont la pratique est censée conduire à un bonheur
durable13 et à une meilleure intériorité ou introspection quant à la vraie nature de l’existence14.

L’édifice monumental de l’enseignement qui nous est parvenu, notamment à travers le canon
Pāli, peut être divisé en deux grandes parties. La première, d’ordre philosophique, décline ce
qu’est la souffrance et, par un effet de ricochet, ce qu’est la nature fondamentale de l’esprit ;
car comme vu plus haut, le postulat de base du Bouddha est que tout est souffrance. La
seconde, pratique, décrit toutes les formes d’action conduisant à l’éveil spirituel et comprend
justement la méditation de pleine conscience. Réflexion sur la nature de l’existence, sur la
nature du Soi, pratique méditative et action concrète sont donc complémentaires dès
l’origine15.

Poursuivant notre enquête sur le concept de pleine conscience au sein du Bouddhisme, nous
pouvons lire dans le Satipatthana Sutta, discours du Bouddha sur l’établissement de la
conscience et de l’attention qui fait partie de l’héritage traditionnel :

« Lorsqu’il marche, le pratiquant doit être conscient qu’il marche. Lorsqu’il est assis,
le pratiquant doit être conscient qu’il est assis. Lorsqu’il est allongé, le pratiquant
doit être conscient qu’il est allongé. Quelle que soit la position de son corps, le
pratiquant doit être conscient de celle-ci. C’est ainsi que le pratiquant vit en étant
constamment et directement conscient de son corps ».16

  15  
Cependant, précise Thich Nhat Hanh, maître Zen vietnamien qui rapporte cet extrait, la pleine
conscience de la position de son corps est insuffisante. Nous devons être attentifs à chaque
respiration, à chaque mouvement, à chaque pensée, sensation et émotion ; en fait, à tout ce qui
peut avoir un rapport avec notre être16. Pour le sage vietnamien, le fait même d’être là est tout
simplement « merveilleux ». L’essentiel est dans la présence consciente. Et le sage de
poursuivre ainsi ses explications en s’adressant aux sceptiques pris dans les occupations
quotidiennes et ne voyant poindre l’occasion de prendre le temps de méditer : « garder son
attention concentrée sur le travail à chaque instant, être alerte et prêt à prendre soin de la
situation avec compétence et intelligence – c’est cela même la Pleine Conscience (…) C’est le
miracle qui, en un éclair, ramène notre esprit dispersé et le rétablit dans son intégralité, pour
que nous vivions chaque minute de notre vie ».

Le moine et érudit bouddhiste Nyanaponika Thera définit quant à lui la pleine conscience
comme « le passe-partout infaillible pour connaître l’esprit, et donc le point de départ ; elle est
l’outil parfait pour former l’esprit, et donc le point focal ; enfin, elle est la manifestation
sublime de la liberté accomplie de l’esprit, et donc le point culminant »17.

Mais revenons un instant sur l’enseignement du Bouddha lui-même, sur son geste. Alors qu’il
appartient à une tradition ancrée dans les textes et dans l’enseignement de la tradition écrite, il
fait basculer de façon révolutionnaire le dogme. En effet, cette tradition se veut après lui « un
examen de première main de l’expérience vécue »18. Varela parlera plus tard d’expérience à la
première personne6. Il reconnaît certes la nécessité fondamentale de la lecture et de l’analyse
des textes sacrés mais il considère qu’il faut aller plus loin et se fonder sur une démarche
d’examen personnel. C’est, dans un langage qui se veut déjà phénoménologique, un retour
aux « choses elles-mêmes » qu’exige le geste de Shakyamuni, un retour à l’expérience directe.

Et c’est précisément de ce retour aux choses elles-mêmes dont il est question dans les
techniques de méditation mises en place par le Bouddha. Nombre de techniques sont
aujourd’hui connues, la plupart ayant traversé les âges, et un descriptif détaillé de celles-ci
n’aurait pas sa place dans cet exposé. Nous retiendrons deux aspects techniques majeurs
hérités de la tradition d’introspection bouddhiste : l’une analytique et l’autre contemplative.
C’est en grande partie de cette dernière qu’est inspirée la méditation de pleine conscience.
Dans la tradition bouddhiste, elle est appelée méditation « Vipassanā ». Traduit par
« développement de la vision supérieure » ou « vue pénétrante » elle consiste à simplement

  16  
prêter attention à la réalité telle qu’elle est19. Cette méditation et ses vertus soignantes
intéressent le monde de la psychothérapie et des neurosciences depuis quelques années.

En tentant d’esquisser un dénominateur commun à ces diverses techniques, nous dirions avec
Kabat-Zinn qu’elles ne servent toutes qu’à désigner des façons d’être, des façons d’être en
relation à l’instant présent, à notre propre esprit et à notre propre expérience12.

Nous venons donc de voir la place qu’occupe au cœur du Bouddhisme la méditation de pleine
conscience. Mais comme nous l’avons précisé, il existe un versant plus analytique qui existe
aussi dans la tradition occidentale. On attribue la phrase suivante à Freud : « Partout où je suis
allé, un poète était allé avant moi »20. Nombre d’écrivains ont donc, avant les plumes
scientifiques, déployé la leur pour décrire cette pratique et les sentiments qu’ils y ont trouvés.

Sur la route d’Avignon en 1327 Maître Eckhart note dans ses Conseils Spirituels21:

« Il faut apprendre à agir en [son intériorité], avec elle et par elle. En sorte que
l’intériorité fasse irruption dans la réalité extérieure et que cette réalité extérieure soit
réintroduite dans l’intériorité, et que l’on s’habitue à devenir libre dans l’activité. »

Par cette description d’un authentique mouvement, on retrouve plusieurs siècles avant nous
l’essence même de ce qui est enseigné dans les groupes de thérapies de pleine conscience.
Apprendre à observer à l’intérieur et à l’extérieur dans un échange perpétuel.

Le religieux qu’il était expliquait dans une formule que l’on pourrait considérer comme une
métaphore de la méditation : « Dieu nous rend souvent visite, mais la plupart du temps, nous
ne sommes pas chez nous »21.

Le philosophe André Comte-Sponville qui parle à propos de la méditation de « spiritualité


sans Dieu »22 décrit ainsi l’expérience d’éveil dont il est à propos ici : « Le mystique, c’est
celui qui voit la vérité face à face : il n’est plus séparé du réel par le discours (c’est ce que
j’appelle le silence), ni par le manque (ce que j’appelle la plénitude), ni par le temps (ce que
j’appelle l’éternité), ni enfin par lui même (ce que j’appelle la simplicité, l’Annata des
bouddhistes) » 23.

Cette volonté de voir absolument toute la réalité dans une sorte de « confrontation sereine »
pour reprendre les termes de Christophe André24, trouve écho dans les recommandations de
Lucrèce qui conseillait de « tout regarder l’esprit paisible »25.

  17  
C’est ce chemin tracé par la tradition bouddhiste et les poètes philosophes que les modernes
ont emprunté afin de définir précisément le concept ici étudié et lui apporter son lot de
scientificité.

II.1.2. Définitions contemporaines

John Kabat Zinn, professeur émérite de médecine et fondateur dès la fin des années 70 de la
Clinique de Réduction du Stress (Stress Reduction Clinic) et du Center for Mindfulness in
Medicine, Health Care, and Society (Centre pour la Pleine Conscience en médecine) de
l’université médicale du Massachusetts, est un pionnier en matière de pleine conscience. C’est
logiquement qu’il fut l’un des premiers à la définir en des termes adaptés à notre société et à
la psychologie clinique, et c’est tout aussi logiquement que ses définitions sont
systématiquement reprises dans tout article traitant du sujet.

La plus communément admise qu’il expose dans un ouvrage devenu best-seller (« Où tu vas,
tu es ») dit ceci :

« La pleine conscience signifie ‘faire attention’ d’une manière particulière :


délibérément, au moment présent et sans jugements de valeur »26.

C’est pour lui la contemplation du moment présent dans un esprit d’attention et de


discernement. L’auteur va jusqu’à préciser que pour lui, cette pratique n’a en fait que peu à
voir avec l’enseignement bouddhiste (bien qu’il en soit un fervent partisan) mais qu’elle a
tout à voir avec l’éveil de notre conscience et le désir de vivre en harmonie avec soi-même et
le monde qui nous entoure, autrement dit d’être en contact avec notre être dans sa plénitude26.

Evidemment il ne s’agit pas d’être une personne « nulle » ou abstraite, une chimère
contemplative incapable de vivre dans le monde réel mais bien de voir les choses telles
qu’elles sont sans les déformer par notre processus de pensée26.

Dans un autre livre (« L’éveil des sens »12), Kabat-Zinn enfonce le clou en expliquant qu’il
s’agit d’une posture intérieure qui porte le cœur et l’esprit (considérés comme un tout
indissociable) à une conscience totale du moment présent simplement tel qu’il est, à accepter
ce qui se passe simplement parce qu’il se passe déjà. Il parle de cette orientation intérieure
comme d’une « acceptation radicale » en psychothérapie12. La méditation est ainsi la
réalisation et l’incarnation directes à l’instant présent, de ce que nous sommes déjà, en dehors

  18  
du temps, de l’espace et de tout concept, une façon de demeurer dans la nature même de notre
être, dans ce qui est parfois appelé « conscience pure » ou « attention pure »17.

Joseph Goldstein, enseignant vipassana et philosophe reconnu parle de son côté de « qualité
d’esprit qui remarque ce qui est présent sans jugement, sans interférence. [La méditation] est
comme un miroir qui reflète clairement ce qui est placé devant lui »29. En effet reprend Kabat
Zinn, de la même manière qu’un miroir est intrinsèquement vide, et peut par conséquent
« contenir » n’importe quoi, le champ de vacuité que représente la claire conscience permet
de recueillir tout ce qui présente devant elle.

Pour Christophe André, psychiatre et psychothérapeute à l’hôpital Ste Anne à Paris, la pleine
conscience est l’attention portée à l’expérience vécue et éprouvée, sans filtre (on accepte ce
qui vient), sans jugement (on ne décide pas si c’est bien ou mal, désirable ou non), sans
attente (on ne cherche pas quelque chose de précis)2.

Bondolfi & al précisent que les phénomènes qui entrent dans le champ de la conscience du
sujet pendant la pratique de la méditation, telles les perceptions, les cognitions, les émotions
ou les sensations physiques, sont observés très soigneusement, mais ne sont pas évalués en
tant que phénomènes bons ou mauvais, justes ou faux, ou encore importants ou insignifiants :
il s’agit d’un désengagement de notre tendance habituelle à juger, à contrôler ou à orienter
l’expérience de l’instant présent, d’une posture de l’esprit « non élaborative », dans laquelle
on ne cherche pas à analyser ou à mettre en mots, mais plutôt à observer et à éprouver5.

S’inspirant du déroulement même d’une séance de méditation l’équipe de Bishop30 a proposé


en 2004 une définition opérationnelle de la méditation de pleine conscience. Ils rappellent en
introduction que lors d’une séance, il est demandé aux participants d’adopter une posture
droite (assis en tailleur au sol ou sur une chaise) et de maintenir leur focus attentionnel sur
une sensation corporelle, le plus souvent sur leur propre respiration. Tôt ou tard, cette
attention s’éloignera de la respiration, interrompue par une pensée, une sensation ou toutes
autres perceptions, et il leur sera demandé de simplement noter ce vagabondage de l’esprit et
de revenir à l’expérience en cours.

Ainsi le cadre de l’exercice posé, l’équipe de chercheurs propose une définition de la pleine
conscience basée sur deux composantes fondamentales : l’autorégulation de l’attention et
l’orientation vers l’expérience.

  19  
L’autorégulation de l’attention implique trois capacités attentionnelles :

- l’attention soutenue : capacité à maintenir un certain état de vigilance sur une période
de temps prolongé, c’est-à-dire maintenir son attention sur un aspect particulier de
l’expérience en cours.
- la flexibilité : changement, ou switch, qui permet de reporter son attention sur la
respiration après que cette dernière eut été parasitée par une image, pensée ou autre
sensation reconnue par le méditant. Le sujet reporte ainsi son attention d’un objet à
l’autre.
- l’inhibition des processus secondaires d’élaboration : la conscience envisagée ici étant
non-élaborative, il est nécessaire de pouvoir empêcher tout processus d’élaboration
approfondie ou d’association.

Cette focalisation de l’attention sur un objet dans l’objectif d’une autorégulation implique
l’observation sans jugement des stimuli internes et externes tels qu’ils surgissent dans
l’expérience immédiate. On peut ainsi parler, dans un langage encore phénoménologique,
d’une forme de suspension de tous les chemins d’interprétation de l’expérience, afin de la
réaliser telle qu’elle se présente en l’instant31.

L’orientation vers l’expérience est quant à elle définie comme une attitude d’acceptation
volontaire de l’ensemble de l’expérience en cours. Cette ouverture d’esprit est caractérisée par
une curiosité face aux nouvelles expériences. L’équipe de Bishop parle de curiosité cognitive.
Ce comportement s’oppose à l’attitude habituelle d’évitement, notamment celui des aspects
négatifs de l’expérience. Cela implique une décision consciente d’abandon, afin de permettre
la manifestation des sensations, des émotions et des pensées32.

Poursuivant les travaux de Bishop, l’équipe de Shapiro33 a proposé d’ajouter une troisième
composante majeure dans la définition de la pleine conscience. À l’attention et l’attitude, ces
chercheurs pensent nécessaire l’incorporation de l’intention qu’ils considèrent comme un
prérequis fondamental. Cet aspect n’est pas sans rappeler la notion de « conscience
intentionnelle » qu’évoquent Segal, Williams et Teasdale dans leur manuel d’instruction
MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy)34.

Ces trois axiomes posés par Shapiro & al. ne sont pas séparés mais bien imbriqués en un
cycle continue (Figure 1). La pleine conscience est, d’instant en instant, ce processus même.

  20  
a mindfulness practice to reduce hypertension. As his mindfulness practice continues, he
may develop an additional intention of relating more kindly to his wife.
The role of intention in meditation practice is exemplified by Shapiro’s study (1992),
which explored the intentions of meditation practitioners and found that as meditators
continue to practice, their intentions shift along a continuum from self-regulation, to

Figure 1. The three axioms of mindfulness, Intention, Attention, and Attitude, are not separate stages. They
are interwoven aspects of a single cyclic process and occur simultaneously. Mindfulness is this moment-to-
moment process.

Journal of Clinical Psychology DOI 10.1002/jclp


Figure 1 : Shapiro & al. 2005 – Les trois composantes de la pleine conscience imbriqués et
intervenant simultanément dans un processus cyclique.

Enfin dans une tentative de définition synthétique Berghmans31 propose ce résumé de la


pleine conscience qui peut être définie comme :

- un état dans lequel le sujet est hautement conscient du moment présent, le reconnaissant et
l’acceptant ;

- un état dans lequel l’esprit du sujet ne se laisse pas emporter ou parasiter par des pensées,
sensations ou émotions relatives à des expériences présentes, passées ou futures susceptibles
de survenir ;

- un état dans lequel le sujet fait attention (observation) à l’expérience présente de manière
vigilante ou encore au flux de stimuli continu interne et externe au fur et à mesure de son
apparition dans une optique de non jugement et de non-évaluation ;

- un état d’esprit qui met en valeur la conscience, l’attention et l’habileté à se dégager de


schémas de pensées non-adaptatifs qui rendent l’individu vulnérable à des états de stress et à
d’autres états pathologiques.

Il semble qu’après ce lot de définitions nous puissions dégager une base commune réunissant
les idées et concepts jusque là acquis.

  21  
Tous les types de méditation semblent se baser sur le concept d’observation immédiate des
activités psychiques (pensées, émotions, sentiments), de formation à un niveau de conscience
ou d’attention vigilante et de cultivation d’un niveau d’acceptation des contenus mentaux31.
Elles ont pour but une tranquillisation de l’esprit, mais à prendre au sens d’un retrait de toutes
activités intentionnelles dans l’échange aux objets, et non au sens de relaxation. Cela ne
suppose pas que l’état de méditation soit nécessairement vide de tout objet ou de tout contenu,
et d’ailleurs la plupart des exercices de méditation demande une focalisation sur un objet (par
exemple la respiration, les sons, les pensées etc.), mais il sera demandé de ne pas aller plus
loin, aucune investigation approfondie de l’objet de concentration n’est attendue.

II.1.3. Ce que la méditation n’est pas

Nous reprendrons succinctement ici avec Christophe André2 et Bhante Henepola


35
Gunaratana , moine bouddhiste quelques remarques afin de préciser en négatif le concept de
pleine conscience et ne pas tomber dans l’écueil de quelques idées reçues que ce soit.

• La méditation de pleine conscience est simplement une technique de relaxation :

L’erreur ici réside dans l’emploi du terme « simplement ». En fait, bien que certaines études
aient montré une possible activation de systèmes physiologiques pouvant favoriser la
relaxation musculaire, l’objectif de la pratique en est bien éloigné. On ne cherche pas à
atteindre un état de détente ou de calme particulier, et d’ailleurs certaines séances peuvent au
contraire être difficiles ou douloureuses, mais juste à intensifier sa conscience et son recul
envers ses expériences intimes. Le but est ce qu’appellent les bouddhistes la vision intérieure.

• La méditation de pleine conscience est une réflexion approfondie :

On peut parfois penser que la méditation est une réflexion poussée et intelligente sur un
sujet métaphysique ou philosophique comme la vie ou la mort. En réalité l’attention dans
cette pratique n’est pas portée sur la réflexion intellectuelle ou l’élaboration conceptuelle,
mais sur le ressenti non verbal, corporel et sensoriel ; perspective que nous reprendrons plus
loin en détails dans notre exposé.

  22  
• La méditation de pleine conscience consiste à se détourner de la réalité :

Au contraire, la méditation consiste justement à porter son attention sur l’expérience du vécu
telle qu’elle est, sans la modifier ni même la juger. Il s’agit d’expérimenter la vie
complètement, et d’accepter l’existence y compris avec tout ce qu’elle peut porter en elle de
souffrance. Avec les mots du moine on dira : « Ce qui est là est là. Vous êtes qui vous êtes ».

• La méditation de pleine conscience s’utilise rapidement et peu de temps :

Il ne s’agit en fait pas du tout d’un instrument psychothérapeutique d’utilisation rapide. Les
résultats obtenus sont d’ailleurs souvent proportionnels au niveau de pratique. Une étude
rassure à propos de la pratique des participants en dehors des groupes. On y a montré que la
majorité des sujets ayant participé à un groupe de pleine conscience continuent à pratiquer
sous une forme ou une autre et régulièrement jusqu’à trois ans après la fin du programme36.

La science s’emparant initialement de cette pratique méditative, et la redéfinissant en des


termes laïques et opérationnels, l’étape suivante a été de créer des outils d’évaluation et de
mesure de cette ouitl. Nous passerons en revue les échelles aujourd’hui disponibles et leurs
sujets d’exploration sans entrer dans les détails de leur conception.

II.2. ÉCHELLES DE PLEINE CONSCIENCE

Les études mettant en évidence l’efficacité des thérapies de pleine conscience n’ont eu de
cesse de progresser ces dix dernières années et nous y reviendrons dans un prochain
paragraphe. Mais bien que les réductions de symptômes psychologiques et physiques soient
évidentes, peu d’éléments nous sont encore rapportés quant à la capacité des sujets à
développer et/ou maintenir une aptitude à la pleine conscience.

En fait d’un côté la solidité psychométrique de la mesure est nécessaire pour comprendre le
principe et ses composants qui découlent de la pleine conscience, ainsi que les mécanismes
selon lesquels la formation à la pleine conscience apporte ses effets bénéfiques31. D’un autre,
les définitions opérationnelles de la pleine conscience sont essentielles pour construire des

  23  
outils valides nécessaires à l’investigation des processus psychologiques impliqués dans la
formation à ce type de méditation39.

v Freiburg Mindfulness Inventory (FMI)

Cette échelle mesure la tendance à observer sans jugement, l’ouverture à l’expérience


(presence, P, et acceptance, A, dans la version anglaise)38. Cette échelle a été développée
auprès d’une population de pratiquants aguerris participant à des retraites intensives. Sur le
plan psychométrique la consistance interne apparaît élevée39. Elle est constituée de 14 items
évalués sur une échelle en 4 points de type Likert (de « presque jamais » à « presque
toujours »). En 2010 une version française en a été proposée40.

v Mindfull Attention Awareness Scale (MAAS)

Cette échelle comporte 15 items et évalue la capacité à être conscient et attentif à l’expérience
présente en cours dans la vie quotidienne41. Les items explorent les domaines cognitif,
émotionnel, interpersonnel et physique grâce aussi à une échelle de type Likert. Les auteurs
rapportent de bonnes propriétés psychométrique (consistance interne = 0,82) de cette échelle
qu’ils qualifient d’unidimensionnelle. Une version française de cet outil a été validée42.

v Kentucky Inventory of Mindfulness Skills (KIMS)

Il s’agit d’une échelle à 39 items répartis en quatre facteurs principaux : la description,


l’observation, l’action en pleine conscience et l’acceptation sans jugement43. La construction
de cette échelle est largement basée sur la conception de la pleine conscience au sein de
l’approche dialectique élaborée par Linehan pour les patients borderlin 44. Pour chacun des
facteurs, les indices de consistance interne apparaissent relativement élevés39. De plus une
adaptation francophone de cet outil a été réalisée et validée45. Cette adaptation présente une
excellente validité structurelle ainsi qu’une excellente sensibilité aux changements cliniques
lors de thérapies comportementales dialectiques.

  24  
v Five Facets Mindfulness Questionnaire (FFMQ)

Cet outil a été mis en place après observation et étude approfondie de cinq questionnaires déjà
existant (FMI, MAAS, KIMS, ainsi que le CAMS, Cognitive and Affective Mindfulness
Scale, et le MQ, Mindfulness Questionnaire). Après avoir fait passer à de larges échantillons
ces échelles les auteurs ont identifié cinq composantes principales37 que sont : l’observation et
la description de l’expérience présente, l’action en pleine conscience, le non-jugement et la
non-réactivité aux phénomènes psychologiques ; après quoi ils ont élaboré ce nouveau
questionnaire37,46. Récemment une étude a étudié et confirmé la validité d’une version en
français mais portant sur un échantillon non clinique (N = 214) n’ayant jamais bénéficié
d’interventions basées sur la pleine conscience ou de pratiques méditatives47.

II.3. CHAMPS D’APPLICATION ET EFFICACITÉ

En 1982 John Kabat-Zinn a été le premier à mettre en place un programme d’enseignement de


méthodes basées sur la pleine conscience dans une perspective psychothérapeutique. Son
programme MBSR a connu un succès majeur aux USA et dans reste du monde occidental par
la suite. Depuis de nombreux programmes basés sur la pleine conscience ont vu le jour.
Certains mêlent pleine conscience à d’autres principes psychothérapiques tels que la thérapie
comportementale dialectique (Dialectical Behavior Therapy de Linehan) et la thérapie de
l’acceptation et de l’engagement (Acceptance and Commitment Therapy de Hayes). Des
exercices de pleine conscience ont aussi été associés à des protocoles cliniques pour la prise
en charge de troubles spécifiques tels que le trouble anxieux généralisé48, l’état de stress post-
traumatique49, l’abus de substance50,51 ou encore les troubles du comportement alimentaires52.
D’autres interventions sont quant à elles exclusivement basées sur la pleine conscience, il
s’agit de la thérapie de réduction du stress basée sur la pleine conscience (MBSR,
Mindfulness Based Stress Reduction) et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience
pour la dépression (MBCT, Mindfulness Based Cognitive Therapy), que nous détaillons
succinctement ci-après.

  25  
Précisons qu’il s’agira ici de présenter les thérapies à destination de patients âgés d’au moins
18 ans. Il existe de nombreux travaux actuellement traitant de la pertinence de tels
programmes pour les enfants. Certaines méthodes sont aussi déjà mises en place par certains
cliniciens et proposées dans des manuels de référence53, 54.

II.3.1. Mindfulness Based Stress Reduction (M.B.S.R.)

Appelé en français « Thérapie de réduction du stress basée sur la pleine conscience » ce


programme a été initialement mis en place pour les patients souffrant de pathologie chronique
dont la prise en charge médicamenteuse ne suffisait pas à leur bien-être. L’intérêt scientifique
d’une telle démarche était d’offrir à ces personnes un environnement au sein duquel elles
auraient la possibilité d’expérimenter un large éventail de nouvelles méthodes potentiellement
efficaces pour atténuer les douleurs et les conséquences psychologiques qui résultent de leurs
pathologies et des pénibles traitements mis en place55. Concrètement il s’agit d’une thérapie
effectuée en groupe qui se déroule de façon hebdomadaire sur 8 à 10 semaines, à raison d’une
séance de 120 à 150 minutes par semaine. Les groupes accueillent d’une dizaine jusqu’à une
trentaine de personnes voire plus selon les instituts et l’expérience du thérapeute. Chaque
séance est organisée de façon à ce que les participants soient focalisés sur l’expérience du
moment présent. En outre, tout discours intellectualisant, d’interprétation ou plus élaboré que
la simple description de l’expérience sensorielle ou émotionnelle en cours est évité́. Le but
étant, comme abordé précédemment dans les définitions de la pleine conscience, de permettre
aux patients une meilleure acceptation de la situation pathologique. Les participants partagent
ensuite leurs impressions sur la séance et les pratiques qu’ils ont dû réaliser à domicile durant
la semaine écoulée. En effet il est demandé à chacun de maintenir une pratique au domicile
ainsi que de réaliser du mieux qu’ils peuvent les exercices appris. On recommande une
pratique d’environ 45 minutes par jour, six jours par semaines. Pour cela il est remis aux
participants des notes reprenant les pratiques ainsi que des enregistrements audio pour les
accompagner au quotidien.

Grâce à ce programme les instructeurs attendent des participants qu’ils réalisent que les
pensées, les sensations et émotions sont fluctuantes, transitoires et passent comme « les
vagues dans la mer »44. L’ouvrage de Kabat-Zinn « Au cœur de la tourmente, la pleine
conscience »56en constitue le manuel de référence pour les thérapeutes.

  26  
II.3.2. Mindfulness Based Cognitive Therapy (M.B.C.T.)

Après avoir rencontré Kabat-Zinn et s’être inspirés de ses travaux sur les MBSR Segal,
Williams et Teasdale ont créé un programme thérapeutique basé sur la pleine conscience
spécifiquement réservé aux patients dépressif en phase de rémission afin de prévenir rechute
et/ou récidive34. Leurs études préalables leur avaient apporté nombre d’informations
essentielles concernant la vulnérabilité de cette population : biais cognitif exagéré chez les
sujets ayant souffert de dépression ; modification de la relation entre stress psychologique et
rechute dépressive au fil du temps avec abaissement du seuil neurobiologique et par
corrélation abaissement de l’intensité du facteur favorisant la rechute ou la récidive ; style de
réponse ruminative lors de tâches de résolutions de problèmes. Le but de ces chercheurs
cliniciens a donc été après ces observations de changer la relation que ces patients
entretiennent avec leurs pensées et non pas les pensées elles-mêmes comme cela était le cas
lors de thérapies cognitives classiques afin d’éviter les ruminations anxieuses responsables de
la réapparition de symptômes dépressifs (Figure 2). En ce sens les participants sont amenés à
prendre conscience du fait que les pensées ne sont pas des faits mais ne sont que des
pensées34. La « décentration » ainsi permise par les attitudes d’observation, d’attention,
d’acceptation, de curiosité cognitive ou encore de conscience intentionnelle n’est plus
le moyen d’en finir mais bien une fin en soi.

À ce jour il est à noter que les patients particulièrement ciblés en raison de leur vulnérabilité
par ce programme sont ceux ayant subi au moins trois épisodes dépressifs majeurs. Cette
donnée étant en partie remise en cause actuellement39.

  27  
Figure 2 : Modèle du développement de la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience
pour la prévention de la rechute/récidive dépressive.

Il faut par ailleurs reconnaître à cette thérapie un intérêt qui va bien au-delà de l’apport dans
la dépression. En effet les cliniciens à l’origine de ce programme ont formalisé deux modes
opératoires de l’esprit en développant le concept de « mode de pilotage automatique de
l’esprit »56 reconnu au préalable par Kabat Zinn comme en grande partie responsable des
souffrances psychiques ; ce mode au cours duquel on a l’impression que le corps fait une
chose et l’esprit une autre34.

Le mode FAIRE: Encore appelé mode « dirigé », il est déclenché quand l’esprit voit que les
choses ne sont pas telles qu’il voudrait qu’elles soient34. Il s’agit de comprendre ce mode de
l’esprit à la lumière de ce que les auteurs nomment le « processus de contrôle des
divergences » ; un processus qui contrôle et évalue de manière continuelle l’état du soi et la
situation en cours par rapport à un modèle ou à un standard de ce qui est désiré, requis,
attendu ou craint34. Ce mode activerait donc les schémas de pensées habituels ayant pour but
de réduire l’écart entre l’état présent et l’état désiré. Malheureusement il représente un
handicap majeur lorsqu’aucune action ne peut être entreprise à dessein. La seule action restant
à disposition de l’esprit étant la manipulation des idées (ses représentations et interprétations

  28  
du vécu) dans l’espoir, souvent perdu d’avance, de trouver un moyen de réduire l’écart,
l’activation des ruminations anxieuses à l’origine de la dépression s’en trouve facilitée34.

Le mode ÊTRE: La richesse de ce mode réside dans son rôle de représentant de la pleine
conscience au quotidien. On ne cherche ici aucun but particulier. Ce mode insiste sur
« accepter » et « permettre » ce qui est, sans vouloir tout de suite le changer34. Le rapport au
temps est ici modifié, tentant de ne permettre aucun voyage entre passé, présent et avenir.
Finalement ce mode se caractérise par un sens de liberté, de légèreté, et un déploiement inédit
de l’expérience34.

II.3.3. Efficacité

De nombreuses études dans le très vaste champ des pathologies chroniques ont montré un
effet positif (réduction du niveau de stress) des MBSR voire parfois une amélioration des
symptômes cliniques. On obtient des résultats par exemple chez des patients souffrant de
cancer57, de sclérose en plaque58 ou de psoriasis59. De même une réduction du stress lié à la
périnatalité60, aux troubles du sommeil61 ou encore au diabète62 a été rapportée. De même dans
la dépression l’intérêt et l’efficacité des thérapies de pleine conscience ont été établis. Nous
parcourrons ces résultats au travers de six revues de la littérature et méta-analyses.

v Baer 2003 63

Cette revue de la littérature incluse 22 études utilisant des programmes de soins basés sur la
pleine conscience. Dans les populations étudiées se trouvent des patients souffrant de
douleurs ou autres affections chroniques (psoriasis, fibromyalgie, cancer), des patients suivis
pour des troubles psychiatriques (anxiété généralisée, rémission dépressive, trouble du
comportement alimentaire), des populations mixtes et d’autres non cliniques.

La moyenne globale des tailles d’effet est de 0,59 (Cohen’s d) ce qui implique une efficacité
relativement importante des techniques de pleine conscience sur les sujets étudiés.

Cette revue suggère sur le plan psychologique un allègement des troubles et une amélioration
des capacités. Il est par ailleurs précisé que la plupart des patients inclus dans ces programmes
non seulement allaient au bout de celui-ci, en dépit de la demande régulière et insistante de

  29  
maintenir des pratiques au domicile ; mais aussi qu’une bonne partie d’entre eux continuaient
de pratiquer longuement après la fin de la prise en charge.

Au total ici, les techniques MBSR et MBCT sont relativement efficaces pour respectivement
la réduction du stress dans le cadre de pathologies chroniques invalidantes et la prévention de
la rechute dépressive.

v Grossman & al. 2004 64

Cette méta-analyse a été divisée en deux « sous méta-analyses », la première incluant les
études contrôlées avec effet de taille basée sur la comparaison entre le groupe contrôle et le
groupe expérimental ; la seconde utilisant les données des études contrôlées et
observationnelles. Vingt études ont été prises en compte. Prenant en compte un effet de taille
relativement fort à travers les différentes études il a été possible de conclure que
l’entraînement de type mindfulness peut améliorer les capacités personnelles pour faire face à
la souffrance au quotidien aussi bien que dans d’autres moments plus extrêmes de stress ou
douleurs. Ces améliorations ont été constatées pour un large éventail de symptômes en santé
mentale incluant la qualité de vie, les symptômes anxio-dépressifs ou la capacité d’adaptation.
De même des bénéfices ont été rapportés concernant les symptômes physiques, mais ils
étaient moins souvent relevés dans les études.

v Hofmann & al. 2010 65

Cette méta-analyse inclus 39 études dans lesquelles les participants bénéficient d’une prise en
charge psychothérapeutique basée sur la pleine conscience pour divers troubles : stress lié au
cancer, trouble anxieux généralisé, dépression etc. On a obtenu lors de cette analyse des
effets de taille robustes chez les patients souffrant de troubles anxieux (Hedges’g = 0,97) et de
troubles dépressifs (Hedges’g= 0,95), avec maintien des effets bénéfiques le temps du suivi
suggérant un intérêt particulièrement intéressant des thérapies de pleine conscience dans la
prise en charge de ces patients.

  30  
v Chiesa & Serretti 2010 66

Cette méta-analyse explore l’efficacité des techniques MBCT. Les principaux résultats
concernent les populations de patients ayant souffert de dépression. En adjonction au
traitement usuel on obtient chez des patients ayant été victimes de trois épisodes dépressifs
majeurs au moins une réduction significative du taux de rechute dépressive dans quatre études
par rapport à une population sans antidépresseurs ; de plus en association au traitement
habituel on obtient chez ce même type de patients dans deux études une amélioration des
symptômes résiduels de dépression. À noter dans cette étude la présence de résultats
intéressant dans une populations de patients souffrant de bipolarité.

A. Chiesa, A. Serretti / Psychiatry Research xxx (2010) xxx–xxx 9

Figure 3 : Chiesa & Serretti 2010 : 2a) MBCT + traitement usuel (T.U.) vs T.U. seul dans la
prévention de la rechute d’épisode dépressif majeur avec un suivi d’un an ; 2b) MBCT + T.U.
vs T.U. seul dans la réduction de symptômes résiduels dépressifs.

v Fjorback & al. 2011 67

Cette revue de la littérature a eu pour but de vérifier l’efficacité des MBSR et MBCT. Son
Fig. 2. a) Mindfulness based cognitive therapy (MBCT) + Treatment as usual (TAU) vs. TAU for relapse prevention of major depression (MD) at 1 year follow up; Numbers of relapsed
patients for each group are shown; b) MBCT + TAU vs. TAU for the reduction of residual depressive symptoms in MD patients, c) MBCT + TAU vs. TAU for the reduction of residual
intérêt particulier réside dans le choix de ne sélectionner que des essais randomisés contrôlés
anxiety symptoms in bipolar patients, d) MBCT + antidepressants vs. psycho-education + antidepressants for the reduction of residual anxiety symptoms in patients with panic
disorder and generalized anxiety disorder, e) MBCT vs. group based cognitive therapy for the reduction of anxiety symptoms in patients with social phobia. For analyses d, e, and f,
end-point means ± standard deviations Beck Depression Inventory (2b) or Beck Anxiety Inventory (2c, 2d and 2e) scores for each group are shown.
(randomized controlled trials, RCT). Sur les 72 articles obtenus lors de la recherche 21 ont
and those reported in Britton et al. (2010)'s study were excluded
ation of maintenance ADs vs. continuation of ADs alone for the
été retenus, 17 concernent les MBSR et 4 les MBCT. Les principaux critères d’exclusion
because more than a half of patients was in remission at study entry
reduction of residual depressive symptoms in patients suffering from
and mean baseline BDI scores were extremely low (≤ 10), therefore MD.
étant le trop faible nombre de participants ou une prise en charge différant des programmes
there could be insufficient room for improvement over the course of
treatment). Data analysis of the short term effects of MBCT on BDI 3.2.3. MBCT for the short term reduction of BAI scores in patients with
standards. Concernant la taille des échantillons MD,
l’APA
BD andDivision
scores showed that MBCT + TAU was significantly better than TAU 12 Task Force a défini
anxiety disorders
only for the reduction of residual depressive symptoms (WMD = - MD and BD: Williams et al. (2008b) investigated the effects of MBCT
10.28 [95% CI = -17.18;-3.38] p = 0.003, I2 = 0%) (Fig. 2b). However
on BAI scores in patients suffering from MD and BD in remission with
« autour de 30 » la taille requise adéquate. Ici 14 des
only a marginally significant association was observed when data 21symptoms.
residual articles Therevus répondent
results à while
showed that, ce critère.
for MD patients no
reported by the lower quality study (Kingston et al., 2007) were significant improvement was observed at the 8 week end-point in
excluded (WMD = -11.24, [95% CI = -22.84;-0.36], p = 0.06), possi- anxiety scores as measured by the BAI (WMD = 2.70, C.I = -3.38-8.78,

study.
 
bly because of the limited sample size of Barnhofer et al. (2009)'s p = 0.38), significantly higher decreases of BAI scores could be
observed in the MBCT vs. the control group in bipolar patients
31  
Also, the only study comparing MBCT + gradual discontinuation of (WMD = -13.80 [C.I = -23.18- -4.42] p = 0.004) (Fig. 2c). Unfortu-
maintenance ADs vs. continuation of ADs alone (Kuyken et al., 2008) nately, however, the small sample size and the investigation of a
found a significantly higher reduction of BDI scores in the MBCT group sample of patients with concomitant suicidal ideation do not allow to
in comparison with the control group (WMD = -4.35 [95% CI = -8.6; draw definitive conclusions, suggesting the necessity for further
Pour ce qui est des limitations de l’analyse on relèvera que la plupart des études n’incluent
pas de groupes contrôles actifs, un suivi de courte durée après la fin du programme, un indice
de Jadad de 3 au maximum notamment en raison de l’absence de double aveugle.

En ce qui concerne les résultats obtenus on constate que le programme MBSR permet une
amélioration de la santé mentale en population non clinique et clinique ; que le programme
MBCT est supérieur au traitement usuel et équivalent au traitement médicamenteux de
continuation en ce qui concerne la rechute dépressive (chez les patients avec des antécédents
de 3 épisodes dépressifs majeurs) ; que les deux programmes permettent une amélioration des
symptômes anxieux et dépressifs.

v Piet & Hougaard 2011 68

Cette méta-analyse comporte six essais randomisés contrôlés testant l’efficacité des thérapies
de pleine conscience pour la dépression (figure 4). Dans trois de ces études les patients ne
bénéficiaient pas de traitement médicamenteux antidépresseurs depuis au moins 3 mois, dans
une les patients en bénéficiaient encore, dans deux autres les patients en avaient reçu pendant
au moins les 6 derniers mois. Quatre études comparent ici l’efficacité du programme MBCT
au traitement usuel (Bondolfi 2010, Godfrin 2010, Ma 2004, Teasdale 2000); dans l’une
d’entre elles ce programme est comparé au traitement médicamenteux de continuation
(Kyuken 2008) ; une particulièrement intéressante, recrutant initialement des patients en
phase active de dépression, comprend 3 bras d’études comparant : MBCT, traitement
médicamenteux de maintien et placebo une fois la rémission obtenue (Segal 2010).

Il ressort de cette analyse que le programme MBCT représente une intervention efficace dans
la prévention de la rechute dépressive. Une différence est particulièrement marquée dans le
sous-groupe de patients ayant des antécédents de trois épisodes dépressifs majeurs au moins.
Notons toutefois qu’un risque de rechute plus faible est aussi noté chez les patients avec
antécédents de deux épisodes dépressifs.

  32  
ually via reduced pill count during a 4-week period. overall result of this meta-analysis should be considered cr
bined relative risk ratio for MBCT versus m-ADM in the A very substantial difference was found for the su
was 0.80 (95% CI [0.60, 1.08], z = 1.45, p = 0.15), participants with three or more previous episodes of MDD,
ng to a non-significant MBCT risk reduction of 20%, with relapse rate for MBCT here was 36%, compared to 63% f
of heterogeneity between the studies (I 2 = 0%, p = 0.91; conditions (TAU or PLA), corresponding to a relative risk reduct
On the other hand, it should be noted that the
participants with only two prior episodes of MDD (n = 50
J. Piet, E. Hougaard / Clinical Psychology Review 31 (2011) 1032–1040
sion analyses tially showed a lower risk of relapse for TAU compared
MBCT Control Risk Ratio Risk Ratio
k of relapse ESs (the logarithm of risk ratios) as the (relative risk reduction = 49%; p = 0.07). The tendentia
Study or Subgroup Events Total Events Total Weight IV, Random, 95% CI IV, Random, 95% CI
ariable in meta-regression
1.1.1 MBCT vs analyses
TAU of studies comparing relapse rate among MBCT treated patients with only two ep
trols (shown in Fig. 2), no
Bondolfi 2010evidence of9ES moderation 27 10 28was8.6% rather paradoxical
0.93 [0.45, 1.93] finding, since MBCT has been found ge
Godfrin 2010 12 40 32 47 17.3% 0.44 [0.26, 0.74]
her publication year (B = − 0.024, SE
Ma 2004 14
= 0.024,
36
p23
= 0.31),
37 19.7%
benefit depressed patients (Chiesa & Serretti, 2011; Hofm
0.63 [0.39, 1.01]
(B = 0.002, SE = 0.003,
Teasdale 2000 p = 0.57), 31 or 71study 38 quality
66 40.3% 2010), and1.06]
0.76 [0.54, since patients with three or more episodes form
Subtotal (95% CI) 174 178 85.9% 0.66 [0.50, 0.87]
E = 0.260, p = 0.58). These
Total events
analyses were
66
underpowered
103
have been patients with only two episodes. Teasdale et al. (
hould be interpreted with caution.
Heterogeneity: Tau² = 0.02; Chi² = 3.96, df = 3 (P = 0.27); I² = 24% Ma and Teasdale (2004) found that patients with two
Test for overall effect: Z = 2.99 (P = 0.003) reported later first episode onset, and Ma and Teasdale (2
n 1.1.2 MBCT vs PLA found that such patients also reported less childhood adve
Segal 2010 10 26 18 30 14.1% suggest that
0.64 [0.36, 1.13]patients with only two episodes in their stu
Subtotal (95% CI) 26 30 14.1% 0.64 [0.36, 1.13]
all risk ratio for Total
relapse
events or recurrence 10 in MBCT 18 versus derived from a less vulnerable population, less likely to s
ps (TAU or PLA) Heterogeneity:
of 0.66 inNot this meta-analysis is highly
applicable dysphoria-activated depressive rumination that may be co
Test for overall effect: Z = 1.54 (P = 0.12)
ndicating that MBCT (added to TAU) is an effective primary target of MBCT. Indeed, Ma and Teasdale (2004)
for relapse prevention
Total (95%inCI) recurrent MDD 200 in remission. 208 100.0% relapse was
0.66 [0.53, 0.82]more often associated with significant life
Total events 76 121
sponds to a relative risk reduction of 34%, with relapse patients with only two prior episodes compared to patients
Heterogeneity: Tau² = 0.00; Chi² = 3.97, df = 4 (P = 0.41); I² = 0%
Testand 3.81 (P = 0.0001) As can be or more episodes. 0.01 0.1
and 58% for MBCT controls,
for overall respectively.
effect: Z = They 1 argue10that100
Favours MBCT Favours control
MBCT may be ineff
able 2, the studiesTest
areforgenerally of a high
subgroup differences: 0.01, df = 1 (P = 0.94), I² = 0%reducing relapse/recurrence provoked by stressful life even
Chi² =methodological

son of risk of relapse between MBCT and controls, including ES statistics. Note. MBCT = mindfulness-based cognitive therapy; CI = confidence inter
MBCT m-ADM Risk Ratio Risk Ratio
ual; and PLA = placebo. Figure explanation: The first left-sided column shows included studies categorized into two subgroups according to use of diffe
next columns indicateStudy or Subgroup
number of relapses Events Total
(events) and Events Total Weight
total number IV, Random,
of participants within95% CI and controls.
MBCT IV, Random,
The95% CI
column “Weight” shows the weight
Kyukenthe
study, taking into account 2008 29 and
study sample size 61 precision
37 of62result
78.0% 0.80
(see text [0.57,
for 1.11]
an explanation). The column “Risk Ratio” shows the relative ris
and controls together Segal
with 2010
the confidence interval.
10 A risk
26 ratio
13 below
28 1 favors
22.0% MBCT, while a risk
0.83 [0.44, 1.55] ratio above 1 favors the control group. The final colum
atios. The length of the horizontal lines for each risk ratio within the forest plot indicates the interval of confidence, while the size of the squares indicate
le. The bottom row of the figure shows the overall results.
Total (95% CI) 87 90 100.0% 0.80 [0.60, 1.08]
Total events 39 50
= 0%, p = 0.41). The Heterogeneity:
Fail SafeTau² = 0.00; Chi² indicated
N analysis = 0.01, df = 1 (P = 0.91);
that 14I² = 0% et al., 2010) only included participants
0.01 0.1 1 10 100 with three or more
al sample size studiesTest for overall
with no effect: Z = 1.45
effect (P = 0.15)
of MBCT compared to MDD episodes, whileFavours two
MBCT studies (Ma & Teasdale, 2004;
Favours m-ADM
a risk ratio of 1.0), would be needed to reduce the overall et al., 2000) had stratified prior to randomization on this
se ES to a non-significant level (p N 0.05). Fig. 3 shows a and separately analyzed relapse rates for this subgroup of
son of risk of relapse between MBCT and m-ADM, including ES statistics. Note. MBCT = Mindfulness-based cognitive therapy; and m-ADM =
n relation to the ES standard error. Eggers regression test Risk ratios for MBCT and controls in these five studies
medication. For further figure explanation, see caption for Fig. 2.
evidence of asymmetry in the ES funnel plot (t = 0.220, relapse data on participants with three or more prior episod
0.42), and the Trim and Fill method indicated that no from 0.44 to 0.93 with an overall mean of 0.57 (95% CI [0.4
dies (falling to the right of the overall mean ES) were corresponding to a relative risk reduction of 43% in favor
ake the plot symmetric. (see Fig. 4). This overall mean ES was highly significant (
p b 0.00001), and there was no evidence of heterogeneity
the studies (I 2 = 0%, p = 0.46). Relapse rates for this p
Figure 4 : Comparaison du risque de rechute entre MBCT et contrôles. CI= intervalle de
r of prior episodes subgroup of patients were 36% and 63% for MBCT (n =
udies comparing MBCT to controls in the form of TAU or controls (n = 182), respectively. The Fail Safe N for risk of r
confiance ; TAU= traitement usuel ; PLA = placebo ; m-ADM = traitement médicamenteux
lfi et al., 2010; Godfrin & van Heeringen, 2010; Segal participants with three or more previous episodes was 23, i
that 23 missing studies with a risk ratio of 1.0 were needed
de continuation ; Events = nombre de rechutes dépressives ; Total = nombre total de
the observed mean ES to a non-significant level (p N 0.05). T
no evidence of funnel plot asymmetry using Eggers regres
(t = 0.59, df = 3, p = 0.30), or the Trim and Fill method.
participants. Two studies (Ma & Teasdale, 2004; Teasdale et al., 2000)
relapse data for a subgroup of participants with only two
episodes of depression (n = 50). The overall risk ratio of 0.5
[0.25, 1.05]) for relapse in this subgroup of patients showe
towards significance (z = 1.82; p = 0.07) favoring TAU com
MBCT. Relapse rates were 27% for TAU participants, compar
for MBCT participants.

3.3.3. MBCT versus m-ADM


Two studies compared MBCT to m-ADM. In the study b
et al. (2008), 123 participants in primary care with at leas
episodes on ADM for the previous 6 months in full or partial r
were randomized to either MBCT + ADM tapering, or
ot of standard error by ESs for relative risk of relapse between MBCT and administered by the general practitioner in line with standar
SE = standard error; RR = risk ratio; MBCT = mindfulness-based practice and the British National Formulary. 75% of participa
py; TAU = treatment as usual; and PLA = placebo. The funnel plot
ce of publication bias when individual study effect sizes (risk ratios) are
MBCT group had completely discontinued their ADM at
metrically distributed around the overall mean effect size, which is follow-up. The three-arm-study by Segal et al. (2010) inclu
broken vertical line in the middle of the figure. of MBCT + ADM tapering (n = 26) and m-ADM (n = 30). Pa

  33  
III. COMMENT FONCTIONNE LA PLEINE CONSCIENCE ?

Il est tout à fait remarquable de noter la vaste étendue du champ d’application ainsi que
l’efficacité de ces méthodes psychothérapeutiques « simplistes » en apparences. Ce qui ne
manque pas dès lors de nécessiter un éclairage précis : comment fonctionnent ces méthodes ?
Quels en sont les mécanismes ? À n’en pas douter la simplicité des énoncés pratiques voile la
complexité du fonctionnement.

Si dès l’avènement de la pleine conscience en psychiatrie les études ont logiquement porté sur
l’efficacité de la méthode, sa faisabilité et ses conditions d’application, aujourd’hui l’enjeu est
bien différent et l’on recherche plus fréquemment à connaître les mécanismes psychologiques
mobilisés, ainsi que les impacts cérébraux et plus largement biologico-corporels.

Nous inspirant largement des travaux récents de Hölzel & al en 201169 nous reprendrons un à
un les mécanismes qui semblent impliqués dans l’efficience et l’efficacité des méthodes
psychothérapeutiques basées sur la pleine conscience. Sont principalement reconnus : la
régulation de l’attention, la conscience du corps, la régulation des émotions et un changement
dans la perspective de soi.

Ces mécanismes paraissent interagir intimement et constituent ainsi un processus actif pour
une meilleure autorégulation, ce que nous pourrions appeler aussi une meilleure régulation de
soi pour une meilleure conscience de soi. Nous verrons que ces différents composants
agissent chacun à des degrés d’intensité divers de façon non spécifique et tout au long des
moments de méditation ou en dehors, sans chronologie particulière, confirmant par là l’idée
avancée précédemment qui consiste à penser la pleine conscience comme la résultante
processuelle de différents mécanismes, et non pas le mécanisme ou un mécanisme à part
entière. Pour chacun de ces mécanismes seront parcourus les résultats obtenus dans les études
au niveau comportemental, clinique et neuroscientifique.

Enfin il faudra relever et expliquer la place prépondérante de la métacognition. Cette


composante, plus précisément perçue comme une « habileté » ou une « capacité », semble le
dénominateur commun de toutes les études actuelles. Elle est généralement définie comme
« la cognition à propos de la cognition » et paraît s’accorder au mieux avec les définitions
théoriques de la pleine conscience.

  34  
III.1. RÉGULATION DE L’ATTENTION

III.1.1. Introduction

« La faculté de dompter une attention vagabonde est à la racine du caractère, du


jugement et de la volonté : se posséder, c’est avoir cette faculté ; et la développer est
l’idéal par excellence de l’éducation. Idéal d’ailleurs facile à définir ; ce qui est moins
facile, c’est de donner une méthode pratique pour le réaliser. »

En 1892, à l’heure de la parution de son monumental et essentiel « Précis de psychologie » 70


William James ignorait probablement les méthodes méditatives disponibles sur d’autres
continents. En effet l’attention est mise en avant dans bon nombre de traditions orientales
depuis plusieurs siècles déjà avant les travaux de James. À tel point que l’entraînement à
l’attention est recommandé dès les premiers pas sur le chemin de la méditation, autrement dit
dès le plus jeune âge dans les traditions orientales. On la retrouve ainsi dans le samadhi71 de la
tradition bouddhiste Theravada, le samatha bhavana72 dans la tibétaine, ou dans le dharma73
dans la tradition Yogi indienne. Ces traditions considèrent d’ailleurs qu’il est nécessaire de
pratiquer une méditation centrée sur l’attention avant de passer à d’autres types d’exercices.
Comme déjà vu dans les définitions de la pleine conscience, maintenir son attention lors d’un
exercice de méditation nécessite souvent de se concentrer sur un objet (par exemple sa propre
respiration), et de simplement ramener son esprit à l’exercice en cours lorsque celui-ci
vagabonde. Les méditants aguerris rapportent en ce sens une plus grande facilité à maintenir
leur attention sur de longues périodes de temps ainsi qu’une occurrence moins fréquente
d’évènements distrayants durant leur pratique au quotidien69. Nous entendrons donc ici par
attention une « attention volontaire », ou encore une « attention soutenue », la considérant
précisément comme une fonction exécutive, et reprenant ainsi les termes consacrés dans le
domaine de la pleine conscience.

  35  
III.1.2. Attention et méditation : constatations cliniques

« Un effort d’attention volontaire ne peut durer plus de quelques secondes. ‘Soutenir


l’attention’, c’est la répéter par des efforts successifs qui ramènent à chaque fois
devant l’esprit l’idée qui se dérobe. » 70

À nouveau James décrit avec beaucoup de clairvoyance et bien avant notre époque la
problématique inhérente à l’attention volontaire, pilier fondamental des interventions basées
sur la pleine conscience. Lors d’un exercice de méditation centrée sur l’attention, des
évènements distrayants, extérieurs (par ex. : toutes sortes de stimuli sensoriels) ou intérieurs
(par ex. : les pensées à propos de notre avenir ou du passé) entrent systématiquement en
conflit avec la tâche en cours. Le pratiquant est censé faire abstraction de ces évènements et
se concentrer sur l’objet de la méditation, en l’occurrence le plus souvent sa propre
respiration, ses sensations corporelles.

Posner & Petersen74 ont déjà proposé un système cognitif définissant l’attention en trois
capacités nécessaires à son établissement (a three attention networks) : l’orientation vers un
ou des évènements sensoriels (orienting) ; la détection de signaux permettant le maintien du
focus attentionnel (detecting) ; le maintien d’une attention vigile (alerting). Un test mis au
point par Fan & al en 2002 permet d’évaluer ce modèle et de tester l’efficacité de chacun de
ses sous-systèmes. Il s’agit de l’Attention Network Test (ANT). Les résultats montrent
d’ailleurs que les trois composantes du modèle de Posner & Petersen sont relativement
autonomes75 et supportés par des structures neuro-anatomiques distinctes. Dans ce test les
sujets doivent indiquer le plus rapidement possible, en appuyant sur une touche du clavier, la
direction d’une flèche (cible) 75. Cette flèche est entourée de distracteurs qui peuvent être
congruents, non congruents ou neutres. La différence entre les temps de réponse aux
conditions congruentes et non congruentes donne une mesure de la gestion du « conflit »
(detecting) 75. Dans certains des essais sont également présentés avant la cible des indices
spatiaux (à l’endroit de la cible) et centraux (au point de fixation) indiquant l’imminence de la
cible. La différence entre les conditions d’indice spatial et d’indice central permet de mesurer
les capacités d’orientation de l’attention sélective (orienting). La différence entre les
conditions avec indice central et sans indice permet de mesurer l’alerte (alerting).

  36  
Deux études ayant testé l’ANT sont ainsi rapportées dans la revue de Hölzel.

Jha & al76 ont mis à l’épreuve l’ANT à l’aide d’individus participant soit à un programme de
groupe MBSR de 8 semaines, soit dans une démarche plus individuelle à une retraite
intensive de pleine conscience d’un mois. Ces groupes étaient comparés à des groupes de
sujets vierges de toute expérience méditative formelle. Les résultats suggèrent une
amélioration grâce à la pratique de la pleine conscience des composantes du modèle de Posner
& Petersen. Alors que les participants au programme MBSR améliorent leur capacité à
orienter leur attention, ceux participants à la retraite intensive semblaient améliorer leur
habilité réceptive et ainsi que leur processus d’attention vigile.

77
Dans l’étude de van den Hurk & al 20 méditants testent l’ANT et leurs performances sont
comparées à un groupe appareillé en âge et en sexe. Les résultats sont ici en faveur d’une
amélioration significative de l’orientation de l’attention chez les méditants et suggèrent une
tendance à l’amélioration de l’attention exécutive ; de plus la pleine conscience permettrait
une meilleure efficience des processus attentionnels. Ainsi pour les auteurs, la méditation de
pleine conscience représente un bon outil d’entraînement dans le but d’acquérir de meilleures
performances attentionnelles.

Il faut cependant rapporter l’existence de résultats mitigés78,79,80 avec un autre test éprouvant
l’attention exécutive, le Stroop81.

III.1.3. Attention et méditation : constatations neuroscientifiques

Les recherches en neuro-imagerie fonctionnelle permettent actuellement de penser que le


cortex cingulaire antérieur (CCA) soutient en grande partie la fonction exécutive de
l’attention en détectant la présence de conflits dus à l’incompatibilité de flux de traitement
d’informations82. Cette structure située à la face médiale des lobes frontaux une fois activée
permettrait aux régions latérales des cortex préfrontaux de résoudre le conflit repéré82. Le
CCA constituerait avec le cortex fronto-insulaire un réseau permettant un changement
d’activation rapide entre les différentes régions cérébrales impliquées et donc un meilleur
contrôle cognitif83. Durant la pratique méditative on pourrait ainsi imaginer, au moment où
apparaissent des événements perturbant l’exercice en cours, que l’activation du CCA vise à

  37  
maintenir une attention de qualité. La résolution de conflits permettant le maintien d’une
attention vigile, serait possible via la mise en œuvre d’un système de régulation dit «Top-
Down» 82.

À ce jour de nombreuses études ont classé le CCA comme faisant clairement partie des
structures cérébrales mobilisées par la méditation84. Et après notamment les travaux de van
Veen & Carter82 de nombreuses études ont étudié sa mise en action lors d’exercices de
méditation centrée sur l’attention. Hölzel & al en 200785 ont ainsi confirmé la plus grande
activation de la partie rostrale du CCA lors de pratique méditative. Les auteurs se posent par
ailleurs la question de la différence d’activation selon le niveau de pratique méditative des
différents sujets. En effet, d’un côté il semble possible qu’une activation répétée du CCA avec
un entraînement méditatif régulier conduise à une plus grande activation de cette région par
rapport aux sujets non où peu entraînés à la mise à l’écart d’événements distrayants. D’un
autre côté il paraît également possible d’imaginer qu’à partir d’un certain niveau de pratique
et d’expertise en matière de méditation, la mobilisation de cette structure soit moins vitale à la
réalisation d’un état de pleine conscience. La négligence des événements gênant se ferait
« plus naturellement » en raison d’une grande stabilité du niveau d’attention globale. Une
équipe de chercheurs avait d’ailleurs en ce sens présenté les résultats d’une étude rapportant
une activation du CCA seulement chez les méditants novices et non chez les experts86. Ces
résultats présentés initialement en 2004 lors d’un congrès de la Société de Neurosciences à
San Diego vont dans le sens des écrits d’un Maître Zen, Thuong Chieu, datant du… XIIème
siècle. Il écrivait à propos de ce nécessaire entraînement : « Si le pratiquant connaît son
propre esprit, il obtiendra des résultats avec peu d’efforts. Si, en revanche, il ne connaît rien à
son propre esprit, tous ses efforts seront gâchés ».

Les études de neuro -imagerie structurelles montrent elles aussi une implication nette du CCA
dans les activités méditatives. Dans une étude cherchant à établir l’impact de la douleur chez
des méditants Zen expérimentés, réputés comme accordant une importance moindre aux
stimulis négatifs, il a été retrouvé une plus grande épaisseur corticale portant sur l’épaisseur
de la substance grise87. En outre une autre équipe a rapporté après seulement onze heures de
gymnastique intégrée du corps et de l'esprit (pratique très proche des exercices de méditation)
une augmentation de l’épaisseur de la substance blanche du CCA88.

Dans un article deux auteurs ont tenté d’établir un modèle neurophysiologique du réseau
cérébral impliqué lors de pratiques méditatives89. Il est intéressant de noter que pour eux,

  38  
l’état de méditation débute avec une mobilisation des processus attentionnels via une
activation simultanée du cortex préfrontal, notamment au niveau de l’hémisphère droit, et du
gyrus cingulaire en lien avec le CCA. Leur analyse quantitative retrouve aussi une
augmentation de l’activité au sein du cortex préfrontal (surtout à droite) et du gyrus cingulaire
pendant la pratique méditative. Ce que les auteurs semblent mettre en avant ici est le rôle
important de ces structures dans l’aspect volitif et intentionnel de l’attention notamment pour
la diriger ou rediriger vers l’exercice en cours.

Enfin des données issues d’études d’électroencéphalogrammes rapportent une augmentation


du rythme thêta au niveau des structures frontales médianes durant la méditation90; ce rythme
étant associé à des tâches attentionnelles et reflétant probablement l’activité du CCA91.

La pratique de l’attention soutenue semble donc être essentielle dès les débuts de la pratique
de la pleine conscience et peut-être surtout au début de celle-ci pour permettre un déroulement
optimal des exercices et se rendre compte au mieux du vagabondage si fréquent de l’esprit. En
outre cette fonction a un retentissement neurologique qui s’avère à ce jour particulièrement
positif renforçant notamment l’activation des aires cérébrales impliquées dans le maintien de
cette attention. Ces résultats résonnent enfin avec un écho particulier aujourd’hui et plus d’un
siècle après le vœu d’éducation à l’attention de William James. Ce paragraphe est ainsi
l’occasion de rappeler une fois encore, à la lumière des ces modifications structurelles, que la
méditation est une forme « d’entraînement de l’esprit » et non pas une mystique.

III.2. CONSCIENCE DU CORPS

III.2.1. Introduction

Le concept de conscience du corps apparaît ces dernières années au premier plan de


nombreuses études scientifiques dans le domaine de la santé. Bien qu’il soit aujourd’hui
encore difficile d’en établir une définition consensuelle92 la conscience du corps semble
impliquer une attention soutenue et dirigée, ainsi qu’une conscience des sensations
corporelles internes93. D’un point de vue neurophysiologique la clarification de sa propre
conscience du corps nécessite de reprendre les définitions des termes proprioception et
interoception.

  39  
La proprioception concerne la perception des sensations issues du corps qui renseignent sur
l’attitude, les mouvements, l’équilibre, via l’orientation des articulations, la mise en tension
des muscles94. C’est ce que l’on pourrait appeler le ressenti du corps, ce que Sachs surnomme
« ce sixième sens vital sans lequel un corps [devrait] rester irréel, non possédé »95.
L’interoception est la perception des sensations à l’intérieur du corps et inclut la perception
des sensations physiques en lien avec des organes internes, telles les battements du cœur, les
mouvements respiratoires, la satiété, et l’activité du système nerveux autonome en lien avec
les émotions96.

Une autre perspective, philosophique et anthropologique, aborde la conscience du corps sous


l’angle de « l’incarnation » (embodiment en anglais ; que nous reprendrons plus tard avec
Varela et l’« inscription corporelle de l’esprit »). Cette incarnation représente de ce point de
vue le sentiment même d’être situé en un corps physique et renvoie à l’expérience immédiate
de chacun dans ce corps propre93. Au-delà des contraintes inhérentes à un certains dualisme
cartésien, l’incarnation reconnaît le rôle de notre corps dans l’élaboration de notre pensée, et
dans un autre vaste champs d’étude, de notre culture93.

Edelman va lui plus loin encore dans son explication du concept de conscience du corps et
affirme que « la conscience est incarnée » 97.

Mais comment ce concept peut être entendu à la lumière des pratiques méditatives ?

Pour Leder les sociétés occidentales sont caractérisées ces derniers temps par un certains style
de vie « désincarné »98. Il existe selon lui de nombreuses méthodes disponibles pour réorienter
ce style de vie vers un qui soit plus tourné vers le corps, et parmi elles il cite certaines
pratiques d’inspiration méditatives dont le Hatha Yoga98. Les méthodes de réduction du stress
ont donc emprunté aux traditions bouddhistes et méditatives la pratique d’un focus
attentionnel particulier centré sur des sensation physiques subtiles telles que la respiration
afin d’obtenir un état de pleine conscience centré sur le corps, incarné, présentant un bénéfice
pour la santé de l’être. Globalement les approches basées sur la pleine conscience visent à
cultiver une qualité particulière de conscience du corps caractérisée non par l’intensité du
ressenti mais par l’acceptation pleinement consciente et sans jugement des sensations
physiques quelles qu’elles soient ; une qualité de conscience comme déjà qualifiée auparavant
de « non élaborative », curieuse et ouverte. Le lien entre pratique de la pleine conscience et
conscience du corps se retrouve d’ailleurs dans certains items des échelles citées plus haut,
notamment la KIMS, la FFMQ et la MAAS.

  40  
Notons aussi qu’il semble que dès l’enseignement du Bouddha la conscience du corps ait eu
un rôle fondementale au cœur même de la pleine conscience. Dans la traduction du
Satipatthana Sutta (discours du Bouddha sur l’établissement de la conscience et de l’attention)
de Thanissaro Bikkhu on peut lire ainsi comment le Bouddha guide le moine lors d’une
pratique méditative99 :

« Ainsi il demeure, contemplant le corps dans le corps intérieurement. Ainsi il


demeure, contemplant le corps dans le corps extérieurement. Ainsi il demeure,
contemplant le corps dans le corps intérieurement et extérieurement. Il demeure
contemplant l'apparition des phénomènes dans le corps. Il demeure contemplant la
disparition des phénomènes dans le corps. Il demeure contemplant l'apparition et la
disparition des phénomènes dans le corps. La pleine conscience [mindfulness dans la
traduction anglaise]: ” Ceci est un corps ” est établie en lui dans la simple mesure
nécessaire à la connaissance et à l'observation attentive. Ainsi il demeure libéré, ne
s'attachant à rien dans le monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu [un moine] demeure
contemplant le corps dans le corps. »

III.2.2. Conscience du corps et méditation : constatations cliniques

Les sujets habitués à méditer régulièrement rapportent souvent l’intérêt de cette pratique en ce
qu’elle leur permet une perception plus claire et plus fine des diverses sensations corporelles
aussi subtiles soient-elles, au niveau proprio- ou intéroceptif. Lors d’entretiens qualitatifs il a
été demandé à dix méditants expérimentés d’expliquer ce qui avait changé dans leur vie
depuis le début de leur pratique. Sept des dix sujets interviewés ont répondu spontanément
qu’ils avaient constaté une différence remarquable dans leur capacité à percevoir les
sensations corporelles100.

Comme dit précédemment ce changement de relation au corps opéré par la pratique


méditative est exploré dans une certaine mesure par les outils psychométriques spécifiques
que sont les échelles de pleine conscience. On relève par exemple dans une étude une nette
amélioration des scores sur la FFMQ après participation à un groupe MBSR101. En effet la
conscience des sensations corporelle mais aussi l’ouïe, l’odorat, la vue et l’interoception sont
représentées dans cette échelle au travers des sous-items relatifs à la qualité d’observation
requise pour une pratique efficiente de la pleine conscience. Par exemple dans l’item 1 on

  41  
peut lire: « Quand je marche je note délibérément les sensations de mon corps en
mouvement », dans l’item 11 de même « Je note comment la nourriture et les boissons
affectent mes pensées, mes sensations corporelles et mes émotions » 46.

Si malheureusement en dehors de ces rapports subjectifs il n’existe pas encore d’études


comportementales présentant une validité suffisante pour objectiver au mieux l’amélioration
de cette perception corporelle, des études de neuro-imagerie ont apporté bon nombre
d’indices étayant cette hypothèse.

III.2.3. Conscience du corps et méditation : constatations neuroscientifiques

« Ce n'est pas l'esprit qui est dans le corps, c'est l'esprit qui contient le corps,
et qui l'enveloppe tout entier. »

Paul Claudel102

En effet à ce jour plusieurs études ont montré via une pratique méditative soutenue la
survenue de changements dans les aires cérébrales impliquées dans la proprioception et
surtout l’interoception.

Une zone en particulier, l’insula, est considérée comme le lieu de la perception


intéroceptive103. Les connaissances neuro-anatomiques actuelles103 suggèrent que les
informations relatives à ce que l’on peut appeler « l’état interne du corps » sont supportées par
une voie spino-thalamo-corticale qui y est spécifiquement dédiée et qui converge avec les
afférences vagales vers les centres intéroceptifs dans l’insula, les cortex orbito-frontaux et le
cortex somatosensoriel qui est lui plus impliqué dans l’extéroception (perception des stimulis
externes). Il est par ailleurs important de souligner encore ce rôle de l’insula en notant que
l’activation de cette zone est aussi obtenue lors de stimulations viscérales104, lors de stimuli
douloureux105, par une augmentation de la température106 ou par divers processus
émotionnels107, l’empathie108 de même que les émotions négatives. Pour ce dernier point nous
verrons justement plus comment conscience du corps et régulation émotionnelle sont
intimement liés. Plus précisément encore l’insula antérieure droite semble être le substratum
neuro-anatomique de la représentation subjective du soi, le support du sentiment même de soi
et le véhicule de notre conscience émotionnelle (the feeling self en anglais) 109.

  42  
Cette zone fondamentale de notre cerveau présente encore deux caractéristiques importantes
pour notre exposé. Tout d’abord son rôle dans les processus attentionnels a été prouvé par
l’imagerie fonctionnelle110. Cette affirmation ne surprendra pas vraiment et confirme
l’interaction permanente des processus impliqués dans le fonctionnement de la pleine
conscience. Par ailleurs le volume de substance grise au niveau insulaire est corrélé
positivement à de meilleurs scores lors de tâches mesurant les capacités de perception
interoceptive110.

Ainsi les résultats d’imagerie chez les méditants confirment les hypothèses de fonctionnement
des pratiques de pleine conscience. Les activations de l’insula et des aires somatosensorielles
sont augmentées chez les individus après un programme MBSR en comparaison avec des
sujets vierges de toute pratique111, suggérant de meilleures capacités extéro- et intéroceptives.

L’équipe de Lazar & al112 a retrouvé une épaisseur corticale plus élevée chez les méditants,
notamment au niveau de l’insula antérieure droite ainsi qu’au niveau du cortex préfrontal. De
même, et bien que de plus amples études soient nécessaires sur ce point, l’épaisseur corticale
cérébrale globale était plus importante chez les sujets âgés méditants par rapport aux sujets
contrôles, suggérant un freinage par la méditation du vieillissement cérébral par un taux de
dégénération neuronale plus faible. Enfin il est expliqué que les années de pratique, et les
mesures de la fréquence respiratoire (reflet physiologique ici de l’expérience des méditants)
sont positivement corrélés à l’épaisseur corticale dans l’insula antérieure droite. Les auteurs
concluent en émettant l’hypothèse qu’une meilleure perception intéroceptive permettrait une
meilleure conscience de soi et ainsi une meilleure gestion des évènements stressant pouvant
survenir au quotidien.

Hölzel & al 113, se basant sur les travaux de l’équipe précédente, ont voulu en approfondir les
résultats avec des méthodes d’imagerie et de mesures plus précises. Ils retrouvent de même
une augmentation significative chez les méditants de la concentration en substance grise dans
les régions antérieures droites de l’insula. Cette concentration est d’ailleurs dans leur résultat
proportionnelle à la pratique de la pleine conscience.

Du côté des contradictions une étude ne rapporte aucun changement au niveau de la


concentration de la matière grise dans l’insula après 8 semaines de programme MBSR114.
Pourtant cette même étude révèle que la participation à ce groupe permet une augmentation de
la concentration de matière grise dans une autre structure : la jonction temporo-pariétale. Et
cette structure justement a un rôle crucial en psychiatrie. Elle serait un des supports de la

  43  
conscience expérientielle subjective du corps, autrement l’expérience à la première
personne115, un soi expérientiel en quelques sortes, le support de ce que d’autres équipes
appellent encore dans ce contexte l’incarnation116. Pour enfoncer le clou de ces arguments il a
été rapporté par certains qu’une atteinte de cette structure conduirait à des expériences
pathologiques du soi telles que la dépersonnalisation117.

Il nous faut terminer l’investigation des résultats de recherches neuroscientifiques en


reprenant un point particulier, celui de la latéralisation des structures mises en jeu. L’équipe
de Farb & al en 2010118 a apporté des précisions majeures sur ce point. Ils ont étudié en neuro-
imagerie la réactivité à la tristesse au niveau cérébrale chez des sujets avant et après
participation à un entraînement de pleine conscience de huit semaines. Classiquement les
études avaient montré jusqu’à présent un recrutement, lors de mises en situations tristes, des
structures corticales médianes en lien avec des processus autoréférentiels. Et c’est bien ce qui
a été trouvé dans cette étude. En outre les patients rapportaient en entretien dirigé des niveaux
de tristesse provoquée tout à fait similaires. Seulement les activations étaient bien différentes
en fonction de la pratique méditative. En effet le groupe des méditants a montré une activation
bien moindre des régions corticales médianes associées à la mémoire autobiographique et aux
processus autoréférentiels ; de même pour les aires du langage comme le gyrus temporal
postéro-supérieur gauche, l’aire de Wernicke, et la circonvolution frontale gauche
correspondant à l’aire de Broca.

Ces résultats suggèrent donc une réduction de l’impact émotionnel négatif de la tristesse
induite chez les méditants évoquant une modification de l’attitude face aux émotions
négatives de ces sujets, et non de l’intensité de cette détresse. En effet plutôt que de percevoir
cette stimulation négative comme une menace celle-ci serait plus facilement perçue comme
une fluctuation anodine de l’état corporel. La réactivité cognitive serait ainsi moindre chez les
patients qui pratiquent la pleine conscience, autrement dit ils seraient moins sujet aux
ruminations.

En accord avec les résultats trouvés jusqu’à présent les auteurs accordent ainsi aux méditants
la possibilité de réguler au mieux le recrutement des structures cérébrales, préférant celles
latéralisées à droite et impliquées dans les représentations viscéro-somatiques des états
corporels, avec en priorité l’insula, plutôt que les structures gauches supportant des réponses
« trop cognitives » aux stimulis négatifs. Il faut d’ailleurs relever la corrélation négative dans
cette étude entre les scores obtenus sur l’échelle de dépression BDI (Beck Depression

  44  
Inventory) et l’activation de la partie droite de l’insula. De plus l’activité de cette zone de
l’insula et l’activité du cortex préfrontal latéral droit sont ici négativement corrélées à celle de
l’aire de Wernicke suggérant un compromis possible entre ces deux types de traitement
d’information très important dans la régulation de l’humeur.   La restauration d’un meilleur
équilibre entre les réseaux cognitif et sensoriels permettrait donc de réduire la réactivité
cognitive qui constitue une vulnérabilité à la rechute dépressive via l’activation de réponses
dites « ruminatives ».

III.2.4. Conscience du corps et régulation des émotions

« … l’émotion, tout comme l’instinct, a son ‘expression physique’, qui peut même
comporter de très fortes contractions musculaires, comme on le voit par exemple dans
la peur et la colère. » 70

Les sensations corporelles ont un rôle crucial dans l’expérience consciente des émotions et
des sentiments, reconnu ici historiquement par James mais le sont encore aujourd’hui119. Une
meilleure conscience des réponses corporelles à un stimulus en engageant une émotionnelle
permettrait une meilleure connaissance de sa propre vie sur ce plan ; de même une meilleure
conscience de ses propres réactions émotionnelles en permettrait une meilleure régulation. La
pratique de la pleine conscience favoriserait en conséquences cet équilibre émotionnel dont
nous allons donner quelques détails dans le prochain paragraphe.

Les propos éclairés de Kabat Zinn nous servirons pour conclure ce volet concernant la pleine
conscience et la conscience du corps. À propos de cette expérience d’incarnation que
représente la méditation il écrit: « Mes chemins et mes sentiers sont ceux de la proprioception
et de l’intéroception – la perception de la présence et de la position du corps dans l’espace et
de sa situation interne – mais également de l’esprit tel qu’il est à tout moment. Je me réjouis
d’appliquer ma conscience à mes pieds, à mes chevilles, à mes jambes, à mon bassin, à
l’intégralité du corps étendu là » 12. Pour Kabat Zinn il s’agit de ne surtout pas se retrouver
dans la malheureuse situation de Mr Duffy, personnage d’une nouvelle de James Joyce, qui
« vivait un peu à distance de son corps ». La pratique est évidemment indispensable, et il ne

  45  
suffira pas de « penser pleine conscience » pour en tirer les bénéfices attendus. La claire
conscience anime les sens quand elle les étreint12. En se reconnectant avec notre propre corps
Kabat Zinn estime, citant Sachs et Wittgenstein, que l’on retrouve le début et la base de toute
connaissance et certitude ; la conscience du corps comme notion « essentielle pour le concept
du Soi »120.

III.3. RÉGULATIONS DES ÉMOTIONS

III.3.1. Introduction

« Si nous ne comprenons pas nos états d’âme, nous serons ballottés et malmenés par
eux. Nous réagirons, sous leur emprise, comme des enfants. Au lieu d’être une
richesse, ils seront une entrave ; au lieu de nous aider ils vont nous embrouiller. Ce
qu’on appelle maturité repose, bien plus que sur nos compétences intellectuelles, sur
cette dimension émotionnelle, cette capacité à percevoir et pacifier nos mouvements
intérieurs. » 24

Dans un style presque poétique Christophe André, dans son best-seller sur les états d’âmes,
aborde ainsi le sujet de la régulation des émotions. Pour l’auteur, s’assurer du bon traitement
de ses émotions permet un accès à « une meilleure connaissance de soi et donc de mieux
conduire sa vie » 24. Il précise par la suite, citant la littérature scientifique, que cette régulation
est indispensable en tant qu’ « intelligence de soi » 121. Parcourant cette littérature nous allons
voir ici comment ce mécanisme est lié aux pratiques méditatives de pleine conscience.

III.3.2. Régulation des émotions et méditation : constatations cliniques

Les interventions basées sur la pleine conscience reposent en grande partie sur l’exploration
de l’expérience vécue ici et maintenant, et sont donc en partie centrées sur la reconnaissance
et l’exploration active des émotions122 ces dernières constituant clairement une partie cruciale
du déroulement de l’expérience du vécu. L’idée sous-jacente étant que les troubles
psychopathologiques résultent d’une tentative erronée de suppression de l’information
émotionnelle39. Alors que certaines descriptions contemporaines accordent une place en tant
que mécanisme « adaptatif » au contrôle attentionnel dans la régulation des émotions lorsque
celui-ci permet un éloignement du stimulus émotionnel négatif, la pleine conscience implique

  46  
elle un maintien de l’attention sur ce stimulus69. En effet la mindfulness propose aux sujets
d’accueillir et de rester présent à toutes les émotions et sentiments qui surviennent, sans
essayer de les chasser ou de les contrôler5. Ce type d’orientation vers l’expérience favorise
par ce biais l’auto-observation : les individus adoptant une telle attitude présenteraient de
bonnes capacités à distinguer une émotion d’une sensation corporelle, et pourraient apprendre
à décrire la nature complexe des états émotionnels31. La pleine conscience représenterait donc
une stratégie nettement différente des stratégies de régulation des émotions comme peut l’être
la « suppression » des émotions123. Les auteurs les plus spécialisés tentent d’ailleurs de lutter
contre les idées reçues rappelant que la pleine conscience ne constitue pas vraiment en ce sens
la troisième vague des thérapies cognitives et comportementales. Pour certains elle pourrait
même constituer avant tout une intervention psychologique de prévention primaire124.

Pour ce qui est donc de l’amélioration de la régulation émotionnelle par la méditation


plusieurs études ont été menées et ont apporté la preuve d’un intérêt de cette pratique. Des
novices en la matière ont montré après participation à un programme de pleine conscience de
sept semaines une nette réduction de ce qui est appelé l’interférence émotionnelle, à savoir la
différence des temps de réaction entre les réactions après un stimulus neutre et un censé
engager une réaction émotionnelle plus importante125. Les sujets étaient ici comparés avec
d’autres participant à un groupe de relaxation ainsi qu’avec ceux présents sur la liste d’attente
de l’étude. Par ailleurs des études utilisant des auto-questionnaires ont montré que la pratique
de la pleine conscience diminuait les états d’humeurs négatives126, augmentait les positifs,
tout en réduisant les états de distraction et les pensées ruminatives127.

Il est d’ailleurs important de relever qu’à ce jour de nombreux troubles d’ordre psychiatrique
sont reconnus comme associés à une diminution de la capacité de régulation émotionnelle des
sujets en souffrance69. Comme nous allons le voir ces désordres sont souvent mis en relation
sur le plan neurologique avec un dysfonctionnement du système fronto-limbique comprenant
une diminution de l’activation préfrontale et une exagération de la réactivité amygdalienne69.

  47  
III.3.3. Régulation des émotions et méditation : constatations
neuroscientifiques

Sur le plan neurologique la régulation des émotions engage de façon primordiale deux aires :
le système préfrontal qui module le système de génération des émotions, et qui par ailleurs
régule la réaction de l’amygdale notamment impliquée dans la reconnaissance et l'évaluation
de la valence émotionnelle des stimuli sensoriels et surtout dans la reconnaissance de stimulis
dits dangereux pour l’organisme dont font partie les émotions négatives primaires telles que la
peur ou l’anxiété128. L’amygdale constitue en quelque sorte une gare des émotions. Plus
spécifiquement ces structures préfrontales incluent la région dorsale du cortex préfrontal
(CPF) latéral qui est impliqué comme vu précédemment dans les mécanismes d’attention
sélective mais aussi dans ceux de la mémoire de travail ; la partie ventrale du CPF impliquée
dans les réponses d’inhibition ; le CCA dont nous avons déjà évoqué les fonctions de contrôle
et de surveillance au cœur des processus attentionnels ; et le CPF dorso-médial intervenant
dans le contrôle des états affectifs de chacun129,130. Ainsi l’hypothèse formulée dans la
littérature est la suivante : lorsque les individus tentent de réguler volontairement leurs
réponses affectives (comme on peut l’imaginer lors de pratiques méditatives) se produit une
activation du CPF ainsi qu’une moindre activation de l’amygdale suggérant une régulation du
haut vers le bas (Top-Down regulation), des projections du CPF vers l’amygdale131,132,133,134,135.

Concrètement dans une étude réalisée à l’aide de la MAAS on a retrouvé chez les sujets avec
une plus grande disposition à la pleine conscience : une augmentation de l’activité en de
multiples sites du CPF, une réduction de la réactivité amygdalienne et une association
inhibitrice renforcée entre ces deux aires cérébrales136. De même chez des méditants
expérimentés cette fois-ci une plus grande activation du CPF dorso-médial et du CCA rostral
a été rapportée85. Après que d’autres participants ont participé à un programme de pleine
conscience de huit semaines une autre équipe a trouvé une augmentation de l’activité au
niveau du CPF ventro-latéral que les auteurs ont interprété comme une augmentation du
système d’inhibition cité plus haut111.

Un exposé précis des différents mécanismes psychologiques mis en jeu dans la régulation
émotionnelle dépasserait les objectifs d’un tel exposé. Néanmoins parmi eux deux sont mis en
avant dans la littérature : la réévaluation des émotions et l’extinction de la réactivité
émotionnelle. En ce qui concerne la réévaluation de nombreuses études de neuro-imagerie
ont mis avant un certain parallèle entre les structures impliquées et celles activées lors de

  48  
pratiques méditatives. Mais le flou persiste concernant le mécanisme en lui-même, s’agirait-il
par exemple d’une réévaluation positive ? Dans ce cas cela ne manquerait de soulever bon
nombre de contradictions avec la philosophie inhérente à la pleine conscience et qui se veut
bien éloignée de toute manipulation cognitive externe et hors du champ du vécu du patient.
En effet réévaluer l’expérience permet non seulement l’éloignement des expériences
émotionnelles négatives et constitue donc une forme d’évitement expérientiel, mais aussi une
réévaluation de la situation afin d’atteindre une représentation de la réalité plus adaptative
tentant de la rendre ainsi moins difficile à vivre5. En fait pour mieux comprendre le processus
de réévaluation à la lumière des pleines conscience il faut considérer la changement comme
intervenant au niveau du processus plutôt que du contenu123 : ainsi alors que la réévaluation
cognitive à proprement parler implique de changer sa façon de voir le stimulus émotionnel, la
pleine conscience peut être décrite comme un moyen de changer la relation que nous avons
avec la perception émotionnelle5.

Par contre en ce qui concerne le processus d’extinction les arguments sont moins
contradictoires. Et il est d’ailleurs frappant de noter les fréquentes similitudes entre les
structures neuro-cérébrales impliquées dans ce processus et celui des mindfulness. Plusieurs
études ont rapporté une plus grande concentration de la substance grise au niveau
hippocampique113,138 chez les méditants, structure reconnue pour son implication dans ce
processus. De même on a noté récemment des changements structurels au niveau de
l’hippocampe en faveur des méditants, ainsi qu’une amélioration de la concentration de la
substance grise au sein du CPF ventro-médian113, 114. Au niveau de la réactivité amygdalienne
une corrélation positive a été établit entre un bas niveau de stress et une moindre
concentration de la substance grise à ce niveau suggérant comme nous l’avons déjà souligné
une moindre considération de l’émotion en tant que signal d’alerte ou de détresse137. Ces
considérations neuroscientifiques supportent ainsi bien mieux l’hypothèse de la mise en jeu
du mécanisme d’extinction survenant au décours d’un maintien d’une attention soutenue sur
l’expérience vécue. L’extinction jouerait donc ce rôle crucial dans le bénéfice que peuvent
apporter les thérapies de pleine conscience via cette Top-Down regulation63,138.

Ce processus d’extinction serait donc efficient durant toute l’expérience émotionnelle en


cours et permettrait une reconsidération plus libre du vécu en ce sens que l’attention entraînée
par la pratique ne serait plus, ou dans une moindre mesure en tous cas, capturée par les a

  49  
priori associés à une expérience donnée39. L’enseignement bouddhiste explique justement que
le non attachement aux expériences, qu’elles soient plaisantes ou désagréables, c’est-à-dire
une considération globale de celles-ci, conduit à ce qu’on appelle dans cette tradition la
libération114. Pour le dire autrement et d’un point de vue occidental, la non réactivité pourrait
permettre de se libérer de ses propres réactions émotionnelles habituelles69.

III.4. CHANGEMENT DE PERSPECTIVE DU SOI

III.4.1. Introduction

L’essence de la psychologie bouddhiste réside dans l’enseignement de toute chose comme


étant non permanente, y compris le Soi qui ne peut être considéré comme immuable12. Ce
concept connu plus largement sous le nom d’impermanence constitue pour la tradition
extrême-orientale le premier des deux grades supérieurs de la perspicacité dans le processus
du cycle de l’existence139. Il renvoie au « libre mouvement des phénomènes », à la « liberté
propre au réel » 140. Il s’agit comme le rappelle Kabat Zinn de considérer que « tout est flux,
c’est-à-dire [que] tout est en devenir » 12. De ce point de vue la perception d’un Soi n’est que
le produit de processus mentaux incessants et menant à « l’illusion » d’un Soi constant, à la
fabrication d’une entité invariable69. Le Soi serait ainsi vécu comme cette entité habitant
notre corps, l’entité pensante à l’origine de nos pensées, expérimentant nos émotions et étant
l’agent de nos actions ; le détenteur de notre volonté et de notre libre arbitre12. Dans cette
perspective et soutenant l’hypothèse bouddhiste on retrouve dans la littérature des rapports de
méditants soulignant leur plus grande capacité à observer leurs processus mentaux tentant de
construire ce « soi disant » Soi141.

Le « je », « moi », le « mien » sont à considérés comme des produits de notre pensée12. C’est
ce que Rosenberg, cité par Kabat Zinn, appelle le « selfing », cette tendance inévitable et
incorrigible de construire à partir de n’importe quellle situation un « je », un « moi », un
« mien » et ensuite de se projeter dans le monde à partir de cette perspective limitée qui relève
surtout du fantasme et d’une attitude défensive12. Et c’est très probablement ce processus que
les pratiquant estiment pouvoir observer en méditant ; cette tentative systématique de
construction d’un « moi » par notre esprit. C’est dans ce contexte que la pleine conscience
pourrait être vue comme une habileté métacognitive. La métacognition étant définie comme

  50  
« la cognition à propos de la cognition » 142. Reprenant ici tous les mécanismes impliqués on
pourrait estimer cette métacognition comme étant cette capacité supérieure permettant un
changement substantiel dans la manière d’articuler les relations entre « Soi même » et les
processus cognitifs dans le champ de la conscience5,143. Il s’agirait en définitive d’une
expérience subjective dans laquelle chaque individu adopterait une mise en perspective non
conceptuelle du vécu à l’aide d’une attention soutenue dirigée vers le contenu de l’expérience
consciente et les processus impliqués69. Il ne s’agit pas de confondre métacognition et contenu
de la conscience144 mais bien de faciliter le détachement de cette identification permanente
avec un sens statique du Soi69. Au-delà de cette entité il faut après les enseignements
bouddhistes considérer ce sens de Soi comme transitoire, et à l’aide des pratiques méditatives
mener à bien cette « déconstruction du Soi » 145

Dans le bouddhisme c’est justement ce « selfing », cette entité figée et faites de constructions
mentales, qui est la cause de la souffrance de l’homme ; la dé-identification seule pouvant
conduire à la libération et à un vécu moins pénible de l’existence12. Il faut toutefois noter qu’à
l’instar des exégètes bouddhistes d’autres en occident se sont attachés à développer cette idée.
Einstein dans son célèbre « Le Monde tel que je le vois » explique que « la vraie valeur d’un
être humain est principalement déterminée par la façon et dans quelle mesure il s’est libéré de
son moi » 146. Et après lui Jack Engler d’affirmer : « Quand on réalise qu’aucun Soi ne peut
être trouvé dans les éléments de notre expérience alors commence le processus de libération.
Comprenant que notre sens du ‘Je’ n’est pas solide, permanent ou substantiel comme nous
avons coutume de le penser (…). Ceux qui comprennent cela ressentent une plus grande clarté
et une plus grande liberté. Ils font preuve de plus tendresse et de compréhension envers les
autres » 147.

Concrètement c’est jusque dans les instructions utilisées lors des groupes de thérapies que
cette philosophie a une implication. Il est ainsi demandé aux participant d’observer tous les
différents aspects de l’expérience et notamment les évènements mentaux comme fluctuants.
En observant de façon rapprochée le contenu de la conscience les méditants en arrivent à
percevoir cet aspect transitoire du sens de l’expérience. La pleine conscience de par son
attitude d’observation sans jugement aucun encourage le détachement d’une identification
avec le contenu de la conscience. C’est ce que certains appellent encore la « décentration » 33
et qui est expliquée comme représentant le développement d’une « perspective
d’observateur ». Pour autant cette perspective n’est pas tout à fait représentative pour d’autres
de celle envisagée dans la pleine conscience148. Elle ne serait pas encore complètement à

  51  
l’image de la dé-identification d’un Soi statique mais une modification de l’expérience à la
première personne69.

Beaucoup d’écrits théoriques ou philosophiques ont tenté de cerner au mieux ce concept de


changement de perspective du Soi au cœur des thérapies de pleine conscience. Cependant
rare sont encore les revues scientifiques qui en ont fourni une définition opérationnelle. Nous
parcourrons ici les études qui nous ont semblé les plus intéressantes.

III.4.2. Perspective du Soi et méditation : constatations cliniques

Des études utilisant le principe de l’auto-questionnaire ont commencé à documenter le champ


d’investigation des modifications de perspective du Soi après entraînement à la pleine
conscience. Dans une analyse qualitative une équipe s’est attelé a étudié le développement
d’une perspective d’observateur, encore nommée méta-perspective de l’expérience, après un
programme MBSR de huit semaines148. Il a été utilisé dans cette étude des agendas à remplir
quotidiennement tels des journaux intimes afin que chacun puisse rendre compte de son
expérience. Les auteurs rapportent après analyses des écrits une modification claire au cours
du programme du rapport à l’expérience des participants. Loin de voir diminuer les affects
négatifs ou autres gênes occasionnées par la pratique, ces inconvénients étaient décrits de plus
en plus comme des expériences anodines. Les participants semblaient renforcer ce que
Deikman appelle le « Soi témoin » et que nous reprendrons plus largement en quatrième
partie.

De même une équipe utilisant une échelle d’exploration du Soi (Tennessee Self Concept
Scale149) a montré de nombreuses améliorations dans tous les items après une retraite
méditative de sept jours. Ces changements ont été interprétés comme à l’origine d’une
représentation de soi plus positive, avec une plus haute estime et une meilleure acceptation150.

Enfin une étude particulièrement intéressante s’est intéressé aux dimensions intra-, inter- et
transpersonnelles du concept de soi via l’échelle de Cloninger151, chez des sujets de trois
types : non méditant, méditant débutant et méditant aguerri152. Les résultats obtenus sont en
faveur ici d’une corrélation positive entre une amélioration des scores sur les trois sous-items
et un meilleur niveau de pratique méditative. En valeur absolue les scores étaient les plus
hauts sur l’aspect interpersonnel, et les plus bas sur l’aspect intrapersonnel. Mais ce qui est
remarquable c’est la plus nette amélioration obtenue sur l’échelle transpersonnelle.

  52  
L’expérience transpersonnelle pouvant être définie comme une expansion de conscience par-
delà les limites ordinaires de l’ego, de l’espace et du temps153, considérant l’expérience du
vécu comme un tout unifié151, et rejoignant clairement par là les concepts évoqués plus haut.

Bien sûr les résultats obtenus jusqu’ici ne reflètent les expériences de changement radical de
perspective de soi narrées par les moines bouddhistes, cependant des bénéfices évidents
doublés de modifications de perspective sont obtenus par l’entraînement à la pleine
conscience. Cette pratique méditative favoriserait une décentration par rapport aux pensées
notamment qui ne seraient plus perçues comme des faits, ni comme le reflet de la réalité, mais
bien comme des interprétations, autrement dit des évènements mentaux subjectifs5. En outre
la décentration permettrait d’établir une différence entre pensées et expérience vécue5.

III.4.3. Perspective du soi et méditation : constatations neuroscientifiques

Les études de neuro-imagerie s’intéressant au sujet ont démontré l’impact aux niveaux
structurels et fonctionnels, des pratiques méditatives sur les structures cérébrales supportant
les processus autoréférentiels69.

Ces processus impliquent et activent clairement les structures cérébrales médianes154,


comprenant le CPF médian155,156,157, le cortex cingulaire postérieur et le precuneus antérieur157,
ainsi que le lobe pariétal inférieur157. Le CPF médian en particulier a montré son implication
dans une série de fonctions relatives justement à la référence à soi même incluant notamment
la mémoire de ses propres caractéristiques et tempéraments ou la connaissance de soi156.

Toutes ces zones cérébrales ont en outre montré une activation lors d’états de repos, sans
instructions particulières, l’esprit laissé libre de s’évader154. Certains ont nommé ce réseau
comme étant celui du « mode par défaut » (default mode network) 158,159.

Encore rares quelques études de neuro-imageries se sont toutefois penchées sur l’activité au
sein de ce réseau lors de pratiques méditatives et son interprétation dans la modification de la
perception de soi.

Il a été par exemple montré une baisse de l’activation de ces structures lors d’états de repos en
comparaison à l’activité retrouvée durant des états de méditation160. Cette diminution a été

  53  
interprétée par les auteurs comme une moindre implication lors de la pratique de la pleine
conscience des processus autoréférentiels habituellement mis en œuvre ; ce que l’on pourrait
encore se permettre de nommer comme l’observation au niveau cérébral d’un moindre selfing.

Une étude datant déjà de 2007 a permis une avancée considérable dans l’étude de ce champ si
particulier et mérite d’être décortiquée plus en détails111. Les chercheurs rappellent d’abord les
premières conceptualisations du Soi de William James qui avait distingué deux entités
structurant le Soi: le « moi » (me) et le « je » (I). Le Soi représente pour James une source de
continuité (terme que nous préfèrerons à constance ou permanence) au travers des différentes
expériences constituant la vie consciente. Il est bon d’ailleurs de rappeler ici l’appellation
chère à James de « courant de la conscience ». Cette continuité se réfère à la construction de
récits qui tissent de façon cohérente les liens temporels entre les expériences disparates. Pour
en rendre compte James postule un « moi » donnant sens à l’agent du moment présent, le
« je ». Le « I » de James représente ainsi l’expérience immédiate de Soi dans le présent, celle
qui prend forme moment après moment, un Soi expérientiel70, ; le « me » représentant pour sa
part l’expérience de continuité de Soi dans le temps, en une trame narrative des diverses
expériences immédiates, un Soi narratif70, 162.

Plus récemment plusieurs équipes ont travaillé sur l’hypothèse d’un substratum cérébral du
« moi » jamesien161 ; forme narrative de référence au Soi (Narrative Self). A encore été mis en
évidence le cortex préfrontal médian dans son rôle de support aux processus autoréférentiels
liant les expériences subjectives à travers le temps163,164 et assurant le sentiment de continuité
de l’identité161 ; une sorte d’identité narrative143, notion sur laquelle nous reviendrons avec
Ricœur. Ce soi narratif contraste tout à fait avec le « je », soi expérientiel, dont on sait
aujourd’hui peu de choses quant à sa représentation au niveau cérébrale. Et c’est justement
parce qu’elle tente d’apporter une réponse à cette cruciale question que l’étude de Farb & al
est d’une singularité majeure. En ce sens l’équipe de chercheurs émet l’hypothèse d’un
support cérébral distinct entre soi narratif et soi expérientiel.

En effet les auteurs expliquent que chez les êtres humains l’activation émotionnelle peut être
réalisée selon deux traitements d’informations distincts : d’une part un traitement conceptuel
et séquentiel, basé sur le langage, représenté par le Soi narratif ici ; d’autre part un traitement
sensoriel et perceptif, représenté par le Soi expérientiel. Ces deux modes de fonctionnement
travaillent à tour de rôle et sont complémentaires. Le problème intervient toutefois lorsque
une émotion enclenchée ne peut être désactivée. L’activation d’émotions primaires

  54  
considérées par nos circuits cérébraux primitifs comme une menace réelle va certes dans bien
des cas protéger l’espèce humaine ; mais dans le cas justement de patients déprimés
l’activation face à des symptômes dépressifs de réseau de traitement d’informations de type
narratif associés ici aux ruminations anxieuses à l’origine des rechutes, risque de ne pas avoir
l’effet de protection attendu.

Pour tester ces deux modes de fonctionnement les chercheurs ont utilisé deux tâches pendant
l’IRM fonctionnelle. Celle censée activée le focus narratif consiste pour le sujet, à l’écoute
d’une liste de mots, à réfléchir à ce que celui-ci représente pour lui ; celle activant le focus
expérientiel consiste pour le sujet à diriger son attention lors de cette écoute, vers les
sensations physiques, les émotions et les pensées sans autre but que de les relever, autrement
dit de façon « pleinement consciente ». Évidemment pour mettre en lumière le sujet qui nous
préoccupe les sujets ont été répartis en deux groupes : 16 novices (en attente d’un groupe –
pré-MBSR) et 20 sujets ayant participé à un groupe MBSR de huit semaines (post-MBSR).

Quels ont donc été les résultats obtenus ?

Lors de la tâche dite de focus narratif on a observé dans les deux groupes un recrutement plus
marqué au niveau des structures corticales médianes, incluant le CPF médian, c’est-à-dire les
structures impliquées comme déjà vu dans les processus autoréférentiels.

Lors de la tâche dite de focus expérientiel par contre les résultats ont été différents entre les
deux groupes. Tout d’abord la réduction de l’activité au niveau des structures médianes,
constatée dans les deux groupes, était bien plus marquée dans le groupe post-MBSR. Ensuite
dans le groupe de novices a été relevé une activation importante des réseaux latéraux de
l’hémisphère gauche alors que cette activation prédominait à droite chez les sujets ayant
profité du groupe MBSR. Enfin sur le plan de la connectivité une association plus forte entre
insula et structures corticales médianes était relevée chez les novices alors qu’elle était
présente entre l’insula droite et le CPF dorso-latéral chez les méditants (notées plus haut
comme des structures cruciales dans la conscience du corps).

En d’autres termes le recrutement prédominant à gauche des novices est donc en faveur d’un
traitement de l’information sur le plan sémantique et linguistique, une sorte de capacité d’être
présent à soi certes mais « intellectuellement ». Le recrutement des réseaux latéraux droits
reflète quant à lui une capacité d’être présent à soi sans avoir besoin d’une base linguistique
de la conscience de soi-même. Les novices ont ainsi moins accès à une représentation

  55  
holistique, visuo-spatiale globale de l’information, privilégiant l’aspect narratif de
l’expérience au détriment de son aspect corporel et contextuel.

En définitive, les auteurs ont réussi apporté des informations non seulement sur les structures
anatomiques pouvant supporter le soi expérientiel, mais aussi sur l’intérêt que les pratiques de
pleine conscience apportent dans la possibilité d’un traitement plus global de l’information
émotionnelle grâce à ce changement de perspective du soi au cours de l’expérience vécue.

On relèvera pour conclure ce chapitre une étude de 2011114 soulignant l’augmentation de la


concentration en substance grise après un programme MBSR au niveau des aires cérébrales
impliquées dans le soi expérientiel telles que le cortex cingulaire postérieur, la jonction
temporo-pariétale et l’hippocampe.

Où en sommes-nous donc?

Ce changement de perspective, dépassant le dualisme cartésien, a toujours été présent dans le


bouddhisme et bien que les études scientifiques citées soutiennent ces hypothèses vieilles de
plusieurs centaines d’années, à propos d’une radicale vision globale du monde, elles
nécessiteront de plus amples résultats dans l’avenir.

D’autre part à propos des mécanismes passés en revue jusqu’à présent il est possible
d’imaginer un fonctionnement intégratif. Tout d’abord l’attention soutenue comme prérequis
fondamental, permettrait une meilleure conscience du corps via une perception proprioceptive
plus fine. Ces deux mécanismes ouvriraient la voie à une exposition aux diverses réactions
émotionnelles pour une meilleure régulation de ces états d’âmes. Ainsi l’accès à un
changement de perspective du soi via un traitement différent de l’information serait possible.
De ce point vue la pratique de la pleine conscience implique donc des auto-observations de
réactions émotionnelles pouvant être automatiques39. Ces observations engendrent une
meilleure connaissance de soi en ce qu’elles permettent d’envisager plus facilement des
réactions alternatives et d’élargir la flexibilité du répertoire comportemental39.

La proprioception ne suffit pas en tant que perception à constituer la conscience de Soi, ce


dernier n’étant pas réductible au corps propre. Les pensées, les émotions, l’histoire et
l’expérience de chacun constituent avec son corps ce Soi, centre d’une fiction narrative, que
nous appréhendons mieux grâce à la méditation.

  56  
Mieux appréhender son corps et ses pensées comme lieux du vécu émotionnel mais surtout
comme lieu du vécu dans sa totalité et son infinité, à l’aide d’une attention vigile, permet
donc d’adopter une position d’observateur, de témoin de sa propre existence, et constitue
l’essence de la pleine conscience.

Mais cet outil que nous avons abordé sous l’aspect bouddhiste est en fait le dénominateur
commun de nombreux courant de pensées, religieux, philosophiques ou scientifiques. Prières
bouddhistes ou occidentales, phénoménologie, neurosciences et psychiatrie peuvent avoir à
s’articuler autour de ce concept. Ce sera l’objectif de la section suivante.

Dans une revue non exhaustive nous verrons tour à tour comment cette articulation est
possible. Il ne s’agira pas de choisir la meilleure voie mais de montrer les différentes voies sur
lesquelles nous rencontrons la pleine conscience comme outil de conscience de soi.

IV. LA PLEINE CONSCIENCE COMME VOIE D’ACCÈS AU SOI : UN OUTIL


PLURIDISCIPLINAIRE

Jusqu’ici la PC a été appréhendée comme moyen psychothérapeutique et comme


entraînement cérébral : activation de zones améliorant la gestion des émotions, traitement non
sémantique de l’information mais aussi outil pour un meilleur éclairage proprio- et
intéroceptif. Ainsi la pratique de la PC permettrait une meilleure connaissance de soi et de ses
propres modes de réactions et de penser, avec plus de liberté et de façon moins conditionnée.
C’est donc en tant que voie d’accès au soi que la PC a été l’outil de différentes écoles de
pensée.

  57  
IV.1. BOUDDHISME, TRADITIONS MYSTIQUES ET PRIÈRES DU CŒUR

IV.1.1. Bouddhisme

Dans le bouddhisme le « moi » et tous les phénomènes mondains (ou environnementaux) sont
considérés comme « réalité relative » 139. Cette réalité permet de mettre de côté l’idée selon
laquelle ils sont instaurés à partir de l’objet lui-même. Dans cette culture on considère en effet
que toute chose n’a d’existence intrinsèque, l’être humain y compris. Il s’agit de ce que l’on
nomme ici l’interdépendance. Le « moi » semble donc ici ne pas exister. Il n’est plus ce
« maître à la maison » que décrit Freud168. Et il faut tenter de comprendre quel peut être ici le
support de l’existence afin d’éviter l’écueil du déni ou du nihilisme.

Les manifestations physiques et mentales sont nommés « phénomènes composés » dans le


sens où ils sont engendrés, se prolongent puis se désintègrent d’instant en instant139. Le
support du moteur de ces actes (karma) s’inscrit dans un continuum que l’on nommera le
« moi sans existence inhérente » ou « moi phénoménal ». Faute de quoi, le « moi » qui dans
cette vision du monde s’engendre et se désintègre intrinsèquement, n’aurait pas de continuité.

Néanmoins cette vacuité qui pénètre le mental peut sembler dévastatrice. En tant que moteur
de l’existence c’est ce que l’on peut nommer le vide qui contient la force de l’aspiration.

La pensée bouddhiste a tenté de régler le problème de ce vide terrifiant de soi notamment par
ce que l’on appelle « les revêtements du soi »165 et « l’étant sans ego »166.

Le soi absolu est en effet décrit dans le bouddhisme comme un écran blanc sur lequel on peut
projeter n’importe quel film de cinéma. Quel que soit le film, les pleurs ou les fusillades
projetées, à la fin, l’écran est resté blanc. C’est ainsi grâce à l’outil méditatif que, ce que l’on
a déjà appelé plus haut la « pure conscience », peut s’exprimer au travers d’un simple « Je
suis ». La condition sine qua non est de n’y ajouter aucune qualification, aucune
détermination, la pure conscience risquant de s’identifier justement à ces différents
revêtements165. Cette identification est source de limitation dans cette vision du monde. La
première d’entre elle étant celle au corps physique. Le regard judicatif que l’on risque de lui
porter (« je suis laid », « je suis gros » etc.) prenant le pas sur un regard global porté sur
l’acceptation. Ce dernier est vu dans ce cadre comme le dépassement de la première vision
limitée de soi et du monde. La souffrance psychique prend sa source dans l’identification à
ces revêtements. Il y a peur parce qu’il y a limitation, distinction de moi et tout ce qui n’est
pas moi165. Ces revêtements, initialement physiques, peuvent ainsi s’appliquer à toutes les

  58  
enveloppes du soi, du corps propre jusqu’aux émotions et aux pensées. Dans une vision
dualiste et objectale du monde la voie privilégiée de l’ego, ce moi individualisé, risque d’être
orientée par ce qui attire ou repousse, ce qui est jugé bon ou mauvais. C’est par ce mécanisme
que dans la tradition bouddhiste les individus vivent prisonniers du passé et regardent présent
et futur au travers du prisme de ce conditionnement.

La pleine conscience permettra à la conscience de trouver sa liberté de fonctionnement et


devenir via ce « pur témoin non affecté » 165. Par cette méthode la conscience se libère du
mental interprétant, et cette « intelligence objective » ne fonctionne plus selon les attractions
ou les répulsions, ou ce qui « devrait être », mais selon « ce qui est ». Ce nouveau
fonctionnement devient le moyen de connaissance et de prise de conscience165 de soi même et
du monde, ou plutôt de soi même dans le monde. Cette vision de l’existence porte en sanscrit
le terme d’équanimité ou vision égale.

La méditation offrira ainsi à la conscience de l’être un passage à travers les différents


revêtements pour atteindre une vision claire et globale non égocentrée. Il s’agit dans la
tradition orientale de revenir à une disparition de l’altérité telle qu’elle est imaginée chez le
fœtus. C’est un retour au visage et à la pensée originels, à l’absolu. Cette position implique
une nouvelle naissance au monde d’un homme dans la non-dualité165.

Pour Krishnamurti167 la vérité de l’existence étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par


quelque chemin que ce soit, seule la pleine conscience permettra une focalisation de toute
l’attention sur l’examen direct de l’expérience présente. Cette connaissance de soi dans le
monde, fruit d’une conscience vigilante, se manifestera d’instant en instant sans souci
d’accumulation. Car en effet, lorsque cette dernière est à l’œuvre, l’ego risque d’entrer dans
un processus d’identification et donc de devenir, source de conflits et de souffrances. Par la
pleine conscience l’individu s’expose à la vulnérabilité de la réalité. Rejoignant les théories
précédentes sur les ruminations comme mode « trop sémantique » de connaissance soi et du
monde, Krishnamurti explique ainsi que c’est cette « vérité qui [libèrera] et non les efforts
qu’on fait pour être libre » 167.

Dans cet état des choses l’être et la connaissance ne font qu’un, nous assistons à une fusion
complète du sujet et de l’objet168. La connaissance ultime coïnciderait donc-t-elle avec la

  59  
dissolution apparente de la pensée ? Il s’agit là clairement de la cessation du cogito cartésien.
Mais loin de correspondre à la négation de l’individu le bouddhisme tente de faire surgir à
l’aide des outils méditatifs un autre mode de connaissance et d’être168. Avec Mircea Eliade on
peut dire que « la conscience est, au contraire, remplie, à ce moment-là, jusqu’à la saturation
par une intuition directe et totale de l’être » atteignant ainsi la « plénitude ontologique » 169.

IV.1.2. La tradition mystique

Dans une étude particulièrement poussée de la spiritualité et de la psychothérapie Deikman170


propose l’appellation de « Soi Témoin » (observing self) pour désigner le véritable moi que
les techniques méditatives permettent d’appréhender. L’attention obtenue par la pleine
conscience est ici le fondement de la vie consciente, l’arrière plan où coexistent tous les
éléments du monde. Les images, les souvenirs, les pensées, les émotions sont les phénomènes
que nous saisissons et manipulons mais il nous est difficile d’observer le soi observateur, sans
limite ni dimension, et nous devons en faire l’expérience directe. La psychologie et la
métaphysique mystique insistent sur la différence fondamentale entre l’observateur et le
contenu de la conscience et utilisent la méditation pour renforcer ce soi observateur. À l’instar
de la science, la tradition mystique est aussi une discipline fondée sur l’expérience et dont le
but est la connaissance de la réalité. Leur subjectivité initiale ne les distingue pas. Elle
utilisent toutes deux la pensée logique mais leur compréhension de la nature fondamentale de
la réalité s’élabore à partir d’un processus intuitif. Cette intuition est définie ici comme la
capacité intrinsèque à connaître le sens de du monde et la nature de son soi réel. Ce mode de
connaissance n’utilise pas l’intermédiaire de la raison, au sens de processus d’élaboration
secondaire. Il s’agit étymologiquement de « regarder vers », de « contempler » (du latin
intueri). La conscience est à penser comme une direction.

S’opposant aussi au dualisme cartésien dominant en occident Deikman propose une


comparaison des modes d’être au monde se basant aussi sur les résultats neuroscientifiques
obtenus (Tableau 1).

Le soi témoin est donc ici le centre transparent, ce qui est conscient. Il fait l’expérience d’être
au monde, ainsi que l’expérience des pensées, émotions et actions. C’est dans la littérature
psychiatrique et psychologique un « ego qui observe ». Il s’agit d’un élément transcendant
que nous ne remarquons que rarement car il est le fondement même de notre expérience. Nous

  60  
verrons d’ailleurs plus loin comment cette description du difficile dédoublement est abordée
par la phénoménologie husserlienne. Et c’est encore une fois par la pratique de la pleine
conscience que cet observateur apparaît. Il n’est pas non plus d’ailleurs le contenu de la
conscience ou de l’appareil mental car il transcende tout contenu. Être à soi même c’est déjà
faire l’expérience du soi observateur. Nous sommes de ce point de vue la présence, et c’est
pourquoi il est difficile de l’observer.

Mode Objectal Mode Réceptif

But Agir sur l’environnement Percevoir l’environnement

Soi Objet, localisé, séparé des autres. Non différencié, non séparé de
Point de référence par rapport l’environnement. Délitement des
auquel le monde est perçu. limites. Fusion avec
Conscience centrée sur le monde l’environnement. Conscience
centrée sur le soi

Monde extérieur Objets, Temps absolu, Causalité Processus, Temps relatif,


linéaire Simultanéité

Conscience Attention focalisée, capacité accrue Attention diffuse. Délitement des


de perception et de cognition. limites. Intuition. Le sensible
Pensée logique, raisonnement. Le domine le formel.
formel domine le sensible.

Passé, futur Ici et maintenant.

Communication Langage Musique, Art, Poésie

Neurophysiologie Système othosympathique, Système parasympathique,


hémisphère gauche, augmentation hémisphère droit dominant,
des ondes β, diminution des ondes diminution des ondes β,
α et θ. augmentation des ondes α et θ.

Tableau 1: d’après Deikman « Le Soi Témoin, spiritualité et psychothérapie », Paris, 1990.

  61  
La pleine conscience est après cette description le moyen de passer d’un mode de
connaissance objectal à un mode réceptif. La voie est ici ouverte à un nouveau mode de
conscience : illumination et béatitude mystiques, nirvana bouddhiste, une claire conscience en
terme psychologique.

À l’évidence, traditions bouddhistes et mystiques trouvent une résonnance particulière dans


les résultats des expérimentations neuroscientifiques et psychologiques modernes ; ces
derniers soulignant l’intérêt d’une visualisation globale et non dualiste du monde via l’outil de
pleine conscience. Bien qu’intéressante cette vision ne manque pas de soulever certaines
interrogations sur le plan philosophique. En effet cette conscience transcendantale accordée
au pur observateur ne s’articule que trop difficilement avec l’être et son histoire propre tels
qu’envisagés dans la philosophie occidentale. En effet, d’abord la dissociation nécessaire du
soi pour adopter cette posture semble judicieuse sur le plan idéologique mais nous paraît
éloignée de l’expérience concrète du vécu. Ensuite il faut se demander comment le soi peut,
d’une manière ou d’une autre, prendre forme autrement que par la « simple » mémoire
vectrice de continuité dans le temps selon Deikman. Nous verrons plus loin quelles méthodes
philosophiques permettent d’apporter une réponse qui nous semble plus adaptée sans mettre
de côté notre outil méditatif objet de cette étude.

IV.1.3. Prière du cœur

Pour conclure cette première section concernant l’utilisation de la pleine conscience nous
reprendrons avec Depraz171 la possibilité d’envisager cet outil de connaissance de soi au
travers de la prière du cœur. Nous ébaucherons ici une esquisse de la section suivante qui
tentera d’articuler méditation de pleine conscience et méthode phénoménologique.

Par delà les sacrements régissant la vie religieuse, la prière est tout à la fois une expérience
nue, quotidienne, et qui requiert un apprentissage permanent. Ne nous intéressant pas à la
prière en général, si diverse et intime à la fois, nous reprendrons ici avec l’auteure, l’exemple
particulier de la prière orthodoxe du cœur. Cette prière correspond à l’une des plus
élémentaires pratiques de l’Église orthodoxe, qui puise sa force dans la tradition hésychaste
de l’Orient chrétien (du grec hésychia signifiant « calme », « tranquillité », « silence »,
« paix »). L’orant y développe une qualité de présence intense à lui-même, qui n’est autre que

  62  
l’intériorisation de sa relation à Dieu, l’intime de l’intime, et qui est tout autant attention à son
propre corps, mieux, au corps de son corps : à son cœur. Cette prière, autant que la pleine
conscience repose sur un certains nombre de qualité attentionnelles et émotionnelles qui en
font une pratique tout à la fois extrêmement bien réglée et incarnée.

La première qualité attentionnelle, nepsis, consiste un état de vigilance et de sobriété. C’est à


un effort de reconversion de la pensée que l’on fait ici appel. De même que lors des séances
de méditation il s’agit de noter l’intrusion de pensée durant cette prière puis de reprendre le fil
de l’exercice en cours. La deuxième qualité, hesychia, rejoint le besoin de laisser aller et
défiler les pensées, sans chercher à les fixer ou les évacuer dans l’immédiat. Ce mouvement
attentionnel plus réceptif est le corollaire du premier. Enfin, I prosochi, consiste en
l’application de l’âme comme maintien de l’attention. Maintien d’autant plus difficile qu’il est
pris dans cette double polarité de nepsis et de hesychia.

Le cadre de cette prière, analogon de la suspension dans l’épochè phénoménologique, permet


la mise entre parenthèse des habitus sédimentés. Ce cadre nécessite une mise à l’écart
silencieuse, une position corporelle de même solitaire et silencieuse, et une répétition pendant
un certains temps de la même litanie. Il est ainsi possible par cette méthode de voir non pas un
autre monde, mais autrement le monde. Nous basculons ainsi dans une autre dimension de
nous-mêmes, qui nous installe autrement en nous mêmes, nous réinstalle en nous-mêmes et
recentre notre esprit sur son foyer intérieur, le cœur d’un point de vue mystique, la position
d’observateur ou d’interrogateur privilégié de soi et du monde d’un point de vue
psychologique.

C’est en des termes déjà phénoménologiques que sont repris les notions de nepsis, hesychia et
I prosochi. Nepsis correspond à la conversion réflexive du regard, elle nous arrache à la visée
de l’objet pour faire retour sur l’acte de la conscience qui vise un tel objet. Hesychia dans sa
passivité apparente rencontre le laisser-être heideggérien (Gelassenheit) qui suppose une
attention panoramique. Ici on cultive en soi une forme de réceptivité et d’attente devant ce qui
peut advenir, de façon à pouvoir l’accueillir pleinement. Enfin I prosochi impose un constat
d’emblée négatif car son application ne saurait être durable, le retour à l’acte ne pouvant être
contemporain de la perception de l’objet. En définitive, elle concerne moins le contenu que la
forme même de la disponibilité de l’esprit pour soi même et le monde.

  63  
Traditions bouddhistes et plus généralement mystiques utilisent toutes l’outil de pleine
conscience à dessein. Certes l’objectif religieux ne nous concerne pas mais la meilleure
perception de soi ne nous aura pas échappé. Capacité d’attention, régulation des émotions,
conscience du corps ou changement de perspective auront tous trouvé place dans ces
traditions séculaires.

IV.2. PHÉNOMÉNOLOGIE

IV.2.1. Introduction et généralités

La phénoménologie a germé dans la crise du subjectivisme et de l’irrationalisme vers la fin du


XIXe et le début du XXe siècle. Au sens que le terme prend chez Husserl, la phénoménologie
est en premier lieu l’effort pour restituer la philosophie à sa tâche propre : celle de
comprendre et de se constituer comme une science rigoureuse172. Elle a été d’abord et
demeure une méditation sur la connaissance, une connaissance de la connaissance173. Cette
philosophie, au-delà de son idéologie caractérisée par le refus du dogme, présente l’intérêt de
la méthode. La phénoménologie ici revendiquée se caractérise par sa mise en œuvre, ses
dimensions opératoire et procédurale, bref, sa praxis, bien plutôt que par sa systématique
théorique interne18. Avec les mots de Levinas on dira que la phénoménologie « ne tient pas
compte seulement de ce que vise la conscience spontanée, mais recherche tout ce qui est
dissimulé dans la visée de l’objet » 172.

L’acte principal de la méthode phénoménologique réside dans l’épochè. Il s’agit dès son
avènement par Husserl d’une mise entre parenthèses qui consiste d’abord à congédier culture
et histoire, et à reprendre tout savoir en remontant à un non-savoir radical173 ; de là son style
interrogatif, son radicalisme, son inachèvement essentiel. L’épochè permettra ainsi l’étude des
« phénomènes » c’es-à-dire de cela qui apparaît à la conscience, de cela qui est donné173. Il
s’agit bien avec les termes de Husserl d’un « retour aux choses elles-mêmes ».

Nous étudierons ici comment cette méthode philosophique peut être analysée au travers de
l’outil de pleine conscience décrit plus haut. Nous y verrons d’abord les rôles de méthode et
de point de vue philosophique comme dénominateurs communs entre épochè et pleine
conscience. Nous explorerons ensuite leur place dans les traditions de la sagesse bouddhiste.
Enfin nous mettrons à jour le dialogue possible entre bouddhisme et phénoménologie selon
Heidegger.

  64  
IV.2.2. Méthode et point de vue

La description de la pratique de l’épochè s’inscrit dans un travail plus large qui vise à ressaisir
les différentes étapes du processus par lequel advient à notre conscience claire quelque chose
de nous-même qui nous habitait de façon confuse et opaque. Selon les traditions convoquées
on a donc nommé cet acte d’avènement à la conscience « réduction phénoménologique »,
« acte réfléchissant », « prise de conscience » (becoming aware en anglais), pratique de la
présence attentive avec les mots de Varela, autrement-dit pratique de la pleine conscience18.
Bien que la méthode phénoménologique d’exploration du monde et du soi ne puisse se
résumer seulement à l’épochè, elle en constitue le cœur de l’acte. Elle représente l’impulsion
de départ, l’amorçage, et contribue à maintenir la qualité de présence requise en vue d’une
telle expérience. Cette épochè se déploie selon trois phases principales18 : 1) une phase de
suspension préjuditielle, possibilité même de tout changement dans le type d’attention que le
sujet prête à son propre vécu et qui représente une rupture avec l’attitude naturelle ; 2) une
phase de conversion de l’attention de l’ « extérieur » à l’ « intérieur » ; 3) une phase de lâcher-
prise ou accueil de l’expérience. Sans entrer dans les détails de cette description nous
comprenant aisément qu’il n'est pas possible de décrire l'acte réfléchissant autrement qu'en
l'ayant mis en œuvre. La question de l'initialisation est masquée dans son caractère radical par
le fait que ce commencement a déjà eu lieu pour celui qui s'en sert pour décrire cette même
conduite18. En d'autres termes, à la perception se substitue de façon majoritaire un acte
aperceptif. Il y a un obstacle massif à ce changement, à savoir, la nécessité de se détourner de
l'activité cognitive habituelle, orientée le plus souvent vers le monde extérieur ; la seconde
consiste à passer d'un mouvement, encore volontaire, de retournement de l'attention de
l'extérieur vers l'intérieur, à un mouvement de simple accueil et d'écoute18. Cette méthode
d’observation de soi et du monde ne manque ainsi pas de soulever des interrogations
concernant la difficile conversion du regard à opérer ici. Habituellement engagée dans la
perception des autres, dans la saisie d'informations en provenance du monde, dans la
poursuite de buts ou d'intérêts liés sur un mode immanent à nos activités quotidiennes,
l'attention est naturellement intéressée au monde (« l’emprisonnement dans le monde » selon
Fink ; Weltbefangenheit)18. Cette autre direction de l'attention, détournée du monde,
désintéressée, tournée vers la représentation, vers les pensées, les actes mentaux, vers
l'aperception de la tonalité émotionnelle, est pour beaucoup inhabituelle, dans la mesure où il
y a relativement peu d'occasion de l'exercer spontanément ou en réponse à une demande
éducative18. Ainsi à la recherche de « méthodes phénoménologiques » valables face à cette

  65  
difficulté pragmatique, Varela et Depraz expliquent que seule la connaissance de technique
développées à dessein peuvent aider les personnes à créer ce détournement de l’attention,
voire l’arrachement même que peut constituer ce renversement pour certains18.

À ce titre la pratique de la pleine conscience est un exemple éminent de technique de


connaissance. La suspension préjuditielle initiale trouve son reflet dans le cadre de l’exercice
de méditation (posture, isolement, calme, et donc rupture nette avec le fonctionnement au
quotidien). La conversion de l’attention et le lâcher-prise sont co-occurrents, dans les
exercices d’observation et d’ancrage sur un « objet » attentionnel (la respiration par exemple).
L’attitude initiale de suspension, qui paraît d’ailleurs tout autant désincarnée que l’état
d’emprise dans lequel le sujet se trouve au quotidien, peut exister de façon plus naturelle, ou
du moins beaucoup plus incarnée, avec une maîtrise des exercices. Les études mettant en
évidence les différences de recrutement neuro-cérébrales entre débutants et méditants
confirmés peuvent d’ailleurs soutenir cette analyse92.

Ainsi on retrouve avec l’épochè cette méthode de connaissance du monde, concrétisée


techniquement par la tradition de la pleine conscience. Pratiquer la réduction
phénoménologique, c'est moins voir qu'apprendre à voir174.

Avec les mots de Husserl, le point de vue de la pleine conscience consiste donc bien
« expliciter le sens que ce monde a pour nous »175. Voilà bien l’affirmation centrale qui
commande à la méthode, à condition que « méthode » soit ici compris non pas comme simple
procédé extérieur à la démarche de la pensée, mais mise en œuvre effective de la pensée,
d’une certaine orientation du regard de la pensée. La méthode devient la pensée elle-même en
tant qu’elle met en œuvre la tâche propre du comprendre175. Et ce comprendre justement, à
travers le prisme phénoménologique de la pleine conscience relève d’une « explicitation » et
non pas d’une explication. Les deux ont bien sûr comme  projet de parvenir à un dé-pliement
de ce qui n’est pas encore compris par la pensée parce que cela demeure encore pour nous
«plié». L’explication va avoir recours à une traduction sur un autre registre, à un déplacement
préliminaire. Au contraire le propre de l’explicitation (Auslegung de Heidegger) est de
rechercher à partir de cela même qui est à comprendre, en se rapportant à cela et non pas à
autre chose. C’est ce déploiement de l’expérience auquel ici nous pensons avoir accès à l’aide
de la pleine conscience.

  66  
C’est autour d’une phénoménologie qui se veut herméneutique que cet outil pratique semble
d’ailleurs au mieux s’articuler avec une vision psychothérapeutique que nous reprendrons
plus loin. Pour Husserl l’épochè n’est rendu possible que par un dédoublement du moi
(Ichspaltung) par lequel, au-dessus du moi naïvement intéressé au monde, s’établit le moi
phénoménologique qui le regarde en spectateur désintéressé qui ne prend plus part à la
position d’existence du monde et qui, pour cette raison même, peut s’adonner à la description
pure des vécus intentionnels175,176. Cette description husserlienne ne semble pouvoir prendre
forme qu’au sein d’un champ dégagé par la réflexion en tant qu’acte trop théorique. Pour
Heidegger au contraire il ne s’agit pas de réflexion mais bien comme vu avant d’explicitation
qui consiste pour lui en une élaboration des possibilités projetées dans la compréhension176. Il
s’agit pour lui du mode de réalisation d’être essentiel qui n’est plus défini ici comme
conscience ou sujet mais comme existant ou étant (Dasein) 176. Pour Heidegger comme dans
les origines bouddhistes de la pleine conscience il n’y a pas, du « moi » au monde, de face-à-
face pur et simple, ou avec Merleau-Ponty de rapport « frontal » 177, et c’est la raison pour
laquelle le vocabulaire dualiste « sujet-objet » est abandonné. De même l’observateur pur et la
perception pure de Husserl sont mis de côté car ici il s’agit bien d’horizon de sens à partir
duquel toute chose s’annonce et apparaît176.

IV.2.3. Heidegger et la pensée bouddique

C’est en suivant l’ouvrage récent de Fabrice Midal178 que nous avons trouvé les moyens les
plus à même de faire discuter les deux traditions de pensée qu’incarnent Martin Heidegger et
Bouddha. Il ne s’agit pas de comparer ou de mettre à jour les différences mais bien de trouver
un bouddhisme, qui par son acte de pleine conscience, libère en l’Occident son propre
possible. Comme vu précédemment, la phénoménologie et le bouddhisme sont des pensées à
même d’interroger en son fond l’être même de l’homme et son rapport à l’entièreté des
phénomènes. Ces courants méditatifs ont un rapport à la pensée qui se veut d’emblée
instrumental. À ce titre l’enseignement du Bouddha se veut une description de l’expérience à
laquelle l’outil méditatif nous permet d’avoir accès178. De même Heidegger, dans un ouvrage
qui tisse en filigrane les premiers liens avec le bouddhisme, et dont le titre n’est autre que
Gelassenheit179 (laisser-être, traduit aussi par sérénité), explique : « La pensée qui calcule ne
s’arrête jamais, ne rentre pas en elle-même. Elle n’est pas une pensée méditante, une pensée à
la poursuite du sens qui domine dans tout ce qui est.»

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Ainsi selon Midal le regard qui naît de la prajna (terme sanskrit) – de la connaissance
première et nue – et celui de la phénoménologie ont tous deux le même soucis de prendre en
garde ce qui est, par-delà les constructions hasardeuses de ce que l’on nomme réflexion.
Prajna est d’ailleurs au sein de la tradition bouddhiste, cette connaissance symbolisée par
l’épée qui tranche tout ce qui empêche de voir les choses telles qu’elles sont178.

Concernant notre propos, la pleine conscience et la conscience de soi, une discussion paraît ici
très pertinente. Il s’agit de celle entre Dasein heideggerien et ce qui semble apparaître comme
un non-ego bouddhiste. L’entreprise du philosophe allemand consiste à poser la question
« qui suis-je ? », et non pas un « que suis-je ? » platonicien d’orientation catégoriale.
Heidegger cherche à savoir comment est l’être humain ? Il cherche à prendre en vue l’être
même de notre être178. Sa conception du Dasein est à ce titre édifiante de complexité et les
difficultés de traduction à la hauteur du problème posé : « être-le-là » selon Heidegger lui-
même178. De même la tradition bouddhiste consiste en une analyse de la structuration de
l’ignorance de l’Ouvert primordial ; penser notre être propre à partir de cet ouvert178. Ici l’ego
est introuvable et tel est l’ego178. Il s’agit dans les deux cas de penser l’être de l’être humain
comme n’étant jamais figé, sans ego déterminé, lui-même construction ou fixation se faisant a
posteriori178. Et là encore la réduction phénoménologique ou la pleine conscience représente
l’outil de penser de « l’être de l’être » (de l’étant) au travers de l’espace de liberté qu’elles
déploient. Ces pensées sont chacune ici à leur façon des pensées du non-moi, le moi étant
considéré comme trop catégoriel. Il nous est demandé dans les deux cas d’avoir à être notre
être. Si bien que selon Midal nous ne sommes ce que nous avons à être que de temps en temps
ou encore « à chaque fois » avec les termes de Heidegger178. De même France-Lanord
exprime ainsi cette idée : « chacun n’est vraiment celui qu’il est qu’à chaque fois qu’il est –
parce qu’il n’est vraiment chaque fois que de temps en temps » 180.

À ce titre la vision bouddhiste soulève tout de même une question essentielle : si le soi a sa
place s’il est pensé non comme une nouvelle identité, mais comme la source toujours neuve et
insaisissable que nous avons à reconnaître178, comment peut se réaliser son inscription
temporelle ? Force est de constater que cette doctrine n’a pas pensé l’historial tel que le
déploiera Heidegger pour le Dasein. Nous verrons plus loin comment penser cette difficulté
au travers de la phénoménologie herméneutique ricœurienne et la question de l’ipséité.

  68  
La méditation d’après les termes de France-Lanord peut être ainsi cet accès à ce temps en
temps qui s’ouvre à nous, autrement dit, comme une voie d’accès à l’ipséité. Le déploiement
qu’offre l’outil de pleine conscience s’inscrirait ainsi spatialement et temporellement.

Mais avant cela nous abordons un dernier champ d’exploitation de la pleine conscience : les
neurosciences. Refusant de laisser à la philosophie le monopole de ce questionnement, ou
plutôt de cette mise en question, Varela entreprend cette « déconstruction » dans le but
réformer l’avoir à penser de la science, et notamment des sciences cognitives.

IV.3. NEUROSCIENCES COGNITIVES

L’objectif des scientifiques dans ce domaine, sous l’impulsion de Varela, est d’élargir
l’horizon des nouvelles sciences de l’esprit pour prendre en compte dans un même geste
l’expérience humaine et les possibilités de transformation qualitative de ce vécu. Ce nouveau
champ d’étude intègre les neurosciences, la linguistique, l’intelligence artificielle,
l’anthropologie et certains aspects de la psychologie expérimentale. Ce courant de pensée
s’inscrit dans la directe lignée des écrits de Merleau-Ponty et affirme ainsi que « la culture
scientifique occidentale invite à considérer notre corps comme structures à la fois physique et
vécues (…), comme à la fois ‘extérieures’ et ‘intérieures’, biologiques et
phénoménologiques » 181. Comme nous l’avons déjà expliqué plus haut pour le philosophe
français il n’existe plus de rapport frontal entre le moi et le monde. Ainsi la corporéité, que
nous avons aussi nommée dans notre section scientifique l’incarnation (embodiment en
anglais) possède un double sens, désignant à la fois le corps comme structure vécue et comme
contexte ou lieu des mécanismes cognitifs181. Affirmant que les sciences cognitives ont
démontré de manière tangible que le soi ou le sujet de cognition est fondamentalement
fragmenté ou non unifié181, et retrouvant par ailleurs cette notion dans le bouddhisme, une
passerelle est établie entre l’esprit selon la science et l’esprit selon l’expérience vécue. La
voie tracée par la méditation devient ici l’outil d’exploration philosophique pragmatique
nécessaire à cette pensée. En effet Varela explique que sans l’extension décisive à
l’expérience du sujet (il parle à propos de la méditation d’expérience à la première personne),
les sciences cognitives ne peuvent prétendre embrasser l’ensemble du spectre des
phénomènes mentaux18. L’approche qu’il propose est ainsi qualifiée d’enactive. L’enaction,
néologisme anglophone peut se traduire en français par « faire émerger », « faire advenir »,
une philosophie de l’émergence18. En substance, l’énaction propose une conception incarnée

  69  
de la cognition définie comme faire-émerger d’un monde issu d’une histoire de couplage
structurel181. À la lumière de la phénoménologie et du bouddhisme, les neurosciences
cognitives ainsi repensées admettent une multiplicité de manières d’être au monde. Prenant au
sérieux la critique philosophique de l’idée selon laquelle l’esprit est un miroir de la nature,
l’enaction souligne l’avènement conjoint (codépendance) d’un monde et d’un esprit à partir
de l’histoire des diverses actions qu’accomplit un être dans le monde181. Ici encore la réflexion
est orientée sur une vision holiste, non dualiste, du soi et du monde ; la science même étant
repensée à la lumière de l’expérience méditative.

Les contributions de la pleine conscience, que Varela appelle encore pratique de l’attention ou
présence attentive, aux sciences cognitives sont les suivantes : 1) la doctrine d’absence de soi
contribue à faire comprendre la fragmentation du soi dépeinte par le cognitivisme et le
connexionnisme ; 2) le non-dualisme, en particulier tel qu’il est présenté dans la philosophie
Madhyamika (voie moyenne) de Nagarjuna (IIe siècle ap. J.-C.) peut-être juxtaposé à l’entre-
deux de Merleau-Ponty et aux conceptions plus récentes telles que l’enaction181. C’est parce
qu’en Asie la philosophie est liée à des méthodes disciplinées spécifiques de connaissance de
soi et du monde que ces sciences y ont porté un grand intérêt. Comme nous l’avons déjà vu la
pleine conscience signifie que l’esprit est présent à l’expérience quotidienne et qu’il se
soustrait à ses préoccupations, autrement dit à ses a priori.

Varela propose de repenser les sciences cognitives en se basant sur ses études à propos
l’autopoièse en y ajoutant la vision bouddhiste. S’appuyant sur différents concepts comme le
« couplage structurel » ou la « clôture opérationnelle », la théorie de l’autopoïèse permet de
comprendre l’évolution d’un organisme avec son milieu sans passer par la « représentation »,
ni par les catégories classiques de sujet et d’objet, d’intérieur et d’extérieur, ni même par la
sélection naturelle.

Par son exigence de faire retour à l’expérience humaine entendue comme processus
autopoiétique, l’énaction offre ainsi non seulement un cadre de pensée transversal aux
sciences cognitives, aux sciences sociales et à la philosophie, mais surtout une alternative
conceptuelle intéressante pour aborder les questions les plus hautes comme celles du
fondement, de l’éthique et de la subjectivité182. Varela constate en effet que l’approche
occidentale de la science et de la philosophie conduit à ce qu’il nomme l’ « objectivisme » et
le « nihilisme », la première voie consistant à chercher avidement un fondement à toutes nos
connaissances (objectivisme), qu’il s’agisse de la connaissance de soi ou du monde, et la

  70  
seconde à désespérer de l’échec de la première (nihilisme) 183. Face à l’impasse de cette
approche occidentale qui ne peut dépasser l’échec d’un fondement qu’en promouvant un
nouvel objectivisme appelé à révéler son inconsistance, Varela prône une « voie moyenne »
inspirée directement par la tradition bouddhique Madhyamika et reprise dans le bouddhisme
zen par le philosophe japonais contemporain Nishitani Keiji, tradition non occidentale qui
permet de s’ouvrir à l’idée autrement plus féconde de l’absence de fondement (sunyata), et
d’envisager à partir de cette absence de fondement une science qui ne soit pas en procès
permanent contre l’expérience humaine, mais conciliable avec une vie éveillée à l’instant, non
polarisée vers un « soi » inexistant mais attentive à la mise en phase du corps et de l’esprit
dans l’environnement183. Varela préfère à ce titre l’emploi de l’expression « absence de
fondements » (du sanskrit sunyata) au terme de « vacuité » trop nihiliste à son avis. Il
explique cette absence de fondements en se basant sur l’avènement codépendant de soi, du
monde et des choses. Codépendance qui trouve justement son application pratique dans
l’approche énactive du faire apparaître d’inspiration méditative et bouddhiste. Nous pouvons
à ce titre citer ici Nagarjuna : « Rien ne peut être trouvé qui n’ait émergé de manière
dépendante. De ce fait, rien ne peut être découvert qui ne soit dénué de fondements » 181.

Il n’est ici plus étonnant de retrouver de nombreux liens entre bouddhisme, phénoménologie
et sciences. Pour conclure nous citerons Gianni Vattimo qui en 1987 à propos des possibilités
positives d’une telle pensée scientifique, prenant sérieusement en compte la « destruction de
l’ontologie » opérée par Heidegger, explique : « Tant que l’homme et l’être seront pensés
métaphysiquement, c’est-à-dire sur un mode platonicien, et en termes de structures stables qui
imposent à la pensée comme à l’existence le devoir de se ‘fonder’ et de s’établir (par la
logique et par l’éthique) dans le domaine du non-devenant, le tout se réfléchissant dans une
mythologie de structures fortes étendues à tout le champ de l’expérience, la pensée ne pourra
vivre en aucune façon la positivité de cette véritable ère post-métaphysique qu’est la
postmodernité » 183.

Sans être exhaustif nous avons jusqu’ici trouvé les moyens d’articuler, du moins de faire
discuter, prières, mysticisme, bouddhisme, phénoménologie et neurosciences cognitives avec
l’outil de pleine conscience. Le domaine de la santé mental comme nous l’avons en partie vu
en première section se sert aussi de cet outil. Dépression, stress, troubles du comportements
diverses et variés ou troubles de la personnalité chacune de ses pathologies à trouver le moyen

  71  
d’utiliser la pleine conscience à bon escient. Cependant par-delà l’utilité de l’outil comment la
psychiatrie peut penser cette méthode psychothérapeutique ? Sans toujours pouvoir répondre
à une quelconque exhaustivité nous verrons tour à tour comment la phénoménologie pense la
psychothérapie et comment la pleine conscience pourrait s’y déployer ; comment la
psychanalyse a pu déjà sous d’autre termes employer des méthodes d’exploration du soi ;
enfin comment après Ricœur et la phénoménologie herméneutique cet outil peut servir en
psychothérapie comme voie d’accès à l’ipséité.

IV.4. PLEINE CONSCIENCE ET SANTÉ MENTALE

IV.4.1. Phénoménologie psychiatrique

Nous suivrons les pas ici de Médard Boss afin de discuter de l’intérêt de l’outil méditatif à la
lumière de la phénoménologie. En effet à l’instar de la phénoménologie transcendantale
husserlienne, l’application à la psychiatrie de la théorie du Dasein selon Binswanger apparaît
comme trop théorique. La recherche de Boss présente l’intérêt d’une motivation pratique de la
conversion du regard à entreprendre.

Après avoir vu comment la vision du Dasein heideggerien peut se rapprocher de la vision du


non-ego bouddhiste, autrement dit comment ces deux visions s’éloignent du dualisme en
empruntant les chemins de l’étant et de l’absence de fondement, nous voyons ainsi avec Boss
comment appliquer une thérapie conforme, ou du moins à la mesure du Dasein176. Heidegger
explique au sujet de la méthode de recherche du Dasein : « [elle] n’est pas elle-même
phénoménologique, mais elle est dans la dépendance et sous la direction de la
phénoménologie comprise comme l’herméneutique du Dasein » 184. La nécessité ici est donc,
pour opérer le décalage de perspective de l’ontologique vers l’ontique, une médiation de
l’ontologique et non son application à l’ontique. C’est ainsi que selon Boss on peut décrire les
phénomènes ontiques que sont les comportements pathologiques. Et une telle médiation ne
peut avoir lieu que par la conversion personnelle du médecin. Heidegger explique à ce
propos : « Du médecin lui-même est exigée la chose la plus difficile, à savoir le passage du
projet de l’homme comme être vivant raisonnable à l’être-homme comme Dasein » 184. En
restant au niveau pratique de l’analyse la rencontre se fait encore avec la pleine conscience. Il
n’est pas concevable dans ces deux domaines d’imaginer un thérapeute non convaincu par
cette vision du monde. Dans les deux cas nous pensons que le médecin doit lui même

  72  
s’éprouver comme « ek-sistant » 176 pour déterminer la réalité de l’homme et du monde et
ainsi mettre hors circuit les représentations inadéquates que l’on s’en fait habituellement. Ce
que Heidegger appelle l’entraînement au « regard phénoménologique », pour lui « éveiller le
sens de ce qui est simple » 184, porte le nom d’entraînement méditatif au quotidien dans l’autre
tradition. Il s’agit quoi qu’il en soit de s’engager jour après jour dans la manière d’être dans
laquelle nous sommes déjà, de l’accomplir en propre184. Il est question ici selon Boss de
rendre les médecins attentifs à ce qui concerne l’homme de manière incontournable176. Il est
par ailleurs intéressant de noter la ressemblance qu’évoque ce dernier avec la thérapie de
groupe. Dans ce contexte le médecin n’est plus la cause de la guérison, il en est seulement
l’occasion176. Et là encore l’écho à la tradition de bouddhiste se fait entendre. La notion de
guérison peut s’entendre en effet à travers elle comme étant toujours in fine une auto-
guérison : le corps et l’esprit du malade produisant la guérison185. Il s’agit non plus d’ôter le
souci du malade mais de le lui restituer176.

Ainsi donc, dans leur emploi quotidien, par les patients autant que par les thérapeutes, dans
leur vision ontique ou holiste, du moins non dualiste, thérapie de pleine conscience et
d’inspiration phénoménologique herméneutique trouvent les moyens de s’entendre. Et cette
entente se fait d’ailleurs à notre avis sur le plan pratique autant que sur le plan idéologique.

IV.4.2. Psychanalyse

D’après Varela la discipline la plus voisine qui soit familière aux occidentaux et qui frôle une
conception pragmatique, ouverte de la connaissance, est la psychanalyse181. Pour autant ce
n’est pas tant le contenu de la théorie psychanalytique que l’auteur a à l’esprit mais plutôt
l’idée selon laquelle la conception même de l’esprit et du sujet qui entreprend une analyse est
censée changer à mesure que le tissu de représentations dans lequel le soi est enchvêtré se
trouve lentement pénétré par l’analyse181. Il manque toutefois à cette philosophie la
composante d’attention vigilante de la réflexion selon Varela. Mais remarquons ces lignes
citées par Deikman170 et accordées à Freud : « au début du traitement, il est demandé au
patient d’adopter une attitude d’observation de soi, neutre et attentive… Nous lui enseignons
à se mettre lui-même dans un état d’auto-observation calme et non interprétatif [sic], et de
nous rapporter toutes ses perceptions internes – sentiments, pensées, souvenirs – dans l’ordre
dans lequel elles lui parviennent. Faites comme si, par exemple, vous étiez un voyageur de
chemin de fer assis du côté fenêtre de votre compartiment, essayant de décrire les paysages

  73  
défilant à l’extérieur à quelqu’un qui serait assis côté couloir ». Nous retrouvons clairement
ici l’observation des mécanismes de l’esprit, évoquée en première partie en tant que technique
de base de presque toutes les psychothérapies modernes, à l’exception des modifications
comportementales170. Par delà les théories psychanalytiques qui s’appliquent après cette
observation, force est de constater ici que l’objectif rejoint, dans un premier temps, l’idéologie
des thérapies de pleine conscience, à savoir l’autonomie et la distanciation par rapport aux
réactions émotionnelles et cognitives habituelles. L’entreprise freudienne est à cet égard
révolutionnaire très probablement d’abord parce qu’elle a rendu la parole aux malades
mentaux, et a reconnu la nécessité pour le patient de devenir le premier observateur de ses
troubles.

Bien sûr après ce premier temps d’observation, les théories psychanalytiques basées sur la
conception d’un moi et d’une vision dualiste du monde, et qui font appel à l’interprétation du
thérapeute, ont du mal à s’articuler avec l’outil méditatif de pleine conscience. Mais loin d’en
faire un obstacle certains psychanalystes ont proposé une « division ou une déconstruction de
145,170
l’ego » : « [la] division à l’intérieur de l’ego est non seulement essentiellement
souhaitable, mais aussi une condition indispensable à tout psychothérapie efficace. Dans une
large mesure, l’effort e l’analyste tend à renforcer cette fonction d’observation. Il peut y
parvenir (…) surtout en utilisant des interprétations visant à libérer les capacités potentielles
du patient ou éventuellement en se présentant au patient comme un modèle possible tout en
respectant l’activité de l’ego » 170.

L’idée d’un rapprochement avec le soi observateur de Deikman, d’inspiration bouddhiste, est
entreprise, mais la vision reste dualiste et l’observation n’est qu’une fonction de l’ego. Le
débat reste posé sur un plan ontologique et catégoriel, et non sur le plan ontique de l’étant.

Il semble ici que la psychanalyse des relations d’objet n’ait pas affronté la contradiction entre
l’absence d’un moi unitaire dans l’expérience et le sentiment permanent de cramponnement à
soi. La qualité d’ouverture qu’elle rend pourtant possible par son déroulement initial se
heurtant à certaines limites.

  74  
IV.4.3. Voie d’accès à l’ipséité

Ce sentiment même d’identité, cette conscience de soi, est au cœur de la tradition


philosophique et psychiatrique occidentale depuis des siècles. Il faut constater, malgré notre
emploi de la pleine conscience issue de la tradition bouddhiste notamment, la difficulté de
penser ce sentiment d’identité au travers de cette philosophie. Certains y ont répondu en
évoquant simplement la mémoire de l’être humain170, d’autre tel Heidegger en évoquant
l’historialité du Dasein. Clairement au centre des préoccupations psychiatriques, et des motifs
de consultation en psychiatrie, cette notion d’identité, de conscience de soi, a été pensée à la
lumière de ce que l’on nomme ipséité. L’introduction de l’ipséité en psychiatrie n’est pas
récente, et Heidegger en fût un célèbre représentant. Mais c’est surtout à Ricœur, fidèle de
Heidegger, qu’on la doit. Nous allons voir dans cette section ce que représente l’ipséité et sa
place au sein de la psychopathologie, et comment la pleine conscience en permet un accès
facilité.

a) Ipséité

La centration de l’homme sur lui-même, dont le résultat est la notion moderne de « sujet » ou
de « moi » ne commence véritablement qu’avec Descartes et sa recherche d’un point fixe et
immuable dans lequel toute certitude trouve son origine186. C’est contre l’évidence première
dite irrécusable de cette donnée qu’est le moi chez Descartes, que Ricœur au contraire met en
lumière le caractère narratif de l’identité humaine, qui ne se constitue ainsi que par le
maintien de soi à travers les aléas d’une histoire143,186. Cette fixation sur le « moi » a pour
corollaire la déréalisation du monde et la survalorisation de l’expérience intérieure186. C’est,
selon Françoise Dastur, de cette « catastrophe ontologique » que nous sommes les héritiers186.
L’être humain se trouve par là tourné davantage vers la préservation de son moi que vers
l’ouverture au monde.

C’est contre l’ensemble de cette subjectivité que se dresse Heidegger avec sa conception du
Dasein. Avec lui nous l’avons vu, la substance de l’homme n’est rien d’autre que l’existence
elle-même186. Le mode d’être de l’homme est un pouvoir-être, il est pure possibilité et donc
pure liberté (à l’exception de la notion de déreliction – Geworfenheit – être jeté dans
l’existence sans l’avoir choisi) 186.

  75  
Mais ce dont il faut toutefois rendre compte dans une telle perspective, c’est de la permanence
non substantielle du soi, qui, nous l’avons déjà dit n’a été que trop peu pensé par le
bouddhisme. Il faut affronter le problème de la « cohésion (ou connexion) de la vie » 186, que
l’on ne peut penser comme une suite de vécus dont l’existant serait la somme, mais comme
l’extension temporelle propre à l’être humain. Nous allons voir que c’est avec une
phénoménologie herméneutique ricœurienne que nous pouvons tenté d’apporter une réponse à
cette question et en même temps d’articuler au mieux l’outil de la pleine conscience.

Ricœur se tient donc ainsi dans ses exposés à égale distance du Cogito exalté par Descartes et
de celui proclamé déchu par Nietzsche186. Il distingue ainsi les deux sens principaux de
l’identité qui renvoient à l’opposition des termes ipse et idem. On trouvera d’ailleurs cet
exposé dans un article marquant qu’il a présenté lors des XVèmes journées de l’Information
Psychiatrique en 1995187. Il explique le « même » (identité idem) comme la relation
structurelle, immuable, malgré le temps écoulé. L’ipséité est par contre une identité à travers
le temps, mémorielle et promissive. Il s’agit du maintien de la cohésion du soi à travers le
temps dont le paradigme est la promesse186. Ce qui permet le maintien de soi, c’est la
permanence à travers le temps d’une promesse, d’une prescription ou d’une loi que le
« sujet » s’est donné à lui-même et à laquelle il obéit en dépit de tout ce qui peut l'en
détourner186. Ainsi l’idem seul (le moi cartésien) répond à la question « QUOI sommes-
nous ? » de façon univoque et structurel ; par contre les deux pôles ipse/idem donnent une
réponse équivoque et scindée à la question « QUI sommes-nous ? », car en effet les personnes
sont des deux côtés187. Ricœur reconnaît ainsi le caractère éminemment instable de l’identité
humaine, dont Heidegger a souligné qu’elle est le résultat d’une conquête et non pas une
donnée de départ186. Les penseurs de l’ipséite contrairement à ceux de l’égoïté, mettent en
évidence le caractère temporel et l’inachèvement constitutif de toute existence singulière186.

Pour nous orienter dans cette aporie ipse/idem Ricœur propose donc de prendre en compte la
médiation narrative. Il s’agit d’intégrer l’histoire dans l’identité ou plutôt dans les processus
d’identification187. Cette médiation, que nous allons reprendre plus loin en tant qu’identité
narrative, est l'acte par lequel nous prenons connaissance du passé, et elle consiste
essentiellement dans une mise en intrigue qui a pour effet d'intégrer l'unité concordante d'une
histoire à la discordance des évènements186. Enfin c’est parce qu’il arrive de l'imprévu (les
évènements) qu'il s'avère nécessaire après coup de le configurer sur le mode narratif186. Il n’y
a ainsi de maintien de soi ou de fidélité à soi que dans l’acceptation de sa propre vulnérabilité
ou, comme le dit Heidegger, dans l’assomption d’une ouverture du Dasein, de l’existant,

  76  
auxcoups du sort, au destin, en bref à la contingence de l’événement186. L’événement est donc
à la fois la condition de possiblité et la condition d’impossibilité du récit, ce qui à la fois le
recquiert et le menace fondamentalement143. L’enjeu est de ce point de vue de rendre possible
la transformation du sujet égoïque en en capacité d’accueil de l’imprévisible186. Capacité
d’accueil qui semble ainsi être la source des troubles mentaux et du comportement observés
chez les patients188.

b) Post-rationnalisme et voie d’accès à l’ipséité

Il a donc été question ces dernières années de trouver le moyen de repenser la psychiatrie au
travers de cette notion d’ipséité en prenant compte de l’apport de la pleine conscience dans ce
champs d’étude. C’est avec l’école post-rationnaliste, née sous l’impulsion de Vittorio
Guidano, que nous pouvons enfin ici trouver le moyen d’articuler pleine conscience et ipséité.

Il faut revenir ici à ce que nous avons identifié comme le problème du sens de l’unité de
l’expérience personnelle, c’est-à-dire la relation entre la multiplicité des actions et des
passions, et l’unité de soi ; ou comme le pensait James, le rapport entre le «moi» et le «je»162.
Pour s’interroger sur ce problème il faut donc partir du point suivant : la conscience que
l’unique phénomène auquel nous avons réellement accès en chair et en os quand nous
étudions le soi est l’expérience que nous faisons chacun de vivre toujours dans le moment
présent162. C’est cela qui crée à chaque instant une distinction entre l’expérience d’être soi et
le comment est-ce que je me sens maintenant162.

Il s’agit ici de prendre en considération la différence entre soi expérientiel et identité


narrative, en l’articulant à la dialectique ipse/idem d’inspiration ricoeurienne. La personne
apparaît ici au travers de la reconfiguration narrative de l’expérience162. La recomposition des
faits advenus dans l’histoire d’une vie, alors qu’elle intègre les sensations et l’action dans un
ensemble narratif fourni au protagoniste de ces expériences l’identité, la stabilité du soi dans
le temps162. Les sensations et actions reflètent cette conscience de soi enracinée dans
l’existence, incarnée dans notre corps, accordée à nos émotions162. C’est une conscience de soi
incarnée et non conceptuelle. Le récit, par ailleurs, compose et stabilise dans le temps la
dialectique ipséité et mêmeté162. L’identité narrative est ici le processus d’interprétation de
l’expérience préréflexive selon lequel les nombreuses émotions et actions qui caractérisent
l’existence individuelle dans le temps sont reconnues comme propres à soi162.

  77  
Considérant cela, il faut rappeler ce que nous avons vu auparavant concernant l’efficacité de
la pleine conscience. En effet elle pourrait s’avérer efficace par le biais d’une amélioration
des capacités de régulation émotionnelle5. De plus nous avons vu que nombre d’études
suggèrent que cette pratique méditative favorise une régulation émotionnelle adaptative grâce
à une conscience de l’émotion au moment où elle jaillit, sans faire nécessairement recours à
des processus cognitifs. Cette prise de conscience préréflexive sorte de voie d’accès
privilégiée à l’ipséité, c’est-à-dire à l’expérience effective d’être, à la manière dont chacun de
nous moment après moment est lui-même, en relation avec le monde et les autres, nous paraît
donc comme un aspect constitutif fondamental de la pleine conscience5.

  78  
V. DISCUSSION

Comme nous l’avons vu jusqu’à présent plusieurs programmes psychothérapeutiques basés


sur la pleine conscience ont été développés et des recherches cliniques rigoureuses ont permis
d’en démontrer l’efficacité. La place des psychothérapies basées sur cette méthode est ainsi
justifiée. Mais la méditation de pleine conscience ainsi que les applications cliniques
développées, incarnent un paradoxe qui peut parfois être difficile à intégrer dans le cadre des
approches thérapeutiques habituelles5. En effet, cette démarche n'implique pas d’objectif de
réussite thérapeutique et par conséquent, ne peut pas être considérée comme la dernière
technique apparue dans le champ des psychothérapies pour faciliter la résolution de tel ou tel
symptôme5. L’objectif essentiel de ces thérapies ne vise pas un changement des émotions ou
des cognitions, ni même une meilleure compréhension de celles-ci39. Nous l’avons vu,
l’interprétation et la vision ontologique du monde sont éloignées de la philosophie sous-
jacente à la pleine conscience. Celle-ci n'est donc pas un moyen pour se rendre à un endroit
défini ou préétabli, ou pour réparer quoi que ce soit. Elle ne s’inscrit pas dans la lignée des
thérapies comportementales et cognitives, et n’en constitue pas, à nos yeux, la « troisième
vague ». Il s'agit d'une invitation qui peut permettre à chacun d'être où il est déjà et de mieux
connaître son territoire intérieur, qui devient accessible moment après moment à travers
l'expérience5. À cet égard, nous avons souligné que leur principale spécificité consiste en une
approche expérientielle du vécu de l’individu, suspendant toute interprétation intellectuelle
et/ou abstraction de l’expérience39. Il s’agit pour les patients de développer d’une part une
capacité à se désengager de la capture automatique de l’attention par les pensées abstraites et
évaluatives ; et d’autre part à un réengagement de cette attention sur les aspects expérientiels
et spécifiques de l’expérience émotionnelle39. Nous avons compris qu’il ne s’agit donc pas
d’un changement ou d’un contrôle de nos comportements mais bien d’un changement de
notre relation aux problèmes qui peuvent altérer notre vie.

D’un point strictement scientifique et méthodologique il faut insister malgré tout sur le
manque encore aujourd’hui de bases solides. Certes le nombre d’études est en croissance
exponentielle depuis plus de quinze ans mais, par exemple, les essais randomisés et contrôlés
ne sont pas encore suffisants. De plus les diverses définitions de la pleine conscience laissent
entrevoir différents éléments qu’il faudra encore remanier pour de meilleures validations31.

  79  
Une question est aussi récurrente dans le domaine des programmes basés sur la pleine
conscience : est-ce l’ensemble du programme qui entraîne des effets thérapeutiques, certaines
de ces composantes ou encore une interaction entre ces dernières?31 Il conviendrait également
de se pencher sur les effets physiologiques et neurologiques à court et long terme de la pleine
conscience, afin de savoir si des processus neurophysiologiques sont activés lors des séances
de méditation31. En termes de changements psychologiques, il serait bon d’étudier ceux qui
interviennent au niveau des comportements, des styles cognitifs, des valeurs ainsi que du
rapport de l’individu à lui-même, afin de les identifier, de constater s’ils perdurent et
d’analyser leurs effets sur les individus31.

De plus nous avons vu comment l’outil de pleine conscience permet un accès privilégié au soi
« corporel » du terme. En effet la conscience du corps, ici la « proprioception » est facilitée, et
du moins, les structures cérébrales rattachées sont mobilisées par la méditation. Mais il faut là
souligner l’écueil dans lequel nous essayons de ne pas tomber. Il ne s’agit pas tout d’abord de
localiser la conscience dans telle ou telle zone du cerveau. Nous ne voulons pas ici prendre le
risque d’un objectivisme qui oublierait l’ « étant » que nous promouvons à travers les
techniques méditatives. Pas plus que nous ne justifions par la neuro-imagerie, l’accès à un soi
que nous avons souligné comme bien plus complexe, sa définition dépassant l’exercice
présent. Nous scrutons et observons en fait avec attention l’avancée des neurosciences,
notamment sous l’influence d’hommes tels que Varela, parce qu’elles permettent une vision
plus globale de l’outil, ne le confinant pas ainsi aux seuls mystiques ou psychothérapeutes
refusant une part de « naturalisation » de l’être humain. Les neurosciences, dans notre travail,
permettent donc d’apporter une partie seulement des réponses concernant l’accès au soi.

L’accès à l’ipséité nous a semblé prendre une part importante. Nous avons vu avec Ricœur, le
post-rationnalisme, et les neurosciences (l’étude de Farb en 2007 notamment111) la nécessité
d’envisager une identité qui ne puisse être simplement réduite à la persistance d’un noyau
caractériel, une identité qui puisse convenir à la nature subjective, et de ce fait affectée par le
temps, de l’être humain. L’ipséité constitue ainsi la permanence de ce « qui » nous avons à
être.

Qu’est-ce à dire pour le thérapeute ? Il s’agit là, dans une perspective non dualiste de
l’expérience du patient et essentiellement subjective, de mettre en parenthèses le
comportement ordinaire du malade, et de favoriser avec l’outil de pleine conscience, un

  80  
déplacement de la vision du monde, du « quoi » ou du « pourquoi » à un « comment » au sens
des possibilités s’offrant à lui.

Cependant l’implication dans la pratique et l’appropriation personnelle de la démarche ont-ils


des effets sur l’impact thérapeutique ? Il conviendrait là aussi de comparer les programmes
qui sont mis en œuvre par des thérapeutes « pratiquants » avec ceux des non-pratiquants.

Qui plus est, la pratique de la méditation de pleine conscience pourrait être particulièrement
utile à tout thérapeute, au delà de son orientation ou formation théorique5. En effet, il est
possible que le thérapeute soit confronté, au travers du vécu des patients, à des émotions
intenses5. La pratique de la pleine conscience peut offrir au thérapeute un lieu où rester en
présence avec ce vécu sans faire appel immédiatement à la réponse plus automatique que
pourrait être la résolution de problèmes5.

Par aileurs, l’identité narrative que nous avons évoquée avec Ricœur, à laquelle l’accès est
favorisé via l’outil méditatif n’est pas à envisager comme « histoire à raconter ». En effet le
risque est bien réel, de tracer à partir de l’histoire personnelle une identité qui deviendrait
simple portrait162. Une technique psychothérapeutique, la moviola162 consistait justement à
arrêter le flux de la conscience, puis à se centrer sur l’expérience « objet », et en l’amplifiant,
à la re-parcourir afin de recueillir et de rendre signifiant ce que le sujet avait vu ou fait dans
l’expérience. Mais ici l’« être moi » des actes, la singularisation occasionnelle des
expériences vécues est congédiée ou simplifiée pour en recueillir l’organisation, la
configuration de la cohérence interne162.

Il s’est agi pour nous durant ce travail de montrer que la pleine conscience présente « l’intérêt
de la méthode ». L’outil est à disposition du thérapeute qui aura pris le temps de
l’appréhender. Et il le transmettra à l’être psychiatriquement ou somatiquement malade qui le
consultera. Force est de souligner ici le besoin de formation du thérapeute. Il nous apparaît
difficile de transmettre cet outil à un sujet en souffrance, sans une conviction forte.

Loin d’imaginer une méthode Coué dans le but de persuader le patient, nous pensons la pleine
conscience comme difficile à extraire de sa philosophie originelle, orientale ou occidentale.
Cependant, et nous l’avons montré en partie avec la psychanalyse, l’intérêt indéniable de cette
méthode pour une meilleure régulation de l’attention, en fait un outil multiple ainsi qu’un
terrain de discussion fertile pour nombre de sciences humaines.

  81  
Comme « intelligence de soi » sur le plan émotionnel, comme principe de meilleur ressenti
corporel fortement associé aux émotions, comme maintien au cœur de l’expérience
notamment par son effet sur l’attention ou comme voie d’accès à l’ipséité, la pleine
conscience nous semble, à la fin de cet exposé, un outil non négligeable en psychiatrie. Sa
vision non dualiste et excluant le sujet ou le « moi » rend plus compte à notre avis de la
mission du psychiatre. Nous citerons sur ce point, Arthur Tatossian : « Le ‘Je’ n'est jamais un
point de départ, à l'encontre de ce que Descartes avait cru à son époque ; il n'est ni suffisant,
ni nécessaire de dire ‘je’ pour être soi. Ce jugement de Ricœur, les psychiatres et les analystes
le retrouvent parfaitement dans leurs expériences quotidiennes avec des êtres dont le ‘je’ ne
coïncide pas, et de loin, avec leur soi et dont le ‘je’ en question ne comporte aucune
transparence. Ainsi la subjectivité apparait davantage comme un problème que comme une
solution pour les psychiatres et même pour les philosophes »190.

Nous terminerons en évoquant une critique inhérente à un tel travail. La question d’une
volonté de synthèse, grâce à l’outil de pleine conscience, de l’être et du monde ne fait-elle pas
courir un risque totalitaire ? Nous savons les reproches et procès qui ont été faits à l’égard de
ces tentatives de vision globalisante. Heidegger le premier n’est pas sans suscité nombre de
critiques. Nous pensons humblement que l’exercice philosophique esquissé dans ce travail
prend le parti de la liberté de l’étant. Sans contrainte et sans objectif, la pleine conscience est
envisagée dans ces pages comme une méthode éthique en ce qu’elle tente de rendre libre toute
vision du monde. Aux patients qui en bénéficieront nul programme cognitif ou
comportemental n’est remis. Le terme même d’ « enseignement de cette vision » pourrait
constituer un risque. Il s’agira de comprendre l’outil comme « voie d’accès », comme
« méthode » à dessein libertaire et non totalitaire.

  82  
VI. CONCLUSION

La pleine conscience peut donc représenter à notre avis l’outil d’accès au soi que nous avons
recherché durant ce travail. Loin de s’attacher à une vision égoïque de l’individu nous
pensons que cette méthode permet une libération de l’être au travers d’un autre regard sur soi.
La pleine conscience permet d’arrêter le cercle vicieux de nos raisonnements ou de nos
comportements pathogènes, et nous confronte au principe de réalité que constituent notre
propre corps mais aussi notre monde. Nous pensons que la pleine conscience permet une
libération car elle permet une fluidité et une souplesse de la vie elle-même, la vie étant
mouvement par essence. Dans cette vision du monde nos pathologies sont toujours
l’expression de nos rigidités. La pleine conscience ouvre ainsi par sa méthode, un libre choix
en conscience, de la vie que l’on est191.

  83  
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