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LES ÉNERGIES DU TAROT DE MARSEILLE

UNE GNOSE JUDÉO-CHRÉTIENNE


PHILIPPE SORSTEIN
LES ÉNERGIES DU TAROT DE
MARSEILLE
UNE GNOSE JUDÉO-CHRÉTIENNE
© éditions Sydney Laurent – Philippe Sorstein
ISBN : 9791032669136
Dépôt légal : Janvier 2022

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Introduction

J’étudie et pratique le Tarot de Marseille depuis plus de trente ans. Quand


j’ai commencé, nous ignorions qui l’avait créé, ce qui permettait à chacun
de se l’approprier sans que personne ne puisse nous dire si nous avions
raison ou tort de l’interpréter. Peut-être même l’avions-nous déjà étudié
dans une vie antérieure, qui pourrait dire le contraire ?
Depuis, la situation a changé. Nous pensons avoir découvert qui est son
créateur. Il s’agirait de Marcile Ficin, aidé des sages de son époque dont Pic
de la Mirandole, le plus grand des kabbalistes chrétiens (ayant appris des
rabbins juifs, bien sûr) et du peintre Botticelli, excusez du peu ! Cette
filiation permet de mieux comprendre les liens entre le Tarot et les
Testaments, Ancien et Nouveau, ainsi que la relation entre le Tarot, la
sagesse de Platon, des philosophes grecs, la Kabbale et le christianisme. Ce
lien, qui peut paraître évident, l’était beaucoup moins au Moyen Âge ou à la
Renaissance, époques où la communication et la culture étaient moins
aisées qu’aujourd’hui et surtout totalement contrôlées par l’Église et les
puissants de ces âges-là.
La première fois que j’entendis parler du Tarot de Marseille, c’était dans
les années 1980, une de mes amies venait de découvrir A. Jodorowski et ses
cours-conférences sur le sujet. Elle savait que je m’intéressais à la recherche
intérieure et à la spiritualité et voulait me montrer sa « découverte ».
Pour moi, qui venais d’arriver à Paris, ce fut une révélation. Le
personnage, bien sûr, « Jodo », mais aussi le Tarot. Un instant de liberté et
d’intelligence permettant l’interprétation et la recherche.
J’ai tout de suite senti qu’il se passait quelque chose. Ces images
enfantines tellement simples en apparence m’ont immédiatement touché.
J’avais l’impression, en voyant les cartes, de voyager dans le temps et de
sentir que leurs messages seraient importants et à ma portée. Le Tarot avait
été conçu pour moi, je pouvais me l’approprier et chercher à comprendre
quel était son sens. L’imagerie était belle, parlante et faisait appel à
l’intuition, au ressenti et à l’observation.
Un message me semblait clair, c’était que si le Tarot consistait en des
images et non en un livre et des mots, c’était pour qu’on se l’approprie,
qu’on mette nos propres définitions sur les cartes. Personne ne peut nous
dire si nous avons raison ou tort puisque l’auteur a créé un ouvrage
d’images et non un ouvrage d’écrits, afin de nous laisser libres de notre
propre interprétation, de notre propre chemin. Cela fonctionne comme pour
les rêves ; si les symboles ont une explication et une définition liées à notre
culture, seul notre inconscient connaît le pourquoi et le comment de nos
songes. Ils sortent de nous d’une façon qui paraît quelques fois surprenante
et peu structurée, mais ils nous délivrent toujours un message important,
que nous aurions peut-être refusé s’il avait été dicté de façon trop construite
ou trop évidente. C’est la même chose pour le Tarot. Si les symboles ont un
sens communément admis, la perception que nous en avons nous appartient.
L’impératrice, par exemple, est par définition la femme de l’empereur ou la
dirigeante d’un empire, mais la perception que nous en avons nous
appartient. Certains vont plutôt voir la femme de pouvoir et d’autres, la
solitude, par exemple. Certains se prendront à rêver en pensant à sa fortune
ou à ses toilettes, alors que les mères de famille souffriront avec elle du peu
de communication qu’elle a avec ses enfants.
Le but des créateurs du Tarot était qu’on s’identifie à lui et que son
message nous aide à vivre mieux, voire que l’on rencontre la voie
christique, messianique ou alchimique. Pour ce faire, ils n’ont pas signé leur
œuvre, ils ont accepté de s’abstraire afin que l’Histoire ne retienne que leur
message et le message kabbalistique ou messianique.
Quelle profondeur, quelle sagesse et quelle humilité !
Aujourd’hui, nous avons probablement retrouvé les auteurs et leur époque,
cela n’enlève rien à l’essence de ce qu’ils nous ont transmis. Trop de temps
est passé pour que cette filiation altère ce qu’ils nous ont transmis, et qu’on
s’identifie à eux plutôt qu’à leurs messages. Au contraire, les connaître et se
rendre compte de leurs connaissances et de leur savoir permet de les rendre
plus vivants et de légitimer leur enseignement.
Nous sommes à Florence, au milieu du quinzième siècle. Ce que nous
appelons l’Italie était à l’époque des cités plus ou moins prospères,
concurrentes et puissantes.
L’une d’entre elles, Florence, était dirigée par les Médicis, Côme puis
Laurent, appelé Laurent le Magnifique. Cette ville et cette époque sont le
berceau de la Renaissance. Si le règne de Laurent est contesté à cause de
son goût pour la dictature, il était aussi l’un des plus grands mécènes que le
monde ait connu. À sa cour se pressaient tous les grands noms des arts et de
la philosophie.
Suffisamment puissant pour défier l’Église et chercher la vérité en dehors
des dogmes imposés par Rome, il était entouré par des philosophes et même
des kabbalistes. Marcile Ficin, qui avait été son précepteur, était un
spécialiste de Platon et des philosophes grecs de l’Antiquité. Sage parmi les
sages, il régnait sur la pensée florentine de cette époque et apportait sa
connaissance des auteurs antiques et de la Bible. (Il avait notamment fait
des études de théologie).
Pic de la Mirandole, lui, est le plus grand kabbaliste chrétien ayant vécu.
Qu’un chrétien, noble et richissime de surcroît, se soit intéressé à la
Kabbale, science juive dont est issu le messianisme, donne le ton de cette
époque de recherche et de volonté de connaissance.
Leur but à travers le Tarot est de réécrire l’histoire messianique pour nous
permettre d’atteindre l’état christique. Il est, par excellence, la tradition
mystique et ésotérique chrétienne, peut-être la seule qui nous soit
accessible, comme la Kabbale est la tradition ésotérique juive ou encore le
Tantra, son pendant chez les hindouistes.
Les religions sont basées sur des préceptes. Il ne faut pas faire ceci ou
cela, il faut se comporter de telle ou telle manière… Ce sont des traditions
exotériques. Pour vivre une vie saine, il faut se comporter selon des règles
qui nous sont dictées de l’extérieur, la voix d’un dieu ou d’une
communauté. L’ésotérisme est le contraire. Il ne s’agit pas de suivre des
règles qui nous sont dictées, mais d’aller chercher au fond de nous les
ressources pour atteindre cette compréhension de la vie et des liens qui nous
unissent les uns aux autres : il ne s’agit plus de respecter des lois pour
rencontrer notre sainteté, en quelque sorte, mais de considérer qu’elle est
cachée au plus profond de nous-mêmes et qu’elle ne demande qu’à
s’exprimer, grâce à une compréhension du monde et de notre nature.
C’est le projet du Tarot de Marseille : comment vivre une vie telle que le
Christ l’a vécue ? Qu’est-ce qu’être le messie et quel est son message, non
pas à travers des mots et des messages oraux, cela les Évangiles s’en sont
chargés, mais à travers la confiance que Marcile Ficin et ses contemporains
avaient en notre capacité à tous de porter un état christique en nous. Selon
eux, nous étions tous porteurs, au fond de nous-mêmes, de l’Esprit Saint.
Ne pas suivre des lois rigides et liberticides, mais ressentir au plus profond
pourquoi certains comportements et certaines lois sont importants. Ne pas
être dans la censure, mais au contraire sentir que le mal est douloureux et
nous éloigne de la joie, et la liberté est le message de certaines kabbales :
nous sommes tous issus de l’Adam primordial, l’Adam de la Bible, et le
Messie sera là au moment où toutes les âmes auront retrouvé la sainteté.
C’est le message de Pentecôte. Nous sommes tous susceptibles d’être
touchés par ou de contenir l’Esprit Saint. C’est ce que révèlera la Maison
Dieu, l’arcane XVI, une des cartes les plus difficiles à accepter du Tarot.
La perception mystique de l’humanité est de considérer que nous sommes
tous une parcelle du Divin, que l’univers dont nous faisons partie est une
partie du Divin et que nous sommes, nous-mêmes, de ce fait, une partie de
Dieu.
Le premier stade du Tarot, des arcanes I « le Bateleur » à l’Arcane X « la
Roue de Fortune » est le cycle matériel, c’est-à-dire comment se construire
à travers une action extérieure, une action sur le monde.
De l’arcane XI « la Force » à l’arcane XX « le Jugement » le cycle est
spirituel, l’action est intérieure, la quête de richesse passe par la
compréhension de soi.
L’arcane XXI « le Monde » est le cycle universel, nous ne sommes plus
identifiés à l’être humain que nous sommes, mais à l’univers.
Le Tarot serait donc le message de sages et de mystiques ayant voulu
donner au monde l’enseignement de ce qu’étaient l’Esprit Saint et le Divin.
Il le propose, non pas sous forme d’un livre qui parlerait à la partie de notre
cerveau qui a besoin de comprendre et d’analyser, mais, grâce à des
allégories, sous forme d’une imagerie simple et profonde qui permet de
puiser au plus profond de nous, de notre incons-cient, de notre cerveau
limbique, dirions-nous maintenant, la sagesse dont nous sommes tous
porteurs. Le but n’est pas que nous devenions des cérébraux, mais que nous
réveillions la présence messianique qui est en nous.
Il est le message ésotérique chrétien. La notion christique ou messianique
appartient à la culture judéo-chrétienne. Le Tarot ayant été créé par des
catholiques, on peut supposer qu’ils pensaient à « l’homme Jésus » quand
ils firent allusion au messie, mais cette notion est beaucoup plus universelle
car le messie appartient avant tout à la tradition juive dont le catholicisme
est issu. Que « l’homme Jésus » soit le christ ou non importe peu. La vision
du Char d’Ezéquiel d’où il est issu est une valeur universelle qui dépasse le
clivage suscité par l’origine spirituelle et l’histoire de « l’homme Jésus ».
Dans toutes les civilisations, il existe ou a existé un ou plusieurs hommes en
lien intime avec Dieu ou les différents panthéons célestes. Cette valeur est
universelle et fait partie de l’inconscient collectif de l’espèce humaine.
Authentique ou non ?
L’autre question qui se pose est : quel est le Tarot authentique, quels furent
les premiers arcanes dessinés ? De nombreux auteurs ont créé leur propre
Tarot, d’Alistair Crowley à Salvatore Dali, en passant par tout ce que deux
siècles de recherches intérieures comptent de voyants, chercheurs,
ésotériques, mystiques, créatifs, etc.
Le Tarot de Marseille, lui-même, a probablement subi des modifications
depuis sa création et nous ignorons, au fond, si ceux que nous utilisons sont
le reflet de ce qu’ont voulu les créateurs.
Celui qui m’a le plus touché est celui qui est appelé « Ancien Tarot de
Marseille » recueilli par Paul Marteau, édité par Grimaud, il est aussi le plus
utilisé et le plus connu. Rien ne dit qu’il soit l’authentique, il est même
probable qu’il ne le soit pas. Je continue, pourtant, à considérer qu’il est le
plus proche de la pensée des créateurs. Son imagerie simple et belle est
tellement propice à la contemplation et à l’intuition, elle laisse tellement le
psychisme se l’approprier et s’émouvoir, qu’à défaut d’être celui dessiné à
la Renaissance, il est au plus proche du message qu’ont voulu initier les
créateurs. De plus, les historiens pensent avec une certitude raisonnable
qu’au moins l’arcane « Tempérance » aurait été dessiné par Botticelli, or
celui de l’ancien Tarot de Marseille de Paul Grimaud est celui qui est le plus
proche de l’arcane Tempérance d’Esztergom en Hongrie, dont on sait avec
certitude qu’il a été dessiné par le peintre.
Le Tarot est là pour laisser faire l’inconscient, notre âme est divine et
connaît le chemin, écoute-la et n’écoute qu’elle ! C’est pour cela que les
créateurs ont voulu parler à l’intuition à travers des images et non imposer
leur sagesse comme ils auraient pu le faire avec des mots et du sens. Laisser
faire nos propres connexions inconscientes, et les laisser s’organiser entre
elles autour de l’axe proposé par l’image est le moyen le plus sûr d’être à
l’écoute du message que notre âme, et à travers elle le Divin, cherche à nous
faire parvenir.
Le message des autres personnes, même sages, n’est pas inutile ou sans
intérêt, il est seulement lié à leur propre intimité et non à la mienne ou à la
vôtre.
C’est pour cette raison que ce que j’évoque à travers cet essai est une
proposition. Elle correspond à mon intuition, et à toute une vie passée dans
l’observation des arcanes. Mon seul but, en vous partageant mon
expérience, est d’enrichir votre propre perception du Tarot de la même
façon que l’interprétation et la lecture de livres, dont ceux de Marcel Picard,
Alejandro Jodorowski, Bruno de Nys et beaucoup d’autres, ont nourri ma
propre vision.
Le Tarot n’appartient à aucun maître, ou expert, il est compagnon des
voyageurs, cheminant à la recherche de leurs âmes et de ce point de vue,
nous sommes tous égaux.
Le cycle de l’arbre

Toutes les vies sont construites sur un modèle identique : les planètes, la
nature, les mammifères, les êtres humains et … les arbres. D’où le nom de
mon chapitre : le cycle de l’arbre, car c’est lui qui rend ce processus le plus
compréhensible.
Une graine va grandir, forcir et donner un arbuste, puis un arbre, qui va
continuer à pousser, va donner des fleurs, des fruits, qui vont pourrir et
devenir une autre graine, qui démarrera un nouveau cycle, donnera un autre
arbre. Elle pourra donner un arbre identique au premier, ou bien donner un
arbre plus fort, mieux adapté à la vie, comme si la graine avait intégré les
leçons du passé. Le plus grand nombre de graines pourrira sur place et
formera une partie de l’humus qui, d’une certaine façon, participera à
nourrir la terre et la planète Terre, et à lui donner une partie de son énergie
et de son identité.
Ce schéma est identique pour les planètes, pour les galaxies qui
grandiront, auront une vie, rencontreront et fusionneront avec d’autres
planètes ou galaxies puis disparaîtront en participant aux restes de l’univers
ou dans d’improbables trous noirs, desquels seront peut-être, un jour, issues
d’autres galaxies. Ce schéma est identique pour nous, humanité cherchant à
comprendre son destin et peut-être à le dominer.
Nous naissons, grandissons, arrivons à maturité, agissons, créons et/ou
faisons des enfants puis vieillissons et mourrons et retournons à la Terre, la
planète, qui s’imprègnera de notre essence et de nos restes.
Comment la graine, le chiffre I dans la symbolique, va-t-elle suivre son
évolution pour parvenir à la maturité et renaître dans le chiffre un plus zéro,
le X ? Comment l’action, le fait d’agir dans le monde, l’énergie Yang,
rencontre-t-elle et se met-elle au service du Yin, du féminin ? Comment son
action dans le monde se transforme-t-elle en écoute de l’intime que nous
portons au cœur de nous-mêmes ? Comment cette présence est-elle en
résonance avec l’univers, qui devient universel, et comment se fond-elle en
lui ?
Toute vie suit ce schéma. De l’étincelle du Big Bang, qui devient
l’Univers, au fœtus qui donne un adulte dans la force de l’âge, qui se met en
quête de rencontrer l’indicible.
Le Tarot suit ce cycle, il va nous orienter et nous ouvrir à l'inconscient.
C’est un processus pour arriver à l'illumination, qui est avant tout une
émotion, une perception et un ressenti du monde. Si cette émotion pouvait
être décrite et expliquée par écrit, elle le serait une bonne fois pour toutes et
ce message nous permettrait d’y parvenir. Or, visiblement, il se passe autre
chose. Les écrits et les explications rationnelles ne suffisent pas pour qu’on
la rencontre. La seule route écrite grâce à des syllabes et des mots ayant
permis de rencontrer la beauté ou l’indicible est la poésie. D’autres routes
écrites existent dans ce même but, la peinture, la musique.
Le Tarot est une autre tentative dont la sagesse des dessins a remplacé la
force des allégories. Il est constitué de chiffres, de couleurs, de traits et de
formes, d’objets et de personnages plus ou moins symboliques qui vont
nous orienter dans notre vie en fonction de ce qu’ils évoquent.
« Que regardent-ils ? », « que font-ils ? », « vers quoi tendent-ils ? » sont
les questions qui vont guider notre recherche et nous permettre de nous
servir des arcanes comme des alliés.
Il faut imaginer un pèlerin du Moyen Âge devant un questionnement
existentiel. « Que m’apportera ce chemin si je le prends ? », ou bien « que
vais-je vivre dans cette rencontre ? », ou tout simplement « où en suis-je de
mon développement personnel et spirituel ? ».
Il tirait une carte du Tarot et voyait ce que sa vie lui permettrait de
rencontrer et d’expérimenter. Marcile Ficin était un des plus grands experts
de son époque en philosophie grecque, peut-être en percevait-il certaines
limites et essayait-il de trouver une autre voie pour rencontrer le Divin.
Peut-être, plus simplement, avait-il voulu concevoir une œuvre qui
s’adresse à tous, pas seulement aux érudits de son époque qui, de plus,
étaient souvent proches de l’Église, mais qui s’adresse à tout le monde y
compris les pauvres, les illettrés, les étudiants.
Comment la carte est-elle conçue ? Dans quelle direction et de quelle
façon regarde-t-elle ? Quelles sont ses couleurs ? La couleur chair, qui
symbolise la chair et l'humanité, n’est pas forcément dans le personnage,
elle peut être dans un fauteuil, sur une table. Les personnages regardent-ils
vers la gauche ou vers la droite ? Que penser des objets qui jalonnent les
arcanes ? Pourquoi la tiare de la Papesse dépasse-t-elle du cadre ? Tous ces
éléments sont des indications qui nous interpellent et nous interrogent sur le
chemin que l'on doit prendre pour arriver à l'illumination, la conscience
christique et même, peut-être, au-delà.
Les couleurs du Tarot ou les couleurs de la vie.
Sept couleurs composent les arcanes du Tarot.
Elles sont les premières cristallisations de l’énergie vitale, elles nous
indiquent quelle est la qualité vibratoire de l’élément qu’on observe.
Féminin, masculin, ou degrés d’évolution, toutes ces indications et de
nombreuses autres sont données par les teintes hachurées ou non des
éléments qui composent les cartes.
Le rouge est l’énergie Yang, le masculin, la vitalité et concerne ce qui est
de l’ordre du mouvement, de l’action. En observant où cette couleur est
située, nous allons comprendre ce qui est actif dans la carte. Nous trouvons
du rouge dans tous les endroits de la carte qui sont en action. Cela peut être
des parties du corps, les jambes, les bras, ou des vêtements. Les couleurs
peuvent être dans d’autres endroits, le muret du Soleil ou les coupes de
l’arbre du Pendu, par exemple.
Jouer sur les couleurs, c’est observer ce qui est actif, réceptif ou autre. Une
robe rouge sous un manteau bleu comme pour la Papesse, ou la Justice est
le signe que la vitalité intérieure est couverte par quelque chose de plus
réceptif, peut-être même passif. L’élément actif de l’arcane est à cet endroit.
Il faudra chercher ce que cela signifie symboliquement. Le Chariot possède
deux chevaux, un rouge et un bleu, qui ne tirent pas dans la même direction.
La partie bleue du vêtement de l’Impératrice couvre le pubis. Quel message
les créateurs du Tarot ont-ils voulu faire passer ?
Le bleu symbolise la vibration du Yin, la réceptivité, la féminité, ce qui a
besoin d’être écouté, ressenti, voire quelques fois ce qui est inerte, sans
mouvement, comme les pieds du Pendu ou différents manteaux. L’énergie
Yin est une énergie complexe à comprendre car elle est réceptive, attirante.
C’est une qualité de présence qui, en existant, émet un rayonnement qui fait
que l’on va vers elle.
La Terre, par le simple fait de sa présence émet une attraction, l’attraction
terrestre, qui fait qu’on ne peut pas s’empêcher d’être attiré vers elle. Elle
semble être une masse inerte (ce qui est loin d’être le cas) qui
irrémédiablement nous amène à aller vers elle. C’est une bonne allégorie de
l’énergie Yin. Cette « inactivité » qui attire est une forme d’énergie moins
simple à comprendre et à ressentir que l’action mais tout aussi efficace.
L’univers et ce qui le compose sont constitués de ces deux grandes
expressions.
L'or apparaît quand le bleu ou le rouge ont évolué. Il y a une
transformation de l'énergie dans une compréhension, une évolution voire
une transcendance. Le Yin et le Yang sont des vibrations primaires ou
brutes qui nous sont données par la nature ou par le ciel, elles deviennent or
quand on se les est appropriées et qu’on a pu les transformer, quelques fois
les dominer.
Quand le manteau de l'Hermite se déroule, la couleur or apparaît. Dans le
travail de l’Hermite et dans la réceptivité de son manteau bleu, un travail,
une maturation se fait. C'est la couleur or qui symbolise le travail,
l’évolution. L’or est la couleur de ce qui est compris, transformé.
En ce qui concerne l’Hermite, le rouge de sa robe est strié de noir, la
couleur n’est pas totalement pure. La couleur est striée pour signifier un
problème ou un questionnement dans l’accomplissement.
Le vert représente les éléments naturels, bruts, qui caractérisent notre
nature terrestre. C’est un rappel d’un des éléments importants de notre
incarnation. Nous participons et sommes en lien avec les forces de la nature.
Le bâton de l’As de Bâton, par exemple, est vert. Il est la force brute qui
pousse et est reliée profondément à la terre. Le Tarot, grâce à cette couleur,
différencie le Yang de cette énergie plus reliée aux forces terrestres et
telluriques. Dans la potence qui soutient le Pendu, le vert est très présent,
cela nous rappelle l’importance de la planète, de la nature et de leurs forces.
Comme le noir, c’est une couleur assez rare dans le Tarot pour qu’elle soit
signifiante quand elle est présente.
Le noir, c’est l'absence, le retrait. Ce n’est pas le négatif, c'est plutôt
quelque chose de tellement ancré, tellement structuré qu'il ne peut rien
apporter. Ce n’est pas la mort car tout est évolution et la mort n’existe pas
dans le Tarot. C'est plutôt quelque chose de rigide, de dur. Il a un rapport
avec la non-vie. La mort est la fin de quelque chose (la vie). La non-vie est
autre chose, elle concerne le vide, l’absence. On le voit dans l'arcane XIII
où le noir symbolise le sol dans lequel il ne peut plus rien pousser. Est-ce de
la matière trop dense pour permettre à la vie d’émerger, tel le trou noir des
astronomes ? Ou y a-t-il un rapport avec le néant, comme le noir du ciel
dans lequel on se perd à l’infini ?
La mort est une réponse de la vie, une évolution logique suite au temps et
à la sensation d’exister. Elle est aussi une construction mentale car tant
qu’on n’en a pas l’expérience, elle ne peut être qu’un fantasme, une
projection de l’esprit. La seule immortalité possible est dans l’abstraction
du temps ou du « non-temps », espace dans lequel notre corps physique et
notre cerveau, de par sa condition d’organe, n’ont pas accès. Mais on peut
imaginer que nos pensées ou nos émotions, elles, ne sont pas soumises à la
matière et à ses lois. Nos corps et nos cerveaux sont soumis à l’espace et au
temps. Il est inscrit dans les deux que la déchéance et la mort nous guettent
et font sereinement leur œuvre. Les jours, les semaines, s’écoulent comme
une évidence à laquelle on ne pense pas en permanence, mais qui est bien
réelle. Le noir, lui, semble éternel, si dur et froid que ni la vie, ni la mort, ne
peuvent l’atteindre.
Le noir dans le Tarot est toujours une bonne source de méditation, c’est
rencontrer la matière ou l’univers.
La couleur chair fait écho à notre nature humaine. Elle nous indique où
sont notre humanité, nos capacités d’émotions et ce qui nous différencie du
reste de la Création.
Nous sommes des êtres humains avec des capacités propres à notre espèce.
Le Yin, le Yang, le noir sont universels. Le vert représente la nature, l’or la
transcendance. La couleur chair est ce qui nous caractérise.
Dans les arcanes majeurs, la couleur chair n’est pas forcément celle du
personnage. Le fauteuil de la Papesse est chair, par exemple. Cela
signifierait que la Papesse, personnage énigmatique entre tous, est
consciente de sa nature humaine et du fait qu’elle est portée par elle. Tous
les visages des arcanes majeurs sont chair, ils sont au cœur de l’expression
de notre humanité. De nombreux philosophes, tels qu’Emmanuel Levinas et
des chercheurs en psychologie sont tombés d’accord là-dessus. Alors, que
penser du visage du Cavalier d’Épée qui est de couleur or sombre ?
Dans la Roue de Fortune, un des personnages est couleur chair mais pas
les autres.
Le blanc symbolise la pureté, l’innocence et la sagesse. Certaines
chevelures sont blanches, comme celle de l’Impératrice. Les nuages du
Monde le sont aussi.
Quand un arcane a une main blanche, ses gestes sont empreints de pureté
ou de sagesse. La question posée par le Tarot est le rapport entre la pureté et
la sagesse. C’est notamment la réflexion suscitée par les nuages sur lesquels
sont posés l’aigle et l’ange dans l’arcane XXI.
Les chiffres ou le cycle de l’arbre.
L’autre modèle qui constitue le Tarot est : les chiffres. Ils sont une clef
importante de l’interprétation des arcanes majeurs et mineurs. Les chiffres
et les nombres ont une sagesse qui leur est propre.
Ils sont une source importante de compréhension du message divin dans le
judaïsme : la Guematria, ou Gematria, les associe aux lettres pour une
compréhension plus profonde des secrets du premier Testament. Ils sont
aussi les maîtres de la numérologie, autre sagesse importante de notre
culture.
Ils constituent, avec les couleurs et le cycle de l’arbre, les éléments
fondateurs de toute la philosophie voulue par Marcile Ficin. Toute vie est
construite sur le même modèle et c’est ce modèle qui servira de base au
Tarot de Marseille.
Les chiffres impairs induisent une action, un mouvement vers l’extérieur
et une maturation intérieure. C’est l’inverse pour les chiffres pairs, le
mouvement sera intérieur et l’inertie apparente extérieure. Dans le symbole
du Yin et du Yang, l’impair est Yang et le pair est Yin.
Le chiffre I : il symbolise la graine, elle est l’arbre entier en puissance.
Tout ce qu’il deviendra, comment il grandira et se fortifiera est contenu
dans cette graine, comme le fœtus ou le nourrisson contient en puissance
l’homme ou la femme qu’il deviendra. Dans la vibration et la mémoire du
Un est contenue la totalité de l’être en gestation, il est et est en capacité de
devenir. Toute la pulsion de vie est sur les « starting-blocks » et prête au
départ. Le Bateleur ou les As de chaque vibration ont tous les outils et
toutes les énergies en main, à eux d’être prêts et de se préparer à leur
destinée.
Le chiffre II : cette graine, une fois plantée, va rencontrer ce qui va lui
permettre de se nourrir comme la terre, l’eau, les oligo-éléments… Cette
graine deviendra Yin, réceptive, elle recevra ce que la terre lui donne et
l’utilisera ou non à son évolution. Cette nourriture fera partie d’elle, la
fortifiera ou la détruira et constituera une partie de sa mémoire et de ses
besoins. Si vous la mettez dans une terre sèche et pauvre, elle mourra ; si
vous la mettez en présence de l’eau, elle poussera et intégrera que l’eau lui
permet de survivre. Cette graine I, en présence des éléments, se développera
en II. C’est l’environnement de la graine qui lui donnera sa destinée et
l’orientera sur son chemin de vie. Elle se développera en fonction de ce
qu’elle recevra. Une graine plantée dans la forêt amazonienne donnera une
plante différente, même légèrement, de celle d’une forêt d’Europe car sa
nourriture, son environnement, le climat et l’attraction terrestre ne sont pas
les mêmes.
La Papesse, l’arcane II, est la destinée du Bateleur. La Papesse a le livre
ouvert dans lequel il y a ce potentiel, au fond, ce que nous devons vivre.
Le chiffre III : la graine, plus l'environnement dans lequel elle est, le I plus
II, est mûre pour commencer à pousser et à s’exprimer. Elle devient
création.
Elle a ce qu’il faut pour avancer, et exprimer, incarner son désir. Le bébé
se met à grandir et devient un enfant, autour de ce qu’il a de potentiel. Peu
importe le nom qu’on donne à sa capacité d’évolution et au chemin qu’il
prend : la génétique, l’héritage biologique, ou le transgénérationnel. Il
prendra une voie qui est déterminée pour se construire.
La graine germe. Le III est le premier chiffre complet, Yin et Yang. Il est
une association ou un mariage, la pulsion rencontre son environnement et
s’installe dans son identité, dans le même temps, il va, lui-même, colorer ce
même environnement. Le Yin nourrit le Yang qui nourrit le Yin.
Le chiffre IIII : c’est la direction, le chemin, la voie. Le germe prend sa
place, il pousse et prend une direction, un chemin. Il devient créativité,
expression concrète de la création.
Le bébé deviendra adulte, de la même façon la destinée du Bateleur est de
vivre l’Empereur, l’arcane IIII.
Il n’y a jamais de régression dans le Tarot car toute vie est évolution, les
étapes se suivent dans une progression permanente, l’énergie ne revient
jamais en arrière. Le quatre est écrit « IIII » et non pas « IV », comme c’est
la tradition en chiffres romains. Le IIII est le III plus I en évoluant et non V
moins I.
La graine devenue germe sort de terre, elle prend la place qui lui est
dévolue. Il y a une émancipation par rapport à la terre qui l’a nourrie.
Cette place est concrète, on peut se sentir légitime ou non, s’imposer et se
montrer, ou se cacher et vouloir devenir invisible. On peut se sentir
abandonné, rejeté, nié ou au contraire aimé et adoubé mais, concrètement,
la place prise par ce futur tronc lui appartient. Que ce soit un futur chêne
majestueux ou un arbuste fragile et tordu, la place qu’il occupe est réelle et
ne pourra être prise par rien d’autre tant qu’il est vivant.
Le chiffre V : il symbolise l’arbre lui-même. Il sort de terre et se dirige
vers le ciel, vers de nouveaux enseignements, de nouvelles nourritures et de
nouvelles promesses. La graine a l’expérience de son passage dans la terre
et, riche de cette expérience, elle va, d’une part, pouvoir échanger son
savoir avec d’autres, grâce à ses racines ou au mycélium, et d’autre part
rencontrer et affronter les éléments. Elle n'est plus totalement dans la
matrice, elle continue à s’en nourrir mais sa destinée est ailleurs. Elle se
dirige vers une autre vie et de nouvelles expériences, cette autre nourriture
dont elle aura désormais besoin : le prisme solaire et les échanges avec ses
congénères.
Issu de la terre avec laquelle il continue d’avoir des échanges, il se nourrit
de cet héritage, il est prêt à partager la sagesse issue de son vécu et à faire le
lien entre terre et ciel.
Le chiffre VI : de nouveaux échanges, de nouveaux modes de
communication avec de nouveaux éléments s’affirment. La pluie, le vent et
les éléments extérieurs sont désormais le quotidien de notre arbre. La
planète telle que nous la vivons est son nouvel environnement et les
bourgeons qui apparaissent sont la promesse de sa destinée et de sa capacité
à procréer.
De la même façon que le II est la rencontre avec la terre qui va le nourrir
et lui permettre de se développer, le VI est la rencontre avec les nouveaux
éléments qui vont faire évoluer cette graine ayant intégré son enfance et
étant devenue V : arbre. Dans le VI, il va continuer à se développer au
contact d’autres éléments, d'autres nourritures comme la pluie et ce qu’elle
contient, le soleil et d'autres forces, comme le vent ou la chaleur et face à ce
nouvel environnement, les bourgeons vont apparaître. Fier de ce qu’il est,
cet arbre va créer, enfanter, avoir une descendance : le V et le I. Les
bourgeons ne donnant pas de nouvel arbre nourriront et deviendront la terre
en formant l’humus.
Le VI pose la question de la destinée, de ce pourquoi on est fait.
Cette semence, comme toutes les semences, est faite pour pousser, grandir
et croître, s’exprimer dans le monde et communiquer. Le VI, c'est
l’évidence de l’évolution, de la direction, et du mouvement induit par la
pulsion de vie. On n’a jamais vu une graine pousser dans un sens inverse.
On retrouve ce déterminisme dans l’Amoureux, l’arcane VI du Tarot. Il se
sent indécis mais fondamentalement, il ira vers son futur sans se rendre
compte qu’il est poussé à y aller (par l’angelot).
Le chiffre VII : ce sont les fleurs. Ce que va produire l'arbre, ce qui le rend
beau, désirable et présent. C’est son rayonnement. C’est ce qui fait qu'on
l'observe, qu'on le regarde et qu’on s’intéresse à lui, du moins c’est ce qu’il
croit. Il nourrit l’estime de soi et le narcissisme. C’est un rayonnement, une
des raisons pour lesquelles nous sommes sur Terre, cela participe aux
échanges. Les insectes ou les oiseaux, par exemple, attirés par ses fleurs,
vont se nourrir et disperser des graines, ce qui participera à l’écosystème de
la forêt.
« La beauté sauvera le monde » dit un des héros de Dostoïevski. Cette
harmonie amène une forme de paix, mordre dans la vie à pleines dents est
aussi une forme de sagesse. Ne sommes-nous pas là pour cela ?
Le VII a quelque chose de solaire et d’égoïste mais cette affirmation de soi
qu’il incarne est la suite logique de ce pourquoi il est là. Il incarne la
création dans ce qu’elle a de plus réussi, de plus lumineux.
Assumer que la création est réussie et chercher à transmettre cette beauté
en créant est la mission du VII.
Le VII est aussi une promesse, les fleurs deviendront des fruits, eux-
mêmes porteurs de graines.
Le chiffre VIII : après les fleurs, vient la saison des fruits. La vie est un
cycle perpétuel sans cesse renouvelé, le temps ne s’arrête jamais, même
quand on le désirerait. L'arbre est un enfant de la vie et redonne à la vie. La
pulsion qui est en lui et qui a utilisé sa présence sur Terre pour exister
continue à être présente. Il est ici pour incarner son essence, exprimer la
diversité, se reproduire et redonner la vie ou permettre à la vie d’exister à
travers lui et après lui. L’un des buts de l’arbre est de participer à la création
et de se montrer. L’autre but de l'arbre c'est donc de croître, et de créer, de
participer au cycle, au mouvement perpétuel qu’est le Yang. Une des formes
d’éternité est d’être éternel, l’autre forme est de se reproduire et de cette
façon transmettre son essence aux siècles futurs.
Ses fruits tomberont, pourriront, ce qui donnera naissance à une nouvelle
graine, un nouveau I, et un nouveau cycle redémarrera.
Le VIII est un chiffre complexe et « ésotérique ». La Justice l’incarne
bien. Il est deux fois quatre, le premier quatre est la présence sur terre que
nous avons déjà évoquée, le second quatre est l’intuition d’un ailleurs,
d’une même présence mais dans un autre espace, une autre dimension. La
Justice a un troisième œil, et le VIII est aussi le symbole de l’infini.
Ce qui est infini à nos yeux est la pulsion de vie. Elle s’incarne à travers
des corps et des identités. Le corps d’un arbre est mortel, comme le corps
d’un personnage, d’un animal ou d’une fleur. Tous sont éphémères mais la
vie, elle, perdure. Elle traverse ces étapes de temps depuis la naissance de
l’Univers, et continue son chemin éternellement. Chaque corps est un
moyen d’exprimer son identité et sa diversité, cette diversité est relayée à
travers les enfants ou les graines que nous semons grâce aux brins d’ADN
dont nous avons hérité et que nous transmettons. Nous utilisons des
véhicules différents avec des fonctions différentes, la vie fait de même avec
ce qui la porte.
Le chiffre VIIII : comme pour le IIII, le chiffre VIIII est une évolution du
VIII et non une involution du X.
En tombant, les fruits développent leur potentiel créatif, ils se libèrent de
l’arbre qui les a portés, et se préparent à cette nouvelle incarnation. Ils sont
gorgés d’histoire, c’est-à-dire de vitamines, sucs et autres oligo-éléments
qui ont chargé le noyau durant leur vie. Cet enseignement est la sagesse, la
quintessence du fruit. C’est aussi la logique du cycle, les choses naissent,
vivent, meurent, renaissent, donc les fruits tombent, renaissent ou
pourrissent. En pourrissant, ils enrichiront la terre qui utilisera leurs sucs
pour autre chose, une vie différente qui aura besoin de ce que transmettent
ces noyaux. En renaissant, ils permettent au cycle de la vie de redémarrer
avec l’expérience de cette première vie. Bientôt, la graine repoussera, riche
de l’expérience de ce premier arbre, avec les forces nécessaires pour croître.
Le VIIII est la mémoire et la sagesse liées à l’expérience comme l’exprime
si bien l’Hermite.
Le chiffre X : c’est l’évolution. Le I devient un et zéro. Le germe et sa
mémoire ou le germe et son karma, comme le pensent les hindous. Une
nouvelle graine avec l'expérience de ce premier arbre, de cette première
graine qui a poussé.
Qu’a-t-elle retenu de cette première vie, va-t-elle commettre à nouveau les
mêmes erreurs, ou se souvenir de ses expériences passées pour évoluer ?
Peut-être ne veut-elle pas ou ne peut-elle pas croître et se desséchera-t-elle
sur place ? Il y a trois personnages dans les arcanes X et XX. Ce sont ces
trois choix.
Le gland d’un chêne pourra pourrir sur place, redonner exactement le
même chêne ou bien avoir tiré des leçons de cette vie et redonner un chêne
plus fort et mieux adapté.
Le X est un chiffre particulier dans le Tarot car il est Yin et Yang. Il
autorise le mouvement, l’évolution (énergie Yang) ou bien il est un état
d’être : la conscience et la mémoire du vivant (énergie Yin). Elles ne
redeviendront actives qu’à partir d’un autre cycle : le XI ou un nouvel un.
Toute l’évolution sur cette terre fonctionne sur cette base et cette
organisation.
Chaque personne et chaque génération a ces trois choix. Mais les lois de
l’évolution font que chacun d’entre nous vit une expérience dont profitent
les générations suivantes, et ainsi de suite. Nous n’avons ni la même vie ni
les mêmes capacités que nos ancêtres. Tout le Tarot, arcanes mineurs et
majeurs, est construit sur le cycle de vie incarné par l’arbre et par tout ce
qui existe.
En prenant conscience qu’on s’éloignait des lois naturelles, des sages en
Asie ont créé le Feng-Shui afin de permettre à l’humanité de retrouver le
chemin de notre identité. Platon, Marcile Ficin et bien d’autres se sont posé
les mêmes questions. Les sages du Feng Shui ont rencontré le cycle
d’engendrement. Les maîtres de la renaissance florentine ont observé le
cycle de l’arbre.
La numérologie est un éclairage complémentaire qui n’est pas en
contradiction et peut donner d’autres pistes, et élargir la vision que nous
avons des arcanes. Il y a d’excellents livres qui permettront d’approfondir le
sujet, ce n’est pas l’objet de celui-ci.
Succinctement, pour les numérologues, le I est la maîtrise, le II
l'association, III la sociabilité, IIII la réalisation, V la mobilité, VI
l’harmonie, VII la vie intérieure, VIII l’expansion et VIIII l’altruisme.
Les bases du Tarot sont autour des couleurs, des chiffres, des formes et des
postures. En analysant et ressentant les différentes associations entre ces
éléments, les chemins des arcanes mineurs qui représentent le chemin de
l'égo, de la personnalité, se dessinent. Les deux grands archétypes
énergétiques, le Yin, le Yang et leurs évolutions vont compléter leurs
significations et permettre d’affiner la sensation, le « feeling » que l’on a de
chaque carte.

Les honneurs
Il existe une autre partie du Tarot et des chiffres de I à X des arcanes
mineurs que sont les honneurs : le Valet, la Dame ou la Reine, le Roi et le
Cavalier.
Le Valet représente l’énergie brute, pure, non travaillée ou non organisée.
Le Valet est différent du I dans le sens ou le I est déjà dans une organisation,
il est structuré et se prépare au démarrage du cycle. Le Valet est en amont.
Le I est dans l’attente du II, du III et de la suite. Le Valet est une
photographie de l’énergie, l’expression de son essence avant l’organisation
symbolisée par les chiffres.
Il est peut-être une des réponses de notre incarnation. Pourquoi
s’incarner ? Peut-être que la réponse est dans cette différence entre ce que
sont les Valets et le cheminement qui va leur permettre de s’exprimer et
peut-être même se bonifier. Le Valet serait la pulsion créative dans la tête de
l’artiste qui a besoin de s’incarner et devenir I puis II, etc. Il est l’humanité
qui va devoir prendre à bras le corps une vibration presque trop grande ou
complexe pour elle et qui va devoir en faire quelque chose.
La Reine représente l’excès féminin ou Yin de l’énergie. Que se passe-t-il
quand la féminité est trop présente et non compensée par une part de
masculinité ? Le Bâton et l’Épée ont une tendance Yang, le Denier et la
Coupe une tendance Yin. La Reine et le Roi représentent des excès
vibratoires.
Le Roi est l’excès masculin de l’énergie, un trop de Yang non compensé
par une part de féminité.
Le Cavalier est l’énergie maîtrisée une fois qu’on a assimilé le mouvement
des arcanes mineurs et celui présenté par le Valet. Quelle est la bonne façon
de l’utiliser ? Il nous donne accès à la compréhension des vibrations qui
constituent le Tarot. Il nous montre la façon de s’en servir et ce qu’est son
zénith. Comme tous les arcanes mineurs et majeurs, c’est aussi un
enseignement, un message. Il est une aspiration, il nous est impossible
d’incarner un arcane mineur car il nous est impossible de n’être que Denier,
Coupe, Bâton ou Épée. Nous sommes nécessairement un mélange de toutes
ces vibrations mais les Cavaliers nous font partager l’expérience de ce
qu’est la quintessence de chaque vibration. Grâce à eux, nous pouvons
habiter l’énergie et comprendre la façon de l’utiliser au mieux.
Les vibrations ou énergies du Tarot

Le Bâton symbolise l'énergie masculine, le Yang, l'action, la vitalité,


l'impulsion, le désir, le mouvement, les voyages, le travail. C'est l'énergie
brute du Bâton et du masculin, elle est sans conscience ou réflexion. Elle est
car elle existe. C’est la volonté de réalisation d’une pulsion, comme le
mouvement d’une flèche que rien n’arrête. L’action est plus forte que nous,
tant que nous serons vivants, nous aurons besoin d’agir, de créer, de
procréer, nous serons en partie « action ». C’est cette pulsion qui est
symbolisée par le Yang, le Bâton.
Le Denier fait le pendant à l’énergie Bâton. Il est le féminin, la réceptivité,
l'énergie Yin mais également l'écoute, le ressenti. Il symbolise la place que
l'on a et que l’on occupe. Il est une photo de l’instant présent et de ce que
nos capteurs reçoivent comme informations du monde extérieur et de quelle
façon nos expériences influent sur notre vie et notre façon de voir le monde.
La complexité du Yin vient du fait que cette place est elle-même
dépendante d’autres facteurs tels que l’action, le désir et son environnement
(le Cavalier de Denier porte un bâton).
Il est difficile de définir le Yin car quoi que l’on en dise, nous utilisons les
mots, la voix ou le stylo donc une volonté, un désir de l’action qui se réfère
au Yang.
Le Yin est probablement la raison pour laquelle le Tarot a été dessiné et
non écrit : pour qu’on puisse le recevoir et qu’il agisse en nous, que notre
énergie Yin s’en imprègne avant que notre Yang le change ou le dissèque,
l’analyse, le pense, le juge…
Le Bâton et le Denier constituent la base de ce qui meut l’égo, le Yin et le
Yang. Ces mêmes énergies développées ou évoluées sont l'Épée et la
Coupe.
L'Épée c'est l'intellect, le cérébral et le second niveau du Bâton. La force
brute du Bâton, de la pulsion, est canalisée dans autre chose qu’un désir
dicté par notre nature animale. Elle est comprise, intégrée et en partie
refoulée, il en découle la réflexion et, s’il le faut, la prise de recul. La force
policée, cadrée, organisée, c'est l'Épée.
L’Épée est aussi ce qu’on appelle le mental dans tous ses aspects,
positivité, analyse, compréhension mais aussi négativité, entêtement,
frustration ...
La Coupe exprime l’amour, la compassion, les émotions et les sentiments.
C’est la forme supérieure du Denier. Une fois qu’on s’est incarné, qu’on a
trouvé sa place, qu’on s’est nourri et qu’on se sent apaisé, on se tourne vers
le monde et on l’aime ou non en fonction de la façon dont nous vivons nos
frustrations. Ces capteurs dont nous sommes faits et qui permettent
d’écouter et de sentir le monde, sont prêts à prendre la responsabilité de
ressentir les émotions et de rencontrer ce qui nous est extérieur à travers
elles.
Ces quatre énergies, que l’on voit sous une forme simplifiée dans le
Bateleur, évoluent jusqu’à devenir dans le monde les quatre symboles des
évangélistes.
Le lion de Marc est le Bâton, le taureau de Luc, le Denier, l’aigle de Jean
est l’Épée et l’ange de Matthieu est, bien sûr, la Coupe. Ces symboles sont
ceux des évangélistes des religions chrétiennes, ils représentent aussi les
quatre éléments du Char d’Ezéchiel, la vision du prophète qui est une
source de la Kabbale et un des écrits les plus importants du Judaïsme.
Dans tous les arcanes majeurs, nous allons retrouver ces quatre énergies.
Ce sont leurs places et leurs transformations qui nous indiqueront ce
qu’elles sont devenues. Le Denier se fait terre noire dans l’arcane XIII, par
exemple.
Si l’on associe les couleurs, le cycle de l’arbre et les énergies que nous
venons de voir, les définitions de chaque carte des arcanes mineurs et
majeurs se font d’elles-mêmes.
Le Tarot a été conçu pour que chacun d’entre nous se l’approprie et donne
ses propres définitions aux arcanes indépendamment de tout dogme, maître
ou livre. La perception que j’en ai m’appartient, elle m’est apparue lors de
mes recherches durant ces années ; bien d’autres informations auxquelles je
n’ai pas eu accès ou qui ne m’ont pas été signifiantes existent. Ce livre n’est
pas une encyclopédie mais un simple chemin parmi d’autres dont certains
vous appartiennent.
De la même façon que des enseignants et des livres ont fait évoluer ce que
je ressentais des arcanes, j’écris cet essai afin d’enrichir votre perception,
mais sans prendre votre place et votre propre intuition ; ce n’est que ma
perception, ma compréhension du chemin.
Permettez que ces propositions que je vous fais vous donnent des idées ou
nourrissent les perceptions que vous avez déjà. Faites vos propres
expériences du Tarot, ne laissez personne vous dicter les interprétations des
arcanes.
Marcile Ficin, dans sa sagesse, l’a conçu pour qu’il appartienne à chacun
d’entre nous.
De nombreuses personnes ont d'ailleurs réécrit leur propre tarot. Par
exemple, dans celui de Jodorowski, il y a le troisième œil qui apparaît.
L’ancien Tarot de Marseille de Paul Grimaud est celui qui se rapproche,
grâce à sa simplicité et son authenticité, de ce qu’ont voulu ses créateurs,
qu’il soit le premier Tarot dessiné ou non. Rien ne vous empêche, si vous le
souhaitez, de vous intéresser à un autre Tarot. Il est même très intéressant de
rencontrer certaines personnes à travers leur interprétation du Tarot. Il y en
a des magnifiques comme celui d'Alistair Crowley qui est superbe et très
sombre. Salvatore Dali en a aussi dessiné un très intéressant.
Une carte n’est pas réellement faite pour être définie ou interprétée,
indépendamment du sens qu'elle a. Elle est là pour ouvrir notre inconscient
à notre propre sensation, à notre propre intuition.
Il ne faut pas seulement la visualiser mais se visualiser soi-même dans la
carte, la sentir, la faire voyager. Car comme le montre le Bateleur, ménestrel
de la Renaissance, le Tarot est un compagnon de voyage, voyage intérieur et
cheminement sur cette terre avec comme seuls compagnons, sa besace, son
bâton et sa curiosité du monde extérieur et intérieur. Il y a une contradiction
dans le fait d’aimer « Dieu » et ne pas apprécier ses créations. Le Tarot est
un livre ouvert sur la curiosité et l’écoute.
Que vivons-nous en étant Bateleur ou en observant Tempérance ou le II de
Bâton ?
La trame nous aide, les dessins se suivent et l’ordre est important. Le jeu
des couleurs ou des personnages va parler à notre inconscient ou notre
sensibilité et nous amener à comprendre et ressentir cet instant du voyage.
Comment est construit l’arcane ? Qu’est-ce qui change d’une carte à
l’autre ? Certaines ont un troisième œil, que d’autres n’en ont pas. Les
couleurs des habits ou des cheveux sont différentes. La tiare de la Papesse
et les auréoles de l’ange et de l’aigle du Monde dépassent du cadre noir de
la carte et pas les autres figures des autres arcanes, pourquoi ?
Indépendamment du sens général du jeu et des arcanes, certains détails
vont nous intéresser particulièrement. Un regard, une couleur ou une
position vont nous interpeller particulièrement à cet instant, ce qui ne sera
pas forcément le cas à d’autres moments. L’inconscient et notre intuition
s’ouvrent et nous délivrent ce qui est important à cet instant pour notre
cheminement ou celui de notre consultant.
En regardant la Papesse, nous serons quelques fois intéressés par le voile
et ce qu’il cache. « Quels secrets protège-t-il ? » se demandera-t-on. Une
autre fois, ce qui interpellera sera le livre ouvert et on pensera : « Ce que je
vis est important et fait partie de mon chemin, de ma destinée ».
L’inconscient nous guidera vers ce qui est juste à ce moment de notre vie et
nous délivrera un message utile à notre évolution, ou tout simplement à une
tranche de vie qui nous questionne.

Comment utiliser cet ouvrage ?


Vous pouvez lire cet essai de bout en bout, de la première à la dernière
page en continu, ou tirer deux cartes que vous mettrez l’une à côté de
l’autre et en lirez la signification. Par exemple si vous sortez l’As de Coupe
avec un arcane de Bâton, vous irez directement au paragraphe qui traite de
cette alliance. Comme vous le feriez avec un livre sur le Yi King.
Les arcanes mineurs

Quels outils utilisons-nous pour nous mouvoir dans le monde ? L’âme est
une essence immatérielle qui, pour s’incarner, va habiter un instrument avec
des caractéristiques particulières. Les bouddhistes n’hésitent pas à parler du
corps astral et du corps physique comme d’un véhicule. L’âme emprunte
donc un véhicule avec des particularités qui lui sont propres, les énergies, le
Yang, le Yin, le mental, et les émotions. Dans le Tarot, elles sont
symbolisées par le Bâton, le Denier, l’Épée et la Coupe.
Le Bâton

Dans l’arcane du Monde qui est « la quintessence » du Tarot, le Bâton est


symbolisé par le lion, le symbole de l’évangéliste Marc.
Il est l’énergie masculine, le Yang dans sa force et sa pureté : l’action, le
désir, la volonté dans ce qu’elle a de plus énergétique et de plus primitif. Il
est la raison pour laquelle nous sommes incarnés. Il existe et est vivant et se
doit donc de s’exprimer. Nous pouvons le canaliser ou le laisser nous
dépasser mais nous ne pouvons pas l’ignorer. L’énergie, le Divin, est action
et réceptivité avant toute chose. Le Bâton incarne cette spécificité
première : le mouvement.
Son application directe concerne le travail, le ou les désir(s), les voyages
et tout ce qui est actif et pulsionnel. Cela peut être la force brute non
canalisée et non policée, quelques fois l’énergie dans ce qu’elle a de plus
animal.
Le I de Bâton est la graine, la puissance, l’envie, le désir à l'état brut. Tout
le potentiel de l’énergie Bâton est à l’intérieur, puissant. L'énergie Yang est
là dans sa pureté. Il s’agit de la volonté à l'état de potentiel, de graine.
Prenons l’exemple du projet professionnel : tirer cette carte suppose qu’on
en a l’étoffe, la force, mais qu’il est trop tôt pour le faire évoluer. Il s’agit
d’une envie vitale, désirante et précieuse, car elle est possible et réelle. Il ne
manque que la prédestination, la possibilité de mise en place. Le Bâton est
vert, l'intérieur est rouge et les flammèches autour laissent supposer qu'il
bouillonne d'énergie et de désir.
C’est le fameux « j’ai envie mais je ne sais pas », je sens que ça vient mais
je ne suis pas prêt ! C’est toutefois à prendre en compte car c’est une carte
forte qui laisse supposer qu’il y a de réelles possibilités d’action et de
réalisation postérieure.
L’as de Bâton sur l’action en couple avec un arcane de l’énergie du Bâton :
Symbolise le désir, l’envie, un projet qu’il est intéressant de faire évoluer.
Cette alliance suppose qu’on a la prescience d’un désir qui est important
pour nous. Ce n’est pas une simple envie sans lendemain mais le démarrage
d’une action qui va nous construire de façon durable. Le Bâton est aussi
l’énergie du désir sexuel.
Sur la réceptivité en couple avec un arcane de l’énergie du Denier :
L’action s’organise autour de la place que l’on occupe dans la famille ou la
société. C’est un questionnement, une remise en cause. Le Denier est la
sécurité, l’équilibre. C’est la sensation d’être, le Bâton étant le faire. « Alors
que doit-on faire pour se sentir être? » est le propos de cette alliance. Il y un
besoin d’agir qui suppose une gêne et une remise en question d’une
situation que l’on sent comme sclérosée. Cela pourrait signifier un
changement de travail pour des raisons de déséquilibre financier ou de bien-
être ou un déménagement par exemple.
Sur les pensées, le mental, l’analyse en couple avec un arcane de l’énergie
de l’Épée :
Symbolise la puissance, le désir de faire, d’agir. Le cérébral s’allie à
l’action dans une vibration purement Yang. Il nous faut un projet, un but
absolument. Si le projet existe, il doit évoluer, bouger, grandir. Quoiqu’il en
soit, il n’est pas question de rester les bras croisés : l’action, nourrie par
l’analyse et la volonté, ne peut qu’aller jusqu’au bout. Le Bâton est pris
dans tout son potentiel et sa puissance, le cérébral le cadre et le « drive », et
ce potentiel lui permet de donner et de s’exprimer totalement.
Sur les émotions, les sentiments en couple avec un arcane de l’énergie de
la Coupe :
L’envie d’exister, de se montrer, le désir sexuel. Le Bâton, la vitalité à
l’état brut, s’exprime dans sa totalité face à la Coupe, l’arcane du lien et des
émotions. C’est l’alliance du désir sexuel. Cela pourrait être la volonté
d’aimer mais la puissance du Bâton est trop forte pour cela. Les désirs et la
pulsion sont au zénith face aux autres qui ne deviennent qu’un instrument
au service de cette volonté. C’est l’expression de notre état « naturel » ou de
nature sans jugement et sans conscience qui s’exprime d’autant plus qu’il se
sent totalement accueilli par la Coupe dont la qualité première est la
compassion.
Le II de Bâton est cet as qui démarre et prend conscience de son chemin
de vie et de son potentiel. Le II est, traditionnellement, soit la dualité, soit la
rencontre et l’association. Le Tarot ne voit pas le II comme une opposition
qui pourrait bloquer le chemin car tout est évolution et enseignement. Le II
n'est pas un choix car il est une évidence même si cela semble surprenant. Il
est imposé par notre inconscient, les circonstances ou ce qui nous semble
logique de faire. Le I, pulsion de vie, ne peut que rencontrer son destin et
l’accueillir ou s’y opposer. La graine ne choisit pas nécessairement la terre
dans laquelle elle pousse. Poussera-t-elle ou pourrira-t-elle sur place pour se
dessécher ou nourrir une autre graine ? Le II est une carte réceptive comme
toutes les cartes paires, les cartes impaires, de tendances actives, donnant la
direction.
Par exemple, cela pourra être une proposition d’emploi ou de projet à
laquelle on pourra dire oui ou non et quel que soit son choix, il sera de toute
façon source d’évolution. Le II, c’est possible et angoissant en même temps.
Que faire de son destin ? Que faire d’une possibilité ? La prendre ou
l’ignorer ?
Sur le désir :
Il symbolise un conflit entre l’envie et le doute. C’est un enrichissement
et/ou un blocage, il faudra attendre une mise en place qui se fera avec le III
pour savoir ce qu’il en est. Le II est un arcane réceptif, il y a une émulation
réelle car tout semble en place mais il n’est pas encore l’heure de l’action.
Toute cette attente crée un questionnement et un doute mais avec un peu de
patience la situation se débloquera.
La réceptivité :
Cela demande de réfléchir à une organisation. Cette alliance amène à
réorganiser tout ce qui a trait au Denier, la sécurité, la place qu’on occupe
dans sa famille, concrètement c’est penser à aménager sa maison, la
structurer ou réfléchir à ses finances. Elle met en lumière la fragilité de
notre situation et permet de s’interroger sur ce qu’on pourrait transformer.
Cet arcane peut être utilisé comme un mandala pour bloquer les mauvaises
ondes.
Les pensées :
Il y a un besoin de mettre les choses à plat et de comprendre. La vitalité
émise par le Bâton et la dualité du II nourrissent le questionnement et
l’introspection, deux des caractéristiques de l’énergie d’Épée. Dans sa
fonction de réflexion, elle se sent profondément utile et joyeuse au contact
de cette vitalité et du besoin de recul du II de Bâton.
Une bonne alliance Yang pour réfléchir à ses actes et à son avenir.
Les émotions :
Le II de Bâton pulsionnel et avec une tendance conflictuelle rencontre la
Coupe, les émotions et l’amour. Cela le met en face de ses contradictions et
lui montre à quel point la dualité est difficile. Il peut se rebeller ou se sentir
coupable. La Coupe dans sa magnificence et son absence de jugement le
renvoie à une forme de médiocrité, une forme de bassesse des pulsions sans
éthique ou des désirs primaires sans réflexion. C’est toutefois très injuste.
Le Yin sans le Yang n’est rien. Et même si, du point de vue de la
compassion, la pulsion archaïque ou le désir (désir que l’on qualifie
d’animal mais qui est très humain) ne semblent pas grand-chose, ils sont
néanmoins les seules choses à aimer, car cette pulsion, tout comme la
compassion, appartient au Divin, et que peut-on aimer d’autre que sa propre
nature ?
Le III de Bâton est la création, une essence qui naît et prend forme. Le
cycle de l'arbre est dans sa phase active, Yang. La graine, fortifiée par le sol,
le message du II, et nourrie par lui, se met à pousser. Elle se sent entière. Le
chiffre III est le premier chiffre complet. Un (la graine) plus deux (son
environnement) font trois (la complétude). C’est le véritable début de
l’histoire. Le Bâton teinté de sa destinée s’apprête à agir dans une forme qui
lui est personnelle car le II crée la différence et permet à la graine de
pressentir ce que sera son identité.
Un III de Bâton concernant l’action :
C’est un projet ou une création qui se met en place, c’est un arcane de bon
augure. Si le projet est déjà très avancé, cela peut signifier qu’il faut revoir
sa copie et redémarrer sur d’autres bases. Car le III ne peut créer que sur
une base vierge, il amène, lui-même, les éléments, les nutriments,
nécessaires à son évolution. Toutefois une première histoire peut faire partie
des nutriments en question.
Si vous cherchez un travail, et que vous agissez dans ce sens, envoi de CV
ou autre, quelque chose se présentera mais si vous cherchez un travail et
que vous avez déjà des pistes d’entretien ou d’embauche, il est probable que
le travail que vous trouviez ne soit pas celui que vous escomptiez. Toutefois
il pourra s’appuyer sur cette première expérience. Cela peut être le même
chasseur de tête qui vous propose autre chose, par exemple.

La réceptivité :
Hyperactivité dans le domaine du foyer ou des finances. On remet en
cause une situation, ce n’est pas qu’il y a un problème important mais cela
peut être du fait d’un désir d’évolution ou de changement. Un désir de
déménager par exemple. C’est un mouvement actif qui touche le Denier
avec une envie et une joie réelle.
Le mental :
Besoin de redescendre sur terre, le Bâton est l’énergie de la force brute, de
la pulsion. S’il apparaît sur les pensées, c’est le signe qu’il faut être plus
dans l’action, moins « là-haut ». L’énergie du Bâton, si elle n’est pas dirigée
vers l’action, nourrit et démultiplie l’énergie d’Épée qui n’a pas besoin de
cela pour tourner en rond. Les idées, créatives ou non, les pensées, sont en
roue libre et parasitent le bon fonctionnement du cerveau. Laissons un peu
de temps, quand on en aura marre de penser plutôt que d’agir, la vie
reprendra un cours plus dynamique avec, pourquoi pas, quelques bonnes
idées supplémentaires.
Les émotions :
Une histoire démarre, le Bâton reste la vitalité. Cela peut être un désir fort
pour une personne. Cette alliance est harmonieuse, elle prédestine à une
relation enjouée et joyeuse. Cela peut être le démarrage d’une histoire
sentimentale ou amicale ou bien quelque chose de plus futile mais de toute
façon, c’est joyeux et léger. Se laisser vivre n’est pas interdit d’autant plus
que cette respiration dans la destinée peut être le prélude d’une prise de
conscience importante. Rien ni personne ne dit que la vie doit être une
contrainte ou une vallée de larmes.
Le IIII de Bâton est l’évolution naturelle des choses. Il symbolise la
matière et la réussite des projets autour d’elle. C’est la structure. Le III reste
de l’ordre du désir prêt à s’incarner. Il est le masculin (I) et le féminin (II)
qui créent (III). Le (IIII) est l’expression du (III), sa création à lui : la
construction et la structuration.
La route est prise. Vous avez un véhicule (le I), vous voyez une direction
(le II), vous prenez la décision de la prendre (le III) et vous avancez et
organisez votre vie autour de ce que vous êtes en train de faire (le IIII).
Sur l’action :
Vous vous sentez fort, puissant. Vous avez l’impression que le monde vous
appartient. Vous signez un contrat de travail ou immatriculez votre
entreprise. Quelque chose s’organise autour d’un projet qui vous tient à
cœur. Vous avez trouvé un professeur qui vous fait bien travailler et enrichit
votre pratique.
La réceptivité.
Vous réorganisez l’énergie du Denier, vos finances s’améliorent, ou vous
trouvez un appartement. Une situation qui vous angoissait s’éclaircit. La
puissance du Bâton calme la tendance anxiogène du Denier. C’est une
alliance très bénéfique car le Yang, l’énergie vitale associée à une capacité à
se structurer, nourrit le Yin, la réceptivité, et le rassure. L’alliance Yin-Yang
dans ce qu’elle a de bénéfique s’exprime. Elle est purement énergétique et
nourrie de vitalité. Le cérébral et la compassion sont absents, il y a
seulement une créativité qui s’occupe de nourrir la sécurité. Cette structure
est la base essentielle de ce que nous pouvons être et vivre.
Le cérébral.
C’est un foisonnement d’idées, de projets. Le bout du tunnel n’est pas
loin. Un secret de famille ou quelque chose de caché est en passe d’être
révélé. Le mental est rassuré par la force du Bâton, elle le rassure et lui
permet de se sentir puissant et libre. Ce qui était refoulé se montre enfin, la
peur disparaît et le cérébral, porté par l’énergie, se sent dans son élément
pour donner sa pleine mesure.
Les émotions :
On voudrait y croire, le désir est fort et porte les émotions et peut-être les
sentiments. Avoir quelqu’un dans la peau est ce qui caractérise cette
alliance. Le désir et le plaisir sont puissants et vous n’êtes pas loin de
tomber amoureux(se) ou si vous êtes seul, une stratégie pour sortir de
l’isolement se met en place avec confiance. Il faut toutefois se méfier : le
Tarot, comme l’astrologie, donne des vibrations, il ne dit pas l’avenir et
nous avons notre libre arbitre.
Dans cette alliance, le sentiment ressenti est sur du court terme ; à plus
long terme, cela n’est pas suffisant et s’il est possible que la relation
continue et reste forte, il est aussi possible qu’après ce feu d’artifice la
relation s’épuise. Seul le temps consolidera cette rencontre. Nous ne
sommes pas nécessairement faits pour vivre avec nos âmes jumelles,
contrairement à ce qu’on pourrait croire.

Le V de Bâton.
Notre énergie vitale déborde, nous avons besoin de l’utiliser et d’en faire
profiter les autres. La passion est là et donne envie de faire, d’enseigner, de
partager. Une forme d’apaisement se fait jour. Une page douloureuse peut
se tourner. On se rend compte à quel point la vie est action, mouvement.
Le Bâton sort de terre et se sent fort. Le V puis le VI, sont une évidence.
La graine ne peut que donner un tronc et se nourrir d’expériences nouvelles.
La pulsion de vie ne peut qu’exister et croître ou mourir, il n’y a pas
d’entre-deux. Pour la pulsion, la médiocrité n’existe pas. La maladie est là
pour nous rappeler qu’il faut à tout prix se réaliser ou souffrir et disparaître.
Le désir ne pense pas, ce n’est pas une de ses propriétés. Il est.
Dans la langue hébraïque, le verbe être n’existe pas au présent. Quand
Moïse demande à D… qui il est, il lui répond « Je serai celui que je serai ».
Il signifie, que pour nous, il est en permanence en devenir. Le Divin que
nous connaissons est intimement relié au Bâton, à la création.
Sur l’action :
Le désir pour seule religion, seule l’énergie d’action est importante. Une
seule envie : avancer. La pulsion est plus forte que tout. Sa destinée est de
grandir et de prendre son essor. Cela est indispensable à certains moments
de sa vie, quand on crée une société ou qu’on se met à son compte, par
exemple. Mais cette vision monolithique de l’existence peut se révéler
dangereuse. Un bélier qui enfonce les portes en se jetant dessus peut aussi
se faire mal.

La réceptivité :
La prescience de la paix intérieure. Le Denier est la réponse de la quête du
Bâton. L’énergie (son mouvement, d’une certaine façon) du Denier est de
recevoir, d’appeler, les deux seules énergies existantes à l’état archétypal
sont le Yin, le Denier et le Yang, le Bâton. Il ne peut appeler que son
énergie complémentaire : le Bâton. L’évidence du Bâton est donc de
s’occuper du Yin et de répondre à son appel. C’est cette révélation puissante
qui a construit le symbole du Yin et du Yang que révèle cette alliance. De
façon plus prosaïque, le désir sera de s’occuper de tout ce qui a trait à la
place que l’on a ou à la sécurité. Cela peut être un gain d’argent ou une
recherche d’appartement.
Le cérébral :
Besoin d’exprimer sa créativité. Le Bâton nourrit l’intellect, les neurones
fonctionnent à plein régime. La seule vie possible est cérébrale. C’est une
alliance excellente quand on fait des études. Être trop cérébral n’est pas
forcément une bonne chose mais le V de Bâton n’est pas un arcane excessif
et cet attelage ne peut que donner le meilleur des deux énergies. Cela dénote
une intelligence, l’envie d’apprendre ou d’enseigner et un véritable
équilibre entre l’action et la pensée.
Les émotions :
Ils ne se comprennent pas. Le Bâton exprime la pulsion et le désir quasi
animal, la Coupe incarne les sentiments et la compassion. Cela peut se
révéler être un dialogue de sourds, il n’y a pas d’animosité ou d’agressivité
entre eux, seulement une incompréhension. Au fond, ils ne s’entendent pas
trop mal et sont attirés l’un vers l’autre mais ne parlent pas le même
langage. D’une certaine façon, cette alliance incarne deux opposés qui,
malgré tout, restent en lien. C’est un des mystères de la nature et de
l’existence qui pose la question : qu’est-ce qui peut lier entre elles deux
vibrations qui pourtant n’auraient rien à voir ? Quelle est la part de désir
dans l’amour (la part de Yang dans le Yin) et quelle est la part d’amour dans
le désir (de Yin dans le Yang) ?

Le VI de Bâton.
Cette graine devenue tronc affronte ou rencontre d'autres nouveaux
éléments, qui sont de nouvelles informations, un nouveau II.
I plus I, pour le II. V plus I pour le VI. Ces nouvelles informations, ces
nouvelles rencontres pour la graine, sont le soleil, l'eau et ce nouveau
monde que constitue notre planète, une fois qu’on est sorti de terre. Comme
l’enfant qui quitte sa famille et prend son envol, l’énergie vitale, une fois
qu’elle s’est nourrie de la terre, du Denier, de la matrice, fait l’expérience de
la création et de la liberté. Le Bâton vient du ciel, fait l’expérience de la
Terre et retourne vers les étoiles, teinté de son expérience.
Le VI de Bâton, c’est oser rencontrer ou affronter, c'est assumer sa
destinée, en prendre la responsabilité ou non. C’est l’audace, sans affect ni
émotion. Pour lui, l’énergie de la terre, dont il s’imprègne, est information,
c’est comme respirer l’humus et s’en imprégner, expérimenter la vie pour se
souvenir de ce passage avant de remonter.
Toutes les cartes ont deux faces, une possibilité évolutive et une
involutive, cela dépend plus de l’environnement des arcanes que du fait
qu’elles soient tirées dans le bon sens ou non. Un VI de Bâton tiré juste
avant un III, carte de création, a plus de chances d’aboutir que si cet arcane
est tiré avant un I. Toutefois, la vie n’est jamais un coup d’arrêt et chaque
situation est un enseignement, jamais un stop. Le Tarot est un ouvrage
spirituel qui permet l’évolution de l’être grâce à l’action ou à la réflexion.
Ce n’est pas un instrument de divination qui plaque sur des situations un
déterminisme, plus castrateur qu’autre chose.
À chaque instant, le Tarot nous montre la marche à suivre ou nous fait
sentir la stagnation. Le VI de Bâton a le choix entre continuer sa route ou
prendre le chemin des écoliers et musarder ici-bas.
Sur l’action :
L’action est favorisée, courage et force en sont les maîtres-mots.
Ce(s) Bâton(s) supplémentaire(s) permet(tent) au VI de sortir du doute et de
foncer vers sa destinée. Cela peut être assez puissant voire violent mais
l’inaction et les incertitudes n’ont probablement que trop duré, et le désir
d’action est proportionnel à la rage provoquée par ces atermoiements.
Attention toutefois de ne pas se brûler les ailes, un peu de réflexion ne nuit
pas, même quand il est préférable de foncer.
Sur la réceptivité :
Les doutes du VI de Bâton concernent sa relation avec le Denier et ce qu’il
représente. Comment affirmer son incarnation ? Que faire de son angoisse ?
Comment gagner plus d’argent, se sentir plus sécurisé ? Ce sont ces
questions qui hantent le Bâton. Il est l’action, il ne voit que par l’avenir et
ce qu’il peut changer, créer ou modifier. Le Denier est la sensation de la
place que nous occupons, il est construit grâce à nos expériences et donc au
passé ; il est, quelques fois, très difficile de les réunir et de leur permettre de
fonctionner ensemble. La sensation d’être prisonnier, d’être dans une
impasse ou de manquer d’envie sont signe de ce dysfonctionnement. Cette
alliance met en lumière nos contradictions et nous donne l’occasion de nous
interroger sur notre histoire et sur nos choix.
Le cérébral :
Les doutes du VI nourrissent le cérébral qui a toutes les chances de
nourrir… les doutes. Quand la réflexion suit l’action, cela permet d’intégrer
de nouvelles expériences et de se construire mais quand les pensées sont
construites sur l’incertitude et une certaine inertie, cela donne un cerveau
qui tourne en boucle et nourrit l’angoisse et les énervements de toutes
sortes. Comment sortir de cet enfermement est toute la question ! Si nous
sommes capables de prendre un peu de recul, nous pourrons nous souvenir
qu’il ne sert à rien de s’agiter dans tous les sens et que l’important est de
faire un choix, même s’il semble mauvais, et de s’y tenir un certain temps
(basculer vers le VII de Bâton). Mais si nous sommes trop identifiés à nos
angoisses, il faudra, alors, attendre la première crise existentielle pour nous
pousser à bouger vraiment.
Les émotions :
Les dangers sont la dépendance et l’enfermement qui vont avec. Il est
facile de s’attacher à l’autre comme à une bouée de sauvetage et de se
laisser guider par ses sentiments et ses émotions, c’est aussi un redoutable
piège qui peut nous rendre dépendants, voire soumis, avec les difficultés
que cela provoque. L’autre n’est jamais la solution : il peut être un
compagnon de vie, un protecteur ou simplement l’expression de notre
besoin de partager mais il ne peut en aucune façon sursoir à un défaut
d’action ou de volonté.

Le VII de Bâton.
Le choix est fait, un regain de vitalité, de désir, d’envie, se fait jour. On se
sent puissant et prêt à conquérir le monde. Cela pourrait être un arcane
d’égo ou d’orgueil mais c’est, aussi, la réussite d’une action qui nous fait
nous sentir forts et puissants. C’est humain, et la joie est la plus proche
façon de ressentir le Ciel. Il faut simplement qu’il fasse attention à ne pas
croire qu’il est le Ciel.
Le VII est le III, symbole du spirituel, sur le IIII, expression du matériel. Il
est l’aboutissement de la pulsion, la promesse de ce pourquoi nous sommes
faits, tout comme les fleurs sont la promesse des bourgeons. Il est étonnant
de voir comment des êtres verts ou marron comme les plantes et les arbres
peuvent donner des couleurs aussi différentes et chatoyantes. C’est une
véritable magie. Il en est de même pour l’être humain. La joie, la vie de
l’arcane VII, portent aussi la vigueur et la beauté de l’énergie teintée de ce
même chatoiement.
Le premier piège du VII est l’orgueil, le second est d’imaginer rester sur
son piédestal. L’énergie par définition est mouvement et tôt ou tard les
fleurs flétriront.
Sur l’action :
On se situe exclusivement dans l’action et la création, aucune émotion ni
pensée parasite ne vient troubler cette félicité. Notre paix intérieure est
construite sur cette puissance que l’on ressent au plus profond de soi. On a
l’impression d’une vie remplie qui jamais ne s’éteindra. Bien sûr, un jour, la
roue tournera, mais quand elle se présentera, il sera important de ressentir
cette force et de prendre conscience qu’elle est possible. Son souvenir sera
une ressource qui nous accompagnera y compris durant des heures plus
sombres.
La réceptivité :
Le Denier ne peut que profiter de cette manne qui le nourrit et
l’apprivoise. Il ne s’agit pas seulement de sécurité mais aussi d’équilibre et
de beauté. Les qualités créatives du VII de Bâton orientent le Denier vers la
force et l’harmonie. La vie est constituée de moments plus ou moins
difficiles qui tous auront un impact sur notre construction, donc sur notre
Denier et notre vie.
Le VII de Bâton qui est l’énergie Bâton à son zénith permet de solidifier
nos bases fondamentales. Le recevoir dans notre enfance, par exemple, nous
donnera une solidité qui nous rassurera toute notre vie, à l’inverse recevoir
un Bâton déficient créera des troubles de l’attachement qui nous
insécuriseront en permanence. Vivre un VII de Bâton allié à l’énergie du
Denier est une véritable grâce.
Le Cérébral :
Le VII de Bâton donne de la légèreté et de l’optimisme au cérébral qui se
met à voir la vie en rose. Il ne pense plus qu’à profiter de l’énergie vitale
que lui insuffle le Bâton pour créer et imaginer comment le monde pourrait
être meilleur. C’est une bonne alliance pour mettre en place des projets et
les voir sous leur meilleur jour. Le seul bémol est que ce regain
d’optimisme peut altérer nos facultés de discernement, au risque de nous
envoyer dans une impasse. Mais le VII de Bâton est bénéfique, hormis en
cas d’un aveuglement important, ce qui est peu probable.
Les émotions :
Le VII de Bâton structure et nourrit les sentiments. Cette alliance entre
sentiments et vitalité est bénéfique et permet d’envisager une alliance et
peut-être même un couple sous de très bons hospices. La puissance et la
force sécurisent le Denier qui, bien qu’absent de cette alliance, se sent
tranquillisé et accepte de lâcher prise et de se laisser envahir par le
sentiment amoureux et le plaisir de s’abandonner. C’est le moment de
craquer pour quelqu’un et de faire confiance au destin.

Le VIII de Bâton.
Il est le fruit et la récolte du succès. Le désir, dont la naissance était le
chiffre I, est au zénith. On sent une concrétisation, l’impression d’avoir
réussi sa vie. Dans un même temps, une question pointe. Que reste-t-il de
nos envies ? La pulsion qui est mouvement ne peut pas stagner. Que peut-
elle devenir après ? Que se passe-t-il après un projet réussi ?
C’est une étape importante mais la réussite est-elle le Graal ou une étape
parmi d’autres ? Si l’énergie est mouvement, rien ne s’arrête et la notion de
réussite assimilée à une fin ou une complétude est un leurre. La réussite
précède autre chose et le VIII détient cette intuition. La seule fin réelle est
la mort, tout le reste est mouvement. Le fruit n’est pas que l’expression de
la vie, il porte aussi la responsabilité de donner une autre vie ou de nourrir
l’humus et surtout, qu’est-ce que la vie ? D’où vient-elle ? Ce cycle
permanent dont la seule chose stable est son impermanence interroge le
VIII de Bâton. Il l’interroge sur son sens et sa source, ce qui précède sa
naissance et sa vie.
Sur l’action :
On ne boude pas son plaisir, l’action est un mouvement permanent avec
comme seul but l’instant présent que nous vivons à chaque seconde, cette
conscience de l’impermanence des situations est aussi une leçon. Accepter
que les réussites se suivent avec des périodes de recherche est une façon de
gérer l’angoisse et le quotidien. Il faut jouir de ce que nous vivons, et
accepter ce qu’apporte notre capacité créative puisque le mouvement est
permanent. La seule façon de ne pas courir après un avenir qui fuit et ne
s’arrête jamais ou d’enchaîner les périodes de doutes et de réalisation est de
se poser et de jouir de l’instant et de la force que procure l’énergie de
Bâton.
La réceptivité :
Le VIII de Bâton est une quête, le Denier est souvent et naturellement le
but de l’action. Cette association est d’autant plus bénéfique que l’ouverture
du VIII appelle naturellement une réflexion et une écoute qui sont propices
au Denier. Il a besoin de l’action pour se construire tout en étant connecté à
ses besoins, cela lui est même essentiel. Le Bâton est, bien sûr, action, et
l’état d’équilibriste dans lequel est le VIII lui permet d’être attentif aux
demandes liées à notre sécurité. Ce couple d’arcanes, tout en étant dans un
équilibre Yin/Yang, reste très réceptif.

Le cérébral :
Le Bâton et l’Épée expriment le besoin de créer d’une façon qui ne serait
pas trop cérébrale et qui laisserait la place à autre chose qu’à la réflexion.
L’Épée est l’énergie des pensées et de la réflexion mais, de façon sublimée,
elle est aussi l’énergie de l’art et de la quête de la beauté. La poésie ou la
danse seraient de bons moyens de mettre le cerveau et ses neurones au
service de la pulsion. Comment associer le besoin créatif et nos capacités
cérébrales ? Cela peut être une création artistique très fluide ou très
embrumée en fonction de l’arcane d’Épée qui est associé au VIII de Bâton.
Le Bâton est : créer le monde, l’Épée demande de le penser, l’association
des deux induit un désir de construction d’une volonté sans faille.
Les émotions :
Cette alliance d’un VIII qui cherche à se dépasser et de la Coupe est un
magnifique mariage fait d’ouverture à l’autre et d’écoute. L’écoute et
l’ouverture sont l’essence de la Coupe, et la sensation du VIII qu’il existe
autre chose que la pulsion pure permet à l’un et à l’autre de se rencontrer
dans une écoute mutuelle empreinte de respect pour ce qu’incarne l’autre.
Le Denier est absent mais l’énergie du Bâton compense ce manque par sa
vitalité et sa joie et, en se tournant vers la Coupe, il exprime un besoin
fondamental : être en lien.

Le VIIII de Bâton.
Tout tourne, tout change. Ce fruit qui tombe, cette réussite qui se dessèche,
vont rester pulsion, nourrir le monde du désir et donner naissance à autre
chose, empreinte de la mémoire de cette expérience qui s’achève. C’est la
fin du cycle et le début d’une transformation, d’une mort puis d’une renais-
sance. Le psychisme, tout comme la pulsion, ne connaît pas d’arrêt. La
satisfaction est de courte durée et un autre besoin se fait jour. Le VIIII est la
prescience qu’il existe autre chose que la réussite, le cycle est sans fin et
renvoie à l’éternité, l’énergie vitale ne peut qu’exister quelle que soit sa
forme et si le succès est un aboutissement, que faire de soi, après ?
Le VIIII est la quête, la présence, la sagesse.
Sur l’action :
La réussite est une richesse et un plaisir mais le but de l’action est…
l’action. Il existe en elle une autre forme de joie, davantage basée sur la
capacité à entreprendre, à avoir des projets, que sur une satisfaction liée à
un acquis. Être capable de gravir les montagnes est aussi stimulant que
d’être au sommet et c’est plus sécurisant car même en cas d’échec cette
capacité peut se placer ailleurs, sur un autre projet.
C’est une forme d’immortalité car seul le présent, et le mouvement initié à
cet instant, comptent. La finalité des choses et le temps passent au second
plan ; de prime abord, seule l’envie d’agir, d’entreprendre est importante.
Les meilleurs exemples sont les artistes qui peignent ou écrivent comme
s’ils ne tenaient pas compte du temps qui passe, leur besoin est avant tout
de créer ou construire. Chaque nouvelle toile ou symphonie suit une autre
œuvre, celle-ci achevée, et ceci est sans fin.
La réceptivité :
Il est signe d’inquiétude et de doute, peut-être dispropor-tionnés. Le
Denier prend trop d’attention. Il existe un signe que quelque chose ne va
pas et qu’il faut gérer une situation, mais il y a un décalage entre la réalité
qui n’est peut-être pas dramatique et les émotions qu’elle suscite. Il faut
transformer quelque chose dans sa vie, mais il faut surtout entendre cette
angoisse et accepter que le problème est peut-être plus l’angoisse elle-même
que la réalité. C’est un bon moment pour entreprendre une thérapie, par
exemple.
Le cérébral :
Cet arcane sur le cérébral est le signe d’un rééquili-brage. L’énergie vitale
reprend ses droits, on arrête de penser, « de se prendre la tête » et on revient
à l’essentiel : le désir et l’envie. En se mettant dans une position de
réceptivité ou méditative, en coupant le mental, la solution apparaîtra
comme par enchantement. Le mental, lui-même, se rend compte qu’il
tourne en boucle et qu’il n’a pas toujours la solution au problème qu’il
découvre ou qu’il crée. C’est une belle occasion qu’il a d’accepter de se
mettre en retrait, d’accepter de ne pas avoir le pouvoir et de faire confiance
à l’énergie vitale.
Les émotions :
La relation est éthérée. La puissance de la Coupe, de l’amour, vient
assourdir le besoin de pulsion du Bâton. La passion se tourne vers le ciel et
vers une relation qui n’est pas très incarnée. Une forme de réserve ou de
timidité peut venir altérer l’expression du désir qui finit par perdre son côté
pulsionnel, qui pourtant est essentiel à un bon équilibre psychique.
Cela pourrait être un amour qui a laissé passer sa chance et s’est
transformé en amitié, par exemple, ou une complicité dont le désir est
absent. Le Bâton est pourtant l’incarnation de la pulsion, et si elle a besoin
d’être en partie sublimée et contrôlée, elle a aussi besoin d’être reconnue
dans son aspect le plus archaïque.
Le chiffre X est la forme supérieure du I, C’est la rencontre entre cette
totalité, cette unicité qui est le un avec « l’Autre » : les nutriments et les
expériences qui l’ont enrichi.
Cela peut être une expérience enrichissante qui lui permet d’évoluer (un
plus zéro).
Cela peut aussi être une dualité, un conflit (un moins zéro).
Et de toute façon une différence (un différent de zéro).
Il est le grand nombre de l’impermanence, quoi qu’on ait vécu et quel que
soit l’aboutissement de ce que nous avons vécu, il existe toujours un autre
différent de soi dont nous devons faire l’expérience, expérience qui peut
nous enrichir, nous détruire et qui de toute façon nous montrera que rien
n’est figé, rien n’est complet. Aucune expérience n’est une fin en soi, elle
n’est qu’une pierre sur un chemin parsemé d’autres cailloux.
Tout fruit, tout vécu, porte une nouvelle graine riche de l’expérience de
l’arbre dont elle est issue, qui est prête à renaître et vivre.
Le X de Bâton est la conscience qu’on a acquis une certaine maturité, qu’il
faut recommencer le cycle en étant riche de son expérience et neuf d’un
avenir inconnu. Le X c’est le premier cycle : la naissance, la vie et la
maturité de l’arbre : le I plus la prescience, le « feeling » d’autre chose, une
curiosité ou une insatisfaction : le zéro.

Sur l’action :
Cette alliance est une renaissance et une évidence, ce qu’il se passe est lié
à la destinée. Même si le doute demeure, faire confiance est la meilleure
chose à faire. Le but de l’action est l’action, tant qu’on est vivant, on agit, et
du point de vue du Bâton, le but de l’action n’est pas une résolution ou un
aboutissement mais l’action elle-même. Il faut simplement se laisser porter,
la vie retrouve ses droits, c’est comme accompagner une vague pour un
surfeur.
La réceptivité :
La situation est étouffante, que faut-il faire évoluer pour que la réceptivité
et l’écoute reprennent leurs droits ?
La vie n’est pas qu’action et structure, elle est aussi flânerie, il faut
pouvoir goûter aux expériences et se laisser porter. Il y a un temps pour
tout, chaque vécu a besoin d’être digéré, et pour cela il ne faut pas être tout
le temps dans l’action. Le X de Bâton fait le « forcing » et essaie d’imposer
un équilibre au Denier qui n’est peut-être pas prêt à se soumettre aux diktats
d’une action trop pressante.
Le cérébral :
Associer cet arcane et le cérébral est une façon de célébrer le masculin
dans ce qu’il a de plus archétypal, de plus symbolique. Les dieux nous
protègent et nous poussent à agir. Le chemin est tracé, nous avançons vers
les sommets ou les gouffres mais de toute façon, c’est inéluctable et source
de savoir et de créativité. La confiance est de la partie et cette étape, même
manquant de réceptivité, est essentielle à la construction de la psyché.

Les émotions :
La relation est structurée, organisée. Les émotions sont contrôlées, peut-
être même surveillées. Cela peut être la conséquence d’un doute ou d’une
inquiétude inconsciente, dans ce cas la relation est à interroger.
La Coupe est l’amour inconditionnel et elle a un besoin vital du Bâton qui
est ce qu’elle est conditionnée à aimer (la relation Yin/Yang). Mais lui-
même a une tendance nette à ne pas voir l’autre. Ce n’est pas qu’il est
égocentrique mais il est focalisé sur ce qu’il fait et ne s’arrête jamais. Cette
alliance est-elle bénéfique pour les deux ou la Coupe la vit-elle comme
toxique ?
Elle doit se méfier de son intuition qui l’incite à tout pardonner et à tout
comprendre. Mais elle peut toutefois trouver son compte à la situation, en
mettant en avant sa nature contrôlante. L’important est d’être bien avec ce
que nous sommes, il n’y a pas de façon d’être idéale. Comme je l’ai déjà
évoqué, la nature est belle grâce à ses myriades de couleurs, de formes et
d’essences. Il en est de même pour la race humaine, la diversité est notre
richesse, il n’y a pas un comportement ou un état idéal, tous le sont dès
l’instant où nous les assumons.

Les honneurs Bâton


Le Valet de Bâton est la pulsion « brute », désirante. Son Bâton est
énorme, il est posé au sol mais le Valet ne sait pas quoi en faire, il ne sait
même pas s’il peut le tenir. Ses bras ont une position étrange, l’un d’entre
eux ne semble pas attaché au corps. Les couleurs de son habit sont bien
proportionnées. L’être humain est équilibré, seul son bâton ne l’est pas. Il
symbolise ses capacités énormes qu’il ne sait pas employer, en tout cas, pas
encore. Il regarde vers l’horizon, attend-t-il son destin, un événement qui lui
permettra de se mettre en marche ou quelqu’un qui lui explique comment
utiliser sa vitalité ?
Son action est humaine, ses avant-bras et ses jambes sont couleur chair,
ses pieds sont chaussés de bleu (couleur réceptive), il a du mal à agir malgré
sa vitalité. Le bâton est vert, couleur liée à la nature, une force vive, brute et
évidente. La nature pousse car c’est son destin d’aller vers le soleil, il en est
de même pour le Valet, son bâton agira car c’est dans la nature des choses.
Sur l’action :
C’est la pulsion créative à l’état pur. Elle est plus forte que lui et que ses
qualités de discernement et elle sera forcément utilisée. Il n’est pas dit que
son projet soit abouti et qu’il puisse agir immédiatement, Il lui faut attendre.
Le personnage n’est pas d’une patience à toute épreuve mais il n’y a pas
d’autre choix. C’est un bouillonnement de désir et d’envie, et tant de vitalité
et de joie ne peuvent pas se tromper ou être mauvaises. Avec le temps une
organisation se fera jour et ne pourra qu’aboutir.
C’est aussi une expression d’un fort désir sexuel.
La réceptivité.
Il a un problème avec la matière et la réalité. Il peut, par exemple, avoir
besoin d’argent ou de changer d’appartement sans avoir la moindre idée de
la façon dont il va y arriver. Il est pur, rempli de bonne volonté et ne
manque pas de courage. Il peut aussi être très colérique, son sentiment
d’impuissance à dominer la matière et sa très grande vitalité peuvent
générer des agacements et des colères homériques.
Il y a un décalage entre ce bâton immense et la sensibilité et la finesse
qu’il faut pour répondre aux besoins du Denier. Le Bâton est obsédé par son
désir et sa volonté et il n’a pas de place pour l’écoute, indispensable à
l’énergie Yin. Il peut vouloir bien faire mais sans entendre quelle est la
véritable demande du Denier. Le Bâton a la capacité de répondre à son
souci de protection et de construction même s’il s’y prend mal. Le Denier le
ressentant peut y être sensible et regarder ses excès avec bienveillance.
Sur le cérébral :
Le Valet de Bâton est la puissance et l’envie, l’Épée est le monde des
« prises de tête », ils ne se comprennent pas. Cette incompréhension n’est
pas signe d’échec, mais de la mise en lumière de deux mondes différents
qui n’ont rien à s’apporter à cet instant précis.
Dans l’exemple de la création d’entreprise, associer ces deux cartes
signifierait :
Le Valet de Bâton : « je veux créer quelque chose », à cela l’Épée
répondrait : « à quoi penses-tu ? ». Or c’est très exactement ce que le Valet
de Bâton ignore.
Chercher à les associer est une erreur mais les reconnaître comme deux
vibrations différentes dont on peut avoir besoin mais pas nécessairement en
même temps est en revanche une véritable richesse qui est indispensable à
la réussite d’un projet.
Les émotions :
Un désir sexuel très fort fait s’illusionner sur le sentiment amoureux. Cela
ne signifie pas qu’il n’y a pas d’amour mais il est prématuré de le penser. Le
désir, si fort soit-il, n’est pas un sentiment.
Cela peut être aussi la volonté de rencontrer l’amour dans le sens non pas
de l’amour physique mais de la compassion. Dans ce cas, c’est une quête
mystique puissante. Nous sommes l’expression d’un désir, celui du Divin.
La rencontre entre celui-ci et l’amour est une des composantes récurrentes
des religions et de la raison de nos expériences terrestres. « Dieu crée et
aime sa création », cela figure parmi les premiers enseignements de
l’Ancien Testament.
D’un point de vue plus « matériel », il peut aussi s’agir un désir d’enfant.

La Reine de Bâton est l'excès Yin dans l'énergie. Curieuse-ment, elle


semble avoir une attitude agressive, les animaux qui attaquent sont parfois
ceux qui ont le plus peur. Elle a le blanc de la pureté au niveau des cheveux.
Son bâton est de couleur or. Ce n’est pas un grand signe de vitalité, la
couleur rouge aurait été plus active mais il est sublimé, travaillé, peut-être
trop cérébral. Le Bâton n’est pas en cause, c’est le personnage qui vit mal la
situation. Il y a quelque chose de très animal dans ce qu’elle représente, elle
est complètement réceptive. Le haut du corps est rouge, sa volonté est réelle
mais le bas du corps est bleu. Le ventre source du désir et de l’inspiration,
le haras des arts martiaux est réceptif. Peut-être est-ce le problème !
L’action vient du ventre, non de la réflexion ; en ce qui la concerne, l’action
vient de la peur ou de la révolte et non pas du désir.
Le Tarot est un ouvrage qu’on regarde et qu’on ressent. On ne le
comprend qu’en s’identifiant aux lames, en s’interro-geant sur ce que nous
vivrions si nous étions dans la position du personnage ou des éléments de la
carte. Comment nous comporterions-nous si nous étions dans la position de
la Reine de Bâton ?
Que ressentons-nous, avons-nous envie de nous lever ou au contraire
avons-nous envie de rester assis ? Sommes-nous prêts à utiliser notre bâton
ou est-il simplement quelque chose qui rassure ? C’est en se posant ces
questions que nous sommes au plus près de la signification des lames.
Elle semble attendre et observer. Ses sens sont aux aguets et son énergie
Yang est dans cette tension qui caractérise les gens qui sont hypersensibles
ou dans la peur.
Sur l’action :
Elle regarde ce bâton supplémentaire avec méfiance. C’est la rencontre
entre le féminin et sa sensibilité, entre son bâton or et travaillé et la force
brute vitale et sans conscience. La peur n’est pas le danger, il est possible
qu’elle soit vaine mais cette association est avant tout émotionnelle,
arrivera-t-elle à dompter le bâton ? C’est la grande question qu’elle se pose,
car il lui est impossible de fuir. Cela peut augmenter son agressivité voire sa
haine si elle se sent trop prisonnière. Une femme a, par nature, besoin de
sensibilité, même dans l’action elle ne peut pas se sentir identifiée
uniquement au mouvement qu’elle engendre, elle vit toute cette vitalité
comme de la violence et ne peut que la combattre.
La réceptivité :
L’argent est sécurisant, c’est un bon remède à la peur, c’est ce que se dit
cette femme. Sa véritable angoisse est de manquer d’argent, de place, de
territoire, d’amour et elle peut à l’occasion utiliser son bâton et son pouvoir
pour acquérir ce qu’elle désire. Elle peut vite être jalouse et envieuse mais
derrière cette façade, elle vit une profonde solitude et a besoin de créer du
lien.
Cette quête de sécurité extérieure est sans fin et elle ne se sentira jamais
comblée de cette façon, mais une crise existentielle importante peut la
contraindre à sortir de cette prison où sa terreur de manquer l’a placée. Il ne
s’agit pas de juger la situation ou de se comporter en donneur de leçons
mais de comprendre, de regarder quels éléments de sa vie l’ont placée à cet
endroit.
Si le grand secret du travail spirituel est l’humilité, c’est pour reconnaître
que la vie peut être dure, voire très dure et qu’il faut quelques fois accepter
que l’on fasse ce que l’on peut avec les outils que le destin a mis sur notre
route. La Reine de Bâton est un animal prêt à attaquer ou à se défendre, elle
n’est pas devenue comme cela sans raison. En acceptant son besoin
d’amour, de contact et d’attention, elle acceptera de s’ouvrir
progressivement à la confiance.
Le cérébral :
Le mental est capable d’apaiser les craintes de la Reine, il lui faudra
toutefois beaucoup de patience car elle est fragile et réactive et elle a vite
fait d’écouter ses pulsions. Toutefois cette alliance entre Bâton et Épée la
nourrit et la séduit. La Reine de Bâton est très séduisante et le fait qu’on
s’intéresse à elle pour autre chose que sa vitalité ou sa beauté ne peut que
lui plaire. Le cérébral, qui est cette vitalité Yang dont la violence physique
est exclue et sublimée par la réflexion, la rassure. Elle sort de ce rapport de
force dominant/dominée qu’elle connaît si bien pour se nourrir de culture et
d’intelligence. Si les refus de la Reine sont trop forts, elle peut utiliser le
cérébral pour manipuler et détruire l’autre, c’est son côté obscur.
Les émotions :
C’est le Graal, le désir inconscient et puissant de la Reine. Cette coupe
qu’elle regarde avec avidité est, au fond, la seule chose qui l’apaisera.
L’amour donne sa place au bébé puis à l’enfant, qui restera ce qu’il y a de
plus vulnérable et de plus précieux chez l’adulte et l’accompagnera toute sa
vie. La rencontre et l’écoute de cet enfant intérieur sont les seules choses
capables de nous guérir de nos blessures. Ceux qui s’en sont éloignés le
rechercheront avec avidité et souvent de façon inconsciente.
Face à la Coupe, la Reine enfin nourrie et pacifiée pourra mettre son
courage et son énergie au service d’une cause ou d’une personne. Elle aura
envie de partager son expérience de la réparation et d’aider d’autres adultes,
anciens enfants blessés, à prendre conscience de l’importance de la
compassion. Elle mettra son Bâton, son énergie vitale au service de cette
nouvelle vocation.

Le Roi de Bâton est l'excès Yang du Bâton. Lui, à l’inverse de la Reine,


prend son bâton dans la main qui est devenu une pointerolle très travaillée.
Il est très beau, peut-être est-il trop beau pour un Roi de l’énergie Bâton. Il
est censé être la force brute, la vitalité, pas cette sophistication qu’on devine
à travers la carte. Il est difficile de voir comment il est posé, on ne voit pas
l’assise du fauteuil. Il a toutefois l’air bien installé. La pointe du bâton
pointe vers son talon d’Achille. Son habit est harmonieux, avec des
couleurs très équilibrées. La zone du plexus solaire est or mais l’habit qui
couvre son bas-ventre est bleu, il est asexué, il a mis sa créativité au service
de l’harmonie et de ce bâton si travaillé. Il a un chapeau couronne comme
deux autres rois, le seul à n’avoir qu’un chapeau sans couronne est le Roi de
Denier. Ces chapeaux couronnes interpellent car ils n’existent pas dans la
réalité. Les couronnes étaient portées directement ou bien sur des supports
mais certainement pas sur ce type de couvre-chef. Les couronnes sont or,
toutefois le seul roi qui n’en possède pas porte la couleur or sur l’intérieur
du chapeau. En revanche, contrairement aux trois autres, son chapeau n’a
pas de couleur rouge.
Dans le judaïsme, on se couvre la tête par respect pour le Divin. Est-ce le
message des rois du Tarot : « quelle que soit la royauté terrestre que nous
incarnons, nous ne devons pas nous sentir au-dessus de Dieu, tout en restant
souverains sur Terre » ?
Cette harmonie qu’il évoque montre à quel point la force vive peut être
altérée pour devenir ce sens du beau et de l’esthétique. Il fait penser à ces
maîtres de ballet qui, plus tard, feront vivre la danse et la musique baroque ;
mais à l’époque de la Renaissance, autant de sophistication étonne. L’homo-
sexualité, par exemple, était passible de mort mais elle n’était pas si
marginale que cela. Nous savons, aujourd’hui, que de nombreux très grands
artistes étaient homosexuels.
Sur l’action :
Il a su organiser ses désirs, les domestiquer et il n’en est pas mécontent.
Étant de loin le plus sophistiqué de son énergie, un apport de Bâton plus
archaïque ne peut que le rééquilibrer. Comme les chefs de musique du dix-
septième siècle battant la mesure, à qui il ressemble, il est organisé et ne
manque pas de structure. Sur un projet en cours, il sera un excellent
gestionnaire ou organisateur.
Sa faiblesse (son talon d’Achille) est qu’il ne supporte pas la violence et
qu’il peut être un peu anarchique de la force. Or la création est violente et
puise ses sources dans la pulsion, ce qu’il fuit, car il est, avant tout, un
cérébral.
Il est possible qu’il s’interroge sur la mort et qu’il la craigne. Le talon
d’Achille est la faiblesse par laquelle cet être invincible a été blessé et est
mort. Le fait qu’il le montre nous renvoie à cette crainte.
La réceptivité :
Il regarde le denier et montre son point faible, son talon. Sa façon d’être
assis, son regard et son mouvement, tous ces éléments montrent son
incapacité à agir. Son maître-mot est « je ne peux pas ». Il veut bien être un
artiste ou un roi chamarré mais la lutte pour la vie est en dehors de son
« champ des possibles », il reste à souhaiter que le Denier ait suffisamment
de ressources pour survivre sans aide, ce qui n’est pas impossible.
C’est lui qui a besoin du Denier et non l’inverse, le Denier est dépendant
de l’action mais ce Roi est incapable de lui apporter quelque chose, hormis
un certain sens du beau et de la légèreté, de la futilité. Le Denier peut, dans
un premier temps, se débrouiller seul car il peut survivre un instant sans
apport extérieur d’énergie, en revanche au bout d’un moment, il aura besoin
de plus de structure et de sécurité.
Le cérébral :
Le Roi pointe son bâton vers son talon et le sol, les épées sont levées vers
le ciel. Le bâton est devenu un instrument précieux et stylisé, les épées sont
prêtes à se battre. Elles disent au Roi « bouge-toi, secoue-toi ». Il s’est
perdu dans trop d’apparat et de sophistication. Les épées le remettent dans
le droit chemin, celui de l’action et de l’agressivité, tout en restant dans une
forme de noblesse. Il ne s’agit pas de sauvagerie, la Reine de Bâton
l’incarnerait plus aisément, mais de la conscience qu’il est allé trop loin et
qu’il faut revenir quelques fois à l’essentiel. Les épées sont le monde des
pensées, le Roi de Bâton s’est trop aventuré sur leur terrain et s’est perdu en
chemin.
Les émotions :
Comme pour la Reine, la Coupe est le désir profond du Roi. Cela flatte
son narcissisme, il en fait tellement pour se montrer et briller, comment
pourrait-il ne pas être aimé ? C’est une démarche narcissique dans toute sa
splendeur avec une pointe d’agressivité. Il ne supporte pas qu’on lui montre
ses failles et est bien décidé à continuer à plaire et à ne pas se remettre en
question, il est prêt pour cela à une certaine violence. Cela pourrait être une
définition du pervers, toutefois le Roi de Bâton, s’il peut se révéler
manipulateur pour continuer à « faire son show » sans être pris en défaut,
n’est pas dans une volonté de destruction de l’autre. Il est possible,
toutefois, qu’il puisse s’autodétruire, la pointe de son bâton étant tournée
vers lui.

Le Cavalier de Bâton est l'énergie maîtrisée. Il est très assuré et tient son
bâton fermement dans la main. Ce bâton est doré à l’extérieur et rouge à
l’intérieur ; son action est maîtrisée par sa conscience, travaillée, assumée.
Il est actif et d’une certaine façon vivant. Comme si la lave rouge d’un
volcan donnait une couleur or après avoir refroidi. On peut quasiment parler
de sanctification. La tête du cheval est de couleur blanche, le cheval ne
pense pas. Il est, tout simplement. Il porte le Cavalier et son bâton, sa pureté
l’empêche d’intervenir et d’altérer l’action de l’arcane, il regarde dans la
même direction que le Cavalier et montre ainsi l’alliance entre un esprit
apaisé et le corps. Le corps est habillé d’une robe couleur chair, il y a de
l'humanité dans le cheval. C’est bien sur terre que l’action se joue et ce
Cavalier en est un modèle d’équilibre.
Chaque arcane nous apporte quelque chose de différent, rentre dans notre
inconscient et nous imprègne de façon subtile. Ce sont des mandalas qui
nous enseignent la posture, la façon d’être qui nous permet le dépassement,
dans le sens où, s’identifier à un arcane nous permet de vivre autre chose
que ce pour quoi nous nous croyons être destinés.
Se sentir Cavalier de Bâton est un moyen de bénéficier de son énergie et
de son enseignement de la même façon que de jouer le rôle d’un ménestrel
du Moyen Âge nous ferait rentrer dans la vie de cette époque. C'est grâce à
cette quête d’expérience que l'on va rentrer dans l'histoire du Tarot et dans
l'histoire de l'autre.
Les honneurs et les arcanes mineurs sont le chemin de l’égo, c’est-à-dire
le chemin des outils, des stratégies qui vont permettre à l’âme de s’incarner.
La quête de l’âme est à la base du Tarot et son but : la recherche intérieure
et celle de la rencontre messianique.
Les arcanes mineurs en sont le support, l’assise, et il est dommage que
leur étude soit délaissée. Mieux comprendre leur fonctionnement permet
d’intégrer comment fonctionnent les arcanes majeurs.
Les arcanes majeurs sont constitués des énergies des mineurs. Où sont les
Bâtons, Deniers, Épées, Coupes dans le Bateleur ? Que sont-ils devenus
dans l’Hermite ou le Chariot ?
Sur l’action : le Cavalier de Bâton est l’action juste par excellence, il est
l’enseignement de ce que doit être une action. Il incarne la sagesse et la
mesure. Observez la différence entre les deux bâtons, celui de l’As et celui
du Cavalier. Le Cavalier montre ce que doit être le bâton, il reste brut, il
n’est pas travaillé comme ceux du Roi et de la Reine. Il est beaucoup plus
petit que celui de l’As et peut être manié sans difficulté. Il a intégré la
sagesse tout en gardant un cœur actif. Tout l’arcane est prêt à aller dans le
même sens et à avancer vers son destin.
La réceptivité : c’est un rééquilibrage. Le Cavalier montre au Denier que
c’est lui qui a les clefs. Quelle que soit l’importance du Denier, c’est par
l’action mesurée et juste que la situation se débloquera. Cette alliance est
celle de la patience et de l’espoir. Le Cavalier ne peut pas ne pas réussir. Il
faut avoir la foi et oublier les angoisses liées à l’urgence. Elles sont un
leurre. La couleur or du bâton du Cavalier renvoie à la couleur or du Denier,
signe que le Cavalier connaît ses priorités et est prêt à s’occuper du bien-
être et de la paix intérieure incarnés par son énergie complémentaire. Le
cheval, symbole de la matière, est blanc, la pureté l’habite et tout ce qu’il
fera dans le cadre de l’ancrage et de l’incarnation sera ce qu’il faut faire ou
être de façon juste.
Le cérébral : l’Épée pense, le Bâton agit. Cette alliance est une initiation
autour du masculin. On laisse de côté les émotions et on avance, dans le cas
d’un projet ou d’un besoin d’action, cette association est de bon augure.
C’est aussi une bonne relation père/fils ou ensei-gnant/élève.
Elle l’est moins en ce qui concerne les affaires de cœur. Tout ne peut pas
être uniquement vu par le filtre de l’esprit et du rationnel. Les émotions font
du bien.
Les émotions : le Bâton et l’As de Coupe ont les mêmes couleurs et la
même organisation, rouge à l’intérieur et or à l’extérieur. Ils ont beaucoup
de choses en commun mais ne parlent pas la même langue. Les deux sont
d’accord sur l’importance de l’amour mais la Coupe le voit comme un
Graal, une quintessence unique et évidente, l’alpha et l’oméga de
l’incarnation. Le Cavalier de Bâton le voit comme un but mais il pense
aussi que le chemin ou le voyage qui y mènent sont importants, voire aussi
importants que le but lui-même.
La Coupe est un archétype. Le Cavalier le voit comme tel, c’est-à-dire
comme une aspiration à laquelle on tend mais qui reste inaccessible. La
Coupe est convaincue que rien n’existe en dehors d’elle et d’une certaine
façon le Cavalier pense la même chose du désir. C’est en quelque sorte la
cohabitation du Yin et du Yang dans le Tao, ils ne peuvent pas se passer l’un
de l’autre et quand l’un d’entre eux prend trop d’importance, il laisse sa
place à l’autre.
Le Denier

Le Bâton est l'action et le Yang. Le Denier évoque la place, le Yin,


l’ancrage, la matière. Le Denier c'est la réceptivité. Quand on se sent
« éponge », ou trop en connexion avec les autres, c'est le Denier.
De façon plus concrète, le Denier parle d’argent, de la maison ou de
l’appartement, de la structure, du corps humain et quelques fois des
maladies. Il est aussi relié à une émotion qu’est la peur et à ce qui nous
rassure ou nous frustre. Il est le composant le plus important de la paix
intérieure.
Il est, avant tout, une sensation. Cela peut être amené par des éléments
extérieurs, l’argent ou la santé par exemple, mais c’est avant tout un
ressenti, un « feeling ».
« De quelle façon se sent-on ? » est la question du Denier. Il est une
observation sur le corps et ce qu’il véhicule, la santé, l’histoire, le bien ou le
mal-être. L’angoisse en est le pendant négatif, lorsqu’on se sent angoissé,
pas en place, tourmenté. L’énergie du Denier est à revoir.
Le Denier est féminin et réceptif, il n’est pas actif, il peut soit subir ou
prendre conscience de ce qu’il se passe soit mobiliser des forces plus Yang,
Bâton ou Épée pour dénouer la situation et le nourrir, faire qu’il se sente en
paix.
L'As de Denier
L’As est le Denier dans sa capacité. Il est l’énergie en elle-même, dans sa
totalité et dans ce qu’elle véhicule de symbolique. C’est pour cela que les
As, Denier ou autres sont si importants, ils prennent toute la place dans la
carte. Ils expriment une quête archétypale. Ils sont l’évidence du besoin. La
plante forme un socle ou des racines vers la terre et vers le ciel, et participe
à la solidité et à la structure de l’arcane. Il est relié à la terre dont il attend la
nourriture et au ciel dont il attend sa destinée. Mais quand il est nourri et
rassasié, il se suffit à lui-même, c’est pour cela que les branches de la plante
de l’As sont repliées sur elles-mêmes, elles se déplient pour se nourrir et se
replient une fois qu’elles sont satisfaites.
Quelle que soit la question, l’As de Denier sort quand une question
existentielle se pose. Ce qui se joue touche aux fondements de qui nous
sommes ou de notre capacité à être ou à nous poser. Ce n’est pas forcément
lourd ou compliqué mais c’est à prendre en compte pour ce que c’est. Notre
ancrage ou notre place sont remis en question et doivent être revus.
Il est l’expression de « l’enfant intérieur », il semble invisible mais ses
attentes et ses besoins prennent toute la place et contrôlent l’instant présent,
à travers ses exigences plus ou moins conscientes.
Le sens de l’arcane est les trois petits points du centre de la carte en bas et
les deux petits points vers le haut afin que le dessin central forme un
triangle.
Sur l’action :
Le besoin est important et les moyens mis en place pour le gérer sont
adaptés. La réponse au Denier ne peut être que le Bâton : la réponse à la
réceptivité est le mouvement, et la quête du mouvement est la réceptivité
comme l’exprime le symbole du Yin et du Yang. Cette alliance est prête
pour nous permettre de changer de vie. C’est un signe de transformation
profonde du quotidien et quelques fois l’expression d’une quête
existentielle qui accompagnera notre existence de façon intense. On agit de
façon adaptée pour couvrir un besoin profond et réel.
Besoin d’un appartement ou d’argent, si l’As sort, c’est que notre
évolution en dépend, il ne s’agit pas d’une simple coquetterie. La question à
se poser est : pourquoi est-ce si important ? Comment le gérer ?
Dans le travail, ou les affaires on peut s’interroger. Suis-je bien dans mon
travail ? Si la réponse est oui, l’As peut signifier que tout va bien mais
n’est-ce pas un peu « too much », la vie ne se cantonne-t-elle qu’au travail ?
Si la réponse est non, alors il faut réagir rapidement car cela devient
toxique.
Il faut avoir en tête la notion de féminité, de réceptivité, de structure. Si
l’As sort au niveau du couple, c’est une question autour de la construction.
Qu’est-ce qui est en place ou non ?
C'est l'énergie du Bâton qui se concrétise dans le Denier. Le Denier en soi
n'est pas actif. C'est l'erreur que font les gens qui veulent de l'argent.
L'argent est Yin, il est le résultat de quelque chose, un travail, un placement,
le résultat d’une volonté, quelquefois d’un jeu.
Confondre action et réception génère un degré d’angoisse, on se sent
démuni, soumis aux évènements extérieurs. On ne se sent plus avoir la
main. C’est un des enseignements du Tarot, l’action génère la réception,
agissons pour avoir, cela semble être une lapalissade mais combien d’entre
nous l’oublient régulièrement !
Être dans le Denier, c’est sentir et réagir grâce au Bâton, au désir, à
l’action.
Sur la réceptivité :
Si nous sommes en paix, cette alliance est un appel à la méditation, à la
rencontre mystique. Être à l’écoute de sa réceptivité, c’est aussi chercher à
se découvrir, à ne pas s’arrêter à ce que l’on sait de soi mais désirer aller
plus loin pour se découvrir dans son inconnu et son ineffable.
Si nous sommes en crise, c’est un signe de doute et d’angoisse profonds.
L’action, la résolution du problème, est loin. Il nous est impossible de régler
ce qui nous préoccupe. La méditation peut aider. Mais l’idéal est de lancer
des actions même si elles semblent inutiles, même si cela semble vain. Il est
plus facile de changer une action inadaptée que de sortir d’un profond
sentiment d’impuissance quand il n’y a pas de solution visible. Une chose
est certaine, seul le Yang peut permettre au Yin de se sentir en paix.
Le cérébral :
Les pensées peuvent jaillir dans tous les sens et chercher toutes les
solutions possibles, il faut laisser le mental de côté, prendre des décisions
claires et s’y tenir. L’urgence et l’évidence de la situation seront une aide
efficace pour sentir qu’il ne faut pas traîner et agir rapidement.
La décision viendra d’elle-même et ne sera, au fond, pas si difficile à
mettre en œuvre. Le mental peut être un atout essentiel et comprendre est
souvent le prélude à l’action, il peut aussi nous embrouiller et créer une
illusion dangereuse. Il ne peut être qu’un prélude et une aide à l’action et en
aucune façon se substituer à elle, contrairement à ce qu’il pourrait croire.
Il n’y a pas plus différents que le Denier et l’Épée. L’un est dans l’écoute,
la sensation et le ressenti sans chercher à comprendre ou analyser, l’autre
est au contraire dans l’analyse, la compréhension, et un mouvement cérébral
permanent. Pourtant, quand ils s’allient et quand le mental ne cherche pas à
ne pas ressentir et à enfouir au plus profond de soi des expériences
douloureuses, ils peuvent s’associer de façon très constructive et donner des
résultats formidables : l’art est un exemple réussi de cette alliance.
Les émotions :
Il faut choisir entre être en lien avec les autres, quelques fois à son propre
détriment ou être connecté à soi-même et à ses propres besoins.
Sommes-nous en paix avec nos besoins ou bien sommes-nous trop en
attente de nos émotions, nos sentiments ? Nous sentons-nous libres ou au
contraire nous sentons-nous dépendants ? Avons-nous tendance à
instrumentaliser nos proches à notre profit, ou au contraire, nous sentons-
nous soumis à leurs diktats ?
Cette association a tendance à nous couper de notre centre, et de nos choix
profonds. Cette alliance Coupe/Denier est un appel à la réflexion, à la prise
de recul. Quelle est la part de ce que nous écoutons de nous-mêmes et
quelle est la part de ce que nous écoutons des autres ? La solution ne
viendra que de cette réflexion. Une écoute par un thérapeute peut être, dans
ce cas, une aide précieuse.
Le II de Denier est la conscience des éléments extérieurs qui vont le
nourrir ou s’opposer à lui. Des nouvelles extérieures, l’intuition, les
émotions vont l’informer de ce que « le monde » peut lui présenter et l’aider
à se construire ou au contraire le détruire.
Les deux Deniers sont identiques comme un équilibre parfait entre ce que
nous sommes et ce qu’est notre environnement. De quelle façon
nourrissons-nous cette place que nous occupons sur terre et dans nos âmes ?
Que reçoit notre réceptivité ?
La réponse à ces questions, est ce qu’on appelle l'ancrage, c’est une
sensation, un ressenti. Être ancré, c’est se sentir bien dans l’instant présent
en imaginant un futur non anxiogène. Il s’agit de se demander comment
faire en sorte que le II de Denier, la relation entre soi et les autres, soit
bénéfique, paisible et permette le III, puis la construction.
Les deux Deniers rappellent les deux façons que nous avons d’être
sécurisés. Une façon extérieure : l’argent, la maison, et une autre plus
intérieure : la conscience de soi et de son appartenance au monde.

Sur l’action :
Le Bâton va agir sur les deux Deniers, extérieur et intérieur. Au fond il ne
sait pas trop de quelle façon il doit agir et ce qu’il doit changer. En
intervenant sur l’intérieur et l’extérieur, en traitant le mal-être et ce qu’il
pense en être les causes, il contrôle ses doutes et permet au Denier de se
transformer et d’espérer des jours meilleurs. C’est une excellente façon
d’agir quand on est dans le brouillard, et qui sait si la solution n’est pas au
rendez-vous ? Le changement vient, le plus souvent, de l’action, en cela
cette alliance est parfaite, et même si quelques fois, il arrive que des
résolutions ne dépendent pas de nous, le fait d’agir en attendant permet de
limiter l’angoisse et les doutes.
La réceptivité :
C’est la conscience qu’il y a un vrai questionnement et une tendance réelle
à déprimer. Il s’agit d’un appel à l’aide plus ou moins inconscient et réel car
c’est la mise en lumière de souffrances très archaïques et profondes, même
si ce n’est pas nécessairement douloureux, le sentiment d’isolement et
d’impuissance est très présent.
Cela a aussi un rapport avec la naissance ou une difficulté
transgénérationnelle. Contrairement à ce que laissent supposer mes propos,
ce n’est pas négatif car à certains moments de la vie, on se doit de regarder
les choses en face. Accepter d’affronter les causes intimes de ses échecs ou
de ses souffrances est quelques fois suffisant pour les surmonter même sans
les comprendre ou s’en souvenir.

Le cérébral :
C’est plus qu’une réflexion, c’est aussi une prise de décision, l’alliance de
ces arcanes est la seule possible pour se libérer de ce passé enfermant. Enfin
on bouge, on tranche.
Seule l’énergie d’Épée peut sortir le Denier de son inertie et de ses
angoisses. Le cérébral trouve sa place et la juste mesure de ce qu’il sait
faire. Sa réflexion et son intransigeance sont perçues par le Denier comme
une forme de sagesse, ce qui est exact. Il lâche prise et est prêt à écouter et
ressentir d’autres expériences, ce qui le libèrera à coup sûr de sa dualité
mortifère. Nous sommes des êtres complexes et l’analyse et le discernement
sont la solution avant que le changement, lié à l’action, à l’énergie Bâton,
soit initié et sorte ces deux Deniers de l’impasse dans laquelle ils se
trouvent.
Les émotions :
La Coupe enferme le Denier, qui se sent étouffé. Dans l’As de Coupe, il
est entièrement rouge, et « chapeauté » par la couronne couleur or. Cela va
l’obliger à devenir actif pour se sortir de cette tentative de fusion, mais à
quel prix ! Est-on obligé de souffrir pour sortir d’une crise et se
transformer ?
Ces deux arcanes mis côte à côte posent la question de soi et de l’autre et
de l’autorisation d’exister de chacun. Il est temps de savoir qui l’on est, qui
est l’autre et d’assumer ses envies personnelles et ses choix. C’est savoir
dire non, ou « tu m’étouffes », ou « ceci est ton choix, non le mien ».
Programme d’autant plus difficile que nos conditionnements ne vont pas
dans ce sens. Si nous échouons à rééquilibrer la relation, la solitude ou la
somatisation, et quelques fois la dépression ou la maladie, alors cela nous
rappellera l’importance de cet équilibre.
Le III de Denier est notre espace intérieur qui commence à émerger et à
vivre. L’As complété et nourri par le II pressent ce qu’il pourrait être et
quelle est son essence. Le Denier est de l’ordre de la sensation, non de
l’action. La sensation du III est la paix. Une sérénité intérieure nous fait
respirer dans un état de bien-être. La plante est omniprésente et son dessein
est harmonieux, il laisse pressentir ce qu’est la finalité de cette énergie. On
se sent en place et reconnu. « Légitime » est le maître-mot de cet arcane.
Cela peut aussi être un instant qui fait écho à un souvenir agréable. Pour
ceux qui aiment l’automne, les premiers jours de septembre rappellent les
feuilles mortes, la rentrée des classes. Si ces souvenirs ont été agréables, la
sensation en ces instants sera celle du III de Denier.
Certaines émotions, comme l’angoisse, sont le versant lourd du Denier. Ce
n’est pas négatif, c’est le signe que le Denier n’est pas en place, que
quelque chose cloche. C’est une sensation désagréable mais indispensable,
comme un voyant d’alerte sur le tableau de bord d’une voiture et si on le
ressent de cette façon, l’angoisse est un formidable outil pour savoir où
nous en sommes.
Sur l’action :
Le III de Denier est en paix, il n’a guère besoin de l’énergie formidable du
Bâton, qui se révèle un peu trop puissante et présente, et risque de le
déstabiliser. Il y a un temps pour tout et l’époque est plutôt à profiter de
l’instant. La présence du Bâton est un message d’espoir pour l’avenir, mais
pour le moment c’est trop tôt. Cela peut être aussi le signe d’une colère ou
d’une habitude au combat qui font qu’on a du mal à accepter de jouir des
instants de paix. Certaines personnalités ne se sentent bien que dans l’action
ou le conflit. Gardons le Bâton en réserve, il servira tôt ou tard.
La réceptivité :
C’est la fin des illusions. Nous pouvons être heureux sans être des princes
ou des princesses pour autant ou sans vivre différemment de ce que nous
vivons. Notre place est même préférable à toutes celles que nous avons pu
imaginer. C’est le deuil de certains rêves impossibles et l’intuition profonde
que le vrai bonheur est dans ce que nous sommes, pas dans des fantasmes
imaginaires. Ces deux arcanes nous enseignent l’importance du Denier et de
la place que nous occupons sur terre. Le Denier est l’énergie de la matière,
du concret et non de l’imaginaire ou des pensées. C’est souvent mieux
ailleurs, croit-on. Cette alliance, en nous imposant sa présence comme
inéluctable, nous permet de l’apprivoiser et très souvent de trouver que
notre place n’est pas aussi désagréable qu’on avait imaginé. Cela peut être
une véritable révélation.
C’est aussi un arcane de bon augure pour les voyages ou les études.
Le cérébral :
Le mental a du mal à se séparer de ses rêves de grandeur. La fin des
illusions est un deuil quelques fois douloureux et l’orgueil est aussi une
façon de se protéger de la souffrance. Le temps, comme souvent, apaisera
les plaies, c’est la leçon de cet assemblage. Laissons le mental s’agiter, dans
quelque temps nous remercierons le Ciel de ce qui s’est produit. Si la colère
ou la révolte sont trop importantes, c’est le signe qu’il faut s’interroger sur
les raisons d’un tel emportement. La haine ou la violence sont les signes
d’une blessure profonde toujours active et prête à ressurgir. Le III de Denier
est signe de paix intérieure et de justesse, quel contraste !
Il est important d’entendre les raisons de cette fragilité et d’accepter cet
emportement comme le symptôme d’un manque d’intérêt important à la
genèse de la vie, de ne pas de le prendre au premier degré mais comme
l’expression d’un manque.
Les émotions :
Connaître la sérénité sincère quand on est seul n’empêche pas d’avoir
besoin d’amour, car la Coupe est l’évolution logique du Denier. Cela ne
signifie pas, pour autant, que cette paix est artificielle, elle est réelle mais le
besoin de rencontre est, lui aussi, indispensable.
Cet assemblage pose la question du bien-être intérieur. Est-il possible,
alors que nos besoins les plus essentiels ne sont pas pourvus ? Le III de
Denier est en paix, humble et se suffit à lui-même. Il est seul, ou du moins
le sentiment n’intervient pas dans son état. Une petite voix lui dit : « Et les
autres qu’en fais-tu ? Et l’amour, pourquoi n’est-il pas là ? Te sens-tu si
complet? ».
Les choses viennent en leur temps et le besoin d’être en relation avec les
autres s’exprimera comme une évidence. La paix de l’arcane n’est pas liée à
des éléments extérieurs mais à sa capacité d’être en harmonie. Sa quiétude
est une leçon sur ce que nous sommes capables d’être lorsqu’on
s’abandonne à cette partie de notre intimité où la sagesse réside.
Le IIII de Denier est la satiété, la sensation d’être en place et rempli. C’est
peut-être dû à la réussite d’une action, à une performance ou à la signature
d’un contrat, par exemple. C’est une sensation liée au sentiment de réussite.
Il n’est pas nécessaire de gravir des montagnes ou de se dépasser, cela peut
arriver en rentrant en contact avec les arbres ou en étant fier de soi après
une rencontre entre amis dans laquelle on s’est senti relié.
La plante a donné naissance à une fleur qui occupe le centre de la carte. Ce
n’est, bien sûr, pas un hasard. Le IIII est la construction ici-bas. La réussite
de l’incarnation, l’expression de ce pour quoi ou de pourquoi nous sommes
là.
Le Denier est la matière, c'est aussi le foyer ou la santé. Nos corps portent
nos façons de vivre, et nos refoulements, ce qu’on refuse de voir ou de
ressentir. Le IIII de Denier dans la santé peut représenter un nouveau
traitement qui pourrait fonctionner, ou la satisfaction de constater que notre
hygiène de vie est correcte.
Cet arcane est : ressentir que notre place est ici sur Terre et que nos actions
engendrent une satisfaction qui nous donne la sensation d’être et l’envie de
vivre.
Sur l’action :
Cette alliance incarne l’équilibre, nos actions sont justes et efficaces. Il y a
un plaisir et même une jouissance, au sens psychologique du terme, à
constater la portée de nos actes. Sentir que nous détenons un moyen réel de
contrôler notre sentiment de satisfaction nous rend forts et surtout confiants
dans nos capacités. L’avenir n’est qu’une projection du passé et du présent,
si le présent est confiant, l’avenir le sera aussi. Le IIII de Denier associé à
l’action est l’association idéale pour construire, fortifier notre incarnation et
avoir confiance en nos projets.
La réception :
Le Denier est important mais il n’est pas tout. Il existe autre chose et plus
on le valorise plus on est dans l’erreur. C’est le Bâton qui lui permet de se
nourrir et de se sentir valorisé. Exalter le Denier ne sert à rien, c’est une
démarche vaine qui peut aller jusqu'à l’obsession. Il y a un temps pour tout,
un temps pour être angoissé, ce qui est le cas dans cette alliance, et un
temps pour percevoir le bout du tunnel, qui arrivera tôt ou tard. Il faut
prendre son mal en patience en acceptant le constat que, pour le moment, la
peur du manque colore notre jugement. Cela peut être le signe d’une
difficulté d’action, totalement absente. Il faut chercher ce qui bloque et
empêche de se projeter dans un agir constructif.
Le cérébral : le cérébral pense et se dit que cela peut être mieux, que la
situation pourrait être meilleure, encore meilleure, toujours meilleure.
« Sois parfait » est un adage qui peut se révéler destructeur. C’est un de ses
rôles de penser et de chercher des solutions mais quelques fois, il est
préférable de se laisser aller, de jouir de l’instant et d’attendre qu’un désir
réel nous appelle à transformer nos vies. Il est difficile quelques fois
d’accepter la félicité, il nous paraît impossible que cela soit si simple. La
grande qualité du Denier quel qu’il soit est l’humilité, ce n’est pas vraiment
l’apanage du mental et pourtant c’est le plus grand signe de sagesse qui soit.
C’est la grande question posée par cet attelage : IIII de Denier, Épée.
Notre juge intérieur fait-il encore des siennes en critiquant notre position
trop simple et trop humble à son goût, ou bien prend-il conscience de la
profondeur et de la paix que nous ressentons quand nous sommes sur notre
route, toute tranquille soit-elle ? Le mental se rend compte des deux
positions et c’est notre sagesse et le recul que nous avons sur nos
frustrations qui font la différence.
Les émotions :
La grande attente du Denier est l’amour. S’il se sent trop bien avec lui-
même, cela peut devenir sa grande inquiétude : serai-je capable d’attirer
quelqu’un si je ne me sens pas demandeur ?
Le IIII de Denier n’est ni actif ou dans le désir, ni stimulé par ses
manques. Ce qui va lui donner envie d’évoluer ou de quitter son état, c’est
l’autre, une stimulation qui lui vient de l’extérieur. Mais comment se sentir
stimulé s’il n’a pas d’attente et si sa plénitude lui suffit ? Le secret est qu’au
cœur du Yin, l’évidence du Yang nous amène inexorablement vers lui et
inversement. La vie est un mouvement permanent et tant qu’on est vivant,
le besoin d’être en relation est omniprésent, comme une évidence. Que cela
soit lié à l’instinct grégaire ou au souvenir mystique de la réunification des
âmes au sein du Divin, le besoin de rencontrer l’autre est inhérent à
l’incarnation.
Le V de Denier est non seulement la conscience du corps et la conscience
de ne faire qu’un avec la nature et son environnement, mais c’est aussi le
désir de partager cette sagesse que nous avons acquise en ressentant cette
joie intérieure indépendante des événements. C’est une bonne carte pour un
thérapeute.
La plante a repris sa place et la fleur s’est transformée en Denier, elle est
devenue un acquis. Nous prenons conscience que la terre est un jardin et
qu’elle a la capacité de nous nourrir, quoiqu’en pensent nos angoisses et
notre peur du manque.
Le V de Denier représente aussi des lieux où l’on se sent bien et qu’on a
envie de partager. Il est non seulement la sécurité intérieure et extérieure,
mais aussi le besoin de transmettre et d’enseigner ce que sont cette sérénité
et les stratégies à mettre en place pour arriver à la ressentir.
C’est l’arcane des guides et des gourous dans le sens noble du terme.
Concernant la santé, le V de Denier signifie que la santé est bonne,
sereine. Autour d’une visite chez un médecin, nous sommes entre de bonnes
mains et il n’y a pas de danger. Mais le V peut aussi laisser pressentir
l’ennui et un désir de changement, qui sera incarné par le VI. Le V est
l’enseignant, celui qui a compris et partage son savoir, cela est valable pour
tous les arcanes du Tarot, majeurs et mineurs, mais le savoir, la
connaissance ou l’initiation ne s’arrêtent jamais et après une étape
assimilée, une autre apparaît.
Sur l’action :
C’est un des couples idéaux du Tarot (il en existe d’autres). Le Denier est
serein, en paix et nous sommes prêts à continuer notre route, à profiter de
cette paix intérieure et à agir. Une des grandes compréhensions de la vie est
que quel que soit notre degré de réussite, de maturité ou de frustration, tant
que nous sommes vivants, nous agissons. Cela est intrinsèque à notre nature
ou plus exactement à la nature du Yang. C’est aussi cette raison qui nous
pousse à une frustration régulière. La satisfaction est une tendance Yin,
réceptive, qui progrès-sivement laissera la place à notre tendance Yang,
notre besoin d’agir. Nul besoin du Bâton puisque le Denier est en paix. Il est
désir et se transforme en une joie fébrile de créer, de se mouvoir ou d’être
prêt à agir.
Sur la réceptivité :
Alliance étrange, entre sagesse et frustration. La paix ressentie est
tellement puissante qu’elle laisse craindre que cela ne se reproduira peut-
être plus, comme une expérience qui ne peut être qu’unique. On en oublie
l’enseignement du Tarot qui est que tout est mouvement et que l’espèce
humaine n’est pas obligée de souffrir pour grandir. Le Denier est la base et
le but de l’incarnation. Toutefois, permettre l’imperma-nence et ce jeu
d’équilibriste qu’est la vie est une bonne façon de retrouver régulièrement
cette sensation intérieure si convoitée. Il faut faire confiance à son intuition
et laisser ses peurs de côté. La paix ressentie à travers le V n’est pas
seulement une expérience, elle est aussi une initiation profonde, la
conscience qu’elle existe au plus profond de soi, et pourra être de nouveau
accessible. La peur est construite sur une expérience du passé qui pourrait
se reproduire et nous faire souffrir, c’est une option possible, mais ce n’est
pas la seule. Ces expériences douloureuses peuvent aussi s’estomper au fil
du temps et des prises de conscience.
Le cérébral :
Il aimerait bien avoir son mot à dire, trancher et décider mais il est pacifié,
tranquille. Il montre qu’il est présent mais a perdu de son agressivité. Il est
prêt à écouter et se nourrir de ce que nous vivons. Le Denier lui enseigne ce
qu’il est : un outil au service de cette quête d’une présence sereine et
curieuse de partager. L’Épée (le mental) précède les expériences et utilise la
mémoire acquise pour décider si une situation est possible ou non. Une
expérience mémorisée construit notre système de défense puis ce système
de défense se met en action dès que nous pensons qu’une expérience
identique pourrait voir le jour et nous blesser. Il nous est très difficile
d’accepter la nouveauté car notre esprit met tout ce qui peut arriver dans des
cases sur lesquelles il a le contrôle. Cette rencontre avec le V de Denier le
laisse sans défense car il ne sent aucune hostilité ou agressivité. Il se laisse
vivre, profite et apprend de cette nouvelle expérience qui vient enrichir
notre mémoire et qui peut, si nous sommes vigilants, nous transformer à
tout jamais.
Les émotions :
La sérénité de l’arcane emporte tout sur son passage. La Coupe a beau être
la quête plus ou moins consciente du Denier, elle a beau prendre toute la
place dans la carte comme dans l’As ou le X, la paix et l’humilité du Denier
l’apaisent et la rassurent. Le V de Denier est définitivement sage et rien ni
personne ne peut le faire sortir de cet état. Le désir d’affection, le besoin de
rencontre, viendront en leur temps, il le sait et attend patiemment qu’ils
surgissent. Dans notre quotidien, il nous est possible de vivre cet état de
lâcher-prise, il faut en jouir en s’autorisant à profiter de ce qui est une quête
de la conscience. Chaque seconde de cet état de conscience acquise est
précieuse et restera en mémoire comme l’enseignement que cette quiétude
est possible.
Le VI de Denier.
Après s’être construit et avoir connu la paix et la sécurité, il se remet en
question et essaie de découvrir quelles sont l’essence et la source de cet
appel qu’il ressent au plus profond de lui-même. Cette nouvelle recherche,
qui va le porter jusqu'à l’arcane VIIII, a pour but d’asseoir sa sagesse et de
le sécuriser. S’il répond à ses questions, il pourra garder cet enseignement et
se structurer sans avoir peur de disparaître.
Il a le choix entre explorer ce nouvel état et rester figé sans bouger. Il
ressent au plus profond de lui qu’il doit se construire autour de cette paix,
son instinct le pousse vers elle, mais cette attente de quelque chose
d’inconnu et le sentiment d’impuissance qui en découle lui fait craindre
l’inaction et le doute. L’équilibre des Deniers dans la carte et la sensation
d’inertie de la lame penchent de ce côté de la balance, d’où une inquiétude
fondée. La plante a tendance à isoler le haut du bas et à indiquer ainsi ce
double choix possible et simultané entre le matériel et le spirituel ou entre
deux possibilités différentes, sans qu’une décision soit vraiment prise.
En résumé : le Denier et le VI, réceptifs tous les deux, sont à l’écoute de
tous les éléments extérieurs qui pourraient faire percevoir à l’arcane cette
sérénité et le construire. Il déploie ses antennes, son écoute, à la recherche
de ce qui peut lui permettre d’être. Cette ouverture le fragilise, le sensibilise
et lui permet de connecter sa joie et de la nourrir. Le danger est de contacter
des informations mortifères. L’univers est peuplé d’énergies, bonnes et
mauvaises, qui cohabitent. Tout le travail du Denier est de les ressentir et de
les trier afin de se nourrir de ce qui fait du bien.
Est-ce que je me mets en danger, est-ce que je dois suivre mon intuition ?
Ce sont les questions du VI. Le V est au fond la fin d’un cycle car tout est
évolution, même la félicité doit évoluer, ne serait-ce que pour en
comprendre les rouages et lui permettre de revenir sur demande. C'est le
choix du VI, la conscience d’autre chose et la frustration qui va avec.
Sur l’action :
L’action qu’attend le VI ne vient pas de lui ou de son intention qui ne peut
qu’altérer les informations qu’il attend, mais elle vient de l’écoute du
monde. Une fois qu’une graine est sortie de terre, elle va devoir découvrir
ce que la nature peut désormais lui apporter. Ce qu’elle sait faire, prendre
l’eau du sol ou les nutriments venant de la terre, lui est toujours
indispensable, mais ce n’est plus ce qu’elle recherche exclusivement. Elle
va être confrontée à l’air, au soleil et aura besoin d’utiliser de nouvelles
propriétés telles que la photosynthèse, par exemple.
Dans cette nouvelle expérience de vie, ce qu’elle sait faire et la façon dont
elle peut agir ne lui servent à rien. Elle doit tout d’abord découvrir ce
nouvel état qu’elle rencontre désormais avant d’agir et adapter sa volonté et
ses actes à ce que la nature peut lui apporter. Une fois qu’elle aura fait
l’expérience de ce « nouveau monde », elle pourra, de nouveau, trouver des
stratégies pour se l’approprier. Le Bâton reprendra sa place et pourra de
nouveau participer à la construction de l’identité.
Sur la réceptivité :
C’est une histoire de famille, le Denier attend du Denier de construire le
Denier. Tout se passe en réceptivité. C’est espérer une information, peut-
être même un miracle qui a toutes les chances d’arriver. L’arcane guette son
intuition et son écoute et ne se fie qu’à elles. Cette situation est aussi juste
qu’éphémère ; une fois l’information venue, il faudra reprendre possession
de son pouvoir, de son Bâton. Cette association peut être excellente si nous
attendons une nouvelle ou un changement particulier. Elle peut en revanche
être anxiogène si elle est le signe d’une difficulté à se mettre en
mouvement. Le contexte dans lequel le tirage est fait donnera
l’interprétation de cette alliance, attente paisible ou difficulté d’agir.
Le cérébral :
Le mental toujours pressé et dans la peur a du mal à comprendre qu’on
puisse attendre quelque chose sans savoir quoi. Cela le met en danger et va
à l’encontre de ce pour quoi il est fait. Une partie de son rôle est de scanner
tous les dangers possibles en fouillant dans sa bibliothèque de catastrophes
prévisibles. Le Denier est vulnérable et cette écoute de l’inconnu, confiante
et sereine, l’inquiète d’autant plus qu’elle va à l’encontre de son rôle le plus
important : nous protéger de l’adversité.
Si, sans le laisser dominer et sans prendre le pouvoir sur notre capacité de
discernement, notre psychisme peut surveiller cet inconnu que nous
attendons avec curiosité, dans le désir et le plaisir de la découverte, il peut
nous permettre d’être ouverts et vigilants sans plonger dans la paranoïa.
Les émotions :
Le feuillage exige de pousser sans ses racines ! Le Denier a le temps et a
besoin de profiter de cet instant de sérénité, c’est seulement grâce à cela que
nous pourrons rencontrer les émotions sans être submergés ou brûlés par
elles. La Coupe est exigeante, elle a beau être notre devenir, et une des
aspirations essentielles de notre incarnation, elle n’est pas tout pour autant.
Des émotions ou des sentiments trop présents sans une assise claire et une
force intérieure ne peuvent nous mener qu’à un attachement servile et à une
dépendance qui nous feront souffrir. C’est le message de cette alliance :
« attention à ne pas aller trop vite et à favoriser nos désirs de rencontres au
détriment de notre propre place, toute teintée d’humilité soit-elle ». Il est
difficile d’être à l’écoute de soi et à l’écoute des autres. Les conflits
possibles sont nombreux, et la priorité doit toujours être donnée à l’écoute
de soi.

Le VII de Denier.
Pour le VI, les Deniers se faisaient face, et d’une certaine façon
s’annulaient les uns les autres, d’où l’inertie et le doute. Dans le VII, le IIII,
symbole de la structure, soutient le III du ciel. L’expression « les pieds sur
terre et la tête dans les étoiles » prend tout son sens. Pour le Denier, le VII
est un arcane très important car plus que dans les autres énergies, la
sensation d’être en place ou d’être à sa place lui appartient. Ce Denier
supplémentaire est la réponse aux interrogations posées dans le VI. Son
enseignement est qu’il faut faire le choix de l’incarnation et de la structure.
Ces quatre deniers renforcent la solidité et l’assise et permettent de s’élever
et de voyager vers le spirituel.
La fleur générée par la plante est en bas et sert de racine ou d’ancre. Elle
étaye l’importance de l’incarnation à ce niveau du cycle. Comme dans de
nombreuses cartes de cette énergie, les deniers sont séparés par la plante,
signe que chaque denier est individué, chaque place est unique.
Sur l’action :
Le VII est un chiffre impair et Yang. Le Bâton énergie Yang ne lui est pas
étranger. Il vit cet apport comme un soutien, une espèce de jumeau qui le
conforterait dans ce qu’il est. Cette alliance entre la force, la sécurité et
l’action est joyeuse, légère et signe de chance.
Il est remarquable de constater que le Denier, énergie Yin s’il en faut,
trouve, grâce à ce chiffre sept, une dimension Yang n’ayant rien à envier au
Bâton et pouvant même lui tenir tête. Cela renvoie aux symboles chinois du
Yin et du Yang où le Yang prend sa source du Yin et inversement. Comment
deux choses totalement séparées, sans rapport entre elles, peuvent-elles être
liées à ce point ? C’est à ce jour incompréhensible, et pourtant ! Il est
possible qu’un jour la science explique ce phénomène de la même façon
que la physique quantique a rencontré les mystiques de la Kabbale ou des
Upanishads. En attendant, ce constat est une source constante de méditation
sur la création de l’Univers et sur la non-dualité.
La réceptivité :
Ce n’est pas parce qu’on a souffert, même durant longtemps, que cela doit
continuer. Ne pas croire au bien-être que l’on ressent est le signe que cela
n’a pas toujours été simple, mais la malchance n’est pas une fatalité. Les
situations changent, la roue tourne. Figer le Denier et s’accrocher à lui est
l’expression d’un manque de confiance en soi et en la vie. Pour cet arcane,
la terre est un jardin, il n’y a qu’à se baisser pour en goûter les fruits.
Quelqu’un a écrit : « Il est irritant que la vie soit si simple »… Se laisser
porter par la confiance comme une planche de surf se laisse porter sur la
vague est la meilleure chose à faire, et la plus sage. Craindre le pire n’est
pas plus vrai qu’attendre le meilleur, c’est simplement une façon de se
préparer à la déception afin de ne pas être trop touché par elle. Entre
l’attente du pire et l’arrivée de celui-ci, on souffre simplement plus
longtemps et de façon plus structurée car on ne se sent jamais en paix, mais
soit dans une mauvaise période, soit entre deux mauvaises périodes. Ne
vaut-il pas mieux croire au meilleur, avoir confiance et se laisser porter ?
Cela ne changera pas la destinée dans le mauvais sens, au contraire cela
permettra à la joie et à la paix de s’enraciner en nous. Nous n’en serons que
plus forts, plus gais et donc mieux préparés à digérer les épreuves.
Le cérébral :
Comme pour le Bâton, l’Épée peut soutenir le Denier et le renforcer ou au
contraire semer le doute et distiller l’angoisse.
Le cérébral mis au service du Denier, c’est l’esprit mis au service de
l’incarnation et de la paix intérieure. La pensée, la réflexion et l’imagination
ont conscience que la force rencontrée dans le VII est un des buts essentiels
de notre vie. Le cérébral va se nourrir de cette paix, l’étudier et chercher
comment la reproduire à l’infini. Il est dans sa fonction de recherche et
d’analyse des phénomènes.
Il peut aussi distiller la méfiance et la zizanie. Ses autres fonctions de
contrôle et de surveillance sont un frein qui sème le doute et l’angoisse.
Pour cette partie du cerveau, rien n’est jamais acquis et tout comporte un
danger. Pour quelqu’un de peu structuré, cette paix peut être le terreau
d’une véritable paranoïa. Le dicton « après le calme, vient la tempête »
étaye cette perception de l’histoire mais quoi qu’en pense le mental, le réel
n’est ni les idées, ni les pensées, et sur le chemin de la spiritualité, de
nombreux sages de toutes traditions ont rencontré la félicité, s’en sont
nourri, l’ont gardée et en ont témoigné.
Les émotions :
L’As de Coupe en coiffant un Denier rouge et actif lui montre la voie mais
ne l’étouffe pas comme c’était le cas dans le II de Denier. Les deux Deniers
du haut de l’arcane l’empêchent de se poser. La Coupe, la couronne, est une
aspiration. Elle se présente à lui. Qu’il n’oublie pas que son devenir est
l’amour. Les quatre Deniers du bas de l’arcane restent solides, bien en
place. Les trois Deniers du haut de l’arcane restent, eux aussi, en place
signifiant que l’énergie du Denier n’est pas celle de la Coupe. « Quand le
disciple est prêt, le maître arrive » ; quand le Denier est en place, la Coupe
se montre. L’équilibre de la carte reste entier, les pieds sur terre et la tête
dans les étoiles, observant cette Coupe qui se présente. La position des
Deniers l’indique : la solidité (les quatre Deniers du bas) puis les trois
Deniers supérieurs de l’arcane, un sur la ligne intermédiaire symbolisant
l’élan puisant sa source dans la structure puis les deux derniers évoquent la
continuité de cet élan vers le ciel et la rencontre.

Le VIII de Denier.
Les Deniers sont tous séparés par la fleur centrale, mais nous pouvons
aussi les voir séparés en deux en ligne ou en quatre. Le VIII contient tous
ces aspects, les définitions du I, du II et du IIII, et plus encore puisque le
VIII est aussi le symbole de l’infini. Il est le chiffre du Divin : le VII –
symbole de l’incarnation – plus I, l’inconnu, cet espace qui ne nous est pas
accessible, l’Ein Sof des kabbalistes.
Le double carré, structure de la terre et de l’ancrage et structure du haut,
du Ciel, est une photographie de ce que serait l’incarnation dans sa sagesse
la plus ultime avec la notion d’impermanence. La prescience du Ciel
rencontrée dans l’arcane VII s’est structurée dans un autre carré comme si
ce Denier complémentaire avait stoppé l’aspiration du VII et comblé un
vide. Ce n’est pas la perfection ; le Denier supplémentaire, ce I, émanation
de l’inconnu, peut être aussi celui du doute et de l’anxiété quand il se meut
en absence, en attente d’une structure qui rassurerait et qu’on ne trouve pas.
C’est le grand problème du Denier, son énergie qui serait comme une
grande oreille à l’écoute de ce que lui transmet l’univers lui fait ressentir le
meilleur comme le pire et génère la peur si elle n’est pas confiante dans nos
capacités d’action et de protection.
La plante vient étayer cette vision du double carré grâce à la fleur et aux
pousses centrales qui sont plus importantes.
La complétude du VIII démontre que le Denier est une énergie à part
entière, elle n’est pas la promesse de l’énergie de Coupe mais un espace à
part entière avec une évolution qui lui est propre. La Coupe apparaîtra
quelle que soit la concré-tisation du Denier. Le message du Tarot est
simplement que quand le Denier n’est pas en place, la Coupe est synonyme
de dépendance, de souffrance et peut-être de soumission.
Sur l’action :
Le Bâton ne peut faire que du bien à cet arcane qui est l’expression de
notre écoute. Le Denier n’a ni le besoin, ni l’envie de l’utiliser, mais le
Bâton est là, disponible. Il apaise les doutes et rassure. Si une action est
possible, la réceptivité du Denier sera apaisée, elle pourra réagir en cas de
danger. L’inconnu est souvent source d’inquiétude et la puissance du Bâton
peut nous faire nous sentir puissants. Cette alliance est aussi une jolie
expression du Yin et du Yang.
La quête du Tarot est double : comprendre et profiter des arcanes qui nous
font voyager, et chercher à comprendre ou à ressentir quelle sera la nouvelle
évolution. Comme toute quête mystique, cela a à voir avec l’impermanence
des Tibétains et bien sûr la conscience absolue de l’inconnaissable : l’Ein
Sof des kabbalistes pour qui le Divin n’est pas seulement un mystère mais
un espace qui nous est et nous sera à tout jamais inaccessible. Le VIII est
écoute pure mais il n’est pas inerte. Tous ses sens sont en éveil et observent
l’univers. Il est la position du méditant observant la course des étoiles et
admirant la beauté de la Création. Le Bâton lui rappelle qu’il n’est pas
seulement ce témoin, mais qu’il participe, lui aussi, au mouvement Divin
dont l’énergie Bâton est une des sources.
La réceptivité :
C’est sa juste place. Cette alliance apaise l’angoisse naturelle du Denier et
renforce sa puissance. Le double carré ne laisse aucune place au doute, son
message est que si l’énergie est d’origine divine, ce qu’il se passe est juste
et ne peut que nous nourrir. Il forme un mandala sur lequel méditer ou prier
pour se nourrir de ce que nous avons voulu pour notre incarnation.
Construction sur Terre et construction de notre ciel. Le « Grand
Architecte », nom allégorique donné au Divin, prend toute sa place ; seul le
mouvement permanent du désir nous fera bouger et évoluer. Le plan divin
est en perpétuelle mutation, du moins à notre niveau de conscience, et la
croyance en une perfection amènerait une finalité et une inertie impossibles
à concevoir.
Certaines traditions enseignent que Dieu a créé l’Univers par pur besoin
d’action. Une partie de la Kabbale enseigne que le Divin, en tout cas la
partie que nous pouvons essayer d’appréhender, étant le tout, seul son
mouvement lui permet de sentir une différence avec son environnement et
donc de ressentir sa propre existence. Si nous nous baignons dans une eau à
la température de notre corps, au bout d’un moment nous ne sentons plus
les contours de notre corps, la seule façon de les ressentir sera d’imprimer
un mouvement. C’est ce que fait Dieu à travers sa création. Il est probable
aussi que le désir et le désir de créer soient inhérents à notre nature et à la
nature du Yang, et qu’il soit impossible de ne pas en tenir compte.
Le cérébral :
La sérénité du Denier dérange le besoin de contrôle et l’égo du cérébral. Il
se sent exclu, inutile et cela lui est insupportable. L’inconscient, plus
habitué à gérer et à alerter des difficultés qu’à accueillir la paix, se débat.
C’est la raison des colères sans objet ou des doutes que nous pouvons vivre
alors que tout va bien. Cette paix fait ressortir des systèmes de pensée
anciens et des structures mises en place dans l’enfance pour se protéger de
l’adversité. Cette alliance met en lumière un mal-être intérieur qui, enfin,
peut être ressenti et qui au contact de cette paix nouvelle peut être étudié et
apaisé. C’est un bon moment pour démarrer ou redémarrer une thérapie, qui
permettra une bonne fois pour toutes de terrasser nos dragons intérieurs
enfin mis en lumière. Le mal-être est extérieur aux évènements, c’est un état
intérieur et quoi qu’on fasse, quoi que la vie nous apporte, le vague à l’âme
restera. Les évènements n’y sont pour rien, d’où l’importance de le regarder
en face et de l’affronter, sans s’illusionner sur les raisons réelles ou
supposées qui l’ont déclenché.
L’émotionnel :
Le Denier se suffit à lui-même, ne pense pas avoir besoin de la Coupe et
du lien. Un des mauvais aspects de ce Denier, le narcissisme, est exacerbé.
Il vit l’appel de l’amour et des émotions comme une agression, voire une
intrusion dont il se défend en se rétractant. Il ne voit que la boule rouge
chapeautée par la couronne, qu’il associe à ce qu’il est et vit cela comme
une prise de pouvoir et la négation de son identité. Pourtant le Denier et la
Coupe, bien qu’étant liés, sont très différents et complémentaires. Ne se
vivre que comme Denier, c’est être isolé dans son orgueil, son égocentrisme
et la solitude. C’est, de plus, contre-nature : nous sommes des êtres de liens
et d’émotions. Donner la primauté aux sentiments sur l’identité, c’est se
sentir dépendant et soumis à l’autre. Les deux options sont douloureuses et
mortifères. Le Denier se doit de se sentir en place et fort et se doit de
s’ouvrir aux sentiments et à la relation à l’autre. C’est le sens du Tarot et ce
couple montre à quel point il faut être à l’écoute, et de soi et de l’autre, sans
s’enfermer dans ses peurs et une tranquillité illusoire.
Le VIIII de Denier est la transformation en ce qui concerne la santé,
l'argent, le statut social ou le désir de voyager. C’est une carte peut signifier
un profond mal-être et un besoin de changement, elle peut être, au contraire,
très bénéfique si le changement est amorcé ou espéré.
Le mouvement est la clef du Tarot, rien n’est figé, tout est mouvement et
impermanence.
Le VIIII est la fin d'un cycle et la perception d’un nouveau départ.
L’Hermite, l’arcane majeur VIIII, se sert de sa lanterne pour regarder vers
l’avenir. Le Tarot de Marseille est organisé autour de trois cycles majeurs :
de I à X, de XI à XX et le XXI qui est le troisième cycle à lui tout seul. Les
arcanes X et XX ne sont pas la fin des cycles mais sont plutôt des pauses
karmiques sur lesquelles il est possible de faire le point sur ce que l’on vient
de vivre, comme les silences en musique qui permettent de respirer entre
deux lignes musicales.
L'arcane VIIII nous porte vers le second cycle, tout comme l’hiver est la
promesse du printemps et de la renaissance. Les arbres poussent car les
fruits tombent, déposant leurs graines ou leur noyau, et les feuilles sur le sol
se transforment en humus et en nutriments pour nourrir les futures pousses.
Quelque chose doit changer et peut-être même mourir pour laisser place à
l’évolution. Il faudra changer d’appartement ou accepter l’idée qu’on est
dans l’erreur ou qu’un cycle ou une expérience qui ont pu être agréables,
soient terminés et laissent place à quelque chose de nouveau. Pour la santé,
cela peut être le signal qu’il est temps de changer d’hygiène de vie. De
façon plus subtile, il est important de se poser la question de la perception
qu’on a de soi et de sa présence au monde. Est-on satisfait de ce que nous
sommes ? La voie que nous avons prise est-elle la bonne ? La réponse n’est
pas forcément non, elle peut être oui mais le recul sur soi pris quand on se
pose cette question est indispensable soit pour changer, soit pour se rassurer
sur ses choix.
Le dessin de la plante est particulier, on retrouve les deux carrés du VIII,
matériel et spirituel, et le Denier central, symbole de changement, est
encerclé par la plante qui donne une indication du mouvement de l’énergie.
Les pétales de la fleur du haut sont rouges, le centre bleu. La fleur est
active, nourrit le ciel et vibre, son cœur est réceptif à l’écoute de ce qu’il
reçoit. Il y a une inversion des couleurs et donc de l’énergie au niveau du
Denier central et la fleur du bas est à l’inverse de celle du haut de l’arcane.
Elle devient réceptive aux énergies de la terre. La terre, de ce fait, nourrit le
ciel de son essence dans un mouvement complexe, source de méditation et
d’initiation constantes.
Sur l’action :
Une maxime enseigne que quand l’adepte est prêt, le maître arrive. Quand
le VIIII de Denier prend conscience de l’évidence de son besoin de
transformation, le Bâton, l’action, se présente à lui de façon quasi
surnaturelle. C’est le cas quand on se sent empêtré dans « il faut que cela
change » et qu’une solution intervient. Une autre évidence se profile qui est
qu’en agissant d’une certaine façon, la situation se dénouera.
Nous avons le potentiel et la capacité de nous sortir de toutes les
situations, même les plus inextricables. Le VIIII de Denier est inactif et
incarne la transformation, c’est un mystère ! Il n’y a pas d’autre solution
que d’attendre un miracle et ce miracle existe. Il suffit de patienter en
essayant de ne pas être trop négatif, de se souvenir de notre côté
indestructible et des situations passées dont on s’est sorti, quelques fois
même avec panache. C’est, donc, aussi, le signe d’une énergie et d’une
vitalité fortes qui font qu’on peut se sentir fort malgré la tempête.
La réceptivité
Le Denier est une énergie à part entière, qui se suffit à elle-même. La
transformation ne peut se faire qu’à travers elle. Cela met en lumière notre
écoute et notre sens de l’observation. Puisque nous devons nous
transformer, nous explorons ce que nous ressentons de l’énergie du Denier
afin de participer à ce changement, voire de l’anticiper. Nous nous mettons
à l’écoute de tout ce que nous avons vécu et compris de cette vibration afin
d’être présents à cette nouvelle étape et de ne pas passer à côté de cette
expérience importante.
On ne change pas de cycle tous les jours et la curiosité, la joie et la
confiance sont des qualités de notre être qui ne demandent qu’à s’exprimer.
Sentir une nouvelle force et une nouvelle façon de percevoir son identité est
une bonne occasion de se sentir léger et dans une écoute sereine.
La quête mystique à travers l’attente d’un message de l’univers est une
bonne illustration de ces arcanes.
À l’inverse, ne pas accompagner ce changement et le vivre difficilement
malgré l’évolution que cela sous-tend et son côté inéluctable peut nous
contraindre à nous durcir au point de nous faire mal, y compris
physiquement.
La grande dualité du Denier, confiance ou angoisse, prend tout son sens
dans cette alliance entre le VIIII de Denier et un autre arcane de cette même
vibration du Denier.
Le cérébral :
La tête impose et tranche. Le problème majeur du Denier, l’angoisse liée à
son inactivité, trouve avec l’Épée très active de quoi se rassurer et se
structurer. Le cérébral permet de prendre de la distance et de profiter
pleinement de la grâce que le Denier peut suggérer quand il se sent en paix.
Le Yin et le Yang fonctionnent en syntonie et l’intelligence, la
compréhension induites par le mental, permettent d’analyser cette paix
ressentie, ce qui rassure et permet de voir l’avenir avec bienveillance, bien
que cet avenir soit tourné vers le changement et l’inconnu. Notre intuition
nous dicte que ce changement est bénéfique ; cela provoque un coup
d’adrénaline qui nous fait espérer cette transformation avec une impatience
non feinte.
L’envers du décor est quand le mental prend trop de place par rapport au
Denier, dans ce cas la tendance à trop intellectualiser nous empêche de
profiter de cet instant. Le cérébral doit être à l’écoute de l’expérience et
l’enrichir. Le problème vient quand il se l’approprie et nous coupe de nos
sensations.
L’émotionnel :
Cette conscience du changement ou de devoir changer permet au Denier
toutes les ouvertures possibles et la Coupe en est une qui semble évidente. Il
est ravi de rencontrer des émotions et de ressentir de nouvelles sensations.
Son voyage parmi les arcanes lui a permis de vivre et d’explorer la
puissance liée à la paix et surtout liée à la confiance en lui. Il est prêt à aller
à la rencontre de ses émotions et des vagues provoquées par la présence
d’autres personnes ou stimulations. Même un trop grand désir d’aimer ou
d’être aimé ne le déstabilisera pas complètement, il peut même le vivre
comme une expérience instructive le mettant face à ce qu’étaient ses
faiblesses dans le passé et qu’il se sent capable de surmonter aujourd’hui.
Le X de Denier est l'évolution du cycle vers sa maturation. Il ressemble à
deux châteaux forts entourant deux donjons. Cela illustre ce qu’est cette
carte : la puissance et la sécurité en bas, dans l’incarnation, sont couvertes
par la puissance et la sécurité en haut, dans l’esprit et le spirituel. La plante
entourant chaque Denier est harmonieuse et équilibrée. L’art et la beauté
sont l’expression ultime de cette énergie. Le premier cycle du Denier était la
quête de paix et de sécurité, ce dernier cycle indique qu’une fois que celles-
ci sont acquises, la finalité de cette vibration est l’équilibre et l’harmonie. Il
ne peut y avoir de sagesse et de paix réelles sans beauté, c’est une des
propositions de réflexion du Tarot. La plante, qui fait partie du voyage du
Denier, nous indique comment cette énergie s’ancre dans le réel et la
matière. Tantôt les racines vont vers le sol et/ou le ciel comme dans l’As, et
tantôt elles sont tentaculaires comme dans le III ou puissantes et très
présentes comme dans le IIII. Dans le X, la plante est parfaitement
structurée, la fleur centrale qui était dans le IIII se change en cet arbre de
transmission nourrissant les fleurs et les Deniers et prend la place de
Tiphereth, la bulle d’énergie centrale de l’arbre des Sephiroth, accentuant le
lien entre cet arcane et l’harmonie.
Sur l’action :
Le X se suffit à lui-même. Sa solidité et son sens de l’harmonie
provoquent un sentiment de satiété qu’il est difficile de faire évoluer. Le
Bâton est là pour lui faire comprendre que tout est impermanence. Sa
présence est double : d’une part, il est prêt à mettre un coup de bâton et
participer de ce fait au changement, d’autre part, il est énergie Bâton, le
pendant manquant du Denier, il est donc un message, une ouverture vers
l’inconnu. Cela permet au Denier de se « dé-scléroser » et d’accueillir ce
qu’il n’est pas, peut-être même ce qu’il ne comprend pas. Lui qui est
réceptivité, et d’une certaine façon inertie, rencontre le mouvement, ce qui
lui permettra d’aller vers de nouvelles vibrations, différentes de ce qu’il
connaît, et de se dépasser. Cette alliance est un bon tremplin pour évoluer
vers l’énergie Coupe.
La réceptivité :
Le Denier est en extase face à lui-même, il profite de son état de satiété et
ne sait pas comment en sortir. Lui qui est l’incarnation de la simplicité et de
l’humilité peut se révéler, quand il décompense et se sent mal à l’aise,
extrêmement égotique. Son manque d’action, son immobilité, peuvent
devenir inertie totale et angoisse, ou orgueil et vanité. La vie est mouvement
et un état est censé chasser l’autre : les désirs et les envies se succèdent
réussite après réussite. Oublier cette règle de l’énergie Yang et de
l’incarnation peut se révéler extrêmement anxiogène.
Il peut aussi se transformer en état mystique. Arrêter tout mouvement pour
rencontrer l’univers est le but ultime de la méditation ; de façon plus
rationnelle, cela peut signifier attendre qu’une information arrive de
l’extérieur pour agir. Quoi qu’il en soit, cette alliance non maîtrisée est le
signe qu’il faut réfléchir à l’après et accepter l’idée que le changement n’est
pas forcément source d’ennuis.
Le cérébral :
Le Denier est le siège de l’humilité quand il est en paix et dans
l’acceptation du changement, mais l’Épée en combinaison avec le X de
Denier symbolise l’égo dans son sens le plus individualiste. Il peut aussi
être le Surmoi et l’orgueil. L’As, par exemple, est flamboyant, couronné. Le
X de Denier ne recherche que l’harmonie et l’équilibre. Le besoin de briller
de l’Épée l’oppresse, le dérange. Les autres Épées sont moins flamboyantes
mais elles peuvent, elles aussi, être très narcissiques. Le Denier est dans une
forme de simplicité, même son sens de l’esthétique est proche de la nature
sans fioriture et chose inutile, il se sent plus proche des tableaux de
Botticelli que de ceux d’Arcimboldo. L’Épée est plus complexe et
tortueuse. Cette alliance nous signifie que les choses les plus simples sont
souvent les plus sereines. Surveillons notre égo et nos rêves de grandeur.
Même s’ils sont parfaitement légitimes, ils demandent du temps, du travail
et de la simplicité.
L’émotionnel :
Le Denier est l’énergie de l’introspection et de la quête intérieure. Il
recherche en lui la sagesse. La Coupe est la relation à l’autre, aux émotions
et aux sentiments. Quoi de plus opposé ? Et pourtant la Coupe est le devenir
du Denier, ils sont profondément complémentaires et ne peuvent exister
l’un sans l’autre. Sortir ces deux cartes l’une à côté de l’autre, c’est
chercher à rencontrer son inconscient.
Comment le fait d’être en paix seul, sans personne, nous amène-t-il à
rencontrer l’autre et à être à l’écoute de ses émotions ? C’est une question
essentielle et un véritable mystère car si le besoin, la frustration ou la peur
d’être seuls (en contact avec son Denier), nous poussent à la rencontre, ce
n’est pas le cas de cette alliance dans laquelle le Denier pourrait se suffire à
lui-même. Elle nous renvoie au fait que la recherche du lien n’est pas
imposée que par le manque. Il existe autre chose en nous qui nous pousse à
nous rencontrer. L’instinct grégaire, l’âme ou le désir ? À ce stade, nous ne
le savons pas vraiment, mais nous le constatons comme une évidence. Le
Denier va sentir la Coupe, comme deux âmes jumelles peuvent se sentir en
résonance sans comprendre pourquoi, ni comment.
Le Valet de Denier est l'enfant dans l’énergie du Denier : il est
l’innocence, le désir. Il a la curiosité concentrée qu’ont les enfants quand ils
découvrent quelque chose qui les intéresse. Il a l'œil fixé sur un Denier. Il ne
voit que celui-ci, alors qu'il y en a un autre qui est dans la terre, à ses pieds.
C’est la double position du Denier : la sécurité extérieure ou la sécurité
intérieure, l’argent ou l’ancrage. Où est notre place ? Est-ce la conscience
que nous avons de nous ou celle donnée par l’extérieur, les possessions, les
désirs ? La terre nous nourrit, le sol est couleur chair et les plantes ont des
reflets dorés qui prouvent que la terre les abreuve. La sécurité est à
l’intérieur de cette chair, de notre chair, à l’intérieur de nous. Aujourd’hui
cela semble une évidence mais à l’époque de la Renaissance la conscience
que nous avions de la vie était différente. La mort était plus présente et la
foi valorisait le Ciel de façon beaucoup plus importante qu’aujourd’hui. Le
Valet de Denier s'intéresse au concret et à la sécurité. Ce qu’il voit avant
tout est l'argent, et ce qui génère la sécurité extérieure. D’ailleurs, il est
possible que son regard soit fixé sur le Denier mais il est aussi possible qu’il
soit fixé sur l’horizon, dans l’attente que quelque chose ou quelqu’un se
présente.
Il sort de l’enfance. Durant cette période, ses parents, eux aussi extérieurs
à lui, le nourrissaient et le protégeaient. Devenu jeune adulte prêt à
embrasser la vie, il fait un déplacement de ses parents, de cette sécurité
extérieure à lui, vers l’argent et vers quelque chose qui pourrait se présenter
pour continuer à le sécuriser. Un extérieur remplace l’autre. Le cerveau
limbique qui gère les sensations et les émotions se nourrit d’expérience et
exclusivement d’expérience. Sa mémoire ne fait référence qu’au vécu et
exclusivement à lui. Si notre vécu nous fait ressentir que nous ne sommes
pas capables d’être sereins, en paix sans apport extérieur, sans être rassurés
par lui, alors il continuera à rechercher cette présence extérieure pour se
rassurer : les parents quand il est enfant, puis il déplacera ce besoin de
sécurité sur ce qui est censé nous sécuriser adultes : l’argent, la possession
ou d’autres adultes dont il sera dépendant.
Sur l’action :
Le Bâton se présente et montre au Denier quelle est la direction à prendre :
l’action ! Mais le Valet garde l’œil fixé sur son Denier ou sur l’horizon. Il
ne voit pas en quoi il pourrait agir, il reste accroché à ses dépendances,
convaincu qu’il est incapable d’être autonome et de se satisfaire lui-même.
Cette alliance lui indique à quel point il est dans une prison de laquelle il ne
peut pas sortir. Il doit se prendre en main et sortir de son aveuglement. S’il
accepte de l’entendre, ce qui n’est pas sûr, il aura probablement besoin de se
faire aider afin de retrouver cette confiance en lui qui est totalement
absente. Le message d’espoir est que le Bâton est présent et malgré tout lui
montre la voie. Quand il sera prêt, il lui sera possible de le prendre et d’agir,
seul moyen de passer des dépendances extérieures de l’enfance à
l’autonomie.
La réceptivité :
Malgré les excès du Valet, le Denier reste sage. Il est l’énergie de la paix.
Il se montre au Valet dans sa puissance, dans l’espoir de l’apaiser. Il lui dit
de ne pas être inquiet, que le but n’est pas la possession mais l’harmonie. Le
Valet a beau être trop angoissé pour être à l’écoute du monde, le Denier, à
force de distiller son message, finit par le faire passer. Il lui faut de la
patience et de la ténacité, mais il n’en manque pas. C’est une relation de
maître à disciple où le maître, le Denier, dans sa bienveillance, est à l’écoute
et est prêt à attendre que les affres du Valet se calment pour lui enseigner.
Patience et espoir sont les maîtres-mots de ce tirage où le simple fait de
mettre ces deux arcanes l’un à côté de l’autre suffit à pacifier la situation.
Le Valet vit les problèmes de sécurité de façon très émotionnelle, d’où son
côté obtus, obnubilé par les possessions et par ce qui détient un peu de
pouvoir, mais contrairement à ce qu’il pense, tout passe, et le chemin de la
sagesse l’amènera à se détacher de ce Denier qui est devant lui. À cet
instant, il pourra se consacrer à son ancrage et à sa sécurité intérieure. Il
constatera que la terre est un jardin où l’abondance est partout et que
d’autres formes de sécurité existent.
Le cérébral :
La violence de l’Épée répond à l’obstination du Valet. Cela peut paraître
douloureux mais c’est, au fond, un bon moyen de faire prendre conscience
de la réalité. Il y a des échéances graves et rapides ; l’Épée contraint le Valet
à regarder la réalité en face sans faire l’autruche, ce qui est le seul moyen de
réagir. La situation entre eux est tendue mais il faut, quelques fois, être sans
compromis pour se sortir des ennuis. L’Épée est le cérébral, sa difficulté est
qu’elle voit les situations avec lucidité mais n’est pas réellement dans
l’action, or seule celle-ci peut sortir le Valet de ses ennuis et de son
enfermement.
Il est l’enfant de la vibration qu’il représente. Il n’est pas vraiment dans de
grosses difficultés, et agit avec entêtement, immaturité et inconscience, sans
être face à un danger réel. Il n’est pas menacé de ruine et de destruction, qui
sont les grandes peurs du Denier, par exemple.
L’émotionnel :
Le Valet regarde le Denier et la Coupe apparaît comme un message, un
enseignement ou une vision mystique. La Coupe se présente comme l’alpha
et l’oméga du Denier. C’est dans la relation parentale et l’amour que
l’enfant construit sa sécurité intérieure ou sa peur du lendemain.
La véritable façon de se sentir en sécurité est de revisiter cette relation. Il
ne s’agit pas de regarder vers l’extérieur de soi mais d’observer comment,
comme dans l’As de Coupe, le Denier s’est construit. Il est rouge, actif et se
nourrit de l’or de la couronne qui le coiffe. C’est de la façon qu’il a de se
nourrir dont dépendra par la suite sa relation au monde, à la peur du manque
et à la dépendance.
Un des dangers que peut incarner la juxtaposition de ces deux cartes est
que le consultant se sente complètement assujetti à une relation
sentimentale, qu’il se sente prisonnier de ses affects, d’où l’importance de
revisiter la façon dont il s’est construit et quelle est son autonomie face à
ses émotions.
Quelle capacité a-t-on de se sentir indépendant face à sa sensibilité et aux
sentiments ? La réponse de cette alliance est qu’il faut se nourrir de toute
l’affection dont on dispose. En vivant et en vibrant au cœur de cet amour, le
Denier est vivant, rouge et actif, il se sent en phase avec son identité. Cela
est particulièrement visible avec l’As qui symbolise la plénitude de la
vibration qu’il représente.
La Reine de Denier et le Roi de Denier représentent les deux excès de
l’énergie Denier.
La Reine de Denier porte son Denier devant les yeux, elle ne voit que lui
et contrairement au Valet, elle n’en a pas d’autre qui pourrait équilibrer la
situation. Son Bâton, un sceptre, est posé sur son bras. Elle ne semble pas
décidée à s’en servir. Elle est tournée vers le passé et n’a d’yeux que pour
ce gigantesque Denier qu’elle tient devant elle, presque collé à son visage.
Elle est à la recherche d’une sécurité ou d’une gloire passée et elle est
dépensière et obnubilée par l’argent. Elle représente les excès, les folies. Sa
tenue est harmonieuse et équilibrée, elle aime les bals, les fêtes et est prête à
toutes les folies dispen-dieuses. Elle est généreuse et peut donner sans
compter. Elle fuit toute introspection et peut passer pour légère et
superficielle. Elle est dépendante, y compris affectivement, et se sent
incapable d’imaginer qu’elle pourrait se satisfaire seule. Elle a des moments
de solitude importants, voire d’isolement, qu’elle fuit à travers le tourbillon
de la vie
Sur l’action :
Elle a tendance à prendre l’énergie Bâton pour son jardinier. Cette
vibration est la quête de la puissance par la force, l’action et le travail ; la
Reine de Denier est à l’opposé de ces valeurs. Ce sont deux mondes qui ne
se rencontrent pas et sont totalement inconnus l’un de l’autre, mais pas
nécessairement en opposition, simplement ils s’ignorent et se méprisent un
peu. Quand la Reine a besoin du Bâton, elle l’utilise comme on utilise un
vassal pour un besoin concret et précis puis retourne à sa vie de paillettes et
de dépenses. Le message est pourtant clair : la Reine a beaucoup plus
besoin du Bâton que l’inverse, elle ne peut que se noyer et disparaître dans
ses excès et seuls la vitalité de l’action et le désir peuvent lui permettre de
se sécuriser et de cesser d’être inquiète en permanence. Il est probable
qu’elle ne l’entende pas mais c’est ainsi ! Une fois que le consultant
changera de posture et cessera d’incarner la Reine de Bâton, il lui sera facile
de trouver des solutions concrètes à ses soucis et de vivre un peu plus
sereinement.
La réceptivité :
Cela pourrait être un signe de chance, ce Denier tant convoité est enfin là.
C’est le bon moment pour jouer à des jeux d’argent, chercher un
appartement ou finaliser un projet important. La Reine voit aboutir ses
désirs et ses envies à la hauteur de ses espérances, attention simplement à la
chute. Une angoisse chasse l’autre et il est probable qu’elle se déporte sur
un autre support, mais ne boudons pas notre plaisir et profitons de l’instant
tel qu’il se présente, le carrosse se changera en citrouille bien assez tôt. La
Reine de Denier est une éternelle insatisfaite et quels que soient ses
réussites et ses moments de bonheur, sa frustration prendra toujours le
dessus. Ces deux cartes mises côte à côte pourraient être aussi l’occasion de
se poser les vraies questions sur notre rapport à la sécurité. Le Denier géant
que regarde la Reine, mise en valeur par cette alliance avec l’énergie du
Denier, représenterait un bon moment pour s’intérioriser et chercher à
mieux s’écouter. C’est le bon moment pour explorer cette énergie et
découvrir ce qu’elle propose mais rien ne dit que la Reine ait ce désir. Et si
elle l’a, il est probable qu’il ne soit pas totalement sincère et que cela ne soit
qu’un subterfuge pour calmer ses angoisses immédiates. Mais c’est toujours
un premier pas, et qui sait ce qu’il peut advenir…
Le cérébral :
Les nuages s’accumulent et l’orage n’est pas loin. Il faut bien que quelque
chose prévienne la Reine que sa voie n’est pas la bonne. On ne peut pas
dépendre des autres, faire des chèques sans penser aux conséquences ou
tout simplement s’étourdir pour fuir l’angoisse liée à la sensation d’abandon
vécue dans l’enfance sans que cela ait des conséquences sur ses finances, ou
sa santé physique ou psychique. C’est le rôle de l’Épée et du cérébral de
nous prévenir. L’anxiété, à son comble, est le symptôme qu’il faut chercher
la félicité dans un autre style de vie. Il est grand temps d’explorer ce Denier
qui était dans le sol du Valet et de chercher à comprendre ce qu’il signifie.
La Reine possède un Bâton, elle est donc créatrice mais elle a transformé le
Bâton en sceptre, instrument de sa majesté. Mais le pouvoir n’est pas tout,
en ce qui la concerne, il est même une fuite en avant qui s’apprête à
s’achever. Cela ne signifie pas que le futur sera funeste, au contraire, mais il
faut réellement s’interroger sur sa vie et ses choix.
L’émotionnel :
La pauvre Reine est prisonnière de la Coupe et en souffre, toute la vacuité
dont elle est construite la fait se sentir seule et dépendante. Elle a beau
montrer ses sentiments et, en tenant son Denier droit devant elle, exprimer
en quoi consiste sa souffrance, la Coupe, dans sa gloire et son insolence, ne
la regarde que comme un instrument d’adoration. Elle l’utilise et la
manipule. C’est le conflit entre deux narcissismes et le Denier subit
clairement celui de la Coupe : soit la Reine accepte cette soumission et y
trouve son intérêt, soit elle peut tomber en dépression. L’amour est son
Graal suprême. Toute sa vie, elle a voulu être aimée mais le déséquilibre
entre un intérieur qu’elle croit vide et le tourbillon extérieur dans lequel elle
se noie, lui fait perdre pied et montrer l’extraordinaire manque de confiance
en elle qu’elle refoule depuis toujours. Ce manque s’exprime enfin et lui
fait perdre tous ses moyens. Cette interprétation peut paraître difficile mais
de nombreuses personnes acceptent cette situation sans difficulté excessive.
Le Tarot est un révélateur et la dépendance va à l’encontre de son
enseignement le plus intime, d’où sa fermeté.
La ressource dont dispose la Reine est son sceptre, émanation de l’énergie
Bâton : elle peut se révéler très créative et imaginative et retombe toujours
sur ses pieds.
Le Roi de Denier semble montrer, de par son attitude, une certaine
désinvolture. Son Denier n’est pas très gros, comme s’il n’avait que peu
d’importance. Il regarde la sécurité, pourtant fondamentale, comme si elle
ne le concernait pas. Il ne faut pas trop s’y fier, tout son corps protège son
Denier, signe qu’il est, peut-être, beaucoup plus important qu’il n’y paraît.
Le personnage fait corps avec son fauteuil dont une partie est couleur chair,
signe qu’il est beaucoup plus intéressé par la matière qu’il n’y paraît. Sous
des dehors nonchalants, il peut se révéler redoutable en affaires et beaucoup
plus proche de son argent ou de son pouvoir qu’il n’y paraît. Il est le seul
Roi du Tarot à ne pas porter de couronne, et seulement un chapeau. Dans le
Tarot, la royauté vient de Dieu et ce qui intéresse le personnage n’a pas
grand-chose à voir avec le Ciel, il est exclusivement intéressé par ce qu’il se
passe ici-bas. Il peut être richissime et radin ou extrêmement pauvre, il est,
lui aussi, à sa façon, dans le manque permanent, qu’il gère à l’inverse de la
Reine. Elle est dans l’excès et l’abondance et lui dans la retenue et le
manque.
Le dédoublement de la barbe suppose un clivage, une dualité. Ce Roi
aurait besoin d'être dans l'action mais il ne l'est pas, il est même figé dans
son fauteuil avec lequel il fait corps et n’a aucune envie d’en bouger.
Sur l’action :
Le Bâton se montre et le Roi le regarde avec mélancolie : il sait qu’il a
besoin d’action et de mouvement mais il se sent totalement impuissant et
incapable de prendre ce Bâton qui se présente. Cela le renvoie à sa
situation, qu’il voit tout d’un coup comme une prison dont il ne peut sortir.
Cela le fait somatiser et il peut tomber malade ou vivre une dépression. Cela
lui montre ses limites et le renvoie à des angoisses qui sont omniprésentes
sous ses dehors nonchalants. Il a une conscience aigüe de ce qu’il faudrait
qu’il fasse mais en est incapable, c’est l’archétype de la dépression. Son
Denier, son manque, est comme une blessure ouverte qu’il met toute son
énergie à contenir. Il ne peut pas aller vers l’extérieur ni utiliser l’énergie
pour agir et être seulement préoccupé par la gestion de ses blessures.
Fondamentalement et quelle que soit sa façon d’être dans la vie, il vit une
dépression plus ou moins latente.
La réceptivité :
En mathématiques moins par moins égale plus. Ce Denier démultiplié, ou
gigantesque dans le cas de l’As, contraint le Roi à le regarder de près. Dans
l’arcane, il le garde par-devers lui mais ne le voit pas ou plus. Le mettre
devant d’autres Deniers qu’il peut observer et étudier, lui permet de voir qui
il est vraiment et où sont ses failles. Il n’est plus soumis à ses besoins mais
peut les mettre à distance, seule façon de les transformer et de moins en
souffrir. C’est un message d’espoir et une opportunité, le Roi ne se sent plus
identifié à son manque et à ses blessures, il se sent enfin libre et est prêt à se
transformer en Cavalier de Denier, arcane synthèse de l’énergie.

Le cérébral :
Le Roi toujours dans ses doutes attend un signe du Ciel, il croit en la
pensée magique, et la couronne, qui lui fait défaut, coiffe l’As d’Épée. Il le
voit comme un signe d’un possible miracle. Les autres cartes d’Épée dans
leur souci d’esthétisme lui donnent l’illusion que la vie est belle et que la
situation peut s’arranger. C’est le royaume des rêves, de la pensée magique
et des phrases toutes faites du type « tout est écrit » ou « ce qui doit arriver,
arrive ». Derrière ces croyances se cachent un grand sentiment
d’impuissance et la peur réelle d’une catastrophe imminente. Toutefois,
l’Épée reste l’arcane de la réflexion et de l’intelligence, ce qui ne manque
pas au Roi ; s’il arrive à arrêter de croire au miracle, il trouvera
probablement la solution à son problème immédiat, mais cela demande du
recul et de l’humilité. À ce propos, les miracles qui arrivent quelques fois
demandent de l’humilité, eux aussi. Si le Roi accepte de ressentir sa solitude
et sa peur, sans chercher à les fuir à travers la quête de possessions, il est
probable qu’il se sorte de ses ennuis.
L’émotionnel :
Le Roi s’est souvent senti trahi et retrouver l’énergie Coupe ravive ses
blessures. Il a beau savoir que l’amour et les sentiments lui feraient du bien,
il ne peut pas se résoudre à redonner sa confiance, il est un dépendant
affectif qui est terrorisé par le fait qu’il pourrait de nouveau souffrir. Les
gens sentent sa fragilité qu’il ne peut cacher et il est convaincu que tout le
monde cherche à le dépouiller. Autant la Reine peut jouer avec les
sentiments et ne rien ressentir, autant lui, est hypersensible et pense qu’il ne
peut qu’avoir mal au contact des autres. Il est tout en retenue, mais quand il
donne, c’est avec un abandon total. Il faut qu’il se dise qu’une relation se
construit sur le temps et que seule la patience apporte la confiance. Fuir le
monde ne sert à rien et tomber amoureux trop vite est un leurre qui ne peut
que mal finir.
Le Cavalier de Denier a compris et intégré ce qu'était l’énergie. Il regarde
un Denier et porte un Bâton de couleur or. Le Denier est un but mais le
moyen d’y parvenir est dans l’action et le mouvement. Il monte un cheval
entièrement fait de chair avec des sabots bleus. Il avance tranquillement,
l’arcane exprime la maîtrise, le contrôle et l’équilibre. Le Cavalier a un
Denier en ligne de mire, il ne le perd pas de vue mais il n’éprouve pas le
besoin de le prendre. Il sait que c’est grâce à son action qu'il va pouvoir
gérer son incarnation. Le Cavalier et son cheval sont bien proportionnés (ce
n’est pas le cas du Cavalier de Coupe, par exemple). Ils font corps et
regardent dans la même direction. Ils vont de concert dans un mouvement
fluide et bien en place. La conscience et le corps, la volonté et l’incarnation
sont en phase. Le Cavalier est le maître du Denier, sa compréhension nous
permet de ressentir et maîtriser cette énergie essentielle à la vie.
Sur l’action :
Le but du Cavalier reste la sécurité et l’incarnation. Sa volonté doit être
mise à leur service et non au service de la créativité. Il est important de ne
pas perdre de vue que l’énergie Yang doit être au service du Yin, sinon elle
part dans des divagations égocentriques et violentes. Le danger de cette
alliance est de l’oublier et de se noyer dans une action dont le but ne serait
pas d’asseoir sa qualité de présence sur terre. Mais la plupart de temps, un
excès d’énergie Yang ne nuit pas et peut permettre de se rassurer et de
s’ancrer plus profondément. Tout est dans l’équilibre et la conscience de ses
besoins authentiques qui restent dans cette alliance de l’ordre du Denier et
non de la créativité.
La réceptivité :
Le Cavalier est la quintessence de l’énergie Denier, il n’est pas le maître
du Tarot. L’ancrage est important pour créer et s’élever. Le Denier est
important pour placer une assise, se sentir en sécurité et permettre à
l’identité d’exprimer et d’incarner les autres énergies du Tarot. Cette
alliance très axée sur le Denier tourne un peu en boucle et ne laisse pas la
place au désir, l’autre grande vibration de la vie. Le Bâton porté par le
Cavalier est chargé de nourrir le Denier, mais où sont les pulsions, les
envies, la curiosité de l’inconnu, le besoin de créer ou d’aimer ? Toutes ces
choses qui font le sel et le sens de la vie ? L’enseignement des Cavaliers, les
maîtres de leurs domaines, est que la sagesse inclut le dépassement. Le Yin
appelle le Yang et inversement, c’est pour cela qu’ils portent, au minimum,
une représentation emblématique d’une autre énergie.
Le Cavalier de Denier porte un Bâton.
Le corps du cheval du Cavalier de Bâton est couleur chair, couleur
associée au Denier.
Le Cavalier de Coupe est en mouvement.
Et celui d’Épée est rempli d’or, symbole de la royauté et de la Coupe.

Le cérébral :
La rencontre entre le Cavalier de Denier et l’énergie Épée est la rencontre
entre la sagesse intuitive et puissante de celui qui sent et le cérébral, les
pensées et toute l’agitation liée au mental. Le Cavalier serait plutôt un
méditant ne cherchant pas trop à analyser et fuyant le brouhaha intérieur
que provoque notre cerveau. Les pensées l’entraînent toutefois vers l’autre
et l’obligent à sortir de lui et à regarder le monde indépendam-ment du
plaisir évident qu’il a à rester dans sa paix intérieure. C’est le grand
challenge de la vie, être serein et en lien. Les pensées s’agitent, le Cavalier
les rencontre, les affronte et cherche à ne pas être déstabilisé. Il est même
possible qu’en les écoutant, il prenne conscience de la route à suivre
maintenant qu’il est ancré. Quoi qu’il en pense, il ne peut pas vivre en
autarcie et contrôler non seulement son état intérieur, mais aussi ses pensées
et le brouhaha que le monde lui envoie. La relation à l’extérieur fait partie
de l’évolution.
L’émotionnel :
La Coupe est l’évolution logique du Denier et le Cavalier le sait. Il se fait
un plaisir, maintenant qu’il se sent en place, à être à l’écoute de ses
émotions et de ses sentiments. Il est prêt à rencontrer l’affection et l’amour
et se sent mieux armé face à la dépendance affective qui l’a tant fait souffrir
dans le passé. Il sait que grâce à l’action, le Bâton qu’il porte, et en ayant le
Denier, la sécurité intérieure, en point de mire, il pourra s’épanouir dans une
relation forte et fructueuse. Il est, en tout cas, prêt à relever le défi. C’est
une alliance très joyeuse et aventureuse, le Cavalier se sent prêt à relever
tous les défis.
Les Épées

Le cérébral et les pensées sont une des formes de l’énergie Yang, l’Épée
est perçue comme un mouvement énergétique plus complexe et élaborée
que le Bâton, c’est en cela qu’il est considéré comme le second degré de
l’énergie Yang et du Bâton. Le Bâton est la force brute, pulsionnelle, le
désir tel que nous le partageons avec les autres mammifères. L’Épée est
cette pulsion empreinte de notre cérébralité, soumise à la raison et à la
réflexion. Nous avons besoin de ces deux formes d’action. La forme
« brute » et un peu sauvage, et une forme plus élaborée, plus réfléchie :
l’Épée. L’énergie Yang est dans un cadre, elle n’est plus que force vitale,
elle décide d’un chemin qui est organisé, structuré. L’Épée, c’est
l’intelligence, le discernement, elle tranche entre les désirs, les actions
possibles et les fantasmes. Elle intègre « l’autre », le monde dans lequel
nous vivons et nous renvoie à notre capacité d’être en lien avec lui.
Le Bâton est une transe chamanique, désorganisée et pulsionnelle, l’Épée
est une danse classique ou une « break dance » autour de la terre et de la
volonté d’incarnation à travers le mouvement. L’un n’est pas mieux que
l’autre, nous avons besoin de ces deux formes de vitalité.
L'As d'Épée :
L’esprit est un magnifique outil. Des milliards de neurones reliés par des
courants électriques en font une des créations les plus mystérieuses et
complexes que nous connaissions. La psyché est là dans ses propriétés et
tout son potentiel. Les Épées sont toujours en l'air, dans le sens de la force,
de la vitalité, de la puissance. L’As d’Épée est la promesse de cette capacité
que nous avons de penser, de réfléchir et de trancher. C’est la réflexion et le
discernement. Le mauvais côté est la dépression et l’impossibilité d’y voir
clair. C’est ce qui se produit quand l’Épée est assujettie aux émotions. Elle
perd la liberté dont elle a besoin pour s’exprimer et se retrouve sclérosée,
prisonnière et comme apathique. Il existe un lien entre les Épées et
l’intuition. Quand l’Épée se sent libre, elle s’autorise à être à l’écoute et
permet des messages d’un espace qui est hors de contrôle. Qu’ils partent
d’une partie de notre inconscient ou du Divin, ils sont des fulgurances qui
nous apportent des réponses pour parfaire nos choix et nos actes.
L’Épée est couronnée, elle est reliée à la royauté, mais laquelle ? Celle de
la noblesse florentine ou celle du Divin ? Le Tarot est un chemin mystique,
la solution vient du ciel ou plutôt de ce qui est en dehors du cadre de
l’incarnation comme la tiare de la Papesse, l’aigle ou l’ange de l’arcane
XXI qui tous les deux dépassent du cadre de la carte.
Sur l’action :
C’est un symbole de force et de volonté, toute la puissance de la pulsion
de vie est présente, l’archétype Yang s’exprime dans toute sa splendeur.
C’en est même un peu effrayant : si cette alliance permet de sortir des
impasses et de transformer sa destinée, elle manque de Yin, d’écoute. La
force s’exprime sans tenir compte des implications que cela suggère,
comme une balle lancée à pleine vitesse. L’action et le désir dominent,
légitimés par nos pensées qui leur trouvent de bonnes raisons de foncer. En
fonction de la situation, cela peut se révéler très salutaire ou très
dommageable. Quand il faut agir coûte que coûte, cette alliance est parfaite,
elle est un excellent remède à l’angoisse et au doute. En revanche, il n’y a
aucune réceptivité, ce qui peut se révéler redoutable et mortifère dans
d’autres circonstances.
En résumé, si vous cherchez un travail ou si vous avez besoin d’agir :
foncez, mais si vous traversez une crise de couple ou une crise existentielle
qui demandent un minimum d’altérité, alors arrêtez-vous et attendez de
meilleurs auspices car vous allez tout gâcher.
La réceptivité :
Le Denier, dans son besoin d’équilibre et d’harmonie, rencontre le
cérébral. L’intellect se met au service de la sagesse et de l’écoute. C’est
idéal pour créer, rechercher la beauté et nourrir son sens artistique. L’action
réelle pouvant gérer le Denier se situe plutôt au niveau du Bâton et cette
alliance ne permet pas de révolutionner sa vie mais un peu d’intelligence et
de quête d’harmonie ne nuisent pas, bien au contraire. Cela permet une
prise de recul qui permettra d’agir avec plus de conviction. Le mental dans
son désir d’analyse prend à bras le corps les besoins du Denier et prend
plaisir à y répondre.
Si vous êtes un artiste, rassurez-vous : vos choix et votre destinée sont
parfaits, et même si vous avez l’impression que c’est long, tenez bon, vos
choix finiront par être gagnants et vous serez reconnu.
Le cérébral :
Le mental et les pensées tournent en boucle. Vous êtes, au fond, quasiment
convaincu qu’il n’y a aucune possibilité et vous vous agitez dans tous les
sens et brassez du vent pour ne pas trop souffrir de ce constat. Il y a toujours
une issue, soyez un peu patient, même si vous pensez que c’est impossible,
souvenez-vous du nombre de fois, dans votre vie, ou vous avez été
convaincu qu’une situation était inextricable, pourtant vous en êtes toujours
sorti. Quelques fois, il faut faire confiance à l’indicible, à la chance, et les
situations se débloquent comme par miracle. Le cérébral est comme un
ordinateur exclusivement capable de ressortir les informations qu’on lui a
transmises. Il les mélange, les analyse, les trie, mais il ne crée jamais,
l’intuition vient d’ailleurs. Quand il n’a pas les éléments pour évoluer, il est
bloqué, il lui faut attendre et intégrer de nouvelles connaissances pour
pouvoir avancer.
Il faut se poser la question de la peur ou de la part d’orgueil et s’interroger
sur le sens du blocage, faire confiance à la vie en se disant que de
nombreuses choses nous dépassent.
L’émotionnel :
C’est l’alliance des hautes aspirations et des valeurs. Le cérébral rencontre
l’amour et tout ce qui fait le lien entre les êtres. Comprendre le monde et
chercher le sens de la vie est la quête ultime de notre incarnation. La psyché
se met au service de la compassion et de l’univers et guette les signes de
notre origine divine et reliée au reste de la Création. C’est une belle alliance
pour les mystiques, les philosophes et les chercheurs d’éternité.
Le bémol est au niveau de l’action. Si une situation doit être résolue de
façon urgente, il faut redescendre et chercher à résoudre la crise dans des
énergies plus basses. La méditation n’a que très rarement résolu rapidement
les problèmes plus terre à terre tels que l’argent, la recherche d’un travail ou
d’un appartement, mais toutefois elle peut donner un regain d’énergie qui
permettra de basculer dans l’action. Quoiqu’il en soit, la sensation de liberté
procurée par cette alliance est extrêmement ressourçante.
Le II d'Épée : les idées et les projets se présentent de façon quasi intuitive.
Il n’y a pas d’Épée sur la carte donc pas de possibilité de trancher ou de
décider. Une fleur harmonieuse et équilibrée la remplace. Les Épées sont du
côté Yang et masculin, l’équilibre des chiffres pairs en général et
notamment du II, et le non-choix qu’il suggère les font devenir Yin : elles
perdent leur mordant et se transforment comme dans le symbole du Yin et
du Yang ou l’un se transforme en l’autre. Les Épées sont du côté du Yang,
actif. La douceur des chiffres pairs, Yin et réceptifs, transforme l’Épée en
fleur et adoucit la dureté et quelques fois l’intransigeance du mental. Les
chiffres impairs créent un déséquilibre qui pousse à l’action. Les chiffres
pairs sont une pause dans le mouvement. C’est donc le III qui profitera de
l’analyse et de la créativité du II.
Les idées peuvent aller dans le même sens et être en harmonie, elles
peuvent aussi être opposées. Le chiffre deux symbolise la complémentarité
ou l’opposition. L’intuition peut amener tout et son contraire comme dans
un brainstorming, toutefois la fleur au centre et la rondeur de la carte
proposent une harmonie et une douceur qui excluent la violence et une
dualité trop forte.
Le mental est vecteur d’analyse et de prise de décision, il est aussi source
de doute et d’enlisement. Ces deux opposés sont quelques fois
complémentaires. Le doute fait partie de l’analyse et permet de construire
son discernement.
Sur l’action :
Le Bâton met du feu qui embrase le deux, il symbolise l’Épée qui
manquait pour agir. Le Bâton est la force vitale, brute et puissante, il secoue
le deux et l’oblige à prendre conscience de son inaction. Les pensées ne
sont pas tout, elles ne sont même rien sans l’action. Le plus grand
philosophe ne sert à rien s’il ne partage pas son art par des écrits ou des
enseignements. Le feu et la quête d’équilibre, cela pourrait paraître comme
l’alliance des extrêmes mais la rondeur et la douceur du deux ont les
moyens de contenir la sauvagerie du Bâton qu’elles arrivent à apprivoiser et
à s’approprier pour sortir de l’impasse dans laquelle elles pourraient se
sentir. L’énergie ne peut pas n’être que cérébrale, il faut de la « pulsion »
pour se réaliser. L’analyse et l’action sont une très bonne alliance pour
réaliser un projet.

La réceptivité :
Beaucoup d’écoute et de réceptivité. Le Denier est la grande question du
Tarot, il en est l’énergie la plus mystérieuse et le cérébral se met à l’écoute
de ce mystère afin de le déchiffrer. Il découvre enfin l’importance de
l’incarnation et cherche dans ses connaissances comment le fortifier.
Derrière ce question-nement réside la peur du manque et peut-être de la
mort. C’est le début d’un voyage dont le but est plus la quête de l’identité et
l’harmonie que la réussite sociale. Le manque peut être lié à des besoins
d’argent mais la peur du manque est une lame de fond qui vient des
premiers instants de la vie et d’un héritage transgénérationnel. Les
possessions n’y changent rien. Des gens très fortunés ont peur en
permanence et d’autres qui le sont moins peuvent être dans une sécurité
profonde. Pour le II d’Épée, se mettre à l’écoute du Denier c’est avoir
l’intuition que la question de la paix intérieure se situe à ce niveau. La fleur
centrale représente, à cet instant, cette quête.
Le cérébral :
Les fonctions cérébrales sont mises à l’honneur. On imagine pouvoir tout
résoudre grâce à la réflexion et au discernement. Notre société étant très
cérébrale, nous pourrions trouver cela normal, voire évident. Ce qui ne
passe pas par l’analyse n’est pas crédible. Cela exclut, malgré tout, la
puissance du Bâton dont on a un besoin vital, la conscience du Denier,
source de nos quêtes les plus intimes et les plus profondes et bien sûr, la
Coupe, et ce qui concerne la relation à l’autre. Le cérébral ne peut
s’épanouir que quand il est au service et en relation avec les autres
vibrations et sa tendance naturelle à imaginer qu’il peut tout contrôler et
tout décider est le leurre suprême qui nourrit l’anxiété. Par exemple,
décidons-nous réellement de nos choix et de notre destinée ou sommes-nous
soumis à des forces qui nous dépassent qui seraient inconscientes ou
extérieures à nous ? Dirigeons-nous nos émotions ou sommes-nous, en
partie, dirigés par elles ?
Cette alliance purement cérébrale est l’expression d’un contrôle ou d’un
égo trop importants. Le mental est un outil extraordinaire quand il reste à sa
place et ne s’approprie pas toute la création.
L’émotionnel :
Le II d’Épée sait que le but de la vie est l’amour, il s’accroche à cette idée
et en fait le Graal de son existence. Il ne voit que cela et se convainc et
convainc ses interlocuteurs que seul l’amour est important. C’est en partie
vrai, la vie émotionnelle, affective et sentimentale est fondamentale mais ne
penser qu’à cela et tout miser dessus est aussi une illusion qui cache un
profond manque d’estime de soi et une peur profonde de la pulsion de vie et
de ses besoins. Comme pour tous les arcanes du Tarot, cette alliance peut
être formidable à vivre ou peut demander à être reconsidérée. Elle est
bénéfique quand on se sent enfermé dans des contradictions et que la colère
et le sentiment d’impuissance nous gagnent car elle est le message qu’en
s’ouvrant aux autres la situation se débloquera. Elle peut être, en revanche,
moins bonne quand on doit penser à soi et à ses projets avec un peu
d’égoïsme pour les mettre en œuvre et se sentir mieux. Le message à ce
moment est qu’il faut vraiment affronter ses peurs notamment celle de ne
pas être aimé et foncer quels que soient les risques qu’on imagine.
Le III d’Épée : après l’analyse et l’indécision du deux, il tranche et décide.
La réflexion, le discernement et la décision appartiennent à l’Épée, la
période de l’action, le mouvement, la volonté et le courage appartiennent au
Bâton.
L'Épée est Yang mais du Yang sublimé. L’énergie vitale ne va plus dans le
sol, dans la motricité du corps ou le désir mais nourrit le cerveau, ses
capacités cognitives et de réflexion, et même le spirituel dans sa partie
compréhension et analyse.
Toutefois l’Épée est couleur chair, sa préoccupation reste l’incarnation et
sa réflexion tourne autour d’elle et notre façon d’être et de vivre sur Terre
avec ce que cela suppose de contraintes, de désirs, de contradictions. Mais
elle ne peut, dans un même temps, s’empêcher de chercher vers le haut, le
cérébral et le spirituel.
« Comment associer les besoins et les désirs sensuels et corporels avec une
vie tournée vers les capacités cérébrales et le ciel ? » est une des questions
importantes qui ont agité la Renaissance et le Tarot. Cela pose la question
des règles de la pulsion de vie en adéquation ou en opposition avec les
valeurs essentielles à la vie en communauté. C’est la rencontre entre les
pulsions incompressibles et les valeurs de vie en communauté auxquelles
nous sommes attachés.
Sur l’action :
Cette alliance met en lumière les contradictions de la pulsion Yang quand
elle est perçue dans ses effets et non comme une simple énergie. Elle peut
nourrir la puissance, voire la violence ou le cérébral, dans son côté policé
refusant cette même puissance au profit de la réflexion.
L’énergie vitale est comme un courant électrique qui va où il sent qu’il
peut aller. Elle nourrit la motricité mais elle peut aussi nourrir des zones qui
vont avoir un impact sur la sexualité, la colère ou la paix. Si elle nourrit
certaines zones du cerveau, elle actionnera la réflexion, le discernement.
Les hindous la représentent comme un serpent qui va et vient le long de la
colonne vertébrale et actionne ou non les chakras et les valeurs qu’ils
symbolisent. L’énergie vitale est perçue comme quelque chose de très
mécanique qui va et vient au gré de ce qu’elle rencontre. De la même façon
que l’eau envahit les espaces qui sont sous son niveau, l’énergie Yang dans
son parcours actionne les zones qui l’appellent. Cela peut être la crainte ou
la frustration qui demanderont une réponse déterminée, ce qui génèrera une
action voire une réaction plus ou moins forte. Cela peut être la réflexion ou
la recherche qui auront besoin de vitalité, auquel cas l’énergie ira vers ces
zones du cerveau plus analytiques et construites sur la réflexion et la mise à
distance.
Le III montre cette ambiguïté. Quelle énergie utiliser ? Quelle force
choisir ? L’Épée du III est prête à servir et à alimenter la réflexion mais les
Bâtons dans leur puissance sont présents eux aussi et écartèlent ce III en lui
présentant les deux façons de décider : par l’action ou par le discernement.
La réceptivité :
Le III d’Épée cherche à servir le Denier, il tente de comprendre ce qui
pourra nous rassurer et nous apporter la paix. Le Denier, de par sa présence,
lui délivre ce qu’est son besoin réel et l’Épée réfléchit et décide de ce
qu’elle pourra lui apporter. Ce qui nourrit réellement le Denier est l’action
générée par le Bâton, il lui faut quelque chose de très actif et très vital pour
qu’il puisse se rassurer. Toutefois un peu de réflexion et de prise de recul ne
nuisent pas et permettront d’agir en toute confiance. Sérénité,
compréhension et réflexion sont les maîtres-mots de cette alliance pas
nécessairement très active mais empreinte de sagesse. Le Denier apporte
l’intuition de ses besoins et l’Épée les analyse et cherche à y répondre.
Le cérébral :
Le cérébral tourne en boucle et est dans une illusion parfaite. Il refuse de
voir la réalité en face et semble très content de lui. C’est son problème
majeur, de penser qu’il est le seul à avoir raison et à être important. S’il n’a
aucun problème, cela n’est pas dérangeant, après tout il a le droit d’avoir un
égo surdimensionné et de jouir de la vie sans se poser de question. C’est
plus compliqué s’il a des soucis, car la solution ne viendra pas de lui, sinon
il l’aurait déjà trouvée. Il va devoir se mettre à l’écoute d’autres choses, ce
qu’il ne sait pas vraiment faire. Cette alliance est une bonne occasion de
s’interroger sur le pouvoir et les méfaits de l’égo et de l’orgueil et sur le rôle
de la peur dans cet excès. Pouvoir observer qu’on va trop loin et chercher à
s’analyser et à évoluer est une véritable grâce qu’il ne faut pas bouder.
L’émotionnel :
L’émotionnel est très présent, peut-être même un peu intrusif ou étouffant
et l’Épée a besoin de prendre un peu de distance pour se retrouver et faire le
point. Il y a aussi de la colère dans cette alliance, signe que nous nous
oublions au profit des autres.
Il est temps de se souvenir de nos besoins et de nos rêves et de revenir à
soi. Ce ne sont pas des cartes de rupture, il n’y a pas de conflit réel mais un
simple rééquilibrage, quelques fois vif mais plus que salutaire pour se sentir
mieux et pour que la relation perdure. Nous restons dans le domaine du
cérébral et de l’analyse. C’est aussi le signe d’une difficulté importante pour
prendre sa place, ce que permettrait l’énergie de Bâton, et on doit
s’interroger sur sa propre responsabilité dans cette situation. L’autre n’est
jamais responsable de tout.
Le IIII d'Épée. Les idées s’organisent, la pensée a besoin de temps et
d’informations pour évoluer, les arcanes précédents ont nourri une réflexion
qui commence à se structurer. Un bout du chemin est fait et on y voit plus
clair. « Sur le papier » cela prend forme et fonctionne.
L'Épée n'est pas la réalisation, cela reste le monde du cérébral, mais le
monde du psychisme préexiste à l’action et s’il est en place, l’action sera
facile. Nous pourrions faire évoluer la citation « ce qui se conçoit bien,
s’énonce clairement » par « ce qui s’énonce clairement se réalise
simplement. »
La pensée chemine, l’impulsion est créée ou trouvée puis elle se construit
et se fortifie au fil des analyses et des informations qu’elle rencontre. Son
danger est de rester dans le monde de la pensée et de ne jamais se
transformer en action ou être coupée de l’émotionnel mais son rôle, son
karma est celui-ci : exister, être nourrie d’informations, de désir, décider de
sa viabilité puis prendre sa place.

Sur l’action :
Comme pour le II, le Bâton remplace l’Épée mais le IIII incarne la
structure et la fleur centrale est solide, le Bâton à son contact est plus adouci
et moins brutal que pour le II. Les Épées et les Bâtons sont Yang, le chiffre
IIII et les fleurs sont Yin, cela crée un mariage équilibré et harmonieux. Le
Bâton montre la voie à l’Épée, il cadre sa réflexion. « Comment agir en
harmonie ? » est la question que se pose l’Épée. La créativité, le sens de
l’esthétique sont importants dans la tranche de vie à laquelle répond cette
alliance. Les seuls manques sont le cœur et les émotions qui ne sont pas très
représentés. Si la question tourne autour des relations, cela pourrait être le
message selon lequel il faudrait mettre de la douceur et une recherche de la
beauté dans sa vie, y compris dans ses quêtes affectives.
La réceptivité :
Les deux arcanes ont une tendance à la légèreté et refusent les conflits.
Dans l’espoir de répondre à ses véritables attentes, l’Épée cherche à
ressembler au Denier, elle épouse sa rondeur pour comprendre ses
véritables attentes. En se vivant et en s’identifiant à lui, elle se donne
l’illusion de vivre sa vie et croit comprendre ce qu’il est. Ce sont pourtant
deux mondes très différents, le Denier ressent et perçoit, l’Épée analyse et
comprend. Il peut y avoir une incompréhension importante entre les deux,
toutefois la douceur et la structure de l’Épée autorisent ces deux façons
d’appréhender la situation et, même si, malgré sa tentative, l’Épée a du mal
à comprendre le Denier qui n’est pas dans le monde de l’analyse mais dans
celui du feeling, elle se sent suffisamment tolérante et à l’écoute pour se
placer à ses côtés et l’étudier. C’est un atout important qui portera ses fruits
dans un futur proche.
Le cérébral :
L’égo est au zénith, le cérébral s’accroche à ses certitudes, il se coupe du
monde qui l’entoure pour se convaincre qu’il a raison et qu’il ne doit pas
changer d’opinion. C’est peut-être vrai ou peut-être faux mais cela suppose
que des éléments contraires, dans la situation évoquée, distillent un doute
important dont le mental ne veut pas entendre parler. L’avenir dira s’il a eu
raison de s’imposer ces œillères, quelques fois il faut trancher et ne pas
écouter ses doutes. La question n’est pas d’avoir raison ou tort mais
d’avancer. Le cérébral fait donc le forcing, sûr de lui et de son analyse qu’il
croit la seule possible. Cela va à l’encontre de tout l’enseignement du Tarot
qui est basé sur l’écoute, le partage et la non-dualité, mais il y a des
moments où oublier d’être sage est plus reposant.
L’émotionnel :
Ce sont deux mondes qui se rencontrent sans se voir. L’Épée est dans sa
structure, ses certitudes et un certain aveuglement. La Coupe est convaincue
qu’elle est la seule à être importante et attend qu’on ne s'occupe que d'elle
et qu'on la serve. Autant dire que cela peut être compliqué. Ce qui les réunit
toutefois est leur égo et une forme de narcissisme construit sur une
insécurité profonde et un défaut d’estime réel de soi. Quelqu’un de très
cérébral peut être dans l’attente et le désir inconscient d’un lien dont il a en
même temps très peur. La Coupe, dans sa majesté un peu forcée, peut être,
elle aussi, dans la peur d’une forme d’authenticité. Écouter l’autre, c’est
aussi accepter de se remettre en question. Ils ne sont décidés à le faire ni
l’un ni l’autre. Ce refus de leur ombre et cette peur qui les réunissent
peuvent tout à fait les lier de façon névrotique mais sincère car leurs
certitudes respectives même fausses et nourries d’un manque profond de
confiance en eux les fascinent et leur donnent l’illusion de la sécurité.

Le V d'Épée :
Le cérébral se sent fort et utile. Il exprime une forme d’austérité et de
pouvoir. Il décide et tranche. Il a fait la synthèse des expériences des
premiers arcanes et se sent sage et sûr de lui. Il reste dans le domaine du
cérébral et est convaincu d’avoir raison, c’est une des caractéristiques de
cette énergie et le V l’incarne à merveille. Se sentir sûr de soi peut être une
force, cela peut aussi être un leurre qui cache un refus de se remettre en
cause ou d’affronter la réalité.
En fonction de la situation et de son environnement, sa signification peut
être très changeante : très bénéfique s’il a bien analysé la situation ou
enfermée et violente s’il refuse de voir ce qu’il se passe. Le cérébral incarne
aussi bien la logique, l’analyse, le contrôle et le discernement que l’orgueil,
la violence mentale pouvant aller jusqu’à la perversion ou l’obstination. Le
cerveau est complexe et nous n’en comprenons qu’une infime partie. Il est
un outil splendide, le plus magique et mystérieux que nous pouvons
connaître mais il est aussi source de tous les méfaits et l’insatisfaction que
nous vivons. Seules son appréciation et son écoute du monde qui l’entoure
font la différence.

Sur l’action :
L’écoute et l’empathie n’ont pas beaucoup de place. Le Bâton renforce le
côté Yang d’une Épée qui l’est déjà beaucoup. C’est le signe d’une
obstination pouvant aller jusqu'à l’aveuglement ou la violence. On peut
supposer qu’à un certain moment de sa vie, il est important de foncer sans
se poser de question, c’est exact, mais dans ce cas de figure, le Yin est trop
absent pour que cette situation soit bénéfique. Le cérébral est capable de
réflexion, car cela fait partie de sa nature profonde. Il est important qu’il
s’interroge sur les ressorts inconscients qui le poussent dans ces excès. S’il
arrive à prendre un peu de recul et à installer un minimum d’écoute dans
cette alliance, alors naturellement la sagesse reprendra ses droits.
La réceptivité :
Le V d’Épée observe le Denier avec suspicion. Il sait que tout ce qui
touche à la sécurité et surtout la sécurité intérieure est vital mais il n’a pas
les codes pour y parvenir et peut-être même, n’en a-t-il pas très envie. C’est
la rencontre entre l’égo de l’Épée qui a besoin d’exister à travers une forme
de brio, et l’humilité, qualité essentielle du Denier. Cela demande de la part
du cérébral un déplacement de la conscience, il doit cesser de servir sa
gloire, le mental, et ce qui se voit et s’apprécie, au profit de l’intériorité,
l’écoute de soi et d’une certaine façon le silence intérieur. Si l’Épée, sentant
que cela peut lui permettre d’évoluer et de grandir, accepte de se mettre au
service du Denier, cette alliance sera une ressource formidable pour aller
vers la réalisation.

Le cérébral :
Trop d’une chose tue cette même chose. Trop de mental tue le mental. À
force de tourner en rond, et de ne voir que ce qui a trait à l’intellect, il finit
par saturer et chercher d’autres réponses. Tout est évolution, rien n’est
jamais figé, et à force de poser le problème dans tous les sens sans arriver à
y répondre, il finit par chercher ailleurs que dans ses capacités naturelles, ce
qui pourrait être des ressources qui l’aident. L’énergie d’Épée détient
certaines clefs, l’As notamment est connecté à une couronne royale,
certaines parties de la carte sont couleur or et une main couleur chair tient
l’Épée. Ces éléments et d’autres imprimés sur la carte sont une voie qui
permettra au V de s’orienter vers des éléments extérieurs à sa propre
énergie, ne serait-ce que cette main couleur chair susceptible de lui indiquer
que ce qui tient l’Épée, le cérébral, est la chair, la matière, le Denier. Cela
l’oblige à faire preuve de subtilité mais il en est capable, il lui suffit
simplement d’être fatigué de tourner en rond et de dépasser son sentiment
d’impuissance pour se mettre à observer.
L’émotionnel :
Le V d’Épée nourrit la Coupe avec assurance. Ces deux énergies sont
transcendées par rapport aux Bâtons et aux Deniers, cela leur donne la
certitude d’avoir raison et d’être dans le vrai. Il y a de l’orgueil dans cette
posture et une certaine inconscience des besoins primaires, mais aussi de la
joie et de la vie. Reproche-t-on à quelqu’un d’avoir vingt ans ? Cette
alliance est un ballon d’oxygène dans une destinée qui n’est pas toujours
facile à vivre. De plus, cette sensation de compréhension des émotions fait
partie de la logique céré-brale qui cherche, de toute façon, à comprendre.
Alors laissons-la faire avec ces soupçons d’arrogance et de fierté qui, de
temps à autre, ne nuisent pas. L’expression de l’égo, de temps en temps,
nourrit l’estime de soi et fait du bien.

Le VI d’Épée : encore une fois, comme dans tous les chiffres pairs hormis
le X, une fleur remplace l’Épée. Le mental peut trancher, et même tuer mais
il peut aussi créer de la douceur, de la poésie. La beauté sauvera le monde
dit le prince Mychkine, l’idiot de Dostoïevski. Le VI propose un choix
offert par un nouvel élément, une nouvelle information, ce qui peut sortir le
cérébral de sa rigidité et de son isolement.
Les arcanes de I à IIII sont la genèse ou l’enfance dans l’énergie. Le V
synthétise cette première vie et en tire ses conclusions. Avec le VI, l’esprit
s’affine, se mesure à son destin, et fait de nouvelles expériences qui le font
évoluer ou revivre une dualité. V plus I : on continue à se construire en
utilisant l’expérience vécue jusqu’au V, ou bien V moins I : le V est en
conflit avec le I, qui est un nouvel élément qui est vécu comme dérangeant
ou hostile. On refuse l’évolution et l’ouverture sur le monde et on se
construit en le combattant. En ce qui concerne le cérébral, soit la pensée
devient sclérosée, rejetante et dogmatique, soit elle s’ouvre et cherche le
dépassement à travers l’art, par exemple.
Sur l’action :
Le Bâton représente cette nouvelle information qui est ressentie comme
dure, peut-être même violente. La rondeur et la fleur centrale du VI
l’adoucissent, l’apaisent afin qu’elle soit vécue de façon à être intégrée dans
la pensée. Le mental pourra se l’approprier et s’ouvrir à de nouvelles
perspectives. La rencontre entre les deux énergies commencera de façon
complexe mais finira par être harmonieuse et nourricière.
Le Bâton symbolise la force non policée, brute, vitale et puissante. L’Épée
est la force policée, travaillée, étudiée et organisée. La rencontre entre les
deux est forcément vive mais ces deux puissances ne sont pas
nécessairement opposées, elles sont complémentaires et évolutives. L’une
est issue de l’autre. C’est cette même énergie Yang qui commence par être
pulsionnelle, puis se transforme en quelque chose de plus complexe, ce qui
peut en partie expliquer le lien entre l’art et la violence, par exemple.
Cette alliance est aussi un signe de chance et une promesse de réussite.
La réceptivité :
En fonction du contexte, cela peut être une force et une chance empreinte
de paix et de sagesse ou l’expression d’un refus d’accepter la pulsion
inhérente à la vie.
Le mental cherche à comprendre le Denier avec ses outils à lui, il se sent
prêt à basculer vers l’intériorité et lâche son goût pour ce qui brille et pour
la recherche analytique au profit de ce qui nous construit intimement. C’est
loin d’être facile. Le cérébral a tendance à penser qu’il détient les clefs de
tout ce qui est. Il est convaincu qu’il peut tout comprendre, et se mettre au
service d’une autre énergie que lui-même ne va pas de soi.
La rencontre Denier-Épée est quasi impossible. Les deux formes de
compréhension du monde sont à l’opposé. Le mental a besoin de mettre à
distance l’information pour la comprendre, l’analyser et l’intégrer. Le
Denier a besoin de la percevoir, de la rencontrer et de cheminer avec elle
pour en faire l’expérience. Imaginer qu’ils peuvent se comprendre
intimement est un leurre « du mental » qui cherche à fuir la pulsion,
l’énergie du Bâton, seule vibration capable de nourrir le Denier. C’est, de
plus, pour lui, rester dans un de ses travers habituels qui est de chercher à
s’approprier ce qu’il rencontre. Le Denier dans sa quête d’identification, lui
aussi, cherche à devenir « mental » ce qui est une illusion rassurante mais,
qui, à la longue, le détruit.
En revanche, s’ils acceptent de rester chacun dans leur domaine, sans
chercher à s’approprier l’autre, alors cela peut très bien fonctionner, ils
peuvent s’aider mutuellement. Dans ce cas, le cérébral se met au service du
Denier, il va chercher quels sont les axes qui peuvent le rassurer et le faire
grandir.
Le cérébral :
Le VI d’Épée avec la fleur centrale et sa rondeur incarne une douceur et
une quête d’harmonie. Il représente une forme de féminité et une esthétique
qui équilibrent ce que le mental peut avoir de tranchant et de dur. Cette
alliance représente un certain équilibre, elle reste du pur cérébral, elle est
limitée par son côté exclusivement dans l’énergie d’Épée mais s’ouvre vers
d’autres possibles. Sa recherche de nouveauté portera ses fruits tôt ou tard.
Sa quête d’équilibre rencontrera d’autres quêtes d’équilibre et lui ouvrira un
chemin vers les autres énergies. Notamment le Denier qui est, lui aussi,
dans une recherche esthétique. Toutes les énergies semblent solitaires et
orientées vers elles-mêmes, la question est toujours celle du basculement et
du lien entre elles. Comment passer du Bâton à d’autres vibrations ?
Comment le Denier peut-il avoir des liens avec la Coupe ou l’Épée ? Ce
couple d’arcanes nous guide dans la compréhension de ce mouvement. La
douceur du VI d’Épée, rassuré par la structure de l’Épée avec qui il s’allie,
appelle la douceur d’un Denier avec qui il peut se sentir des affinités.
L’émotionnel :
Le VI est une quête d’esthétique un peu narcissique, la Coupe est la
relation à l’autre. Cela pourrait être une des définitions de la démarche
artistique, qui pourrait être le besoin de partager quelque chose que l’on
trouve intéressant en soi avec le monde. Grâce à la Coupe, le VI, très à
l’écoute de lui-même et préoccupé par la pensée de la beauté, se mesure à
l’émotionnel et rencontre les énergies du cœur. En cas d’entente, cela
mènera à une créativité basée sur le besoin de partager cette nouvelle
compréhension du monde à travers l’art. Cela peut aussi encourager une
relation amicale ou sentimentale mais très cérébrale, plus axée sur
l’échange et les discussions que sur le sexe et la vitalité. En revanche, s’ils
n’arrivent pas à se comprendre, l’Épée aura l’impression d’être seule, isolée
et rejetée dans ce qu’elle a de plus intime ; cela peut mener à une dépression
et une mélancolie profonde.

Le VII d'Épée. Ce que l’on vivait jusqu'à présent trouve sens. Nous
comprenons la logique de notre vie et nous sommes satisfaits de nos
analyses et du tour que prend notre quotidien. On voit clair ou du moins on
le croit.
Nous sommes dans un domaine exclusivement cérébral et le VII d’Épée
ne porte pas trop d’ouverture sur les autres parties de notre identité. Le
piège pourrait être de se satisfaire de nos déductions et de ne pas passer à
l’action ou de ne pas être à l’écoute de ce que renvoie le monde. C’est le cas
de certains experts, par exemple, dont l’analyse semble imparable mais
totalement coupée de la sphère émotionnelle. Ce constat est le même pour
les relations sentimentales. Prendre un VII d’Épée sur une relation ou une
rencontre, n’est-ce pas être un peu trop « dans sa tête » et pas assez dans ses
affects ou son pulsionnel ? On rêve ou on fantasme la sexualité, énergie du
Bâton, mais on ne passe pas à l’acte.
Cet arcane peut précéder l’enfermement et la colère. La conviction d’avoir
réussi peut mener à vouloir figer une situation et refuser l’impermanence de
l’incarnation. Cela vient du fait que le mental a tendance à vouloir contrôler
toutes les situations et à penser que toutes les expériences ne peuvent passer
que par lui.
Toutefois cet arcane, quand il est bien aspecté, est un gage de réussite. Le
mental et ses capacités cérébrales se mettent au service des autres vibrations
du Tarot.
Sur l’action :
Il y a beaucoup d’énergies Yang mais seule la volonté compte. On vit ses
envies sans se préoccuper des signaux de son entourage, qui nous demande
de nous calmer. Foncer et imposer ses vues sont les seules choses qui
comptent. Cela peut être simplement un désir de convaincre, utile dans une
négociation, mais c’est aussi l’expression d’une dureté et d’un manque
d’altérité. La question que cette situation sous-tend est : pourquoi tant
d’obstination ? Est-ce seulement un jeu de l’esprit ou se cache-t-il derrière
une brutalité, masquant un besoin névrotique ? C’est, dans un même temps,
l’expression de la capacité d’avoir de la force et du courage, même si cela
n’est pas exprimé de façon légère. Ces qualités sont toujours bonnes à
ressentir et pourront ressortir dans un contexte où elles sont utiles.
La réceptivité :
L’Épée, sûre d’elle, pense le Denier, réfléchit sur ses attentes et se sent
prête à l’aider, voire à le secourir si besoin est. Elle a l’impression qu’elle
pourrait soulever des montagnes pour contenter le besoin que nous avons de
sécurité et de paix. Ils ont en commun la rondeur et un désir d’esthétique et
peuvent se comprendre. L’Épée est dans un de ses rôles idéaux : utiliser ses
capacités au service d’autre chose qu’elle-même. Elle peut de cette façon se
sentir utile et utiliser toutes les qualités qu’elle possède sans tourner en
boucle dans des tergiversations purement mentales. Le Denier, qui est
réceptivité pure, et a besoin de l’énergie Yang pour se sentir vivre, se sent
en sécurité face à cette volonté puissante incarnée par le VII d’Épée.
Le cérébral :
L’arcane se nourrit de ce qu’il est et se sent heureux d’exister. Il est dans
les éléments qu’il préfère : penser, réfléchir, couper les cheveux en quatre et
vivre le cérébral pur. Il se sent intelligent et aime cela. Sentir la puissance
du mental peut être une force qui rassure et permet de prendre du plaisir à
être. C’est excellent pour l’égo et l’estime de soi à court terme. À plus long
terme, en cas de crise ou de problème matériel, c’est plus complexe car la
résolution des difficultés vient de l’action et non de la pensée pure. Elle est
utile voire indispensable pour précéder une réponse adaptée mais dans cette
alliance seule la pensée existe, il n’est pas question des autres énergies, ni
même de percevoir une difficulté de vie, seulement le plaisir des jeux du
cérébral. C’est donc une excellente association pour tout ce qui concerne la
nourriture de l’esprit : s’informer, se cultiver… Elle est moins adaptée et
même dangereuse quand il faut faire face à des problèmes concrets.
L’émotionnel :
L’Épée centrale montre la voie, elle cherche à exister et à dominer face à
l’émotionnel. C’est la rencontre entre le désir d’être et le désir d’être aimé.
Comment peut-on être dans une recherche purement personnelle, cérébrale
et esthétique et être intéressé par le contact avec autrui ? C’est toute la
contradiction qui est vécue. L’Épée, le cérébral, veut être reconnue pour ce
qu’elle est et pour ses qualités dans une demande purement narcissique et la
Coupe ressent intimement que le cérébral n’a rien compris et que seuls
l’amour et l’émotionnel ont de l’importance. Ce sont deux orgueils qui
coexistent, les deux sont importants et aucun des deux n’a la primauté sur
l’autre. S’ils acceptent que chacun a quelque chose à partager et qu’ils sont
tous les deux « des experts » dans leur domaine, l’Épée, tout en ayant
conscience de son importance, peut se mettre au service de la Coupe qui
l’écoutera, sachant qu’elle connaît mieux que personne le cerveau humain.
De cette façon, cette alliance peut être bénéfique et participer à la
construction d’une relation ; il faut toutefois beaucoup de recul pour arriver
à cette sagesse sans tomber dans des tentatives de séduction égocentriques
et narcissiques.
Le VIII d’Épée est la carte de la conscience et de l’intuition. La fleur
centrale est de couleur bleu nuit, la couleur de la réceptivité. Après ce
sursaut d’énergie, cette exaltation du Yang venu du VII, l’heure est
maintenant à l’introspection et à la recherche. Après le jour, vient la nuit. La
vie est mouvement, et le VIII (les VIII) rappelle que le sens de la vie n’est
peut-être que la vie elle-même ou le vivant lui-même et le mouvement, non
la réussite. Le but du fruit est de redonner une plante ou un arbre. Toute
évolution est de tendre vers un recommencement quelques fois différent,
mieux adapté. C’est un cycle, après une vague vient une autre vague, ayant
compris les leçons apprises par la précédente. Quelle est l’intuition du
VIII ? Quel est le sens de la vie ? Que permet cette carte Yin, féminine par
excellence dans une vibration, l’Épée, profondément Yang ? Elle est toute
en rondeur, le jugement a disparu pour laisser place à l’écoute. Cela peut
être le signe d’un profond désarroi face à la frustration d’un VII ayant tout
donné et se sentant, malgré tout, inachevé ou bien le signe d’une
compréhension profonde de l’importance du cycle exprimé plus haut et
l’écoute de ce qui va venir maintenant.
Sur l’action :
Le VIII regarde les Bâtons avec intérêt et suspicion ; pour lui l’heure n’est
pas encore à l’action mais à l’introspection et à l’écoute. Le Bâton lui paraît
brutal et trop dynamique pour être écouté. Les Épées viennent d’être très
actives avec le VII et elles sentent qu’elles ont besoin d’une pause et de
nouvelles informations avant de se remettre à agir. Elles pressentent
qu’elles ont plus besoin de comprendre quel sera leur nouveau challenge
avant de s’agiter de nouveau que de rentrer directement dans une action
dynamique et probablement sans but réel et sincère. Le VIII d’Épée a
réellement besoin d’une pause.
S’il est vraiment en paix, il se sentira encouragé par la force et l’énergie
des Bâtons à maintenir cette introspection, ils se mettront au service de son
désir profond et permettront au mental de gagner en puissance et en
certitude quant à cette attente qu’il a à cet instant et qui n’est pas sa nature
profonde. Il se sentira prêt à accueillir de nouvelles informations,
transformant sa vision de la vie, fort de cette puissance dont il sent qu’il
pourra se servir le cas échéant.
La réceptivité :
La rondeur du VIII rappelle celle des Deniers. Ce qu’il attend a, peut-être,
un rapport avec ce qu’appelle cette vibration. Le Denier est la base et le
fondement de l’incarnation ; sans lui et sans sa paix, toute notre vie va
tourner autour de se nourrir et se sentir en sécurité, c’est ce qu’il se passe
dans le règne animal. Le mental se pose enfin les bonnes questions. Que
pourrait-il faire pour se tranquilliser ? Qu’est-ce qui peut être pensé, puis
mis en œuvre, pour que le Denier se sente fort, quasi invulnérable ?
L’Épée a beaucoup d’autres façons de fonctionner. Le cérébral ne sert pas
qu’à satisfaire nos besoins vitaux, loin s’en faut, mais s’il ne leur répond
pas, l’insécurité et le manque de paix altèreront la totalité de son jugement.
Quand ces deux arcanes sortent ensemble, le message invite à être à
l’écoute de ses besoins fondamentaux. On a beau être dans une autre quête
que celle-ci, spirituelle ou créative, par exemple, il est important de se poser
ces questions plus existentielles autour de ce qu’est l’ancrage. Quand le
Christ se dit le Fils de l’homme (et non fils de Dieu), il se situe dans
l’incarnation, la matière. Au-delà de sa nature spirituelle, il est chair, il se
situe dans le Denier, tout son esprit participe à l’incarnation et seulement à
ce moment il peut se révéler.
Le cérébral :
Le cérébral se rappelle de ses fonctions. Le VIII dans son côté réceptif
perd de vue qu’il est une énergie active et créative. L’association de ces
deux arcanes cérébraux lui rappelle qu’il ne doit pas seulement être à
l’écoute, il doit aussi réfléchir, peut-être même trancher ou juger. Le monde
est multiple et complexe, il est impossible de seulement l’écouter sans se
perdre et perdre son identité. Remettre de l’Épée dans le VIII lui permet de
retrouver sa capacité de discernement et de choix sans rien enlever à son
côté intuitif, à son écoute.
Peut-être a-t-il besoin de réfléchir davantage, ou bien doit-il changer son
mode réflexion, passer de l’analyse à quelque chose de plus poétique ou
plus artistique tout en restant dans l’énergie de l’Épée ? Un auteur qui sent à
un moment que seuls le roman ou la poésie peuvent traduire sa pensée
intime est dans ce registre. Les philosophes qui ont créé les Koans japonais
pour développer leurs intuitions ou les créateurs du Tarot qui ont décidé de
ne pas écrire mais de dessiner pour que l’on puisse être au plus proche de
leurs pensées ont eu ce type de réflexion.
L’émotionnel :
La fleur bleue au centre du VIII d’Épée est toute prête à ressentir les
informations que lui envoie le monde ; en cet instant, le monde lui permet
de recevoir la Coupe et ses énergies d’amour et de compassion. Dans cette
alliance, les seules choses qui soient centrales sont l’amour et les émotions.
Ces deux énergies, la Coupe et l’Épée, qui sont si différentes, sont enfin
prêtes à se reconnaître. Ce mariage entre l’amour et l’intelligence ne peut
qu’être nourrissant et permet de s’ouvrir à l’autre et de refaire l’expérience
de sensations indispensables à la vie. Dans d’autres circonstances, cela peut
être un refus de voir d’autres besoins liés aux énergies de Bâton ou de
Denier. La psyché à travers le VIII exprime un besoin de changement, elle
est pour cela prête à analyser tout ce qui passe à sa portée. Le danger est son
côté excessif et mono-tâche qui lui fait s’emparer d’une information de
façon exclusive. La Coupe, comme les autres énergies, est importante, voire
essentielle mais elle n’est pas unique. À certains moments, il est important
de se préoccuper des relations que nous avons avec autrui ; à d’autres
moments, trop s’intéresser aux autres est une façon de ne pas voir qu’il faut,
au contraire, s’intéresser à soi-même et ses intérêts propres.

Le VIIII d’Épée. Le VIIII, dans le Tarot, est toujours écrit V et IIII et non
pas IX, c’est-à-dire X moins I, comme sont traditionnellement écrits les
chiffres romains. Tout est évolution : le VIIII suit le VIII, il est l’étape
suivante. Les créateurs ont eu la volonté de faire progresser les nombres en
permanence. La régression n’existe pas, tout est évolution et enseignement.
La réussite du VII est peut-être la fin d’un rêve, ne croyons-nous pas vivre
pour réussir ? Le VIII, symbole de l’infini est la conscience qu’il existe
autre chose, une autre quête que la réussite matérielle, puis le VIIII prépare
ce nouveau voyage incarné par le X.
Cette expression du VIIII est d’autant plus importante pour l’énergie
d’Épée qu’elle est associée à la conscience, et à l’esprit qui ne peut que
progresser, grandir ou disparaître. La vieillesse et ses affres, la perte de
mémoire, d’autonomie… ne laissent que présager la fin de vie, d’où
l’importance pour le mental d’être dans une évolution permanente. Sans
cela il disparaît et il le sait. Le VIIII d’Épée est cette conscience de la fin et
son refus. La carte donne l’impression de quelque chose d’infranchissable
et l’Épée centrale est là pour en interdire l’accès. Le mental veut rester
vivant et présent, il imagine qu’il pourrait disparaître. Dans le Tarot, la mort
n’existe pas, l’âme est éternelle mais l’esprit incarné, et dont la mémoire est
limitée, ne le sait pas et montre tout ce qu’il est capable de faire pour rester
présent.
Concrètement, cela peut signifier le refus de voir la fin d’un projet, d’une
idée arrivée à terme ou/et la prescience d’une autre voie. Comme tout dans
le Tarot, ce n’est ni positif, ni négatif, c’est le constat d’une situation et seul
l’avenir nous dira si nous avons eu raison de résister ou non.
Sur l’action :
Le Bâton est bien placé pour abattre la prison de l’esprit que peut être le
VIIII. L’action permet au mental d’enrichir sa palette d’informations grâce à
de nouvelles expériences. Cela lui permet d’avoir de nouveaux éléments à
analyser. Il peut grâce à cela élargir et faire évoluer ses conclusions et sortir
de son état. Que l’action se sente enfermée par le mental, les jugements, les
préjugés ou qu’elle considère qu’elle est la seule issue, le Bâton est la vie, la
pulsion et ne peut à terme qu’alléger l’enfermement des pensées qui
tournent en rond. Le VIIII, comme l’Hermite le montre, est aussi la quête,
la recherche. L’esprit est comme un ordinateur ; sans nouvelle donnée, il ne
peut rien envisager d’autre que ce qu’il a déjà testé. Le Bâton, énergie de
l’action, est la bonne solution pour nourrir l’Épée. Cette alliance est un des
messages essentiels du Tarot, aucune énergie n’est plus importante qu’une
autre. L’Épée, pourtant niveau supérieur et sublimé du Bâton, a besoin de
lui pour ne pas se sentir asphyxiée, sclérosée puis s’éteindre, comme c’est le
cas dans la dépression.
La réceptivité :
L’Épée et le Denier ont les fleurs en commun. Celles du VIIII ressemblent
à celles de l’As de Denier. Cela nous rappelle qu’une des fonctions
importantes du cérébral est de réfléchir aux besoins du Denier et d’y
répondre. Le VIIII a beau chercher une solution sans trop de conviction, ses
fleurs lui rappellent qu’il a les éléments nécessaires pour répondre à sa
quête. C’est pour lui assez flou, il est préoccupé par la forêt d’Épées qui
occupe la carte et se sent prisonnier d’une réflexion qui tourne en rond mais
avec un peu de patience, il verra les fleurs qui lui amèneront une autre
source de réflexion. Une des réponses de cette alliance est l’harmonie, elle
est grâce à l’art une des émanations que recherche l’Épée et elle est ce qui
va nourrir le Denier une fois que ses besoins primaires seront satisfaits.
Comme souvent dans les énergies d’Épée, la pensée fuse, la réflexion part
dans tous les sens à la recherche de quelque chose d’inconnu. Dans cette
alliance, ce qui apparaît est le Denier. Répondre à ses besoins est le but
majeur de l’incarnation.
Le cérébral :
Le cérébral est roi et il s’exprime dans sa partie la plus égotique. Seules la
pensée et les valeurs cérébrales sont importantes. C’est utile si on prépare
une thèse de doctorat, mais dans la vie réelle, cette fermeture est le signe
d’un dérèglement important. Il faut se poser des questions sur notre mode
de fonctionnement et sur les mécanismes que nous mettons en place pour
contrôler nos angoisses. Le mental est important mais contrairement à ce
qu’il pourrait croire il n’a pas la primauté sur le reste de l’individu. Il n’est
qu’un outil dont la juste place est de se mettre au service du reste de la
personnalité. Seul, isolé, convaincu qu’il est le seul à détenir la vérité et
cherchant la toute-puissance, il ne peut que dépérir et nous mener à l’échec.
La question majeure est : de quoi avons-nous peur ? En répondant à cette
question, nous pacifierons cette alliance et pourrons évoluer vers une autre
stratégie prenant en compte nos besoins réels.
L’émotionnel :
Le mental se protège des émotions, il refuse de les voir et nie leur
existence. Elles lui paraissent trop dangereuses et intrusives. Des
expériences anciennes font qu’il en garde un souvenir douloureux et n’a
peut-être pas tort de s’en méfier. Il ne se sent pas capable de les affronter à
nouveau. Il a besoin de temps pour s’y préparer et en attendant il se
barricade.
Vu de l’extérieur, nous pourrions croire qu’il a tort, qu’il doit s’ouvrir,
faire confiance à la providence, en bref tout ce que l’on entend dans les
conférences sur la psychologie positive, mais en fait il a raison, il a besoin
de savoir où il en est et quelles sont ses capacités réelles. Le cérébral est
déconnecté du corps, et il a besoin de se sentir prêt avant de retenter une
expérience émotionnelle ou sentimentale, sinon elle sera vouée à l’échec. Il
est important de ne pas sous-estimer le pouvoir de l’inconscient et mieux
vaut accepter sa vulnérabilité et l’accueillir en acceptant d’être patient que
d’utiliser la méthode Coué et saboter une histoire naissante.

Le X d'Épée : un nouveau voyage démarre, renforcé par les expériences du


précédent. Avons-nous compris les leçons des arcanes I à VIIII qui
représentent le cycle de rencontre avec l’incarnation, le cycle
d’apprentissage de l’énergie d’Épée ? Le X se sent mûr et suffisamment
sage pour affronter la vie. Le Tarot a été écrit durant la Renaissance, le X
d’Épée ressemble à des armoiries de chevalier, expression de puissance et
des valeurs spirituelles essentielles à son adoubement.
Cette figure complexe et chargée peut aussi masquer autre chose. La
pensée, le discernement, ne sont possibles qu’avec du cœur, des émotions.
Le travers de l’Épée est d’en manquer, d’où ces fleurs, expressions de
l’énergie Yin et sources d’émotion dans les cartes paires. Le X d’Épée a
aussi un côté dur, presque violent, ses deux épées croisées expriment un
interdit, un stop qu’il vaut mieux ne pas franchir car cela risquerait de nous
amener à l’isolement et à la souffrance. Toutes les chansons du Moyen Âge
ne parlent-elles pas de preux chevaliers à la recherche de leur dulcinée ? La
pensée bien organisée rencontre les valeurs humaines et le spirituel, mais
solitaire et isolée, elle peut ouvrir la voie à ce qu’il y a de pire dans
l’humanité, car coupée des émotions et de l’altérité.
Sur l’action :
Le Bâton amène de l’action et de la force, il a aussi l’avantage de sortir
l’Épée de son isolement et de lui permettre de penser à autre chose qu’au
cérébral. Attention toutefois, car manquant cruellement d’énergie Yin, ce
couple peut amener à la violence et même à la barbarie. Que se passe-t-il ?
Tirer deux arcanes aussi coupés de l’écoute suppose une réelle souffrance
intérieure qu’on refuse de voir. C’est soi-même que l’on refuse d’écouter et
sa propre douleur que l’on refoule et qui est prête à exploser. Pourtant le
Bâton est aussi un message d’espoir, sortant l’Épée de son enfermement. Il
ne peut que lui permettre de trouver d’autres voies et forcément à terme la
solution à ses problèmes. Le mieux à faire est d’accueillir cette partie de
l’enfant intérieur qui souffre et se sent impuissant ; le fait qu’il se sente
écouté permettra de libérer suffisamment d’énergie pour commencer à
sentir le bout du tunnel.
La réceptivité :
Le Denier rappelle au X d’Épée qu’une des missions de sa vibration est de
réfléchir sur l’incarnation. L’Épée qui a acquis une véritable sagesse s’ouvre
à son potentiel et son imaginaire. Elle et le Denier ont les fleurs en
commun, ils sont donc beaucoup plus liés qu’il n’y paraît. Dans l’arcane
XXI, le Denier est en bas gauche de l’arcane et est relié au taureau et à saint
Luc. L’Épée est en haut à droite et est liée à saint Jean. Que les créateurs du
Tarot aient trouvé un lien aussi fort entre deux vibrations qui semblent si
dissemblables est question-nant. Un des messages qui est venu jusqu'à nous
est l’importance du Denier comme symbole d’incarnation et d’ancrage.
L’Épée, quand on la relie à saint Jean, semble totalement déconnectée du
réel. Il suffit de lire son Évangile pour se rendre compte à quel point il
diffère des trois autres. Il est avant tout dans le symbole et l’allégorie alors
que les autres se placent dans l’histoire. Ces fleurs, que ces deux vibrations
partagent, sont l’expression de la volonté des créateurs du Tarot de nous
signifier que même si le mental est capable de choses extraordinaires,
créatives et totalement dans l’abstraction, son but premier est de s’intéresser
au Denier. Dans cette paire, l’Épée, arrivée au sommet de son évolution,
utilise ses talents pour revenir à l’essentiel.
Le cérébral :
Le X d’Épée a un côté austère. D’autres arcanes de cette même énergie
sont plus colorés, plus vivants, cela lui rappelle que l’Épée est une énergie
multiple et complexe. Elle n’est pas seulement faite pour décider ou
trancher, elle permet aussi la réflexion, la créativité, l’analyse, la structure et
la pensée. Cette association exclusivement « Épée » permet d’utiliser le
cérébral pour comprendre quelles ressources il faut chercher pour nourrir ou
débloquer une situation. Quelques fois il faudra trancher, réfléchir ou bien
utiliser son imaginaire. Que la question concerne l’énergie d’Épée ou les
autres vibrations, c’est au cerveau de jouer et de chercher la solution, ce
qu’il adore faire.
Le risque avec le mental est de tourner en rond et de chercher des
solutions alors qu’il n’y a pas accès. On ne peut pas tout comprendre ;
certaines choses sont de l’ordre de l’émotion ou de besoins vitaux pour
lesquels le mental ne peut rien. Mais en règle générale, cette alliance permet
de faire bouger les choses ou d’apporter le discernement nécessaire pour y
voir plus clair.
L’émotionnel :
Le X cherche à comprendre l’amour et la sphère émotionnelle, c’est un
pari difficile, en partie inutile mais nécessaire : le mental a un besoin
viscéral de comprendre, c’est son essence même. Il met toutes ses capacités
au service de l’analyse des situations émotionnelles et pense pouvoir savoir
ce qu’elles sont. Certains êtres sont ainsi et ont une tendance réelle à être
cérébraux et à passer toute leur vie par le filtre du mental et de la réflexion,
pourquoi pas ! Cela peut aussi supposer une crise émotionnelle ou
sentimentale dont on cherche à contrôler l’impact.
Que ce soit parce qu’on est rassuré par le monde des pensées ou parce
qu’on est en souffrance, il faudra de toute façon se remettre en question et
écouter beaucoup plus ses émotions, les émotions des autres et faire preuve
d’altérité. L’amour domine et étouffe tout ; dans l’As de Coupe, la couronne
en forme de forteresse coiffe le bleu de la réceptivité et la boule (le feu, le
soleil ?) de la vitalité. C’est un peu excessif mais le message est aussi que
l’amour est indispensable à toute chose. L’Épée, avec sa propre tendance un
peu égocentrique, a du mal à accepter que la Coupe, elle aussi, se sente si
importante. Quand nous avons mal, le cérébral ne peut pas grand-chose
hormis le constater, ce qui le déroute, mais quand il accepte son sentiment
d’impuissance, il peut se mettre au service des émotions et réellement aider
au dénouement d’une situation.

Le Valet d'Épée. Il est la pureté du cérébral, l’enfant dans l’énergie. La


carte est harmonieuse. Le Valet est prêt à utiliser sa pensée mais il ne sait
pas trop quoi faire. Son Épée est immense et il la tient fermement :
symptôme d’énergie et de vitalité. Le rouge est très présent sur son habit,
son chapeau. La partie dorée (couleur de la sagesse) de son chapeau est
source d’intuition, elle lui donnera probablement la voie. Le fourreau de son
Épée est rouge et son Épée dorée. Sa capacité de réflexion est active et ses
pensées sont pures et sages.
Il tient son Épée en retrait, s’en sert-il pour agir ou pour se protéger ? Cela
pose la question de l’utilité du cérébral. À quoi sert-il ? Dans un premier
temps attaquer ou se défendre, cela renvoie au cerveau reptilien et à nos
besoins primaires. Plus tard viendra le désir de créer ou d’imaginer. La
couleur or de l’Épée porte déjà les prémisses de ses capacités même si le
Valet ne le sait pas ou ne désire pas les utiliser. Le cerveau est un outil
magnifique, la complexité, l’intelligence, la profondeur en sont certaines de
ses émanations. Le Valet a besoin de temps pour sentir la subtilité de tous
ces atouts. Le cerveau se comporte, aussi, comme un ordinateur qui a
besoin d’informations pour pouvoir les intégrer et les analyser. Le Valet
attend peut-être que l’univers l’informe avant d’utiliser pleinement ses
capacités.
Dans le concret, le Valet d’Épée est quelqu’un qui, de façon impatiente, a
besoin d’expérimenter ses capacités cérébrales, il sent sa sagesse et a du
mal à l’exprimer, peut-être à se faire entendre. Tous les enfants ont une
sagesse et une pureté, les écoute-t-on vraiment ?

Sur l’action :
L’Épée est l’énergie sublimée du Bâton, on peut supposer que le Valet la
connaît bien et ne veut plus y retourner. Le Bâton est la force brute, vitale et
le Valet a besoin d’une action plus subtile, plus... cérébrale. Cette alliance
nous dit que le Valet, le consultant, pourrait encore une fois utiliser la force
vive du Bâton mais ne le désire pas, il a besoin d’explorer et d’utiliser ses
capacités de réflexion. La puissance l’encombre, il veut réfléchir, créer et
non foncer dans le tas. Il est probable qu’il ait utilisé la force, peut-être
même la violence, par le passé et qu’il veuille la mettre à l’écart pour jouer
une partition plus subtile même s’il n’est pas sûr de lui. Il a besoin d’un peu
d’expérience et de maturité pour trouver une solution adaptée à son
questionnement.
La réceptivité :
Le Denier est un arcane complexe et le Valet ne se sent pas les moyens de
le comprendre. Il est avant tout énergie d’Épée et a besoin d’expérimenter
ses capacités avant de se mettre au service d’autre chose. En lui laissant le
temps d’approfondir ce qu’il est, il deviendra Cavalier d’Épée, arcane pour
qui la quête du Denier est une évidence. C’est un des messages importants
du Tarot, le Denier est un des besoins essentiels de notre nature. Mais le
Valet a besoin, pour le moment, de se construire et de construire sa
réflexion avant d’arriver à cette conclusion. Cette alliance permet
d’observer le Valet de façon neutre et de chercher à comprendre quelle est
l’évolution qui lui permettra de devenir Cavalier et donc de s’ouvrir sur les
besoins de l’incarnation. Il est une ouverture au question-nement et à
l’observation tout en sachant qu’il est une étape utile à la résolution de la
question posée au moment de ce tirage.
Le cérébral :
Le Valet est dans son monde, il a besoin d’expérimenter les capacités de
son énergie et cette alliance va lui permettre de l’étudier. Il va chercher en
lui la réponse qu’il veut trouver, il aime réfléchir et a profondément besoin
de faire marcher ses neurones. Le danger est qu’il tourne un peu en rond
mais il ne pourra, de toute façon, pas s’empêcher de penser, alors autant le
laisser faire. De plus, rien ne dit qu’il ait tort. Il a tout le potentiel de la
pensée et de la création, il est profondément intuitif et détient en lui-même
les réponses qu’il cherche. De la même façon qu’une graine contient l’arbre
qu’elle deviendra, il agit et pense avec une sagesse dont il n’a pas
conscience mais qui se révèlera au fil du temps.
L’émotionnel :
Les deux cartes se renvoient les informations et se répondent l’une,
l’autre. L’or du chapeau du Valet fait écho à la couronne de l’As de Coupe,
et le rouge de son habit et de ses chaussures à la boule de ce même arcane.
Le Valet a la pureté des enfants, elle fait écho aux qualités fondamentales de
la Coupe dont l’As est l’émanation dans ce qu’elle représente de plus
archétypal. Cette alliance, nourrie d’insouciance, exprime le fait qu’il ne
puisse pas y avoir de réponse intellectuelle sans écoute de ses émotions et
sans altérité. Le Valet dans sa quête des qualités cérébrales sent qu’il ne
pourra s’en servir qu’en étant à l’écoute de son besoin de lien et de légèreté.
C’est une très belle alliance faite de réflexion, de créativité, de pureté,
d’amour et d’espoir.
La Reine d’Épée est l’excès féminin ou Yin de l’énergie. Son mental est
hyper actif, son Épée est rouge, ainsi que la majeure partie de sa tenue. Les
forces de l’esprit sont essentielles, elle a confiance en elles mais est dans la
peur de la violence et de la frustration. Elle porte son Épée (son mental)
devant elle, prête à se protéger ou attaquer. La réponse à la peur, émotion
archaïque et fondamentale, se trouve grâce à la puissance physique, énergie
du Bâton, ou grâce aux qualités cérébrales. Sa peur de la violence et de son
côté animal fait qu’elle favorise l’intelligence et/ou le pouvoir pour trouver
une place dans la société et se sentir en sécurité. Cette peur reste plus ou
moins inconsciente mais constante.
La colère, la dépression ou la frustration sont aussi les apanages de la
Reine d’Épée. Cela semble, à première vue, contradictoire mais la
dépression est basée sur un terrible sentiment d’impuissance et le
refoulement d’une colère, voire d’une violence, qui figent l’âme et ne lui
laissent aucune issue.
Elle a sa main sur son ventre, certains commentateurs pensent qu’elle
pourrait être enceinte au sens propre, comme au sens figuré. Ce qu’elle
porte peut être un enfant, ce qui la fragilise, cela peut aussi être son histoire,
des secrets, des choses cachées qui la construisent ou la détruisent et dont
elle ne sait rien. La Reine d’Épée est un arcane d’invitation à
l’introspection, ce qu’elle peut quelques fois envisager quand ses stratégies
cérébrales pour se protéger du monde ou pour briller en société ont échoué
mais c’est hélas assez rare. Elle préfèrera courir les médecins et traiter ses
symptômes au lieu de se remettre en question.

Sur l’action :
C’est probablement ce qu’elle craint le plus. Le Bâton, la force brute, la
vitalité, la libido, la terrorisent. Elle les voit comme une menace, cela
accentue son mental, son égo et sa peur. Elle peut se montrer à son tour
extrêmement violente. Si elle arrive à dépasser ses démons intérieurs et ses
terreurs inconscientes, cette rencontre lui permettra de trouver, en elle, des
ressources insoupçonnées. Elle pourra apprivoiser et utiliser ce Bâton
qu’elle craint tant, ce qui la transformera à tout jamais. Pourtant dans cette
alliance, le Bâton ne lui est pas hostile, il est l’expression de son
inconscient, de ce qu’elle porte en elle et de ce qui pourrait l’aider. Le
message qu’il lui délivre en se montrant est qu’elle détient cette puissance,
cette force et qu’elle n’a rien à craindre de la vie ou de la violence des
autres.
La réceptivité :
La Reine d’Épée se sent enfermée, solitaire et en souffrance, elle
s’accroche à son Épée comme à un totem, comme un animal terrorisé qui
s’apprête à attaquer. Le Denier lui montre quel est son vrai combat :
s’intéresser à lui et l’aider à se sentir en sécurité. Le Denier c’est l’ancrage.
Cette sécurité intérieure se construit durant les premières années de la vie
grâce à la façon dont l’environnement du bébé l’accueille et le sécurise. La
Reine ne s’est jamais sentie profondément aimée, elle s’est construite en
refoulant avec plus ou moins de succès l’isolement qu’elle a ressenti enfant
et cette rencontre la renvoie à ce qu’elle a combattu avec autant de fougue.
Pourtant, comme pour le Bâton, la présence du Denier est un message
d’espoir qui peut permettre de rééquilibrer ses choix de vie, s’intéresser
davantage à son intériorité et moins aux paillettes et à la vie sociale.
Le Denier est aussi l’énergie de l’argent. Il n’est ni bon ni mauvais, il est
une énergie censée fluidifier les relations. S’il prend trop de place dans la
psyché, il ne peut être qu’un symptôme extérieur d’un déséquilibre intérieur
qu’il faut inspecter. Le véritable enjeu du Denier est la dépendance et ses
dangers.
Le cérébral :
L’énergie d’Épée face à la Reine joue l’apaisement, elle cherche à lui
montrer que le cérébral n’est pas uniquement cette suractivité dictée par la
peur ou la frustration. Il est, aussi, le siège de la réflexion et de la créativité.
En prenant du recul, la Reine trouvera des solutions pour gérer la situation,
quoi qu’elle en pense. Elle acceptera de s’apaiser, de faire la part entre
l’angoisse issue de son histoire et la réalité du moment et de ses dangers.
Dans le meilleur des cas, elle peut même à son tour être porteuse (enceinte)
de créativité et découvrir un sens à sa vie. Elle changera totalement
d’optique et se mettra à faire des projets. Dans le cas inverse, elle peut, dans
son enfermement, perdre confiance en elle et se sentir profondément
découragée et incompétente, mais cette situation ne sera qu’une étape
précédant la confiance et l’ouverture.
L’émotionnel :
La Reine, dans son besoin de tout maîtriser, ne peut envisager les
émotions avec sérénité. Elle donne le change, elle peut être très séductrice,
son Épée se transforme en charme mais au fond d’elle-même, elle calcule
comment conserver le pouvoir ou tout du moins le contrôle de la situation.
Elle s’est sentie dépendante dans le passé, en a souffert et elle est bien
décidée à ne plus se faire avoir. Les émotions, les sentiments sont
synonymes de soumission à des diktats dont elle ne veut plus. Elle peut, si
elle ne se sent aucune solution, tomber en dépression ou sombrer dans la
haine. Avant d’en arriver là, elle peut être extrêmement calculatrice et
dangereuse, si elle se sent en danger ou si elle désire ardemment quelqu’un
ou quelque chose. Pour elle, l’argent n’est pas seulement un moyen, cela
peut être un but, et elle peut tout faire pour en gagner, par exemple.
Cette alliance est d’autant plus complexe à vivre que la Coupe ne peut pas
être bien vécue si le Denier n’est pas en sécurité. Elle devient, à ce moment-
là, un outil de compensation du manque de sécurité intérieure, or le Denier
est le problème majeur de la Reine d’Épée et elle ne peut pas appréhender
les sentiments sans contrôler son degré de dépendance et d’angoisse. Son
insécurité archaïque et profonde ne peut pas faire bon ménage avec un
besoin de lien, elle qui n’est que séduction, contrôle et violence. La Coupe
peut sentir comme très émouvante la douleur qui encombre la Reine et
altère ses relations avec les autres. Alors si la compassion pacifie cette
Reine si passionnelle, peut-être pourra-t-elle s’adoucir et enfin
s’abandonner.
Le Roi d'Épée : son Épée, couleur chair, est immense. « Je pense donc je
suis » est son crédo, il ne vit que grâce à l’intellect, la culture ou la pensée.
Il porte un Bâton sur son côté gauche, il connaît donc l’énergie Yang mais
son Bâton est blanc, et il ne semble pas vouloir l’utiliser, il le tient comme
s’il le cachait ou qu’il n’avait pas d’importance. Seule son Épée est tenue
fermement devant lui. Toutefois, il regarde du côté opposé, du côté du
Bâton ; peut-être, d’une certaine façon, en a-t-il la nostalgie ou a-t-il besoin
que son énergie vitale soit pure et pas trop active pour lui permettre
d’actionner ses capacités cérébrales. Il lui est impossible d’être dans le
désir, la puissance corporelle et dans la pensée.
C’est un homme d’apparat, d’autorité et d’influence comme le montre son
costume. Il s’identifie à son esprit et au pouvoir donné par l’intelligence et
la réflexion. C’est un stratège. Mais il peut se transformer en dictateur car il
est dans l'irréel, dans la réflexion permanente voire le doute car seule
l’action permet de tester dans la matière quelles sont ses envies réalisables.
Or son Épée est couleur chair : il imagine qu’il peut vivre l’expérience de la
matière à travers sa pensée et son Bâton, et est incapable d’affronter le
monde et ses expériences.
Il peut être un mythomane ou quelqu’un qui fait des projets en
permanence sans les réaliser ; en bref, il stigmatise les excès de l’intellect
quand on imagine que la vie est pensée et non action.

Sur l’action :
Le Bâton vient rectifier les excès du Roi d’Épée. En se montrant, il crée
chez le Roi la conscience de son besoin de vitalité et il peut déléguer ce
qu’il a du mal à faire ou à être. Il reste dans son domaine de prédilection, le
cérébral, et laisse des alliés gérer l’action. Son Épée couleur chair, couleur
de la matière, permet à sa pensée d’être reliée aux besoins réels de
l’incarnation et le Bâton peut mettre des stratégies en place pour organiser
le monde. C’est la complémentarité de la tête et des jambes d’autant plus
que le Bâton n’est pas étranger au Roi : il en vient et connaît son pouvoir,
simplement il ne sait plus l’utiliser car trop en contradiction avec ce qu’il
est devenu : un être de réflexion et de pensée, rejetant l’action et peut-être
même les désirs primaires ou primordiaux.
La réceptivité :
Son trône, sur lequel il est assis, comme son Épée, est couleur chair.
L’incarnation, énergie du Denier, l’intéresse beaucoup et il compte sur son
cerveau pour s’incarner. Réfléchir à comment vivre ici et être en sécurité est
une bonne approche mais ce ne sera pas suffisant ; seule l’action concrète
permettra de répondre en profondeur aux besoins du Denier. Il peut
chercher à dominer et forcer le destin pour faire ce qu’il veut et se
transformer en roi despote ou profondément dépressif. Il touche son Bâton,
qui ne lui est d’aucune utilité, et il peut s’enfermer dans un sentiment
d’impuissance qui l’amène à ces excès. Il est aussi un homme d’argent et le
fait que son trône soit couleur chair le protège de manquer de moyens
financiers. Si cela est loin de le rendre heureux, cela peut toutefois l’aider à
se sécuriser et lui permettre de prendre un peu de recul. Sa grande erreur est
de s’accrocher à ce qu’il a et non à ce qu’il est, mais s’il s’interroge dans ce
sens il peut renverser la vapeur, écouter son intuition, représentée par les
visages sur ses épaules qui regardent vers le ciel, et se transformer en
Cavalier.
Le cérébral :
Des questions, des questions et des questions. Le mental tourne en boucle,
la recherche est permanente et est coupée du concret et des émotions. Cela
peut être une excellente association pour un philosophe ou un chercheur.
Elle est plus compliquée à vivre face à une crise existentielle. Il peut en
sortir des intuitions fulgurantes et une lucidité utile pour comprendre
certains phénomènes et résoudre des problèmes mais qui, en cas de
difficulté, enfermera l’âme dans un sentiment d’impuissance fort, pouvant
aller jusqu'à une dépression. C’est tout le questionnement du cérébral qui
est posé. Il est un outil magnifique quand il cherche ou crée mais peut se
retrouver très sclérosant quand il cherche à prendre une place qui n’est pas
la sienne ou quand il est une fuite à l’action.
L’émotionnel :
Le Roi regarde la Coupe avec méfiance. Le cérébral s’est construit en
mettant à distance les émotions afin de moins souffrir et s’il se sent mieux
armé grâce à son vécu, il n’en est pas moins vigilant par rapport à ce qu’il
pourrait ressentir. Son Épée le protège et est prête à trancher sans état
d’âme. À tel point qu’il peut en avoir oublié qu’il n’est pas qu’un pur esprit
et qu’il est, lui aussi, porteur d’émotion. Même s’il les refoule au plus
profond de lui-même, elles n’en restent pas moins présentes et actives. Il
cache son sceptre, son pouvoir, à côté de lui. Fondamentalement, il s’est
construit en se sentant dans la sublimation des qualités cérébrales. Tout son
pouvoir se situe là, au détriment de la vitalité, dont il ne veut plus entendre
parler. Il a un côté asexué, son Bâton est blanc, et dans la relation à l’autre
qui inclut la relation amoureuse, l’intelligence est importante, mais la
présence et la pulsion de vie, émanation du Bâton, le sont plus encore.
Le Cavalier d'Épée : l’énergie d’Épée est comprise et intégrée. Le Cavalier
sait à quoi servent le mental, le discernement, et de façon plus générale, les
forces de l’esprit. Il tient son Épée fermement, elle est devenue blanche.
Elle a intégré la connaissance et la pureté du Bâton qui sont passées dans
l’Épée, elle est devenue Épée et Bâton à la fois, elle cumule les vibrations
des deux énergies. Plus exactement, une certaine qualité de l’énergie
Bâton : la paix qui émane de lui quand son énergie trouve une place dans la
transcendance vers le cérébral sans frustration liée à un refoulement d’une
pulsion inassouvie.
Son visage, peut-être un masque, ainsi que le haut de son casque sont
couleur or. Le visage, la face, est l’expression de l’égo et du refoulement
émotionnel. Comme l’analyse la morphopsychologie, le haut du casque est
en contact avec le ciel. Ses pensées exprimées ou refoulées sont désormais
contrôlées et en lien avec ce que le Divin veut de lui.
Son cheval est très actif, il se cabre mais il sourit. Le Cavalier est dans
l’énergie du mental, de la sublimation cérébrale mais son cheval, lui, est
dans l'action et dans l’incarnation. La tête est dans les étoiles et le corps, sur
terre, dans la matière, est de couleur chair, habillé de rouge.
Le Cavalier représente l'accomplissement, il nous montre comment être
vital et cérébral à la fois. Il est actif, volontaire, prêt à faire des choix, à
trancher avec un cerveau en lien avec le ciel (le haut du casque couleur or),
une identité pacifiée (le visage couleur or) et un corps, un désir prêt à
bouger, à avancer.
Le côté qui est le plus à surveiller est son côté guerrier ; ce Cavalier est du
côté Yang et les émotions ne le touchent guère. Le masque sur l’épaule
gauche est tourné vers le ciel, il peut écouter, et si sa foi est juste et
emprunte d’altérité, son Épée exprimera et tranchera de façon juste et sage,
en revanche, s’il oublie cette écoute de son féminin et la pureté de toute
cette couleur or dont il est constitué, il peut se transformer en fanatique
convaincu de son bon droit.

Sur l’action :
Le Bâton se rappelle au bon souvenir du Cavalier. Sa vitalité vient de là et
le Bâton lui rappelle qu’il peut être autre chose que blanc. Cette paire très
Yang est très complète dans l’action. Le cérébral du Cavalier s’allie au côté
pulsionnel du Bâton afin de réaliser ses souhaits avec intelligence et vitalité.
Le Cavalier peut faire confiance au destin et avancer fermement. Le seul
bémol est qu’il y a peu de place pour les émotions et les sentiments. C’est
une excellente alliance pour qui a besoin d’agir. Attention toutefois à ce que
le défaut d’écoute ne soit pas un handicap.
La réceptivité :
L’or du Denier se retrouve dans de nombreuses parties du Cavalier, qui a
intégré une partie de la sécurité et de la profondeur de cette vibration. Il est
donc en paix et ne se pose pas trop de questions liées aux raisons de sa
venue sur terre ou sur des problèmes de sécurité ou d’identité. Son cheval
couleur chair, rouge et or, avance sûrement et le Cavalier, certain d’être en
place, le monte avec assurance. Tout l’arcane et toute cette alliance
expriment de la confiance en soi et une assurance réelle. Le visage tourné
vers le ciel est la seule partie réellement à l’écoute, il est couleur chair, Il
veut être certain d’être sur la bonne voie et guette les messages qui
pourraient venir du ciel. Le côté guerrier de la carte montre qu’il est prêt à
défendre ses convictions et sa foi et qu’il n’est pas forcément décidé à se
remettre en question hormis face au ciel.

Le cérébral :
L’Épée incarne le cérébral, ses qualités ou ses défauts ; le Cavalier est la
concrétisation dans cette énergie. Cette alliance permet de voir quels sont
les travers de l’esprit qu’il va falloir affronter pour retrouver la sagesse et la
paix inhérentes au Cavalier. Quelle partie du cérébral faut-il domestiquer et
apprivoiser pour construire la force qui émane de l’arcane ? Cette lutte
contre ses démons intérieurs est vouée au succès et le Cavalier se sent prêt
pour la rencontre ou l’affrontement.
C’est le cas pour toutes les paires, mais celle-ci particulièrement peut être
méditée comme un mandala. Être à son écoute permet de ressentir
profondément quels sont les refoulements et les peurs qui ont structuré la
psyché. Le Cavalier se sent assez en sécurité pour affronter ses blocages et
ses freins et ressentir la vie autrement, il vit comme une opportunité cette
réflexion sur la complexité du cerveau et sur ses méandres.
L’émotionnel :
Le cérébral, à son habitude, tente de contraindre et de contrôler
l’émotionnel. Le Cavalier plus que tout autre, grâce à ses certitudes, est
convaincu d’y arriver. Cela est possible, certains couples très cérébraux sont
ravis d’être ensemble et vivent très harmonieusement par exemple, mais
cela deman-de énormément d’énergie au Cavalier pour maintenir son
contrôle et ne pas se laisser déborder par son émotivité. Il est le maître
absolu du refoulement de la réceptivité et des émotions. S’il se sent isolé ou
s’il souffre, il aura besoin d’aide pour percer sa carapace car seul, il n’y
arrivera pas. Il a, par la force de sa volonté, réussi à contenir ce qui pouvait
le déranger et lui faire mal et il lui est impossible de se laisser aller en
confiance à une relation quelle qu’elle soit. Avec le temps, cette tendance
un peu paranoïaque pourra s’assouplir ; si la relation ne rompt pas d’ici là,
elle deviendra forte, empreinte de sécurité et de fidélité.
Les Coupes

Les Coupes sont couleur or, elles représentent l’énergie Yin comprise,
intégrée. C’est le second degré du Denier. Le Denier est la relation à soi, la
Coupe : la relation à l’autre.
Une fois qu’on a trouvé sa place et qu’on se sent incarné et en sécurité, on
s’ouvre aux émotions, c’est le message du Tarot. La Coupe représente
l'amour en général, celui de son travail, de son compagnon... ou l'amour
universel, la compassion. Elle est l’arcane des émotions et du lien à l’autre,
qu’il soit vécu comme une force ou comme une souffrance.
Cette vibration ne peut se construire sereinement que sur un socle
structuré et puissant, sinon c’est la dépendance qui prendra le pas sur
l’ouverture. La dépendance est le maître-mot des énergies Yin et Yang. Cela
est valable pour la course des atomes reliés les uns aux autres et pour les
relations inter-individus. En soi, la dépendance est un fait neutre, les
scientifiques l’appellent la loi de l’attraction ou la gravité, elle peut être
agréable ou douloureuse. La question majeure est : qu’est-ce qu’on attend,
en quoi est-elle salutaire, joyeuse ou destructrice ? C’est le Denier, plus ou
moins en place, qui donnera la réponse. Les émotions ne sont que le constat
de notre ancrage et de notre besoin plus ou moins vital de lien.

L'As de Coupe : il est la définition imagée et symbolique de l’amour, ce


qu’est l’amour. Qu’est-ce que les émotions ? Qu’est-ce que cela représente
pour nous ? L’As de Coupe, plus que les autres énergies du Tarot, suggère le
questionnement. Nous sommes des êtres émotionnels, c’est peut-être ce qui
nous définit le plus. Nous sommes capables d’émotions. L’As de Coupe est
cette représentation dans son essence, la Coupe est énorme. Bien sûr, c’est
quelque chose qui est en nous comme un appel et un besoin. Nous nous
construisons sur ce besoin de lien que nous avons avec notre mère puis avec
nos proches. Le fait d’être, d’exister ne lui suffit pas, le bébé prend
conscience de lui et de son existence grâce aux liens qu’il tisse.
Le Denier ne peut se sentir vivant que grâce à la Coupe alors qu’il lui est
préexistant et qu’il existe de toute façon mais il ne peut avoir conscience de
lui-même qu’à travers la présence des stimuli et des marques d’intérêt et
d’affection que lui renvoient son environnement, ses parents et toute
personne lui portant de l’attention. Pour nous, un bébé existe et vit. Son
Denier est bien là mais pour lui c’est à travers les réponses qu’il obtient de
ses attentes et de ses besoins de communiquer qu’il se construira. C’est dire
l’importance de la Coupe. C’est à travers elle et l’Épée que le processus
d’individuation opère. Même le Bâton, énergie Yang préexistant à tout
puisque expression du Vivant, se construira et s’organisera grâce aux
autorisations parentales et sociales qu’il rencontrera donc, comment il
percevra l’accueil qu’il recevra de son environnement. L’As de Coupe est
cet environnement. Qui suis-je, avec quels liens suis-je ?
L’âme habitée d’énergie vitale vient du Ciel, construit sur Terre sa capacité
à se sentir indépendante et en lien puis retourne au Ciel avec ces sensations
de liberté, de joie et de plaisir de se sentir en communion avec l’univers.
C’est une bonne définition de la sagesse qui entremêle Denier et Coupe. La
difficulté ultime est de démêler ce qui vient de soi et ce qui vient des autres.
Dans ce besoin de contact et d’amour, la Coupe de l’As de Coupe coiffe les
autres énergies et les inonde de couleur or mais où est la compassion et où
est l’intrusion ?
Sur l’action
Pour le Feng Shui, le Bâton est le feu, la Coupe est l’eau et l’eau éteint le
feu. Dans le Tarot, l’or de la Coupe, dans les As, coiffe la couleur rouge du
Bâton. C’est la rencontre de deux vibrations qui ne peuvent que s’associer
pour vivre ensemble ou se combattre. Comment l’amour de la mère va-t-il
cadrer la pulsion du nourrisson et comment, plus tard, cette même pulsion
structurée va-t-elle vivre au contact des autres ? C’est toute la question de
l’incarnation. C’est la résolution de cette équation qui nous permettra de
vivre en paix ou non. Tirer ces deux arcanes ensemble, c’est souligner
l’importance de la question qui a amené ce jeu et de la réponse qu’on lui
apportera. Le consultant est au cœur de son identité et peut-être de sa
problématique la plus ancienne, la plus secrète et la plus refoulée. Il cherche
à vivre son désir, sans frustration ni refoulement au contact de l’autre, sans
le blesser ou être intrusif, comme dans une danse, un tango, où chacun
jouerait sa partition en accord avec sa ou son partenaire. Si la sensation
d’être faits l’un pour l’autre est évidente, c’est que cette alliance se fera
dans l’amour, la paix et la joie ; si au contraire l’angoisse domine, alors, il
faudra s’interroger sur cette relation et surtout sur l’enfance et sur la
difficulté que nous avons eue à exister dans notre Denier. C’est un
révélateur implacable et sans concession de notre propension au bonheur.
La réceptivité :
C’est un grand écart, exister pour soi ou pour autrui, se respecter ou
respecter l’autre, cette alliance montre la difficulté qu’il y a à être à l’écoute
de soi-même dans le respect de ses semblables. Quand la question se pose
de cette façon, c’est qu’on a tendance à s’oublier au profit des autres. C’est
le signe de notre compassion, d’une âme légère plus emplie d’amour que de
violence mais ce n’est pas une marque de notre générosité qui est pourtant
réelle. Cela serait plutôt le signe d’une fragilité, de notre peur de déplaire ou
de notre peur tout court. La vibration humaine est quelques fois dure et il
faut l’affronter pour assumer ce que l’on est, ce que l’on désire et ce que
l’on sent de juste pour soi. Imaginer qu’on est dans l’amour de l’autre alors
qu’on se sent frustré ou acceptant une intrusion qu’on se sent incapable de
rejeter est un leurre de l’esprit qui masque une vraie souffrance. Cette
alliance entre le Denier et la Coupe pose la question de notre capacité à
assumer sa place, son incarnation et ses désirs. Assume-t-on d’être dans le
« moi-je », avant de permettre à sa compassion naturelle d’inonder son
entourage ? Un arbre peut croître et offrir son ombre car il a permis à ses
racines d’être puissantes et profondes, et pour ce faire il a souvent dû
s’imposer et assumer sa culpabilité.
Le cérébral :
L’amour est très cérébral, on aime avec son cœur et avec sa tête. La Coupe
est amoureuse de l’intelligence et de la créativité. Elle ne veut guère
entendre parler d’énergie brute, qu’elle considère comme primaire, mais
plutôt d’art, de philosophie et de toutes les capacités intellectuelles dont
nous sommes capables. La Coupe est en admiration et se sent en sécurité.
Elle absorbe l’énergie de l’Épée. Il y a un jeu de miroir entre la boule rouge
que contient l’As de Coupe avec les rebords bleus et l’épée de l’As d’Épée
qui est bleue avec une garde rouge. On peut imaginer que l’Épée plonge
complètement dans la couronne de l’As de Coupe et que la garde, la partie
avec laquelle on tient l’Épée, grossit et se transforme au point de devenir
cette boule rouge. La Coupe contient l’Épée, le cérébral, et seule la partie
qui tient l’Épée, qui la contrôle, reste en dehors, peut-être même contrôle-t-
elle la Coupe. Ce jeu de pouvoirs entremêlés, entre sentiment et intellect,
crée une alliance assez fusionnelle, où chacun compte sur l’autre pour se
sécuriser et se sentir exister. De nombreux couples très cérébraux ou de
pouvoir fonctionnent sur ce registre.
L’émotionnel :
Les émotions débordent de toute part, il n’y a plus que cela. Nous sommes
dans ce que les mystiques et les psys appellent le refus de l’ombre. On
refuse de voir tout ce qui ne concerne pas l’amour. Il y a quelque chose de
presque sectaire à vivre l’incarnation de cette façon en rejetant la pulsion de
vie, le besoin d’avoir sa place et la pensée. On ne vit pas que pour l’autre,
c’est un leurre de le croire, même le Christ se nommait Fils de l’homme (du
Bâton et/ou du Denier) et non fils du Ciel et s’il parlait de compassion, il
exprimait aussi autre chose sur la loi ou la place par exemple. Dans un sens
moins absolu, cela peut être un choix conscient : ne parler et ne voir que la
compassion peut être une stratégie pour exprimer et incarner cette énergie
mais il est important d’être certain de faire la part des choses. La vie n’est
pas qu’amour, l’amour est le testament divin et la vibration dans laquelle on
baigne mais elle n’est pas la seule. La vie est aussi Yang, pulsion et Yin,
réceptivité.

Le II de Coupe : la rencontre
Notre capacité à être touchés va rencontrer le monde extérieur et d’autres
sensibilités. « L’enfer, c’est les autres » écrivait Jean-Paul Sartre dans son
Huis clos, cela peut être aussi le paradis. Le II de Coupe est cette rencontre,
et cette interrogation liée aux rencontres et aux partages émotionnels. Notre
sensation d’exister est liée, quoi qu’on en pense, aux liens que nous tissons ;
cette confrontation va nous faire vivre l’expérience de ce que sont l’accueil
et la réceptivité. Les deux Coupes sont isolées par le motif central, ce sont
deux As qui se rencontrent ou s’ignorent. Ce qui fera la différence est la
capacité et l’intérêt que nous avons à partager, soit consciemment : l’envie
de rencontrer une personne particulière, soit poussés par notre inconscient
et nos refoulements, d’où les orages qui peuvent intervenir face aux liens
que nous tissons.
L’action :
La Coupe est bousculée par le Bâton qui n’est pas franchement dans le
doute et l’atermoiement. Il lui impose de faire un choix et de faire cesser ce
questionnement permanent de la rencontre, ou du conflit dans lequel elle se
situe. Cela peut être, dans certaines situations, assez violent, mais c’est
globalement salutaire car le II ne peut que se transformer et chercher la
synthèse qui se fera au moment du III. De plus, le Bâton, assez primaire et
relié aux désirs fondamentaux, permet à la Coupe de ne pas oublier les
besoins vitaux dont nous sommes constitués au profit de l’Autre.
Dans un cas de crise extrême, le Bâton pourrait chercher à consacrer
toutes ses forces à nourrir la Coupe, ce qui se ferait au détriment du Denier
mais cela ne durerait qu’un temps car on ne peut, sur une longue période,
s’oublier à ce point, et avec une telle violence, sans devenir fou. Donc
même si le désir du Bâton était d’étreindre la Coupe sans se soucier de lui
ou du Denier, cela ne durerait qu’un temps relativement bref.
La réceptivité :
Le Denier profite du questionnement du II de Coupe, s’aimer soi ou aimer
l’autre. L’espace créé par la question oriente la réponse vers le Denier. C’est
une excellente alliance pour s’écouter sans oublier que nous ne sommes pas
seuls sur Terre. Le Denier se montre dans ses besoins et ses failles et se sent
aimé et accueilli. Il peut enfin exprimer ses attentes en toute confiance, y
compris les plus intimes et les plus archaïques. Les Coupes l’inondent de
leur amour en sentant qu’elles sont à leur juste place et dans leur juste rôle.
Cette étape est indispensable pour se construire de façon solide et sécurisée.
Dans le cas où le consultant vivrait une crise profonde ou trop anxiogène
pour croire qu’il est sur la bonne voie, cette alliance est un message de
confiance. Quoi qu’il pense, cette étape est indispensable et ne le met pas en
danger, contrairement à ce qu’il pourrait croire.

Le cérébral :
Ce sont deux mondes sans grand contact et qui peuvent passer à côté l’un
de l’autre sans se voir. Ils sont chacun dans leur bulle et dans leurs
certitudes. Il suffit de lire l‘Évangile selon saint Jean, émanation de l’Épée
et du cérébral, et selon saint Matthieu, du cœur, pour se rendre compte à
quel point ils sont dissemblables. Ils ne sont pas opposés, ce sont
simplement deux mondes ou deux plans qui sont juxtaposés.
L’interrogation qui se pose est comment associer ces deux expressions
complexes du Yin et du Yang. Le II de Coupe a fort à faire pour gérer ses
contradictions, il se sent isolé et considère le cérébral comme inutile. Le
cérébral, lui, est convaincu qu’il est le seul à pouvoir analyser la situation et
répondre aux interrogations des Coupes. C’est d’une certaine façon vrai
puisqu’il est le maître de l’analyse, mais elle ne sert à rien puisque ce qui
pourrait aider les Coupes à sortir de la dualité appartient à la sphère
émotionnelle, la sensation de paix, par exemple. Toutefois, la pensée peut
déblayer le terrain ; certaines prises de conscience peuvent apaiser la psyché
au point qu’elle se sente prête à tenter l’aventure de l’ouverture et qu’elle
puisse continuer son chemin vers le III et l’unité. De cette façon, l’Épée
peut être une aide réelle pour pacifier les Coupes.
L’émotionnel :
Autant le II de Coupe en lien avec le Denier orientait le consultant vers la
sécurité et la matière, autant dans cette configuration, les Coupes se
nourrissent d’elles-mêmes. Rien d’autre n’existe hormis les émotions et
plus particulièrement l’amour, qu’il soit divin ou non. Cela tourne au
dogmatisme et à l’obsession. C’est un piège très dangereux, nous ne
pouvons être pacifiés que lorsque nous nous sentons en sécurité et que le
Denier, et même le Bâton, sont bien en place. Considérer que l’amour est la
seule chose qui soit n’amène qu’une dépendance mortifère et, quelques fois
même des maladies psychosomatiques. Il est temps d’affronter le réel, de
cesser de vivre dans l’illusion et d’observer cette alliance comme le signe
d’un profond malaise, un déni de ses besoins réels plus ou moins
inconscient mais néanmoins destructeur.
Cela peut être aussi le signe d’un narcissisme exacerbé, cachant une
profonde insécurité. Dans le Tarot, tout est évolution et enseignement. Il y a
des alliances plus ou moins confortables ou reposantes à vivre, mais rien
n’est réellement positif ou négatif, nous passons par toutes les étapes que
nous explorons comme faisant partie du voyage de l’incarnation ; le
problème n’est pas ce que nous vivons mais de rester figés dans nos
postures y compris quand elles sont agréables. Cette alliance est, comme les
autres, un passage amenant vers plus de ressenti et de compréhension.
Le III de Coupe est le vrai commencement de l’histoire. L’échange entre
deux émotions, celle du I et celle du II, donne naissance à la confiance et au
plaisir d’être en lien, ancré dans le sol par la fleur et tourné vers le ciel, le
sens des Coupes. Un plus deux égale trois ou comme le pensent les
mystiques un plus un égale trois.
Le III de Coupe est cette graine émotionnelle qui décide de germer. Elle
demande de la confiance et beaucoup d’amour. Le message des Coupes est :
c’est dans la simplicité que s’écrivent les plus belles pages.
L’arcane est harmonieux et la fleur rouge tournée vers le bas montre que
l’action est aussi tournée vers le Denier et l’ancrage.
Quand l’arcane est mal aspecté, nous ressentons de la colère, de la
frustration et un manque de légèreté. Cela reste léger et se dissipera bientôt.
Sur l’action :
Le III de Coupe respire l’harmonie ; le Bâton est plus brut, plus vital,
toutefois le III, grâce à sa capacité d’aimer, l’apprivoise et oriente l’énergie
vitale grâce à ses courbes et ses circonvolutions. L’énergie du Bâton se met,
de ce fait, au service de la Coupe avec, certes, un peu trop de dynamisme.
Mais cette puissance peut apaiser et donner confiance à la Coupe qui pourra
exprimer pleinement son amour, qui est profond et quasi messianique.
La fleur rouge tournée vers le bas ancre cette alliance dans une sécurité et
une profondeur réelles où le Denier n’est pas exclu. Le Bâton se sent aimé
et libre de s’exprimer à pleine puissance, c’est une excellente alliance pour
toutes les expressions artistiques et créatives.
La réceptivité :
Beaucoup de couleur or, beaucoup de sublimation et d’harmonie ; le
Denier se sent aimé de façon inconditionnelle. Cela est possible suite à une
prise de conscience importante ou une réussite pour laquelle on s’est battu
avec acharnement mais cela doit être une émotion brève. Si cela dure ou si
aucune action ne justifie un tel comportement, cette alliance est le signe
d’un narcissisme exacerbé et presque névrotique.
Les émotions, par définition, sont tournées vers les autres, s’aimer soi-
même avec autant de délice est plus que suspect et mérite un véritable
questionnement intérieur. L’introspection est le maître-mot de cette alliance
qui pousse à l’écoute et à la réflexion. Le Denier est un voyage qui mérite
qu’on le comprenne. Il est l’ouverture vers la sagesse et l’aimer de façon
aussi inconditionnelle sans se poser de question signifie passer à côté de sa
complexité.
Le cérébral :
L’Épée réfléchit, décide et tranche. Le III de Denier n’est qu’émotion et
rondeur et tous les deux sont convaincus d’être importants et d’avoir raison.
La Coupe ressent « j’aime donc je suis » face à une Épée qui lui répond « je
pense donc je suis », autant dire que la communication est quasi impossible.
Comment concilier ces deux parties de soi-même ? Comment fonctionner
en étant et l’un et l’autre ? Le Tarot pose ces questions au consultant. Les
deux parties ont la réponse, ou une partie de la réponse. Ce que dit le Tarot
est qu’on peut être à la fois dans une émotion, un amour inconditionnel, et
dans une volonté de contrôle qui nierait les affects. Nous sommes constitués
de contradictions, quelques fois fortes, qui sont l’expression de notre
psyché, des parties de nous qui coexistent bien qu’étant très différentes
voire opposées, en attendant qu’une autre compréhension de nous les mette
d’accord.
L’émotionnel :
Autant d’émotions sans raison concrète ne peuvent être qu’anxiogènes à
terme. Comme pour tous les arcanes de Coupe, une exaltation temporaire
suite à une très bonne nouvelle ou un élan mystique suite à une expérience
forte est légitime et sain. Le piège intervient quand cette sensation dure sans
raison apparente. C’est une illusion de croire qu’on peut vivre en n’étant
qu’amour, c’est nier les besoins primaires que notre incarnation réclame et
c’est nier le plan divin sur Terre qui est de nous faire vivre les expériences
des quatre vibrations du Tarot. L’amour inconditionnel n’est pas exempt de
règles, de désir, ou d’analyse.
Que recherchons-nous à travers « n’être qu’amour » ? Est-ce un refus de
l’ombre et un rejet de ce qui fait mal, un refus de sentir la violence qui nous
habite tous ou est-ce un choix délibéré et assumé de favoriser l’amour
christique dans notre vie ? La frontière est quelques fois fragile entre
refoulement et conscience.

Le IIII de Coupe est la volonté de réaliser et de donner une forme incarnée


à l’amour. La structure émotionnelle, les émotions ou les sentiments
s’installent et prennent tout leur éclat ici-bas. La volonté d’incarnation est
clairement affichée grâce à la plante qui pointe son bourgeon rouge, actif,
vers la terre et réceptif et à l’écoute en direction du ciel. L’intuition du III
prend sa place et s’installe de la même façon qu’un arbre qui mettrait toute
son énergie dans ses racines pour pousser et se nourrir des nutriments
donnés par la terre. Nous sommes des êtres de sensations et d’amour avant
d’être autre chose. Nos émotions se construisent avant tout le reste, avant la
sécurité intérieure et avant que la partie analytique du cerveau ne se mette
en route. Nous commençons par être des êtres émotionnels ayant besoin
d’amour et d’attention ; grâce à ce que nous recevons nous construisons
notre sécurité intérieure et notre vécu. Nos pensées, nos réflexions seront
elles-mêmes influencées par ce que nous vivons. Ce qui revient à dire que
notre vécu et nos pensées seront influencés par nos ressentis émotionnels
puisqu’ils sont préexistants au reste.
Le IIII de Coupe va donc déterminer ce que sera notre expérience de la
vie. Peu importe ce que nous vivons concrètement, ce qui est important est
l’impression que nous en avons et les émotions et ressentis qui en
découlent. Avec un IIII de Coupe, les émotions prennent le pas sur la
réalité. En cas de déception sentimentale ? Le IIII de Coupe annonce que ce
n’est pas si grave que cela, au contraire, même notre « intime » n’est pas si
blessé que cela car les sensations ne sont pas si douloureuses.
Sur l’action :
La volonté se met au service d’incarner la compassion et l’amour divin. Si
le Denier n’en pâtit pas, si nous ne favorisons pas les envies et les désirs de
l’autre à notre propre détriment, cette alliance est idéale pour transformer le
monde et le rendre meilleur. C’est une rencontre pulsionnelle entre deux
énergies très pures qui nous viennent d’ailleurs et nous emportent au-delà
de tout contrôle. Le Bâton, archétype du Yang divin, rencontre la Coupe,
archétype du Yin divin. Cela provoque des situations ou des émotions qui
échappent à notre contrôle et qui nous permettent de nous dépasser et de
dépasser nos limites très humaines. Cela nous permet de rencontrer notre
capacité de lâcher prise dans un contexte qui, parce qu’il est ultra-favorable,
s’exprime de façon fluide ou nous renvoie à notre peur du changement et de
notre puissance.
La réceptivité :
C’est le signe des commencements et des démarrages importants. Toute
l’énergie du IIII de Coupe se met au service du Denier et de la construction
de notre humanité. Nous prenons conscience de l’importance de
l’incarnation et acceptons de l’accueillir et de l’aimer de façon
inconditionnelle. Pour les mystiques, la Terre est un jardin et la vie est une
grâce qui nous permet de partager sa richesse. Si Dieu a créé la Terre et la
vie à travers l’incarnation et si Dieu est amour, alors il ne peut qu’aimer la
vie et l’humanité. C’est le message de cette alliance puissante qui nous
recadre dans l’incarnation et dans l’amour que l’on doit lui porter.
C’est le cas, par exemple, de notre venue au monde lorsque l’amour et
l’attention de notre mère nous nourrissent et nous construisent. Pour son
enfant, la mère se transforme en Coupe et aime inconditionnellement son
bébé qui lui-même venant du Ciel respire l’amour et la tendresse.
Le cérébral :
La Coupe croit se suffire à elle-même et regarde avec méfiance l’Épée qui
pourrait la remettre en cause. Ce sont deux énergies puissantes et
indispensables, qui ont une tendance à se sentir uniques et il est impossible
que ces deux orgueilleuses fassent alliance pour synthétiser une réponse à
une question posée. Toutefois, prises séparément, elles peuvent apporter une
réponse à la question posée car chacune d’entre elles est une énergie
suffisamment puissante et riche pour donner une impulsion et aider au
dénouement. L’Épée est le cérébral : en quoi la réflexion et l’intellect
peuvent-ils aider à répondre ? Le IIII de Coupe est l’amour inconditionnel
comme structure et postulat de la création. En quoi l’acceptation de cette loi
de l’univers peut-elle aider à dénouer le problème posé ? Se laisser
imprégner de ces questions peut donner des ouvertures et des intuitions qui
seront une aide réelle.
Sur l’émotionnel :
Comment structurer l’amour inconditionnel pour qu’il soit la valeur
exclusive de l’incarnation ? La réponse est donnée dans les Évangiles, la vie
du Bouddha ou les vies de certains mystiques, mais si nous n’avons pas la
vocation d’un sâdhu ou d’un moine mendiant, le danger est la négation de
nos besoins réels et très humains. Nous n’avons pas tous une vocation
christique et rien ne dit que le but de chacun soit de ne vivre que l’amour
sans autre envie que celle d’aimer et être aimé. Même si cela reste un désir
essentiel de toute existence, il est aussi légitime d’avoir d’autres aspirations.
Cette alliance est trop exclusive pour accepter une demi-mesure et il faut se
poser sérieusement la question de notre sincérité et de ce que nous refoulons
et ne voulons pas voir de nos besoins.
Le V de Coupe. Les V de façon générale sont l’enseignement, la
compréhension intime d’un système puis son partage. La sagesse et
l’harmonie rayonnent autour de cet arcane. La fleur rouge reste tournée vers
la terre, signe d’action vers l’incarna-tion et une fleur couleur or regarde le
ciel. Les plantes ont un dessin complexe et porteur de sens, où le rouge et le
bleu s’entremêlent afin de nous faire comprendre le parcours de l’énergie.
La maîtrise de la Coupe incarnée par cette carte nous montre le chemin qui
est fait d’amour, bien sûr, mais aussi de Yin et de Yang, de rouge et de bleu,
d’action et de réceptivité. La compassion seule ne signifie rien, elle doit
nécessairement se poser sur quelque chose ou sur quelqu’un. Le V de
Coupe est un espoir et une promesse. Fais ce que tu dois faire, assume qui
tu es et tu participeras nécessairement au plan divin puisque le grand
message de la compassion est : j’aime inconditionnellement.
Cela reprend cette phrase célèbre de l’Ancien Testament quand Moïse
demande au Buisson Ardent qui il est, il répond « Je serai celui que je
serai » et non comme on a tendance à le transcrire « Je suis celui que suis ».
Le verbe être au présent n’existant pas en hébreu.
C’est le grand message du V de Coupe. Dieu est un futur et on ne peut
qu’aimer ce que nous sommes puisque nous participons au plan divin et
incarnons, à chaque instant, ce futur comme la promesse d’un lendemain
forcément perfectible, puisque nous avons l’éternité pour évoluer.
Sur l’action :
Le V de Coupe peut se révéler redoutable. L’amour et l’acceptation
inconditionnelle nous renvoient au jugement que nous portons sur nous-
mêmes. L’amour devient un miroir qui nous dit : j’aime ce que tu fais
puisque j’aime mais toi-même, es-tu dans l’amour de tes actes ?
Cette rencontre met en lumière l’énergie Yang avec ce que la société et
nous-mêmes avons interdit de cette même énergie : la pulsion et ses excès.
Par exemple, la violence fait partie de la création. Le V dans son
acceptation du tout nous renvoie à ce que nous vivons réellement et à la
violence que nous pouvons rencontrer. Que penser ? Le crime et le criminel
sont-ils aimables et pardonnables ? Le Christ semble dire que oui mais
nous, qu’en pensons-nous ? Si le Christ pardonne, le criminel et la société
sont-ils capables de pardon ? Et qu’est-ce que le pardon, est-il réellement ce
que nous croyons ?
C’est une des grandes questions existentielles : où nous situons-nous
réellement face à ces interrogations qui sont celles de la vie en
communauté, mais qui sont aussi celles que nous rencontrons chaque jour à
notre échelle ? Que vivons-nous quand nous prenons conscience de nos
fragilités si humaines ? En sommes-nous fiers et désirons-nous les accepter
et, pourquoi pas, les valoriser ? L’expérience incarnée par cette alliance est
qu’à travers cette acceptation inconditionnelle, nos bassesses s’estompent.
Loin d’en rajouter, cet amour nous enjoint à être meilleurs, plus purs, plus
droits et surtout plus en paix. L’amour devient un enseignant qui nous
permet de regarder le monde du haut de ce que nous avons de meilleur en
nous.
Nous rencontrons ainsi l’énergie de Bâton dans ce qu’elle a de plus
vivante.
La réceptivité :
Le V de Coupe exalte le Denier, un peu trop peut-être ; le Denier est
important mais, là, c’est un peu « too much ». Ce qui favorise réellement le
Denier est le Bâton, l’action. Cet amour inconditionnel d’un Denier qui
peut, par ailleurs, se sentir défaillant et fragile, peut vite se transformer en
piège de l’égo, pousser à un narcissisme exacerbé et dans une certaine
mesure favoriser une faille du Denier pouvant mener à la paranoïa. Le
Denier ne peut sentir la paix que s’il se sent sûr de lui et nourri d’action et
de désir le fortifiant. Le fait qu’il se sente aimé de façon inconditionnelle,
alors que ses besoins restent entiers, le met en danger au point qu’il ne peut
plus faire confiance. La question qui se pose est : que sous-entend ce
tirage ? Pourquoi nier l’action et l’énergie Yang à ce point ? Cette prise de
conscience peut changer une vie et nous faire comprendre une des façons
dont notre enfance et notre « transgénérationnel » nous a construit.
Le cérébral :
La vie se construit sur le Bâton et le Denier, une fois qu’on a acquis une
force sécurisante. Le mental et les émotions entrent en scène. Une réflexion
construite sur des racines trop fragiles et un manque de confiance en soi
altère le discernement et la sagesse. Il en de même pour les émotions qui ne
peuvent qu’être construites sur le manque, la frustration et un mal-être si
nos besoins primaires ne sont pas assouvis. Une alliance favorisant l’Épée
et le V de Coupe sans tenir compte de nos besoins plus archaïques nous fait
nous oublier et plonger dans des jeux de l’esprit qui peuvent être
extrêmement créatifs et intuitifs mais qui, à terme, nous rendent
malheureux. De nombreux artistes sont dans cette configuration, Rimbaud
dans « Le bateau ivre », par exemple, ou Modigliani, mais, ont-ils été
heureux de vivre ? Se sont-ils sentis accomplis ?
L’émotionnel :
C’est une quête mystique qui n’est pas nécessairement faite pour être
incarnée ; elle est, plutôt, une aspiration, un choix de vie. Le V de Coupe a
pour crédo d’incarner la compassion et l’amour christique, il a en face de lui
l’énergie Coupe, ce qui le renforce dans sa foi. Elle lui fait vivre une
profonde émotion non ancrée dans le réel et basée sur un puissant
refoulement, lui donnant l’illusion que notre nature humaine n’est pas
importante et qu’il peut aller jusqu'à des crises « border line » ou
psychotiques, dans les cas les plus graves.
Il peut aussi le vivre comme un choix conscient et délibéré ; il a, à ce
moment-là, conscience de certaines turpitudes de ce monde mais il décide
une bonne fois pour toutes de favoriser l’amour et l’écoute afin de changer
la vibration de ce même monde. Dans ce cas, il faudra qu’il tienne compte
des énergies de Bâton absentes de ce tirage pour agir en accord avec ses
valeurs. Les moines, qui, au fin fond de leur monastère, prient pour
l’humanité, sont dans ce cas de figure. Certains êtres conscients, qui ont fait
le choix volontaire de favoriser les énergies spirituelles afin de changer la
vibration de notre planète, sont aussi en lien avec cette alliance d’arcanes.
Le VI de Coupe : le V de Coupe représentait la quintessence de l’énergie
Coupe. Il avait intégré la compassion et en baignait la terre et ses êtres.
Toutefois, les arcanes mineurs, quel que soit leur degré de plénitude, ne sont
jamais totalement satisfaits car ils sont, par définition, partiels et ne
représentent jamais qu’une partie de l’énergie de la création. Le VI de
Coupe ressent cette frustration et s’interroge. L’Univers est mouvement et il
est un. Cet arcane pressent ce un et se sent séparé de lui. Cela ouvre une
porte immense vers le doute, une attente et un vide ouverts sur l’absence.
Les kabbalistes nomment le Créateur l’Ein Sof : l’inconnaissable, d’où un
questionnement permanent, sans réponse définitive possible.
Les émotions créées par cette écoute peuvent s’ouvrir vers des sensations
mystiques d’amour inconditionnel envers le Créateur, sa création et le fait
de se consolider, de devenir sentiment et compassion, mais elles peuvent,
aussi, s’ouvrir sur des failles, des peurs et se sentir faibles et à côté de la
vie. Solidité ou dépendance sont les deux états possibles du VI de Coupe.
Solidité et assurance quand l’émotion devenue sentiment se fortifie et
commence à porter ses fruits. Dépendance quand on se sent mal dans sa
peau, solitaire et dans l’attente de l’écoute et du regard des autres. La fleur
rouge est tournée vers le ciel, elle incarne tout le mouvement cherchant à
rencontrer l’énergie du Divin. La fleur bleue, tournée vers la terre, se met à
l’écoute de l’incarnation afin de mieux ressentir la création divine et par
ricochet de mieux ressentir le Créateur lui-même. Notre équilibre intérieur
et nos attentes feront la différence entre plénitude et mal-être.
Le questionnement et le doute sont les maîtres-mots du pendant difficile
du VI de Coupe. Cela oblige quelques fois à faire un deuil : il faut
abandonner quelque chose pour grandir.
Sur l’action :
Le Bâton est d’une certaine façon l’énergie que recherche le VI de Coupe,
mais sera-t-il capable de la voir ? Tous ses questionnements, ses
atermoiements, le font rester dans une attente permanente. De plus,
l’énergie d’amour qu’il ressent comme céleste, venue du ciel, fait qu’il ne
se rend pas compte que le sens de la compassion est d’aimer quelque chose
ou quelqu’un. Que doit aimer la Coupe ? L’énergie de création par
excellence : le Bâton. C’est peut-être même le sens de notre présence ici. Le
créateur est double : Yin et Yang, compassion et création. C’est tout le
problème du VI de Coupe : il a créé un espace pour être à l’écoute d’autres
choses mais il ignore ce que sont les autres énergies. Il n’est « que Coupe »,
ne connaît que la compassion, il ne comprend pas que la félicité qu’il a
connue quand il était V n’ait pas été suffisante et il ignore d’une certaine
façon ce qu’il doit rencontrer et aimer. Le Bâton se présente dans sa
puissance et peut-être même sa violence, il heurte le VI beaucoup plus en
douceur. Et pourtant ! C’est en acceptant ce qui paraît être la rencontre de
choses si différentes, peut-être même de choses contraires, qu’on est au plus
proche du message divin.
La réceptivité :
Le VI de Coupe, avec ses doutes, vient polluer un Denier qui n’en a pas
franchement besoin. Cet amour inconsidéré est suspect : le Denier est un
état de fait, le résultat d’une action et d’un environnement, il ne demande
pas à être aimé de cette façon, seulement qu’on s’occupe de lui et qu’on le
nourrisse. Le Denier représente la structure, l’argent, le foyer. Trop aimer
tout cela l’éloigne de sa quête profonde qui est la sécurité intérieure.
L’angoisse et le doute du VI de Coupe le renvoient à ses propres
inquiétudes : le manque, la frustration et le désintérêt. Cet amour anxiogène
et exagéré ne peut que le renvoyer à ses propres démons : favoriser la
sécurité extérieure au détriment de la paix intérieure. Cette alliance est
exclusivement Yin, l’action est absente, et pourtant c’est elle qui est censée
rassurer le Denier. Cette contradiction est la question posée par cette
alliance qu’il est important de chercher à comprendre pour ne pas se laisser
dépasser par l’illusion.
Le cérébral :
L’Épée pousse le VI de Coupe à la réflexion et à remettre de l’ordre dans
ses priorités. Nous retrouvons l’équilibre des alliances Yin – Yang,
l’angoisse du VI est rassurée par la réflexion des Épées qui adorent chercher
et quelques fois trouver des solutions. Qu’elles les trouvent ou non, ce
mouvement rassure les Coupes qui se sentent comprises, car les Épées les
aident à chercher l’incarnation. De façon cérébrale, pas nécessairement
vitale, mais cela suffit au VI de Coupe qui reste un arcane qui a avant tout
besoin d’aimer et de s’impliquer. L’Épée les aide à chercher qui ou quoi
aimer. Peut-être n’est-ce qu’aimer le cérébral et sa complexité. C’est le cas
quand on écoute une œuvre créatrice importante, on ne peut qu’être fasciné
par le cerveau qui l’a conçue. Peut-être est-ce aimer autre chose de moins
évident et invisible pour le moment mais, quoi qu’il en soit, le mouvement
créé est suffisant pour pacifier la Coupe et lui donner une ouverture sur le
monde qui l’entoure et qui n’est pas purement du domaine des émotions.
L’émotionnel :
C’est une véritable prise de conscience, le VI face à l’énergie Coupe se
rend compte qu’il a un problème et que quelle que soit la puissance de
l’amour divin, il ne peut pas vivre des émotions aussi difficiles et sentir
autant de doutes en trouvant cela normal. Après une période difficile, il
ouvrira les yeux et s’interrogera sur les limites de l’énergie Coupe. Cela le
mènera tôt ou tard à mieux comprendre le Tarot et le cycle de la vie. La
souffrance fait partie de la vie terrestre et peut-être même d’autre chose.
Une partie des kabbalistes pensent que si la souffrance existe c’est que Dieu
peut souffrir et que d’une certaine façon, quand nous avons mal, nous
partageons ou bien nous incarnons sa douleur.
Le VI de Coupe face aux Coupes a mal. À qui peut appartenir le « mal » si
ce n’est à l’énergie Coupe ? Cela paraît simpliste mais cela ouvre l’esprit à
une autre dimension que la pensée classique et dominante qui est
d’imaginer un Ciel tout puissant face à nous, qui sommes responsables de
ce que nous sommes et de ce que nous vivons. C’est peut-être cela la pensée
simpliste !
Le VII de Coupe. Enfin, les doutes et la complexité du VI ont trouvé leurs
résolutions. C'est la réussite dans la Coupe, dans le lien, la relation. Le
sentiment prend sa plénitude, on se sent en sécurité, les Coupes du bas
nourrissent le Denier, les trois en haut de la carte sont vers le ciel et la
Coupe au milieu fait le lien et permet de passer de l’un à l’autre comme
dans un entonnoir. La sensation « amour » nous remplit : c’est la félicité. Le
pendant négatif de la carte est l’illusion, on cherche à forcer le destin et
quand cette carte est mal entourée, attention à l’orage qui couve. Mais ne
boudons pas notre plaisir, c’est généralement de bon augure.
Le Tarot donne une indication et un enseignement. Il prévient des
méandres de l’inconscient. Il ne dit pas l’avenir, même s’il est souvent
utilisé dans ce but. Comment l’avenir peut-il être écrit si nous avons un
libre arbitre ? C’est la question fondamentale qui se cache derrière les
arcanes. Avons-nous la capacité de transformer notre destinée ? Les
tarologues et les mystiques nous disent que oui.
L’âme est bien plus vaste que ce que nous en appréhendons, immortelle
pour certains, voyageant de vie en vie pour d’autres. La vie terrestre n’est
qu’une étape, un passage. Dans ces hypothèses, qu’est-ce qu’une vie d’une
petite centaine d’années signifie par rapport à l’éternité ? Si nous oublions
un rendez-vous ou de payer une facture aujourd’hui, nous le ferons demain
ou reprendrons rendez-vous, cela n’a pas une grande importance. Il en est
peut-être de même pour l’âme. Si elle oublie de régler un compte ou un
rendez-vous dans cette vie-ci, elle le fera dans la suivante. Cela n’est pas si
important pour elle. Une journée pour nous équivaut à cent ans pour
quelque chose d’éternel, ou du moins, quelque chose dont la notion du
temps est bien plus vaste. En revanche, en tant qu’incarnation, quelque
chose en nous nous rappellera que nous sommes en train de nous perdre en
chemin, c’est le mal-être, l’angoisse. Cette dichotomie, entre le projet de
l’âme et le chemin que prend l’âme incarnée créera cette souffrance qui est
le symptôme que nous nous éloignons de nos projets d’avant l’incarnation.
Le Tarot est un outil vivant qui permet de voir où nous en sommes sur le
chemin et le VII de Coupe est le signe de l’union entre l’âme et ce que nous
vivons, c’est pour cette raison que le démarrage de la plante, ses racines,
sont la Coupe centrale du bas de l’arcane afin de nous montrer que l’amour
s’est enfin incarné et que c’est de là que s’élève le chemin vers le ciel.
Sur l’action :
Le VII de Coupe se suffit à lui-même. Il incarne le Yin mystique, son
énergie est très légère, éthérée. Il paraît presque vulnérable mais c’est un
leurre car il est indestructible. Le Bâton et sa pulsion, qui peut être quasi
volcanique, le dérangent et l’interpellent ; toute cette puissance Yang est
tellement à l’opposé de ce qu’il représente qu’il a du mal à s’y adapter mais
parce qu’il est l’amour sans condition, il sent qu’il aime, malgré ses
différences, ce que représente le Bâton. Il le prend en son sein, l’accueille,
et sa puissance vient rencontrer celle du Bâton. C’est la rencontre et
l’acceptation des contraires. Les deux énergies se reconnaissent comme
faisant partie du tout, elles s’acceptent et sont prêtes à communier
ensemble, voire à travailler ensemble en toute acceptation et avec leurs
différences.
« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » Jean : 14
La réceptivité :
La plante part de la Coupe centrale de la série du bas de l’arcane. Le VII
de Coupe connaît le Denier, il le rend aimé et lui fait partager sa puissance.
Le Denier sert de racine à la plante, symbole de la création, de ce qui
pousse et vit. Associer ces deux arcanes, c’est montrer l’importance de
l’incarnation. Le consultant arrive dans une tranche de vie dans laquelle il
se doit de construire son histoire en partant de tout ce qui est vivant en lui et
qui est l’apanage du Denier. La joie, la paix ou la sécurité intérieures sont ce
qu’il doit faire pousser pour l’amener vers le ciel. On imagine toujours que
les énergies angéliques descendent sur Terre et nous inondent de leur
bienveillance. C’est bien sûr vrai, mais cette alliance nous montre que
l’inverse est aussi vrai : ce sont nos énergies terrestres qui, dans cet arcane,
montent vers le ciel et le baignent de nos bienfaits.
Si le Ciel peut nous toucher et nous rendre meilleurs, nous touchons, nous
aussi, les énergies angéliques et leur faisons partager nos émotions. Ce que
notre Denier vit montera vers le ciel et prendra place dans l’espace entre les
anges et nous. Ce que les hindous appellent le plan astral et nous, peut-être,
le purgatoire ou le paradis. Si ce que nous amenons est bon, nous
communiquerons avec les anges ; si nous amenons angoisse, doute et peur,
nous créerons un brouillard qui nous empêchera de profiter de la joie divine
et qui peut-être altèrera cette même joie.
Le cérébral :
Le cérébral a beau pouvoir trancher, décider, être quelques fois dur, au
contact du VII de Coupe il baigne totalement dans la compassion et met ses
qualités au service du ciel. C’est quelques fois difficile car ses capacités de
discernement lui font voir ce qui ne tourne pas rond sur Terre et cela lui
demande un effort pour ne pas être dans le jugement ou le rejet et prendre le
parti du VII de Coupe. Mais être inondé du flux divin lui fait prendre
conscience que ce n’est pas de s’opposer à un système qui l’élimine mais de
le baigner d’amour. On ne combat pas la violence par la violence mais par
la paix. L’Épée, grâce à sa capacité de réflexion, décide consciemment de
favoriser la compassion, d’oublier ses analyses, justes ou non, et de changer
le monde grâce à la félicité dont la Coupe la nourrit et l’informe.
L’émotionnel :
Le VII de Coupe est renforcé, il se sent sûr de lui et des vibrations qu’il
véhicule. Quel que soit le sujet, seules ses énergies sont la réponse et
permettront de dénouer la question. C’est le message christique : tend
l’autre joue. Ne va pas chercher la réponse à ta question ailleurs que dans
l’amour.
Cela peut être dérangeant, on peut légitimement penser que tout n’est pas
forcément aimable ou pardonnable. C’est, de notre point de vue terrestre,
probablement vrai. La loi divine n’est pas celle des hommes et la loi des
hommes est, elle aussi, utile mais dans cette partie du Tarot, on se place non
pas dans le présent mais dans un projet, une vision à long terme.
Pour le kabbaliste, tous les hommes doivent rejoindre la félicité pour que
nous reconstruisions l’Adam du premier Testament et reconstruisions le
paradis. Il ne s’agit pas d’être le premier arrivé mais d’attendre que le
dernier puisse monter. C’est pour cette raison que les boddhisattva se
réincarnent, pour ré-enchanter la Terre de leur présence. C’est le message de
cette alliance : ouvre-toi à la compassion et permets au ciel de te nourrir de
sa paix.
Le VIII de Coupe est la prescience de ce que sont les émotions en tant
qu’ouverture et porte vers l’intemporalité et vers le divin. Le VIII, symbole
d’infini, est le lien entre les émotions et les sentiments qui sont les nôtres et
une conscience plus universelle. On dépasse la simple perception des
émotions personnelles et du lien à l’autre pour une conscience de la
compassion, comme héritage et qualité du Divin. Nous abandonnons les
jeux de l’égo et prenons conscience de l’autre dans son essence.
Plus concrètement, cela est comme l’alliance du VII de Coupe et de
l’énergie Coupe (sept plus un égale huit), l’ouverture vers une émotion
teintée de mysticisme ou d’altruisme, comme l’évidence de notre
incarnation. Le VIII est deux fois quatre, deux structures, celle du ciel et
celle de la terre, mais le VIII de Coupe n’est pas fait de deux carrés comme
le VIII de Denier mais de trois Coupe en bas, deux Coupes au milieu et trois
Coupes en haut. Donc le VIII se décompose comme trois, deux et trois
Coupes ; on peut compter cinq Coupes partant du bas puis trois Coupes en
haut ou cinq Coupes partant du haut et trois Coupes en bas.
Les énergies et les désirs de l’incarnation sont tout aussi puissants que les
énergies et les désirs célestes. Ils sont de même importance. Le créateur est
autant aimé que sa création. Le V, symbole de sagesse et d’enseignement,
peut partir de l’incarnation et rencontrer la trinité ou bien il peut partir du
ciel et retrouver le sol, là encore, sous forme de trinité, une des images
fortes de la chrétienté. On peut aussi imaginer que cette trinité devient deux
(le Yin et le Yang) pour redevenir trois. Nous retrouvons, aussi, le un plus
un égale trois de la gnose judéo-chrétienne.
Cette totalité, si elle est mal aspectée ou si elle est construite sur des
frustrations refoulées, amène le mauvais penchant de l’arcane, l’ennui ou la
sensation d’être bloqué ou enfermé : l’absence de mouvement, de Yang,
peut devenir anxiogène. La vie n’est pas l’éternité. Nos besoins, nos désirs
et nos frustrations nous rappellent chaque jour la temporalité de l’existence
et cette quête mystique d’éternité peut, quelques fois, être une fuite des
difficultés, ce que l’on appelle le refus de l’ombre. Toute vie est
mouvement, toute vie est appelée à se transformer dans le mouvement, et
sans lui c’est la chute, pour nous comme pour les planètes. Cela pose la
question de la place du Yang (mouvement) dans la quête du Yin
(réceptivité).
Sur l’action :
Cela pourrait être les arcanes tirés lors du Big Bang. Le VIII est en vase
clos comme le mouvement de l’infini qui est aussi un VIII. Trois qui
devient deux qui devient trois qui devient deux qui devient trois, etc. Le
Bâton lui rappelle la création et l’énergie Yang, il dit au VIII qu’il faut qu’il
sorte de sa perfection et son élan mystique. Le Bâton lui rappelle que la
création démarre grâce à son impulsion, il n’y a pas de vie sans mouvement
et peut-être même sans chaos. C’est la théorie kabbalistique du Tsimtsoum.
Le Divin étant la totalité, il a créé un mouvement, un retrait pour sentir qu’il
existait, ce qui est l’origine de la Création.
Cette alliance est un démarrage. Dans un bien-être et une paix sereine, un
désir naît et prend forme. Le VIII donne confiance en sa faisabilité et
l’action part comme une évidence afin d’atteindre son but. Il y a, quelques
fois, des choses que nous faisons qui paraissent tellement simples qu’elles
ont l’air miraculeuses. C’est tout simplement que le VIII de Coupe a
autorisé une pulsion créative à fuser et s’installer. Même les difficultés
inhérentes à l’action, si elles existent, ne seront pas un obstacle à la
réalisation.

La réceptivité :
Le Denier se rappelle au bon souvenir du VIII de Coupe, l’intemporalité,
l’infini. C’est bien, mais tant qu’on est incarné, la vraie question est celle du
Denier, de notre bien-être et de notre capacité à nous sentir en paix sur
Terre. Tant que nous sommes ici, nous nous devons de privilégier notre
incarnation et ses besoins. Une fois que ceci est énoncé, la question des
énergies supérieures et de notre appartenance divine ou de notre lien avec le
ciel est importante mais elle ne peut en aucun cas se substituer à notre
appartenance terrestre. Il faut faire très attention à ne pas tomber dans ce
piège. Si nous nous sentons malheureux ou frustrés, ou en manque de ce
que nous chérissons ici-bas, la vraie question est celle de la frustration et de
comment y répondre. Cela ne peut passer que par des actes très concrets et
si la sensation du ciel et de l’infini est une aide, elle ne répond pas à nos
besoins primaires. Les plantes ont besoin d’eau et de nutriments pour
pousser et rencontrer le ciel. Nous sommes comme elles. Notre incarnation
a besoin d’être nourrie pour que nous puissions nous élever en paix.
Le cérébral :
C’est la rencontre entre les émotions pacifiées et la pensée. Les deux se
mettent au service l’une de l’autre et vivent une harmonie dans laquelle
transparaît le sens de notre incarnation. Le cerveau est un outil somptueux,
d’une complexité étourdissante. Il suffit d’observer certaines créations
humaines pour s’en rendre compte : quand notre cerveau se met au service
de la compassion et des émotions, nous sommes au cœur de ce que l’univers
veut de nous. Toute la beauté de la création est à notre portée.
Quand le cœur se met au service de notre cerveau, il l’inonde de sa foi et
de sa mémoire de l’éternité. Il peut, alors, se dépasser et voyager dans ce
que l’univers lui offre de sagesse et de connaissance. Cela ouvre l’esprit à la
rencontre et à l’acceptation de la multiplicité, de la complexité et des
différences qui nourrissent notre psyché et nous permettent de nous élever.
L’émotionnel :
Le VIII de Coupe se suffit à lui-même, il est la quintessence de la
compassion, une image figée exprimant l’infini. Rajouter l’énergie Coupe à
quelque chose qui paraît achevé le déstabilise. Comment faire plus que ce
qu’il exprime ? Cela semble impossible, et cette question ouvre à la notion
d’inachevé et d’impermanence. Quoi qu’on vive, il existe toujours un
espace auquel nous n’avons pas accès. C’est l’Ein Sof des kabbalistes dont
nous parlons régulièrement, ou le mystère des chrétiens. Cette conscience
nous permet de ne jamais considérer que nous pourrions connaître la totalité
de la compassion car nous ne sommes qu’une partie et une partie infime de
la Création. Ce vide créé, cette absence que nous écoutons et ressentons est
la quête ultime, le Graal qui ne peut, d’une certaine façon, être découvert.
Cette alliance nous ouvre à la recherche et nous autorise à accepter que
nous ne serons jamais totalement aboutis, ou alors l’aboutissement se doit
de tenir compte du doute.
Le VIIII de Coupe : les Coupes sont partout et emplissent la carte. Chaque
Coupe est séparée des autres par les plantes. Il y en a deux, l’une couvre les
trois Coupes du bas : la matière. Une autre, distincte, couvre les Coupes du
centre et du haut. La Terre est, elle aussi, source de compassion. Quand on
prend conscience de l’énergie dans sa totalité, on se rend compte qu’elle
n’est pas seulement venue du Ciel et baignant la Terre mais aussi sur Terre,
« en terre », autour de nous et en nous. Il n’est pas illogique que créateur et
création partagent les mêmes vibrations. Nous pourrions donc trouver à
l’intérieur de nous ce que nous attendons et espérons des anges. Les Coupes
nous habitent, voire nous construisent. Elles sont la voie d’accès à la
connaissance de notre nature divine. Les autres énergies le sont aussi, c’est
vrai, mais l’énergie de Coupe est l’héritage le plus évident de notre
appartenance à l’univers. Les Coupes sont une représentation des êtres
humains, de même nature et séparés par la matière (les plantes). Aime ton
prochain comme toi-même puisque toi-même et ton prochain êtes d’une
essence identique.
Sur l’action :
Le Bâton permet l’individuation, de se sentir unique. Pour le VIIII de
Coupe, nous sommes tous des étincelles d’amour, des Coupes séparées par
la matière, les branches des plantes. Le Bâton, qui est du bois, nourrit les
plantes du VIIII de Coupe et, donc, cette même matière qui sépare toutes
ces Coupes si semblables. Il est, grâce à sa puissance créatrice, la possibilité
de s’individualiser, d’être unique, d’avoir chacun son identité grâce à sa
créativité. Grâce à lui, nous devenons différents les uns des autres, mais il
est aussi marque d’isolement car plus la matière se renforce, plus nous
sommes séparés les uns des autres. Cette solitude est-elle un autre héritage
divin dont serait issue la souffrance ? Dieu s’ennuyait et a créé le paradis
terrestre, Adam et Eve, histoire de tromper son ennui et peut-être de se
sentir moins seul. Différents éléments expriment qu’il les a créés à son
image et seules l’absence de discernement, la conscience de leur nudité, de
leur identité les empêchaient d’être comme des dieux. Cette absence sera
comblée quand ils mangeront le fruit défendu.
L’alliance entre ces deux arcanes nous dit qu’il est temps de renforcer
notre unicité. Les astres sont favorables à toute entreprise créatrice qui
tiendrait compte et du cœur et du désir. Cela peut être le début d’une
histoire sentimentale importante, ou simplement la prise en compte du fait
qu’il est temps de penser à soi et ses désirs et pas seulement aux autres.
La réceptivité :
L’amour reste indifférencié, c’est l’énergie qui nous unit et nous
rassemble. L’associer au Denier nous interroge sur les liens entre cette
énergie et la place que nous prenons dans cette énergie, dans l’amour et en-
dehors. Cela pose la question de trouver sa place à soi dans la confusion des
sentiments. Ce sont les questions que se posent tous les enfants : comment
exister dans ce que je suis sans blesser les gens qui m’aiment ? Ai-je le droit
d’affirmer qui je suis ?
En quoi l’amour qu’on me porte me guide ou me freine dans mon
incarnation ? C’est cette question essentielle que pose cette alliance.
Comment le Denier, qui est une des grandes énergies de l’individuation,
peut-il vivre au contact de la Coupe, qui est la vibration qui nous ramène à
l’indifférenciation et à ne faire qu’un avec l’univers ?
Ce n’est pas forcément source de conflit ; nous pouvons nous sentir nous-
mêmes et être en lien avec les autres de façon authentique, mais tirer ces
deux cartes côte à côte nous amène à nous poser la question de notre
identité et de la place que nous occupons. Si tout nous semble en harmonie
et juste, c’est que nous avons trouvé notre juste place, mais si nous sentons
une faille, nous devons nous interroger sur nos besoins et nos désirs réels et
explorer notre inconscient qui nous illusionne sur la situation.
Le cérébral :
Le cérébral se débat et cherche à exister. Toutes ces Coupes l’étouffent et
l’empêchent de vivre, de réfléchir, et de se mettre à distance pour
comprendre et analyser, ce qui est sa nature profonde.
Quoi qu’on en pense, l’amour inconditionnel est essentiel mais ce n’est
pas la seule vibration qui soit ; le Yang est, lui aussi, essentiel. La pensée est
un des paramètres qui nous déterminent et la noyer dans trop d’émotions
n’est pas quelque chose de sain. Cela peut même, quelques fois, être source
de perversion ou de tromperie. Combien de gens, au nom de l’amour qu’ils
portent ou qu’on leur porte, en oublient le moindre discernement, la
moindre prise de recul ?
De plus, l’Épée et la Coupe sont des énergies sublimées, qui nous font
oublier nos énergies primaires. Mais nous sommes aussi désirs archaïques et
besoins fondamentaux ; cette alliance qui paraît si spirituellement élevée en
théorie (quoi de plus beau que l’amour et la pensée) nous fait oublier la
réalité et peut-être le sens de notre incarnation, qui est aussi d’exister et
d’être sur cette Terre, dans cette incarnation.
L’émotionnel :
Ce besoin d’aimer plus que tout et de n’avoir besoin que d’aimer peut
avoir deux raisons. La première : c’est une prise de conscience. L’amour est
important et il est un postulat qu’on se doit de porter au pinacle. On décide
de favoriser cette énergie, quoi qu’on en pense et quoi qu’elle nous coûte,
afin de changer sa façon de voir et peut-être de changer le monde. « Quoi
que je pense, quoi que je vive, je décide consciemment et volontairement de
favoriser la compassion afin de changer quelque chose en moi et autour de
moi. » C’est le choix des mystiques par exemple, ou de ceux qui se battent
pour voir aboutir une cause.
La seconde raison est plus délicate. Ne voir que l’amour peut être aussi
une façon de nier l’angoisse et le danger. Il est même possible, comme dans
le syndrome de Stockholm, que cette démarche soit totalement inconsciente
et quelques fois même avec des remous proches de la psychose. Aller
jusqu'à cette extrémité est extrêmement rare, mais s’accrocher à l’amour
inconditionnel et à la compassion comme un naufragé à sa branche pour ne
pas sombrer dans la peur ou le désespoir est en revanche plus fréquent et il
faut, à cet instant, regarder ses peurs en face.
Le X de Coupe est le symbole de l’harmonie et du nouveau départ ; la
quête du VIIII a trouvé sa résolution. Les émotions ou les sentiments sont
nécessairement liés à des rencontres, à des liens, même s’ils sont imaginés,
fantasmés ou introjectés. Nous pouvons vivre un VIII ou un VIIII de Coupe
en étant seuls dans une démarche de compassion pure. Le X (un plus zéro)
suppose un autre qu’on puisse identifier et reconnaître. Cela peut être un
couple ou cela peut être un échange où les aspects masculins et féminins
participent à la relation : un mariage ou un départ vers une nouvelle vie
émotionnelle, un nouveau travail ou un nouveau projet où cette
complémentarité masculin-féminin est à l’honneur. Les X de Coupe ou
d’Épée peuvent aussi représenter les masques, c’est-à-dire que le destin ne
veut pas se dévoiler, comme pour le voile de la Papesse ; peut-être une
façon de laisser du libre arbitre.
Le Tarot ne dit pas l’avenir, il exprime de grandes vibrations, comme des
forces avec lesquelles nous agissons et qui nous habitent. Le X de Coupe,
s’il exprime le sentiment amoureux, ne suppose pas pour autant que nous
allons forcément rencontrer quelqu’un ou faire notre vie avec la personne
qui nous est chère. D’autres forces en suspens peuvent interférer mais il
nous dit que la personne à laquelle on pense est importante et est
potentiellement quelqu’un qu’on aime et qui nous aime. Il faut toujours
remettre dans l’instant présent les indications des arcanes. Ce sont des
forces qui nous habitent et non un déterminisme de vie.
Sur l’action :
Le Bâton suppose un mouvement puissant, quelques fois brutal ; le X de
Coupe n’est que douceur et légèreté. Notre manque de confiance nous fait
ressentir qu’il va falloir forcer le destin pour arriver à ses fins, mais c’est
inutile. Le X de Coupe se suffit à lui-même il contient la relation (le un plus
zéro) et l’harmonie. Il n’a pas besoin qu’on fasse le forcing pour réussir et
lui permettre de vivre sa destinée qui est d’incarner ses émotions et ses
sentiments. Toutefois, associer la vibration Yang à cet arcane est aussi une
façon d’exprimer son désir, ses envies et de dire qu’on est vivant dans son
corps et dans ses pulsions. Cette alliance, si elle paraît excessive, incarne
aussi la vie telle qu’elle est, dans sa totalité : amour, compassion, désir et
passion. Elle est une illustration du schéma du Yin et du Yang. Quand le
Yin se fait trop présent, le Yang apparaît, et inversement.
La réceptivité :
Trop de Yin génère de l’angoisse et des doutes. Il y a une contradiction
nette entre le X de Coupe qui évoque la rencontre et « un autre », et le
Denier qui est centré sur ses besoins personnels. Pourquoi mettre ensemble
deux arcanes aussi opposés ? Le X de Coupe est l’amour inconditionnel
porté aux autres ; les neuf Coupes sont tournées vers la dixième,
symbolisant le second cycle et donc la relation à autrui. Elle prend tout le
haut de la carte et fait barrage à la vibration des neuf autres Coupes, comme
si la seule réponse possible au VIIII de Coupe était l’amour vers l’autre et
rien d’autre. Le mettre en présence du Denier c’est forcer la destinée et
contraindre les Coupes à regarder vers le bas, vers la sécurité archaïque
essentielle à notre incarnation. Le Denier est malade et a besoin qu’on
prenne soin de lui. La compassion des Coupes accepte de les détourner de
leur fonction, qui serait d’aimer l’autre pour être à l’écoute de ce qui fait
mal à l’intérieur de soi. Le Denier se sent incapable de satisfaire ses
besoins, et l’énergie apportée va lui permettre de se poser et de se pacifier
afin d’animer les forces actives et Yang qui le nourriront, mais dans l’état il
a surtout besoin d’affection.
Le cérébral :
Le cérébral permet à la Coupe de sortir de l’enfermement dans laquelle
elle pourrait être en restant figée dans le « j’aime ». L’amour a besoin d’un
support à aimer, et surtout il a besoin de discernement pour ne pas se mettre
en danger et se brûler les ailes en accordant sa confiance de façon
déraisonnable. Nous restons sur Terre, nous ne sommes pas des purs esprits
en contact exclusivement avec les énergies supérieures. L’Épée lui apporte
cette réflexion ; non seulement le sentiment s’exprime pleinement, mais il
est accepté et compris par une Épée qui se sent dans son rôle le plus léger :
« observer les anges ». Elle observe ce monde des sentiments et se met à
rêver qu’elle pourrait réfléchir et penser tout en aimant.
L’Épée dans son mauvais penchant peut se sentir en colère ou avoir envie
de trancher, voire de détruire. Il est quelques fois difficile de ne pas sentir
de pulsions autodestructrices, surtout quand tout va bien. Mais grâce à la
plénitude du X de Coupe, ces pulsions s’effacent en grande partie et se
transforment en une simple surveillance critique et construc-tive.
L’émotionnel :
Cette alliance accentue l’importance de cette énergie et de la relation à
l’autre. C’est un message qui nous dit que quoi qu’on ressente, il faut
dépasser ses doutes et que notre essence divine nourrie de compassion est
essentielle. Elle nous prévient que les « anges » sont de notre côté, qu’ils
nous accompagnent et nous protègent. Vivre signifie de nombreuses
choses ; chacun a sa définition et tout est important : la sécurité, les projets,
les pensées et les sentiments, mais associer la Coupe et le X de Coupe, c’est
affirmer un choix de vie et une aspiration profonde de l’être. Il ne s’agit pas
de n’être que dans cette compassion sans tenir compte de la réalité mais
d’observer sa vie, ses étapes et quelques fois ses épreuves en se souvenant
que notre identité réelle est de participer au plan divin.

Le Valet de Coupe. Il est le dépositaire de l’énergie Coupe dans sa pureté


et sa force. Elle est pour lui l’évidence, quelque chose qui le dépasse et
peut-être l’encombre, car la Coupe qu’il porte est immense par rapport à lui.
Bien que disproportionnée, elle reste légère, car il la porte sans difficulté,
d’une seule main. Il l’ouvre et l’offre dans un geste d’offrande et peut-être
même de soumission car il se sent totalement au service des sentiments.
L’intérieur de la Coupe est rouge, elle est active, vivante et possède un
couvercle que le Valet tient dans la main gauche. Il peut l’ouvrir et l’offrir
au monde ou la fermer, selon son choix.
Il a l’énergie de ces saints chrétiens totalement identifiés à la compassion.
Il porte sa Coupe et regarde par terre, ce qui peut être une marque
d’humilité, de tristesse ou de manque de confiance en soi. Sa chevelure est
blanche. Si elle était rouge ou or, on la penserait reliée au ciel, si elle était
bleue, on la dirait réceptive mais étant blanche, symbole de pureté et
d’inaction, elle n’a pas besoin d’être en lien et elle se suffit à elle-même. Le
contact avec le Divin est dans la Coupe et non au niveau cérébral qui est
totalement en phase avec la situation. Un des pans du manteau est couleur
chair et est prêt à recouvrir la Coupe (dans certains tarots, le manteau la
recouvre). Cette Coupe est-elle son cœur qu’il peut sortir, montrer et offrir
ou rentrer dans son corps, dans sa chair et le protéger ?
Sur l’action :
La pulsion exprime ce qu’elle est dans sa force, sa puissance et dans ses
excès : la violence, le désir et le manque d’affect. En rencontrant le Valet, il
rencontre et se confronte à la compassion et à l’ineffable. Le désir et peut-
être même la violence rencontrent la compassion et le renoncement.
« Comment concilier la pulsion et l’amour ? » est toute la question de la
vie telle que nous la connaissons. Comment concilier le féminin et le
masculin, le Yin et le Yang ? Tous deux sont faits pour partager une destinée
commune et sont « condamnés » à s’associer ou à se détruire. Cette alliance
pose la question de notre humanité : peut-on être dans son désir, sa
créativité tout en étant dans le lien avec le ciel et avec l’altérité ? C’est le
challenge auquel nous sommes confrontés quotidiennement, avec les
difficultés que nous connaissons. Comment la vie et la destruction peuvent-
elles cohabiter ? Le Divin lui-même détruit et fait naître des galaxies
entières, comment fait-il cela tout en restant relié à sa compassion ? Toutes
les religions et tous les mystiques en débattent et s’interrogent sur le sens et
la résolution de cette équation.
La réceptivité :
Le Denier rappelle au Valet qu’il existe, l’amour ne peut avoir de sens que
s’il est en paix. « Quels sont les besoins que nous avons oubliés en
chemin ? » est la question que pose le Denier. Nous ne pourrons ouvrir la
Coupe et nous livrer totalement si la peur ou la frustration sont présentes.
Cette alliance porte aussi un message important : quelles que soient nos
douleurs, quoi que nous ayons vécu et quelles que soient les blessures qui
nous ont construits et nous fragilisent aujourd’hui, le Valet nous délivre son
enseignement : seuls l’amour, l’abnégation et le dépassement de soi nous
aideront. Cela peut être le pardon dans son sens le plus complexe : par don,
par le don.
Le pardon, c’est accepter de dépasser ses blessures pour aller chercher sa
ressource ultime, qui est de se connecter à la compassion. Ce n’est pas
excuser, et c’est au-delà de comprendre. C’est dépasser tout ce que l’on
ressent et qui est légitime et comprendre dans son intime que seul l’amour
est capable de sauver. De se sauver, soi et peut-être de sauver son agresseur,
si toutefois il est capable de l’être. Le pardon, c’est se connecter à sa
capacité de s’ouvrir afin de rencontrer l’ineffable, cette énergie qui aime au-
delà de tout et qui ne veut pas que nous ayons mal. Et à cet instant
seulement nous nous dépassons et sommes dans la transmission de cet
amour : dans le don ou par le don.
Cela ne se commande pas, c’est une grâce qui nous est donnée quand la
douleur et l’humilité nous étreignent et que les « anges » accueillent notre
douleur et pleurent avec nous.
Le cérébral :
Tout les oppose. L’Épée est la réflexion, l’analyse. Elle tranche et décide.
Le Valet de Coupe est humilité (compassion et absence de jugement). Cette
alliance, quand elle sort dans un jeu, nous montre à quel point le Yin et le
Yang peuvent être différents, et peut-être même opposés. Cela peut signifier
une incommunicabilité entre deux êtres qui restent chacun sur leurs
positions et refusent d’écouter l’autre. Le cérébral nie le cœur qui n’est
qu’émotion, voire hystérie et ne comprend rien. Quant au cœur, sentant au
plus profond de lui-même que ce qu’il vit est juste, il refuse d’entendre les
arguments du mental et reste sur sa foi inébranlable et ses certitudes.
Le paragraphe précédent parlait du pardon. Il n’est possible que s’il y a
une réelle écoute de la souffrance et la reconnais-sance. Il est légitime
d’avoir mal et d’être perdu. C’est un processus dont les ressorts sont
mystérieux et nous dépassent. Imaginer qu’on doit ouvrir son cœur sur
commande parce qu’un livre de spiritualité ou de développement personnel
le dit est un leurre qui ne peut qu’entraîner des sentiments négatifs.
Mais si en revanche ces deux énergies se reconnaissent dans leurs
différences, si l’Épée et le Valet de Coupe s’associent et travaillent
ensemble : c’est la voie royale vers la médiumnité, ou une créativité portée
par le ciel. Les sentiments et la pensée s’organisent dans une tentative de
compréhension de l’univers. L’humilité et la compassion du Valet et la
complexité du cérébral nous font apercevoir ce que nous pouvons ressentir
et comprendre du Divin.
L’émotionnel :
Le Valet est totalement identifié à la compassion. Sa capacité à aimer et
son humilité lui ouvrent les portes de cette énergie dont il peut se nourrir
pleinement. Il est prêt à recevoir une expérience mystique et ressent
intimement l’importance de cette rencontre avec le ciel. Son manque de
confiance en lui le sert car il lui permet de se mettre totalement, et sans égo
mal placé, à la disposition de la compassion. Il perçoit, de ce fait, à quel
point le Divin aime et à quel point nous sommes, nous-mêmes, remplis de
cet amour. La Pentecôte ou Chavouot dans les traditions chrétienne et juive
relatent ces instants.
Si les soucis du quotidien obscurcissent nos journées, cette alliance reste
une grâce et un message de confiance et de plénitude qui nous renforcent
pour accueillir l’adversité qui nous contraint et la transformer en quelque
chose de plus doux à vivre.
Le danger des énergies supérieures Coupe et Épée est que nous nous
identifions facilement à elles. « Je pense donc je suis » en est l’illustration.
La volonté de ressembler à ce qu’on imagine du Bouddha ou du Christ, en
ce qui concerne le cœur, en est une autre. La compassion n’est pas la totalité
de notre identité, elle est une émotion qui est en nous et quelques fois nous
traverse, mais nous ne sommes pas qu’émotion et nous ne sommes pas que
compassion. Au fond, nous sommes sur Terre pour incarner le Bâton et
l’Épée et les sublimer au contact des énergies de Coupe et d’Épée. Si nous
n’oublions pas cette règle d’airain, cette alliance est une merveilleuse
opportunité de se sentir humain au sens le plus spirituel du terme.

La Reine de Coupe :
Elle est un des excès de l’énergie. Le Valet tenait sa Coupe ouverte dans
un geste de soumission, elle la met en avant, la montre mais son couvercle
la tient close et elle porte une dague ou une épée. Sa chevelure et sa dague
sont blanches. Leur pureté suppose qu’elles n’ont pas d’états d’âme ; elle
n’est pas dans la réflexion et sa violence est instinctive. Sa dague pourrait
servir sans qu’elle ait besoin de réfléchir, comme un fauve qui fond sur sa
proie. Elle est dans la peur et une frustration terrible, elle voudrait de
l’amour mais sa Coupe est fermée et contrairement aux apparences – car
elle met son calice en avant – elle ne peut ni en donner, ni en recevoir. Elle
se protège grâce à sa dague dès qu’on cherche à l’émouvoir et peut se
révéler très dangereuse. Les animaux qui mordent sont ceux qui ont peur.
La Reine de Coupe est dans ce cas de figure ; elle a probablement beaucoup
souffert et ne veut plus se livrer, ce qui est compréhensible, mais cet
enfermement la détruit et fait du mal à son entourage.
On la sent dure et dangereuse. Dans le quotidien, ce type de personne
existe et le rencontrer n’est pas toujours facile. Toutefois dans certains cas,
cela peut s’inverser. Un juge qui serait Reine de Coupe fermerait ses
émotions pour n’écouter que le droit et trancher de façon pure et honnête
(l’épée est blanche). Dans ce cas, l’énergie de la Reine de Coupe serait une
bonne chose.
Sur l’action :
Le Bâton donne du feu et de la vie à cette Reine qui est totalement
enfermée. Cette vitalité est un bon moyen pour elle de redistribuer un peu
les rôles et d’essayer de s’ouvrir au monde. Le Bâton la rassure dans
l’action, elle peut prendre confiance en elle et se sentir plus puissante. Dans
un sens positif, elle tentera d’ouvrir son cœur et de revenir dans une vie
émotionnelle. Elle reconnaîtra qu’elle s’est sentie blessée, quelques fois
même détruite par certaines expériences de son histoire et réessaiera, avec
plus ou moins de succès, de reprendre confiance en la vie. Elle restera
fragile mais grâce au dialogue et à l’écoute, elle pourra se reconstruire.
Dans un sens plus négatif, elle peut profiter de ce regain d’énergie pour
manipuler et prendre encore plus le pouvoir sur ses proches. Tant que
personne ne la confronte, son système pourra fonctionner, mais elle restera
vulnérable, agressive, dans la peur et le contrôle. Sa dureté apparente
continuera à cacher une profonde faille narcissique.
La réceptivité :
C’est un message d’espoir offert par la destinée. Les blessures
émotionnelles de la Reine l’ont fragilisée au point qu’elle est devenue ce
qu’elle est maintenant : un bloc dur, agressif et manipulateur, du moins c’est
comme cela qu’elle est perçue. Sa confiance en elle est brisée au point
qu’elle est terrorisée par le fait de s’ouvrir à nouveau. Rencontrer le Denier
lui indique où sont ses blessures et ce qu’elle va devoir nourrir à nouveau
pour retrouver la paix. Ses fragilités sont liées à son enfance et à la façon
dont elle l’a vécue. On ne se durcit pas à ce point au seul contact
d’expériences d’une vie d’adulte, à part si elles sont de véritables
traumatismes. Contrairement à ce qu’elle pense, chercher à rencontrer et à
contrôler d’autres personnes ne peut que la durcir davantage ; seuls
l’introspection et l’accueil de ses besoins et de sa douleur réels lui
permettront de retrouver un peu de paix. Faire alliance avec le Denier offre
l’opportunité de se reconstruire et d’apaiser les blessures qui l’ont
construite.
Le cérébral :
Elle ressasse en permanence les injustices qu’elle a vécues et celles qui
construisent, en partie, l’univers dans lequel elle vit. Son mental lui
démontre qu’elle a raison, que la terre est injuste et cela nourrit sa colère et
sa frustration. Il est difficile de la tranquilliser, d’autant plus qu’elle est
intelligente et que ses arguments sont imparables. Regarder tout ce qui va
mal n’est pas réellement faux mais c’est une vision partielle qui détruit
toutes les aspirations positives qui existent, elles aussi.
Elle est beaucoup trop cérébrale pour être à l’écoute de ses émotions
réelles. Sa violence la protège du risque de rencontrer les blessures très
archaïques et douloureuses qu’elle a senties telles que l’abandon, le rejet ou
l’humiliation, mais tout son discours et ses certitudes n’ont pour but
inconscient que de se leurrer et de ne pas se sentir encore une fois au
contact de cette dépendance contre laquelle elle se sent impuissante. Elle
associe les rencontres qui la touchent à de la soumission, et pour s’en
défendre, l’Épée qu’elle porte ou les Épées de l’énergie du mental, l’aident
bien.
Si elle peut prendre du recul, elle est intelligente et pourra peut-être
comprendre qu’aimer n’est pas se soumettre ou souffrir et elle pourra se
reconstruire. Elle pourra aussi se rassurer au contact d’un partenaire très
cérébral, qui la fascinera par son intelligence sans que la vitalité des Bâtons
la fasse fuir.
L’émotionnel :
Pour elle, aimer, c’est souffrir. Mais elle se rend compte que ce n’est pas le
cas pour tout le monde et qu’elle a un vrai problème avec les émotions. Elle
souffre de ce qu’elle est et de l’isolement dans lequel elle est. Elle n’est pas
totalement hermétique, elle ressent de l’amour, de la compassion et a envie,
malgré tout, d’aller vers les autres. Mais elle sait qu’elle aura mal et ne sait
plus comment gérer sa vie. Elle vit cette fameuse phrase d’une chanson de
Jacques Brel : « mais j’ai mal d’être moi ».
Le diagnostic semble difficile et sa situation sans espoir, mais cette crise
lui permet de s’écouter au plus profond d’elle-même et, peut-être – du
moins je lui souhaite – d’entamer une psychothérapie personnelle ou tout
autre travail d’introspection. Cette conscience qu’elle a que le problème
vient d’elle et la façon dont elle subit ses émotions lui permettront de
regarder ce qu’elle vit et de se reconstruire de façon plus sereine avec
succès.
Le Roi de Coupe.
La Coupe est ouverte et active, il n’y a pas de couvercle et la base de la
Coupe est cassée. La main du Roi la tient droite et l’empêche de tomber,
mais la base est brisée. Le chapeau, la barbe sont en deux parties comme le
pied de la Coupe. Le personnage est clivé, son cœur est brisé en deux
parties mais il joue le jeu, il cherche à cacher sa fêlure et à rester digne
malgré la douleur. Sa posture et son visage sont tournés du côté opposé au
calice, comme si cela n’avait pas d’importance.
A l’inverse de la Reine de Coupe qui est dans la protection, lui est ouvert
et n’a nulle Épée ou couteau pour se protéger ; il semble attendre, bien
campé dans son fauteuil. Il se présente comme n’étant qu’amour, la Coupe
est ouverte et quelles que soient ses expériences de vie, et peut-être ses
deuils, il la maintient droite, mais c’est au détriment de son identité, d’où
son clivage. Il veut donner, mais il cache avec plus ou moins de succès une
profonde tristesse qui le détruit et imprègne son entourage, malgré sa bonne
volonté et un certain courage. C’est le pied à la base de la Coupe qui est
brisé et non le calice : il est capable d’aimer mais son Denier est en miettes.
Il fait ce qu’il peut et pense être ouvert, mais à sa façon, il est aussi fermé
que la Reine, car incapable d’être en paix dans la relation.
Sur l’action :
La blessure du Roi est profonde ; être face à sa capacité d’action le renvoie
à son sentiment d’impuissance et à son incapacité à sentir mieux. Être
identifié à l’amour et aux émotions alors que l’on n’arrive pas à gérer ses
souffrances est un besoin d’exprimer ce sentiment, qui peut être sincère,
mais c’est aussi une façon de se voiler la face et de refuser de s’intéresser
au vrai problème qui est sa propre construction. C’est un refus de s’écouter
et de respecter ses vrais besoins. La vitalité et le côté brut, « cash », du
Bâton le dépriment encore plus. Il se sent incompris ; le Bâton lui montre ce
qu’il doit faire alors qu’il a surtout besoin d’être aimé et câliné. Le temps de
l’action viendra plus tard. La tristesse et la dépression ont un rapport avec le
refoulement de la colère et de la violence ; le mettre en face de la pulsion de
vie le ramène à sa propre impuissance, son propre enfermement. Quelques
fois, on fait plus de bien à quelqu’un en restant assis près de lui à ne rien
dire qu’en cherchant à réveiller le volcan qui est en lui.
La réceptivité :
Le Roi s’accroche à sa Coupe brisée comme un blessé qui voudrait stopper
le sang qui s’écoule de sa plaie en appuyant dessus.
Bien que le problème réel soit le Denier et sa vibration, il ne le voit pas, ou
plutôt il le voit mais est dans le déni. Il est tellement obnubilé par son
besoin d’aimer et d’être aimé qu’il refuse d’entendre que sa difficulté vient
de son insécurité et du rejet auquel il a dû faire face enfant et qui a construit
ce vide affectif contre lequel il lutte aujourd’hui. Il s’accroche à l’idée que
seul l’amour est important et que l’instant présent peut tout changer. Il est
dans une pensée magique que l’ici et maintenant peuvent tout changer
comme par enchantement. Il se convainc que ses sentiments, qui sont
sincères, seront, un jour, reconnus et pourront le rendre heureux. Il est vrai
que l’instant présent peut tout changer, mais la perception qu’on en a
dépend de son passé, de son histoire et de ses blessures plus ou moins
refoulées. Toutefois, grâce au Denier en face et avec de la patience et de
l’écoute, il pourra se tourner progressivement vers son besoin réel et
affronter ses démons, mais il faudra, pour cela, qu’il se sente très aimé et
rassuré.
Le cérébral :
Le Roi de Coupe est entièrement tourné vers ses émotions ; cette alliance
avec l’Épée va lui permettre de réfléchir un peu plus et de chercher à
comprendre ce qui lui arrive. Cela peut nourrir sa colère ou son sentiment
d’injustice mais c’est de toute façon bénéfique car il va pouvoir prendre un
peu de recul et chercher des stratégies qui lui permettront d’aller mieux.
Cela peut être long et méandreux car la pensée n’a que peu d’impact sur le
Denier mais cette prise de recul est aussi une façon de vivre et de réfléchir à
sa condition, ce qui lui permettra de se rencontrer. Il ne sera plus
uniquement dans le refoulement à subir sa sensibilité et ses blessures sans
vouloir les voir, mais il deviendra capable de les reconnaître et se donnera
les moyens de les apaiser.
C’est, par exemple, une bonne alliance pour entamer un « travail sur soi »
qui, s’il n’est pas que cérébral, lui permettra de se sentir mieux et
d’affronter réellement ses souffrances.
L’émotionnel :
La compassion et les émotions l’épuisent ; il est dans une dimension qu’il
croit christique mais il se détruit. Il est incapable de dire non, de montrer un
autre visage que celui de l’amour ou d’exprimer une envie qui lui soit
personnelle. Il pourrait être intimement convaincu que l’amour sauvera le
monde et il vit la vibration des martyrs de l’Antiquité, ce qui pourrait être
une forme de mysticisme et d’ouverture sur l’univers. Mais tout en lui
exprime la dualité et sa Coupe est cassée. Il peut penser avoir raison, car
cela correspond à ses valeurs et à des valeurs humanistes, mais sa
souffrance démontre que quelque chose ne va pas et elle aussi a raison, car
elle s’impose et existe. En continuant de la sorte, il ne peut que s’enfermer
et se détruire ; une crise existentielle sérieuse l’amènera à sortir de cette
emprise car la situation ne pourra pas durer éternellement. D’une certaine
façon, il le sent et l’attend. Il n’est pas tourné et ne regarde pas vers la
Coupe mais de l’autre côté, il attend son salut et sait que ce n’est pas
l’amour qui le lui donnera. Cette ouverture lui est dictée par son âme, la
partie de lui-même qui tend vers la liberté et le sauvera.
Le Cavalier de Coupe :
Il symbolise la maîtrise de cette énergie. Sa Coupe est grande ouverte, son
calice est large, de la taille de celui du Valet, mais la Coupe est plus
travaillée. L’intérieur du calice est rouge, ainsi que la boule au niveau du
pied qui symbolise le Denier, qui lui aussi est actif. Il la regarde avec
sérénité et humilité. Elle est légère, peut-être même tient-elle toute seule
sans qu’il ait à la porter. Cela montre que les émotions, quand elles ne sont
pas maitrisées, peuvent être lourdes, mais dans ce cas de figure, elles sont
légères et n’ont besoin d’aucune force pour être portées. Tout le personnage
est prêt à vivre sa destinée qui est d’aimer, de partager. Il ne donne pas
qu’avec le cœur mais aussi avec son ventre, « ses tripes ». Son Denier
participe à ce don et est actif.
Son cheval est petit et de couleur chair. Il incarne la matière, ses besoins
sont comblés et ne sont plus anxiogènes. Le sol est couleur or, la terre est
sécurisante et le nourrit.
Le Cavalier est un homme ou une femme authentiquement généreux et
paisible, il donne sans attendre en retour, uniquement pour le plaisir de
donner. Ce don et le plaisir qu’il en tire sont suffisants pour le nourrir et lui
apporter la paix.
Sur l’action :
Le Cavalier est en paix, il est axé sur la Coupe et incarne la compassion. Il
sent le Bâton mais cette vibration lui est étrangère, il n’éprouve pas le
besoin de l’utiliser. Il est loin de la pulsion créatrice et se sent équilibré et
sans une envie autre qu’émotionnelle. Le Bâton, toutefois, se rappelle à lui,
sans violence, ni excès ; il lui rappelle que l’énergie Yang existe et qu’il en
est pourvu quoi qu’il ressente. Cette alliance l’invite à se sentir complet,
humain, en lien avec l’autre et créatif. À quoi bon avoir un partenaire si ce
n’est pour danser ? À quoi bon offrir son cœur si ce n’est pour créer ou pour
construire ? Son énergie Yang s’exprime à travers l’altérité. Être deux c’est
être un plus un, soi plus l’autre, et exister c’est aussi agir, être en
mouvement. C’est ce à quoi invite cette alliance.

La réceptivité :
Le Denier est en paix, nourri et en sécurité. Le Cavalier exprime
l’équilibre entre le Denier (le cheval, symbole de l’incarnation, est en place,
petit et trotte sur un sol couleur or) et ce cœur, cette Coupe qui est légère et
s’offre avec facilité. Cette harmonie est le signe d’une situation agréable et
paisible. Le Cavalier peut s’occuper sereinement de ses émotions et de son
ouverture au monde.
Le Denier est présent et demande à ce qu’on ne l’oublie pas. Aucune
énergie n’est figée, rien n’existe pour l’éternité et quelle que soit la situation
présente, le Cavalier de Coupe se doit de vérifier que son être incarné ne se
sente pas frustré, et qu’il reste sécurisé et joyeux. C’est la garantie pour le
Cavalier qu’il ne s’oublie pas au profit des autres, ce qui est la tendance des
Coupes en général.
Le cérébral :
Pour l’Épée, l’énergie du cérébral, de la complexité et quelques fois de la
« prise de tête », et la position du Cavalier dans la compassion pure, sans
réflexion ou jugement, sont une énigme. L’esprit ne comprend pas qu’on
puisse rester dans le don et la compassion sans se poser de question ;
toutefois, il n’y a aucune violence dans cette interrogation, seulement une
incompréhension. Le Cavalier lui montre sa Coupe et cherche à lui signifier
que seul l’amour est important. L’Épée, dont la curiosité est une des
qualités, veut bien l’entendre, mais ne pas penser, décortiquer, analyser lui
est impossible.
Elle accepte l’enseignement que lui propose la Coupe mais n’en pense pas
moins ; toutefois, la sérénité qu’exprime l’arcane l’atteint. Elle peut, elle
aussi, à cet instant, devenir bienveillante et mettre ses capacités cérébrales
au service de la compréhension et de la rencontre avec l’autre.
L’émotionnel :
L’énergie est en exergue, les autres vibrations sont absentes. La Coupe est
importante mais voir la vie à travers cet unique prisme comporte des risques
sérieux tels que s’oublier au profit des autres ou d’un idéal, tomber en
dépression…
La Coupe est une énergie transcendée, elle ne peut se sentir en paix que si
la base l’est aussi. Dans le Cavalier de Coupe, le cheval (le Denier), qui est
son incarnation et son ancrage, est solide et rassuré, mais trop ajouter
d’amour ou de lien risque de le déstabiliser. Le Denier, énergie réceptive par
excellence, est fragile et doit être constamment surveillé afin qu’il ne soit
jamais déserté. Cet ajout d’énergie Coupe dans un système bien structuré ne
peut que le déséquilibrer. Cela n’est pas négatif, car les déséquilibres et les
équilibres se suivent, mais cela signale qu’une autre position de vie va voir
le jour et lâcher la paix pour l’inconnu, ce qui peut se révéler déran-geant.
Conclusion sur les arcanes mineurs

Ainsi s’achève le cycle des arcanes mineurs et des honneurs. Son


importance, quoique souvent ignorée, est fondamentale, car elle permet de
comprendre la façon dont est constitué le Tarot. Dissocier le chemin des
arcanes majeurs, l’âme, de celui des arcanes mineurs, l’égo, c’est séparer
l’être humain en deux : d’une part l’âme, la partie noble, d’autre part l’égo
qui est souvent décrié. C’est une façon de refuser l’incarnation et les
difficultés qui vont avec. Tant que nous sommes sur Terre, nous nous
devons de prendre cette vie à bras le corps. Imaginer que seule l’âme est
importante serait comme s’occuper du conducteur et le valoriser en laissant
sa voiture à l’abandon. L’âme n’a pas besoin de nous pour aller bien, elle
est éternelle et connectée au ciel. Ce qu’il est important de prendre en
compte est l’âme incarnée, celle qui utilise les énergies et notre égo pour
cheminer.
Les arcanes mineurs sont des outils que nous retrouvons tout au long des
arcanes majeurs ; les Épées, les Bâtons, les Coupes et les Deniers plus ou
moins transformés nous donnent des indications sur la signification des
lames ; c’est la façon dont sont placées les énergies dans les arcanes qui
nourrit notre inconscient et notre analyse.
Dans le Tarot, tout est évolutif ; il n’y a pas de séparation, conflit ou
régression. Les arcanes VIIII sont V plus IIII et non X moins I comme le
voudrait la structure des chiffres romains car dans le Tarot, le moins
n’existe pas. La route que nos sages ont tracée est un cheminement constant
et simple, si on le suit en étant dans l’écoute et la compréhension des
arcanes mineurs et des énergies qu’ils véhiculent.
De plus, les arcanes mineurs, et surtout les honneurs, permettent de
comprendre les traits de personnalité et les relations entre les êtres : une
Reine de Denier n’a pas la même histoire ni le même comportement face à
un Roi de Coupe ou un Cavalier de Bâton et les alliances entre honneurs
sont elles aussi passionnantes.
Les Arcanes majeurs

Les arcanes majeurs sont le chemin de l’âme, mais qu’est-ce que l’âme ?
Vaste sujet, dont six mille ans de civilisation n’ont pas pu venir à bout.
Selon les dictionnaires, l’âme est le principe vital et spirituel, immanent ou
transcendant, qui animerait le corps d'un être vivant (homme, animal,
végétal). Pour certains, l’âme est : ce qui anime. Pour d’autres, elle a un
rapport avec le souffle, le Nephesh de la Bible. Toutes les religions et de
nombreuses philosophies ont tenté de la définir. Platon dans Phèdre : l’âme
est ce qui se meut à soi-même.
Le Tarot n’essaie pas de la définir, il la constate et part de l’hypothèse
qu’elle utilise ce qu’elle a sous la main pour s’exprimer. Les énergies : le
Bâton, le Denier, l’Épée, la Coupe, et leurs multiples facettes mises en
lumière lors du voyage à travers les arcanes mineurs, vont l’aider à
s’incarner.
L’âme du Tarot me semble, de ce fait, proche du « Je » et du « Soi » de
Jung ou d’Assagioli. Le « Je » de Jung est cet espace au tréfonds de notre
être relié au « Soi » qui observe et s’incarne à travers les rôles que nous
jouons dans la vie, « les sous-personnalités ». Roberto Assagioli, fondateur
de la psychosynthèse et un des principaux théoriciens des psycho-logies
humanistes et transpersonnelles, l’a parfaitement mis en lumière. Le « Je »
est le reflet du « Soi » (l’âme de l’univers). Il est cet espace « derrière » qui
observe et peut-être ressent. C’est l’instant derrière nos yeux qui se nourrit
de ce qu’on regarde, par exemple. Il n’est pas palpable, il est une
impression fugace et éternelle, une sensation. À peine le sent-on et déjà il
s’échappe et repart encore plus loin derrière. Il nous est impossible de
l’incarner ou de s’identifier à lui ; le simple fait d’y penser est déjà un rôle
que nous nous donnons. Il est un espace, comme une teinte, présent en
permanence et inaccessible.
Les arcanes majeurs sont ces rôles que l’âme, cet espace que je viens
d’essayer de décrire, utilise pour s’incarner et s’accomplir. Elle utilise les
outils que la nature, les arcanes mineurs et le Divin ont mis à sa disposition
: les énergies (le Yin, le Yang), et les multiples facettes qu’elles utilisent
pour créer et construire le vivant, d’où l’importance d’avoir en mémoire le
cycle de l’arbre qui est le cycle de l’évolution naturelle de la pulsion de vie.
La naissance (le I), la nourriture (le II), la création (le III), la créativité (la
création incarnée, le IIII), l’expérience et l’enseignement (le V), l’ouverture
au monde, le choix (le VI), la continuité, donner la vie (le VII), la maturité
(le VIII), le lâcher-prise (le VIIII), et la continuité ou la pérennité (le X).
Tout est évolution, l’arrêt ou le retour en arrière n’existent pas, hormis dans
l’arcane X, la Roue de Fortune.
Le cycle de l’arbre est de dix chiffres, les vingt-et-un arcanes représentent
trois cycles.
- de I à X : le cycle matériel. La quête extérieure.
- de XI à XX : le cycle spirituel. La quête intérieure.
- l’arcane XXI est un cycle à lui tout seul : le cycle universel. La
conscience mystique du divin.
Les définitions sont les mêmes mais les plans sont différents ; les sens
symboliques des arcanes sont identiques. Par exemple, l’Impératrice est la
création sur le plan matériel, elle va chercher à dominer le monde et ses
artefacts. L’arcane XIII ou Sans Nom sera la création sur le plan spirituel. Il
cherche avant tout à dominer ses propres pulsions. La Papesse est la
destinée ou le karma sur le plan matériel. Le Pendu est la destinée ou le
karma sur le plan spirituel, il a conscience de l’illusion du monde.

Il existe deux autres cycles dans le Tarot, qui sont deux autres systèmes
d’analyses.
Un cycle par cinq arcanes :
- du Bateleur au Pape : l’enfance, la structure.
- de l’Amoureux à la Roue de Fortune : la prise sur la matière.
- de la Force au Diable : la quête de l’essence.
- de la Maison Dieu au Jugement : la conscience.
- puis le Monde qui est un cycle à lui tout seul : l’universel.
Et un dernier cycle par sept arcanes :
- de I à VII : le cycle de la réussite

- de VIII à XIIII : le cycle de l’âme individuelle.


- de XV à XXI : la conscience de l’incarnation.
Les arcanes majeurs du Tarot sont une invitation au voyage, l’incarnation
est définie à travers les chiffres. Un arcane est en dehors des chiffres, en
dehors du temps : le Mat.
Le Mat, le voyageur

Le Mat est le seul arcane du jeu à ne pas avoir de numéro. Les nombres
symbolisent l’évolution humaine : du I, le Bateleur, l’enfant qui naît pour
arriver à l’arcane XXI, le Monde, l’état messianique qui nous est promis
depuis l’aube de l’humanité.
Le Mat se situe au-delà des chiffres, il se situe en dehors de l’évolution.
Il est l’arcane de l’âme avant l’incarnation, avant qu’elle se nourrisse de
l’expérience de notre vie sur Terre. C’est un arcane étrange, souvent
surnommé « le fou ». Il est de guingois, la tête est étrangement posée sur les
épaules. Il semble marcher sereinement malgré l’animal à ses trousses.
C’est ce Mat qui deviendra, au fur à mesure du Tarot, le Bateleur, la
Papesse, l’Impératrice etc. Il est comme un comédien qui endosserait des
rôles au fur à et mesure de son évolution. Dans un rêve, nous sommes toutes
les parties du rêve, y compris celles auxquelles on ne s’identifie pas
forcément. Il en est de même pour le Mat : il voyage d’arcane en arcane et
se nourrit de l’expérience de chacun afin de retrouver la dimension
christique ou messianique qui est la sienne, dans l’arcane du Monde.
La couleur chair dans le Mat est importante, elle est le sac qu’il porte au
bout de son Bâton. Ce même sac deviendra or dans le Bateleur, et la chair se
transformera en table. Son incarnation, qu’il promène dans sa besace
comme des habits ou de la nourriture, se déploiera. D’une certaine façon,
dans le Tarot dans son entier, ses futures identités sont dans cette besace
qu’il dévoilera quand il s’arrêtera de cheminer et qu’il se métamorphosera
en Bateleur.
Un animal couleur chair le poursuit ou chemine avec lui. Il découvre sa
jambe et le pousse à avancer et à rencontrer notre nature humaine et notre
corps physique, couleur chair, lui aussi. Que cela nous plaise ou non, nous
sommes incarnés, nous habitons des corps de mammifères et nos âmes vont
devoir faire avec eux et leurs capacités. En dévoilant cette jambe, l’animal
lui montre qu’ils sont constitués tous les deux de la même façon.
Le vivant porte en lui ce besoin d’incarnation, l’animal nous guide vers
lui. C’est un des grands mystères de la vie, pourquoi existe-t-elle à travers
l’humanité ? Pourquoi l’essence qu’on appelle « âme » a-t-elle besoin de se
réaliser dans des corps ? Là encore, le Tarot ne répond pas, il le constate.
Peut-être la réponse est-elle dans la chute du jardin d’Eden ? Ce passage de
la Bible décrit l’incarnation comme une fatalité et peut-être même une
malédiction liée à la faute d’Adam et Eve, bien que ce passage ne soit pas si
simple et interroge !
Il est écrit dans de nombreuses traductions de la Genèse, dont celle d’Élie
Munk, par exemple, que l’homme est devenu comme Dieu en connaissant
la différence entre le bien et le mal et que c’est la raison pour laquelle il est
envoyé sur Terre couvert d’une tunique de peau.
L’éternel Dieu dit : « Voici l’homme devenu comme l’un de nous, en ce
qu’il connaît le bien et le mal. Et maintenant, il pourrait étendre sa main et
cueillir aussi le fruit de l’arbre de vie ; il en mangerait et vivrait à
jamais… ». « Et l’éternel Dieu le renvoya du jardin d’Eden, pour cultiver la
terre d’où il avait été tiré... ».
Dans le passage précédant celui-ci, l’éternel Dieu maudit le couple Adam
et Eve : « elle enfantera dans la douleur et lui cultivera la terre à la sueur de
son front » mais dans ce passage pourtant postérieur, il n’est plus question
de punition à cet instant mais d’un constat : « L’homme est devenu comme
l’un de nous ».
L’éternel Dieu souffrirait-il de la Création ? Enfanter dans la douleur est-il
aussi une malédiction pour le Divin ? L’homme est devenu comme l’un
d’entre nous ! Cela aurait au moins l’avantage de nous faire comprendre
d’où viennent la souffrance et le mal.
Le Tarot est profondément influencé par la Kabbale juive, dont les
ouvrages fondateurs sont le premier livre du premier Testament dans lequel
il est question de la vie d’Adam et Ève et la vision du char du prophète
Ezéchiel parlant du messie. Le Mat aurait peut-être un rapport avec Adam
et Ève, l’âme d’avant la chute.
Le Mat symbolise le voyageur, il est le seul arcane du Tarot dont on peut
être certain qu’il avance. Peut-être le fait-il par choix, peut-être fuit-il
quelque chose ou quelqu’un. Tous les autres restent sur place. Les seules
interrogations sont pour l’Hermite et l’arcane XIII. On ignore si l’Hermite
avance ou non. Quant à l’arcane XIII, en y regardant de près, un de ses
pieds est planté dans la terre, il lui est donc impossible de se déplacer.
Quand le Mat est sorti, cela signifie qu’il y a un mouvement qui se
dessine. Pas forcément quelque chose d’agréable mais, à coup sûr, quelque
chose d’important. C’est l’arcane du lâcher-prise, il nous demande
d’accepter notre part de folie, de non-contrôle et peut-être de perte, il
signifie un rééquilibrage. L’âme et ses désirs, peut-être même ses besoins se
représentent à nous, et rebattent les cartes. Il nous remet sur le bon chemin,
soit en nous recadrant, soit en nous le signifiant afin de nous faire prendre
confiance en nous. Il est un arcane puissant et sans concession, ce qui est
une source d’interrogation. Ce sont les cartes qui seront dévoilées autour
qui donneront l’essence de l’interprétation. Par exemple, si le Mat précède
le Bateleur, cela signifiera que le destin est en marche et que la période qui
s’annonce sera créative et forte. Si le Mat suit le Chariot ou la Justice, il y a
fort à parier qu’une période de remise en question démarrera.
Les arcanes majeurs sont un médiateur entre les âmes et nous, qui sommes
une structure construite avec nos compétences, nos capacités et nos doutes
terrestres contenant cette essence indicible. Nos corps sont un véhicule pour
elles et nous nous identifions à ce véhicule et à son conducteur, et pas
seulement au conducteur, d’où l’importance d’avoir un intermédiaire faisant
le lien entre cette partie éternelle que nous sommes en partie et ce dont nous
pouvons avoir conscience concrètement. Cet ambassadeur ne peut être que
le consultant lui-même ; rien, ni personne d’autre, ne peut dire qui il est ou
ce qu’il doit faire. Les arcanes majeurs sont un message transmis par le ciel
à celui qui demande son aide au Tarot, c’est la raison pour laquelle une fois
que j’ai partagé ce que j’avais envie de vous dire sur ma compréhension des
arcanes, je n’ai pas désiré faire le lien entre elles comme je l’avais fait pour
les mineurs. Le consultant doit tirer les cartes et se laisser guider pour
accueillir son chemin de vie à travers les images qu’il aura découvertes et
qui parleront à sa psyché.
Quand on tire l’arcane :
Ses atouts sont autour du mouvement, de l’action. Les décisions à prendre
font partie de la destinée et le message qu’il donne ne peut qu’être juste. Ce
sont les cartes à côté qui donneront le sens de l’évolution.
Son côté négatif : le renoncement, la folie ou la marginalité. Il est
quelques fois synonyme de rupture brutale et de recom-mencement.
Le Bateleur

Le premier arcane majeur, le I, est :


Le Bateleur, le désir.
La table du Bateleur représente une partie de la destinée, les outils dont il
dispose pour cheminer dans cette incarnation, ses capacités et ses talents ou
ses handicaps. Le sac, couleur chair du Mat devenu table, est l’héritage de
ses vies passées qu’il va pouvoir utiliser dans cette vie-ci et le sac couleur
or du Bateleur, la transcendance, les valeurs, ses acquis, peut-être la
mémoire du Divin qui lui donnera l’autorisation de réactualiser et de
transformer son karma. C’est le Samsara des orientaux.
La notion de réincarnation n’est pas étrangère aux traditions judéo-
chrétiennes. Différents passages de la Bible et de la tradition juive
l’évoquent. Le Talmud s’interroge sur les liens entre Amalek et Haman, par
exemple, et certains rabbins supposent qu’il s’agit de la même âme. Dans
les Évangiles, il est clairement posé la question de savoir si Jean le Baptiste
est ou non la réincarnation du prophète Élie (dans l’Évangile selon saint
Marc, notamment).
La table n’est pas entièrement visible, une partie échappe au regard et au
contrôle. La partie droite, attribuée tradition-nellement à l’avenir, paraît,
grâce à un effet de perspective, s’éloigner. Quelle que soit sa destinée, le
Bateleur n’en a pas connaissance, il ne peut s’intéresser qu’à l’instant
présent, bien qu’il regarde vers la gauche, vers son passé.
La gauche et la droite des arcanes majeurs sont inversées par rapport aux
figurines, l’avenir est à gauche et le passé à droite. Si vous posez les cartes
sur une table, vous mettrez le Bateleur puis à sa droite, en suivant, la
Papesse, puis l’Impératrice, etc. Les mouvements des figurines feront que le
Bateleur regardera du côté opposé à la Papesse, donc vers son passé et non
son avenir. Son passé sera donc sur sa droite et sur notre gauche, il portera
son Bâton de sa main gauche, qui correspond à notre côté droit quand nous
le regardons, idem pour le Denier, etc…
Les arcanes majeurs représentent le chemin de l’âme. Il nous est
impossible de nous identifier à nos âmes, nous ne pouvons que les observer
et les ressentir, être en contact avec. Ainsi le Bâton du Bateleur se trouve
bien à notre droite et son Denier à notre gauche, et tous les éléments que
nous observons prennent la place qui leur est attribuée par rapport à nous et
notre regard. Le message du Tarot est d’observer le chemin de l’âme
comme étant un voyage que nous effectuons. Il nous interdit de nous
identifier à une lame, avec le danger de rester figés dans sa posture en
oubliant le message essentiel qu’il cherche à nous transmettre :
l’impermanence.
L’âme décide de s’incarner. Toutes les énergies sont représentées. Le jeune
homme tient le Denier et le Bâton dans les mains ; l’Épée, sous la forme
d’un couteau dont le manche est bleu, et la Coupe, sous forme d’un gobelet,
sont posées sur la table. Il utilise les énergies primaires et laisse pour
l’instant la Coupe et l’Épée sans y toucher.
Sur cette table, sont posés d’autres éléments, des dés (la chance, le destin
?) et d’autres objets difficiles à identifier, peut-être d’autres jeux ou des
choses importantes dont le message s’est perdu.
Un imposant sac couleur or est aussi présent. Que renferme-t-il encore qui
n’est pas sur la table ? La destinée, d’autres éléments inconnus, son passé ?
Doit-il l’aider à ranger ce qu’il a posé ? Et surtout d’où vient-il ? Y avait-il
un second sac, couleur or, dans la besace couleur chair du Mat ou bien est-il
le sac du Mat qui s’est transformé et a changé de couleur, d’énergie et de
destination ?
L’or reste la couleur de la transcendance et de la compréhension, elle est
en lien avec le Divin comme la Coupe. Une partie de ce sac n’apparaît pas
et nous est, donc, inconnu. Cela ne fait pas partie de ce que nous devons
savoir. C’est aussi le cas du haut du chapeau, qui lui aussi dépasse du cadre
de la carte.
En nous posant ces questions, nous laissons libre cours à notre
imagination, à notre intuition. Les arcanes sont une autorisation à contacter
nos propres âmes qui sont toutes différentes et dont les fulgurances sont,
elles aussi, toutes différentes. Il n’y a pas une seule réponse mais des
sensations, des évidences, des émotions ou d’autres questionnements qui,
tous, font sens pour chacun d’entre nous.
Il tient le Bâton et le Denier dans ses mains, ses bras forment le symbole
de l’infini. Le Bateleur est incarné et en lien avec le « ciel » comme si les
bébés qui viennent au monde étaient sur Terre et leur esprit encore là-haut
avec les anges. C’est la jolie histoire qui dit que l’arc de Cupidon au-dessus
de nos lèvres est fait par l’ange qui fait « chuutt » au bébé pour qu’il ne dise
pas ce qu’il sait.
Un autre élément le laisse penser. L’inclinaison du buste et la forme des
bras du Bateleur forment le signe de l’infini et forment la première lettre de
l’alphabet hébraïque : l’aleph. La bible hébraïque, testament du Divin pour
les êtres humains, commence par la seconde lettre hébraïque : le beth ou le
B. le premier livre de la genèse commence par le mot hébreu Berechit.
La première lettre, l’aleph, précède le message divin qui nous est destiné,
il est un pont entre ciel et terre. C’est ce qu’est le Bateleur. Il est le potentiel
qui s’incarne. Le grand commencement. Il a toutes les cartes en main et se
prépare à vivre et à entamer le chemin qui le mènera au bout du Tarot. Les
énergies primaires, Denier et Bâton sont entre ses mains ; les énergies
secondaires, Coupe et Épée, sont sur cette table de couleur chair et donc
dans le monde. Il n’a plus qu’à se mouvoir, à s’incarner, devenir le beth,
prendre la vie à pleines mains, ce que va lui permettre l’inclinaison
naturelle des énergies. Ce qu’il attend, c’est son destin, quoi faire de sa vie.
Dans une carte, tout est important : les positions, les éléments, les regards.
Un arcane est avant tout un support à projection, un passeport pour
l'intuition, une autorisation d’aller au plus profond de soi pour découvrir de
quelle façon nous allons voir le réel et où nous emmène notre besoin, le
besoin de notre désir le plus intime, celui qui est relié à notre essence. C'est
en cela que les médiums s'en servent comme cartes de divination. C'est un
lien entre le consultant et soi pour pouvoir aller plus loin dans l'intuition
avec toutefois une certaine orientation. Le Bateleur n’est pas la Papesse, en
cela le Tarot nous guide ; toutefois, la perception du Bateleur est multiple et
l’enseignement qu’on peut en tirer peut être vaste. Autour de cette naissance
et de ce démarrage, quelques fois ce sont les couleurs qui nous parleront ou
la posture, une autre fois, les regards ou les habits. C’est ce qui nous
permettra de deviner le message que nous dicte notre inconscient.
On se dira : « Tiens, il regarde vers la gauche donc il pense à son passé »
ou bien « Pourquoi les couleurs de son habit sont harmonisées de cette
façon ? Je ressens comme une confusion. ». Ce sont toutes ces informations
qui donneront le message que la carte et notre inconscient cherchent à nous
transmettre. Le Bateleur est donc le grand début notre potentiel énergétique
ou de désir, voire notre héritage biologique et humain.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la joie, la volonté, l’envie que quelque chose se passe.
Qu’une histoire démarre. Sentir une force.
Son côté négatif : un doute existentiel. Sentir qu’on est plein d’énergie, de
potentiel et ne pas savoir dans quelle direction aller.
La Papesse ou la destinée

La Papesse est une dame âgée, bouillonnante de vie à l’intérieur (sa robe
rouge) et totalement recluse dans la réceptivité. Son grand manteau bleu
recouvre entièrement son corps, des voiles couleur de la pureté protègent sa
chevelure et sa nuque. Sa tiare dépasse du cadre, élément très important et
suffisamment rare pour être souligné.
Toutes les images du Tarot sont dans le cadre noir, seuls la Papesse et le
Monde ont des éléments qui dépassent de ce qui constitue le théâtre de la
vie. La bordure noire symbolise l’espace terrestre, celui de l’incarnation.
Dépasser du cadre signifie : avoir une partie de soi qui est au ciel, pas
seulement dans une connexion intuitive avec le ciel mais en contact direct et
conscient avec un autre plan que le nôtre. Son livre couleur chair, ouvert sur
ses jambes, indique quel chemin devra suivre le consultant. Elle est le livre
de la vie et de la destinée. Le Bateleur est le potentiel créatif, la Papesse est
son message, sa feuille de route. Que va-t-il pouvoir faire de son potentiel et
de ses qualités ? La Papesse le lui dira. Un voile de couleur chair recouvre
deux colonnes qu’on suppose être Jakin (qui signifie : « il établit ») et Boaz
(la force en lui), colonnes fabriquées par Hiram et qui étaient à l’entrée du
temple de Salomon, temple dans lequel le grand prêtre se retirait pour
converser avec Dieu. Son lien avec le Divin est profond, dans l’écoute et
dans l’expression, sa gorge est couleur or : ce qu’elle va dire est important,
réfléchi. La Papesse détient le savoir du pourquoi nous sommes sur terre.
Les voiles font écho aux trois voiles des kabbalistes, celui de la Papesse est
celui de l’initiation. Ils forment la limite entre Malkuth, la dixième Sephira
représentant l’incarnation, et reste de l’arbre de vie.
La Papesse est un personnage qui n’existe pas dans l’histoire, hormis peut-
être la papesse Jeanne mais il s’agit probablement d’un mythe. La Papesse
du Tarot est la partie réceptive du Pape, celle qui est reliée et à l’écoute. Il
est intéressant de voir comment un personnage aussi réceptif et immobile
peut être aussi actif à l’intérieur (le rouge de la robe). Le Pape est la
communication, l’enseignement, la Papesse est sa partie féminine
profondément ancrée dans sa sagesse et la connaissance. Cela interroge
aussi sur les capacités des femmes, leurs connaissances et leur rapport à la
vie.
Autant le Bateleur est l’énergie Yang, l'impulsion, l'envie, autant la
Papesse va être l'énergie Yin, la réceptivité. Cette réceptivité détient le
karma, la destinée. C'est une carte qui peut, aussi, exprimer le temps, la
lenteur.
Elle est le symbole de la grand-mère. Les grands-mères ont une place
importante dans la famille. Elles incarnent la paix, la sagesse, et la
compassion (du moins à la Renaissance). Elles ont un rapport avec la place
que l’on prend et la légitimité. Combien de jeunes femmes en porte-à-faux
avec leur mère se sont construites grâce à la bienveillance de leurs grands-
mères ? Il y a aussi un lien karmique important entre les grands-parents et
les petits-enfants, indépendamment du lien transgénérationnel. De façon un
peu manichéenne, on peut penser que les parents ont pris la place laissée
vacante par leurs propres parents et donc par lien de causalité, la place ou la
psychologie des petits-enfants a un lien avec celle des grands-parents. Être
parent est une source de tensions et d’enjeux quasi permanents, ça ne peut
jamais être dans une neutralité. Quand les grands-parents ont de bonnes
relations avec les petits-enfants, la relation est beaucoup plus apaisée, dans
la transmission et une forme de complicité et non dans la peur et le
jugement. Il n'y a pas tout ce stress, cette angoisse que les parents dégagent
de par leurs responsabilités. Pour toutes ces raisons, le lien à la grand-mère
permet à la psyché de se poser et de prendre son envol, d’où le lien entre la
grand-mère et la destinée.
Certains ont aussi vu en elle une femme enceinte et donc… une future
mère. Le livre couleur chair sur ses genoux, à hauteur du ventre, le rouge de
l’action sur sa robe et toute cette couleur chair qui cache les colonnes
ouvertes sur le temple et la présence divine peuvent, aussi, étayer cette
vision de l’arcane. Comment une femme âgée peut-elle être vue comme une
mère ?
La grand-mère est la mère de la mère (ou du père), elle porte en elle les
germes de la destinée. Elle est vue symboliquement dans le Tarot comme la
source de l’héritage transgénérationnel. La source de la vie est la mère et
avant elle la grand-mère et avant elle… une autre femme, et ceci depuis la
nuit des temps. Cela renvoie à l’éternel féminin dans sa capacité à enfanter
et permettre à la vie de prendre corps, de s’incarner.
Une autre question posée par l’arcane est : la destinée est-elle d’enfanter et
de transmettre sa mémoire et son héritage familial, ou est-ce de concrétiser
un projet créatif ? Est-ce les deux ? La Papesse, bien qu’elle soit située au
début du Tarot, nous informe d’un des mystères les plus complexes de
l’incarnation. Nous portons un héritage émotionnel et karmique issu de nos
ancêtres et nous sommes créateurs du monde. La pulsion du Bateleur et
l’enseignement de la Papesse seront le terreau de ce que nous réaliserons.
Ces réalisations construiront nos psychés et nos chairs. Quand nous
mourrons, nos psychés nourriront l’égrégore du Divin et nos chairs
deviendront terre.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la sagesse, la paix, le chemin est juste.
Son côté négatif : le temps, l’absence de libre arbitre.
L'Impératrice, la création

Énergie Yang puisque c'est le chiffre III. Tous les chiffres impairs ont une
tendance masculine, Yang, et les chiffres pairs une tendance féminine, Yin.
Sachant que ce qui est masculin à l'extérieur est souvent féminin à
l'intérieur, et inversement. Le symbole du Yin et du Yang est un mouvement
permanent, l’expansion de l’un amène la diminution de l’autre et
inversement, dans une complémentarité parfaite. Les petits cercles à
l’intérieur du symbole sont la mémoire du symbole manquant, Yin quand le
Yang est au zénith et Yang quand le Yin est à son apogée. De la même
façon, quand on agit à l’extérieur, quelque chose se pose et devient inactif à
l’intérieur, et inversement.
Au fur à mesure que l’on avance dans le Tarot, les quatre énergies se
retrouvent sous des formes plus ou moins stylisées. Dans l’Impératrice, le
Bâton devient sceptre, le Denier bouclier ou écu ; bouclier pour se protéger,
écu pour montrer sa puissance. Un phénix, symbole de l’impératrice dans la
mythologie chinoise, oiseau qui meurt et renaît de ses cendres, constitue ses
armoiries. Elle est assise sur un trône couleur chair, les colonnes voilées
dans la Papesse sont couleur chair, la réussite dans et sur la matière est sa
destinée. Sa position, sa posture semble très installée, bien qu’active ; elle
ne semble pas vouloir bouger. Si nous regardons bien le bouclier, ce n’est
pas elle qui le prend, on a l’impression que quelqu’un le lui donne, peut-être
la Papesse, dans un souci de transmission. Elle regarde vers la droite, son
Bâton devenu sceptre lui donne la route à suivre : devenir Impératrice et
régner sur la matière.
Les premiers arcanes utilisent principalement les énergies primaires, le
Bâton et le Denier. Au fil du temps et de l’évolution, la perception des
énergies secondaires sera plus évidente.
L’Impératrice symbolise aussi la mère, la matrice, qui va permettre au
Bateleur de se mouvoir. Maintenant que la Papesse lui a ouvert la voie et
que quelque chose en lui connaît sa route, il est entier, pulsion de vie et
destinée et il va pouvoir organiser son désir et aller vers son destin. C’est le
message de l’Impératrice : elle a une pomme d’Adam, elle exprime son
désir. Elle sent ce qu’il lui faut et s’organise pour régner sur le monde,
c’est-à-dire se réaliser. C’est le vrai commencement du Tarot. C'est le
premier arcane réellement complet puisqu'elle est le I et le II, le Yin et le
Yang, donc la création.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la féminité, la volonté, être prêt.
Son côté négatif : la difficulté à agir, l’orgueil.
L'Empereur : la créativité.

L’Impératrice est assise ; l'Empereur, lui, s'est levé. Il tient son sceptre
bien droit et a posé son bouclier. Sa tunique est bleue et son manteau rouge.
Ses pieds sont blancs, symboles de pureté, il est dans l’action, le
mouvement. Ses pieds forment un dessin curieux, peut-être le chiffre
quatre ? On retrouve, avec des formes légèrement différentes, ce même
mouvement des jambes dans les arcanes du Pendu et du Monde.
Le trône et son bouclier sont couleur chair, sa réussite et ses combats se
situent ici, dans notre monde. Son armoirie, l’aigle, qui semble trôner, est
or, de même que le sol. La terre est bénie. Son trône couleur chair est posé
sur un sol couleur or et son bouclier, couleur chair lui aussi, contient cet
aigle majestueux, couleur or lui aussi. La terre (le trône), le ciel (l’oiseau) et
le sceptre (l’action) sont bénis, transcendés et l’Empereur en agissant va
relier son humanité et son âme incarnée à cette couleur or, expression du
Divin.
Cela renvoie au voyage de l’âme qui, venant du ciel, s’incarne sur une
Terre elle aussi spiritualisée. Son rôle est-il de rester couleur chair ou de
rejoindre la couleur or et de ne faire qu’un avec elle ? Notre but est-il d’être
totalement or et de se confondre avec le Divin ou le Divin est-il aussi
couleur chair et notre rôle dans ce cas serait de permettre à l’incarnation de
vivre en harmonie, en acceptant la différence avec cette couleur or,
messager du ciel ? Une autre option serait que nous soyons ici pour
humaniser cette planète qui ressemble trop au reste de la Création et dans ce
cas, imposer la couleur chair ici-bas en remplaçant la couleur or. L’arcane
XXI, la fin du voyage, donne la réponse : la figurine et le taureau, symbole
du Denier, restent couleur chair, le Christ s’est toujours décrit comme le Fils
de l’homme et non de Dieu.
L’Empereur, tout en agissant, regarde vers le passé. Est-ce de la peur, ou
garde-t-il en mémoire ce qu’il doit faire ? L'Impératrice est le germe,
l'Empereur est la graine qui prend la direction. Il possède, réussit, dirige.
Une des étapes de notre évolution est de prendre à bras le corps la vie et
« ses richesses », on ne peut pas passer à autre chose si on ne les a pas
vécues. On se doit d’être Empereur, puis de passer la main. Penser qu’on
peut se désintéresser de la matière sans l’avoir testée est un leurre, qui
n’amène que de la frustration.
Quel est le message de cet arcane ? Il nous montre ce qu’est la vie d’un
empereur entre réussite et peur, actif, agissant et tourné vers le passé. Peut-
être règle-t-il de vieux comptes, de vieux karmas dont il compte se
débarrasser ? Le bouclier est posé et appartient au monde matériel ;
toutefois il est présent. Le phénix de l’Impératrice semble s’être transformé
en aigle. L’aigle n’est pas bicéphale, comme c’est la tendance pour
symboliser les empires, romain ou germanique. Peut-être est-ce une façon
d’utiliser ce symbole très important au Moyen Âge et à la Renaissance sans
associer l’Empereur à un règne particulier.
L’Empereur est l’arcane du Père, du Yang et de l’incarnation.
Le Bateleur est l’enfant ; sa grand-mère, la Papesse l’initie et lui transmet
de quoi sera teintée son âme. Sa mère, l’Impératrice, lui apportera l’assise et
la sécurité nécessaires pour exprimer son potentiel créateur et l’Empereur
l’autorisera à exprimer ce potentiel dans le monde.
Le chiffre IIII est représenté ainsi et non en IV romain, c'est que dans le
Tarot il y a toujours une évolution. Or le IV romain est le V moins I, alors
que le IIII ainsi représenté, montre le III plus I, donc dans une progression.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : l’action, la créativité, l’autorité.
Son côté négatif : l’autoritarisme, le manque d’altérité.
Le Pape : l’enseignement

Il est le premier arcane avec plusieurs protagonistes du Tarot. Le Pape au


centre, et d’autres personnages plus petits : deux que l’on voit de dos et un
troisième dont on aperçoit le bras. Le Pape leur parle, peut-être les bénit-il,
son geste de la main gauche semble le supposer. À l’inverse de la Papesse,
sa tunique est bleue et son manteau rouge. Il agit, tout en étant réceptif,
intuitif. Il est le grand communicant et le grand enseignant du Tarot. Il est le
symbole du grand-père, il a la sagesse liée à la connaissance et à
l’expérience et la partage. Le Denier est devenu sa main gauche : elle sait et
elle bénit. Il tient son Bâton couleur or dans sa main droite couverte d’un
gant couleur or ; ses bras sont blancs : seule la pureté peut initier ses gestes.
Son Bâton, sa férule, porte une croix à sept branches, réminiscence du
chandelier juif, la ménorah. Ce lien entre juif et chrétien, entre l’Ancien et
le Nouveau Testament, est un des éléments majeurs du Tarot : le Nouveau
Testament ne se substitue pas à l’Ancien mais est son complément. La
notion messianique est l’aboutissement du judaïsme, que ce soit dans le
judaïsme traditionnel qui attend toujours à ce jour le messie ou dans la
Kabbale où le jugement dernier viendra le jour où toutes les âmes seront de
nouveau réunies et redeviendront l’âme de l’Adam primordial. L’arrivée du
messie est décrite dans la vision du char d’Ezéchiel, un des prophètes
majeurs du judaïsme.
La différence majeure entre les deux religions n’est pas la question du
Christ, qui au contraire les réunit, mais au sujet de Jésus, que le judaïsme ne
reconnait pas comme fils de Dieu.
La main droite du Pape est couverte d’un gant couleur or sur lequel une
croix est dessinée ; elle tient sa férule, symbole de pouvoir spirituel et
temporel. Le gant permet à la main d’être sanctifiée et de porter ce symbole
puissant sans le tacher par des impuretés ou être troublé par la puissance. Il
est un médiateur entre l’homme et le Divin. Regarder le soleil en face brûle
les yeux et recevoir le Divin sans préparation peut être dangereux ou
dénaturer le message transmis.
Le Pape (V) et la Papesse (II) entourent l’Impératrice (III) et l’Empereur
(IIII). La Papesse symbolise la destinée, la connaissance, le Pape
l’enseignement, le partage, entre les deux. L’Impératrice et l’Empereur sont
l’expérience de l’incarnation. La totalité des nombres donne XIIII, l’arcane
de Tempérance, symbole d’équilibre et vision de notre ange intérieur.
Le Pape enseigne ce que la Papesse infuse en lui, comme un médium le
ferait ; le bleu de son habit pourrait être le manteau de la Papesse. Le but du
Pape est d’être relié à l'inconnu, à l'invisible, donc d'avoir intégré son
pendant féminin. Il est l'incarnation de l'expérience, de la spiritualité et de la
sagesse. Après cet enseignement, l’apprentissage de l’enfance se termine.
Une fois que le Bateleur a plus ou moins fait ce chemin, il a réactualisé son
karma, il s’est vêtu des expériences et de l’enseignement de ses ancêtres. Il
a toutes les qualités, et possède tout son potentiel, il est enfin
« programmé » pour entrer dans la vie et créer sa propre destinée, écrire la
nouvelle histoire pour laquelle il est descendu des étoiles. L’Amoureux sera
un nouveau départ qui lui apprendra le discernement et comment négocier
entre déterminisme et libre arbitre mais avant cela, il est incarné sur Terre et
comprend et professe les lois du ciel. Son éducation lui a donné la sagesse
en l’initiant à la loi de ses ancêtres, ce que les psys appelleront six cents ans
plus tard, le transgénérationnel.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : l’enseignement, la connaissance, la maturité.
Son côté négatif : les certitudes, condescendance.
L'Amoureux : le choix, l’évolution

L’Amoureux est la rencontre avec le monde extérieur : maintenant que le


destin et ses ancêtres l’ont construit et formé, notre Bateleur va être
confronté à quelque chose d’autre. Le désir, l’évolution, voire l’amour,
puisque c’est le titre de l’arcane. Un amour qui va l’amener à regarder autre
chose que lui-même. On dit que l’enfant est narcissique dans le sens où il se
construit par rapport au regard de l’autre et qu’il se donne l’impression que
tout tourne autour de lui afin de se rassurer sur son importance et son
identité. L’Amoureux, lui, regarde vers quelqu’un d’autre, il est en présence
de deux femmes, ses émotions ne sont plus dictées par l’amour dont il a
besoin pour se construire et le jugement que lui et les autres portent sur lui
et son comportement, mais par le regard que lui va porter sur les autres. Ce
qui provoque son évolution à partir de maintenant sont sa quête et son
expérience du monde.
L'Amoureux est l'arcane du choix. Le choix entre la femme qui est plus ou
moins couronnée et celle qui n'a pas de couronne. Le choix entre la jeune
femme et la femme mûre. Peut-être entre l’amour pour sa mère et l’amour
pour la jeune fille. On ne voit pas si les femmes le poussent, le tirent ou si
c'est lui qui décide d’aller vers l’une d’entre elles. Sa position est ambiguë,
pas très claire, il regarde vers l'une mais aurait tendance à aller vers l'autre
et le mouvement des bras des femmes semble avoir pris le parti d’un choix.
Ses jambes sont nues, quelque chose s’est incarné et est devenu chair. Il a
intégré ce que les arcanes précédents lui ont enseigné et a donc tous les
éléments pour choisir. Du moins, c’est ce qu’il croit, mais le destin et
l’évolution ne sont pas loin et c’est eux qui vont aider à la décision, car ce
n’est pas lui qui donne la direction, mais l’ange qui décoche sa flèche entre
lui et la jeune femme à la chevelure or.
Une des questions centrales du Tarot est le libre arbitre. Sommes-nous
libres, indépendants ou sommes-nous des instruments aux mains du Ciel ?
Nous croyons décider, mais nous sommes asservis par une multitude
d’éléments dont nous n’avons que peu, voire pas du tout conscience.
L’Amoureux en est l’arcane. Qui est amoureux et décide ? Le jeune homme
ou le chérubin ?
Le manteau de la jeune femme est bleu mais la robe rouge qu’on aperçoit
à l’intérieur montre qu’elle bouillonne. Ses bras sont purs et ils semblent
attirer l’Amoureux. La femme mûre, en revanche, a des habits aux couleurs
plus équilibrées : sa robe est rouge et les bras bleus sont signe de féminité et
de réceptivité. Tout est donc prêt pour que notre Bateleur, étant devenu
jeune homme, empoigne sa vie et les initiations qui vont avec. Ce sont ces
mêmes personnages que l’on retrouvera au crépuscule de leur vie dans
l'arcane XX, le Jugement, le Tarot le signale clairement : les U de
l'Amoureux sont représentés par des V (5 en chiffre romain) et non par des
U et avec le X (10 en chiffre romain), deux V et un X cela forme le chiffre
vingt : le Jugement. C’est un choix délibéré ; quand les créateurs du Tarot
ont voulu former des U, ils l’ont fait, c’est le cas dans le Bateleur ou
l’Empereur. Ce sont ces détails qui, quand on les remarque, donnent le sens
de l’arcane et les directions que nous devons suivre.
L'Amoureux, c'est l'enfant qui quitte l'adolescence et prend sa voie.
L’enseignement transmis par sa famille, la programmation
transgénérationelle et peut-être même karmique sont achevés. Les cinq
premières lames nourrissent le Denier. Elles ont construit son socle, son
identité dans ce monde. À partir de l'Amoureux, notre enfant, notre Bateleur
va apprendre à se servir du Bâton ; il démarre la construction de son destin
personnel grâce à sa créativité.
Il va faire son premier choix, ériger son monde et mettre en place ce qu’il
voudra vivre désormais. Avec le choix, il vit sa première frustration et son
premier deuil, puisque cela l’oblige à trancher et abandonner des options.
Dans l’Amoureux, le Bâton, l’action, est la flèche de l'ange, c’est elle qui
décide de son destin, d’où la question : l’amoureux réel est-il le personnage
central ou bien l’ange ? Peut-être bien les deux.
L’amour est un sentiment complexe, qui ne nous est pas accessible dans
son entièreté. Il est quelque chose qui nous dépasse, une partie est hors de
notre contrôle (il paraît que les odeurs subtiles y participent, par exemple).
Il est aussi de l’ordre de l’indicible. L’ange, en décochant sa flèche, non
seulement nous donne la direction mais il nous fait partager ce qu’il est
intimement et infiniment : l’amour. Il y a d’ailleurs de nombreux points
communs ou de ressemblance entre les deux personnages : la blondeur, le
côté poupin et l’équilibre des couleurs de l’habit pour le personnage et du
soleil pour le chérubin. Seraient-ce des jumeaux, ou la même personne sur
deux plans différents ? L’un au Ciel, l’autre sur Terre. C’est une des
interrogations qui sont posées sur l’âme : est-elle totalement incarnée dans
le corps ou est-elle en partie incarnée et en partie restée « au Ciel, en lien
avec le Divin » ? Le Tarot apporte-t-il là un élément de réponse ? Il nous
met en face de notre double nature, matérielle et spirituelle.
Le Denier, lui, est représenté par les personnages et leurs mouvements. Ils
forment la structure, la matière. Les jambes se sont dénudées, l’incarnation
démarre. L’Amoureux fera enfin son choix, on suppose, vers la jeune
femme, grâce à la flèche tirée par Cupidon, son double spirituel. Ses doutes
s’apaisent. Il devient Chariot.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la curiosité, l’envie.
Son côté négatif : l’indécision, l’oppression.
Le Chariot : la réussite, la royauté.

Le choix est fait, notre héros devient ce pourquoi il était fait, maîtriser le
temps et la matière. Le Chariot représente l'action, la richesse et le plaisir de
l’incarnation. De la même façon que les fleurs des arbres sont belles et
colorées, l’arcane du Chariot exprime cette jouvence. Il est l’expression de
la matérialité et cette réussite ne se fait pas sans mal. Les roues ne sont pas
dans le prolongement du Chariot, les chevaux rouges et bleus, ne vont pas
de concert et l’espace blanc entre les deux exprime qu’ils sont dans leur rôle
malgré cette dissonance. Le Yin et le Yang sont complémentaires, ils sont
faits pour vivre ensemble mais pas nécessairement sur un même fil. La
chair est sur le corps du Chariot, c’est lui qui est incarné. C’est la première
fois que le personnage central ne porte pas le titre de l’arcane, ce n’est pas
lui qui est important et mis en vedette mais la totalité de la carte. Ce n’est
qu’à partir de l’Étoile que la situation se reproduira. Le titre de la carte est
l’Étoile et non la femme qui est en dessous, après cela deviendra la norme :
la Lune, le Soleil …
Le personnage central est couronné, il est un Roi. La réussite est aussi
l’exaltation de l’égo et du plaisir. Les deux lettres, le S et le M sur le
Chariot signifient-elles « Sa Majesté » (Sua Maesta en italien) ? Sont-elles
les initiales de soufre et mercure, les deux grands principes alchimiques ?
Ou une autre signification qui a disparu avec le temps ? Quoiqu’il en soit,
Sa Majesté ne lui va pas mal. Le Chariot est l’arcane de la réussite de
l’incarnation et de l’égo dans tous les sens du terme. De l’égocentrisme
pour le côté négatif et de la joie et du plaisir en positif. Le personnage
central trône, son sceptre or dans la main gauche, dont le bras est habillé de
rouge, son bras droit de couleur or. Il domine le Chariot, la matière. Il y a un
contraste entre ce jeune homme, sûr et fier de lui, et la difficulté du Chariot
à avancer. Ce contraste fait écho à ce que nous vivons quotidiennement : la
réussite n’est pas toujours simple à obtenir et quand elle est là, malgré les
épreuves subies antérieurement, le monde nous appartient. Il y a, aussi, une
détermination dans le jeune homme. Un voile de couleur chair est en partie
relevé, montrant les colonnes rouges et bleues. Ce voile est en haut de la
carte : le Chariot ne s’intéresse qu’à la matière, le ciel est voilé par la chair.
Vouloir réussir et oublier le ciel fait partie de l’évolution ; même dans un
ouvrage parlant de spiritualité, s’intéresser à la réussite et aux artifices de la
gloire n’est pas négatif. « Chaque chose doit se vivre en son temps » semble
dire cet arcane. Profitons des joies terrestres, le mouvement perpétuel du
Yang et l’appel d’une autre vérité ne tardera pas à frapper à la porte du
destin.
Qu’est-ce qui fait que le Chariot deviendra la Justice, l’illumination et
l’appel du ciel ? Peut-être l’ennui, peut-être l’air un peu mélancolique qu’on
reconnaît parfois au personnage ? Le Chariot, malgré sa grâce, est tourné
vers le passé. Les roues de travers, les chevaux et la position du personnage
donnent une sensation d’immobilité. La réussite est un instant fugace, la vie
et le besoin d’action vont l’amener ailleurs. De plus, si le Chariot est un
moment de joie et d’éternité, il va nous amener à rencontrer un autre
moment d’infini différent, comme une inspiration profonde provoque
l’inversion du mouvement vers l’expire, et inversement dans un mouvement
sans fin. Rien ne s’arrête jamais, le mouvement et l’impermanence sont une
des grandes lois de notre vie terrestre.
Les deux masques actifs tournés vers le ciel semblent lui dire que quelle
que soit notre position ici-bas, le message du Divin ou des étoiles aura
toujours la primauté sur les expériences terrestres. Le sol qui était couleur
or jusqu'à présent commence à se tacher de plantes vertes. Le Chariot crée
son monde et imprime sa marque sur le sol.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la joie, la réussite.
Son côté négatif : l’orgueil, le refus du changement.
La Justice : la conscience d’une autre réalité,
l’ouverture

La Justice est un des seuls arcanes qui regardent en face d’eux, il n’y a pas
de mouvement, que cela soit vers le passé ou vers l’avenir. Il est dans
l’instant présent, un état mystique, en dehors du temps. Après le souffle
d’énergie du Chariot, c’est la prise de conscience d’une autre façon d’être,
d’une autre réalité plus tournée vers soi, vers l’intériorité, première
conscience du plan spirituel. La robe à l’intérieur est totalement rouge, et le
manteau bleu ; ce qui bouillonne et vibre est à l’intérieur. Il y a un cercle sur
la couronne, à la place du troisième œil. C’est d’autant plus surprenant que
cette notion n’appartient pas à la culture de la Renaissance, mais on ne peut
que le constater. Avaient-ils des perceptions particulières ou des contacts
avec l’Inde ? Je n’ai vu nulle part ailleurs de troisième œil dans la tradition
judéo-chrétienne. Quoiqu’il en soit, le cercle couleur or sur l’or de la
couronne de la Justice est bien à l’endroit du troisième œil et semble régner
sur la carte.
Les fléaux de la balance ne sont pas de la même grosseur, ils devraient
pencher du côté droit et pourtant ils sont en équilibre. Le pouce bloque le
fléau, et maintient artificiellement la balance. Il arrête le temps et les envies,
les désirs. Sans cela, ils seraient sans fin. En bloquant la balance et la
frustration liée au manque, le personnage de la Justice cesse cette course
folle vers les besoins matériels. Après la réussite du Chariot, viennent
d’autres envies qui donneront d’autres réussites ou échecs et ceci jusqu'à la
fin des temps. La Justice dit stop, elle tranche. Son épée est, elle aussi, de
couleur or : elle pressent le vrai chemin. Le VIII est un chiffre pair et
accentue le côté féminin, Yin de cet arcane très réceptif, totalement à
l’écoute avec son troisième œil ouvert sur l’infini, dont le VIII (∞) est le
symbole en mathématique. Les fléaux de la balance ne sont pas de la même
taille. C’est aussi le cas des boules finissant les sceptres de l’Empereur et de
l’Impératrice. La boule du sceptre de l’Empereur pourrait aller sur le
balancier de gauche et celui de l’Impératrice sur celui de droite. La Justice
pèse son karma et l’héritage reçu de la part de ses parents. Suite à cela, elle
décide de bloquer les influences liées à son histoire et d’observer le monde
droit devant en assumant cette décision. Cet arcane étant profondément en
lien avec le ciel et l’infini, il interroge sur nos héritages, humains à travers
nos parents, et karmiques à travers la transmigration de l’âme.
Les deux généalogies de Jésus dans les Évangiles, celui de saint Matthieu
et celui de saint Luc, sont identiques entre Abraham et David mais sont
différentes avant et après. Une des explications possibles serait que l’une
des généalogies, celle de Matthieu, serait celle de la filiation, c’est-à-dire de
père en fils et celle de Luc, celle de la transmigration de l’âme, le voyage de
l’âme de Jésus de vie en vie. D’autant plus que, comme je l’ai déjà écrit, la
réincarnation n’était pas étrangère aux questions que se posaient les juifs de
l’époque.
Les arcanes majeurs sont le chemin de l’âme, mais nous ne sommes pas
que des âmes et nous ne pouvons pas nous identifier totalement à elles.
Nous portons notre âme en nous, mais nous sommes aussi autre chose, des
sub-personnalités ou des identités plus ou moins conscientes, un égo, des
désirs, un champ de conscience. Tout cela est en lien et nourrit l’âme, mais
ce n’est pas l’âme. Cet « arrêt sur image » que constitue le VIII permet de
découvrir la complexité et la multiplicité de la psyché. La couleur chair
n’est plus que sur le visage et les mains, l’incarnation s’est réfugiée à cet
endroit, tout le reste est énergie et conscience, et est connecté au monde des
couleurs et des symboles.
Le trône et les colonnes qui nous ont donné des informations jusqu'à
présent sont eux aussi couleur or, et c’est la dernière fois que nous les
verrons dans le Tarot, hormis pour les colonnes qu’on ne retrouve qu’une
seule fois, stylisées, dans le Pendu. Elles évoquaient l’entrée du temple
construit par les hommes pour honorer Dieu. Désormais notre humanité,
notre matérialité va passer au second plan. La Justice est le dernier arcane
de jouissance de l’incarnation. L’Hermite, le prochain, sera la quête. En
cela, il est possible que la Justice soit le plus abouti des arcanes du cycle
matériel du Tarot. Nous pourrions imaginer que c’est le Chariot et sa
réussite, mais la Justice est plus sage et plus sereine, bien assise sur son
trône d’or, et prenant pour la première fois son destin en main en bloquant
les fléaux de la balance. À cet instant, elle n’est plus soumise à un Cupidon
déclenchant une flèche ou à une Papesse lui imposant un chemin mais elle
décide ; elle tranche et décide de la voie qu’elle prendra désormais.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la volonté, l’ouverture.
Son côté négatif : l’intransigeance, l’immobilisme.
L’Hermite : la quête

L'Hermite avec un H, et non l’Ermite, fait un lien entre le Tarot et


l’alchimie. Le H fait référence Hermès Trismégiste. Il est une figure
majeure de la philosophie et du Panthéon de l’Antiquité, principalement
égyptien puis grec. Il est le créateur de la table d’émeraude, que recherchent
tous les alchimistes. Il était même considéré au Moyen Âge comme le
créateur de l’alchimie. Ce qui a le plus fasciné les peuples est la
transformation du plomb en or, mais la véritable grande œuvre alchimique
est l’immortalité, à travers une démarche hautement spirituelle et mystique.
Hermès, dieu grec était le dieu Thot des égyptiens. Il est le dieu qui a aidé
Isis à retrouver les membres d’Osiris. Ce n’est pas anecdotique, car il existe
de nombreux liens entre l’histoire de Jésus et celle Osiris. Les deux sont
morts puis ressuscités, les propos d’Osiris ressemblent fort à ceux de Jésus,
notamment son sermon sur la montagne et les histoires d’Osiris, d’Isis et
d’Horus, leur fils, sont une synthèse de la chrétienté. Les chrétiens s’en
défen-dent, mais les histoires de Jésus et d’Osiris se répondent. Pour des
sages, experts de l’Antiquité cherchant à comprendre le sens de la vie, ce
lien entre philosophie, christianisme des premiers temps et spiritualités
antiques était nécessairement à étudier.
Hermès est, pour certains sages du judaïsme, notamment Arpatan
d’Alexandrie : le prophète Moïse !
Lactance et Cicéron disent de lui qu’il a annoncé le christianisme aux
païens. Au cours des siècles, de nombreux sages ont associé la mythologie
égyptienne et les Testaments, Ancien et Nouveau. Moïse ayant été élevé par
la sœur de Pharaon, cela n’aurait rien d’étonnant que le premier Testament
soit pétri de culture et de références égyptiennes.
Trismégiste signifie trois fois grand parce qu’il a fait la philosophie triple :
naturelle, morale et métaphysique, l’alchimie rentrant dans le cadre de la
philosophie naturelle. Pour Marcile Ficin, Hermès était appelé trismégiste
parce qu’il était le plus grand roi, le plus grand philosophe et le plus grand
prêtre.
Il est aussi Hermès, tout simplement, le messager. Il représente le lien
entre notre côté humain, mortel, charnel et notre part éternelle. Dans la
mythologie, c’est lui qui conduit les âmes en enfer. Il y a donc un lien entre
l’Hermite et le Diable (arcane XV). Le Diable est le dernier arcane qui a
une apparence humaine, ou du moins humanoïde ; après viendra la Maison
Dieu.
L’Hermite est couvert d’un manteau bleu, sa robe est rouge, active et son
manteau se déployant, la couleur or apparaît. Cette couleur est toutefois
couverte de traits, le signe d’une certaine altération. C’est aussi le cas du
bas de sa robe et de l’or de sa lanterne. Le travail n’est pas achevé, l’égo
continue à altérer en partie sa conscience. L’Hermite est un messager et un
passeur : il perçoit, sa lanterne éclaire mais il reste de notre côté de la rive,
du côté du cycle matériel. Il regarde vers le passé, le côté gauche. Cherche-
t-il à se souvenir ? Cherche-t-il le sens de la destinée du côté de la Papesse
dont il partage la tenue ? Certains commentateurs du Tarot disent qu’il est
en marche et qu’il éclaire sa route, son histoire. D’autres pensent qu’il tient
sa lanterne de façon à montrer qu’il est là, présent. Comme un phare en
bord de mer, il montre le chemin à ceux qui veulent le rejoindre, peut-être
les personnages qui entourent le Pape. Tout cela n’est pas antinomique :
observer la route qu’on a tracée est une bonne façon de lui dire adieu afin
de passer à autre chose, et la sagesse n’est-elle pas d’avoir pacifié son
passé ?
Il est le symbole du temps et de Saturne, le dernier arcane du cycle
matériel. De la même façon que le fruit se dessèche et tombe, le VIIII du
cycle de l’arbre, l’Hermite, termine ce cycle de construction de la psyché. Il
fait le deuil de son côté matériel et matérialiste, peut-être regarde-t-il une
dernière fois le splendide Chariot qu’il va abandonner pour découvrir le
cycle intérieur et spirituel ? Arcane pas toujours facile à vivre, il est âgé,
fatigué, les rides de son front montrent son attention ou ses soucis.
Quoiqu’il en soit, il est très actif ; le chiffre qu’il porte est impair, le VIIII.
Son manteau bleu, passif, s’évanouit et laisse place au rouge de sa robe. On
ignore s’il marche ou non aidé de son bâton, mais la question de la marche
est posée et c’est bien le seul arcane pour lequel cette question se pose.
Aucun autre ne se déplace, hormis le Mat qui se situe en dehors du temps.
Le temps est potentiellement mouvement, il est le seul qui puisse marcher,
tous les autres arcanes ne sont que des postures de l’âme, comme des
instantanés photographiques qui nous permettent d’explorer une situation.
La sagesse de l’Hermite est de retourner vers son passé et de l’observer à la
lumière de sa lanterne pour être sûr de ne rien manquer, de ne rien masquer.
Ses cheveux et son visage sont couleur chair, totalement incarnés. Peut-être
que sa lanterne lui permet d’observer sa spiritualité, sa partie éternelle.
Si toutes les cartes soulèvent de nombreuses questions qui permettent de
mieux s’écouter, se comprendre et trouver son chemin, celle-ci pose des
paradigmes tellement contradictoires qu’elle contraint à une pause, un
espace exclusivement d’écoute à la manière des koan japonais. Les koan
permettent, à travers des courtes phrases contradictoires et paradoxales, de
provoquer l’éveil. C’est le rôle de l’Hermite ; en achevant cette partie de vie
consacrée à la construction de son incarnation, il pose la question de la
vieillesse et de la mort. La sagesse accumulée, nourrie de l’expérience du
vivant, interroge sur l’éternité ou plus exactement ce qui est éternel en nous.
Suivra la Roue de Fortune, la rencontre avec le mortel, l’animalité et l’égo.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : la sagesse, le courage.
Son côté négatif : le temps, le doute, la fatigue.
La Roue de Fortune : la rencontre de l’égo, l’absence

Le titre fait référence, comme pour le Chariot, à la roue et non aux


personnages qui sont sur la carte.
Le Tarot se pose régulièrement la question du lien entre notre animalité et
notre humanité. Quelle est la part réelle de nos pulsions dans nos vies et
dans notre développement ? Il les associe régulièrement au cycle matériel.
Pouvoir, argent, reconnaissance, sécurité, sont dictés par la partie animale
de nous-mêmes et son besoin de sécurité. Ce qui tire le Chariot, ce sont les
chevaux bleus et rouges, Yin et Yang. Dans l’Empereur et l’Impératrice, les
animaux sont sur les boucliers. Être sur Terre, c’est avoir des besoins et
vouloir y répondre. Ce premier cycle qui s’achève s’est construit autour du
fait de rencontrer ses besoins et chercher à les combler, ce qui fut en partie
fait avec le Chariot et la Justice, mais la roue tourne. Après un besoin
assouvi, en vient un autre et puis un autre, ceci est sans fin. La Roue de
Fortune est ce constat : être le Chariot et sa réussite n’est pas la solution, le
Chariot n’est plus vu comme la royauté et comme sa gloire mais comme
une étape de ce cycle mortifère. C’est aussi la raison pour laquelle les deux
arcanes partagent ce point commun évoqué quelques lignes plus haut. La
Roue de Fortune est un regard sur ce premier cycle et sur ses limites. Le
Chariot est la réussite, l’abondance et la gloire mais pour la Roue de
Fortune, tout ceci n’est qu’un jeu sans fin et sans réel intérêt. Pour le
mystique, tout ce faste n’est qu’illusion et enfermement. La Roue de
Fortune est cette conscience, elle est une mise à distance qui nous permet
d’observer notre égo et son fonctionnement, comme si nous vivions un
dédoublement et que nous regardions ce cycle sans fin sur un écran de
cinéma. Elle est une forme d’éveil de la conscience, de regard sur le
mécanisme de notre incarnation. C’est pour cela qu’il n’y a aucun
personnage humain dessiné. La partie incarnée de l’âme n’est pas
représentée, elle est absente. Seuls notre partie animale et notre égo sont
dessinés. Nous pouvons, enfin, observer les différentes formes
d’incarnation, les véhicules de chair qui portent l’âme.
Il y a une espèce de singe couleur chair, un diablotin bleu avec des ailes
couvertes d’un drap rouge, ressemblant à un sphinx et un animal doré, peut-
être un faune, avec une tête plus ou moins humanoïde. La Roue, couleur
chair, tient sur deux trépieds couleur or. Le sol est totalement devenu
couleur chair. L’humanité, la couleur chair, est incarnée dans la Roue, le sol
et le petit animal qui tombe.
Celui du côté gauche, le passé, ressemble à un singe, il représente notre
animalité et est couleur chair : le cycle orienté autour de la réussite
matérielle et égotique est déchu et tombe. Nourrir ses pulsions et ses désirs
appartient désormais au passé.
En haut, le petit diable ne semble pas vouloir changer les choses : il est
réceptif, peut-être passif, seules ses ailes couleur rouge pourraient le faire
s’envoler. Si c’était le cas, l’équilibre entre les deux autres personnages
serait en faveur de celui qui monte. Le diable représente l’égo qui n’est pas
prêt à abandonner la partie. Il est sur un socle et semble bien stable.
Représente-t-il un reste de désir de pouvoir et de puissance ? Le mental est
déconnecté du corps, il a sa vie propre et bien que notre animalité s’en aille,
il est possible qu’il se maintienne malgré tout dans sa volonté de survivre.
L’esprit, bien que disparaissant avec nous, se rend compte de l’immortalité
et se l’approprie, il ne veut pas mourir. Le diablotin ne veut pas disparaître
et suivre le petit singe dans l’oubli, il résiste de la même façon que nous
résistons même quand on sait que tout est perdu. Notre époque donne raison
aux créateurs du Tarot : de nombreuses recherches sont faites pour que
notre esprit, ce que nous croyons être notre conscience, survive, peut-être
même éternellement, dans un corps que nous pourrions remplacer à loisir.
Le troisième personnage est celui qui monte, il est de couleur dorée. Sa
tête semble sortir de quelque chose, une sorte de chrysalide. On voit
clairement le passage avec le cercle, les oreilles sont derrière et ne semblent
pas être soudées à la tête. La queue et les jambes de couleur or, elles aussi,
sont posées sur la Roue mais appartiennent-elles au personnage qui
apparaît ? Rien n’est moins sûr. Il semble qu’un animal poilu avec de
longues oreilles, peut-être un faune, donne naissance à un humanoïde ;
l’animal donne naissance à l’être.
En observant la Roue, on voit qu’elle ne tient pas réellement sur son axe et
ne peut que difficilement tourner. Qu’ont voulu dire les créateurs ? La partie
de l’axe qui est de notre côté est blanche, celui qui actionnera la Roue est
pur ; la partie de l’autre côté de la Roue a disparu, on se demande si elle a
existé un jour ou si elle s’est noyée dans la couleur blanche de la carte. Mais
il n’y a pas d’indication sur celui qui tournera la Roue, le seul qui puisse le
faire est le Mat, puisqu’il voyage d’arcane en arcane et qu’il n’est pas figé
dans un nombre. En attendant qu’il se décide, la Roue est livrée à elle-
même et aux forces qui sont dessus : les personnages.
Le passage du III au IIII, passage qui hante le Tarot, est clairement mis en
évidence. Dans la Roue, le III représente les trois personnages de la Roue et
le IIII l’absence. Aucun personnage humain n’est réellement présent. Ni le
Mat, ni aucun autre. Peut-être que le IIII est la Roue elle-même puisqu’elle
est couleur chair ; l’humanité se perdrait-elle dans un tourbillon ? Toutefois,
cette manivelle blanche qui attend nous invite à penser que quelqu’un
viendra.
Aucun des trois personnages ne peut évoluer, chacun reste à sa place et
attend un évènement, que quelqu’un ou quelque chose tourne la Roue.
Cette carte, dans le Tarot, est à part. Si on associe les cycles de l’arbre et la
numérologie, elle fait double emploi avec l’arcane XI. X est I plus zéro,
donc le I et le XI représentent le premier arcane du second cycle, donc le I.
Cela donne du crédit au fait que la Roue de Fortune soit le constat de notre
égo et une autre vision du Chariot. C’est ce que découvre l’Hermite : il se
rend compte de ce fonctionnement, va vers le cycle spirituel et devient
l’arcane XI, la Force. Du moins c’est l’évolution enseignée par le Tarot,
mais les trois personnages de la Roue de Fortune nous indiquent qu’il y a
trois possibilités. Comme la graine a trois destins possibles : pourrir sur
place, redonner un arbre à l’identique ou tenir compte de son
environnement, comprendre les leçons de la vie et devenir un nouvel arbre
plus fort, plus résistant, mieux adapté.
L’arcane nous indique ces trois possibilités. La première est de rester
identifié au premier cycle et au petit singe, les expériences et les projets
s’enchaînent, si un travail ne convient pas, nous en changeons et la vie ne
semble pas pouvoir nous faire comprendre ses leçons. La deuxième
possibilité, le diablotin, est l’entêtement. Nous restons figés dans des
conditions difficiles, travail, mariage, et nous tenons contre vents et marées,
quitte à souffrir ou à tomber malade. La troisième possibilité, l’humanoïde,
est l’évolution. Nous comprenons de nos erreurs ou nous nous rendons
compte que la solution est ailleurs et nous acceptons de nous diriger vers cet
ailleurs. Ce n’est pas la chose la plus facile ; notre psychisme est conçu
pour tenir coûte que coûte et chercher à s’adapter. En cas de crise, notre
cerveau reptilien s’organise entre combat et fuite, il faut une prise de
conscience et de la détermination pour choisir l’évolution.
Quand on tire l’arcane :
Son côté positif : le mouvement, la conscience, l’illumina-tion.
Son côté négatif : les résistances, l’enfermement, la peur.
La Force : le grand (re)commencement.

Elle est le premier arcane du cycle spirituel. Le cycle matériel était de


rencontrer, d’explorer et de dominer la matière et les objets de nos pulsions.
Désormais nous allons chercher à rencontrer, explorer et dominer notre
psychisme et nos forces intérieures. Le premier cycle était orienté autour de
ce que nous faisions, ce deuxième cycle sera de découvrir qui nous sommes
et quel est notre être. Nous sommes toujours dans le cycle de l’arbre, que
nous recommençons inlassablement. Les définitions des arcanes sont les
mêmes que pour le premier cycle mais sur un plan diffèrent.
Ce second cycle n’est pas supérieur au premier, il va permettre de
rencontrer un autre espace, plus intime. Il paraît plus évolué mais nous
avons besoin de toutes les expériences pour nous construire, y compris
profiter des opportunités que la vie nous offre. La hiérarchie est une
construction du mental, elle n’existe pas dans l’univers. La reine des
fourmis a autant besoin des ouvrières que les ouvrières ont besoin d’elle.
On pourrait imaginer, qu’il vaut mieux être une reine que de travailler, mais
la reine passe son temps à pondre, totalement dépendante du reste de la
fourmilière, est-ce un sort plus enviable ? L’univers est une
complémentarité qui s’exprime à l’infini et ce qui nous paraîtrait conflictuel
n’est jamais qu’une vision partielle d’un projet plus global que nous
n’appréhendons pas dans sa totalité. Le Yin n’est pas supérieur au Yang, les
étoiles ou les galaxies ne sont pas dans un système hiérarchique. Nous
avons autant besoin de vivre et de connaître l’expérience du Chariot que
celle de l’Étoile ; imaginer que nous pouvons n’être que dans le cycle
spirituel est un fantasme de l’égo. Karl Gustav Jung disait que l’important
est d’être complet et non pas d’être parfait. Les philosophies orientales, et
les écoles de philosophies athéniennes vont dans ce sens. Nos deux
dimensions sont profondément interconnectées. Nous avons besoin
d’expéri-menter, de faire pour être, et nous avons besoin d’être pour faire.
Nous avons besoin du premier cycle, qui est celui de la construction
extérieure, pour nourrir ce second cycle, la rencontre avec l’intériorité, qui
elle-même ne pourrait pas se manifester sans se sentir nourrie.
Pour la Kabbale, le messie est la réunion de toutes les âmes, multiples
étincelles séparées depuis la chute d’Adam et le départ du paradis terrestre.
Le Tarot est une aide qui nous indique où nous en sommes et quelle est la
marche à suivre. C’est un chemin qui permet de toucher l’énergie
messianique et l’univers à travers la rencontre avec soi-même. Le champ de
conscience est un espace homogène et structuré, il est consti-tué d’énergies,
d’identités, d’émotions multiples et comple-xes. Le but ultime n’est pas de
gommer les différences et d’être tous identiques, ce que pourrait laisser
penser la vision occidentale actuelle qui désire se rapprocher de l’idéal
christique, mais au contraire d’assumer et de jouir de nos particularités.
Cela vient de la modélisation de la pensée autour de grandes figures
auxquelles nous devrions ressembler, peut-être même nous identifier. Mais
même en étant touchés par les énergies christique ou bouddhique, nous ne
serons jamais le Christ ou Bouddha, ne serait-ce que parce que nous
n’avons pas la même histoire, nous n’habitons pas les mêmes régions, à la
même époque et ne vivons pas les mêmes expériences. Le chemin du Tarot
est de nous montrer la route qui connaît ces espaces intérieurs tout en
gardant notre personnalité, notre identité. Nous pouvons avoir la perception
de l’univers et avoir une touche d’Empereur ou d’Hermite. Ce n’est pas
antinomique.
La Force a la même signification que le Bateleur, elle est le désir mais du
spirituel et non plus du matériel. Dans le cycle de l’arbre, elle est la graine,
le germe. Elle a tout le potentiel en elle. L’énergie féminine, la femme,
prend conscience de sa force et ouvre la gueule de l’animal, l’énergie
masculine. Certains d’entre nous voient une lutte où la femme ouvre la
gueule de force, d’autres voient un accompagnement où l’animal (un chien,
un lion ?) se laisse faire et accepte d’ouvrir la gueule en accord avec le
mouvement des mains. L’animal est couleur or, ne semble pas féroce et la
femme ne semble pas en difficulté, ce qui semble accréditer cette thèse.
Quand on tire le Tarot, on a quelques fois l’impression de violence et
d’autres fois pas, cela donne l’inclinaison de ce que le consultant vit à ce
moment.
La Force est-elle le nom de la femme, en rapport avec sa puissance, ou est-
ce la tendance générale de cet arcane ? La Force peut être le personnage,
mais elle pourrait être aussi l’animal à qui il faut de la force pour se laisser
dompter. N’est-il pas couleur or ?
Le Bateleur était attiré par les éléments, Bâton, Denier, Épée, Coupe, les
outils qu’il avait à sa disposition et qu’il déploiera tout au long de son cycle.
La Force, elle, prend conscience de sa force à elle, c’est ce qui lui permettra
de cheminer. Ses éléments sont le « Yang intérieur ». La volonté, la
puissance, la confiance, la foi. Cette force est synonyme de fermeté, pas de
violence ou de dureté. Regardez son visage et sa posture, il s’en dégage de
la douceur. C’est une force intérieure qui lui permet de dominer ses
pulsions, mais pourquoi faire ? C’est le Pendu qui lui donnera la solution,
tout comme pour le tandem Bateleur/Papesse.
Les couleurs de sa tenue sont équilibrées et en harmonie. C’est une carte
dynamique, le rouge est à l’extérieur. La couleur or est sur les manches et le
dessus du chapeau. Le dessous du chapeau est bleu et blanc, le dessus aurait
dû être rouge mais il est doré. Le lien avec le ciel est apaisé et conscient. Le
plus surprenant est la séparation au niveau du cou. On a l’impression que la
tête est posée sur un corps qui n’est pas le sien. Il est possible que cela soit
un masque, mais cela signifie qu’elle se cache ou se protège. Une autre
hypothèse est que cela fait référence au personnage humanoïde qui monte
dans la Roue de Fortune. Il y avait cette même ligne de séparation et on
avait l’impression d’une tête sortant d’un corps animal. Le personnage
féminin est ce qui est sorti de l’animal et le dompte, cela pourrait en être le
sens. Si on compare ces deux cartes, on retrouve la couleur et le côté poilu
de l’animal et cette ligne au niveau du cou. En revanche, la tête du
personnage est très différente, ce qui repose la question du masque. La
Force est complètement prise par son action. Sa seule rencontre est face à
l’animal ; le passé, l’avenir n’existent pas.
Son côté positif : l’énergie, la force.
Son côté négatif : le doute, la violence.
Le Pendu : la prescience messianique

Il est la destinée pour ce cycle, comme la Papesse l’était pour le premier


cycle. Il est l’arcane du fameux lâcher-prise dont nous parlons tant. Notre
Mat continue son voyage et doit maintenant laisser vivre et écouter
l’énergie qui est en lui, c’est elle qui guide et guidera son chemin
désormais. L’extérieur ne lui apportera plus rien, il n’attend plus rien ni
personne pour se construire. Il regarde droit devant lui, et ne pense ni à son
avenir, ni à son passé. Son destin est de chercher à l’intérieur de lui-même.
Les bourgeons qui sont sur la potence sont rouges, ce sont eux qui sont
actifs, vivants. L’énergie s’écoule de la sève de ce gibet couleur or dont les
racines sont vertes, naturelles, ancrées dans la terre. Cette énergie vient de
là, et le Pendu est relié à elle. Imaginer qu’on ne puisse vivre qu’avec la tête
dans les étoiles est une erreur ; sa tête est en bas, proche du sol, ses cheveux
et ses chaussures sont bleus, réceptifs et non actifs. Ses mains sont dans son
dos, peut-être attachées, elles ne peuvent ni agir ni s’exprimer. La seule
action possible, ce sont les bourgeons qui l’expriment.
Les colonnes qui ont habité certains arcanes du premier cycle se montrent
sous un jour nouveau, elles sont devenues ces arbres qui soutiennent le
Pendu. Elles représentaient l’entrée du temple de Salomon et le passage
vers le Saint des Saints, l’autel vers lequel se prosternait le grand prêtre.
Elles soutiennent désormais le Pendu et montrent son importance.
Ses jambes forment une figure particulière, qui renvoie à celle de
l’Empereur mais les jambes pliées sont inversées. L’Empereur a sa jambe
pliée devant celle qui est tendue, le mouvement est vers l’extérieur ; pour
lui, c’est l’inverse, la jambe pliée qui incarne le mouvement est derrière
celle qui est tendue et qui symbolise la stabilité. Le mouvement est derrière,
vers l’intérieur et l’introversion. On retrouve cette figure, mais dont le
mouvement des jambes est inversé, dans l’arcane XXI, le Monde, la grande
figure messianique.
Le Pendu est un des arcanes les plus proches de l’énergie christique. Dans
la mystique chrétienne, Jésus est le douzième apôtre, le treizième étant
Judas. C’est Judas qui permet le passage et l’annonce de la bonne nouvelle
(signification d’Évangile), nous sommes loin de la culpabilité et de la vision
traditionnelle que la société nous inculque : traître et faible. Sans lui, il n’y
aurait pas eu de révélation. Jésus savait ce que ferait Judas, il l’annonce à
plusieurs reprises. Pourquoi le laisser faire si cela ne fait pas partie du
plan ? La crucifixion et la résurrection du Christ reposent sur Judas ; sans sa
dénonciation, Jésus n’aurait pas pu racheter les fautes de l’humanité et
serait passé pour un prophète parmi d’autres et non pas comme le fils de
Dieu. Le Tarot crée un rapport fort entre Judas et le Christ. Ils sont les deux
expressions d’une même volonté, d’où le mouvement des jambes, qui en
étant inversé (jambe droite tendue, jambe gauche pliée pour le Pendu ;
jambe gauche tendue, jambe droite pliée pour le Monde) reste un lien entre
les deux arcanes. Un autre lien est les chiffres, eux aussi, inversés. Un X et
deux I (XII) pour le Pendu et deux X et un I (XXI) pour le Monde. Inversé
ne signifie pas contraire, le Christ n’est pas le bien et Judas le mal, mais ils
sont plutôt deux êtres opposés et complémentaires, qui permettent à la
totalité de s’exprimer par leur rencontre. De ce point de vue, si Jésus est le
fils du Ciel, le Pendu est celui de la Terre, d’où la poutre et les racines des
arbres vertes, couleur suffisamment rare dans le Tarot pour être soulignée.
Le Pendu sera désormais notre Graal et notre destinée. Regardez son
visage, il ne souffre pas et n’est pas malheureux, il semble même très
paisible. Ses mains dans son dos, contrairement à celles de l’arcane XXI
qui, elles, sont plus ouvertes, symbolisent l’attente, le non-faire.
Dans certains états mystiques, ou certains états de satori rencontrés grâce à
la méditation ou au yoga, le corps est statique, en paix, comme statufié.
Seule la respiration est mouvement. Le temps est comme arrêté, seule
l’énergie est présente. Le but de cette attente est que les desseins du ciel se
montrent, et que nous comprenions ce que nous sommes : c’est
l’illumination, la conscience de notre nature et de la nature de l’univers.
D’où, encore une fois, le lien entre l’arcane XII et XXI. Le temps est une
construction du mental. Dans la position du Pendu, il n’existe plus,
l’énergie est éternelle.
Dans notre vie quotidienne et notre anxiété, le temps peut être très réel. En
cela, le Pendu est vécu comme un blocage, ce qui donne une mauvaise
réputation à cette carte mais les espaces d’éternité sont en soi. Ne pas les
chercher à l’extérieur et prendre son mal en patience sont les seuls moyens
de s’écouter et de rencontrer notre nature profonde. L’arcane XIII apparaîtra
dans quelques instants, il est le bouleversement qu’on attend. Le Pendu est
aussi un message, un signal ; notre quête en tant qu’humains, créatures de
l’univers est cette rencontre avec soi-même, l’époque de la Papesse où le
destin décidait à notre place est révolu. L’énergie à l’intérieur de nous-
mêmes décide de notre destinée. Elle a un rapport avec la Kundalini des
hindous. La bande blanche sur l’habit à la hauteur des boutons pourrait
avoir un rapport avec cette ligne de force qu’on appelle les chakras.
Le Pendu a choisi son destin, il n’est pas évident que sa jambe soit tenue
par la corde, qui de toute façon est blanche, symbole de pureté. Aucune
tension ou force apparente n’est visible dans ce lien qui le relie à la poutre
et aux arbres. Le Pendu a l’air de flotter dans l’air, dans un état proche de la
lévitation.
Son côté positif : l’écoute de soi, la confiance.
Son côté négatif : l’attente, les blocages.
L’arcane XIII ou l’arcane Sans Nom : la
transformation, la fougue.

Cet arcane ne porte pas de nom, certains l’associent à la mort mais la mort
dans le Tarot n’existe pas puisque l’âme est éternelle. De plus, sa colonne
vertébrale est un épi de blé, qui est plus le symbole du vivant que de la
mort.
Le Mat ne porte pas de nombre, l’arcane XIII n’a pas de nom et leurs
corps ont la même position légèrement penchée en avant. Ces deux
éléments montrent leur filiation. L’arcane XIII est dans l’incarnation
l’arcane qui résonne le plus avec le Mat, peut-être la raison de son côté
décharné, car notre essence n’a pas besoin d’artifice. Nous sommes au plus
proche de la présence de notre âme et de son voyage. Mais contrairement au
Mat, l’arcane Sans Nom ne peut pas voyager, son pied droit est figé dans le
sol, il peut, au mieux, faire une rotation sur lui-même mais il ne peut pas
avancer. Tout en étant la possibilité la plus fluide pour sentir son âme, il
reste une posture d’incarnation.
Il est totalement conscient de l’énergie et de l’éternité mais il reste
incarné, et même très incarné. Il est planté dans le sol. Le personnage,
squelettique, est entièrement chair, et sa colonne vertébrale est un épi de
blé. Le sol est noir, il paraît desséché, mort, et pourtant il pousse de l’herbe
bleue et or. Cette nature qui pousse ne peut être que réceptive ou
transformée, subli-mée.
Le noir serait-il autre chose que le néant ? Pour les kabbalistes, la matière
est vivante, la planète l’est aussi, puisque le souffle créateur du Divin a créé
l’Univers, pas seulement les humains ou les animaux, mais tout ce qui est.
On pourrait imaginer que le personnage est le seul qui contienne la vie, de
par sa couleur chair, avec comme seul témoignage de son passé et de son
attachement ce pied figé dans le sol qui l’a vu naître. Mais ces plantes qui
poussent viennent contredire cette hypothèse. Il existe bien une capacité de
vie dans cette terre. L’astrophysique dit la même chose ! Les trous noirs ne
sont pas une absence mais au contraire un trop plein d’énergie. La prise de
conscience de l’arcane Sans Nom est cette vie : la sienne et celle de la
planète. Sa faux puissante et énergique coupe tout ce qui est sur son chemin.
Les têtes, les membres, les os qui jonchent le sol, incarnent l’égo, devenu
inutile, de notre nature humaine.
On retrouve les têtes de la jeune femme et de la femme couronnée de
l’Amoureux qui sont là, tranchées sur le sol. Ce qui avait suscité le choix et
le désir au sein du premier cycle n’a plus lieu d’être. Ce second cycle est
destiné à se rencontrer, à se découvrir dans son humanité. L’absence
d’apparat, de costume, les chairs nues si décharnées nous montrent l’essen-
tiel. Il n’y a plus ni pauvreté, ni richesse, simplement l’être profondément
connecté au Mat et à sa puissance. L’empire que désirait l’Impératrice était
dans le monde, celui de l’arcane XIII est le royaume des cieux et du Mat.
Le chiffre XIII, la faux, le noir, le personnage, ont fait que l’arcane a été
associé à la mort. Cela semble évident au vu de tous ces éléments, mais le
Tarot est un ouvrage sur l’immortalité et la mort, le décès, tels qu’on les
connaît, n’y ont pas leur place. S’il s’agit d’une mort, c’est celle des
prétentions terrestres et des attentes. Saint François d’Assise ou Padre Pio
sont-ils morts en renonçant aux fastes de ce monde ? Pour le Tarot, l’arcane
XIII est, au contraire, une renaissance, le premier arcane complet du cycle
spirituel. La Force (l’arcane XI), prend conscience de l’énergie vitale et de
sa capacité à contrôler la force (l’animal), plus le Pendu (l’arcane XII). Le
destin de ce cycle qui consiste à lâcher prise, à être dans la non-action,
l’écoute et le laisser-être, donne l’arcane XIII, le renoncement au monde et
la prescience du Mat, du voyageur et de son voyage qui est la grande cause
de l’incarnation.
Il est le grand arcane des transformations, quelques fois vives et rapides. Il
peut être un encouragement quand la situation est bloquée et qu’on a besoin
de faire un grand nettoyage. Il peut aussi être douloureux à vivre quand une
situation est difficile et qu’on s’y accroche. Être sur terre et renoncer à ses
fastes pour en trouver de plus lumineux est sa compréhension de
l’incarnation.
Son côté positif : la puissance, la conscience, le changement.
Son côté négatif : l’emballement, la colère.
Tempérance : l’équilibre, la paix

« Tempérance » et non « la Tempérance », il est le seul arcane du Tarot à


ne pas avoir d’article défini. Il est, avant tout, une qualité, un état d’être. La
rencontre avec notre intimité, l’ange qui sommeille au cœur de nous-
mêmes : Tempérance. Elle est une des quatre vertus cardinales avec la
prudence, la justice et la force, identifiées dès l’Antiquité par Platon, dont
Marcile Ficin était un des grands spécialistes. La chrétienté se les est
appropriées. Thomas d’Aquin, le grand philosophe du treizième siècle, lui
aussi spécialiste de la Grèce antique et théologien, en avait fait une des
pierres angulaires de son enseignement. Le Tarot semble dire que
Tempérance n’est pas qu’une vertu, elle est ce qui est le plus proche de
notre essence.
Tous les arcanes ont cet article défini comme s’il permettait de prendre des
rôles, des postures. Le Mat se transforme en Empereur, il joue à être la
Papesse ou le Pendu et au cœur de lui-même, il est Tempérance, seule
qualité et tendance incarnée et identifiée de ce voyageur si mystérieux.
L’arcane XIII n’avait pas de nom et celui qui le suit n’a pas d’article. Le
couple Impératrice/Empereur du premier cycle se retrouve dans ce couple
Arcane XIII/Tempérance. La formidable énergie de création rencontrée
précédemment sert à trouver la paix, la douceur et l’harmonie. L’Empereur
était l’expression de la réalité et dirigeait le monde, Tempérance est
l’expression de la spiritualité et est l’intime. Elle ne dirige pas de la même
façon que l’Empereur. Sa gouvernance n’est pas sur les autres mais sur elle-
même : elle est. L’équilibre est parfait, le liquide blanc passe du vase rouge
au vase bleu et inversement, une façon occidentale de montrer le mariage
entre le féminin et le masculin, le Yin et le Yang. La couleur bleue est à sa
place à gauche, la couleur rouge à droite, les deux bras sont rouges, signe de
l’action et de la volonté qu’elle a d’équilibrer les énergies. La terre noire de
l’arcane XIII est devenue or, les herbes continuent de pousser, mémoire de
notre monde. Les ailes sont couleur chair, notre dimension angélique est
incarnée. L’humain est devenu ange. Il envoie des messages vers le haut. La
fleur de couleur rouge, active, envoie les vibrations et la connaissance vers
le ciel. Ce n’est plus lui qui nous initie mais c’est à notre tour de lui faire
partager ce que nous sommes.
Ses cheveux sont bleus, il n’y a plus besoin d’exprimer sa force ou sa
vigueur, symboles communément admis depuis l’Antiquité de la chevelure.
Là encore, le Yin et le Yang sont en interaction ; la fleur rouge envoie et les
cheveux bleus reçoivent. Le lien avec le ciel est dans les deux sens. Les
anges nous le disent bien, ils ont autant besoin de nous que nous avons
besoin d’eux. Si nous altérons notre monde, par effet boule de neige, nous
altérons le leur, de la même façon qu’une odeur venant du sous-sol peut
infecter les étages supérieurs. Si nous cessons de ressentir leur présence,
nous nous coupons d’eux et nous nous coupons de nous-mêmes, de notre
part angélique. Tempérance est au plus juste de cet enseignement, c’est à
travers l’harmonie et l’équilibre que l’ange qui nous habite peut déployer
ses ailes.
Elle est l’incarnation de la créativité spirituelle tout comme l’Empereur
(l’arcane IIII) était l’expression de la créativité matérielle. Elle domine les
plans supérieurs, c’est-à-dire qu’elle équilibre ses pulsions, ses tentations,
ses pensées et ses émotions. Elle a des ailes couleur chair ! Quoi de plus
surprenant que des ailes qui ramèneraient à notre humanité, nous qui
sommes incapables de voler ?
Quand l’être humain est en paix, en accord avec ce qu’il est, non
seulement son humanité s’allège mais c’est elle qui permet de côtoyer les
cieux. Tempérance est compassion, son cœur est découvert, lui aussi est
couleur chair, et plus haut jusqu'à la gorge à l’endroit que la psychologie
humaniste nomme la cuirasse corporelle, une bande couleur or maintient les
ailes. Sa gorge, sa communication est, elle aussi, couleur or. Les passions
sont apaisées, et son expression est à l’image du reste de l’arcane. Une autre
bande couleur or encercle la taille, crée le lien entre le torse et le bas du
corps. Ces deux parties que sont le cœur, espace de compassion, et le
ventre, endroit de la pulsion, peuvent paraître en conflit mais sont pacifiées.
Cet arcane présente plusieurs points communs avec la philosophie hindoue
des chakras, ce qui est très surprenant car les gens de la Renaissance
n’étaient pas au courant comme nous le sommes aujourd’hui de la sagesse
des yogis. Et pourtant, la fleur rouge à l’emplacement du chakra coronal, la
gorge, le cœur, le ventre sont des points de rencontre des nadis essentiels
dans les traditions orientales. Y a-t-il eu des échanges entre les sages de ces
différentes traditions ? C’est une possibilité, la culture depuis l’Antiquité
voyageait au rythme des échanges commerciaux et Florence était une nation
prospère et ouverte sur le monde. Une autre hypothèse tout aussi séduisante
est de penser que la gnose de deux civilisations différentes soit arrivée aux
mêmes conclusions. Les sept chakras ont une variante dans la Kabbale qui
sont les quatre mondes :
Atziluth correspond à Kether. Il est le plan de l’émanation et est représenté
par la fleur rouge sur le sommet du crâne de Tempérance. C’est l’espace
rattaché aux archétypes, aux concepts et aux valeurs hautement
symboliques et spirituelles.
Briah correspond à Chokhmah et Binah. Il est le plan de la création, des
formes pensées structurées. Il est représenté par la bande couleur or au
niveau de la gorge, il crée en communiquant autour des valeurs d’Atziluth
et il a des points communs avec le cinquième chakra des hindous.
Yetzirah correspond aux six Sephiroth suivants. Il est le plan de la
formation, il comprend les sentiments, les émotions, ce qu’on appelle
l’astral et est situé au niveau du cœur couleur chair et de la ceinture couleur
or.
Assiah correspond à Malkuth. Il est le plan de l’action ici-bas. Il est situé
au-dessous de la ceinture couleur or et comprend le ventre, le Hara et le
bas-ventre. Nous retrouvons l’équilibre du bleu et du rouge, du Yin et du
Yang émanation du monde des archétypes, indispensable pour créer
l’incarnation.
Le Tarot a-t-il été dessiné par Botticelli ? La découverte d’un tableau
représentant une Tempérance ressemblant à notre arcane et attribué à
Sandro Botticelli dans le château en ruines d’Esztergom en Hongrie a
relancé sérieusement cette hypothèse.
Botticelli (1445-1510) est le contemporain de Marcile Ficin (1433-1499) ;
ils ont, tous les deux, passé la majeure partie de leur vie à Florence et
étaient amis. Botticelli était protégé par Pic de la Mirandole et était féru de
philosophie grecque, néo-platonicienne. Il n’est en rien d’extraordinaire
qu’il ait voulu partager cette aventure qui unissait son ami et protecteur Pic
de la Mirandole et son maître Marcile Ficin.
Tempérance est un arcane représentant une qualité d’être et une vertu,
nous ne sommes déjà plus totalement dans l’identité individuelle que nous
associons à notre « Moi » ou à l’être humain tel qu’on l’imagine. Nous ne
sommes plus dans notre histoire personnelle, mais en contact avec un
espace en soi qui est un espace du Divin. Une Kabbale dit que Dieu
(Hachem) a créé l’univers grâce à son souffle et que, son souffle étant vie,
alors la vie est apparue, s’est découverte. Les vertus sont des expressions de
l’essence divine et être connectés à elles est une façon d’incarner la partie
de nous qui est au plus proche du dessein de l’univers. Être Tempérance,
c’est incarner ce que la Création attend de nous. Notre mission d’âme est à
son apogée, Jung dirait que nous ne faisons qu’un avec notre « Je » qui est
le reflet du « Soi », l’âme de l’univers.
Nous ne sommes plus dans une identité individuée ou individuelle mais
dans notre partie angélique. Les arcanes suivants font partie du monde des
archétypes, des grands symboles, comme si nous n’étions plus tout à fait sur
Terre. Le Diable, puis le Ciel : la Maison Dieu, l’Étoile, la Lune, Le Soleil.
Dans le premier cycle et jusqu'à présent, le mouvement de l’énergie et de
la construction de l’individu faisait passer d’un arcane à l’autre comme une
évidence. Après l’Impératrice (la création) le Mat vivait la créativité,
(l’Empereur). Le mouvement de l’énergie nous entraîne vers le monde des
grands symboles et vers l’univers. Tempérance est équilibre, mais l’univers
l’est-il ? L’âme humaine et individuelle, dont Tempérance achève le cycle,
fait partie de l’univers, elle est désormais prête à rencontrer le monde d’où
elle vient : le Ciel.
Son côté positif : l’équilibre, la paix.
Son côté négatif : l’oubli de soi, la solitude.
Le Diable : l’enseignant

Le Diable est sur le plan spirituel et nous fait partager ce qu’il se passe ici-
bas. La terre est le monde de l’attachement et de la dépendance, y compris
aux passions. Détachés d’elles, nous pouvons les mettre à distance et les
regarder. Le Diable est une des rares cartes qui regardent droit devant ; il
nous observe et nous montre ce à quoi nous sommes liés. Ses ailes, qui
étaient chair chez Tempérance, sont bleues. Elles sont réceptives, soumises
aux éléments. La lame d’une épée (le mental) brisée touche celle de droite,
peut-être la blesse-t-elle. L’action est située autour de la taille (à
l’emplacement de la ceinture dorée de l’arcane précédent), sur la couronne
des êtres enchaînés, au niveau de la coupe ou de l’enclume posée sur le sol
noir. Il fait référence au sol de l’arcane XIII. En physique, le noir (les trous
noirs, par exemple) est un excès de matière qui attire tout ce qui passe à sa
portée, l’attraction terrestre est liée au poids (sa masse) de la terre. Il
semblerait que les créateurs du Tarot soient arrivés à la même conclusion
que Newton deux siècles plus tard.
Les personnages masculin et féminin sont nus et relativement asexués, ils
ont peu de poitrine et on ne voit pas leurs parties génitales, seuls leurs traits
indiquent leur genre. Ils sont attachés à l’enclume par un lien couleur chair.
Tout en eux rappelle la matière, ils ne sont que chair et sont enfermés dans
la matérialité. Ils ont les mains dans le dos, probablement liées. Ils sont
immobilisés, soumis, l’enclume et leurs coiffes sont leurs seules sources
d’action. Ces coiffes ont des cornes qui font écho à celles du Diable ; celles-
ci sont noires, celles du Diable sont or. Il détient le pouvoir, il donne
l’impression de léviter au-dessus de l’enclume, il n’est pas soumis à son
attraction. Il reste de nature angélique et fait le pendant de Tempérance.
L’univers est complet, Tempérance et le Diable sont deux facettes de la
totalité de la Création divine. Après avoir incarné Tempérance et sa paix, le
Mat se sent assez fort pour observer ce que sont les servitudes liées à
l’incarnation. Il les assume et accepte de les incarner ; sa tête, son mental,
couleur or, le guident et lui permettent d’être ce Diable sans totalement se
laisser influencer par lui.
Les anges n’ont pas de sexe, dit-on. Le Diable, lui, a des seins féminins et
un sexe masculin. Il cumule les deux genres. Il n’est pas, malgré tout, très
sexué, sa poitrine est loin d’être érotique et son sexe est bleu, réceptif et au
repos. La sexualité est l’expression du désir et de l’énergie vitale. C’est une
source de lien et de créativité. Ce n’est pas le registre du Diable qui utilise
son énergie pour soumettre et non pour créer ou communiquer.
Toutes les âmes sont interconnectées et dépendantes les unes des autres,
comme les atomes le sont entre eux. Une des grandes théories
kabbalistiques est que nos âmes sont des morceaux dispersés de l’âme
primordiale d’Adam. Elles se reconnaissent entre elles comme des
étincelles d’une même flamme. Le messie reviendra quand toutes les âmes
seront de nouveau Une. La dépendance est la grande loi qui fait tourner
l’Univers : l’attraction terrestre nous retient ici, l’attraction solaire contraint
la Terre à tourner autour, la galaxie emprisonne les étoiles et les maintient
en équilibre. La question n’est donc pas celle de la dépendance, de
l’attachement et de l’attraction puisque c’est une des plus grandes lois qui
régissent l’Univers, mais est de savoir à quoi ou à qui nous sommes
attachés et de quelle façon ? Le Diable nous l’enseigne. L’attachement dans
le premier cycle est source de souffrance et de soumission, celui du second
cycle apporte la paix et un sentiment de liberté. Notre besoin
d’appartenance n’est plus source d’angoisse, de conflit et de peur, mais au
contraire source de libération. Les objets de nos attachements ne sont plus à
l’extérieur de nous : pouvoir, argent, gloire, rencontre amoureuse, quelques
fois inaccessibles, provoquant des doutes et des attentes, mais à l’intérieur
de nous, accessibles et inépuisables.
Regarder le Diable en face, c’est se dissocier de lui pour pouvoir
l’observer, peut-être même l’affronter, et ne plus être soumis à ses forces.
En observant ce qu’il vit, en sentant cet emprisonnement incarné par les
mains dans le dos des diablotins et leur cordon autour du cou, nous pouvons
aussi explorer cet état et sentir en quoi il est douloureux et anxio-gène, ce
qui nous permettra de lutter contre lui plus facilement que s’il était
inconscient comme c’est le cas dans les premiers arcanes du Tarot. C’est
une des règles de la gravitation : plus on s’éloigne moins on est soumis aux
lois de la gravité. S’éloigner de l’incarnation, c’est regarder ses
attachements terrestres en se désidentifiant d’eux puisque le fait de les voir
nous met à distance, de la même façon qu’on ne peut pas regarder et être ce
qu’on regarde en même temps. Cette rencontre est un passage obligé de
l’initiation vers l’illumination.
Le Diable du Bouddha s’appelle Mara, l’esprit tentateur. Jésus Christ, lui,
le rencontre dans le désert et doit l’affronter pour s’en détacher et incarner
totalement le fils de Dieu. C’est seulement après qu’il entre dans Jérusalem
et accomplit son destin tel que les écritures messianiques l’ont décrit.
C’est d’une certaine façon la fin d’un voyage et le début du suivant. La fin
du voyage terrestre, puisque le Diable met en lumière les lois de la Terre
que nous avons probablement rencontrées à dessein, ce qui nous permet de
les abandonner. Et le début du voyage suivant car le Diable n’est pas
humain, il fait partie de la sphère céleste et en « étant lui » nous sommes
déjà un peu parmi les étoiles.
Dieu n’a pas puni Adam et Ève en les envoyant sur Terre, il a fait le
constat qu’en mangeant le fruit de l’arbre de la connaissance, en découvrant
qu’ils étaient nus, et en se cachant de lui, ils mettaient le doigt dans
l’engrenage infernal de la culpabilité et de l’attachement, donc de la
souffrance. Il les a envoyés dans un lieu qui pouvait leur répondre et leur
permettre d’explorer et de se libérer de leurs nouvelles entraves.
Son côté positif : la conscience, la connaissance.
Son côté négatif : la servitude, les excès.
La Maison Dieu : la rencontre

La Maison Dieu ou la Maison DIEV pour qu’il n’y ait pas d’erreur. Il
s’agit bien de la maison dont parle l’arcane V, le Pape.
Après s’être détaché du Diable et avoir traversé cette étape cruciale qui
marque la fin de notre attachement en tant qu’être incarné, la Maison Dieu
apparaît. Le nom de cet arcane parle de lui-même, il a fallu tout ce parcours
pour enfin exprimer ce que nous étions. Elle est entièrement couleur chair.
L’humanité n’est plus représentée par un être humain ou humanoïde mais
par cette tour. Elle est solide, ressemble à une tour de forteresse du Moyen
Âge. Les fenêtres sont bleues, reçoivent les informations de l’extérieur et
des bulles blanches, rouges et bleues virevoltent autour. Nous percevons
désormais l’énergie et plus seulement la matière. Les deux petits
personnages qui accompagnent plusieurs arcanes du Tarot tombent de la
tour, dont le sommet s’ouvre ou tombe à son tour.
Il y a une double signification du sommet de la tour : créneau pour se
défendre et couronne pour se montrer comme pour l’Impératrice et
l’Empereur dont les boucliers ou écus avaient ce même double sens. Les
personnages sont rouges et bleus, une normalité s’est réinstallée. Ils ont des
cheveux bleus, leurs têtes sont réceptives, elles cessent de penser. Ils
chutent, ils représentent des parties de nous-mêmes qui ne sont pas en lien
avec cette solidité, cette forteresse que nous sommes devenus. Les doutes,
les peurs, une forme d’immaturité. Ce sont nos ombres qui nous poussent à
évoluer ; si nous étions satisfaits de nous et de nos vies, nous ne
chercherions pas à rencontrer cet intime qui nous habite ou que nous
habitons. Mais désormais notre humanité est construite, les supports de
construction s’en retournent à la terre, comme un arbre perdant ses feuilles.
La photosynthèse nourrit les feuilles, les feuilles nourrissent l’arbre.
L’arbre à travers la sève nourrit à son tour les feuilles. Le lien entre la tour
et les personnages est aussi complexe et inextricable. Les personnages ont
traversé le Tarot et cheminé avec les arcanes car ils représentaient la partie
de notre humanité qui nous poussait à grandir, soit en étant demandeurs
d’un enseignement comme dans le Pape, soit en nous montrant ce qu’est
notre animalité comme dans la Roue de Fortune.
L’arcane XVI a la même signification que l’Amoureux sur le plan
spirituel. Les deux personnages peuvent donc représenter notamment les
deux femmes qui aidaient au choix de l’arcane VI. Mais là, plus besoin de
cette aide extérieure pour comprendre qui nous sommes et quelle est notre
route. L’Amoureux est devenu Maison Dieu et les désirs ou besoins
retournent d’où ils viennent : du premier cycle, le cycle matériel. Si ces
figurines ne sont pas les images ou représentations des femmes de
l’Amoureux, c’est que les femmes de l’Amoureux étaient des
représentations extérieures de nos envies ou de nos désirs. L’arcane XVI
n’est plus tourné vers l’extérieur, donc les personnages ne sont pas
masculins et féminins mais uniquement masculins car ils sont l’expression
de nos pulsions internes, celles qui nous ont fait désirer les belles dames que
l’on voyait sur l’arcane VI.
Un éclair chatoyant sort de la tour ou rentre en elle. Il est rouge, et la
couleur bleue est remplacée par la couleur or, c’est extrêmement rare, c’est
plus souvent le rouge qui est transcendé par la couleur or.
Le Divin est pulsion et création, il n’y a plus de réceptivité, seulement un
don. C’est l’Esprit Saint, l’illumination, la Pentecôte des chrétiens, la fête
de Chavouot chez les juifs, fête des moissons et jour du don de la Thora.
Dans les actes des apôtres, il est écrit :
« Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu.
Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux, et il
remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des
langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent
sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit et se mirent à
parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. »
Nous retrouvons les langues de feu imaginées dans le Tarot de Marseille,
cette symbolique de parler plusieurs langues est une façon d’exprimer le
lien profond qui relie désormais l’être humain à son âme comme partie de
l’âme de l’humanité. Nous ne sommes plus identifiés à un peuple, un
territoire et une langue, mais nous sommes en communion avec le reste de
nos frères et sœurs d’incarnation.
C’est un bouleversement profond ; jusqu’au Diable, l’égo,
cette « mécanique » incarnée que nous nous sommes créé pour survivre,
nous défendre et nous nourrir pouvait se rebeller et reprendre le pouvoir.
Elle pouvait imaginer que c’est elle qui détenait la pulsion de vie et surtout
la conscience. À la question « qui sommes-nous ? », l’égo répond : « Je
suis ». Or c’est faux. Il s’approprie le champ de conscience comme un
ordinateur qui imaginerait qu’il est le maître.
L’égo n’est pas négatif, il n’est pas cette partie à rejeter comme nous le
pensons ou le lisons parfois dans la littérature new age. Il subit, lui aussi, les
dictats de l’incarnation. Il a été créé pour nous défendre et sa croyance
d’être puissant n’a d’égale que notre vulnérabilité, qu’il cherche à
compenser. Il est une réaction que nous avons construite face aux
vicissitudes humaines. Il a décidé de prendre les choses en main et de
prendre le pouvoir car nous nous sentions désemparés. N’étant pas connecté
à la conscience et à la compassion, il est devenu au fil du temps ces
exagérations qu’il nous fait vivre. À partir de la Maison Dieu, ce n’est plus
possible. Le Diable est dépassé, ses tentations sont derrière nous. Nous
sommes désormais comme les anges qui ont eu un parcours dans l’ombre et
les excès et qui à un moment prennent conscience du Divin, de sa
puissance, de sa force et de son amour. Ils prennent la décision de rester à
ses côtés et de ne plus jamais redescendre. Le Diable a été rencontré et
dépassé.
À partir de cet arcane, le titre de la carte sera lié au Divin et au Ciel. La
Maison Dieu, l’Étoile, la Lune, le Soleil, le Monde. Le Mat continuant son
voyage n’est plus associé à notre humanité mais à sa conscience de
l’univers devenue la nôtre.
Le choix entre deux mondes que devrait être l’arcane XVI n’est plus. La
puissance des plans spirituels l’a balayé. Ce même choix, dans l’Amoureux,
était faussé, puisque c’est la flèche de l’ange qui participait à la décision,
voire qui décidait. Dans la Maison Dieu, plus besoin d’aide extérieure, le
choix est l’évidence. Cette forteresse couleur chair tournée vers Dieu est
notre nature profonde en tant qu’êtres incarnés.
Le choix pourrait être de rester là, dans cette dimension de sainteté, ou
d’aller plus loin dans la quête messianique.
Notre culture nous pousse au changement, à l’unicité et à ce désir
incessant de dépassement. Ce n’est pas le cas de toutes les traditions : dans
l’hindouisme, par exemple, il n’y a pas cette volonté d’être l’avatar d’un
dieu, même s’il en existe. Assumer son rang et sa place suffit à réussir sa
vie, on pourrait donc imaginer que de vivre cette conscience de l’humain
qu’est Maison Dieu leur suffit. Mais dans la Kabbale, le but de toute âme
est de s’élever au point de ne faire qu’un avec l’âme de l’humanité afin de
reconstruire celle de l’Adam d’avant la chute et son départ du paradis
terrestre. De plus, par nature, la vie est mouvement et action. L’humanité est
devenue une tour solide et statique, naturellement l’action se porte ailleurs,
vers des territoires encore à découvrir et à rencontrer.
Le choix de continuer ou non le voyage est donc posé comme pour
l’Amoureux qui peut rester un enfant proche de sa mère ou rencontrer
l’amour d’une jeune femme et suivre son destin. La Maison Dieu a ce
même choix de rester protégée dans son mysticisme et sa conscience de
l’humanité en tant qu’âme unique et incarnée ou de suivre son destin et de
rencontrer l’univers.
Les bouddhistes pensent qu’une âme peut se réincarner dans plusieurs
corps et donner vie à plusieurs êtres humains différents en même temps. Ils
n’ont pas la même croyance autour de la notion de l’unité de la conscience.
Cela sera le choix désormais de notre héros, accepter de ne plus exister en
tant qu’être unique et créateur mais de rejoindre le ciel et de se fondre avec
les étoiles. Est-il prêt à renoncer à son identité et son unicité ? C’est le choix
et la question que devra résoudre « la Maison Diev ».
L’être humain est désormais une forteresse intimement reliée aux énergies
célestes, grâce aux langues de feu qui rentrent ou sortent. Le Mat poursuivra
désormais son chemin en route vers les étoiles, à partir de la Maison Dieu ;
le titre de la carte ne va plus être le personnage central, ce qui a toujours été
le cas sauf pour le Chariot, mais le titre de la carte aura trait au ciel : l'étoile,
la lune, le soleil. Les petits personnages continueront à participer à la
signification des arcanes mais ce qui sera mis en lumière sera la partie
céleste de la carte.
Son côté positif : l’illumination, la compréhension.
Son côté négatif : l’écroulement, la chute.
L’Étoile : le lâcher-prise, l’abandon

Les arcanes jusqu’au Monde seront désormais séparés en deux parties


distinctes : la Terre et le Ciel. L’humanité devenue Tour, retrouve, dans
l’Étoile, une figure humaine tout en gardant la force et la solidité acquises
dans l’arcane précédent. La femme représentant notre partie incarnée, notre
matérialité est nue, ne cache ni ne protège plus rien (peut-être a-t-elle un
rapport avec l’Ève d’avant la rencontre avec le serpent ?). Elle est solide et
très charpentée, son corps est puissant. Elle a un genou plié, signe
d’humilité et de dévotion, voire de soumission. Ce mot fait peur, mais la
nature humaine est soumise et dépendante de la volonté, la nôtre ou celle
des autres, des besoins, des désirs et de l’attraction terrestre au sens propre
comme au sens figuré. Reconnaître cette dépendance et l’accueillir, trouver
des stratégies pour la vivre au mieux sans se sentir oppressé ou se laisser
dominer, est une des plus grandes sagesses. Le lâcher-prise est à ce prix.
Reconnaître sa dépendance et ne plus lutter, sentir ce qui est juste et ce qui
ne l’est pas, puis revenir à soi et à ce qu’on est. Cela ne signifie pas qu’il
faut tout accepter, il faut au contraire dans cet accueil se poser constamment
la question de ce qui est juste et légitime et de ce qui ne l’est pas. L’abandon
dont parle l’Étoile est celui de notre nature humaine. Elle rend la chair à la
matière, notre corps terrestre à la terre, et notre eau, nos émotions, aux
rivières et aux fleuves. C’est la conscience intime que la planète et nous
sommes intimement liés, entremêlés, et qu’il est inutile de se battre contre
les lois de l’Univers. Au contraire, en les acceptant, on le rencontre et on
partage sa destinée. Nous devenons une partie de ce grand tout qui vit en
harmonie. C’est le cas de la femme, si reliée à la Terre, et c’est le cas des
étoiles qui tournent dans une ronde parfaite et quasi éternelle.
Son genou est relié au sol couleur or par un bandeau de chair, elle ne peut
plus avancer, elle ne peut même plus changer de position sans briser
l’attache. Elle ne fait désormais qu’un avec la Terre, tout comme les arbres
ou les plantes.
Tempérance jouait avec les coupes et faisait passer l’énergie de l’une à
l’autre. L’Étoile vide les coupes dans l’eau de la rivière (ou du lac). Elle
irrigue la planète. L’énergie qui coule est bleue, réceptive, elle est identique
à l’eau de la rivière avec laquelle elle se mélange. Les deux réceptivités se
relient, se fondent l’une dans l’autre pour ne faire plus qu’une. Ce qui était
dans l’humanité retourne à la terre ; l’eau représente les émotions et la vie
qui coulent. Nos émotions, notre eau, nourrissent la terre : ce que nous
étions fait désormais partie de notre monde. Si nous étions joyeux et en
paix, notre joie et notre paix font désormais partie du sol sur lequel nous
marchons, si nous étions tristes ou en colère, ces mêmes émotions
appartiennent à notre monde.
La rivière nourrit le sol, le sol nourrit les plantes, qui nourrissent les
animaux et les hommes, c’est de cette façon que nous partageons tous une
même destinée collective et que nous transformons notre habitat
doucement, progressivement mais sûrement. Nos émotions, nos pensées,
construisent notre corps physique, ce même corps en mourant et retournant
à la terre fera de même avec elle. La planète est constituée et nourrie de ce
que nous sommes et de ce que nous étions. Cela montre bien comment se
construisent une identité et une vibration planétaire. Un corps contenant des
émotions, des « eaux », n’est pas grand-chose par rapport à l’immensité de
notre planète, mais multiplié par la totalité de l’humanité depuis des
centaines de milliers d’années, cela a un impact énergétique.
Les dinosaures ou le plancton, les scientifiques s’interrogent, sont devenus
les réserves de pétrole. Il en est de même pour le reste de ce que porte cette
planète : en mourant, nous fertilisons l’endroit où nous sommes enterrés.
Désormais, l’Étoile est un élément du ciel et la femme et l’eau de ses
coupes reviennent à la Terre. L’esprit est relié à l’univers et le corps au sol
auquel il appartient. L’oiseau noir posé sur l’arbuste représente le voyageur,
l’âme, qui peut aussi bien marcher sur la terre que voler et rejoindre le ciel.
Il observe et est le médiateur entre ces deux espaces qui sont en nous.
L’arcane de l’Étoile est un mandala, une initiation mystique. Le ciel et la
terre existent et sont. Il ne s’agit pas de favoriser l’un ou l’autre, mais de
tenir compte des deux en laissant l’âme faire le lien et la rencontre.
Jung disait que l’important n’était pas d’être parfait mais d’être complet.
C’est ce que dit l’Étoile : il ne s’agit pas d’être parfait, de faire un choix,
mais d’être l’un et l’autre, d’accueillir ces deux espaces que nous sommes,
qui sont en nous et de faire des liens dans un lâcher-prise profond et
consenti. L’Étoile a la même définition sur le plan spirituel que le Chariot,
qui incarnait la réussite et la domination sur le monde social et la matière, et
tout comme le Chariot, la vie, qui est mouvement, va l’amener à continuer
sa route et à pressentir qu’au-delà du spirituel, il existe un autre plan qui est
l’universel.
Le Chariot, aussi, était une carte double : le personnage et le chariot, signe
de magnificence. Dans l’Étoile, on pourrait dire de façon allégorique que le
personnage du Chariot est descendu de son monde de strass pour rencontrer
son sol, et que la splendeur appartient désormais au ciel.
L’âme est omniprésente, grâce notamment au Mat, mais Dieu restait,
jusqu'à la Maison Dieu, une interrogation. La quête du Tarot est avant tout
une quête intérieure, faite pour se rencontrer, et sur ce chemin qui est long
et progressif, notre but est la découverte d’espaces intérieurs qui nous
constituent et forment la totalité de notre être. La quête spirituelle est une
recherche de nos ressources intérieures et des capacités de notre esprit.
Indépendamment de la réalité matérielle, il n’est nulle question de divin à
cet instant, et cette confusion entre les qualités méconnues de notre cerveau
et Dieu relève d’une forme d’ignorance : de la même façon que le Moyen
Âge pensait que les nuages et les intempéries étaient l’œuvre du Ciel, nous
confondons recherche intérieure, capacité cérébra-le, et volonté ou don
divin.
Tout ce que l’on ne comprend pas n’est pas Dieu, cela peut être
simplement des ressources que nous ne savons pas utiliser ou bien que nous
sommes en train de développer. Ce que l’on nomme le don en est un
exemple. En occident, nous pensons que cela vient du ciel et que c’est une
forme d’élection. En orient, les Sâdhus, les mystiques de l’Inde, disent que
sur le chemin de la spiritualité, les dons arrivent. Cela n’a rien à voir avec
une quelconque désignation divine, mais avec une quête d’identité. De ce
que j’en comprends aujourd’hui, il est probable qu’un jour nous
découvrions que ces « soi-disant » dons ne sont que des ressources ou des
qualités de notre cerveau limbique. Ce qui expliquerait que certains peuples
les utilisent naturellement, les aborigènes d’Australie, par exemple.
Dans l’Étoile, la question du Divin se pose plus concrètement. De la même
façon que le plan spirituel était un appel, une prescience, dans le Chariot, la
notion d’universel est pressentie dans l’Étoile. Les êtres humains sont
innom-brables et connectés dans un ensemble cohérent. Nous sommes tous
des fragments d’âme, le but de nos incarnations est de retourner à l’origine,
de reconstituer cette âme unique dont nous ne sommes que des parties, des
étincelles de lumière : la quête kabbalistique. Il en est de même pour le
ciel : les étoiles sont des myriades de lumières dansant ensemble dans
l’espace sur la même mélodie. L’arcane XVII est cette méditation, l’humain
ne fait qu’un avec la Terre, l’esprit ne fait qu’un avec le Ciel. Notre
identification, le titre de l’arcane, fait désormais référence au ciel et à la
voute céleste : l’Étoile.
Notre humanité est reléguée au second plan, en quelque sorte. Nous
restons des enfants de la Terre mais nous sommes surtout des enfants du
ciel : des étoiles. Ce n’est, au fond, pas si différent, les planètes sont des
fragments d’étoiles et la Terre est constituée de poussières célestes. « Ce qui
est en haut est comme ce qui est en bas" est un des maîtres-mots de
l’alchimie.
Cette prise de conscience étant faite, nous rencontrerons les grands
archétypes qui nous construisent en tant qu’humains, habitants la planète
Terre. Notre esprit est une partie de l’univers et sa patrie est le système
solaire. Comment comprendre sa création ? En s’identifiant aux grands
archétypes qui nous construisent, le Yin et le Yang, le féminin et le
masculin, la lune et le soleil.
Son côté positif : le lâcher-prise, prise de conscience de la beauté.
Son côté négatif : la frustration, la tristesse.
La Lune : le féminin, l’équilibre et l’illusion

La Lune est l’arcane le plus complexe et le plus indéchiffrable du Tarot.


Elle est un symbole d'équilibre comme la Justice, et comme la Justice, c'est
une illusion. Équilibre car c’est un arcane très proportionné, tout est
dédoublé et en syntonie. Les maisons, les animaux et les herbes séparent la
carte en deux moitiés. Certains ésotéristes pensent qu’elle montre un
chemin possible, qui serpenterait au milieu de la carte, entre tous ces
éléments. Le crustacé fait écho au visage et la lune au soleil qui est derrière
et inonde de lumière le ciel de l’arcane. Tous ces éléments reprennent la
symbolique des plateaux de la balance de la Justice. Comme les plateaux de
la balance étaient déséquilibrés et ne tenaient que parce qu’ils étaient
bloqués par le pouce de la femme, l’équilibre de la Lune est aussi une
illusion. La lune cache le soleil. Ce n’est pas la lumière de la lune mais
l’éclairage du soleil qui nous permet de la voir. Sans lui, la lune resterait
invisible. Dans l’arcane, la lune éclipse le soleil. On ne peut pas voir les
deux en même temps, c’est soit le soleil, le Yang, ce qu’incarne l’arcane
suivant, soit la lune, le Yin. Si elle est présente, l’astre du jour disparaît.
Mais la carte n’est visible que parce que le soleil est caché. Si elle éclipse le
soleil qui est derrière elle, elle est, elle-même, en grande partie cachée dans
l’ombre, et ne montre que ce que l’astre dévoile d’elle. Mystique, secrète et
extraordinairement complexe, elle a et aura toujours une face cachée,
obscure. Elle est la représentation de la psyché humaine et de notre
inconscient. Notre inconscient serait quatre-vingt-quinze pour cent de notre
totalité et le conscient, ce qui surgit, ce qui est mis en lumière et ce que
nous nous autorisons à regarder.
La Lune est l’arcane des voyants et de tous ceux qui cherchent le chemin.
Elle est historiquement la compagne des voyageurs, au sens propre comme
au sens figuré.
C’est le symbole et l’archétype de l’énergie Yin, réceptive, féminine. Elle
existe et est présente, qu’on la voie ou non et ce qui en émerge est la partie
qu’éclaire le Yang. Pour le Tarot, la lumière est Yang, elle est même « le
Yang ». Il n’est pas supérieur au Yin, ce sont deux faces indispensables à la
création : la lumière et ce qu’elle dévoile. L’univers et ce qu’on en voit, le
masculin et le féminin, l’action et la réceptivité, peut-être même la
passivité. En physique : la particule et la fonction d’onde.
Le bleu de la carte renvoie à la réceptivité. Cette lune bleue est étonnante.
Dans une éclipse de soleil, on ne voit pas la lune mais l’absence de soleil.
C’est grâce à elle que l’on observe les contours de la lune, n’importe quel
astéroïde suffisamment gros passant devant le soleil donnerait la même
vision. Dans l’arcane, la lune est visible, bleue, et renferme un visage. Elle
montre des rayons de la même couleur, ce qui dans la nature est impossible.
On ne peut voir que ce que le soleil montre, or si ses rayons à lui sont bien
visibles, jaunes et rouges, comment est-il possible de voir les rayons bleus
et ce visage ? Le soleil étant derrière ne peut pas les dévoiler mais quand
l’égo disparaît, l’inconscient peut se montrer en partie. Les théories
jungiennes nous disent que l’important est d’être complet, pas
nécessairement d’être parfait. Cette Lune laisse pressentir cette
« complétude ». Elle nous dévoile la complexité de la psyché. Les maisons,
la place, l’habitation, représentent le Denier, les animaux qui hurlent dans la
nuit, le désir : le Bâton. Le crustacé qui remonte à la surface après avoir
raclé le fond de l’étang représente la Coupe. Le visage qui regarde la scène
est l’Épée, le mental. Il est réceptif, dans le bleu de la lune, dans
l’inconscient, et observe. Cela fait bien longtemps que ce n’est plus lui qui
juge et décide de l’action, il est souriant et en paix. Il a l’air satisfait de ce
qu’il voit. Cette face fait-elle référence aux poètes ? Leurs psychismes à eux
aussi sont dans la transcendance.
L’illustrateur a voulu exprimer le fait que le Yin soit une énergie avec une
action sur son environnement, tout comme le Yang. Cette énergie est
réceptivité, elle attire ce qui se présente à elle comme le ferait un aimant. La
réceptivité n’est pas cérébrale, elle n’est qu’expérience. On capte, on
ressent l’information. La mémoire du Yin est la mémoire de l’instant, de
l’expérimentation, agréable ou douloureuse. Elle ne peut faire écho qu’à des
mémoires antérieures du même type, et notre bibliothèque interne
d’expériences ne se dévoile que quand on active une expérience identique,
comme dans l’histoire de la madeleine de Proust.
C’est toute la difficulté de la gestion de notre histoire personnelle, si nous
avons pu gérer une expérience difficile dans le passé, l’abandon par
exemple. Nous en avons acquis la sensation et notre autre partie du cerveau
plus Yang aura élaboré des stratégies permettant de la vivre au mieux ou
même de l’éviter par des mécanismes comme le déni, la fuite ou d’autres
encore. Ces stratégies, dès l’instant où la douleur est moins forte, seront
considérées par la conscience comme des succès et quand une expérience
identique viendra au présent, alors tout se mettra en place d’une façon
systémique avec la même force que le principe de Pavlov. Il n’est pas très
surprenant de reproduire une situation considérée comme un succès. C’est
la raison des reproductions permanentes de nos schémas d’enfance, y
compris les plus désagréables. La sécurité est plus importante que le plaisir,
contrairement à ce qu’on se plait à penser, et une expérience déjà vécue et
gérée plus ou moins bien est plus sécurisante qu’une expérience nouvelle.
Dans le pire des cas, une situation très traumatique sera évitée, quel que soit
le prix à payer.
Un exemple de ma consultation vient étayer ce fonctionnement et est
emblématique de tout fonctionnement psychique.
Géraldine vient me voir en consultation pour des crises d’angoisse qui la
paralysent. Elle sort d’une expérience sentimentale avec un pervers
narcissique avec qui elle a eu un enfant et qui l’a détruite, mise en miettes.
Cela fait plusieurs mois maintenant qu’elle a pu s’échapper, et elle se
reconstruit de façon assez sereine, pense-t-elle. Elle est retournée vivre chez
sa mère avec son enfant, retrouve ses copines, un nouveau job, et elle ne
comprend pas pourquoi elle vit des crises de panique si violentes.
À un moment de nos échanges, elle prend conscience que si elle
redevenait heureuse, elle redeviendrait amoureuse et reprendrait le risque
d’être détruite. Une partie d’elle plus ou moins inconsciente est terrorisée
par cette hypothèse. Cette partie d’elle, intime, profonde, ressent le fait que
Géraldine est encore fragile et qu’elle n’est pas suffisamment forte pour
faire face à une nouvelle épreuve comme celle qu’elle vient de traverser.
Par ces crises d’angoisse, son psychisme croit la protéger, car si aucun
symptôme douloureux ne venait la déranger et l’interroger, elle replongerait
dans une nouvelle histoire sentimentale. Une partie de sa conscience intime
est convaincue qu’elle replongera et qu’elle n’a pas l’indépendance
nécessaire pour ne pas être détruite, alors dès que Géraldine se sent
commencer à être heureuse, les crises apparaissent.
Cela semble incompréhensible d’imaginer qu’on fuie le bonheur mais
dans le cas de Géraldine, cela est fondamental, il n’y a aucune raison pour
qu’elle ne tombe pas de nouveau sur un pervers, les risques qu’elle se fasse
de nouveau piéger sont réels puisqu’elle n’a pas su détecter le premier, et
quelque chose en elle l’en empêche.
Cet exemple montre bien comment la psyché dirige nos vies, quelquefois
contre notre désir et notre volonté. La réflexion vient après, elle cherche à
comprendre, à analyser des situations, mais sans connaître les fondements
de ce système qui ne dépendent pas de l’analyse mais de l’expérience.
Moi, je ne veux pas être heureuse, quelle blague, et pourtant !
La Lune est une tentative de montrer la totalité de ce que nous sommes, ce
qui est inscrit et installé au plus profond de notre être. Elle est une
photographie, un constat, mais nous ne sommes pas que cela, nous sommes
aussi projets, envies et pulsions, toutes ces choses qui permettront la
transformation. Nous sommes la tasse de café mais nous sommes aussi la
cuillère qui le mélange et avec le Soleil, le moment du Yang, du désir,
viendra.
Son côté positif : l’écoute, l’intuition.
Son côté négatif : l’illusion, l’impuissance.
Le Soleil : le masculin, le protecteur, l’abondance.

Le Soleil est l’archétype de l’énergie Yang et du protecteur. Il est


régulièrement associé à Jupiter en astrologie. Il en partage les excès et la
générosité. Le titre de l’arcane parle, lui aussi, du ciel, comme les deux
précédents. Mais l’humanité, cette fois-ci, est très présente : non seulement
le Soleil a un visage, mais cette humanité est aussi représentée par deux
personnages baignés de lumière. Après avoir été très accessoire avec
l’arcane précédent, notre nature reprend sa place, d’une part les soleils sont
pour l’Univers comme les êtres humains pour la Terre, d’autre part le soleil
représente l’esprit dont une des missions est de nourrir et de réchauffer
notre planète et ses habitants.
Après la complétude de la Lune, le Soleil est plus accessible. Il y a l’astre,
les deux personnages, la lumière et le muret or avec le bord rouge. Toute la
carte parle d’or et de lumière. Le soleil est quasi omniscient, omniprésent.
Tout l’arcane est là pour le mettre en valeur. L’énergie Yang est ceci, il n’y a
qu’elle, elle éclipse le Yin et se pose, prend toute la place. Dans l’arcane
précédent, la lune était devant le soleil mais on le percevait tout de même
derrière. Avec lui, la lune disparaît, elle n’est nulle part, quoique les rayons
bleus interrogent : est-elle derrière mais invisible, ou est-elle totalement
absente ? Il est l’Astre avec un A majuscule. Il est d’une importance
capitale pour nous et la planète, c’est ce que souligne le Tarot.
Dans sa générosité, il illumine et réchauffe et ne souffre d’aucune
concurrence quand il se montre. Il ne peut y avoir que lui, un roi soleil, en
quelque sorte ! L’Hermite était la fin du cycle matériel et une recherche du
plan spirituel avec la force, l’orgueil et la volonté des alchimistes, d’où le H
faisant référence à Hermès. Il incarnait la sagesse, la quête et la profondeur.
Ces traits de personnalité appartiennent aussi au Soleil. Il a beau être si
essentiel pour nous, son identité a beau être si forte et puissante à notre
échelle, du point de vue de la galaxie et de l’Univers, il est totalement
insignifiant. Un soleil parmi d’autres, comme nous sommes des êtres
humains parmi d’autres. Il est, comme nous, vivant, le visage le montre
bien, et avec ses congénères, ses frères soleils, il fait partie d’un ensemble,
la galaxie, elle-même reliée à d’autres galaxies. De ce fait, il est le passage
vers le reste de la voûte céleste, et notre quête sera bientôt de rencontrer le
reste de la Création. Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, le plus
petit est construit comme ce qui est le plus grand, ce sont des règles de
l’alchimie. Le Soleil ouvre les portes du ciel et des autres myriades de
soleils qui constituent l’Univers. En cela, il laisse pressentir le plan
universel, seulement, quand notre soleil brille, il occulte le reste de la voie
lactée ; il faut qu’il disparaisse pour qu’on puisse observer les lumières du
reste du ciel.
Si nous sommes des parties de l’âme d’Adam, comme le disent certaines
Kabbales, le soleil, lui, est une partie de l’âme de l’univers. Toutes les
étoiles sont reliées entre elles, comme l’a démontré Albert Einstein dans sa
théorie de la relativité restreinte. Pour la Kabbale, nous sommes au-delà de
cela puisque nous sommes tous Un et du point de vue de l’Ein Sof, l’espace
qui a précédé la Création pour la mystique juive, rien ne dit que tous les
soleils et l’Univers entier ne soient pas l’incarnation ou l’expression d’une
seule âme, celle du Divin. Le soleil annonce la fin d’un cycle : le cycle
spirituel. Cette quête de soi, de la complexité de notre être et de notre
existence, s’achève. Nous avons conscience qu’être humains, c’est, avant
tout, être solaires et généreux. Notre nature profonde est Soleil. Ce n’est pas
mieux qu’autre chose, c’est un autre plan d’incarnation. En tant
qu’humains, nous avions à assumer nos existences avec courage et
détermination pour aller à la rencontre d’autres êtres humains. Il en est de
même pour les soleils, ils ont à assumer leur place au sein du firmament
sans complaisance ni renoncement. C’est ce qu’a fini par expliquer la
physique des siècles plus tard ! L’Univers est interconnecté au sein de
maillage espace/temps et tourne et vit en syntonie grâce aux différentes
attractions stellaires.
Notre existence à ce stade d’initiation consiste à avoir cette conscience et à
irradier la matière. La puissance, la générosité sont notre nature profonde.
Le but de l’incarnation est d’être ceci, c’est la raison pour laquelle le soleil
de l’arcane est un visage. Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. La
quintessence et le but de l’humanité sont d’être Soleil.
De la même façon que nous pouvons voyager et rencontrer d’autres
peuples, nous serons Soleil un jour et rencontrerons d’autres soleils. Les
étoiles sont comme les êtres humains, isolées en apparence et
interdépendantes. L’arcane XVII, l’Étoile, était cette prise de conscience
que nous portons des étoiles en nous : notre corps est constitué de
poussières d’étoile et nos âmes sont des fragments de l’Univers. Une fois
que cette illumination nous porte, nous découvrons ce que signifie être une
étoile, quelle est sa définition. L’arcane du Soleil nous l’indique avec
puissance, présence et force, de même qu’il nous fait comprendre que nos
corps à travers l’Hermite sont soumis au temps et à la mort et que nos
esprits sont, eux, reliés à l’univers. L’arcane suivant sera un retour à
l’humilité.
Les deux personnages sont masculins, ils sont peut-être jumeaux, ils sont
quasiment nus et leurs seuls vêtements sont bleus. Ils acceptent de se
montrer sans se cacher, seul leur bassin est couvert. L’activité vient de
l’astre du jour et du bord rouge du muret ; leur bassin, pourtant source de
désir et de création quand il est connecté à la matière, est devenu réceptif, à
l’écoute d’une autre énergie vitale que la sienne. Ils sont adombrés par le
Soleil et ont un mouvement l’un vers l’autre, dansent-ils ou sont-ils
seulement en lien ? Ils représentent les identités que nous utilisons pour
nous incarner, ce que la psychologie jungienne appelle les sous-
personnalités. Ce sont les oppositions entre ces sous-personnalités qui
génèrent les conflits internes, le mal-être et autres névroses. Freud parlerait
des conflits entre le « Ça », la pulsion, et le « Surmoi ». Les dualités
internes entre différents désirs ou entre les désirs et les conventions sociales
ou sociétales nourrissent les inquiétudes et les angoisses. Dans l’arcane, les
jumeaux sont en paix et vivent en harmonie, sous le regard protecteur de
celui qui les réchauffe. Non seulement il n’y a pas de conflit, mais il se
dégage de la situation une véritable sensation de sérénité. La seule inconnue
est le muret or et le bord rouge. Le bord étant actif, il isole du vide qui est
derrière, probablement l’inconscient dont le Soleil ne veut pas entendre
parler car il est avant tout lumière.
Son côté positif : la générosité, la puissance.
Son côté négatif : l’orgueil, l’égocentrisme.
Le Jugement : l’humilité, le Divin

Quand le Soleil accepte de devenir un peu plus réceptif et qu’il cesse


d’être l’Astre par excellence, alors apparaît le Jugement. L’ange du ciel est
enfin là et nous claironne la bonne nouvelle : l’Évangile. Il est l’ange de
l’annonce à Marie. L’ordre cosmique dont nous faisons partie n’est pas
seulement dû au hasard ou à une évolution logique, il est voulu, désiré.
Dans le Jugement, les corps sont nus et âgés, notre chemin sur Terre est
achevé. Nous pouvons même penser que nous laissons nos corps remplis de
cette sagesse que nous avons accumulée dans notre voyage à travers les
arcanes devenir terre, nourrir cette planète dont nous sommes issus. En
s’incarnant, notre âme a pris un peu de glaise pour en faire un corps ;
comme il est écrit dans le premier Testament puis dans le Jugement nous
rendons cette glaise à la planète en l’ayant rendue meilleure, plus sage, plus
consciente de son appartenance à l’univers. Les corps prient, ils ne sont pas
inertes, ils participent à leur manière à cette révélation, ils l’accueillent en
l’honorant. La prière, c’est chercher l’unisson dans le corps à travers la
posture, la pensée, les émotions et la rencontre. L’un des personnages
regarde l’ange, l’autre regarde devant lui et le dernier nous tourne le dos. Ce
sont les trois choix de l’arcane comme pour la Roue de Fortune, son alter
égo du cycle matériel.
Le premier de ces choix c’est, bien sûr, de regarder l’ange, de se préparer
au grand changement et d’aller vers le cycle universel, symbolisé par
l’arcane XXI. Le second regarde devant lui et non vers l’ange, il est figé sur
place et refuse encore le changement ; sans vouloir retourner en arrière, il a
du mal à abandonner son identité, son unicité. Peut-être, simplement, prie-t-
il en se sentant trop humble pour imaginer que Dieu le regarde et l’attend.
Le dernier personnage nous tourne le dos. Il régresse dans le cycle spirituel
et continue de chercher des réponses au sein de ce cycle en fuyant cet ange
tonitruant. Il s’accroche à son identité, à sa sensation « d’être lui ». Il refuse
la notion du Divin et d’une conscience autre que la sienne. Notre esprit est
complexe et possède des ressources insoupçonnées, il peut nous faire vivre
des illusions, les mirages en sont une preuve, par exemple. Comment être
sûrs que ce que nous percevons n’est pas une émanation d’une partie de
notre cerveau ? Comment croire ? Comment imaginer et accepter qu’il
existe une autre conscience que la nôtre qui cohabite avec nous et nous
dirige ?
Le cycle spirituel a été la rencontre avec nos émotions et une partie
insoupçonnée de nous-mêmes. Nous sommes passés par de multiples phases
mystiques, comme ne faire qu’un avec l’univers et se sentir une étoile parmi
ses sœurs. Nous avons rencontré l’énergie vitale, la Kundalini des sages de
l’Inde. Une des strophes du Bateau ivre d’Arthur Rimbaud relate une de ses
ou de ces expériences.
« Je sais les cieux crevant en éclair, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir. »

Mais cela ne signifie pas pour autant qu’on se sent accueilli, que les anges
existent et participent à un plan divin.
D’ailleurs, il poursuit un peu plus loin.

« Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les aubes sont navrantes.


Toute lune est atroce et tout soleil amer.
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! »

La question du Divin et d’une conscience qui serait en dehors de nos corps


et de notre cerveau a de tout temps questionné les philosophes, croyants ou
non. Platon, Nietzche, Spinoza, pour ne citer que certains d’entre eux se
sont attelés à cette tâche. C’est dire que cela n’est pas évident. On peut aller
très loin dans la conscience de soi et des capacités de l’esprit sans pour
autant considérer qu’un grand architecte omniprésent et omniscient soit à
l’œuvre. Le pas à franchir ne va pas de soi. Bouddha, par exemple, se
définit comme un maître de sagesse et le bouddhisme ne se considère pas
comme une religion monothéiste, c’est dire à quel point on peut aller loin
dans la spiritualité et la rencontre avec soi-même et l’univers sans pour
autant croire ! D’autant plus que l’arcane XX est profondément ancré dans
l’humanité, les corps sont nus et puissants, les ailes et le visage de l’ange
sont couleur chair.
Cette question du passage entre les plans individuels et le plan universel
est celle de l’arcane XX. Regardons-nous l’ange ou non ? L’absence
stigmatisée dans l’arcane X, la Roue de Fortune, est remplacée par un ange
monumental et tonitruant.
Le vide, l’isolement, sont un manque de foi ; nous ne regardons pas vers le
ciel et la rencontre mais restons enfermés dans la Roue, c’est une des
révélations du Tarot. Il est l’ouvrage divin et mystique par excellence, de
nombreux arcanes font écho aux anges, à Dieu et à l’organisation céleste.
Dès le début, nous sommes prévenus par le Pape, la Papesse, l’ange du
Chariot, pour ne citer qu’eux, que les premiers arcanes parlent de Dieu.
Mais parler ne signifie pas sentir ou croire. Malgré la Maison Dieu, le
voyage dans les étoiles, il faut attendre le Jugement pour se sentir accueilli,
pour rencontrer les desseins de l’univers et peut-être son unicité.
Le chemin pour notre humanité est la prière et l’amour. Il y a une
résonance forte entre cet arcane et l’Amoureux. Les personnages sont les
mêmes. Ils étaient remplis de vitalité et de désir, voire de joie de vivre, ils
ont achevé leur voyage. Ils sont maintenant à genoux, nus et en prière, prêts
à retourner d’où ils viennent. Le lien entre les deux arcanes est accentué par
la façon dont est écrit l’Amoureux. La véritable orthographe inscrite dans le
cartouche est « AMOVREVX », cette façon met en évidence les chiffres
romains V, V, X or si vous les additionnez cela fait V plus V plus X égale
XX : le Jugement. Cela ne peut pas être dû au hasard, il y a une volonté
délibérée du créateur de relier les deux cartes. L’Amoureux est la carte la
plus proche de l’arcane XX. La jeunesse, la force vitale, le désir et l’amour,
sont les puissances qui ont construit et continuent de construire l’univers.
Comme si le printemps de la vie et son crépuscule étaient au plus proche de
la prescience divine. La sagesse n’est pas exclue, la femme plus âgée et
couronnée pousse le personnage masculin vers la jeune femme. La pulsion
de vie suit son cours, comme un mouvement permanent et universel. De
façon plus pragmatique, quand on se rapproche de la mort, on est
intimement connecté à la vie, à ce que l’on a fait, aux regrets de ce que l’on
n’a pas eu le temps de faire, comme si cette échéance inéluctable nous
portait au plus proche de notre être vital et désirant. La jeunesse est le désir
et la volonté, les rêves et l’insolence. La vieillesse est le verdict. La vie est
toujours présente, l’Amoureux est là, quelque part, caché dans les rides du
temps, mais nos rêves ne sont plus, il ne reste que cette conscience de
l’univers qui dépasse et répare tout ce que nous avions imaginé.
L’ange est un chérubin à quatre ailes, il fait écho à la vision du char
d’Ezéchiel. Un des textes essentiels utilisés dans la Kabbale est le grand
texte fondateur du christianisme. Le prophète Ezéchiel eut la vision, lors de
son exil à Babylone, d’un char porté par quatre anges à quatre ailes. Ce char
représente le messie, le Monde, l’arcane XXI du Tarot. L’ange l’annonce,
c’est aussi en cela que l’arcane est une carte de transition. D’une certaine
façon, il n’est pas dans le réel. Le Nouveau Testament s’arrête en quelque
sorte à la Maison Dieu. Dans l’acte des apôtres parlant de la Pentecôte, est
clairement décrite la façon dont l’Esprit Saint descend et touche les
compagnons du Christ, y sont évoquées les langues de feu, par exemple,
reproduites dans l’arcane XVI. Là se termine le voyage des pèlerins
humains que nous sommes. Il faut aller dans la quête mystique, ésotérique
et kabbalistique pour continuer le voyage vers l’état christique.
Les écrits bibliques ont avant tout une dimension exotérique, ils sont écrits
pour nous narrer l’histoire de l’humanité de la naissance de l’univers à la
rencontre messianique. C’est un conte, une partie de l’histoire de Dieu et de
sa Création. Il a pour but de nous dire qui nous sommes et ce que nous
devons être. Dans cette compréhension il y a Dieu et les hommes ; la Bible
est une convention, un contrat signé entre le Divin et la race humaine pour
nous permettre d’être au plus proche de la sainteté et de retrouver tôt ou tard
ce paradis dont nous nous sommes exclus.
Dans la mystique, Dieu et les hommes ne sont plus deux entités séparées,
unies entre elles par une alliance, mais l’univers entier, y compris la race
humaine, est une partie de la Création divine. La Kabbale différencie le
Créateur perdu quelque part au cœur de l’Ein Sof, l’inconnaissable, et la
Création elle-même représentée par les Sephiroth, les boules de lumière
dont l’univers est issu. On pourrait tout à fait imaginer que la Kabbale a
découvert le Big Bang. La question est : qu’y avait-il avant cette explosion
gigantesque qui a donné naissance à l’Univers ? La mystique juive
répond : l’inconnaissable, l’Ein Sof, l’essence divine. La physique, elle,
s’interroge : des univers parallèles, d’autres Big Bang ?
Pour la Kabbale, nous sommes tous des émanations, des parcelles de
l’âme de l’Adam primordial et à un certain niveau, nous retournons vers le
Un. Nous ne sommes plus identifiés à ce que nous sommes et à des unités
séparées, des êtres humains. Isaac l’aveugle, Louria, Abraham Aboulafia,
Moise de Léon et leurs pairs kabbalistes et donc chercheurs nous font
partager leurs justifications de l’univers : une fois que Dieu s’est retiré et à
créé l’arbre des Sephiroth, le but de l’humanité est d’utiliser cet arbre pour
retrouver le chemin qui mène à l’état messianique représenté par l’arcane
XXI, le Monde.
Son côté positif : la compassion, le renoncement.
Son côté négatif : la tristesse, l’abandon.
Le Monde : la fin du voyage, le retour aux sources

La trentième année, le quatrième mois, le cinq du mois, alors que moi,


Ézéchiel, je me trouvais à Babylone au milieu des exilés près du fleuve
Kebar, les cieux s’ouvrirent et j’eus des visions divines. La main du
Seigneur se posa sur moi.
J’ai vu un vent de tempête venant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant
et, autour, une clarté ; au milieu, comme un scintillement de vermeil du
milieu du feu. Au milieu, la forme de quatre vivants ; elle paraissait une
forme humaine. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes.
Leurs jambes étaient droites ; leurs pieds, pareils aux sabots d’un veau,
étincelaient comme scintille le bronze poli. Des mains humaines, sous leurs
ailes, étaient tournées dans les quatre directions, ainsi que leur visage et
leurs ailes à tous les quatre.
Leurs ailes étaient jointes l’une à l’autre ; ils ne se tournaient pas en
marchant : ils allaient chacun droit devant soi. La forme de leur visage,
c’était visage d’homme et, vers la droite, visage de lion pour tous les quatre,
visage de taureau à gauche pour tous les quatre, et visage d’aigle pour tous
les quatre. Leurs ailes étaient déployées vers le haut et deux couvraient leur
corps.
Cette vision du prophète Ezéchiel sur la vision du messie est la source des
traditions messianiques.
La vision du prophète Ezéchiel est un des textes les plus importants
étudiés par les mystiques juifs et il est la grande source du christianisme sur
lequel s’appuient les Évangiles. Il est écrit dans la prophétie, par exemple,
que le messie était issu de la lignée du roi David. Les Évangiles n’ont eu de
cesse de parler de cette filiation pour légitimer l’homme « Jésus » comme
étant celui dont parlait Ezéchiel. Les quatre éléments représentant les
évangélistes et qu’on retrouve dans le Tarot : le taureau pour saint Luc, le
lion pour saint Marc, l’ange pour saint Matthieu et l’aigle pour saint Jean
font aussi partie de la vision du char.
Cet espace, notre pulsion de vie, émanation divine représentée par l’arcane
sans chiffre, le Mat, a la capacité de retrouver ses origines et son but :
l’arcane XXI. Après avoir achevé son voyage dans l’expérience de la
matière puis dans la découverte de son intime, il s’incarnera dans le Christ,
il deviendra l’univers, la Création divine : l’arcane du Monde est et sera ce
qu’annoncent les Évangiles.
Le personnage central du Monde est androgyne ou féminin, il est couleur
chair, il a une poitrine et son sexe est caché par un voile. On ne peut pas
s’empêcher de penser aux voiles de la Papesse qui recouvraient les colonnes
du temple. Le mystère que protégeait la Papesse serait-il le sexe du Christ ?
Et qu’est-ce que le sexe, l’identité, le plaisir, l’enfantement ?
Jésus s’est toujours présenté comme le Fils de l’homme, jamais comme le
fils de Dieu, même quand on le lui demandait avec insistance. Le
personnage androgyne est couleur chair, il est chair et non éthéré ou
invisible. Le mouvement de ses bras et de ses jambes fait référence au
Pendu. Le Pendu a les bras dans le dos, lui les a ouverts, le Pendu a une
jambe pliée, lui aussi, mais les jambes sont inversées. Il tient un bâton dans
sa main couleur chair : lui aussi, son action concerne l’humanité. Tout en lui
montre que la réponse ultime de l’incarnation est chair et non Ciel ou autre
chose. En se définissant comme Fils de l’homme alors que nous l’attendons
fils de Dieu, il fait un lien entre l’homme et Dieu. Le Divin n’est pas
extérieur à nous, il est en nous, il est même nous. Après tout, il serait simple
de penser que si Dieu a créé l’Univers, que si nous ne sommes qu’une partie
de l’univers qu’il a créé, alors peut-être faut-il arrêter de se poser des
questions. Il nous a créés tels que nous sommes car il en avait envie et rien
ne nous dit que le but de notre vie soit d’être différents de ce qu’il a conçu.
L’arcane du Monde nous dit que l’annonce faite par les Évangiles est cet
être couleur chair qui occupe le centre de la carte. Le Christ, fils de Dieu est
un être humain. Le but du chemin parcouru par le Mat est de nous faire
partager cette évidence qui est pourtant quasi impossible à concevoir.
Les kabbalistes représentent le Divin comme un homme non pas parce
qu’ils pensent qu’il est l’un d’entre nous, mais parce qu’il considère que
l’Ein Sof, la partie la plus ultime que nous pouvons imaginer est
inconnaissable, impossible à connaître. Et puisque nous ne pourrons jamais
appréhender ce qu’est l’essence divine, nous ne pouvons la rencontrer qu’à
travers ce qu’elle a imaginé, c’est-à-dire, notamment, nous. Nous ne
pouvons reconnaître une partie du créateur qu’à partir de ce qu’il a
créé. Nous ne pouvons rencontrer qu’une petite partie du cerveau d’un
Beethoven ou d’un Van Gogh grâce à leurs œuvres, mais il nous est
impossible d’imaginer connaître la totalité de leurs essences grâce à ce
qu’ils ont créé et produit. De la même façon, nous ne pourrons jamais
connaître Dieu, nous pouvons seulement percevoir une infime partie de ce
qu’il est et de ce dont il est capable à partir de ce qu’il a créé, c’est-à-dire
nous.
C’est ce qu’a voulu dire le Tarot quand il a dessiné le personnage couleur
chair et ce qu’a voulu dire le Christ quand il s’est présenté comme Fils de
l’homme. Dieu nous a créés, chercher à rencontrer Dieu et l’aimer c’est
aimer et assumer que nous sommes sa création. La création de Dieu, c’est
l’homme, le fils de Dieu c’est… l’homme. L’homme doit être compris en
tant qu’espèce, le personnage central du Monde peut aussi bien être
masculin que féminin.
La jambe d’appui de la figure centrale est sur ce qui ressemble à une
branche couleur or, elle fait écho à celle du Pendu qui était de couleur verte.
La terre est sainte, ce qu’elle porte est, aussi, sanctifié. Ce sont ces
analogies qui ont fait penser que le Pendu était l’arcane le plus proche de
l’énergie christique. La couronne de laurier entoure le personnage central,
certains pensent qu’elle l’isole ce qui fait que le Monde incarne aussi la
solitude. Les couleurs sont harmonieuses, le Yin, le Yang et l’or, couleur de
la transcendance, sont représentés dans l’ordre de la création ; en bas, le
bleu (la réceptivité, l’écoute) qui détermine l’action. Cette action basée sur
l’écoute et en lien avec le taureau et le lion, deux des évangélistes, est
parfaite et amène à une transcendance représentée par l’or, couleur elle-
même reliée aux nuages symbolisant le ciel et aux deux derniers
évangélistes canoniques, Matthieu et Jean.
Les couleurs de la couronne sont aussi celles du Soleil qui s’ouvrait dans
l’arcane XX pour laisser passer l’ange construisant une histoire entre ces
deux cartes. Le soleil, notre étoile, pareille à toutes les étoiles de notre
galaxie et de l’Univers, s’ouvre, permettant à l’ange d’annoncer la venue de
celui qui va le suivre : le Messie. Il n’est pas uniquement notre messie, mais
celui de la Création tout entière, reliant notre petite planète et la
compréhension de notre monde à la compréhension du cosmos tout entier.
Les attributs de la couronne symbolisant les évangélistes incarnent aussi
les énergies du Tarot. Le lion de saint Marc est la représentation du Bâton,
le taureau de saint Luc est le Denier, l’ange de saint Matthieu est la Coupe
et l’aigle de saint Jean est l’Épée.
Matthieu et Jean sont des apôtres, ils ont personnellement connu Jésus. Ils
sont sur le haut de la carte et sont reliés au ciel car en connexion directe
avec lui. Leurs auréoles dépassent du cadre, seul arcane de tout le Tarot où
cela se produit, avec la Papesse.
Luc est un disciple de Paul et Marc de Pierre, ils n’ont pas connu le Christ
vivant. Paul et Pierre sont ceux qui ont construit l’Église, Paul en fédérant
les communautés nazaréennes en les rencontrant et les reliant grâce à ses
épitres, et Pierre en se présentant comme le premier grand dirigeant des
premières communautés.
Le message du Tarot est double : d’une part, en présentant les évangélistes
sur la carte du Monde, il annonce clairement le message messianique, et
l’autre volonté est d’inscrire le messie dans une dimension historique. Il
n’est plus seulement la vision d’Ezéchiel mais il est bien celui dont les
évangélistes racontent l’histoire.
On retrouve le taureau couleur chair, le Denier est le corps physique, le
temple de l’homme est notre corps. Le lion est doré, le Bâton, symbolisant
le Yang est transcendé, il porte une auréole couleur chair, démonstration de
la justesse et de la perfection de l’action tournée, là encore, vers l’humain.
Les deux autres auréoles de la carte, celles de l’ange et de l’aigle, sont
rouges, vitales et actives. Les ailes sont inversées : ce qui était réceptif
devient actif et inversement. Les ailes de l’ange, symbolisant la Coupe,
sont, elles aussi, rouges : le vol de l’ange est lié au ciel. Les ailes de l’aigle
sont bleues, le mental est réceptif, à l’écoute du monde. La Coupe, l’amour,
est active et l’Épée, le mental, prend sa vraie place : écouter avant
d’intervenir.
La boucle est bouclée, le Mat s’est incarné, il est devenu le Bateleur et
grâce à son innocence et sa vitalité il a parcouru tout ce chemin pour
devenir un être humain conscient de son appartenance au Monde et aux
étoiles, fraternisant avec ses semblables, qu’ils soient des êtres de chair ou
des soleils, ainsi il se découvre fils de… au même titre que les galaxies, les
planètes et probablement cette nature qui nous entoure et nous est chère.
Son côté positif : la joie, l’ouverture.
Son côté négatif : l’isolement, le doute.
Conclusion

Le voyage des arcanes majeurs s’achève. Tout comme le Mat, il ne nous


reste plus qu’à prendre notre bâton de pèlerin et d’occuper la terre,
conscients que nous sommes le Monde.
Je n’ai pas, comme pour les arcanes mineurs, indiqué de liens entre chaque
arcane car il appartient à chacun d’entre nous de raconter notre histoire et
l’histoire de ce qui chemine en nous. Laissons naître notre intuition
maintenant que nous sommes frères et sœurs des étoiles.
La relation entre le judaïsme et le christianisme est vécue dans le Tarot
comme une continuité et non comme une substitution. Le judaïsme a
toujours été constitué de courants, aujourd’hui ce sont, notamment, les
libéraux, les orthodoxes, les massortis, les loubavitch. Au premier siècle de
notre ère, les différents courants juifs étaient les saducéens, les zélotes, les
esséniens, les pharisiens, et d’autres encore dont les noms ne sont pas
parvenus jusqu’à nous. Jésus et ceux qui l’ont suivi dans les premiers temps
furent des « judéo-chrétiens » ou des « nazaréens » le nom que l’on donne
aux premiers chrétiens qui font partie de l’histoire du judaïsme. De tous
temps, des groupes différents ont partagé cette religion et cette foi dans une
harmonie souvent très relative mais ne remettant pas en cause le judaïsme
ou l’appartenance au peuple juif de ces différents mouvements. Cela fait
partie de la culture du judaïsme, qui se définit comme la religion de
l’interprétation du premier Testament. Les juifs cherchent à comprendre le
message divin et de nombreuses interprétations possibles coexistent et
s’échangent ou s’affrontent sans que cela remette en cause l’appartenance à
la religion.
Ce n’est que bien plus tard, après la mort de Jésus, que des clivages
insurmontables entre chrétiens et juifs sont apparus. Jacques, le frère de
Jésus (et oui, il avait des frères), était un des rabbins influents de Jérusalem.
Il n’y avait pas d’un côté les nazaréens et de l’autre les juifs, mais différents
courants poursuivant le même but, l’avènement du messie. Les nazaréens
étaient convaincus de l’avoir trouvé, les autres courants en étaient moins
sûrs et ce cas de figure s’est représenté plusieurs fois dans l’Histoire sans
que cela débouche sur de tels affrontements.
Les Romains de l’époque n’étaient pas des intégristes religieux et
permettaient sans difficulté aux peuples autochtones d’adorer leurs propres
dieux. La mort de Jésus est une réponse politique, non pas parce qu’il se
prétendait le messie, mais parce qu’il dérangeait l’ordre public. La
séparation franche et brutale entre juifs et chrétiens est apparue bien plus
tard, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec Jésus Christ lui-même ou
son enseignement.
Le christianisme ne se doit pas de remplacer le judaïsme, il en est une
émanation et une réponse. Les juifs considèrent le messie comme
l’aboutissement de leur religion et de l’espèce humaine, les chrétiens aussi,
mais eux, contrairement aux juifs, pensent l’avoir trouvé et dispensent son
enseignement.
Le Tarot est un ouvrage chrétien, la référence au Pape, par exemple, le
montre mais la finalité du Tarot et l’arcane du Monde sont communs aux
deux traditions puisque les deux religions sont d’accord sur ce point et que
l’une n’est que le prolongement de l’autre. Ce qui, à l’époque de la
Renaissance, aurait valu de finir sur le bûcher, est du point de vue
philosophique et mystique une évidence. Le messie est annoncé dans le
judaïsme ; la question de savoir si le personnage du Char d’Ezéchiel est
l’homme nommé Jésus ou non, du point de vue de la compréhension de
l’humanité, est accessoire. Le Tarot n’est pas seulement là pour nous
enseigner qu’il existe un sauveur, ce que disent aussi les religions, mais il
nous fait partager, avec la gnose, l’intuition que ce sauveur est en nous, que
nous en faisons partie et qu’il nous est possible de le rencontrer. L’essence
christique n’est pas l’expression d’un seul être humain mais un espace que
nous possédons tous au cœur de nous-mêmes : nous sommes créations
divines au même titre que le reste de l’univers et de ce fait nous portons la
sainteté. La question qui se pose est : est-ce que notre conscience
individuelle est connectée à notre dimension « fils de Dieu », « partie de
l’univers » ou non ?
Je ne peux que remercier Marcile Ficin, Pic de la Mirandole, Botticelli et
tous ceux qui ont créé cet ouvrage pour leur humanité et pour cet
enseignement qui est un des plus exceptionnels de notre culture.
Table des matières
Introduction
Le cycle de l’arbre
Les vibrations ou énergies du Tarot
Les arcanes mineurs
Le Bâton
Le Denier
Les Épées
Les Coupes
Conclusion sur les arcanes mineurs
Les Arcanes majeurs
Le Mat, le voyageur
Le Bateleur
La Papesse ou la destinée
L'Impératrice, la création
L'Empereur : la créativité.
Le Pape : l’enseignement
L'Amoureux : le choix, l’évolution
Le Chariot : la réussite, la royauté.
La Justice : la conscience d’une autre réalité, l’ouverture
L’Hermite : la quête
La Roue de Fortune : la rencontre de l’égo, l’absence
La Force : le grand (re)commencement.
Le Pendu : la prescience messianique
L’arcane XIII ou l’arcane Sans Nom : la transformation, la fougue.
Tempérance : l’équilibre, la paix
Le Diable : l’enseignant
La Maison Dieu : la rencontre
L’Étoile : le lâcher-prise, l’abandon
La Lune : le féminin, l’équilibre et l’illusion
Le Soleil : le masculin, le protecteur, l’abondance.
Le Jugement : l’humilité, le Divin
Le Monde : la fin du voyage, le retour aux sources
Conclusion

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