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Nom de l’établissement ou de la formation : Lycée des arts du bois Pierre Vernotte

Classe ou niveau : Première Brevet des métiers d'art Mettre une croix en face de
votre catégorie
Nom du professeur responsable :Didier Nacache
Collège
Nom du ou des auteur.e(s) :Aaliyah Dorkeld
Lycée X

Post-Bac
Thème concerné: Le genre, construction culturelle et sociale ?

Nombre de caractères : 7945

Coller ci-dessous votre nouvelle précédée de son TITRE

Titre: Si seulement

Je stresse vraiment, l’opération va bien se passer pourtant, les médecins en sont sûrs, tout
va se passer correctement, je vais bientôt être une femme à part entière! Dans ma tenue
blanche et bleue d’hôpital, assis sur le lit, je regarde par la fenêtre, la vue donne droit sur la
rue, un couple de deux femmes se tiennent la main tranquillement; juste derrière, une petite
fille qui court avec un petit garçon qui lui ressemble fortement, ils ont l’air heureux. Je
détourne mon regard: un coup sourd sur la porte: deux médecins entrent dans la pièce avec
des grands sourires.
-«Alors Nolan, prêt à devenir définitivement une femme? Tu seras très bientôt Haya. Si je me
souviens bien, ton nom entier sera Haya Sarah Dickmann? Reprend-il, je hoche la tête pour
lui répondre et il s’assoit sur une chaise à côté du lit.
-Tu sais que cette intervention comporte quelques désavantages? demanda-t-il en
grimaçant.
-oui, je ne pourrai pas avoir d’enfant.
-oui, bien, es-tu prête à prendre le risque donc? répondit-il avec un visage neutre.
-oui, plutôt deux fois qu’une, monsieur!
-Tant mieux alors me répond-il avec un sourire engageant, je tripote doucement le pendentif
étoilé à mon cou, je détourne de nouveau le regard vers le ciel qui se couvre, le sourire de la
famille en bas disparaît, ils partent en courant se réfugier sûrement chez eux et s’enfermer
pour se cacher en attendant la fin de la tourmente.
Les médecins repartent en me laissant avec une fiche afin de noter toutes les informations
sur ma nouvelle identité. Quelques heures après, une infirmière arrive, elle me prépare à
l’opération et me dit de m’allonger sur un lit assez peu confortable mais que, d’ici quelques
minutes je ne sentirai plus. Elle me fait traverser quelques couloirs sombres aux murs gris et
sinistres pour finalement arriver dans une pièce éclairée emplie de médecins en blouse
bleues avec des masques couvrant leur visage. On me dépose sans délicatesse, suis-je
sensible ! sur une table dure en sorte de verre épais et on m’éclaire le visage. Le médecin
principal se penche au-dessus de moi et me sourit avec nonchalance avant de me poser un
masque en plastique sur le nez; Le sifflement du gaz chante à mes oreilles, mes poumons
s’emplissent de soporifique, ma vue se brouille, plus je respire plus je sombre dans le noir.
Confusément, j’entends les médecins parler» cela va vraiment être une belle expérience»,
cette dernière phrase résonne en écho à mon sommeil qui m’emporte.
-Dans le flou… je ne peux pas bouger.
-«C’est normal ne t’en fais pas Haya, il est temps que tu te réveilles, alors, tout s’est passé
comme prévu, tu es désormais définitivement une femme! Comment te sens tu?
A vrai dire, j’ai pour l’heure à peine conscience d’être humaine, les effets du gaz ne sont
sans doute pas encore tout à fait résorbés, je me sens engoncée dans mon corps, comme
engluée dans une coquille de boue, les membres écrasés par une pesanteur gluante.
Allez, positivons, mon rêve est accompli, je me sens brusquement emplie d’un désir
immense de voir mon corps, de me découvrir en toute intimité; je ne renaîtrai à moi-même
qu’à ce moment-là vraiment! la joie inonde mon cœur et c’est avec le sourire que je tourne
les yeux vers ce gris que je détestais avant l’opération, un arc en ciel de bonheur filtre cette
grisaille et me fait voir tout en couleurs riches et vivantes, car oui, je suis enfin vivante, je
vais enfin être moi-même et pour toujours!
Fin de journée, le soleil est revenu, je perçois un bout d’arc en ciel par la fenêtre qui fait écho
à mon humeur, je vais tenter de me redresser et poser les pieds à terre; l’exercice va se
révéler périlleux car je me sens encore un peu dans le brouillard et je suis trop loin de
l’interrupteur pour donner plus de lumière à ma chambre; il faut dire que la nuit s’installe
lentement mais sûrement, quelle journée!
Je bascule sur le côté et laisse pendre mes jambes jusqu’à toucher lentement le carrelage
froid qui pique; une onde glacée remonte le long de mon corps, c’est tout à la fois délicieux
et dérangeant, délicieux car je sens l’énergie envahir mes sens et dérangeant car je
frissonne et tremble un peu ce qui ne me rassure pas pour envisager sereinement mes
premiers pas.
Machinalement, je masse mes bras et je remarque le bracelet à ma droite qui donne mes
numéros d’identifiants, je tente de l’enlever mais il est trop serré, je ne m’énerve pas, on
verra cela plus tard.
Ça y est, je suis enfin debout, appuyée au montant de fer du lit et je décide de progresser
par petites étapes, d’abord un pied, puis l’autre, je lâche le montant et oui, je suis lancée, le
monde m’attend! Premier regard sur mon visage, je reconnais bien le triangle de mes
pommettes et de mon menton, mon teint rose revient lentement, mes yeux pétillent!
La sortie de l’hôpital est prévue pour demain; en attendant, je dois être présentable pour
retrouver ma famille, je survole les vêtements préparés par ma sœur, posés sur la petite
commode de la chambre. Je ne prends pas le temps de vraiment les regarder et fonce droit
vers le coiffeur de l’hôpital ; il est tard, je ne sais pas s’il est toujours ouvert. Je fonce
lentement à travers les couloirs en suivant les flèches, je me retrouve enfin devant une
coiffeuse qui s’occupe de moi immédiatement. La chance ! Quand je ressors, mes cheveux
sont plus jolis que jamais, doux, coupés correctement, malheureusement, on ne peut rien
faire pour la taille, je vais devoir attendre qu’ils poussent, mais je suis contente. La sensation
de flou s’est totalement dissipée, je retourne donc jusqu’à ma chambre et m’allonge sur le
dos en regardant le plafond, je pense aux retrouvailles avec ma famille demain, je finis par
m’endormir.
Quand je me réveille le ciel est franchement orageux, les nuages tumultueux, serai-je assez
chaudement habillée pour partir ? je me lève et découvre les vêtements que ma sœur m’a
apportés; maintenant je prends le temps de tout regarder: un pantalon large gris, un pull à
motif marinière, bon, on fera avec! Je remets mes chaussures, d'un œil critique je mesure
qu'elles sont vraiment vieilles, d'un vilain marron, j'avais oublié ! je me pose et j’attends que
mon père arrive. Après quelques heures d'ennui, il vient enfin, on part après avoir signé
quelques papiers et on rentre à la maison. Le chemin se fait étrangement dans le silence.
Mon père est en général toujours bruyant et exubérant, cela m'angoisse un peu...Quand on
arrive devant la maison, je m’attends à ce que toute la famille soit comme ça du coup, je
m’arrête devant la porte, me retourne vers mon père et le regarde droit dans les yeux.
“- Tu es déçu de moi papa ?
Il ne répond rien et baisse la tête, il dit seulement :
-Entre. “
Je ne réponds pas et franchis le seuil ; la maison est plongée dans le noir, je passe par le
salon et entends des ricanements, je me tourne vers la cuisine et voit le reste de ma famille
débouler en criant.
“-Surprise!!!
Je ne m’attendais pas à ça, je me tourne vers mon père qui se met à rire à gorge déployée.
- «Ne t’en fais pas Haya, je ne suis pas déçu de toi, je suis même très fier !»
Je saute dans ses bras en pleurant de joie. Après ses retrouvailles intenses, on part à table
et le festin commence dans la bonne humeur, il se prolonge toute la journée. Épuisée et
grisée, je monte dans ma chambre, je fonce directement sur mon lit et m’effondre dessus ; je
ferme les yeux et me remémore la conversation que je viens d’avoir avec ma mère.
-«Tu sais Haya, même si maintenant tu es une fille, beaucoup ne vont pas oublier que tu
étais un homme et ça va être compliqué de faire accepter ça à certaines personnes.
-Je sais mais j’en était consciente avant de prendre cette décision.
-Oui, on le sait tous et nous serons toujours là pour toi.»
La fatigue m'emporte et je m'endors sur ces dernières pensées.
Soudain une vive douleur me vrille le corps, je m’écroule au sol et me relève rapidement, la
rêverie laisse la place à la réalité: Je continue de suivre les autres avec les voix fortes qui
nous donnent des ordres, la porte qui se dresse devant nous est assez grande pour
permettre d’entrer dans une pièce mais pas assez pour que l’on passe à plusieurs. Cela créé
un bouchon; je me fais bousculer en tous sens, je regarde à droite, à gauche pour repérer
mes compagnons de rafle mais je ne les vois pas. Je me mets à hurler leur nom dans la
cohue générale jusqu'à ce que la porte se referme derrière moi. Les larmes au bord des
yeux, je regarde autour de moi les gens qui supplient et pleurent.
-«Monsieur ? Que se passe t-il? Qu'est ce qu'on fait ici? On est où?
Je baisse les yeux vers la petite fille devant moi et lui dit doucement:
-A Auschwitz petite…»

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