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Interview :

Coline Vazquez
Webjournaliste au sein du journal
le Figaro
Présentation générale
« Je suis journaliste web, j'écris pour le service web du "Figaro" et donc j'écris des papiers
économiques. Je travaille dans l'équipe du soir, donc je travaille de 17 h à minuit, et j'écris des articles,
des reportages, des enquêtes sur l'économie. L'idée, c'est vraiment de vérifier une information en
appelant... en réalisant des interviews, en appelant des spécialistes, après, de la vulgariser et de
l'écrire.

Je préfère écrire pour le web, c'est une façon différente d'écrire, il n'y a pas de contrainte de place, il
y a plus de place que dans un journal qui est limité par la maquette. On peut le partager dès qu'il y a
un sujet qui s'approche de ce qu'on a fait, donc ça a plus de vie que dans un journal, où une fois que le
journal a été édité, après, on ne ressortira pas l'article. »

Quel est votre parcours ? Votre formation ? Vos études ?


« J'ai commencé par la licence de Lettres, édition, média audiovisuel à Paris 4, à la Sorbonne. Ensuite,
j'ai fait une année d'école préparatoire pour les concours aux écoles de journalisme et ensuite, j'ai
passé mes concours à la fin de cette année et j'ai eu l'Institut français de presse. Du coup, j'ai fait 2
années de master là-bas.

En sortant de l'école, j'ai fait un stage au "Figaro", qui a débouché sur un CDD au service du soir, mais
dans ce qu'on appelle le service Actualité, donc le service le plus généraliste où on traite de tous les
sujets. Ensuite, je suis partie parce que le CDD se terminait, j'ai fait plusieurs rédactions, et comme je
connaissais "Le Figaro", j'ai appris qu'un poste se libérait à l'économie le soir et c'est comme ça que je
l'ai eu. À la base, je n'avais pas fait d'économie. Je me suis vraiment formée au moment où j'ai eu le
poste. »

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?


« J'ai toujours l'impression que je vais travailler, mais qu'en même temps, c'est comme si je lisais un
livre ou que je me cultivais, donc ça, c'est super intéressant. Il y a une adrénaline, il faut aller vite, on
doit ouvrir un live, et moi, j'aime bien ce côté rapide. Après, j'aime bien aussi avoir du temps pour faire
des articles, pour vraiment creuser des sujets, et c'est un métier où il y a des grands noms qui ont fait
des grandes choses, et on se dit : "J'aimerais bien faire ça, faire des grandes enquêtes", et je sais que
j'ai toute une carrière pour progresser, ça évoluera toujours et j'aurai toujours des choses à apprendre,
donc c'est un métier qui bouge énormément. »

Avec qui travaillez-vous ?


« Je suis la seule à faire de l'économie le soir, du coup j'ai deux collègues qui travaillent, eux, pour
l'actualité. On travaille ensemble de 17 h à minuit. Après, on échange, des fois, je fais un peu d'actu
pour leur rendre service, et ils font un peu d'économie quand il y a beaucoup de sujets. On est une
petite équipe, on est six. »

En quoi votre métier est passionnant par rapport à la société du XXI ème
siècle ?
« C'est une profession qui est essentielle. Sans le journalisme, sans enquêtes, sans le travail fourni par
les journalistes, la société n'avance pas. Le journalisme a permis de découvrir plein de choses.

C'est un pouvoir qui est très important dans la société et qui évolue énormément avec de nouvelles
façons de filmer, de travailler, d'enquêter. S'il n'y avait plus de journalisme, les gens ne seraient plus

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informés et ils ne pourraient plus voter ou agir en connaissance de cause puisqu'ils n'auraient plus
l'information. C'est vrai qu'il y a une course à l'info, au fait d'être premier, de donner l'info les premiers,
c'est parfois contraignant parce qu'on aimerait prendre plus de temps. Au "Figaro", en tout cas, même
si on va vite, on prend quand même le temps et on ne m'a jamais dit : "Cet article, il faut qu'il paraisse
forcément maintenant." Si on a besoin de plus de temps et si l'info a besoin d'être vérifiée, on prendra
le temps, quitte à sortir l'article après parce que ça vaut mieux que sortir une info dont on n'est pas
sûrs. »

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?


« En web, les outils évoluent, notamment avec l'infographie. Après, ce qui évolue aussi, c'est notre
connaissance du lecteur, de ce qu'il lit, de ce qui l'intéresse, est-ce que tel article, on le met en payant
ou en gratuit parce qu'il va générer des abonnés ou pas. Il y a une connaissance là-dessus.

Après, pour les outils, je pense que ça se joue avec l'infographie. Maintenant, il y a par exemple le
"New York Times", c'est une référence en matière de journalisme et d'infographie parce qu'ils font des
cartes en temps réel qui étaient assez exceptionnelles par rapport à ce qu'on fait en France.

C'est un milieu donc, par exemple, on se tutoie, personne ne se vouvoie. Ceux qui sont là depuis
longtemps dans les rédactions se connaissent tous entre eux. Et je finis par avoir beaucoup d'amis
journalistes, donc quand on me parle de quelqu'un, je sais qui c'est de nom, mais il n'y a pas vraiment
un côté familial.

C'est compliqué, la sortie d'école est compliquée, il n'y a pas énormément d'offres d'emploi. Ce sont
des CDD, des piges, donc ce sont des contrats assez précaires qui n'aident pas tellement à se lancer
dans la vie à la sortie de l'école. Après, ça vaut le coup, mais la profession se précarise de plus en plus. »

Que diriez-vous à un lycéen intéressé par votre métier ?


« S'il sait qu'il veut être journaliste, il a le temps de décider ce qu'il voudra faire dans le journalisme.
On peut changer, si vous faites du journalisme vidéo, vous pouvez après faire du web, rien n'est fixé,
donc c'est intéressant pour ça. Après, si je peux lui donner un conseil, c'est de créer son propre journal
pour se former. Pour les concours de journalisme, ce sont des choses qui sont appréciées, d'avoir
commencé tôt. Les entreprises en journalisme prennent beaucoup de stagiaires, il y a souvent des
offres, donc faire des stages le plus tôt possible pour se rendre compte de ce qui l'intéresse ou pas et
prendre tout de suite les premiers réflexes de journaliste. »

Citez 3 qualités pour exercer votre métier.


« La curiosité, parce qu'il faut toujours s'intéresser à des choses différentes et se dire : "Je ne connais
pas ce sujet, mais ça peut être intéressant et si ça m'intéresse, ça peut intéresser d'autres gens."

La rigueur, parce que vous ne pouvez pas vous permettre de ne pas vérifier certaines infos, de ne pas
appeler certaines personnes, donc il faut toujours vérifier, c'est quelque chose qu'il ne faut pas perdre
et vraiment le faire avec rigueur.

Et une troisième qualité, il faut être ouvert, notamment dans ses contacts avec les autres parce qu'on
est amenés à parler avec plein de gens et à écouter leurs histoires. C'est important, que ça soit en télé,
en radio ou en web, on est toujours amenés à parler avec des gens et en rencontrer. »

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Quelle est votre plus grande réussite ou la réalisation dont vous êtes
fière ?
« En dernière année d'école avec un camarade, on avait un projet de fin d'année à faire. Notre école
nous disait : "Faites un article et essayez de le vendre." Du coup, on était partis sur la maltraitance
envers les autistes en hôpital psychiatrique. On a fait une longue enquête qu'on a vendue à la revue
"XXI" et qui a été sélectionnée au prix Albert Londres. Donc, c'était plutôt une fierté. On n'a pas gagné
parce qu'on était un petit peu jeune, mais c'était plutôt cool. On était encore élèves, donc on n'était
pas tellement sûrs de ce qu'on faisait, et pour le coup, on s'est posé beaucoup de règles d'éthique et
beaucoup de règles sur "est-ce qu'on dit telle chose" ? Donc, c'était un bon apprentissage. »

Auriez-vous une anecdote ?


« Dans l'article qu'on a fait avec Bruno, avec mon camarade, on a rencontré la mère d'un adulte qui
était en hôpital psychiatrique et qui dénonçait la maltraitance qu'il subissait. Elle nous a dit : "J'ai envie
que ça sorte dans la presse, donc je vais vous en parler." C'était vraiment assez fort et on était partagés
entre avoir énormément de sympathie et d'empathie pour cette personne et en même temps, on est
obligés de garder une certaine distance. Du coup, une fois que l'article était fini, j'étais un peu passée
à autre chose, et du coup, elle m'envoyait beaucoup de messages pour me tenir au courant de l'état
de son fils et c'était... J'ai eu un peu de mal... Il y a des fois où, quand on faisait une interview et qu'elle
pleurait pendant toute l'interview parce qu'elle était vraiment inquiète pour son fils, c'était compliqué,
après, de rentrer, de reprendre sa voiture et de se dire... Enfin, ce qui lui arrive, c'est horrible, mais,
moi, ce n'est pas ma vie, ce n'est pas ma famille, mais je suis quand même touchée. Ça m'a beaucoup
appris et je me suis dit que c'est pour ces histoires-là et pour ce travail-là que j'ai envie d'être
journaliste. C'est parce que... Là, on avait vraiment l'impression que ce qu'on faisait servait à quelque
chose.

Et le journalisme, les articles que les gens font, les enquêtes qui sortent, ça sert à quelque chose, ça
aide les gens et ça fait avancer la société. Donc, c'était... C'est vraiment quelque chose qui m'a
marquée. »

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