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Petru Mironescu
2019–2020
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Guide de lecture
A. Ce document sert de support au cours « Mesure et intégration », destiné aux étudiants en troi-
sième année de la licence de mathématiques de l’Université Claude Bernard Lyon 1, parcours
Mathématiques générales et applications. Malgré le caractère introductif du cours, les outils pré-
sentés permettent de s’attaquer à de nombreux problèmes concrets.
Le texte donne un aperçu de la partie élémentaire de la théorie abstraite et concrète de la
mesure et de l’intégrale, avec quelques premières applications aux espaces de fonctions, aux sé-
ries de Fourier et à la transformée de Fourier. Historiquement, les objets et résultats présentés
reflètent les efforts des mathématiciens du début du vingtième siècle pour étendre et conceptua-
liser la théorie de l’intégration « de Riemann », afin de corriger quelques unes de ses faiblesses et
d’étendre le théorème de Leibniz-Newton au-delà du cadre des fonctions continues.
B. Le texte a été conçu comme un compagnon du cours magistral. Il n’a pas été rédigé dans une
optique de classe inversée ou pour un usage en autonomie. Afin de garder une longueur raison-
nable du manuscrit, certains éléments de preuve, généralement parmi les plus faciles, ont été
omis. Ces omissions sont repérables grâce aux injonctions « vérifier ! » ou « justifier ! », auxquelles
le lecteur qui veut dépasser une utilisation superficielle du manuscrit est encouragé à obéir.
Afin d’alléger le texte, dans certaines sections nous faisons des hypothèses qui sont implicite-
ment supposées satisfaites dans tous les énoncés. Situation typique : dans le chapitre 3, nous nous
donnons une tribu T sur X , mais dans les énoncés de ce chapitre la tribu n’y figure pas toujours.
Le lecteur est vivement encouragé à lire les hypothèses des résultats dans cette perspective, et si
nécessaire à compléter les énoncés en rajoutant les hypothèses implicites.
C. La partie élémentaire du volet « théorique » de la théorie de la mesure repose sur deux piliers.
1. La théorie axiomatique de la mesure : ce que veut dire mesure, comment définir l’intégrale et
quelles sont ses propriétés. Cette partie inclut les grands théorèmes les plus utilisés en calcul
intégral (théorèmes de convergence monotone et de convergence dominée, lemme de Fatou, théo-
rèmes de Fubini et Tonelli), faciles à comprendre et montrer, mais dont l’utilisation pose souvent
problème à l’analyste débutant.
2. La construction concrète de mesures. La théorie de la mesure et de l’intégration ne vaut pas
grand-chose sans ses applications, qui exigent d’avoir sous la main des mesures et des fonctions
à intégrer par rapport à ces mesures. La difficulté principale de la théorie consiste précisément
à construire de bonnes mesures et à établir leurs propriétés. La mesure la plus utilisée, celle de
Lebesgue dans Rn , n’est pas facile à construire. Elle a des propriétés spécifiques, qui vont au-delà
des propriétés générales des mesures, qui la rendent très utile et qui sont de nature géométrique.
Le théorème du changement de variables est une conséquence fondamentale de ces propriétés.
D. Conformément au programme en vigueur, sont admis les résultats fondamentaux suivants :
existence de la mesure de Lebesgue, existence de la mesure produit et les théorèmes de Fubini
et Tonelli, théorème du changement de variables. Néanmoins, les preuves de ces résultats ap-
paraissent dans le texte. Les parcourir sera utile au lecteur qui veut poursuivre dans la voie de
l’analyse : elles reposent sur un bon nombre de raisonnements fondamentaux et récurrents en
analyse, raisonnements qu’il convient de maîtriser.
1. Il y a deux façons classiques de construire la mesure de Lebesgue.
a) « À la main », en montrant pour commencer qu’elle est nécessairement donnée par une formule
assez explicite. La difficulté consiste alors à montrer que cette formule définit effectivement une
mesure. La méthode pour y arriver, due à Lebesgue, est celle que nous suivons.
b) Obtenir son existence à travers l’existence de l’intégrale de Riemann combinée avec le théo-
rème de représentation de Riesz, théorème qui dépasse largement le cadre d’un premier cours
(voir Rudin [16, Chapitre 2]) – voie plus élégante, mais difficile à comprendre en première lecture.
2. La construction de la mesure produit et les théorèmes de Fubini et Tonelli sont une belle illus-
tration de la puissance de la construction axiomatique de la théorie de la mesure, en particulier
4
Avis au lecteur. Le manuscrit doit encore contenir des erreurs. Si vous en trouvez, merci de m’en
faire part à l’adresse mironescu@math.univ-lyon1.fr
G. Un théorème d’analyse s’utilise rarement dans la forme qui apparaît dans les textes (monogra-
phies ou cours). On a souvent besoin d’une variante qui se montre en suivant les grandes lignes de
la preuve du théorème standard. Un exemple typique est celui de la continuité d’une intégrale par
rapport aux paramètres. C’est pourquoi il est important, pour ceux qui vont continuer à utiliser
l’analyse, d’avoir au moins une idée des preuves des principaux résultats de ce cours.
Rb
H. La théorie de Lebesgue est née du besoin d’étudier la validité de l’égalité f ( b)− f (a) = a f 0 ( x) dx
lorsque f n’est plus de classe C 1 . La réponse est connue, mais dépasse le cadre de ce cours.
Quelques résultats en ce sens sont mentionnés sans preuve. D’autres résultats avancés, signi-
ficatifs pour la théorie de la mesure et de l’intégration, sont mentionnés ici et là, dans les sections
« Pour aller plus loin ».
I. Pour aller au-delà de ce cours, plusieurs directions accessibles sont envisageables.
1. La théorie « abstraite » : théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue, mesures signées et vectorielles
(théorèmes de Hahn et Jordan, intégrale de Bochner). Quelques références à ce sujet : Halmos [11,
Chapitre 6], Rudin [16, Chapitre 7]. Et un très beau livre qui donne un panorama de la théorie de
la mesure : Bogachev [4]. Cette référence contient aussi un nombre important de repères histo-
5
riques, liés aux travaux des grands noms de la théorie (Lebesgue, Borel, Carathéodory, etc.). Une
référence s’il n’en fallait qu’une : le mémoire de 1904 de Lebesgue [14], qui contient sa théorie de
l’intégration, développée entre 1901 et 1904. Lebesgue avait 26 ans en 1901 !
2. Les espaces L p traités du point de vue de l’analyse fonctionnelle ; voir Brezis [5, Chapitre 4].
3. Les mesures « concrètes » et leurs applications. Nous traitons ici la mesure de Lebesgue (dans
R3 : le volume), mais d’autres mesures ont une signification géométrique dans R3 : la longueur des
courbes, l’aire des surfaces. Une façon unifiée de traiter ces notions est donnée par les mesures de
Hausdorff, que nous nous contentons ici de définir. Nous expliquons aussi la démarche, due à Ca-
rathéodory et inspirée par la construction de la mesure de Lebesgue, qui permet de montrer leurs
propriétés. L’étude approfondie de ces mesures mène vers des formules géométriques, l’étude des
propriétés fines des fonctions et une branche de l’analyse, en plein développement, la « théorie
géométrique de la mesure ». À son tour, la théorie géométrique de la mesure est indispensable au
traitement mathématique de certains problèmes concrets (traitement d’images, micro-structures,
etc.). Quelques références, de la plus élémentaire à la plus avancée : Evans et Gariepy [7, Cha-
pitres 2 et 3], Federer [8, Section 2.10], à nouveau Evans et Gariepy [7, Chapitres 4, 5 et 6], Ziemer
[18, Chapitre 3].
Feuilles d’exercices et sujets des contrôles. Dans la rédaction des exercices et des sujets des
contrôles, j’ai bénéficié de l’aide de Xinxin Chen et Theresia Eisenkoelbl, que je remercie.
Les feuilles d’exercices, bien plus riches que ceux qui pourra être traité en classe, servent de
base aux divers types de séances de travaux dirigés (communs, standard, intensifs et avancés), de
base d’entraînement et de réservoir pour les contrôles.
3 Fonctions mesurables 23
3.1 Définition. Caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.2 Opérations avec les fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3 Fonctions construites à partir de fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
4 Mesures 29
4.1 Propriétés générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
4.2 Mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.3 Presque partout et mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
4.4 Classes particulières de mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4.5 La mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.6 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
5 Constructions de mesures 41
5.1 Construction de la mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
5.2 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
6 Intégrale 49
6.1 Fonctions étagées positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6.2 Fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
6.3 P. p. et passage à la mesure complétée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
6.4 Convergence monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
7
8 TABLE DES MATIÈRES
8 Mesures produit 69
8.1 Tribu produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
8.2 Mesure produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
8.3 Produits itérés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
8.4 Passage aux mesures complétées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
8.5 Les grands théorèmes pour µ ⊗ ν . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
8.6 Les grands théorèmes pour µ ⊗ ν . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
9 Changements de variables 79
9.1 Un peu d’algèbre linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
9.2 Changements de variables linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
9.3 Un peu de topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
9.4 Image d’un petit cube par un C 1 -difféomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
9.5 Changement de variables sur un compact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
9.6 Théorème du changement de variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
9.7 Ensembles Lebesgue négligeables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
9.8 Théorème du « presque changement de variables » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
9.9 Changements usuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
9.10 Intégrales de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
10 Espaces L p 89
10.1 L p versus L p . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
10.2 Inégalité de Hölder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
10.3 Norme et complétude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
11 Convolution 97
11.1 Inégalité de Young . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
11.2 Régularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
TABLE DES MATIÈRES 9
Bibliographie 125
Index 127
Chapitre 1
La théorie de la mesure exige de travailler avec les « nombres » −∞ et ∞, donc sur la droite
réelle étendue R = R ∪ {−∞, ∞}.
Il sera commode d’étendre la notion de sup et inf aux parties non vides mais pas nécessaire-
ment bornées A de R, en définissant
Ces quantités ont essentiellement les mêmes propriétés que dans le cas des ensembles bornés,
comme le montre l’exercice suivant.
Exercice 1.2. Que devient ce qui précède si nous considérons des parties non vides A, B ⊂ R ?
Définition 1.1. Si ( xn ) ⊂ R, alors lim sup xn = lim sup xk , lim inf xn = lim inf xk .
n→∞ k≥ n n→∞ k≥ n
11
12 CHAPITRE 1. NOTATIONS, RAPPELS, PREMIÈRES DÉFINITIONS
Démonstration de la proposition 1.1. Nous nous reposons sur les items de l’exercice précédant.
Nous faisons les raisonnements uniquement pour lim sup. Posons X n = sup xk et ` = lim sup xn .
k≥ n
a) La suite ( X n ) décroît avec n (item f)). Elle a donc une limite. Ceci prouve l’existence de
` = lim X n , et aussi que ` ≤ X n , ∀ n.
b) Calculons par exemple lim sup (− txn ). On a sup (− txk ) = − t inf xk (item d)), d’où
k≥ n k≥ n
µ ¶
lim sup (− txn ) = lim sup (− txk ) = lim − t inf xk = − t lim inf xk = − t lim inf xn .
k≥ n k≥ n k≥ n
En passant à la limite dans l’inégalité ci-dessus, nous obtenons lim sup ( xn − t yn ) ≤ lim sup xn −
t lim inf yn .
g) Soit ( yn k ) telle que yn k → lim sup yn . Alors xn k + yn k → ` + lim sup yn . L’item c) de cette propo-
sition implique (*) ` + lim sup yn ≤ lim sup ( xn + yn ).
En particulier, nous avons avons « = » si ` + lim sup yn = ∞ ou si lim sup ( xn + yn ) = −∞. Nous
pouvons donc supposer que `+lim sup yn < ∞ (et donc, en particulier, que ` < ∞) et que lim sup ( xn +
yn ) > −∞.
1.2. DÉNOMBRABILITÉ 13
Par ailleurs, soit ( xn k + yn k ) telle que xn k + yn k → lim sup ( xn + yn ). Alors yn k → lim sup ( xn + yn ) − `
(vérifier que lim sup ( xn + yn ) − ` existe bien !). À nouveau l’item c) donne (**) lim sup ( xn + yn ) − ` ≤
lim sup yn .
Nous concluons grâce à (*) et (**) (vérifier !).
Exercice 1.3. a) Si lim inf xn ≥ lim sup xn , alors xn → lim sup xn = lim inf xn .
b) Si a ≤ xn ≤ b, ∀ n ≥ n 0 , alors a ≤ lim inf xn ≤ lim sup xn ≤ b.
c) Si xn ≥ a, ∀ n ≥ n 0 et lim sup xn ≤ a, alors xn → a.
Exercice 1.4. Calculer lim sup xn et lim inf xn pour les suites données par :
a) xn = (−1)n ;
p
b) xn = (−1)n n.
1.2 Dénombrabilité
Définition 1.2. a) Un ensemble est dénombrable s’il est en correspondance bijective avec N
(autrement dit : si on peut écrire tous les éléments de A , sans répétition, comme une suite).
b) Un ensemble est au plus dénombrable (a. p. d.) s’il est soit fini, soit dénombrable.
L’outil le plus commode pour vérifier qu’un ensemble est dénombrable est le suivant.
Notations. a) Si A est une partie de X , le complémentaire de A dans X est noté X \ A . S’il est
clair qui est X , on notera ce complémentaire par A c .
b) A ∆B = ( A \ B) ∪ (B \ A ) désigne la différence symétrique de A, B ⊂ X .
c) P ( X ) est l’ensemble de toutes les parties de X , c’est-à-dire : P ( X ) = { A ; A ⊂ X }.
Définition 1.3. Un clan dans X (ou clan tout court, s’il est clair qui est X ) est un ensemble C
dont les éléments sont des parties de X , † tel que :
i) ; ∈ C ;
ii) si A ∈ C , alors A c ∈ C ;
iii) Si A, B ∈ C , alors A ∪ B ∈ C .
†. Donc C ⊂ P ( X ).
14 CHAPITRE 1. NOTATIONS, RAPPELS, PREMIÈRES DÉFINITIONS
Exercice 1.7. a) L’ensemble C 1 des unions finies d’intervalles de R est un clan. De même si on
remplace R par un intervalle I et nous considérons des unions finies d’intervalles contenus dans
I.
b) Un pavé de Rn est un ensemble de la forme P = I 1 × I 2 × · · · × I n , avec chaque I j intervalle de
R. L’ensemble C n des unions finies de pavés de Rn est un clan.
c) Tout élément de Cn est une union finie de pavés de Rn deux à deux disjoints.
Remarque 1.2. La définition d’un clan demande qu’une union de deux ensembles de C soit encore
dans C . Nous verrons plus loin qu’une union contenant un nombre fini d’ensembles de C
appartient à C .
En général, une union infinie d’ensembles de C n’est pas dans C .
Un raisonnement du genre « chaque A i (avec i ∈ I ) est dans C , d’où ∪ i∈ I A i ∈ C » n’est pas valide,
à moins de savoir que I est fini.
Définition 1.4. Une tribu dans X (ou tribu tout court, s’il est clair qui est X ) est un ensemble
T dont les éléments sont des parties de X , tel que :
i) ; ∈ T ;
ii) si A ∈ T , alors A c ∈ T ;
iii) Si A 1 , . . . , A n , . . . ∈ T , alors ∪∞
n=1 A n ∈ T .
Si une partie A de X appartient à T , on dit que A est un ensemble T -mesurable (ou ensemble
mesurable ou mesurable tout court, quand il est clair qui est T ).
Exercice 1.8. a) Soit C un clan sur X . Soit Y ⊂ X . Alors CY = { A ∩ Y ; A ∈ C } est un clan sur Y .
De même pour une tribu T .
CY (respectivement TY ) sont le clan induit par C sur Y (respectivement la tribu induite par
T sur Y ).
b) Si Y ∈ C , alors CY = { A ; A ∈ C , A ⊂ Y }.
Exercice 1.9. Montrer que si C est un clan et A 1 , . . . , A n ∈ C , alors A 1 ∪ . . . ∪ A n ∈ C . De même si
on remplace clan par tribu.
Remarque 1.3. La définition d’une tribu demande qu’une union dénombrable d’ensembles de
T soit encore dans T . Au vu de l’exercice précédent, c’est encore vrai pour une union a. p. d. En
général, une union quelconque d’ensembles de T n’est pas dans T .
Un raisonnement du genre « chaque A i (avec i ∈ I ) est dans T , d’où ∪ i∈ I A i ∈ T » n’est pas valide,
à moins de savoir que I est a. p. d.
Exercice 1.12. Montrer que A n % A ssi : la suite de fonctions (χ A n ) est croissante et converge
simplement vers χ A .
De même, A n & A ssi : la suite de fonctions (χ A n ) est décroissante et converge simplement vers
χA .
Remarque 1.4. La définition ci-dessous est celle de la littérature anglophone. La définition ad-
mise dans la communauté francophone est différente. Ceci explique pourquoi le résultat fonda-
mental qui fait intervenir les classes monotones, le théorème 2.1 (« de la classe monotone »), a un
énoncé différent de celui que l’on trouve dans d’autres textes en français.
Définition 1.7. Une classe monotone dans X est un ensemble M de parties de X tel que :
i) Si ( A n ) ⊂ M est une suite croissante, alors ∪ A n ∈ M ;
ii) Si ( A n ) ⊂ M est une suite décroissante, alors ∩ A n ∈ M .
Définition 1.8. Si C est un clan, une mesure positive sur C (ou mesure tout court) est une
application µ : C → [0, ∞] telle que :
i) µ(;) = 0 ;
ii) Si ( A n ) ⊂ C est une suite d. d. d. et si ∪ A n ∈ C , alors µ(∪ A n ) = µ( A n ). Cette propriété est la
P
σ-additivité.
Dans le cas particulier où C est une tribu, l’hypothèse ∪ A n ∈ C est automatiquement satisfaite.
Lemme 1.3. S’il existe une injection f de A vers N, alors A est a. p. d. La réciproque est vraie.
Corollaire 1.1. Si A est infini et s’il existe une injection f de A vers N, alors A est dénombrable.
Démonstration. Exercice !
Démonstration. L’ensemble C = f ( A ) est une partie de B, donc (grâce au lemme 1.2) C est a. p. d.
A est en bijection avec C , donc A est a. p. d.
Théorème 1.1 (de Cantor-Bernstein ; cas particulier). S’il existe une injection f : A → N et
une injection g : N → A , alors A est dénombrable.
Le résultat précédent implique qu’il existe une bijection entre N2 et N. En voici une explicite.
( m + n)( m + n + 1)
Exercice 1.16. Soit f : N2 → N, f ( m, n) = + n. Montrer que f est bijective.
2
Démonstration. Il suffit de montrer le résultat quand il y a deux facteurs ; le cas général s’obtient
par récurrence sur le nombre de facteurs dans le produit.
Soient A 1 , A 2 deux ensembles a. p. d. Si A 1 est fini, on peut écrire A 1 = { x0 , . . . , xk }. Sinon, soit
f : N → A 1 une bijection ; on pose xn = f ( n). Alors A 1 = { x0 , . . . , xn , . . .}. Dans les deux cas, on peut
écrire A 1 = { x i ; 0 ≤ i < l }, avec l ∈ N ∪ {∞}.
De même, on peut écrire A 2 = { y j ; 0 ≤ j < p}.
La fonction A 1 × A 2 3 ( x i , y j ) 7→ ( i, j ) ∈ N2 est injective.
N2 étant dénombrable, il s’ensuit que que A 1 × A 2 est a. p. d.
un n et pour un i .
L’application A 3 x ni 7→ ( n, i ) ∈ N2 est injective.
Il s’ensuit que A est a. p. d.
Chapitre 2
Proposition 2.1. Soit A ⊂ P ( X ). Alors il existe un plus petit clan (ou tribu, ou classe monotone)
B contenant A .
En d’autres termes, il existe B tel que :
i) B soit un clan (ou tribu, ou classe monotone) ;
ii) A ⊂ B ;
iii) Si D est un clan (ou tribu, ou classe monotone) contenant A , alors B ⊂ D .
B est le clan (ou tribu, ou classe monotone) engendré par A et est noté respectivement C (A ),
T (A ) ou M (A ).
Démonstration. On fait la preuve pour les clans ; preuve identique dans les autres cas.
Soit F = {D ; A ⊂ D et D est un clan}.
Alors F est non vide (elle contient P ( X )).
Si on pose B = ∩D ∈F D , alors B est un clan contenant A (voir l’exercice précédent).
Par définition de F , tout clan D contenant A appartient à F , donc (par définition de B )
contient B .
Remarque 2.1. C’est la même preuve que celle qui donne l’existence du sous-espace engendré
par une partie d’un espace vectoriel, ou l’existence d’un sous-groupe engendré par une partie d’un
groupe, etc.
Proposition 2.2. On a C (A ) ⊂ T (A ).
Démonstration. Preuve analogue à celle de la proposition 2.2, en remplaçant « clan » par « classe
monotone ».
19
20 CHAPITRE 2. TRIBUS, CLANS, CLASSES MONOTONES
Démonstration. a) on a X = ; c .
b) découle de l’identité A ∩ B = ( A c ∪ B c ) c .
c) suit de b) et de A \ B = A ∩ B c .
d) se montre par récurrence sur n.
Démonstration. a)–d) sont une conséquence de la proposition précédente, car une tribu est un
clan.
e) suit de l’identité ∩ A n = (∪ A nc ) c .
Proposition 2.6. Un clan C qui est aussi une classe monotone est une tribu.
Définition 2.1. La tribu borélienne B X sur X est la tribu engendrée par les ouverts de X .
Ou encore : B X = T ({U ; U ouvert de X }).
Si on désigne par τ la topologie de X (=l’ensemble des ouverts de X ), alors B X = T (τ).
Les ensembles de cette tribu sont les boréliens de X .
Exercice 2.5. On munit R de la métrique usuelle. Les intervalles, les fermés et les ouverts (de R)
sont boréliens.
Remarque 2.3. Donné X , la question « A est-il un borélien ? » n’a pas de sens, car la tribu bo-
rélienne dépend de la distance sur X . C’est la situation rencontrée en topologie à propos de la
question « A est-il un ouvert ? ».
Néanmoins, il y a un abus fréquent de langage : « A ⊂ Rn est borélien » sous-entend que Rn est
muni d’une norme.
Exercice 2.7. a) Tout ouvert de R est une union a. p. d. d’intervalles ouverts. De plus, on peut
choisir ces intervalles d. d. d.
b) Si on munit Rn d’une norme, tout point de Rn est la limite d’une suite de points ayant toutes
les coordonnées rationnelles.
Démonstration. Notons, dans chaque cas, τ l’ensemble des ouverts, et A l’ensemble des parties
de X données par l’énoncé (fermés, intervalles, etc).
†. Plus généralement, nous pouvons considérer, au lieu d’un espace métrique, un espace topologique ( X , τ). Néan-
moins, pour les applications usuelles en théorie de l’intégration, le cadre des espaces métriques est suffisant.
22 CHAPITRE 2. TRIBUS, CLANS, CLASSES MONOTONES
Remarque 2.4. Si on munit Rn d’une norme, il existe des parties de Rn qui ne sont pas boréliennes
(un exemple, assez difficile, sera examiné dans le chapitre 4).
Ce qu’il faut retenir est que tous les ensembles ne sont pas nécessairement boréliens. En revanche,
tous les ensembles « concrets » le sont.
Fonctions mesurables
Dans ce chapitre, nous travaillons dans un espace mesurable ( X , T ). Dans certains énoncés,
( X , d ) est un espace métrique, et alors T est la tribu borélienne.
Démonstration. Soit D = { A ⊂ Y ; f −1 ( A ) ∈ T }.
Alors D ⊃ A . Par ailleurs, D est une tribu. En effet, si ( A n ) ⊂ D , alors f −1 (∪ A n ) = ∪ f −1 ( A n ) ∈ T ;
vérification analogue des autres propriétés de la tribu.
Il s’ensuit que D ⊃ T (A ).
Définition 3.2. Une fonction f : X → R est mesurable s’il existe une suite ( f n ) de fonctions
étagées telle que f n → f simplement.
Dans le cas particulier où ( X , d ) est un espace métrique et T est la tribu borélienne, f est appelée
borélienne.
Remarque 3.1. La mesurabilité d’une fonction dépend du choix de T . On ne peut pas décider si
f est mesurable si on ne connaît pas T .
Dans le cas particulier où X ⊂ Rn , sauf spécification contraire la tribu borélienne considérée est
la tribu induite par BRn sur X : B X = {B ∩ X ; B ∈ BRn } (voir l’exercice 2.6).
Exercice 3.3. Soit ( xn ) ⊂ R une suite ayant une limite. On a lim xn > a ∈ R ⇐⇒ ∃ k ∈ N∗ , ∃ m ∈ N
tels que xn > a + 1/ k, ∀ n ≥ m.
23
24 CHAPITRE 3. FONCTIONS MESURABLES
Démonstration du théorème 3.1. « =⇒ » Soit ( f n ) une suite de fonctions étagées telle que f n → f .
Soient a ∈ R, n ∈ N. Posons A n,a = ( f n )−1 (]a, ∞[), qui appartient à T (exercice 3.1).
Nous avons
En d’autres termes,
Donc
Dans le cas particulier où f est positive, la suite ( f n ) construite lors de la preuve de l’implica-
tion « ⇐= » est croissante, d’où le résultat suivant.
Corollaire 3.1. Toute fonction mesurable positive est la limite d’une suite croissante de fonctions
étagées.
Démonstration. « =⇒ » Posons g = f χ A . Alors (*) f −1 (∞) = g−1 (∞) ∈ T . Idem pour ii).
Pour iii), il suffit de noter que f −1 (B) = g−1 (B) ∩ A , ∀ B ∈ BR .
Remarque 3.3. Du résultat précédent, nous pouvons déduire facilement que la mesurabilité de
f (au sens de la définition 3.3) est équivalente à : f : A → R est mesurable par rapport à la tribu
induite T A = {B ∩ A ; B ∈ T }. Cette équivalence n’est vraie que si A est mesurable.
Remarque 3.4. À retenir sous la forme : borélienne rond mesurable égal mesurable.
Démonstration. Si B ∈ BRk , alors ( g ◦ f )−1 (B) = f −1 ( g−1 (B)) ∈ T , car g−1 (B) ∈ BRn .
(
1/ x, si x 6= 0
Exercice 3.6. Soit g : R → R, g( x) = .
0, si x = 0
a) Montrer que g est borélienne.
b) En déduire que, si f : X → R est mesurable et f 6= 0, alors 1/ f est mesurable.
c) Montrer que, si f : X → R est mesurable et f 6= 0, alors 1/ f est mesurable.
Proposition 3.6. Si f , g : X → R sont mesurables, alors f g et (si cela a un sens) f + g sont mesu-
rables. (On peut définir f + g s’il n’y a pas de point x ∈ X tel que f ( x) = ±∞ et g( x) = − f ( x).)
Si λ ∈ R, alors λ f est mesurable.
Démonstration. Vérifier !
Démonstration. Nous avons sup f n = limn→∞ max( f 0 , . . . , f n ), donc sup f n est limite d’une suite de
fonctions mesurables. Preuve similaire pour inf.
Alors :
a) A est mesurable.
b) Si nous posons, pour x ∈ A , f ( x) =(lim f n ( x), alors f : A → R est mesurable.
lim f n ( x), si lim f n ( x) existe
c) Si nous posons F : X → R, F ( x) = , alors F est mesurable.
0, sinon
Démonstration. Soient g = lim inf f n , h = lim sup f n , toutes les deux mesurables.
Posons B = g−1 (∞), C = h−1 (−∞), k = ( h − g)χ(B∪C) c , qui sont mesurables.
a) Nous avons A = k−1 (0) ∪ B ∪ C (justifier) et donc A ∈ T .
b), c) Sur A , nous avons f = g, et donc F = f χ A = gχ A , la dernière fonction étant mesurable. Il
s’ensuit que f et F le sont (voir la définition 3.3).
Chapitre 4
Mesures
Dans le cas particulier où les A n sont d. d. d., nous avons B n = A n , et l’inégalité devient égalité.
c) Même preuve que pour l’item b), sauf qu’il n’y a plus besoin d’ajouter des ;.
d) Si µ( A ) = ∞, alors µ( A ∪ B) = ∞, et l’égalité est claire.
Supposons µ( A ) < ∞, ce qui entraîne µ( A ∩ B) < ∞.
Alors µ( A ) = µ( A \ B) + µ( A ∩ B), d’où µ( A \ B) = µ( A ) − µ( A ∩ B).
Enfin, µ( A ∪ B) = µ( A \ B) + µ(B) = µ( A ) − µ( A ∩ B) + µ(B), qui donne l’égalité désirée.
29
30 CHAPITRE 4. MESURES
Exercice 4.2. Soit µ la mesure de comptage sur P (N). Si A n = { m ; m ≥ n}, alors A n & ;, mais
µ( A n ) 6→ µ(;). Conclusion ?
Exercice 4.4. Soit (µ j ) une suite de mesures sur le même clan C . Supposons que µ j ( A ) ≤ µ j+1 ( A ),
∀ j , ∀ A ∈ C . Posons µ( A ) = lim µ j ( A ). Alors µ est une mesure sur C .
Définition 4.1. Un ensemble A ⊂ X est négligeable s’il existe B ∈ T tel que A ⊂ B et µ(B) = 0.
S’il n’est pas clair qui est µ, on précise : A est µ-négligeable.
La tribu complétée engendrée par T et µ est la tribu T engendrée par T et les parties négli-
geables de X .
Proposition 4.3. On a
Démonstration. Donnée une partie A de X , nous allons noter (s’ils existent) B A et C A deux en-
sembles de T tels que B A ⊂ A ⊂ C A et µ(C A \ B A ) = 0.
Soit U le membre de droite de l’égalité à montrer, (4.1).
« ⊂ » Il suffit de vérifier que U est une tribu qui contient T et les ensembles négligeables.
Si A ∈ T , il suffit de prendre B A = C A = A . Si A est négligeable, nous pouvons prendre B A = ; et
4.3. PRESQUE PARTOUT ET MESURE COMPLÉTÉE 31
C A ∈ T tel que A ⊂ C A et µ(C A ) = 0. Ceci montre que U contient T et les ensembles négligeables.
Il reste à montrer que U est une tribu.
Nous avons ; ∈ T , et donc ; ∈ U .
Par ailleurs, si A ∈ U , alors (C A ) c ⊂ A c ⊂ (B A ) c , avec µ((B A ) c \ (C A ) c ) = µ(C A \ B A ) = 0 (vérifier).
Si ( A n ) ⊂ U , alors ∪B A n ⊂ ∪ A n ⊂ ∪C A n , et µ(∪C A n \ ∪B A n ) ≤ µ(C A n \ B A n ) = 0 (vérifier).
P
Définition 4.2. Une tribu S est complète par rapport à une mesure ν si A ν-négligeable =⇒
A∈S .
Symétriquement, si la propriété ci-dessus est satisfaite alors ν est complète par rapport à S .
Définition 4.3. Soit µ1 , µ2 des mesures sur les tribus T1 , T2 . µ2 est une extension de µ1 si :
i) T1 ⊂ T2 ;
ii) µ2 ( A ) = µ1 ( A ), ∀ A ∈ T1 .
Démonstration. Notons d’abord que µ(C A ) = µ(B A ) + µ(C A \ B A ), et donc µ(B A ) = µ(C A ).
Montrons ensuite que la formule ³ de l’énoncé
´ ne dépend pas du choix de B A et C A . En effet, si
j j j j j j
BA ⊂ A ⊂ C A , avec B A , C A ∈ T et µ C A \ B A = 0, j = 1, 2, alors B1A ⊂ C 2A , d’où
Si µ existe, nous devons avoir µ(B A ) ≤ µ( A ) ≤ µ(C A ), d’où µ( A ) = µ(B A ) = µ(C A ). Ceci montre à
la fois l’unicité de µ et le fait que µ est donnée par les formules de l’énoncé.
Exercice 4.8. Pour des fonctions f , g définies sur X à valeurs dans R ou Rn , la relation f ∼ g ⇐⇒
f = g µ-p. p. est une équivalence.
32 CHAPITRE 4. MESURES
Démonstration. Nous considérons uniquement le cas des fonctions à valeurs dans R. L’autre cas
est similaire.
b) Nous avons (via l’exercice 4.8) f T -mesurable⇐⇒ ∃ h T -mesurable telle que f = h µ-p.
p.⇐⇒ ∃ h T -mesurable telle que g = h µ-p. p.⇐⇒ g T -mesurable.
Définition 4.5. Une mesure µ définie sur un clan (ou tribu) C est :
a) finie si µ( X ) < ∞ (et alors µ( A ) < ∞ pour tout A ∈ C ) ;
b) σ-finie s’il existe une suite ( A n ) ⊂ C telle que :
i) X = ∪ A n ;
ii) µ( A n ) < ∞.
c) de probabilité (ou probabilité tout court) si µ( X ) = 1.
Exercice 4.10. La mesure de comptage sur N n’est pas finie, mais est σ-finie.
Une façon commode de passer d’une mesure finie à une mesure σ-finie est la suivante.
Exercice 4.11. Soit µ une mesure σ-finie la tribu T de X . Soit ( X n )n≥0 ⊂ T avec µ( X n ) < ∞, ∀ n
et X = ∪ X n . Posons µn ( A ) = µ( A ∩ ( X 1 ∪ . . . ∪ X n )), ∀ A ∈ T . Alors :
a) µn est une mesure finie, ∀ n.
b) µn % µ (c’est-à-dire µn ( A ) % µ( A ), ∀ A ∈ T ).
Les mesures σ-finies joueront un rôle important entre autres dans le chapitre 8 (mesures pro-
duit et leur utilisation). Une première illustration de leur utilité est le résultat suivant d’unicité.
4.4. CLASSES PARTICULIÈRES DE MESURES 33
Définition 4.6. Si ( X , d ) est un espace métrique, une mesure borélienne est une mesure sur les
boréliens de X , c’est-à-dire µ : B X → [0, ∞].
Si une mesure est à la fois borélienne et a des propriétés de finitude (voir les hypothèses du
résultat qui suit), alors nous disposons de formules « explicites » pour calculer la mesure d’un
borélien.
c) S’il existe une suite (Un ) d’ouverts de X telle que X = ∪Un et µ(Un ) < ∞, ∀ n, alors nous avons
(4.2)–(4.3).
d) S’il existe une suite (K n ) de compacts telle que X = ∪K n et une suite (Un ) d’ouverts de X telle
que X = ∪Un et µ(Un ) < ∞, ∀ n, alors
Corollaire 4.1. Soit µ une mesure de Radon dans Rn , c’est-à-dire une mesure borélienne telle
que µ(K ) < ∞ pour tout compact K ⊂ Rn . Alors
Corollaire 4.2. Soient µ1 , µ2 deux mesures de Radon dans Rn telles que µ1 (K ) = µ2 (K ) pour tout
compact K ⊂ V . Alors µ1 = µ2 .
Énoncé analogue si nous remplaçons Rn par un ouvert de Rn .
Démonstration. Vérifier !
µ f ( A ) ≤ µ( A ) ≤ µ o ( A ), ∀ A ∈ B X et en particulier µ f ( A ) ≤ µ( A ) ≤ µ o ( A ), ∀ A ∈ B X . (4.10)
µ( A ) ≥ µ f ( A ) ≥ µ f (B A ) = µ(B A ) = µ( A ),
µ( A ) ≤ µ o ( A ) ≤ µ o (C A ) = µ(C A ) = µ( A ),
et de même µ o ( A c ) = µ( X ) − µ f ( A ).
Il s’ensuit que, si A ∈ U , alors µ f ( A c ) = µ( X ) − µ( A ) = µ( A c ) et de même µ o ( A c ) = µ( A c ), d’où
Ac ∈ U .
Soit maintenant une suite ( A n )n≥1 ⊂ U . Soit ε > 0. Comme A n ∈ U , il existe un fermé F n,ε et un
ouvert Un,ε avec
ou encore µ( A n \ F n,ε ) < ε/2n+1 et µ(Un,ε \ A n ) < ε/2n+1 . Posons U ε = ∪Un,ε (qui est un ouvert) et
F N,ε = ∪nN=1 F n,ε (qui est un fermé pour tout N ). Nous avons
En faisant ε → 0 dans cette inégalité et en utilisant (4.10), nous obtenons (***) µ o (∪ A n ) = µ(∪ A n ).
De manière analogue au calcul précédent, nous avons µ((∪nN=1 A n ) \ F N,ε ) < ε, ce qui implique
c) µ étant σ-finie, nous avons la conclusion du b). Il suffit donc de montrer que µ o ( A ) ≤ µ( A ),
∀ A ∈ B X . Quitte à remplacer Un par Vn = U1 ∪. . .∪Un , nous pouvons supposer que Un % X . Posons
µn ( A ) = µ( A ∩ Un ), ∀ n, qui est une mesure finie. Posons W1 = U1 et, pour n ≥ 2, Wn = Un \ Un−1 , de
sorte que les Wn sont d. d. d., X = ∪Wn et Wn ⊂ Un , ∀ n.
Soit A ∈ B X . Soit A n = A ∩ Wn . Les A n sont d. d. d. et A = ∪ A n . Par ailleurs, nous avons A n ⊂ Un ,
d’où µn ( A n ) = µ( A n ). Il s’ensuit que µ( A ) = µn ( A n ).
P
Soit ε > 0. De a), il existe un ouvert Vn,ε tel que Vn,ε ⊃ A n et µn (Vn,ε ) < µn ( A n ) + ε/2n+1 . L’ensemble
Wn,ε = Vn,ε ∩ Un est un ouvert contenant A n . Par ailleurs nous avons µn (Vn,ε ) = µ(Wn,ε ).
Finalement, nous avons
Remarque 4.2. Le schéma de la preuve du théorème 4.1 a)–c) est typique pour les raisonne-
ments en théorie de la mesure. Le cœur de la preuve consiste à montrer les propriétés des
mesures finies. Pour ce faire, il est commode d’utiliser le théorème de la classe mono-
tone. Des hypothèses du type σ-finitude permettent par la suite de s’affranchir, à peu de frais, de
l’hypothèse de finitude de la mesure.
b) Si R est une isométrie de Rn (=transformation qui préserve la distance euclidienne entre deux
points de Rn ), alors, pour A ∈ BRn , on a νn (R ◦ A ) = νn ( A ) ;
c) Si A ∈ BRn et B ∈ BRm , alors νn+m ( A × B) = νn ( A ) · νm (B).
Le chapitre suivant est consacré à la construction des mesures, en particulier celle de Le-
besgue. Nous y établirons aussi quelques unes de ces propriétés ; d’autres propriétés seront ob-
tenues dans le chapitre 9. Nous nous contentons ici de montrer quelques propriétés simples de
νn .
( b j − a j ) ; A ⊂ ∪]a j , b j [ , ∀ A ∈ BR .
©X
ν1 ( A ) = inf
ª
(4.11)
« ≥ » Soit ` le membre de droite de (4.11). Soit U un ouvert de R. Alors U est une union a. p.
d. d’intervalles ouverts d. d. d. ]a j , b j [ (exercice 2.7). Nous avons alors ν1 (U ) = ( b j − a j ). Si, de
P
( b j − a j ) ; A ⊂ ∪]a j , b j [ , ∀ A ∈ B R .
©X
λ1 ( A ) = inf
ª
Exercice 4.15 (Exemple d’ensemble non borélien). Définissons, pour x, y ∈ [0, 1], la relation
x ∼ y ssi x − y ∈ Q.
a) Montrer que ∼ est une relation d’équivalence.
Nous pouvons donc écrire [0, 1] comme l’union de classes d’équivalence C i , qui sont d. d. d. :
[0, 1] = t i∈ I C i .
Prenons, pour chaque i , un élément et un seul x i ∈ C i et définissons A = { x i ; i ∈ I }.
Posons A q = { q} + A , ∀ q ∈ Q ∩ [−1, 1].
b) Montrer que A q ∩ A r = ; si q 6= r .
c) Montrer que [0, 1] ⊂ ∪ q∈Q∩[−1,1] A q ⊂ [−1, 2].
d) En supposant A Lebesgue mesurable, calculer λ1 ( A q ) en fonction de λ1 ( A ).
e) En déduire que 1 ≤ ∞ · λ1 ( A ) ≤ 3.
f) Conclusion : A n’est pas Lebesgue mesurable. En particulier, A n’est pas borélien.
g) On ne peut pas bien mesurer toutes les parties de R. Si µ : P (R) → [0, ∞] est une mesure
invariante par translations, alors soit µ = 0, soit µ( I ) = ∞ pour tout intervalle non dégénéré I ⊂ R.
Il s’ensuit de l’exercice précédent qu’il n’est pas possible de construire sur P (R) une mesure
µ invariante par translations telle que la mesure de chaque intervalle non dégénéré et borné
soit un nombre dans ]0, ∞[. De même, il n’est pas possible de construire sur P (Rn ) une mesure
invariante par isométries telle que la mesure de chaque ouvert non vide et borné soit un nombre
dans ]0, ∞[. Pour pouvoir espérer obtenir cette propriété, il faut donc exiger moins de µ. Les
exigences minimales sont :
(*) µ : { A ⊂ Rn ; A borné} → [0, ∞[.
(**) µ( A ∪ B) = µ( A ) + µ(B) si A ∩ B = ;, ∀ A, B bornés.
(***) µ(R ( A )) = µ( A ), ∀ A borné, ∀ R isométrie.
(****) Il existe un A borné tel que µ( A ) > 0.
Théorème 4.3. a) (Banach [2]) Pour n = 1, n = 2, il existe une fonction µ satisfaisant (*) – (****).
b) (Hausdorff [12]) Pour n ≥ 3, il n’existe pas un tel µ.
La partie b) de ce théorème est devenue célèbre grâce au résultat suivant, hautement contre-
intuitif, qui implique le théorème 4.3.
38 CHAPITRE 4. MESURES
Théorème 4.4 (paradoxe de Banach-Tarski [1]). Soit B une boule dans Rn , avec n ≥ 3. Soit C
une translatée de B telle que B ∩ C = ;. Alors il existe k ∈ N∗ , une partition B = B1 t . . . t B k de B
et des isometries R 1 , . . . , R k de Rn telles que : R 1 (B1 ) t . . . t R k (B k ) = B ∪ C .
Démonstration de « théorème 4.4 =⇒ théorème 4.3 b) ». Soit n ≥ 3. Supposons, par l’absurde, l’exis-
tence de µ satisfaisant (*) – (****). Notons que si µ satisfait (*) – (**), alors µ( A 1 ∪ . . . ∪ A m ) ≤
µ( A j ), avec égalité si les ensembles bornés A j sont d. d. d. (vérifier). Soit A ⊂ Rn tel que
P
0 < µ( A ) < ∞ et soit B une boule contenant A . Soit C une translatée de B telle que B ∩ C = ;.
Avec les notations du paradoxe, nous avons
Nous discutons ici, sans donner les démonstrations, les relations entre convergence simple,
convergence uniforme et convergence « en mesure » d’une suite de fonctions. Sur ce sujet, une
bonne référence est Halmos [11, Section 22].
Le cadre est celui des fonctions mesurables f n , f : X → R, avec ( X , T , µ) un espace mesuré.†
Dans l’esprit du théorème d’Egoroff, qui affirme que la convergence simple est « presqu’équi-
valente » à la convergence uniforme pour les mesures finies, notons la « presqu’équivalence » entre
mesurabilité et continuité dans le cas des mesures boréliennes finies.
Proposition 4.10. Soit µ une mesure borélienne finie sur l’espace métrique X .
a) Soit f : X → R une fonction borélienne. Alors pour tout ε > 0 il existe un borélien A = A ε tel que
µ( A ) < ε, avec f continue sur X \ A .
b) Soit f : X → R telle que pour tout ε > 0 il existe un borélien A = A ε tel que µ( A ) < ε, avec f
continue sur X \ A . Alors il existe une fonction borélienne g : X → R telle que f = g p. p.
b) Soit A j tel que µ( A j ) < 1/( j + 1), avec f continue sur X \ A j . Posons A = ∩ A j , g( x) =
(
f ( x), si x 6∈ A
.
0, si x ∈ A
Alors A est borélien et µ( A ) = 0 (vérifier), d’où f = g p. p. Comme B \ A = ∪(B \ A j ), nous avons,
pour tout B ∈ BR ,
(
∪ f −1 (B \ A j ), si 0 6∈ B
g−1 (B) = −1
.
A ∪ (∪ f (B \ A j )), si 0 ∈ B
Dans les deux cas, nous avons g−1 (B) ∈ B X (vérifier), et donc g est borélienne.
†. Sans le nommer, nous faisons un raisonnement par classes monotones, version fonctions au lieu d’ensembles.
Pour l’analogue du théorème de la classe monotone dans ce contexte, voir par exemple Barbe et Ledoux [3, Théorème
I.3.5].
‡. Pour justifier l’existence de la suite ( f j ), il faut examiner la preuve du théorème 3.1.
Chapitre 5
Constructions de mesures
Posons
m∗ ( A ) = inf
©X ª
m( I j ) ; I j intervalle ouvert, ∀ j, A ⊂ ∪ j I j , ∀ A ⊂]0, 1[. (5.1)
Nous devons montrer que m∗ = λ1 sur la tribu de Lebesgue (de ]0, 1[). Mais il se trouve que
l’existence de cette tribu repose sur l’existence de la mesure de Lebesgue, dont l’existence n’est pas
encore acquise ! L’idée suivante, due à Lebesgue, permet d’identifier les candidats aux membres
de la tribu. Si m∗ = ν1 = m sur les intervalles et si A est Lebesgue mesurable, alors A c =]0, 1[\ A
l’est aussi, d’où m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) = m∗ (]0, 1[) = m(]0, 1[) = 1. Posons alors
T = { A ⊂]0, 1[ ; m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) = 1}. (5.2)
41
42 CHAPITRE 5. CONSTRUCTIONS DE MESURES
Soit µ j la mesure borélienne qui vérifie l’analogue du théorème 5.1 sur ] − j, j [, j ∈ N∗ . Posons
ξ j ( A ) = µ j ( A ∩] − j, j [), ∀ j , ∀ A ∈ BR . Alors ξ j est une mesure borélienne (vérifier).
Par unicité de la mesure de Lebesgue sur ] − j, j [, nous avons µ j+1 ( A ) = µ j ( A ), ∀ A ∈ B]− j, j[ . Il
s’ensuit que
Démonstration. Il suffit de montrer que µ( I ) = m( I ) pour tout intervalle I . Si I est borné, alors
I ⊂] − j, j [ pour j suffisamment grand, et donc ξ j ( I ) = µ j ( I ) = m( I ) pour un tel j ; d’où µ( I ) = m( I ).
Si I est non borné, alors µ( I ) ≥ µ( J ) = m( J ) pour tout J borné avec J ⊂ I . En prenant le sup sur
tous ces J , nous obtenons µ( I ) = ∞ = m( I ).
Exercice 5.1. Soit T j la tribu sur ] − j, j [ correspondant à µ j comme dans le théorème 5.1. Soit
A ⊂ R. Alors A ∈ L 1 ⇐⇒ A ∩] − j, j [∈ T j , ∀ j ≥ 1.
Nous allons travailler ici uniquement avec des parties de ]0, 1[. Les notions de fermé et com-
plémentaire s’entendent par rapport à ]0, 1[.
P
Notons que, si A ⊂ ∪ j I j , alors A ⊂ ∪ j ( I j ∩]0, 1[). Par ailleurs, nous avons m( I j ∩]0, 1[) ≤
P
m( I j ). Il s’ensuit que, dans (5.1), il suffit de considérer des intervalles I j ⊂]0, 1[ (justifier).
5.1. CONSTRUCTION DE LA MESURE DE LEBESGUE 43
d) m∗ ( A ) ≤ 1, ∀ A .
Démonstration. a), b), d) sont claires (vérifier). Prouvons c). Soit ε > 0. Pour chaque j ≥ 1, il existe
j j j
une suite d’intervalles ouverts ( I k )k avec A j ⊂ ∪k I k et k m( I k ) < m∗ ( A j ) + ε/2 j+1 . La famille
P
j
( I k ) j,k est dénombrable (proposition 1.2). Si nous la listons sous la forme (L n ), alors pour toute
somme finie nous avons nN=1 m(L n ) ≤ j ( m∗ ( A j ) + ε/2 j+1 ), d’où m(L n ) ≤ j m∗ ( A j ) + ε. Comme
P P P P
Démonstration. « ≤ » est clair, car m∗ ( A ) ≤ m∗ (U ) pour tout U comme ci-dessus. Pour l’inégalité
contraire, soit ε > 0 et soient I j ouverts avec A ⊂ ∪ I j et m( I j ) < m∗ ( A ) + ε. Soit U = ∪ I j . Alors U
P
Démonstration. Quitte à rajouter de intervalles vides, nous pouvons supposer qu’il y a une infinité
(dénombrable) d’intervalles, indexés (L k )k≥1 .
Pour chaque intervalle borné L et chaque ε > 0, il existe un intervalle ouvert J avec L ⊂ J
et m( J ) < m(L) + ε (vérifier). Considérons, pour chaque k, un intervalle ouvert I k tel que L k ⊂
I k et m( I k ) < m(L k ) + ε/2k+1 . Alors ∪L k ⊂ ∪ I k et m( I k ) ≤ m(L k ) + ε, d’où (en faisant ε → 0)
P P
m∗ (tL k ) ≤ m(L k ).
P
Concernant l’inégalité opposée, il suffit de la montrer pour un nombre fini d’intervalles com-
pacts dans ]0, 1[. En effet, supposons cette inégalité établie pour les unions finies d’intervalles
compacts. Pour chaque intervalle borné L et chaque ε > 0, il existe un intervalle compact C
avec L ⊃ C et m(C ) > m(L) − ε (vérifier). Considérons, pour tout k, un intervalle compact C k avec
L k ⊃ C k et m(C k ) > m(L k ) − ε/2k+1 .
Pour tout n fini, nous avons alors (grâce à l’inégalité opposée, vraie pour les C k )
n n
m∗ (tL k ) ≥ m∗ (tnk=1 C k ) ≥
X X
m(C k ) > m(L k ) − ε.
k=1 k=1
Démonstration. Nous avons clairement m∗ (Un ) % et m∗ (Un ) ≤ m∗ (U ) (vérifier), d’où limn m∗ (Un ) ≤
m∗ (U ).
Pour l’inégalité opposée, soit ε > 0. Écrivons U = t I j , avec m( I j ) = m∗ (U ) < ∞. Il existe
P
N tel que j> N m( I j ) < ε/2. Il existe aussi des intervalles compacts C j ⊂ I j , j = 1, . . . , N , avec
P
Démonstration. Quitte à rajouter des intervalles vides, nous pouvons écrire U = t j≥1 I j et V =
t j≥1 L j , avec I j , L j intervalles ouverts.
Posons Un = tnj=1 I j , Vn = tnj=1 L j . Alors Un % U ; propriétés analogues de Vn , Un ∪ Vn et Un ∩ Vn
(vérifier).
Un , Vn , URn ∪ Vn et Un ∩ Vn étant des unions finies et d. d. d. d’intervalles, il s’ensuit que l’égalité
1
m∗ ( A ) = 0 χ A ( x) dx est vraie pour chacun de ces ensembles (justifier, à l’aide du lemme 5.3). En
combinant ce fait avec l’identité χUn ∪Vn + χUn ∩Vn = χUn + χVn (exercice 10.5), nous obtenons que
m∗ (Un ∪ Vn ) + m∗ (Un ∩ Vn ) = m∗ (Un ) + m∗ (Vn ). Nous concluons grâce au lemme 5.4, en faisant
n → ∞ dans l’égalité précédente.
T = { A ⊂]0, 1[ ; m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) = 1}.
Notons que 1 = m∗ (]0, 1[) = m∗ ( A ∪ A c ) ≤ m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) (lemme 5.1 c)), et donc nous avons
T = { A ⊂]0, 1[ ; m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) ≤ 1}.
Démonstration. Supposons d’abord que U = tnj=1 I j , avec I j intervalles ouverts. Alors U c est une
R1
union finie d’intervalles, et donc m∗ (U c ) = 0 χU c ( x) dx ; de même pour U . Il s’ensuit que
Z 1 Z 1 Z 1
∗ ∗ c
m (U ) + m (U ) = χU ( x) dx + χU c ( x) dx = 1 dx = 1.
0 0 0
m∗ (V ∩ W ) = m∗ (V ) + m∗ (W ) − m∗ (V ∪ W ) = m∗ (V ) + m∗ (W ) − 1 < m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) + ε − 1 = ε.
∪An ∈ T .
T est donc une tribu. Cette tribu contient les ouverts (lemme 5.6), donc la tribu borélienne.
Soit A un ensemble négligeable par rapport à m∗ sur T . Il existe donc un B ∈ T tel que A ⊂ B
et m∗ (B) = 0. Pour tout ε > 0, il existe U ouvert tel que B ⊂ U et m∗ (U ) < ε (lemme 5.2). Il s’ensuit
que m∗ ( A ∆U ) = m∗ (U \ A ) ≤ m∗ (U ) < ε. Grâce au lemme 5.7, nous déduisons que A ∈ T . m∗ est
donc complète.
Enfin, montrons que T est la complétée de B]0,1[ par rapport à la mesure de Lebesgue sur
B]0,1[ (donc de m∗ sur B]0,1[ ). Notons B ]0,1[ cette complétée. De ce qui précède, B ]0,1[ ⊂ T (justi-
fier, en utilisant B]0,1[ ⊂ T et la complétude de m∗ ). Inversement, soit A ∈ T . Du lemme 5.2, il
existe une suite (Un )n≥0 d’ouverts telle que A ⊂ Un , ∀ n, et m∗ (Un ) → m∗ ( A ). De même, il existe
une suite (Vn )n≥0 d’ouverts tells que A c ⊂ Vn , ∀ n, et m∗ (Vn ) → m∗ ( A c ). Nous avons alors (Vn ) c ⊂ A ,
∀ n, et m∗ ((Vn ) c ) → m∗ ( A ) (justifier). Posons B = ∪n (Vn ) c , C = ∩nUn . Alors (justifier), B, C ∈ B]0,1[ ,
B ⊂ A ⊂ C et m∗ (B) = m∗ ( A ) = m∗ (C ). Il s’ensuit (propositions 4.3 et 4.4) que A ∈ B ]0,1[ et que
m∗ ( A ) est la mesure de Lebesgue de A .
Théorème 5.2. Soit F : R → R une fonction croissante. Alors il existe une unique mesure boré-
lienne µ sur BR telle que µ(]a, b[) = F ( b−) − F (a+) pour tout intervalle ouvert borné ]a, b[.
Si F est dérivable avec F 0 Riemann intégrable sur tout intervalle borné (par exemple si F ∈ C 1 ),
alors nous pouvons obtenir ce résultat en copiant la preuve du théorème 5.1. En général, F n’est
pas dérivable ; elle peut par exemple être discontinue. Dans ce cas, il est encore possible de suivre
la preuve du théorème 5.1, mais il faut éviter l’utilisation de l’intégrale de Riemann dans les
preuves des lemmes 5.1, 5.5 et 5.6 ; voir Bogachev [4, section 1.8]. Comme nous l’avons noté,
l’utilisation de l’intégrale de Riemann dans la preuve est commode, mais pas indispensable.
m∗ ( A ) = inf m( A j ) ; A j ∈ A , ∀ j et A ⊂ ∪ A j , .
©X ª
T = { A ⊂ X ; m∗ ( A ) + m∗ ( A c ) = m∗ ( X )}
et de montrer que m∗ restreinte à T est une mesure. Cette approche marche uniquement si
m∗ ( X ) < ∞. La clé pour s’attaquer au cas général est indiquée par le résultat suivant (avec m∗
comme dans la construction de la mesure de Lebesgue).
Lemme 5.8. Soit A ⊂]0, 1[. Alors A est Lebesgue mesurable ssi m∗ ( A ∩ E ) + m∗ ( A c ∩ E ) = m∗ (E ),
pour tout E ⊂]0, 1[.
L’inconvénient de ce résultat abstrait est qu’il ne donne aucun renseignement sur T ; par
conséquent, il ne permet pas de décider si un ensemble concret est mesurable. Considérons le cas
particulier où X est un espace métrique. Rappelons que dans ce cas les ensembles « usuels » sont
boréliens. Il est donc intéressant de décider si T contient les boréliens. Dans ce contexte, nous
avons le complément suivant du théorème précédent.
5.2. POUR ALLER PLUS LOIN 47
Pour les résultats dans cette section, voir par exemple Halmos [11, chapitre III], Evans et
Gariepy [7, chapitre 1], Bogachev [4, section 1.11].
Par abus de notation, désignons encore par H δs et H s les mesures associées aux mesures
extérieures H δs et H s par la construction de Carathéodory. L’utilité des mesures de Hausdorff
vient de leur interprétation géométrique, du moins pour s entier.
Pour une partie A de Rn de mesure de Lebesgue > 0, nous avons dim A = n. Pour une surface
lisse paramétrée S dans Rn , n ≥ 3, nous avons dim S = 2. En général, dim A n’est pas un entier,
mais il est néanmoins interprété comme la « dimension de A ».
Chapitre 6
Intégrale
Proposition 6.1. Une fonction étagée admet une représentation canonique. Celle-ci est unique
modulo une permutation des termes de la somme. Dans le cas particulier où f est positive, la
représentation canonique est admissible.
précisément les a 1 , . . . , a n ; de même, ses valeurs non nulles sont b 1 , . . . , b m . Il s’ensuit que m = n
et que les b j s’obtiennent en permutant les a i . Quitte à faire une permutation dans la deuxième
somme, nous avons f = a i χC i , où les C i sont les B i écrits dans un ordre différent. Comme
P
f −1 (a i ) = A i = C i , nous trouvons que la deuxième somme de (**) est une permutation de la pre-
mière.
a i χ A i , alors l’intégrale
P
Définition 6.1. Si f est étagée et ≥ 0, de représentation canonique f =
de f par rapport à µ est
Z Z Z Z X
f ( x ) d µ( x ) = f d µ = f d µ = f = a i µ( A i ).
X X
49
50 CHAPITRE 6. INTÉGRALE
b) Si λ ≥ 0, alors ( f + λ g) = f + λ g,
R R
Démonstration. a) Commençons par le cas où la représentation est, de plus, normale. Nous pou-
vons supposer B j 6= ; et b j 6= 0, ∀ j ; sinon, nous effaçons les termes correspondants de la repré-
sentation, sans affecter la valeur de b j µ(B j ).
P
Alors tous les b j sont > 0. Soit A = { b 1 , . . . , b j }. Alors A = f ( X ) \ {0} et, si f = ni=1 a i χ A i est la
P
que
Z X X X X X X
f = a i µ( A i ) = a i µ( B j ) = b j µ(B j ) = b j µ(B j ).
i i j∈M i i j∈M i j
Alors
X X
f = a i χ A i \B m + (a i + b m )χ A i ∩B m + b m χB m \∪ i A i
i i
i a i µ( A i ) + b m µ( B m ) = j b j µ(B j ).
R P P
d’où f=
Z X X Z Z
( f + λ g) = a i µ( A i ) + λ b j µ(B j ) = f + λ g.
Proposition 6.3. Dans le cas particulier où f est étagée, cette définition de l’intégrale coïncide
avec la précédente.
6.2. FONCTIONS MESURABLES 51
R R
Démonstration. Notons f l’ancienne intégrale et I la nouvelle. Nous avons f ≤ f , d’où f ≤R I .
Par
R ailleurs,
R si Ru ≤ f , alors f = u + ( f − u), avec f − u étagée
R positive. Nous avons donc f =
u + ( f − u) ≥ u. En prenant le sup sur u, nous trouvons f ≥ I .
Remarque 6.1. Si f est mesurable, alors f + = max( f , 0) et f − = − min( f , 0) le sont aussi, et nous
avons f = f + − f − .
Dans le cas où f ≥ 0, nous avons f + = f et f − = 0 ; nous retrouvons donc l’intégrale définie aupara-
vant.
f = a i χ A i . Si µ( A i ) < ∞
P
Exercice 6.2. Soit f une fonction étagée, de représentation canonique
pour tout i , alors f a une intégrale et dans ce cas nous avons f = a i µ( A i ).
R P
a) (λ f )± = λ f ± ;
b) u étagée et positive et u ≤ f ± ⇐⇒ λ u étagée et positive et λ u ≤ λ f ± ,
d’où (en utilisant la proposition 6.2)
Z ½Z ¾
λ f ± = λ sup u ; u étagée et positive, u ≤ f ±
½Z ¾
= sup λ u ; λ u étagée et positive, λ u ≤ λ f ±
½Z ¾ Z
= sup v ; v étagée et positive, v ≤ λ f ± = λ f ± ,
Remarque 6.2. Dans la suite, plusieurs résultats auront comme hypothèse « f a une intégrale ».
En particulier, ces résultats s’appliquent lorsque f ≥ 0.
R
R Concrètement, sous hypothèse
R de
R mesurabilité des fonctions, cette hypothèse équivaut à « f+−
f − a un sens », ou encore « f + et f − ne valent pas en même temps ∞ ».
R R
Proposition 6.5. Si f ≤ g et si f , g ont une intégrale, alors f ≤ g.
Proposition
R 6.6. Si A ∈ T est négligeable, alors pour toute fonction mesurable f : A → R nous
avons A f = 0.
De même, si f : X → R est mesurable et f = 0 p.p., alors f est intégrable et f = 0.
R
Démonstration. Notons que f est µ-mesurable. Il suffit de montrer l’égalité des deux intégrales si
f ≥ 0. Cette égalité est claire si f est µ-étagée. Le cas général s’obtient en considérant une suite
( f n ) de fonctions µ-étagées positives telle que f n % f et le corollaire 6.3 (justifier via le corollaire
3.1).
Démonstration. Nous avons f ± = g ± µ-p .p. (vérifier). Il suffit donc de montrer que f d µ = gd µ
R R
si de plus f , g ≥ 0 ; dans ce cas, les deux intégrales existent. Soit A ∈ T tel que µ( A ) = 0 et f =
g en dehors de A . Soit RB = X \ A ∈ TR, de sorte que X = A t B. Comme µ( A ) = µ( A ) = 0, nous
avonsR (proposition 6.6) RA f d µ = 0 et A g d µ = 0. Par ailleurs, f χB = g χB et donc (proposition
6.7) B f d µ = B f d µ = B g d µ. Nous obtenons (en utilisant la linéarité de l’intégrale, voir la
R
= f dµ = g dµ = g d µ + g d µ = g d µ,
B B A B
Corollaire 6.1. Si f ,Rg : X → RR sont µ-mesurables et f = g µ-p. p., alors f a une intégrale ssi g en
a une, et dans ce cas f d µ = gd µ.
Démonstration de la propositionR 6.9. a) RMontrons, par exemple, la première égalité. Nous avons
f + ≥ nχ A , ∀ n ∈ N, d’où nµ( A ) = nχ A ≤ f + < ∞. En faisant n → ∞, nous trouvons µ( A ) = 0.
b) Nous avons | f − g| = ∞ χ A ∪B . A ∪ B ∈ T étant négligeable, nous obtenons que | f − g| = 0
R
(proposition 6.6).
R R
L’égalité f = g suit du corollaire 6.1.
n
Définition 6.6. Soit f = ( f 1 , . . . , f n ) R: X → R
R mesurable. L’intégrale de f est définie uniquement
si chaque f j est intégrable, et alors f = ( f j ) j=1,...,n .
En particulier, si f : X → C, alors nous pouvons identifier f avec Re f + ı Im f .
R R R
En combinant les propositions 6.6–6.10 et le corollaire 6.1, nous obtenons les règles suivantes
de calcul, très utiles dans la pratique.
| f − g | d µ = 0. (6.2)
X
Lemme 6.1. Soit u une fonction étagée positive. Alors l’application ν : T → [0, ∞], ν( A ) = uχ A ,
R
Démonstration. Notons que ν est bien définie, car uχ A est étagée et positive.
Si uR= a i χ A i est la représentation canonique de u, alors uχ A = a i χ A i ∩ A est normale et donc
P P
ν( A ) = uχ A = a i µ( A i ∩ A ).
P
À partir de cette formule, l’exercice 4.3 a) montre que ν est une mesure (vérifier).
54 CHAPITRE 6. INTÉGRALE
d’où lim f n ≥ (1 − ε) u.
R R
R R R R R R
Si f , g et f + R g ont un sens, alors ( f + g)+ − ( f + g)− a un sens (vérifier, en examinant
par exemple le cas où f + = ∞) et (6.4) donne
Z Z Z Z Z Z
( f + g)+ − ( f + g)− = f + − f − + g + − g − , (6.5)
6.5. CONSÉQUENCES DU THÉORÈME DE CONVERGENCE MONOTONE 55
d’où
Z Z Z Z Z Z Z Z Z
( f + g) = ( f + g)+ − ( f + g )− = f+ − f− + g+ − g− = f+ g.
Remarque 6.6. Il est important de retenir le principe de la preuve de la proposition 6.10. Pour
montrer une propriété des fonctions intégrables (ou qui ont une intégrale) f , g, etc. :
1. Nous commençons par les fonctions positives f ± , g ± , etc.
2. Les hypothèses sur f , g, etc., permettent de retrancher les formules obtenues.
3. Si nécessaire, pour montrer, dans le cas des fonctions positives, les propriétés demandées, il faut
commencer par considérer des fonctions étagées et de passer à la limite en utilisant le théorème
de convergence monotone ou sa conséquence, le corollaire 6.3.
4. Dans le cas des fonctions étagées, les propriétés demandées sont évidentes ou relativement
simples à montrer.
Ainsi, ce schéma permet de ramener la preuve au cas plus facile des fonctions étagées et de la
compléter de manière automatique en utilisant les étapes 1–3.
R
c) Nous avons f ± ≤ | f | = f + + f − ≤ g, d’où f ± < ∞.
¯R ¯ R R R R
d) Nous avons ¯ ( f + g)¯ ≤ | f + g| ≤ (| f | + | g|) = | f | + | g|.
Proposition
R 6.12 (inégalité de Markov). Si f est mesurable et t > 0, alors µ({ x ; | f ( x)| > t}) ≤
| f |/ t .
Plus généralement, si 1 ≤ p < ∞ et t > 0, alors µ({ x ; | f ( x)| > t}) ≤ | f | p / t p .
R
R
Proposition 6.13. Si f est intégrable et si | f | = 0, Ralors Rf = 0 p.p.
Plus généralement, si f , g sont intégrables, f ≤ g et f = g, alors f = g p. p.
P P
Démonstration. Posons g n = f 0 + f 1 + . . . + f n ≥ 0. Nous avons g n % f n , d’où f n est mesurable.
Par convergence monotone, nous trouvons
Z X Z µZ Z Z ¶
XZ
f n = lim g n = lim f0 + f1 + . . . f n = f n.
d) Si A n ∈ T et A n % X , alors f = lim A n f .
R R
R f ayant une intégrale, nous avons soit
Démonstration. f + < ∞, soit f − < ∞. Supposons par
exemple que f − < ∞. Si A ∈ T , notons f A = f χ A .
R R R
a) Nous avons f A mesurable et ( f A )± ≤ f ± . Nous trouvons que ( f A )− < ∞, et donc f A = A f
a un sens.
b) Nous avons ( f A )± + ( f B )± = f ± , d’où (justifier)
Z Z Z Z Z
f ± = ( f A )± + ( f B )± = f± + f±;
A B
Proposition 6.15. Soit [a, b] un intervalle compact R bf : [a, b] → R une fonction continue.
et soit
Alors f est Lebesgue intégrable sur [a, b] et [a,b] f d ν1 = a f ( x) dx, la dernière intégrale étant
R
Démonstration. Quitte à remplacer f par f ± , nous pouvons supposer f ≥ 0 (justifier). Soit σ une
division de [a, b], déterminée par les points a = x0 < x1 < . . . < xn = b . Nous associons à cette
division la « somme (de Darboux) inférieure » s σ = nj=1 ( x j − x j−1 ) inf[x j−1 ,x j ] f .
P
Si nous posons f σ : [a, b] → R, f σ = nj=−11 inf[x j−1 ,x j ] f χ[x j−1 ,x j [ + inf[xn−1 ,xn ] f χ[xn−1 ,xn ] , alors clairement
P
Si nous posons g n = f σn χ[a,b] , alors les g n sont des fonctions étagée positives telles que 0 ≤
Rb
g n % f χ[a,b] . Nous en déduisons (justifier) que [a,b] f d ν1 = lim g n d ν1 = lim s σn = a f ( x) dx.
R R
Démonstration. Nous prenons I = [0, ∞[ ; les arguments ci-dessous s’adaptent facilement à tous
les autres types d’intervalles non compacts.
b) Posons f n = f χ[0,n] , de sorte que f n % f (sur I ). Avec la notation ge := gχ I , nous avons aussi
fen % fe (sur R). Nous trouvons, en combinant le théorème de convergence monotone, la proposition
précédente et la définition de l’intégrale généralisée,
Z Z Z Z Z n Z ∞
f d ν1 = f d ν1 = lim f n = lim
e e f d ν1 = lim f ( x) dx = f ( x) dx.
I R n R n [0,n] n 0 0
R∞
ν ν
R R
a) RNous avons f Lebesgue intégrable sur I ⇐⇒ I f + d 1 < ∞ et I f − d 1 < ∞ ⇐⇒ 0 f + ( x) dx <
∞ R∞
∞ et 0 f − ( x) dx < ∞ ⇐⇒ 0 f ( x) dx converge absolument. Si ces conditions équivalentes sont
satisfaites, alors
Z Z Z Z ∞ Z ∞ Z ∞
f d ν1 = f + d ν1 − f − d ν1 = f + ( x) dx − f − ( x) dx = ( f + ( x) − f − ( x)) dx
I
ZI ∞ I 0 0 0
= f ( x) dx.
0
R∞
ν ν
R R
R∞ c) Si f a une intégrale, alors I f + d 1 − I f − d 1 a un sens. Il s’ensuit que 0 f + ( x) dx −
0 f − ( x) dx a aussi un sens. Comme ci-dessus, nous obtenons l’égalité des deux intégrales.
d) Il suffit de trouver un contre-exemple. On définit f : [0, ∞[→ R de la manière suivante : pour
k ∈ N, f (4 k) = 0, f (4 k + 1) = 1/( k + 1), f (4 k + 2) = 0, f (4 k + 3) = −1/( k + 1). Ceci définit f sur N. Nous
définissons f sur [0, ∞[ en exigeant qu’elle soit affine sur chaque intervalle [ n, n + 1] avec n ∈ N.
Soit E ( x) la partie entière de x. Nous vérifions aisément que
Z x
1
0≤ f ( t) dt ≤ , ∀ x ≥ 0,
0 E ( x/4) + 1
R∞
et donc 0 f ( x) dx = 0. R
Par ailleurs, nous avons [0,4k] f + d ν1 = 1+1/2+. . . +1/ k, d’où I f + d ν1 = ∞. De même, I f − d ν1 = ∞.
R R
b) Rf n % 0 ;
c) f n d ν1 6→ 0 d ν1 .
R
Dans ce cas, toute fonction est une fonction étagée. Nous avons R donc :
a) si f ≥ 0, alors f = x∈ X f ( x)χ{ x} est admissible. Il s’ensuit que f = x∈ X f ( x) ;
P P
6.7.2 X =N
Dans ce cas, nous pouvons identifier une fonction f : N → R à une suite (a n )n≥0 .
R P
Proposition 6.17. a) Si f ≥ 0, alors f = a n . R
P P
b) f est intégrable ssi a n est absolument Rconvergente, et dans ce cas f = a n .
P P
c) Si f a une intégrale, alors a n existe et f = a n .
P
d) Si a n existe, alors f n’a pas nécessairement une intégrale.
P
b) f est intégrable⇐⇒les intégrales de f ± sont finies⇐⇒les séries (a n )± sont convergentes⇐⇒
P P
la série |a n | = ((a n )+ + (a n )− ) est convergente. Si tel est le cas, alors
Z Z Z X X X
f = f + − f − = (a n )+ − (a n )− = a n .
R R
c) Si f a une intégrale, alors l’une des intégrales f ± est finie. Supposons f − < ∞. Alors
P
(a n )− < ∞, ce qui justifie l’égalité
X X X Z Z Z
a n = (a n )+ − (a n )− = f + − f − = f .
Dans cette partie, X est dénombrable et Φ : N → X est une bijection. Nous supposons toujours
que f : X → R a une intégrale.
Nous considérons une partition de X , X = t A n , avec les A n d. d. d. (chaque A n est un « pa-
quet »).
R PR
Proposition 6.19. a) Nous avons X f = R A n f .
P P
En particulier, si chaque A n est fini, alors X f = n x∈ A n f ( x).
b) Dans le cas particulier X = N2 , nous avons
à ! à !
Z ∞
X ∞
X ∞
X ∞
X
f ( m, n) d µ( m, n) = f ( m, n) = f ( m, n) .
N2 m=0 n=0 n=0 m=0
X X
a ϕ(n) = an. (6.6)
Plus généralement, (6.6) est vraie si la fonction f associée la suite (a n ) a une intégrale sur N. En
particulier, elle est valide si a n ≥ 0, ∀ n.
f ◦ ϕ.
R R
Démonstration. Traitons directement le cas général. La proposition 6.18 donne N f = N
Nous concluons grâce à la proposition 6.17.
60 CHAPITRE 6. INTÉGRALE
Nous avons investigué dans la section 6.6 le lien entre l’intégrale de Riemann ou généralisée
d’une fonction continue et son intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue ν1 .
L’intégrale de Riemann est définie pour des fonctions qui ne sont pas nécessairement conti-
nues. Dans ce cadre, nous avons le résultat suivant.
Proposition R6.21. Soit fR : [a, b] → R une fonction Riemann intégrable. Alors f est Lebesgue
b
intégrable et [a,b] f d λ1 = a f ( x) dx.
Démonstration. Nous pouvons supposer f ≥ 0. En effet, si f est Riemann intégrable, alors f est
bornée et il suffit de montrer l’égalité des deux intégrales pour la fonction f − m ≥ 0, avec m
minorant de f (justifier).
Nous utilisons les notations de la preuve de la proposition 6.15. Soit σ une division de [a, b]
et soit sσ la « somme de Darboux supérieure » sσ = nj=1 ( x j − x j−1 ) sup[x j−1 ,x j ] f . Nous associons à
P
sσ la fonction f σ : [a, b] → R, f σ = nj=−11 sup[x j−1 ,x j ] f χ[x j−1 ,x j [ + sup[xn−1 ,xn ] f χ[xn−1 ,xn ] , de sorte que
P
sσ = [a,b] f σ d ν1 = R f σ χ[a,b] d ν1 .
R R
Rappelons que si (σn ) est une suite de divisions de plus en plus fines et telles que kσn k → 0,
alors : R
a) s σn % a f ( x) dx et sσn & a f ( x) dx ;
b Rb
b) f σn % et f σn &.
Comme g ≤ h et [a,b] ( h − g) d ν1 = 0, nous obtenons que g = h ν1 -p. p. sur [a, b] (proposition 6.13).
Soit A ∈ B[a,b] négligeable et tel que g = h sur [a, b] \ A . Comme g ≤ f ≤ h, nous obtenons que
f = g = h sur [a, b] \ A et en particulier f = g ν1 -p. p. Il s’ensuit que f est λ1 -mesurable (proposi-
tion 4.5 a)).
f = g νR1 -p. p. et l’intégrale [a,b] g d ν1 existe, il s’ensuit que l’intégrale [a,b] f d λ1
R R
Par ailleurs, comme
existe et que [a,b] f d λ1 = [a,b] g d ν1 (proposition 6.8).
R
Rb
Finalement, [a,b] f d λ1 est finie et est égale à a f ( x) dx.
R
La réciproque de cette proposition est fausse : même pour une fonction bornée, l’intégrabilité
au sens de Lebesgue n’entraîne pas celle au sens de Riemann ; voir l’exercice qui suit.
6.8. POUR ALLER PLUS LOIN 61
Un corollaire du théorème
Rx de Leibniz-Newton est que si F est dérivable avec f = F 0 continue,
alors (*) F ( x) = F (a) + a f ( t) dt, ∀ x ∈ [a, b].
Pour généraliser (*), nous pouvons affaiblir la condition sur f en demandant que F soit déri-
vable p. p. (par rapport à la mesure de Lebesgue) et que sa dérivée f soit Lebesgue intégrable.
(
0, si 0 ≤ x ≤ 1/2
Sous ces hypothèses, (*) n’est pas nécessairement vraie. Prenons F ( x) = .
1, si 1/2 < x ≤ 1
Alors F est dérivable sauf en 1/2 et sa dérivée vaut 0 p. p., mais (*) n’est pas satisfaite (vérifier).
Plus généralement, (*) est fausse si F n’est pas continue (car le membre de droite de (*) l’est).
Même en ajoutant la condition de continuité de F , les hypothèses sur F 0 sont trop faibles.
En effet, il existe une fonction continue F : [0, 1] → R telle que F (0) = 0, F (1) = 1 et F 0 ( x) = 0
pour presque tout x. Pour l’existence d’une telle fonction F (« l’escalier du diable » ou « escalier de
Cantor »), voir l’exercice 6.7.
En revanche, si nous imposons la condition plus forte de dérivabilité partout, alors nous avons
le résultat suivant.
Théorème 6.5. Soit F : [a, b] → R continue R x sur [a, b] et dérivable en tout point de ]a, b[. Si F 0 est
0
Lebesgue intégrable, alors F ( x) = F (a) + a F ( t) dt, ∀ x ∈ [a, b].
Rappelons que, si F est dérivable, alors F 0 est borélienne et donc Lebesgue mesurable. Pour la
preuve du théorème 6.5, voir Natanson [15, section IX.7].
Notons que, par construction, C j ⊂ [0, 1] est un compact non vide et que C j+1 ⊂ C j .
a) Posons U j = [0, 1] \ C j . Montrer que C j est une union de 2 j intervalles compacts d. d. d. et que
U j est union de 2 j − 1 intervalles ouverts d. d. d.
b) Calculer ν1 (C j ), j ∈ N.
c) Posons C = ∩ j≥0 C j . Montrer que C est non vide et calculer ν1 (C ).
Pour j ≥ 1 fixé, notons, dans l’ordre de gauche à droite, les intervalles compacts de la question a)
qui donnent C j : C j = [a 1 , b 1 ] t . . . t [a 2 j , b 2 j ]. Nous avons donc U j =] b 1 , a 2 [t . . . t] b 2 j −1 , a 2 j [. Nous
définissons F j : [0, 1] → R par récurrence sur j , comme suit :
(i) F0 ( x) = x, ∀ x ∈ [0, 1] ;
(ii) F j ( x) = (F j−1 ( b ` ) + F j−1 (a `+1 ))/2 si x ∈ [ b ` , a `+1 ], ∀ ` = 1, . . . , 2 j − 1 ;
(ii) F j (0) = 0 et F j (1) = 1 ;
(iii) F j est affine sur [a ` , b ` ], ∀ ` = 1, . . . , 2 j − 1.
d) Montrer que |F j+1 ( x) − F j ( x)| ≤ 1/(3 · 2 j+1 ), ∀ x ∈ [0, 1], ∀ j ≥ 0. En déduire qu’il existe F : [0, 1] →
[0, 1] telle que F j → F uniformément.
e) Montrer que F (0) = 0 et F (1) = 1.
f) Posons U = [0, 1] \ C . Si I ⊂ U est un intervalle ouvert, montrer que F est constante sur I .
g) En déduire :
i) que F est continue sur [0, 1] et dérivable sur U ;
ii) que F n’est pas constante, mais que F 0 ( x) = 0 pour ν1 -presque tout x ∈ [0, 1].
Chapitre 7
Dans tout ce chapitre, nous travaillons dans un espace mesuré ( X , T , µ). Sauf mention contraire,
les fonctions considérées sont mesurables.
ThéorèmeR 7.1 (lemmeR de Fatou). Soit ( f n ) une suite de fonctions positives, et soit f = lim inf f n ≥
0. Alors f ≤
R lim inf f n . R
Ou encore : lim inf f n ≤ lim inf f n .
R
Démonstration.
R Soit
R g n = infm≥n f m , qui est mesurable, positive et ≤ f n . Alors g n % f , d’où f =
lim g n ≤ lim inf f n (justifier).
Théorème 7.2 (de convergence dominée de Lebesgue). Soit ( f n ), avec f n : X → R, une suite
de fonctions telle que :
(i) il existe une fonction intégrable g telle que | f n | ≤ g, ∀ n ;
(ii) il existe une fonction Rf telle que f n → f .
Alors f est intégrable
R Ret | f n − f | → 0.R R
En particulier, f n → f . Ou encore : lim f n = lim f n .
R R
d’où lim sup | f − f n | ≤ 0. Ceci implique lim | f − f n | = 0.
R R R
Pour la deuxième partie, nous utilisons | f − f n | ≤ | f − f n | → 0.
Exercice 7.2. À l’aide de f n : R → R, f n = χ[n,n+1[ , montrer que l’hypothèse (i) est essentielle.
63
64 CHAPITRE 7. LES GRANDS THÉORÈMES
Soit A = g−1 (∞) ∈ T , qui vérifie µ( A ) = 0. Pout tout x 6∈ A , la série f n0 ( x) + k≥0 ( f n k+1 ( x) − f n k ( x))
P
est absolument convergente, donc convergente. Notons h( x) la somme de cette série, de sorte que
h( x) = limk f n k ( x) (pourquoi
R ?). Posons, pour toute fonction u, u e = uχ A c . Nous avons fen k → h
e et
| f n k | ≤ g. Nous trouvons | f n k − h| → 0. Le corollaire 6.2 implique
e e e
Z Z Z Z Z Z
| f − h| = | f − h| ≤ | f − f n k | + | f n k − h| = | f − f n k | + | fen k − h
e e e e e e e e | → 0,
d’où f = h
e p. p., ou encore f n → f p. p. (justifier).
k
R R
Théorème 7.5. Soit ( f n ) une suite de fonctions positives p. p. Alors lim inf f n ≤ lim inf f n .
Théorème 7.6. Soit ( f n ) une suite de fonctions f n : X → R, telle que :
(i00 ) il existe une fonction intégrable g telle que | f n | ≤ g p. p. ;
(ii00 ) il Rexiste une fonction mesurable
R f telle
R que f n → f p. p.
Alors | f n − f | → 0. En particulier, f n → f .
Dans les applications, nous prenons souvent Y = Rn muni d’une norme et Λ ⊂ Rn ouvert. Dans
ce cas particulier, le théorème 7.7 ne s’applique pas toujours. Une variante plus utile est
Théorème 7.9. Supposons :
(i) la fonction f (·, λ) est mesurable pour tout λ ∈ Λ ;
(ii0 ) la fonction f ( x, ·) est continue pour presque tout x ∈ X ;
(iii00 ) pour toute boule B(λ0 , r ) ⊂ Λ, il existe une fonction intégrable g = g( x) sur X (qui, en principe,
dépend de B(λ0 , r ) !) telle que pourR tout λ ∈ B(λ0 , r ) on ait | f (·, λ)| ≤ g pour presque tout x ∈ X .
Alors la fonction F : Λ → R, F (λ) = X f (·, λ) d µ, est continue.
Même conclusion si pour tout λ0 ∈ Λ il existe r et il existe g comme dans (iii00 ).
Démonstration. Sur toute boule B(λ0 , r ) comme ci-dessus, F est continue. Il s’ensuit que F est
continue sur l’union de ces boules, qui est Λ.
Exercice 7.5. Si s > 1, soit ζ( s) = n≥1 1/ n s . Montrer que ζ :]1, ∞[→ R est continue.
P
66 CHAPITRE 7. LES GRANDS THÉORÈMES
définie.) ;
(ii) il existe ∂ j f ( x, ·) pour tout x ∈ X ;
(iii) pour toute boule B(λ0 , r ) ⊂ Λ, il existe une fonction intégrable g = g( x) sur X (qui, en principe
dépend de B(λ0 , r ) et de j ) telle que pour R tout λ ∈ B(λ0 , r ) on ait |∂ j f (·, λ)| ≤ g.
Alors il existe ∂ j F , donnée par ∂ j F = ∂ j f (·, λ) d µ.
Ou encore : la dérivée de l’intégrale est l’intégrale de la dérivée.
Si, de plus, ∂ j f ( x, ·) est continue pour presque tout x, alors ∂ j F est continue.
Démonstration. Nous fixons λ ∈ Λ. Soit r > 0 tel que B(λ, r ) ⊂ Λ. Pour t ∈ R tel que | t| < r , posons
(
( f ( x, λ + te j ) − f ( x, λ))/ t, si t 6= 0
h( x, t) = ,
∂ j f ( x, λ), si t = 0
de sorte que :
a) à x fixé, h( x, ·) est continue ;
b) à t fixé, h(·, t) est mesurable (justifier, en considérant d’abord le cas t 6= 0, puis en faisant t → 0) ;
c) (en utilisant le théorème des accroissements finis) | h(·, t)| ≤ g.
Il s’ensuit que
F (λ + te j ) − F ( t)
Z Z Z
lim = lim h(·, t) d µ = h(·, 0) d µ = ∂ j f (·, λ) d µ,
t→0 t t→0
d’où la conclusion.
Dans le cas particulier où ∂ j f ( x, ·) est continue pour presque tout x ∈ X , le théorème 7.8 assure
la continuité de ∂ j F .
Exercice 7.7. (difficile !) Supposons Λ connexe. Montrer nous pouvons, dans le théorème 7.10,
remplacer l’hypothèse (i) par l’hypothèse plus faible
(i0 ) pour tout λ ∈ Λ, la fonction f (·, λ) est mesurable et il existe un λ0 ∈ Λ tel que f (·, λ0 ) soit
intégrable.
Z Z n Z
X XZ
f = lim g n = lim fk = fk.
n n
k=1 k≥1
Chapitre 8
Mesures produit
Dans cette partie, nous travaillons dans deux espaces mesurés ( X , T , µ) et (Y , S , ν).
Définition 8.2. La tribu produit (de T et S ) est la tribu (sur X × Y ) engendrée par les pavés
de X × Y .
Elle est notée T ⊗ S .
Démonstration. « ⊃ » Un pavé ouvert de Rn+m est le produit d’un pavé ouvert de Rn et d’un pavé
ouvert de Rm ; il appartient donc à BRn × BRm (et d’autant plus à BRn ⊗ BRm ). Il s’ensuit que la
tribu engendrée par ces pavés (c’est-à-dire BRn+m ) est contenue dans BRn ⊗ BRm .
Soit A = { A ∈ BRn ; A × Rm ∈ BRn+m }. Alors A contient les pavés ouverts (car, dans ce cas,
A × Rm est un pavé ouvert). Par ailleurs, comme ( A × Rm ) c = A c × Rm et (∪ A j ) × Rm = ∪ A j × Rm ,
nous obtenons que A est une tribu. Il s’ensuit que A contient la tribu engendrée par les pavés
ouverts, c’est-à-dire BRn .
Conclusion : nous avons A × Rm ∈ BRn+m pour tout A ∈ BRn . De même, Rn × B ∈ BRn+m pour tout
B ∈ BRn .
Si A ∈ BRn et B ∈ BRm , alors A × B = ( A × Rm ) ∩ (Rn × B) ∈ BRn+m . Il s’ensuit que BRn+m contient
la tribu engendrée par les A × B, avec A ∈ BRn et B ∈ BRm , c’est-à-dire BRn ⊗ BRm .
Lemme 8.1. Soit C la collection des ensembles élémentaires. Alors C est un clan sur X × Y .
De plus, nous avons T (C ) = T ⊗ S .
Ec = ( A j × B j )c = [( A j ) c × Y ] ∪ [ X × (B j ) c ] .
\ \¡ ¢
j j
69
70 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT
Théorème 8.2. a) Supposons µ ou ν σ-finie. Alors il existe sur T ⊗ S une mesure ξ telle que (*)
ξ( A × B) = µ( A ) ν(B), ∀ A ∈ T , B ∈ S .
b) Supposons µ et ν σ-finies. Alors ξ ci-dessus est unique. Elle est notée µ ⊗ ν et est la mesure
produit de µ et ν.
Unicité. Soit λ une mesure avec les mêmes propriétés que ξ. Soient (C n ) ⊂ T , (D n ) ⊂ S telles
que ∪C n = X , ∪D n = Y , µ(C n ) < ∞, ν(D n ) < ∞. Alors ξ(C n × D n ) < ∞ et X × Y = ∪ C n × D n .
Par ailleurs, nous avons λ(E ) = ξ(E ), ∀ E ∈ C . En effet, nous pouvons écrire, comme dans le
lemme 8.2, E = t A j × B j , avec A j ∈ T , B j ∈ S , ∀ j . Alors λ(E ) = µ( A j )ν(B j ) = ξ(E ).
P
Corollaire 8.1. Si ν et µ sont σ-finies, alors nous avons µ ⊗ ν(E ) = ν(E x ) d µ( x) = µ(E y ) d ν( y),
R R
∀E ∈ T ⊗S .
Proposition 8.3. Nous avons (T1 ⊗ T2 ) ⊗ T3 = T1 ⊗ (T2 ⊗ T3 ) =la tribu engendrée par les produits
de la forme A 1 × A 2 × A 3 , avec A j ∈ T j , j = 1, 2, 3.
Démonstration. Notons S j , j = 1, 2, 3, les trois tribus de l’énoncé. Montrons par exemple que
S1 = S3 . Si A j ∈ T j , j = 1, 2, 3, alors A 1 × A 2 × A 3 ∈ S1 (justifier), d’où S3 ⊂ S1 .
Pour l’inclusion inverse, il suffit de montrer que E × A 3 ∈ S3 si E ∈ T1 ⊗ T2 et A 3 ∈ T3 (justifier).
Nous fixons A 3 ∈ T3 . Soit A = {E ∈ T1 ⊗ T2 ; E × A 3 ∈ S3 }. Clairement, A est une classe monotone.
De plus, elle contient le clan C engendré par les produits A 1 × A 2 , avec A 1 ∈ T1 , A 2 ∈ T2 . Donc A
contient T (C ) = T1 ⊗ T2 .
Proposition 8.4. Si les mesures µ j sont σ-finies, j = 1, 2, 3, alors (µ1 ⊗µ2 )⊗µ3 = µ1 ⊗(µ2 ⊗µ3 )=l’unique
mesure λ telle que λ( A 1 × A 2 × A 3 ) = µ1 ( A 1 ) µ2 ( A 2 ) µ3 ( A 3 ) pour A j ∈ T j , j = 1, 2, 3.
(µ1 ⊗ µ2 ) ⊗ µ3 ( A 1 × A 2 × A 3 ) = µ1 ⊗ (µ2 ⊗ µ3 )( A 1 × A 2 × A 3 ) = µ1 ( A 1 ) µ2 ( A 2 ) µ3 ( A 3 ).
Comme dans la preuve du théorème 8.2, nous concluons grâce à la proposition 4.6.
Grâce à l’associativité du produit, nous pouvons définir sans ambiguité les produits T1 ⊗ T2 ⊗
. . . ⊗ Tn et µ1 ⊗ µ2 ⊗ . . . ⊗ µn . Nous noterons ces produits ⊗1n T i , respectivement ⊗1n µ i .
Corollaire 8.2. Si νn est la mesure de Lebesgue sur BRn , alors νn ⊗ νm = νn+m et, plus générale-
ment, ⊗νn j = νP n j .
Démonstration. Notons d’abord que les produits sont bien définis, car la mesure de Lebesgue P
νn est σ-finie (proposition 4.7). Nous avons ⊗νn j (P ) = νP n j (P ) = m(P ) si P est un pavé de R n j
(vérifier). Nous concluons grâce au théorème 4.2.
Les résultats des sections suivantes seront prouvés pour k = 2. Néanmoins, il y a des variantes
pour k ≥ 3, que nous allons énoncer sans preuve. Les preuves de ces variantes sont dans l’esprit
de celles des propositions 8.3 et 8.4.
Nous pouvons, à partir de ( X , T , µ) et (Y , S , ν), compléter les tribus et mesures comme suit.
Procédé 1. Compléter T ⊗ S par rapport à µ ⊗ ν. Nous obtenons de cette façon la tribu complétée
T ⊗ S et la mesure complétée µ ⊗ ν .
Procédé 2. Compléter d’abord T , S , µ, ν, puis considérer la tribu et la mesure produit. Ceci
donne la tribu T ⊗ S et la mesure µ ⊗ ν.
Puis compléter la tribu et la mesure ainsi construites. Nous obtenons ainsi la tribu T ⊗ S et la
mesure µ ⊗ ν.
Clairement, la tribu du procédé 2 contient celle obtenue par le procédé 1 et la mesure obtenue par
le procédé étend celle obtenue par le procédé 1.
Théorème 8.3. Si µ, ν sont σ-finies, alors les procédés 1 et 2 donnent les mêmes tribus, respecti-
vement mesures.
Par conséquent, il sufit de compléter les tribus après avoir fait leur produit.
8.4. PASSAGE AUX MESURES COMPLÉTÉES 73
ce qui donne :
a) T ⊗ S ⊂ T ⊗ S , d’où, compte tenu du début de la preuve, T ⊗ S = T ⊗ S ;
b) µ ⊗ ν = µ ⊗ ν, d’où le résultat.
Passons à la preuve de (*). Il suffit de montrer que (**) pour tout G ∈ T ⊗ S , il existe G 1 ,G 2 ∈
T ⊗ S tels que G 1 ⊂ G ⊂ G 2 et µ ⊗ ν(G 2 \ G 1 ) = 0. En effet, si (**) est vraie, alors il existe
H1 , H2 , I 1 , I 2 ∈ T ⊗ S tels que H1 ⊂ E 1 ⊂ H2 , I 1 ⊂ E 2 ⊂ I 2 , µ ⊗ ν( H2 \ H1 ) = 0, µ ⊗ ν( I 2 \ I 1 ) = 0.
Posons alors F1 = H1 , F2 = I 2 , de sorte que F1 ⊂ E 1 ⊂ E 2 ⊂ F2 . De plus, nous avons (vérifier)
µ ⊗ ν(F2 \ F1 ) =µ ⊗ ν(( I 2 \ E 2 ) t (E 2 \ E 1 ) t (E 1 \ H1 ))
=µ ⊗ ν( I 2 \ E 2 ) + µ ⊗ ν(E 2 \ E 1 ) + µ ⊗ ν(E 1 \ H1 )
≤µ ⊗ ν( I 2 \ I 1 ) + µ ⊗ ν(E 2 \ E 1 ) + µ ⊗ ν( H2 \ H1 ) = 0,
ce qui donne (*).
Prouvons donc (**). Soit A = {G ∈ T ⊗S ; (∗∗) est vraie pour G }. Clairement, A est une classe
monotone : par exemple, si G k % G , avec G k ∈ A , soient G 1k ,G 2k ∈ T ⊗ S tels que G 1k ⊂ G k ⊂ G 2k et
µ ⊗ ν(G 2k \ G 1k ) = 0. Alors ∪G 1k ⊂ G ⊂ ∪G 2k et µ ⊗ ν(∪G 2k \∪G 1k ) ≤ µ ⊗ ν(∪(G 2k \ G 1k )) ≤ µ ⊗ ν(G 2k \ G 1k ) = 0
P
(justifier). Une inégalité analogue est vraie si G k & G et si nous remplaçons les unions par des
intersections.
Par ailleurs, A contient le clan C engendré par les produits A × B, avec A ∈ T , B ∈ S . En effet, si
G ∈ C , alors nous pouvons écrire G = t A j × B j , avec A j ∈ T , B j ∈ S , l’union étant d. d. d. et finie
j j j j j j j j j j
(pourquoi ?). Si A 1 , A 2 ∈ T , B1 , B2 ∈ S sont tels que A 1 ⊂ A j ⊂ A 2 , B1 ⊂ B j ⊂ B2 , µ( A 2 \ A 1 ) = 0,
j j j j j j j j
ν(B2 \ B1 ) = 0, alors les A 1 × B1 sont d. d. d. et t A 1 × B1 ⊂ G ⊂ t A 2 × B2 . De plus, nous avons
j j j j j j j j j j
(∪ A 2 × B2 ) \ (∪ A 1 × B1 ) ⊂ ∪(( A 2 \ A 1 ) × B2 ∪ A 2 × (B2 \ B1 )), d’où
j j j j X j j j X j j j
µ ⊗ ν((∪ A 2 × B2 ) \ (∪ A 1 × B1 )) ≤ µ ⊗ ν(( A 2 \ A 1 ) × B2 ) + µ ⊗ ν( A 2 × (B2 \ B1 )) = 0,
Théorème 8.4. Si les µ i sont σ-finies, alors nous avons ⊗ni=1 T i = ⊗ni=1 T i et ⊗ni=1 µ i = ⊗ni=1 µ i .
Démonstration. Prouvons les deux premières propriétés. Si νn est la mesure de Lebesgue sur
BRn , alors λn = νn et L n = BRn . Compte tenu du fait que νn ⊗ νm = νn+m (corollaire 8.2), nous
avons L n ⊗ L m = BRn ⊗ BRm = BRn ⊗ BRm = BRn+m = L n+m .
De plus, λn ⊗ λm = νn ⊗ νm = νn ⊗ νm = νn+m = λn+m .
74 CHAPITRE 8. MESURES PRODUIT
Démonstration. Il suffit de le montrer quand f est étagée. Le cas général s’obtient par passage à
la limite, en utilisant :
a) le fait que toute fonction mesurable est limite simple de fonctions étagées ;
b) le fait qu’une limite simple de fonctions mesurables est mesurable.
Par linéarité des appplications f 7→ f x , respectivement f 7→ f y , il suffit de considérer le cas où
f = χE , avec E ∈ T ⊗ S . Dans ce cas, nous avons f x = χE x et f y = χE y et la conclusion est claire.
Remarque 8.1. De même, si nous considérons un produit de plusieurs facteurs, les applica-
tions partielles obtenues en figeant une partie des variables d’une fonction mesurable f sont
mesurables. Par exemple : si f : 4i=1 X i → R est ⊗4i=1 T i -mesurable, alors l’application f x1 ,x2 =
Q
f ( x1 , x2 , ·, ·) : X 3 × X 4 → R est T3 ⊗ T4 -mesurable.
Remarque 8.2. Le principe de la preuve de la proposition 8.5 est important à retenir. Pour obtenir
des propriétés de mesurabilité ou intégrabilité des fonctions « générales », il est souvent suffisant
de raisonner sur des fonctions caractéristiques ; le reste est « automatique ».
Théorème 8.5 R (de Tonelli). Soit f : X × Y → [0, ∞] une fonction T ⊗ S -mesurable. Alors la
fonction y 7→ X f (·, y) d µ est S -mesurable. De plus, nous avons
Z Z µZ ¶
f dµ ⊗ ν = f ( x, y) d µ( x) d ν( y).
X ×Y Y X
est ν-mesurable (comme limite simple de fonctions mesurables). À nouveau par convergence mo-
notone, nous obtenons :
Z Z Z µZ ¶
f d µ ⊗ ν = lim f n d µ ⊗ ν = lim f n ( x, y) d µ( x) d ν( y)
X ×Y X ×Y Y X
Z µZ ¶
= f ( x, y) d µ( x) d ν( y),
Y X
R R 8.4. Si f : X ×Y → R est mesurable, alors f est intégrable ssi | f ( x, y)| d µ( x)) d ν( y) <
R R
Corollaire Y( X
∞ (ou X ( Y | f ( x, y)| d ν( y)) d µ( x) < ∞).
Démonstration. Nous appliquons le théorème précédent à f + et f − . Ceci implique que les fonctions
y 7→ X f ± (·, y) d µ sont ν-intégrables, donc finies ν-p. p. Si
R
½ Z Z ¾
B= y∈Y ; f + (·, y) d µ = ∞ et f − (·, y) d µ = ∞
X X
alors BR ∈ S , ν(B) = R0 (justifier) et X f (·, y) d µ est définie ssi y 6∈ B. Étant donné que g( y) =
R
Remarque 8.3. Les théorèmes de Tonelli et Fubini ont des variantes relatives à des produits
de plusieurs facteurs. Exemple : si f : Rn → [0, ∞] est R borélienne et positive, alors les fonctions
( x2 , . . . , xn ) 7→ R f ( x1 , x2 , . . . , xn ) d ν1 ( x1 ), ( x3 , . . . , xn ) 7→ R ( R f ( x1 , x2 , x3 , . . . , xn ) d ν1 ( x1 )) d ν1 ( x2 ), etc.,
R R
Proposition 8.6. Soit f : X ×Y → R une fonction T ⊗ S -mesurable. Alors pour presque tout x ∈ X
et y ∈ Y , les fonctions f x et f y sont S -, respectivement T -mesurables.
Remarque 8.4. Si λ est une mesure complète sur (T, A ) et g une fonction définie λ-p. p.
sur T , alors nous pouvons donner un sens naturel à la mesurabilité de g (même si elle n’est pas
définie en tout point). En effet, soit h un prolongement arbitraire de g de son domaine définition
à T tout entier (par exemple, le prolongement par la valeur 0). Si h est A -mesurable, alors tout
autre prolongement de g est A -mesurable, car égal à h λ-p. p. Dans ce cas, g est, par définition,
A -mesurable. De même, par définition g a une intégrale (par rapport à λ) ssiR h en a Rune ; à
nouveau, cette propriété ne dépend pas du choix de h. Dans ce cas, nous posons g d λ = h d λ ;
cette quantité ne dépend pas du choix de h.
Par ailleurs, il est facile de montrer que si g est limite λ-p. p. d’ une suite de fonctions définies
λ- p. p. et A -mesurables, alors g est A -mesurable. Plus généralement, la mesurabilité et la notion
d’intégrale définies de cette manière ont les principales propriétés de la mesurabilité et intégrales
habituelles. À titre d’exemple, nous avons un théorème adapté de convergence monotone :Rsi f n , f
sont définies et positives λ-p. p., si f n est A -mesurable, ∀ n et f n % f λ-p. p., alors f n % f .
R
à comparer à la conclusion
Z Z µZ ¶
f dµ ⊗ ν = f (·, y) d µ d ν( y) (8.4)
X ×Y Y X
du théorème de Tonelli.
8.6. LES GRANDS THÉORÈMES POUR µ ⊗ ν 77
Les formules (8.3)–(8.4) permettent de mieux comprendre le rôle du passage aux mesures
complétées, illustré dans les théorèmes 8.7 et 8.8.
Théorème R 8.7 (de Tonelli). Soit f : X × Y → [0, ∞] une fonction µ ⊗ ν-mesurable. Alors l’applica-
tion y 7→ X f ( x, y) d µ( x) (définie ν-p. p.) est S -mesurable et
Z Z µZ ¶
f dµ ⊗ ν = f ( x, y) d µ( x) d ν( y).
X ×Y Y X
Remarque 8.5. Ces théorèmes ont, dans le cas de plusieurs facteurs, des variantes que le lecteur
énoncera facilement.
Chapitre 9
Changements de variables
Si nous écrivons ces opérations en termes matriciels, alors a) revient à multiplier A à droite
par une matrice P i j , qui s’obtient de l’identité en permutant les colonnes i et j . b) revient à multi-
plier d’abord A à droite par la matrice Q i,c qui s’obtient de l’identité en multipliant la colonne i par
c, puis multiplier le résultat à droite par la matrice R i j qui s’obtient de l’identité en retranchant
la colonne i de la colonne j , enfin multiplier ce dernier résultat à droite par Q i,1/c .
Proposition 9.1. Toute matrice inversible est produit de matrices du type P i j , Q i,c et T i j .
Démonstration. Nous avons E = A −1 ( A (E )), donc si A (E ) est borélien, E l’est aussi. De même,
nous avons A (E ) = ( A −1 )−1 (E ), donc A (E ) est borélien si E l’est.
Soit C = [0, 1[n . C étant d’intérieur non vide et A étant un homéomorphisme, A (C ) est d’inté-
rieur non vide. Il s’ensuit que A (C ) contient un pavé ouvert non vide, d’où λn ( A (C )) = k = k A > 0.
Par ailleurs, A (C ) est borné (car C l’est), d’où k < ∞.
Posons µ(E ) = λn ( A (E ))/ k = νn ( A (E ))/ k, ∀ E ∈ BRn . Nous allons montrer que µ est la mesure de
Lebesgue sur BRn , d’où λn ( A (E )) = kλn (E ), ∀ E ∈ BRn .
79
80 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES
Clairement, µ est une mesure, car si (E n ) est une suite d. d. d. de boréliens, alors ( A (E n )) est
une suite d. d. d. de boréliens et donc µ(tE n ) = λn (t A (E n ))/ k = λn ( A (E n ))/ k = µ(E n ). Par
P P
construction, nous avons µ(C ) = 1 = λn (C ). Enfin, µ est invariante par translations, car µ(E + x) =
λn ( A (E + x))/ k = λn ( A (E ) + Ax)/ k = λn ( A (E ))/ k = µ(E ). Nous verrons plus tard (exercice 9.1) que la
seule mesure borélienne invariante par translations et telle que la mesure du cube C = [0, 1[n soit
égale à 1 est la mesure de Lebesgue sur les boréliens. Donc µ = νn .
Ensuite, nous montrons l’égalité (*) k A = |dét A | (qui permet de compléter la preuve du théo-
rème si E est borélien).
Dans un premier temps, notons l’égalité k AB = k A k B . En effet, nous avons k AB = λn ( AB(C )) =
k A λn (B(C )) = k A k B λn (C ) = k A k B .
Par ailleurs, nous avons aussi |dét ( AB)| = |dét A ||dét B|. Compte tenu de la proposition précé-
dente, il suffit alors de montrer (*) quand A est l’une des matrices P i j , Q i,c ou T i j (puis nous
multiplions ces égalités pour obtenir (*) pour A quelconque).
Si A = P i j , alors |dét A | = 1 et A (C ) = C , d’où k A = 1.
Si A = Q i,c , alors |dét A | = | c| et, selon le signe de c, nous avons A (C ) = [0, 1[ i−1 ×[0, c[×[0, 1[n− i−1
ou A (C ) = [0, 1[ i−1 ×] c, 0] × [0, 1[n− i−1 . Dans les deux cas, nous avons k A = | c| (justifier).
Enfin, soit A = T i j ; d’où |dét A | = 1. Pour simplifier l’écriture, nous prenons i = 1, j = 2. Alors
A (C ) = {( x1 + x2 , x2 , . . . , xn ) ; 0 ≤ xk < 1, k = 1, . . . , n}
= {( y1 , x2 , . . . , xn ) ; x2 ≤ y1 < 1 + x2 , 0 ≤ xk < 1, k = 2, . . . , n}.
Nous décomposons A (C ) = B1 t B2 , où B1 est l’ensemble des points de A (C ) tels que x2 ≤ y1 < 1
et B2 celui des points de A (C ) tels que 1 ≤ y2 < x2 + 1. Alors B1 est intersection finie de fermés
et ouverts (il est donné par un nombre fini d’inégalités affines), donc borélien. Il s’ensuit que
B2 = A (C ) \ B1 l’est aussi. Par ailleurs, nous avons B1 ⊂ C et B2 = (C \ B1 ) + e 1 . Donc
k A = λn ( A (C )) = λn (B1 ) + λn (B2 ) = λn (B1 ) + λn ((C \ B1 ) + e 1 ) = λn (B1 ) + λn (C \ B1 ) = λn (C ) = 1.
Remarque 9.1. Si A n’est pas inversible, alors pour toute partie E de Rn , A (E ) est Lebesgue
mesurable, de mesure nulle.
En effet, dans ce cas A (Rn ) est un sous espace de Rn de dimension ≤ n − 1, donc contenu dans
un hyperplan H . Si cet hyperplan est H0 = Rn−1 × {0}, alors λn ( H0 ) = νn−1 (Rn−1 ) ν1 ({0}) = 0. Si H
est un hyperplan quelconque, alors il existe une isométrie R de Rn telle que H = R ( H0 ) ; d’où
λn ( H ) = λn (R ( H0 )) = λn ( H0 ) = 0.
Il s’ensuit que λn ( A (Rn )) = 0, d’où λn ( A (E )) = 0 pour tout E .
Remarque 9.2. La mesure de Lebesgue étant invariante par translations, nous pouvons rem-
placer dans le théorème 9.1 « linéaire » par « affine ». En effet, si Bx = Ax + b, avec A matrice in-
versible et b ∈ Rn , alors λn (B(E )) = λn ( A (E ) + b) = λn ( A (E )) = |dét A |λn (E ), pour tout E Lebesgue
mesurable.
Démonstration. Nous avons déjà vu que la suite (K j ) était décroissante. Il reste à montrer que
∩K j = K . Si x ∈ K j , alors il existe un C de Q j tel que x ∈ C et C ∩ K 6= ;. Soit y j ∈ K ∩ C . Alors
k x − y j k∞ < 1/2 j , d’où dist( x, K ) < 1/2 j . Si x ∈ ∩K j , alors dist( x, K ) = 0, d’où x ∈ K .
Notons que l’ensemble K j est réunion a. p. d. de cubes (qui sont boréliens), donc un borélien. La
deuxième propriété découle du théorème de la suite décroissante si K 0 est borné (donc de mesure
de Lebesgue finie). Soit M tel que k xk∞ ≤ M , x ∈ K . De la première partie de la preuve, nous avons
dist( y, K ) < 1, ∀ y ∈ K 0 , d’où k yk∞ ≤ M + 1, ∀ y ∈ K 0 (justifier). K 0 est donc borné.
Pour la dernière propriété, soit ε = dist(K,U c ) > 0. Si 2 j 0 > 1/ε et j ≥ j 0 , alors 1/2 j < ε. Pour un
tel j , montrons que U ⊃ K j . Soit y ∈ K j . Alors il existe C ∈ Q j tel que y ∈ C et il existe x ∈ K ∩ C . Il
s’ensuit que k x − yk∞ < 1/2 j , d’où
Remarque 9.3. Pour obtenir la propriété K j & K , nous pouvons remplacer compact par fermé.
Exercice 9.1. Nous nous proposons de montrer que si µ est une mesure borélienne et invariante
par translations sur Rn telle que µ([0, 1[n ) = 1, alors µ = νn .
a) Montrer que µ([0, 1/ k[n ) = (1/ k)n , ∀ k ∈ N∗ . (Indication : recouvrir [0, 1[n avec des cubes d. d. d.
de taille 1/ k.)
b) Soit K j comme dans le lemme 9.1. Montrer que µ(K j ) = νn (K j ).
c) En déduire que µ(K ) = νn (K ) pour tout compact K ⊂ Rn .
d) Conclure.
en tout point de U ;
iii) Φ est bijective.
Rappelons que, sous ces hypothèses, le théorème d’inversion locale affirme que Φ−1 est encore
de classe C 1 (et a donc exactement les mêmes propriétés que Φ).
Nous notons D Φ( x) la matrice jacobienne de Φ en x ∈ U , D Φ( x) = (∂Φ i /∂ x j ( x)) i, j=1,...,n .
Nous aurons besoin par la suite du résultat suivant, laissé en exercice. Rappelons que U est
un ouvert de Rn .
Exercice 9.2. Soit (Y , d ) un espace métrique. Soit h ∈ C (U, Y ) et soit K un compact de U . Alors,
pour tout ν > 0, il existe un δ > 0 (indépendant de x ∈ U ) tel que :
i) si x ∈ K et si y ∈ Rn est tel que k x − yk∞ < δ, alors [ x, y] ⊂ U (ici, [ x, y] est le segment d’extrémités
x et y) ;
ii) si x ∈ K et y ∈ U sont tels que k x − yk∞ < δ, alors d ( h( x), h( y)) < ν.
Notons que, si C est un cube, alors C est borélien, d’où Φ(C ) = (Φ−1 )−1 (C ) est encore un boré-
lien.
Proposition 9.2. Soient K un compact de U et ε > 0. Alors il existe δ > 0 tel que : pour tout x ∈ K
et pour tout cube C de taille < δ et tel que x ∈ C , on ait λn (Φ(C )) ≤ (1 + ε) | JΦ ( x)| λn (C ).
Démonstration. Nous utilisons l’exercice 9.2 avec : Y = L (Rn ) muni de la norme (9.1), h( x) =
D Φ( x) et ν à fixer ultérieurement.
Soit δ la constante donnée par l’exercice 9.2 et soit C un cube de taille l < δ tel que x ∈ C ∩ K .
Le théorème des accroissements finis donne, pour y ∈ C :
kΦ( y) − Φ( x) − D Φ( x) · ( y − x)k∞ ≤ sup kD Φ( z) − D Φ( x)kk y − xk∞ ≤ ν l. (9.2)
z∈[x,y]
Notons que la propriété i) de l’exercice 9.2 est nécessaire pour que le segment [ x, y] qui apparaît
dans (9.2) soit contenu dans U .
Si nous posons A = D Φ( x) et b = Φ( x) − Ax, alors l’inégalité (9.2) devient kΦ( y) − A y − bk∞ ≤ ν l , ou
encore Φ( y) = A y + z pour un z ∈ B( b, ν l ). Il s’ensuit que
Φ(C ) ⊂ A (C ) + B( b, ν l ) = A (C ) + b + B(0, ν l ).
Par ailleurs, A étant inversible et linéaire, nous avons
A (C ) + b + B(0, ν l ) = A (C + A −1 b + A −1 (B(0, ν l ))).
Grâce au théorème 9.1, il s’ensuit que
λn (Φ(C )) ≤ λn ( A (C + A −1 b + A −1 (B(0, ν l )))) = |dét A |λn (C + A −1 b + A −1 (B(0, ν l )))
(9.3)
= |dét A |λn (C + A −1 (B(0, ν l ))).
Soit M = max{k(D Φ)−1 ( y)k ; y ∈ K } < ∞. Alors
k A −1 zk∞ = k(D Φ)−1 ( x) zk∞ ≤ k(D Φ)−1 ( x)k k zk∞ ≤ M k zk∞ , ∀ z ∈ Rn ,
d’où (justifier)
A −1 (B(0, ν l )) ⊂ B(0, M ν l ). (9.4)
Si z est le centre (de gravité) de C , alors C ⊂ B( z, l /2), ce qui implique (au vu de (9.4))
C + A −1 (B(0, ν l )) ⊂ B( z, (1 + 2 M ν) l /2). (9.5)
Remarque 9.4. Les deux intégrales qui apparaissent dans (9.6) sont finies, car nous intégrons,
par rapport à la mesure de Lebesgue, des fonctions continues sur un compact.
Démonstration. Nous pouvons supposer f ≥ 0 (sinon, nous travaillons avec f ± , puis nous retran-
chons les égalités obtenues).
Il suffit de montrer que nous avons, dans (9.6), « ≥ ». En effet, si cette inégalité est vraie pour
tout U, V , Φ, K et f , alors nous pouvons l’appliquer à V ,U, Φ−1 , Φ(K ) et f ◦ Φ | JΦ |. Nous trouvons
Z Z
−1
f | JΦ ◦ Φ | | JΦ−1 | | d λn ≥ f ◦ Φ | JΦ | d λn . (9.7)
Φ(K) K
Or, nous avons | JΦ ◦ Φ−1 | | JΦ−1 | = | JΦ ◦ Φ−1 JΦ−1 | = | JId | = 1. Il s’ensuit que (9.7) donne « ≤ » dans
(9.6).
Montrons « ≥ ». Soient ε > 0 et le δ correspondant donné par la proposition 9.2. Soit j 0 tel que
j0
1/2 < δ et soit j ≥ j 0 . Avec les notations de la section 9.3, soit (C i ) la famille (finie) de cubes d. d.
d. de Q j qui intersectent K . Soit, pour un tel cube, y i ∈ Φ(K ∩ C i ) un point de maximum de f sur
le compact Φ(K ∩ C i ). Alors
Z Z XZ
f d λn ≤ f ( y i ) λn (Φ(K ∩ C i )) ≤ f ( y i ) λn (Φ(C i )).
X X
f d λn = f d λn =
Φ(K) t i Φ(K ∩C i ) i Φ(K ∩C i ) i i
Z
Si x = Φ ( y ) ∈ K ∩ C i , alors cette inégalité devient
i −1 i
f ◦ Φ( x i ) λn (Φ(C i )). Posons
X
f d λn ≤
Φ(K) i
g = f ◦ Φ | JΦ |. La proposition 9.2 donne
Z
f d λn ≤ (1 + ε) f ◦ Φ( x i ) | JΦ ( x i )| λn (C i ) = g( x i ) | JΦ ( x i )| λn (C i ).
X X
(9.8)
Φ(K) i i
Notons (voir la preuve du lemme 9.1) que N = K j 0 est un compact contenu dans U et que nous
avons C i ⊂ N pour tout j ≥ j 0 et C i comme ci-dessus. Soit z i un point de minimum de g = f ◦ Φ | JΦ |
sur C i . Clairement (pourquoi ?), k x i − z i k∞ < 1/2 j . La fonction g étant uniformément continue sur
N , il s’ensuit que, si j est suffisamment grand, alors | g( x i ) − g( z i )| ≤ ε (voir l’exercice 9.2), et donc
(*) g( x i ) ≤ g( z i ) + ε. En utilisant (*) et (9.8) nous trouvons, pour un tel j ,
Z
f d λn ≤ (1 + ε) ( f ◦ Φ( z i ) | JΦ ( z i )| + ε) λn (C i )
X
Φ(K) i
f ◦ Φ( z i ) | JΦ ( z i )| λn (C i ) + (1 + ε) ε
X X
= (1 + ε) λ n (C i )
i i
XZ (9.9)
f ◦ Φ | JΦ | d λn + (1 + ε) ε
X
≤ (1 + ε) λn (C i ) (vérifier)
Ci
Zi i
= (1 + ε) f ◦ Φ | JΦ | d λn + (1 + ε) ε λn (K j ).
Kj
En utilisant :
a) la domination | f ◦ Φ | JΦ | χK j | ≤ | f ◦ Φ | JΦ | χ N |, j ≥ j 0 ;
84 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES
Démonstration. En notant que f = g ◦ Φ−1 | JΦ−1 |, il s’ensuit qu’il suffit à chaque fois d’établir une
implication ; l’implication inverse s’obtient en échangeant U avec V et Φ avec Φ−1 .
a) Si f est borélienne, alors clairement g l’est aussi.
b) Si g est Lebesgue mesurable, soient ge une fonction borélienne et A ⊂ U un borélien Lebesgue
négligeable tel que g = ge en dehors de A . Alors f = ge ◦ Φ−1 | JΦ−1 | en dehors de
R Φ( A ) ; il suffit donc
de montrer que Φ( A ) est négligeable. Or, le corollaire 9.2 donne λn (Φ( A )) = A | JΦ | d λn = 0.
c) Notons que le raisonnement ci-dessus montre que, si f = fe λn -p. p. sur V , alors f ◦ Φ | JΦ | =
f ◦ Φ | JΦ | λn -p. p. sur U . Étant donné que pour toute fonction Lebesgue mesurable f : V → R il
e
existe une fonction borélienne fe : V → R telle que f = fe λn -p. p., il suffit d’établir c) pour des
fonctions boréliennes.
En notant que f est positive ssi g l’est, il suffit d’établir c) quand f et borélienne et positive.
Si f = χE , avec E ∈ BV , l’égalité à montrer n’est rien d’autre que le corollaire 9.2. Par linéarité,
c) est encore vraie si la fonction borélienne f est étagée et positive. Le cas général s’obtient par
convergence monotone.
Proposition 9.5. Soit E ⊂ Rn . Alors E est Lebesgue négligeable ssi : pour tout ε > 0, il existe une
famille a. p. d. de cubes (C i ) telle que E ⊂ ∪C i et λn (C i ) < ε.
P
λn (U ) < ε.
Démonstration. Soit, pour l ∈ N∗ , Ul = { x ∈ Rn ; k xk∞ < l, dist( x,U c ) > 1/ l }, de sorte que Ul % U ,
Ul % U , Ul est compact et Ul ⊂ Ul +1 . Nous avons Ψ(E ) = ∪Ψ(E ∩ Ul ) ; il suffit donc de montrer que
Ψ(E ∩ Ul ) est λn -négligeable, ∀ l . Nous pouvons donc remplacer E par E ∩ Ul et supposer E ⊂ Ul .
Soit εl = dist(Ul , (Ul +1 ) c ), qui est > 0 (pourquoi ?). Soit ε < (εl )n . Soit (C i ) une suite de cubes
telle que E ⊂ ∪C i et λn (C i ) < ε. En particulier, nous avons λn (C i ) < ε pour tout i , d’où chaque
P
cube est de taille < ε1/n < εl . Quitte à enlever de la suite les cubes « inutiles » (qui n’intersectent pas
E ), nous pouvons supposer E ∩ C i 6= ;, pour tout i . Considérons, à i fixé, un point y ∈ E ∩ C i ⊂ Ul .
Si x ∈ C i , nous avons k x − yk∞ < εl , d’où dist( x,Ul ) < εl . Il s’ensuit que ∪C i ⊂ Ul +1 .
Soit, pour chaque i , x i le centre (de gravité) de C i . Pour x ∈ C i , le segment [ x, x i ] est contenu dans
C i , donc dans Ul +1 . Le théorème des accroissement finis donne (*) kΦ( x) − Φ( x i )k∞ ≤ C k x − x i k∞ ,
x ∈ C i , où C = max{kD Φ( y)k ; y ∈ Ul +1 } < ∞.
Si δ i est la taille de C i , alors (*) équivaut à Φ(C i ) ⊂ B(Φ( x i ), C δ i ). Nous trouvons Φ(E ) ⊂ ∪B(Φ( x i ), C δ i ),
d’où
λn (Φ(E )) ≤ (2C )m δm m m− n
λn (C i ) < (2C )m εm −n
X X
i ≤ (2 C ) ε l l ε. (9.11)
Tout point de R2 s’écrit sous la forme ( x, y) = ( r cos θ , r sin θ ), avec r = ( x2 + y2 )1/2 ≥ 0 et θ ∈ [0, 2π[.
Si ( x, y) 6= (0, 0), alors cette écriture est unique et, de plus, θ = 0 ⇐⇒ x > 0 et y = 0. Soit Φ : R2 → R2 ,
Φ( r, θ ) = ( r cos θ , r sin θ ). Alors Φ ∈ C 1 et JΦ ( r, θ ) = r . Il s’ensuit de ce qui précède que Φ est une
bijection de U =]0, ∞[×]0, 2π[ vers V = R2 \ ([0, ∞[×{0}). Par ailleurs, nous avons JΦ 6= 0 sur U ,
d’où Φ : U → V est un difféomorphisme.
Avec E = ∂U et F = [0, ∞[×{0}, nous avons Φ(E ) = F et E est un fermé Lebesgue négligeable
(justifier). Nous pouvons donc appliquer le théorème 9.3 (avec U1 = R2 ) : si f : R2 → R est Lebesgue
mesurable, alors
Z Z
f d λ2 = f ( r cos θ , r sin θ ) r d λ2 ( r, θ )
R2 [0,∞[×[0,2π]
(au sens où soit les deux intégrales existent et alors elles sont égales, soit elles n’existent pas).
Soit x = ( x1 , x2 , x3 ) ∈ R3 . Soit ρ = ( x12 + x22 )1/2 . Il existe θ ∈ [0, 2π[ tel que ( x1 , x2 ) = (ρ cos θ , ρ sin θ ).
Par ailleurs, (ρ , x3 ) s’écrit sous la forme (ρ , x3 ) = ( r cos ϕ, r sin ϕ), avec r ≥ 0 et ϕ ∈ [−π/2, π/2[ (la
condition sur ϕ vient du fait que ρ ≥ 0). Il s’ensuit que tout point x ∈ R3 s’écrit sous la forme
x1 = r cos ϕ cos θ , x2 = r cos ϕ sin θ , x3 = r sin ϕ, avec r ≥ 0, ϕ ∈ [−π/2, π/2[, θ ∈ [0, 2π[. (9.12)
Si, de plus, x 6∈ ({(0, 0)} × R) ∪ (]0, ∞[×{0} × R), alors nous pouvons prendre r > 0, ϕ ∈] − π/2, π/2[
et θ ∈]0, 2π[ et, pour un tel choix des coordonnées r, ϕ, θ , l’écriture (9.12) est unique.
Soit Φ : R3 → R3 , Φ( r, ϕ, θ ) = ( r cos ϕ cos θ , r cos ϕ sin θ , r sin ϕ). Avec
U1 = R3 , U =]0, ∞[×] − π/2, π/2[×]0, 2π[ et V = R3 \ (({(0, 0)} × R) ∪ (]0, ∞[×{0} × R)),
Φ est une bijection de classe C 1 entre U et V . Par ailleurs, nous avons JΦ ( r, ϕ, θ ) = − r 2 cos ϕ, d’où
JΦ 6= 0 sur U et donc Φ : U → V est un difféomorphisme.
Avec E = ∂U et F = ({(0, 0)} × R) ∪ (]0, ∞[×{0} × R), nous avons E fermé, λ3 (E ) = 0 et Φ(E ) = F
(vérifier).
Le théorème du presque changements de variables donne : si f : R3 → R est Lebesgue mesu-
rable, alors
Z Z
f d λ3 = f ( r cos ϕ cos θ , r cos ϕ sin θ , r sin ϕ) r 2 cos ϕ d λ3 ( r, ϕ, θ ).
R3 [0,∞[×[−π/2,π/2]×[0,2π]
Si ( x1 , x2 ) ∈ R2 \ ([0, ∞[×{0}), alors ( x1 , x2 , x3 ) = ( r cos θ , r sin θ , x3 ), avec r > 0, 0 < θ < 2π, l’écri-
ture étant unique. Avec Φ( r, θ , x3 ) = ( r cos θ , r sin θ , x3 ) (de sorte que JΦ ( r, θ , x3 ) = r ), U1 = R3 ,
U =]0, ∞[×]0, 2π[×R, V = R3 \ ([0, ∞[×{0} × R), E = ∂U , F = [0, ∞[×{0} × R, le théorème du presque
changement de variables donne : si f : R3 → R est Lebesgue mesurable, alors
Z Z
f d λ3 = f ( r cos θ , r sin θ , x3 ) r d λ3 ( r, θ , x3 ).
R3 [0,∞[×[0,2π]×R
Soit Φn : Rn → Rn , Φn ( r, θ1 , θ2 , . . . , θn−1 ) = ( r cos θ1 cos θ2 . . . cos θn−1 , r cos θ1 cos θ2 . . . sin θn−1 ,
r cos θ1 cos θ2 . . . cos θn−3 sin θn−2 , . . . , r sin θ1 ).
x = Φn ( r, θ1 , θ2 , . . . , θn−1 ). La preuve se fait par récurrence
Tout point de Rn s’écrit sous la forme q
sur n. Passage de n − 1 à n : soit ρ = x12 + x22 . Nous appliquons l’hypothèse de récurrence à
(ρ , x3 , . . . , xn ), qui s’écrit donc Φn−1 ( r, θ1 , . . . , θn−2 ). Nous avons alors ρ = r cos θ1 . . . cos θn−2 , d’où il
existe θn−1 tel que x1 = r cos θ1 . . . cos θn−2 cos θn−1 et x2 = r cos θ1 . . . cos θn−2 sin θn−1 . Nous concluons
à l’égalité x = Φn ( r, θ1 , θ2 , . . . , θn−1 ).
Une preuve analogue par récurrence montre (nous omettons les détails) que l’on peut prendre
r ≥ 0, θ1 , . . . , θn−2 ∈ [−π/2, π/2] et θn−1 ∈ [0, 2π].
Le jacobien de Φn est (*) JΦn = (−1)n(n+1)/2+1 r n−1 cosn−2 θ1 cosn−3 θ2 . . . cos θn−2 . Preuve par ré-
currence sur n, les cas n = 2, 3 étant établis. Si a 1 , . . . , a n−1 désignent les cooordonnées de Φn−1 ,
cos θn−1 Da 1 −a 1 sin θn−1
sin θ a 1 cos θn−1
n−1 Da 1
alors Φn = (a 1 cos θn−1 , a 1 sin θn−1 , a 2 , . . . , a n ). Il s’ensuit que D Φn = Da 2 0 .
... 0
Da n 0
n
En développant le déterminant selon la dernière colonne, nous obtenons JΦn = (−1) a 1 JΦn−1 , re-
lation de récurrence qui permet d’établir facilement (*).
Avec U1 = Rn , U =]0, ∞[×]−π/2, π/2[n−2 ×]0, 2π[, E = ∂U , F = ∪nj=−12 (Rn− j ×{0}×R j−1 )∪ ([0, ∞[×{0}×
Rn−2 ), V = Rn \ F , nous déduisons (comme pour les coordonnées sphériques) que Φ : U → V est un
C 1 -difféomorphisme, que E est un fermé λn -négligeable et que Φ(E ) = F .
88 CHAPITRE 9. CHANGEMENTS DE VARIABLES
Le théorème
Z du presque
Z changement de variables donne : si f : Rn → R est Lebesgue mesu-
rable, alors f d λn = f ◦ Φn r n−1 cosn−2 θ1 cosn−3 θ2 . . . cos θn−2 d λn .
Rn [0,∞[×[−π/2,π/2]n−2 ×[0,2π]
Démonstration. Nous faisons la preuve de b) ; preuves similaires dans les autres cas.
En passant en coordonnées sphériques généralisées et en appliquant le théorème de Tonelli,
nous avons, avec g(θ1 , . . . , θn−1 ) = cosn−2 θ1 . . . cos θn−2 ,
Z Z
−a −b
| x| | ln x| d λn = r −a+n−1 | ln r |−b g d λn
B1/2 [0,1/2[×[−π/2,π/2]n−2 ×[0,2π]
Z 1/2
−a+ n−1 −b
=C r | ln r | d λ1 ,
0
R π/2 R π/2 R 2π
où C = −π/2 cosn−1 θ1 d θ1 . . . −π/2 cos θn−2 d θn−2 0 d θn−1 . Nous avons 0 < C < ∞, ce qui montre
que
R 1/2 l’intégrale de départ est finie si et seulement si l’intégrale (de Lebesgue ou généralisée)
a− n+1
0 1/( r | ln r |b ) d λ1 est finie, ce qui équivaut à a < n ou [a = n et b > 1].
Chapitre 10
Espaces L p
Dans tout le chapitre, ( X , T , µ) est un espace mesuré fixé. f , g, etc. : X → R sont des fonc-
tions mesurables. Même sans mention explicite, la mesurabilité des fonctions concernées est
assumée dans chaque énoncé. Le p. p. est relatif à la mesure µ.
10.1 L p versus L p
Définition 10.1. a) Si 1 ≤ p < ∞,
µZ ¶1/p µZ ¶1/p
p p
k f kL p = |f | = | f | dµ .
X
b) Si p = ∞,
c) L p = L p ( X , µ) = { f : X → R ; k f kL p < ∞}.
La propriété b) de l’exercice 10.1 combinée avec l’exercice 4.8 montrent que la définition sui-
vante de k f kL p est correcte.
89
90 CHAPITRE 10. ESPACES L P
Le sens de cette égalité est que pour tout représentant g de f , l’égalité précédente est vraie si
nous remplaçons à droite f par g.
Abus de notation analogue dans L∞ .
Plus généralement, nous pouvons définir de la même manière k f kL p , 1 ≤ p ≤ ∞, si f est une classe
d’équivalence de { g : X → R ; g mesurable} pour ∼. Nous avons alors L p = { f ; k f kL p < ∞}.
Remarque 10.1. Nous allons étudier dans la suite plusieurs propriétés des espaces L p . La pre-
mière question à se poser (qui sera parfois éludée par la suite, mais que le lecteur est invité à
élucider pour chacun des résultats suivants) est si la preuve est indépendante du choix de la
fonction dans la classe d’équivalence.
Illustrons cette question pour l’inégalité de Hölder, étudiée dans la section suivante. Dans le
cas particulier p = 2, cette inégalité affirme que k f gkL1 ≤ k f kL2 k gkL2 . Pour prouver cette inégalité,
nous allons montrer que
Z µZ ¶1/2 µZ ¶1/2
2 2
| f1 g1| ≤ | f1| | g1| , ∀ f 1 , g 1 : X → R. (10.1)
Pour conclure, il suffit de remarquer que f 1 g 1 est dans la classe de f g. Ceci découle de l’exercice
suivant.
Dans le même esprit, nous mentionnons la propriété suivante, utilisée dans la définition du
produit de convolution.
h( y) = f ( x − y) g( y), h 1 ( y) = f 1 ( x − y) g 1 ( y), ∀ y ∈ Rn .
Remarque 10.3. Nous pouvons identifier de manière naturelle les classes d’équivalence des fonc-
tions T -mesurables et T -mesurables. En effet, soit f 1 : X → R une fonction T -mesurable. Alors
10.2. INÉGALITÉ DE HÖLDER 91
(proposition 4.5 a)) il existe une fonction T -mesurable g 1 : X → R telle que f 1 = g 1 µ-p. p. (ou, ce
qui est équivalent, telle que f 1 = g 1 µ-p. p.).
Notons : f la classe de f 1 par rapport à ( X , T , µ), g la classe de g 1 par rapport à ( X , T , µ), G
la classe de g 1 par rapport à ( X , T , µ). Par choix de g 1 , nous avons f = g. Par ailleurs, nous avons
G ⊂ g (vérifier). L’application f 7→ G est bien définie et bijective, de réciproque G 7→ g (vérifier).
Cette identification naturelle s’étend aux espaces L p : si f 1 ∈ L p ( X , µ), alors les classes res-
pectives satisfont f ∈ L p ( X , µ) et G ∈ L p ( X , µ), ce qui donne une bijection naturelle, f 7→ G , entre
L p ( X , µ) et L p ( X , µ). Cette bijection préserve la norme : k f kL p (X ,µ) = kG kL p (X ,µ) (vérifier).
En particulier, nous pouvons identifier L p (Rn , λn ) à L p (Rn , νn ).
Exercice 10.5 (espaces ` p ). a) Si µ est la mesure de comptage, alors l’égalité p. p. équivaut à
l’égalité. Ainsi, nous pouvons identifier naturellement L p et L p .
Si X = N muni de la mesure de comptage sur P (N), alors nous définissons ` p = ` p (N) = L p = L p ,
1 ≤ p ≤ ∞.†
b) Si (a n ) est une suite indexée sur n ∈ N, montrer que
(¡ P ¢1/p
|a n | p , si 1 ≤ p < ∞
k(a n )k` p = .
sup |a n |, si p = ∞
Exercice 10.8 (inégalité de Young). Soient 1 < p, q < ∞ exposants conjugués. Alors
ap bq
ab ≤ + , ∀ a, b ∈ [0, ∞[. (10.2)
p q
Supposons maintenant que 1 < p, q < ∞. Nous pouvons aussi supposer que 0 < k f kL p < ∞ et
0 < k gkL q < ∞ (justifier). Dans ce cas, nous avons | f | < ∞ p. p. et | g| < ∞ p. p. (justifier) et donc
nous pouvons travailler avec des fonctions finies en tout point (voir aussi la remarque 6.3). Pour
de telles fonctions et pour A ∈]0, ∞[, l’inégalité de Young donne
A p | f ( x)| p | g( x)| q
| f ( x) g( x)| = [ A | f ( x)|] [ A −1 | g( x)|] ≤ + , ∀x ∈ X. (10.4)
p Aq q
Ap 1
Z
p q
| f g| ≤ k f kL p + q k g kL q . (10.5)
p A q
En choisissant, dans (10.5), la valeur de A qui minimise le membre de droite de (10.5), à savoir
q/(p+ q)
k g kL q
A= p/(p+ q)
,†
k f kL p
k f 1 f 2 . . . f k kL1 ≤ k f 1 kL p1 k f 2 kL p2 . . . k f k kL p k , ∀ f 1 , f 2 , . . . , f k : X → R.
De plus, nous pouvons remplacer dans (10.6) le sup par max et considérer uniquement des fonc-
tions g telles que f g ≥ 0.
b) Si µ est σ-finie, alors l’égalité (10.6) reste vraie pour p = ∞.
Soit maintenant 1 < p < ∞. Si k f kL p = 0, la conclusion est claire. Supposons k f kL p > 0. Soit h( x) =
p−1
| f ( x)| p−1 sgn f ( x). Alors h est mesurable et k hkL q = k f kL p (vérifier). Soit g = h/k hkL q , de sorte que
k gkL q = 1. Alors
Z Z
f g = (1/k hkL ) | f | p = k f kL p .
q
b) Supposons M = k f kL∞ > 0, sinon la conclusion est claire. Soit ( X n ) une suite croissante telle
que X n % X et µ( X n ) < ∞, ∀ n. Soit 0 < ε < M et soit
Alors µ( A ) > 0 (justifier). Soit h n = χ A ∩ X n sgn f , qui satisfait k h n kL1 = µ( A ∩ X n ) (vérifier). Par
théorème de la suite croissante, pour n suffisamment grand nous avons µ( A ∩ X n ) > 0. Pour un tel
n, posons g n = h n /µ( A ∩ X n ), de sorte que k g n kL1 = 1 . Nous obtenons
½Z ¾ Z Z
1
sup f g ; g ∈ L , k gkL1 ≤ 1 ≥ f g n = (1/µ( A ∩ X n )) | f | > M − ε. (10.7)
A∩ X n
Lemme 10.1. Soient 1 < p, q < ∞ exposants conjugués. Soit (a k ) une suite de nombres réels
positifs telle que (a k ) p = ∞. Alors il existe une suite (αk ) de nombres réels positifs telle que
P
αk a k = ∞ et (αk ) q < ∞.
P P
(a k ) p−1
αk = , ∀ j ≥ 1, ∀ k j ≤ k < k j+1 − 1,
j (S j ) p−1
donne une suite (αk ) avec les propriétés désirées. En effet, nous avons
k jX
+1 −1 X Sj X 1
X X 1 p
αk a k = ( a k ) = ≥ = ∞,
j j (S j ) p−1 k=k j j j j j
k jX
+1 −1
1 X 1
(αk ) q = (a k ) p =
X X
q p q
< ∞.
j j ( S j ) k= k j j j
1,
si t > 0
†. Rappelons la définition de la fonction « signe » : sgn ( t) = 0, si t = 0 .
−1, si t < 0
94 CHAPITRE 10. ESPACES L P
p
Supposons 1 < p ≤ ∞. Supposons, par R l’absurde, que f 6∈ L . Pour un tel f , nous allons construire
q
une fonction g ∈ L telle que f g ≥ 0 et f g = ∞ – ce qui constitue la contradiction recherchée.
Étape 1. Construction de g si 1 < p < ∞ et µ est finie
Soit B = { x ∈ X ; | f ( x)| = ∞}. Si µ(B) > 0, alors g = sgn f χB convient. Ainsi, nous pouvons supposer
que µ(B) = 0, ce qui revient à | f | < ∞ p. p. Ainsi, nous pouvons supposer f finie (justifier).
Soit k ∈ Z. Posons A k = { x ∈ X ; 2k ≤ | f ( x)| < 2k+1 }, de sorte que les A k sont d. d. d. et f = 0 sur
X \ t A k . Soit f k = f χ A k . D’une part, nous avons
Z
p
k f k kL p (X ) = | f | p ≤ 2(k+1)p µ( A k ) < ∞. (10.8)
Ak
Le lemme 10.1 combiné avec (10.9) montre que l’on peut trouver αk tels que αk k f k kL p (X ) = ∞ et
P
p
R un n 0 , alors, de l’étape précédente, il existe g n : Yn → R telle que
R
R(vérifier).q Si Yn | f n0 | = ∞ pour
Yn0 | g n 0 | < ∞, f n 0 g n 0 ≥ 0 et Yn0 f n 0 g n 0 = ∞. Alors g = g n 0 χYn0 a les propriétés souhaitées.
Nous pouvons donc supposer que Yn | f n | p < ∞ pour tout
R
q
R n. De la preuve de la proposition 10.1 a),
il existe g n ∈ L (Yn ) telle que k g n kL q = 1, f n g n ≥ 0 et Yn f n Rg n = k f n kL p (Yn ) . Nous définissons g =
αn g n χ A n avec αn ≥ 0 à déterminer de sorte que g ∈ L q et f g = ∞. Comme dans l’étape 1, ces
P
propriétés sont vraies si nous choisissons (via le lemme 10.1), des αn tels que αn k f n kL p (Yn ) = ∞
P
et (αn ) q = ∞ (vérifier).
P
µ(B) > 0, alors 0 < µ(B ∩ Yn ) < ∞ pour (au moins) un n. Pour un tel n, g = sgn f χB∩Yn convient
(vérifier). L’étape 3 est donc complétée si µ(B) > 0. Ainsi, nous pouvons supposer que µ(B) = 0, d’où
| f | < ∞ p. p. Posons A j = { x ∈ X ; j ≤ | f ( x)| < j + 1}, ∀ j ∈ N∗ . Notons que les A j sont d. d. d. Comme
f 6∈ L∞ , il existe une infinité de j tels que µ( A j ) > 0 (justifier). Soient 1 ≤ j 1 < j 2 < · · · < j k < · · · tels
que µ( A j k ) > 0, ∀ k. Soit f k la restriction de f à A j k , de sorte que f k ∈ L∞ ( A j k ). De la preuve de la
proposition 10.1 b), il existe g k ∈ L1 ( A j k ) telle que k g k kL1 (A j ) = 1, f k g k ≥ 0 et
k
Z
f k g k ≥ (1/2) k f k kL∞ (A k ) ≥ (1/2) j k ≥ (1/2) k.
A jk
10.3. NORME ET COMPLÉTUDE 95
Z X jk X 1
(1/2 k)2 k f k kL∞ ≥
X
f g≥ 2
≥ = ∞.
2k 2k
Démonstration. Nous pouvons travailler avec des fonctions finies en tout point (justifier).
a) Les cas p = 1 et p = ∞ suivent de l’exercice 10.1 e). Nous pouvons donc supposer 1 < p < ∞
et aussi k f kL p < ∞, k gkL p < ∞. La fonction t 7→ Φ( t) = | t| p étant convexe,‡ nous avons Φ(( s + t)/2) ≤
(Φ( s) + Φ( t))/2, ∀ s, t ∈ R, d’où | s + t| p ≤ 2 p−1 (| s| p + | t| p ), ∀ s, t ∈ R (vérifier). Ceci implique | f + g| p ≤
2 p−1 (| f | p + | g| p ). En intégrant cette inégalité avec f , g ∈ L p , nous obtenons que f + g ∈ L p .
Comme f + g ∈ L p , nous pouvons appliquer la proposition 10.1 a). Avec q le conjugué de p,
nous obtenons
½Z ¾
q
k f + gkL p = sup ( f + g ) h ; h ∈ L , k hk L q ≤ 1
½Z ¾ ½Z ¾
q q
≤ sup f h ; h ∈ L , k hkL q ≤ 1 + sup g h ; h ∈ L , k hk L q ≤ 1
= k f kL p + k g kL p .
Démonstration. Ceci est vrai pour toute norme (car une norme est, d’après l’inégalité triangulaire,
Lipschitzienne de constante 1).
Démonstration. Rappelons le principe suivant de preuve. Pour montrer qu’un espace métrique
(en particulier, normé) est complet, il suffit de montrer que toute suite de Cauchy contient une
sous-suite convergente. Pour construire une telle sous-suite, nous reprenons essentiellement la
preuve du théorème 7.3.
Soit ( f n ) une suite de Cauchy dans L p et soit ( f n k ) une sous-suite telle que k f n k − f n k+1 kL p ≤
− k−1
2 , ∀ k ≥ 0.
Supposons d’abord 1 ≤ p < ∞. Pour tout k ≥ 1, posons g k = | f n0 |+ kj=−11 | f n j − f n j+1 |. La suite ( g k )
P
| f n k | ≤ g k ≤ g et k g k kL p ≤ k f n0 kL p + 1. (10.11)
†. Un espace semi-normé est un espace vectoriel muni d’une « semi-norme ». Une semi-norme x 7→ k xk vérifie
toutes les propriétés de la norme sauf k xk = 0 =⇒ x = 0.
‡. Vérifier la convexité de la fonction Φ en étudiant la monotonie de sa dérivée.
§. Un espace normé complet est un « espace de Banach ». Donc L p est un espace de Banach.
96 CHAPITRE 10. ESPACES L P
Le théorème de convergence monotone et la deuxième partie de (10.11) donnent k gkL p < ∞. Nous
avons en particulier g( x) < ∞ p. p. Si x est tel que g( x) < ∞, alors
X
| f n 0 ( x )| + |( f n j − f n j+1 )( x)| ≤ g( x) < ∞.
j ≥0
P
Il s’ensuit que pour un tel x la série f n0 ( x) + j≥0 (( f n j − f n j+1 )( x)) converge vers un f ( x) tel que
| f ( x)| ≤ g( x) (justifier). Les sommes partielles de la série étant f n k ( x), nous obtenons f n k ( x) → f ( x)
et | f n k ( x)| p ≤ ( g( x)) p . Pour les autres x, nous définissons f ( x) = 0. De
Z ce qui précède, nous avons
f ∈ L p . Le théorème de convergence dominée (variante p. p.) donne | f n k − f | p → 0, d’où f n k → f
dans L p .
Enfin, supposons p = ∞. Soit B ∈ T négligeable tel que f n0 soit bornée sur X \ B. Soit A k ∈ T
un ensemble négligeable tel que | f n k − f n k+1 | ≤ 2−k−1 dans X \ A k . Soit A = B ∪ ∪ A k ∈ T , qui
est encore négligeable. Sur X \ A , f n0 est bornée et la suite ( f n k ) est de Cauchy pour la norme
uniforme. Elle converge donc uniformément vers une fonction bornée f . En posant f ( x) = 0 si
x ∈ A , nous avons f ∈ L∞ et f n k → f dans L∞ (vérifier).
Démonstration. L’inégalité de Hölder avec p = q = 2 implique que < f , g > est bien défini. La
linéarité dans chaque variable et la symétrie étant évidentes, il suffit de vérifier que < f , f >=
0 =⇒ f = 0. Ceci découle de la dernière égalité de l’énoncé, qui est claire.
†. L2 est donc un espace normé complet dont la norme provient d’un produit scalaire : c’est un « espace de Hilbert ».
Chapitre 11
Convolution
D’après l’exercice 10.4, la définition du produit de convolution a aussi un sens pour des classes
f et g. Dans la suite, nous travaillerons soit avec des classes, soit avec des fonctions boréliennes.
(Rappelons que dans chaque classe nous pouvons choisir un représentant borélien ; voir l’exercice
10.6 a).)
Exercice 11.1. Nous avons f ∗ g( x) = g ∗ f ( x), au sens où l’une de ses quantités existe ssi l’autre
existe et dans ce cas elles sont égales.
k f ∗ gkL r ≤ k f kL p k g kL q . (11.2)
c) Si 1/ p + 1/ q = 1 (et donc r = ∞), alors nous avons les conclusions plus fortes suivantes : f ∗ g est
défini en tout point, et | f ∗ g( x)| ≤ k f kL p k gkL q , ∀ x ∈ Rn .
Démonstration. Commençons par le point c). Par symétrie du produit, nous pouvons supposer
p < ∞ (justifier). Avec h( y) = f ( x − y), l’inégalité de Hölder donne
Z
| f ∗ g|( x) ≤ | h( y) g( y)| d y ≤ k hkL p k gkL q = k f kL p k gkL q , ∀ x ∈ Rn
(justifier la dernière égalité), ce qui au passage montre que f ∗ g est défini en tout point (justifier).
97
98 CHAPITRE 11. CONVOLUTION
Supposons maintenant 1/ p + 1/ q > 1 et donc 1 ≤ r < ∞. Comme déjà remarqué, nous pouvons
considérer des fonctions boréliennes au lieu de classes d’équivalence. Il suffit de traiter le cas des
fonctions positives. En effet, si les conclusions du théorème sont vraies pour | f | et | g|, alors f ∗ g( x)
est défini pour tout x tel que | f | ∗ | g|( x) soit fini, et pour un tel x nous avons
(vérifier et justifier les deux dernières lignes, en considérant séparément les cas où p = r ou q = r ).
Ceci implique
Z Z µZ ¶
r− p r− q
kf ∗ gkLr r = [ f ∗ g( x)] r
dx ≤ k f kL p k gkL q p q
f ( x − y) g ( y) d y dx
Rn Rn Rn
Z µZ ¶
r− p r− q
= k f kL p k g kL q f p ( x − y) dx g q ( y) d y = k f kLr p k gkLr q
Rn Rn
11.2 Régularisation
Dans cette partie, nous travaillons dans Rn muni de la norme euclidienne, désignée par « | | ».
Les intégrales s’entendent par rapport à la mesure de Lebesgue.
Lemme 11.1. Il existe une fonction ζ ∈ C ∞ (Rn , R), non identiquement nulle, telle que :
i) 0 ≤ ζ ≤ 1 si | x| < 1 ;
ii) ζ( x) = 0 si | x| ≥ 1.†
La fonction ζ est alors intégrable d’intégrale strictement positive (justifier). En divisant ζ par
son intégrale, nous obtenons ainsi l’existence d’un noyau régularisant.
( †. Voici2 un exemple explicite de telle fonction (dont nous ne vérifierons pas ici les propriétés). ζ( x) =
e−1/(1−| x| ) , si | x| < 1
.
0, si | x| ≥ 1
11.2. RÉGULARISATION 99
Définition 11.2. a) Un noyau régularisant (standard) est une fonction ρ ∈ C ∞ (Rn , R) telle
que :
i) ρ ( x) ≥ 0 si | x| < 1 ;
ii) ρR( x) = 0 si | x| ≥ 1 ;
iii) ρ = 1.
Si ρ : Rn → R, nous posons
Démonstration. Rappelons le résultat suivant : une fonction continue sur Rn qui s’annule en de-
hors d’un compact est bornée.
Soit R < ∞ tel que ϕ( x) = 0, ∀ | x| ≥ R . Soit ∂α une dérivée partielle d’ordre ≤ k. Alors ∂α ϕ est
continue et s’annule en dehors de B(0, R ) (justifier), donc il existe une constante finie C α telle que
|∂α ϕ( x)| ≤ C α , ∀ x ∈ Rn .
De ce qui précède, nous avons la majoration | h( y, z)| ≤ g( y) = C 0 | f ( y)| χB(0,r) ( y), ∀ z ∈ B( x, 1). Pour
conclure, il suffit de noter que g est intégrable, car, par l’inégalité de Hölder, si q est le conjugué
de p alors
Enfin, notons l’égalité ∂ j ( f ∗ ϕ) = f ∗ (∂ j ϕ). Le raisonnement est analogue à celui qui donne la
continuité de f ∗ ϕ ; on utilise le théorème 7.10 au lieu du théorème 7.9 (vérifier). Par récurrence
sur l’ordre de différentiation, ceci permet d’établir c) pour tous les α concernés.
Pour conclure, f ∗ ϕ a, jusqu’à l’ordre k, des dérivées partielles continues qui vérifient c). La
preuve est complète.
100 CHAPITRE 11. CONVOLUTION
Remarque 11.1. Notez l’ambiguïté de la formulation. Considérons par exemple la deuxième par-
tie du théorème 11.2. Au sens stricte du terme, C ∞ ∩ L p n’a pas de sens, car L p contient des classes
et C ∞ des fonctions. Le sens de l’énoncé est le suivant : pour tout f ∈ L p , il existe une suite ( f j )
telle que :
a) f j ∈ C ∞ ∩ L p , ∀ j ;
b) pour tout représentant g de f , f j → g dans L p .
Une formulation équivalente est que, avec f j comme ci-dessus, la classe fej ∈ L p de f j vérifie
fej → f dans L p .
Lemme 11.2. Soit 1 ≤ p < ∞. Soient f ∈ L p (Rn ) et δ > 0. Alors il existe une fonction étagée de la
forme g = a j χK j , avec K j compact, ∀ j , telle que k f − gkL p < δ.
P
De manière équivalente, l’espace vectoriel engendré par les fonctions χK , avec K ⊂ Rn compact,
est dense dans L p (Rn ).†
Démonstration du théorème 11.2. Pour la deuxième partie du théorème, il suffit de noter que f ∗
ρ ε ∈ C ∞ (Rn ) (proposition 11.1) et d’appliquer (11.4).
Soit
Par linéarité du produit de convolution par rapport au premier argument, X est un sous-
espace vectoriel de L p . Montrons que X est fermé dans L p . Soit ( f j ) ⊂ X avec f j → f dans L p . Soit
δ > 0. Alors il existe un j et un ε0 tels que k f j − f kL p < δ/3 et k f j ∗ ρ ε − f j kL p < δ/3, ∀ 0 < ε < ε0 .
L’inégalité de Young et le fait que kρ ε kL1 = 1, ∀ ε (exercice 11.2) donnent
k f ∗ ρ ε − f kL p ≤ k( f − f j ) ∗ ρ ε kL p + k f j ∗ ρ ε − f j kL p + k f j − f kL p
≤ k f − f j kL p + k f j ∗ ρ ε − f j kL p + k f j − f kL p < δ, ∀ 0 < ε < ε0 .
†. Par abus de langage, comme expliqué dans la remarque 11.1, la conclusion du lemme 11.2 est que les fonctions
étagées de la forme g = a j χK j sont denses dans L p (Rn ). Par ailleurs, la conclusion reste valable si nous remplaçons
P
Alors K j & K , K j est un compact et il existe j tel que λn (K j \ K ) < δ (lemme 9.1). Posons ` = 2 j et
ε0 = 1/`. Soit 0 < ε < ε0 .
Notons les faits suivants (évidents sur un dessin ; les justifier en utilisant la deuxième égalité
dans (11.6)) :
x 6∈ K j =⇒ χK ` ∗ ρ ε ( x) = 0. (11.10)
Démonstration du lemme 11.2. Soit f ∈ L p . Nous pouvons travailler avec une fonction borélienne
au lieu d’un classe. Soit ( f k ) une suite de fonctions boréliennes étagées telle que sgn f k = sgn f ,
∀ k, f k → f et | f k | % | f | (l’existence d’une telle suite suit de la preuve du théorème 3.1). Par
convergence dominée, nous avons k f k − f kL p → 0 (justifier). Chaque f k étant une somme finie de
la forme a j χ A j , avec A j borélien et νn ( A j ) < ∞ (la dernière propriété découlant de f j ∈ L p ;
P
Démonstration. Soit ε0 = dist (K,U c ), de sorte que ε0 > 0 (pourquoi ?). Soit 0 < ε < ε0 /2. Posons
L = { x ∈ Rn ; dist( x, K ) ≤ ε}, M = { x ∈ Rn ; dist( x, K ) ≤ 2ε}. Alors K ⊂ L ⊂ M ⊂ U (vérifier). Soit ρ un
noyau régularisant. La preuve de (11.11) implique que ϕ = χL ∗ ρ ε a toutes les propriétés requises ;
en particulier, ϕ( x) = 0 si x 6∈ M .
102 CHAPITRE 11. CONVOLUTION
Rappelons le résultat suivant de topologie : il existe une suite (K j ) j≥1 de compacts telle que
K j % Ω.† Soit, comme dans le lemme 11.3, ϕ j ∈ C ∞ c (Ω) telle que 0 ≤ ϕ j ≤ 1 et ϕ j = 1 sur K j .
Alors ϕ j → 1 simplement dans Ω (justifier). Comme | g ϕ j − g| ≤ | g|, nous obtenons par convergence
dominée que k g ϕ j − gkL p (Ω) → 0. Pour j suffisamment grand, h = g ϕ j convient.
Exercice 11.4. Soient 1 ≤ p 1 , . . . , p k < ∞. Soit f ∈ L p1 (Ω) ∩ . . . ∩ L p k (Ω). Montrer qu’il existe une
c (Ω) telle que ϕ j → f quand j → ∞ dans L (Ω), i = 1, . . . , k.
pi
suite (ϕ j ) ⊂ C ∞
Exercice 11.5. En prenant n = 1 et f = χ[0,∞[ , montrer que les théorèmes 11.2 et 11.3 et le lemme
11.2 sont faux si p = ∞.
n
Démonstration. Nous avons soit p < ∞, soit q < ∞. Supposons par exemple p < ∞. Si f ∈ C ∞ c (R ),
la conclusion suit de la proposition 11.1. Soit f ∈ L p (Rn ) quelconque et soit ( f j ) ⊂ C ∞ n
c (R ) telle que
f j → f dans L p . Nous pouvons travailler avec un représentant de f , encore noté f . Alors l’inégalité
de Hölder donne
Il s’ensuit que f ∗ g est limite uniforme d’une suite de fonctions continues, donc continue.
Notation. Si f : Rn → R, τh f ( x) = f ( x − h), ∀ x, h ∈ Rn .
Proposition 11.3 (continuité des translations dans L p ). Soit 1 ≤ p < ∞. Pour tout f ∈ L p (Rn ),
nous avons τh f → f dans L p (Rn ) quand h → 0.
Démonstration. Compte tenu de l’exercice 11.6, nous pouvons travailler avec des fonctions. Soit
n n
f ∈ C∞ c (R ). Soit R < ∞ tel que f ( x) = 0 si | x| ≥ R . Soit h ∈ R tel que | h| ≤ 1. Si | x| ≥ R + 1, alors
τh f ( x) = 0 et f ( x) = 0 (vérifier). Par ailleurs, soit M = max{|∇ f ( x)| ; x ∈ Rn } < ∞ (justifier la finitude
de M ). Le théorème des accroissements finis donne (vérifier)
Définition 11.4. Une approximation de l’identité est une famille (ζε )ε>0 telle que :
i) ζRε : Rn → R est (Lebesgue) intégrable, ∀ ε > 0 ;
ii) ζε = 1, ∀ ε > 0 ;
iii) il existe une constante RM < ∞ telle que kζε kL1 ≤ M , ∀ ε > 0 ;
iv) pour tout δ > 0, limε→0 Rn \B(0,δ) |ζε | = 0.
Définition analogue lorsqu’il s’agit d’une suite (ζ j ) j≥1 .
Proposition 11.4. Soit ρ ∈ L1 (Rn ) telle que ρ = 1. Soit, comme dans (11.3), ρ ε ( x) = 1/εn ρ ( x/ε),
R
Théorème 11.4. Soit 1 ≤ p < ∞. Soit (ζε )ε>0 une approximation de l’identité. Pour tout f ∈ L p (Rn )
nous avons f ∗ ζε → f dans L p (Rn ) quand ε → 0.
De même pour une suite (ζ j ) j≥1 .
n p n
Démonstration. Commençons par expliquer le passage de C ∞ c (R ) à L (R ). Supposons le théo-
∞ n p n n
rème prouvé pour les fonctions de C c (R ). Soient f ∈ L (R ) et ξ > 0. Soient g ∈ C ∞ c (R ) et ε0 > 0
tels que k f − gkL p < ξ et k g ∗ ζε − gkL p < ξ, ∀ 0 < ε < ε0 . Pour un tel ε, nous avons
k f ∗ ζε − f k L p ≤ k f ∗ ζε − g ∗ ζε k L p + k g ∗ ζε − g k L p + k g − f k L p
≤ k( f − g) ∗ ζε kL p + 2 ξ ≤ k f − gkL p kζε kL1 + 2 ξ ≤ ( M + 2) ξ.
ξ > 0 étant arbitraire, nous obtenons la conclusion du théorème pour f . Ainsi, il suffit d’obtenir la
n
conclusion pour f ∈ C ∞c (R ).
Pour les besoins des résultats à venir, nous allons estimer la différence f ∗ ζε − f lorsque f a la
propriété plus faible f ∈ C c (Rn ). Rappelons qu’une telle f est uniformément continue sur Rn .
Donné ξ > 0, soit 0 < δ < 1 tel que
∀ x, x0 ∈ Rn , | x − x0 | < δ =⇒ | f ( x) − f ( x0 )| < ξ.
Soit C < ∞ tel que | f ( x)| ≤ C , ∀ x ∈ Rn (justifier l’existence de C ). Enfin, soit R < ∞ tel que f ( x) = 0
si | x| ≥ R .
104 CHAPITRE 11. CONVOLUTION
Soit r = r δ,ε = Rn \B(0,δ) |ζε ( y)| d y, de sorte que limε→0 r δ,ε = 0, ∀ δ > 0. Soit ψ = ψδ,ε = |ζε | χRn \B(0,δ) ,
R
En faisant ε → 0 dans (11.13) et en tenant compte du fait que ξ est arbitraire dans (11.13),
nous obtenons la conséquence suivante de la preuve du théorème.
Corollaire 11.1. Soit (ζε )ε>0 une approximation de l’identité. Soit f ∈ C c (Rn ). Alors f ∗ ζε unifor-
mément dans Rn quand ε → 0.
Démonstration. Nous utilisons le résultat suivant de topologie (théorème de Tietze) : si B est une
boule de Rn telle que K ⊂ B, alors toute fonction f ∈ C (K, R) admette une extension g ∈ C (Rn , R)
avec g( x) = 0, ∀ x ∈ Rn \ B. Ainsi, quitte à remplacer K par B et f par g, il suffit de montrer le
11.3. POUR ALLER PLUS LOIN 105
résultat pour la restriction à B d’une fonction f ∈ C (Rn , R) qui s’annule en dehors de B (justifier).
Sans perte de généralité, nous pouvons supposer que B = B(0, R ).
En admettant l’existence d’un tel S , nous concluons de la façon suivante. Pour tout ϕ nous avons
Z
f ∗ ϕ( x) = f ( y) ϕ( x − y) d y. (11.18)
B(0,R)
Soit M < ∞ tel que | f ( x)| ≤ M , ∀ x ∈ Rn . Si x, y ∈ B(0, R ), alors x − y ∈ B(0, 2R ). En combinant ce fait
avec (11.16)–(11.18), il s’ensuit que, pour tout x ∈ B(0, R ) nous avons, avec N = N (R ) < ∞,
¯Z ¯
| f ∗ S ( x) − f ( x)| ≤ | f ∗ [S ( x) − ρ ε ]( x)| + |( f ∗ ρ ε − f )( x)| < ¯ f ( y) [S − ρ ε ]( x − y) d y¯¯ + δ
¯ ¯
¯
B(0,R)
Z
≤ Mδ d y + δ = N δ.
B(0,R)
δ > 0 étant arbitraire nous obtenons, pour une suite (S j ) convenable de polynômes, f ∗ S j → f
uniformément sur B quand j → ∞. Pour conclure, il suffit de noter que f ∗ S j est un polynôme
(exercice 11.3 d)).
Ainsi, pour compléter la preuve il suffit de trouver S satisfaisant (11.17). Rappelons que le dé-
veloppement en série de l’exponentielle converge vers l’exponentielle uniformément sur les com-
pacts : si T > 0 et ξ > 0, alors il existe k tel que
k t` ¯
¯ ¯
¯
¯ t X
¯e − ¯ ≤ ξ, ∀ t ∈ [−T, T ]. (11.19)
¯
¯ `=0 ` ! ¯
Soit k tel que (11.19) soit valide avec T = 4 R 2 /ε2 et ξ = πn/2 εn δ. Posons
k −| x − y|2 /ε2 `
¡ ¢
1 X
S= . (11.20)
πn/2 εn `=0 `!
Séries de Fourier
Dans ce chapitre, nous considérons des fonctions f : I → C, avec I ⊂ R intervalle. Le but est
d’écrire f comme une « superposition d’ondes (co)sinusoïdales », ou encore comme la somme d’une
série de Fourier. Le choix de I n’est pas important, les plus populaires étant I =]0, 1[ et I =]0, 2π[.
Nous travaillerons dans I =]0, 2π[ muni de la µ = (1/ m( I )) ν1 . Ainsi, si 1 ≤ p < ∞, alors
¶1/p
1
µ Z
p
kf k Lp = | f ( x)| dx . (12.1)
m( I ) I
Toutes les fonctions f considérées sont supposées être Lebesgue intégrables sur I .
d’où en particulier
Nous allons appliquer ceci à l’espace L2 = L2 (]0, 2π[), muni du produit scalaire
1
Z 2π
< f , g >= f ( x) g( x) dx. (12.5)
2π 0
107
108 CHAPITRE 12. SÉRIES DE FOURIER
1
Z 2π
cn( f ) = f ( x) e n ( x) dx. (12.6)
2π 0
Posons, pour f ∈ L1 ,
n
X
Sn( f ) = ck( f ) e k. (12.7)
k=− n
Une telle somme est un polynôme trigonométrique, c’est-à-dire une somme finie de la
forme a k e ıkx .
P
Avec ces notations, les relations (12.2), (12.4), respectivement (12.3) avec J = Z et L = { k ∈
Z ; | k| ≤ n} donnent l’inégalité de Bessel
n 1
Z 2π 1
Z 2π
2 2
| f ( x)|2 dx = k f k2L2 , ∀ f ∈ L2 (]0, 2π[)
X
| c k ( f )| = |S n ( f )( x)| dx ≤ (12.8)
k=− n 2π 0 2π 0
et l’identité
Corollaire 12.1. Soit f ∈ L2 = L2 (]0, 2π[). Alors il existe une sous-suite ( n j ) de N telle que
2
Théorème 12.2 (théorème de Riesz-Fischer). Soit (a n )n∈Z une suite telle que ∞
P
n=−∞ |a n | < ∞.
Alors il existe une et une seule fonction f ∈ L2 = L2 (]0, 2π[) telle que c n ( f ) = a n , ∀ n ∈ Z.
Démonstration du théorème 12.1. L’ingrédient fondamental dans la preuve est le résultat suivant
de densité, qui sera démontré plus tard.
Théorème 12.3. Soit g ∈ C ([0, 2π]) telle que g(0) = g(2π). Soit ε > 0. Alors il existe un polynôme
trigonométrique P tel que | g( x) − P ( x)| < ε, ∀ x ∈ [0, 2π].
De manière équivalente, soit C pér = { g ∈ C ([0, 2π]) ; g(0) = g(2π)}, muni de la norme uniforme. Alors
les polynômes trigonométriques sont denses dans C pér .
Démonstration du théorème 12.1 (en admettant le théorème 12.3). Soit f ∈ L2 et soit ε > 0. Soit
g ∈ C∞c (]0, 2π[) telle que k f − gkL2 < ε (l’existence de g suit du théorème 11.3). Soit P un polynôme
trigonométrique tel que | g( x) − P ( x)| < ε, ∀ x ∈ [0, 2π]. Notons que k g − P kL2 < ε, ce qui implique
k f − P kL2 < 2 ε.
12.2. SÉRIES DE FOURIER DANS L2 109
P
Soit n 0 tel que P = | k|≤ n 0 a k e k . Alors pour n ≥ n 0 nous avons S n (P ) = P (vérifier). Pour un tel
n, il s’ensuit que
Au passage, nous avons utilisé l’inégalité kS n (P − f )kL2 ≤ kP − f kL2 , qui suit de (12.8).
ε > 0 étant arbitraire, nous concluons à S n ( f ) → f dans L2 .
b) suit de (12.9) et de a). En effet,
∞ n
2
| c k ( f )|2 = lim kS n ( f )k2L2 = k f k2L2 .
X X
| c k ( f )| = lim
n→∞ n→∞
k=−∞ k=− n
Démonstration du théorème 12.2. Soit P n = nk=−n a k e k . Alors chaque P n est un polynôme trigo-
P
kP m − P n k2L2 = |a k |2 → 0 quand n, m → ∞.
X
n+1≤| k|≤ m
Il s’ensuit que (P n ) est une suite de Cauchy dans L2 . Par complétude de L2 , il existe f ∈ L2 telle
que P n → f dans L2 quand n → ∞. Nous avons, pour n ≥ | k| :
Un autre résultat qui s’obtient en raisonnant par densité, dans l’esprit de la preuve du théo-
rème 12.1 (voir aussi la section 11.3) est le
1
Z 2π 1
Z 2π
− ınx
c n ( g) = g ( x) e dx = g0 ( x) e− ınx dx,
2π 0 2ı π n 0
d’où la conclusion.
110 CHAPITRE 12. SÉRIES DE FOURIER
Dans cette partie, il sera commode de travailler avec des fonctions définies d’abord sur [0, 2π[,
qui sont prolongées par 2π-périodicité à R. Par exemple, si f ( x) = x, x ∈ [0, 2π[, alors le prolonge-
ment 2π-périodique de f est f ( x) = x − 2πE ( x/(2π)), ∀ x ∈ R.†
Pn
Exercice 12.4. Soit f 2π-périodique et intégrable sur ]0, 2π[. Soit D n ( x) = k=− n
e ıkx , ∀ x ∈ R. (D n
est le noyau de Dirichlet).
a) Montrer que
1
Z 2π 1
Z π
S n f ( x) = f ( x − y) D n ( y) d y = f ( x − y) D n ( y) d y, ∀ x ∈ R.
2π 0 2π −π
b) Montrer que
sin(( n + 1/2) y) ,
(
si y 6∈ 2π Z sin( n y) cotan ( y/2) + cos( n y), si y 6∈ 2π Z
D n ( y) = sin( y/2) = .
2 n + 1, si y ∈ 2π Z 2 n + 1, si y ∈ 2π Z
Rπ R0
c) Montrer que 0 D n ( y) d y = −π D n ( y) d y = π.
et
(
f ( x0 − y) − f ( x0 −), si 0 < y < π
h( y) = .
f ( x0 − y) − f ( x0 +), si − π < y < 0
Les hypothèses i)–iii) impliquent que g et h sont mesurables et bornées. (Vérifier. L’élément clé
est que g est bornée au voisinage de 0, grâce à l’hypothèse iii).) Par conséquent, si nous notons
encore g, h les prolongements 2π-périodiques de ces fonctions, alors g, h ∈ L1 (]0, 2π[).
f ( x0 +) + f ( x0 −) 1
Z 0
S n f ( x0 ) − = ( f ( x − y) − f ( x0 +)) D n ( y) d y
2 2π −π
1 π
Z
+ ( f ( x − y) − f ( x0 −)) D n ( y) d y
2π 0
Z π
1 1 π
Z
= sin( n y) g( y) d y + cos( n y) h( y) d y
2π −π 2π −π
Z π
1 1 π
Z
= g( y) [ e ın y − e− ın y ] d y + h( y) [ e ın y + e− ın y ] d y
4 ı π −π 4π −π
1 1
= [ c −n ( g) − c n ( g)] + [ c −n ( h) + c n ( h)] → 0 quand n → ∞,
2ı 2
S0 ( f ) + S1 ( f ) + · · · S n ( f )
Définition 12.2. Si f ∈ L1 , alors T n ( f ) = , n ∈ N.‡
n+1
D0 + D1 + · · · + D n
Exercice 12.5. Soit F n = , avec n ∈ N et D j le noyau de Dirichlet (F n est le
n+1
noyau de Fejér). Montrer les propriétés suivantes.
1 π
Z
a) Si f est 2π-périodique et intégrable sur ]0, 2π[, alors T n ( f )( x) = f ( x − y) F n ( y) d y, ∀ x ∈ R.
2π −π
2
sin [( n + 1) y/2] , si y 6∈ 2π Z
b) F n ( y) = ( n + 1) sin2 ( y/2) .
si y ∈ 2π Z
n + 1,
EnR particulier, F n ( y) ≥ 0, ∀ y, ∀ n.
π
c) −π F n ( y) d y = 2π.
d) Pour tout 0 < δ < π, F n → 0 uniformément sur [−π, −δ] ∪ [δ, π] quand n → ∞.
En particulier, pour tout 0 < δ < π,
Z
F n ( y) d y → 0 quand n → ∞. (12.11)
[−π,−δ]∪[δ,π]
Démonstration. Nous travaillons sur R. Rappelons qu’une fonction continue et périodique sur R
est bornée et uniformément continue.
Soit M < ∞ tel que | f ( x)| ≤ M , ∀ x ∈ R. Soit ε > 0 et soit 0 < δ < π tel que
∀ x, x0 ∈ R, | x − x0 | < δ =⇒ | f ( x) − f ( x0 )| < ε.
Pour une description historique de ces problèmes, une bonne référence est Edwards [6, Cha-
pitre 10], qui contient aussi des (ébauches de) démonstrations de ces résultats, sauf du dernier.
La preuve du dernier théorème est longue et difficile, même si elle a été beaucoup simplifiée entre
1973 et 2000 ; voir Grafakos [9, Chapitre 11].
†. Cette propriété négative est vraie pour « la plupart » des fonctions continues, mais donner un sens précis à « la
plupart » nécessite un formalisme qui ne sera pas développé ici.
‡. Le cas p = 2 est dû à Carleson, qui conjectura que le cas général 1 < p < ∞ devait se faire de manière analogue.
Une preuve pour 1 < p < ∞ fut trouvée ultérieurement par Hunt.
Chapitre 13
Transformée de Fourier
Dans ce chapitre, les fonctions considérées sont définies sur Rn et à valeurs complexes ; elles
sont supposées Lebesgue mesurables et/ou intégrables (par rapport à la tribu et à la mesure
de Lebesgue). Nous étudierons les propriétés basiques de la transformée de Fourier. Rappelons sa
définition : si f ∈ L 1 = L 1 (R) = L 1 (R, C) et ξ ∈ R, alors
Z
fb(ξ) = F ( f )(ξ) = e− ıxξ f ( x) dx. (13.1)
R
Notons que si f = g p. p., alors fb = gb en tout point. Nous pouvons donc définir fb pour une classe
f ∈ L1 (R), le résultat étant une fonction définie de manière unique en tout point de R. Pour cette
même raison, nous allons faire les calculs de transformée de Fourier sur des fonctions et non pas
sur des classes.
Pn
Ici, · désigne le produit scalaire standard dans Rn : x · ξ = j =1 x j ξ j .
Certaines propriétés de la transformée de Fourier s’obtiennent par des intégrations par parties
et/ou par « récurrence » sur les dérivées partielles. Les deux deviennent plus compliquée dans Rn
avec n ≥ 2 ; c’est pourquoi parfois les arguments sont détaillés uniquement en dimension un. Il
est instructif d’essayer d’adapter ces arguments aux dimensions supérieures.
c) Si x ∈ Cn et α ∈ Nn , xα = ( x1 )α1 · · · ( xn )αn .
d) Si f est de classe C |α| , alors ∂α f = (∂1 )α1 · · · (∂n )αn f .
| xα | ≤ | x||α| , ∀ x ∈ Rn , ∀ α ∈ Nn . (13.3)
113
114 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER
b) (lemme de Riemann-Lebesgue)
f
∗ g = fb g
b (13.6)
et
Z Z
fb(ξ) g(ξ) d ξ = f ( x) gb( x) dx. (13.7)
Rn Rn
n
b) Le raisonnement se fait par densité, en partant de g ∈ C ∞ c (R ) et en utilisant (13.4) (justifier
cette démarche, en adaptant la fin de la preuve du lemme 12.1).
n n
c (R ). Nous prenons sur R la norme k k∞ . Soit R < ∞ tel que g( x) = 0 si k xk∞ ≥ R .
Soit g ∈ C ∞
n
Soit ξ ∈ R \{0}. Soit j = j (ξ) tel que kξk∞ = |ξ j | > 0. Sans perte de généralité, nous supposons j = 1.
L’exercice suivant liste quelques calculs de routine qui nous seront utiles plus tard.
c) Soit f ∈ L1 (Rn ).
(i) Montrer que f ∈ L1 . V
Proposition 13.2. Soient f ∈ L1 (R) et k ∈ N∗ . Si R | x|k | f ( x)| dx < ∞, alors f ∈ C k et fb(`) (ξ) =
V
R
V
(− ıx)` f (ξ), ∀ 0 ≤ ` ≤ j , ∀ ξ.
Plus généralement, soient f ∈ L1 (Rn ) et k ∈ N∗ . Si Rn | x|k | f ( x)| dx < ∞, alors fb ∈ C k et ∂α f (ξ) =
V
R
Exercice 13.3. a) Soit g : R → R continue et intégrable. Alors il existe une suite R j → ∞ telle que
| g(R j )| + | g(−R j )| → 0 quand n → ∞.
De manière équivalente, lim inf (| g( x)| + | g(− x)|) = 0.
R →∞ | x|≥R
b) Soit g : Rn → R continue et intégrable, avec n ≥ 2. Donner un analogue de a) faisant intervenir
des intégrales sur les sphères { x ∈ Rn ; k xk∞ = R j }.
α f (ξ) = ( ıξ)α fb(ξ), ∀ α tel
Proposition 13.3. Si f ∈ C k (Rn ) et si ∂α f ∈ L1 , ∀ α tel que |α| ≤ k, alors ∂d
que |α| ≤ k.
Démonstration. Nous considérons uniquement le cas n = 1, qui repose sur l’exercice 13.3 a). La
preuve pour n ≥ 2 est similaire et est basée sur la partie b) de l’exercice.
La preuve se fait par récurrence sur k ; le point essentiel est le passage de k = 0 à k = 1. Soit
(R j ) comme dans l’exercice 13.3 a) avec g = f . Nous avons (justifier)
V
Z Z Rj
− ıxξ
f (ξ) =
0
e 0
f ( x) dx = lim e− ıxξ f 0 ( x) dx
R j →∞ −R j
µh iR j Z Rj ¶ Z
− ıxξ − ıxξ
= lim e f ( x) + ıξ e f ( x) dx = ıξ e− ıxξ f ( x) dx,
j →∞ −R j −R j R
ha = g a . Z
2
Rappelons que e− x dx = π1/2 .
R
(i) Montrer que g a ∈ L1 et calculer ha (0).
(ii) Montrer que ha ∈ C 1 et donner la formule de ( ha )0 .
ξ h a (ξ ) 2
(iii) En utilisant une intégration par parties, montrer que ( ha )0 (ξ) = − . Indication : x e− x /a =
³ ´0 2a
− a x2
−1/(2a) e .
V
2
(iv) Obtenir la formule e−a x (ξ) = (π/a)1/2 e−ξ /(4a) .
2
Sous une forme plus compacte, nous avons c g a (ξ) = (π/a)1/2 g1/(4a) (ξ).
2
b) Plus généralement, soit g a ( x) = e−a | x| , x ∈ Rn . Montrer que c g a (ξ) = (π/a)n/2 g1/(4a) (ξ), ∀ a > 0,
n
∀ξ ∈ R .
Théorème 13.1 (formule d’inversion de la transformée de Fourier). a) Soit f : Rn → C
continue et intégrable. Supposons fb intégrable. Alors
Z
f ( x) = (2π) −n
e ıx·ξ fb(ξ) d ξ = (2π)−n fb
b(− x) = (2π)−n fb̌
b( x), ∀ x ∈ Rn . (13.8)
Rn
13.1. TRANSFORMÉE DE FOURIER DANS L1 117
2
La domination | fb(ξ) e−a |ξ| | ≤ | fb(ξ)|, l’hypothèse fb ∈ L1 et le théorème 7.7 donnent (justifier)
Z
−n
lim I a = (2π) fb(ξ) d ξ. (13.11)
a&0 Rn
n/2 −| x|2 /4 1
ψ π ψ Rn ψ = 1 (vérifier). Nous
R
Pour étudier J a , posons ( x ) = (1/(4 )) e , de sorte que ∈ L et
1/2
avons Ja = Rn f ( x) ψa1/2 ( x) dx. Le changement de variables x = a y donne (vérifier)
R
Z Z
1/2
Ja = f (a y) ψ( y) d y → f (0) ψ( y) d y = f (0) quand a & 0. (13.12)
Rn Rn
Le passage à la limite dans (13.12) se fait en utilisant le théorème 7.7 et repose sur la continuité
de f et sur la domination | f (a1/2 y) ψ( y)| ≤ (sup | f |) |ψ( y)|, ∀ a > 0, ∀ y ∈ Rn (vérifier).
Nous concluons la première étape grâce à (13.10)–(13.12).
13.1). Comme |ρ ε (ξ)| ≤ 1 (exercice 13.2), nous obtenons que f ε ∈ L1 . Grâce à la deuxième étape, il
V
V
s’ensuit que
Z Z
ıx·ξ
e ıx·ξ fb(ξ) ρ ε (ξ) d ξ, ∀ ε > 0, ∀ x ∈ Rn .
V
−n −n
f ∗ ρ ( x) = (2π) f ∗ ρ ε (ξ) d ξ = (2π)
V
e (13.13)
| {zε } Rn Rn
f ε (x) | {z }
L ε (x)
Nous allonsR maintenant faire ε → 0 dans (13.13). Grâce à l’exercice 13.2 a) (appliqué à ρ ), au fait
que ρb(0) = ρ = 1 et à l’hypothèse fb ∈ L1 , nous obtenons
Z
lim L ε ( x) = (2π)−n
e ıx·ξ fb(ξ) d ξ, ∀ x ∈ Rn . (13.14)
ε→0 Rn
Par ailleurs, nous avons f ε → f dans L1 quand ε → 0 (théorème 11.2). Il s’ensuit qu’il existe une
suite ε j → 0 et un ensemble négligeable A ⊂ Rn avec f ε j ( x) → f ( x) quand j → ∞, ∀ x ∈ Rn \ A
(corollaire 10.2). En combinant ce fait avec (13.13) et (13.14), nous obtenons (13.9).
118 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER
Exercice 13.6. Dans R, soit f = χ[0,1] . Montrer que f ∈ L 1 mais que fb 6∈ L 1 . En déduire que la
formule d’inversion (13.9) ne s’applique pas à toutes les fonctions de L 1 .
d’où la conclusion.
13.2. TRANSFORMÉE DE FOURIER DANS L2 119
(justifier). D’après le point a), T est continu, de norme (2π)n/2 . La conclusion de b) suit de ce qui
précède.
2
c) (i) L’égalité est vraie si f , g ∈ C ∞ c (proposition 13.4). Soient f , g ∈ L et des suites ( f j ), ( g j ) ⊂
2
C∞
c telles que f j → f et g j → g dans L quand j → ∞. Nous avons
Z Z
g j (ξ) d ξ = (2π)n
fbj (ξ) c f j ( x) g j ( x) dx, ∀ j. (13.18)
Rn Rn
Si <, > est le produit scalaire complexe dans L2 , alors (13.18) équivaut à
Pour obtenir c) (i), nous passons à la limite j → ∞ dans (13.19). Nous avons par exemple
¯ ¯ ¯ ¯ ¯¯ ¯
¯< fbj , c
g j > − < fb, gb >¯ ≤ ¯< fbj , gj − g >¯ + ¯< f
j − f , g
b >
¯
¯
° ° ° ° ° °
≤ ° fbj °L2 ° g j − g L2 + ° f j − f ° 2 k gbkL2
° °°
L
= (2π)n ° f j °L2 ° g j − g°L2 + ° f j − f °L2 k gkL2 → 0 quand j → ∞.
£° ° ° ° ° ° ¤
Le passage à la limite dans le membre de droite de (13.19) se justifie de manière similaire. Nous
obtenons la validité de (i) pour tout f , g ∈ L2 .
120 CHAPITRE 13. TRANSFORMÉE DE FOURIER
Nous obtenons que ( f j ) est une suite de Cauchy dans L2 et donc il existe f ∈ L2 tel que f j → f
dans L2 quand j → ∞ (théorème 10.3). Il s’ensuit que h j → fb dans L2 quand j → ∞ (justifier), d’où
fb = h et donc h ∈ F (L2 ).
Par ailleurs, l’image de F contient C ∞ ∞
c . En effet, si g ∈ C c , alors nous avons d’une part (justifier)
D’autre part, nous avons F ǧ ∈ L1 ∩ L∞ ; ceci suit de la proposition 13.1 a) et du corollaire 13.1.
Il s’ensuit que F ǧ ∈ L2 (utiliser l’exercice 10.11). Donc, comme affirmé, nous avons g ∈ F (L2 ),
∀ g ∈ C∞c .
De ce qui précède, F (L2 ) est fermé dans L2 et contient C ∞ 2
c , qui est dense dans L (théorème 11.3).
Il s’ensuit que F (L2 ) = L2 , d’où F est surjectif.
La formule c) (ii) montre que F est injectif. Donc F est bijectif.
F étant bijectif, la formule c) (ii) donne kF −1 ( f )kL2 = (2π)−n/2 k f kL2 (vérifier). En particulier, F −1
est continu.
c) (iv) se démontre de la manière suivante. La formule est vraie si f ∈ C ∞
c . De ce qui précède,
chacun des membres de l’égalité est continu pour la topologie de L2 . Par densité de C ∞ 2
c dans L ,
la formule reste vraie pour tout f ∈ L2 (justifier).
b) Le long d’une sous-suite fbj k , nous avons f j k → g p. p., et donc fb(ξ) = limk→∞ f j k (ξ) p. p.
c) Considérons le choix particulier f j = f χB(0, j) , j ∈ N∗ . Alors f j ∈ L1 ∩ L2 et f j → f dans L2 quand
j → ∞ (vérifier). Il s’ensuit que, pour tout f ∈ L2 , il existe une suite d’entiers j k → ∞ (en principe
dépendante de f ) telle que
Z
fb(ξ) = lim e− ıx·ξ f ( x) dx, pour presque tout ξ ∈ Rn .
k→∞ B(0, j k )
†. Nous donnons une preuve directe de ce fait, mais nous aurions pu invoquer le résultat plus général suivant. Soit
T : X → Y linéaire et continu, avec X , Y espaces de Banach. S’il existe une constante C > 0 telle que kT xkY ≥ C k xk X ,
∀ x ∈ X , alors l’image de T est fermée. Dans notre cas, X = Y = L2 , T = F , et nous avons kF ( f )kL2 = (2π)n/2 k f kL2 ,
∀ f ∈ L2 .
‡. Prendre par exemple n = 1 et f ( x) = 1/(1 + | x|), ∀ x ∈ R.
13.3. POUR ALLER PLUS LOIN 121
u − ∆ u = f dans Rn , (13.20)
b(ξ) = fb(ξ), ∀ ξ ∈ Rn ,
(1 + |ξ|2 ) u (13.21)
ce qui donne
1
b(ξ) =
u fb(ξ), ∀ ξ ∈ Rn . (13.22)
1 + | ξ| 2
1
b (ξ) =
K , ∀ ξ ∈ R n .† (13.23)
1 + | ξ|2
u b (ξ) fb(ξ), ∀ ξ ∈ Rn .
b (ξ ) = K (13.24)
En comparant (13.21) à (13.7) et en supposant que l’on puisse identifier une fonction à partir
de sa transformée de Fourier,‡ nous obtenons, du moins formellement, l’égalité
u=K∗f. (13.25)
Nous voyons sur cet exemple le besoin de pouvoir définir la transformée de Fourier directe
ou inverse dans un cadre le plus large possible qui préserve les propriétés de la transformée
de Fourier obtenues dans la section 13.1. Le cadre naturel pour de tels résultats est celui des
distributions tempérées introduites par Schwartz. Pour une introduction rapide et efficace à
cette théorie et à quelques applications aux équations aux dérivées partielles, voir par exemple
Hörmander [13, Chapitre VII].
Exercice 10.1. a) Si ( A n )n∈N est une suite croissante, alors ∪n≥0 A n = ∪n≥n0 A n , ∀ n 0 ∈ N.
b) Si ( A n )n∈N est une suite décroissante, alors ∩n≥0 A n = ∩n≥n0 A n , ∀ n 0 ∈ N.
Exercice 10.2. a) A ∩ (∪ i∈ I B i ) = ∪ i∈ I ( A ∩ B i ).
b) A ∪ (∩ i∈ I B i ) = ∩ i∈ I ( A ∪ B i ) .
c) (∪ i∈ I A i ) c = ∩ i∈ I A ci .
d) (∩ i∈ I A i ) c = ∪ i∈ I A ci .
e) A \ (∪ i∈ I B i ) = ∩ i∈ I ( A \ B i ).
f) (∪ i∈ I A i ) \ B = ∪ i∈ I ( A i \ B).
g) A \ (∩ i∈ I B i ) = ∪ i∈ I ( A \ B i ).
h) (∩ i∈ I A i ) \ B = ∩ i∈ I ( A i \ B).
Exercice 10.3. a) f −1 (∪ i∈ I B i ) = ∪ i∈ I f −1 (B i ).
b) f −1 (∩ i∈ I B i ) = ∩ i∈ I f −1 (B i ).
c) f −1 (B c ) = ( f −1 (B)) c .
d) Si, de plus, g : Y → Z , alors ( g ◦ f )−1 (B) = f −1 ( g−1 (B)).
Exercice 10.4. a) f (∪ i∈ I A i ) = ∪ i∈ I f ( A i ).
b) f (∩ i∈ I A i ) ⊂ ∩ i∈ I f ( A i ). En général, l’inclusion est stricte.
c) En général, il n’y a pas de relation d’inclusion entre f ( A c ) et f ( A ) c .
Exercice 10.5. χ A ∪B + χ A ∩B = χ A + χB .
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