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ÉCOLE NATIONALE ÉCOLE NATIONALE DE LA INSTITUT

SUPÉRIEURE DE STATISTIQUE ET DE SOUS-RÉGIONAL DE


STATISTIQUE ET L'ANALYSE ÉCONOMIQUE STATISTIQUE ET
D'ÉCONOMIE APPLIQUÉE PIERRE NDIAYE D'ÉCONOMIE APPLIQUÉE
ENSEA - ABIDJAN ENSAE - DAKAR ISSEA - YAOUNDÉ

AVRIL 2023
CONCOURS INGÉNIEURS STATISTICIENS ÉCONOMISTES CYCLE LONG /
ANALYSTES STATISTICIENS
ISE cycle long / AS
PREMIÈRE COMPOSITION DE MATHÉMATIQUES
(Durée de l'épreuve : 4 heures)

Attention !
L'exercice 1 de la présente épreuve est obligatoire et toute note strictement infé-
rieure à 6 à cet exercice est éliminatoire (chaque question de l'exercice 1 étant notée
sur 1 point).
Toutefois cet exercice n'entre que pour un cinquième dans la note nale de cette
première épreuve de mathématiques.
Dans tous les exercices, R désigne l'ensemble des nombres réels, C l'ensemble des nombres
complexes et ln le logarithme népérien.

Exercice 1
Z 2
cos(ln x)
1. Calculer dx.
1 x

x sin x − x
2. Donner la limite en +∞ de la fonction f (x) = .
x2 − 1
3. Donner le comportement au voisinage de x = 1 de la même fonction.
4. Écrire le nombre complexe z = 2 − 2i sous forme trigonométrique.
5. Si on vous demande d'étudier les variations de la fonction

f (x) = tan(x/2) cos(2x),

expliquez quel intervalle d'étude vous choisissez, et comment vous étendez vos résultats à
l'ensemble du domaine de dénition de f .
6. Dériver la fonction dénie à la question précédente.

1
7. Dans un jeu opposant les joueurs A et B , on lance un dé équilibré. Si le dé tombe sur 5 ou
6, B réalise un score égal au résultat du lancer. Si le dé tombe sur 1, 2, 3 ou 4, A réalise un
score égal à k fois le résultat du lancer. Quelle doit être la valeur de k pour que le score soit
équitable, c'est-à-dire pour que la diérence entre les scores soit d'espérance nulle ?
8. On considère la suite dénie par u0 > 0 et un+1 = u20 + · · · + u2n pour n ≥ 0. Cette suite
p

est-elle croissante ? Est-elle convergente ?


9. On considère la suite dénie par u0 = 1/4 et un+1 = u2n + 1/4 pour n ≥ 0. Étudier la
convergence de la suite (un ).
10. Résoudre l'equation x3 + 4x2 − 4x − 1 = 0 dans R, puis dans C.

Exercice 2 Dans cet exercice, on se donne un nombre réel a, et on considère l'application


fa (x) = exp(xa ln x)

1. Donner le domaine de dénition de fa , et calculer sa dérivée.


2. Montrer que toutes les courbes représentatives de fa , a ∈ R, ont un point commun, que l'on
déterminera.
3. Étudier la branche innie de fa en +∞ selon les valeurs de a.
4. Discuter, selon les valeurs de a, de la limite de fa à droite de 0.
5. Discuter, selon les valeurs de a, de la limite de fa0 à droite de 0.
6. Ecrire l'équation de la tangente à la courbe au point d'abscisse 1.
7. Dresser les tableaux de variations de fa correspondant à tous les cas que vous avez distingués
aux questions précédentes. On précisera notamment les valeurs des maximums et minimums
locaux de fa .
8. Représenter graphiquement sur une même gure les courbes représentatives correspondant à
ces tableaux de variations. On précisera notamment les pentes des courbes au point d'abscisse
0.
9. Calculer f−0,1 (1010 ) et commenter le résultat obtenu au vu des résultats précédents.

Exercice 3
1. On considère l'application f qui à tout nombre réel x associe f (x) = x3 − 2x − 1/2.
(a) Calculer f (−1), f (−1/2), f (0) et f (1).
(b) Calculer la dérivée et dresser le tableau de variations de f .
(c) Déduire de ce qui précède que l'équation f (x) = 0 admet exactement 3 solutions qu'on
placera par rapport à −1, −1/2, 0 et 1.
(d) Tracer la courbe représentative de f .
2. On considère désormais la fonction de la variable réelle
tan x
g : x 7→ .
1 + 2 cos x
(a) Donner le domaine de dénition de g .
(b) Étudier la parité et la périodicité de g ; en déduire l'intervalle sur lequel vous allez
étudier cette fonction.

2
(c) Étudier les branches innies de g .
(d) Calculer la dérivée de g , et exprimer g 0 (x) en fonction de cos x.
(e) En vous aidant des résultats de la question 1, montrer que g 0 s'annule une unique fois
sur l'intervalle d'étude, en un point x0 situé entre π/2 et 2π/3.
(f) Dresser le tableau de variations de g .
(g) Donner l'allure de la courbe représentative de g .

Exercice 4 On considère la suite (In )n≥0 dénie par


Z 1
1
In = dx.
0 1 + x + xn
1. Calculer I0 et I1 .
2. Montrer que la suite (In )n≥0 est croissante.
3. Montrer que pour tout n, Z 1
1
In ≤ dx.
0 1+x
4. Conclure quant à la convergence de In .
5. Montrer que
1
xn
Z
ln 2 − In = dx.
0 (1 + x + xn )(1 + x)
6. Montrer que
1
xn
Z
lim dx = 0
n→+∞ 0 (1 + x + xn )(1 + x)
et en déduire la limite de la suite (In )n≥0 .

Exercice 5 On considère la suite (un )n≥0 dénie par u0 = 1 et un+1 = un + n + 1 pour
tout n ≥ 0.
√ √
1. (a) Montrer que n ≤ un ≤ 2n pour tout entier n ≥ 1.
(b) En déduire que

s
u 2n − 2
√n ≤ 1+
n n

et donner la limite de un / n quand n → ∞.
2. (a) Calculer
un−1
lim .
n→+∞ n
(b) Montrer que √
1+x−1 1
lim = .
x→0 x 2
(c) Déduire des questions précédentes la valeur de
q
un−1
1+ n −1
lim un−1 .
n→+∞
n

3
3. Montrer que
√ 1
lim un − n= .
n→+∞ 2
Exercice 6
On considère l'ensemble U des nombres complexes de module égal à 1. Soit a un nombre
complexe a tel que |a| =
6 1.
1. Montrer que l'application fa donnée par
z+a
fa (z) =
1 + āz

est bien dénie pour tout élément z de U.


2. Montrer que, si z ∈ U, alors z̄ = 1/z .
3. En déduire que si z ∈ U, alors fa (z) ∈ U.
4. Réciproquement, montrer que tout élément t de U est l'image par fa d'un unique élément
z de U que l'on déterminera.
5. Déduire de ce qui précède que fa est une bijection de U sur U et préciser sa bijection
réciproque.
6. Donner l'ensemble des points z dont l'image par fa appartient à l'ensemble {−1, 1, i, −i}
dans chacun des cas suivants :
(a) a = 2 ;
(b) a = 2i ;
(c) a = 1 + i.

Exercice 7
On joue suivant la règle suivante : on est en possession d'un pion initialement placé au point
0 sur une règle graduée ; à chaque lancer du dé, on avance de 3 cases si le résultat est un multiple
de 3, et on recule de 2 cases dans le cas contraire. Le joueur ou la joueuse gagne si, au bout de 5
lancers, le pion est sur une case positive ou nulle.
1. Soit Xk la variable aléatoire égale à 3 si le résultat du k−ième lancer est un multiple de 3,
et à −2 sinon. Donner la loi de Xk .
2. Pour tout entier k, on pose Yk = (Xk + 2)/5. Donner la loi de Yk ainsi que la loi de la
variable
5
X
S= Yk .
k=0

3. En déduire la probabilité de gagner à ce jeu.


4. Pouvez-vous étendre votre raisonnement :
(a) au cas où on avance de 3 cases si le résultat est 6, et on recule de 2 cases dans le cas
contraire ?
(b) au cas où on gagne si le pion est sur une case positive après 10 lancers ?
Donner la probabilité de gain dans chacune de ces situations.

4
ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE ÉCOLE NATIONALE DE LA INSTITUT SOUS-RÉGIONAL DE
DE STATISTIQUE ET D'ÉCONOMIE STATISTIQUE STATISTIQUE
APPLIQUÉE ET DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE ET D’ÉCONOMIE APPLIQUÉE
ENSEA – ABIDJAN ENSAE PIERRE NDIAYE – DAKAR ISSEA – YAOUNDÉ

AVRIL 2023

CONCOURS INGÉNIEURS STATISTICIENS ÉCONOMISTES CYCLE LONG /


ANALYSTES STATISTICIENS

ISE cycle long / AS

ORDRE GÉNÉRAL
(Durée de l’épreuve : 3 heures)

Les candidats traiteront au choix l’un des trois sujets suivants.

Sujet n° 1

La reconfiguration des équilibres internationaux à l’œuvre actuellement, une guerre aux


portes de l’Europe, la résurgence de multiples conflits locaux, sont autant de signes
préoccupants de bouleversements dont on ne maitriserait que partiellement l’issue. La
relance d’une gouvernance mondiale suffirait-elle selon vous à apaiser ces tensions ?
Quelles autres mesures d’accompagnement à mettre en place s’avéreraient nécessaires
selon vous ?

Sujet n° 2

La dépendance de nos pays à la production étrangère dans des secteurs stratégiques, la


forte augmentation des coûts de l’énergie et ses effets sur les transports, ont posé la
question d’une remise en cause partielle de la mondialisation au profit d’une
relocalisation d’activités et d’une réindustrialisation dans les pays concernés. Quelles
stratégies devraient-elles être mise en place par les Etats dans cette configuration selon
vous en tenant compte d’une révision des échanges mondiaux dans un sens plus
équilibré ?

Sujet n° 3

La planète compte actuellement 8 milliards d’individus répartis dans des zones


géographiques dont certaines sont régulièrement soumises aux effets du changement
climatique provoquant à terme le déplacement probable des populations concernées.
Quelles mesures pourrait-on prendre au sein de la communauté des Etats pour anticiper
le mieux possible les conséquences du changement climatique sur les populations
localisées dans les zones géographiques touchées ? Quelles solutions pourrait-on
apporter au nécessaire déplacement de populations dans les zones qui subiront les
conséquences les plus graves du changement climatique ?
ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE ÉCOLE NATIONALE DE LA INSTITUT SOUS-RÉGIONAL DE
DE STATISTIQUE ET D'ÉCONOMIE STATISTIQUE STATISTIQUE
APPLIQUÉE ET DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE ET D’ÉCONOMIE APPLIQUÉE
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AVRIL 2023

CONCOURS INGÉNIEURS STATISTICIENS ÉCONOMISTES CYCLE LONG /


ANALYSTES STATISTICIENS

ISE cycle long / AS

2ème COMPOSITION DE MATHÉMATIQUES


(Durée de l’épreuve : 3 heures)
Dans toute l’épreuve, Ln désigne le logarithme népérien, e le nombre de Néper, R l’ensemble
des nombres réels, C l’ensemble des nombres complexes et N l’ensemble des entiers naturels.

Exercice n° 1

1
Soit l’application f définie sur R par : 𝑓(𝑥) = 1 + 𝑥
1. Etudier les variations de f et tracer son graphe.

2. Le graphe de f admet-il un centre de symétrie ?


1
3. Calculer lim+ ∫𝜖 𝑓(𝑥) 𝑑𝑥.
𝜖→0
4. Etudier la convergence de la suite (u n ) nN définie par :
𝑢0 > 0 et la relation de récurrence : 𝑢𝑛+1 = 𝑓 (𝑢𝑛 ).

Exercice n° 2

1
On considère l’application f définie sur R par : 𝑓(𝑥) = 1+𝑒 −𝑎𝑥 , où a est un paramètre réel
strictement positif.
1. Etudier les variations et la convexité de f.
2. Montrer que f admet un centre de symétrie (que l’on précisera).
3. Déterminer le nombre de solutions de l’équation : 𝑓 (𝑥) = 𝑥 .
1
4. Calculer 𝐼(𝑎) = ∫0 𝑓(𝑥)𝑑𝑥

Exercice n° 3

Soit f : 0,    R définie par : f (t ) 


Ln t
si t  1 et f (1)  1 .
t 1
x2

Soit F : 0,    R définie par : F ( x)   f (t ) dt


x

1. Etudier la continuité de f sur 0,   .


2. Déterminer le signe de f et celui de F sur 0,   .
3. Montrer que F est dérivable et calculer sa dérivée.
4. La fonction dérivée 𝐹 ′ est-elle continue ?
5. Etudier les variations de F sur 0,   .

1
Exercice n° 4

1. Dans une tombola de 100 billets, deux sont gagnants. Combien faut-il acheter de billets pour
avoir une probabilité supérieure à ½ d’obtenir au moins un billet gagnant ?

2. Dans une autre tombola composée également de 100 billets, sachant que le prix d’un billet
est de 1 euro et qu’un billet gagnant rapporte 20 euros, combien faut-il de billets gagnants dans
cette loterie pour que l’espérance de gain des joueurs soit la plus proche de zéro.

3. Dans une troisième tombola contenant 1000 billets, il y a 3 billets gagnants qui rapportent
chacun 50 euros et 20 autres billets gagnants qui rapportent chacun 20 euros. Les autres billets
sont perdants.
Sachant que le prix d’achat d’un billet est toujours d’un euro, calculer l’espérance de gain pour
cette tombola.

Exercice n° 5

Les trois questions sont indépendantes.

1. Résoudre dans R l’équation : 𝐿𝑛 (𝑥 2 − 1) − 𝐿𝑛 (2𝑥 − 1) + 𝐿𝑛 2 = 0.

𝑥 + 𝑦 + 1 = −4
2. Résoudre dans 𝑅 2 , le système : {
(𝑥 + 2)(𝑦 − 1) = −45

3. Résoudre dans R l’inéquation : (𝑚 − 3)𝑥 2 − 2 𝑚 𝑥 + 12 ≥ 0, où m est un paramètre réel.

Exercice n° 6

Déterminer toutes les fonctions numériques continues f qui vérifient :


x
f ( x)  1   ( x  t ) f (t ) dt
0

2
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AVRIL 2023

CONCOURS INGÉNIEURS STATISTICIENS ÉCONOMISTES CYCLE LONG /


ANALYSTES STATISTICIENS

ISE cycle long / AS

CONTRACTION DE TEXTE
(Durée de l’épreuve : 3 heures)

Le texte ci-après est tiré du livre de Monsieur Mathieu Farina et Madame Elena
Pasquinelli : « L’Art de faire confiance. Pour un nouveau contrat entre la science et les
citoyens » paru en 2020 aux éditions Odile Jacob.

Il doit être résumé en 250 mots (plus ou moins 10%). Vous indiquerez en fin de copie le
nombre de mots utilisés.

Il sera tenu compte de l’orthographe, de la ponctuation et de la présentation de votre


écrit.

La confiance est un ingrédient indispensable dans la vie d’une société et de chacun de ses
membres. Au moment de prendre une décision, nous nous laissons guider par notre jugement
ou par les conseils d’autres personnes. Pour se forger une opinion, nous nous appuyons sur
des informations collectées par nous ou d’autres, et nous accordons notre confiance à ces
données et à leurs sources. Nous sommes conscients que nous pouvons nous tromper, ou que
les autres peuvent nous tromper, par ignorance ou par malveillance ; mais nous faisons
néanmoins confiance, et même plus souvent que nous le pensons. Comment pourrait-il en être
autrement ? Nos sociétés se sont construites grâce à la capacité à exploiter les connaissances
produites par d’autres. C’est la confiance qui nous permet de bénéficier des avancées de notre
culture. Nous faisons confiance à l’ingénieur qui planifie le pont, au boulanger qui fabrique
notre pain, à l’enseignant qui nous délivre son savoir… Nous devons faire confiance.

Si cette confiance est indispensable, des outils de vigilance sont nécessaires, car nous ne
pouvons pas accorder notre confiance de manière aveugle. Comment discerner le bon grain de
l’ivraie dans l’ensemble des informations – parfois divergentes – auxquelles nous sommes
confrontés ?

1
La question se fait aujourd’hui plus pressante du fait d’une profusion d’informations
faciles d’accès. En tant que citoyens curieux et responsables, consommateurs quotidiens
d’Internet, nous sommes submergés d’informations de qualité variable. Ces informations sont
obtenues à très bas coût : un clic. Téléphones et tablettes les ont rendues omniprésentes : une
bibliothèque et un kiosque à presse dans votre poche, partout, tout le temps. Pour autant,
sommes-nous réellement capables d’en tirer profit ?

Le domaine de la santé nous offre quantité d’exemples qui illustrent la difficulté à discerner
le vrai du faux dans la masse d’informations que le Web place à portée de nos doigts.
Imaginons, par exemple, que nous cherchions à vérifier l’affirmation selon laquelle
consommer de la vitamine C permettrait d’écourter, prévenir ou soigner le rhume. Direction
Internet : Nous commençons donc par écrire dans l’espace dédié du moteur de recherche les
mots suivants : « rhume » et « vitamine C ». En 0,41 seconde 569 000 résultats s’affichent.

Pour les anglophones, l’attente est encore moins longue – 0,38 seconde - et la pêche encore
plus riche : 201 millions de pages Web prêtes à répandre leurs lumières sur notre
interrogation. Quand la question qui nous taraude présente un enjeu réel, nous pouvons nous
sentir désemparés, perdus au milieu d’une jungle d’informations souvent contradictoires.
Comment reconnaître dans cet enchevêtrement d’opinions la connaissance fiable sur laquelle
fonder ses décisions ?

Le problème du tri des informations n’est cependant pas nouveau. Par le passé, déjà, nous
devions faire face à des rumeurs, à des vérités assenées par certains et rejetées par d’autres.
Ainsi les saignées (1) ont-elles continué à être pratiquées jusqu’au XXème siècle bien que
leurs bases théoriques aient été mises à mal depuis la Renaissance, et que leur manque
d’efficacité ait été prouvé au début du XIXème siècle. Tout comme nous aujourd’hui, les
femmes et les hommes de l’époque avaient des idées bien arrêtées sur mille sujets, et ils les
relayaient sans s’être assurés de leur bien-fondé. Le citoyen du XIXème siècle, soucieux de se
forger une opinion, aurait certainement éprouvé toutes les difficultés à accéder à la meilleure
connaissance disponible.

Dans notre contexte moderne, le problème des fake news a certainement pris une forme et
une ampleur nouvelles, mais ses racines sont plutôt à rechercher dans notre nature et notre
façon de penser le monde. Le succès immédiat d’une idée ne dépend pas uniquement des
preuves qui la sous-tendent. Les informations capables d’évoquer des émotions négatives –
comme la peur d’un attentat ou d’une maladie - ou qui se révèlent surprenantes - comme
celles révélées par des légendes urbaines – sont par exemple plus à même de capter notre
attention et de rester dans notre mémoire. Elles sont également plus largement partagées via
les réseaux sociaux ou le bouche-à-oreille. Les faits objectifs ne sont pas forcément ceux qui
circulent le mieux. Certaines informations étayées ne font pas le poids face à des affabulations
concurrentes. Ces dernières résistent aux preuves et se diffusent.

Développer l’esprit critique dans notre société ne peut donc se résumer à rassembler
quelque part les bonnes informations que l’on mettrait à la disposition de tout un chacun. Un
effort supérieur est requis. Voilà pourquoi nous avons décidé de vous inviter à réfléchir aux
mécanismes cognitifs qui sous-tendent la construction d’une idée ou l’évaluation d’une
information afin de découvrir dans quelles situations nos attitudes spontanées se révèlent
insuffisantes et limitées. Une fois que vous serez sensibilisés à certaines limites de notre

2
cognition, nous partirons en quête des outils et solutions que notre culture a apportés pour les
dépasser. Ces solutions que nous évoquerons, ce sont celles de la science. […]

L’esprit critique est une quête de confiance bien placée

En tant que citoyens curieux et responsables, consommateurs quotidiens d’internet, nous


sommes submergés d’informations de qualité variable, que nous recherchons ou qui,
simplement nous tombent dessus. Comment se sortir de cette jungle d’informations ?
Comment distinguer entre, d’un côté les déclarations qui relèvent de simples opinions et, de
l’autre, les affirmations qui s’appuient sur des connaissances scientifiques bien établies ?

Nous sommes capables au quotidien de construire des connaissances simples par nos
propres moyens. Cependant, l’accès à la grande masse des connaissances produites et
accumulées par notre espèce au cours de son histoire exige de notre part un effort
supplémentaire : faire confiance aux autres. Au fil de ces chapitres, nous avons cherché à
convaincre le lecteur que faire preuve d’esprit critique ne signifie pas s’armer comme des Don
Quichotte pour courir après tous les moulins à vent du monde de l’information. L’esprit
critique est une forme de confiance éclairée qui doit guider une prise de décision plus juste.
Dans cette quête de confiance bien placée, la science doit jouer un rôle clé.

Science et cognition

Pendant que l’humanité inventait de nouveaux outils pour observer la réalité qui nous
entoure de manière plus rigoureuse, elle acquérait dans le même temps une meilleure
connaissance de son propre fonctionnement. En appliquant les outils de la science à nos
propres comportements, nous avons ainsi construit une science de nous-mêmes. Nous sommes
passés de l’autre côté du miroir. Les chercheurs savent maintenant que nous possédons des
capacités, des limites, des préférences et des tendances qui sont universelles et qui
caractérisent notre nature humaine. Celles-ci sont le fruit de millions d’années d’évolution.
Notre capacité d’observation sommaire, notre rapidité à suspecter la cause d’un malheur,
notre tendance à nous accrocher à nos idées et à convaincre nos pairs de leur bien-fondé ont
dû nous nous sauver maintes fois lorsqu’il s’agissait de survivre, dans un monde incertain,
changeant et déjà social. Aujourd’hui, nous avons besoin d’outils supplémentaires pour nous
en sortir dans un monde qui a tant changé et que nous avons contribué à changer.

Des outils et des stratégies pour une confiance éclairée

C’est avec cette considération en tête que nous nous sommes embarqués dans un voyage
d’épistémologie de terrain. Nous avons contacté des laboratoires de recherche scientifique,
dialogué avec ses acteurs et essayé de comprendre leur quotidien et les outils qu’ils mobilisent
pour répondre à un objectif de connaissance fiable. Ces outils ne sont pas toujours à notre
portée. Nous avons cependant appris à les employer pour reconnaître une information fiable
fondée sur des méthodes rigoureuses. Une telle expertise nous offre la possibilité de fonder
nos choix les plus importants sur la meilleure information disponible à un instant donné.

3
Mais voilà que survient un événement polémique, un scandale, un incident qui touche de
trop près la science… et la confiance de nouveau vacille. Et si cette fois les scientifiques se
trompaient ? A moins qu’ils ne soient sciemment en train de nous tromper ? Certes notre
méfiance peut naître pour des raisons légitimes – l’histoire nous offre malheureusement des
exemples qui ont alimenté cette méfiance et de tels événements restent gravés dans notre
mémoire collective… Pourtant chaque faille devrait être mise en balance avec l’ensemble des
bénéfices produits par la science, sur le long terme, et domaine par domaine. De son côté, la
science a le devoir de veiller à ce que ses principes soient respectés dans la pratique et ses
outils améliorés Elle doit mériter notre confiance. Si celle-ci est perdue, nos opinions et nos
décisions risquent de se retrancher dans l’horizon restreint de nos intuitions individuelles ou
de groupe, sans garantie de succès.

Entre nous et la science

Si nous voulons vraiment profiter de la richesse des connaissances produites par notre
société, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une compréhension suffisante de la science.
Cependant, même une alphabétisation scientifique avancée ne peut pas suffire. Confrontés à
des débats d’experts, à une information trop technique ou contradictoire sur Internet, nous
serons dépassés si nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Nous avons donc besoin de
nous appuyer sur une couche d’experts de proximité, jouant le rôle d’intermédiaires entre la
science et la société.

L’expert de proximité – médecin, journaliste, enseignant, scientifique vulgarisateur, etc. –


serait celui qui possède l’expertise nécessaire pour comprendre, évaluer l’information avec
l’aide de critères, et transmettre le savoir de la science. Il porterait aussi la responsabilité
d’interroger la science et de lui demander des comptes quand celle-ci s’écarte de ses
principes. On constate cependant que le déficit de connaissance de la méthode scientifique
n’affecte pas uniquement les citoyens, mais aussi certains de ceux qui pourraient les informer
et les éclairer. C’est donc une condition à améliorer pour établir une chaîne de confiance qui
relie la science au grand public. […]

Eloge de la lente amélioration des choses

La science n’est pas certes parfaite, et les scientifiques, dans leur vie quotidienne comme
dans leur travail, sont des êtres humains qui montrent les mêmes limites et les mêmes
« mauvaises » habitudes que tout un chacun – ou presque. Ils commettent des erreurs, leurs
résultats sont susceptibles de biais. Ils disposent cependant d’un ensemble d’outils fournis par
la science pour contrôler ces biais. Aucune entreprise humaine ne sera jamais totalement
exempte d’erreur. Nous ne pouvons pas en demander autant. La science poursuit pourtant
l’objectif de construire des connaissances objectives. Elle n’est pas le mieux mais le meilleur
possible. Ses stratégies nous permettent de faire mieux qu’une observation improvisée, qu’un
pressentiment ou une explication basée sur des faits anecdotiques. La méthode scientifique
non plus, n’est pas parfaite, pas plus que les connaissances qu’elle permet de produire. Elle
est pourtant le seul bouclier que nous possédons contre les arnaques pseudoscientifiques, les
charlatans et autres douces illusions… Nous associons les progrès de la science à des

4
instruments technologiques comme le microscope, le télescope ou les ordinateurs de plus en
plus puissants et rapides. Nous en venons à oublier les outils d’ordre épistémologiques que
nous avons rencontrés tout au long de cet ouvrage. De la grille d’observation aux protocoles
expérimentaux les plus complexes – comme les essais randomisés, contrôlés et effectués en
double ou triple aveugle -, des statistiques pour calculer les erreurs aux outils mathématiques
pour prédire le futur… toutes ces stratégies et artéfacts ont eux aussi participé à une marche
en avant de la science vers toujours plus de fiabilité. […]

Même si les moyens intellectuels et matériels de la science augmentent sans cesse, les
défis auxquels l’humanité se confronte sont toujours plus grands. La recherche scientifique a
toujours été et restera difficile. Et pour cela, on ne peut rien. Si ce n’est développer notre
patience. La science se doit – et nous doit – de ne pas courir vers de nouvelles découvertes,
mais de prendre le temps de répliquer les études, de multiplier les données et de croiser les
méthodes d’investigation. Cela peut être dur à accepter, notamment quand on attend de la
science qu’elle nous aide à sauver des vies, mais courir ne rend pas nécessairement service :
se précipiter donne des solutions apparentes mais qui ne sont pas nécessairement les bonnes.
Il y a un facteur temps incompressible dans la phase de recherche puis dans celle de validation
d’une connaissance nouvelle. La science est donc lente et doit le rester. C’est à ce prix qu’elle
produit des découvertes solides et fiables, que l’on pourra appliquer et utiliser pour mieux
décider en connaissance de cause.

Exercer son esprit critique : le kit de survie

[…] Faire preuve d’un esprit critique relève d’un ensemble d’attitudes à adopter, de
compétences à développer et de connaissances à acquérir. La tâche n’est pas facile. Il ne s’agit
pas de baisser la confiance en soi-même ou envers les autres et devenir plus méfiants. Bien au
contraire, il s’agit d’apprendre à calibrer sa confiance pour qu’elle soit en adéquation avec les
circonstances. Pour cela, nous avons besoin, en premier lieu, de penser à rendre explicite
notre évaluation des informations : pourquoi faisons-nous confiance à cet informateur ?
Pourquoi cette information suscite-t-elle en nous une réaction de rejet ou d’incrédulité ?
Pourquoi nous sentons-nous si sûrs de l’affirmation que nous venons de formuler ? En
somme, faire l’effort d’apprendre à s’autoévaluer et à se poser des questions sur ce qu’on sait
ou sur ce qu’on ne sait pas. Tout cela nous rendra un peu plus lents mais un peu plus justes
dans nos jugements. […]

Nous demandons aux scientifiques plus de transparence dans la production de leurs


résultats. Nous devrions nous engager à notre tour à être des citoyens informés, exigeants
envers nos sources d’information, attentifs à ne pas répandre inutilement des informations
douteuses, actifs dans la correction de celles qui nous tombent sous la main. C’est le prix à
payer pour avoir le droit de profiter du monde d’Internet et d’une société de la connaissance.

(1) - Saignée : prélèvement de sang pratiqué sur un malade pour améliorer son état.

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