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ESPACES VECTORIELS
1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2. Espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
3. Sous-espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
4. Opérations sur les sous-espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
5. Sous-espace vectoriels supplémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
6. Sous-espace vectoriel engendré par une famille de vecteurs . . . . 22
7. Familles génératrices, familles libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
8. Base d’un espace vectoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1. Introduction
Dans un chapitre précédent, nous avons vu la façon dont la méthode de
Gauss permet de résoudre un système d’équations linéaires. Nous avons
systématiquement utilisé des combinaisons linéaires des lignes. Nous pas-
sons ici à une étude générale de combinaisons linéaires.
Nous avons besoin d’un cadre. Dans le chapitre sur les systèmes
linéaires, nous avons utilisé tantôt des vecteurs de R2 , tantôt des vecteurs
de R3 et tantôt des vecteurs d’espaces de dimensions supérieurs. Notre
premier réflexe serait donc de travailler dans Rn , en laissant n non
spécifié. Cela aurait l’avantage que n’importe lequel des résultats resterait
valide pour R2 , pour R3 et pour beaucoup d’autres espaces, simultanément.
Mais, si le fait que les résultats s’appliquent à plusieurs espaces à la fois
est avantageux, alors ne s’en tenir qu’à Rn serait restrictif. Nous aimeri-
ons que nos résultats s’appliquent aux combinaisons de vecteurs colonnes
ou lignes, mais aussi dans tout ensemble où les combinaisons linéaires
utilisées ont du sens. Nous appellerons un tel ensemble un espace vec-
toriel. Nos résultats, au lieu d’être formulés comme suit : ”Chaque fois
que nous avons un ensemble dans lequel nous pouvons prendre judicieuse-
ment des combinaisons linéaires ...” il sera indiqué ”Dans n’importe quel
espace vectoriel ...”.
2. Espaces vectoriels
2.1. Loi de composition externe. — Soit E un ensemble non vide.
Définition 2.1. — On appelle loi de composition externe (ou produit
externe ou multiplication scalaire) opérant de K sur E toute application
K×E → E
(λ, ⃗v ) 7→ λ · ⃗v
Une loi de composition externe est usuellement notée par un point. Les
éléments de K sont appelés scalaires. Les éléments de E sont ap-
pelés vecteurs et seront, dans un premier temps, notés surmontés d’une
flèche.
Exemple 2.2. — La multiplication scalaire par un réel sur la direction
du plan ou de l’espace géométrique est une loi de composition externe,
qui à tout λ ∈ R et ⃗v vecteur, associe le vecteur λ · ⃗v .
Définition 2.3. — On suppose que E est muni d’un produit externe.
Une partie A de E est stable pour ce produit externe si
∀λ ∈ K, ∀⃗v ∈ A, λ · ⃗v ∈ A.
On peut alors considérer l’application restreinte
K×A → A
(λ, ⃗v ) 7→ λ · ⃗v
qui définit un produit externe de K sur A appelé produit externe induit.
Exemples 2.4. — (a) ∅ et E sont des parties stables pour n’importe
quel produit externe sur E.
(b) Sur la direction du plan ou de l’espace géométrique, l’ensemble A
formé des vecteurs colinéaires à un vecteur donné ⃗v est une partie stable
pour le produit externe sur E introduit dans Exemple 2.2.
ESPACES VECTORIELS 3
∀⃗v ∈ E, 1 · ⃗v = ⃗v .
⃗u
⃗u + ⃗v
−⃗v →
− ⃗v 2⃗v
0
⃗u ⃗u
⃗u + ⃗v
(⃗u + ⃗v ) + ⃗w ⃗u + (⃗v + ⃗w)
→
− ⃗v →
− ⃗v
0 0
⃗w ⃗w ⃗v + ⃗w
2⃗u
2⃗u + 2⃗v
⃗u
→
− 2⃗v
0 ⃗v
⃗u + ⃗v 2(⃗u + ⃗v )
⃗u
→
− ⃗v
0
2 · (⃗u + ⃗v ) = 2 · ⃗u + 2 · ⃗v
Nous vérifierons qu’il s’agit bien d’un R-espace vectoriel, au sens habituel
des opérations ”+” et ”·” que nous avons défini au chapitre 1,
! ! ! ! !
x1 x x + x2 x λx
+ 2 = 1 , λ· = .
y1 y2 y1 + y2 y λy
Pour la condition (4) nous devons produire un vecteur qui agit comme
l’élément zéro. Le vecteur des zéros fera l’affaire,
! ! !
x 0 x
+ =
y 0 y
ESPACES VECTORIELS 7
!
→
− 0
Notez que 0 = ∈ E puisque sa deuxième composante est le triple
0
de sa première.
Pour (5), on voit que pour n’importe quel ⃗v ∈ E, on peut produire son
opposé dans E, ! ! !
x −x 0
+ =
y −y 0
donc −⃗v convient et c’est bien un vecteur de E puisque −y = 3(−x).
La vérification des cinq dernières conditions liées à la multiplication
scalaire est similaire.
Pour
! (6), la stabilité par multiplication scalaire, soit λ ∈ R et v =
x
∈ E, on a
y
! !
x λx
λ · ⃗v = λ · =
y λy
est également un élément de E : le fait que sa deuxième composante est
trois fois sa premier λy = 3(λx) découle de ⃗v ∈ E.
Ceci permet aussi de vérifier (7)
! ! ! ! !
x (λ + µ)x λx + µx x x
(λ + µ) · = = =λ· +µ·
y (λ + µ)y λy + µy y y
Pour (8) on a
! !! !
x1 x (λ(x1 + x2 )
λ· + 2 =
y1 y2 λ(y1 + y2 )
!
λx1 + λx2
=
λy1 + λy2
! !
x x
= λ· 1 +λ· 2
y1 y2
Pour (9)
! ! ! !!
x (λµ)x (λ(µx) x
(λµ) · = = =λ· µ·
y (λµ)y λ(µy) y
et la dixième condition est également simple
! ! !
x 1x x
1· = = .
y 1y y
8 ESPACES VECTORIELS
3. Sous-espaces vectoriels
Dans l’exemple 2.7, nous avons vu un espace vectoriel qui est un sous-
ensemble de R2 , à savoir une droite passant par l’origine,
F = {(x, y) ∈ R2 | y = 3x}.
Là, l’espace vectoriel R2 contient en son sein un autre espace vectoriel
pour les mêmes lois, à savoir F .
Définition 3.1. — Une partie non vide F d’un K-espace vectoriel E
est un sous-espace vectoriel (en abrégé s.e.v.) de E si et seulement si
la restriction à F de l’addition et de la multiplication scalaire confèrent
à F une structure d’espace vectoriel sur K.
Dans la pratique, on utilise la caractérisation suivante pour montrer
qu’une partie non vide F est un s.e.v. de E.
Proposition 3.2 (Caractérisation des sous-espaces vectoriels)
Pour qu’une partie F d’un K−espace vectoriel E soit un sous-espace
vectoriel de E, il faut et il suffit que
– F ̸= ∅,
– ∀λ ∈ K, ∀u, v ∈ F, u + λv ∈ F.
Démonstration. — Montrons que la condition est nécessaire.
Supposons que F est un sous-espace vectoriel de E. La stabilité de F
par l’addition et par la multiplication scalaire implique
∀λ ∈ K; ∀u, v ∈ F, u + λv ∈ F.
Montrons que la condition est suffisante.
Supposons
∀λ ∈ K; ∀u, v ∈ F, u + λv ∈ F.
14 ESPACES VECTORIELS
Soient u, v ∈ F . En particulier,
– pour λ = 1, on a u + v = u + 1v ∈ F , donc le sous-ensemble F est
stable par l’addition.
– pour λ = −1 et u = v, on a 0E = u − u ∈ F .
– pour tout v ∈ F , on a −v = 0E + (−1)v ∈ F .
D’autre part, ∀λ ∈ K et ∀v ∈ F , λv = (λ − 1)v + v ∈ F . D’où la stabilité
de F par la multiplication scalaire.
Enfin, les autres propriétés de la définition 2.5 étant vraies sur E, elle
le sont encore sur F . On déduit alors que F est un espace vectoriel sur
K.
0E 0E
x y
0E
F
F +G
Démonstration. — On a F + G ⊂ E.
0 = 0 + 0 avec 0 ∈ F et 0 ∈ G, donc 0 ∈ F + G.
Soient λ ∈ K, w1 = u1 + v1 et w2 = u2 + v2 deux vecteurs de F + G.
Alors w1 + λw2 = (u1 + λu2 ) + (v1 + λv2 ) ∈ F + G.
De plus, F ⊂ F + G car pour tout u ∈ F , on peut écrire u = u + 0 avec
0 ∈ G. De même G ⊂ F + G.
Enfin, si un s.e.v. H de E contient F et G, alors pour tout u ∈ F ⊂ H
et pour tout v ∈ G ⊂ H, on a u + v ∈ H, donc F + G ⊂ H.
0E
D2
D1
w
v
0
u
F
v
0E
(4) Dans R3 , soient les vecteurs u = (1, 1, 1) et v = (0, −1, 2). Alors
Vect(u, v) = {(λ, λ − µ, λ + 2µ) | λ, µ ∈ R}
En effet, soit w ∈ Vect(u, v). Alors il existe λ, µ ∈ R tels que w =
λu + µv = λ(1, 1, 1) + µ(0, −1, 2) = (λ, λ − µ, λ + 2µ).
24 ESPACES VECTORIELS
Vect(v1 , · · · , vp , w).
Soit v ∈ Vect(v1 , · · · , vp , w), il existe des scalaires α, α1 , · · · , αp tels que
p
X p
X
v= αi vi + αw = (αi + αλi )vi
i=1 i=1
Soit (x, y, z) ∈ Vect(u, v), il existe alors deux scalaires α, β tels que
(x, y, z) = αu + βv = (α − β, β, α)
On a donc le système
α−β =x
β =y
α =z
Ce qui est équivalent à x = z − y ou encore x + y − z = 0.
Proposition 6.6. — Soit E un K-espace vectoriel. Si A et B sont deux
parties de E, alors
A ⊂ B =⇒ Vect(A) ⊂ Vect(B).
Démonstration. — Supposons A ⊂ B. On a alors A ⊂ Vect(B), or
Vect(B) est un s.e.v. donc Vect(A) ⊂ Vect(B).
Proposition 6.7. — Soit E un K-espace vectoriel. Si A et B sont deux
parties de E, alors
Vect(A ∪ B) = Vect(A) + Vect(B).
Démonstration. — On a A ⊂ Vect(A) donc A ⊂ Vect(A) + Vect(B). De
même B ⊂ Vect(A) + Vect(B), d’où A ∪ B ⊂ Vect(A) + Vect(B). Or
Vect(A) + Vect(B) est un s.e.v., donc Vect(A ∪ B) ⊂ Vect(A) + Vect(B).
Inversement, A ⊂ A ∪ B, donc d’après la proposition 6.6 Vect(A) ⊂
Vect(A ∪ B). De même Vect(B) ⊂ Vect(A ∪ B). Or Vect(A ∪ B) est un
s.e.v. donc Vect(A) + Vect(B) ⊂ Vect(A ∪ B).
Proposition 6.8. — Soit E un K-espace vectoriel. Si F est un s.e.v.
de E, alors Vect(F ) = F
Démonstration. — F ⊂ Vect(F ) et puisque F est un s.e.v. contenant F ,
on a aussi Vect(F ) ⊂ F .
On dit que la famille (e1 , . . . , en ) est liée si elle n’est pas libre, ce qui
signifie
∃λ1 , · · · , λn ∈ K, (λ1 , · · · , λn ) ̸= (0, · · · , 0) et λ1 e1 + · · · + λn en = 0E .
Exemples 7.5. — (1) Toute famille (v) de E formée d’un seul vecteur
non nul est une famille libre. En effet, si λ ∈ K est tel que λv = 0E ,
alors d’après la proposition 2.28, λ = 0.
(2) Dans Kn la famille
e1 = (1, 0, 0, . . . , 0),
e2 = (0, 1, 0, . . . , 0),
..
.
en = (0, 0, . . . , 0, 1),
est libre. En effet, soient α1 , . . . , αn ∈ K tels que
α1 e1 + . . . + αn en = 0.
L’égalité précédente est équivalente à
(α1 , 0, 0, . . . , 0) + (0, α2 , 0, . . . , 0) + . . . + (0, 0, . . . , 0, αn ) = (0, 0, . . . , 0),
c’est-à-dire (α1 , α2 , . . . , αn ) = (0, 0, . . . , 0). Donc α1 = . . . = αn = 0.
(3) Dans l’espace Kn [X] des polynômes de degré ≤ n, la famille définie
par
P0 (X) = 1, P1 (X) = X, · · · , Pn (X) = X n
est libre, car un polynôme est nul si et seulement si ses coefficients sont
nuls.
Proposition 7.6. — Soit n ≥ 2. On a equivalence entre :
(a) la famille (e1 , · · · , en ) est liée;
(b) l’un des vecteurs e1 , · · · , en est combinaison linéaire des autres.
Démonstration. — (a) ⇒ (b) : Supposons la famille (e1 , · · · , en ) liée. Il
existe donc des scalaires λ1 , · · · , λn non tous nuls tels que
λ1 e1 + · · · + λn en = 0
Comme les sclalaires λ1 , · · · , λn ne sont pas tous nuls, il existe i0 ∈
{1, · · · , n} tel que λi0 ̸= 0. On donc écrire
1
e i0 = − (λ1 e1 + · · · + λi0 −1 ei0 −1 + λi0 +1 ei0 +1 + · · · + λn en )
λi0
Ainsi ei0 est combinaison linéaire des vecteurs e1 , · · · , ei0 −1 , ei0 +1 , · · · , en .
28 ESPACES VECTORIELS
λ1 + λ2 + λ3 = 0
2λ1 − λ2 + λ3 = 0
λ1 + λ2 =0
On le réduit avec la méthode du pivot de Gauss. Cela revient à écrire
symboliquement les vecteurs v1 , v2 , v3 en colonne et de réduire la matrice
obtenue
1 1 1 1 1 1 0 3 1
2 −1 1 −→ 1 −2 0 −→ 1 −2 0
3 1 0 3 1 0 0 7 0
0 3 1 0 0 1
1 −2 0 −→ 1 0 0
0 7 0 0 7 0
Donc le système admet une solution unique, λ1 = λ2 = λ3 = 0. On en
déduit que la famille v1 = (1, 2, 1), v2 = (1, −1, 1), v3 = (1, 1, 0) est libre.
(2) Etudions si la famille v1 = (1, 2, 3), v2 = (0, 2, 1), v3 = (2, 6, 7) est
libre dans R3 ou non. Soit λ1 , λ2 , λ3 ∈ R tels que
λ1 v1 + λ2 v2 + λ3 v3 = (0, 0, 0). (1)
ESPACES VECTORIELS 29
0 0 −1 1 0 0 0 −1 1 0
1 1 0 0 0 1 1 0 0 0
−→ −→
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 3 0 0 −1 0 −3 0 0 1
30 ESPACES VECTORIELS
Remarques 7.8. — (a) Soit (e1 , · · · , ep ) une famille libre dans E. Alors
pour tout i, le vecteur ei n’est pas nul et aucun des vecteurs ei n’est
combinaison linéaire des autres vecteurs ej , j ̸= i.
(b) Toute sous-famille extraite d’une famille libre est encore libre.
(c) Toute sur-famille d’une famille liée est liée, en particulier toute
famille contenant le vecteur nul est liée.
(d) Une sur-famille d’une famille libre n’est pas nécessairement libre.
Donc, un candidat naturel pour une base est la famille B formée des deux
matrices ! !
−1 1 2 0
A1 = , A2 = .
0 0 1 0
L’écriture de E comme ensemble de combinaisons linéaires de A1 et
A2 montre que cette famille est génératrice. Elle est aussi linéairement
indépendante car les deux matrices ne sont pas colinéaires.
Compétences visées.