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III – Résultats de l’altération

Les météorisations physique et chimique agissent de concert. Elles se produisent


simultanément, s’unissent pour désagréger mutuellement les roches. Ainsi, par désintégration
en blocs ou en petits morceaux, la surface d’exposition de la roche augmente considérablement,
ce qui accélère son altération chimique. De même la dissolution des grains ou du ciment, le
farinage des feldspaths et leur transformation en argile, par exemple, fragilisent la roche qui par
perte de sa cohésion devient plus vulnérable face à la météorisation physique.
Différentes roches subissent une météorisation différentielle à l’origine des topographies en
marches d’escalier ou en dents de scie. De même la vitesse à laquelle la surface terrestre est
altérée dépend du type de roche, si bien que les vallées ont tendance à se développer au niveau
des roches tendres tandis que les roches dures constituent les collines. Mais le climat est le
facteur déterminant de la météorisation (fig. 8).

Pluviométrie annuelle (mm)


Température moyenne
allitisation ou
ferralitisation ou
latéritisation
bisialitisation monosialitisation
(podsolisation) ou kaolinitisation
Ceinture polaire

2500
Zone boréale Zone tempérée Ceinture Zone tropicale
40 désertique 2000
Taïga Feuillus Steppe Savane Forêt pluviale
30 1500
Température
20 1000

10 500
Équateur
0
Pôle

Substratum cristallin
phyllite 2/1
Roche en voie de
décomposition ou de Kaolinite
désagrégation
phyllites 2/1
ou silice résiduelle (placages) Gibbsite - kaolinite
Épaisseur de la couche d’altération

Fig. 8 : Nature minéralogique et épaisseur du manteau d’altération superficielle (échelle arbitraire) en


fonction de la latitude (zonation climatique et ceintures de végétation associée, d’après G. Pedro)

1 – Importance du climat

Les différents facteurs ou processus étudiés dépendent étroitement du climat (fig. 8 et 9). Ainsi,
en climat froid, la désagrégation mécanique par gel constitue l’essentiel de l’altération. La
décomposition chimique, très faible, se résume à l’action des acides conservés dans la neige et
à l’entraînement de l’Aluminium par les complexes organiques non ionisables : C’est la
chéluviation

En climat tempéré les facteurs d’altération sont nombreux mais leur puissance est faible.
L’hydrolyse des minéraux ne dépasse pas le stade sialitique.
En climat désertique l’influence de la variation de la température (thermoclastie) et l’action de
la cristallisation des sels sont presque les seuls phénomènes d’altération observés.

Température et pluviosité font que les climats tropical et équatorial sont beaucoup plus agressifs
que les climats froids et secs. La désagrégation mécanique est très faible. La décomposition
chimique, très active, donne des zones d’altération pouvant atteindre parfois 100 mètres de
profondeur (fig. 8). L’hydrolyse des minéraux atteint le stade de ferralitisation.

Climat Froid Tempéré Chaud

EVOLUTION CHELUVIATION SOLUVIATION = HYDROLYSE


GEOCHIMIQUE SiO2 SiO2 SiO2
Al2O3
Phyllites 2/1 Phyllites 1/1 Hydroxydes d’Al
RESULTAT Silice libre (illite, smectite) (kaolinite) (gibbsite
boehmite)
PROCESSUS Podzolisation bisiallitisation Monosiallitisation Allitisation ou
= kaolinitisation ferralitisation
(latéritisation)

Fig. 9 : Caractères géochimiques des principaux types d’altération en fonction d’un climat de plus en
plus chaud (zones boréales à équatoriales). Les flèches indiquent l’intensité du lessivage de Al2O3 ou de
SiO2

Pour illustrer cette zonation climatique de l’altération, on prend l’exemple de la désagrégation


du granite en climat tempéré et tropical humide.

Granite = quartz + feldspaths potassiques + plagioclases + micas (muscovite + biotite)

En climat tempéré :
- Quartz et muscovite donnent quartz + muscovite ;
- la biotite s’hydrate, se gonfle et commence à perdre son fer ;
- les feldspaths s’hydrolysent et deviennent friables et farineux.
L’ensemble correspond à une matrice argileuse contenant du quartz et de la muscovite intacts
et dans laquelle nagent des boules de granite inaltérées. Cet ensemble constitue une arène
granitique (fig. 10).

En climat tropical humide :


Le même granite montre une altération plus poussée et sur plusieurs dizaines de mètres
d’épaisseur. Le granite sain passe progressivement vers le haut à une arène granitique que
surmonte une zone argileuse plus ou moins tachetée d’oxydes de fer (la lithomarge). Cette argile
va passer progressivement à une cuirasse latéritique où se concentrent les hydroxydes de fer et
d’aluminium (fig. 11 et 12).

Remarque : bilan et produits d’altération de silicates


- le quartz est le minéral le plus abondant et le plus résistant
- la dégradation modérée des chaînes alumino-silicatées (feldspaths) donne des minéraux
argileux ; ce qui indique la concentration de l’Al et l’adsorption de K+,
- la précipitation des hydrolysats (faible solubilité) ; dans le cas de Fe2+, il y a d’abord
oxydation en Fe3+ avant précipitation de Fe (OH)3
- Ca et Mg précipitent en fonction des teneurs en CO2 et la température du milieu,
- les ions très solubles précipitent dans les solutions saturées, donc en milieu
d’évaporation.
En période de longue stabilité climatique (biostasie) l’intensité de l’altération est telle que toutes
les structures de la roche originelle disparaissent. Il reste dispersé dans l’épais manteau
latéritique que les fragments de quartz laiteux, filoniens.

Fig. 10 : Arénitisation du granite

Fig. 11 : Coupe d’un sol tropical sous couvert


2 – végétal
Bio-rhexistasie
dense montrant une altération latéritique

Qu’ils aboutissent à la formation d’arènes ou de sols, les processus d’altération de roches


préparent les stades ultérieurs d’érosion et de sédimentation. L’entraînement des produits
d’altération dépend en particulier des modifications climatiques sur lesquelles a beaucoup
insisté H. Erhart (théorie de la bio-rhexistasie).

Pendant les périodes de stabilité climatique (biostasie), l’altération chimique devient


prépondérante. Les ions solubles des arènes et des sols sont lessivés sous couvert végétal et
entraînés à la mer par des eaux limpides. Cette phase migratrice (K, Na, Ca, Mg et une grande
partie de la silice des silicates) donne sur le plateau continental (en se recombinant et en
précipitant) des formations calcaires et dolomitiques avec leurs accidents siliceux et cortèges
de roches organiques associées. Pendant ce temps, quartz et hydroxydes de fer et minéraux
argileux constituent sur place (sur le continent) la phase résiduelle (bauxites et latérites).

Survient une modification climatique, avec destruction du couvert végétal qui jouait le rôle de
« filtre séparateur ». Le manteau latéritique devient une proie de l’érosion. Les fleuves roulent
une eau boueuse entraînant une superposition des sédiments ferrugineux ou bauxitiques aux
calcaires. Sur le continent les roches sont rapidement dénudées et les sédiments deviennent plus
détritiques et grossiers. Une telle rupture d’équilibre climatique et, par suite biologique est
appelée rhexistasie.

La théorie en insistant sur les ruptures d’équilibre biologiques peut s’appliquer, avec bonheur,
aux aires stables et présente le mérite d’attirer l’attention sur les processus d’altération
superficielle des roches. La météorisation et la pédogenèse qui, en mobilisant les constituants
minéraux des roches à l’abri du couvert végétal, apparaissent ainsi comme les facteurs essentiels
de l’érosion et de la sédimentation. La théorie montre que l’analyse de séries sédimentaires des
zones marines permet de remonter au type d’altération du continent voisin, donc d’avoir une
idée du climat qui y régnait.

3 – L’altération et la formation des sols

Les sols résultent de l’altération des roches au contact d’agents atmosphériques et biologiques.
Leur étude définit la pédologie.

a) – Structure

Elle dépend des circulations aqueuses qui favorisent les dissolutions ou les précipitations des
produits solubles. Ces circulations sont responsables de la formation des niveaux appelés
horizons (fig. 12). Ce sont de haut en bas :

- Les horizons éluviaux, notés A, ils sont caractérisés par la dissolution et l’entraînement vers
le bas de certains composés chimique solubles ou colloïdaux. C’est le phénomène de lessivage
ou éluviation. On distingue A0, A1, A2, ….

- Les horizons illuviaux, notés B, ils sont caractérisés par la concentration des substances
solubles entraînées vers le bas par les eaux d’infiltration. Le phénomène d’accumulation prend
le nom d’Illuviation. On distingue B1, B2, B3, ….

- Les horizons de roches mères, notés C (C0 pour la roche mère en voie d’altération et C pour
la roche mère saine).
L’ensemble de la séquence verticale (différents horizons de haut en bas) est appelé profil du sol
ou profil pédologique.

b) – Quelques grands types de sols

- Dans les régions à saisons sèches peu marquées, le phénomène de lessivage est important. La
structure du sol est de haut en bas celui des figures 12 et 13.
L’importance du lessivage entraîne la perte d’une bonne partie de leur fertilité.
- Dans les régions à saisons sèches très marquées, les circulations aqueuses remontent par
capillarité en entraînant les substances solubles vers le haut. Dans ce cas on obtient une
inversion des horizons A et B.
Parfois, en raison de l’alternance régulière des saisons, lessivage et capillarité s’équilibrent
donnant naissance à des sols sans horizons déterminés, généralement très riches.

Horizons Horizons

A0 Matière végétale peu


décomposée. A1 Gris, limono-
sableux, un peu humifère, à
A1 Gris noir humifère limono- structure faiblement
caillouteux grumeleuse.

A2 Gris très clair cendreux, A2 Gris beige clair,


limono-caillouteux sablo-limoneux, faiblement
lamellaire

B1 Noir, un peu compact


d’accumulation humique B Ocre beige,
B2 Ocre rouille faiblement argilo-limoneux, enrichi
argileux, enrichi en fer aussi en fer, à structure
prismatique faiblement
C Limon caillouteux provenant développé
de l’altération de schistes à quartzites

C Roche mère,
limon calcaire

Fig. 13 : Exemples de profils de sols

- Enfin, à la différence des sols éluviaux, on a des sols dits transportés. Ce sont les sols d’éboulis
et de coulées, les sols alluviaux, les sols glaciaires, les sols lacustres et les sols éoliens (dépôts
de poussière en bordures des déserts).

La diversité des sols dépend de plusieurs facteurs prévalant lors de leur formation :
- le climat (cumul des précipitations, distribution des précipitations pendant l’année et
amplitude moyenne des températures au cours de l’année déterminent le taux et la quantité
d’altération chimique et de lessivage qui se produisent à un endroit donné),
- la composition du substrat (le basalte donne un sol plus riche en fer que le granite)
- la raideur de la pente
- le drainage,
- le temps
- le type de végétation
Tous ces facteurs expliquent l’existence de plusieurs systèmes de classification des sols. Mais,
la nature du sol dépend plus étroitement de la nature de la roche mère et du climat. La végétation
joue un rôle non négligeable par production de la matière organique qui est primordiale. Elle
forme des complexes argilo-humiques qui déterminent la structure du sol. Lorsque l’humus se
forme en milieu biologiquement actif et très aéré, il se mélange intimement avec la matière
minérale et constitue un mull. Au contraire le mor (ex. tourbières) est un humus brut, peu
transformé et peu minéralisé, d’un noir intense et fortement acide (pH = 3,5 à 4,5).

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