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Hervé Queffélec
Topologie
5e édition
Illustration de couverture : seamless background © Kirsten Hinte – fotolia.com
Avant-propos IX
Notations XII
VII
Topologie
Index 313
VIII
A VANT - PROPOS
La plupart des traités de topologie générale suit l’une des deux voies suivantes :
La première s’attache aux raffinements les plus extrêmes de la théorie (axiomes de
séparation T 1 , . . . , T 4 , critères de métrisabilité de Nagata-Smirnov, etc.).
La seconde (cf. [C] ou [De] par exemple) passe relativement vite sur les notions
fondamentales pour arriver à leur application à la théorie des fonctions (théorèmes
d’Ascoli et Stone-Weierstrass par exemple) ou à celle des espaces normés (théorème
de F. Riesz par exemple) ; ces applications sont aussi excellemment développées dans
les ouvrages classiques [D], [S] ou dans l’ouvrage plus récent [HL].
Nous avons donc choisi une troisième voie, en ne traitant que les notions fonda-
mentales de la topologie générale (et il y en a peu : limites, continuité, compacité,
connexité, complétude) dans le cadre d’espaces le plus souvent séparés, voire mé-
triques mais en creusant sur des exemples l’étude de ces notions, ce qui peut mener
assez loin, même si on demeure résolument (comme c’est le cas dans cet ouvrage)
aux niveaux L3 et Master ; ainsi le théorème du point fixe de Picard et le théorème
de Baire débouchent sur les notions de dimension topologique et de dimension de
Hausdorff, d’objet fractal, etc., sans parler des applications plus classiques à l’Ana-
lyse. Nous traitons donc de façon approfondie des notions en nombre restreint, mais
qui se retrouvent ensuite partout dans le cursus d’un étudiant en mathématiques (cal-
cul différentiel et intégral, analyse fonctionnelle ou complexe, topologie algébrique
ou différentielle, etc.) et nous renvoyons (cf. bibliographie) à d’autres ouvrages pour
les grands résultats sur les espaces de fonctions.
Le livre est divisé en sept chapitres (à l’intérieur desquels nous nous permettons
parfois le renvoi à un chapitre ultérieur).
Le chapitre I donne une construction de R et de ses principales propriétés. Le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
IX
Topologie
courbes et courbes de Jordan auto-similaires) y sont proposées ; les exercices plus dif-
ficiles, ou utilisant des notions un peu transversales, sont signalés par une astérisque.
Deux principes nous ont guidés pour cette troisième édition :
1) Mettre davantage en évidence les liens étroits de la topologie générale avec
d’autres branches des mathématiques, comme :
– Théorie de la mesure (théorème de Steinhaus au chapitre 1).
– Géométrie (distance géodésique au chapitre 2).
– Analyse complexe (métrique pseudo-hyperbolique au chapitre 2, théorème de
d’Alembert -Gauss selon Körner au chapitre 6).
– Analyse fonctionnelle (lemme de Zabrejko au chapitre 5).
2) Renforcer le plus possible la cohérence de l’ouvrage :
– En complément à l’exercice 16 du chapitre 6, le caractère inépuisable des compacts
connexes est établi au chapitre 7.
– La construction explicite d’une partie de R2 connexe et localement connexe, mais
non localement connexe par arcs, est donnée au chapitre 6.
– Une preuve fonctionnelle de la connexité de l’ensemble A du chapitre 4 (exer-
cice 32) est donnée, qui utilise les caractérisations séquentielles de la continuité.
– L’égalité des composantes par chaînes et connexes pour un métrique compact est
prouvée au chapitre 4.
Nous pensons que ce livre peut être utile à un étudiant en L3 connaissant bien le
programme de L1/L2, mais aussi à des étudiants plus avancés : CAPES, M1, agréga-
tion interne ou externe, et qu’il peut être utilisé à différents niveaux. Pour cela, nous
avons défini, dans la partie préliminaire « Notations », toutes les notions et symboles
utilisés dans le texte ; nous conseillons donc au lecteur de s’y référer souvent, ainsi
qu’aux ouvrages cités dans la bibliographie.
Nous avons beaucoup appris sur la topologie générale de A. Ancona et M.
Rogalski, qu’ils en soient remerciés ici. Enfin, nous adressons tous nos remerciements
à Mme A. Bardot pour la compétence, la célérité et la gentillesse avec lesquelles elle
a assuré la frappe de ce livre ainsi qu’à MM. C. Suquet, C. Sacré et B. Morel pour
leur précieuse aide dans la réalisation des figures.
Ces rééditions successives ont bénéficié des remarques très pertinentes de quelques
collègues, au premier rang desquels Bruno Calado, que nous remercions chaleureu-
sement. Nous avons ainsi clarifié et complété des points de cours (homotopie au cha-
pitre 4, applications en Analyse fonctionnelle du lemme de Zabrejko au chapitre 5,
définition et propriétés de l’indice au chapitre 6, ce qui rend plus accessible la preuve
du difficile théorème de Jordan-Schönfliess).
X
Avant-propos
Nous avons mis à profit cette cinquième édition sur les points suivants :
• Quelques coquilles résiduelles ont été éliminées, et la présentation de quelques
exercices simplifiée et améliorée.
• Chaque chapitre est précédé d’une présentation générale, qui met la notion étudiée
en perspective (compacité, connexité, complétude, . . . ) et donne quelques éléments
historiques.
• Le chapitre 3 est complété par plusieurs exercices nouveaux sur les notions de
produit tensoriel injectif et projectif dans les espaces de fonctions continues, et
rend ainsi un hommage particulier à A. Grothendieck et aux travaux de sa jeunesse.
• Le chapitre 7 contient une preuve complète du lemme de Vitali sur les recouvre-
ments fins, et pas seulement une référence à la bible qu’est le livre de Federer dans
ce domaine, comme cela était le cas dans la précédente édition.
Ce lemme combinatoire, un peu analogue à celui de Borel-Lebesgue, mais ré-
servé aux espaces métriques, joue un rôle essentiel dans l’étude de la dimension
de Hausdorff de ce chapitre 7, mais peut se révéler utile au lecteur (préparant le
CAPES, l’agrégation ou une thèse) dans d’autres domaines, par exemple l’intégra-
tion (nous pensons
x notamment au théorème de Lebesgue sur la différentiation des
intégrales x → 0 f (t)dt). Sa preuve n’est pas très difficile, mais demande un peu
de réflexion, c’est pourquoi nous y avons consacré plusieurs pages.
Enfin, plusieurs dessins ont été incorporés au chapitre 5 : un dessin n’est pas une
preuve, répète-t-on souvent. Ajoutons qu’une preuve sans dessin est souvent une
preuve ennuyeuse et sans consistance, que l’on s’empresse d’oublier.
Nous accueillerons avec plaisir et gratitude toutes les remarques et suggestions
envoyées à l’adresse électronique suivante : Herve.Queffelec@univ-lille1.fr
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
XI
N OTATIONS
XII
Notations
• Tous les espaces vectoriels (en abrégé K−ev ou ev) considérés (à l’exception de
l’exercice 1, chapitre I) seront sur le corps K = R ou C ; on note evn un espace
vectoriel normé ; un espace de Banach est un evn complet. Une semi-norme sur un
K−ev E est une application p : E → R+ ayant toutes les propriétés d’une norme sauf
peut-être l’implication p(x) = 0 ⇒ x = 0. Un hyperplan d’un ev E est un sous-espace
vectoriel de E de codimension 1.
• Le produit scalaire sur√ un espace de Hilbert H est toujours noté (x/y), la norme
associée |x| ; i.e. |x| = (x/x). L’inégalité de Cauchy-Schwarz s’écrit : |(x/y)| |x| |y|
pour x, y ∈ H. L’espace L (H) des applications linéaires continues de H dans H est
normé par : || f || = sup{| f (x)|; |x| = 1}. u∗ désigne l’adjoint de u ∈ L (H) : (x/u∗ (y)) =
(u(x)/y) pour tous x, y ∈ H.
• « K n usuel » désignera toujours Rn (resp. Cn ) muni de son produit scalaire euclidien
(resp. hermitien usuel) ; la norme associée définit la topologie usuelle sur K n , c’est-
à-dire la topologie produit de la topologie usuelle de K n fois par elle-même ; la base
canonique de K n est notée (e1 , . . . , en ), et on identifie f ∈ L (K n ) et sa matrice sur la
base canonique. S n est la sphère unité euclidienne de Rn+1 : x ∈ S n ⇔ |x| = 1.
• Si E est un ensemble de référence, I désigne l’identité de E dans E ; si E = K n , I
désigne aussi la matrice unité d’ordre n. det désigne la fonction déterminant sur K n ,
normalisée par det I = 1.
• GL(n, K) désigne le groupe des matrices carrées inversibles (n × n) à
coefficients dans K, O(n) (resp. U(n)) le sous-groupe des éléments orthogonaux (resp.
unitaires) de GL(n, R) (resp. GL(n, C)). O(n) est aussi le groupe des bijections li-
néaires de Rn qui conservent le produit scalaire euclidien.
• Une homographie est une application de la forme h(z) = az+bcz+d avec ad − bc 0 ; si
h = I, h est dite involutive.
2
• Si E est un K−ev, a, b ∈ E, A, B ⊂ E, λ ∈ K, on note : [a, b] = (1 − t) a + tb ;
t ∈ R, 0 t 1} ; c’est le segment d’origine a et d’extrémité b ; A + B = {a + b ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
XIII
Topologie
X ; la mesure de Lebesgue sur Rn est notée mn , ou même m, s’il n’y a pas de risque
de confusion.
• Une fonction entière est la somme d’une série entière de rayon de convergence
infini. Plus généralement, une fonction holomorphe sur un ouvert U de C est une
application f : U → C qui est C−différentiable en tout point de U. H ∞ est l’espace
des fonctions holomorphes bornées sur D, le disque unité ouvert.
• Log x désigne le logarithme népérien du réel x > 0 ; Arc cos, Arc sin, Arctg dési-
gnent les déterminations principales des fonctions réciproques des fonctions trigono-
métriques cosinus, sinus, tangente et on a des bijections Arc cos : [−1, 1] → [0, π],
Arc sin : [−1, 1] → − π2 , π2 ], Arctg : R → − π2 , π2 .
• Dans le plan complexe C, on emploie les notations suivantes : |z| est le module de
z ; z = x − iy est le conjugué de z = x + iy. Rz = x, Im z = y sont respectivement les
parties réelle et imaginaire de z.
D(a, r) = {z ∈ C; |z − a| < r} est le disque ouvert de centre a et de rayon r.
D(a, r) = {z ∈ C; |z − a| r} est le disque fermé de centre a et de rayon r.
C(a, r) = {z ∈ C; |z − a| = r} est le cercle de centre a et de rayon r.
D = D(0, 1) est le disque unité ouvert ; Γ = C(0, 1) est le cercle unité. C’est aussi
l’ensemble des eit , où t parcourt un intervalle de longueur 2π.
• Une courbe est une application continue γ : [u, v] → C où u, v ∈ R et u < v ;
γ∗ = γ([u, v]) s’appelle l’image de γ.
• Une progression arithmétique dans Z est une partie de Z de la forme a + b Z, où
a, b ∈ Z. On emploie les abréviations usuelles pgcd et ppcm pour plus grand commun
diviseur et plus petit commun multiple.
• Pour f , g : C → C, la notation (de Landau) f = O(g) signifie qu’on peut trouver
M > 0 et δ > 0 tels que | f (z)| M|g(z)| si |z| δ.
• Un ensemble inductif E est un ensemble partiellement ordonné (E, ) dans lequel
toute partie totalement ordonnée possède un majorant ; b ∈ E est dit maximal si x ∈ E
et x b entraîne x = b. Si E est inductif et a ∈ E, on peut trouver b maximal avec
b a (lemme de Zorn ; cf. [HL]). Si a ∈ E vérifie a x pour tout x ∈ E, on dit que
a est le minimum de E et on note a = min E ; on définit de même max E, quand il
existe.
• Si X, Y sont deux espaces métriques, f : X → X est dite lipschitzienne s’il existe
k > 0 tel que d[ f (a), f (b)] k d(a, b) pour tous a, b ∈ X. f est dite isométrique si
d[ f (a), f (b)] = d(a, b) pour tous a, b ∈ X.
• On dit (supposant connue la notion d’action de groupe) que le groupe G agit tran-
sitivement sur l’ensemble X si, étant donné a, b ∈ X, il existe g ∈ G tel que ga = b.
XIV
LE CORPS DES RÉELS
1
I D ÉFINITION AXIOMATIQUE DE R
I.1 Corps archimédiens ; segments emboîtés
On adopte ici le point de vue de Dieudonné ([D], chapitre II), c’est-à-dire qu’on prend
en cours de route la construction de Dedekind par la méthode dite « des coupures »,
qui consiste à adjoindre aux rationnels déjà connus de nouveaux éléments ; cette
construction possède des propriétés dont la preuve n’est au début qu’une vérifica-
tion ennuyeuse ; on prend ces premières propriétés comme axiomes (axiome voulant
dire propriété admise) et on renvoie à [L] pour leur vérification ; à partir de ces
« axiomes », on démontre de façon rigoureuse d’autres propriétés fondamentales du
nouvel ensemble R considéré, notamment celle de la borne supérieure. On suppose
donc qu’il existe un ensemble R (appelé corps des (nombres) réels) tel que :
Axiome 1. R est un corps commutatif (de lois notées +, et ·), les éléments neutres
pour l’addition et la multiplication étant respectivement notés 0 et 1 (zéro et un).
Axiome 2. R est un corps ordonné, i.e. il existe sur R une relation d’ordre total notée
, compatible avec la structure de corps au sens où pour tous x, y, z de R :
x 0 , y 0 ⇒ xy 0 . (I.2)
Remarque. Le corps Q des rationnels vérifie les axiomes 1, 2, 3 ; il est donc prévi-
sible que c’est l’axiome 4 qui jouera le rôle essentiel dans les preuves à venir.
1
Chapitre 1 • Le corps des réels
x = x+ − x− ; |x| = x+ + x− (I.6)
b−a b−a
]a, b[= u; |u − c| < ; [a, b] = u; |u − c| . (I.7)
2 2
2
I. Dénition axiomatique de R
Notons d’abord que R est, comme tous les corps ordonnés, un corps de caractéristique
zéro au sens où
x ∈ R , x 0 , n ∈ N∗ ⇒ nx 0 . (I.10)
En effet, x > 0 entraîne nx x > 0 d’après l’axiome 2 et une récurrence sur n
(noter que b1 a1 et b2 a2 entraîne b1 + b2 a1 + a2 ) ; de même, x < 0 entraîne
nx < 0. Comme tous les corps commutatifs de caractéristique zéro, R contient une
copie du corps Q des rationnels ; plus précisément, l’application ϕ : Q → R définie
par ϕ qp = (p · 1)(q · 1)−1 , où p ∈ Z, q ∈ N∗ , est un isomorphisme croissant du
corps ordonné Q sur un sous-corps de R, qu’on note encore Q par abus de langage.
Le théorème suivant est fondamental.