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Toute culture véritable est

prospective. Elle n’est point


la stérile évocation
des choses mortes, mais
la découverte d’un élan
créateur qui se transmet
à travers les générations
et qui, à la fois réchauffe
et éclaire. C’est ce feu,
d’abord, que l’Éducation
doit entretenir.

Gaston Berger
« L’Homme moderne
et son éducation »

é c o l e n o r m a l e s u p é r i e u r e d e lyo n
Institut français de l’Éducation

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Sommaire
Dossier
Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire
coordonné par Romuald Normand & Jean-Louis Derouet

Romuald Normand & Jean-Louis Derouet – Évaluation,


développement professionnel et organisation scolaire p. 5
Brian Annan – L’amélioration continue des établissements scolaires :
l’ingénierie mise en place en Nouvelle-Zélande p. 21
Helen Timperley – Le développement professionnel des enseignants
et ses effets positifs sur les apprentissages des élèves p. 31
Gordon Stobart – « L’évaluation pour les apprentissages » :
d’une expérimentation locale à une politique nationale p. 41
Marian Robinson – Associer obligation de résultats et amélioration
des compétences des établissements de New York p. 49
Leslie Nabors Oláh – Les évaluations intermédiaires des élèves dans le cadre
des cycles d’amélioration continue de l’enseignement p. 61
Matthis Behrens – Les transformations de l’organisation scolaire : retour
vers la qualité de l’enseignement p. 71

Varia
Brigitte Belmont, Éric Plaisance & Aliette Vérillon – Conditions d’emploi
des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement
des élèves handicapés p. 91
Guillaume Escalié & Sébastien Chaliès – Vers un usage européen du modèle
des communautés de pratique en formation des enseignants p. 107

NOTE DE SYNTHÈSE
Virginie Albe – Finalités socio-éducatives de la culture scientifique p. 119

NOTES CRITIQUES
Albanel Xavier – Le travail d’évaluation (Hélène Buisson-Fenet) p. 139
Broccolichi Sylvain, Ben Ayed Choukri & Trancart Danièle – École :
les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française
(Jean-Claude Émin) p. 140
Famose Jean-Pierre & Bertsch Jean – L’estime de soi : une controverse éducative
(Cécile Nurra) p. 144
Harlé Isabelle – La fabrique des savoirs scolaires (Marie-Pierre Pouly) p. 146
Peugny Camille – Le déclassement (Tristan Poullaouec) p. 148
Rich Joël – Les nouveaux directeurs d’école. Repenser l’encadrement
des établissements scolaires (Gilles Combaz) p. 149
Robert Bénédicte – Les politiques d’éducation prioritaire. Les défis de la réforme
(Sylvie Aebischer) p. 151

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Sommaire
NOTES CRITIQUES (suite)
Singly François de – Comment aider l’enfant à devenir lui-même ? (Philippe Foray) p. 152
Zanten Agnès van – Choisir son école. Stratégies familiales et médiations locales
(Xavier Dumay) p. 154

LA REVUE A REÇU p. 157

ABSTRACTS (traduction de Marcel Rieu) p. 159

RESÚMENES (traduction de Catherine Echezarreta) p. 162

ZUSAMMENFASSUNGEN (traduction de Roland Boichon) p. 166

TABLE DES ARTICLES, NOTES DE SYNTHÈSE


ET NOTES CRITIQUES PARUS EN 2010 p. 171

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Évaluation,
développement professionnel
et organisation scolaire
Romuald Normand et Jean-Louis Derouet

INTRODUCTION
de leur développement professionnel à l’échelle locale.
Ces politiques ont valorisé une diversification pédago-
La mondialisation confronte tous les pays à un cer-
gique centrée sur les besoins de chaque élève à
tain nombre de défis semblables : une obligation de
l’échelle de la classe, sur les demandes d’un environ-
résultats, qui concerne aussi bien les élèves que les
nement situé à l’échelle de l’établissement. Dans le
enseignants et les établissements scolaires ; une maî-
même esprit, les politiques d’éducation ont aussi inté-
trise des compétences de base nécessaires à l’inves-
gré les TICE dans les classes en ouvrant les établisse-
tissement en capital humain et à la réussite de par-
ments sur des structurations en réseaux et des
cours professionnels tout au long de la vie. Plusieurs
démarches de projet qui mobilisent divers partenaires,
ont entrepris des changements importants dans leur
à commencer par les parents d’élèves.
politique d’éducation, notamment en définissant des
stratégies nationales pour la numératie et la littératie. La France est engagée dans la méthode ouverte de
Ils ont aussi développé des procédures d’évaluation coordination (ou MOC) définie à la conférence de
capables d’articuler des données individuelles à des Lisbonne en 2000. Les objectifs de cette méthode
systèmes d’information plus larges utilisés par le impliquent un effort particulier dans le domaine de la
management scolaire et les décideurs politiques. Ces littératie, de la numératie et plus largement dans la
réformes reposent souvent sur des démarches d’amé- maîtrise des compétences de base par les élèves.
lioration du fonctionnement des établissements. Le Les données PISA constituent une partie intégrante
principe généralement admis est que le progrès des du système d’indicateurs qui permet notamment aux
systèmes éducatifs repose sur l’amélioration du fonc- pays européens de se rendre mutuellement compte
tionnement de chaque établissement. Les différents de l’efficacité de leur politique. La loi d’orientation et
partenaires (personnels d’encadrement, enseignants, de programmation sur l’école de 2005 a d’ailleurs
familles, collectivités territoriales et, pourquoi pas, posé le principe d’un « socle commun de connais-
élèves) doivent être capables de développer des sances et de compétences ». La LOLF (Loi organique
démarches d’auto-évaluation et d’en utiliser les résul- sur les lois de finances), votée en 2001, a introduit les
tats pour réajuster leur action en fonction des défauts principes du nouveau management public dans le
qu’elles ont révélés. L’implication des enseignants domaine de l’éducation. L’annonce de la suppression
dans cette démarche suppose un accompagnement progressive de la carte scolaire laisse présager de

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nouvelles formes de concurrence, en transformant les place d’un enseignement intégré des sciences. Très
modes de circulation des élèves d’un établissement à rares sont ceux qui partent réellement d’une analyse
un autre… Toutes ces décisions appellent le dévelop- des besoins d’une population. Au niveau local, la
pement d’une culture de l’évaluation chez tous les mise en réseau des établissements est rendue diffi-
acteurs. Ce développement demeure cependant cile par un isolement relatif, la faiblesse des relations
limité, en dépit des nombreux rapports et avis rendus avec les partenaires de l’école, notamment les collec-
par le Haut conseil de l’évaluation de l’école. tivités locales et les entreprises, le manque d’incita-
De même, les rapports successifs de l’inspection tions à l’innovation et au changement. Enfin le par-
générale montrent que les établissements sont très tage des compétences entre les différents lieux de
loin d’utiliser les possibilités d’autonomie qui leur décision aux niveaux local, régional et national pose
sont offertes et que les changements dans les pra- des problèmes de coordination et de cohérence dans
tiques pédagogiques sont relativement lents. Sur ce le processus de décision politique. De même, la for-
plan, les difficultés de mise en œuvre des mesures mation des enseignants et son éloignement de la
proposées par la loi d’orientation et de programma- recherche sont de plus en plus critiqués.
tion sur l’école de 2005 sont très éclairantes. Une des
limites de la politique de projet d’établissement est Il est donc apparu utile de confronter la situation
que son impact reste trop souvent à la porte de la française à l’expérience acquise au plan international.
classe. Cette politique a eu, entre 1985 et 1995, des En 2000, Stanley Hilton, chargé des relations interna-
effets sur l’aménagement de la vie scolaire, mais elle tionales à l’INRP, a engagé une coopération avec le
n’est pas rentrée dans le domaine des apprentis- Consortium for Policy Research in Education (CPRE),
sages. Un nouveau souffle impliquerait de poser la qui rassemble plusieurs universités américaines :
question du projet curriculaire d’établissement. Même l’Université de Pennsylvanie, le Teachers College de
si les rapports de l’inspection générale révèlent la l’Université de Columbia, la Northwestern University,
variété des interprétations locales des programmes l’Université du Michigan, l’Université de Stanford et
nationaux, la démarche est difficile. Tous les indica- celle de Wisconsin-Madison. L’UMR « Éducation
teurs mettent en évidence un accroissement des iné- et politiques » de l’INRP a ainsi été impliquée dans
galités entre les établissements. Officialiser la possi- une recherche sur le rôle de l’évaluation formative,
bilité de différenciation présente donc un risque. Il soutenue par la fondation Spencer dans le cadre du
serait évidemment possible d’utiliser les nouvelles programme ROLE (Research on Learning and
marges de liberté pour adapter l’enseignement aux Education). Les partenaires ont tenu un séminaire
besoins des élèves et donc lutter contre les inégalités à Auckland en 2007, puis à Chicago en 2008. Le
d’éducation, mais la tâche est difficile, les acteurs ont séminaire de l’année 2009 a été organisé à Lyon par
peu de ressources… Le risque est grand que la
l’INRP, sous le titre : « Quels enjeux stratégiques pour
logique du marché l’emporte sur les autres. Les
la mise en œuvre d’une obligation de résultats dans
enseignants sont donc très réservés. Ils ont refusé
les politiques d’éducation ? Les apports de la
que cette question soit traitée par les conseils d’ad-
recherche internationale ». L’objet était de confronter
ministration : les représentants des parents, des
les grandes orientations du monde anglo-saxon à
élèves, des collectivités territoriales ne leur parais-
celles de l’Europe et de la France, de constater les
saient pas qualifiés. En créant un conseil pédago-
gique composé uniquement de professionnels, la loi convergences et de réfléchir aux différences dans la
de 2005 a levé cet obstacle, mais sa mise en place conduite des réformes. L’évaluation a constitué le fil
est extrêmement lente : les résistances ne se limitent directeur de ces journées parce que les expériences
pas aux aspects institutionnels. Dans le même esprit, étrangères montrent qu’elle constitue un vecteur
l’article 34 de cette loi a ouvert la possibilité d’expéri- important des changements opérés dans les autres
mentations qui peuvent aller jusqu’à déroger aux pro- domaines. C’est à partir de l’évaluation que peuvent
grammes et aux règlements nationaux. L’objectif est se penser de nouveaux rapports entre les ensei-
d’inciter les établissements à s’inscrire dans une gnants et les élèves dans les classes, de nouvelles
démarche de diversification de l’offre d’éducation. Le procédures de concertation à l’échelle des établisse-
ministère de l’Éducation nationale a certes reçu à peu ments, de nouvelles formes d’articulation entre ensei-
près un millier de dossiers présentant cette démarche gnants, personnels d’éducation, personnels d’enca-
et validés par les recteurs, mais ceux-ci sortent rare- drement, familles, élus, formateurs et chercheurs, de
ment des sentiers battus et leurs références s’inscri- nouveaux systèmes d’information, de nouvelles
vent dans des courants généraux comme la mise en conceptions du management et de la gouvernance.

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Les discussions se sont centrées sur quelques ques- pas à l’opposition tocquevillienne entre les pays cen-
tions essentielles permettant de réfléchir à la mise tralisés et les pays de self-government, il s’agit plus
en œuvre et à l’accompagnement d’une politique édu- profondément de la conception de l’intérêt général.
cative centrée sur l’obligation de résultats : quelles Sa construction suppose-t-elle une rupture radicale
implications sur les formes d’évaluation des élèves et avec les intérêts privés ou peut-elle aussi procéder
des enseignants, mais aussi sur l’auto-évaluation de d’un effet de composition ? On retrouve là une diffi-
l’établissement scolaire ? En quoi l’évaluation peut-elle culté bien connue. Les organisations internationales
contribuer à l’amélioration des pratiques pédago- ont affirmé que les politiques d’éducation relevaient
giques ? Quels effets sur l’organisation de l’établisse- du domaine du public interest, mais la traduction de
ment scolaire, sur le partage des responsabilités entre ce terme en français s’avère difficile. Une seule chose
acteurs, sur la mobilisation des compétences (capacity est sûre : cette formule présente un sens assez diffé-
building) au niveau local ? Quels enseignements peu- rent de ce que l’on appelle en français l’intérêt public.
vent être tirés sur le management et l’impulsion du Sur un autre plan, la société française commence
chef d’établissement, sur les relations avec les parte- à peine à se penser comme pluriethnique et pluricultu-
naires ? Quelles attentes peuvent être formulées relle, alors que les pays anglo-saxons ont depuis
en termes de développement professionnel des ensei- longtemps intégré cette dimension à leur définition de
gnants (professional development) ? Quelle place pour la citoyenneté et de leur democracy : une association
la recherche si l’on veut rendre l’enseignement plus de tous aux décisions qui les concernent.
efficace (evidence-based teaching) ?
Pour introduire ce dossier, la meilleure démarche
C’est à partir de ces questions qu’a été élaboré ce est donc de suivre assez précisément la genèse des
dossier. Mettre à la disposition des lecteurs franco- démarches anglo-saxonnes, d’expliquer la manière
phones les acquis des travaux anglo-saxons sur les dont les politiques d’obligation de résultats sont pas-
démarches de transformation de l’organisation sco- sés de la school effectiveness au school improvement
laire fondées sur ce nouvel usage de l’évaluation et à l’émergence progressive d’une « obligation de
nécessite quelques clarifications préliminaires. Les résultats intelligente ». Depuis le début des
échanges ont mis en évidence des décalages tou- années quatre-vingt, les systèmes éducatifs des pays
chant à la fois la chronologie et la culture. Le déca- anglo-saxons ont connu des changements profonds
lage chronologique est le plus simple à traiter, d’au- consécutifs à un abandon du modèle de l’école
tant qu’il se resserre ; il était très important au début compréhensive promu par les grandes organisations
des années quatre-vingt : la France importait, avec internationales. Le thème de l’équité et de l’égalité
les zones d’éducation prioritaire, les pratiques de des résultats s’est imposé comme nouvelle référence
pédagogie de compensation qui avaient été expéri- de justice, alors que les établissements devaient tout
mentées en Grande-Bretagne et aux États-Unis mettre en œuvre pour améliorer les compétences de
à partir des années soixante. Ces politiques venaient base des élèves dans les disciplines fondamentales
d’être très violemment critiqués au Royaume-Uni par (Derouet, 2006 ; Derouet & Derouet-Besson, 2009).
les white papers qui ont accompagné le retour L’évaluation des résultats scolaires est devenue une
au pouvoir des Tories en 1979 et par le rapport A priorité pour les chefs d’établissement et pour les
nation at risk sorti en 1983 aux États-Unis. Ce renou- décideurs politiques. Ceux-ci utilisent les données
veau du libéralisme a progressivement imposé un chiffrées pour comparer les établissements et réguler
changement de référentiel : l’objectif premier de les systèmes éducatifs à l’échelon local ou national,
l’éducation n’est pas l’égalité ou même la cohésion en fixant des standards ou des objectifs à atteindre
sociale, c’est le rang du pays dans la compétition par les enseignants (Normand, 2008, 2010b). Ces
mondiale. L’écart se resserre depuis le début du évolutions ont été facilitées par l’usage et le dévelop-
xxie siècle : la MOC mise en place depuis la confé- pement des tests accompagnant les recompositions
rence de Lisbonne en 2000 propose une réorganisa- du curriculum, même si leur usage intensif a fait l’ob-
tion des politiques européennes à partir d’une obliga- jet de critiques (Radnor & Ball, 1996). Dans le premier
tion de résultats. La notion de socle commun définie temps des réformes, l’évaluation sommative s’est
par la loi de 2005 s’inspire directement des « sept imposée comme l’instrument d’une obligation
compétences clés pour une formation tout au long de de résultats (accountability), orientant à la fois les
la vie » définie en 2004 par le programme Éducation pratiques pédagogiques dans la classe et l’action des
et formation 2010 de la Communauté européenne. responsables de l’éducation dans les départements
Les décalages entre les traditions politiques et cultu- ministériels (Derouet, Normand & Bessy, 2009 ;
relles sont plus difficiles à combler. Ils ne se limitent Gewirtz, Ball & Bowe, 1995).

Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    7

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Si l’évaluation est devenue centrale, les réformes vaient pas à améliorer leur performance (Hursh,
ont aussi investi d’autres composantes du fonction- 2008). Les cadres et les responsables de l’éducation
nement des établissements scolaires. Elles ont exerçaient une telle pression sur les indicateurs de
d’abord transformé le rôle des enseignants dans leurs performance que les objectifs en étaient détournés
classes et leur environnement professionnel par des pratiques de tricherie, d’estimation tronquée
(Hargreaves, 1993, 2003). Alors qu’ils étaient de certains résultats, de fixation maniaque sur cer-
contraints dans le choix de leur progression pédago- taines cibles au détriment d’objectifs plus globaux
gique, qu’ils devaient se conformer à des standards, (Nichols & Berliner, 2007 ; Stobart, 2008). Bientôt, il
les responsables de l’éducation attendaient qu’ils parut évident aux chercheurs comme aux décideurs
améliorent les résultats des élèves, travaillent davan- anglo-saxons qu’il fallait réviser cette politique pour
tage avec leurs collègues et l’équipe de direction, la rendre plus utile et efficace dans l’amélioration de
développent le projet d’établissement par des actions la réussite des élèves, le changement des pratiques
transversales et des innovations (Mahony & Hextall, pédagogiques des enseignants, la prise de décision
2000). Les conditions de leur évaluation ont été bou- et le pilotage du chef d’établissement.
leversées pour inclure des critères de performance et
L’idée d’« obligation de résultats intelligente » (intel-
de coopération, de créativité, de prise de responsabi-
ligent accountability) s’est progressivement imposée.
lité en dehors de la classe. Les chefs d’établissement
Avant d’en préciser les caractéristiques et de montrer
n’étaient plus considérés comme des administrateurs
la place occupée par l’évaluation dans les transfor-
mais comme des managers, responsables de la per-
mations de l’organisation scolaire, il est nécessaire
formance des équipes pédagogiques et chargés
de présenter un panorama des réformes entreprises
d’impulser une dynamique pour maintenir le rang de
aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Grande-
l’établissement dans un environnement concurrentiel
Bretagne. Par bien des aspects, ces pays présentent
(Gewirtz, 2002). Les parents d’élèves furent mobilisés
des histoires et des traditions différentes. Ils ont fait
dans le travail avec les enseignants alors que se ren-
certains choix dans l’orientation de leurs politiques
forçait l’intégration de l’établissement dans sa commu-
éducatives, même si l’évaluation a toujours été pla-
nauté locale. Tous ces changements ont été accom-
cée au centre des réformes. C’est parce que les
pagnés par les développements d’une ingénierie du
contextes et les problèmes éducatifs sont spécifiques
school improvement : les établissements ont souvent
à une culture et à une société particulière que les
bénéficié de ressources extérieures et du soutien de
réponses apportées sont différentes d’un pays à
professionnels ou d’experts pour développer ces
l’autre. Malgré tout, il est possible de repérer les
changements dans leur organisation et leurs pra-
grandes tendances dans les changements opérés.
tiques pédagogiques (Harris, 2002).
Elles s’expliquent par une circulation plus rapide des
Malgré tout, la mise en œuvre d’une première forme idées et des modèles éducatifs sous l’effet d’un rôle
d’obligation de résultats s’est heurtée à un certain plus influent des grandes organisations internatio-
nombre de difficultés. Le développement des tests de nales et d’une accentuation de la mobilité des cher-
compétences des élèves à différents niveaux de sco- cheurs, des experts, des responsables politiques. De
larité a eu des effets pervers. Les pratiques de bacho- ce point de vue, le modèle anglo-saxon présente une
tage et de sélection se sont multipliées avec des certaine homogénéité, au-delà de l’aspect propre-
effets de stigmatisation et d’exclusion des élèves les ment linguistique, et il exerce une certaine domina-
plus fragiles (Firestone, Schorr & Monfils, 2004 ; tion, voire une fascination dans les cercles d’exper-
Gillborn & Youdell, 2000 ; Lipman, 2004). Les ensei- tise proches de la décision politique en France et
gnants, quand ils parvenaient à traiter l’abondance en Europe. Notre objectif n’est pas d’en faire ici une
des informations chiffrées à leur disposition, concen- critique mais d’expliquer comment ce modèle a évo-
traient tellement leurs efforts sur les parties du pro- lué avec un certain degré de réflexivité malgré ses
gramme évaluées par les tests qu’ils en oubliaient limites et ses contradictions.
d’enseigner les autres contenus. La multiplication des
évaluations à différentes échelles, avec des objectifs
et des formes différentes, brouillait les informations
Les enjeux d’une politique fédérale
sur les résultats utilisés par les praticiens, comme par
d’obligation de résultats aux États-Unis
les décideurs politiques (Fuhrman, 2001). Les ensei-
gnants les plus motivés finissaient par être découra-
gés et certains de leurs collègues fuyaient, comme Aux États-Unis, la politique éducative est d’abord
les élèves, les établissements en difficulté qui n’arri- locale. Elle se joue à l’échelle des districts et à travers

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la composition des conseils locaux (appelés boards) performance, collecter et analyser des données sur
et l’intervention des municipalités. Le district est res- leur efficacité, développer des stratégies continues
ponsable de l’instruction et des programmes sco- d’amélioration de leurs pratiques pédagogiques
laires, du recrutement et de la nomination des ensei- (school improvement). Ces établissements sont compa-
gnants comme des chefs d’établissement, du rés entre eux puis financièrement récompensés ou
financement des établissements scolaires, de leur sanctionnés selon leurs résultats.
construction et de leur rénovation (Conley, 2003). Un
En matière d’évaluation, l’État fédéral joue un rôle
superintendent, nommé ou élu par le conseil local,
important, notamment pour les établissements sco-
gère l’ensemble des affaires scolaires. Il travaille
selon une forte interaction avec la communauté locale laires dépourvus de ressources et situés dans les
quand le district est de petite taille, comme c’est le quartiers pauvres. Ce sont d’ailleurs les questions de
cas en zone rurale où la recherche du consensus pré- pauvreté qui l’avaient amené à intervenir dans les
domine. Par contre, il s’appuie sur un management et années soixante pour mettre en œuvre des politiques
une organisation technocratique pour les grandes de discrimination positive (Silver & Silver, 1991). Un
agglomérations, en se confrontant à l’expression des premier programme fédéral, Head Start, était mis en
intérêts et au regard des parents d’élèves apparte- place pour aider les élèves défavorisés (majoritaire-
nant à différentes communautés (blanches, noires, ment noirs) et leurs familles durant les premières
hispaniques). Il existe plus de 14 000 districts avec années de scolarité. L’autre programme, appelé
des configurations très différentes, ce qui fait du terri- Titre I, parce qu’il était le premier chapitre de la loi sur
toire éducatif américain une véritable mosaïque avec l’enseignement primaire et secondaire votée par le
des différences et des inégalités très fortes. congrès américain, consacrait une politique de discri-
L’essentiel des ressources publiques des établisse- mination positive pour lutter contre la ségrégation
ments scolaires provient de taxes locales et les quar- sociale et raciale en donnant plus de ressources aux
tiers périphériques des villes, à majorité blanche, sont établissements les plus pauvres. L’arrivée au pouvoir
beaucoup plus riches que les quartiers du centre, des néoconservateurs et la publication du rapport A
à majorité noire ou hispanique. Nation at risk (1983) ont mis un coup d’arrêt à cette
politique d’égalisation des chances en réduisant l’in-
Toutefois, depuis les années soixante-dix, l’inter- tervention fédérale et les grands programmes publics
vention des États dans la gestion des établissements (Berliner & Biddle, 1995). Mais en 2001, le gouverne-
scolaires s’est renforcée (McGuinn, 2005). En effet les ment de Georges Bush organisait le retour de l’inter-
représentants de la communauté noire et des minori- ventionnisme fédéral à travers la réactivation du
tés ethniques ont déposé des recours devant les tri- Titre I et la promulgation d’une loi appelée No Child
bunaux et les cours suprêmes étatiques pour obtenir Left Behind (ou « aucun enfant abandonné »). Reste
davantage d’équité dans le financement des établis- que le programme était bien différent de celui des
sements publics. Par la suite, les États sont interve- années soixante : il faisait dépendre les dépenses
nus dans la régulation du système éducatif en défi- fédérales en faveur des établissements défavorisés
nissant des standards à atteindre et en liant d’une obligation de résultats. Les établissements
l’allocation des ressources publiques à l’amélioration scolaires les plus pauvres, pour obtenir les fonds
de la performance. Une politique de socle commun et publics, devaient montrer des progrès annuels dans
d’obligation de résultats s’est mise en place, alors les performances des élèves au regard d’objectifs
que chaque État développait son propre système préalablement fixés. Dans le cas contraire, ils s’expo-
d’évaluation basé sur des tests. Aujourd’hui, la plu- saient à des sanctions allant jusqu’à l’envoi des
part des États spécifient les grandes lignes des pro- élèves dans d’autres établissements et une restructu-
grammes scolaires (par des standards), le temps ration complète du personnel éducatif.
d’enseignement dans les établissements et l’âge de
la scolarité obligatoire. Ils sont aussi responsables de Les effets de cette loi ont été très débattus aux
la formation et de la certification des enseignants, États-Unis, mais la politique du gouvernement de
même s’ils délèguent souvent ce travail à des Barack Obama n’est pas très différente (Hursh, 2007).
agences extérieures. Ils jouent un rôle d’incitation Pour le comprendre, il suffit de se rappeler que,
pour le développement d’innovations pédagogiques depuis le moment où Clinton s’est rallié à Bush pour
et de projets éducatifs et conçoivent des outils pour défendre des objectifs communs pour le système
accompagner les enseignants dans la mise en œuvre éducatif américain (1989), il existe un accord bipartite
des standards et de l’évaluation. Les établissements au congrès américain, c’est-à-dire un consensus
et les districts doivent quant à eux se centrer sur leur entre démocrates et républicains sur la mise en œuvre

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d’une politique des standards et de l’obligation de résultats constitue donc le plus petit dénominateur
résultats à l’échelle du pays. Depuis, les procédures commun d’une politique d’éducation à l’échelle fédé-
d’évaluation se sont étendues à tous les États et sont rale. C’est à l’échelle des districts que l’amélioration
utilisées à différents niveaux de scolarité comme indi- de la gouvernance est recherchée, par une mise
cateur principal de l’efficacité des systèmes éduca- en réseau des établissements scolaires et par la défi-
tifs. Cette tendance a été renforcée par le vote de la nition d’un leadership local suffisamment efficace,
loi No Child Left Behind, alors que le système d’éva- capable de coordonner les actions et d’améliorer les
luation fédérale (National Assessment of Educational résultats des élèves, de mobiliser ressources et par-
Progress) devenait une référence commune aux res- tenariats publics comme privés (Supovitz, 2006).
ponsables de l’éducation. Dans ce contexte, le repérage des « bonnes pra-
tiques » et leur diffusion constituent des moyens
Mais les politiques mises en œuvre sont très d’action essentiels pour enclencher une dynamique
variables d’un État à l’autre. Les États déterminent le d’innovation et de changement dans le système édu-
contenu des standards et la législation empêche catif américain. On comprend mieux pourquoi le
toute ingérence du gouvernement fédéral dans la ministère de l’Éducation américain et son Institut
définition de l’instruction et du curriculum (Goertz, fédéral des sciences de l’éducation s’évertuent,
2001). De fait, tous les États n’ont pas adopté les depuis plusieurs années, à développer des proto-
mêmes standards et ils ne couvrent pas toujours les coles et des méthodes d’évaluation facilitant cette
mêmes compétences de base. Il demeure des contro- capitalisation des expérimentations et leur générali-
verses sur leur définition, surtout quand ceux-ci sation sur le territoire fédéral. L’autre facteur de diffu-
concernent le lien entre des questions religieuses et sion des innovations pédagogiques ou des modèles
l’histoire ou la biologie. Les évaluations ont donné de changement est du ressort des grandes fonda-
parfois des résultats contradictoires et incohérents tions, qui financent des programmes éducatifs à large
entre ceux affichés par les États et ceux pris échelle dans différents domaines de la politique édu-
en compte par l’évaluation fédérale NAEP. Bien qu’ils cative, ce qui permet là aussi de développer des
doivent se conformer à la loi No Child Left Behind, les comparaisons et de nourrir la réflexion des États
États ont établi leurs propres standards en lecture, comme des districts.
mathématiques, sciences et leurs propres évalua-
tions, si bien que les critères de performance varient
d’un État à l’autre, ce qui crée des conflits avec le
gouvernement fédéral. Beaucoup de districts man- La stratégie néo-zélandaise
quent de ressources pour mettre en œuvre des guides pour la littératie et la numératie :
méthodologiques et des stages de formation pour les l’évaluation au centre
enseignants et ne disposent pas toujours de compé- d’une gouvernance décentralisée
tences locales dans le domaine de l’évaluation.
Certains districts urbains sont davantage préoccupés
de lutter contre les problèmes de pauvreté, de délin- Durant les deux dernières décennies, la Nouvelle-
quance et de violence, d’usage de drogues, de mobi- Zélande a connu des réformes importantes en termes
liser des enseignants volontaires que d’investir les de financement et de régulation du système éducatif.
questions d’évaluation des compétences des élèves. Les fonctions du ministère de l’Éducation ont été
complètement décentralisées et des agences ont été
Pour sortir de ces difficultés, beaucoup de cher- créées comme l’Education Review Office (ERO) pour
cheurs et de responsables de l’éducation réfléchis- l’inspection des établissements et la New Zealand
sent aux moyens d’améliorer les outils et les disposi- Qualifications Authority pour la définition des pro-
tifs d’évaluation existants, sans toutefois renoncer grammes scolaires et des standards (Philips, 2000).
aux tests (Fuhrman, Cohen & Mosher, 2007). Ils sont Avec les développements de l’évaluation, ces chan-
déterminants pour l’accès à l’enseignement supérieur gements avaient pour but de réduire les disparités de
et aux universités les plus prestigieuses et ils repré- réussite entre élèves, d’améliorer leurs qualifications
sentent un marché important. Certains experts et afin d’augmenter la compétitivité économique néo-
décideurs politiques rêveraient d’aller plus loin, au- zélandaise. Les contenus scolaires ont été davantage
delà de la réforme des standards, dans la voie d’une spécifiés en termes d’objectifs à atteindre et les pro-
harmonisation des contenus d’enseignement et de la grammes d’évaluation se sont étendus pour encadrer
formation des enseignants, mais ils se heurtent à la les apprentissages et contrôler la performance des
résistance des États et des districts. L’obligation de enseignants. De nouvelles prescriptions ont été

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adressées aux établissements scolaires pendant que tème éducatif. Ces données nationales sont utilisées
l’accent était mis sur le management local et le rôle aussi pour déterminer les actions en faveur des
des conseils de gouvernance (boards of trustees) élèves de la minorité ethnique (la communauté mao-
dans la gestion des affaires scolaires. Des critiques rie) ou ceux pour lesquels l’anglais n’est pas la pre-
ont alors pointé les dérives entraînées par un renfor- mière langue. Des banques de données en mathéma-
cement du marché scolaire et la mise en place d’une tiques, sciences et anglais sont aussi utilisées pour
obligation de résultats. Cette politique ne permettait situer les évaluations faites en classe au regard des
pas de réduire les inégalités et accentuait la défiance objectifs et des standards nationaux. Les enseignants
vis-à-vis des professionnels de l’éducation (Thrupp, peuvent utiliser ces ressources multiples pour leurs
1999, 2001). À la différence des États-Unis et de pratiques pédagogiques (groupements d’items par
l’Angleterre, les enseignants et les chefs d’établisse- thème, questionnaires à choix multiples, tâches pra-
ment se sont opposés à des évaluations nationales tiques d’évaluation dans la classe). Pour obtenir des
obligatoires composées de tests de compétences informations sur la réussite des élèves à l’échelon
des élèves. national, le ministère de l’éducation a créé un instru-
ment : le National Education Monitoring Project (ou
Alors qu’un curriculum national était mis en œuvre,
NEMP, projet national de pilotage de l’éducation), qui
l’ERO exigeait que les enseignants diversifient leurs
évalue la réussite des élèves pour différentes compé-
pratiques d’évaluation dans un but formatif d’aide
tences dans différents domaines du curriculum des
aux élèves dans leurs apprentissages. Des objectifs
années 4 à 8, mais cette évaluation nationale ne
furent affichés pour améliorer les compétences de
mobilise qu’un petit échantillon d’élèves. Son objectif
base des élèves dans les domaines de la littératie et
est avant tout de dresser un tableau général des ten-
de la numératie, dans la continuité d’une stratégie
dances de la réussite scolaire pour éclairer les res-
nationale mise en œuvre par le ministère de l’Éduca-
ponsables de l’éducation sur les changements à
tion (Dale, 2001). Aujourd’hui encore, des standards
introduire en termes de politique éducative.
décrivent précisément ce que les élèves doivent
acquérir tout au long de leur scolarité obligatoire (de Au niveau du collège, les enseignants néo-
la 1re année à la 13e année). Pour chaque niveau sont zélandais utilisent un logiciel spécifique dénommé
indiqués des exemples d’enseignement, d’apprentis- « asTTle » afin de suivre les progrès des élèves en
sage et d’évaluation qui peuvent être repris par les lecture, écriture, mathématiques, conformément aux
enseignants dans leur classe. L’une des fonctions exigences du programme scolaire. Mais ils peuvent
principales de l’ERO est de conduire des cycles faire passer les tests aux élèves quand ils le souhai-
d’inspection des établissements scolaires tous les tent et peuvent adapter les items à leur progression
trois ans, pour évaluer si les objectifs nationaux sont pédagogique. Le logiciel néo-zélandais permet d’ana-
ou non atteints. En termes d’évaluation, un pro- lyser les résultats par niveau selon une configuration
gramme national a été mis en œuvre pour s’assurer ergonomique très adaptée à l’environnement cognitif
que les élèves atteignent les objectifs fixés à diffé- de l’enseignant. Il ne se contente pas d’élaborer un
rents niveaux du curriculum. Un système de pilotage diagnostic : il permet de suivre les progressions indi-
national, composé d’outils variés, a été créé afin viduelles et collectives des élèves dans le temps. De
d’assister les enseignants dans leurs pratiques d’éva- plus, à partir des profils d’élèves, les enseignants
luation sommative et formative. peuvent accéder à des « modèles d’évaluation » qui
ont pour fonction d’illustrer les caractéristiques clés
Les établissements et les enseignants disposent
de l’apprentissage et de la réussite des élèves à une
d’une grande autonomie dans leur méthode d’évalua-
étape particulière de leur développement cognitif.
tion. La seule contrainte est d’atteindre les objectifs
Ces modèles servent aussi à identifier les différents
fixés. Le ministère de l’Éducation leur fournit une
niveaux de réussite et les prochaines étapes de l’ap-
assistance pour les aider à gérer les progrès des
prentissage selon la planification pédagogique rete-
élèves, notamment à travers des exemples d’activités
nue. Ils guident les enseignants dans leur interpréta-
d’évaluation articulées au curriculum national et des
tion des programmes scolaires quand ils ont
dispositifs de développement professionnel permet-
à produire des jugements circonstanciés sur le travail
tant aux enseignants de s’approprier les démarches
de tel ou tel élève.
et les outils nécessaires. Des évaluations en début de
scolarité facilitent le diagnostic des élèves en diffi- Considérons maintenant la façon dont se décline la
culté et permettent de planifier les dispositifs et les stratégie néo-zélandaise pour la littératie et la numé-
ressources pour le management et le pilotage du sys- ratie à l’échelle de l’organisation scolaire (Timperley

Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    11

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& Parr, 2009). Le système d’autonomie locale très qu’elles étaient faiblement argumentées et que les
forte des établissements scolaires et l’absence de recommandations des inspecteurs étaient mal exécu-
hiérarchie intermédiaire entre le ministère de l’Éduca- tées (Wolf & Janssens, 2007). Cette pression à la per-
tion et les autorités locales ne permettent pas la mise formance générait aussi un certain nombre d’effets
en œuvre d’une politique prescriptive. Le ministère se pervers : en plus des comportements de tricherie ou
contente de formuler des recommandations et de de bachotage, certains établissements passaient tel-
fournir des lignes directrices, mais les établissements lement de temps à préparer les visites des inspec-
scolaires peuvent choisir leurs démarches en termes teurs qu’ils ne s’occupaient plus des élèves et de
d’offre curriculaire et d’outils d’évaluation. Par consé- leurs résultats qui baissaient. D’autres cherchaient
quent, la mise en œuvre de la stratégie nationale systématiquement à se débarrasser des plus mauvais
s’opère essentiellement selon une ingénierie métho- élèves ou à renforcer les procédures de sélection, ce
dique et réfléchie offerte comme ressource et soutien qui augmentait les abandons de scolarité et les sor-
aux équipes pédagogiques locales. C’est donc un
ties sans qualification. L’enjeu était si important
processus dynamique, multipartenarial combinant de
qu’en 1999, le parlement anglais reconnaissait l’im-
nombreux outils et documents d’accompagnement et
portance du stress des enseignants et demandait que
qui mise sur un développement professionnel des
l’inspection rétablisse la confiance avec les établisse-
enseignants centré sur l’évaluation. Le ministère
développe des programmes, nourris et accompagnés ments scolaires et cherche à promouvoir des
par la recherche en éducation, pour aider les ensei- démarches d’auto-évaluation. Le NUT (National
gnants à améliorer la réussite et les compétences des Union of Teachers), le principal syndicat d’ensei-
élèves. Les enseignants sont considérés comme des gnants, subventionnait alors une étude pour promou-
enquêteurs sur leurs propres pratiques (Timperley, voir l’auto-évaluation des établissements (MacBeath,
Parr & Bertanees, 2009). Ils doivent construire et 1999). Le rapport est devenu rapidement un slogan
s’approprier des connaissances nouvelles en collec- (« Les établissements parlent par eux-mêmes »), tan-
tant les informations nécessaires à leurs actions et en dis que le syndicat réclamait le boycott des évalua-
bénéficiant de formations adaptées à l’échelle de tions nationales, c’est-à-dire des tests passés par les
l’établissement scolaire. Ils sont accompagnés par élèves à différentes étapes clés de leur scolarité.
des équipes d’experts en éducation qui les aident à L’équivalent anglais du Haut conseil de l’éducation
affiner leurs démarches et à en évaluer les résultats. exigeait plus de responsabilités pour les établisse-
Cette enquête collective, à l’échelle de l’établisse- ments en appelant à une obligation de résultats pro-
ment, et ce partage des connaissances correspon- fessionnelle donnant plus d’importance aux établis-
dent à un cycle d’apprentissage professionnel orienté sements dans la conduite de leur propre évaluation.
vers l’amélioration des résultats des élèves.
À la suite de ces événements, le ministère anglais
de l’Éducation formulait dès 2004 les principes d’une
nouvelle relation avec les établissements scolaires
en Angleterre : une politique pour que le système éducatif anglais adopte une
d’obligation de résultats intelligente « obligation de résultats intelligente » (MacBeath,
2006). Selon le ministre de l’époque, David Miliband,
elle devait correspondre à une démarche d’auto-
À la fin des années quatre-vint-dix, la politique
évaluation de l’établissement scolaire, une inspection
d’obligation de résultats mise en œuvre en Angleterre
resserrée et centrée sur la dynamique de changement
a fait l’objet de nombreuses critiques (Tomlinson,
2005, 2009). Quelques-unes dénonçaient la stigmati- et sur l’amélioration des pratiques pédagogiques, la
sation de certains établissements scolaires considé- mise en œuvre d’un système d’information perfor-
rés comme « défaillants » parce qu’ils ne parvenaient mant pour renforcer la communication entre tous les
pas à améliorer les résultats de leurs élèves aux éva- partenaires du système éducatif. En donnant plus
luations nationales. Cette politique de « naming and d’autonomie locale et en limitant les contraintes
shaming » était renforcée par l’attitude du corps bureaucratiques, en s’appuyant sur les technologies
d’inspection qui exerçait une forte pression sur les de l’information et de la communication les plus
chefs d’établissement et les équipes pédagogiques récentes et en allégeant le dispositif d’inspection, le
pour améliorer la performance des établissements. ministère souhaitait faire adopter un cadre d’évalua-
Des études ont montré que ces inspections s’ap- tion qui prenne en compte les forces et des faiblesses
puyaient trop souvent sur des données faussées, des établissements scolaires.

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La nouvelle relation avec les établissements sco- services rendus à la communauté locale mais aussi,
laires supposait une nouvelle stratégie de communi- en plus de la réussite des élèves et de l’atteinte des
cation de la part du ministère : chaque établissement standards, sur la qualité de son offre dans la prise en
pouvait désormais demander des informations en charge des élèves et de leurs besoins particuliers, la
fonction de ses besoins et le chef d’établissement conduite des programmes et des activités pédago-
n’était plus envahi par une pléthore de données inu- giques, l’orientation, le soutien, l’accompagnement
tiles. Il pouvait bénéficier de la mise à jour régulière des élèves, le management de l’établissement et
des informations et télécharger de nombreux docu- l’exercice du leadership. Dans leur travail, les inspec-
ments en fonction de ses besoins. Le système d’in- teurs doivent respecter un certain nombre de pres-
formation était là pour aider les établissements à criptions en s’assurant que leurs jugements bénéfi-
améliorer leur performance et à éclairer les décisions cient à l’établissement et que les personnes sont
en termes de pilotage. Aujourd’hui, les données ser- traitées de manière égalitaire. Ils doivent faire preuve
vent au développement professionnel des ensei- d’objectivité, être fiables et honnêtes. Leurs interlo-
gnants, au management des équipes pédagogiques, cuteurs doivent être traités avec courtoisie, sensibi-
au suivi des progrès des élèves, à l’attribution de res- lité et leur visite générer un minimum de stress. Un
sources ciblées par les autorités locales, à la régula- dialogue constructif doit être engagé avec les équipes
tion des interventions du ministère. Ce système d’in- en maintenant la confidentialité des informations
formation propose une synthèse nationale des recueillies dans les entretiens.
résultats aux tests et aux examens, des tableaux de
benchmarks permettant la comparaison entre établis- Pour conduire la démarche d’auto-évaluation de
sements, des données sur la valeur ajoutée et les l’établissement scolaire, l’inspection a conçu un
progrès des élèves, des informations et des rapports cadre (appelé SEF comme Self Evaluation Framework)
produits par l’inspection. L’objectif est que l’établis- qui peut être repris, mais qui n’a pas de caractère
sement soit en mesure de se situer dans son environ- obligatoire afin de respecter l’autonomie locale. Les
nement local et national, bien que la plupart de ces établissements doivent d’abord « s’exprimer par eux-
informations demeurent confidentielles (elles sont mêmes ». Cependant quelques principes ont été
seulement connues du ministère et des autorités retenus pour inscrire la démarche d’auto-évaluation
locales). Toutefois les résultats des élèves et les rap- dans le contexte d’une obligation de résultats intelli-
ports d’inspection sont rendus publics. Les équipes gente. Elle doit présenter le propre regard de l’éta-
pédagogiques ont à leur disposition d’autres logiciels blissement sur la manière dont il rend service aux
pour comparer les progrès des élèves, à titre indivi- élèves et définit des priorités pour changer et amélio-
duel ou par groupe, à différents cycles de la scolarité. rer l’organisation pédagogique. L’auto-évaluation
Ces données sont utilisées collectivement par les s’ancre dans les pratiques quotidiennes de l’établis-
équipes d’enseignants pour établir des progressions sement et s’appuie sur des preuves rigoureuses des
pédagogiques et fixer des objectifs en termes d’ap- actions conduites, en évaluant leurs forces et leurs
prentissage et de résultats à atteindre. faiblesses. Elle implique l’ensemble de la commu-
nauté éducative (enseignants, parents, élèves,
L’inspection a elle aussi considérablement modifié membres du conseil d’administration). Elle doit situer
ses pratiques. Les visites d’établissement sont plus l’établissement dans son environnement et au regard
courtes (limitées à deux jours maximum) et les inte- de benchmarks établis nationalement. Après avoir
ractions avec l’équipe de direction et les enseignants rempli la grille d’auto-évaluation, les établissements
ont été renforcées. Les délais de notification de l’ins- se positionnent pour chaque domaine évalué selon
pection ont été réduits pour éviter une préparation l’échelle suivante : extraordinaire, bon, satisfaisant,
intempestive des équipes pédagogiques et réduire inadapté. Pour chacun de ces domaines, le jugement
leur niveau de stress. La délégation d’inspecteurs en exprimé doit être très précis, s’appuyer sur des don-
visite est moins importante, et parfois composée seu- nées (quand elles existent) et envisager des solutions
lement d’un inspecteur attitré. L’auto-évaluation pour remédier aux défauts qui apparaissent.
constitue le point de référence de la démarche d’ins-
pection et les établissements sont invités à mettre Pour compléter cette gouvernance locale de l’éva-
à jour leurs informations sur une base annuelle. Le luation, un partenaire peut être nommé, après accord
jugement des inspecteurs se veut moins critique et du ministère, afin d’accompagner la dynamique de
plus attentif à la dynamique de changement de l’éta- changement de l’établissement scolaire (il s’agit du
blissement scolaire. L’établissement est évalué sur school improvement partner). Il assure une médiation
son efficacité globale, c’est-à-dire l’ensemble des entre l’établissement, l’autorité locale et l’inspection.

Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    13

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Ce partenaire est considéré comme un « ami cri- partage des rôles et des responsabilités dans l’éta-
tique » qui aide le chef d’établissement à définir et à blissement, une évaluation au service des apprentis-
conduire sa politique en vue d’améliorer ses résul- sages des élèves (Elmore, 2004 ; Hopkins, 2007).
tats. Il est là aussi pour construire les compétences
Idéalement le développement professionnel des
nécessaires aux enseignants pour réaliser la
enseignants est l’ensemble des apprentissages et
démarche d’auto-évaluation. L’ami critique est le plus
des expériences faites par l’enseignant dans son
souvent un chef d’établissement expérimenté qui
environnement de travail (Darling-Hammond & Sykes,
appartient à un autre district et qui est formé par le
1999). Il est mis en œuvre selon un processus continu
ministère au sein du National College of School
durant toutes les étapes de la carrière profession-
Leadership. Il allège le travail de l’inspection dans le
respect de la confidentialité des informations et de nelle, en formation initiale comme en formation conti-
l’autonomie de l’établissement scolaire. Il doit s’assu- nue, mais aussi avec l’accompagnement par un
rer que l’action du chef d’établissement et la tuteur et la formation dans l’établissement scolaire.
démarche d’auto-évaluation conduisent à une amé- Cette notion a pris de l’importance pour les réforma-
lioration des pratiques pédagogiques et à la mise teurs et les décideurs politiques alors que les ensei-
en œuvre de stratégies efficaces. L’ami critique ne gnants étaient amenés à prendre en charge des fonc-
s’intéresse pas seulement au management de la per- tions nouvelles. Durant la dernière décennie, dans les
formance, mais aussi au développement profession- pays anglo-saxons, des standards professionnels ont
nel des enseignants et à l’activation des réseaux de été créés afin d’améliorer les compétences des ensei-
l’établissement aux échelons local et national. gnants et les résultats des élèves, pour satisfaire aux
nouvelles conditions d’obligation de résultats. La
recherche en éducation anglo-saxonne s’est alors
beaucoup intéressée au développement profession-
nel des enseignants pour évaluer quelles pratiques
Développement professionnel, leadership
d’enseignement amélioraient la réussite des élèves et
et évaluation des apprentissages
quels types de formation étaient les plus efficaces
(Alton-Lee, 2003 ; Timperley, Wilson, Barrar et al.,
Sans renoncer aux objectifs d’égalité de résultats 2007).
entre élèves et d’atteinte des standards, les poli-
tiques d’obligation de résultats conduites dans les Ces travaux ont conclu que l’organisation de confé-
pays anglo-saxons ont singulièrement infléchi leur rences ou la participation ponctuelle à des ateliers ne
trajectoire. Alors que le développement des tests et parvenaient pas à modifier les pratiques pédago-
des évaluations standardisées avait été considéré giques et qu’elles avaient peu d’impact sur la réussite
comme l’instrument essentiel du pilotage des sys- des élèves. Ils ont aussi défendu l’idée que les ensei-
tèmes éducatifs, ces réformes ont généré bien des gnants, même avec suffisamment de temps et de res-
désillusions, de la part des chercheurs comme des sources, ne pouvaient pas s’autoréguler en mettant
décideurs politiques. L’évaluation, d’abord utilisée en œuvre des pratiques pédagogiques efficaces. Ils
pour renforcer la logique du marché scolaire et créer étaient aussi dans l’incapacité d’appliquer les
une pression sur les enseignants, a creusé les inégali- « recettes » proposées par des experts externes,
tés en démotivant toute une profession (Gewirtz, même si la démarche s’appuyait sur les résultats de
Mahony, Hextall et al., 2008). La mise en œuvre de la recherche. Aujourd’hui, de nombreux chercheurs
stratégies nationales pour la littératie et la numératie, considèrent que les enseignants, s’ils veulent amélio-
les changements des normes professionnelles pour rer leurs compétences professionnelles dans le but
les enseignants, le soutien apporté aux équipes édu- de faire réussir les élèves, doivent être des « enquê-
catives, le développement d’une ingénierie pédago- teurs sur leurs propres pratiques ». Les connais-
gique, la diversification de l’offre de services, les sances théoriques de la recherche en éducation sont
transformations du management scolaire ont ensuite essentielles et elles doivent être intégrées à une
modifié considérablement les configurations de l’or- démarche réflexive des enseignants permettant d’in-
ganisation scolaire. L’obligation de résultats a conti- terroger l’acte pédagogique lui-même, en mobilisant
nué d’occuper une position centrale, mais elle s’est leurs connaissances non seulement disciplinaires,
diversifiée en se faisant plus souple et elle a été mais aussi pédagogiques (pedagogical content
accompagnée par d’autres leviers jugés importants knowledge). Ensuite, la formation doit se centrer sur
dans la conduite des réformes : un développement un contenu et un domaine spécifique en prenant
professionnel continu des enseignants, un nouveau en compte les problèmes rencontrés par les ensei-

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gnants dans les situations vécues dans la classe. tâches administratives et financières qu’il en oubliait
Pour être efficace, elle doit combiner des formations l’organisation pédagogique, les enseignants et les
intensives, non pas tant sous la forme de journées élèves. Les membres du conseil local, à qui avaient
de formation, mais à travers des groupes d’études et été déléguées de nouvelles compétences, n’avaient
des réseaux de coopération et de stages sur le lieu pas toujours l’expertise nécessaire pour assurer une
de travail. La formation des enseignants doit s’opérer bonne gestion. Après cette première phase de décen-
selon un processus continu et cyclique, parce les tralisation, le contrôle s’est donc renforcé sur le
enseignants ont besoin de deux à trois ans pour inté- management et les établissements scolaires, à tra-
grer de nouvelles approches dans leurs pratiques vers l’adoption de standards, de cibles à atteindre, de
pédagogiques. Il est aussi important de développer benchmarks, dans le but d’améliorer leur perfor-
les pratiques collectives de participation et de coopé- mance (Gleeson & Husbands, 2001). En plus d’une
ration dans l’établissement entre des enseignants critique de la pression à la performance, beaucoup
exerçant dans un même niveau ou une même disci- de chercheurs ont montré qu’au-delà des aspects
pline. Le formateur doit les aider à analyser les situa- fonctionnels et techniques du management, la dimen-
tions d’enseignement et d’apprentissage au travers sion humaine et les relations interpersonnelles étaient
de pratiques d’évaluation et d’observation de classes. nécessaires à l’amélioration des résultats. La notion
L’accent doit être mis sur l’amélioration des connais- de leadership est devenue alors une référence incon-
sances des travaux de recherche, notamment ceux tournable pour organiser un nouveau partage des
concernant l’efficacité des pratiques pédagogiques. rôles et des responsabilités entre équipe de direction
et enseignants de l’établissement (Normand, 2010b).
Parallèlement aux changements dans la formation, Le leadership est généralement considéré par les
les fonctions et les missions des enseignants dans chercheurs et les responsables de l’éducation comme
l’établissement scolaire ont été complètement révi- la propriété émergente d’un groupe, une dynamique
sées (Butt & Gunter, 2007). Les enseignants ont dû collective de travail où s’articulent des initiatives indi-
prendre en charge la diversité des élèves, les faire viduelles et différentes formes d’expertise au service
progresser selon un apprentissage individualisé, res- d’un projet commun. Les membres de l’équipe édu-
pectueux de leur culture et de leur niveau d’acquisi- cative sont invités à partager des connaissances et
tion, tout en obtenant des résultats mesurables. Ils des compétences en les adaptant aux situations
ont étendu leur rôle en dehors de la classe en deve- vécues, lesquelles changent au rythme du projet
nant des formateurs de leurs collègues dans l’établis- d’établissement et en fonction de l’évaluation des
sement, des chefs de projet ou des coordonnateurs résultats atteints.
transdisciplinaires, des relais de la direction de l’éta-
blissement, des « facilitateurs » pour expérimenter ou La notion de « leadership distribué » s’est particuliè-
innover, des chercheurs enquêteurs sur leurs propres rement imposée au cours de ces dernières années
pratiques, des formateurs de terrain, des respon- pour rendre compte du changement des relations de
sables d’équipes, des animateurs de réseau. Ces travail dans l’établissement scolaire. Celui-ci est dû
enseignants sont évalués non seulement au regard de au développement des espaces numériques de tra-
leur expertise disciplinaire et de l’atteinte de leurs vail permettant de saisir et d’échanger en temps réel
objectifs, dans leur capacité à participer à la politique beaucoup d’informations sur les élèves, et à la diver-
de l’établissement et au travail en équipe, à être inno- sification des formes d’évaluation obligeant les ensei-
vant, à entretenir leurs compétences professionnelles gnants à rendre compte et à se coordonner selon des
et même parfois à mettre en œuvre efficacement les progressions pédagogiques et des projets communs
réformes. (Spillane, Halverson & Diamond, 2008). Ces derniers
ne sont pas enfermés dans des rôles ou des statuts
Le travail du chef d’établissement s’est singulière- définis a priori mais ont défini de nouveaux rapports
ment transformé lui aussi. L’organisation scolaire de coopération visant à changer leurs pratiques, à
s’est affranchie d’une séparation stricte entre l’admi- aider les élèves à apprendre et à améliorer leurs
nistration et la pédagogie et le pilotage (du seul chef résultats. Le leadership distribué n’est jugé efficace
d’établissement) est devenu self-management (porté que s’il s’appuie sur une communauté d’apprentis-
par les personnels de l’établissement), cherchant sage professionnel, c’est-à-dire quand les membres
à concilier une plus grande autonomie pour améliorer de l’équipe éducative sont invités, dans l’établisse-
les résultats des élèves. Mais ce système a été criti- ment ou à l’extérieur, à enquêter sur leurs propres
qué pour ses défaillances (Barroso, 2007). Le chef pratiques, à partager leurs connaissances et leur
d’établissement était tellement accaparé par des expertise, à construire des compétences collectives

Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    15

RFP174.indb 15 03/06/2011 15:29:27


au service de la réussite des élèves. Évidemment donc une approche expérimentale de l’évaluation qui
l’action du chef d’établissement est décisive dans la est proposée aux enseignants, confortée par le pos-
création de ces conditions favorables à la dynamique tulat selon lequel la recherche est capable de leur
de changement et à l’amélioration des résultats. Lui- fournir des référentiels ou des bonnes pratiques
même est considéré comme un leader qui développe à partir d’expérimentations et d’évaluations réalisées
et entretient des partenariats avec d’autres établisse- dans d’autres contextes d’enseignement et d’appren-
ments scolaires, dans un réseau qui partage les inno- tissage. Le travail de l’enseignant consiste donc à
vations pédagogiques, initie des dispositifs et des tenir compte de ces données en temps réel pour
programmes transversaux, identifie les bonnes pra- ajuster ses interventions auprès des élèves en diffi-
tiques et organise leur transfert, définit une politique culté et se coordonner avec les collègues de sa disci-
commune à l’échelon local (leadership systémique). pline ou de sa classe afin d’envisager des pratiques
plus efficaces. Les enseignants sont aussi entourés
Enseignant enquêteur sur ses propres pratiques, d’experts qui les aident à analyser les données, les
travail des enseignants en équipe à partir des résul- comparer et décider des moyens d’action selon une
tats obtenus par les élèves, recueil, partage et ana- démarche considérée comme rigoureuse, fiable, for-
lyse des données à l’échelle de l’établissement : il tement articulée aux résultats produits par la
est facile de comprendre que la mise en œuvre de recherche quantitative.
l’obligation de résultats s’est accompagnée d’un
développement des systèmes d’information et d’une L’autre forme d’évaluation est davantage construite
extension des fonctions de l’évaluation à différentes en réaction aux dérives du testing, ce qui explique
échelles (la classe, l’établissement, la communauté qu’elle est peu développée aux États-Unis, contraire-
locale, le territoire national). L’évaluation externe, ment à la première. Elle s’inspire du travail réalisé par
manifeste à travers des tests standardisés et des ins- deux chercheurs de King’s College, Paul Black
pections prescriptives, s’est assouplie pour mieux et Dylan William, qui ont mis en œuvre une expéri-
s’articuler avec l’évaluation interne à l’établissement mentation concernant le développement profession-
(par exemple avec la démarche d’auto-évaluation) et nel continu des enseignants sur l’évaluation formative
formaliser l’information chiffrée en tenant compte de dans deux districts anglais, à la suite d’une synthèse
la diversité des usages et des intérêts en présence. internationale de la littérature de recherche sur ce
C’est localement que s’organise aujourd’hui ce sys- thème (Black & William, 1998). Leur travail répondait
tème d’information, parce que les experts et les déci- aussi aux préoccupations des responsables de l’édu-
deurs politiques pensent assez largement que cette cation anglais qui souhaitaient assouplir les condi-
échelle de gouvernance en réseaux d’établissements tions d’évaluation des élèves sans renoncer à l’amé-
permettra d’améliorer les résultats des élèves dans lioration des résultats aux tests. Alors qu’ils
un partage équilibré des compétences entre autono- travaillaient avec ces chercheurs, les enseignants
mie locale et régulation par les autorités publiques. Ils étudiés transformaient leurs pratiques d’évaluation
attendent beaucoup d’un changement des pratiques selon différentes orientations. La première correspon-
pédagogiques des enseignants et d’un renforcement dait à un changement du mode d’interrogation orale
de l’usage de l’évaluation aux côtés des procédures des élèves et à une augmentation du temps qui leur
et des dispositifs existants. Deux tendances majeures était laissé pour organiser leur réponse. Les ensei-
dans la diversification des approches de l’évaluation gnants ont ensuite révisé la façon dont ils notaient le
formative se dessinent à l’heure actuelle et les contri- travail à la maison en concevant des commentaires
butions présentées dans ce numéro y font plus ou utiles à la progression des élèves et à leur motivation.
moins explicitement référence. Puis la démarche a été étendue aux élèves eux-
mêmes au travers de pratiques d’auto-évaluation et
La première forme d’évaluation, renforcée par les d’évaluation entre pairs. Pour finir, les élèves furent
développements des TICE, qualifiée parfois d’évalua- invités à concevoir la grille et les critères d’évaluation
tion numérique (e-assessment), tend à centrer le tra- de leurs travaux avec les enseignants. Cette approche
vail d’enquête de l’enseignant sur la production de de l’évaluation, qualifiée d’évaluation pour les
preuves fournies par les données collectées sur la apprentissages (assessment for learning) a produit
réussite des élèves. Elle se réclame d’une épistémo- des effets importants en termes d’amélioration de la
logie de la recherche en éducation qui donne priorité motivation et de l’estime de soi des élèves. Les déci-
à « ce qui marche » (what works) dans les pratiques deurs politiques ont surtout été fortement marqués
pédagogiques, en termes d’efficacité et d’augmenta- par les résultats obtenus par les élèves aux évalua-
tion des résultats aux tests (Hammersley, 2007). C’est tions nationales, par comparaison avec d’autres

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groupes, au point que cette forme d’évaluation est projet fondé sur l’autonomie des établissements
aujourd’hui inscrite dans les instructions officielles et peut-il être piloté par l’administration centrale ? Pour
qu’elle a été prise comme référence par de nombreux faire face à cette difficulté, la Nouvelle-Zélande a éla-
pays. Cette approche de l’évaluation est différente de boré un dispositif d’accompagnement qui relève de
la première même si elle poursuit un but équivalent : l’ingénierie politique. À partir de l’expérience
améliorer les résultats des élèves aux tests. Elle part du Royaume-Uni, Gordon Stobart pose une question
du principe que les enseignants doivent être forte- inverse : comment des initiatives locales, considérées
ment associés à l’expérimentation pédagogique et comme des réussites, peuvent-elles être récupérées
que celle-ci, en partant de leurs pratiques habituelles, par l’administration centrale et par les politiques ?
opère des déplacements successifs dont les bienfaits Comment peuvent-ils en diffuser les résultats ? Quels
peuvent être appréciés assez rapidement dans la sont les déplacements, les traductions, qui permet-
classe. Sans cette implication, l’expérimentation tent de passer non seulement d’une échelle à une
risque d’échouer parce que les contraintes sont trop autre (classe, établissement, etc.) mais aussi d’un
fortes et que l’expertise des experts semble trop éloi- monde à un autre (univers cognitifs des enseignants,
gnée de l’expérience des enseignants, alors même des élèves et de leurs familles, etc.) ?
que la responsabilité et le professionnalisme de ces
Un processus fondé sur les initiatives locales sup-
derniers sont ignorés.
pose évidemment de nouvelles compétences chez
La diversification des méthodes d’évaluation fait les enseignants : savoir analyser collectivement une
débat dans la communauté de recherche anglo- situation, utiliser les résultats des évaluations des
saxonne. Des positions de compromis peuvent être élèves pour mettre en évidence les réussites et les
trouvées, comme le montrent les développements du échecs pédagogiques, réajuster les choix curriculaires
logiciel néo-zélandais qui, au prix certes d’un vrai tra- et les méthodes d’enseignement à partir des résultats
vail d’ingénierie, est suffisamment flexible pour conju- de ces analyses, etc. Helen Timperley, qui a suivi le
guer évaluation des apprentissages (assessment of processus néo-zélandais en y apportant ses compé-
learning) et évaluation pour les apprentissages tences dans le domaine de la littératie, présente la
(assessment for learning). L’heure est encore aux démarche qui a été choisie pour développer ces
expérimentations mais, d’après les contributions de compétences : un accompagnement du développe-
ce dossier, les pays anglo-saxons sont bien à la ment professionnel des enseignants. Celui-ci se diffé-
recherche d’une seconde forme d’obligation de résul- rencie sensiblement des opérations de formation
tats, plus « intelligente » que la première. Cette poli- continue qui nous sont familières, dans la mesure où
tique considère les élèves comme des acteurs à part il est totalement intégré à la politique d’autonomie
entière, les implique dans des stratégies d’apprentis- des établissements. La dynamique de l’opération
sage et les mobilise dans la dynamique de change- repose sur les enquêtes que les acteurs locaux
ment de l’établissement scolaire. Elle demande un (enseignants, personnels d’éducation, d’encadre-
effort continu de formation des enseignants et des ment, parents, élèves, etc.) mènent sur leurs pra-
liens plus étroits avec la recherche et ses résultats. tiques. Les connaissances, les méthodes nécessaires
Elle implique un nouveau partage des informations, sont apportées par un contact avec la recherche,
des rôles et des responsabilités entre équipe de développé in situ. Cette démarche favorise évidem-
direction et équipes pédagogiques, en rupture avec ment l’engagement des acteurs et spécialement des
une ligne de commande hiérarchique. Elle s’organise enseignants.
selon un réseau de partenaires et des initiatives
Les deux autres articles rendent compte d’expé-
locales qui peuvent être ensuite reconnues et diffu-
riences américaines, à partir d’études menées par
sées à plus large échelle.
deux jeunes chercheuses du CPRE. Marian Robinson
a étudié les effets du programme Children First déve-
loppé dans l’État de New York. Ce programme essaie
de traiter de front le défi d’une obligation de résultats
Présentation intelligente. Si la pression de l’évaluation est forte, elle
des contributions du dossier se double de la mise à la disposition des acteurs, et
spécialement des chefs d’établissement, de res-
Ce parcours s’ouvre par un article de Brian Annan, sources nouvelles : un système de données et d’éva-
qui a animé le programme de développement des luations formatives qui les aide à analyser la qualité
établissements en Nouvelle-Zélande : comment un des apprentissages. Cette démarche est sans doute

Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    17

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promise à un certain avenir et un nouveau marché tout au long de la vie ? Et de façon plus spécifique,
s’ouvre : des prestataires de service privés sont prêts l’étude de la mise en place, en France, du socle com-
à intervenir si les ressources fournies par le service mun défini par la loi de 2005 ? Matthis Behrens, qui a
public apparaissent insuffisantes. Cette étude est com- travaillé avec son institut (l’Institut de recherche et de
plétée par celle de Leslie Nabors Oláh, qui compare documentation pédagogique de Neuchâtel) à la défi-
l’usage des évaluations intermédiaires dans les éta- nition des standards pour l’enseignement fondamen-
blissements des deux districts scolaires tal en Suisse, présente son analyse dans un article
de Cumberland et de Philadelphie. Dans tous les cas, qui conclut ce dossier. Nous remercions Thierry
les enseignants croulent sous les propositions Bessy pour la traduction des articles anglophones de
publiques et privées, qui s’ajoutent aux épreuves qu’ils ce dossier.
ont fabriquées eux-mêmes. L’auteur étudie la manière
Romuald Normand
dont ils s’orientent dans ce maquis et les compétences Romuald.normand@ens-lyon.fr
critiques dont ils font preuve dans l’interprétation et Institut français de l’éducation,
l’usage des informations qui leur sont fournies. École normale supérieure de Lyon
En quoi ces expériences anglo-saxonnes peuvent- Jean-Louis Derouet
elles nourrir la réflexion de l’Europe continentale et Institut français de l’éducation,
son projet de compétences clés pour la formation École normale supérieure de Lyon

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Évaluation, développement professionnel et organisation scolaire    19

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L’amélioration continue
des établissements scolaires :
l’ingénierie mise en place
en Nouvelle-Zélande
Brian Annan

Cet article s’intéresse à une collaboration néo-zélandaise entre décideurs politiques, chercheurs et praticiens
dans le cadre de programmes d’amélioration continue de l’organisation pédagogique des établissements
scolaires. À partir de l’élaboration d’un cadre national d’intervention stratégique visant à améliorer les
compétences de base des élèves, des collaborations ont été mises en place à l’échelle des territoires, notamment
grâce à la création de réseaux d’établissements. L’évaluation a constitué l’élément central du pilotage du
dispositif et elle a permis de clarifier les rôles et les responsabilités de chacun dans le cadre d’une obligation
de résultats. Elle permet ainsi d’atteindre une efficacité et un développement durable des actions entreprises
en faveur des élèves les plus désavantagés.

Descripteurs (TESE) : coopération, évaluation continue, relation intergroupes, décideurs en matière de politique
éducative.

La Nouvelle-Zélande est engagée depuis la fin des graphique de ces populations sera bien plus forte que
années quatre-vingt dans une démarche d’améliora- celle des autres groupes au cours des trois prochaines
tion continue du fonctionnement de l’école, fondée sur décennies (Department of Statistics, 1995). Il est donc
le développement de tous les établissements. Le but essentiel de remédier à leurs difficultés d’apprentis-
est bien sûr l’amélioration générale de la qualité de sage dans les plus brefs délais. Non seulement tous
l’enseignement, mais aussi l’intégration des popula- les élèves méritent d’avoir les mêmes chances dans la
tions défavorisées. Bien que la moyenne du pays se vie après leur éducation formelle, mais le gouverne-
situe à un niveau enviable par rapport à d’autres pays ment considère que cet aspect fait partie du retour sur
de l’OCDE dans les enquêtes internationales, les résul- investissement du système éducatif.
tats d’un nombre considérable d’élèves, notamment Cet article se focalise sur quelques évolutions et
d’origine maorie et des îles du Pacifique (Alton-Lee, résultats instructifs provenant des différentes étapes
2005 ; OCDE, 2001), sont très inférieurs à la moyenne. dans la mise en œuvre du programme pour l’amélio-
Or les projections montrent que la croissance démo- ration continue de l’école. Celui-ci se fonde sur

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l’autonomie des établissements et une organisation Du milieu à la fin des années quatre-vingt-dix, une
en réseau à l’échelle locale pour réajuster les défauts deuxième vague de mise en place de cette loi a
qui apparaissent. Chaque réseau met en œuvre une porté sur l’implication d’un grand nombre d’élèves
méthode d’enquête collaborative qui a fait ses maoris et des îles du Pacifique issus de milieux
preuves à la fin des années quatre-vingt-dix (Ministry socio-économiques défavorisés. Beaucoup d’entre
of Education, 2009). Cette méthode encourage l’ap- eux venaient de familles ayant perdu leur emploi à la
propriation locale d’une démarche d’apprentissage suite de l’industrialisation du pays. Un éminent res-
qui comprend l’analyse des difficultés scolaires, l’éla- ponsable de la kura1 parlait des « gens cassés »,
boration et la mise en place d’une nouvelle démarche en référence aux personnes de sa communauté qui
pédagogique et l’évaluation de son effet sur la réus- vivaient des temps difficiles. Comme la plupart avait
site des élèves (Timperley, Annan & Robinson, 2009). du mal à se remobiliser, un moyen évident consistait
L’évaluation fait partie intégrante de toutes ces à les impliquer davantage dans la scolarité de leurs
tâches. L’objectif de l’analyse est de montrer que l’in- enfants. Il s’agissait d’assurer que leurs enfants réus-
génierie de projet produit des innovations fondées sissent à échanger, à s’intégrer dans le nouveau
sur l’autonomie des établissements et pouvant être monde de l’information et de la technologie. Le gou-
pilotées par l’administration centrale. vernement a mis en place un ensemble de stratégies,
parmi lesquelles la participation démocratique (ran-
gatiratanga) au sein des communautés. Même si
quelques établissements et kura parviennent à faire
réussir tous leurs élèves, il est resté un grand nombre
La loi d’autonomie de 1989 : l’élaboration d’élèves issus de milieux socio-économiques défavo-
d’une méthode d’enquête collaborative risés dont les résultats étaient en deçà des attentes,
notamment en lecture. C’est là qu’une troisième
vague de mise en place de cette loi a été conçue, qui
repose sur une méthode d’enquête collaborative.
C’est dans cet esprit que fut votée en 1989 une
réforme de l’autonomie des établissements. Cette loi
déléguait la plupart des décisions d’éducation aux
conseils d’administration. Ces derniers peuvent donc Cette méthode a été élaborée par tâtonnements
fixer leurs propres plans d’amélioration de l’établisse- dans deux réseaux d’établissements et en réunissant
ment scolaire et les mettre en place selon la méthode des petits groupes d’enseignants, de chefs d’établis-
de leur choix. Il est possible de distinguer trois vagues sement et des personnels d’éducation, au sein des-
correspondant à la mise en place de cette loi. Dans quels étaient analysées les forces et les faiblesses
un premier temps, elle fut appuyée par des publica- des pratiques d’enseignement, de leadership et d’ap-
tions et une série de séminaires conçus par des chefs prentissage en lecture. Chaque groupe d’établisse-
d’établissement chevronnés afin de préparer les per- ments correspond à un réseau d’apprentissage,
sonnels à ce nouvel environnement (Principals’ Imple- c’est-à-dire un ensemble de responsables de la mise
mentation Task Force, 1990). La grande majorité des en œuvre de la réforme, qui cherchent à déceler et
établissements a fortement apprécié cette organisa- résoudre les problèmes des élèves en échec (Annan,
tion, mais quelques-uns ont eu du mal à s’adapter 1997). Ces réseaux rassemblent principalement des
aux nouvelles formes de gouvernance et de manage- chefs d’établissement et des enseignants coordina-
ment. Afin d’éviter une reprise en main centralisée, le teurs, accompagnés par des prestataires profession-
gouvernement a demandé au ministère de l’Éduca- nels locaux et des représentants du ministère. L’orga-
tion d’accompagner les établissements en difficulté nisation horizontale du travail favorise des relations
(Ministry of Education, 1994 ; New Zealand Govern- non hiérarchiques où l’autorité repose sur les savoirs
ment, 1992). Un ensemble d’aides a été mis en que les participants apportent et non sur leur fonc-
place : crédits supplémentaires, ressources humaines tion. Elle s’est ensuite étendue à 18 réseaux sur plu-
et résolution de conflits entre autorité locale, chefs sieurs années et s’est inscrite dans un programme
d’établissement et équipes éducatives. Les pro- national de développement professionnel continu.
grammes et l’évaluation ne figuraient pas dans les Elle est actuellement généralisée à tous les établisse-
priorités de cette première vague parce que, selon les ments de Nouvelle-Zélande dans le but de résoudre
pédagogues néo-zélandais et des spécialistes étran- l’échec scolaire. Cette généralisation s’est faite dans
gers, la Nouvelle-Zélande était performante dans ces la douleur : les premières initiatives ne reposaient que
domaines. sur quelques individus.

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L’approche fut étendue après qu’un rapport de à l’élévation des résultats des élèves. Il s’agit d’être
recherche a montré des gains significatifs en compré- précis dans la définition du problème, dans la mise au
hension écrite dans les deux réseaux où l’expérience jour des pratiques d’enseignement et de leadership
avait été menée (Phillips, McNaughton & MacDonald, qui nécessitent des ajustements, tout en vérifiant que
2001). Les participants des autres réseaux eurent ces ajustements ont bien été réalisés comme prévu et
vent de ces résultats positifs par le bouche à oreille surtout qu’ils ont eu un effet positif sur les apprentis-
entre les réseaux et par les responsables du ministère sages des élèves. Quelques réseaux d’établisse-
de l’Éducation (Ministry of Education, 2009). Par ments ainsi que le programme de développement
ailleurs, les deux chercheurs qui avaient conçu la pre- professionnel national en littératie ont atteint ce haut
mière version de la méthode d’enquête se sont joints degré de précision et ils attestent que ce principe de
à d’autres réseaux et ont affiné leur approche avec mise en œuvre est déterminant dans l’amélioration
les enseignants des trois premières années de l’en- continue de l’école (Lai, McNaughton, Timperley
seignement primaire (year 1-3) et des cinq suivantes et al., 2009).
(year 4-8, voir notamment McNaughton, Lai, MacDonald
et al., 2004). Ces chercheurs ont également joué le
rôle d’agent de transfert. L’une d’entre eux a quitté le
travail en réseau pour rejoindre les services consulta- Une innovation méthodologique fondée
tifs et former les conseillers afin de les familiariser sur l’enquête collective
avec la méthode d’enquête qui diffère suivant les
fonctions de ces conseillers (Robinson & Lai, 2006).
Elle a aussi co-écrit un livre avec un autre éminent Le travail en réseau est mené en trois phases. La
chercheur impliqué dans le réseau originel. Ce livre première phase oblige les établissements volontaires
est devenu une ressource utile aux prestataires de à faire une analyse poussée de la nature et de l’éten-
développement professionnel, conseillers et prati- due des difficultés rencontrées dans leur établisse-
ciens, dans la mesure où il explique en anglais cou- ment. Tous se mettent d’accord sur des outils communs
rant des concepts importants comme l’analyse de d’évaluation formelle avant de tester leurs élèves. Un
problèmes et, par des exemples éclairants, il montre prestataire extérieur dégage alors les grandes ten-
aux enseignants que ces idées sont transférables dances de chaque établissement, puis du réseau
dans leurs pratiques professionnelles quotidiennes. dans son ensemble. Les responsables des établisse-
Une troisième chercheuse impliquée dans le premier ments et le ministère travaillent ensuite avec le pres-
réseau a intégré la méthode d’enquête dans le pro- tataire pour déterminer l’ampleur des difficultés ren-
gramme de développement professionnel national contrées. Lorsque les élèves accusent trop de retard,
en littératie. Elle l’a conceptualisé sous la forme d’un les responsables du réseau rédigent un rapport pour
cycle de familiarisation en formant des « facilita- obtenir des crédits supplémentaires auprès du minis-
teurs » à l’utilisation durable de cette méthode. Elle a tère. Lors de la deuxième phase de l’enquête, les éta-
poursuivi et approfondi la démarche en rédigeant un blissements sont accompagnés dans l’élaboration et
document de synthèse sur les apprentissages profes- la mise en œuvre d’un plan triennal auprès du presta-
sionnels (Timperley, Wilson, Barrar et al., 2007), qui taire extérieur de leur choix. Ils doivent justifier leur
constitue une autre ressource utile pour ceux qui décision de préférer telle option plutôt que telle autre.
essaient à leur niveau d’apprendre et d’améliorer le Trois années supplémentaires sont accordées pour
système éducatif. concevoir des dispositifs plus sophistiqués en cas
d’absence prolongée de progrès. Cette méthodologie
La généralisation de cette approche à 600 établis- invite les réseaux à observer le protocole suivant,
sements a apporté plus de cohérence à la formation établi en quatre étapes :
professionnelle des enseignants. Ce changement de –– s’accorder sur des outils communs d’évaluation ;
cap montre que des pratiques cohérentes d’un éta- –– analyser les données recueillies pour repérer les
blissement à l’autre sont possibles dans un environ- difficultés à traiter en priorité ;
nement ouvert à une participation démocratique. –– modifier les pratiques pédagogiques et l’enca-
Cependant ce changement général d’orientation n’a drement pour résoudre les problèmes ;
pas permis d’améliorer de manière significative les
–– vérifier les changements de pratique et l’amélio-
résultats des élèves dans tous les établissements
ration de la réussite des élèves.
(Annan, 1997). Ce constat s’explique par une mise
en œuvre trop générique de la méthode d’enquête : Dans la troisième phase, les crédits octroyés par le
seule une adaptation spécifique au contexte contribue ministère sont réduits progressivement au fur et

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à mesure que les membres des réseaux acquièrent Une ingénierie de projet :
des savoirs et des compétences. Les financements construire les aptitudes à l’évaluation
supplémentaires servent donc de catalyseur pour les à l’échelle des réseaux d’établissements
contenus et les méthodes d’apprentissage, en vue
d’une amélioration effective de l’enseignement. Par Malgré des résultats encourageants dans certains
conséquent, certains réseaux poursuivent leur travail groupes et la généralisation de la méthode d’enquête,
collaboratif bien après l’arrêt de la distribution des une étude a montré que la plupart des réseaux
crédits supplémentaires. avaient du mal à savoir si leurs efforts apportaient un
vrai avantage dans la formation des élèves, en raison
Pour amorcer les changements nécessaires, il est d’un manque de preuves sur leur efficacité (Annan,
important que les groupes volontaires analysent les 1997). Les chefs d’établissement, les prestataires
données à leur disposition, sans attendre les informa- professionnels et le personnel du ministère affectés
tions issues des réseaux, pour réfléchir à la modifica- aux réseaux, lors des discussions de suivi, ont
tion des pratiques de classe et plus largement à reconnu qu’ils n’avaient pas été formés à la conduite
celles de l’établissement dans son ensemble des évaluations des établissements du programme.
(Wootton, 2008). Il s’agit également de construire une Le manque général d’aptitude à l’évaluation se
expertise susceptible de s’adapter aux différentes retrouvait à tous les niveaux du système, y compris
parmi ceux qui jugeaient de l’opportunité de pérenni-
situations, à partir d’une analyse détaillée des pra-
ser les financements pour continuer ce travail en
tiques et des changements (Lai, McNaughton,
réseaux. Chacun faisait de son mieux pour évaluer
Timperley et al., 2009). Cette approche, qui incite les les progrès, mais l’aptitude générale à le faire demeu-
enseignants, l’encadrement, les prestataires profes- rait faible. Beaucoup ont aussi reconnu que le prin-
sionnels et les responsables du ministère à réfléchir à cipe d’amélioration continue était à lui seul insuffisant
leurs pratiques pour contribuer à résoudre les mau- pour résoudre l’échec scolaire, même si, pendant la
vais résultats de certains élèves, engage la responsa- décennie précédente, les processus par tâtonne-
bilité de l’ensemble des groupes participants. Cette ments avaient été utiles pour favoriser son appropria-
responsabilisation a permis de réduire les discours tion locale.
accusateurs envers les élèves, les parents, la collecti- Par conséquent, le ministère de l’Éducation néo-
vité et le gouvernement, au profit d’un discours zélandais a lancé un programme de travail intitulé
réflexif plus critique des professionnels sur leurs Renforcement des capacités collectives d’évaluation
propres pratiques (Annan, Lai & Robinson, 2003). Une au profit de l’amélioration de l’école, afin de dévelop-
question de méthodologie revient cependant fré- per les capacités de tous les acteurs impliqués dans
quemment : « Pourquoi organiser les établissements cet objectif. Des chercheurs spécialisés en évaluation
en réseaux ? » Une équipe de recherche a récemment de programmes ont été sollicités pour animer le tra-
trouvé cinq bonnes raisons qui incitent les partici- vail, ayant à l’esprit deux objectifs. Le premier consis-
pants à un effort soutenu dans le développement des tait à aider les réseaux à déterminer dans quelle
savoirs et leur utilisation pour résoudre l’échec sco- mesure leurs pratiques avaient un effet sur la réussite
des élèves. Il s’agissait de renforcer les capacités
laire (Lai, McNaughton, Timperley et al., 2009). Le tra-
d’évaluation par la production et l’utilisation d’outils
vail collaboratif permet aux établissements de
ayant fait leurs preuves en termes d’efficacité. Le
confronter leurs interprétations des données, d’accé- second objectif était de leur permettre d’identifier et
der à de nouveaux savoirs, de s’entendre sur l’échec de traiter les pratiques des participants nécessitant
scolaire, sa résolution et la définition de la réussite, un approfondissement de leurs connaissances et
d’être collectivement responsable et collectivement compétences afin d’amplifier l’amélioration des résul-
efficace. Les établissements qui travaillent ensemble tats. Ce double objectif signifiait que les chefs d’éta-
à l’accomplissement de ces cinq tâches ont beau- blissement, les prestataires professionnels et les res-
coup plus de chances de résoudre les cas d’élèves ponsables locaux du ministère impliqués dans le
en échec lourd que ceux qui se débrouillent seuls travail des réseaux devaient davantage s’exposer que
dans leur coin. Mais c’est un défi perpétuel de se par le passé.
concentrer sur ces tâches et de laisser de côté les La réalisation du premier objectif a débuté par une
problèmes administratifs et les querelles sur le étude de faisabilité menée par l’équipe d’évaluation,
manque de crédits. pour voir s’il était possible d’évaluer l’efficacité

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globale du travail réalisé dans les réseaux d’améliora- connaissances (voir pour plus de détails
tion de l’école (Dingle & Hodgen, 2009). L’examen Timperley, McNaughton, Lai et al., 2009) ;
des données sur la réussite des élèves de 187 éta- - monter des projets efficaces et pratiques ;
blissements (sur les 199 étudiés) a montré que cette - expliciter la théorie qui sous-tend ces projets ;
évaluation était effectivement possible, même si les - analyser et utiliser les données sur la réussite des
réseaux utilisaient des tests à des périodes diffé- élèves ;
rentes de l’année scolaire. Néanmoins, il reste des - accompagner les enseignants dans leur volonté
progrès à faire pour produire un jugement de haute d’impliquer les élèves ;
qualité sur l’efficacité globale du dispositif. La plupart - échanger ses expériences pour garantir que les
des réseaux ne recueille pas de données suffisantes changements s’appliquent bien à tout le système
sur leurs élèves pour rendre possible un tel jugement. (Le Fevre, 2009).
Les évaluateurs ont émis des recommandations pour
s’assurer que tous les réseaux mettaient en place des Les évaluateurs ont créé une progression logique
systèmes de gestion de données de haute qualité afin des aptitudes dans ces six domaines afin d’accompa-
de faciliter leurs études, ce qui permettra ainsi à gner les équipes de direction dans l’évaluation de leur
chaque établissement de construire son propre juge- niveau de connaissances et de compétences dans
ment sur son efficacité. Ce qui fait l’intérêt de l’étude chaque domaine. Il s’agissait de déterminer si les
sur la valeur ajoutée par l’établissement aux acquis équipes de direction, les prestataires professionnels
préexistants, familiaux ou autres des élèves, c’est la et le personnel du ministère se situaient aux niveaux
volonté commune des établissements de s’y impli- « élémentaire », « en progrès » ou « avancé ». Les
quer. Leur consentement, en toute connaissance de évaluateurs débattaient ensuite des jugements des
cause, fut immédiat et le recueil des données ne participants sur leurs propres pratiques ; lorsqu’ils
déclencha presque aucune protestation au sein des considéraient qu’ils avaient surestimé ou sous-estimé
établissements. Les équipes de direction, les presta- leurs appréciations, ils leur demandaient des preuves
taires professionnels et les responsables locaux du supplémentaires avant que les participants et les
ministère voulaient tous savoir si leurs actions avaient évaluateurs ne se mettent d’accord sur une apprécia-
un impact positif et si d’autres réseaux, ou d’autres tion finale. Suite à cet état des lieux, les équipes de
établissements accueillant le même type d’élèves, direction et les enseignants devaient reconnaître les
obtenaient de meilleurs résultats et de quelle manière. domaines dans lesquels ils étaient compétents et éla-
Ce souci d’échange de données et de pratiques peut borer les étapes suivantes de leur formation profes-
s’expliquer par la confiance mutuelle que se portent sionnelle. Ce processus entre évaluateurs et ensei-
les groupes volontaires dans l’usage des informations gnants est semblable à ce que font les enseignants
issues des évaluations. Ces dernières visent toutes avec leurs élèves lors de l’évaluation des acquis
à améliorer les pratiques professionnelles. Pour en classe. Le respect de cette démarche évaluative
autant, il ne s’agit pas de montrer du doigt les éta- est une manière positive de se rendre compte du
blissements les moins performants : la confiance éta- potentiel des professionnels enseignants et des
blie à partir des évaluations est au cœur d’une amé- élèves. Cette psychologie positive est particulière-
lioration réelle du système éducatif (Bryk & Schneider, ment importante pour les élèves maoris qui ont été
2005). longtemps les victimes d’une stratégie de remédia-
tion négative (Sewell, 2008).
La réalisation du second objectif passait par le
repérage de six domaines de la dynamique de chan-
gement des établissements, déterminés à partir de
deux sources. La première provenait de l’inventaire
des activités des réseaux et d’une enquête plus construire les aptitudes collectives
poussée sur les théories et pratiques mises en œuvre à l’évaluation dans chaque établissement
par quatre d’entre eux (Timperley, Dingle, Hohepa
et al., 2008). La seconde source de preuves était éla- L’accent mis par le nouveau gouvernement sur la
borée à partir de l’expérience de terrain et des résul- littératie et la numératie montre l’importance de l’éva-
tats de la littérature de recherche. Voici les luation comme moyen de résoudre l’échec scolaire
six domaines caractérisant la dynamique de change- dans tous les établissements néo-zélandais. Il ne
ment : s’agit pas, par un mouvement de balancier, d’aban-
- s’auto-évaluer par rapport aux dimensions clés donner l’évaluation formative en classe au profit d’un
de l’enquête et du cycle de construction des examen minutieux de l’évaluation standardisée des

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performances scolaires et de leurs grandes ten- en donnant plus de cohérence à l’ensemble des poli-
dances hors de la classe, mais plutôt de trouver le tiques scolaires suivies dans chaque établissement.
bon équilibre entre ces types d’évaluation et de Ces hypothèses, qui relèvent d’un principe un peu
rendre les informations sur la réussite accessibles naïf, sont contredites par la connaissance que nous
aux parents et aux élèves. Il convient aussi de faire avons de processus qui sont à l’origine des innova-
prendre conscience aux établissements qu’ils sont tions (Spillane, Reiser & Reimer, 2002). L’accompa-
partie prenante de la résorption de l’échec scolaire. gnement des équipes de direction et des ensei-
L’objectif final du gouvernement est de tenter d’éradi- gnants, qui pensent souvent que leur établissement
quer l’échec scolaire, notamment celui des 20 % fait du très bon travail malgré tous les signes évidents
d’élèves néo-zélandais qui sortent de l’école sans selon lesquels l’échec scolaire touche de la même
diplôme. manière tous les établissements, s’avère tout à fait
indispensable. En outre, il est essentiel que les éta-
Le travail de renforcement des aptitudes à l’évalua- blissements dans lesquels l’évaluation n’est pas plé-
tion est devenu un moyen de transférer les connais- biscitée ne soient pas tentés de remédier seuls à
sances sur une amélioration efficace de l’école vers l’échec scolaire, pour éviter une stigmatisation en cas
la politique des standards nationaux pour tous les d’échec. Il faudra du temps pour mettre en place un
établissements. Ce transfert s’effectue par la mise environnement propice à une meilleure réalisation du
en place d’un outil d’auto-évaluation, version simpli- programme, dans la mesure où toutes les parties du
fiée de celui dont disposent les enseignants, les gou- système éducatif – établissements et familles, presta-
verneurs et les équipes de direction. Cet outil leur taires professionnels, ministère de l’Éducation et
permet de s’auto-évaluer afin de renforcer leurs corps d’inspection – doivent renforcer leurs aptitudes
acquis professionnels respectifs et de renseigner à l’évaluation.
leurs besoins en formation pour réussir au regard des
standards qui leur sont fixés. Précisons que les stan-
dards nationaux ne fonctionnent pas en marge des
programmes nationaux ou des autres politiques édu- Les défis d’une coordination renforcée
catives locales. En effet une trop grande focalisation pour une mise en place de l’évaluation
sur les données peut détourner les enseignants de
leur mission, à savoir offrir les contenus pédago-
giques appropriés au service d’un enseignement effi- L’expérience a montré qu’il fallait clarifier les rôles
cace. Les standards servent de balises dans l’ensei- des différents participants (Timperley, Dingle, Hohepa
gnement primaire pour signaler aux élèves et à leur et al., 2008). Il se peut que les élèves, les ensei-
famille leurs chances de réussite dans l’enseigne- gnants, les parents, les équipes de direction, les
ment secondaire, aux exigences bien plus élevées. prestataires professionnels, le ministère et le corps
d’inspection acceptent facilement de renforcer leurs
Des projets sont en cours pour s’assurer que tous les
aptitudes à l’évaluation et, ce faisant, qu’ils s’y lan-
établissements peuvent être accompagnés par des
cent à corps perdu dans et en dehors de la classe. La
experts lorsqu’il s’agit de valider leur classement à
répartition des rôles entre les différents protagonistes
l’aide de l’outil d’auto-évaluation des standards
en constitue un bon exemple. Lors de discussions
nationaux. En outre, des efforts considérables ont été
avec les responsables de plusieurs réseaux, nous
faits pour aligner l’outil d’auto-évaluation des stan-
nous sommes aperçus que nombre de prestataires
dards nationaux sur le cycle d’auto-évaluation que le
professionnels assumaient le rôle dévoué normale-
corps d’inspection (Education Review Office) exige
ment aux chefs d’établissement et, dans une moindre
des établissements. La cohérence de tous ces dispo-
mesure, aux professeurs coordinateurs des établisse-
sitifs est indispensable à la réussite de la généralisa-
ments. Ils allaient d’une classe à l’autre pour obser-
tion du mouvement d’amélioration de l’école.
ver, discuter des séquences pédagogiques et suivre
La qualité de la mise en place de l’outil d’évaluation pas à pas les progrès des élèves avec les ensei-
est décisive dans l’utilisation efficace des standards gnants. Selon nous, c’est aux chefs d’établissement
nationaux comme outil d’apprentissage et d’amélio- qu’il revient d’avoir ce regard critique et personne ne
ration continue dans les établissements. L’autonomie peut le faire à leur place. Parfois ces prestataires ont
des établissements en Nouvelle-Zélande se fonde sur une bonne raison de modéliser telle ou telle pratique
l’hypothèse qu’ils sont à même de maîtriser le de leadership en lieu et place des chefs d’établisse-
contenu des compétences qui leur ont été transfé- ment et des professeurs coordinateurs, mais cela doit
rées pour mettre en œuvre le dispositif avec intégrité, demeurer l’exception et non la règle. Ces derniers

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devraient rester dans l’ombre et interroger la façon acteurs de l’amélioration de l’école en Nouvelle-
dont les chefs d’établissement et les professeurs Zélande doivent donc modifier leurs expressions. La
coordinateurs exercent le leadership dans le domaine politique nationale dédiée aux Maoris (Sewell, 2008)
de l’instruction. proposait un tableau, remarquable à mes yeux, pour
aider les acteurs à utiliser un langage approprié :
Des prestataires professionnels et des respon-
« réaliser le potentiel » au lieu de « pallier les défi-
sables scolaires d’un réseau qui souhaitaient voir
ciences », « chances » pour « problèmes », « adapta-
leurs rôles clarifiés se sont mis d’accord pour modi-
tion » plutôt que « ciblage », etc. L’universitaire Paul
fier leur organisation de trois façons. La première
Goren, qui a étudié le passage de la politique de
modification portait sur le leadership des chefs d’éta-
Ka Hikitia2 à sa mise en œuvre pratique, renvoyait
blissement et des professeurs coordinateurs face aux
régulièrement à ce tableau lors de différentes présen-
enseignants, rôle souvent rempli par les prestataires,
tations, pour insister sur le fait que les questions
comme évoqué précédemment. Ensuite les presta-
d’équité seront toujours sources de tension si ceux
taires devaient aider les chefs d’établissement et les
qui, par leur fonction, sont dépositaires de l’autorité
professeurs coordinateurs à identifier les modes de
ne changent pas d’univers de langage (Goren, 2009).
leadership en vue de leur adaptation à une plus
L’enjeu dépasse de loin l’aspect sémantique. Il inter-
grande efficacité dans le domaine des apprentis-
roge une focalisation trop étroite de l’amélioration
sages. Enfin ces mêmes prestataires devaient les
continue de l’école sur l’élévation du niveau scolaire
aider à dresser le bilan des progrès des élèves selon
des élèves, en montrant l’importance des objectifs
des critères de progression préétablis. Le respon-
socioculturels.
sable des prestataires a fait état d’une certaine ten-
sion et de maladresses, du côté des prestataires
comme du côté des personnels des établissements,
lorsque les chefs d’établissement et les professeurs
coordinateurs devaient travailler plus directement Conclusion
avec les enseignants et que les prestataires devaient
critiquer et remettre en question le travail des per- L’évaluation comme moyen d’élever le niveau des
sonnes qui les rétribuaient. Il a cependant ajouté élèves est de plus en plus utilisée et diffusée dans le
qu’un effet très positif et inattendu de la clarification système éducatif, mais le processus d’amélioration
des rôles avait été l’abandon des opérations de plani- continue de l’école en Nouvelle-Zélande demeure très
fication prévues initialement pour le réseau. Cette lent. Les prestataires professionnels, les responsables
nouvelle approche impliquait que soient produites les locaux du ministère et le personnel d’encadrement des
connaissances au fur et à mesure des besoins, que établissements, qui collaborent au sein de petits
les outils soient introduits à des moments jugés perti- réseaux, se sont aperçus au fil des années que les pra-
nents, afin de mieux accompagner les chefs d’éta- tiques d’évaluation formative étaient nécessaires mais
blissement et les professeurs coordinateurs pour non suffisantes pour résoudre la complexité de l’échec
qu’ils mettent en œuvre la méthode d’enquête avec scolaire. Les premières tentatives pour trouver un
les enseignants de leur établissement. Le prestataire équilibre entre évaluation formative en classe et éva-
passait donc d’une étape où il prévoyait des tâches luation des programmes innovants ont eu un impact
génériques, à l’écart dans son bureau, à une organi- positif sur les acquis des élèves. Néanmoins, les gains
sation fondée sur la reconnaissance de besoins spé- obtenus ont été lents et ils sont bien loin des aspira-
cifiques, en collaboration avec les chefs d’établisse- tions des participants. La contribution des spécialistes
ment, les enseignants et les professeurs de l’évaluation à ces programmes permet de renforcer
coordinateurs. les capacités des participants et d’ajuster l’équilibre
des pratiques évaluatives utilisées dans l’amélioration
Un deuxième défi dans le renforcement des capaci-
continue de l’école. La méthode d’apprentissage pro-
tés évaluatives était lié à la terminologie utilisée dans
fessionnel par la technique d’enquête constitue
cette visée d’amélioration continue de l’école. Les
l’avant-garde d’un tel processus d’ajustement. Dans
termes « analyse de problème(s) », « conception de
cette méthode, la centration sur l’analyse du problème
l’intervention » et « élèves ciblés » sont essentiels à
et la recherche d’une solution constitue un élément
une méthodologie efficace. Mais certains associent
essentiel de l’amélioration de la réussite des élèves.
les termes « problème », « mise en œuvre » et
Inversement, les pratiques trop génériques donnent
« ciblage » à la réflexion et à des projets sur la défi-
souvent des résultats médiocres. Les participants aux
cience. C’est le cas par exemple des Maoris. Les
programmes, quant à eux, sont aussi enthousiastes

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quand ils observent les progressions, parce qu’ils vaillaient jusqu’à présent dans des domaines séparés
comprennent mieux où ils doivent aller pour travailler (mathématiques, lecture, évaluation, leadership, etc.),
plus efficacement. Cet enthousiasme dépend toutefois puissent davantage communiquer et échanger leurs
d’une stratégie globale de mise en œuvre qui concerne données et leurs analyses, afin de mieux répondre
tous les établissements. aux commandes adressées par le ministère de l’Édu-
L’une des solutions est de concevoir, comme nous cation. C’est en développant cette capacité et cette
sommes en train de le faire à l’université d’Auckland, réflexivité globale dans la production de nouvelles
un centre pour l’apprentissage professionnel qui per- connaissances et en utilisant de nouveaux outils
mette le développement de recherches intégrées et (méta-analyses, revues systématiques de littérature
d’outils, sur la base de résultats utiles aux praticiens de recherche, évaluations d’expérimentations contrô-
et aux responsables de l’éducation. L’objectif du lées) que la recherche sera mieux à même de contri-
centre est bien de transférer les acquis de la buer à la réussite de tous les élèves.
recherche nationale et internationale en éducation Brian Annan
dans des programmes de développement profession- b.annan@auckland.ac.nz
nel continu en faisant en sorte que les laboratoires, Faculty of Education, University of Auckland,
les équipes de recherche et les institutions, qui tra- Nouvelle-Zélande

NOTES

1 La kura désigne l’école où l’enseignement est entièrement dis- 2 Il s’agit d’un programme destiné à favoriser la réussite scolaire
pensé en maori. des élèves maoris.

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Le développement professionnel
des enseignants et ses effets positifs
sur les apprentissages des élèves
Helen Timperley

En Nouvelle-Zélande, une attention grandissante a été portée par les décideurs politiques au développement
professionnel des enseignants et à la façon dont il améliorait les résultats des élèves. Cette approche permet
de développer des pratiques d’enseignement collaboratives, en plaçant les enseignants dans une position
d’enquêteur de leurs propres pratiques. Les programmes de développement professionnel ont des effets réels
sur l’amélioration de la réussite des élèves dans le domaine de la littératie, notamment en lecture. Ils permettent
aux enseignants de mieux identifier leurs besoins de formation à travers une analyse des difficultés des élèves
et la mise en œuvre de procédures d’évaluation efficaces.

Descripteurs (TESE) : formation continue des enseignants, enquête, travail en équipe, évaluation des étudiants,
processus d’apprentissage, Nouvelle-Zélande.

Introduction
élèves expliquent en grande partie ce changement de
Chaque jour, les enseignants sont confrontés aux cap. Ces analyses montrent invariablement que, parmi
changements qu’impliquent les nouveaux pro- tous les acteurs du système éducatif, ce sont les
grammes, les nouvelles méthodes d’évaluation et les enseignants qui ont le plus d’influence sur les résultats
nouvelles technologies. Ils doivent aussi faire face des élèves. Les études proviennent de divers pays,
à des publics hétérogènes parfois rétifs aux pratiques dont l’Australie (Cuttance, 1998), les États-Unis (Nye,
pédagogiques les plus courantes. De nombreux pays Konstantanopoulos & Hedges, 2004) et le Royaume-
anglo-saxons ont investi massivement dans le déve- Uni (Muijs & Reynolds, 2001). Si tous reconnaissent
loppement professionnel continu des enseignants déjà que les parents et la communauté éducative jouent un
titularisés pour les aider à relever les défis actuels. rôle important, ils observent que les enseignants sont
Dans certains pays anglophones, les méta-analyses le premier levier du changement au sein du système
sur les facteurs favorisant les apprentissages des éducatif.

Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011     31-40

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Malheureusement, l’espoir de voir l’investissement effet positif sur les résultats des élèves. Les items ont
dans le développement professionnel des ensei- été regroupés dans les catégories suivantes : envi-
gnants entraîner une hausse des résultats des élèves ronnement socio-économique au sens large (éduca-
ne s’est pas concrétisé. Dans sa majorité, la littéra- tion formelle et politiques curriculaires entre autres),
ture de recherche fait état de résultats variables et contexte de formation professionnelle (située dans
souvent décevants, à l’origine d’une frustration consi- les établissements scolaires ou les universités),
dérable des observateurs politiques (National Staff contenu de l’offre de formation professionnelle, acti-
Development Council, 2001 ; Sparks, 2004). La vités développées pour promouvoir la formation
variété des résultats montre que certaines méthodes (implication dans des ateliers, tutorat), processus
sont plus efficaces que d’autres. J’ai animé une d’apprentissage pour les enseignants, leurs réactions
équipe de chercheurs dont la mission était de trouver à ces expériences, et enfin impact sur les apprenants
dans la littérature anglo-saxonne les méthodes d’ap- (voir l’annexe 1).
prentissage ayant fait leurs preuves, à partir de la
question suivante : « Quels types de développement Toutes les catégories du cadre d’analyse ont reçu
professionnel contribuent à l’amélioration des résul- le même traitement en termes de codage de la littéra-
tats des élèves ? » (Timperley, Wilson, Barrar et al., ture empirique. Chaque item dans chaque catégorie
2007) La littérature socioculturelle et psychologique était traité de façon neutre quant à son impact sur les
sur le développement professionnel (voir par exemple enseignants ou les élèves, jusqu’à ce qu’il soit mis
Donovan, Bransford & Pellegrino, 1999) nous a per- à l’épreuve de la réalité des faits. À cette fin, une
mis de construire un cadre d’analyse des études recherche itérative de la littérature internationale a
empiriques contribuant aux bons résultats des élèves été entreprise à partir de recherches de bases de
sur le plan scolaire, comme à leur épanouissement données électroniques, de l’examen des revues et
sur les plans personnel et social. manuels scientifiques pertinents et d’un réseau d’in-
formateurs, afin de repérer les études qui associaient
Cet article décrit l’approche retenue pour la syn- formation professionnelle des enseignants et résul-
thèse de la littérature et ses résultats principaux. Il tats des élèves. L’application de critères méthodolo-
montre aussi comment les principes et processus giques courants a permis d’identifier 73 études d’in-
reconnus comme efficaces pour le développement terventions indépendantes pour un total de 227 effets
professionnel ont conduit à un projet de formation (Cohen, 1988). Étant donné les difficultés à trouver
en littératie dans plus de 300 écoles de Nouvelle- des équivalences dans les tailles d’effet1, les élèves
Zélande. Les élèves ont progressé deux fois plus que ont été traités par catégorie et n’ont pas été classés
prévu en lecture et en expression écrite au cours des comme il est de coutume dans les méta-analyses.
deux années du projet. Les élèves se situant parmi À partir de ces études empiriques, les attributs de la
les 20 % les plus faibles ont fait trois ou quatre fois formation professionnelle ont ensuite été cartogra-
plus de progrès qu’escompté (Timperley & Parr, phiés au sein du cadre théorique, pour repérer quels
2009b). types de connaissances ont été bénéfiques pour les
élèves et dans quelles circonstances elles ont été
acquises.

Approche méthodologique

Impact du développement professionnel


Il s’agissait de repérer, dans la littérature, les
sur les résultats des élèves
aspects de la formation professionnelle des ensei-
gnants qui, selon divers auteurs, contribuent à l’amé-
lioration des résultats des élèves, pris dans leur diver- L’analyse de ces études montre que les stages de
sité. Quatre-vingt-quatre items différents ont été développement professionnel pour enseignants ont
introduits dans un cadre analytique pluridisciplinaire. eus pour la plupart un impact positif sur les résultats
Ce cadre a servi ensuite à analyser la littérature empi- des élèves. Certes un biais existe : on publie plus
rique pour repérer quels types de connaissances et facilement les résultats positifs que négatifs. Les
quelles conditions de développement de celles-ci résultats concernant les progrès scolaires des élèves
étaient à même de promouvoir les processus d’ap- présentaient des scores plus élevés que les résultats
prentissage professionnel permettant aux ensei- concernant leurs autres caractéristiques personnelles
gnants d’adapter leurs pratiques, et in fine d’avoir un ou sociales (bien-être, motivation, etc.). Les tailles

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d’effet moyennes, élevées en littératie, s’expliquent Développement professionnel contribuant
par la prise en compte de plusieurs études focalisées à l’amélioration des résultats des élèves
sur les élèves à besoins spécifiques, dont le point de
départ (niveau plus bas) débouchait sur des effets Dans cette partie, nous allons aborder le contenu
de l’offre de formation professionnelle, les activités
très élevés. En sciences, ces effets étaient influencés
construites pour encourager l’apprentissage des
par le grand nombre d’études construites sur des
enseignants et les processus d’apprentissage des
évaluations non standardisées mises au point par des
élèves.
chercheurs. Sans surprise, les études réalisées sur
les groupes de contrôle avaient des effets inférieurs à Le contenu de l’offre de formation
celles réalisées sur les groupes de comparaison, Les situations dans lesquelles les gains étaient les
notamment lorsque des instruments standardisés plus élevés (concernant la compréhension écrite par
étaient utilisés. Les raisons de ces effets limités sont exemple) portaient sur l’acquisition par l’élève de
brièvement décrites ici. Nous y ajoutons une descrip- nouvelles connaissances et compétences, indépen-
tion plus détaillée des conditions nécessaires à une damment de son environnement socioculturel. Les
amélioration des résultats des élèves. acquis d’apprentissage des élèves faisaient la diffé-
rence. Ces apports devaient être aisément exploi-
tables pour ensuite déterminer les choix pédago-
Développement professionnel dont l’impact giques des enseignants. Ces grandes tendances
sur les résultats des élèves est limité étaient valables aussi bien pour l’enseignement pri-
maire que pour le secondaire. Les savoirs pédago-
Les circonstances dans lesquelles le développe- giques s’entendent au sens qu’en donne Shulman
ment professionnel était apparemment le moins effi- (1986, 1987), à savoir des contenus spécialisés asso-
cace reflétaient des pratiques opposées. À une extré- ciant connaissances universitaires et pédagogiques.
mité, les enseignants sont considérés comme des Ces contenus permettent aux enseignants « de trans-
professionnels autorégulateurs qui, lorsqu’on leur former leurs savoirs pour rendre leurs pratiques
donne suffisamment de temps et de ressources, par- pédagogiques efficaces tout en les adaptant aux
viennent à construire leurs propres expériences d’ap- capacités et aux acquis différents des élèves »
prentissage et assurent un enseignement plus effi- (Shulman, 1987, p. 15). Les savoirs sur l’évaluation
cace grâce à leur expertise collective. Nous n’avons s’entendent par la capacité des enseignants à faire le
malheureusement trouvé guère de preuves à l’appui diagnostic des besoins d’apprentissage des élèves,
de cette assertion ; le constat indiquait plutôt l’in- de telle sorte que leur enseignement puisse être
verse (Lipman, 1997 ; Saxe, Gearhart & Nasir, 2001). en phase avec les acquis des élèves. Ces savoirs sur
En fait, cette méthode n’approfondissait pas les les évaluations renseignent aussi les enseignants sur
les progrès à accomplir s’ils veulent avancer dans
connaissances et pratiques des enseignants, pas
l’enseignement du programme. Ainsi une formation
plus qu’elle ne remettait en cause les attitudes pro-
professionnelle efficace se caractérise entre autres
blématiques. À l’autre extrémité, des experts exté-
par une connaissance de l’intérêt et des limites de tel
rieurs donnaient des « recettes » pour enseigner (sou- ou tel test, mais aussi par une utilisation d’évalua-
vent fondées sur des recherches présentant un type tions plus informelles. Aucun de ces deux types de
de pédagogie efficace pour améliorer les résultats savoirs ne se suffit à lui-même, mais ils doivent être
des élèves), puis présentaient des pratiques toutes intégrés dans une théorie de l’apprentissage cohé-
faites aux enseignants, avant de s’assurer du suivi rente. Les enseignants enseignent de manière holis-
à la lettre de l’application de ces recettes (Borman, tique à partir de leurs convictions sur les élèves et de
Slavin, Cheung et al., 2005 ; Sijde, 1989). Cette la façon dont ils apprennent, mais également à partir
méthode peut s’avérer plus efficace et permettre de l’idée qu’ils se font de la valeur de chaque pro-
d’améliorer davantage les résultats des élèves que gramme et des meilleures façons de l’enseigner.
celle consistant à laisser les enseignants trouver leurs Les formations concernant l’acquisition de savoirs
propres solutions. Ses résultats restent néanmoins isolés et indépendants d’une théorie cohérente et
précaires ou relativement limités par rapport à d’autres efficace de l’apprentissage ne sont utiles qu’au
types de formation professionnelle (Borman, Slavin, développement de compétences également isolées,
Cheung et al., 2005 ; Datnow, Borman, Stringfield telles que la connaissance des phonèmes (Baker
et al., 2003). & Smith, 1999) ou l’apprentissage de la lecture de

Le développement professionnel des enseignants et ses effets positifs sur les apprentissages des élèves 33

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cartes (Fishman, Marx, Besta et al., 2003). Une for- gnants intègrent les nouvelles informations ou les
mation plus générale sur la façon d’enseigner la compétences pédagogiques qu’ils leur apportent
compréhension écrite ou le raisonnement scienti- pour rendre leurs pratiques plus efficaces. Ce pro-
fique est beaucoup plus exigeante. L’intégration de cessus ne fonctionne que si ces nouvelles pratiques
ces apprentissages s’explique par le fait que les sont en phase avec les convictions et les hypothèses
informations issues de l’évaluation diagnostique per- qui sous-tendent leurs pratiques habituelles. Cette
mettent aux enseignants de comprendre en détail les méthode fonctionne également lorsque les ensei-
acquis des élèves et leurs besoins. Les connais- gnants sont conscients que leurs savoirs et compé-
sances acquises et les contenus à évaluer ne se limi- tences pédagogiques sont limités et qu’ils cherchent
tent pas aux résultats des tests : ils comprennent activement à les enrichir. Ce cas est néanmoins assez
aussi l’observation fine de l’apprentissage des rare, dans la mesure où la formation professionnelle
élèves, de leur façon de travailler, ainsi que des concerne des enseignants titularisés qui se considè-
entretiens avec les élèves sur leur maîtrise de cer- rent compétents. Il en faut beaucoup plus pour chan-
tains concepts. La connaissance de ce que les ger les pratiques lorsqu’elles ne sont pas aussi effi-
élèves savent faire ou non est utile pour ajuster les caces que ce que les enseignants pensent. Dans ces
pratiques de cours vers un meilleur apprentissage circonstances, il faut que les enseignants compren-
des élèves, mais seulement si les enseignants ont nent la différence entre leurs pratiques actuelles et
une maîtrise suffisante des savoirs pédagogiques sur les changements à opérer. De nouveaux apprentis-
lesquels ils peuvent fonder leurs choix. Sinon l’ana- sages peuvent contribuer à ébranler leurs convictions
lyse des évaluations demeure superficielle et ne per- les plus ancrées, notamment si on leur montre qu’une
met donc pas d’en tirer profit. Toutes les études où nouvelle manière d’enseigner peut améliorer les
les tailles d’effet étaient élevées mettaient l’accent résultats des élèves. La question de savoir ce qui fait
sur l’accompagnement des enseignants pour trans- un bon programme et comment il doit être enseigné,
férer les savoirs pédagogiques et évaluatifs dans surtout en mathématiques et en sciences, a besoin
leurs pratiques. Ce transfert n’était pas laissé au d’être repensée pour que les enseignants passent de
hasard. Des messages décontextualisés plaqués sur l’acquisition de faits à leur utilisation pour résoudre
des pratiques innovantes n’avaient en définitive des problèmes. Dès lors, l’enjeu est de motiver les
aucun impact sur les élèves. enseignants pour qu’ils acquièrent de nouvelles
connaissances professionnelles. Néanmoins, comme
Les activités bénéfiques aux apprentissages tous les apprenants, s’ils sentent que leur conduite
Une grande partie de la littérature sur le développe- est dictée par un tiers, ils ont toutes les chances de
ment professionnel des enseignants porte sur les résister.
activités, notamment les ateliers ou le tutorat pour Les études les plus efficaces sont celles où les
enseignants, plutôt que sur les contenus enseignés. enseignants deviennent co-apprenants ou appre-
Dans les faits, aucune activité en particulier ne garan- nants autorégulés par un processus d’enquête situé
tit de meilleurs résultats qu’une autre. Toutes ont des dans l’environnement immédiat de leur pratique (voir
effets à la fois positifs et limités. Par exemple, un par exemple Carpenter, Fennema, Peterson et al.,
cours est efficace lorsque les enseignants compren- 1989 ; McNaughton, Lai, MacDonald et al., 2004 ;
nent la théorie qui sous-tend sa pratique. Ce qui Timperley & Parr, 2009a). Les enseignants doivent
compte plus que la forme d’une activité, c’est de identifier et faire le diagnostic des problèmes d’ap-
déterminer si elle permet d’aider les enseignants prentissage de leurs élèves et puiser ensuite dans un
à acquérir à la fois les connaissances et compétences large répertoire de savoirs théoriques et pratiques
pertinentes et la façon dont ils peuvent transférer ces pour traiter ces problèmes. Les formations qui s’ap-
connaissances dans leurs pratiques de classe. puient sur ces processus d’enquête partent des pra-
tiques concrètes pour asseoir les apprentissages,
Les processus d’apprentissage
approfondir les contenus pédagogiques pertinents et
Dans l’annexe 1, l’autre catégorie qui indique un les connaissances sur l’évaluation, tout en ancrant
impact significatif sur l’amélioration éventuelle des ces pratiques dans un processus d’enquête continu.
résultats des élèves concerne les processus d’ap-
Le renforcement des savoirs professionnels
prentissage des enseignants. Les études empiriques
par la pratique de l’enquête
qui ont abordé directement cette question sont rares
mais elles ont montré l’importance du phénomène. Pour peser véritablement sur les résultats des
Pour la plupart des formateurs, il suffit que les ensei- élèves, les objectifs doivent être éclairés par une

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connaissance approfondie de l’hétérogénéité des ressources (séances d’observation, entretiens avec
élèves dans une situation de cours donnée. Le cycle les élèves et analyse des progrès réalisés).
d’enquête (voir l’annexe 2) commence donc par le
Dans les situations où les résultats ne montrent
recensement des besoins d’apprentissage des élèves
aucun signe d’amélioration, des ajustements supplé-
par leurs enseignants. Pour explorer ces besoins, les
mentaires s’avèrent nécessaires à un moment précis
enseignants doivent maîtriser les concepts de l’éva-
du processus. Ces ajustements peuvent concerner
luation et disposer d’une banque d’outils à utiliser de les objectifs, les séquences de formation ou leur mise
manière souple selon le type de situation. Ainsi les en œuvre. Le processus d’enquête retourne donc aux
cours sont davantage étayés par des faits solides et acquis et aux besoins des élèves. La question est de
les enseignants sont plus réactifs aux besoins des savoir si les connaissances actuelles des élèves sont
élèves. La seconde partie du cycle porte sur l’identifi- adaptées ou non à un enseignement efficace. La pré-
cation des objectifs d’apprentissage professionnel sence d’une personne extérieure au groupe
des enseignants. Cet examen est beaucoup plus exi- – quelqu’un de l’encadrement ou situé hors de l’éta-
geant car il leur demande de réfléchir à leurs propres blissement – est donc nécessaire. Si les enseignants
méthodes d’enseignement et de voir dans quelle étaient en mesure de déterminer leurs besoins d’ap-
mesure elles ont contribué aux acquis et à la réussite prentissage sans un tel accompagnement, ils l’au-
des élèves. Cette démarche exige une analyse plus raient déjà fait. Notons toutefois que des experts
collective qu’individuelle parce que la synthèse de la extérieurs ont aussi participé à des formations pro-
littérature internationale de recherche montre que la fessionnelles inefficaces. Ce n’est donc pas leur pré-
participation à une enquête mutuelle est une condi- sence qui fait la différence, mais la façon dont ils
tion nécessaire (mais insuffisante) pour identifier les accompagnent l’apprentissage professionnel des
liens entre enseignement et apprentissage. Une fois enseignants.
ces liens identifiés, l’examen des besoins d’appren-
tissage des enseignants permet de promouvoir l’ap-
prentissage des élèves. Un préalable pour l’ensei-
gnant est de se considérer comme agent du Illustration à partir
changement pour les élèves et leurs apprentissages. d’un cas néo-zélandais
C’est une condition sine qua non de la corégulation
ou de l’autorégulation de l’apprentissage profession-
Ce cas illustre un projet de développement profes-
nel. D’ailleurs, dans nombre d’études faisant état de
sionnel continu, qui s’inscrivait dans une démarche
gains durables, les enseignants ont d’autant plus le nationale à l’initiative du ministère de l’Éducation
sentiment d’être efficaces que les résultats de leurs néo-zélandais, pour prendre à bras-le-corps les diffi-
élèves s’améliorent. cultés scolaires des élèves les plus en échec.
Les activités de formation conçues pour approfon- Depuis 2004, trois groupes d’écoles élémentaires ont
dir les connaissances et affiner les compétences doi- pris part à ce projet de deux ans. Les élèves ont pro-
vent être co-construites par les enseignants et les gressé bien au-delà des attentes, dans les
experts si l’objectif visé est bien l’autorégulation de trois cohortes, et notamment les élèves les plus en
l’apprentissage professionnel. Les résistances des difficulté. Les gains moyens d’effet de taille de tous
enseignants sont levées s’ils voient la nécessité d’ap- les élèves étaient de 1,2 en expression écrite et
prendre et s’ils ont un certain contrôle sur la de 0,9 en lecture. Les gains étaient supérieurs pour
démarche d’apprentissage. Ce qui est attendu les élèves situés parmi les 20 % les plus faibles (2,3
en partie dans la formation professionnelle, c’est en expression écrite ; 1,9 en lecture). Les gains
qu’elle amène des changements dans les pratiques annuels moyens attendus étaient de 0,20 en expres-
de classe, sinon rien ne changera vraiment pour les sion écrite et de 0,26 en lecture, gains confirmés la
élèves, pas plus qu’il n’y aura de changement notable seconde année. Faute de place, seule la partie
de leurs résultats. Après avoir établi des objectifs expression écrite du projet sera décrite ici, bien que
la méthode de développement professionnel continu
d’apprentissage pour les enseignants et les élèves,
soit la même pour les deux champs curriculaires.
puis mis en place des stratégies pédagogiques
appropriées, il convient de suivre leurs effets sur les Dès l’origine du projet, priorité était donnée à
élèves car aucune pratique enseignante n’est assurée l’amélioration des résultats des élèves. Le contrat
d’être efficace dans n’importe quel contexte. Cette passé entre le ministère de l’Éducation néo-
méthode d’enquête nécessite donc certains outils ou zélandais et les prestataires extérieurs exigeait

Le développement professionnel des enseignants et ses effets positifs sur les apprentissages des élèves 35

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in fine l’amélioration de la réussite des élèves et elle données étaient recueillies sur les savoirs et les pra-
passait par le respect de certaines conditions : un tiques des enseignants. L’ensemble de ces outils a
meilleur bagage universitaire et pédagogique des permis de dresser un tableau complet des influences
enseignants ; un meilleur transfert entre théorie et mutuelles entre enseignement et apprentissage. Tous
pratique pédagogique en littératie ; un encadrement les établissements n’ont pas bénéficié de la même
plus efficace des communautés apprenantes. Les expertise ou n’ont pas souhaité déterminer leurs
initiateurs du projet ont nommé 25 tuteurs auprès propres besoins d’apprentissage. Néanmoins, ils ont
des établissements concernés et organisé des tous analysé d’abord le profil des élèves et identifié
stages de développement professionnel sur le ren- ceux qui réussissaient le moins bien, puis évalué
forcement des contenus pédagogiques et évaluatifs, ensuite leurs propres connaissances pédagogiques.
dans le cadre de processus d’enquête continus (voir Au départ, ils étaient peu nombreux à analyser l’ex-
l’annexe 2). La participation au projet se faisait sur la pression écrite de leurs élèves en l’absence d’une
base du volontariat de chaque établissement, mais aide extérieure. Le projet encourageait les ensei-
les enseignants n’avaient pas forcément leur mot à gnants à préparer et administrer des cours en phase
dire quant à leur participation éventuelle. Deux cher- avec les acquis et les besoins des élèves. Le renfor-
cheurs en recherche formative ont suivi le projet, en cement des connaissances professionnelles des
endossant en même temps un rôle de consultant. enseignants en constituait le préalable. Au cours de
Plusieurs études ont été entreprises : sur les pra- la seconde année du projet, lorsque les enseignants
tiques de classe (Timperley & Parr, 2009a), sur celles s’étaient familiarisés avec le processus d’enquête,
des tuteurs (Timperley, Parr & Bertanees, 2009) et chacun d’entre eux a mis sur pied des objectifs d’ap-
sur la chaîne d’influence s’étendant de la politique prentissage avec les tuteurs à partir de l’analyse de
éducative à la pratique (Timperley & Parr, 2009b). ses propres besoins.

Le projet a débuté par l’identification des besoins L’investigation de l’impact des nouvelles pratiques
des élèves, à partir d’un outil d’évaluation permettant a commencé de façon informelle. Les enseignants
aux enseignants d’analyser la compréhension des ont été invités à interroger leurs élèves pour savoir
structures profondes et de surface en expression s’ils comprenaient bien les objectifs d’apprentissage
écrite. Même en phase initiale, il est apparu néces- des cours. Le processus a été formalisé à la fin de la
saire de préciser les besoins didactiques et pédago- première année lorsque les élèves ont été réévalués
giques des enseignants (voir l’annexe 2). Peu d’entre avec le même outil d’évaluation. Les enseignants et
eux avaient réussi à noter correctement l’évaluation l’encadrement ont pu, par la discussion sur les
des élèves en expression écrite car ils n’étaient pas échantillons et la comparaison des résultats du début
capables de faire une analyse fine des structures pro- et de fin d’année, disséquer le type de progrès réalisé
fondes. L’examen d’une situation d’apprentissage où et formaliser le processus d’enquête concernant les
trois enseignants d’un même établissement dispen- résultats du changement de pratiques. Ils ont ainsi pu
saient des cours d’expression écrite à des fins de identifier l’efficacité des changements opérés dans
communication montre qu’ils s’efforçaient essentiel- leur façon d’enseigner. Un second cycle d’enquête
lement de motiver les élèves lors de la rédaction d’un sur les besoins d’apprentissage des élèves et des
enseignants a vu le jour à partir des enseignements
texte précis, mais que l’enseignement de l’expression
tirés du premier cycle d’enquête. Un processus itéra-
écrite elle-même se limitait aux structures de surface
tif s’était donc mis en marche. À la suite de ces pro-
(orthographe et grammaire). Sans surprise, lors des
cessus d’enquête entre les enseignants et leur hié-
entretiens entre chercheurs et élèves, ces derniers
rarchie, le besoin s’est fait sentir d’insister sur la
indiquaient qu’ils ne savaient pas ce qu’ils étaient
méthode à utiliser. Les responsables politiques ont
censés apprendre, hormis la ponctuation, l’ortho-
reconnu que, pour atteindre les objectifs fixés, il fal-
graphe, le respect du nombre de mots et la propreté
lait plus d’un an, c’est-à-dire plus que la durée initia-
de la copie. Suite à l’analyse de cette séance, les
lement retenue. Ils ont alors accordé des crédits sup-
enseignants se sont rendu compte de leurs besoins
plémentaires pour couvrir les besoins financiers
réels d’apprentissage, notamment en termes de
d’une seconde année. Les responsables du projet se
contenus pédagogiques.
sont aperçus, suite à des visites de terrain, que les
Un examen plus poussé des besoins d’apprentis- connaissances pédagogiques des tuteurs étaient
sage professionnel des enseignants laissait appa- insuffisantes pour approfondir la méthode ; des
raître un lien direct avec les besoins des élèves. stages ont donc été mis en place pour pallier cette
Au moment même où les élèves étaient évalués, des lacune. Un besoin plus inattendu s’est fait sentir

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après l’observation du travail des tuteurs par les apparemment à l’encontre des réserves émises par
chercheurs dans les établissements : si certains certains praticiens, responsables politiques et cher-
avaient bien compris le mode de co-construction de cheurs cités en début d’article, sur la capacité de la
la méthode, d’autres demeuraient plus repliés sur une formation professionnelle à faire la différence
interprétation individuelle du développement profes- en termes de résultats des élèves. Notre synthèse
sionnel. Grâce à une série d’ateliers, dont un portait (Timperley, Wilson, Barrar et al., 2007) montre que
sur l’analyse de leurs interventions dans les établis- ce n’est pas le développement professionnel en soi
sements et était accompagné d’un questionnaire qui pose problème, mais plutôt la façon dont il est réa-
pour évaluer les réactions des enseignants à leurs lisé. Les formateurs doivent reconnaître la complexité
interventions, les tuteurs ont gagné en assurance lors des pratiques professionnelles et leur apporter de la
de la conduite des entretiens avec les enseignants. valeur ajoutée, en accompagnant les enseignants
dans la satisfaction des besoins d’un public hétéro-
gène, notamment les élèves dont les résultats sont
inférieurs à ceux des autres. Il est indispensable
Conclusion d’avoir une vision globale des pratiques des ensei-
gnants plutôt que de les contourner, et d’apporter
des propositions et des pratiques alternatives par
Un développement professionnel de qualité est
des exemples concrets. Les enseignants ont besoin
essentiel pour relever les défis de la réforme et amélio-
d’une offre de contenus pédagogiques pertinente et
rer les résultats des élèves les moins performants dans
d’un enrichissement de leurs connaissances profes-
nos systèmes éducatifs. Les profils démographiques
sionnelles sur l’évaluation, par un mélange de théo-
des élèves changent, de même que les connaissances
rie et de pratique. Si on enlève n’importe lequel de
sur les façons d’enseigner. Cet article a dressé un état
ces éléments, l’impact a toutes les chances d’être
des lieux des résultats issus d’une synthèse de la litté-
fortement diminué. Une enquête systématique éclai-
rature internationale sur le type de développement
rée par des sources fiables est au cœur de tout pro-
professionnel propice à de meilleurs résultats scolaires
cessus de développement professionnel continu. Si
et à un épanouissement des élèves sur les plans per-
les enseignants refusent de s’engager dans ce pro-
sonnel et social. Nous avons montré que l’impact sur
cessus, ils n’ont alors guère d’informations sur ce
les apprentissages de nos élèves les plus défavorisés
qu’ils doivent apprendre et ce qu’ils peuvent faire
peut être accéléré par l’engagement des enseignants
pour améliorer les résultats des élèves ; ils ne savent
dans ce développement professionnel continu. La
pas non plus si les changements qu’ils opèrent ont
preuve par les résultats de l’efficacité du développe-
l’effet désiré. Le préalable à la réussite de ce pro-
ment professionnel est un défi pour les chercheurs, les
cessus est que les enseignants soient convaincus
formateurs d’enseignants et les enseignants eux-
que leur propre formation relève de leur responsabi-
mêmes, concernant la méthode idoine permettant de
lité professionnelle, y compris le souci de vérifier
renforcer les savoirs et l’offre de formation. L’évalua-
l’efficacité de leurs pratiques sur les résultats des
tion de la formation professionnelle repose le plus sou-
élèves. Ainsi des cycles renouvelés d’enquête, de
vent sur les réactions des enseignants à la fin de leur
renforcement des capacités et d’amélioration de
stage (Guskey, 2000). « Si nous acceptons l’idée que
leurs pratiques deviennent partie intégrante de leur
la finalité de l’école réside dans la formation des élèves
quotidien.
et non des enseignants » (Camburn, 1997), alors l’effi-
cacité de nos efforts doit être jugée à l’aune de l’amé- Helen Timperley
lioration des résultats des élèves. h.timperley@auckland.ac.nz
School of Teaching, Learning and Development,
L’argument de cet article selon lequel le dévelop- University of Auckland, Nouvelle-Zélande
pement professionnel peut s’avérer efficace va

NOTE

1 La taille d’effet (traduction de l’anglais effect size) est un indice groupe qui a bénéficié de ce traitement par rapport au groupe
statistique qui permet de quantifier l’amplitude de l’effet d’un témoin.
traitement que l’on a évalué et qui reflète le gain éventuel du

Le développement professionnel des enseignants et ses effets positifs sur les apprentissages des élèves 37

RFP174.indb 37 03/06/2011 15:29:29


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38     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 38 03/06/2011 15:29:29


Annexe 1. Cadre d’analyse de l’efficacité des formations professionnelles

Contexte socioculturel au sens large S’appuyer sur les savoirs existants


–– politiques éducatives formelles ; Processus 1 Résultat : consolidation et/ou analyse
–– discours dominants ; des savoirs existants
–– organisation scolaire. Se familiariser avec les nouvelles
informations/compétences et les
intégrer à son système de valeurs et de
Contexte du développement professionnel Processus 2 croyances actuel
–– personnes et détails pratiques ; Résultat : adoption ou adaptation des
–– objectifs du développement professionnel. nouveaux savoirs
Créer une dissonance par rapport à sa
position actuelle (valeurs et croyances)
Contenu des dispositifs de formation Processus 3 Résultat : repositionnement et
professionnelle reconstruction du système de croyances
et de valeurs
Les interprétations conceptuelles et l’approfondis- Amélioration de l’autorégulation et de la
sement des compétences à travers les activités de corégulation
formation professionnelle portaient sur : Processus 4
Résultat : adoption des cycles
–– les savoirs disciplinaires ou curriculaires ; d’enquête
–– les savoirs pédagogiques ;
–– l’évaluation ;
–– les élèves (apprentissages, comportement, Réactions des enseignants et des élèves
culture) ;
–– la socialisation des élèves dans les Les enseignants et les élèves font au moins une
établissements ; des choses suivantes :
–– les ressources culturelles et linguistiques ; –– rejettent ou ignorent les nouvelles théories et pra-
–– l’impact des pratiques enseignantes sur les tiques et reprennent leurs pratiques
élèves dans leur diversité. précédentes ;
–– reprennent leurs pratiques précédentes croyant
qu’il s’agit de nouvelles pratiques ;
Activités au service des apprentissages –– choisissent certaines parties des nouvelles théo-
Les activités de développement professionnel ries et pratiques et les adaptent à leurs pratiques
conçues pour approfondir les compétences profes- actuelles ;
sionnelles portaient sur : –– les appliquent comme prévu ;
–– écouter/observer ; –– s’approprient et appliquent les nouvelles théories
–– être observé et bénéficier du retour et modifient leurs pratiques de façon
d’expérience ; significative.
–– entamer des lectures professionnelles ;
–– partager ses pratiques et leurs conséquences ; Impact sur les élèves
–– analyser la compréhension des élèves et leurs
résultats ; Effets de la formation professionnelle sur les items
–– analyser ses pratiques actuelles au regard de « réussite », « attitude », « identité sociale » :
nouvelles pratiques ; –– aucune amélioration (voire baisse) des résultats ;
–– débattre d’enjeux séparément ou mutuellement –– amélioration légère d’un nombre de paramètres
identifiés. restreints ;
–– amélioration significative d’un grand nombre de
paramètres.
Processus d’apprentissage (itératifs)

Les processus d’apprentissage visant l’acquisition


ou l’approfondissement des compétences impliquent
au moins un des processus cycliques suivants :

Le développement professionnel des enseignants et ses effets positifs sur les apprentissages des élèves 39

RFP174.indb 39 03/06/2011 15:29:29


Annexe 2. Cycles d’enquête au service du renforcement des compétences des enseignants

De quelles connaissances et compétences nos –– Quelles sources étayées pouvons-nous utiliser ?


élèves ont-ils besoin ?
–– Quels sont leurs acquis ? Approfondir les savoirs professionnels et mettre
–– Quelles sources sont utilisées pour vérifier ces à jour ses compétences par davantage de
acquis ? formation professionnelle
–– Que doivent-ils apprendre et faire ?
–– Comment s’appuyer sur leurs acquis ?
Mobiliser les élèves autour de nouvelles
expériences d’apprentissage
De quelles connaissances et compétences
avons-nous besoin en tant que professionnels ?
–– De quelle manière avons-nous contribué aux Quel est l’impact de ces changements ?
résultats actuels des élèves ?
–– De quelles ressources immédiatement mobili- Quelle est l’efficacité des contenus de formation
professionnelle sur les apprentissages et le bien-être
sables disposons-nous pour améliorer leurs
des élèves ?
résultats ?
–– Quelles sont les compétences à acquérir pour
améliorer leurs résultats ?

40     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 40 03/06/2011 15:29:29


« L’évaluation pour les apprentissages » :
d’une expérimentation locale
à une politique nationale
Gordon Stobart

L’évaluation pour les apprentissages est une approche bien développée aujourd’hui au Royaume-Uni et elle fait
partie des instructions officielles. Elle a montré sa pertinence et fait l’objet d’une reconnaissance internationale.
Mais la façon dont cette expérimentation est mise en œuvre et interprétée par les responsables de l’éducation
anglais n’est pas sans poser des problèmes : mauvaise compréhension des principes fondateurs et distorsion
des pratiques. L’obligation de résultats de recherche dans une politique cohérente et intégrée peut se heurter
à un certain nombre de défis lorsqu’elle est conduite de façon trop mécanique et superficielle (en ignorant
notamment les réalités du contexte des établissements) et lorsqu’elle sous-estime l’effort d’engagement des
enseignants et des élèves dans les processus d’évaluation et d’apprentissage.

Descripteurs (TESE) : évaluation formative, processus d’apprentissage, niveau national, évaluation du système éducatif,
transfert des connaissances, politique en matière d’éducation.

Introduction populaire dans le domaine de l’évaluation : l’évaluation


pour les apprentissages (assessment for learning). Elle
Cet article traite de l’appropriation et de la capitali- s’inscrit dans une forte culture de l’obligation de résul-
sation des expérimentations pédagogiques locales par tats qui vise à améliorer les résultats des élèves aux
les agences centrales et les responsables gouverne- évaluations nationales et à atteindre les objectifs fixés
mentaux, ainsi que de leur impact sur le système édu- au regard de standards nationaux, ce qui explique cer-
catif. Dans certaines circonstances, un tel processus tains ajustements opérés par rapport aux intentions
subit des ajustements et des modifications notables
originelles de ceux qui avaient conçu ce dispositif
qui sont la conséquence d’une relative complexité de
expérimental. L’article présente une discussion des
l’agenda politique, au détriment des bénéfices poten-
tiels, mais aussi des crédits supplémentaires qu’exige avantages et des inconvénients de ces expérimenta-
ce type de transfert et de généralisation. En Angleterre, tions de terrain lorsque les responsables politiques et
le gouvernement a généralisé une expérimentation les financeurs se les approprient à d’autres fins.

Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011     41-48

RFP174.indb 41 03/06/2011 15:29:29


L’action publique et la culture de la réussite, dans l’espoir que cette attention et les
d’obligation de résultats ressources supplémentaires amélioreraient leurs
résultats et les aideraient ainsi à atteindre les objec-
tifs. Paradoxalement les élèves qui n’avaient guère de
En Angleterre, les services publics développent une chances de réussir ne bénéficiaient pas de ces avan-
culture d’obligation de résultats qui repose sur des tages, forme perverse s’il en est de « tri éducatif »
objectifs fixés par le gouvernement afin d’élever la (Gillborn & Youdell, 2000). O’Neill (2002) et Stobart
qualité des services. Parmi ces objectifs, les hôpitaux (2008) en ont livré un compte rendu détaillé en étu-
doivent par exemple réduire les listes d’attente pour diant l’impact négatif de ces objectifs stratégiques.
les opérations chirurgicales et le délai permettant de
voir un docteur en cas d’urgence. De même, les Malgré tout, l’un des aspects positifs de cette
compagnies de trains et de bus font face à une obli- volonté politique de relever le niveau d’exigence est le
gation de ponctualité et sont redevables d’une soutien aux expérimentations pédagogiques suscep-
amende en cas de non-respect. Dans le domaine de tibles d’améliorer les résultats des élèves aux tests.
l’éducation, les objectifs portent le plus souvent sur En Angleterre, cela s’est traduit parfois par un ensei-
la réussite aux tests et aux examens nationaux. Les gnement prescriptif des mathématiques et de l’an-
établissements scolaires, les collectivités locales et le glais en termes de contenus, de méthodes pédago-
gouvernement lui-même sont tenus de respecter des giques et de séquences d’apprentissage (ironie du
objectifs et d’afficher la progression de leurs résultats sort, l’Angleterre semble reproduire le stéréotype
d’une année sur l’autre. C’est ainsi que le ministère a français selon lequel chaque élève étudierait la même
établi des objectifs de performance dans les évalua- chose au même moment). La recherche de l’amélio-
tions nationales pour les élèves de 11 ans, à la fin de ration des compétences des élèves peut s’appuyer
l’enseignement primaire. Le seuil fixé (c’est-à-dire sur des expérimentations locales réussies et leur
85 % d’élèves atteignant le niveau 4 en anglais et en extension à l’échelon national. Citons par exemple
mathématiques, niveau attendu d’un élève de 11 ans) l’apprentissage précoce de la lecture, qui a fait l’objet
n’ayant pas été atteint, cela a même entraîné la d’âpres débats au Parlement quant à la meilleure
démission d’un ministre de l’Éducation anglais. Des méthode à adopter pour sa mise en œuvre. Ces
objectifs sont également déterminés pour les établis- débats faisaient pourtant suite au bilan convaincant
sements de l’enseignement secondaire, à partir des établi par une collectivité locale en Écosse, qui s’était
examens nationaux destinés aux élèves de 16 ans. engagée dans cette expérimentation. Les développe-
Les établissements dont les résultats sont en deçà ments de l’intelligence émotionnelle et les activités
des attentes sont susceptibles d’être inspectés, voire de pratique réflexive parmi les élèves font aussi partie
fermés dans le cadre de la politique qualifiée de « défi de ces expérimentations locales.
national », quand bien même leurs effectifs seraient
constitués en majorité d’élèves défavorisés et en Cet article décrit à la fois un projet expérimenté sur
échec scolaire. le terrain, visant à améliorer l’évaluation des élèves
en classe, et l’analyse de ses effets secondaires
L’un des effets secondaires introduits par la culture après que le dispositif a été repris par les décideurs
du résultat est que les services publics cherchent politiques. Cette étude de cas porte sur l’évaluation
désormais à contourner le système par tous les pour les apprentissages en Angleterre, une méthode
moyens, afin de remplir leurs objectifs. Les hôpitaux d’évaluation formative qui s’est développée au cours
ont ainsi mis en œuvre un grand nombre d’opérations des dix dernières années, depuis la célèbre publica-
bénignes et non urgentes afin de réduire leur liste tion du livret Inside the black box (Black & William,
d’attente, retardant d’autant les actes plus lourds de 1998) et de l’ouvrage Assessment for learning:
chirurgie. Les compagnies ferroviaires ont modifié Beyond the black box (Assessment Reform Group,
leurs horaires en rallongeant les temps de trajet afin 1999). Cette expérimentation a été reprise par les
d’éviter les pénalités liées aux retards. Les établisse- pouvoirs publics et elle a constitué le cœur des stra-
ments scolaires sont passés maîtres dans l’art de tégies nationales mises en œuvre dans les enseigne-
choisir les enseignements susceptibles de gonfler ments primaire et secondaire britannique. En 2008, le
leurs résultats aux examens (par exemple les ensei- ministère de l’Éducation a lancé le programme Éva-
gnements professionnels dans les technologies de luation pour les apprentissages, qui a été financé
l’information et de la communication). Le gouverne- à hauteur de 150 millions de livres sterling (Depart-
ment a même renforcé cette tendance par l’octroi de ment of Children, Schools and Families, 2008). C’est
crédits supplémentaires destinés aux élèves proches ce programme qui est ici présenté et analysé.

42     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 42 03/06/2011 15:29:29


Une définition de l’évaluation formative principaux apprenants, dans la mesure où ils ajustent
leurs pratiques. La méthode interactive est davantage
La littérature anglo-saxonne (entre autres) établit focalisée sur l’élève, le rôle de l’enseignant consistant
une différence entre évaluation sommative et évalua- à remettre les clés de l’apprentissage à l’élève au fur
tion formative. La première constitue une photogra- et à mesure qu’il gagne en autonomie. De telles diffé-
phie des acquis des élèves à un moment donné, par rences de points de vue sont parfois source de ten-
exemple suite à un test de fin d’année. La seconde sion. Par exemple, en Angleterre, les responsables de
entend contribuer au processus continu d’apprentis- l’éducation s’intéressent aux enseignants puisqu’ils
sage : elle « met en lumière » les apprentissages des sont la cible de leur politique ; on met l’accent sur la
élèves. Cependant, alors que cette dernière notion fut façon dont ils devraient modifier leur pratique d’en-
seignement (d’où le postulat selon lequel les ensei-
inventée aux États-Unis dans les années soixante,
gnants doivent d’abord dominer le processus d’ap-
son sens a évolué et désigne désormais des
prentissage). Cependant ce type de politique peut
méthodes très variées. Dans leur synthèse de la litté-
constituer un frein aux méthodes centrées sur l’ap-
rature française sur l’évaluation formative, Allal
prenant, comme l’évaluation pour les apprentissages,
et Mottier Lopez (2005) opèrent une distinction entre
qui cherche à impliquer un peu moins les enseignants
trois types de réponse formative aux informations
et davantage les élèves. Quant aux approches plus
provenant des évaluations (elles parlent de régula-
commerciales, sans surprise, elles placent les batte-
tion) :
ries de tests au cœur de l’évaluation formative
–– la régulation interactive part des interactions
puisqu’elles cherchent à vendre des outils de dia-
entre l’élève et les autres personnes et éléments
gnostic aux établissements scolaires sous une forme
matériels présents dans la salle de classe. Elle
ou sous une autre.
est largement ancrée dans les pratiques quoti-
diennes et conduit à une adaptation continue de
l’apprentissage, notamment par le suivi indivi-
dualisé des élèves et le feedback. Elle coïncide
L’Évaluation pour les Apprentissages
avec des approches socioculturelles et construc-
tivistes de l’apprentissage ;
–– la régulation rétroactive concerne l’évaluation for- L’évaluation pour les apprentissages est une
mative conduite après une séquence de cours, méthode d’évaluation formative culturellement ancrée
souvent par l’intermédiaire d’un test. Elle consiste dans les pays anglo-saxons comme le Royaume-Uni,
à traiter les difficultés d’apprentissage qui ont été la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Canada. Il s’agit
repérées parmi les élèves. Ce modèle du « tester d’une interprétation culturelle spécifique de l’évalua-
et remédier » demeure prédominant aux États- tion formative qui s’inscrit dans ce que Mottier Lopez
Unis et il est le reflet de méthodes comportemen- et Allal appellent la régulation interactive. Le terme
talistes déjà anciennes ; est préféré à celui d’évaluation formative car il est
–– la régulation proactive intervient lorsque les résul- plus clair quant à son objectif : contribuer directe-
tats des élèves aux tests amènent des change- ment au processus d’apprentissage des élèves. Le
ments dans les méthodes d’enseignement. terme « évaluation pour les apprentissages » a été
En France, il s’agit de diversifier les activités pour introduit en raison des nombreuses méprises qu’en-
répondre aux besoins des élèves. Les ensei- traîne le mot « formatif ». Parmi elles subsiste l’idée
gnants peuvent être amenés à modifier leurs pra- que les tests en classe, destinés avant tout à suivre la
tiques, mais avec un décalage parce que les progression des élèves, font partie de l’évaluation
résultats des tests arrivent trop tard. Ils ajustent formative. Étant donné leur objectif, le terme de
alors les contenus et les pratiques d’enseigne- « mini-évaluations sommatives » conviendrait mieux,
ment au groupe d’élèves suivant. dans la mesure où les informations recueillies ne ser-
vent pas à ajuster directement les pratiques pédago-
Si ces trois types de régulation constituent bien le giques des enseignants. Il en est de même de la
répertoire principal d’un enseignant, l’équilibre entre notation du travail en classe, souvent décrite comme
les trois fait appel à des différences d’interprétation. formative, alors qu’elle sert en réalité à asseoir des
Au cœur de ces différences figure en bonne place la jugements sommatifs. Néanmoins la relation entre
conception de l’apprentissage : est-il centré sur formatif et sommatif est loin d’être clairement définie
l’élève ou sur l’enseignant ? Dans les méthodes dans la littérature de recherche. L’évaluation pour les
rétroactives et proactives, les enseignants sont les apprentissages est un mode d’évaluation intégré

« L’évaluation pour les apprentissages » : d’une expérimentation locale à une politique nationale    43

RFP174.indb 43 03/06/2011 15:29:29


dans le processus d’apprentissage des élèves. En feedback est alors perçu comme le dispositif essen-
voici cinq points clés à la simplicité trompeuse tiel pour réduire l’écart entre le stade actuel d’ap-
(Assessment Reform Group, 1999, p. 4-5) : prentissage des élèves et le niveau à atteindre. La
–– la participation active des élèves à leur complexité de ce processus est de plus en plus
apprentissage ; reconnue et, bien souvent, on considère à tort que le
–– l’apport d’un feedback efficace pour les élèves ; dispositif utilisé est un feedback, alors qu’il ne favo-
–– l’adaptation de l’enseignement pour prendre en rise pas réellement l’acquisition des connaissances
compte les résultats de l’évaluation des élèves ; des élèves (Kluger & Denisi, 1996 ; Hattie & Timperley,
–– la nécessité pour les élèves d’être en mesure de 2007). Dans la pratique, l’accent doit être mis sur les
s’auto-évaluer ; commentaires fait par les élèves à partir des tâches
–– la reconnaissance de l’influence profonde de qu’ils exécutent, bien plus que sur les notes qui sont,
l’évaluation sur la motivation et l’estime de soi comme l’a écrit Sadler, « trop profondément codées »
des élèves, deux conditions essentielles à leur (Sadler, 1998) pour donner des informations précises
apprentissage.
sur ce qu’il convient de faire par la suite. Une des
Voici la définition qu’en propose l’Assessment découvertes les plus stimulantes est que le feedback
Reform Group : « Processus qui consiste à chercher trop centré sur l’ego au détriment de la tâche (par
et interpréter les ressources utiles aux élèves et aux exemple, quand on dit à l’élève : « Tu me déçois ») est
enseignants, à déterminer où en sont les élèves dans nuisible à un apprentissage efficace. Cela pose la
leur apprentissage, où ils doivent aller et le meilleur question du rôle des affects (comme les compliments)
moyen d’y parvenir. » (Assessment Reform Group, dans l’évaluation formative.
2002) Cette méthode correspond finalement à un
enseignement de qualité surtout si, par « res-
sources », on entend le recours à une large palette L’évaluation pour les apprentissages à l’échelle
d’informations plutôt qu’à des tests formels ou infor- de l’établissement
mels. L’accent mis sur l’évaluation résulte d’une
volonté délibérée des membres du groupe de réaffir- Cette formule d’« évaluation pour les apprentis-
mer l’objectif essentiel – mais aujourd’hui menacé – sages » est le fruit de la collaboration entre un groupe
de l’évaluation. À une époque dominée par l’évalua- informel d’universitaires et des établissements avec
tion sommative, cette méthode cherche à rééquilibrer lesquels ils ont travaillé, souvent en lien étroit, pour
l’usage de l’évaluation en l’intégrant au processus développer cette méthode particulière dans l’environ-
d’apprentissage, plutôt que d’en faire un objet nement de la salle de classe. Cette approche de
externe. l’évaluation est désormais suffisamment établie
au Royaume-Uni pour être traitée comme un mouve-
L’évaluation pour les apprentissages correspond à ment à part entière. Elle est aujourd’hui reprise dans
des pratiques pédagogiques spécifiques qui doivent le monde entier. Si le terme existe depuis environ une
prendre en compte les intentions d’apprentissage des
quinzaine d’années, sa popularité récente est liée
élèves et fixer a priori des critères de réussite, c’est-
au livret Inside the black box de Black et William
à-dire expliciter ce qui est enseigné et préciser la
(1998), dont plus de 50 000 exemplaires ont été ven-
définition d’une performance réussie. Elle s’attache
dus à travers le monde. Ce livret part de leur synthèse
par exemple à la manière dont les enseignants formu-
systématique de la littérature de recherche sur l’éva-
lent leurs questions aux élèves, à ce qu’ils leur lais-
sent suffisamment de temps pour répondre et à favo- luation en classe et porte le souci d’ouvrir cette boîte
riser les réponses collaboratives de leur part. Cette noire et d’analyser ce qui s’y passe (Black & William,
démarche exige des enseignants qu’ils affinent leurs 1998). Plusieurs livres ont été publiés depuis, dont
questions pour mieux révéler « à quel stade les élèves l’ouvrage Assessment for learning: Beyond the black
en sont dans leur apprentissage » et ce qu’il en est de box, rédigé par l’Assessment Reform Group (Groupe
leurs erreurs. Récemment, le dialogue entre l’ensei- de réforme de l’évaluation). Celui-ci a également
gnant et ses élèves, bien plus encore que la formula- bénéficié d’un large écho et conduit à la généralisa-
tion des questions, a été mis au centre du dispositif, tion de la méthode à l’ensemble du système éducatif
comme avec l’usage des feux de signalisation : les anglais. Son influence grandissante se mesure aussi
élèves, souvent placés en groupe, signalent s’ils ont par la reprise de ses principales idées clés dans les
compris le cours (en vert), s’ils ont des doutes stratégies nationales en éducation, au Royaume-Uni
(en orange) ou s’ils n’ont pas compris (en rouge). Le comme dans d’autres pays.

44     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 44 03/06/2011 15:29:29


Auto-évaluation et évaluation par les pairs en Écosse, certains établissements étaient accompa-
gnés dans ces expérimentations par l’attribution de
L’un des objectifs clés de l’évaluation pour les
crédits supplémentaires, et par des regroupements
apprentissages est de favoriser une culture de classe
locaux d’enseignants. Au pays de Galles, le gouver-
où les élèves sont en mesure de juger à la fois la qua-
nement s’est montré plus directif en mettant en place
lité de leur travail et de celui de leurs pairs, afin de des projets pilotes. L’Angleterre, quant à elle, a asso-
comprendre ce qu’implique pour eux un apprentis- cié expérimentations locales et projets centralisés :
sage efficace. La logique de cette démarche est de l’évaluation pour les apprentissages a été incluse
faire en sorte que les élèves, pour évaluer leur propre dans les stratégies nationales pour les enseigne-
travail, sachent appréhender une performance réus- ments primaire et secondaire. La mise en œuvre du
sie et déterminer à quel stade ils en sont dans leur dispositif a nécessité la rédaction de manuels et le
apprentissage. Ces compétences sont au fondement développement de formations « clés en main », où le
de l’autorégulation, considérée comme la condition formateur était tenu de dispenser la formation selon
pertinente d’un apprentissage efficace. L’enseignant un format prescrit à l’avance (présentation par items
change alors de rôle pour partager ses connais- indiquant la marche à suivre). Le gouvernement finan-
sances sur l’évaluation avec ses élèves. Cette adap- çait aussi les établissements volontaires pour qu’ils
tation nécessite la hiérarchisation des pratiques effi- intègrent l’évaluation pour les apprentissages dans
caces dans la classe (« Pourquoi ce travail-ci est-il leurs programmes stratégiques. À ce stade, l’appro-
meilleur que celui-là ? ») et le souci constant de four- priation de la méthode par les décideurs politiques
nir un feedback aux élèves. fut perçue par les gens de terrain comme une
L’attrait de cette méthode pour les enseignants reconnaissance utile des revendications qu’ils
portaient, malgré une présentation souvent conve-
L’évaluation pour les apprentissages est populaire nue des pratiques pédagogiques en classe et l’omis-
auprès des enseignants, du fait de son aspect pra- sion de quelques éléments clés comme l’auto-
tique et de son ancrage dans la vie de la classe : ce évaluation, l’évaluation par les pairs ou l’idée qu’il
sont quelques techniques qu’il est facile de tester en fallait donner la préférence aux commentaires écrits
classe. Certaines ne perturbent guère le cours – la des élèves par rapport aux notes de leurs copies.
gestion du temps d’attente des réponses des élèves L’approche moins prescriptive adoptée par l’Écosse
par les enseignants peut se pratiquer aisément dans était considérée comme le modèle le plus approprié
l’intimité de la salle de classe –, bien qu’elles puis- (Gardner, Harlen, Hayward et al., 2010).
sent conduire à des changements profonds. Les
interactions et l’environnement de classe les plus La stratégie d’évaluation pour les apprentissages
annoncée par le gouvernement anglais dès 2008 consti-
propices à un apprentissage efficace sont bien révé-
tue la parfaite illustration des difficultés rencontrées par
lés par cette méthode. En 2007, Crooks, un important
les décideurs politiques pour adopter des expérimenta-
théoricien de l’évaluation formative, recensait les
tions locales. En apparence, elle se présente comme
principaux facteurs d’une utilisation efficace de l’éva-
une stratégie nationale bien financée encourageant
luation : celle-ci passe par l’interaction de l’ensei-
les établissements à développer leurs pratiques
gnant avec ses élèves et par le développement d’une
d’évaluation formative, conformément à la définition
culture de confiance dans la classe (Crooks, 2007).
qu’en a donnée l’Assessment Reform Group. Néan-
moins d’autres enjeux politiques viennent interférer
L’appropriation de l’évaluation pour dans le dispositif, à la suite des changements du sys-
les apprentissages par les décideurs politiques tème national de tests sommatifs des compétences
des élèves. Cela est dû au retrait par le gouverne-
L’évaluation pour les apprentissages est un mouve- ment de certains tests et à la controverse qu’a susci-
ment parti du terrain, sur la base d’une recherche- tée le maintien des autres. En effet les tests nationaux
action (voir par exemple, Black & William, 2003) et de destinés aux élèves de 14 ans ont été retirés soudai-
plusieurs séances de développement professionnel nement, à la suite de la polémique qui a affecté les
continu pour les enseignants (voir par exemple, scores des élèves en 2008 : l’agence américaine de
Clarke, 2001). La méthode a été bien acceptée par test (Educational Testing Service) choisie par le gou-
les enseignants et les établissements scolaires, d’où vernement n’est pas parvenue à publier les résultats
l’intérêt manifesté par les collectivités et plusieurs des élèves dans les temps. En termes d’obligation de
gouvernements locaux, qui ont par la suite encouragé résultats, ça ne posait guère de problème dans la
plusieurs expérimentations de même type. Ainsi, mesure où les objectifs clés du gouvernement sont

« L’évaluation pour les apprentissages » : d’une expérimentation locale à une politique nationale    45

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fondés sur les examens nationaux destinés aux ser à des fins autres qu’une simple généralisation.
élèves de 16 ans. En revanche, toutes les mesures Étant donné les objectifs et les agendas multiples des
des performances scolaires des élèves de 14 ans gouvernements et de leurs agences, les personnes
en anglais, mathématiques et sciences reposaient sur qui se lancent dans ce genre d’initiative devraient se
les seules évaluations des élèves réalisées par leurs méfier par avance des changements subtils qui peu-
enseignants. Quelles mesures fallait-il donc prendre vent en saper l’esprit originel.
pour les rendre plus précises et plus fiables ? La
même question se posait pour les évaluations don-
nées au niveau du premier cycle de l’enseignement
secondaire au moment où, à l’échelle nationale, de Les avantages d’un soutien politique
nouveaux tests pilotes se mettaient en place, pour
lesquels les enseignants devaient désigner un seul
élève par niveau de scolarité (alors que jusque-là tous Précédemment, j’ai présenté les risques potentiels
les élèves effectuaient le même test sur plusieurs liés à la reprise politique d’une expérimentation
cycles de scolarité). Il était important que les ensei- locale. Considérons maintenant ses bénéfices éven-
gnants soient capables d’évaluer précisément le tuels. Ils peuvent être regroupés sous quatre intitu-
niveau atteint par leurs élèves. lés : la légitimité, les ressources supplémentaires, le
soutien de l’équipe de direction et le développement
Le gouvernement s’est alors saisi de ces inquié-
d’une expertise locale.
tudes et a mis en place un programme intitulé Évaluer
les progrès des élèves (Assessing Pupil Progress), qui
cherchait à standardiser les évaluations conçues par Légitimité
les enseignants en fournissant des cadres d’évalua-
tion et des ressources types pour leur permettre de Le gouvernement encourage officiellement l’essai
mieux calibrer les épreuves. Mais les enseignants ont de cette nouvelle méthode. L’assentiment des autori-
estimé que ces nouvelles exigences allaient alourdir tés publiques est déterminant dans un pays où la
encore un peu plus leur charge de travail. Dès lors, prise de risques peut être fortement pénalisée.
comment pouvait-on leur faire accepter ce nouveau En Angleterre, l’agence de l’inspection des établisse-
programme ? Il fallait utiliser l’évaluation pour les ments (l’OFSTED) joue un rôle central dans le contrôle
apprentissages. Cette méthode, populaire dans les de conformité aux instructions officielles et n’hésite
établissements, devait aider à « faire passer la pas à sanctionner les établissements qui s’en écar-
pilule ». En fait, je préfère encore la métaphore du tent. D’ailleurs, ces derniers se garderaient bien de
cheval de Troie : ce qui ressemble d’abord à un prendre des initiatives sans l’approbation des inspec-
cadeau du gouvernement est intégré progressive- teurs de cette agence. Leur feu vert constitue dans
ment dans les établissements avant de devenir beau- ce cas une garantie et il permet de changer les pra-
coup moins attrayant pour les enseignants. À cette tiques pédagogiques dans la classe. Dans le cas de
fin, des changements subtils sont apparus. La partie l’évaluation pour les apprentissages, la communauté
intitulée « Savoir où en sont les élèves », correspon-
universitaire a aussi accordé un blanc-seing au dis-
dant à la définition originelle, se transforme en : « Une
positif. La grande synthèse de la littérature de
bonne évaluation passe par une évaluation précise :
recherche opérée par Black et William sur l’évaluation
connaître les niveaux d’exigence, juger du travail des
des élèves en classe (Black & William, 1998) a consti-
élèves de façon appropriée et concevoir des évalua-
tions précises en rapport avec les niveaux fixés par tué le point de départ de recherches sur les pratiques
les programmes nationaux. » (Department of Children, d’enseignement et les situations d’apprentissage.
Schools and Families, 2008, p. 5) Dans la même Cette synthèse scientifique fut ensuite reprise dans
veine, la partie « Objectifs à atteindre » revient à pré- un ouvrage de format plus restreint à destination des
ciser quel niveau (il y en a huit) des programmes enseignants et des décideurs politiques. Les ensei-
nationaux l’élève doit atteindre, au lieu de mesurer gnants et les établissements se sont alors lancés
précisément ses connaissances et compétences dans cette nouvelle méthode. En Écosse, les respon-
acquises. Au-delà de son caractère particulier, cette sables de l’éducation ont utilisé ces travaux pour
illustration de l’appropriation et de la transformation développer leur propre système d’évaluation pour les
par les décideurs politiques d’une expérimentation apprentissages. L’influence de cette recherche sur la
issue du terrain montre la façon dont ces derniers politique a été explorée plus en détail dans les écrits
reprennent une expérimentation populaire pour l’utili- de Daugherty (2007).

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De façon générale, les enseignants doivent avoir de Le soutien de l’équipe de direction
bonnes raisons pour changer leurs pratiques tradi-
tionnelles dans les établissements scolaires. À quoi Il est difficile d’accompagner les méthodes péda-
bon tenter quelque chose de nouveau si c’est pour gogiques innovantes lorsque la direction de l’établis-
rencontrer plus de problèmes qu’avec les méthodes sement n’est pas très coopérative (Gardner, Harlen,
déjà connues, même s’il est avéré que celles-ci ne Hayward et al., 2010). L’aspect hiérarchique du pro-
sont pas vraiment efficaces ? Des encouragements gramme, du moins tel qu’il est souvent perçu, lui
provenant des chercheurs ou des décideurs poli- donne plus de crédibilité car il va au-delà de l’enthou-
tiques peuvent inciter les enseignants les plus expéri- siasme de quelques enseignants volontaires. Par
mentés à quelques changements de pratiques. ailleurs, l’octroi de crédits supplémentaires permet-
tant de s’associer au projet pilote peut contribuer à
renforcer le soutien de l’encadrement.
Des ressources supplémentaires

La reprise politique d’une expérimentation locale Le développement d’une expertise locale


génère parfois une injection d’argent frais et des res-
sources supplémentaires. Ces expérimentations sont La reconnaissance des expérimentations locales se
souvent en effet sous-financées et reposent sur la mise traduit par l’attribution d’un statut d’expert local aux
en commun de ressources aux origines diverses. De plus, initiateurs du programme. En Angleterre, la concur-
la reprise par une agence mieux dotée sur le plan finan- rence entre établissements oblige ces derniers à se
cier permet d’envisager une approche plus intégrée ou distinguer les uns des autres. Être à l’avant-garde de
systémique du dispositif. Les missions confiées à l’As- l’évaluation pour les apprentissages représente un
sessment Reform Group en constituent un bon exemple. atout supplémentaire, d’autant plus que d’autres dis-
Il s’agit d’un regroupement informel de huit à dix univer- positifs (comme par exemple autour de l’intelligence
sitaires experts dans le domaine de l’évaluation. Ils n’ont émotionnelle) demeurent moins convaincants et
ni bureau, ni budget dédié, ni soutien administratif direct. moins ancrés dans les travaux de recherche.
Le seul financement provient de bourses de recherche,
notamment de la fondation Nuffield en Angleterre, de la
vente de leurs ouvrages et des droits d’auteur. C’est
à partir de la bourse octroyée par la fondation Nuffield Les risques d’un soutien politique
qu’a été commandée une revue systématique de la
recherche internationale encadrée par Black et William Si le soutien politique est nécessaire à la mise
(1998). L’adoption de l’évaluation pour les apprentis- en œuvre d’une réforme, il comporte au moins
sages par diverses agences gouvernementales trois risques. Le premier risque, qui est de voir les
au Royaume-Uni a permis ensuite une diffusion bien plus décideurs politiques dénaturer les intentions origi-
large, soit sous forme numérique, soit sous forme papier. nelles d’une innovation, a été discuté précédemment
C’est ainsi que fut expédiée une brochure intitulée à propos du dispositif d’évaluation pour les appren-
Évaluation pour les apprentissages : les dix principes tissages en Angleterre. Même si elle est bien inten-
à presque tous les établissements publics du Royaume- tionnée, l’adoption d’une expérimentation locale peut
Uni. En parallèle, le gouvernement anglais a financé des fait l’objet de malentendus et de simplifications abu-
études pilotes sur l’évaluation pour les apprentissages, le sives. Le deuxième risque est celui de l’imposition
plus souvent sous la forme de recherche-action dans les d’une politique par le centre : dans des systèmes
établissements scolaires. En Angleterre, ce dispositif éducatifs où se multiplient les projets, toute centrali-
s’inscrivait dans le cadre plus large des stratégies natio- sation de l’expérimentation peut être perçue comme
nales pour la littératie et la numératie. En Écosse, il a fait un fardeau supplémentaire pour les équipes, d’où la
partie de différents projets portant sur ce thème (pour un méfiance des enseignants et des établissements
récit plus complet, voir Hutchinson & Hayward, 2005). quand la mise en œuvre de cette expérimentation
Ces ressources centralisées permettent une diffusion s’accompagne d’exigences bureaucratiques. Le der-
beaucoup plus large de la philosophie et des pratiques nier risque concerne la diffusion du dispositif. La
d’évaluation formative. Elles encouragent aussi le recours manière dont les politiques centralisées sont parfois
à des réseaux et à des experts pour faciliter le processus mises en œuvre empêche que la généralisation de
de mise en place de ces pratiques (la stratégie d’évalua- l’expérimentation atteigne ceux pour lesquels le dis-
tion pour les apprentissages pose davantage de pro- positif est pourtant une clé essentielle de leur réus-
blèmes, comme nous l’avons déjà indiqué). site, à savoir les enseignants de terrain. En Angleterre,

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la formation des enseignants à une innovation se tra- du résultat est forte, une expérimentation peut se
duit par des séances très formatées, suivies par un trouver intégrée à un agenda politique plus complexe
ou deux enseignants par établissement, qui doivent à et être détournée de son esprit en cours de route.
leur tour former l’ensemble de leurs collègues. Or Néanmoins il faut saluer les progrès réalisés pour
c’est rarement le cas du fait d’un emploi du temps encourager les établissements à modifier leurs pra-
extrêmement serré. Par conséquent, ces derniers ne tiques pédagogiques et à mobiliser de nouvelles res-
savent guère ce que l’on attend d’eux (pour plus de sources pour impliquer les équipes de direction et les
détails, voir Stoll & Stobart, 2005). enseignants. Les pratiques de détournement, la per-
ception d’une action imposée d’en haut et la diffusion
d’un dispositif à un public autre que celui initialement
visé constituent aussi des risques lorsqu’une expéri-
mentation fait l’objet d’une reprise en main centrali-
Conclusion
sée. Les initiateurs de ces projets locaux doivent sur-
tout veiller à ce que l’intention et l’esprit originel de
Cet article porte sur le processus d’appropriation et l’expérimentation ne soient pas dilués dans la décli-
de généralisation des expérimentations pédago- naison d’une politique nationale en programmes.
giques locales par les agences nationales. À partir
Gordon Stobart
d’une étude de cas au Royaume-Uni, nous avons vu g.stobart@ioe.ac.uk
les avantages et les inconvénients d’un tel proces- Institute of Education,
sus. Dans un pays comme l’Angleterre où la culture Université de Londres, Angleterre

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48     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 48 03/06/2011 15:29:29


Associer obligation de résultats
et amélioration des compétences
des établissements de New York
Marian Robinson

L’un des défis auxquels sont confrontés les responsables politiques américains est de concevoir des systèmes
d’obligation de résultats (ou accountability) et d’investir dans le renforcement des compétences des enseignants,
pour in fine contribuer à l’amélioration des résultats des élèves. Children First, réforme ambitieuse lancée par
la ville de New York, éclaire quelques-uns des choix stratégiques auxquels se trouvent confrontés les
responsables politiques pour combiner objectifs de performance et amélioration de la qualité de l’enseignement
et des apprentissages. L’article analyse ce double objectif afin de comprendre les liens entre la pression exercée
par les politiques d’obligation de résultats et les nouvelles ressources mises à disposition pour renforcer les
compétences des établissements scolaires. Children First fixait non seulement des objectifs de performance
pour chaque établissement scolaire, mais il permettait aussi aux chefs d’établissement d’assurer un meilleur
suivi des ressources, en même temps qu’il fournissait de nouveaux systèmes de données et d’évaluations
formatives afin d’aider les enseignants à analyser la qualité de leur enseignement et des apprentissages des
élèves. Par ailleurs, cette réforme instituait des équipes d’enquête collaborative dans chaque établissement et
ouvrait l’accès à un nouveau marché de prestataires de services d’accompagnement et de développement
professionnel. Deux ans après sa mise en place, l’article fait le point sur ce dispositif, notamment sur le
processus d’enquête collaborative, essentiel à la mise en œuvre d’une organisation visant la production de
connaissances et la mobilisation des ressources pour accompagner les élèves les plus en difficulté. Les données
à l’appui de l’analyse sont issues d’entretiens et d’observations menés en 2008 dans 41 écoles publiques de
la ville de New York.

Descripteurs (TESE) : responsabilisation, projet d’école, travail en équipe, qualité de l’enseignement, résultats
de l’éducation, difficulté d’apprentissage.

Introduction l’excellence en éducation. Des standards de perfor-


mance élevés sont assignés aux élèves dans les
Le projet politique d’amélioration de l’école matières principales (l’anglais et les mathématiques
aux États-Unis est presque toujours associé à l’obli- entre autres) et tous les élèves doivent atteindre ces
gation de résultats (accountability) selon des critères standards, même ceux qui ont de manière chronique
de performance. Dans chaque État, ce projet poursuit le plus de difficultés. Le dispositif de première géné-
deux objectifs à la fois : la recherche de l’équité et de ration reposait sur des mesures incitatives complexes

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qui alliaient récompenses et sanctions pour motiver la qualité des pratiques pédagogiques, le recours aux
enseignants et élèves à atteindre ces objectifs. L’hy- évaluations pour suivre et diagnostiquer les appren-
pothèse de départ était que les objectifs seraient tissages des élèves et l’accès au développement pro-
atteints si tous faisaient les efforts nécessaires et si fessionnel à partir des besoins pédagogiques. Les
les enseignants adaptaient leurs cours aux nouvelles résultats de la recherche montrent que ce type de
exigences. processus collaboratif et les ressources de formation
des enseignants contribuent significativement à
Les recherches sur les résultats de ce dispositif ini- l’amélioration des performances des élèves (Bryk,
tial montrent bien ses limites (Fuhrman & Elmore, Sebring, Allensworth et al., 2010 ; Carroll, Fulton
2004). Les établissements les moins performants ont & Doerr, 2010).
réagi par une préparation plus intensive aux tests et
non par un meilleur accès des élèves à un enseigne- La récente réforme du système éducatif de la ville
ment de qualité. Les responsables de ce dispositif de New York, Children First, donne un aperçu de la
n’étaient pas conscients du fait que les chefs d’éta- façon dont les responsables politiques peuvent allier
blissement, les enseignants et les élèves ne dispo- obligation de résultats et renforcement des capacités
saient peut-être pas des compétences nécessaires d’adaptation des établissements à leur environne-
pour atteindre ces objectifs. Et surtout, les ensei- ment. La ville de New York abrite le plus grand sys-
gnants n’avaient peut-être pas les compétences suf- tème d’écoles publiques aux États-Unis : 1 600 éta-
fisantes pour diagnostiquer les difficultés d’appren- blissements scolaires, 80 000 enseignants et
tissage, ni n’avaient accès à un répertoire 1,1 million d’élèves, dont un grand nombre issu de
suffisamment fourni de stratégies pédagogiques effi- milieux défavorisés et dont l’anglais n’est pas la lan-
caces. D’un point de vue organisationnel, la culture gue première. À l’automne 2007, la majeure partie de
de responsabilité pour garantir l’égal apprentissage ce dispositif était en place. Sont exposés ici les
de tous les élèves était parfois absente de ces éta- grandes lignes du plan Children First, notamment les
blissements. Faisaient également défaut les proces- intentions exprimées par les responsables politiques
sus de diffusion des pratiques de classe efficaces et d’aligner les ressources disponibles sur les objectifs
l’utilisation adéquate des ressources et des séances fixés. Cet article se base sur les résultats d’une étude
de développement professionnel des enseignants. qualitative sur le pilotage du processus d’enquête
collaborative dans tous les établissements scolaires
Des dispositifs de nouvelle génération voient le jour de la ville (Robinson, Kannapel, Gujarati et al., 2008).
au niveau du district, intermédiaire naturel entre les Ce processus d’enquête, pierre angulaire du disposi-
États et les établissements scolaires. Ces systèmes tif, vise, sur un plan stratégique, à mieux coordonner
traduisent la volonté de coordonner les exigences attentes externes, qualité de l’enseignement et répar-
d’obligation de résultats avec le renforcement local tition interne des ressources. L’analyse de la façon
des compétences (voir par exemple Anderson dont les établissements mettent à profit ce processus
& Togneri, 2002 ; Center for Research on the Context permet de repérer jusqu’à quel point telle ou telle par-
of Teaching, 2002 ; Hightower, Knapp, Marsh et al., tie du dispositif contribue aux besoins de renforce-
2002 ; Supovitz, 2006). Les dispositifs mis en place ment local des capacités collectives. La mise en
par les districts sont conçus pour allier pression poli- avant des points forts et des points faibles de ce pro-
tique sur les établissements (afin de satisfaire aux cessus permet aux responsables politiques de déter-
objectifs annuels de progrès des élèves) et améliora- miner les choix stratégiques à opérer lorsqu’ils doi-
tion de l’accès aux ressources et à diverses formes vent concevoir des systèmes d’obligation de résultats
d’accompagnement. Un « principe de réciprocité » qui stimulent et accompagnent le développement des
guide cet équilibre (Elmore, 2004). La réussite du dis- établissements scolaires.
positif repose sur la qualité et l’accessibilité des res-
sources et, dans la durée, sur l’adaptabilité du sys-
tème face aux nouveaux besoins des établissements
scolaires, en fonction des nouvelles exigences de
Choix stratégiques et réforme
performance. Ces dispositifs sont de durée, de res-
du système scolaire
sources, d’accompagnement, de qualité de mise en
œuvre et d’efficacité variables. Ils reflètent tous la
volonté d’une meilleure qualité de l’information dis- Au cours de l’année scolaire 2007-2008, le minis-
ponible pour améliorer in fine l’enseignement. Ce dis- tère de l’éducation de la ville de New York a lancé la
positif comprend un temps de réflexion collective sur seconde phase de Children First. Ce plan devait

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transformer la culture et le fonctionnement des struc- l’établissement à la performance des élèves, notam-
tures administratives du district et des établissements ment les progrès réalisés par les élèves les plus en
scolaires. Selon les responsables politiques, la res- difficulté et ceux de quelques sous-groupes clés
tructuration du système éducatif a été guidée par selon la matière, le genre, le niveau social et l’origine
trois principes : le leadership, la responsabilisation et ethnique. Les établissements sont notés d’A à F
l’obligation de résultats. Ce nouveau plan associe selon une batterie d’indicateurs, dont les progrès des
obligation de résultats et ressources supplémentaires élèves calculés en fonction des performances longi-
afin de renforcer les capacités des établissements tudinales des sous-groupes (60 %), les performances
scolaires. L’obligation de résultats est marquée par la annuelles des élèves par sous-groupe (25 %), l’envi-
définition d’objectifs chiffrés de performance, la diffu- ronnement scolaire et les progrès réalisés dans la
sion publique du rapport annuel de l’établissement et réduction des écarts de performance (15 %). Les éta-
la responsabilité locale des équipes éducatives quant blissements qui n’atteignent pas les objectifs de per-
aux progrès des apprentissages des élèves. Le sou- formance doivent compléter leurs services éducatifs
tien comprend l’accès des établissements à un (tutorat, remédiation, notification aux parents de la
accompagnement spécialisé et des ressources sup- possibilité de scolariser leurs enfants dans d’autres
plémentaires pour développer les connaissances et établissements publics par exemple). Si l’établisse-
les compétences nécessaires. Par ailleurs les chefs ment n’atteint pas les objectifs fixés au bout de cinq
d’établissement et les enseignants sont désormais ans, le ministère procède à des changements dans la
autorisés à prendre des initiatives selon les besoins gestion de l’établissement.
spécifiques de leurs élèves.
Les bilans de qualité (ou quality reviews) assurent
un retour d’information régulier aux établissements
Dispositions communes à tout le système sur la qualité de leur culture organisationnelle et sur
les processus de gestion des informations, essentiels
La mise en œuvre du programme comprend un cer- à l’amélioration des apprentissages des élèves.
tain nombre de dispositions qui imposent des objec- Chaque rapport dresse un profil de l’établissement
tifs de performance et donnent accès à de nouvelles suite à une visite de plusieurs jours effectuée par des
formes d’accompagnement afin de renforcer les responsables reconnus. Au cours de ces visites, ils
capacités individuelles et de l’organisation des éta- rencontrent le personnel, les élèves et les parents ; ils
blissements. Il s’agit, entre autres, d’améliorer l’accès assistent à des cours et à des réunions profession-
des établissements à des informations pertinentes nelles, étudient la façon dont les enseignants produi-
sur leurs élèves, le développement professionnel lié à sent et utilisent les informations sur les apprentis-
l’enseignement et au leadership et une orientation de sages des élèves pour améliorer les projets et les
qualité des élèves, le tout assuré par des enseignants pratiques de l’établissement. Après chaque rapport,
et des administrateurs reconnus. chaque établissement reçoit une appréciation qui va
d’« insuffisant » à « satisfaisant ».
Retour d’information sur les performances
de chaque élève Un nouveau marché pour l’accompagnement
scolaire
Les responsables politiques publient chaque année
un bilan des performances de chaque école pour atti- La mise en place d’un nouveau marché de presta-
rer l’attention des chefs d’établissement et des ensei- tions de services au sein duquel les établissements
gnants sur les progrès de leurs élèves. Ces rapports scolaires se positionnent en tant que consommateurs
publics portent sur les progrès des établissements avertis est la décision la plus marquante de cette
(ou school progress reports) et leur qualité (ou school réforme. Ce marché a pour fonction d’assurer le
quality reviews). Ils indiquent les résultats de chaque contrôle qualité et de garantir la bonne adéquation
élève, apportent des informations sur la culture de entre les besoins des établissements scolaires et les
l’établissement, le leadership et les processus de ressources disponibles destinées à l’amélioration des
gestion des données. L’articulation entre les informa- résultats des élèves. Il est constitué d’organismes
tions sur les performances des élèves et les proces- publics et privés de soutien aux établissements (school
sus organisationnels vise à encourager la focalisation support organisations, appelées SSO par la suite),
de l’établissement sur les apprentissages des élèves. chargés de fournir des prestations sur mesure relatives
Ces rapports détaillent également la performance des au curriculum, au développement professionnel et au
élèves par rapport aux objectifs fixés. Chaque rap- leadership. Ces organismes doivent être réactifs face
port comprend une analyse de la contribution de à l’évolution des besoins des établissements. Le

Associer obligation de résultats et amélioration des compétences des établissements de New York    51

RFP174.indb 51 03/06/2011 15:29:30


ministère de l’Éducation valide ou recale les candida- usage des résultats des évaluations formatives à
tures à ce type de statut selon leur conformité aux des fins d’accountability.
objectifs prédéfinis. Ces organismes se retrouvent
Assistance technique
alors en concurrence deux fois par an pour décrocher
des contrats auprès des chefs d’établissement. Ils De nouveaux postes spécialisés ont été créés pour
proposent des bouquets de services personnalisables accompagner la formation des enseignants et l’amé-
adaptés aux objectifs déterminés par les chefs d’éta- lioration des établissements. Ces postes doivent facili-
blissement. Les écoles membres sont organisées en ter l’utilisation des données par les enseignants et les
réseaux de 20 établissements par les SSO pour facili- orienter au mieux parmi l’ensemble des données dis-
ter l’apprentissage collaboratif autour d’objectifs ponibles. Un « spécialiste des données » chargé de
d’amélioration communs. promouvoir leur utilisation a été nommé dans chaque
Informations sur la qualité de l’enseignement établissement afin de mieux éclairer les choix pédago-
et des apprentissages giques des enseignants et la répartition des res-
sources. Sa mission consiste à aider les enseignants
L’amélioration de l’accès des établissements aux et les administrateurs à maîtriser les nouvelles res-
informations sur l’enseignement et les apprentis- sources présentes dans le système ARIS. Ces spécia-
sages est au cœur de la réforme. Les responsables listes renseignent aussi les enseignants sur les points
politiques ont apporté deux ressources supplémen- clés des évaluations formatives et les aident à inter-
taires afin d’orienter les investissements des établis- préter les résultats. Symboliquement, la création de ce
sements en renforcement des capacités. La première type de poste marque la valeur que les responsables
consiste en un système global de gestion de données publics accordent aux apprentissages des élèves.
(achievement reporting and innovation system, ARIS
ci-dessous). À partir d’une seule entrée, ce système Des « facilitateurs » (student achievement facilita-
permet d’obtenir des informations longitudinales sur tors), responsables éducatifs confirmés, accompa-
l’origine démographique des élèves, les effectifs, le gnent également les établissements. Ces « facilita-
contrôle continu, les notes, l’assiduité, la discipline, teurs » discutent in situ avec les équipes
les résultats, etc. Cet outil permet aux administra- pédagogiques et les administrateurs des perfor-
teurs et aux enseignants d’analyser la performance mances des élèves et les aident à interpréter le profil
des élèves selon un ensemble de facteurs ; il s’agit de chaque élève selon ses acquis, pour une meilleure
ainsi d’encourager la collaboration et le partage d’in- préparation des séquences d’apprentissage. Ils infor-
formations entre enseignants par des bibliothèques ment aussi les établissements sur la parution et l’ac-
de ressources électroniques et des domaines cès à de nouvelles ressources. Tout comme le per-
d’échanges, au sein d’un même établissement et sonnel du ministère, ils travaillent en étroite
d’un établissement à un autre. collaboration avec le personnel des organismes de
soutien aux établissements (SSO) pour faire le point
La seconde ressource est la mise à disposition
sur les dernières politiques éducatives et les res-
des enseignants de portefeuilles d’évaluations qui
sources disponibles.
offrent des informations détaillées et opportunes sur
les forces et les faiblesses de leurs élèves. Ces éva-
luations formatives aident les enseignants dans le Dispositions propres à chaque établissement
suivi et le diagnostic des progrès de leurs élèves,
dans leur réflexion sur l’efficacité de leurs pratiques Le programme Children First comprend des méca-
pédagogiques et dans leur recherche de ressources. nismes qui font basculer le contrôle et la responsabi-
Ces évaluations sont disponibles en mathématiques lité des ressources sur les chefs d’établissement et
et en anglais tout au long de l’année. Des séances qui, par un processus collaboratif, permettent aux
de développement professionnel sont prévues pour établissements scolaires de produire de nouvelles
accompagner les enseignants dans l’utilisation et connaissances sur les besoins des élèves, les condi-
l’analyse des résultats. Les résultats sont dispo- tions d’enseignement et d’apprentissage à l’école et
nibles rapidement sur Internet ; ils peuvent être ana- les pratiques efficaces.
lysés selon différentes perspectives pour faciliter
Responsabilisation des chefs d’établissement
l’analyse des acquis d’élèves dans tel ou tel
domaine. Afin d’encourager l’utilisation de ces éva- Les responsables publics ont établi de nouveaux
luations par les enseignants, les responsables poli- contrats de performance qui rendent les chefs
tiques se sont engagés publiquement à ne pas faire d’établissement responsables des gains annuels de

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performance des élèves. En contrepartie de cette domaine, « connaissances au service des pratiques »,
charge supplémentaire, il leur a été confié la ges- porte sur la question de savoir comment et pourquoi
tion des ressources de l’établissement, notamment certaines pratiques de classe sont plus efficaces que
la maîtrise du budget et l’embauche des ensei- d’autres pour répondre aux besoins des élèves en dif-
gnants. Ils gèrent aussi le contrat de service avec ficulté. Ces informations proviennent des échanges
les organismes de soutien aux établissements et avec les enseignants dont les pratiques sont effi-
peuvent à tout moment mettre un terme au contrat caces pour un certain type d’élèves, ou alors des
s’ils n’en sont pas satisfaits. Une fois par trimestre, recherches externes sur les bonnes pratiques. Cet
le ministère leur demande s’ils sont satisfaits de la apport d’informations influence les réponses pédago-
qualité des « facilitateurs » et des organismes de giques apportées par les équipes d’enquête, dont on
soutien aux établissements. En fonction des perfor- attend qu’elles partagent ces nouvelles connais-
mances de leur institution, les chefs d’établisse- sances avec l’ensemble des enseignants et des
ment peuvent obtenir une prime, ou à l’inverse être administrateurs. On les encourage également à faire
démis de leurs fonctions. des propositions de formation professionnelle pour
Enquête collaborative aider les enseignants à s’approprier ces nouvelles
pratiques. L’enquête collaborative est donc un pro-
Le projet Children First encourageait aussi le déve- cessus sur lequel les responsables scolaires peuvent
loppement individuel et de l’organisation des établis- s’appuyer pour déterminer les compétences que les
sements par l’adoption de la méthode d’enquête col- enseignants doivent acquérir pour répondre à des
laborative dans toutes les écoles de la ville. En 2007, besoins spécifiques.
chaque école devait mettre en place une « équipe
d’enquête » composée d’enseignants et d’adminis- À des moments clés du processus (voir la figure 1),
trateurs chargés d’analyser les problèmes d’appren- les enseignants doivent s’appuyer sur le nouveau dis-
tissage d’un petit nombre d’élèves en difficulté. Par positif pour guider leurs choix. Les équipes sont alors
ce processus d’enquête, les enseignants conçoivent censées avoir une bonne maîtrise du processus d’en-
et testent de nouvelles stratégies pédagogiques sur quête lui-même et des outils de diagnostic pour
telle ou telle compétence ou tel ou tel concept qui a déterminer les domaines sur lesquels l’établissement
pu constituer un frein à l’apprentissage de leurs scolaire doit mettre l’accent. Les spécialistes des
élèves. Ces derniers figurent parmi les plus faibles de données, les « facilitateurs » et les organismes de
l’école et sont ceux sur lesquels portent les efforts soutien aux établissements doivent aussi accompa-
pour réduire les écarts de réussite avec les autres gner les équipes. D’autres ressources comme,
élèves. Les enseignants doivent recourir aux évalua- au niveau matériel, des ordinateurs portables et des
tions précédentes des élèves et à d’autres informa- heures supplémentaires, complètent le travail
tions susceptibles d’orienter leurs choix pédago- d’équipe. Au fil du temps, chaque établissement doit
giques. partir de l’équipe pilote et multiplier les équipes d’en-
seignants pour étendre le processus d’enquête à au
L’enquête collaborative a pour objectif d’aider les moins 90 % du personnel. La généralisation de l’en-
équipes à partager et à développer leurs connais- gagement dans ce processus doit promouvoir une
sances dans deux domaines jugés essentiels à une culture de la responsabilité dans tout l’établissement
meilleure qualité de l’enseignement (Cochran-Smith et le recours à des méthodes ayant fait leurs preuves
& Lytle, 1999). Il s’agit tout d’abord d’affiner l’analyse pour relever la qualité de l’enseignement et des
des pratiques de classe actuelles sur la compétence apprentissages au sein de l’établissement.
ou le concept ciblé. Désignée sous le nom de
« connaissance des pratiques », l’enquête comprend Les décisions des responsables publics reflètent
l’examen par les équipes de l’application des pro- une stratégie visant à coordonner objectifs de perfor-
grammes scolaires dans les classes, des choix péda- mance et apport de nouvelles ressources dédiées à
gogiques et évaluatifs des enseignants et de leurs l’accompagnement des besoins spécifiques des
convictions quant à l’acquisition ou non de la compé- élèves. Ces outils focalisent l’attention des chefs
tence ou du concept étudié. Ces connaissances d’établissement et des enseignants sur les résultats
émergent lors des premières phases de l’enquête col- des élèves, notamment ceux des plus défavorisés. En
laborative et permettent aux enseignants d’identifier lieu et place d’une même méthode pour tous les éta-
les différences de pratiques pédagogiques et les blissements, il est laissé à la discrétion des chefs
omissions du programme, facteurs susceptibles de d’établissement et des enseignants le soin de détermi-
freiner l’apprentissage des élèves. Le second ner les connaissances et les compétences nécessaires

Associer obligation de résultats et amélioration des compétences des établissements de New York    53

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Figure 1. Production et utilisation des connaissances par l’enquête collaborative
lors de l’année scolaire 2007-2008

au personnel de l’établissement pour parvenir à cet tences que les établissements doivent développer
objectif et de mettre en place les formations profes- pour atteindre les nouveaux objectifs de perfor-
sionnelles et les ressources utiles à cet effet. mance. Il s’agit d’encourager les enseignants à utili-
ser les données disponibles pour faire le diagnostic
des difficultés des élèves et trouver la bonne remé-
diation ; développer des procédures organisation-
Analyse de la réforme sur le terrain nelles pour partager les nouvelles connaissances des
enseignants ; utiliser ces connaissances pour adapter
Au niveau de la conception, les liens entre obliga- le projet d’établissement et la répartition des crédits ;
tion de résultats et renforcement des capacités col- et encourager la responsabilisation collective du per-
lectives ou, en d’autres termes, entre pression et sou- sonnel au service de la performance des élèves.
tien semblent cohérents. Dans quelle mesure cette
cohérence se reflète-t-elle dans les pratiques de ter- Jusqu’à quel point l’enquête collaborative aide-t-
rain ? Il faudra du temps et de nombreuses recherches elle les établissements à utiliser les nouvelles res-
pour répondre avec certitude à cette question. sources et supports disponibles, à acquérir de nou-
En attendant, l’engagement des établissements dans velles compétences pour faire face aux difficultés des
le processus d’enquête collaborative offre un bon élèves les moins performants ? L’analyse présentée
aperçu de cette cohérence. Rappelons qu’il s’agit ici est le fruit d’une étude qualitative effectuée
d’un dispositif mis sur pied par les responsables poli- en 2008 sur la mise en œuvre de cette méthode, un
tiques pour renforcer les capacités et compétences an après son lancement, dans tous les établisse-
des acteurs de terrain. Les objectifs affichés et le ments scolaires de la ville de New York. L’échantillon
processus lui-même pointent certaines des compé- de l’enquête est composé de 41 établissements

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publics – 2 établissements d’enseignement spécialisé professionnel et à leur établissement et était impa-
et un échantillon aléatoire de 39 établissements d’en- tiente de renouveler l’expérience l’année suivante.
seignement général. Les données proviennent de
Le tableau 1 dresse la liste des éléments du dispo-
243 entretiens auprès des équipes d’enquête et des
chefs d’établissement et de l’observation de 34 réu- sitif et leur fréquence d’utilisation selon les équipes.
nions d’équipes. La taille des équipes allait de 3 Seules deux ressources ont posé problème : l’accès
à 12 membres. Les entretiens portaient sur le à la base de données ARIS était peu fiable en raison
contexte de l’établissement, les objectifs, le proces- de problèmes techniques ; les équipes n’ont par
sus et les résultats de l’enquête collaborative, l’ac- ailleurs guère fait appel à l’expertise des organismes
compagnement et les ressources essentielles, et l’uti- privés de soutien aux établissements, par mécon-
lisation par les équipes des résultats en vue naissance de leurs services. Les entretiens avec les
d’améliorer l’établissement. Les observations chefs d’établissement ont néanmoins montré que ces
d’équipes étaient centrées sur l’utilisation des don- organismes ont pour la plupart assuré des presta-
nées et la dynamique d’équipe. Pour synthétiser les tions auprès des établissements mais non auprès des
informations recueillies, des profils descriptifs de équipes d’enquête. Le personnel de ces organismes
chaque établissement ont été établis, dans lesquels pensait que d’autres personnes du ministère étaient
figurent les caractéristiques principales et les résul- responsables de l’accompagnement des équipes. La
tats du processus d’enquête, ainsi que la contribution partie suivante analyse la façon dont le processus
de ce processus au renforcement des compétences d’enquête collaborative contribue à l’amélioration
du personnel. Les données issues des entretiens et des apprentissages chez les élèves et de l’organisa-
des observations et les profils des établissements ont tion des établissements.
été codés avec Atlas.ti, logiciel de gestion de don-
nées, afin de faciliter l’analyse.
Identifier les nouvelles connaissances
et compétences nécessaires
Rythme de mise en œuvre au développement professionnel des enseignants
et utilisation des éléments clés du dispositif
Au cœur du renforcement des compétences pour
Avant d’analyser les apports du processus d’en- améliorer les acquis des élèves, notamment dans
quête dans le renforcement des compétences au sein des domaines où l’établissement a toujours été en
des établissements, il convient de déterminer son échec, figure le développement des connaissances
rythme de mise en œuvre et de repérer les éléments et compétences des enseignants. Les enseignants
du dispositif qui ont influencé le travail d’enquête. ont identifié trois domaines dans lesquels leurs
Tous les établissements de l’étude avaient mis sur connaissances s’étaient enrichies suite au travail
pied une équipe d’enquête et la grande majorité
d’enquête : compréhension et usage des évaluations
d’entre eux avait concentré ses efforts sur les élèves
pour diagnostiquer le niveau des élèves et suivre leur
les plus en difficulté. La phase de démarrage de ce
apprentissage ; pratiques pédagogiques inhibitrices ;
processus a été lente et le rythme irrégulier, puisque
nouvelles stratégies pédagogiques efficaces. La plu-
les équipes se familiarisaient avec le processus et
part des équipes ont fait des progrès considérables
découvraient la diversité des ressources et données
dans la compréhension et l’usage des évaluations
disponibles. Environ les trois quarts des établisse-
ments ont pu mener le processus à son terme (voir la suite au travail d’enquête. Ces progrès sont dus en
figure 1), à savoir du diagnostic des problèmes d’ap- partie aux options choisies pour le processus d’en-
prentissage à la formulation de recommandations pour quête et aux récentes évaluations formatives. Le
améliorer l’établissement. Les enseignants concernés tableau 2 indique les diverses sources d’information
estimaient que le processus était en phase avec les sur les résultats des élèves, l’environnement de l’éta-
objectifs de performance et les ressources dispo- blissement et les réponses pédagogiques sur les-
nibles. Ils ont fait état de nouvelles perspectives sur quelles les équipes se sont appuyées pour leur travail
les conditions d’enseignement et d’apprentissage qui, d’enquête. Les équipes comptaient sur les spécia-
tout comme les stratégies pédagogiques, devaient listes du traitement de données et les « facilitateurs »
faire l’objet de certains ajustements dans leur établis- pour favoriser l’accès aux données et leur interpréta-
sement pour mieux accompagner les élèves en diffi- tion. Ces intervenants avaient le mérite d’enrichir la
culté. Dans l’ensemble, une majorité estimait que le qualité des conversations et de permettre d’accéder
processus d’enquête était utile à leur développement à de nouvelles ressources d’évaluation.

Associer obligation de résultats et amélioration des compétences des établissements de New York    55

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Tableau 1. Utilisation des supports au service de l’enquête collaborative (année scolaire 2007-2008)

Fréquence d’utilisation
Supports Types de ressources et d’accompagnement
par les équipes d’enquête

Rapports sur les progrès des établissements Élevée


Outils d’obligation de résultats
Bilans de qualité Élevée

ARIS Modérée

Accès aux données et formation Évaluations périodiques et/ou formatives Élevée

Données issues des évaluations de l’État Élevée

Spécialistes des données au sein des


Personnel spécialisé Élevée
établissements et « facilitateurs »

Heures supplémentaires Élevée


Collaboration en équipe
Ordinateurs portables Élevée

Ressources pédagogiques et développement


Organisme externe de soutien Faible, voire aucune
professionnel
aux établissements (ou SSO)
Personnel au service des établissements Faible, voire aucune

Tableau 2. Types de données utilisées par les équipes d’enquête (année scolaire 2007-2008)

Décisions du processus d’enquête Données utilisées

Outils d’obligation de résultats


Déterminer un domaine d’amélioration commun à tout Évaluations de l’État
l’établissement Programmes scolaires
Domaines négligés au sein de l’établissement

Évaluations de l’État
Dossiers des élèves et/ou de la classe dans ARIS
Choisir un petit groupe d’élèves comme objet d’étude
Échanges avec les enseignants, les élèves
et les conseillers d’orientation

Évaluations formatives
Observations de classe
Diagnostiquer les besoins des élèves sélectionnés Dossiers scolaires
Entretiens avec les élèves et les enseignants
Travail des élèves

Recommandations des membres de l’équipe


Élaborer et mettre en place une nouvelle stratégie Programmes scolaires existants
pédagogique Expertise des « facilitateurs »
Publications professionnelles

Évaluations formatives
Observations
Évaluer l’efficacité de cette nouvelle stratégie Travail des élèves
Évaluations de l’État
Dossiers scolaires

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Grâce à l’enquête collaborative, les équipes ont des matériaux existants dans l’établissement ou des
acquis une meilleure connaissance des données dis- échanges avec les enseignants qui étaient rompus
ponibles et de la valeur de chaque source pour orien- à l’accompagnement des élèves avec les mêmes
ter leur pédagogie. Elles étaient aussi plus à l’aise besoins d’apprentissage que les groupes étudiés.
pour trouver les sources appropriées, recueillir des Les stratégies retenues portaient sur la gestion de
informations sur les élèves et leurs processus d’ap- classe et la mise en place d’une pédagogie différen-
prentissage et identifier leurs points faibles. Par ciée. Certaines stratégies pédagogiques se conten-
exemple, les équipes ont analysé les forces et les fai- taient d’un ajustement des pratiques pédagogiques
blesses de différentes évaluations formatives et leur en cours à un public spécifique ou à des élèves issus
capacité à mesurer leurs acquis dans tel ou tel de l’enseignement spécialisé.
domaine. Les échanges entre enseignants leur ont
permis d’interpréter les résultats des évaluations et
Partager de nouvelles connaissances dans
de s’en servir comme base de départ pour leurs choix
et hors de l’établissement
pédagogiques.
Les équipes ont aussi mieux appréhendé les condi- Il est nécessaire que les établissements dévelop-
tions d’enseignement et d’apprentissage au sein de pent des procédures visant à diffuser les connais-
l’établissement. Le processus d’enquête s’est pen- sances acquises auprès de l’ensemble du personnel.
ché sur la façon dont les compétences et concepts À cette fin, les équipes sont invitées à partager leurs
ciblés étaient enseignés, d’où une remise en cause expériences et leurs impressions avec d’autres collè-
des pratiques pédagogiques à l’origine des freins à gues pour éclairer la valeur de leurs décisions. Le
l’apprentissage. Des observations de cours et l’ana- partage des résultats de l’enquête permet par ailleurs
lyse de la relation entre les besoins des élèves en dif- d’élargir les discussions sur les domaines où les pro-
ficulté et les pratiques pédagogiques du moment ont grès sont nécessaires. Au cours de la première année
contribué à l’émergence de ces connaissances. Par de mise en place du dispositif, de nombreuses
exemple, un établissement s’est aperçu que son équipes ont rencontré d’autres enseignants au sein
choix d’évaluation formative pour suivre les progrès de leur établissement, pour raconter le déroulement
des élèves en lecture ne mesurait pas les compé- du processus d’enquête, leur usage des données et
tences essentielles en lecture, d’où une méconnais- la stratégie pédagogique retenue. De nombreuses
sance des enseignants sur un aspect important de équipes ont aussi mis en place des réunions infor-
l’apprentissage dans ce domaine. Dans un autre éta- melles pour partager leurs connaissances lors de
blissement, des incohérences dans la mise en œuvre petits-déjeuners ou déjeuners, des invitations à venir
du programme de lecture ont réduit son efficacité. assister à des réunions des équipes d’enquête ou la
Les bibliothèques n’étaient pas correctement organi- distribution de tracts dans les casiers des ensei-
sées et n’offraient qu’un choix limité de livres pour les gnants. Lors des échanges interétablissements, rares
élèves les plus faibles. Les équipes d’enquête ont ont été les équipes à utiliser ARIS pour contacter
également remarqué que certains enseignants fai- leurs collègues qui travaillent sur les mêmes pro-
saient passer le test de lecture interne de façon iné- blèmes d’apprentissage. Seuls quelques réseaux
gale. Certains n’évaluaient pas la lecture chaque mois SSO ont accueilli des manifestations pour faciliter le
comme prévu et d’autres ne faisaient passer qu’une partage des résultats entre établissements. Les
partie du test. Dans un troisième établissement, une équipes ont presque toutes souhaité faire partager
mauvaise coordination entre le curriculum et le dispo- leurs expériences mais n’osaient pas franchir le pas
car elles étaient toujours en phase d’apprentissage.
sitif de tutorat expliquait en partie les progrès insuffi-
Elles étaient aussi nombreuses à préférer attendre la
sants des élèves. Le processus d’enquête collabora-
confirmation de leur démarche par les résultats des
tive a permis de faire émerger de précieuses
élèves lors de l’évaluation d’État qui se déroulait sou-
informations sur les pratiques enseignantes et les
vent en fin d’année scolaire. Si les procédures exis-
conditions de travail en classe à l’origine des freins
tantes contribuaient au partage d’informations géné-
aux apprentissages.
rales, elles ne favorisaient guère la réflexion sur le
Le troisième domaine d’acquisition de connais- sens et la valeur des résultats du processus d’en-
sances des enseignants portait sur le repérage des quête. Ces résultats soulignent néanmoins les limites
stratégies pédagogiques efficaces. Les enseignants du recours à une seule équipe d’enquête pour la pro-
ou les conseillers pédagogiques des équipes d’en- duction de connaissances et leur diffusion dans l’éta-
quête arrêtaient leurs stratégies à partir de l’analyse blissement. Les réponses des enseignants montrent

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que ce travail d’enquête est amené à être davantage daient des résultats de l’enquête, en particulier de la
partagé, dans la mesure où un plus grand nombre valorisation des évaluations formatives pour éclairer
d’enseignants pourrait être directement impliqué les pratiques de classe et l’efficacité des stratégies
dans le processus. pédagogiques.

Utiliser ces nouvelles connaissances pour Responsabiliser l’ensemble des équipes


améliorer l’organisation de l’établissement au service des apprentissages des élèves

Les établissements doivent mettre ces nouvelles Le processus d’enquête collaborative s’avère pro-
connaissances au service du développement indivi- metteur pour aider les établissements à responsabi-
duel et au niveau de l’organisation des établisse- liser l’ensemble du personnel autour de la réussite
ments. Plus précisément, ils doivent s’appuyer sur les des élèves. L’approche pas à pas – ciblage d’un seul
résultats de l’enquête collaborative pour nourrir les problème d’apprentissage important, connaissance
choix de développement professionnel et apporter progressive d’un petit groupe d’élèves en difficulté,
les ajustements systémiques au projet d’établisse- travail intensif avec une équipe restreinte d’ensei-
ment (curriculum et répartition des ressources au ser- gnants – a largement contribué à faire du processus
vice de nouvelles pratiques). Dans certains établisse- d’enquête un outil pertinent et productif. Les équipes
ments, les équipes parrainaient des collègues pour d’enquête ont indiqué que le travail en étroite colla-
qu’ils se forment dans deux domaines précis. Il s’agis- boration avec un petit groupe d’élèves renforçait leur
sait tout d’abord d’aider les enseignants à comprendre motivation pour assurer leur réussite. Nombre d’en-
et utiliser les nouvelles évaluations formatives pour seignants appréciaient ce processus parce qu’ils y
diagnostiquer et suivre les progrès des élèves. Ces voyaient le reflet de leur motivation première lorsqu’ils
ateliers concernaient tous les enseignants, étaient sont entrés dans le monde de l’éducation : améliorer
obligatoires et faisaient l’objet d’une journée officielle le sort des classes en général et celui de leurs élèves
de formation professionnelle. Un expert externe ani- en particulier. Enfin c’était l’occasion pour les admi-
mait la formation. Le second domaine portait sur la nistrateurs, débordés par les problèmes disciplinaires
stratégie pédagogique qui, selon les équipes d’en- et les questions d’entretien des bâtiments, de s’inté-
quête, avait fait ses preuves pour répondre aux resser davantage à la vie des classes et d’échanger
besoins des élèves ciblés. Ces ateliers étaient courts avec leurs équipes enseignantes. L’engagement
(30 à 60 minutes), sur la base du volontariat, avaient dont font preuve les équipes vis-à-vis des progrès
lieu pendant le temps de travail et étaient animés par d’apprentissage des élèves ciblés est une réussite
les équipes d’enquête qui avaient mis en œuvre la incontestable, un an après la mise en place de ce
stratégie. processus. Néanmoins, l’implication de l’ensemble
du personnel de l’établissement nécessite l’engage-
Dans la plupart des équipes, certains estimaient
ment d’un plus grand nombre d’enseignants et d’ad-
que l’objectif suprême du processus d’enquête était
ministrateurs dans le processus et le soutien des
d’apporter des changements systémiques au sein de
chefs d’établissement, pour faire de la réussite des
leur établissement. Néanmoins seule la moitié des
élèves l’objectif de tous. Pour responsabiliser l’en-
équipes a formulé des recommandations pour adap-
semble de l’équipe éducative, le processus d’enquête
ter le projet d’établissement et modifier éventuelle-
devra être intégré dans l’organisation même de l’éta-
ment le curriculum. Les recommandations qui ten-
blissement et rallier un plus grand nombre d’ensei-
daient à améliorer l’efficacité des procédures et des
gnants aux groupes de travail existants.
ressources existantes étaient apparemment mises
en œuvre plus rapidement. En revanche, celles qui
portaient sur les nouvelles stratégies pédagogiques
n’étaient pas intégrées formellement dans le curricu-
lum. Lorsque ces stratégies étaient partagées, c’était Choix stratégiques d’obligation
toujours de façon informelle et ce partage était laissé de résultats
à la discrétion des enseignants. L’enquête a débou-
ché sur toute une série d’initiatives au fur et à mesure Notre analyse globale du processus d’enquête
que les équipes analysaient les problèmes d’appren- collaborative souligne à quel point l’articulation
tissage des élèves et évaluaient les conditions d’en- entre obligation de résultats et apport de ressources
seignement et d’apprentissage. Ces initiatives dépen- supplémentaires peut contribuer à renforcer les

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compétences des établissements. Elle révèle égale- ainsi qu’une méthode d’évaluation de leur qualité, qui
ment quelques dysfonctionnements. Plus précisé- aurait été nécessaire pour envisager une large diffu-
ment, un meilleur fonctionnement du processus sion. Ces informations pourraient guider l’enquête ou
d’enquête collaborative passe par une clarification accélérer la planification pédagogique. Les orga-
du rôle et des responsabilités des responsables des nismes de soutien aux établissements (SSO) pour-
organismes de soutien aux établissements et de leur raient quant à eux réorienter leur offre de services ou
personnel, dans le cap à tenir pour améliorer le leur aide technique auprès des établissements. Le
fonctionnement des établissements. L’accès des tout fournirait une base incontestable de partage
équipes à l’expertise et aux ressources des SSO entre établissements.
pour le montage des séquences pédagogiques
contribuera à une meilleure qualité des échanges et La réforme Children First éclaire les choix straté-
des recommandations auprès des établissements. giques à opérer face au double objectif d’équité et
d’excellence dans l’enseignement public. Il s’agit dès
D’autres choix stratégiques s’offrent aux respon- la conception du dispositif d’allier objectifs de perfor-
sables politiques pour accélérer les progrès dans
mance et investissements dans la capacité des éta-
tous les établissements. Par exemple, les résultats de
blissements à satisfaire ces attentes. Une fois que le
l’étude montrent que la plupart des équipes d’en-
dispositif est mis en œuvre, de nouvelles occasions
quête se sont focalisées sur les problèmes d’appren-
de renforcer et d’étendre cette alliance se font jour au
tissage des élèves en anglais et ont testé de nou-
fur et à mesure que les acteurs du système relèvent le
velles méthodes pour répondre à ces problèmes. Il
n’existait cependant aucun processus clair pour iden- défi d’améliorer la qualité de l’enseignement et des
tifier les problèmes d’apprentissage communs à tous apprentissages.
les établissements et pour voir si les ressources dont Marian Robinson
disposaient les établissements étaient susceptibles mrobinson@exchange.tc.columbia.edu
de répondre à ces besoins. Manquaient également la Teachers College,
synthèse des acquis des enquêtes collaboratives Université de Columbia, États-Unis

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Associer obligation de résultats et amélioration des compétences des établissements de New York    59

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Les évaluations intermédiaires
des élèves dans le cadre des cycles
d’amélioration continue
de l’enseignement
Leslie Nabors Oláh

L’objectif de cet article est d’examiner l’usage des évaluations intermédiaires et des outils qui les accompagnent
pour améliorer l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire aux États-Unis. Nous utilisons le terme
d’« évaluations intermédiaires » pour caractériser des évaluations cycliques des connaissances et des
compétences, limitées dans le temps, qui servent comme données agrégées pour établir des comparaisons
entre les classes, les écoles, et à l’échelle du district. Nous étudions plus particulièrement comment ce système
d’information et cette base de données changent les conditions d’instruction et l’usage pédagogique qu’en font
les enseignants avec les élèves dans leur classe.

Descripteurs (TESE) : évaluation par les enseignants, évaluation formative, traitement des données, pratique
pédagogique, processus d’apprentissage.

Aux États-Unis, la plupart des débats sur les éva- Les cycles d’amélioration continue
luations intermédiaires portent sur les cycles d’amé- de l’enseignement
lioration continue, processus de retour d’informations
visant à améliorer l’enseignement et les apprentis-
sages des élèves. Les étapes successives d’évalua- Les enseignants croulent sous une avalanche d’ou-
tion, d’analyse et d’interprétation des résultats, puis tils visant à évaluer les apprentissages des élèves.
de planification et de mise en œuvre de nouvelles Ces outils sont créés par différents prestataires
pratiques pédagogiques constituent le déroulé – entreprises privées, organisations à but non lucratif,
logique de ce cycle. Cet article présente les résultats éditeurs de manuels scolaires – ainsi que par les
d’une étude de trois ans financée par la National États et les districts scolaires (Burch, 2010). Naturel-
Science Foundation, qui cherchait à connaître la lement, les enseignants créent aussi leurs propres
façon dont les enseignants utilisent les résultats des tests, quiz et autres outils quotidiens d’évaluation des
évaluations intermédiaires dans le cadre du cycle performances des élèves. Concrètement, à l’école
d’amélioration continue de l’enseignement. élémentaire, un enseignant est amené à faire passer

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toutes les 4 à 6 semaines, pour chaque discipline Aux États-Unis, ces cycles ont été appliqués à dif-
d’enseignement, à la fois un test de fin de séquence férents niveaux : dans les districts, les établissements
conformément au programme scolaire, une évalua- et les classes. Au niveau des districts, les résultats
tion intermédiaire imposée par le district et d’autres aux tests standardisés ont permis de définir des
situations d’évaluation (devoirs à la maison, interro- objectifs de performance pour les districts et les éta-
gations orales, quiz, etc.). De plus, les enseignants blissements, de déterminer le type d’accompagne-
sont susceptibles d’évaluer les élèves dont l’anglais ment nécessaire et la gamme de sanctions pour les
n’est pas la langue maternelle ou qui font l’objet d’un établissements défaillants (Supovitz, 2006). Au niveau
enseignement spécialisé. Sans surprise, ces évalua- des établissements, les données issues des évalua-
tions nombreuses produisent une abondance de don- tions de l’État servent à identifier les besoins en déve-
nées, certaines sous la forme de résultats ou de loppement professionnel, à évaluer les enseignants et
pourcentages bruts, d’autres sous la forme de à repérer les élèves en grande difficulté (Kerr, Marsh,
réponses semi-guidées ou d’une rédaction libre. Ikemoto et al., 2006). Les données d’évaluation inter-
Toutes ces données peuvent être utiles aux enseigne- médiaire sont utilisées aux mêmes fins, ainsi qu’à la
ments et aux apprentissages des élèves. Que ce soit promotion d’une pédagogie différenciée et au suivi
au niveau de l’état, du district, de l’établissement ou des progrès des enseignants et des élèves utiles
de la classe, l’idée de base de cycles d’amélioration à l’accomplissement des objectifs de performance
continue consiste à amener les professionnels (Bulkley, Christman, Goertz et al., 2008 ; Clune
à prendre des décisions ayant une influence sur les & White, 2008). Plus précisément, les recherches
performances des élèves. Cette amélioration dépend dans ce domaine portent principalement sur les diffé-
de l’accès à des informations de qualité et de la rentes façons dont les enseignants suscitent l’intérêt
capacité à les analyser et à agir en conséquence des élèves et répondent en temps réel à leurs erreurs
(Supovitz, 2006). ou mauvaises interprétations (Coburn & Talbert,
2006). Ce processus est plus connu sous le nom de
Ces processus d’amélioration continue ont été lan- « mettre au jour, interpréter et agir » (Bell & Cowie,
cés par les États, les districts et des organismes 2001) ou « mettre au jour, reconnaître et utiliser les
externes de réforme. Le Northwest Regional informations » (Ruiz-Primo & Furtak, 2004). Black
Educational Laboratory (2001) divise par exemple le et William (2006, p. 88) ont affiné ce cycle en
cycle d’amélioration continue en quatre étapes : six étapes consécutives :
comprendre, planifier, mettre en œuvre et réfléchir. La –– définir un objectif d’apprentissage sanctionné par
Technology Alliance prévoit quant à elle six étapes : une évaluation formative ;
définir les résultats souhaités, choisir les questions –– favoriser des échanges à partir des réponses des
de recherche, recueillir et organiser les données, leur élèves ;
donner du sens, agir et évaluer les initiatives qui ont –– effectuer le recueil et l’interprétation des réponses
été prises. La Coalition of Essential Schools préco- des élèves ;
nise elle aussi une division en six étapes : déterminer
–– prendre des initiatives à partir de cette
une vision de l’enseignement et de l’apprentissage,
interprétation ;
formuler des questions pouvant faire l’objet de
–– effectuer le recueil et l’interprétation de chaque
recherches, préparer les cours, enseigner et recueillir
initiative testée ;
les données, les analyser et en tirer les conséquences
–– effectuer la transition vers l’objectif suivant.
en termes de changement de pratiques pédago-
giques (Cushman, 1999). En outre, d’innombrables Si les modèles d’amélioration continue de l’ensei-
districts scolaires diffusent des versions modifiées du gnement diffèrent en termes d’échelle d’action et de
cycle Deming (planifier, faire, étudier, agir), présenté nombre d’étapes nécessaires, tous comportent trois
comme un modèle d’amélioration continue. Cette éléments fondamentaux : le recueil d’informations,
logique ne vaut pas seulement pour les États-Unis, leur interprétation et une prise d’initiatives de la part
mais aussi pour la Nouvelle-Zélande où le ministère de l’enseignant en fonction de cette interprétation.
de l’Éducation a lancé un processus en Nous présentons dans cet article les résultats d’une
quatre étapes : identifier les besoins d’apprentissage étude prospective de trois ans sur l’usage que font
des élèves, des enseignants et de l’encadrement ; les enseignants des évaluations intermédiaires, dans
définir les questions d’enquête ou de recherche ; le cadre de ces différents cycles. L’étude partait de la
mettre au point et faire des expériences sur ces ques- question suivante : « Quels enseignements les pro-
tions ; évaluer leur effet sur différents publics fesseurs d’école élémentaire retirent-ils, individuelle-
(Timperley, Wilson, Barrar et al., 2007). ment et collectivement, des résultats de l’évaluation

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intermédiaire en mathématiques et qu’en font-ils pour Le cas du district de Cumberland
transformer leur enseignement en termes de conte-
nus, de pédagogie et de travail avec chaque élève ? » Dans ce district de 7 500 élèves, l’enseignement des
mathématiques suit le rythme de progression fixé dans
le guide officiel du district. Ce guide d’une page indique
le nombre de leçons par chapitre, le nombre de jours
Le curriculum et le contexte nécessaires pour couvrir tout le chapitre et la date de fin
des évaluations prévue pour chaque chapitre. Les évaluations formelles
des mathématiques dans l’enseignement primaire
Le cas du district de Philadelphie comportent des tests d’entraînement (intermédiaires),
des tests de fin de chapitre (formatifs et/ou sommatifs),
Dans ce district de 173 000 élèves, les évaluations ainsi que des tests d’évaluation des performances.
intermédiaires étudiées s’inscrivaient dans une Toutes les trois ou quatre semaines, le coordinateur
réforme plus large visant à élever le niveau des scientifique du district envoie aux écoles élémentaires
élèves. Durant l’année scolaire 2002-2003, le district des tests de fin de chapitre, alignés sur le rythme de
a mis en place un programme d’enseignement unique progression fixé dans le guide. Notre étude porte
et a administré pour la première fois des évaluations en priorité sur ces évaluations formatives, qui compren-
aux grade 3 (équivalent du CE2) et grade 8 (équiva- nent cinq questions à choix multiples (dont certaines
lent de la 4e) afin de donner aux enseignants des questions font l’objet d’une réponse semi-guidée) et
informations sur les acquis des élèves après une question ouverte. Les tests d’entraînement du dis-
6 semaines de cours portant sur un même thème. trict consistent quant à eux en une série de onze à plus
Selon plusieurs responsables du district, ces évalua- de vingt items (les évaluations en grade 3 contiennent
tions devaient servir « d’outils d’enseignement », généralement moins d’items que celles en grade 5).
c’est-à-dire d’outils d’accompagnement donnant aux
La séquence d’enseignement et d’évaluation
enseignants des informations opportunes sur les
commence par vingt-cinq jours de cours, suivis par la
apprentissages réels de leurs élèves. Une période de
passation des tests d’entraînement expédiés par le
cinq semaines de cours était couronnée par une série
coordinateur scientifique du district. La date précise
d’évaluations, la sixième servant au bilan et/ou à l’ap-
du test reste à la discrétion des enseignants, mais elle
profondissement des matières testées. L’objectif affi-
précède en général de trois à cinq jours le test som-
ché était d’évaluer, dans une période de temps limité,
matif de fin de chapitre. Les tests d’entraînement per-
les connaissances et les compétences des élèves par
mettent de donner des indications aux élèves ; ils sont
rapport à un ensemble précis d’objectifs, afin d’éclai-
notés mais non pris en compte dans la moyenne.
rer les décisions pédagogiques prises en classe. Les
Après avoir noté ces tests, puis entré et classé les
résultats pouvaient être ensuite utilisés plus globale-
informations par objectif d’apprentissage dans le sys-
ment à l’échelle de l’établissement et du district.
tème de gestion de données et remis les copies, les
Bien que la période de six semaines chevauchât enseignants répartissent les élèves en plusieurs
plusieurs chapitres de cours, l’évaluation intermé- groupes selon leur performance. Dans les trois à cinq
diaire ne visait qu’à tester les concepts et objectifs jours qui suivent ces tests, les enseignants préparent
enseignés depuis la précédente évaluation. Tous les le test de fin de chapitre, qu’ils font passer aux élèves
items de ces évaluations (20 items en grade 3 et 25 le sixième jour (soit environ 33 jours après le début du
en grade 8) étaient rédigés sous forme de questions à cycle). Ce test est ensuite ramassé et noté. Les ensei-
choix multiples. Entre chaque période, le prestataire gnants envoient leurs tableaux de résultats à l’expert
de tests privé (The Princeton Review) et les adminis- du programme élémentaire (elementary curriculum
trateurs du district scolaire de Philadelphie élabo- specialist) de l’école qui compile les résultats des
raient ensemble les évaluations suivantes. Le district élèves (par classe et par niveau), puis les transmet au
établissait une première ébauche de tests, à partir directeur d’école et au coordinateur scientifique
de laquelle The Princeton Review proposait une pre- du district. Ce dernier passe alors en revue les tableaux
mière série d’items. Cette base de travail donnait lieu de chaque classe avec l’expert lors de leurs réunions
ensuite à des corrections et des amendements suc- mensuelles. Si le besoin s’en fait sentir, l’expert ren-
cessifs des deux institutions, jusqu’à ce que le dis- contre (seul ou avec le coordinateur scientifique) les
trict fût satisfait du produit final. Grâce à ce proces- enseignants pour discuter des cours, de la remédiation
sus itératif, les tests étaient en phase de individuelle ou de nouvelles séances de développe-
développement tout au long de l’année. ment professionnel basées sur les résultats aux tests.

Les évaluations intermédiaires des élèves dans le cadre des cycles d’amélioration continue de l’enseignement    63

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présentation de la Méthodologie maximum) par une série de questions visant à attirer
employée lors de cette étude l’attention de l’enseignant sur certains aspects,
comme par exemple : « Y a-t-il des sujets sur les-
Nous nous sommes appuyée sur cinq sources de quels cette classe, dans l’ensemble, semble rencon-
données pour mieux connaître l’usage que les ensei- trer des difficultés ? À quoi l’observez-vous ? » Plus
gnants faisaient des évaluations intermédiaires : les précisément, nous voulions savoir si les enseignants
observations en classe ; les entretiens avec les ensei- parvenaient ou non à repérer les erreurs des élèves et
gnants ; les entretiens avec les responsables de ce que ces erreurs révélaient de leur réflexion, les
l’école et du district ; l’observation des réunions questions qu’ils pouvaient leur poser pour vérifier leur
d’école et de district, ainsi que les fiches de prépara- interprétation des erreurs des élèves et les solutions
tion des enseignants. Chacune de ces sources de pédagogiques qu’ils mettraient en œuvre pour traiter
données est étudiée ci-dessous. Nous avons mené telle ou telle erreur.
des observations en cours de mathématiques à trois Pour l’entretien d’hiver, nous avons demandé aux
reprises au cours de l’année 2006-2007 en grade 3 et enseignants d’apporter des copies de leurs dernières
grade 5. En moyenne, nous avons observé évaluations intermédiaires et de dégager les grands
trois heures de cours par enseignant pendant l’an- traits des résultats de la classe, ainsi que les concepts
née : une fois à l’automne, une fois en hiver et une mathématiques qui posaient apparemment des diffi-
fois au printemps. En automne, l’observation portait cultés aux élèves. Ces questions devaient renvoyer
sur l’interaction entre l’évaluation et les cours. Plus aux questions précédentes du scénario d’analyse de
précisément, il s’agissait d’observer les moments où données. Nous espérions ainsi avoir une image plus
les enseignants évaluaient la compréhension de leurs complète de la capacité de chaque enseignant
élèves de façon informelle et les moments où ils se à donner du sens aux résultats des évaluations
servaient des résultats des évaluations intermédiaires intermédiaires. Nous avons recueilli les copies des
pour adapter leur enseignement. Dans la mesure où évaluations intermédiaires en mathématiques
l’objectif de l’étude était d’enquêter sur la façon dont en grade 3 et en grade 5 des élèves et nous nous
les enseignants utilisent les informations recueillies sommes procuré le programme de cette matière afin
au fil des différentes évaluations, notamment les éva- de mieux comprendre les objectifs d’apprentissage
luations intermédiaires, nous avons établi nos visites à atteindre. Nous avons pu, à de nombreuses
d’hiver et de printemps au moment où les ensei- reprises, obtenir des évaluations faites par les ensei-
gnants étaient le plus susceptibles d’utiliser les infor- gnants et parfois les copies anonymes des élèves.
mations issues de ces évaluations pour revoir un Enfin nous avons traité tous les supports papier utili-
point précis du cours. Il s’agissait donc de profiter sés lors de nos observations.
d’une « fenêtre pédagogique » entre la remise des
résultats de l’évaluation et la fin de cette période La première étape du cycle d’amélioration continue
d’évaluation. consiste à recueillir des données attestant la compré-
hension des élèves. Les évaluations intermédiaires
Comme nous n’avons pas été en mesure d’obser- que nous avons analysées produisaient surtout des
ver directement si les pratiques des enseignants résultats à partir des réponses des élèves aux items
étaient en rapport avec les évaluations intermédiaires, des tests. Dans le district de Philadelphie, les ensei-
nous avons posé la question aux enseignants lors gnants étaient presque totalement absents de la
des entretiens individuels (d’une heure environ), ayant conception des évaluations intermédiaires. À ce
eu lieu après chaque observation de classe. Tous les stade, leur mission était de se familiariser avec le sys-
entretiens furent enregistrés et retranscrits. Dans le tème informatisé de gestion des données des tests
cadre des entretiens d’automne, nous avons présenté lors des formations de formateurs dispensées par le
aux enseignants un scénario d’analyse de données et district : il s’agissait de former une équipe restreinte
une simulation de résultats d’élèves, à partir des éva- par établissement qui, à son tour, devait former le
luations intermédiaires de chaque district et de reste du personnel de l’établissement. Cette forma-
chaque niveau de classe. Les items de chaque scé- tion était très limitée car elle ne concernait que de
nario provenaient des évaluations intermédiaires simples opérations de manipulation de l’outil informa-
propres à chaque district. Nous avons alors demandé tique. En revanche, dans le district de Cumberland,
aux enseignants d’imaginer qu’il s’agissait de sa les enseignants devaient noter toutes les évaluations
classe et d’analyser les résultats à voix haute. Nous et entrer eux-mêmes les résultats dans le système
avons poursuivi (après cinq minutes de discussion informatique du district. Même si certains ensei-

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gnants trouvaient cette opération chronophage, la pourcentage d’élèves répondant correctement
plupart estimait, comme cet enseignant de grade 5, à chaque item et le pourcentage d’items auxquels
qu’elle permettait d’observer les résultats de manière chaque élève répondait correctement, alors que dans
détaillée : « Maintenant c’est tout sous forme de celui utilisé à Cumberland, les domaines dans les-
tableaux et l’informatique, ça change tout. Ils passent quels les élèves avaient plus d’une réponse fausse
le test, je les note et j’entre leurs résultats dans la étaient surlignés en jaune. Notons toutefois que, dans
base. L’ordinateur m’indique alors le pourcentage de les deux districts, cette influence des systèmes de
réponses correctes. Si le pourcentage est trop faible, gestion sur le processus d’analyse des enseignants
c’est surligné en jaune. Ça m’enlève une grosse demeurait assez limitée. À Cumberland, ce constat
charge de travail. Avant c’est moi qui le faisait et qui s’expliquait par la capacité limitée du système lui-
devait décider sur quels points travailler en fonction même alors qu’à Philadelphie, c’était l’utilisation
des résultats. » En outre, comme les évaluations du moindre des fonctions plus complexes du système
district de Cumberland contenaient des réponses (telles que la production d’évaluations complémen-
semi-guidées et des questions ouvertes, les ensei- taires), par rapport aux fonctions de base, qui était
gnants trouvaient utile de comparer les résultats du en cause.
codage, qui permet la généralisation mais écrase les
Si l’analyse des données était pratiquée par tous
particularités individuelles, et le détail des réponses
les enseignants, le processus d’interprétation était
de chaque élève.
beaucoup plus complexe. Il dépendait de plusieurs
facteurs : leurs connaissances des performances
passées des élèves ou de leurs antécédents, les
résultats des élèves par rapport à ceux de leurs pairs,
Analyse et interprétation la perception des enseignants quant à la difficulté de
des résultats obtenus tel ou tel contenu mathématique, ou différents fac-
teurs propres au district tels que la programmation
Une fois les données entrées, les enseignants des évaluations intermédiaires. À Philadelphie, l’ana-
devaient les analyser et les interpréter pour ensuite lyse des résultats des évaluations intermédiaires a
adapter leur enseignement. L’examen des évaluations montré que les enseignants fixaient leurs propres
intermédiaires était une pratique courante chez les seuils1, qui influençaient l’interprétation des données.
enseignants étudiés. Ils savaient tous au minimum Plus précisément, les enseignants avaient en tête un
analyser les résultats des élèves et la plupart d’entre résultat minimum qui, selon eux, montrait que leurs
eux accédait facilement à ces données sur informa- élèves avaient acquis les concepts vus au cours des
tique. Dans l’examen des données saillantes, les cinq semaines précédentes. Chaque enseignant fixait
enseignants procédaient de la même manière. Tout ses propres seuils selon les capacités de ses élèves
d’abord, presque tous cherchaient les points faibles et ses convictions quant à la difficulté des contenus
des élèves (pour 90 % d’entre eux) et/ou passaient et à la façon dont les élèves apprennent les mathé-
en revue les résultats des évaluations intermédiaires matiques. Ces seuils variaient suivant la classe,
par élève et par domaine curriculaire (pour 97 % l’élève et la période de passation du test. Ils aidaient
d’entre eux). D’autres commençaient plutôt par regar- les enseignants à fixer leurs priorités pour la semaine
der la performance globale de la classe (pour environ de révision, tant en termes de contenus à revoir que
10 % des enseignants interrogés). Pour les ensei- d’élèves en difficulté à cibler. En tant que tel, l’usage
gnants qui cherchaient d’abord les points faibles des premier des données provenant des évaluations
élèves, différentes techniques étaient utilisées, selon intermédiaires consistait apparemment à aider les
qu’ils regardaient directement le niveau des élèves enseignants à déterminer comment répartir leurs
pour tel ou tel item, ou qu’ils repéraient les résultats élèves en différents groupes.
des élèves par discipline. Environ 20 % d’entre eux
L’étude a également montré que les enseignants
commençaient par repérer les résultats des élèves
interprétaient les résultats de leurs élèves selon leurs
faibles.
propres attentes, à la fois pour chaque élève et pour
Les systèmes de gestion d’informations exerçaient la classe dans son ensemble. Ils se servaient souvent
une influence sur les analyses des enseignants. Dans des évaluations pour entériner leurs impressions
les deux districts, ces outils permettaient de mettre en quant aux forces et faiblesses de leurs élèves,
exergue les points faibles des élèves. Dans le sys- impressions provenant d’évaluations précédentes,
tème de gestion utilisé à Philadelphie, était relevé le d’observations informelles et d’informations non

Les évaluations intermédiaires des élèves dans le cadre des cycles d’amélioration continue de l’enseignement    65

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scolaires. Un enseignant de grade 3 de Philadelphie dans un continuum allant d’explications procédurales
témoigne : « Honnêtement, les résultats des évalua- sur les erreurs des élèves à des diagnostics concep-
tions ne sont pas une grosse surprise… On sait tuels. Par exemple, face à l’erreur d’un élève qui
quand même où en sont les élèves, s’ils s’intéressent additionnait mal des fractions avec des dénomina-
et s’ils comprennent. » Les enseignants du district de teurs différents, certains enseignants décrivaient l’in-
Cumberland en particulier se servaient des évalua- capacité de l’élève à trouver un dénominateur
tions intermédiaires comme d’un point de départ vers commun (procédure), quand d’autres faisaient remar-
davantage d’évaluations formatives. Il n’était pas rare quer que l’élève ne semblait pas avoir compris qu’un
qu’ils passent en revue les problèmes de chaque dénominateur représente le nombre de parties dans
élève afin de mieux savoir comment il apprend. Un lequel le tout est divisé (concept). Dans l’ensemble,
enseignant de Cumberland en grade 5 témoigne : les enseignants de Philadelphie avaient plus de
« Eh ben la première chose qu’on fait, c’est d’essayer chances de porter un diagnostic procédural, grâce
de voir ce que fait l’élève. Sinon c’est impossible à l’organisation en réseau informatique plus
pour moi d’enseigner sans savoir comment il complexe, que ceux de Cumberland. Par conséquent,
procède. » Ces réponses soulèvent une question plus même pour des items d’évaluation identiques, les
large quant à la façon dont les enseignants prennent résultats des élèves donnaient lieu à des inférences
en charge ces nombreuses évaluations. Bien que différentes de la part des enseignants.
nous ne puissions, par manque de place, détailler
Alors que les diagnostics initiaux des enseignants
nos résultats, nous avons analysé comment les ensei-
de Philadelphie s’inscrivaient plutôt dans un conti-
gnants comparaient les différentes évaluations entre
nuum allant du procédural au conceptuel, ceux des
elles. Les résultats montrent que les enseignants ont
enseignants de Cumberland s’inscrivaient dans un
recours à des types d’évaluation formative différents
continuum allant du symptomatique à l’étiologique.
selon les objectifs qu’ils poursuivent. Dans notre
Par exemple, à Cumberland, concernant les erreurs
échantillon, les évaluations intermédiaires étaient le
des élèves sur les fractions, les enseignants appor-
plus souvent utilisées pour repérer des élèves en diffi-
taient des réponses symptomatiques (« Ils ont
culté ou des contenus de programme non maîtrisés,
tendance à isoler soit le dénominateur, soit le numé-
alors que le contrôle continu (évaluations élaborées
rateur ») ou étiologiques (« Comprennent-ils vraiment
par les enseignants) servait le plus souvent à recueillir
que le dénominateur sert à quelque chose ici ? »).
des renseignements supplémentaires sur la façon
Leurs réponses sont différentes de celles des ensei-
dont les élèves résolvaient les problèmes. Les évalua-
gnants de Philadelphie où les explications procédu-
tions élaborées par les enseignants permettaient
rales prédominent (« Ils ont additionné les deux
aussi, en fonction des résultats, de modifier éventuel-
numérateurs »). En outre, le manque d’explications
lement leur fréquence. Tout ceci tend à montrer que
(« Les élèves n’aiment pas les fractions », « Les frac-
les évaluations intermédiaires structurent et guident
tions, c’est dur pour eux ») était plus fréquent à
d’autres types de pratiques formatives. En elles-
Philadelphie qu’à Cumberland. Goertz, Oláh et
mêmes, elles n’éclairent guère la réflexion des élèves
Riggan (2010) font plusieurs hypothèses pour expli-
et leur résolution de problèmes (Goertz, Oláh
quer ce décalage : les enseignants de Cumberland
& Riggan, 2010), mais elles donnent des indications
auraient des connaissances en mathématiques plus
utiles aux enseignants en phase de contrôle continu.
solides, ainsi qu’un meilleur accompagnement péda-
Un des enjeux de l’analyse des résultats est d’exa- gogique. Par exemple, les deux districts avaient
miner la façon dont les enseignants approfondissent embauché des experts en mathématiques, mais ceux
cette analyse une fois qu’ils ont observé les grandes de Cumberland étaient plus souvent déchargés de
tendances des résultats de leurs classes. Afin d’en- tout enseignement, contrairement à leurs homolo-
quêter sur le type de diagnostic porté par les ensei- gues de Philadelphie, et étaient donc davantage à la
gnants, nous les avons tous interrogés sur les résul- disposition des enseignants, par exemple pour les
tats des évaluations de leurs élèves et sur un petit accompagner dans leur interprétation des résultats
nombre d’items de tests. Nous leur avons alors des évaluations intermédiaires. Un établissement
demandé ce que pouvaient bien penser leurs élèves scolaire de Philadelphie disposait d’un de ces experts
de leurs réponses incorrectes. À nos yeux, ce moment qui devait par ailleurs assurer tous ses cours ;
d’analyse est un lien essentiel entre le bilan de l’éva- en d’autres termes, il avait accepté le rôle de tuteur
luation et les ajustements pédagogiques nécessaires. tout en enseignant à temps plein, ce qui limitait clai-
La palette de réponses a été très large dans les rement le temps dont il disposait pour accompagner
deux districts. En général, ces réponses s’inscrivaient les enseignants.

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La tendance des enseignants de Cumberland à élèves aux résultats faibles et à améliorer la compré-
chercher la cause des erreurs de leurs élèves a amené hension en mathématiques des élèves, l’étude a
une partie d’entre eux à s’apercevoir que leur pro- révélé qu’ils apportaient des réponses pédago-
gramme de mathématiques était une source poten- giques différentes à ces questions. Au cours de la
tielle d’erreur et de mauvaise compréhension. Un semaine de révision, les enseignants de grade 3 et
enseignant de grade 5 a identifié l’utilisation d’algo- de grade 5 suivaient une méthode de planification
rithmes alternatifs et un curriculum en spirale comme pédagogique par tri : ils consacraient la plupart de
des sources réelles d’erreur : « Mais c’était difficile leur temps et de leurs efforts aux élèves et aux
parce qu’ils devaient utiliser la méthode des sommes parties du programme qui exigeaient le plus leur
partielles. Or [cet élève] aurait probablement trouvé la attention. Une enseignante de grade 5 explique
bonne réponse s’il avait fait une simple addition. Mais succinctement qu’elle « ne peut pas tout revoir ».
ce chapitre leur faisait faire des additions, des sous- À partir de leurs propres seuils fixés lors de l’analyse
tractions et des multiplications. Les sommes et pro- des résultats des items où le taux d’échec était le
duits partiels les ont donc un peu déstabilisés. » Dans plus élevé, les enseignants décidaient quels élèves
le même temps, quelques enseignants ont remarqué cibler et ce sur quoi ils devaient insister pendant les
que passer trop de temps sur un point précis du pro- cinq jours suivant les évaluations intermédiaires.
gramme était également source d’erreur lors des éva- Pendant les cours, la remédiation individuelle était
luations intermédiaires. Un enseignant de grade 5 a rare car la plupart des enseignants de Philadelphie
remarqué que certains de ses élèves avaient calculé la avaient la charge d’une vingtaine d’élèves, quand
surface d’une figure au lieu du périmètre, ce qui était ceux de Cumberland avaient non seulement moins
demandé lors de l’évaluation. Voici son explication : d’élèves par classe en moyenne, mais aussi plus
« Un des problèmes de ce chapitre, c’est que la notion d’adultes à leur disposition dans chaque bâtiment
de périmètre est considérée comme acquise. C’est scolaire pour les accompagner dans leurs pratiques.
donc pas vraiment testé. Tout porte sur la surface et À la place, les enseignants privilégiaient le cours
ça devient une habitude. C’est là où il faut leur deman- en classe entière, en petits groupes, et l’enseigne-
der s’ils ont bien lu la question. » Certes les pièges ment mutuel. Au regard des difficultés que posaient
le travail en petits groupes pendant les heures de
potentiels relevés par les enseignants de Cumberland
cours de mathématiques, de nombreux enseignants
et de Philadelphie ne sont pas propres à leurs pro-
rencontraient les élèves par groupe en dehors des
grammes de mathématiques. Mais ce qui intrigue,
heures de classe. L’enseignement par les pairs
c’est que, suite à l’analyse des résultats des évalua-
venait en complément des cours en classe entière.
tions intermédiaires, certains enseignants ont identifié
En raison des ressources limitées (voir ci-dessus),
en des termes très précis la méthode pédagogique,
nombre d’enseignants du district, livrés à eux-
l’étendue du programme, les séquences de cours et
mêmes, comptaient sur les meilleurs élèves pour
les ressources curriculaires comme une source pos-
aider ceux qui avaient moins bien réussi aux évalua-
sible de mauvaise compréhension des élèves. Ce
tions intermédiaires.
niveau de précision est important car les enseignants
peuvent alors chercher des moyens également très Quand les diagnostics des enseignants mettaient
précis de traiter les erreurs de leurs élèves, comme en avant des erreurs de procédure, leurs activités de
faire une meilleure distinction entre la méthode des remédiation portaient en priorité sur la correction de
produits partiels et celle des sommes partielles, ou ces erreurs. Les méthodes pédagogiques ne sem-
encore donner plus d’exercices de calcul portant à la blaient guère dépendre du contenu enseigné ou des
fois sur la surface et le périmètre lors du cours sur erreurs commises, mais plutôt de la croyance qu’une
la surface. exposition à des représentations multiples du même
contenu d’apprentissage est bénéfique aux élèves.
Enfin un petit nombre d’enseignants donnait un test
ou un quiz lors des cinq jours de remédiation, pour
les Usages des résultats des évaluations avoir une idée de la compréhension de leurs élèves.
À Philadelphie, où les évaluations intermédiaires sont
À Philadelphie gérées selon un calendrier commun à tout le district,
les enseignants faisaient remarquer qu’ils étaient net-
Alors que tous les enseignants des deux districts tement moins capables d’utiliser les résultats des
s’étaient engagés à faire usage des résultats des évaluations lorsque le contenu testé n’avait pas été
évaluations intermédiaires, à se focaliser sur les enseigné. Cette situation évidemment non souhai-

Les évaluations intermédiaires des élèves dans le cadre des cycles d’amélioration continue de l’enseignement    67

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table pouvait arriver lorsque les enseignants avaient d’élèves par classe et plus de supports pédago-
pris du retard par rapport au calendrier du district ou giques à leur disposition que ceux de Philadelphie,
quand ils estimaient que des items des évaluations comme du personnel supplémentaire qui les secon-
portaient sur des contenus qui n’étaient pas censés dait lors des séances en groupes.
avoir déjà été enseignés.

À Cumberland
Conclusion
Alors que la première initiative des enseignants de
Philadelphie était de répartir leurs élèves en groupes Presque tous les enseignants de notre échantillon
de niveau, les enseignants de Cumberland envisa- ont eu recours aux évaluations intermédiaires. Ils s’en
geaient les évaluations intermédiaires comme un servaient surtout pour repérer les faiblesses de leurs
supplément d’informations pour mieux adapter la élèves dans certaines parties du programme. Dans
manière de répartir les élèves en groupes n’étant les deux districts, le même ensemble de facteurs
pas a priori des groupes de niveau. La grande majo- influençait leur interprétation des résultats des éva-
rité des cours que nous avons observés était struc- luations. Parmi ces facteurs figuraient les perfor-
turée autour de cette répartition en groupes, réalisée mances antérieures de chaque élève, celles de la
selon les acquis et les erreurs révélés par les diffé- classe dans son ensemble et la perception de la diffi-
rentes évaluations. Si cette approche n’est guère culté de telle ou telle partie du programme par les
différente de celle pratiquée à Philadelphie, elle varie enseignants. On peut également supposer que, dans
au moins sur deux points. Tout d’abord, la composi- ces deux districts, les supports informatiques aux-
tion des groupes ne dépend pas du niveau de per- quels les enseignants ont accès influencent la
formance, mais du type d’erreur faite par les élèves. manière dont ils interprètent les résultats des évalua-
Par exemple, dans un cours que nous avons tions intermédiaires. Bien que cela semble aller
observé, l’enseignant avait divisé sa classe en à l’encontre du cycle typique « recueillir, interpréter,
cinq groupes : un de ces groupes était formé planifier, agir », il faut reconnaître que les enseignants
d’élèves qui n’avaient pas acquis la notion de savent très bien s’ils ont accès à des supports péda-
« valeur de position », alors qu’un autre était formé gogiques de qualité au moment même où ils interprè-
d’élèves qui faisaient des erreurs de calcul récur- tent les résultats. Il est aussi possible que les ensei-
rentes. La pédagogie de l’enseignant était dès lors gnants disposant de moins de moyens donnent
ciblée sur ce type d’erreurs. En théorie, la composi- moins de sens aux données, dans la mesure où les
tion des groupes pouvait évoluer, mais cette évolu- interprétations à faire sont plus complexes. Par
tion ne nous a pas paru possible, dans la mesure où exemple, les enseignants de Philadelphie ne pou-
ces groupes étaient en réalité des groupes de niveau vaient pas prendre trois jours hors de leur temps
déguisés. de travail pour revoir la « valeur de position » avec les
élèves, même si les résultats indiquaient que cette
Malgré la tendance générale qu’ont les ensei-
intention était souhaitable.
gnants de Cumberland à analyser les résultats des
évaluations intermédiaires d’après le seul système L’usage que font les enseignants des évaluations
de gestion de données, leurs méthodes pédago- intermédiaires pose la question de savoir jusqu’à quel
giques sont différentes d’un enseignant à l’autre. point ces évaluations contribuent à ce que les objec-
Certains enseignants distinguent la révision d’un tifs pour lesquels elles sont utilisées soient atteints.
concept ou d’une compétence déjà enseignée et la En d’autres termes, ces évaluations apportent-elles
reprise entière d’une leçon. Cette démarche est des informations utiles aux apprentissages des élèves
peut-être liée au continuum interprétatif entre symp- en mathématiques et susceptibles d’améliorer l’en-
tôme et étiologie : les enseignants qui comprennent seignement ? Ces questions ont été largement igno-
l’étiologie d’une erreur savent davantage ce qu’il rées dans la littérature de recherche sur l’utilisation
convient de reprendre, à quel moment et comment. des données issues des tests et sur les cycles d’amé-
Néanmoins d’autres enseignants ont une approche lioration continue de l’enseignement. Bien que cette
plus procédurale et reprennent le test d’entraîne- question ne soit pas au cœur de notre étude, il nous
ment item par item en classe entière. Enfin nous ne est apparu nécessaire de développer les recherches
pouvons négliger le fait que les enseignants empiriques sur la qualité des évaluations intermé-
de Cumberland avaient un plus petit nombre diaires, dans la mesure où ces évaluations ne garan-

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tissent pas forcément l’apport d’informations dia- aux États-Unis qui ont déjà réussi à améliorer leurs
gnostiques ou pédagogiques de grande qualité évaluations intermédiaires.
(Goertz, Oláh & Riggan, 2010). Il pourrait d’ailleurs
Leslie Nabors Oláh
être intéressant de s’appuyer sur des dispositifs mis
leslieno@gse.upenn.edu
en œuvre par d’autres institutions éducatives Graduate School of Education,
Université de Pennsylvanie, États-Unis

NOTE

1 Le terme « seuil » a été introduit par l’équipe de recherche ;


il n’était pas utilisé spontanément par les enseignants.

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Les évaluations intermédiaires des élèves dans le cadre des cycles d’amélioration continue de l’enseignement    69

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RFP174.indb 70 03/06/2011 15:29:31


Les transformations de l’organisation
scolaire : retour vers la qualité
de l’enseignement
Matthis Behrens

L’évaluation se trouve au cœur de l’activité scolaire. Alors qu’elle servait surtout à certifier des acquis ou à
réguler les apprentissages, elle est devenue un outil de gestion dont les administrations scolaires se servent
pour piloter l’organisation scolaire. En analysant les parties constitutives d’un système éducatif, et plus
précisément dans les pays germanophones, l’article interroge les besoins d’information à l’intérieur d’un
système de production scolaire, en tenant compte à la fois des besoins formatifs et des impératifs de
l’accountability. Un travail avec les enseignants sous forme de recherche collaborative permet d’interpréter les
résultats d’évaluation et de planifier des remédiations.

Descripteurs (TESE) : évaluation, diffusion de l’information, norme, formation des enseignants, politique en matière
d’éducation, système éducatif.

Pourquoi les résultats en éducation sont-ils érigés phones (Piéron, 1963 ; Noizet & Caverni, 1978) témoi-
en impératifs catégoriques ? Quels sont les méca- gnent d’un souci constant d’amélioration des pra-
nismes et la signification de cette obligation de résul- tiques d’évaluation et de nombreuses contributions
tats qui est faite aux systèmes scolaires ? Comment conceptuelles ont permis, dans les années quatre-
la comprendre ? Une manière de débuter est de se vingt et quatre-vingt-dix, à la fois de théoriser le
demander si le contraire est vrai : l’éducation aurait- champ de l’évaluation scolaire et d’opérer des dis-
elle fonctionné jusqu’ici sans produire des résultats ? tinctions théoriques importantes, notamment entre
Si nous commençons avec les résultats des évalua- évaluation formative, formatrice, sommative et pro-
tions, la réponse est clairement non car, depuis nostique, pour ne mentionner que les plus impor-
au moins le début du siècle dernier, l’évaluation fait tantes. Autrement dit, le système éducatif et ses
partie de façon constitutive du travail scolaire et acteurs ont été fortement préoccupés par l’évalua-
conditionne, sous différentes formes, l’activité de tion, ses résultats, leur qualité et leur validité sous dif-
l’enseignant. Les travaux de docimologie franco- férentes formes. Malgré d’importantes réductions

Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011     71-90

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budgétaires, surtout dans les pays occidentaux, ils laires des cantons de Suisse romande dans leur nou-
ont obtenu et utilisé des résultats d’évaluation, ils se veau design de l’architecture scolaire suisse en cours,
sont consolidés, ont accueilli une population crois- je discuterai les besoins d’information à l’intérieur
sante, ont élargi l’offre curriculaire et obtenu des taux d’un tel système pour en modéliser ensuite les flux,
de certification de fin d’études toujours plus impor- en tenant compte à la fois des besoins formatifs et
tants durant ces dernières décennies. De ce point de des impératifs de l’accountability.
vue, sans vouloir ouvrir le débat relatif à une éven-
tuelle inflation des diplômes (Duru-Bellat, 2005), on
peut affirmer que des résultats solaires existent et
qu’ils sont plutôt positifs. L’évolution des évaluations
standardisées en Europe
Pourquoi alors cette insistance si forte sur l’obliga-
tion de résultats en éducation alors que l’évaluation,
standardisée ou non, est une pratique constitutive L’inventaire des évaluations standardisées des
des systèmes éducatifs et a toujours produit des élèves en Europe dans l’enseignement obligatoire,
résultats ? Mon hypothèse est que les résultats réalisé par l’Agence exécutive éducation, audiovisuel
d’évaluation ont pris une signification différente dès et culture (2009a), fait apparaître un tableau très varié
lors qu’on cherche à les utiliser pour qualifier la pro- de différents tests nationaux. Ils complètent les acti-
ductivité du système éducatif. Cette nouvelle fonction vités d’évaluation habituelles en classe, sommatives
a émergé ces dernières années sur fond de redéfini- et formatives, qui sont prescrites par des textes légis-
tion du rôle institutionnel de l’école, confrontée à une latifs ou des règlements et que les enseignants ou les
logique de marché de plus en plus forte. Cette muta- établissements, dans la plupart des pays, organisent
tion est intervenue avec la mise en place généralisée de manière autonome, avec des méthodologies choi-
des principes de la nouvelle gestion publique qui sies au gré des situations et des buts poursuivis, en
redéfinit le rôle et les critères d’efficience dans les fonction de l’avancement des processus d’enseigne-
rapports entre les pouvoirs publics, le marché sco- ment et d’apprentissage.
laire et les utilisateurs. Alors que « l’évaluation mesu-
rait les apprentissages en s’intéressant principale- Dans une première phase se situant avant les
ment à l’élève, aujourd’hui son champ d’intervention années quatre-vingt-dix, les tests nationaux et/ou
est devenu beaucoup plus large et met en lien le régionaux externes et standardisés, c’est-à-dire
pédagogique – sa terre d’élection traditionnelle – et le basés sur des procédures fixées, permettent de pla-
politique dont il est devenu un outil de pilotage » cer les résultats des évaluations en classe dans un
(Behrens, 2006). La réponse à cette question sera contexte plus large et de rendre comparables les per-
donc de chercher dans le rôle politique attribué formances des élèves à l’intérieur du périmètre cou-
à l’évaluation, dans les modifications méthodolo- vert par le test. Les formes et les usages développés
giques qu’induit ce rôle et dans les effets qu’une éva- sont extrêmement variés. Les tests peuvent être obli-
luation politique produira, notamment dans l’articula- gatoires ou facultatifs et, dans certains cas, les résul-
tion avec son utilisation pédagogique initiale. tats obtenus interviennent dans le processus de certi-
fication, en particulier lorsqu’ils sont pris en
Comme l’élargissement de la fonctionnalité évalua- considération dans le calcul d’une note finale et
tive est un processus en cours, je montrerai d’abord garantissent ainsi une certaine possibilité de compa-
les changements intervenus en matière d’évaluation raison des diplômes. En règle générale, les tests sont
standardisée ces trente-cinq dernières années. Je construits à partir des programmes d’enseignement,
procéderai ensuite à une analyse succincte des par- peuvent couvrir plusieurs disciplines, mais plus parti-
ties constitutives d’un système éducatif, dans la culièrement la langue 1, les mathématique et les
perspective de la nouvelle gestion publique sciences naturelles, ou encore une deuxième langue.
en Europe, et plus précisément dans les pays germa- Ils s’appliquent à tous les élèves et interviennent sur-
nophones, moins connus du lecteur francophone. tout à l’interface entre l’enseignement primaire
J’utiliserai de façon ponctuelle les contributions (CTIE 1, d’après la classification internationale type
anglo-saxonnes présentées dans ce numéro, à la fois de l’éducation, voir OCDE, 1999) et l’enseignement
pour étayer mon argumentation, mais aussi pour secondaire inférieur (CTIE 2), ou à la fin de ce dernier.
questionner les concepts et pratiques afférents. Sur Quant à l’utilisation des résultats, les établissements
la base de mon expérience personnelle tirée des scolaires concernés pourraient en profiter pour se
échanges avec les ministères et administrations sco- situer par rapport aux performances nationales ou

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pour faire des recommandations pour l’orientation nouvelle gestion publique par la plupart des adminis-
future des élèves. À leur tour, les enseignants pour- trations du monde de l’éducation. Cette idéologie de
raient s’en servir pour adapter leur enseignement. gestion publique a été décrite largement ailleurs et,
Bref, on est en présence d’un traitement d’informa- dans cet article, nous n’y reviendrons pas au-delà
tion à finalité variable qui, au niveau de l’enseignant, d’une présentation très schématique nous permettant
correspondrait à des routines de travail qu’Allal (2009) de désigner les acteurs concernés. En bref, elle part
appelle triangulation des informations : l’enseignant du principe que les unités administratives confron-
pourrait ainsi mettre en perspective des informations tées directement aux utilisateurs sont les agents les
tirées des évaluations en classe, des informations mieux à même de trouver des réponses adéquates et
obtenues par des évaluations externes (tests standar- d’assurer l’efficacité de leur action. Dans le domaine
disés) et d’autres informations provenant de ses scolaire, ces unités sont les établissements scolaires,
observations personnelles. Cependant l’enseignant composés d’enseignants et regroupés sous une
ne semble pas donner le même poids à ces trois direction. Cela rend nécessaire une autonomie d’ac-
sources d’information lorsqu’il doit se forger un avis tion que les bureaucraties scolaires peinent à accor-
global. En effet Gilliéron Giroud et Pulzer-Graf (2009) der. En règle générale, le cadre d’exercice de cette
observent, lors d’une analyse de l’utilisation des autonomie est donné par un contrat de prestation
résultats de tests externes indicatifs par les ensei- entre l’administration centrale et l’agent, qui définit
gnants au début du cycle primaire (CTIE 1) en Suisse les performances attendues, un budget calculé en
romande dans le canton de Vaud, que ceux-ci n’utili- conséquence, l’obligation d’un dispositif d’assurance
sent ces résultats que lorsqu’ils confirment les appré- de qualité garantissant le maintien des prestations et
ciations obtenues par les évaluations de l’enseignant. le devoir de rendre compte de manière scientifique
Ce qui voudrait dire que, selon le contexte, soit l’en- des résultats obtenus.
seignant ne saisit pas la portée des résultats tirés des La demande pour améliorer la qualité des systèmes
évaluations externes, soit les trois sources n’ont pas est donc inhérente à la logique de la nouvelle gestion
la même valeur d’information dans la constitution de publique. Plus précisément, à l’instar des dispositifs
son jugement. d’assurance qualité dans l’économie ne servant qu’à
À partir des années quatre-vingt-dix, on observe attester l’existence de procédures gestionnaires per-
une expansion des tests nationaux et, dans certains mettant de maîtriser le processus de production et
cas, une réorientation des tests existants. Ce sont les non pas la qualité du produit lui-même, l’usage poli-
systèmes qui, au-delà de l’identification des perfor- tique qui est fait de la qualité en éducation sous-
mances individuelles à des fins d’orientation ou de entend la « non-qualité » des systèmes éducatifs
rémédiation lors des apprentissages, cherchent à uti- (Behrens, 2007). Par là-même, l’argument de la qua-
liser ces dispositifs également à des fins de pilotage, lité est utilisé pour lancer le débat sur l’efficience
en évaluant les établissements et, à travers eux, le générale des systèmes éducatifs dans une période
système éducatif dans son ensemble. En adoptant un de restrictions budgétaires généralisée, ce qui
point de vue macroscopique, les résultats obtenus conduit à une réflexion sur les missions essentielles
semblent indiquer que les phénomènes éducatifs de l’école et à charger les personnels de trouver eux-
peuvent entrer en tension avec ce que ressentent les mêmes les solutions permettant de faire plus avec
acteurs (enseignants, parents, élèves) à travers les moins. Pendant la même période, le GATT (General
évaluations internes de ces mêmes phénomènes. Agreement on Tariffs and Trade) impose de considé-
En effet « dans les tests nationaux la préoccupation rer l’éducation comme une activité économique de
pédagogique et didactique se trouve remplacée par service. Il exprime un courant de pensée puissant
un regard sociologique globalisant qui opère à un cherchant à abolir le monopole étatique en matière
niveau agrégé, sur des moyennes, des dispersions, d’éducation et à ouvrir l’école publique au marché. Il
aurait conduit, selon Berliner et Biddle (1995) et
des corrélations, abstractions – données qui sont dif-
Bracey (2002), à l’instrumentalisation tactique de l’ar-
ficilement accessibles aux acteurs directement
gument de la qualité, non pas pour améliorer l’école
concernés et laissent souvent les enseignants incré-
publique mais pour la déstabiliser. Bracey cité par
dules ou, pour le moins, dubitatifs » (Crahay, 2009,
Lind (2009, p. 18) aurait même parlé d’une guerre
p. 239 sqq.).
contre l’école publique, vision qui a récemment été
Comme le soulignent plusieurs auteurs (Behrens, confirmée par Neumann, membre du cabinet Bush
2010 ; Maroy, 2011 ; Mons, 2009), ce changement est qui, dans une interview avec le journal Times (2008),
en relation directe avec l’adoption des principes de la estimait que certains considéraient l’initiative No

Les transformations de l’organisation scolaire : retour vers la qualité de l’enseignement    73

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Child Left Behind comme un cheval de Troie condui- enquêtes PISA (Program for International Student
sant l’opinion publique à choisir une école de marché Assessment) à partir de 2000, qui établit de facto un
plutôt qu’une école publique : « A way to expose the ranking, voire une compétition, entre les pays, tout en
failure of public education and “blow it a bit”. There se plaçant ainsi comme autorité économique transna-
was a number of people pushing hard for market tionale dans la construction d’un champ éducatif glo-
forces and privatization. » bal, qu’elle justifie par l’idéologie de l’économie de la
connaissance (Lingard & Rawolle, 2010). Dans ce pro-
Ce cadre influence à des degrés divers la plupart cessus de mondialisation, l’école obligatoire se voit
des administrations et conduit à travers les différents imposer la fonction d’assurer l’acquisition de compé-
pays de l’Europe à un large mouvement de décentrali- tences dont l’OCDE (OCDE, 2011), à travers PISA,
sation et d’autonomie des établissements. Cette ten- estime que les jeunes de 15 ans auront besoin dans la
dance est accompagnée d’un changement réglemen- vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire :
taire ou législatif marqué par une liberté d’action « Plutôt que la maîtrise d’un programme scolaire pré-
accrue des établissements, mais aussi d’une intensifi- cis, PISA teste l’aptitude des élèves à appliquer les
cation des évaluations (Agence exécutive éducation, connaissances acquises à l’école aux situations de la
audiovisuel et culture, 2009a, p. 20). S’adaptant au vie réelle. Les facteurs conditionnant leurs perfor-
contexte politico-historique de chaque pays, les dis- mances ainsi que leur potentiel pour l’apprentissage
positifs prennent une multitude de formes qui combi- tout au long de la vie font également l’objet d’une ana-
nent diverses fonctions : évaluations externes surtout lyse. » (OCDE, 2011)
à des fins de pilotage du système ; orientation des
élèves lors des transitions (du secondaire inférieur vers La même logique est en œuvre au niveau de
le supérieur professionnel ou académique) ; comparai- l’Union européenne. Dans un premier temps, l’inté-
sons nationale ou régionale des performances des rêt pour l’éducation s’est développé lentement au
élèves obtenues lors d’évaluations internes réalisées sein de la Communauté européenne avec un premier
par les enseignants ; régulation des processus d’en- discours sur les orientations de base, les collabora-
seignement et d’apprentissage. Ces évaluations tions entre États, la gouvernance, les réseaux et les
internes ne sont généralement pas standardisées et projets de coopération économique et culturelle. Il
permettent la régulation des processus d’apprentis- change en 1971 lorsque les ministères mettent en
sage, raison pour laquelle Mottier Lopez et Laveault œuvre une politique de coopération européenne
(2008) et Laveault (2009) suggèrent de les considérer en éducation. Les références à l’éducation sont
comme ayant une finalité formative, peu importe s’il faites plus particulièrement dans les domaines de la
s’agit d’évaluations formatives ou sommatives. Ceci formation professionnelle et de l’enseignement
annulerait la distinction instrumentale entre formatif et supérieur (Lawn & Nóvoa, 2005). Vers la fin de cette
sommatif décrite par Allal et Mottier Lopez (2005) en décennie, des initiatives concernant la reconnais-
faveur d’une opposition entre une évaluation pour la sance des diplômes, la mobilité des étudiants et
surveillance du système et une évaluation pour le suivi surtout l’harmonisation des statistiques sont mises
des processus d’apprentissage. en œuvre. Mais le grand pas vers l’espace européen
de l’éducation intervient en 1992 avec le traité de
Le débat sur la qualité des systèmes éducatifs est Maastricht, qui consacre l’éducation comme l’une
parallèlement renforcé par l’émergence, dans les des responsabilités majeures de l’Union euro-
années soixante, des premières enquêtes internatio- péenne. Dès lors, il est question d’une contribution
nales sous l’égide de l’IEA (International Association communautaire pour une éducation de qualité, ce
for the Evaluation of Educational Achievement), dont qui ouvre la porte à une action de l’Union, tout en
Gaston Mialaret était un membre fondateur. C’est ainsi respectant encore la responsabilité des États
qu’un consortium de différents centres de recherche à membres selon les principes de la diversité et de la
l’échelle planétaire a étudié, dans l’étude pilote Twelve subsidiarité. Le Livre blanc sur l’éducation et la for-
Country Study, la faisabilité d’études internationales mation (Commission européenne, 1996) est l’un des
comparant la réussite scolaire d’élèves de 13 ans dans premiers documents qui proposent la création d’un
douze pays, travaux qui se poursuivent jusqu’à nos processus européen permettant de confronter et de
jours dans le cadre des enquêtes internationales diffuser largement les définitions des « compétences
TIMSS (Trends in International Mathematics and clés » et de trouver les meilleurs moyens de les
Science Study) et PIRLS (Progress in International acquérir, de les évaluer et de les certifier (Meunier,
Reading Literacy Study). La démarche développée par 2005). Ce sont donc, comme le soulignent Lawn
l’IEA est reprise par l’OCDE dans le cadre des et Nóvoa (2005), les questions sociétales, celles de

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l’emploi et de la qualité qui préparent l’émergence lesquelles il est moins question du développement de
d’un véritable espace européen de l’éducation. Avec l’individu que de la capacité de la société à se main-
l’objectif ambitieux de « l’économie de la connais- tenir dans une compétition globale. Apparaît donc
sance, la plus compétitive et la plus dynamique du clairement une obligation de résultats. Elle est desti-
monde » formulé au sommet de Lisbonne en 2000 née au système dans son ensemble et répercutée
(Commission des communautés européennes, partiellement sur les apprenants.
2003), l’Union se donne implicitement le mandat
pour développer une approche commune dans le
domaine de l’éducation.
Depuis, l’Union européenne se positionne comme Les référentiels éducatifs
acteur supranational et fixe ses actions politiques
d’abord dans le programme Éducation et formation On observe alors dans les pays francophones euro-
2010, et plus récemment dans l’édition de 2020 péens l’émergence de référentiels avec l’indication
(Conseil de l’Union européenne, 2009), qui prévoit de des performances à atteindre. Dans la communauté
nombreuses actions politiques qu’il serait trop long française de Belgique d’abord, apparaissent en 1997
de détailler ici. En ce qui concerne la scolarité obliga- par décret les socles de compétences qui décrivent
toire, on peut retenir les objectifs suivants : l’ensemble des compétences devant être maîtrisées.
–– faire en sorte que l’éducation, la formation tout Ils sont très proches des plans d’études mais, au lieu
au long de la vie et la mobilité deviennent des de décrire comment structurer l’enseignement, ils
réalités ; définissent de façon exhaustive et sous forme de
–– améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes performances vérifiables ce qui doit être atteint à
d’éducation et de formation ; certains moments de la scolarité. Ils concernent les
–– promouvoir l’égalité, la cohésion sociale et la compétences pour les huit premières années de l’en-
citoyenneté active ; seignement obligatoire (les six années du primaire et
–– mettre en valeur la créativité et l’innovation, en les deux premières années du secondaire) et les
particulier l’entrepreneuriat, et ce à tous les compétences terminales, un référentiel sous forme de
niveaux d’enseignement. compétences qui doivent être acquises à la fin du
Pour mesurer si ces objectifs sont atteints, elle se secondaire dans chaque discipline scolaire. Le but
fixe pour 2020 des cibles qui concernent directement est de cadrer, voire de diminuer les grandes dispari-
l’enseignement obligatoire : tés disciplinaires provenant d’une situation de marché
–– au moins 95 % des enfants entre 4 ans et l’âge du scolaire sur lequel prestataires publics et privés se
début de l’enseignement primaire obligatoire livrent une concurrence, en vertu des dispositions
devraient participer à l’enseignement préscolaire ; constitutionnelles de la liberté d’enseignement, qui
–– le taux moyen de jeunes de 15 ans ayant des autorise toute personne à ouvrir une école et donne
lacunes en lecture, en mathématiques et aux parents le libre choix de l’école qui sera fréquen-
en science devrait être inférieur à 15 % ; tée par leurs enfants (Rey & Carette, 2005). Cette
–– le taux moyen de décrochage scolaire devrait grande disparité est tenue pour responsable des
être inférieur à 10 % ; résultats PISA, peu satisfaisants.
–– le taux moyen d’adultes entre 30 et 34 ans ayant En France, ce sont des réflexions similaires qui
un niveau de troisième cycle devrait atteindre au démarrent quelques années plus tard. Mais, au lieu
moins 40 % ; de procéder par décret, les autorités lancent un débat
–– une moyenne d’environ 15 % des adultes (de 25 national sur l’avenir de l’école en 2003. La préoccu-
à 64 ans) devrait participer à l’éducation et la for-
pation est de définir et représenter ce qui est indis-
mation tout au long de la vie.
pensable pour réussir sa vie dans une société du
Ce sont des objectifs macroscopiques qui s’adres- xxie siècle. Selon Thélot, le message principal qui se
sent au système. Ils comprennent des taux de scola- dégage est que l’école fasse vraiment réussir tous les
risation, de poursuite et d’interruption de formation et élèves. Pour ce faire, l’école a une mission éducative,
des indicateurs de performance des élèves, vraisem- elle assure la maîtrise d’un « socle commun des indis-
blablement calqués sur l’enquête PISA. Autrement pensables et elle organise la diversité des parcours »
dit, dans cette économie de la connaissance, l’insti- (Thélot, 2004, p. 31), tout en s’efforçant d’être juste.
tution scolaire est appelée à jouer un rôle important. Ces indispensables forment un référentiel appelé
Elle est exposée à des attentes sociétales larges dans « socle commun ». Il est choisi en fonction de valeurs

Les transformations de l’organisation scolaire : retour vers la qualité de l’enseignement    75

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et se décline en termes de connaissances, de compé- le rapport entre centre et instances décisionnelles régio-
tences et de règles de comportement. Il ne s’identifie nales (Länder, cantons, régions) peut varier fortement.
pas aux programmes mais il définit les compétences
sociales qui doivent être maîtrisées pour être inté-
L’Allemagne
grées à la nation. C’est une formulation vague qui,
d’après Meunier (2005), n’a pas pour objectif de L’Allemagne (82,2 millions d’habitants) est un pays
préparer à l’emploi. La loi d’orientation et de fédéraliste avec un gouvernement central (Bundesre-
programme pour l’avenir de l’école du 24 avril 2005 gierung) et un gouvernement pour chacun des
en émane. Officiellement cette loi « assigne au 16 pays (Bundesländer ou Länder) faisant partie de la
système éducatif des missions renouvelées autour confédération. La compétence décisionnelle en
d’un objectif central : assurer la réussite de tous les matière d’éducation est l’affaire des Länder. Le minis-
élèves » (Meunier, 2005, p. 80). tère du gouvernement fédéral n’intervient pas dans le
Les deux exemples francophones ont été abon- domaine de la scolarité obligatoire. Les ministres
damment débattus (voir par exemple Gauthier d’éducation des différents Länder concertent leurs
& Le Gouvello, 2010 ; Maroy & Mangez, 2011), nous actions au sein de la conférence des ministres d’édu-
ne les explorerons donc pas davantage. L’intérêt pour cation (KMK ou Kultusministerkonferenz). Celle-ci
notre propos est qu’ils témoignent d’une préoccupa- décide en 1997 de soumettre les systèmes scolaires
tion forte de redéfinir la mission de l’école : après l’ef- à une analyse comparative internationale dans le
fort de massification de l’enseignement secondaire cadre des enquêtes internationales TIMSS, PISA et
dans des contextes scolaires marqués par une situa- PIRLS, afin de pouvoir identifier les forces et fai-
tion de marché, l’école est appelée à se préoccuper blesses des élèves allemands dans quelques
de l’efficacité et de l’efficience de son action, mesu- domaines de compétence jugés centraux. En 1999, le
rées à l’aune de compétences que tous les élèves gouvernement central et les Länder lancent conjoin-
doivent acquérir. Les deux exemples proposent donc tement un forum de discussion sur l’éducation (Forum
des référentiels de performance des élèves qui sont Bildung). Cinq thématiques se trouvent au centre des
déclinés en compétences. Dans le cas de la Belgique débats : les finalités éducatives de demain, l’égalité
francophone, ces compétences sont considérées des chances, l’assurance qualité dans la compétition
comme une base pour les plans d’études. En France, internationale, l’apprentissage tout au long de la vie
elles se déclinent de manière plus abstraite en fonc- et une nouvelle culture d’enseignement et d’appren-
tion d’un débat sociétal et se placent ainsi volontaire- tissage. Le forum recommande une plus grande auto-
ment en dehors des programmes scolaires. Mais, nomie des établissements, la nécessité d’informer
dans les deux cas, le référentiel précède la construc- régulièrement sur l’état de l’éducation et de prendre
tion des dispositifs d’évaluation ce qui, dans le cas des mesures pour un développement systématique
de la communauté francophone belge, posera ulté- de la qualité de l’enseignement (Oelkers & Reusser,
rieurement le problème de la vérification et de la tra- 2008). En 2002, la KMK utilise les résultats obtenus
çabilité évaluative des compétences retenues (Rey, dans les comparaisons internationales pour justifier
1996 ; Rey & Carette, 2005 ; Malaise, 2011). Une un passage vers un suivi régulier des résultats appelé
autre particularité importante de ces référentiels de « monitorage », la création de standards et une inten-
performance est que les exigences ainsi fixées doi- sification des évaluations qui, selon les expériences
vent être atteintes par tous les élèves. faites aux États-Unis, suffirait pour obtenir de
meilleurs résultats – conviction du « try harder »,
effectivement défendue dans la première génération
des systèmes d’accountability sur la base de stan-
Les standards et les dispositifs dards (voir Robinson, dans ce numéro).
d’assurance qualité dans les systèmes Les données obtenues par des tests vérifiant les
éducatifs germanophones standards sont intégrées dans un rapport sur l’édu-
cation (Bildungsbericht), inspiré des rapports Regards
Les pays germanophones étudiés (nous y compte- sur l’éducation 2009 : les indicateurs de l’OCDE
rons la Suisse pour l’influence germanophone et la (OCDE, 2009) et Chiffres clés de l’éducation 2009 :
parenté structurale) s’inspirent du concept anglophone une vue d’ensemble sur les systèmes éducatifs euro-
des standards dans la construction de leurs référentiels. péens de l’Agence exécutive éducation, audiovisuel
Ils ont tous les trois une structure fédérale dans laquelle et culture (2009b) de l’Union Européenne, ou des

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publications de la DEPP en France sur L’état tences, les valider empiriquement et procéder ainsi à
de l’école (MENJV, 2010). Le but est d’informer le la vérification des standards au niveau national.
grand public à intervalle régulier sur la capacité de
Depuis sa fondation, l’IQB développe les instru-
l’institution scolaire à remplir sa mission et à répondre
ments de test en produisant des items sous forme de
aux exigences que la société lui fixe (Rürup, 2003), et
tâches. Dans une première étude appelée Pilotie-
de permettre de cette manière de mettre en place un
rungsstudie, elle étudie la validité de contenu des
dispositif de monitorage du système scolaire. Le rap-
items par rapport aux compétences retenues comme
port allemand paraît pour la première fois en 2003 et
standards. Une deuxième étude permet de classer
confirme la nécessité de fixer des objectifs et des
les items retenus sur une courbe de difficulté et de
standards communs exigeants et de vérifier régulière-
fixer des niveaux de compétence. La méthodologie
ment qu’ils sont atteints (KMK, 2004). Par ailleurs,
appliquée ressemble à celle de PISA. Les vérifica-
« la KMK est appelée à mettre à disposition des res-
tions des standards ont commencé en 2008. Ils
sources suffisantes et à les utiliser de manière opti-
remplacent les échantillons complémentaires de PISA
male. Le but est de préserver les chances éducatives
pour chaque Land. En parallèle, l’IQB étudie comment
[Bildungschancen] de tous et de toutes, en marquant
les standards sont intégrés dans l’enseignement. Les
l’enseignement par un enseignement basé sur l’indi-
problématiques abordées sont l’analyse de l’intégra-
vidualisation » (KMK, 2004, p. 5, traduit par l’auteur).
tion des standards dans l’enseignement, ainsi que la
Autrement dit, la KMK est invitée non seulement
gestion des innovations dans la pratique enseignante.
à contrôler la bonne marche du système, mais en
Autrement dit, la conception des standards en termes
plus à le réformer par une approche pédagogique
de compétences n’est pas considérée comme un
innovante pour la réussite de laquelle elle doit mettre
artefact de mesure emprunté à la méthodologie PISA,
des ressources suffisantes à disposition.
mais comme une innovation pédagogique majeure.
Dans la même année, le ministère fédéral de l’édu- De ce fait, la plupart des Länder sont en train de
cation publie la fameuse expertise Klieme, Avenarius, prendre des mesures importantes pour adapter les
Blum et alii (2004) sur le développement des stan- plans d’études à une pédagogie par compétences ou
dards nationaux de formation, qui structurera forte- établir un « tronc commun » (Kerncurriculum) inté-
ment le débat sur les standards, en Allemagne grant les compétences formulées dans les standards.
comme en Suisse. Le rapport plaide pour des stan- D’autres mesures sont prévues pour la formation des
dards basés sur des modèles de compétences enseignants et le développement de procédures de
conceptualisés à partir de considérations théoriques qualité dans les établissements (Oelkers & Reusser,
d’ordre didactique et psychopédagogique. Ces 2008, p. 453).
modèles doivent décrire les dimensions de compé-
Mentionnons également que, dans le cadre du pas-
tences jugées centrales, ce qui peut être attendu, les
sage vers un monitorage par les résultats, les établis-
niveaux de performance et comment les évaluer. Ce
sements scolaires gagnent en autonomie financière
ne sera que sur la base de tels travaux validés empiri-
quement qu’il sera possible de formuler des stan- et administrative, autonomie qui est délimitée par un
dards. L’expertise de Klieme, Avenarius, Blum et alii mandat de prestation fixé avec l’autorité de tutelle. Ils
(2004) recommande que soient élaborés et mis jouissent ainsi d’une certaine autonomie dans le
en œuvre des standards de base (Mindeststandards) domaine pédagogique, leur permettant d’apporter
qui définissent le seuil inférieur des performances des réponses appropriées aux exigences du contexte
à atteindre. Mais en l’absence de tels travaux, la KMK local dans lequel ils évoluent. Dans ce sens, les éta-
opte pour des standards moyens, autrement dit sans blissements sont responsables d’assurer la qualité de
précision plus détaillée des niveaux de performance l’enseignement et le suivi du programme (Eurydice,
(Oelkers & Reusser, 2008). Proches des plans 2011a, p. 292 sqq.).
d’études et compris comme permettant de préciser
ces derniers, elle les adopte pour la fin de la scolarité L’Autriche
obligatoire en langue 1, mathématiques et langue 2.
Elle les complète en 2004 par des standards pour la L’Autriche (8,2 millions d’habitants) est également
4e année primaire et les élargit aux sciences natu- un pays fédéraliste, mais la compétence décision-
relles (Eurydice, 2011a). Toujours en 2004, elle crée nelle pour la scolarité obligatoire est répartie entre le
l’institut de recherche IQB (Institut für Qualität der Bil- gouvernement fédéral et les neuf Länder. Le gouver-
dung), rattaché à l’Université Humboldt de Berlin, qui nement central joue un rôle bien plus important que
est mandaté pour développer les modèles de compé- les Länder, qui souvent sont uniquement en charge

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des règlements d’application. Il édicte des lois cheurs sont ensuite associés aux travaux, ce qui per-
cadres, définit les programmes cadres qu’il négocie met l’adoption des premières propositions testées
avec les Länder et homologue des moyens d’ensei- dans 320 établissements (Oelkers & Reusser, 2008).
gnement. Les Länder engagent les enseignants, choi- Les standards sont développés en langue 1 et
sissent parmi les moyens d’enseignement homolo- en mathématiques pour la 4e et la 8e année scolaire et
gués et soutiennent les communes dans le en langue 2 pour la 8e année. Une première vérification
financement de l’infrastructure scolaire. Les établis- est prévue dans l’année 2011-2012 (Breit, Friedl-
sements jouissent d’une certaine autonomie budgé- Lucyshyn, Furlan et al., 2010).
taire et ont le droit d’adapter les curriculums aux par-
En 2008 est également créé l’institut fédéral BIFIE
ticularités locales.
(Bildungsforschung Innovation und Entwicklung für
En Autriche, les résultats de PISA et de PIRLS en lit- das oesterreichische Schulwesen, l’Institut national
tératie interrogent comme ailleurs. Cependant ils se pour la recherche en éducation, l’innovation et le
situent en 2000 clairement au-dessus de la moyenne développement du système scolaire autrichien). Son
de l’OCDE et sont meilleurs que ceux de l’Allemagne rôle est de participer au développement des modèles
et de la Suisse. En revanche, d’autres indicateurs de compétences et des descripteurs permettant de
comme le niveau de compétence des jeunes à la fin de décrire et de mesurer les standards par des tâches
la scolarité obligatoire et l’iniquité du système d’éva- dont on estime que la réussite permet d’inférer la
luation dans la transition vers le secondaire soulèvent maîtrise des standards ; de développer des exemples
des questions. Ces éléments conduisent en 2003 à la de tâches pour l’enseignement ; de vérifier que les
création d’une commission (Zukunftskommission ou standards sont bien atteints ; enfin d’analyser les
commission d’avenir) qui est appelée à développer un résultats, d’informer les élèves, enseignants, direc-
concept global de réformes, en particulier des propo- tions d’établissements et administrations scolaires,
sitions pour la mise en place d’un système national de ainsi que de conseiller les décideurs.
management de la qualité, des propositions pour
La vérification que les standards sont bien atteints
l’amélioration de l’enseignement et des propositions
sera effectuée auprès de tous les élèves de l’ensei-
pour le renforcement du mandat pédagogique des
gnement public et de l’enseignement privé, mais les
enseignants. La commission propose toute une série
résultats ne pourront être utilisés pour l’évaluation
de mesures, dont la mise en œuvre de standards de
individuelle. Ils sont destinés en premier lieu aux
base. Des travaux sont entrepris et conduisent en 2008
enseignants dans la perspective d’un feedback sur
à la révision de la loi scolaire, qui donne au ministère
leur enseignement qui, dans la même lignée, devra
fédéral la possibilité de décréter des standards si cela
désormais appliquer les principes d’une pédagogie
est jugé nécessaire. Ce sera fait en 2009.
par compétences (Eurydice, 2010, p. 14). De ce fait,
L’argumentation ministérielle justifiant leur introduction
la vérification ne porte pas seulement sur les résultats
évoque la nécessité d’une politique basée sur les
d’élèves, mais aussi sur les conditions cadres de
résultats (Evidenzorientierte Bildungspolitik) et l’aligne-
ment sur un nouveau paradigme du monitorage par les l’enseignement qui sont relevées par un question-
résultats (Outputorientierung), qui serait en voie de naire contextuel. De même, les directions d’établisse-
généralisation dans les pays germanophones (Breit, ment recevront les résultats afin de pouvoir analyser
Friedl-Lucyshyn, Furlan et al., 2010). Le but premier les forces et faiblesses de leur établissement et de
des standards est d’assurer l’acquisition des compé- pouvoir prendre les mesures de soutien appropriées.
tences fondamentales (Grundkompetenzen) que Le corps d’inspection recevra quant à lui des don-
chaque élève doit atteindre. Ce cadre donne un statut nées agrégées des établissements dont il a la sur-
légal à des travaux pilotes qui, depuis 2001, analysent veillance. Enfin les résultats provenant de la vérifica-
le curriculum afin d’identifier des domaines de compé- tion des standards seront analysés dans une
tences obligatoires (Pflichtgegenstände) et de définir macroperspective et seront intégrés dans un rapport
les performances qui doivent être attendues à certains sur l’éducation. Ce rapport a servi à piloter le sys-
moments précis du parcours scolaire. Les équipes de tème pour la première fois en 2009 (Eurydice, 2011b).
projet comprennent dans une première phase des
enseignants et des inspecteurs, mais quasiment pas La Suisse
de chercheurs. Leurs propositions ne sont que peu uti-
lisables, notamment parce qu’elles ne parviennent pas Avec 7,6 millions d’habitants, la Suisse est le plus
à montrer l’utilisation des standards dans l’enseigne- petit et le plus décentralisé des trois pays germano-
ment. À l’instar de l’expertise de Klieme, des cher- phones étudiés. Également de structure fédérale, elle

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est composée de 26 cantons qui sont souverains en risquait de perdre sa crédibilité dans ce processus
matière d’éducation. Le gouvernement fédéral n’a d’ajustement.
pas de politique d’éducation en matière de scolarité
Les mesures d’harmonisation, appelées HarmoS,
obligatoire. Par contre, les cantons coordonnent
mettent donc en œuvre une vaste réforme des struc-
aujourd’hui leur travail au sein d’une conférence des
tures éducatives cantonales. Le projet est politique
ministres appelée CDIP (Conférence suisse des direc-
puisqu’il propose un nouveau cadre légal sous forme
teurs cantonaux d’instruction publique). La CDIP se d’un concordat entre cantons, dans lequel ces der-
compose de deux conférences régionales qui regrou- niers renoncent à une partie de leur souveraineté en
pent les cantons selon leur appartenance linguistique matière éducative en faveur d’un niveau national. Ce
(une conférence alémanique et une conférence latine texte de loi est adopté par 15 des 26 cantons (totali-
représentant la Suisse francophone et italophone). sant 76,8 % de la population) et entre en vigueur le
En 2001, la CDIP se donne des lignes directrices 1er août 2009. Il comprend plusieurs dimensions
qui circonscrivent les objectifs de la coordination et concernant les principaux paramètres du système, à
les modalités de coopération dans le domaine de la savoir les finalités de la formation de base, les
scolarité obligatoire. Deux objectifs importants sont domaines disciplinaires, l’enseignement des langues
retenus pour l’assurance qualité du système éduca- étrangères, le début de la scolarisation, la durée des
tif : l’harmonisation de l’école obligatoire par la fixa- degrés (cycles) scolaires, les instruments d’assurance
tion de standards de performance et la mise en place qualité et l’aménagement de la journée scolaire. Sous
d’un monitorage de l’éducation en collaboration avec le label d’instruments d’assurance qualité, on trouve
la Confédération. Mais ce sera la première enquête l’idée des standards de performance qui, en adoptant
PISA, dont les résultats sont en dessous des attentes, les recommandations de l’expertise Klieme, seront
inférés de modèles de compétences à développer et
qui créera le consensus nécessaire à une réforme
à valider scientifiquement pour chaque discipline. Le
majeure du système. En 2002, la CDIP propose un
texte de loi affirme clairement la primauté des
plan d’action visant l’harmonisation structurelle des
standards sur les curriculums. C’est donc d’abord
systèmes cantonaux par le biais de standards de for-
une réponse pragmatique et inédite à un paysage
mation. Cherchant une uniformisation des curricu-
éducatif qui n’a pas réussi à harmoniser au niveau
lums cantonaux par l’intermédiaire de la définition de
national les contenus et les objectifs de formation.
performances minimales que tous les élèves devront
L’autre élément fort du concordat est la création de
atteindre, elle passe à un monitorage par les résultats
plans d’études au niveau régional, alignés sur les
et utilise son initiative pour contrer des velléités de
standards. Les performances de l’école obligatoire
transférer à la Confédération la responsabilité des seront régulièrement évaluées dans le cadre d’un
compétences en matière d’éducation (Behrens, monitorage national du système éducatif. La vérifica-
2008). tion de l’atteinte des standards nationaux de forma-
En effet, quelques années plus tard, le Parlement tion par des tests fera partie intégrante de la récolte
fédéral, également appelé à se prononcer sur la situa- des données à des fins de monitorage (CDIP, 2007,
tion de la formation en Suisse, soumet au vote deux articles 7, 8 et 10 du concordat HarmoS).
articles constitutionnels sur ce sujet. Le 21 mai 2006, Les modèles de compétences sont élaborés par
ils sont acceptés par le peuple suisse, à une majorité des consortiums de recherche spécialement créés
très nette de 86 % des votants, de même que par à cet effet. Ils s’inspirent du cadre européen commun
tous les cantons, ce qui initiera un bouleversement de référence pour les langues (Division des politiques
profond du système suisse de la formation. Désor- linguistiques, 2000) et l’appliquent de façon analogue
mais les autorités publiques responsables de la pour la langue 1, les mathématiques, la langue 2 et
formation sont tenues par la Constitution fédérale de les sciences naturelles. Le mandat initial met claire-
réglementer de manière uniforme certains paramètres ment en avant la dimension de la mesure (Behrens,
fondamentaux du système éducatif. Si les cantons ne 2008), bien que celle-ci soit destinée à s’effacer par-
devaient pas parvenir à trouver une solution commune tiellement en faveur de l’harmonisation curriculaire
pour la scolarité obligatoire, la Confédération leur en qui est privilégiée dans une deuxième phase
imposerait une. Mise sous pression pendant les (Behrens, 2010). De ce fait, les modèles de compé-
débats parlementaires préparatoires, la CDIP se tences ne sont pas clairement construits dans une
devait donc de présenter un projet capable de modi- visée didactique ou psychopédagogique. Ils sont
fier les structures cantonales, faute de quoi elle davantage une fixation normative de quelques balises

Les transformations de l’organisation scolaire : retour vers la qualité de l’enseignement    79

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curriculaires permettant d’harmoniser les contenus tifs d’évaluation des établissements scolaires et
ou les objectifs d’enseignement dans les plans déterminent le degré d’autonomie qu’ils entendent
d’études à développer. leur accorder. La région est responsable de l’harmo-
nisation des plans d’études et de la coordination
De même, le projet scientifique d’élaboration des
des moyens d’enseignement. En plus, les cantons
standards HarmoS n’a pas fourni un cadre suffisant
francophones de la Suisse romande choisissent
pour valider empiriquement les modèles de compé-
d’introduire des épreuves de référence pour tous les
tences. Si les équipes de recherche ont pu détailler
élèves. Cette initiative est l’aboutissement d’une
chaque discipline en sous-domaines et déterminer des
longue réflexion sur l’évaluation scolaire (Behrens,
aspects cognitifs, elles n’ont pas réussi à se mettre
2010) et elle est reprise dans le cadre des mesures
d’accord sur une approche cognitivo-didactique
accompagnant l’introduction du plan d’études
commune. De ce fait, il leur a été difficile de choisir
romand et intégré dans la convention scolaire
des tâches dont la réussite permettrait d’inférer la
romande, texte de loi intercantonal dans lequel les
maîtrise d’une compétence contenue dans le modèle.
cantons romands précisent l’application qu’ils
En particulier en langue 1, certaines parties du
entendent faire du concordat HarmoS, tout en le
modèle restent à réviser. Le test national dit de vali-
complétant par quelques mesures supplémentaires.
dation, portant sur 12 000 élèves de deux âges diffé-
Contrairement aux tests de vérification des stan-
rents, n’a permis que de sélectionner les items satis-
dards, les épreuves romandes prennent le plan
faisants d’un point de vue psychométrique et de les
d’études comme référentiel. L’objectif est de vérifier
hiérarchiser sur une courbe de difficulté progressive.
que chaque élève atteigne bien les objectifs prévus.
Le nombre d’items étant partiellement insuffisants,
notamment pour obtenir une invariance linguistique En parallèle, la Confédération et la CDIP mettent en
due au caractère multilingue du pays, ni le lien entre place un dispositif de monitorage tel que demandé
items et compétences, ni la fixation de niveaux de par le nouvel article constitutionnel. Le pivot central
performance n’ont pu être solidement établis. Ces est une compilation de données statistiques, admi-
faiblesses seront à prendre en compte lors de la nistratives et de recherche, organisées selon les
première vérification des standards prévue pour 2014. cycles d’enseignement et qu’elles traitent sous
Pour le moment, la manière dont les cantons enten- l’angle de l’efficacité, de l’efficience et de l’équité. Le
dent procéder n’est pas encore claire. Étant donné le rapport sur l’éducation contiendra les données rela-
coût d’une telle opération, les cantons hésitent à tives à la vérification des standards. Il est renouvelé
créer une institution chargée de ce travail. Différentes tous les 4 ans. Jusqu’à ce jour, deux rapports ont
options sont étudiées. Il est prévu d’effectuer la véri- paru, en 2006 (dans une version pilote) et en 2010
fication des standards à l’aide de différents échan- (Centre suisse de coordination pour la recherche
tillons, ce qui permettra de comparer les perfor- en éducation, 2010).
mances des cantons. Par ailleurs, la CDIP a l’intention
de faire remplacer les échantillons complémentaires
de PISA de chaque canton par les épreuves basées
sur les standards. En prenant l’option de travailler par Fonctionnalités, caractéristiques
échantillon, la CDIP limite l’utilisation qui peut être et usages des dispositifs
faite des standards à l’évaluation du système, ce qui
lui permet de déclarer que les standards ne seront
L’exemple des trois pays germanophones présen-
pas utilisés ni pour l’évaluation des établissements, ni
tés est intéressant puisqu’on assiste à trois tentatives
pour celle des enseignants. En outre, bien que les
de création d’un référentiel central critérié, permet-
standards doivent être formulés de façon claire et
tant d’ancrer les performances et de les comparer.
accessible, ils ne sont pas directement destinés aux
Les standards sont donc l’élément central dans un
enseignants et à leur travail en classe.
dispositif piloté par les résultats. Les expériences
Il est également important de mentionner que le faites aux États-Unis avec les premières générations
concordat HarmoS redéfinit les principes de subsi- de standards, en particulier l’écart entre standards,
diarité entre le niveau national, les régions et les curriculums et tests (Resnick & Zurawsky, 2005), ont
cantons. Ainsi il impose une architecture scolaire été intégrées, et on se trouve ici devant une tentative
dans laquelle différents éléments de monitorage de construire un système cohérent globalement. On
scolaire doivent être alignés sur les standards : les observe en effet, du moins au niveau du discours
cantons gèrent de façon indépendante les disposi- ministériel, l’exigence que les standards soient ali-

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gnés avec le curriculum et même dans certains cas –– gardent un lien étroit avec les disciplines d’ensei-
avec les moyens d’enseignement et d’autres disposi- gnement et tiennent compte des principes qui les
tifs d’évaluation individuelle. La genèse des stan- régissent ;
dards dans les trois pays suit deux modèles : ils sont –– soient applicables, c’est-à-dire s’appuient sur
développés à partir d’un curriculum existant (comme des ressources disponibles jugées réalistes et
en Autriche) ou bien ils se situent en dehors de ceux suffisantes.
des Länder ou des cantons (comme en Allemagne et D’après Klieme, les standards ne définissent qu’une
en Suisse) et précèdent des ajustements curriculaires partie d’un domaine d’étude et peuvent être considé-
ou un nouveau curriculum à créer. Les standards se rés comme un noyau de celui-ci. Les standards ren-
déclinent en compétences, soit pour des raisons de voient à des compétences qui s’acquièrent par un
mesure, soit parce qu’il y a une ambition de réformer processus d’apprentissage cumulatif. La formulation
l’enseignement vers une pédagogie par compé- des standards doit être claire, concise et compréhen-
tences. Dans les deux cas, ils fixent des seuils ou sible pour tous les acteurs concernés. Non seulement
niveaux de performance pour un nombre limité de ils fixent un seuil, mais ils établissent également des
compétences par discipline : soit un seuil inférieur distinctions entre différents niveaux de compétences
que tous les élèves doivent atteindre (standards mini- sur un même continuum d’apprentissage.
maux ou de base) et qui a l’avantage d’être potentiel-
Le rôle que remplissent les standards à l’intérieur
lement une cible à atteindre (Baslé, 2008, p. 94), soit
de chaque système varie cependant d’un pays à
un seuil moyen (standards réguliers), soit un niveau
l’autre. Dans les documents officiels, les trois pays
d’excellence (standards maximaux). Ils deviennent
utilisent l’argument des faibles résultats à l’enquête
ainsi prescription mesurable pour tous les acteurs du
PISA pour justifier le passage vers un monitorage du
système. système par les résultats. L’enjeu est de pouvoir
Les trois pays s’inspirent à un moment ou un autre évaluer le système dans son ensemble, ce qui accen-
de l’expertise Klieme, Avenarius, Blum et alii (2004) et tue la fonctionnalité évaluative des standards. Cepen-
en suivent, à des degrés divers, les recommanda- dant les pays hésitent à se fixer des cibles claires
tions. Celle-ci apporte d’abord une clarification (Baslé, 2008, p. 49), même si les standards basés sur
conceptuelle en distinguant les standards de contenu des modèles de compétences empiriquement vali-
(content standards), proches des programmes ; les dés, tels que recommandés par Klieme, Avenarius,
standards de performance (performance standards), Blum et alii (2004), devraient le permettre. Surtout
qui précisent le niveau de performance de l’élève ; et dans les deux pays avec un fort pouvoir décentralisé,
les standards définissant le cadre nécessaire pour l’utilisation qui est faite des résultats est un objet de
négociation essentiellement en phase de construc-
que les apprentissages puissent avoir lieu (opportu-
tion des dispositifs d’évaluation. Comme c’était le
nity to learn standards). Dans les trois pays, les types
cas en Suisse romande, cette utilisation tient compte
de standards retenus sont les standards de perfor-
de l’équilibre des pouvoirs en place, des débats
mance. Ensuite, cette expertise demande que les
sociétaux, de la tradition évaluative, des structures
standards soient inférés de modèles de compétences
existantes, tout en cherchant à donner suite aux
construits selon des principes didactiques et scienti- injonctions faites au niveau national. Il s’en suivra une
fiquement validés. Cette exigence traduit bien la pré- multitude de dispositifs et des usages très variés des
occupation d’obtenir des standards à la fois valides résultats. Une enquête interne faite auprès des sept
pour l’analyse de la performance des systèmes sco- ministères d’éducation des cantons romands sur
laires et significatifs pour les pratiques en classe. l’utilisation des résultats tirés des épreuves
Autrement dit, Klieme tient compte des critiques for- communes mentionnées plus haut montre une
mulées outre-Atlantique à l’égard des standards, certaine propension à vouloir utiliser à des fins d’ac-
en particulier de la part de ceux qui regrettent le countability administrative des résultats initialement
manque d’alignement entre standards, curriculum, destinés aux enseignants pour faciliter le travail avec
moyen d’enseignement et tests (Resnick & Zurawsky, leurs élèves en classe. Ainsi les résultats prennent
2005 ; Elmore, 2002 ; Müller & Silver, 2005). comme fonction de rassurer l’administration scolaire
En résumé, Klieme, Avenarius, Blum et alii (2004, (Maroy, 2011). Pourtant, si l’on tient compte à la fois
p. 22) demandent que les standards : de l’instabilité des résultats d’une année à l’autre et
–– reflètent aussi clairement que possible les objec- du rythme très lent auquel s’opèrent les changements
tifs fixés et les compétences exigées ; dans un système, on peut s’interroger quant à la

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pertinence de destiner les résultats en premier lieu HarmoS impose la primauté des standards sur les
aux administrations scolaires. Par ailleurs, si ces plans d’études, il faudrait vérifier la compatibilité des
dernières sont les destinataires des informations standards avec le plan d’études romand et, le cas
générées, il se pourrait que les résultats ne présen- échéant, l’adopter. En revanche, les 18 cantons
tent pas ou guère de plus-value pour les enseignants alémaniques ou bilingues, sans expérience notable
et soient perçus comme un dispositif se rajoutant à de coordination curriculaire, se trouvent au début
ceux existants pour contrôler leur travail. Dès lors, d’un processus délicat, rendu plus difficile encore par
leur acceptation par les enseignants sera bien plus la reprise politique très polémique du sujet.
difficile. En Allemagne, la refonte curriculaire existe également
mais elle est plus indirecte et moins forte. D’après
Toutefois, les administrations scolaires semblent
Oelkers et Reusser (2008, p. 440), les standards sont
devenir conscientes d’un risque de surévaluation, pour
considérés comme une précision, voire une concréti-
des raisons de coût et de temps pris sur le temps d’en-
sation des plans d’études. Selon une enquête de la
seignement. L’Allemagne comme la Suisse ont déjà
KMK, la plupart des Bundesländer réajustent leurs
remplacé les échantillons complémentaires de l’en-
plans d’études afin de pouvoir tenir compte des stan-
quête PISA par Land ou canton par des tests de vérifi-
dards nationaux (Oelkers & Reusser, 2008, p. 453).
cation des standards jugés plus précis et plus perti-
nents, ou prévoient de le faire. L’enquête PISA serait En Allemagne et en Autriche, les standards sont
donc réduite au strict minimum et des items d’ancrage simultanément appelés à être utilisés pour réformer
tirés des standards nationaux développés afin de pou- l’école obligatoire, ce qui constitue une troisième
voir assurer une comparaison internationale. fonction que j’appellerai formative. Dans ce cas, les
standards sont utilisés pour introduire une pédagogie
Un autre point commun réside dans la vérification
des compétences dont la base théorique est la défini-
des standards par les trois pays, dans une logique
tion de Weinert (2001, p. 27 sqq.). Cette définition est
plus large de monitorage du système qu’ils conçoi-
très large puisqu’une compétence est comprise
vent comme un processus systématique et cyclique
comme « les capacités et aptitudes cognitives dont
de suivi des résultats du système. Élément central de
l’individu dispose ou qu’il peut acquérir pour résoudre
ce processus, un rapport pluriannuel sous forme de
des problèmes précis, ainsi que les dispositions moti-
compilation de résultats statistiques, administratifs et
vationnelles, volitives et sociales qui s’y rattachent
de recherche comprendra des mesures de perfor-
pour utiliser avec succès et responsabilité les résolu-
mance et intégrera les vérifications des standards
tions de problèmes dans des situations variables ».
à venir. De ce fait, on assiste en Suisse à l’émergence
La compétence décrit donc le potentiel de l’individu
d’un nouveau niveau décisionnel qui se situe au
à faire quelque chose. Elle s’oppose à la perfor-
niveau national, sans pour autant relever des compé-
mance. Son évaluation nécessiterait des « disposi-
tences de la Confédération. En Allemagne semble
tions devant être mobilisées contextuellement dans
également s’opérer un renforcement du pouvoir cen-
des tâches qui […] doivent être imprévisibles, ce qui
tral de la KMK.
limite la part de l’apprentissage par cœur et de la
En Suisse, et dans une moindre mesure en mémorisation de solutions décontextualisées »
Allemagne, apparaît une deuxième fonction des stan- (Elmiger, 2007, p. 37). Autrement dit, les résultats
dards, celle d’harmonisation curriculaire. Le projet d’apprentissage issus de telles situations (par nature
HarmoS suisse, en fixant les attentes de performance ouvertes) sont difficiles à tester. Cardinet, grand spé-
s’appuyant sur un modèle de compétences, a réussi cialiste de la mesure, avait déjà pointé les limites de
à fixer un cadre technique servant de base au déve- cette ambition. Se référant à la pédagogie par objec-
loppement du plan d’études régional alémanique, tifs, précurseur des standards, il estime que « trouver
tout en évitant d’ouvrir un débat politique épineux une façon de définir des objectifs pédagogiques [ou
pour trouver un consensus sur les finalités et les standards, pour changer la lecture] qui soient à la fois
contenus de l’école obligatoire. La Suisse romande généraux et mesurables paraît […] la quadrature du
qui ne regroupe que 7 cantons est également concer- cercle : ou bien on contrôle de façon précise, mais les
née par cette volonté d’harmonisation à travers les objectifs [ou standards] sont multiples et arbitraires,
standards. Cependant il y existe une longue tradition ou bien on se contente de finalités [ou standards]
de coordination en matière de plan d’études. Des tra- générales, mais non opérationnalisées » (Cardinet,
vaux pour un nouveau plan d’études ont été engagés 1988, p. 158). Autrement dit, « la signification réelle
en 1990, bien avant le lancement du projet HarmoS, de la performance observée peut être très différente
pour aboutir 20 ans plus tard. Comme le concordat de ce que l’enseignant souhaiterait contrôler… Inver-

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sement, un échec ne révèle pas nécessairement l’ab- sité de Landau. Il est repris dans la plupart des
sence de la compétence contrôlée » (Cardinet, 1988, Bundesländer. On observe également de nombreux
p. 160). À mon avis, la situation n’a pas changé. Cette tests et évaluations qui utilisent plutôt le curriculum
difficulté a pu être observée dans l’élaboration des comme référentiel. Dans les exemples allemands, les
modèles de compétences du projet HarmoS. En effet informations produites sont utilisées pour comparer
les items retenus ne sont pas validés par rapport aux des classes afin de permettre aux établissements de
compétences du modèle et peinent à présenter des rendre compte de leurs activités. En Suisse, les tests
situations complexes de résolution de problèmes nationaux sur la base d’échantillons d’élèves servent
(Behrens, 2010). On peut se demander si l’effet de uniquement à l’évaluation du système. Au niveau des
réduction curriculaire observé ailleurs (Müller & Silver, cantons, la situation est extrêmement variée, certains
2005) ne réduit pas à néant les ambitions d’un modèle cantons connaissant des épreuves standardisées.
à la fois capable de mesurer et pertinent pour une Dans les cantons alémaniques, des dispositifs d’éva-
réforme vers une pédagogie par compétences. luation offerts par des entreprises privées sont surtout
utilisés pour faciliter la transition à la fin de la scolarité
Ces différentes fonctionnalités se superposent donc obligatoire (Vermot, Behrens & Marc, 2011). Pour le
et peuvent même se modifier en cours d’élaboration moment la Suisse n’a pas de véritable institution res-
des standards. Elles ont une influence sur la manière ponsable des tests, mais des réflexions sont en cours
de concevoir les modèles de compétences et d’en pour capitaliser le développement d’items en utilisant
inférer les standards (Behrens, 2010). En Suisse, par les forces en place dans les cantons. En Suisse
exemple, les mandats donnés aux consortiums char- romande, le tableau est similaire. La CIIP (Conférence
gés d’élaborer les modèles de compétences étaient intercantonale d’instruction publique) envisage des
d’abord formulés dans une finalité évaluative. Face à épreuves romandes communes. Ces dernières sont
l’obligation de soumettre les propositions de stan- également comprises comme un outil d’assurance
dards à une large consultation, les responsables ont qualité puisqu’elles ont pour but de vérifier l’atteinte
préféré privilégier la fonction curriculaire. Ainsi les des objectifs du plan d’études romand. Comme la
standards finalement retenus se sont éloignés des pro- majorité des cantons disposent d’ores et déjà d’éva-
positions faites initialement par les consortiums et luations dont les fonctions varient fortement (Institut
seront plus difficiles à vérifier à l’avenir. de recherche et de documentation pédagogique,
Dans les trois pays, la vérification que les standards 2010), chaque canton les conçoit différemment selon
sont bien atteints sera effectuée en testant les élèves, son histoire. Il est intéressant de relever que le cadre
mais les standards ne seront pas utilisés pour les certi- législatif ne se prononce pas de façon univoque sur ce
fier. Néanmoins l’utilisation des standards pour piloter qui pourra être fait des résultats. Il est donc difficile
des réformes de l’enseignement en Allemagne et d’anticiper clairement les fonctions, la forme et les
en Autriche veut toutefois que les résultats soient modalités de passation des épreuves à venir : à qui
communiqués aux élèves, aux enseignants et aux éta- sont-elles destinées ? Veut-on les utiliser pour la certi-
blissements afin de les informer de leur positionne- fication des élèves en fin de scolarité obligatoire ?
ment par rapport à une moyenne nationale et dans Doivent-elles permettre d’orienter la future carrière de
l’espoir de pouvoir ainsi initier des processus de remé- l’élève, en particulier dans la transition vers la forma-
diation. Mais, étant donné que les enseignants dans tion professionnelle ? À quel moment faut-il adminis-
les trois pays ne sont pas habitués à des évaluations trer les épreuves ? S’agit-il d’un dispositif de régula-
externes standardisées, le sujet est très sensible. tion des apprentissages ? Qu’en est-il de l’évaluation
En Autriche, les résultats des tests de vérification des des enseignants et des établissements ?
standards auront donc une « fonction miroir » pour
reprendre le concept de Thélot (2002). En Suisse, une
comparaison entre établissements avec palmarès
public n’est pas à l’ordre du jour non plus. Apports des contributions anglophones
En Allemagne, la situation n’est pas encore stabilisée
(Oelkers & Reusser, 2008). Dans le rapport allemand Il apparaît donc dans la situation des pays germa-
de 2003, tous les Bundesländer confirment leur inten- nophones que les standards n’amènent pas une uni-
tion de développer des dispositifs d’évaluation formisation des structures scolaires mais fixent un
externe. L’IQB dirige l’élaboration de tests comparatifs cadre dans lequel seront construits les dispositifs en
basés sur les standards en utilisant un test appelé fonction de la structure politique, de l’histoire et de la
VERA (Vergleichsarbeiten) et développé par l’Univer- culture évaluative locale. Néanmoins, selon la fonc-

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tionnalité dominante, les questions relatives aux stan- stratégies de réussite des établissements (Felouzis
dards peuvent différer. Les expériences en Suisse & Perroton, 2007). En analysant les recherches étu-
romande sembleraient indiquer que la demande de diant les effets de la formation des enseignants sur la
résultats serait justifiée par le besoin de rassurer les performance des élèves, Timperley (dans ce numéro)
administrations quant au bon fonctionnement de montre que certaines modalités donneraient de
leurs classes. Dès lors, on peut se demander si l’éva- meilleurs résultats. Il s’agirait de perfectionnement
luation se réalise au détriment de la fonction forma- sous forme de recherches ou d’enquêtes collabora-
tive. Ainsi Stobart, dans ce numéro, se demande-t-il tives portant sur les pratiques des enseignants.
à quelle fin est utilisée l’évaluation dans sa fonction- Huberman (1986, 1995) place les enseignants dans
nalité formative. Il propose deux possibilités, celle de une posture de chercheur qui, soutenu par des
l’élève et celle de l’enseignant. Si l’attention est por- experts externes, interroge sa pratique et propose
tée sur les enseignants qui, rendus responsables des des remédiations. C’est ce type de dispositif qui est
résultats obtenus par leurs élèves, deviennent l’objet présenté et discuté par Annan et Robinson ici, dans
des mesures politiques, on risque d’oublier la pers- des contextes fort différents.
pective de l’élève, les processus d’acquisition qu’il
L’exemple néo-zélandais, mais aussi les travaux
met en route, son autonomie, y compris également
new-yorkais présentés dans ce numéro (respective-
l’appropriation de compétences métacognitives lui
ment par Annan et Robinson), montrent d’abord à quel
permettant de développer ses propres stratégies
point il est difficile pour les enseignants d’interpréter
d’apprentissage, sa motivation, etc.
les résultats d’évaluation afin d’en tirer des conclu-
Cette analyse rejoint le discours d’Elmore (2002), sions pour ajuster leurs pratiques, surtout avec les
qui dit que la structure organisationnelle et la culture élèves faibles. Ce constat n’est pas étonnant car des
des établissements aux États-Unis ne favorisent pas difficultés similaires ont pu être observées dans l’inter-
les apprentissages mais préparent à la passation de prétation des résultats de PISA et dans l’utilisation des
tests. Si l’on veut modifier cette situation, il faut agir résultats d’évaluations standardisées (Dierendonck,
sur les enseignants et les amener à modifier leurs 2008) et il est à craindre que les résultats provenant
pratiques. Le constat d’une formation professionnelle des vérifications des standards se heurtent aux mêmes
insuffisante des enseignants pourrait expliquer les difficultés. Les raisons peuvent être multiples. Une
efforts vers le développement d’une nouvelle culture première difficulté réside dans le fait que les items des
évaluative intégrée dans les pratiques d’enseigne- tests ne sont pas toujours bien alignés sur les stan-
ment. D’après Tochon (2006), il existerait aux États- dards, que les standards se veulent détachés des cur-
Unis une tendance croissante à engager des ensei- riculums, ou encore que les standards formulés
gnants autodidactes ou des enseignants spécialistes en termes de compétences ne correspondent pas à la
de leur discipline sans formation pédagogique. Cette préoccupation de l’enseignant. Mais lorsque l’évalua-
conception serait également le fruit de tentatives de tion est alignée avec le curriculum, il est possible d’ob-
dérégulation du système scolaire et s’accentuerait en server des formes d’interprétation variées.
période de pénurie d’enseignants. L’observation de Gilliéron Giroud et Pulzer-Graf (2009),
que nous avons évoquée en début d’article, est confir-
Ce constat d’une nécessité accrue de formation
mée par les résultats de Nabors Oláh, qui observe
des enseignants apparaît comme un fil rouge à tra-
également (dans ce numéro) une tendance à la réinter-
vers les contributions faites dans ce numéro. Une exi-
prétation des résultats d’évaluation en fonction des
gence banale de prime abord, mais bien délicate,
jugements préexistants des enseignants. C’est seule-
surtout lorsqu’on la pense en termes de réussite des
ment dans certains cas que les enseignants s’engage-
élèves faibles scolairement. À cet égard, il faut rappe-
raient à raisonner réellement en termes de remédiation
ler l’influence importante de facteurs contextuels et
vis-à-vis des difficultés constatées et il faut s’interro-
socioculturels dans l’explication des résultats de per-
ger sur les conditions qui doivent être remplies pour
formance des élèves. Les contributions de ce numéro
initier un tel travail.
n’abordent pas cette question et partent toutes du
présupposé qu’il est possible d’améliorer la perfor- Il n’est pas étonnant de constater que les trois
mance des établissements et des classes sans tenir études de cas font état de recours à des experts
compte de leur influence, attitude qui a été critiquée en éducation qui interviendraient dans les établisse-
dans le débat school effectiveness versus school ments pour aider les enseignants dans l’interprétation
improvement (Thrupp, 2001) ou dans l’analyse de l’in- des résultats d’évaluation sous forme de tests stan-
fluence des contraintes du marché scolaire sur les dardisés, pour assurer l’accès à des ressources sup-

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plémentaires et pour apporter un accompagnement difficile. Néanmoins l’idée centrale de pouvoir maîtri-
ad hoc. Ces interventions sont conçues dans le cas ser à des fins de monitorage ce mécanisme compli-
néo-zélandais comme des mesures de formation qué reste très attrayante et l’orientation graduelle des
continue et peuvent prendre des formes très diffé- systèmes vers un monitorage par les résultats se
rentes. Annan (dans ce numéro) rapporte la mise en poursuivra.
réseau des établissements par des enquêtes collabo-
Les trois exemples germanophones montrent
ratives. Ainsi on trouve des enseignants, des chefs
qu’une même base théorique (cf. Klieme, Avenarius,
d’établissement, des représentants du ministère et
Blum et al., 2004) se trouve à l’origine de trois dispo-
des prestataires professionnels dans un groupe qui
sitifs, qui diffèrent cependant en fonction des
analyse les performances d’un établissement. On
contextes locaux, des traditions scolaires et des
peut se demander ici quelle dynamique de collabora-
structures politiques existantes. Au niveau concep-
tion se développe entre personnes de niveau hiérar-
tuel, Klieme a pris en considération les expériences
chique très différent. À en croire Robinson (dans ce
anglophones en matière de standards, mais il n’est
numéro), les prestataires professionnels ou les
pas certain que ce cadre théorique se maintienne
experts peuvent provenir d’un marché privé pour l’ac-
pendant l’opérationnalisation définitive des disposi-
compagnement scolaire, auquel cas il s’agit de défi-
tifs. Dans les trois pays germanophones, la transfor-
nir les modalités financières de ces opérations.
mation des systèmes scolaires est en cours. Comme
Toutes ces contributions développent l’idée d’une nous le dit Baslé (2008), c’est une négociation
boucle cybernétique comprenant la mesure, l’inter- constante et délicate entre les différents acteurs dans
prétation des résultats et des actions correctrices. le but de définir les droits et devoirs de chacun. Au
Certains auteurs la rattachent aux processus rétroac- centre de cette architecture, on trouve un référentiel
tif ou proactif d’évaluation formative mais ce qui est de performances sous forme de standards et basé
frappant, c’est que le modèle de référence dans le sur un modèle de compétences. Les programmes et
contexte de la production scolaire est la roue de qua- des dispositifs d’évaluation permettant de vérifier si
lité de Deming (cf. Nabors Oláh, dans ce numéro), un les standards sont atteints sont en train d’être alignés.
modèle cybernétique issu de la gestion des proces- Dans ce processus, le niveau politico-administratif
sus industriels (Behrens, 2007). Dans certains cas, un semble se renforcer pour le moment (Rönnberg,
effort est fait pour tenir compte d’autres informations 2008 ; Mons & Pons, 2006) en imposant des prises
que les résultats de tests : des indicateurs qualitatifs d’information dont la fonction principale est d’assurer
tels que la culture de l’établissement et le leadership, l’accountability administrative à l’intérieur du sys-
par exemple (cf. Robinson, dans ce numéro). tème. On peut se demander si cette tendance, obser-
vée également en Suisse romande, ne risque pas
d’alourdir considérablement l’efficacité du système
scolaire et si elle contribue réellement à la qualité de
Conclusion l’enseignement. Mais ces questions restent ouvertes
pour le moment, même si du côté des enseignants
certaines réserves commencent à se faire sentir.
Le monitorage par les résultats et, par conséquent,
l’obligation de résultats suscitent un engouement L’architecture scolaire émergeant de ces processus
considérable dans le monde politico-administratif peut être analysée en strates fonctionnelles, chacune
responsable de la bonne gestion de l’école, proba- confrontée à ses propres besoins d’informations,
blement parce qu’ils alimentent l’idée de pouvoir enjeux, défis et risques à gérer. Dans son analyse
mieux contrôler son fonctionnement. Ceci malgré le d’un canton suisse alémanique, Bähr (2006) distingue
fait que les résultats de recherche sur des effets de essentiellement un niveau politico-administratif,
tels modes de gestion restent mitigés quant à l’amé- comprenant les décideurs politiques et une adminis-
lioration des performances à long terme (Lind, 2009 ; tration centrale, et un niveau formatif comprenant les
Mons, 2009) et aux gains d’efficacité et d’efficience directions d’établissement et les enseignants dans
que produirait une autonomie accrue des établisse- leurs classes. La forte présence d’acteurs internatio-
ments (Felouzis & Perroton, 2007 ; Mons, 2009). naux, nationaux et régionaux mise en évidence par
En effet les facteurs influençant une amélioration des Lingard et Rawolle (2010) et reproduite dans les États
résultats semblent plus complexes et ne peuvent être fédéraux entre pouvoir central et pouvoirs régionaux
considérés indépendamment d’éléments contextuels plaiderait pour une strate supplémentaire. Elle peut
(Thrupp, 2001), ce qui rend une instrumentalisation interférer dans la prise de décision au niveau politico-

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administratif (il suffit de penser à l’effet des résultats rieur resteraient à définir et permettraient de satisfaire
de l’enquête PISA ou des tests nationaux de vérifica- aux besoins d’accountability de la hiérarchie scolaire.
tion des standards à venir). Ils ne devraient pas se limiter aux mauvaises perfor-
mances des élèves mais inclure d’autres informa-
Bähr (2006, p. 131), s’inspirant de la théorie des
tions. De même, l’établissement scolaire jouirait plus
systèmes sociaux de Luhmann (1984), estime que les
fortement encore de son autonomie et pourrait,
acteurs de chaque niveau ont besoin d’informations
en fonction des problèmes rencontrés, solliciter des
pour exercer leur fonction. Ainsi les représentants
appuis externes. Si cette piste devait être suivie, de
politiques raisonneraient en fonction des enjeux de
nombreux travaux restent à faire. Il serait particulière-
pouvoir, du choix des programmes et des personnes
ment important d’analyser les flux d’information entre
et de l’accountability, alors que les acteurs adminis-
tratifs sont surtout concernés par des questions d’ef- les composants du système en fonction de leurs inté-
ficience et de réglementation. Au niveau formatif, les rêts et de questionner le ratio entre l’efficacité dans
demandes sont différentes à cause des fonctions l’acquisition et la plus-value que représente cette
professionnelles exercées. Les responsables d’éta- donnée par rapport à d’autres, en tenant compte de
blissement sont concernés par le respect du cadre la nature des processus en jeu.
réglementaire, le traitement équitable des utilisateurs Dans cette perspective, les contributions anglo-
du système et le leadership par rapport à l’équipe phones montrent une ouverture possible. À l’opposé
pédagogique. Les enseignants, enfin, sont concernés des préoccupations structurelles observées dans les
par des données leur permettant de répondre aux exemples germanophones, elles reviennent à la ques-
questions pédagogiques et/ou didactiques, en rap- tion de la formation. En effet une première génération
port avec les disciplines de référence. Autrement dit, de standards n’a pas permis d’obtenir de meilleurs
ces acteurs ont des préoccupations et des visions de résultats scolaires (Robinson, dans ce numéro, citant
qualité divergentes. Par conséquent, leurs besoins Fuhrman & Elmore, 2004), en particulier avec des
d’information en termes de fréquence et de contenu élèves en difficulté. De façon unanime, la lecture, la
varient également. Cependant il n’est pas certain compréhension et l’interprétation des résultats prove-
qu’ils ne puissent être satisfaits par une même prise nant de tests de vérification de standards ne sont pas
d’information. chose simple, au point que les équipes enseignantes
Du point de vue de la recherche, un travail impor- ont dû être accompagnées par des spécialistes de
tant reste à faire pour comprendre la perception l’évaluation. Autrement dit, le passage à un monito-
qu’ont les acteurs de leur système et des facteurs qui rage du système par les résultats ne sera possible
permettent d’optimiser son efficacité. Resnick que si les responsables politico-administratifs pren-
et Besterfield-Sacre (2007) présentent des pistes de nent conscience qu’une réforme ne se décrète pas et
travail intéressantes et proposent un cadre d’analyse qu’il faut un travail minutieux de suivi du terrain. Ainsi
original pour comprendre la gestion de l’efficacité il ne suffit pas non plus de prescrire des standards
d’un système de performance scolaire. Une manière pour les voir intégrés directement ou indirectement
d’y répondre pourrait également être de rappeler que dans les pratiques. Il faut impérativement tenir
la classe est un espace protégé dans lequel les ensei- compte du contexte, mettre à disposition des res-
gnants agissent, à l’instar des médecins, en vertu de sources et rendre possibles des dispositifs de suivi
leurs compétences et de leur statut professionnel. qui, comme nous l’ont montré Huberman (1986, 1995)
Les informations relatives à la régulation des appren- et Timperley (dans ce numéro), donnent les meilleurs
tissages resteraient confinées à cet espace et ne résultats s’ils se construisent sur la trame de
remontreraient que sous certaines conditions vers la recherches collaboratives.
direction de l’établissement, mais non pas vers le
Matthis Behrens
niveau politico-administratif. Des procédures, la
Matthis.Behrens@irdp.ch
nature des données et les flux vers le niveau supé-
Institut de recherche et de documentation
pédagogique, Suisse

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Varia

Conditions d’emploi des auxiliaires


de vie scolaire et qualité
de l’accompagnement
des élèves handicapés
Brigitte Belmont, Éric Plaisance et Aliette Vérillon

Les auxiliaires de vie scolaire sont chargés de l’accompagnement d’élèves handicapés en milieu scolaire
ordinaire. Leur mission s’inscrit ainsi dans les processus de division du travail éducatif au sein de l’école et leur
nombre en augmentation constante atteste de la reconnaissance par les pouvoirs publics du bien-fondé de
cette fonction. Cependant le statut attribué à ces emplois (précarité, faible rémunération, formation courte)
conduit à s’interroger sur la possibilité d’assurer, dans ces conditions, des services de qualité et soulève la
question de la professionnalisation de ces personnels. La recherche présentée dans cet article a pour objet
d’étudier les relations, perçues par les auxiliaires de vie scolaire eux-mêmes, entre leurs conditions d’emploi et
l’exercice concret de leur fonction dans les établissements où ils sont nommés. Des entretiens individuels ont
été réalisés auprès de 34 auxiliaires de vie scolaire en poste dans le département de Seine-Saint-Denis, en
région parisienne. L’enquête permet de restituer leur expérience propre, leurs représentations des rapports
entre leur emploi et les activités qu’ils mènent, entre leur statut et leurs engagements sur le terrain. L’analyse
montre que le statut qui leur est réservé ne leur semble pas être à la hauteur de la fonction attendue, qui
implique un fort engagement personnel et sollicite des compétences diverses. La formation reçue est aussi très
critiquée au regard de ce qu’ils en attendent. Sont également présentés les apports et les difficultés de
collaboration avec les partenaires, notamment les enseignants et les professionnels spécialisés.

Descripteurs (TESE) : éducation des jeunes à besoins éducatifs particuliers, handicap, enseignant spécialiste, approche
inclusive, relations interpersonnelles, coopération.

INTRODUCTION extérieures au milieu ordinaire. De fait, la demande, en


particulier celle émanant des parents, de scolarisation
La scolarisation des élèves en situation de handicap et de formation la plus proche possible des lieux ordi-
à l’école ordinaire est une orientation majeure de la loi naires est un phénomène qui s’est développé forte-
de 2005 sur les personnes handicapées1, bien que le ment au cours des années quatre-vingt-dix, puis des
projet personnalisé de scolarisation de certains de ces années deux mille, au nom de la revendication des
élèves puisse permettre des modalités de formation droits pour tous. Parallèlement, des moyens d’aide ont

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été réclamés pour permettre aux établissements et à individualisé des élèves en situation de handicap
leurs personnels d’assumer cette nouvelle responsabi- dans des classes ordinaires (ce sont les AVSi, mais
lité d’accueil. La création des auxiliaires de vie scolaire c’est aussi le cas des EVS), soit par une aide au fonc-
(AVS par la suite) a été une des réponses, en termes tionnement de dispositifs collectifs, dirigés par des
de ressources humaines, apportées à cette demande. enseignants spécialisés et accueillant des élèves en
Leur mission est essentiellement d’assurer un accom- situation de handicap (ce sont les AVSco). De tels
pagnement de ces élèves dans les actes de la vie quo- dispositifs collectifs sont actuellement les classes
tidienne et de faciliter leur autonomie dans les situa- pour l’inclusion scolaire (CLIS) dans l’enseignement
tions d’apprentissage2. du premier degré et les unités localisées pour l’inclu-
sion scolaire (ULIS) dans l’enseignement du second
Le nombre de ces emplois créés, en augmentation degré. En réalité, au moment de l’enquête, les pre-
constante3, atteste de la reconnaissance par les pou- miers dispositifs s’appelaient classes d’intégration
voirs publics du bien-fondé de cette fonction qui scolaire (CLIS) et les seconds unités pédagogiques
s’appuie sur un certain consensus sociopolitique, au d’intégration (UPI).
moins sur le plan du principe de l’accompagnement
scolaire. Ainsi la Commission nationale consultative Pour contribuer à éclairer le débat social sur les
des droits de l’Homme (2008, p. 7) énonce : « Les AVS (leur création, leur développement, les enjeux
AVS sont une condition nécessaire pour atteindre les actuels d’un éventuel métier), nous nous sommes
objectifs de la loi du 11 février 2005 ». En réalité, ces intéressés au point de vue des personnes les plus
emplois ont été créés dès la fin des années quatre- directement concernées par cette question, c’est-à-
vingt à l’initiative de parents et de militants associa- dire les AVS eux-mêmes. Cette approche conduit
tifs, mais ils se sont inscrits très tôt dans le cadre des en premier lieu à s’interroger sur le cadre dans lequel
politiques publiques en faveur de l’emploi des cette fonction a été envisagée par l’institution sco-
jeunes : en 1997, c’est la possibilité de recrutement laire et sur les conditions de travail qui ont été propo-
par le moyen des « emplois jeunes » ; puis en 2003, la sées pour l’accomplir.
prise en charge complète (financement, recrutement,
formation) par l’Éducation nationale de ceux qui sont
alors appelés « assistants d’éducation » et dont une
partie d’entre eux a eu la tâche d’accompagner des
La fonction d’ACCOMPAGNEMENT dES AVS
élèves en situation de handicap ; enfin, depuis
et LA DIVISION DU TRAVAIL ÉDUCATIF
octobre 2009, le recours partiel à des associations ou
même à des services à domicile pour assumer la res-
ponsabilité de certains AVS qui arrivent en fin de La problématique de la division du travail éducatif
contrat, ceci afin de permettre la continuité de l’ac- est à la croisée de la sociologie de l’éducation et de
compagnement scolaire des enfants handicapés. la sociologie du travail. Elle est particulièrement justi-
Certaines associations y voient le signe d’un nouveau fiée dès lors que l’on observe les transformations des
désengagement de l’État, malgré les intentions affi- activités pédagogiques dans le cadre de l’école pri-
chées d’assurer la nécessaire pérennité des accom- maire depuis le milieu des années soixante, dans la
pagnements scolaires des enfants concernés. De tels mesure où la diversification des tâches et la multipli-
va-et-vient sont le signe des ambiguïtés portant sur le cation des personnels spécialisés se sont dévelop-
statut, la formation et la rémunération des AVS. Ce pées au nom de l’attention spécifique à accorder aux
sont des jeunes recrutés sur des emplois précaires élèves présentant diverses difficultés. En effet, alors
(3 ans renouvelables, d’année en année, jusqu’à que la longue tradition de l’école primaire était la pré-
6 ans), faiblement rétribués et dont la formation obli- sence d’un seul maître généraliste face à sa classe, la
gatoire se limite à 60 heures, dites « d’adaptation à nécessité d’une approche spécifique des élèves per-
l’emploi », au cours de la première année. Ce type de çus comme différents est apparue. Comme le formule
précarité a même été renforcé depuis 2005 par le Philippe Perrenoud (1993, p. 37) qui traite de cette
recrutement, dans des conditions encore plus diffi- situation à Genève, « la division du travail se présente
ciles, des emplois vie scolaire (EVS) relevant d’autres alors comme une réponse possible à la complexité ».
types de contrats (contrats d’avenir ou contrats d’ac- Dans le cas français, il est vrai que des classes spé-
compagnement dans l’emploi) et destinés à des per- cialisées ont été officiellement créées dès la loi
sonnes de niveau CAP ou BEP des filières sanitaires de 1909 sur les écoles autonomes et les classes de
et sociales. On distingue aussi officiellement les AVS perfectionnement, pour des enfants considérés
selon qu’ils exercent leurs fonctions soit par un suivi comme « arriérés ». Mais ces classes ne se sont

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développées qu’à partir de la fin des années cin- dans ses définitions (Stiker, Puig & Huet, 2009). On
quante et surtout dans les années soixante, en n’en- constate toutefois, malgré ces incertitudes notion-
tamant pas fondamentalement l’hégémonie du nelles et même malgré les connotations parfois reli-
modèle du maître généraliste. Les classes de perfec- gieuses (comme « partager le pain »), que l’accompa-
tionnement formaient un monde à part (Hugon, 1984). gnement prend place dans les orientations actuelles
Il en va tout autrement dès lors que se multiplient qui veulent favoriser le « projet de vie » des personnes
dans les années soixante les formations d’instituteurs handicapées et leur autonomie dans des milieux le
spécialisées, qui s’appuient sur des catégorisations plus possible ouverts et non ségrégatifs5. De manière
nouvelles d’enfants dits « inadaptés » et sur la pers- générale, l’engouement pour la notion d’accompa-
pective d’actions différenciées en liaison avec les gnement témoigne de la tendance à la personnalisa-
classes ordinaires, et parfois même au sein de ces tion des aides (en lieu et place des dispositifs exclusi-
classes. L’extension de la spécialisation pour des vement collectifs), voire d’une « individualisation du
maîtres issus du corps des instituteurs (rééducateurs social » (Mazereau, 2005).
et psychologues) a permis des modes d’exercice pro-
fessionnel qui, non seulement se sont séparés de Dans le contexte scolaire, l’accompagnement
l’exercice direct de la classe, mais se sont aussi cal- prend une coloration spécifique, du fait que le profes-
qués sur le modèle de métiers extra-scolaires, essen- seur reste le seul responsable de la classe, voire le
tiellement pratiqués jusqu’alors en milieu médical ou seul « technicien de la pédagogie » (Philip, 2009). De
paramédical. Aujourd’hui, de fortes suppressions de fait, c’est bien une fonction nouvelle qui apparaît
postes de ces personnels, par exemple ceux des attribuée aux AVS (non issus du corps enseignant),
réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté renforçant le phénomène de division du travail éduca-
(RASED), ont été officiellement effectuées, mais elles tif mais nécessitant aussi des cohésions d’actions
semblent l’avoir été beaucoup plus pour des raisons entre les différents intervenants. C’est ainsi que les
d’économies budgétaires que pour renoncer radica- analyses d’Ebersold (2003) soulèvent la question de
lement à la diversification des tâches au sein des la qualité du travail des auxiliaires en fonction de la
écoles, qui peut prendre d’autres formes. cohérence des relations qui s’instaurent entre les
acteurs d’un projet visant à répondre aux besoins
La division du travail éducatif au sein des établisse- d’un enfant. Le travail d’accompagnement accompli
ments scolaires primaires reste bien d’actualité par les AVS nécessiterait alors une « logique d’action
lorsqu’il est question de développer l’accueil des commune » (Ebersold, 2003, p. 19).
élèves handicapés en milieu ordinaire, selon les
orientations de la loi de 20054. La fonction d’auxiliaire Se trouvent donc posés conjointement les ques-
de vie scolaire, qui ne se confond nullement avec tions relatives à la place spécifique des AVS dans le
celle d’un enseignant spécialisé, y apparaît suscitée cadre scolaire et à leurs relations avec les ensei-
par les besoins d’accompagnement de certains gnants, et celles des rapports entre la qualité de leur
enfants reconnus handicapés et dont ne pourrait se emploi et la qualité des services qu’ils rendent. Ces
charger un enseignant seul, tout au moins dans un dernières questions ne sont pas non plus des ques-
certain nombre de cas. Ces cas font d’ailleurs l’objet tions spécifiques aux AVS (et aux EVS), car elles
d’évaluations des besoins d’accompagnement. Cette rejoignent étroitement les interrogations soulevées
fonction apparaît relativement complexe et subtile, et actuellement à propos de l’ensemble des personnels
plusieurs auteurs l’ont déjà analysée. Puig (2005) dis- dédiés aux « services à la personne », plus précisé-
tingue « une dimension affective de réassurance », ment à l’égard des personnes en situation de handi-
« une dimension sociale de médiation » et « une cap ou des personnes âgées. De nombreux auteurs
dimension technique d’assistance ». Pour Laurent- soulignent la grande contradiction entre, d’une part,
Cognet (2005), les AVS peuvent aussi avoir à gérer la demande de prestations authentiquement profes-
des problèmes déontologiques, par exemple sionnelles, attentives aux besoins des personnes et,
lorsqu’ils participent à des réunions où sont abordées d’autre part, la médiocrité du statut accordé aux
des informations relevant du secret professionnel. « aidants » : ce sont des salariés « dans une situation
C’est bien la notion d’« accompagnement » qui est au de grande fragilité économique et sociale » (Devetter,
cœur de la définition de la fonction. Une notion qui Jany-Catrice & Ribault, 2009, p. 5). En d’autres
est loin d’être propre au travail d’AVS puisqu’elle termes, la fonction est unanimement reconnue
concerne aussi de larges secteurs d’intervention comme indispensable mais les conditions de sa réali-
dans le domaine médico-social, tout en restant géné- sation par des personnels précaires restent en deçà
ralement floue dans ses contours d’application et des exigences d’une professionnalisation6. C’est pré-

Conditions d’emploi des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement des élèves handicapés    93

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cisément cette notion de « professionnalisation » qui de professionnalisation et quelle interprétation en
est au cœur des débats et des revendications sur le donnent-ils alors ?
statut des AVS. De manière générale, plusieurs
dimensions de la notion sont repérables, le plus sou-
vent en liaison étroite les unes avec les autres, et
contribuant ainsi à des usages sociaux entremêlés, MÉTHODOLOGIE D’ENQUÊTE
voire souvent équivoques (Bourdoncle, 2000). Mais
dans le cas présent, la professionnalisation concerne
Une recherche préalable a été menée par question-
prioritairement l’activité exercée : il s’agit de passer
naire auprès des AVS et des EVS en fonction en 2006
d’une activité mal reconnue, mal rémunérée, accom-
dans le département de Seine-Saint-Denis. Il s’agis-
plie dans un temps limité, au statut incertain, à une
sait alors d’établir un état des lieux de leurs condi-
activité qui serait socialement organisée et reconnue
tions de travail (Belmont, Plaisance & Vérillon, 2009).
dans un espace social de référence, qui reposerait
Les principaux résultats de cette enquête, établis à
sur « un système de règles octroyant un statut à ceux
partir des 151 questionnaires reçus, ont fait appa-
qui exercent l’activité et indiquant des conditions
raître que :
d’accès, notamment en termes de formation » (Cadet,
2008, p. 340). À propos des « emplois jeunes », –– les AVS recrutés, dans leur grande majorité
Raymond Bourdoncle (2000) s’était déjà interrogé sur (85 %), projettent de s’engager professionnelle-
les éventuels débuts de professionnalisation de leurs ment dans le domaine de l’éducation ou du
activités mais il soulignait les difficultés à les pérenni- social, ce qui laisse penser que le choix de cet
ser sous forme de métier stable, du fait d’une activité emploi répond, le plus souvent, à une motivation
trop morcelée et peu visible. À propos des assis- en lien avec la nature du travail proposé ;
tantes maternelles7, François Aballea (2005) a aussi –– ils reçoivent assez massivement (pour 70 %
montré un processus « inachevé » de professionnali- d’entre eux) une formation d’« adaptation à l’em-
sation, ou « faiblement entamé », et ceci malgré diffé- ploi », mais rarement plus d’une semaine ;
rents textes législatifs et réglementaires : l’assistance –– tous les AVS n’ont pas les mêmes possibilités de
maternelle resterait encore de l’ordre d’« une oppor- profiter d’échanges professionnels pour dévelop-
tunité que l’on saisit à un moment de sa biographie » per leurs compétences. Les AVSi (qui ont pour
(Aballea, 2005, p. 65). Nous faisons l’hypothèse que mission d’assurer un suivi individualisé des
les AVS sont eux-mêmes dans cette situation de pro- élèves en situation de handicap), de même que
fessionnalisation inachevée. les EVS, suivent en général plusieurs enfants
dans plusieurs établissements, et ont moins que
Compte tenu de l’ensemble de ces analyses, la les AVSco (qui apportent leur aide dans le cadre
recherche présentée ici a pour objet d’étudier les de dispositifs collectifs) des contacts avec
relations entre les conditions d’emploi des AVS, d’autres partenaires que les enseignants d’ac-
caractérisées par un statut de précarité, et l’exercice cueil, tels que d’autres enseignants, les direc-
concret de leurs fonctions dans les écoles où ils sont teurs et les professionnels spécialisés.
nommés. Pour ce faire, nous n’avons pas opté pour
des analyses de pratiques observées, comme celles C’est la deuxième étape de la recherche qui fait
qui s’attachent à caractériser différents modes de l’objet de cet article. Elle a été réalisée à partir d’en-
fonctionnement entre enseignant et AVS (voir par tretiens individuels, semi-directifs centrés, menés
exemple Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2008). En auprès de 34 AVS, parmi ceux qui avaient déjà été
faisant appel à leur expérience propre, nous avons sollicités pour répondre au questionnaire. Les per-
plutôt cherché à cerner la façon dont ces nouveaux sonnes interrogées ont été sélectionnées en collabo-
acteurs conçoivent leur mission dans le système ration avec l’équipe de l’inspection académique res-
éducatif et les conditions de travail qui leur apparais- ponsable de la gestion de ces personnels, de façon
sent nécessaires pour remplir cette mission. Ce sont à constituer un échantillon comportant les différents
ainsi leurs représentations que nous restituons ici : cas de figure, selon le type de personnels (AVSi,
comment se situent-ils par rapport à leur activité, AVSco8), le type de difficultés des élèves (troubles
comment la définissent-ils ? Quels sont les rapports psychologiques ou cognitifs, déficience motrice,
entre leur fonction et les tâches qu’ils assurent, entre auditive ou visuelle) ou le niveau de scolarité (école
leur statut et leurs engagements sur le terrain, entre maternelle, école élémentaire, collège, lycée). Le
leurs aspirations et leurs relations quotidiennement guide d’entretien visait à recueillir leur point de vue
vécues ? Leurs attentes se traduisent-elles en termes sur la place qu’ils attribuent à cet emploi dans leur

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parcours professionnel (motivations, perspectives, faire à la base. » Elle a conduit certains d’entre eux à
appréciation portée sur cette expérience) ; sur les préciser leur projet (par exemple, enseigner en mater-
modalités de leur travail d’accompagnement auprès nelle) ou leur a ouvert de nouvelles perspectives :
des enfants, leurs relations avec les différents parte- « Par rapport au handicap, je me suis découvert une
naires, les difficultés rencontrées ; sur les compé- vocation. »
tences professionnelles qu’ils jugent nécessaires
Leur investissement par rapport à cet emploi tient
pour remplir leur fonction, les moyens possibles pour
non seulement à la préoccupation de mener à terme
les acquérir, notamment la formation reçue et les
un projet professionnel, mais également à la nature
besoins ressentis. Afin de dépasser les considéra-
du travail lui-même, qui correspond à leurs centres
tions générales ou le discours convenu, nous avons
veillé à les inciter à appuyer leurs propos sur des faits d’intérêt. Leur engagement est associé à l’évocation
précis, à se référer à des situations concrètes, à expli- d’un vécu de satisfaction et de gratification person-
citer leurs modes d’intervention à partir d’exemples nelle : « Je trouve ça très bien […] on travaille avec
d’enfants suivis. Les entretiens se sont déroulés pour les élèves, avec le professeur spécialisé, avec les
la plupart dans l’établissement scolaire, selon la pré- autres professeurs du collège » ; « Les progrès qu’il a
férence des personnes interrogées (nous leur avons fait, on se rend compte que c’est grâce à nous
laissé le choix du lieu de rencontre), dans une salle aussi. » Leur investissement est de plus sous-tendu
réservée à cet effet. Cette situation a été l’occasion par une position éthique par rapport aux enfants han-
de prélever des éléments d’information nous permet- dicapés, défendant l’importance de leur apporter une
tant de situer les propos recueillis dans leur propre éducation et l’intérêt de leur scolarisation en milieu
contexte de travail, tel que nous avons pu l’appré- ordinaire. L’intérêt qu’ils trouvent dans ce travail est
hender lors de notre venue. La transcription intégrale particulièrement manifeste chez ceux qui sont AVS
des entretiens a ensuite fait l’objet d’une analyse thé- depuis deux ou trois ans et ceux qui sont prêts à
matique. poursuivre l’année suivante. Certains d’entre eux
souhaiteraient même demeurer AVS, si ces emplois
étaient pérennisés et devenaient un vrai métier.
La question du statut qui leur est attribué fait partie
ÊTRE AVS, UN FORT INVESTISSEMENT des thèmes abordés spontanément par les AVS inter-
MALGRÉ UN STATUT CONTESTÉ rogés. Les points de vue exprimés sont toujours cri-
tiques. La non-reconnaissance de l’emploi d’AVS
Pour les personnes interrogées, le choix d’être AVS comme un métier spécifique est vécue comme une
apparaît motivé par un projet professionnel qui, dévalorisation, tant de la fonction que des personnes
comme cela se dessinait dans l’enquête par ques- qui l’assurent : « On fait un métier, mais ce n’est pas
tionnaire, est envisagé le plus souvent dans le champ un métier, on nous dit : “C’est un service”. […] je ne
de l’éducation. Certains ont un projet bien défini. suis reconnue que par l’institutrice spécialisée, mais
L’emploi d’AVS est considéré comme un moyen de se pour les autres je ne fais rien. » Au regard de leur
préparer au métier visé (notamment enseignant ou expérience, le fait de s’occuper, dans le cadre de
éducateur spécialisé). Pour d’autres, cette voie est l’école, d’élèves handicapés ne peut être assimilé à
envisagée comme une réorientation par rapport à des un simple service que quiconque pourrait effectuer :
études ou des situations professionnelles qui ne les « Ce n’est pas n’importe quel poste, auxiliaire de vie
satisfont pas. Être AVS constitue une première expé- scolaire. […] c’est quelque chose qui demande un
rience dans le domaine de l’éducation. Comme nous fort investissement et professionnel et personnel.
en faisions l’hypothèse, la place que tient cet emploi C’est pour ça que j’ai du mal à parler d’autre chose
dans leurs perspectives professionnelles s’avère que de métier ou de profession. » Le caractère tem-
effectivement susciter un fort investissement. Les poraire de l’emploi ne leur semble pas favoriser l’in-
entretiens rendent largement compte de ce que cette vestissement qui est nécessaire pour être à la hauteur
expérience leur apporte, notamment l’occasion d’une des attentes. Ils ont l’impression d’être utilisés puis
pratique avec les enfants, une découverte des enfants renvoyés, sans considération pour le travail effectué
handicapés, de leurs difficultés et capacités de pro- et sans prise en compte des compétences qu’ils ont
grès, des connaissances sur le fonctionnement sco- pu acquérir progressivement : « Quand on sait que
laire. Elle les a en général confortés dans leurs choix : c’est provisoire, il y a une espèce d’“à quoi bon”.
« Ça me donne encore plus envie d’être ensei- À quoi bon faire tout ça ? De toute façon, on n’est
gnante » ; « Je me retrouve dans ce que je voulais pas reconnu et à la fin du contrat, on nous dira au

Conditions d’emploi des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement des élèves handicapés    95

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revoir, et puis c’est tout. Et on en reprendra d’autres –– la tolérance, la bienveillance à développer à
et on recommencera. » l’égard d’enfants dont la progression est entravée
par des difficultés diverses, la patience indispen-
D’autres problèmes sont encore signalés. Concer-
sable pour ne pas se décourager devant des pro-
nant les AVSi, qui suivent généralement plusieurs
grès lents ou incertains ;
enfants, l’échelonnement des procédures de déci-
–– l’écoute, l’attention, la disponibilité nécessaires
sions relatives aux besoins d’accompagnement des
pour essayer de comprendre ces difficultés ;
élèves entraîne des modifications d’emploi du temps.
–– l’adaptabilité dont ils doivent faire preuve pour
Ils peuvent ainsi être conduits de façon impromptue à
s’ajuster à chaque enfant, ainsi qu’aux différents
changer d’école en cours d’année, ce qui les place
enseignants et aux différents établissements
dans des situations inconfortables, en particulier pour
dans lesquels ils interviennent ;
développer des collaborations avec des enseignants :
« Les premiers contacts ont été très durs, parce –– le dynamisme, l’inventivité qu’ils ont à mobiliser
que… Je suis arrivée, il y avait déjà quelqu’un qui pour chercher des moyens d’action efficaces.
s’occupait de la petite. […] C’est sûr que l’ensei-
gnante n’était pas contente, parce qu’on commence Des savoirs et des savoir-faire
un travail avec une personne et puis on change. »
Plusieurs AVS évoquent les témoignages de collè- Ils évoquent cependant des savoir-faire profession-
gues qui se sont trouvés en difficulté et qui parfois nels et des connaissances qu’il leur apparaît néces-
même ont abandonné. L’enquête ayant eu lieu au saire d’acquérir pour effectuer le travail demandé :
dernier trimestre, les AVS interrogés font partie de –– des compétences relationnelles, comme savoir
ceux qui ont persévéré au moins une année scolaire. « dialoguer » avec les enfants, savoir « composer
Si, en dépit des différents problèmes qu’ils dénon- avec les différentes personnalités des élèves et
cent, ils se sont impliqués dans ce travail, c’est en des professeurs, et du personnel qui est aux
raison de leur motivation pour une fonction qu’ils alentours », ainsi qu’avec les parents ;
estiment importante pour les enfants : « Malgré le –– des compétences en lien avec la fonction d’ac-
caractère provisoire, malgré la paye qui n’est pas ter- compagnement, comme savoir trouver la bonne
rible, [si] on s’investit à fond, c’est pour les gamins. » distance entre relations affectives et relations de
C’est également qu’ils se sont trouvés, contrairement travail, l’équilibre entre aider les enfants et les
à d’autres, dans des conditions de travail qu’ils jugent laisser développer leur autonomie, un juste
plutôt favorables, bénéficiant notamment sur le ter- niveau d’exigence qui tienne compte de leurs dif-
rain de la reconnaissance nécessaire qui leur fait ficultés, « les pousser le plus possible sans aller
défaut sur le plan institutionnel : « On est accepté ici, au-delà de leurs possibilités9 » ;
on est reconnu » ; « Je suis bien intégré dans l’équipe –– un minimum de savoirs scolaires dans les disciplines
pédagogique ». Si l’investissement dans le travail enseignées, mais aussi des compétences qui relèvent
peut être considéré comme propice à l’acquisition d’une approche pédagogique, comme adopter une
des aptitudes requises, les AVS estiment que leurs attitude éducative aidante (« encourager », « stimuler »,
conditions statutaires actuelles ne sont pas en « rassurer »), savoir « observer » les enfants, « com-
mesure de soutenir cet investissement, qui repose prendre leurs difficultés » et « les aider à apprendre ».
plutôt sur leurs motivations personnelles.

Une implication dans les activités pédagogiques

Si l’enquête par questionnaire montrait déjà que,


UN EMPLOI QUI SOLLICITE DES COMPÉTENCES
davantage qu’une aide matérielle dans la vie quoti-
MULTIPLES
dienne, la fonction essentielle des AVS consiste à
Des dispositions personnelles apporter une aide dans les activités scolaires, la des-
cription qu’ils font de leurs pratiques met en évidence
Lorsque les AVS sont interrogés sur les compé- sa composante pédagogique. Leurs interventions
tences qui leur paraissent nécessaires pour mener à pour faciliter la compréhension et la réalisation du
bien leur travail, au-delà de la motivation, ils évo- travail par les élèves ne se limitent pas à une simple
quent en premier lieu ce qui serait « plutôt des quali- répétition des consignes. Il s’agit de les reformuler
tés humaines » qui les prédisposeraient à assumer différemment, de donner des explications supplé-
ces fonctions. Le plus souvent, ils mentionnent : mentaires sur le contenu du cours, parfois des pistes

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de travail pour aborder les exercices, voire de simpli- tion, les AVS disposent, d’après les textes officiels
fier le travail demandé ou de concevoir des activités qui les régissent, d’une formation à l’emploi de
accessibles aux élèves suivis. Une « contradiction » 60 heures obligatoires. Ce n’est pourtant pas ce
est soulignée entre leur fonction officielle, telle qu’elle qu’ils mentionnent le plus souvent en premier lieu. Ils
leur a été présentée en formation, et leurs interven- mettent plutôt en avant l’apprentissage « sur le ter-
tions effectives sur le terrain. Ils ont retenu qu’ils rain », par la pratique avec les enfants et les contacts
n’ont pas à intervenir sur le plan de l’enseignement. avec leurs partenaires, essentiellement les ensei-
Cependant, à leur avis, l’aide apportée aux élèves gnants et des professionnels spécialisés qui suivent
dans les tâches scolaires constitue bien « un accom- les enfants. Ils accordent moins d’importance à leurs
pagnement pédagogique », bien qu’aucune compé- échanges avec les parents comme moyen de déve-
tence, dans ce domaine, ne leur soit reconnue. Ces lopper leurs compétences professionnelles. Par
résultats rejoignent les conclusions de différents tra- contre, ils s’appuient sur leurs expériences anté-
vaux qui mettent en avant la complexité de la fonc- rieures dans le domaine éducatif et mobilisent parfois
tion d’AVS (Fédération nationale des associations des connaissances acquises au cours de leurs
au service des élèves présentant une situation études. Ils ont également recours à des recherches
de handicap, 2002) et le fait qu’elle met en jeu des personnelles de documentation, notamment sur
compétences proches de celles des métiers de l’édu- Internet. De manière générale, leurs appréciations sur
cation et de l’enseignement (Bordeau & Bourget, la formation dispensée sont plutôt négatives, bien
2009 ; Philip, 2009). qu’ils ne contestent pas son intérêt. Elle apporte,
en effet, des informations qu’ils estiment utiles pour
Cette mise en jeu de compétences pédagogiques
n’induit pas pour autant de confusion des rôles entre assurer leur fonction, principalement sur les différents
AVS et enseignants. Ces derniers sont reconnus types de handicap ainsi que sur leur rôle d’AVS et,
comme les responsables du fonctionnement pédago- dans une moindre mesure, sur la législation, les struc-
gique de la classe et le travail d’accompagnement des tures et dispositifs existants.
AVS s’effectue sous leur contrôle : « Surtout, ne pas
remplacer le professeur, ne pas intervenir à sa place, Une formation trop tardive
sinon, on sort du cadre de notre fonction. » Les AVS se
placent en position de second, disant intervenir en Ces informations leur sont cependant données de
fonction des directives des enseignants et, dans leurs façon trop tardive. Ils ont l’impression d’être « para-
initiatives, en référer à eux : « Je m’applique à bien être chutés » sur le terrain. Leur discours témoigne de la
le relais de ce que demande l’enseignante. » Ils ont violence avec laquelle ils ont vécu ce premier
conscience de ne pas disposer des mêmes compé- contact : « On jette les gens, allez, débrouillez-
tences que les enseignants : « Je pourrais faire des vous ! » ; « On est jeté dans la fosse aux lions ». Une
erreurs importantes en essayant d’expliquer les des principales difficultés rencontrées par les AVS est
choses de façon incorrecte. » S’il arrive parfois qu’ils effectivement le fait d’arriver dans un établissement
soient conduits à suppléer l’enseignant (par exemple, sans rien connaître de son fonctionnement ni des dif-
en prenant en charge un groupe d’élèves lors de son ficultés des enfants : « La prise de fonction a été un
absence), ils n’assurent cette tâche, qu’ils savent peu brutale […] j’étais complètement perdue. » Sans
dépasser leurs attributions, que par nécessité, pour ne ces informations préalables, ils en sont réduits à une
pas abandonner les élèves et au prix d’un net malaise. totale improvisation sur le terrain. Ils réclament donc
Dans le discours des AVS, la délimitation des sphères avec force un minimum de préparation avant de
d’intervention paraît ainsi s’établir clairement, leur rôle prendre leur poste.
ne pouvant être assimilé à celui des enseignants,
même si dans la réalité, certains faits contreviennent à
cette répartition du travail. Une formation trop théorique

La formation reçue est aussi très souvent décrite


comme trop « théorique », c’est-à-dire trop générale,
trop éloignée des pratiques et déconnectée de la
UN REGARD CRITIQUE SUR LA FORMATION réalité de leur travail. Elle ne leur permet pas de savoir
comment intervenir auprès des enfants : « C’était
Pour acquérir les savoir-faire et les connaissances intéressant dans le sens où on apprend tous les
qu’ils estiment nécessaires à l’exercice de leur fonc- troubles qui existent, mais après, sur le terrain,

Conditions d’emploi des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement des élèves handicapés    97

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qu’est-ce qu’on en fait ? » Par contre, toutes les lement le besoin d’un accompagnement après la for-
occasions qui sont fournies, au cours de la formation, mation, qui leur apporterait une aide face aux pro-
d’aborder concrètement les pratiques sont unanime- blèmes auxquels ils sont confrontés sur le terrain (par
ment appréciées. En particulier, les moments exemple sous la forme de groupes réguliers d’ana-
d’échanges entre AVS sont jugés enrichissants. Ils lyse de pratiques, comme le suggère une AVS).
ont un effet rassurant et le partage d’expériences
peut suggérer des pistes sur la façon de travailler
avec les élèves : « Ça nous a permis de voir qu’on
n’était pas seul à se sentir seul […] et puis de faire un L’IMPORTANCE ACCORDÉE AUX RELATIONS
peu le point sur nos pratiques et de voir ce qui se AVEC LES ENSEIGNANTS DES CLASSES
passait ailleurs. » De même, sont jugées bénéfiques, D’ACCUEIL
car « c’est du pratique » : les interventions de profes-
sionnels et de parents faisant part de leur expérience
De par leurs fonctions, les AVS sont amenés à tra-
avec des enfants handicapés, le témoignage de
vailler en premier lieu avec les enseignants des
personnes handicapées elles-mêmes (par exemple
classes dans lesquelles se trouvent les élèves qu’ils
autistes), des rencontres entre enseignants spéciali-
sont chargés de suivre (classes ordinaires pour les
sés des dispositifs collectifs (classes CLIS ou unités
AVSi, dispositifs collectifs des CLIS ou des UPI pour
spécialisés UPI) et AVS, un travail mené sur l’utilisa-
les AVSco). Ils estiment qu’ils peuvent tirer profit de
tion d’un « cahier de bord », sur lequel noter les réac-
ces contacts pour améliorer leurs compétences. Les
tions des enfants, leur évolution, etc. Ceux qui ont
échanges avec les enseignants permettent aux AVS
bénéficié de la visite d’un établissement spécialisé
estiment que cette expérience est profitable. Elle est de comprendre les objectifs et les méthodes pédago-
l’occasion pour eux d’une découverte de la réalité du giques développées dans la classe. Ils sont aussi
handicap et le moyen de voir comment des ensei- l’occasion de s’accorder sur des modalités d’inter-
gnants spécialisés travaillent avec ces enfants. Il vention, voire de rechercher ensemble des solutions
apparaît ainsi que ce qui préoccupe au premier plan pour répondre aux besoins d’élèves en difficulté.
les AVS, ce sont les répercussions du handicap sur le Cependant la qualité de ces apports dépend du mode
fonctionnement intellectuel des enfants et leur d’interactions qui s’instaure avec ces partenaires. La
comportement social, et surtout les pratiques profes- situation sur ce plan s’avère contrastée selon qu’ils
sionnelles qu’il est possible d’envisager avec eux. sont AVSi ou AVSco.
Les AVSco s’estiment bien accueillis par les ensei-
Une formation trop limitée gnants spécialisés de la CLIS ou de l’UPI dans
laquelle ils sont affectés, ceux-ci ayant déjà des idées
Un autre reproche concerne le temps de formation sur la façon de tirer parti de leur présence pour les
qu’ils estiment trop court10. Il est à noter à cet égard aider dans la gestion du groupe d’élèves. Ils font état
que les AVS qui en sont le plus satisfaits sont ceux d’une collaboration étroite avec l’enseignant de la
qui ont pu suivre l’ensemble de la formation propo- classe : « On fonctionne vraiment bien ensemble, on
sée, à la fois des heures obligatoires d’adaptation discute beaucoup », certains allant jusqu’à parler de
à l’emploi, organisées par l’inspection académique, rapports de « complicité ». Le fait de partager l’enca-
et des modules complémentaires facultatifs. Ces drement d’un même groupe d’élèves facilite les
modules, prévus dans les textes et pouvant aller échanges qui ont lieu en fonction des besoins, au
jusqu’à 120 heures, visent un approfondissement des cours des activités, mais aussi dans les interclasses
connaissances abordées au cours de la formation ou après la classe. Les AVSco sont associés à tout ce
obligatoire11. Cependant les conditions dans les- qui concerne le fonctionnement de la classe. Ils se
quelles ces modules se déroulent n’incitent pas tou- considèrent comme des « assistants » de l’ensei-
jours les AVS à y participer car ils ne sont par exemple gnant : « Je suis là pour aider le maître à faire ce qu’il
pas compris dans les heures de service. Les AVS avait prévu. » Dans le cadre de cette collaboration,
interrogés souhaitent généralement avoir la possibi- les enseignants spécialisés assurent un encadrement
lité de poursuivre leur formation pour approfondir les permanent des AVSco avec lesquels ils travaillent.
premiers acquis ou les compléter sur des points par- Au départ, ce sont souvent eux qui les introduisent
ticuliers en rapport avec leurs expériences. De même, dans leur fonction, en leur donnant de premières indi-
ils apprécieraient que des rencontres entre AVS cations sur leur rôle. En explicitant leurs attentes, ils
soient renouvelées régulièrement. Ils expriment éga- donnent des repères aux AVS sur la façon d’intervenir

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auprès des élèves : « Au début, je me posais beau- Dans ce cas, tout juste tolérés dans la classe, ils
coup de questions […] il m’a un peu expliqué, heu- n’ont que des échanges très limités avec les ensei-
reusement qu’il était là. » En tant qu’enseignant spé- gnants et c’est à eux seuls qu’incombe la responsa-
cialisé, ils sont également en mesure d’apporter des bilité d’adapter le travail de la classe pour l’enfant
explications sur les difficultés des enfants, de donner qu’ils accompagnent.
des pistes de travail : « Je pourrais dire qu’elle est
La méconnaissance de leur rôle par les enseignants
mon guide. » Ils sont un recours sécurisant en cas de
conduit à des malentendus, comme par exemple la
difficulté : « Dès que j’ai un souci, je vois avec elle. »
crainte de voir leur responsabilité empiétée : « Elle ne
En général, les AVSco interrogés rendent compte voulait pas [que j’intervienne] parce que, en gros, je
d’une expérience très positive. Ils évoquent des lui piquais son travail » ou, au contraire, l’attente de
modalités de travail définies en concertation avec compétences spécialisées de la part de l’AVS : « Les
l’enseignant spécialisé et parlent également de sa instituteurs, ils nous attendent comme une aide,
professionnalité (« Elle est très compétente sur tous alors, si on arrive et qu’on n’est pas une aide… »
les petits trucs qu’on peut trouver pour faire com- Cette méconnaissance contribue, de leur point de
prendre les enfants »), des rapports de confiance vue, à la méfiance ou au rejet dont ils sont parfois
(« Elle m’a dit : “Tu essaies, si ça ne marche pas, tu l’objet et ne facilite pas l’établissement de relations
peux tenter autre chose, et si tu as besoin, on voit de collaboration. Ces difficultés peuvent être atté-
ensemble” »). Il apparaît que, dans ce climat de nuées par le fait que les AVSi, en suivant plusieurs
reconnaissance mutuelle, les auxiliaires se sentent élèves, sont amenés à travailler avec d’autres ensei-
autorisés à faire des propositions dans le cadre défini gnants et peuvent avoir ainsi l’occasion de dévelop-
par l’enseignant : « Souvent, les choses que je dis, per d’autres relations plus satisfaisantes. Ils trouvent
l’enseignante les prend en compte […] c’est vraiment également des possibilités d’échanges avec d’autres
un échange que j’espère constructif. » Dans ces partenaires (professionnels spécialisés, documenta-
conditions, la collaboration avec les enseignants spé- listes…). Certains, par leurs expériences profession-
cialisés a un rôle éminemment formateur. Les AVSco nelles antérieures, ont acquis des compétences rela-
s’approprient leurs savoir-faire, au point que certains tionnelles qui leur permettent d’affronter ces
se disent en mesure de les transmettre à d’autres difficultés : « Moi, j’ai un peu d’âge, il y a des choses
enseignants, notamment lorsqu’ils accompagnent un qui ne m’intimident pas. » Ils s’efforcent d’instaurer
élève dans une autre classe : « Je donne mon avis progressivement un climat d’échanges : « C’est moi
parce que je sais comment ça se passe avec mon- qui lui parle spontanément [de l’enfant], mais elle, elle
sieur B. » Une seule AVSco évoque des difficultés, ne me demande pas […] En fait, on n’est pas de
rencontrées l’année précédente, avec une ensei- réelles partenaires. […] Mais ce sont des choses qui
gnante qui a abandonné sa fonction en cours d’année se construisent. Et effectivement, maintenant, on
et avec les remplaçants qui se sont ensuite succédé. arrive à la fin de l’année et je me rends compte que
Ceci nous conduit à faire l’hypothèse que ce cas de petit à petit, les relations ont évolué. Mais c’est vrai
figure est plutôt marginal. De façon générale, il appa- que c’est long, c’est tout un travail. »
raît que le fait d’être encadré par un enseignant spé-
Par contre, même quand AVSi et enseignants par-
cialisé avec lequel ils ont des échanges permanents
tagent la même préoccupation de rechercher des
place les AVSco dans de meilleures conditions que
situations adaptées aux enfants, ils peuvent se
les AVSi pour acquérir les moyens d’accomplir leur
retrouver, l’un comme l’autre, démunis devant cer-
mission d’accompagnement de façon satisfaisante.
tains enfants qui posent problème : « C’est un peu
En effet des AVSi relatent des relations difficiles dangereux parce que, parfois, je pense qu’on peut
avec certains enseignants. Ils se disent mal acceptés faire des erreurs. Parce qu’on est un peu tout seul,
et pensent que cela provient de la gêne ressentie par même s’il y a l’enseignant, mais l’enseignant n’en
les enseignants lorsqu’un autre adulte est présent sait pas plus que nous, il est habitué à travailler avec
dans la classe : « Un adulte peut toujours porter un des enfants “classiques”. » Il apparaît ainsi que les
regard et avoir un avis différent. […] on peut même AVSi peuvent se trouver en difficulté, tant pour aider
avoir des critiques et c’est difficile à accepter pour un les enfants que pour développer des compétences
enseignant, je le comprends. » Ils l’expliquent égale- relatives à cette fonction, du fait du manque de pré-
ment par des réticences envers l’accueil d’élèves paration des enseignants à accueillir des élèves
handicapés, par un manque de considération à leur en situation de handicap et à travailler avec des
égard ou des réserves concernant la fonction d’AVS. auxiliaires de vie scolaire. La question de la réparti-

Conditions d’emploi des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement des élèves handicapés    99

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tion des rôles avec les enseignants au sein de la une réflexion en équipe), les échanges avec lui, de
classe n’est pas spécifique aux AVS, elle se pose même qu’avec les enseignants, constituent un sou-
pour tout intervenant extérieur. Elle paraît cependant tien et peuvent contribuer à la construction de
revêtir un caractère particulier du fait de l’ambiguïté savoir-faire pour les AVS.
de leur position. En effet, alors qu’ils ne sont pas
censés disposer de compétences spécifiques, au
même titre que les assistants d’éducation, leur Les professionnels spécialisés :
affectation auprès d’enfants à titre individuel (en ce des personnes ressources
qui concerne les AVSi) peut les conduire à assurer la Les professionnels spécialisés (de l’Éducation
responsabilité de l’adaptation du travail pour des nationale ou du secteur médico-social ou sanitaire)
élèves handicapés. sont généralement considérés par les AVS comme
des personnes dotées d’une expertise et sur les-
quelles ils peuvent compter. Quand des contacts
entre eux existent, la mise en commun des observa-
LE BESOIN D’ÉCHANGES tions réalisées dans des contextes différents (école et
AVEC D’AUTRES PARTENAIRES lieu de soins) permet aux AVS d’accéder à une
meilleure compréhension de leur comportement et
Le soutien d’un travail en équipe
d’ajuster des attitudes éducatives : « Ça nous permet
Au-delà des enseignants impliqués en premier lieu d’avoir un regard différent […], de savoir ce qu’on
dans l’accueil des élèves handicapés, des relations peut attendre [de l’enfant] ou pas. » Les échanges
peuvent également se développer avec d’autres débouchent parfois sur une utilisation des pratiques
enseignants de l’établissement. Lorsqu’ils accompa- employées en rééducation (par exemple reprise en
gnent des élèves de CLIS ou d’UPI intégrés ponctuel- classe de documents établis par l’orthophoniste). Les
lement en classe ordinaire, les AVSco se heurtent interventions d’enseignants spécialisés itinérants rat-
parfois aux mêmes écueils que les AVSi avec certains tachés au « pôle ressources » de l’inspection acadé-
enseignants des classes d’accueil : présence de mique du département sont particulièrement appré-
l’AVS en classe mal supportée, voire refusée, faible ciées par les AVSi qui en ont bénéficié : « Elle m’a
engagement dans l’accueil de ces élèves. donné plein de pistes. » Du fait de leur connaissance
de l’école et de la pratique avec les enfants dans ce
Par contre, qu’ils soient AVSco ou AVSi, quand les contexte, ces enseignants leur donnent des indica-
enseignants se montrent favorables à l’accueil tions concrètes qu’ils jugent particulièrement adap-
d’élèves en situation de handicap, les contacts tées à leurs attentes. Mais leurs interventions, une
s’établissent facilement et peuvent être source d’ap- à trois fois au maximum dans l’année, ne peuvent
prentissage : « J’ai pêché ce que je voyais autour de suffire à assurer un encadrement tel que celui que les
moi […], la façon dont ils expliquaient, je piquais des AVSco trouvent quotidiennement auprès des ensei-
petites idées à droite et à gauche. » De plus, quand gnants spécialisés de CLIS ou d’UPI.
un travail d’équipe existe, l’AVS est tout naturelle-
ment inscrit dans ce réseau d’échanges et bénéficie Lorsque les rencontres avec les professionnels
du climat de réflexion collective qui règne dans spécialisés sont fréquentes, elles peuvent donner lieu
l’école : « On peut oser dire qu’on n’y arrive pas et à une collaboration plus étroite avec les AVS, comme
demander de l’aide, des démarches communes sont cela se produit avec des enseignants de classes ordi-
faites. » Plusieurs AVS soulignent également que naires (Belmont & Vérillon, 2004). Il est fait état d’ex-
l’attitude du chef d’établissement ou du directeur périences très positives avec ces professionnels
d’école a une incidence importante sur l’accueil lorsqu’ils interviennent régulièrement à l’école. Ainsi
d’élèves handicapés dans l’établissement. Par son la possibilité d’assister à la séance hebdomadaire de
rôle d’animation pédagogique, il peut influer sur le kinésithérapie dans l’école apporte à une AVS une
développement de relations de coopération au sein meilleure connaissance de l’évolution des capacités
de l’école comme avec des partenaires extérieurs : motrices d’un élève. Elle est aussi l’occasion d’ac-
« Il était au cœur du projet, il voulait vraiment quérir de nouveaux savoir-faire (comment le porter,
accueillir des enfants handicapés, et il assiste à nos l’aider dans ses mouvements…). La présence de la
réunions, il se tient au courant. » Quand il s’implique psychologue d’un SESSAD12 dans une UPI, une jour-
dans la résolution des problèmes rencontrés (par née par semaine, permet de nombreux échanges sur
exemple par une écoute attentive ou en suscitant le travail des élèves ou sur leurs difficultés.

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De façon générale, les contacts avec les profes- fier les fonctions remplies par les différents profes-
sionnels spécialisés sont estimés insuffisants. Les sionnels susceptibles d’apporter un appui à la sco-
relations peuvent aussi être inexistantes ou encore larisation d’élèves en situation de handicap dans les
jugées superficielles, sans réelle volonté de collabo- établissements ordinaires.
ration, parfois même avec une équipe de soins qui
est installée dans l’établissement scolaire. Des AVS
évoquent ce qu’ils ont perçu comme un « conflit
entre l’équipe enseignante et l’équipe de santé, […] CONCLUSION
entre les deux ministères », ainsi que les désaccords
qui peuvent subsister : « On se heurte parfois à des
L’instauration des auxiliaires de vie scolaire pour
problèmes de compréhension, parce qu’on n’a pas
assurer l’accompagnement des enfants handicapés
la même façon de travailler. » Ainsi il ne suffit pas
au sein de l’école prend place dans les processus de
que les rencontres soient matériellement possibles,
division du travail éducatif. Ces phénomènes, qui
encore faut-il que le développement de relations de
concernent aussi les personnels regroupés sous le
collaboration avec l’école fasse partie des concep-
titre d’assistants d’éducation, acquièrent cependant
tions de travail des professionnels spécialisés. Ces
ici la particularité de ne plus se situer dans le prolon-
professionnels apparaissent néanmoins aux yeux
gement de la spécialisation d’enseignants dédiés
des AVS comme possédant des compétences spéci-
aux « inadaptations » puis aux « handicaps », mais
fiques. Les AVS recherchent alors auprès d’eux des
de viser des nouveaux venus dont les activités sont
informations, des savoirs, des pistes de travail dont
définies comme provisoires, comme fournissant seu-
ils estiment avoir besoin pour parvenir à une
lement un appui à la scolarisation des enfants handi-
meilleure maîtrise de leur travail. S’ils n’ont pas tou-
capés. Bien que revendiqués fortement par les
jours une connaissance très précise des rôles res-
parents et par diverses associations, ce sont des
pectifs des différents professionnels avec lesquels
personnels seconds par rapport aux professeurs en
ils sont en contact, ils leur reconnaissent cependant
place et qui se situent surtout dans le cadre d’une
un domaine d’intervention propre, qui ne recouvre
mission précaire. Comme l’étaient les aides éduca-
pas celui des AVS. Cela est particulièrement net
teurs, ils sont « en transit au sein de l’Éducation
lorsqu’il s’agit de professionnels du secteur médical
nationale » (Cadet, Diederichs-Diop, Fournié et al.,
ou paramédical. Par contre, la frontière entre les
2000). Cette nouvelle division du travail, instaurée au
tâches des AVS et celles des éducateurs spécialisés
nom de l’accompagnement nécessaire d’enfants en
semble plus floue. Une AVS dit ainsi avoir des diffi-
situation de handicap, risque de se traduire par des
cultés à se situer quand l’éducatrice spécialisée
difficultés à assurer la qualité éducative qui en est
intervient dans la classe, ce qui nécessiterait un
attendue. L’objectif de cet article consistait précisé-
ajustement de leurs modalités de travail. En l’occur-
ment à examiner les relations entre le statut accordé
rence, elle règle le problème en s’effaçant devant la
aux AVS et l’exercice concret de leur fonction d’ac-
spécialisation de sa partenaire, « parce que c’est
compagnement. Partant de leurs témoignages, nos
quand même l’éducatrice spécialisée », et en adop-
analyses nous ont conduits à mieux cerner leurs
tant alors une posture d’observatrice. Cette proxi-
positions subjectives à la fois sur leurs conditions de
mité des tâches conduit un des AVS interrogés à
travail et sur leur activité, ainsi qu’à avancer dans la
penser que le travail d’AVS nécessite des compé-
compréhension de leur revendication de nouvelles
tences proches de celles d’éducateur spécialisé et
conditions d’emploi.
donc une formation comparable : « Savoir quels sont
les comportements d’un adolescent ou d’un enfant, De fait, les 34 AVS interrogés dans le département
comment on peut répondre à leurs attentes […], de Seine-Saint-Denis considèrent que le statut
connaître leur handicap, leurs besoins, comment conféré à leur emploi n’est pas à la hauteur de la
intervenir lorsqu’ils sont en difficulté. » Tout en fonction attendue. C’est, disent-ils, un travail exi-
revendiquant la reconnaissance de la fonction d’AVS geant, difficile, qui suppose des compétences
comme métier, il estime qu’il serait important de diverses et un fort engagement personnel. Ils se
favoriser la présence d’éducateurs spécialisés au réfèrent ainsi à divers registres de professionnalité :
sein de l’Éducation nationale. Une double question choix éthique par rapport au handicap, compé-
est alors posée : d’une part, celle de l’opportunité tences relationnelles, qualités humaines et capaci-
ou non d’instaurer un nouveau corps de métier tés d’adaptation, mais aussi compétences d’ordre
d’AVS ; d’autre part, celle de la nécessité de spéci- pédagogique, dès qu’il est question d’apprentis-

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sages scolaires. En termes de professionnalisation, mise en œuvre de la scolarisation des élèves handi-
il paraît déterminant aux AVS étudiés que leur acti- capés :
vité, dont ils parlent comme d’« un vrai métier », fasse –– le manque de formation, dans ce domaine, des
l’objet d’une reconnaissance sociale. En ce sens, enseignants qui exercent dans les classes
leurs propos font écho à des travaux qui montrent ordinaires ;
que « plus les acteurs s’appuient sur un métier, plus –– l’existence encore peu courante du travail en
leur expérience de travail est sereine », l’idée de équipe entre enseignants ;
métier impliquant « que le travail soit objectivable et –– la faible collaboration entre l’établissement sco-
que le professionnel puisse dire : ceci est mon œuvre, laire et le milieu médico-social.
ceci est le résultat de mon activité » (Dubet, 2002, En effet le développement des relations avec leurs
p. 393). Leurs revendications en faveur d’un métier partenaires (enseignants et professionnels spéciali-
reconnu sont aussi intimement liées à une demande sés) se révèle primordial pour permettre aux AVS de
de formation ajustée à leurs besoins, qui se situent comprendre et maîtriser leur fonction d’accompagne-
sur trois plans : ment. C’est grâce à ces échanges qu’ils parviennent
–– une préparation avant la prise de fonction ; à trouver leur place par rapport aux autres acteurs et
–– un contenu de formation davantage orienté vers à déterminer progressivement leur champ d’action.
les pratiques avec les élèves ; C’est auprès de ces partenaires qu’ils cherchent à
–– un accompagnement dans leur pratique profes- puiser ce qui pourrait leur permettre de progresser
sionnelle pour approfondir leurs acquis, en regard dans leur pratique. L’efficience de tels échanges
de leur expérience de terrain. dépend cependant de leur inscription dans une
Des dispositifs de formation ont été expérimentés démarche de collaboration, prenant appui sur les
compétences de chacun, pour rechercher des
dans plusieurs départements pour articuler apports
moyens d’actions adaptés à partir d’un partage d’ob-
de connaissances et réflexion sur la pratique (Philip,
servations. En cela, l’expérience des AVS renvoie à
2009 ; Cagnioncle, 2009 ; Toullec-Théry, Dujardin,
ce que Serge Ebersold (2003) nomme un « système
Nédélec-Trohel et al., 2009), mais ils nécessitent du
équitable de coopération ». En réalité, les relations de
temps et un échelonnement dans l’année difficiles
coopération sont plus favorables pour les AVS dits
à mettre en œuvre dans le cadre des 60 heures obli-
AVSco, qui se situent dans des dispositifs collectifs
gatoires d’« adaptation à l’emploi ». Peu d’AVS béné-
(classes ou unités), que pour les AVSi qui ont la tâche
ficient des modules complémentaires facultatifs. Des
de s’occuper individuellement d’enfants handicapés
initiatives ministérielles tentent de prendre en compte
et qui se trouvent le plus souvent dispersés entre plu-
cette préoccupation d’une meilleure formation des sieurs classes. On voit bien le bénéfice que constitue
AVS. Elles annoncent notamment « un accompagne- pour les premiers non seulement la stabilité d’un
ment individualisé pendant l’exercice de l’activité » même lieu de travail, mais aussi l’apport profession-
(MEN, 2008). Mais celui-ci est envisagé en fin d’an- nel de la part d’enseignants spécialisés, qui s’ap-
née, comme « une évaluation de chaque agent ainsi puient à la fois sur une expérience du milieu scolaire
qu’une analyse de ses besoins de formation » (MEN, et sur le travail avec des enfants à besoins éducatifs
2008), en vue d’un métier ultérieur. Il ne vise donc pas particuliers. On peut s’interroger sur le choix fait
une aide au développement de leur pratique profes- en France d’affecter ces enseignants spécialisés
sionnelle en tant qu’AVS. en majorité dans les dispositifs collectifs d’intégration
En l’état actuel de leur statut, le dispositif d’accom- ou dans des établissements spécialisés, alors que
pagnement des élèves handicapés repose essentiel- leur apport pourrait également bénéficier à des
lement sur la motivation des AVS et leur capacité équipes, enseignants et AVS, exerçant en classe ordi-
à assurer une « autoformation », à partir de leurs naire.
propres ressources : cursus d’études, expériences Pour développer le partenariat, la préparation de
antérieures, démarches personnelles13. Leur recon- l’ensemble des enseignants de classe ordinaire
naissance se fonde ainsi sur une individualisation des à l’accueil d’élèves handicapés et au travail en colla-
compétences, au lieu de se référer à des pratiques boration avec des AVS apparaît comme une néces-
d’accompagnement institutionnellement établies. sité. Les réflexions actuelles sur la formation des
Pour développer leurs compétences, les AVS sont enseignants mettent l’accent autant sur le dévelop-
non seulement peu aidés par la formation, mais ils pement de leurs capacités à établir des coopérations
souffrent de plus de faiblesses persistantes dans la interprofessionnelles que sur la prise en compte de la

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diversité des besoins des élèves (De Anna, 2009 ; communs de formation initiale et continue (Chauvière
Plaisance, 2009a). Pour que les professionnels du & Plaisance, 2008 ; Plaisance, 2009b).
milieu médico-social puissent aussi jouer le rôle de
Brigitte Belmont
personnes ressources pour les AVS comme pour les CERLIS, université Paris-Descartes
enseignants, il semble indispensable que ce rôle soit
effectivement reconnu comme faisant partie de leur Éric Plaisance
mission et qu’il s’inscrive dans leurs orientations de eric.plaisance@paris5.sorbonne.fr
CERLIS, université Paris-Descartes
travail. Cela suppose une évolution des cultures
professionnelles vers la construction de cultures Aliette Vérillon
partagées, notamment par l’instauration de modules UMR P3 ADEF, Institut français de l’éducation,
École normale supérieure de Lyon

NOTES

1 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits 7 Dans l’article considéré, l’auteur analyse la garde des enfants
et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes des autres à domicile, en mettant l’accent sur le rôle des pou-
handicapées, disponible sur Internet à l’adresse : <http://www. voirs publics dans le processus de professionnalisation des
legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647> assistantes maternelles. Ce faisant, il considère ce métier
(consulté le 26 janvier 2011). comme un métier féminin, écartelé dit-il entre « le travail d’éveil
2 L’accompagnement par les AVS consiste à « optimiser l’autono- de la puériculture de la crèche et celui de l’institutrice d’école
mie de l’enfant dans ses apprentissages, faciliter sa participa- maternelle » (Aballea, 2005).
tion aux activités collectives et aux relations interindividuelles,
8 Il ne nous a pas semblé pertinent d’interroger des EVS, car l’an-
assurer son installation dans des conditions optimales de sécu-
rité et de confort », d’après la loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 née 2005-2006 était la première année d’installation de ces
relative aux assistants d’éducation, disponible sur Internet emplois.
à l’adresse : <http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTe 9 Cette référence à la « bonne » ou « juste » distance est aussi
xte=JORFTEXT000000602740&dateTexte=> (consulté le 26 jan- fortement présente dans les analyses de l’accompagnement des
vier 2011). personnes handicapées en général (voir l’ouvrage de Stiker, Puig
3 « En mars 2009, 9 728 emplois d’assistants d’éducation AVSi & Huet, 2009, p. 46).
(individuels) et 2 083 emplois d’assistants d’éducation AVSco 10 Sur l’ensemble de la population d’AVS du département, seule
(collectifs) étaient occupés. Pour compléter l’intervention des
une minorité d’entre eux a bénéficié de plus d’une semaine de
AVSi, des personnels ont été recrutés sur des contrats d’accom-
formation (49 % des AVSi et 30 % des AVSco).
pagnement dans l’emploi (CAE) ou sur des contrats d’avenir
(CAV), soit plus de 12 679 personnes (7 454 équivalents temps 11 Ils sont assurés, dans le département considéré, par le Centre
plein). À la rentrée 2010, 57 067 élèves font l’objet d’un accom- national d’éducation et de formation pour l’enfance inadaptée
pagnement individuel. On dénombre 21 800 équivalents temps (CNEFEI), actuellement INS HEA (Institut national supérieur de
plein AVSi et 2 166 équivalents temps plein AVSco » (MEN, formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handica-
2010). pés et les enseignements adaptés).
4 Dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, c’est sous le titre 12 SESSAD : Service d’éducation spécialisée et d’aide à domicile.
« accessibilité » que sont précisées les modalités de scolarisa-
tion. 13 L’orientation officielle actuelle est d’augmenter le nombre d’EVS
au détriment des AVS. Les problèmes évoqués par les AVS ris-
5 C’est le cas, par exemple, des dispositifs intitulés « services
d’accompagnement à la vie sociale » et « services d’accompa- quent d’être beaucoup plus difficiles à surmonter par ces per-
gnement médico-social pour adultes handicapés ». sonnels qui disposent, pour remplir une fonction comparable, de
moins de ressources en termes de formation initiale et d’expé-
6 Selon ces mêmes auteurs, « un emploi est de qualité si les rému- rience professionnelle. En outre, ils sont encore aujourd’hui peu
nérations associées permettent de dépasser le seuil de pau-
nombreux à recevoir une formation. Environ 50 % des EVS n’ont
vreté, si la stabilité de l’emploi et la sécurité économique sont
reçu aucune formation en fin d’année scolaire 2007-2008, ce qui
assurées, si les conditions de travail ne sont pas préjudiciables à
la santé et enfin si la reconnaissance juridique et symbolique va dans le sens de nos résultats précédents, ainsi que de l’en-
associée à l’emploi est suffisante » (Devetter, Jany-Catrice quête de l’Union nationale pour l’avenir de l’inclusion scolaire,
& Ribault, 2009, p. 62). sociale et éducative (2008).

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Conditions d’emploi des auxiliaires de vie scolaire et qualité de l’accompagnement des élèves handicapés    105

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Vers un usage européen du modèle
des communautés de pratique
en formation des enseignants
Guillaume Escalié et Sébastien Chaliès

Le renforcement du partenariat « université-écoles » constitue une des orientations adoptées dans le cadre des
politiques éducatives européennes afin d’optimiser la formation des enseignants. Après l’avoir contextualisée
institutionnellement, cet article montre en quoi et comment cette orientation invite à la mise en œuvre d’une
nouvelle forme d’apprentissage professionnel, par le réaménagement des dispositifs usuels de formation,
à partir du modèle des « communautés de pratique » (Lave & Wenger, 1991). Sur la base d’une description des
intérêts et des limites inhérents à ces nouveaux dispositifs, cet article questionne finalement la place que
devraient occuper les établissements aux côtés de l’université dans le cadre de la formation des enseignants.

Descripteurs (TESE) : modèle de formation des enseignants, partenariat d’écoles, établissement de formation des
enseignants.

Cet article propose une recension des principaux dements théoriques sous-jacents au modèle des
travaux nationaux et internationaux relatifs à la mise communautés de pratique, exploité dans ce cadre
en œuvre de dispositifs de formation basés sur le pour parvenir à renforcer ce partenariat. La troisième
modèle des « communautés de pratique » (Lave partie détaille les intérêts et les limites de ce type
& Wenger, 1991 ; Wenger, 1998) dans le cadre de la d’exploitation. La partie suivante présente les princi-
formation des enseignants. Elle est organisée en paux dispositifs mis en œuvre à partir du modèle des
cinq parties. La première partie montre en quoi le ren- communautés de pratique. Pour conclure, la dernière
forcement du partenariat « université-écoles1 » partie montre enfin que, dans ce type de dispositif,
constitue une des orientations adoptées dans le les établissements, en permettant le rapprochement
cadre des politiques éducatives européennes, notam- des situations de formation et de pratique profession-
ment française, afin d’optimiser la formation des nelle, occupent une place de plus en plus privilégiée
enseignants. La deuxième partie développe les fon- dans le partenariat qui les lie à l’université.

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UNE POLITIQUE EUROPÉENNE constat, cette commission fait des recommandations
EN FAVEUR D’UN RENFORCEMENT aux états afin qu’ils infléchissent leurs orientations
DU PARTENARIAT UNIVERSITÉ-ÉCOLES politiques en matière de formation des enseignants
(Commission européenne, 2005). Parmi ces
recommandations, celle relative à la nécessité de
Ces dernières années, l’accroissement de la qualité penser les programmes de formation dans le cadre d’un
de la formation des enseignants est devenu une prio- véritable partenariat entre les universités et les
rité au sein de l’Union européenne (Cros, 2005). établissements est tout particulièrement soulignée.
L’amélioration de la formation des enseignants figure Cette commission précise par exemple que « les
en effet parmi les axes prioritaires du programme établissements d’enseignement et de formation pour
Éducation et formation 2020, relatif aux objectifs enseignants devraient placer l’organisation de leur
futurs des systèmes d’éducation et de formation, travail sous le signe de la collaboration et du partenariat
entérinés par le Conseil de l’Union européenne à la avec les écoles » (Commission des communautés
suite du processus de Bologne (Conseil de l’Union européennes, 2007, p. 3). Elle rejoint là bon nombre
européenne, 2009). En dépit des réformes introduites d’auteurs qui vont jusqu’à avancer que la capacité des
récemment dans différents pays européens, la forma- systèmes d’éducation et de formation à relever les défis
tion initiale des enseignants, sous de nombreux du xxie siècle dépend des possibilités offertes aux
aspects, ne les prépare pas efficacement à faire face enseignants par les politiques gouvernementales de
à la complexité de leur métier (OCDE, 2009). Parmi bénéficier de « programmes de développement
les différentes composantes de cette formation, celle professionnel tout au long de la vie et basés sur la
relative à la dimension professionnelle est largement collaboration avec l’université » (Collinson, Kozina, Lin
discutée, voire dans certains pays repensée dans le et al., 2009).
cadre d’un nouvel examen des programmes de for-
mation (Smith, 2008). Accompagnant ce mouvement Politiquement introduite il y a une dizaine d’années,
de rénovation de la formation des enseignants, l’idée selon laquelle il est nécessaire de renforcer le
l’OCDE recommande ainsi par exemple que, dans le partenariat université-écoles gagne donc du terrain
débat sur la durée de la formation des enseignants, dans les politiques européennes en matière de forma-
les pays accordent plus d’importance à l’accroisse- tion des enseignants. Plus spécifiquement, a été
ment des ressources consacrées à l’intégration et au engagée en France une réforme de la formation ini-
développement professionnel (OCDE, 2005). Plus tiale des enseignants s’inscrivant dans une volonté
concrètement, l’OCDE invite les pays européens à se d’harmonisation des diplômes au niveau européen.
donner les moyens d’optimiser les stages de pratique La lettre de la Direction générale de l’enseignement
professionnelle menés dans les établissements et de supérieur du 17 octobre 2008 (MESR, 2008) introdui-
renforcer les programmes d’insertion à la profession. sant cette réforme indique que l’un des principaux
Elle relève en ce sens par exemple que « les étapes enjeux réside dans le maintien d’une formation pro-
de la formation initiale, de l’initiation et de la forma- fessionnelle de qualité. Plus précisément, « la forma-
tion professionnelle des enseignants doivent être plus tion professionnelle ne saurait se limiter à l’envoi des
étroitement connectées pour élaborer un système étudiants dans les classes […]. Il est souhaitable
d’apprentissage et de formation plus cohérent pour qu’elle puisse s’articuler avec une réflexion didac-
les enseignants » (OCDE, 2005, p. 11). tique, pédagogique, disciplinaire et épistémologique
qui suppose des allers-retours entre terrain et forma-
Dans le même ordre d’idées, la Commission des tion » (MESR, 2008, p. 2). Bien que l’organisation de
communautés européennes pointe, lors d’une la formation soit différente, le principe d’un partena-
communication intitulée « Améliorer la qualité des riat entre l’université et les établissements d’accueil
études et de la formation des enseignants » des enseignants en formation semble donc reconduit.
(Commission des communautés européennes, 2007), la En articulation avec la mise en place de masters
faiblesse de la dimension professionnelle au cœur des ouvrant sur les différents métiers de l’enseignement,
formations des enseignants dans de nombreux États. une nouvelle structuration de la formation profession-
Elle note ainsi par exemple que « dans de nombreux nelle est par ailleurs envisagée en vue d’accompa-
états membres, il n’existe guère de coordination gner les enseignants dans leur entrée dans le métier
systématique entre les différentes composantes de la (MEN, 2010). Ainsi l’année de prise de fonction
formation des enseignants, ce qui entraîne un manque devrait s’inscrire dans « un continuum de formation,
de cohérence et de continuité » (Commission des en articulation avec celle qui leur a été dispensée
communautés européennes, 2007, p. 3). En lien avec ce antérieurement » (MEN, 2010, p. 1).

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L’articulation entre d’une part l’élévation du niveau responsabilités au fil de sa participation » (Rogoff,
de formation universitaire et d’autre part la multipli- Matusov & White, 1996, p. 390).
cité des vécus professionnels autorisée par la mise
En retour, cet apprentissage par la participation à la
en place de stages de différente nature peut donc
communauté de pratique modifie le mode de partici-
être associée à un enjeu majeur de la refonte de la
pation à cette communauté, permettant ainsi à l’ap-
formation des enseignants (Perrenoud, Altet, Lessard
prenant de progressivement passer d’une participa-
et al., 2008). Dans ce cadre, le réaménagement des
tion périphérique de type « nouveau venu » (new
dispositifs usuels de formation apparaît comme
comer) à une participation plus centrale de type
nécessaire afin de renforcer le lien entre les volets
« membre principal » (core member, voir Alexander,
académique et professionnel de la formation.
Van Wyck, Bereng et al., 2010 ; Charlier, 2010).
En d’autres termes, l’apprentissage permet à l’appre-
nant de s’inscrire dans une participation à la commu-
nauté de plus en plus « légitime » (Lave & Wenger,
RENDRE EFFECTIF LE PARTENARIAT UNIVERSITÉ- 1991), c’est-à-dire dans une participation davantage
ÉCOLES par LE MODÈLE DES COMMUNAUTÉS centrée sur le partage que sur l’échange et visant la
DE PRATIQUE construction de pratiques collectives et non plus
seulement individuelles (Charlier, 2010). En outre,
Les orientations institutionnelles visant à renforcer cette participation crée une histoire d’apprentissage
le partenariat université-écoles trouvent un écho dans qui change les rapports de l’apprenant à la pratique
la littérature scientifique du domaine. En effet un et aux autres membres engagés dans la commu-
grand nombre de travaux pointent la nécessité de nauté, et in fine transforme son identité. Cette
redéfinir ce partenariat en faisant tomber les barrières dernière est en effet envisagée dans ce modèle
traditionnellement érigées entre ces deux types d’éta- comme le pivot entre les dimensions individuelle et
blissements (Haymore Sandholtz, 2002 ; Mule, 2006). sociale de l’apprentissage. La participation est alors
L’idée partagée par ces différents travaux est de pro- le moyen par lequel l’identité de l’apprenant relative à
mouvoir et mettre en œuvre une nouvelle forme d’ap- la communauté de pratique peut évoluer (Barcet,
prentissage professionnel (Sim, 2006) en s’inspirant Bonamy, Esnault et al., 2004) du statut de nouveau
notamment du modèle des communautés de pratique venu à celui de membre central. C’est en ce sens que
(Lave & Wenger, 1991), et plus particulièrement d’un certains auteurs insistent sur la « générativité » de
de ses postulats fondateurs : participer à la commu- l’identité des apprenants (Holland & Lave, 2001),
nauté pour se former. à travers l’évolution de la nature de leur participation
à la communauté de pratique (Niesz, 2010). En envi-
Dans ce modèle ancré sur une théorie sociale
sageant l’apprentissage à travers le prisme de la
située de l’apprentissage, la formation profession-
participation, la théorie des communautés de pratique
nelle peut en effet être appréhendée comme la consé-
constitue donc un modèle qui imbrique l’individuel et
quence d’une participation à la communauté, sous la
le collectif. Il ne s’agit pas ici de passer d’un modèle
forme d’interactions sociales entre les différents
individuel de l’apprentissage à un modèle collectif,
acteurs (enseignants et formateurs) provenant de
mais de considérer la construction de l’apprentissage
divers horizons institutionnels (Barcet, Bonamy,
dans une relation réflexive entre les pratiques sociales
Esnault et al., 2004), et non comme le résultat d’un
d’une communauté et les processus de construction
processus mécaniste planifié de transmission cogni-
individuelle (Mottier Lopez, 2008).
tive (Cox, 2005). La participation à la communauté
est donc centrale dans l’apprentissage (Boylan, 2009)
car elle permet la construction de connaissances
assimilables à des significations négociées entre les
membres de la communauté, c’est-à-dire à des expé- ADOPTION DU MODÈLE DES COMMUNAUTÉS
riences constitutives d’une pratique sociale partagée DE PRATIQUE EN FORMATION
(Barcet, Bonamy, Esnault et al., 2004 ; Wenger DES ENSEIGNANTS : INTÉRêTS ET LIMITES
& Gervais, 2005). C’est en ce sens que Rogoff,
Matusov et White (1996) précisent que « l’apprentis- Tel que le développe Wenger (1998) dans son texte
sage et le développement se produisent lorsqu’une portant sur le modèle des communautés de pratique,
personne participe aux activités de sa communauté trois principaux intérêts peuvent y être associés du
transformant ainsi sa compréhension, ses rôles et ses point de vue de la formation professionnelle. Le pre-

Vers un usage européen du modèle des communautés de pratique en formation des enseignants    109

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mier est relatif à la nature de l’« engagement » des aussi les actions des formateurs et leur implication
différents membres au sein de la communauté : les dans les plans de formation. Il favorise ainsi par
relations entre membres ne répondent pas à une exemple pour les CP une meilleure explicitation du
logique prescriptive descendante, tel qu’il est tradi- cahier des charges de la formation (Carver & Katz,
tionnellement possible de l’observer entre l’univer- 2004) et des apports théoriques extraits de la
sité et les établissements, au cœur desquels les recherche (Thies-Sprinthall, 1986), voire leur propre
conseillers pédagogiques2 (CP par la suite) et les implication dans des recherches-actions (Twombly,
enseignants novices (EN par la suite) ne parviennent Wolf-Wendel, Williams et al., 2006). Parallèlement,
que partiellement à saisir ce qui est attendu d’eux les FU trouvent dans ce type de partenariat avec les
(Bullough, Draper, Smith et al., 2004). L’engagement CP et les EN des « occasions de formation » (Murray,
des membres répond davantage en effet à des pro- 2005). Ils parviennent ainsi par exemple à davantage
cessus de négociation sur les significations à accor- interroger le métier d’enseignant dans ses dimen-
der aux expériences de métier abordées et débat- sions génériques (Stotsky, 2006). Dans ce type de
tues (Sim, 2006), rendant ainsi possibles dispositifs de formation, les membres de la commu-
l’apprentissage et le développement professionnel nauté constituent donc un groupe de professionnels
de chacun, qu’il soit apprenant ou formateur (Vescio, qui collaborent, apprennent et tissent des liens inter-
Ross & Adams, 2008). Ce type d’aménagement per- personnels (Horn & Little, 2010), voire à terme qui se
met plus précisément aux différents membres de la forgent une identité commune à partir d’un senti-
communauté, EN, CP et formateurs universitaires ment d’appartenance à la même communauté
(FU dans la suite du texte), de s’inscrire progressive- (Mello, 2003).
ment dans un langage et des attentes profession-
Nommé « imagination », le deuxième intérêt est
nelles partagés (Nguyen, 2009). Ainsi par exemple,
relatif aux possibilités offertes par les dispositifs de
lorsqu’ils sont impliqués dans un dispositif de forma-
formation, eux-mêmes pensés à partir du modèle des
tion s’appuyant sur le modèle des communautés de
communautés de pratique, de mieux articuler en leur
pratique, les apprenants et leurs formateurs parvien-
sein les composantes théorique et pratique de la for-
nent progressivement, lors de l’entretien de forma-
mation, et par là-même d’atténuer le « choc de la pra-
tion suivant la leçon, à se mettre d’accord sur la
tique » pour les EN (Korthagen, 2010). Ce type de dis-
nature de l’objectif poursuivi lors de cette dernière
positif permet en effet de porter un regard nouveau
ou encore sur la méthode à suivre pour la planifier
sur les apports théoriques ordinairement délivrés
avec davantage d’efficacité (Ottesen, 2007). Les
à l’université, afin d’éviter qu’ils soient « effacés »
échanges menés au cours de ces entretiens de for-
(washed out) par les expériences vécues par les EN
mation peuvent donc être considérés comme des
en situation de classe dans les établissements
opportunités permettant aux acteurs de construire
(Korthagen, 2010). C’est ici une réponse possible aux
collectivement des accords sur les attentes de for-
critiques adressées aux dispositifs de formation tradi-
mation, relatives à la mise en œuvre de certaines
tionnels, au sein desquels la délivrance des connais-
compétences professionnelles en situation de classe
sances aux EN s’effectue pour une large partie
(telle que « concevoir une leçon »). La construction
à l’université, c’est-à-dire en dehors de tout contexte
de ces accords relatifs à des espaces de significa-
professionnel, et contribue ainsi très faiblement à la
tions partagées est d’autant plus nécessaire qu’elle
construction de leurs compétences professionnelles
permet aux EN de passer d’une participation péri-
(Laksov, Mann & Dahlgren, 2008). Porteurs de zones
phérique à une participation plus centrale au sein de
d’interactions critiques propices aux changements,
la communauté, et ainsi de transformer de façon
les dispositifs de formation pensés à partir du modèle
significative leurs pratiques professionnelles
des communautés de pratique rendent au contraire
en classe (Moran, Abott & Clark, 2009). Inversement,
possible l’expérimentation de nouveaux modèles
en l’absence de cette construction, les EN ont ten-
pédagogiques autour d’« objets frontières » (boun-
dance à se perdre progressivement dans une
dary objects) tels que l’enseignement, l’apprentis-
« appréciation à plusieurs voies » de leur activité et
sage ou les savoirs (Gorodetsky & Barak, 2008), posi-
in fine ne se développent pas professionnellement
tionnés entre apports théoriques et pratique effective
(Tilema, 2009).
de classe. Pour chacun de ces « objets », les forma-
Ce type d’engagement des différents membres de teurs et les EN cherchent en effet collectivement
la communauté dans la construction négociée d’ac- à associer aux définitions théoriques délivrées à l’uni-
cords sur la signification des expériences de métier, versité divers usages possibles en contexte profes-
abordées lors des entretiens de formation, modifie sionnel. Ils construisent en ce sens progressivement

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la « cohérence du curriculum de formation » (Lamb du concept de « communauté de pratique » et son
& Jacobs, 2009). Au final, ce travail collectif aboutit utilisation comme outil de gestion des connaissances
à l’acquisition par les EN d’une « théorie pratique » (Cox, 2005). Comme le précise cet auteur, ce concept
(Buitink, 2009), constituée de connaissances et com- servait initialement d’outil pour apprécier la construc-
pétences professionnelles toujours situées et négo- tion (ou non) de significations partagées entre les
ciées entre membres de la communauté, et par là- acteurs en situation d’interaction sociale. Actuelle-
même à la transformation effective de leur pratique ment il est de plus en plus utilisé pour optimiser la
professionnelle (Gorodetsky & Barak, 2008). gestion de groupes communautaires ou informels,
patronnés par une organisation pour faciliter le par-
Nommé « alignement », le dernier intérêt associé
tage de connaissance ou l’apprentissage.
aux dispositifs de formation pensés à partir du
modèle des communautés de pratique est relatif à Dans cette perspective, un des points de discus-
l’atténuation d’une répartition formelle (et le plus sion de la littérature porte sur la gestion pédago-
souvent exclusivement administrative) des responsa- gique, administrative et financière des dispositifs de
bilités entre les différents membres, au profit d’une formation pensés à partir du modèle des communau-
collaboration plus effective au quotidien dans les tés de pratique (Castle, Fox & O’Hanlan Souder,
établissements (Melville & Bartley, 2009). Sutherland, 2006). La volonté initialement affichée d’une prise de
Scanlon et Sperring (2005) ont par exemple montré décisions conjointe et partagée entre les différents
que des EN ayant eu l’occasion de recevoir une for- membres de la communauté est, en effet, régulière-
mation dans ce type de dispositif tirent profit de ment contrariée par les résistances de l’université et
cette collaboration pour modifier plus facilement leur des établissements à partager les responsabilités qui
pratique professionnelle que ceux impliqués dans un leur sont traditionnellement attribuées (Fullan,
système usuel de formation. En atténuant les rap- Galluzzo, Morris et al., 1998). Outre les difficultés
ports hiérarchiques usuellement établis entre l’uni- relatives à la mise en œuvre d’une gouvernance
versité et les établissements, la mise en place de ce partagée, certaines études notent aussi la forte
type de dispositif de formation permet en effet de prégnance des contingences locales économiques
créer des « opportunités d’apprentissage élargies » (Rice, 2002), politiques (Yendol-Silva & Fichtman
(Zeichner, 2010), et donc la construction et le déve- Dana, 2004) et/ou sociales (Teitel, 1998) sur l’effica-
loppement de nombreuses compétences profession- cité de tels dispositifs. Cette difficulté est d’autant
nelles chez les EN. Parmi ces compétences, celle plus marquée que l’université et les établissements
relative à l’adaptation de leur enseignement à une sont assimilables à des systèmes d’activités dont les
plus grande diversité d’élèves (et notamment aux attentes et les finalités divergent (Smagorinsky, Cook,
élèves handicapés, voir Mortier, Hunt, Leroy et al., Jackson et al., 2004). Tendre à une responsabilité
2010) est tout particulièrement alimentée par la mise partagée de la formation aboutit ainsi souvent à une
en place de dispositifs de formation favorisant un forme de « collusion » entre rôles et responsabilités
« enseignement collaboratif » (Nevin, Thousand de chacun (Cartaut & Bertone, 2009), source de
& Villa, 2009). Formés dans ce type de dispositif, les déstabilisation chez les EN (Bullough, Draper, Smith
EN parviennent par ailleurs à instaurer plus rapide- et al., 2004). Ces derniers finissent ainsi par entretenir
ment une ambiance de classe propice au travail, un rapport quasi exclusif de formation soit avec les
favorisant des progrès plus marqués chez tous les CP (Larose, Lenoir, Grenon et al., 2000), soit avec les
élèves (Stanulis & Folden, 2009). En retour, ils déve- FU (Smith & Lev-Ari, 2005). Un parallèle peut semble-
loppent de façon significative une confiance en eux t-il être ici tracé avec la distinction posée par Charlier
et un sentiment d’auto-efficacité (Helfeldt, Capraro, (2010) entre les activités d’échange et de partage
Capraro et al., 2009).
entre les membres de la communauté. Selon cet
Certains travaux restent toutefois plus critiques auteur, l’intérêt du modèle des communautés de
quant aux bénéfices liés à la mise en place de dispo- pratique ne réside pas seulement dans la gestion
sitifs de formation pensés à partir du modèle des managériale des différents membres et de leur acti-
communautés de pratique. Ces travaux sont à mettre vité d’échange de pratiques. Penser ces dispositifs
en perspective avec la récente évolution de ce de formation permet de s’interroger sur leur activité
modèle sous l’influence d’une idéologie managériale de partage, c’est-à-dire leur activité pour « prendre
(Watson, 2002). L’analyse de travaux récents (voir par part » à une discussion autour d’un objet, d’une idée,
exemple Wenger, McDermott & Snyder, 2002) laisse d’une pratique, placés au service des différents
en effet transparaître une redéfinition fondamentale membres de la communauté.

Vers un usage européen du modèle des communautés de pratique en formation des enseignants    111

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EXEMPLES DE DISPOSITIFS DE FORMATION dans les établissements par les EN. Dans le même
MIS EN ŒUVRE À PARTIR DU MODÈLE ordre d’idées, des études menées en Amérique
DES COMMUNAUTÉS DE PRATIQUE du Nord montrent que, dans ce type de dispositifs
établis entre une université et un ou plusieurs éta-
Un grand nombre de publications rend compte des blissements « associés » (Raymond & Lenoir, 1998),
modalités de mise en œuvre de divers dispositifs de le clivage entre les fonctions des FU et des CP dis-
formation des EN pensés sur le modèle des commu- paraît progressivement (Burton, 1998) pour laisser
nautés de pratique (voir par exemple Haymore place à un travail collectif mené par la « commu-
nauté enseignante élargie » (Wang, Strong & Odell,
Sandholtz, 2002 ; Chaliès, Cartaut, Escalié et al.,
2004). Parmi ce type de dispositif, celui des
2009 ; Whitehead & Fitzgerald, 2007 ; Zeichner, 2006).
« centres de pédagogie » (Goodlad, 1990), expéri-
Parmi ces dispositifs, celui dit des Professional
menté aux États-Unis, occupe une place particu-
Development Schools est largement diffusé et étudié.
lière. Vis-à-vis de l’université, ces centres sont
Il a été initialement mis en œuvre aux États-Unis
en effet pensés et organisés comme des structures
à partir du second rapport du Holmes Group (1990),
autonomes sur les plans budgétaire et pédago-
préconisant une restructuration de la formation des
gique. Structurellement proches de ce qu’étaient
enseignants afin de promouvoir cette profession, de
les instituts universitaires de formation des maîtres
garantir l’application des réformes éducatives et de
(IUFM) en France avant la mise en place de la mas-
proposer un enseignement adapté à tous les publics
térisation de la formation des maîtres, ces centres
scolaires (Darling-Hammond, 1994 ; Zeichner, 1992). ne fonctionnent pas toutefois de façon isolée. Ils
Pour y parvenir, des collaborations entre plusieurs constituent un trait d’union entre l’université et les
établissements d’un même ou de différents districts établissements environnants, qui accueillent pour
scolaires et une ou plusieurs universités ont été pen- leur formation les étudiants ou les EN. Ces centres,
sées afin d’aboutir à la mise en œuvre de nouvelles comme les nouveaux IUFM devenus des écoles
« organisations apprenantes » (Ross, 1995). Au sein internes d’université, ont pour projet de concourir à
de ces organisations, les FU, les CP et les EN cher- la « professionnalisation de l’offre de formation et
chent à travailler en étroite collaboration. Ainsi par des enseignants 3 ».
exemple, tous les enseignements théoriques sont
réalisés conjointement par les FU et les CP à l’éta- Si la structuration des dispositifs peut varier, ces
blissement et/ou à l’université et pensés dans une derniers tendent tous, en prenant appui sur le modèle
perspective d’exploitation immédiate par les EN des communautés de pratique, à une modification
en situation de pratique professionnelle (Darling- des modalités de travail entre les différents membres
Hammond, 1994). Dans le même ordre d’idées, impliqués dans la formation. Ainsi par exemple, le
chaque activité de supervision et/ou de conseil à par- dispositif dit des « groupes d’amis critiques » (Kwan
tir des cours donnés par les EN est conduite commu- & Lopez-Real, 2005) est pensé pour permettre à des
nément par les CP et les FU impliqués de manière collectifs de formation constitués d’EN, de CP et de
quasi quotidienne dans les établissements (Grisham, FU de mettre en œuvre et de mener des séquences
Bergeron, Brink et al., 1999). d’analyse de pratique professionnelle à partir des
verbalisations faites par les EN de leur activité d’en-
Ce type de dispositif a aussi été introduit dans seignement. La construction de ce type de « collectif
certains pays européens. Ainsi, en Finlande par de formation » (Cartaut & Bertone, 2009) n’est toute-
exemple, les efforts menés au sein des masters fois pas sans poser des difficultés, comme celle rela-
consacrés à la formation des enseignants afin de tive à la capacité des formateurs à s’entendre pour
rapprocher les enseignements théoriques et la pra- organiser les conditions et modalités d’une position
tique de classe ont abouti à l’institution de partena- complémentaire fondée sur leurs compétences singu-
riats locaux (Jakku-Sihvonen & Niemi, 2006) entre la lières et leurs disponibilités (Awaya, McEwan, Heyler
faculté de formation des enseignants de l’université et al., 2003 ; Perry, Hutchinson & Thauberger, 2008),
et le réseau adjacent d’établissements appelés afin de répondre au mieux aux besoins identifiés
« écoles normales » (Meisalo, 2007). Au sein de ce en amont avec les EN (Tsui, Lopez-Real, Law et al.,
réseau, les CP jouent un double rôle d’enseignant et 2001). Cette difficulté est d’ailleurs d’autant plus
de conseiller. Leur collaboration avec les FU est prégnante que certains travaux récents invitent
nourrie par leur implication dans des travaux de à intégrer un nouveau membre au sein de cette
recherche relatifs aux problématiques d’apprentis- communauté, pour aider à la constitution de cette
sage et d’enseignement rencontrées au quotidien complémentarité. On peut ainsi relever certaines

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initiatives locales comme par exemple la mise tion de l’enseignement et de la formation, certaines
en place d’« enseignants référents » à l’échelle d’un études ont toutefois été déjà engagées sur les consé-
établissement ou d’un réseau d’établissements quences de la mise en œuvre de dispositifs au sein
(Velzen & Volman, 2009). Autrement nommés « ensei- desquels les établissements sont pensés et gérés
gnants éducateurs » (Velzen, Bezzina & Lorist, 2009) comme des « communautés d’apprentissage profes-
ou encore « coordonnateurs de communauté » sionnel » (Keay, 2009). Assimilés à des « établisse-
(Zeegers, 2005), ils sont toujours à la fois enseignants ments apprenants » (Bouvier, 2001 ; Gather Thurler,
et formateurs et ont en plus une fonction de média- 2000), à des « établissements scolaires formateurs »
tion (He, 2009) auprès des EN, CP et FU, pour faciliter (Étienne, 1999) ou encore plus récemment à des
l’engagement de tous dans la communauté de « organisations apprenantes » (Paquay, 2005 ; Krecic
pratique (Escalié & Chaliès, 2009). & Grmek, 2008), ces établissements contribuent de
façon plus prononcée à la formation, notamment en
permettant la construction d’un « professionnalisme
collectif [prenant le pas sur] l’individualisme »
LES établissements AU CŒUR (Lessard, 2005a). Assimilables à des « espaces
DES PROBLÉMATIQUES D’ÉDUCATION hybrides » (Zeichner, 2010) au cœur desquels est ren-
ET DE FORMATION due possible une articulation effective et efficace du
travail des différents membres de la communauté
(Smith & Evans, 2008), ces établissements sont une
Une des orientations actuelles de la politique euro- source de développement professionnel pour chacun
péenne en termes de formation professionnelle des (Coffey, 2010). Borko, Elliott et Uchiyama (2002) mon-
enseignants consiste à renforcer le partenariat univer- trent ainsi par exemple que, dans ce type d’établisse-
sité-écoles. Parmi les éléments de réponse fournis ments, les EN construisent des connaissances, com-
par la littérature scientifique du domaine, la mise pétences et dispositions à enseigner, tout en œuvrant
en œuvre de nouveaux dispositifs de formation à la construction d’une communauté professionnelle
prenant appui sur le modèle des communautés de partagée avec les autres membres apprenants ou for-
pratique occupe une place de choix. Même si elle a mateurs, ce qui au final aboutit à un renforcement de
déjà fait l’objet de travaux, cette mise en œuvre pose la cohérence d’ensemble des enseignements dispen-
encore toutefois un certain nombre de questions. sés aux élèves.
Dans ce type de dispositifs, l’articulation entre les
situations de formation à l’université et/ou dans les Les intérêts de la mise en œuvre de dispositifs de
établissements et les situations de pratique profes- formation pensés à partir du modèle des communau-
sionnelle nécessite en effet d’être repensée dans une tés de pratique dépassent en outre le cadre de la for-
nouvelle dynamique dite d’« alternance intégrative » mation initiale des enseignants. Certains travaux
(Bucheton, 2009). Plus exactement, l’assimilation des montrent, en effet, l’impact de tels dispositifs sur leur
expériences pratiques de classe comme à la fois formation continue. Des résultats de recherche
objet, mais aussi support de formation et de profes- récents invitent d’ailleurs à repenser les partenariats
sionnalisation (Mayen, 2007), bouscule la « pluralité entre l’université et les établissements pour per-
de l’alternance » (Vanhulle, Merhan & Ronveau, 2007) mettre, au sein de ces derniers, la poursuite de l’ac-
jusqu’ici mise en œuvre et pose un certain nombre de compagnement professionnel des enseignants après
questions. En plaçant l’expérience pratique de classe leur formation initiale (Mitchell, Reilly & Logue, 2009).
au cœur du processus de formation (Moussay, D’autres études montrent que ce type de dispositifs
Étienne & Méard, 2009), ces dispositifs déplacent de formation présente aussi un intérêt dans le cadre
en effet le centre de gravité de la formation (Zeichner, de la formation de formateurs. Au sein de ces dispo-
2006) et modifient à la fois l’« alternance institution- sitifs, les établissements deviennent en effet un véri-
nelle » établie entre l’université et les établissements, table lieu de formation, notamment pour les CP, grâce
l’« alternance organisationnelle » entre les situations par exemple à la mise en place de communautés de
de formation et la pratique de classe, mais aussi conseil réunissant des CP et des FU, mais aussi
l’« alternance actorielle » en invitant à repenser les d’autres partenaires de la communauté éducative tels
que les chefs d’établissement (Bryan & Carpenter,
rapports entre l’individuel et le collectif dans le travail
2008). Fondé sur la mise en synergie de formateurs
(Vanhulle, Merhan & Ronveau, 2007).
au cœur des établissements (Crasborn, Hennissen,
Malgré « une certaine continuité dans le change- Brouwer et al., 2008), ce nouvel environnement de
ment » (Brisard & Malet, 2004) en termes de concep- formation aiderait les CP à s’engager dans une relec-

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ture générique du métier d’enseignant, essentielle principaux chantiers à entreprendre en termes de
pour éviter l’écueil d’un accompagnement des EN recherches en sciences de l’éducation et de la forma-
exclusivement fondé sur leurs styles singuliers d’en- tion, afin d’accompagner au mieux ce « tournant
seignement (Parker-Katz & Bay, 2008). organisationnel » (Malet & Brisard, 2005) au sein du
système éducatif français.
Cependant le nombre encore limité de ce type
d’études montre combien « les discours généraux Guillaume Escalié
des réformes et politiques éducatives sont encore DATIEF, université de Nice-Sophia Antipolis
à l’épreuve des réalités diverses du monde ensei- Sébastien Chaliès
gnant, du fonctionnement des établissements et de sebastien.chalies@toulouse.iufm.fr
l’évolution de la formation des maîtres » (Lessard, UMR EFTS, IUFM Midi-Pyrénées,
2005b, p. 14). C’est donc sans nul doute ici l’un des université Toulouse 2-Le Mirail

NOTES

1 Nous traduisons ici la terminologie la plus fréquemment exploi- formateurs universitaires (FU dans le texte) sont généralement
tée (university-school) au cœur de la littérature scientifique. Par chargés d’enseignement et/ou de recherche dans les universités
convention, nous entendons par « université-écoles » le partena- ou dans les centres de formation selon les pays et interviennent
riat établi entre l’université et un ou plusieurs établissements dans les programmes de formation professionnelle initiale et
scolaires de premier ou second degré. continue des enseignants. Certains ont une expérience d’ensei-
gnant et/ ou de conseiller pédagogique. Selon les pays, ils sont
2 Les conseillers pédagogiques sont des enseignants en poste qui nommés university supervisor, student teachers supervisor, tea-
ont en charge une ou plusieurs classes, tout en étant impliqués
cher training tutor, university tutor ou encore university-based
comme formateurs dans le programme de formation profession-
teacher educator (Pour plus de détails, voir Chaliès, Cartaut,
nelle initiale des EN. Selon les pays, ils sont nommés associate
Escalié et al., 2009).
teachers, mentor, mentor teacher, school-based mentor, coope-
rating teacher, induction tutor, induction supporter, classroom 3 Nous faisons ici référence au colloque organisé par la conférence
teacher ou encore school-based teacher educator (pour une des directeurs d’IUFM ayant eu lieu à Paris en 2010 : « 20 ans
synthèse, voir Hennissen, Crasborn, Brouwer et al., 2008). Les de formation et de recherche dans les IUFM, et maintenant ? »

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Whitehead J. & Fitzgerald B. (2007). « Experiencing
and evidencing learning through self study: New ways Zeichner K. (2010). « Rethinking the connections between
of working with mentors and trainees in a training campus courses and field experiences in college- and
school partnership ». Teaching and Teacher Education, university-based teacher education ». Journal of
vol. 23, n° 1, p. 1-12. Teacher Education, vol. 61, n° 1-2, p. 88-99.

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Note de synthÈse

Finalités socio-éducatives
de la culture scientifique
Virginie Albe

La culture scientifique ou scientific literacy est devenue depuis plusieurs années


un enjeu majeur de formation pour tous à l’échelle internationale, futurs scientifiques
ou non. Une formation à la citoyenneté est ainsi visée dans le curriculum scientifique
afin d’outiller tous les élèves à appréhender des problèmes impliquant des sciences
dans leur future vie hors de l’école. Cette note de synthèse propose de questionner
l’idée de développement de la culture scientifique en identifiant dans les nombreux
discours et travaux sur ce thème les enjeux socio-éducatifs, les savoirs mobilisés
et l’engagement social visé par les différentes approches de la culture scientifique.

Descripteurs (TESE) : réforme des programmes d’études, culture, sciences naturelles,


compétence, finalités de l’éducation, savoir.

Introduction

Depuis plusieurs années, la formation du citoyen aux choix sociétaux est devenue
un enjeu majeur de l’éducation scientifique pour de nombreux pays, notamment
en Europe et dans les pays dits émergents (Albe, 2009 ; Robine, 2009). Une éduca-
tion aux sciences pour tous visant ce que d’aucuns nomment une culture scienti-
fique et d’autres une alphabétisation ou une « littératie scientifique », en traduction
de la scientific literacy des anglophones, est alors largement promue dans les pays
concernés (Albe, 2008). L’émergence de cette culture scientifique pour tous peut
être reliée à une autre question majeure, largement (re)discutée à l’heure actuelle,
sur l’éducation à la citoyenneté, dans le contexte de mondial isation de l’économie
et en référence à un problème de cohésion des sociétés. Considérant que l’on
observe une tendance des citoyens à un désengagement vis-à-vis de leur droit de
regard sur les grands choix de société, symptôme apparent d’une dynamique de
dépolitisation grandissante, la question cruciale de l’éducation à une citoyenneté
active et éclairée émerge à nouveau. La contribution de l’éducation scientifique à la
formation d’un citoyen que l’on souhaite actif et éclairé (question qui, en France,

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avait été un enjeu majeur de l’instruction primaire et de l’éducation populaire sous la
Troisième République) est ainsi posée à nouveaux frais. Une réponse, ou la réponse
adéquate pour ses promoteurs, résiderait dans le développement d’une culture
scientifique et technique pour tous, et les arguments à l’appui de cette thèse sont
souvent liés à une volonté de « repolitisation » des choix sociétaux dans lesquels les
sciences sont impliquées. L’objet de cet article est de questionner l’émergence de
cette nouvelle idée de culture scientifique, de repérer ses justifications dans les
nombreux discours développés dans un contexte complexe de mutations sociales1
et enfin d’interroger les reconfigurations contemporaines de l’éducation scientifique
dans la perspective d’une analyse sociopolitique du curriculum.
Le corpus élaboré pour cette note de synthèse a été constitué de la façon sui-
vante : dans un premier temps, recherche de revues de littérature existantes sur le
thème de science literacy ou scientific literacy en langue anglaise puis, dans un
second temps, recherche de documents complémentaires publiés en langues fran-
çaise et anglaise avec les mots-clés « science literacy », « scientific literacy » et
« culture scientifique », dans les revues majeures dédiées à la recherche en éduca-
tion aux sciences2 et ayant une large audience internationale : Journal of Research
in Science Teaching et Science Education (éditées aux États-Unis), International
Journal of Science Education et Journal of Curriculum Studies (éditées en Grande-
Bretagne), Revue canadienne de l’enseignement des sciences, des mathématiques
et des technologies (éditée au Canada). Le corpus ainsi constitué comporte des
documents de nature diverse : revues de littérature, rapports institutionnels et
articles de recherche. Cinq revues de littérature ont été publiées en langue anglaise
de 1983 à 2009, les plus récentes dans le Handbook of research on science educa-
tion, qui fait le point sur l’avancée des recherches dans ce domaine (la dernière édi-
tion est de 2007, la précédente de 1998), et dans des revues de recherches en édu-
cation aux sciences publiées en langue anglaise : le Journal of Research in Science
Teaching, Studies in Science Education et Science Education (éditées aux États-
Unis). Les sept rapports évoqués dans cette note de synthèse émanent d’associa-
tions (American Association for the Advancement of Science et Nuffield fondation,
fondation britannique qui finance des projets et des recherches en éducation scien-
tifique), d’organismes internationaux (OCDE), d’instances politiques (Commission
européenne) et d’un ministère de l’Éducation (Canada). Ils ont été publiés de 1989
à 2008. Les 31 recherches empiriques et théoriques recueillies ont été publiées
de 1958 à 2009.

La culture scientifique en débats

Plusieurs revues de littérature, dans le champ de l’éducation aux sciences, ont été
consacrées à la culture scientifique, afin de clarifier ses orientations et définitions
(Bybee, 1997 ; De Boer, 2000 ; Koballa, Kemp & Evans, 1997 ; Mayer & Kumano,
2002 ; Roberts, 2007). D’une approche historique effectuée sur une courte période
récente et avec les précautions nécessaires étant donné le peu de recul que nous
avons, il ressort que la culture scientifique constitue d’abord un slogan à la fin des
années cinquante, pour faire ensuite l’objet de multiples définitions (Roberts, 2007).
Le terme de « scientific literacy » apparaît initialement dans les écrits de Conant dès
les années quarante (Holton, 1998 ; Bybee, McCrae & Laurie, 2009) et se répand
ensuite dans les discours d’éducateurs aux sciences (dans un champ professionnel,
enseignants, formateurs et animateurs scientifiques dans les musées ou des ateliers
scientifiques à l’école), en référence à un article de 1958 intitulé « Science literacy:

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Its meaning for American schools » (Hurd, 1958, cité dans Bybee, McCrae & Laurie,
2009). Élaborer et mobiliser l’idée de culture scientifique est alors considéré comme
un moyen de trouver du soutien dans le champ de l’éducation aux sciences afin
d’examiner à nouveau les finalités de l’enseignement des sciences et élaborer des
curriculums pour les « 90 % d’étudiants [qui ne sont pas considérés comme des]
scientifiques potentiels » (Roberts, 1983).
Ensuite, de la fin des années soixante à la fin des années soixante-dix, une série
abondante et variée de définitions de cette expression est produite. Pour Roberts
(2007), la scientific literacy est alors un concept parapluie, suffisamment large, au
sens composite tel qu’il signifie tout et rien de particulier en éducation aux sciences.
Le développement de la culture scientifique vise une compréhension large et fonc-
tionnelle de la science dans un but d’éducation générale, et non pas de préparation
des futurs scientifiques et technologues. Dans les années quatre-vingt, on assiste à
un mouvement de mondialisation et s’affirme alors, de façon convergente, une
volonté de développer la culture scientifique et technique. De telles préoccupations,
sociales, économiques et environnementales, sont partagées par plusieurs pays et
par des institutions internationales (en particulier, l’OCDE et l’UNESCO) ; elles
conduisent des groupes de travail à proposer que la formation en sciences des
futurs citoyens devienne une priorité, au même titre que la sélection et la formation
des prochaines générations de scientifiques. La diffusion de la culture scientifique et
technique pour tous, et pas seulement pour les élèves qui se destinent à des métiers
scientifiques et techniques, est ainsi devenu un axe majeur des enseignements dans
de nombreux pays. Cette perspective de développement de la culture scientifique
soulève de nombreux débats chez les chercheurs. Certains y voient une possibilité
de « réconcilier » élèves et citoyens avec les sciences et les technologies, d’autres
considèrent que le développement de la culture scientifique constitue un nouveau
slogan qui vise à rendre un enseignement de contenus scientifiques factuels plus
attrayant, ou constitue l’expression nouvelle d’un vieux projet hégémonique d’occi-
dentalisation du monde (Carter, 2005 ; Désautels & Larochelle, 2003 ; Legendre,
2004). D’autres, enfin, y voient une possibilité de s’engager dans une refondation
des programmes devenue nécessaire si l’on souhaite qu’ils permettent de former les
citoyens de sociétés modernes, dans un contexte de mondialisation économique,
d’augmentation de la production et d’expansion sans limites menaçant les libertés
individuelles, le bien-être des sociétés et le futur de la planète (Hodson, 2003).
Les considérations sur ce qu’une personne cultivée en sciences peut être
en mesure de faire sont très disparates et les orientations à privilégier font l’objet de
grands désaccords (voir par exemple les débats dans les deux premiers numéros de
la Revue canadienne de l’enseignement des sciences, des mathématiques et des
technologies en 2002). Il n’est donc pas possible de dégager de la littérature une
définition consensuelle de scientific literacy ou science literacy ; au contraire, c’est à
un déluge de définitions (Roberts, 2007) que l’on se trouve confronté. Si le terme
literacy est souvent pris comme une boîte noire dans le concept de scientific literacy
ou de science literacy (employés comme synonymes), un sens fondamental minimal
pourrait toutefois être dégagé de la littérature : lire et écrire en sciences. Mais la por-
tée de la culture scientifique pour former en sciences et sa pertinence pour fonder
un curriculum scientifique donnent lieu à de vifs débats.
La traduction de l’anglais vers le français suscite également des controverses.
Alors que certains utilisent le terme d’« alphabétisation scientifique » qui, selon
nous, met l’accent sur le sens fondamental de la « littératie » (lire et écrire), d’autres
lui préfèrent celui de « culture scientifique » afin de désigner un sens plus complexe,
ou de se référer à la tradition historique du contexte européen dans l’héritage philo-

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sophique du Siècle des lumières. Pour Solomon (1998) par exemple, le terme
« culture » comporte une dimension élitiste qui le place à un niveau supérieur par
rapport au terme « alphabétisation ». D’autres s’opposent à cette formulation de
« culture scientifique », qui soulignerait le divorce entre sciences et humanités, pour
des raisons historiques et de sélection et de formation, et appellent à inviter à nou-
veau la science au cœur de la culture humaine et humaniste (Robine, 2009). Il ne
m’appartient pas de trancher ce débat, la position que j’adopte ici consiste à suivre
au plus près les termes employés dans les différents textes étudiés, et ainsi
à reprendre souvent les termes anglais science literacy ou scientific literacy, voire
à les traduire par « culture scientifique ». J’ajoute toutefois que la notion de culture
me semble suffisamment fondamentale pour ne pas l’utiliser simplement comme
une boîte noire, qu’elle invite à y regarder de plus près, ce qui engagerait de vastes
débats en philosophie, anthropologie, histoire… bien loin du propos de ce texte.
Ces réflexions orientent néanmoins la présente étude vers l’analyse de ce que les
chercheurs en éducation aux sciences entendent par individu ou personne « scienti-
fiquement cultivée », notamment au regard de son engagement social, étant donné
la justification rappelée en introduction de développer la culture scientifique pour
pallier le désengagement politique des citoyens.
Mentionnons que tous ces débats ne nous apparaissent d’ailleurs pas surprenants
dans la mesure où s’exprime, plus ou moins explicitement, à travers la volonté de
développer la culture scientifique des jeunes, une vision de la finalité du curriculum
scientifique. Ainsi on retrouve, à propos de la culture scientifique, une tension poli-
tique et intellectuelle continue inhérente au champ de l’éducation aux sciences entre
visée de reproduction ou d’émancipation sociale, enseignement de contenus déso-
cialisés ou acculturation à des pratiques sociales et culturelles. Approcher la littéra-
ture s’avère ainsi constituer un exercice difficile. Nous avons choisi de structurer
cette note de synthèse à partir de l’identification, dans les nombreux discours et la
grande diversité de positions sur la culture scientifique, des visées éducatives, de la
nature des savoirs mobilisés et de l’importance accordée à l’engagement social et
civique.

Visées éducatives de la culture scientifique

Différents types de culture scientifique, correspondant à des finalités éducatives


diverses, ont été proposés dans la littérature. Pour Shen (1975) par exemple, une
culture scientifique pratique consiste en la « possession de connaissances scienti-
fiques qui peuvent être utilisées pour aider à résoudre des problèmes pratiques…
[tels que] la santé ou la survie3 » (Shen, 1975, p. 46-47). Une culture scientifique
civique est quant à elle destinée à « permettre au citoyen de devenir plus conscient
des questions de sciences qu’il (ou son représentant) a à affronter et par consé-
quent le conduit à participer plus significativement aux procédés démocratiques
dans une société de plus en plus technologique » (Shen, 1975, p. 48). Enfin, dans
l’optique d’une scientific literacy culturelle, l’élève est « motivé par un désir de
connaître les sciences comme une production humaine majeure. Il s’agit de consi-
dérer les sciences comme on apprécie l’art » (Shen, 1975, p. 49).
Ces trois types de la scientific literacy ont par la suite été repris et hiérarchisés
pour établir une progression dans le curriculum scientifique (Shamos, 1995). Elles
ont aussi été étendues (Bybee, 1997), les différentes typologies étant discutées,
retravaillées et saisies par des discussions polémiques. Pour Shamos (1995) par

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exemple, une scientific literacy (abrégée en SL par cet auteur) culturelle consiste en
« la forme la plus simple de SL […] une compilation d’informations d’un certain
background que des communicants supposent que leur public possède déjà ». Un
autre type de SL proposé par le même auteur, une scientific literacy fonctionnelle est
telle que « l’individu non seulement possède un lexique scientifique, mais est aussi
capable de discuter, lire et écrire de façon cohérente, en utilisant ces termes scienti-
fiques dans un contexte qui n’est peut-être pas technique mais néanmoins signi-
fiant » (Shamos, 1995, p. 88). Enfin Shamos propose un dernier type de SL, une
scientific literacy « vraie » dans le sens où, pour lui, elle constitue un objectif appro-
prié pour les étudiants qui se destinent à l’étude des sciences. Mais pour cet auteur,
l’idée que la SL puisse orienter en général la finalité de l’éducation aux sciences est
un mythe. Il définit alors trois principes pour guider l’enseignement scientifique des
étudiants non orientés en sciences, principes qui rejoignent les trois catégories pro-
posées par Shen (1975) : « À ce niveau, l’individu a des connaissances sur l’en-
semble de l’entreprise scientifique […] les cadres conceptuels majeurs […] de la
science, comment ils ont été élaborés, et pourquoi ils sont largement acceptés,
comment la science produit de l’ordre à partir d’un univers aléatoire, et le rôle de
l’expérience en science. L’individu apprécie aussi les éléments de l’investigation
scientifique, l’importance d’un questionnement approprié, d’un raisonnement analy-
tique et déductif, des procédés de pensée logique, et de confiance dans la preuve
objective. » (Shen, 1975, p 89)
Pour Bybee (1997), la scientific and technological literacy est considérée comme
un continuum dans lequel un individu développe plus ou moins une compréhension
sophistiquée des sciences et des technologies. D’après lui, une « littératie nomi-
nale » implique que « l’individu associe des noms à un domaine général de sciences
et de technologies […] La relation [à] des définitions acceptables est réduite et insi-
gnifiante » (Bybee, 1997, p. 84). Bybee inclut dans ce type de SL les fausses concep-
tions, théories naïves et concepts imprécis. Ensuite, dans le cadre d’une « littératie
fonctionnelle », « l’individu répond de façon adéquate et appropriée au vocabulaire
[…] il peut lire et écrire des passages avec du vocabulaire scientifique simple […] Il
peut aussi associer le vocabulaire à des cadres conceptuels plus larges […] mais
éprouve de la difficulté à comprendre ces associations » (Bybee, 1997, p. 84-85).
En revanche, par la maîtrise d’une « littératie conceptuelle et procédurale », « l’indi-
vidu montre une compréhension à la fois des parties et de l’ensemble des sciences
et technologies comme disciplines […] Il comprend la structure des disciplines et les
procédures pour développer de nouvelles connaissances et techniques » (Bybee,
1997, p. 85). Un dernier type de SL, la « littératie multidimensionnelle », consiste en
« la compréhension des structures conceptuelles essentielles des sciences et des
technologies, ainsi que des caractéristiques qui rendent cette compréhension plus
complète, comme par exemple l’histoire et la nature des sciences. En outre, l’indi-
vidu à ce niveau comprend la relation des disciplines à l’ensemble des sciences et
des technologies et à la société » (Bybee, 1997, p. 85).
Pour Fourez (1997), une personne « scientifiquement et techniquement cultivée »
fait usage de ses connaissances pour son autonomie. Lorsqu’elle est confrontée à
des contraintes naturelles ou sociales, ses connaissances lui donnent par exemple
la possibilité de négocier ses décisions sans dépendance excessive à autrui, lui
donnent également une capacité à communiquer et des moyens pratiques de faire
face à des situations spécifiques. Pour Fourez, cette littératie ne porte pas seule-
ment sur notre environnement matériel, mais aussi sur des situations émotionnelles,
sociales, éthiques et culturelles. Elle ne concerne donc pas seulement les sciences
de la matière et du vivant, mais aussi les sciences sociales. Ainsi le concept de

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      123

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culture scientifique et technologique renvoie pour Fourez à une émancipation de
l’individu et non à l’acquisition de contenus ou capacités spécifiques.
Les arguments justifiant que les différents types de scientific literacy peuvent
orienter l’éducation scientifique ont par ailleurs été catégorisés (Driver, Leach, Millar
et al., 1996 ; Millar, 1996). Un argument économique consiste à mettre en avant le
rôle des sciences et technologies dans l’insertion professionnelle. Un autre argu-
ment, qualifié d’utilitaire, consiste à considérer que, dans des sociétés technoscien-
tifiques, les citoyens seront mieux en mesure d’affronter les problèmes s’ils ont une
base de connaissances scientifiques et techniques. Selon un autre argument dit
démocratique, il s’agit de viser une participation significative des citoyens aux déci-
sions que les sociétés doivent prendre à l’égard de problèmes socioscientifiques et
sociotechniques toujours plus complexes. Enfin un argument qui peut être qualifié
de culturel envisage les sciences en tant qu’entreprise culturelle et sociale comme
l’art, la musique et la littérature.
Par ailleurs, différentes définitions de la scientific literacy (ou culture scientifique4)
ont été proposées dans le cadre des enquêtes internationales PISA (Program for
International Student Assessment) en 2003 et 2006. Lors de l’enquête de 2003, la
culture scientifique désigne la capacité d’utiliser des connaissances scientifiques,
d’identifier des questions et d’élaborer des conclusions appuyées sur des preuves,
afin de comprendre et d’aider à une prise de décision à propos du monde naturel et
de ses changements dus à l’activité humaine (OCDE, 2006, p. 133). Trois procédés,
considérés « centraux » dans cette culture scientifique, sont objets de l’enquête. Il
s’agit de :
–– décrire, expliquer et prédire des phénomènes scientifiques ;
–– comprendre l’investigation scientifique ;
–– interpréter des preuves scientifiques et des conclusions.
Ces éléments ont été repris et complétés lors de l’enquête PISA 2006 par la consi-
dération des attitudes des jeunes envers les sciences et par l’accent mis sur la per-
tinence de connaissances sur les sciences (et pas seulement en sciences). La
culture scientifique est alors considérée constituée de trois compétences clés
(OCDE, 2006), vues comme fonctionnant en une séquence que des individus
devraient suivre lorsqu’ils rencontrent et résolvent des problèmes liés aux sciences
(Bybee, McCrae & Laurie, 2009, p. 878). Il s’agit d’identifier des questions scienti-
fiques, puis d’expliquer scientifiquement des phénomènes et enfin d’utiliser des
preuves scientifiques. On admet que ces trois compétences sont influencées par les
savoirs scientifiques et les savoirs sur les sciences, ainsi que par les attitudes envers
les sciences (intérêt, soutien à l’investigation scientifique, responsabilité vis-à-vis
des ressources naturelles et de l’environnement). La notion de culture scientifique
renvoie ici à l’acquisition et à l’application conséquente de savoirs et d’attitudes
scientifiques et technologiques dans des contextes dits « de vie » (expression pro-
venant directement de l’OCDE, 2006) pour un bénéfice personnel, social et global
(Bybee, McCrae & Laurie, 2009, p. 869). L’idée de contexte est majeure dans une
telle définition et également dans l’évaluation des compétences des élèves en
sciences lors de l’enquête PISA 2006. Nous détaillerons ces contextes lorsque nous
explorerons la nature des savoirs mobilisés dans la culture scientifique. Tentons
pour l’instant de cerner les finalités éducatives d’une telle approche de la culture
scientifique. Viser chez les jeunes la capacité d’utiliser des savoirs scientifiques
dans des contextes dits « de vie » impliquant des sciences nous semble relever
d’une finalité pratique telle que proposée par Shen (1975) ou d’une finalité utilitaire
selon la catégorisation de Millar (1996), faite à partir des arguments servant à orien-
ter le curriculum scientifique sur les différents types de scientific literacy.

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Nature des savoirs mobilisés dans la culture scientifique

Si, dans une perspective didactique, on examine la nature des savoirs mobilisés
dans les situations d’apprentissage promues ou mises en œuvre dans des
recherches empiriques en éducation aux sciences, plusieurs orientations peuvent
être identifiées. S’agit-il de considérer l’éducation scientifique en fonction d’un pro-
jet de société ou en fonction des contenus des disciplines scientifiques ? Répondre
à cette question trace une ligne de partage entre deux visions de la culture scienti-
fique, conçues comme les deux extrêmes d’un continuum d’approches et identifiées
à partir d’un vaste corpus de recherches et de textes institutionnels (rapports d’aca-
démies des sciences ou d’associations d’éducateurs en sciences, de l’UNESCO, de
l’OCDE de 1973 à 20055, voir Roberts, 2007).
Dans une vision 1, il s’agit d’enseigner des contenus scientifiques pour eux-
mêmes (Roberts, 2007, p. 729). Les savoirs scolaires sont établis en référence à la
science savante et considérés sans aucune implication dans la société (Arons,
1983 ; Snow, 1962). Cette conception de la culture scientifique correspond pour
Laugksch (2000) à une « catégorie de l’apprendre6 ». Dans une vision 2, les savoirs
scolaires sont élaborés en référence à leur implication dans la société (Branscomb,
1981 ; Miller, 1983). Dans une telle approche, nommée « catégorie du fonctionne-
ment en société7 » par Laugksch (2000), la culture scientifique est un concept relatif
et socialement défini qui diffère selon les périodes, les régions géographiques, les
communautés ou les conditions sociales. Il peut s’agir par exemple dans les pro-
grammes scolaires du choix de situations pour lesquelles la science semble légiti-
mement jouer un rôle dans d’autres affaires humaines (Roberts, 2007, p. 729) ou de
situations ayant une dimension scientifique et pouvant être rencontrées par les
élèves en tant que citoyens (Roberts, 2007, p. 730). Cette centration sur les situa-
tions rejoint l’accent mis sur les contextes dits « de vie » dans l’enquête PISA 2006
et conduit certains de ses experts à revendiquer l’ancrage de PISA 2006 dans cette
vision 2 de la culture scientifique (Bybee, McCrae & Laurie, 2009, p. 866). Ces
contextes « de vie » concernent la santé, les ressources naturelles, l’environnement,
les risques environnementaux, technologiques et les frontières entre sciences et
technologies (OCDE, 2006). Il s’agit de les faire appréhender par les élèves aux
niveaux local, social et global.
Pour prendre d’abord l’exemple de la santé, les élèves peuvent l’appréhender de
la façon suivante : au niveau local, sa préservation, la prévention d’accidents et l’ali-
mentation ; au niveau social, le suivi et les transmissions de maladies, la santé d’un
groupe social et les choix alimentaires ; et au niveau global, les épidémies et la pro-
pagation de maladies infectieuses. Concernant les ressources naturelles, au niveau
local, il s’agit de la consommation individuelle de matériaux et d’énergie ; au niveau
social, de la préservation de la qualité de vie (sécurité, production et distribution de
nourriture et d’énergie) des populations humaines ; et au niveau global, des sys-
tèmes naturels renouvelables ou non renouvelables, de la croissance de la popula-
tion mondiale, de l’usage durable des espèces. À propos de l’environnement,
au niveau local, il s’agit d’un comportement respectueux de l’environnement et de
l’usage des matériaux ; au niveau social, de la répartition des populations, de la ges-
tion de déchets, des impacts sur l’environnement et de la météorologie locale ; et au
niveau global, de la biodiversité, de la durabilité écologique, du contrôle de la popu-
lation, de la production et des sols. Les risques concernent, au niveau local, les
décisions en matière de logement ; au niveau social, les changements rapides (trem-
blements de terre, météorologie sévère), lents et progressifs (érosion côtière, sédi-
mentation) et l’évaluation des risques ; et au niveau global, le changement clima-
tique et l’impact de la guerre moderne. Concernant les frontières entre sciences et

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      125

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technologies, au niveau local il s’agit de l’intérêt pour les explications scientifiques
des phénomènes naturels, des passe-temps basés sur les sciences, le sport et les
loisirs, la musique et les technologies personnelles (ordinateurs, jeux vidéo, etc.) ;
au niveau social, il s’agit des objets et services innovants, de la modification géné-
tique, de la technologie de l’armement et du transport ; et au niveau global, il est
question de l’extinction des espèces, de l’exploration de l’espace et de l’origine et la
structure de l’univers (OCDE, 2006).
Pour appréhender ces contextes dits « de vie » impliquant des sciences, il est
attendu des jeunes qu’ils mobilisent des savoirs scientifiques et des savoirs sur l’in-
vestigation et les explications scientifiques. Un élève scientifiquement cultivé serait
dans ce cas celui ou celle qui comprend des concepts scientifiques fondamentaux
relatifs aux systèmes physiques (structure et propriétés de la matière, réactions
chimiques, forces et mouvements, énergie et ses transformations, interactions entre
énergie et matière), aux systèmes vivants (cellules, êtres humains, populations, éco-
systèmes, biosphère), à la Terre et à l’espace (structures, énergie et changements
des systèmes terrestres, histoire de la Terre, gravité et système solaire) et aux sys-
tèmes technologiques (rôle des technologies basées sur les sciences, principes et
concepts technologiques, relations entre sciences et technologies).
Dans les enseignements scientifiques pour le xxie siècle, élaborés et mis en œuvre
en Angleterre dans une perspective de scientific literacy (Millar, 2006), de nouveaux
contenus ont également été introduits dans le curriculum scientifique, comme l’épi-
démiologie ou la santé. L’accent est mis sur une compréhension large et qualitative
des explications scientifiques et sur les connaissances sur les sciences. Ces deux
visions de la culture scientifique comportent des risques sur le plan didactique et
pédagogique. Pour la vision 1, il est possible d’imaginer l’introduction en classe, par
un effet de la mode « culture scientifique » et comme source de motivation des
élèves, de situations sur des thèmes où sciences et sociétés sont liées. Passée une
telle introduction, c’est un enseignement scientifique traditionnel qui aurait lieu et la
mission de développement de la culture scientifique des élèves serait considérée
comme accomplie. La culture scientifique dans ce cas peut être vue comme un
moyen de motiver les élèves pour l’apprentissage des sciences, comme un moyen
de légitimer le curriculum scientifique dans l’enseignement secondaire obligatoire
(Davies, 2004) ou comme un « supplément d’âme » une fois terminé l’enseignement
des concepts scientifiques. Osborne (2007) souligne ainsi que les curriculums scien-
tifiques contemporains sont essentiellement préparatoires à la formation de futurs
scientifiques plutôt qu’à celle de futurs citoyens.
Dans la vision 2, le risque pourrait être, de façon opposée, de consacrer insuffi-
samment d’attention à la dimension scientifique des situations éducatives, et cela
également par effet de mode, pour préférer par exemple des discours sur ou autour
des sciences ou la mise en débat de questions sociales en contexte scolaire.
L’expérience de curriculums « sciences technologies sociétés » (STS par la suite)
développés dans les dernières décennies en Angleterre, au Canada, aux États-Unis
et en Belgique notamment, peut être riche d’enseignements à ce propos. Dès le
début des années soixante-dix émergent des recherches et des interventions édu-
catives sur des questions comportant des dimensions sociales, scientifiques et
techniques en interdépendance. Bien qu’une telle perspective soit aujourd’hui
considérée comme une contribution importante, sa portée dans les pratiques d’en-
seignement a bien souvent été considérablement diluée (Yager, 1996). D’une part,
nombre de programmes STS ont été limités à l’incorporation de vignettes histo-
riques ou sociales dans les programmes de sciences traditionnels (Bybee, 1991) : on
retrouve ici le risque soulevé à propos de la vision 1 de la culture scientifique. D’autre

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part, des curriculums STS ont dû être abandonnés pour des raisons politiques, des
contraintes bureaucratiques et sous l’influence d’éminentes personnalités scienti-
fiques. Il est intéressant de se pencher ici sur quelques initiatives curriculaires pour
comprendre les questions soulevées et pour mieux cerner les enjeux et débats liés
aujourd’hui à la culture scientifique. Ainsi des curriculums STS pour l’enseignement
scientifique dans le secondaire dans la province canadienne de l’Alberta, en rempla-
cement des disciplines traditionnelles (biologie, chimie, physique), ont obtenu le
soutien des éducateurs et des milieux politiques (Blades, 1997 ; Fensham, 1993 ;
Gaskell, 1989). Lorsqu’il s’est agi de mettre au point de nouveaux manuels et des
guides d’accompagnement de ces curriculums STS, de nombreuses oppositions
ont été exprimées, par des professionnels et des scientifiques universitaires. Blades
(1997) a relaté la manière dont professionnels et scientifiques universitaires se sont
mobilisés pour « saboter » ces curriculums STS sur le plan politique. Leur argument
majeur était que ces changements conduiraient à une diminution sévère du nombre
d’ingénieurs, de géologues, de scientifiques et menaceraient à long terme le sys-
tème de santé (selon l’Alberta Medical Association). Un comité de la faculté des
sciences de l’Université de l’Alberta a également examiné les nouveaux programmes
proposés et déclaré que « le résultat a abouti à des sciences sociales se faisant pas-
ser pour des sciences » (Blades, 1997, p. 61). Cela rejoint le risque soulevé à propos
de la vision 2 de la culture scientifique. C’est alors sans surprise que les documents
ont été profondément révisés, de façon à ce que la nouvelle discipline corresponde
à un regroupement des contenus des trois disciplines traditionnelles.
Cette expérience nous amène à interroger les questions curriculaires et épistémo-
logiques posées par une telle approche. L’introduction de cette discipline nouvelle,
« sciences technologies société », en remplacement des disciplines scientifiques
traditionnelles (biologie, chimie, physique) a dû être abandonnée au profit de la
poursuite d’un enseignement de contenus des disciplines scientifiques séparées.
Pour Gaskell (2001), cette centration sur les contenus des disciplines scientifiques
traditionnelles tient à ce que la perception de ce qui constitue des programmes
scientifiques valables pour les étudiants, les enseignants et les parents dérive forte-
ment de la définition des sciences proposée par les milieux scientifiques universi-
taires. Les éléments curriculaires des STS sont souvent perçus comme une perte de
temps, aux dépens de l’apprentissage de notions utiles à la réussite dans les milieux
scientifiques universitaires. Même les enseignants et enseignantes de sciences ont
rarement accordé leur appui à ces initiatives. Outre leur formation personnelle et les
relations qu’ils entretiennent avec les milieux universitaires, leur attitude reçoit l’ap-
pui des élèves et de leurs parents, qui ont tout intérêt à ce que les sciences propo-
sées à l’école soient celles qui sont les mieux reconnues, qui ouvrent les portes des
universités et augmentent les possibilités de carrière. Ainsi un enseignement scienti-
fique pertinent est vu par nombre d’enseignants, de parents et d’élèves comme
celui qui prépare naturellement à l’entrée dans les filières scientifiques de l’université
(Gaskell, 2001).
Cette centration sur les contenus des disciplines scientifiques traditionnelles, plu-
tôt que sur « des sciences sociales se faisant passer pour des sciences », nous
informe en outre de la nature épistémologique des sciences scolaires. D’une part,
une caractéristique de l’enseignement des disciplines scientifiques est de s’extraire
du contexte social, économique, culturel et pratique à l’origine de la production des
savoirs. Les éléments curriculaires des STS vont à l’encontre d’un tel détachement
traditionnel des problèmes sociaux des disciplines scientifiques et des scientifiques
eux-mêmes, comme le souligne Gaskell (2001). D’autre part, l’organisation de disci-
plines scientifiques en enseignement de contenus factuels revient à présenter des
résultats ayant statut de vérité. La perspective STS conduit au contraire à enseigner

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      127

RFP174.indb 127 03/06/2011 15:29:35


également les processus d’élaboration des savoirs et à considérer la dimension
sociale de la validation des savoirs dans des communautés structurées par des pro-
jets. Une telle différence d’approche renvoie aux deux visions de la culture scienti-
fique (Roberts, 2007) présentées plus haut et aux finalités des curriculums. Si l’on
poursuit l’analyse en distinguant deux polarités, non nécessairement exclusives8, la
question se pose soit de former de futurs spécialistes, par acculturation à une disci-
pline scientifique pertinente en elle-même (au sens où un corpus de contenus scien-
tifiques peut en lui-même fournir un but de formation), soit de former tous les jeunes
dans le cadre de l’éducation obligatoire à comprendre les sciences, leur nature et
leur rôle dans la société, les savoirs fournissant dans ce cas une médiation pour la
communication et l’action. Comme le souligne Fourez (1997) à propos de la culture
scientifique, le curriculum vise-t-il alors à faire voir aux élèves le monde tel que les
scientifiques le voient ou bien à apprendre aux élèves à utiliser les sciences pour
voir et comprendre leur monde ? Autrement dit, s’agit-il d’enseigner la biologie, la
chimie, la physique ou d’apprendre aux jeunes à « négocier » avec leur monde ?
Pour Fourez (1997), une analyse idéologique des implications du choix d’une pers-
pective ou d’une autre peut nous aider à mieux comprendre les réticences vis-à-vis
des approches STS. Cet auteur s’interroge sur l’intérêt de réduire l’éducation scien-
tifique à un enseignement de contenus disciplinaires : pour les scientifiques et pour
ce qu’il nomme l’« establishment », une centration de l’enseignement sur des conte-
nus disciplinaires renforce la vision du monde de la communauté scientifique et
en fait la seule norme socialement acceptable ; elle augmente le recours aux experts
dans des situations spécifiques, en « délégitimant » les préoccupations de la popu-
lation au sens large, ce qui limite un partage du pouvoir lors de demandes de parti-
cipation du public aux décisions en matière scientifique. « Ainsi à qui bénéficie le
plus l’éducation scientifique : aux élèves, aux scientifiques, aux futurs employeurs
des jeunes, à d’autres9 ? » (Fourez, 1997). Poser une telle question appelle à ouvrir
la discussion sur cette analyse idéologique et à la prolonger prudemment, comme
son auteur le souligne. Elle implique un débat sur le partage du pouvoir et la pra-
tique de la démocratie, entre ce que Fourez nomme « une science élitiste pour les
privilégiés » contre, en référence au projet Science for All de l’American Association
for the Advancement of Science (1989), une « science pour tous ».
Dans le document intitulé Project 2061 de l’American Association for the
Advancement of Science (1989), les sciences sont présentées comme une accumu-
lation de thèmes (en technologie, sciences de l’information, ingénierie, sciences
sociales, sciences de la santé, mathématiques, en plus des traditionnelles physique,
chimie, biologie et géologie) et des considérations sociales, politiques, éthiques en
sont exclues. Ainsi, pour des sociétés savantes telles que l’American Association for
the Advancement of Science, promouvoir le développement de la culture scienti-
fique et technique consiste-t-il en un effort pour que la science et l’activité scienti-
fique soient perçues comme voie privilégiée pour penser et décider ?

Importance accordée à l’engagement social et civique


dans la culture scientifique

Quant à l’importance accordée à l’engagement des élèves dans la société, la litté-


rature est aussi riche de diverses approches. Pour certains, il s’agit de permettre
aux individus de communiquer sur des thèmes scientifiques, de « fonctionner mini-
malement » (sic !) en société, comme consommateurs des sciences et des produits
des sciences, ainsi que comme citoyens. Par exemple, les personnes cultivées

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scientifiquement peuvent apporter un plus grand soutien aux sciences elles-mêmes,
en particulier via le financement public (Shortland, 1988) ou leur participation au sec-
teur économique de la production technoscientifique industrielle (Walberg, 1983).
Pour d’autres, les personnes cultivées scientifiquement peuvent « participer de
façon complète dans la société » (Bussière, Knighton & Pennock, 2007), s’engager
dans des activités politiques, des processus de décisions collectives ou de change-
ment social (Prewitt, 1983 ; Roth & Barton, 2004). Dans cette perspective, le déve-
loppement de la culture scientifique est considéré comme un fondement de la pra-
tique de la démocratie dans nos sociétés (Désautels, 2002) et comme un élément
pour favoriser la responsabilité civique. Ceci posé, il est possible d’appréhender la
littérature à la recherche de la (ou des) signification(s) du terme « literacy » selon une
perspective sémantique. Une personne dite « literate » peut être considérée comme
« éduquée » (dans le sens d’avoir appris), compétente ou capable d’agir sociale-
ment (Roberts, 2007). La littératie pour Bailey (1998), à partir des métaphores de
Scribner (1986), renvoie à plusieurs notions. Selon la métaphore de l’« adaptation »,
développer une culture fonctionnelle pour agir dans une gamme de situations quoti-
diennes en société implique l’acceptation du statu quo social, c’est-à-dire de la
société telle qu’elle est. Selon la métaphore du power, posséder la culture est un
outil puissant, utilisé par les élites pour maintenir leur relative position de supériorité.
Développer la culture est alors un moyen pour les pauvres ou les démunis politique-
ment d’affirmer leur place en société : une visée émancipatoire est ici centrale. Enfin
la métaphore du « state of grace » souligne une tendance des sociétés à attribuer
des vertus particulières aux personnes cultivées.
Il est possible de rapprocher à des fins heuristiques ces différentes perspectives
des deux visions de la culture scientifique dessinées par Roberts (2007) et précé-
demment présentées comme deux extrêmes d’un continuum d’approches. De façon
schématique, dans la vision 1, il s’agit de viser l’insertion socioprofessionnelle des
individus dans la société telle qu’elle est. Dans la vision 2, la culture scientifique est
plutôt conçue comme l’opportunité de développer des compétences sociales pour
une action et une réflexion critique hors de l’école. Il s’agit de former à la prise de
décisions, à l’action et à la reconstruction sociale critique par l’exercice de l’investi-
gation scientifique et la pratique de la critique en relation avec des préoccupations
sociales.

Discussion

Nous en sommes ainsi conduite à interroger les justifications de la promotion de la


culture scientifique, identifiées dans la littérature et précédemment présentées,
en regard des orientations contemporaines du curriculum scientifique.

La culture scientifique : nouvelle orientation ou justification


du curriculum ?

Le besoin de soutenir ou de développer la compétitivité dans une économie mon-


dialisée a comme conséquence majeure d’orienter les objectifs du curriculum scien-
tifique vers la production d’un nombre adéquat de personnels scientifiques bien
qualifiés (élite scientifique et task force) et la génération d’une population « scientifi-
quement alphabétisée » (Jenkins, 2009, p. 81). La métaphore de l’enseignement
scientifique comme un « pipeline, avec une fuite », destiné à fournir la prochaine
génération de scientifiques est ainsi largement rejetée en faveur de l’idée d’une édu-

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      129

RFP174.indb 129 03/06/2011 15:29:35


cation scientifique pour tous, qui donc ne peut être justifiée que si elle a une portée
universelle plutôt que d’être réservée à la minorité des futurs scientifiques (Osborne
& Dillon, 2008, p. 7). Pour Jenkins, qui s’appuie sur une synthèse de documents ins-
titutionnels (rapports de gouvernements, de parlements, de commissions, textes
d’institutions internationales, d’associations et de think tanks), ce quelque chose
peut être décrit par la scientific literacy ou la « science pour l’éducation à la citoyen-
neté » (Jenkins, 2009, p. 82). Pour cette dernière, les finalités socio-éducatives
s’inscrivent dans la lignée du mouvement « sciences technologies sociétés » (STS).
Une telle perspective nous semble rejoindre les finalités dites démocratiques ou
culturelles de développement de la culture scientifique.
On voit que le lien entre éducation scientifique et développement économique a
focalisé l’attention des chercheurs et des décideurs politiques. Mais un tel lien n’est
ni simple en soi, ni facile à établir sur le plan méthodologique, et il est de plus lié à la
science considérée. Or ces limites ne sont pas mentionnées dans les documents
institutionnels qui présentent le curriculum scientifique. Au contraire, le lien entre
éducation scientifique et développement économique est posé comme une évi-
dence, un vœu partagé et une base commune sur laquelle justifier une réforme de
l’éducation scientifique (Jenkins, 2009, p. 81). Ceci n’a pas empêché certains cher-
cheurs d’émettre des critiques. Pour Gatto (2005) par exemple, le lien entre éduca-
tion scientifique et développement économique met l’accent sur des buts utilitaires
plutôt que sur un large développement intellectuel, social, personnel de l’individu.
Ce lien établit aussi des critères pour évaluer l’éducation scientifique dans le cadre
de la compétition économique internationale. Sur ce plan, différentes initiatives de
réformes des curriculums scientifiques sont en cours dans plusieurs pays et les
réponses sont largement similaires, alors même que l’histoire et les systèmes édu-
catifs de ces pays sont différents. Ces réponses sont caractérisées par leur nature
systémique : réforme de tous les éléments clés qui influencent l’intérêt et les résul-
tats des élèves en sciences (Jenkins, 2009, p. 81-82). L’enquête PISA qui permet
d’évaluer les compétences des élèves en lecture, mathématiques et sciences a éga-
lement soulevé des objections, qui ont porté sur l’approche statistique employée
(Ginsburg, Cooke, Leinwand et al., 2005 ; Wu, 2005), sur les difficultés de traduction
en plusieurs langues, sur la forme des tests (questions à choix multiples ou ques-
tions fermées) et sur les contextes qui sous-tendent les questions posées (Grisay
& Monseur, 2007). A été remise en question l’approche consistant à proposer aux
élèves plusieurs items sur un même contexte et a donc été questionnée la familiarité
des élèves avec ces contextes. Le contenu des items ou les matériaux textuels utili-
sés ont également été estimés problématiques (Hatzinikita, Dimopoulos & Christidou,
2008 ; Neubrand, 2004). En outre, des recherches ont été effectuées pour réinter-
préter des résultats (Ginsburg, Cooke, Leinwand et al., 2005), prolonger les analyses
(Lie & Linnakyla, 2004) ou en conduire de nouvelles afin de fournir des explications
sur les différences de résultats entre pays ou entre établissements scolaires (Marks,
2006 ; Suchaut, Duru-Bellat & Mons, 2005 ; Turmo, 2004).
Des recherches ont également été conduites afin d’identifier la perception des
enseignants sur ces grandes enquêtes internationales. Celles-ci sont considérées
comme des évaluations externes à visée de jugement et de contrôle, en contraste
avec l’évaluation interne aux établissements, qui se présente elle-même comme un
procédé destiné à améliorer l’enseignement et l’apprentissage (Livingston & McCall,
2005). Des enseignants de sciences jugent par ailleurs de façon différenciée l’impor-
tance des compétences scientifiques composant la culture scientifique dans le
cadre de l’enquête PISA (Pinto & El Boudamoussi, 2009). Ils attachent peu d’impor-
tance à la maîtrise par les élèves de l’investigation scientifique, à l’interprétation de
preuves scientifiques et ils concentrent leur attention sur les savoirs scientifiques.

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Les activités de classe que ces enseignants de sciences expérimentés développent
privilégient l’apprentissage de la description, l’explication et la prédiction de phéno-
mènes scientifiques. S’ils reconnaissent également d’autres exigences imposées
par les tests PISA à leurs élèves ou leurs activités, comme la maîtrise de la compré-
hension de textes et l’usage de documents scientifiques ou d’extraits de presse, ils
estiment qu’il s’agit de compétences que l’éducation scientifique développe de
façon mineure.
Par ailleurs, ces critiques dans le domaine de l’éducation scientifique rejoignent
celles de chercheurs en éducation soulignant la vision pragmatique et finalisée de
l’éducation partagée par les organismes internationaux (Banque mondiale, Union
européenne, OCDE), partisans du lien entre développement économique et forma-
tion des personnes « tout au long de la vie » (voir par exemple Moens, 2006). Les
grandes enquêtes statistiques internationales font ainsi l’objet de vives critiques
questionnant leur pertinence (Fensham & Harlen, 1999 ; Simola, 2005) ou pointant
l’effet performatif des indicateurs de performance sur les politiques éducatives
nationales (Cussó, 2006 ; Goldstein, 2004 ; Mons, 2008).

Argument démocratique de la culture scientifique : un défi pour l’éducation


aux sciences

Ainsi nous en venons à discuter de l’ambition démocratique du développement de


la culture scientifique et technique. Cette ambition constitue selon nous un véritable
défi pour la recherche en éducation aux sciences. Comment en effet cerner et déci-
der des besoins sociaux en sciences (Kolstø, 2001) ? Qui peut le faire ? Les cher-
cheurs en éducation aux sciences ou les spécialistes des questions sociales
– comme le proposait dans un texte stimulant et polémique Fensham (2002) –, ou
encore les scientifiques de la nature et du vivant qui développent également des
discours sur la nécessité de promouvoir la culture scientifique à l’école et dans le
« grand public » ?
Par ailleurs, à l’instar de la science considérée comme une évidence dans la plu-
part des documents institutionnels analysés par Jenkins (2009), la société est sou-
vent prise comme une donnée non problématique ou comme une entité naturalisée
dans les recherches en éducation aux sciences visant à contribuer à une éducation
à la citoyenneté (Albe, 2007 ; Davies, 2004). Une telle naturalisation de la société
nous semble également à l’œuvre dans de nombreux documents et recherches sur
la culture scientifique. Nous avons discuté plusieurs approches de la culture scienti-
fique qui peuvent être distinguées en fonction de leurs finalités éducatives, de la
nature des savoirs mobilisés pour fonder un curriculum scientifique (en vue de déve-
lopper la culture scientifique des jeunes) et de l’importance accordée à l’engage-
ment social des jeunes. À un extrême, l’accent est mis sur l’apprentissage de conte-
nus scientifiques choisis en référence aux disciplines académiques traditionnelles
(vision 1 proposée par Roberts, 2007), sans que la société dans laquelle viser l’in-
sertion socioprofessionnelle des jeunes ne soit présentée ou discutée. À un autre
extrême, la culture scientifique est associée à une visée de démocratisation des
sciences et d’empowerment10 citoyen. Les savoirs scolaires sont définis en réfé-
rence à des situations sociales dans lesquelles les sciences sont impliquées (vision 2
proposée par Roberts, 2007), en vue d’un engagement social et critique des élèves.
La culture scientifique est destinée dans ce cas à permettre aux jeunes de se situer
dans le monde et de participer à sa (re)configuration. Il s’agit alors aussi d’une
« alphabétisation politique » selon l’expression de Hodson (1999, p. 789).

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      131

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La culture scientifique en tensions entre différentes polarités

Ainsi est à nouveau ouvert le débat sur la visée de l’éducation scientifique, et ce


débat est situé entre deux pôles : une reproduction sociale ou une émancipation
sociale et politique. D’autres couples d’oppositions binaires peuvent également être
identifiés dans les discours des promoteurs des différentes versions de la scientific
literacy. Quant à la nature des savoirs mobilisés pour développer la culture scienti-
fique, les deux visions proposées par Roberts (2007) décrivent une opposition entre
d’un côté savoirs et concepts scientifiques (vision 1) et, de l’autre, savoirs et compé-
tences utiles pour la vie sociale (vision 2). Sur un plan épistémologique, nous avons
également discuté plus haut une opposition entre enseignement des sciences
comme corpus de contenus factuels désocialisés ou comme activité culturelle. Du
point de vue curriculaire, une tension peut également être identifiée pour le dévelop-
pement de la culture scientifique en disciplines scientifiques traditionnelles sépa-
rées, en référence aux disciplines académiques des sciences de la matière et du
vivant (physique-chimie, biologie), versus activités éducatives aux formes nouvelles,
du type enseignement « sciences technologies sociétés » ou « éducations à » (la
citoyenneté, la santé, l’environnement et le développement durable).
Une telle analyse des débats sur la culture scientifique en tension entre des
couples d’oppositions binaires renvoie en outre à des controverses plus larges qui
se développent dans d’autres champs de recherche ; les recherches en éducation
aux sciences sur la scientific literacy semblent d’ailleurs entretenir des rapports plus
ou moins développés avec ces différents champs. Par exemple, la nature des
savoirs mobilisés dans les deux visions de la scientific literacy (Roberts, 2007) peut
être rapprochée des débats en sciences de l’éducation sur le couple ou l’opposition
savoirs/compétences. Les visées et configurations curriculaires pour la culture
scientifique renvoient en outre à des débats de sociologie du curriculum sur le
couple ou l’opposition entre curriculums sériels et curriculums intégrés et leurs
effets sociaux.
Par ailleurs, l’opposition dans la nature épistémologique des savoirs mobilisés
dans les différentes approches de la culture scientifique peut être confrontée aux
débats qualifiés de « guerres des sciences11 » entre épistémologie classique des
sciences et études sociales sur les sciences (ou science studies). La recherche en
éducation aux sciences semble ici entretenir des rapports plus étroits avec ces
débats, bien qu’il soit délicat de tracer des proximités, voire des filiations, pour l’en-
semble des recherches développées dans les mondes francophone et anglophone
et publiées en anglais par des chercheurs non anglo-saxons. En ce qui concerne la
seule didactique des sciences française, qui d’ailleurs portait l’appellation « épisté-
mologie scolaire » au début de son développement (Astolfi & Develay, 1992), une
référence très répandue à une épistémologie classique d’inspiration bachelardienne
ou popérienne peut être identifiée dans les recherches. Plus récemment, des
recherches en éducation aux sciences ont été développées avec un ancrage fort
dans le champ des science studies, où les sciences sont l’objet des sciences
sociales : sociologie de la connaissance, histoire sociale et culturelle des sciences,
anthropologie de laboratoire. Ces études sociales sur les sciences ont montré que la
validité d’un énoncé scientifique se mesure à la stabilité de son acceptation par les
autres chercheurs. Autrement dit, une connaissance est établie parce que les scien-
tifiques ont travaillé à sa stabilisation, à sa mise en circulation, à la traduction des
énoncés et à la mise en relation de mondes distincts. Différentes communautés
structurent les savoirs qui les intéressent dans un réseau relationnel et sociopoli-
tique particulier (théorie de l’acteur-réseau de Callon et Latour). La science est
conçue dans ce cadre comme une pratique sociale, une activité culturelle, une insti-

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tution historiquement datée et conçue pour réaliser les projets d’un certain type de
société. En outre, ces projets peuvent être des innovations sociotechniques. On dira
donc que le complexe (techno)scientifique et le corps social se (re)définissent et se
(re)construisent simultanément (Pestre, 1995). Une conséquence de ces études
sociologiques est que l’idée de savoirs « socialement construits » s’est largement
répandue et a suscité de vives polémiques, les travaux de la « nouvelle » sociologie
des sciences ayant souvent défendu une thèse forte contre le scientisme ordinaire
des savants qui prétendent que la science dit la vérité des choses. Au contraire, ces
études sociologiques ont enrichi nos manières de voir les sciences en déplaçant
notre regard d’une science centrée sur une question à une vision plus ample de pra-
tiques hétérogènes impliquant des dynamiques dans l’ensemble du corps social.
On retrouve ainsi en éducation aux sciences l’opposition entre une appréhension
de la science envisagée comme une unité, par une histoire internaliste des concepts
et des méthodes, et une étude externaliste des sciences, considérées dans une
diversité de pratiques. Cette opposition semble recouvrir celle identifiée à propos de
la culture scientifique entre enseignement d’un corpus de savoirs désocialisés et
acculturation à des pratiques sociales et culturelles.

En guise de conclusion

Un tel panorama des recherches, interventions éducatives et grandes enquêtes


internationales sur la culture scientifique nous conduit à nous interroger sur les
conceptions de la société, de la citoyenneté et de la démocratie implicitement
promues dans les nombreux discours concernés. Suivant Dupuy (2002) qui, en
philosophie des sciences, mettait en lumière, à la suite d’Illich12, des effets contre-
productifs des sciences et des techniques dans le domaine social, structurel ou
symbolique, s’agit-il avec la culture scientifique et technique de favoriser ou
d’accompagner, ou encore d’éclairer des dynamiques sociales ou l’ordre social ?
Pour qui souhaite comprendre et contribuer à une éducation aux sciences plus
avertie des enjeux de la société contemporaine (Larochelle & Désautels, 2001, p. 41),
il est fructueux et essentiel de procéder à une analyse sociopolitique. Un curriculum
est en effet avant tout un objet politique, économique, institutionnel (Ross, 2000)
avant d’être un objet didactique (Lebeaume, 2009). Ainsi nous ne pouvons que
terminer cet article par une invitation à (ré)interroger les enjeux sociaux et politiques
de la culture scientifique aujourd’hui, dans le cadre de la reconfiguration actuelle des
systèmes éducatifs et de leur gouvernance. Quel projet scolaire d’instruction,
d’éducation ou de formation en sciences et techniques des jeunes du xxie siècle ?
Virginie Albe
virginie.albe@stef.ens-cachan.fr
STEF, École normale supérieure de Cachan

Notes

1 La tendance précédemment présentée de désengagement politique des citoyens vis-à-vis des grands
enjeux de société peut être confrontée à d’autres analyses dans le champ de la sociologie. Certains
ont par exemple proposé l’idée de « tournant participatif » pour désigner le développement et la multi-
plication des formes de mobilisation sociale ou de participation des individus, sensibles notamment
aux préoccupations environnementalistes et à la responsabilité envers les générations futures. Ces
formes nouvelles d’activisme se distinguent de formes traditionnelles de mobilisation sociale, telles le
syndicalisme ou le militantisme politique. La tendance contemporaine de désengagement politique

Finalités socio-éducatives de la culture scientifique      133

RFP174.indb 133 03/06/2011 15:29:35


des citoyens peut en outre être rapprochée de la ré-apparition récente de la thèse du « déficit » des
individus, non plus perçu comme un déficit de connaissances, mais désormais comme un déficit d’en-
gagement à propos de débats publics sur des développements technoscientifiques controversés.
2 Le champ francophone de la recherche en didactique des sciences est en anglais nommé science
education research, le terme « didactic » étant en outre connoté péjorativement dans cette langue. Les
titres des principales revues publiées en langue anglaise comportent ainsi les mots « science educa-
tion ». Outre cette question de traduction, il est également possible de voir dans le choix de ce
vocable une volonté de ne pas borner les questions de recherche à l’instruction, l’enseignement et
l’apprentissage des sciences. C’est aussi cette intention de dépasser l’idée de transmission de
connaissances qui est soulignée dans l’usage du terme « éducation aux sciences » dans le monde de
la recherche francophone.
3 Traduction libre.
4 Les deux langues du programme PISA piloté par l’OCDE sont l’anglais et le français. Les choix de
traduction en français du terme « scientific literacy » ont été précisés dans OCDE (2006).
5 Sept handbooks (éditions de 1994 et 1998 du International handbook of science education ; éditions
de 1973, 1986, 1994 et 2001 du Handbook of research on teaching ; édition de 1992 du Handbook of
research on curriculum), des actes de colloques ou symposiums internationaux (sur la recherche en
éducation aux sciences en Europe et publié en 1977 par l’IPN, l’Institut für die Pädagogik der
Naturwissenschaften de l’Université de Kiel, et le Conseil de l’Europe, ou par la Royal Swedish Aca-
demy of Sciences en 1989 ; sur le concept de scientific literacy, en 1996, colloques ayant eu lieu
à l’IPN et à Oslo ; les éditions de 1997, 1999, 2001 et 2003 des articles sélectionnés des conférences
de l’European Science Education Research Association, de l’International Council of Associations for
Science Education en 2000), des rapports ou fascicules de revues sur science literacy (le vol. 6 paru
en 1997 d’Innovations in Science and Technology Education fondé par l’UNESCO ; les volumes Chan-
ging the subject, voir Black & Atkin, 1996 pour l’OCDE et Bold ventures, vol. 2: Case studies in US
innovations in science education, voir Raizen & Britton, 1997), des articles de recherche en éducation
(15 issus de la base de données ERIC, Educational Resources Information Center, et 15 issus des
actes de la conférence annuelle de la National Association for Research in Science Teaching en 2005).
6 Traduction libre de learned category.
7 Traduction libre de function in science category.
8 Il serait en outre intéressant de s’interroger sur les croisements possibles entre ces deux polarités :
comment par exemple forme-t-on les spécialistes à la communication et à l’action ? Comment, dans
le cadre des participations de non-spécialistes à des débats publics sur des questions scientifiques
(tel le débat national sur les nanosciences et les nanotechnologies durant l’hiver 2009-2010), inter-
viennent dans les discussions ou prises de positions les connaissances en sciences et sur les
sciences ?
9 Traduction libre.
10 Nous retenons le terme anglais qui nous semble mieux à même de rendre compte de l’idée de nantir
les personnes de « pouvoirs » (avec la présence du terme « power ») que les traductions d’« empower-
ment » par « habilitation » par exemple.
11 J’ai déjà souligné par ailleurs (Albe, 2007, 2009) le caractère exagéré de l’usage du terme de « guerre »
à propos des controverses et polémiques sur la nature des sciences, au regard des effets des guerres
véritables.
12 Illich (1971a) développa une critique radicale de la société techno-industrielle dans laquelle il consi-
dère les technologies comme une matrice qui façonne les rapports sociaux. Avec le concept de
contre-productivité, Illich décrit comment les grandes institutions des sociétés industrielles modernes
peuvent se constituer en obstacles à leur propre fonctionnement : par exemple, lorsque la médecine
tue la maladie au détriment de la santé du patient (Illich, 1975), que les transports font perdre du
temps (Illich, 1973a, 1973b), que l’école abêtit (Illich, 1971b), que les communications se développent
au point que les personnes ne s’écoutent plus…

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Notes critiques

ALBANEL Xavier. Le travail d’évaluation. L’inspection dans assène parfois ses certitudes sans en éprouver plus avant
l’enseignement secondaire. Toulouse : Octarès, 2009, 171 p. la solidité (« Le fait qu’on ne retrouve [les enseignants]
aujourd’hui que très faiblement dans le corps des IA-IPR
Depuis les rapports Deleau (1986) puis Viveret (1989),
équivaut finalement à dire que rares sont les enseignants
la thématique de l’« évaluation » parcourt les politiques
à être admis au concours sans avoir été portés candidats
publiques, et de nombreux travaux de sciences politiques
par leur inspecteur », p. 18), fait allusion à des distinc-
s’y consacrent. L’ouvrage de Xavier Albanel choisit
tions théoriques sans toujours en restituer la pertinence
cependant une perspective disciplinaire et méthodolo-
(« À y regarder de plus près, la thèse de la séparation de
gique différente pour l’aborder, puisqu’il est issu d’une
l’activité d’avec celui qui l’exerce est quand même défen-
thèse de sociologie du travail, adossée à un laboratoire
dable », p. 26), et peut se contenter d’approximations
dont la programmation scientifique fait la part belle aux
dommageables (le groupe des IPR se structurerait autour
analyses interactionnistes des dynamiques et des activités
de « valeurs communes » pas davantage précisées ;
productives. Choisissant de décrire par le menu le « tra-
en revanche « très peu de personnes sur les centaines de
vail d’évaluation » spécifique que produisent les inspec-
milliers de professeurs sont concernées » par la promo-
teurs pédagogiques régionaux (IPR), le livre porte la
tion vers le corps des inspecteurs) ou des renvois lapi-
marque de cette origine, le plus souvent à bon escient,
daires, et donc convenus, à quelques références acadé-
mais non sans quelques limites. L’argument en est
miques (comme le concept de loyalty repris à Hirschman,
simple : par-delà l’importance accordée aux « histoires
allusion à une typologie extraite d’un manuel de sociolo-
d’inspection » dans les discours enseignants, par-delà les
gie des élites).
réflexions souvent critiques sur les enjeux professionnels
et gestionnaires que véhicule ce type d’évaluation des D’autre part, le cinquième chapitre opère un mouve-
pratiques pédagogiques, « le travail des inspecteurs reste ment de régression plutôt qu’il élargit la focale : habile-
vague » : il s’agit donc d’en préciser les conditions, d’en ment construit en deux temps, articulant les « fonctions
décrire finement les modalités, d’en cerner aussi la récep- manifestes » de l’inspection (dispositif de gestion des
tion car « la littérature concernant les IA-IPR est quasi- ressources humaines, de contrôle et d’accompagnement)
ment inexistante », ce que ne confirme d’ailleurs pas et ses « fonctions latentes » (dispositif de protection
vraiment la bibliographie de fin d’ouvrage. d’une organisation à l’égard de son environnement, de
protection des enseignants à l’égard de la ligne adminis-
Pour ce faire, les cinq chapitres qui composent le livre
trative de l’institution scolaire, de structuration des
en répartissent en fait différemment les angles d’ap-
groupes professionnels dans le champ éducatif), il montre
proche. Dans un premier chapitre en effet, l’auteur intro-
certaines redondances (la note du bas de la p. 148 reprend
duit les inspecteurs pédagogiques régionaux comme un
un chiffre énoncé dès la p. 10), des usages terminolo-
groupe professionnel récent dans l’administration sco-
giques parfois maladroits (confusion entre « rendement »
laire, dont les missions sont actuellement en voie de
et « performance », p. 157), ou encore des exagérations
recomposition. Il en examine la structuration en suivant
qui laissent le lecteur perplexe, notamment p. 152 : « La
les quatre axes classiques qu’aborde la sociologie des
rencontre entre enseignants et inspecteurs peut être ana-
professions (statut, trajectoires, métier, action collective),
lysée comme une rencontre entre deux mondes qui ne se
mais sans s’appuyer sur un cadre théorique précis, alors
recouvrent pas : ils ne partagent pas la même vision du
que ce champ est traversé de paradigmes parfois concur-
métier, n’ont pas la même façon de concevoir le travail
rents. On regrettera au demeurant la description excessi-
d’enseignement ; ils ne se réfèrent pas au même système
vement rapide d’un corps dans une fonction publique
de valeurs, n’ont pas toujours la même vision de l’organi-
d’État très charpentée par le droit administratif, et la
sation et ne partagent pas forcément les mêmes réfé-
peinture souvent légère du contexte administratif de son
rences professionnelles. »
développement professionnel : on apprend par exemple
en une simple phrase que, « par décret du 18 juillet 1990, Il reste que, du deuxième au quatrième chapitre, le lec-
les IPR changent en effet de tutelle » (p. 7). L’auteur teur est introduit dans le cœur d’une démarche minu-

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tieuse d’ethnographie de l’activité professionnelle, qui siner les contours, à la fois dans la représentation que
fait tout l’intérêt de l’ouvrage. L’évaluation pédagogique s’en font les professeurs et le type de séquence « surpré-
est appréhendée avant tout comme un travail structuré en parée » qui s’en trouve issu, dans le sentiment ex post que
une série de phases (planification, déroulement, rédaction les enseignants produisent sur cette épreuve de légitimité,
du rapport) et de séquences (on distingue dans le déroule- enfin à une plus large échelle dans les prises de position
ment la rencontre avec le chef d’établissement, la visite des organisations professionnelles à l’égard des visites
d’observation proprement dite, l’entretien individuel et la d’inspection.
réunion d’équipe) et en même temps un travail peu for-
Au final, on retiendra de cet ouvrage la valeur heuris-
malisé, car les inspecteurs bénéficient d’une large auto-
tique d’une perspective sociologique centrée sur l’acti-
nomie dans les contours qu’ils entendent donner au
vité, et capable de déplier avec beaucoup de finesse les
contenu de leur tâche. Au final l’assemblage de données
ambivalences du travail d’évaluation. L’auteur aurait pu
relève largement d’attentes assez différenciées, en fonc-
cependant forcer encore davantage le trait, en situant son
tion du rôle que chacun d’eux entend donner aux
approche dans une perspective sociocognitive affirmée
« visites » dans la conception de sa pratique profession-
– pourquoi, notamment, ne pas avoir d’emblée inscrit
nelle. Xavier Albanel met ainsi au jour une dynamique
l’étude dans une littérature sociologique désormais bien
d’évaluation qui s’adosse à plusieurs outils. Elle réfère établie sur l’activité de jugement, plutôt que de n’y faire
d’abord à un « pré-jugé », puisque l’inspecteur regroupe que ponctuellement allusion ? Un tel positionnement,
des éléments de cadrage à l’issue de son entretien avec le certes plus ciblé, aurait nécessité de redessiner la place
chef d’établissement ; elle repose ensuite sur une série des chapitres de contextualisation du sujet, qui apparais-
d’indicateurs préconstruits ou élaborés au cours de la sent en l’état comme des moments faibles de la lecture. Il
visite, intégrés à des micro-dispositifs de traçabilité aurait aussi ouvert la possibilité d’une recherche compa-
comme « le petit cahier d’observations » ; elle renvoie rée sur les dynamiques d’évaluation chez les profession-
enfin aux caractéristiques de l’entretien de face-à-face nels de l’action publique : peut-on par exemple différen-
qui succède à l’observation en classe, et qui vient valider cier l’activité de jugement d’un IPR de celle d’un
ou au contraire amender le premier diagnostic, en fonc- inspecteur du travail ? Et à l’heure où ce paradigme tra-
tion des déplacements cognitifs dont l’enseignant aura su verse les politiques publiques, à quelles conditions l’éva-
faire preuve. luation de contrôle des personnels peut-elle participer
Cette démarche empruntée à la sociologie cognitive aux évolutions de la gestion des ressources humaines ?
permet d’approcher l’évaluation comme une dynamique Hélène Buisson-Fenet
d’activité « en entonnoir », visant la co-construction UMR Triangle, École normale supérieure de Lyon
d’une posture réflexive sur la mise en apprentissage des
élèves et la transmission des connaissances. Lui succède
un chapitre portant, avec tout autant de minutie, sur les Bibliographie
rapports d’inspection comme mises en forme du juge-
ment, au regard desquels « celui qui était contrôleur DELEAU M., NIOCHE J.-P., PENZ P. & POINSARD R. (1986).
Évaluer les politiques publiques. Méthodes, déontolo-
devient en quelque sorte potentiellement contrôlé » : gie, organisation. Rapport du Commissariat général
Xavier Albanel déplie alors l’entrelacs du descriptif du plan. Paris : La Documentation française.
(codage de la situation d’apprentissage, requalification VIVERET P. (1989). L’évaluation des politiques et des actions
de l’enseignant en professionnel de la cognition) et du publiques. Propositions en vue de l’évaluation du
normatif (prescription des pratiques pédagogiques et Revenu minimum d’insertion. Rapport au Premier
ministre. Paris : La Documentation française.
didactiques, parfois positionnement personnel de l’ins-
pecteur en conclusion), dans une rhétorique largement
contrainte par les attentes institutionnelles. À la fois
témoin, expert, avocat et juge, l’inspecteur-rédacteur
déploie plusieurs registres de justification pour consoli-
BROCCOLICHI Sylvain, BEN AYED Choukri
der son jugement ; ces registres permettent de dessiner
& TRANCART Danièle. École : les pièges de la concurrence.
une hiérarchie professionnelle des enseignants qui parti-
Comprendre le déclin de l’école française. Paris :
cipe à la fois à normaliser la performance pédagogique et
La Découverte, 2010, 312 p.
à véhiculer un idéal de perfectionnement didactique.
Est-ce réellement du choix de l’école que peut venir le
La réception de l’évaluation pédagogique fait l’objet
salut pour notre système éducatif ? C’est ce que suggère,
du dernier chapitre au cœur de l’ouvrage. Une trentaine
dès 2007, la demande de suppression de la carte scolaire
d’entretiens semi-directifs permettent à l’auteur d’en des-

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par le président de la République, mesure qui serait cen- déroger à la carte scolaire, d’autant qu’au fil des der-
sée égaliser les conditions de scolarisation, principe nières décennies, la sectorisation a été de plus en plus
majeur de la méritocratie scolaire1. Telle est la question allégée sans la moindre régulation nationale.
qu’aborde cet ouvrage qui prend appui sur une recherche
effectuée à la demande du ministère de l’Éducation natio- La deuxième partie de cet ouvrage, essentiellement sta-
nale et de la délégation interministérielle à l’aménage- tistique, fait le constat d’une France scolaire morcelée,
ment du territoire et à l’attractivité régionale, dans le après avoir souligné les faiblesses et les dangers des ana-
cadre de l’appel à projets « Éducation et formation : dis- lyses comparatives entre établissements. La critique des
parités territoriales et régionales ». Conduite entre 2000 analyses comparatives et des indicateurs qui les étayent
et 2006, cette recherche a fait l’objet d’actualisations est double : elle est d’abord technique, car la concentra-
jusqu’en 2010. tion des « bons » élèves dans les établissements les plus
recherchés induit le risque de prendre pour de l’efficacité
Au-delà du constat, maintenant bien connu, des dispa- la sélectivité dont ils font preuve dans le choix des
rités entre établissements scolaires, en particulier entre meilleurs élèves ; elle est ensuite politique, car les éva-
collèges, cet ouvrage s’efforce de décrire les processus luations opérées à l’échelle des établissements peuvent
qui renforcent ces disparités et dégradent les conditions avoir des fonctions et des effets très différents selon
de scolarisation dans nombre d’espaces scolaires urbains. qu’elles permettent d’organiser des politiques d’aide aux
Combinant approche historique, analyse statistique et établissements les plus en difficulté ou que, comme
enquêtes de terrain – ce qui n’est pas le moindre mérite en France, elles apparaissent comme des classements qui
d’une recherche qui a associé dix-sept chercheurs de confortent la mise en concurrence d’établissements que
diverses disciplines –, il se propose de comprendre les leur localisation et leur recrutement confrontent à d’iné-
situations et les facteurs favorables aux apprentissages et gales difficultés. C’est pourquoi, pour apprécier l’am-
d’en dégager des pistes à explorer pour sortir notre sys- pleur des disparités entre établissements et leurs consé-
tème éducatif de la voie du déclin et de l’inégalité. Il per- quences sur les acquis scolaires des élèves, les auteurs
met ainsi d’aller au-delà du débat, trop souvent réduit à procèdent à « un changement de focale » en effectuant
l’opposition des « pour » et des « contre », que provoque des comparaisons à une échelle où la sélectivité inter-
la perspective d’une suppression de la carte scolaire. Il vient peu, l’échelle des départements, dans la mesure où
est organisé en une démarche progressive conduite en la quasi-totalité des élèves y restent scolarisés.
cinq parties. La première, historique, pointe le décalage
Dans plus de la moitié des départements, la réussite2
entre les idéaux de justice et d’égalité de l’école et la réa-
est conforme à ce que permet de « prédire » leur profil
lité d’une institution scolaire, qui est longtemps restée
social. Les autres sont, relativement à leur profil, en
marquée par d’importantes ségrégations, et constate que
« sous-réussite » ou en « sur-réussite ». Ceux en « sous-
ses transformations récentes ont plus massifié que démo-
réussite » sont tous situés dans le bassin parisien ou
cratisé l’école. Le maintien dans un collège unique des
à proximité et sur la côte méditerranéenne. Ceux en
élèves qui en étaient auparavant exclus dès la fin de 5e a
« sur-réussite » correspondent aux régions peu urbanisées
été réalisé sans aménagement des conditions d’apprentis-
du Massif central et du Sud-Ouest. La Loire est le seul
sage tenant compte des facteurs sociaux d’échec, et la
département urbanisé en nette « sur-réussite ». Les dépar-
persistance de l’« idéologie des dons » a conforté une
tements les plus en « sous-réussite », qui s’écartent deux
politique consistant à offrir une égalité formelle des cur-
à trois fois plus de la moyenne nationale que ceux en
sus, au détriment d’une égalisation réelle des chances
« sur-réussite », sont ceux dont les collèges sont les plus
d’acquérir savoirs et diplômes. Les inégalités de résultats
ségrégués et surtout les plus hiérarchisés. Ces collèges,
entre les collèges de milieu populaire et les autres s’en
dans une forte proportion, sont situés dans une agglomé-
sont trouvées renforcées et sont devenues particulière-
ration urbaine. Il n’en va pas de même dans les départe-
ment visibles. La politique d’éducation prioritaire, qui
ments en « sur-réussite ». Une analyse plus poussée, qui
avait pour objectif affiché de corriger l’inégalité sociale
s’intéresse aux acquis scolaires selon les groupes sociaux
et de lutter contre les effets de la ségrégation, n’a pas
dans les deux types de départements, confirme que les
rempli son objectif. Relancée à quatre reprises (ce qui
moins favorisés socialement sont les plus sensibles aux
témoigne de ce qu’elle n’a pas toujours été prioritaire),
conditions de scolarisation. Elle révèle surtout que les
elle n’a surtout jamais « assuré le renforcement sélectif
écarts de réussite entre groupes sociaux sont plus mar-
de l’action pédagogique » dans les zones qui en avait le
qués dans les départements en « sous-réussite », et que
plus besoin, en n’envisageant pas, au nom de la « liberté
tous les groupes sociaux, même les plus favorisés, pâtis-
pédagogique », d’agir directement sur la gestion scolaire
sent d’une scolarisation dans un département en « sous-
des apprentissages. La ségrégation sociale et scolaire des
réussite ». La concurrence et la hiérarchisation des éta-
établissements a incité les parents les plus informés à

Notes critiques     141

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blissements sont ainsi associées, non seulement à une il a été un puissant vecteur de brassage social sur un terri-
moins bonne réussite globale, mais aussi à de plus fortes toire. Collège expérimental, il a été, sous l’impulsion
inégalités. d’un principal et d’une large majorité d’enseignants qui
participaient collectivement à la mise en pratique d’ac-
La troisième partie, constituée d’enquêtes de terrain, se tions innovantes, un lieu de dynamisme pédagogique par-
propose de montrer que la concurrence produit plus ticulièrement actif. Il a eu pendant treize ans des résultats
d’échec en suivant l’évolution des collèges de trois dépar- tout à fait honorables comparativement aux moyennes
tements en « sous-réussite ». La description de l’évolu- départementales, alors qu’il accueillait une population
tion des collèges ZEP des Yvelines, de Seine-Saint-Denis beaucoup plus défavorisée. La création d’un second col-
et de Loire-Atlantique illustre la « spirale » des fuites lège dans la commune, malgré l’opposition du principal
(d’élèves mais aussi d’enseignants), de la « ghettoïsa- et de l’équipe éducative, qui craignaient à juste titre
tion » et de la dégradation des résultats qui se dévelop- qu’elle se traduise par un « clivage social pernicieux », a
pent lorsque les contrastes entre collèges proches sont entraîné un processus de déstabilisation dans cet environ-
particulièrement visibles et stigmatisants pour les plus nement scolaire fragile : départ du principal, tensions et
défavorisés. violences, fuites d’élèves vers le nouveau collège qui cor-
Mais, au-delà des situations les plus extrêmes que connais- respondait à un secteur un peu moins défavorisé sociale-
sent les établissements « ghettoïsés », c’est une hiérarchisa- ment, découragement et turn over croissant des ensei-
tion sociale et scolaire des collèges que l’on constate dans gnants. Dans une telle situation, l’absence de soutien
les départements les plus en « sous-réussite ». L’effet de hiérarchique de l’inspection académique, qui se conten-
contagion des collèges les plus « ghettoïsés » vers ceux tait de rappeler les objectifs nationaux en renvoyant aux
qui le sont moins entraîne chez ceux-ci une fuite en cas- « acteurs locaux » la responsabilité de trouver et mettre
cade, que les responsables locaux s’efforcent de freiner en place des solutions adaptées au contexte, n’a pu qu’ac-
en créant des « classes protégées » faites d’élèves sélec- centuer le découragement.
tionnés en fonction de leurs dossiers scolaires. Les soup-
À Nantes, un long partenariat entre enseignants et tra-
çons de discrimination, voire d’« ethnicisation », créent
vailleurs sociaux a prouvé que familles et enseignants ne
des tensions entre élèves et enseignants des classes hié-
veulent pas systématiquement fuir un collège dont la
rarchisées et entre enseignants et administration. De plus,
population est fortement dévalorisée, lorsque la qualité
dans ces collèges, le développement d’évaluations et de
des apprentissages et du climat scolaire ainsi que l’intérêt
classements qui visent à légitimer les ségrégations ren-
du travail sont maintenus. L’implication des responsables
force les inégalités et génère dévalorisation et perte de
de l’Éducation nationale (y compris l’inspecteur d’acadé-
confiance chez des élèves initialement en réussite, qui
mie et le recteur), de la ville et du conseil général a per-
« chutent » en arrivant dans les « bonnes classes » du col-
mis des actions visant notamment la restauration de la
lège où ils ont été admis après avoir réussi à déroger à
« puissance parentale » et la réintégration au collège des
leur secteur d’origine. Les enfants des groupes sociaux
élèves décrocheurs. Le travail collectif dans un dispositif
intermédiaires sont les plus touchés. C’est ainsi un cercle
de centration sur les apprentissages a même permis que
vicieux de concurrence et de hiérarchisation des espaces
des élèves de milieu plus favorisé reviennent au collège,
scolaires qui se développe dans les territoires les plus
ce qui prouve que la « spirale » des fuites peut s’inverser.
ségrégués sur le plan socio-résidentiel.
Mais là non plus, l’expérience n’a pas résisté à la rupture
La quatrième partie, également fondée sur les enquêtes du lien entre la mobilisation des acteurs et le soutien des
de terrain, montre comment et dans quelles conditions, le hiérarchies institutionnelles, lien qui lui avait assuré
processus cumulatif qui vient d’être décrit peut parfois auparavant une certaine pérennité. Ces deux situations
s’inverser. L’histoire longue, puisqu’elle remonte montrent la fragilité des constructions collectives et l’in-
au début des années quatre-vingt, de trois collèges permet fluence décisive des contextes urbains et des soutiens ins-
de mettre en évidence des conditions favorables aux titutionnels sur le caractère pérenne des actions menées
apprentissages, et ceci même dans des situations localement.
particulièrement difficiles. Deux collèges ZEP, l’un dans
les Yvelines, l’autre dans la zone urbaine sensible de Quant à la Loire, c’est le seul département urbanisé
l’agglomération nantaise ont ainsi connu un « âge d’or » dont les collèges présentent jusqu’ici des situations de
autour des années quatre-vingt. « sur-réussite » stables dans la durée. L’explication est à
rechercher dans le contexte de mixité sociale et de solida-
Le premier a été créé en 1977 dans une ville nouvelle rité qui caractérise ce département de tradition indus-
où une grande cité d’habitat social a été implantée dans trielle où les immigrations ont été intégrées dans un
une petite commune rurale. Seul collège de la commune, « brassage » avec les populations provenant de l’arrière-

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pays rural, et où le paternalisme a produit des effets posi- à profil) disparaissent les uns après les autres. Pour les
tifs en matière d’éducation. Une solide continuité éduca- élèves, le « démarchage » des élèves de catégories supé-
tive entre l’école et le champ associatif y existe, d’autant rieures ou moyennes par les établissements est rarement
plus que les enseignants sont attachés à leur territoire. combattu, quand il n’est pas encouragé. Pour les classes,
Dès le début des années quatre-vingt, ce département a des options, des spécialités particulières créent une ségré-
été l’objet des premières expériences d’assouplissement gation scolaire et sociale au sein des établissements.
de la carte scolaire, mais une régulation et un réaménage- Quant à l’éducation prioritaire, le dispositif ne s’est pas
ment des secteurs et des offres scolaires, organisés traduit par un véritable étayage des pratiques pédago-
en accord avec les chefs d’établissement, l’inspection giques en situation.
académique et le conseil général, ont permis de limiter
l’effet du libre choix des établissements, alors qu’une Alors que depuis les années quatre-vingt, le recours au
forte baisse démographique touchait tous les établisse- local (au territoire) s’est imposé comme une nouvelle
ments. Cette régulation a sans doute profité du fait que, donne, les limites d’une action éducative locale sont
contrairement à la région parisienne, l’agglomération sté- manifestes. En effet les politiques territorialisées se
phanoise n’a pas d’espace résidentiel « privilégié » de contentent de renvoyer les acteurs de terrain à des injonc-
taille suffisante pour constituer un secteur scolaire : tous tions contradictoires : comment adapter leur action à la
les collèges y présentent une mixité scolaire effective et réalité locale tout en étant soucieux d’agir au nom de
leur petite taille incite à une prise en charge pédagogique l’égalité des usagers ? Comment concilier les pratiques
adaptée de chaque élève dans les structures « normales » réelles et l’idéal professionnel ? Les rares dispositifs des-
de scolarisation. Mais cette situation, largement due à la tinés à soutenir les enseignants en souffrance ont ten-
conjonction de facteurs extérieurs, apparaît fragile et la dance à individualiser et à « psychologiser » cette souf-
politique actuelle d’assouplissement de la carte scolaire france, à les faire culpabiliser, ce qui évite de poser la
fait craindre, là aussi, une hiérarchisation des collèges. question politique de la professionnalisation. Pourtant le
turn over dans les établissements difficiles ne relève pas
La dernière partie ouvre le débat en proposant quelques du fatalisme, pas plus qu’il n’est un problème moral.
pistes de compréhension des évolutions qui viennent Dans d’autres institutions, tout aussi confrontées à l’ac-
d’être retracées. Les fonctionnements positifs observés cueil de publics difficiles, la collégialité des pratiques
sur le terrain renvoient à une multitude de facteurs imbri- professionnelles, la supervision des équipes par un per-
qués, en lien avec les situations locales mais, « dans la sonnel tiers, des temps encadrés d’analyse de pratique
plupart des cas, c’est la stabilité des équipes qui fait la professionnelle contrastent avec l’isolement de l’ensei-
différence, la continuité du travail enseignant, la durée gnant de l’Éducation nationale. Dans ces conditions, des
pour tisser des liens entre l’établissement et son sursauts locaux peuvent se produire, comme l’ont montré
contexte » (p. 248). Un vrai partenariat local doit plus à les enquêtes de terrain, mais ils sont dus à la conjonction
l’action des hommes qu’à l’institution ; il est possible, – hasardeuse – de facteurs humains et de données de
mais il n’est pas reproductible. Fuite des élèves et turn contexte favorables, et non aux régulations du système.
over des professionnels constituent le second point des Ils sont donc fragiles et rarement durables.
observations ; ces phénomènes ne sont pas nouveaux,
mais sont manifestement en voie d’accélération. Ils le À l’issue de cette lecture, faut-il conclure à une
sont d’autant plus que la « ghettoïsation » et la hiérarchi- « aggravation inexorable » (p. 284) de notre système édu-
sation des établissements s’inscrivent dans une spirale catif ? Il est clair que le libre choix des établissements ne
qu’il est difficile d’arrêter. À défaut d’actions significa- constitue en rien une solution. En revanche, il faut
tives pour rétablir la mixité sociale, tout repose sur le tra- construire des régulations ne s’intéressant pas unique-
vail enseignant. Or, dans les situations les plus difficiles, ment aux modalités de répartition des élèves entre les éta-
la rupture est parfois profonde entre élèves et ensei- blissements, mais visant surtout à agir sur les sources des
gnants, écartelés entre leur formation, leurs tâches et leur fuites en donnant aux équipes les moyens d’aménager
public. partout des conditions d’apprentissage adaptées aux
contextes. Les expériences évoquées ont montré que
Par ailleurs, les régulations à la disposition des déci- c’était possible, à condition de mieux former et de mieux
deurs sont faibles, voire incohérentes. L’autonomie de soutenir les professionnels confrontés aux situations les
fait des acteurs est considérable et ils doivent opérer des plus difficiles. C’est un « réengagement de l’État » ou,
choix décisifs, sans garde-fous organisationnels. C’est mieux, du service public que les auteurs appellent de
une logique de marché interne qui prévaut pour les leurs vœux, en souhaitant que « soient revisités les rela-
postes, les élèves et même les classes. Pour les postes, les tions et les modes de coopération entre politique natio-
dispositifs correctifs qui ont pu être mis en place (postes nale et politique locale », mais aussi que les politiques

Notes critiques     143

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publiques prennent appui sur les connaissances scienti- construction et le niveau de l’estime de soi. Dans le cha-
fiques, ce qui est loin d’être le cas en éducation. Cette pitre 2, les auteurs exposent l’approche intrapersonnelle.
dernière remarque est d’autant plus justifiée que l’ou- Dans cette approche, l’idée développée est celle de James
vrage est issu d’une recherche qui a répondu à un appel (1950 [1890]) qui propose que l’estime de soi est le résul-
d’offres du ministère de l’Éducation nationale : les tat d’un rapport entre les perceptions de soi réelles (ce que
ministres s’inspirent manifestement peu des travaux que la personne pense être) et les perceptions de soi idéales (ce
commande leur administration. que la personne voudrait être), dans les domaines impor-
tants. Si cet écart est grand, une faible estime de soi en
Jean-Claude Émin résultera. Ce chapitre expose différents facteurs qui
influencent le niveau du soi réel et différents points de vue
concernant le rapport entre le soi réel et l’idéal de soi. On
NOTES
peut ici souligner que les auteurs adoptent la vision de
1 « Nous vous demandons de faire preuve d’audace et conviction Harter (1999), qui revient à assimiler l’importance accor-
en vous inspirant notamment de l’exemple de nombreux pays dée aux domaines de perception de soi à l’idéal de soi, ce
étrangers qui ont supprimé avec succès leur carte scolaire. qui n’est pas toujours le cas dans la littérature (voir à ce
Notre objectif est de rendre la carte scolaire superflue par une
égalisation du niveau des établissements qui permettra aux propos Marsh, 1993, 1995 ; Pelham, 1995). Cette assimila-
parents de choisir l’école de leurs enfants. » (lettre de mission de tion entre ces deux concepts, souvent distincts, peut prêter
M. Nicolas Sarkozy, président de la République, adressée à
M. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, le 5 juillet à confusion pour les lecteurs non avertis et limiter les pos-
2007) sibilités d’interventions dans le cadre de l’approche inter-
2 Les indicateurs de réussite utilisés sont les résultats aux évalua- personnelle. À la fin du chapitre, des moyens d’interven-
tions d’entrée au collège (en 6e) en français et en mathématiques
et les notes aux épreuves écrites du brevet (en 3e). Pour chaque tions pédagogiques sont présentés. S’ils sont clairement
département, des résultats « prédits » sont calculés en utilisant expliqués, ils ne sont parfois pas assez référencés pour
les résultats constatés au niveau national pour les différentes qu’un lecteur intéressé puisse avoir accès à ces manières de
catégories sociales.
procéder, pour les mettre en œuvre ou pour poursuivre le
chemin de l’analyse critique des auteurs.
Dans le chapitre suivant, les auteurs exposent l’ap-
proche interpersonnelle du soi qui prend naissance dans
FAMOSE Jean-Pierre & BERTSCH Jean. L’estime de soi : le courant des interactionnistes symboliques et la théorie
une controverse éducative. Paris : PUF, 2009, 192 p. du soi miroir (Cooley, 1964 [1902]). Dans le cadre de
L’ouvrage porte sur l’estime de soi, sujet très prisé cette approche, l’estime de soi est le résultat de la percep-
dans la sphère sociale en général et dans le monde éduca- tion de la personne quant à l’évaluation d’elle-même
tif en particulier. Plus précisément, il pose la question de effectuée par les personnes importantes de son entourage.
l’augmentation de l’estime de soi en tant qu’objectif édu- La théorie du soi miroir suggère donc que les personnes
catif prioritaire, sujet controversé dans le monde scienti- importantes seraient un « miroir » dans lequel la personne
fique. En effet l’augmentation de l’estime de soi est sou- perçoit le « reflet » de sa propre image et que c’est ce
vent mise en avant comme un objectif à atteindre lorsqu’il reflet qui influencerait l’estime de soi. À la fin du
s’agit de bien-être ou encore de la réussite scolaire, mais chapitre, les auteurs présentent également quelques pistes
ce point de vue est contesté par différents chercheurs. pour des interventions pédagogiques. Enfin, dans le
Jean-Pierre Famose et Jean Bertsch proposent une ana- chapitre 4, qui constitue le dernier chapitre de cette
lyse critique de cette abondante littérature et question- première partie, les auteurs exposent une approche évolu-
nent le bien-fondé de la promotion de l’estime de soi tionniste de l’estime de soi : la théorie du sociomètre (cf.
comme solution à certains problèmes personnels et Leary & Baumeister, 2000). Plus qu’une théorie exposant
sociaux, tâche qui n’est pas aisée. L’ouvrage est organisé comment l’estime de soi est construite et se forme donc
en deux grandes parties. à un certain niveau, cette approche propose une explica-
tion à l’existence et à l’utilité de l’estime de soi et donne
Dans une première partie, les auteurs proposent de clari- donc une explication aux phénomènes décrits dans les
fier les définitions et théories qui sont liées au concept théories exposées jusqu’alors (pour une autre théorie
d’estime de soi. Dans le chapitre 1, ils soulignent le nombre explicative de l’existence de l’estime de soi et du besoin
important de concepts satellites qui ne facilitent pas la d’évaluation positive de soi, voir également la théorie du
compréhension de ce champ et présentent rapidement les management de la terreur, avec par exemple Greenberg,
liens existants entre certains de ces concepts, ce qui leur Pyszczynski & Solomon, 1986). Dans le cadre de cette
permet de mieux définir l’estime de soi. Dans les chapitres théorie du sociomètre, l’estime de soi serait un mètre qui
suivants, ils proposent plusieurs théories expliquant la servirait à donner une indication de l’acceptation sociale

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de la personne, inclusion sociale nécessaire à sa survie. cet ouvrage, il convient de noter que certains auteurs
Si la personne ne possède pas les caractéristiques valori- comme Marsh et O’Mara (2008) proposent de dépasser le
sées par le groupe, elle aura une faible estime de soi. Le débat sur le sens causal entre évaluation de soi et réussite
groupe rejetant les individus ne possédant pas les carac- scolaire en envisageant et testant empiriquement un effet
téristiques qu’il valorise, celles qui vont être utiles à sa réciproque, effet qui peut s’avérer pertinent dans le cadre
survie, cette faible estime de soi renseignera alors la d’une intervention éducative. Enfin, globalement, afin
personne sur un possible rejet social. Certaines des moti- d’aller un peu plus loin sur la question du bénéfice d’une
vations et certains phénomènes du soi initialement déve- haute estime de soi, question qui permet d’avancer sur le
loppés hors de cette approche sont alors relus et expli- questionnement des auteurs quant à « la pertinence de
qués à la lumière de cette théorie. l’augmentation de l’estime de soi en tant qu’objectif
prioritaire de l’éducation » (p. 173), il aurait été intéres-
Dans une seconde partie, les auteurs proposent une sant de citer et d’utiliser la synthèse de Baumeister,
analyse de certains présupposés qui sous-tendent la visée Campbell, Krueger et Vohs (2003), très complète et
de l’augmentation de l’estime de soi en tant qu’objectif critique sur cette question.
éducatif et donc des bénéfices d’une haute estime de soi.
Dans le chapitre 5, les auteurs exposent alors les Dans la dernière section et conclusion de l’ouvrage, les
recherches qui tendent à montrer que l’estime de soi n’est auteurs reviennent sur les raisons qui remettent en cause
pas une variable homogène variant d’une basse à une la pertinence de l’augmentation de l’estime de soi comme
haute estime de soi, mais qu’elle peut varier qualitative- un objectif prioritaire et proposent, toujours à la lumière
ment : une haute estime de soi n’est pas toujours signe de la théorie du sociomètre, que si l’estime de soi est un
d’une estime de soi adaptative. Dans le chapitre 6, les indicateur de notre inclusion sociale, nous pouvons direc-
auteurs discutent le besoin d’estime de soi positive et tement influencer cette inclusion sociale. Les pro-
exposent l’idée selon laquelle ce ne serait pas un besoin grammes visant à augmenter l’estime de soi provoquent
d’évaluation positive de soi en lui-même qui guiderait alors certains effets positifs car ils favorisent le sentiment
l’individu mais, à la lumière de la théorie du sociomètre d’inclusion sociale.
exposé dans le chapitre 4, un besoin d’évaluation positive
de soi pour s’assurer de son inclusion sociale. Enfin, dans Face à la diversité des écrits sur l’estime de soi, cet
le chapitre suivant, les auteurs remettent en cause le ouvrage complet présente ce concept de manière acces-
caractère désirable d’une haute estime de soi en exposant sible aux professionnels et chercheurs, entre autres en
plus particulièrement des recherches qui traitent du lien éducation, s’intéressant à ce thème. La connaissance et la
entre l’estime de soi et deux sujets d’intérêt dans le compréhension des théories traitant de l’estime de soi
contexte éducatif : l’agressivité et la réussite scolaire. sont en effet indispensables dans le cadre d’un question-
À propos de la réussite scolaire, si les auteurs et d’autres nement sur la promotion de l’estime de soi car, comme
concluent que l’estime de soi prise comme une évaluation l’a souligné Harter (1999), une intervention ayant cette
globale de soi ne peut être considérée comme un élément cible et étant menée sans une bonne connaissance de ses
prédictif important (cf. Baumeister, Campbell, Krueger déterminants peut conduire à des interventions qui se
et al., 2003 ; Swann, Chang-Schneider & McClarty, révèlent inefficaces, voire délétères. Si l’ouvrage ne
2007), il aurait pu être intéressant de nuancer le propos et donne pas de pistes concrètes d’intervention (car ce n’est
de mettre en avant que ce résultat pourrait être dû au fait pas son but premier), il suscite l’envie de mieux connaître
que le niveau de mesure de l’évaluation de soi est simple- ce qui existe et surtout, point important dans ce champ de
ment trop global. En effet, ainsi que Swann et ses collè- recherche, amène à remettre en question les idées reçues
gues (2007) le soulignent, si on applique le principe selon sur l’estime de soi. Que l’on soit d’accord ou non avec la
lequel il faut mesurer le concept et le comportement au lecture que les auteurs font de la littérature et que l’on
même niveau de spécificité, ce n’est pas l’estime de soi s’accorde ou non avec eux quant à l’importance qu’il faut
– l’évaluation de soi globale – qui devrait nous intéresser accorder à la théorie du sociomètre, leur questionnement
dans la prédiction de la r éussite scolaire, mais bien l’éva- argumenté concernant le bénéfice parfois mitigé d’une
luation de soi au niveau des compétences scolaires. Et augmentation de l’estime de soi et la complexité de ce
effectivement, il a été montré que l’évaluation de soi concept qui peut paraître simple constitue un apport dans
spécifique au domaine scolaire est plus prédictive des le champ de la recherche en éducation.
comportements scolaires que l’évaluation de soi globale.
Par ailleurs, la question de la relation causale que les Cécile Nurra
auteurs soulèvent est importante. En effet sans une rela- Laboratoire des sciences de l’éducation,
tion causale avérée, il paraît difficile de prévoir une inter- université Pierre-Mendès-France-Grenoble 1
vention. Si la relation causale est remise en cause dans et université Joseph-Fourier-Grenoble 2

Notes critiques     145

RFP174.indb 145 03/06/2011 15:29:36


Bibliographie périodes distinctes et concernant des enseignements aux
statuts variés (de mathématiques dans le chapitre 2, de
BAUMEISTER R., CAMPBELL J., KRUEGER J. & VOHS K. sciences économiques et sociales ou SES dans le cha-
(2003). « Does high self-esteem cause better
performance, interpersonal success, happiness, or
pitre 3, ou de technologie dans le chapitre 4) ou relevant
healthier lifestyles? » Psychological Science in the de la définition plus globale des contenus scolaires d’une
Public Interest, vol. 4, n° 1, p. 1-44. époque (le socle commun des connaissances, abordé en
COOLEY C. (1964). Human nature and the social order conclusion). L’ouvrage synthétise utilement un certain
[1re éd. : 1902]. New York : Schocken Books. nombre de travaux de référence théoriques et d’autres
GREENBERG J., PYSZCZYNSKI T. & SOLOMON S. (1986). portant sur des disciplines diverses. Il propose par
« The causes and consequences of a need for self- ailleurs, pour la technologie, un travail empirique de pre-
esteem: A terror management theory ». In R. Baumeister
(dir.), Public self and private self. New York : Springer- mière main (dernier chapitre).
Verlag, p. 189-212.
HARTER S. (1999). The construction of the self: A
En France, la recherche sur les contenus scolaires est
developmental perspective. New York : Guilford Press. essentiellement le fait de trois champs disciplinaires :
JAMES W. (1950). The principles of psychology [1re éd. : celui des historiens qui, selon le résumé lapidaire pro-
1890]. New York : Dover. posé en introduction, étudieraient la fabrication et la dif-
LEARY M. & BAUMEISTER R. (2000). « The nature and fusion des savoirs scolaires par l’institution scolaire elle-
function of self-esteem: Sociometer theory ». In M. Zanna même, ou encore la « culture scolaire » (résumé qui
(dir.), Advances in Experimental Social Psychology, semble réduire le travail des historiens aux orientations
vol. 32. San Diego : Academic Press, p. 1-62.
récentes d’une partie du service d’histoire de l’éducation
MARSH H. (1993). « Relations between global and specific
domains of self: The importance of individual
de l’INRP) ; celui des didacticiens, qui s’intéressent à la
importance, certainty, and ideals ». Journal of transposition des savoirs savants en objets d’apprentis-
Personality and Social Psychology, vol. 65, n° 5, p. 975- sage scolaire (« transposition didactique ») ; celui de la
992. sociologie des savoirs scolaires, enfin, qui met au jour les
MARSH H. (1995). « A Jamesian model of self-investment processus sociaux de sélection des savoirs que transmet
and self-esteem: Comment on Pelham (1995) ». Journal l’institution scolaire. Au lieu de consacrer un chapitre à
of Personality and Social Psychology, vol. 69, n° 6,
p. 1151-1160. chacune de ces trois approches, Isabelle Harlé prend le
MARSH H. & O’MARA A. (2008). « Reciprocal effects parti de les faire dialoguer en structurant l’ouvrage autour
between academic self-concept, self-esteem, de disciplines contrastées et en privilégiant l’approche
achievement, and attainment over seven adolescent chronologique.
years: Unidimensional and multidimensional
perspectives of self-concept ». Personality and Social Quoique les travaux de l’auteure s’inscrivent plus net-
Psychology Bulletin, vol. 34, n° 4, p. 542-552.
tement dans une perspective sociologique, elle souligne
PELHAM B. (1995). « Self-investment and self-esteem:
Evidence for a Jamesian model of self-worth ». Journal
le caractère nécessairement historique de l’étude des pro-
of Personality and Social Psychology, vol. 69, n° 6, cessus par lesquels des savoirs en viennent à être scolari-
p. 1141-1150. sés ou à voir leur forme se modifier. C’est le cas par
SWANN W., CHANG-SCHNEIDER C. & McCLARTY K. exemple du dessin, qui est passé du statut d’art industriel
(2007). « Do people’s self-views matter? Self-concept à celui d’art d’agrément, et des mathématiques modernes,
and self-esteem in everyday life ». American qui ont remplacé le calcul mental. Une sociologie des
Psychologist, vol. 62, n° 2, p. 84-94.
« savoirs scolaires » ne peut, de ce fait, être qu’historique
et rejoindre ainsi l’entreprise fondatrice, quoique long-
temps isolée, de Durkheim (1938), formulée en 1904-
1905 dans le sillage des longs débats curriculaires de la
HARLÉ Isabelle. La fabrique des savoirs scolaires. Paris : fin du xixe siècle et de la réforme du baccalauréat
La Dispute, 2010, 157 p. de 1902. La place minime que l’ouvrage accorde à cette
œuvre fondatrice s’explique sans doute par le fait que
Alors que la définition des contenus scolaires constitue l’auteure privilégie les travaux qui éclairent les méca-
un enjeu social puissant du fait de la place occupée par nismes précis aboutissant aux changements des contenus
l’institution scolaire dans le processus de socialisation, d’enseignement, en étudiant la « chaîne de traduction
les travaux sur la genèse des savoirs scolaires restent pédagogique », soit l’ensemble des acteurs investis dans
relativement rares. L’ouvrage d’Isabelle Harlé se propose la réforme pédagogique, les conditions sociales de leur
de synthétiser et de cumuler les acquis de travaux éclatés succès, autrement dit le rapport de force qui préside à la
(dans le chapitre 1) puis de les prolonger par l’étude sélection des savoirs et à la définition des méthodes péda-
comparative de moments de réforme curriculaire, à des gogiques.

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S’intéressant à l’imposition des mathématiques ciplines étudiées ici obéit à plusieurs logiques contrastives.
modernes (cas particulier de transformation interne d’une Il fait varier le grand domaine de rattachement de la disci-
discipline qui reste nominalement identique), Isabelle pline, selon les classifications du sens commun : sciences
Harlé met en évidence de façon convaincante et articulée dites dures pour les mathématiques ; sciences humaines et
la multiplicité des registres d’explication qui doivent être sociales pour les SES ; savoirs ou savoir-faire techniques
convoqués conjointement pour comprendre une transfor- pour la technologie. Il revient sur des disciplines étudiées
mation curriculaire. Il ne suffit pas en effet de démontrer par les différentes traditions que l’auteure entend mettre en
l’existence d’un changement de paradigme dans une dis- résonance, comme les mathématiques modernes prises
cipline savante qui se transposerait mécaniquement dans pour objet à la fois par les didacticiens, les sociologues et
la matière scolaire correspondante, ni de suggérer que la les historiens. Il correspond encore au parti pris d’étudier
« transposition » de cette révolution (au sens de Kuhn) des mises en discipline encore « instables », qui ne vont
est permise par l’existence de groupes d’intérêt. Une pas de soi, de façon à mettre en évidence les principes et
réforme des contenus doit être mise en relation avec l’ori- les conflits sous-tendant l’inscription scolaire des savoirs :
gine sociale et le destin professionnel des publics concer- ces logiques sont moins visibles dans le cas de disciplines
nés : dans le cas des mathématiques, la concurrence sco- établies, dont le statut n’est plus discuté. Ce choix permet
laire de la bourgeoisie avec la petite bourgeoisie implique aussi d’explorer une dimension très travaillée par la socio-
que les matières destinées à cette dernière, dans les logie britannique du curriculum, celle des frontières et des
filières qui lui sont réservées (enseignement spécial, découpages disciplinaires, dimension problématique dans
écoles primaires supérieures, etc.), soient à visée pratique le cas d’une matière composite comme les SES et, dans
et enseignées de façon concrète, comme le calcul mental une moindre mesure, comme la technologie. Il fait varier
sur des problèmes courants, les matières désintéressées et encore le rapport aux savoirs savants et donc la position
abstraites (tel le latin savant) légitimant les classes supé- des disciplines dans un rapport de domination savante, les
rieures. C’est la fonction qu’assumeront par la suite les mathématiques pouvant se définir en science reine,
mathématiques modernes, redéfinies en matière abstraite « pure », dominant d’autres disciplines tandis que la tech-
hautement formalisée. Il convient de prendre en compte nologie n’est pas productrice de ses propres savoirs et que
parallèlement l’ensemble des intérêts économiques et les SES sont affiliées à des disciplines distinctes d’un point
leur représentation institutionnelle (notamment l’OCDE de vue épistémologique et institutionnel : la sociologie,
dans le cas des mathématiques), et de les replacer dans le l’économie, la démographie, les sciences politiques.
cadre plus large des transformations de la structure du
marché du travail. Des enjeux idéologiques d’universali- La volonté de dialogue disciplinaire, fortement liée aux
sation d’une manière spécifique d’appréhender le monde injonctions pluridisciplinaires des IUFM où se dévelop-
(la logique mathématique par exemple et l’adhésion pent les recherches sur les savoirs, prend parfois le pas
à l’économie mathématisée) sous-tendent également les sur l’affirmation d’une ligne d’analyse cohérente sou-
transformations curriculaires. Les luttes de position au mise à l’épreuve du terrain : certaines théories très méta-
sein des disciplines expliquent enfin les attitudes contras- phoriques (la « noosphère » des didacticiens) sont pré-
tées à l’égard de la réforme. Les prétendants – en l’es- sentées en détail pour être ensuite critiquées, alors qu’il
pèce, le groupe Bourbaki – se mobilisent en prenant aurait peut-être suffi de les ignorer. On voit mal, par
appui sur les avancées de la science pour supplanter les ailleurs, comment justifier d’un point de vue épistémolo-
« anciens ». Inversement, les enseignants formés dans un gique l’affirmation de l’auteure selon laquelle certaines
état antérieur du système d’enseignement sont réticents à approches (histoire, sociologie ou didactique) seraient
l’égard de transformations qui risquent de les déqualifier. plus ajustées à l’analyse de certains savoirs. Sans doute
Certains événements peuvent alors permettre la cristalli- aurait-il fallu aussi expliciter d’emblée d’autres principes
sation des forces en présence et ouvrir la voie à la de variation essentiels, comme le caractère socialement
réforme, comme ce fut le cas en 1968 pour un certain dominant de la discipline (sa place, au moment historique
nombre de disciplines, dont les mathématiques. étudié, dans la hiérarchie des disciplines permettant d’ac-
céder aux cursus scolaires d’excellence et d’assurer la
L’esprit comparatif qui anime cet ouvrage (comparaison reproduction des positions sociales) ou l’ancienneté de sa
dans le temps ou entre disciplines) constitue l’une de ses présence dans le curriculum scolaire. Les invariants des
grandes qualités : dans les recherches sur les savoirs et les savoirs susceptibles de légitimation, tels que les relèvent
disciplines, chaque spécialiste d’une discipline court le Max Weber ou, à sa suite, Michaël Young ou Jean-Claude
risque d’hypertrophier son objet quand il ne se livre pas, du Passeron (abstraction, coupure avec la vie quotidienne,
fait du lien biographique qui l’unit souvent à la discipline codification écrite avancée, procédure d’évaluation for-
étudiée (dont il peut être issu), à une analyse indigène, une melle), pourraient être mieux intégrés à l’analyse. Mais
réhabilitation ou un dénigrement déguisé. Le choix des dis- cet ouvrage, délibérément bref, propose une synthèse fort

Notes critiques     147

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utile et problématisée qui invite à soumettre les acquis Chauvel (1998). Ce n’est pas la seule évaluation à
des travaux présentés à l’épreuve empirique. laquelle procède l’auteur dans son premier chapitre
consacré à « l’augmentation paradoxale du nombre des
Marie-Pierre Pouly déclassés ». S’intéressant également aux trajectoires des
GRESCO, université de Limoges enfants d’employés et d’ouvriers, il conclut à une « dimi-
nution des perspectives de promotion sociale vers le sala-
riat d’encadrement » (p. 42). Ce point mérite cependant
Bibliographie
d’être débattu. Soulignons tout d’abord qu’au vu des
données, cette diminution est d’ampleur bien inférieure à
DURKHEIM E. (1938). L’évolution pédagogique en France.
Paris : Alcan. l’augmentation du déclassement des enfants de cadres. Il
est ensuite discutable de rassembler d’un côté les ouvriers
et les employés qualifiés et de l’autre les ouvriers et les
employés non qualifiés pour une comparaison en
moyenne durée. Enfin s’agissant des seuls ouvriers,
PEUGNY Camille. Le déclassement. Paris : Grasset, 2009, l’évolution récente me semble contredire la tendance
173 p. dégagée par Peugny : « En 1970, seuls 19 % des enfants
d’ouvriers étaient devenus cadres (moyens ou supérieurs)
Issu d’une thèse de doctorat réalisée au Centre de ou exerçaient une profession libérale à l’âge de 30 ans
recherche en économie et statistique (INSEE) et à l’Obser- […]. En 2003, c’est désormais plus du quart des enfants
vatoire sociologique du changement (IEP de Paris) sous la d’ouvriers qui occupent des positions de décision ou
direction d’Alain Chenu, ce livre est le premier ouvrage de d’expertise dès 30 ans. » (Poullaouec, 2010, p. 115)
sociologie consacré au déclassement à destination d’un
large public. De retour sur le devant de la scène depuis les Avant d’aborder au chapitre 2 « l’expérience du déclas-
années deux mille, ce thème du déclassement méritait bien sement, entre rébellion et retrait », (p. 71), l’auteur esquisse
cette petite synthèse particulièrement claire et bien docu- quelques pistes d’explication de l’essor des déclassements
mentée. La définition ordinaire du déclassement est en repérés à l’aide des données statistiques. « Le diplôme,
effet très fluctuante et son importance réelle souvent bien premier rempart contre le déclassement » (p. 51), n’est ici
fantasmée. Armé des précieuses enquêtes de l’INSEE sur pas mis en cause, contrairement à ce que suggère la thèse
l’emploi et sur la formation et la qualification profession- de l’inflation scolaire (Duru-Bellat, 2006). En premier lieu,
nelle, l’auteur en apporte ici une mesure rigoureuse, Peugny souligne que les parents cadres des déclassés sont
appuyée sur une approche intergénérationnelle du phéno- moins diplômés que les autres cadres, retrouvant ainsi des
mène. « Est déclassé tout individu qui ne parvient pas à résultats établis par Claude Thélot (2004). Autrement dit,
maintenir la position sociale de ses parents » (p. 13) : il « c’est bien par la transmission du capital culturel […]
s’agit donc ici d’une étude centrée sur le « déclassement qu’est assurée la transmission du statut de cadre entre les
social par le bas », trop souvent négligé par des travaux générations. […] il ne suffit plus d’être issu d’une lignée
focalisés sur la mobilité sociale ascendante (Merllié prestigieuse pour être protégé du déclassement » (p. 55).
& Prévot, 1997). Du point de vue de la sociologie de l’édu- En second lieu, l’auteur évoque rapidement le rôle du
cation, Camille Peugny attire ainsi utilement l’attention sur « déclassement scolaire, au sens du concept anglo-saxon
les trajectoires assez souvent malheureuses de certains d’overeducation » (p. 58). Discutant du caractère mérito-
enfants de cadres, dont la réussite scolaire et sociale n’ap- cratique de la société française, il conclut enfin que si le
paraît plus si évidente et si mécanique1. niveau de diplôme est aujourd’hui moins conditionné par
l’origine sociale, les positions sociales seraient quant à
En effet, « dans la France des années deux mille et elles moins conditionnées par le niveau de diplôme. La for-
à l’âge de 40 ans, un fils de cadre supérieur sur quatre et mulation de ce dernier résultat laisse cependant le lecteur
une fille sur trois sont employé(e)s ou exercent des sur sa faim : l’auteur ne vient-il pas de rappeler l’impor-
emplois ouvriers » (p. 44). C’est peu et beaucoup à la tance de plus en plus décisive des diplômes de l’enseigne-
fois : parmi les 1,7 millions d’individus âgés de 40 ans ment supérieur dans l’accès aux positions de cadres ? On
en 2003, 9 % ont un père cadre, ce qui permet d’estimer à regrettera également que le rôle du diplôme dans le dérou-
40 000 personnes tout au plus les membres de cette lement des carrières professionnelles ne soit pas pris en
cohorte ayant connu la destinée évoquée par Peugny. considération, alors que les données le permettaient.
Mais d’une génération à l’autre, la fréquence de telles
Deux types d’expériences du déclassement sont ensuite
trajectoires a cependant nettement augmenté, surtout si
dégagés des entretiens recueillis auprès d’enfants de cadres
l’on se réfère à la génération arrivée sur le marché du tra-
devenus ouvriers ou employés : à « la tentation de la rébel-
vail durant la « décade dorée » (1965-1975) décrite par

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lion » (p. 83), caractéristique de ceux qui vivent le déclas- BIBLIOGRAPHIE
sement comme un « destin générationnel », s’oppose « la
tentation du retrait » (p. 97), typique de ceux qui le vivent CHAUVEL L. (1998). Le destin des générations. Structure
comme un « échec personnel ». Les parents des premiers sociale et cohortes en France au xxe siècle. Paris : PUF.
sont souvent des cadres « populaires ascendants », faible- DURU-BELLAT M. (2006). L’inflation scolaire. Les désillu-
sions de la méritocratie. Paris : Éd. du Seuil.
ment diplômés, ayant été promus en cours de carrière,
majoritairement dans le privé. Pour ces déclassés du pre- HENRI-PANABIÈRE G. (2010). Des « héritiers » en échec
scolaire. Paris : La Dispute.
mier type, les responsables du « sacrifice » de leur généra-
tion sont à la fois les patrons, qui profitent bien de la MERLLIÉ D. & PRÉVOT J. (1997). La mobilité sociale. Paris :
La Découverte.
« course aux diplômes », et l’école, accusée d’inadaptation
POULLAOUEC T. (2010). Le diplôme, arme des faibles. Les
aux besoins réels. Quant aux déclassés du second type, familles ouvrières et l’école. Paris : La Dispute.
dont les parents sont au contraire des cadres « héritiers »
THÉLOT C. (2004). Tel père, tel fils ? Position sociale et ori-
hautement diplômés, ils vivent leur parcours scolaire en gine familiale [1982]. Paris : Hachette.
demi-teinte et mouvementé comme une expérience dou-
loureuse, très en deçà des espoirs familiaux. Reprenant les
concepts de Merton, Peugny les décrit aussi comme en
retrait, sans combativité par rapport aux enjeux du monde
du travail. Dans les deux cas de figure, les déclassés sont RICH Joël. Les nouveaux directeurs d’école. Repenser
donc des frustrés. À suivre l’auteur, il y aurait là une clé de l’encadrement des établissements scolaires. Bruxelles :
lecture éclairante pour mieux comprendre leurs comporte- De Boeck, 2010, 169 p.
ments politiques.
Dès l’introduction, l’auteur indique que l’objectif de
Tel est le propos du troisième et dernier chapitre, cen- l’ouvrage est de mieux cerner le vécu des directeurs
tré sur « les conséquences politiques du déclassement », d’école et leurs capacités à mobiliser les enseignants
qui s’appuie principalement sur l’exploitation du panel pour que le système éducatif soit plus efficace. Certes ces
électoral français de suivi des scrutins de 2002. C’est aspects sont abordés mais, à la lecture, on peut se deman-
sans doute sur ce terrain que la démonstration est la der si l’objectif principal n’est pas plutôt celui qu’an-
moins convaincante. L’auteur hésite lui-même souvent à nonce le sous-titre : repenser l’encadrement des établis-
franchir le pas de thèses anciennes voyant dans la montée sements scolaires. À cet égard, l’ouvrage permet de
des extrémismes en politique l’expression privilégiée de passer en revue de nombreux apports scientifiques
la frustration croissante des déclassés. Ces derniers s’avè- susceptibles, selon l’auteur, de contribuer à la formation
reraient ainsi « relativement autoritaires et ethnocentrés, des futurs directeurs d’école. Pour le cas de la situation
certes, mais pas plus que les autres employés et ouvriers » française, cet apport peut paraître décisif étant donné la
(p. 123). En outre, les déclassés « se montrent significati- création annoncée des futurs établissements d’enseigne-
vement plus hostiles au libéralisme économique que les ment publics primaires pour lesquels il faudra recruter et
autres enfants de cadres, et aussi hostiles que les autres former des directeurs n’ayant pas le même statut qu’ac-
employés et ouvriers » (p. 131). Enfin le positionnement tuellement. De ce point de vue, l’ouvrage de Joël Rich
partisan des déclassés est nettement moins à gauche et pourra peut-être répondre en partie aux orientations
légèrement plus à l’extrême droite que celui des autres préconisées par le rapport rédigé en 2010 par le député
ouvriers et employés. Mais comme le rappelle Peugny, Frédéric Reiss et intitulé : « Quelle direction pour l’école
90 % des déclassés ne se déclarent pas « frontistes ». Et du xxie siècle ? » (Reiss, 2010).
le caractère minoritaire du déclassement au sein d’une
couche minoritaire de l’électorat ne peut évidemment pas Un premier chapitre historique permet de bien cerner la
résumer une conjoncture électorale aussi singulière que façon dont la fonction de directeur d’école a évolué
celle de 2002. en France. C’est le développement quantitatif de cer-
taines écoles qui va conduire les autorités à mettre
Tristan Poullaouec en place des directeurs. La loi Falloux de 1850 préconise
Centre nantais de sociologie, université de Nantes qu’un directeur soit nommé dans chaque école de plus de
80 élèves. Le statut relatif à la fonction apparaît avec la
loi organique du 30 octobre 1886. À cette époque, le
NOTE directeur dispose d’une certaine autorité sur ses adjoints.
Il veille à l’ordre, à la discipline et à l’hygiène. Il s’inté-
1 À ce titre, il rejoint parfois l’interrogation de Gaële Henri- resse aussi aux méthodes pédagogiques mises en œuvre
Panabière (2010) sur les « méshéritiers » en échec scolaire. par ses adjoints. Ceci ne manque pas de créer quelques

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tensions qui, selon l’auteur, peuvent expliquer en partie nance, le nouveau management public, le travail en
la naissance du syndicalisme enseignant. Entre le début équipe, la coopération, le projet d’école, l’évaluation.
du xxe siècle et 1930, les méthodes autoritaires perdurent Comme le mentionne très justement l’auteur, les deux
et les tensions avec les enseignants demeurent. De 1886 premières sont relativement polysémiques et peuvent
à 1965, être directeur est un titre reconnu et ceci se mani- avoir, selon les circonstances, une connotation très libé-
feste, entre autres, par une rémunération non négligeable. rale. Afin d’éviter le flou, il propose quelques orienta-
Le directeur devient un responsable administratif et, le tions. Pour la gouvernance, il s’agit pour le directeur de
cas échéant, un conseiller dans le domaine pédagogique. « créer les conditions dans lesquelles les personnels
Dès 1966, le gouvernement en place réclame la création qu’il dirige assument eux-mêmes de plus grandes res-
d’un grade spécifique. Cette proposition est vivement ponsabilités, avec plus de communication, de transpa-
combattue par le Syndicat national des instituteurs (SNI). rence, d’égalité, de liberté, de respect et de contrat »
À la fin des années quatre-vingt, le ministre René Monory (p. 45). L’auteur semble convaincu de la nécessité pour
réitère la proposition en suggérant de mettre en place des les directeurs et leurs équipes d’intégrer pleinement les
« maîtres-directeurs » (qui auraient été vraisemblable- apports du nouveau management public. À ce propos, il
ment déchargés de classe). Là encore, le SNI s’oppose à écrit : « La formation d’un directeur éclairé et en posi-
cette proposition. tion critique vis-à-vis des pratiques liées à un nouveau
management public pourrait paraître indispensable […]
L’analyse comparative mise en œuvre par l’auteur permet pour assurer la promotion, dans son équipe, d’une indis-
de mettre en perspective la situation des directeurs d’école pensable innovation. » (p. 127) Un peu plus loin, il
en France avec celle de leurs homologues au Canada et ajoute : « Le directeur est […] celui qui doit contribuer
en Belgique. Dans ces deux pays, les directeurs d’école sont à donner une visualisation nécessaire pour que les per-
plus proches, de par leur statut et leurs activités, des person- sonnels dont il a la charge réalisent les objectifs qu’ils
nels de direction du second degré en France. Les directeurs se sont fixés dans un sens partagé. » (p. 134) Il n’est pas
d’école au Canada ont par exemple un niveau d’études assez du tout certain que les enseignants français du premier
élevé (maîtrise ou doctorat). En faisant état des résultats degré soient prêts à entendre et à accepter ce type de
d’une étude réalisée par Blouin (2006), l’auteur montre que discours.
les 15 000 directeurs interrogés se montrent très satisfaits de
leur développement professionnel, de l’appui de leurs supé- Le chapitre 6 dont on peut penser qu’il constitue le fil
rieurs hiérarchiques et de leur autonomie professionnelle. directeur de l’ouvrage est consacré à des propositions
Nombreux sont ceux qui souhaiteraient pouvoir recruter concernant la formation universitaire et professionnelle
eux-mêmes les enseignants faisant partie de leur équipe. des futurs directeurs d’école. Du point de vue des sup-
Pour la Belgique, l’auteur présente une étude menée par ports scientifiques, l’auteur préconise trois types d’ap-
Boulvain (2006) à partir d’entretiens. Interrogés sur la ports : des sciences humaines et sociales ; des sciences de
manière dont ils conçoivent leurs rôles, les directeurs met- gestion et des sciences de l’administration.
tent l’accent sur les aspects relationnels et ceux qui sont rela-
tifs à la gestion. Viennent ensuite le rôle d’animation péda- À cet égard, nul doute que le livre de Joël Rich consti-
gogique et les tâches administratives. La situation des tue une ressource appréciable pour former les futurs
directeurs français est appréhendée à travers une étude directeurs d’école. On peut cependant regretter l’aspect
menée par la mutuelle générale de l’Éducation nationale trop prescriptif de l’ensemble. Davantage de prudence et
(MGEN). Les 1 900 individus interrogés estiment que leur de nuance aurait sans doute été nécessaire. Du point de
métier se dégrade. Ils font également état de l’écart croissant vue méthodologique, il est dommage que l’auteur n’ait
qui existe entre les tâches qui s’alourdissent progressive- pas lui-même recueilli des données originales répondant
ment et les moyens qui leur sont alloués. à une problématique spécifique centrée sur la situation
des directeurs actuels en France. Les entretiens qu’il
Une autre partie de l’ouvrage aborde un certain mobilise sous forme d’extraits ont été collectés pour un
nombre de concepts et de notions qui pourraient faire tout autre projet : ce sont les travaux qu’il a consacrés
l’objet de modules de formation pour les directeurs aux projets d’école. Par ailleurs, la multiplicité des
d’école. Pour chaque concept et chaque notion, l’auteur champs scientifiques mobilisés peut dérouter quelque
présente des travaux scientifiques susceptibles d’éclai- peu le lecteur, même si cette multiplicité illustre le
rer de manière originale les problématiques profession- caractère pluriel des sciences de l’éducation au sein des-
nelles des directeurs d’école. Ces apports doivent contri- quelles se situe le travail de l’auteur.
buer selon l’auteur à former un praticien réflexif. Pour Gilles Combaz
atteindre cet objectif, il passe en revue les notions sui- Institut français de l’éducation,
vantes (dont certaines sont très à la mode) : la gouver- École normale supérieure de Lyon

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Bibliographie le lancement précipité en 1981 des ZEP dans le contexte
de l’alternance socialiste, la relance de 1997, puis celle
BLOUIN P. (2006). « Profil des directeurs d’écoles primaires de 2006 faisant suite aux émeutes de novembre 2005.
et secondaires au Canada : premiers résultats de l’en- Elle s’interroge sur l’absence de conséquence politique
quête auprès des directeurs d’école de 2004-2005 ».
Questions d’éducation : le point sur l’éducation, l’ap- des évaluations majoritairement négatives des résultats
prentissage et la formation au Canada, vol. 3, n° 2. Dis- de l’éducation prioritaire. Elle revient également sur la
ponible sur Internet à l’adresse : <http://www.statcan. nature réglementaire plutôt que législative des textes qui
gc.ca/pub/81-004-x/2006002/9249-fra.htm> (consulté régissent l’éducation prioritaire en France et qui explique,
le 26 janvier 2011).
entre autres, qu’aucune ligne budgétaire dédiée ne puisse
BOULVAIN M. (2006). « Un directeur à l’école primaire, quels être clairement identifiée, ce qui obère toute possibilité
rôles dans la gestion de la qualité ? » 8e biennale de
l’éducation et de la formation, INRP, Lyon. Disponible d’une régulation financière de la politique, comme
sur Internet à l’adresse : <http://www.inrp.fr/ aux États-Unis par exemple.
biennale/8biennale/contrib/longue/88.pdf> (consulté le
26 janvier 2011). Le troisième chapitre, « Instrument d’une politique »,
REISS F. (2010). « Quelle direction pour l’école du s’appuie sur les récents travaux de science politique
xxie siècle ? ». Rapport à M. le Premier ministre. Paris : consacrés aux instruments de gouvernement. Il aborde la
Assemblée nationale. Disponible sur Internet question de la politique d’éducation prioritaire sous
à l’adresse : <http://media.education.gouv.fr/
file/2010/86/8/Rapport-Quelle-direction-pour-ecole- l’angle de ses « instruments », c’est-à-dire de l’ensemble
XXI-siecle_155868.pdf> (consulté le 26 janvier 2011). des outils par lesquels cette politique s’incarne : carte de
l’éducation prioritaire, surencadrement des élèves, pro-
jets et contrats. Ainsi l’auteur souligne les limites réelles
de cette politique ambitieuse qui s’est, selon elle, dotée
d’outils inadéquats. La carte de l’éducation prioritaire
ROBERT Bénédicte. Les politiques d’éducation prioritaire. n’obéit pas à des critères clairs et subit les aléas des pres-
Les défis de la réforme. Paris : PUF, 2009, 149 p. sions politiques, le surencadrement des élèves répond
plus à une approche gestionnaire du suivi des heures
Issu d’une thèse en science politique soutenue en accordées aux établissements qu’à une véritable réflexion
décembre 2007 à l’Institut d’études politiques de Paris, pédagogique sur la réussite des élèves en difficulté, et les
l’ouvrage de Bénédicte Robert réussit le pari de transfor- projets et contrats de zone ou de réseau sont restés incita-
mer un texte académique en un ouvrage clair, au style tifs. Le dernier chapitre, « Des politiques d’éducation
sobre et efficace. Il porte, comme son titre l’indique, sur prioritaire aux politiques d’éducation », revient plus spé-
les politiques d’éducation prioritaire dont il retrace l’his- cifiquement sur les expériences étrangères et interroge
toire, les évolutions et les mises en œuvre en France et les politiques de régulation par les résultats, notamment
aux États-Unis. Toutefois son ambition est plus large et il le management par objectifs. L’auteur revient sur la poli-
entend rendre compte du changement dans le système tique américaine d’éducation prioritaire et notamment la
éducatif et décrire les conditions d’une réforme réussie. loi de 2001 qui, suite à de nombreux débats dans la
L’ouvrage se compose de quatre chapitres illustrant cette société sur la réussite éducative, a entériné le principe
double démarche. Le premier, intitulé « Changement d’accountability : des indicateurs de réussite clairs sont
dans le système éducatif français », dresse une synthèse fixés aux établissements qui doivent rendre compte de
consacrée aux politiques éducatives et expose la l’usage qu’ils font des financements supplémentaires
démarche de l’auteur. Celle-ci choisit d’articuler diffé- qu’ils reçoivent au titre de la politique d’éducation priori-
rents niveaux d’analyse en étudiant la décision publique taire. L’évaluation y joue un rôle clé avec les subvention-
et l’impact de la politique d’éducation prioritaire. nées conditionnées à résultats : la reconduction des finan-
Au moyen de la théorie des équilibres ponctués de cements dépend ainsi de la performance des
Baumgartner et Jones, elle entend tenir ensemble l’ana- établissements. L’auteur décrypte ensuite la tendance
lyse des permanences et changements radicaux dans cette « centripète » des politiques éducatives, gérées par le
politique. Elle étudie ainsi l’éducation prioritaire dans sommet et non traduites en loi. Cette forme particulière
une perspective de temps long qui en restitue les empêcherait que la question soit saisie par des groupes
séquences de stabilité et focalise son analyse sur les intermédiaires (associations, syndicats…) ce qui dessine
temps de réforme et leurs conditions de réussite (p. 22). à rebours les conditions pouvant permettre l’introduction
Le second chapitre, « Lancement et relances de la poli- en France de la régulation par les résultats.
tique d’éducation prioritaire (1981-2006) », développe
l’histoire de l’éducation prioritaire en France à partir de Le travail de Bénédicte Robert sur l’éducation priori-
cette perspective. L’auteur s’attarde sur trois temps clés : taire est tout à fait bienvenu, tant il manquait à la littéra-

Notes critiques     151

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ture un ouvrage approfondi sur ce sujet. Il documente référents des réseaux « ambition réussite » de 2006 ; loi
utilement la politique française à la lumière de l’expé- No Child Left Behind, p. 23). Ainsi la question centrale
rience anglaise, mais surtout américaine, beaucoup moins du livre qui est celle des conditions d’une réforme réussie
connue en France, et constitue de ce fait un apport riche. traduit un a priori positif de la part de l’auteur en faveur
Il présente également une revue de littérature complète d’une politique par résultats. Or celui-ci ressortit à un
sur les politiques éducatives, notamment des travaux parti pris personnel et biaise son raisonnement scienti-
américains dont il fait une indispensable synthèse. On fique, ce qui est dommage au vu de l’intérêt de la théma-
regrettera toutefois que l’auteur n’ait pas tenu jusqu’au tique choisie.
bout son pari d’articuler plusieurs niveaux d’analyse.
À ce titre elle exploite finalement peu les différents ter- Sylvie Aebischer
rains sur lesquels elle a travaillé, notamment les poli- CERAPS, université du droit et de la santé-Lille 2
tiques académiques d’éducation prioritaire qui n’appa-
raissent guère dans l’ouvrage, malgré l’enquête menée
sur le pilotage et la mise en œuvre de l’éducation priori-
taire dans les académies de Créteil et de Lille. L’histoire
de l’éducation prioritaire en France est également brossée SINGLY François de. Comment aider l’enfant à devenir lui-
à grand traits et apporte peu d’éléments nouveaux, d’au- même ? Paris : Armand Colin, 2009, 157 p.
tant moins que l’auteur néglige ainsi la relance opérée
dans les années quatre-vingt-dix. Ce point est regrettable Comment aider l’enfant à devenir lui-même est un
car on attend toujours une histoire véritable de cette poli- essai visant à aider les parents dans leur tâche d’éduca-
tique, qui en restituerait toute la chair sociale, se montre- tion familiale. Pour François de Singly, ces tâches sont en
rait attentive aux contextes multiples et aux groupes grande partie nouvelles. Deux évolutions sont particuliè-
variés qui l’ont portée et, finalement, se distinguerait de rement soulignées : l’existence d’une « culture généra-
la simple chronique de dispositifs se succédant dans le tionnelle » (p. 28-29), qui fait que grandir n’est pas se
temps. La perspective de Briand et Chapoulie dont débarrasser d’une culture (juvénile) au profit d’une autre
Bénédicte Robert se déclare proche (p. 28) illustre juste- (adulte). L’indépendance de la jeunesse est un fait. La
ment ce que sa démarche aurait pu gagner à s’engager transmission éducative n’est pas supprimée, mais elle
dans une perspective résolument sociologique et histo- occupe une place secondaire par rapport aux formes de
rique, notamment dans l’analyse du processus décision- réalisation de soi que les jeunes expérimentent entre eux.
nel qu’elle aborde toujours de façon trop superficielle. La deuxième évolution concerne l’exigence d’authenti-
cité (p. 40 sqq.). De Singly fait référence à l’analyse de
Au-delà de ses apports non négligeables, l’auteur déve- l’individualisme moderne par Taylor : l’authenticité est
loppe quelques thèses discutables, notamment sur la l’affirmation de l’originalité unique de chacun. Sa consé-
force intrinsèque de la loi comme moteur du changement. quence est que les adultes ont d’abord à créer les condi-
Elle conclut en effet de son étude que le recours aux tions pour que l’enfant puisse découvrir par lui-même ce
textes réglementaires et principalement aux circulaires qu’il peut être. L’objectif est celui d’une éducation à l’au-
affaiblit cette politique, évoquant la « vulnérabilité d’une tonomie, décrit à l’envi, au long de l’ouvrage, par la
réforme reposant sur un cadre purement réglementaire » métaphore du voyage, un voyage dont les étapes ne sont
(p. 124). Fondamentalement, Bénédicte Robert considère pas fixées à l’avance, mais découvertes, voire inventées
que la loi a des vertus propres parce qu’elle est le résultat au fur et à mesure (p. 27).
d’une procédure de délibération publique qui permet la
mobilisation de groupes et leur « expression pluraliste » Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la ques-
(p. 121) : elle permettrait ainsi de créer le consensus. tion de l’autorité et de l’obéissance (chapitres 1 et 2).
Cette posture fait peu de cas des usages par les acteurs Nombreux sont en effet aujourd’hui ceux qui, fustigeant
des cadres juridiques, qui dépendent bien plus des rap- le règne de l’enfant-roi, défendent le retour à une éduca-
ports de force entre groupes que de la nature des textes, tion autoritaire et insistent sur le caractère structurant des
comme le montre la sociologie contemporaine du droit. interdits et les vertus de l’obéissance. Pour de Singly, ces
De façon générale, le questionnement de l’auteur illustre convictions sont erronées : « L’enfant, pour devenir lui-
son positionnement scientifique : à mi-chemin entre le même […] ne peut pas se limiter à obéir » (p. 26). Le tra-
monde académique et politico-administratif, il est celui vail des parents « ne consiste pas à dresser avant tout des
d’une actrice engagée et la confusion entre les registres barrières » (p. 26). Cette critique ne conduit pas cepen-
normatif et explicatif traverse l’ouvrage. Trop souvent dant à un éloge du laxisme. Entre l’autoritarisme et le
reviennent au fil du texte des assertions non démontrées, laisser-faire, il y a une « troisième voie » à emprunter.
comme sur la réussite des réformes récentes (professeurs Les parents ont à fixer des règles et à poser des cadres

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relatifs à la sécurité de l’enfant, à la vie commune comme le montrent les entretiens, les analyses proposées
(espaces et temps) et aux études (p. 63 sqq.). De même, sont presque exclusivement documentées auprès d’ado-
ils ne peuvent « accepter toute demande d’expression lescents. On aurait aimé savoir si les conclusions auraient
personnelle de la part d’un enfant comme légitime » été les mêmes avec des enfants plus jeunes. Enfin l’ou-
(p. 78). Quand ces demandes sacrifient le long terme au vrage reste très discret sur la formation des attitudes liées
profit du présent, les parents sont les garants de l’intérêt à ce qu’on appelle le « vivre ensemble ». Ce n’est peut-
bien compris de l’enfant. Sur deux points, de Singly ne être pas tout à fait un hasard. N’est-ce pas un point sur
s’écarte pas de la tradition. La famille doit fournir aux lequel la part de la transmission – transmission de règles
enfants de l’amour et une filiation, autrement dit l’ins- de vie, d’attitudes, etc. – reste prépondérante ? Peut-être
cription dans une histoire. Ici encore, le propos est proche l’auteur répondrait-il que pour une grande part, ces tâches
de Taylor : si l’éducation est un voyage, le voyageur n’est de socialisation sont aujourd’hui dévolues à l’école et
pas sans bagage. Ses valises sont lestées de quelques aux structures d’accueil de la jeune enfance. Mais il n’est
albums de famille. Mais l’auteur insiste surtout sur le fait pas sûr que cette réponse corresponde à la conviction
que les parents doivent offrir des « ressources sociales » majoritaire des parents.
(p. 88). Il entend par là qu’ils proposent une gamme d’ac-
tivités et de loisirs parmi lesquels le jeune pourra choisir. Pour conclure, cet essai expose une phénoménologie
La priorité de l’autonomie est ici affichée : « Les parents convaincante de l’éducation familiale actuelle. Je le
proposent et les enfants disposent » (p. 60). Le rôle des caractériserai volontiers comme un « rousseauisme socio-
adultes est de créer les conditions qui permettront à l’en- logisé ». Et cela d’abord en raison de son propos.
fant d’acquérir des expériences, en vue de la découverte L’ouvrage se présente en effet comme un livre de recom-
de soi. mandations, mais ce qu’il recommande à vrai dire aux
parents, c’est d’abord de faire ce que pour la plupart
L’éducation à l’autonomie n’est pas sans affecter l’ins- d’entre eux, ils font déjà spontanément et que l’auteur
titution familiale. La « différence des places » caractéris- décrit dans ce livre. La troisième voie éducative qu’il
tique d’un fonctionnement institutionnel doit souvent s’agit d’inventer est en un sens déjà trouvée. C’est celle
faire place à la négociation (p. 109-111). La « bonne dis- qu’emprunte « la plupart des familles », conformément
tance » ne peut être fixée une fois pour toutes. On lui pré- aux « valeurs contemporaines » (p. 47). On ne dira donc
férera l’« élasticité du lien » (p. 121), plus conforme à la pas tout à fait comme Rousseau que l’éducation doit
variété des situations. La famille a aussi une dimension « suivre la nature », mais plutôt qu’elle doit « suivre la
communautaire : les parents doivent offrir à l’enfant une culture ». Et si l’on demande alors à quoi sert la rédaction
communauté de vie et œuvrer en faveur de la construc- d’un ouvrage comme celui-ci, une réponse, rousseauiste
tion d’une culture commune (p. 103). Conformément à la là encore, est que les voies de la bonne éducation sont
référence faite à Taylor, l’autonomie visée n’est pas l’au- obscurcies par des conceptions erronées qu’il faut réfuter.
tonomie libérale d’un moi détaché, mais celle d’un moi Quant au contenu, il est aussi significatif quand il invite
« situé » (p. 74). En ce sens, il est significatif que, même en conclusion le parent à connaître l’enfant et à « décou-
si les droits de l’enfant sont rappelés, l’idée juridique vrir ses besoins » (p. 148). Il est enfin proche de Rousseau
d’une contractualisation des liens familiaux n’apparaît en tant que pour l’essentiel, il s’agit de renoncer à la prio-
pas sous la plume de l’auteur, ce qui le sépare par rité de la transmission au profit d’un aménagement des
exemple d’Alain Renaut dont il est pourtant, à différents conditions permettant à l’enfant de faire ses propres
égards, assez proche. On gagnera enfin à rapprocher ces expériences. Comme dans L’Émile, l’éducateur renonce à
analyses de celle qui revient à plusieurs reprises sur la la transmission directe, mais reste présent à titre d’ac-
pluralisation de l’identité individuelle. L’enfant a une compagnateur et d’organisateur. Le voyage éducatif de
identité multiple, faite de dépendance (il est petit), de François de Singly ressemble à la promenade d’Émile
filiation (il est fils ou fille de…), de personnalité (il a des dans la forêt d’Hermenonville. Un point cependant sur
droits) et de singularité (p. 29). Ce pluralisme est cen- lequel l’auteur n’est pas rousseauiste, c’est son opti-
tral : l’enfant se « construit » dans une « oscillation » misme : pour François de Singly, ce qui passe dans la
entre ces dimensions (p. 26). « Le sentiment d’être soi- plupart des familles est conforme à ce qu’il faut faire.
même ne naît que dans le jeu entre plusieurs dimensions C’est une attitude suffisamment rare pour être relevée,
identitaires » (p. 63). à une époque où les essais consacrés à l’éducation fami-
liale adoptent souvent une tonalité plus sombre.
D’un point de vue critique, il me semble que l’on peut
regretter le caractère massif de l’opposition entre « autre- Philippe Foray
fois » et « aujourd’hui » (p. 9). Le discours sur l’éduca- Éducation, culture et politique,
tion d’hier semble schématique et inutile. En second lieu, université Jean-Monnet-Saint-Étienne

Notes critiques     153

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ZANTEN Agnès van. Choisir son école. Stratégies familiales en posant l’hypothèse que la lame de fond qui organise
et médiations locales. Paris : PUF, 2009, 283 p. ce dernier est un intérêt de classe, commun à l’ensemble
des familles de la classe moyenne ? L’interrogation est
Dans cet ouvrage, Agnès van Zanten étudie le proces- particulièrement complexe, mais prend sens et se crédi-
sus de choix d’école, en s’intéressant plus particulière- bilise au fur et à mesure des différents chapitres. Dans le
ment à ce processus dans les familles qui ont la plus chapitre relatif aux visées individuelles par exemple,
grande propension à choisir. Pour ce faire, elle a étudié l’auteure montre certes que les visées de type instru-
ce choix à la transition entre l’enseignement primaire et mental, qui sont les plus explicitement liées à la maxi-
secondaire, dans des espaces caractérisés par une misation des positions sociales, sont le moteur du choix
importante offre scolaire (quatre communes urbaines de pour les « technocrates » et les « techniciens » (soit dans
la périphérie parisienne), et posé par des parents de les deux groupes qui tournent autour du pôle écono-
classe moyenne, engagés et réflexifs par rapport au pro- mique et privé), mais que les parents appartenant au
cessus de choix. Le postulat majeur de l’analyse est que groupe des « intellectuels » privilégient une visée
le choix de l’établissement par les parents de classe réflexive, sans perdre de vue la composante instrumen-
moyenne est lié à un intérêt de classe, et s’intègre dans tale du choix, et enfin que si les parents appartenant au
une stratégie de clôture sociale, qui vise tant à réduire groupe des « médiateurs » valorisent largement une
les écarts avec la grande bourgeoisie, qu’à se « proté- visée expressive, cette visée les amène à s’interroger sur
ger » des classes populaires. L’enquête distingue toute- les caractéristiques sociales des élèves, garantes de
fois quatre profils de famille de classes moyennes cor- l’épanouissement de leurs enfants.
respondant à des niveaux de capital (supérieur vs
intermédiaire) et à la prégnance de formes différentes Dans le chapitre relatif à la rationalité cognitive des
de capital (pôle économique et privé vs pôle culturel acteurs, Agnès van Zanten montre par exemple que si la
et public), à savoir les « technocrates », les « intellec- majorité des parents accordent davantage de crédit à
tuels », les « médiateurs » et les « techniciens ». l’effet du public (soit l’effet du school mix) qu’à l’effet
de l’établissement proprement dit, certains parents seu-
L’ouvrage se compose de deux grandes parties. La lement lient ce constat à des explications fortes, inspi-
première s’intéresse aux motifs de choix, à leur ancrage rées des théories scientifiques (par exemple les thèses
dans des idéaux collectifs, aux liens entre intérêts et de Bourdieu et Passeron, voire celles de Bernstein chez
théories implicites, et au type de capital mobilisé à tra- certains parents du groupe des « intellectuels »), qui ont
vers le choix. Elle vise essentiellement à décrire les pour effet d’en asseoir une lecture fataliste, justifiant
déterminants individuels du choix de l’école. La d’autant plus leur investissement et leur engagement
seconde décrypte l’imbrication des processus de choix dans le processus de choix de l’école de leurs enfants.
dans les médiations qui les concrétisent, en portant suc-
cessivement attention aux négociations intrafamiliales, On notera enfin, à titre de nouvel exemple, que, dans
au rôle des réseaux sociaux, au rapport avec l’offre édu- le chapitre relatif aux négociations intrafamiliales, l’au-
cative locale et à la participation des parents à la régu- teure souligne certes que la distinction majeure qui
lation politique locale. s’opère à cet égard oppose d’un côté les familles des
classes moyennes supérieures et, de l’autre, les familles
Plutôt que de chercher à recomposer une image des classes moyennes intermédiaires, en fonction de
exhaustive de l’ouvrage, nous avons choisi de traiter l’ampleur de l’intervention parentale. Elle montre tou-
trois points particuliers, à savoir premièrement la tefois bien que la nature de l’intervention parentale dif-
« tension » qui organise l’ensemble du livre, entre le fère fondamentalement entre les deux groupes des
postulat de clôture sociale et l’idée de reconstituer, classes moyennes supérieures. Dans les familles appar-
à partir d’une démarche compréhensive wébérienne, des tenant au groupe des « technocrates », l’intervention
profils différenciés d’intérêts de classe et de choix de parentale est explicite et laisse peu de place aux choix
l’école au sein de la classe moyenne ; deuxièmement, le des enfants, alors qu’elle est implicite et procède essen-
développement d’un modèle théorique du choix de tiellement de l’inculcation d’habitus culturels et poli-
l’école ; et enfin l’ouverture d’une réflexion relative à la tiques dans les familles appartenant au groupe des
figure du marché comme forme de coordination. Pour ce « intellectuels ».
premier point concernant la tension entre clôture sociale
et la différenciation au sein de la classe moyenne, la À n’en point douter, un intérêt majeur de l’ouvrage
question est de savoir comment rendre compte de la est son cadre théorique. Afin de décrypter les voies
complexité et de la diversité du processus de choix diversifiées (selon le type de classe moyenne) par les-
d’école (parmi les familles de la classe moyenne) tout quelles se développe et s’exprime le choix de l’école,

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Agnès van Zanten propose un cadre théorique organisé associations de parents, ou dans les instances de régula-
autour de trois composantes : la position sociale des tion locale, ici communales.
individus dans la structure de classe (et au sein même
de la classe moyenne) ; les intérêts, valeurs, représenta- Enfin, bien que l’ouvrage ne porte pas sur la figure
tions ou ressources des acteurs ; et les dispositifs prag- du marché en tant que mode de régulation des systèmes
matiques à travers lesquels s’actualise le choix. Dans scolaires, il a l’intérêt d’apporter un éclairage sociolo-
son approche individuelle (c’est-à-dire dans la descrip- gique sur ce dernier, et permet une réflexion renouvelée
tion et l’étude des déterminants individuels des choix), quant à ses effets sur le niveau moyen et la distribution
le modèle rend compte de deux facettes particulière- des apprentissages. L’idée fondamentale du modèle du
ment intéressantes et peu traitées dans la littérature. La marché importé dans le monde scolaire est que la pres-
première est la conciliation opérée par les parents, non sion exercée par les familles, libres de changer d’éta-
sans tension, entre les visées strictement individuelles blissement, sera plus efficace que le contrôle tradition-
qu’ils poursuivent et les points de vue impersonnels nel exercé par l’autorité publique sur les établissements
qu’ils adoptent en lien avec les idéaux d’égalité et d’in- scolaires. Dans cette perspective, on attend de l’impor-
tégration. La seconde est la récursivité à l’œuvre dans tation du marché dans le monde scolaire un bénéfice
les interactions qui se nouent entre les intérêts des moyen pour tous les élèves du système scolaire, quelle
acteurs et les représentations qu’ils se font du fonction- que soit leur classe sociale. Or il nous semble que les
nement du système scolaire, des établissements d’en- constats posés dans cet ouvrage par Agnès van Zanten
seignement et de leur enfant en tant qu’apprenant et permettent un renouvellement de cette hypothèse, dès
personne en développement. Adoptant une perspective lors qu’elle met en évidence que les familles (de classe
cognitive pour décrire les déterminants des intérêts et moyenne tout au moins) s’intéressent, pour des raisons
des visées individuels des parents, l’auteure montre non diversifiées, davantage aux caractéristiques des élèves
seulement que les représentations et les connaissances scolarisés dans chaque établissement et, éventuelle-
des parents (associant des connaissances de type scien- ment, aux résultats bruts des élèves d’une école (chez
tifique et expérientiel) organisent leur perception et les « technocrates »), plutôt qu’aux progrès réalisés par
leurs intérêts, mais également, dans la droite lignée des les élèves grâce à la qualité de l’offre dans une école.
travaux de Kunda (1990) sur la question du raisonne- On pourrait dès lors faire l’hypothèse que la dynamique
ment motivé, que le type de raisonnement et de connais- créée par la possibilité de choisir son établissement est
sances mobilisés par les acteurs est largement ancré tout autre que ce que suggère la théorie du marché : les
dans les préjugés et les motivations de ces derniers. écoles auraient surtout intérêt à recruter les meilleurs
élèves, plutôt qu’à améliorer leurs pratiques, ce qui ne
conduirait pas à une amélioration de la qualité de l’en-
Dans son approche sociale, le modèle associe à la seignement, mais plutôt à une ségrégation accrue entre
réflexion sur la mobilisation des différentes formes de établissements, et probablement à une production
capital (économique et culturel) durant le processus de accrue des élites scolaires.
choix une réflexion sur la mobilisation du capital
social, et permet d’interroger le lien entre position Au final, le présent ouvrage offre au lecteur une ana-
sociale au sein de la classe moyenne et formes de mobi- lyse finement construite et argumentée du processus de
lisation du capital social. À cet égard, la distinction choix de l’école à l’œuvre dans la classe moyenne pari-
proposée entre capital social inclusif et exclusif nous sienne, illustrative de l’intérêt de classe qui guide ce
apparaît particulièrement éclairante pour penser la choix et de son rôle d’instrument de clôture sociale. Ce
question du choix de l’école comme une composante faisant, il poursuit, à sa manière, le travail d’analyse
parmi d’autres des modèles d’intégration (dans la ville, développé par l’auteure dans l’école de la périphérie, en
dans la société) développés par les différentes fractions interrogeant le rôle que jouent les stratégies des classes
de parents de la classe moyenne. Le modèle théorique moyennes dans la fabrication de la ségrégation sociale
permet également d’interroger la configuration spéci- à l’école, et indirectement, dans l’agencement de
fique des facteurs de régulation du cas français (voire formes de socialisation scolaire segmentées et dis-
parisien, et même propre à chacun des quatre espaces tinctes au sein du système scolaire français. On regret-
analysés) et leur interaction avec le processus de choix, tera seulement que l’ouvrage, fondamentalement atta-
soulignant, notamment dans le dernier chapitre relatif ché à produire de l’intelligibilité quant à l’objet
aux régulations politiques, le rôle actif des parents et spécifique étudié, discute peu, même en conclusion, des
leur créativité sociale dans la régulation politique interactions entre les formes et les motifs de choix au
locale, que ce soit par un investissement au sein même sein des différentes fractions sociales de la société fran-
de l’établissement, au travers de la participation à des çaise, pas plus qu’il n’offre de discussion sur la spécifi-

Notes critiques     155

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cité du cas français, et ce tant par rapport aux politiques Bibliographie
d’affectation des élèves aux écoles, que par rapport aux
modalités de structuration des inégalités de position DUBET F., DURU-BELLAT M. & VÉRÉTOUT A. (2010). « Les
inégalités scolaires entre l’amont et l’aval. Organisation
sociale dans la société, et la manière dont elles intera- scolaire et emprise des diplômes ». Sociologie, vol. 1,
gissent avec les structures et les politiques scolaires n° 2, p. 177-197.
(Dubet, Duru-Bellat & Vérétout, 2010). KUNDA Z. (1990). « The case for motivated reasoning ».
Psychological Bulletin, vol. 108, n° 3, p. 480-498.
Xavier Dumay
GIRSEF, Université de Louvain, Belgique

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La revue a reçu…

ARLEO Andy & DELALANDE Julie. Cultures enfantines. FONTAINE Jacqueline. La scolarisation et la formation
Universalité et diversité. Rennes : Presses professionnelle des filles au pays de Schneider
universitaires de Rennes, 2010, 464 p. (1844-1942). Paris : L’Harmattan, 2010, 291 p.
BELHASSEN Marc. Les traumatismes de l’enfance. GARDOU Charles. Le handicap au risque des cultures.
Paris : Éd. du Pommier, 2011, 255 p. Variations anthropologiques. Toulouse : Érès, 2010,
BÉLANGER Nathalie & DUCHESNE Hermann. Des 437 p.
écoles en mouvement. Inclusion d’élèves GUILLAUME Jean-Luc. Élèves et professeurs : réussir
en situation de handicap ou éprouvant des difficultés ensemble. Issy-les-Moulineaux : ESF, 2011, 245 p.
à l’école. Ottawa : Presses de l’université d’Ottawa, International review of education, vol. 56, n° 4.
2010, 354 p.
KAHN Sabine. Pédagogie différenciée. Bruxelles :
Bref, n° 279 : « Aspirer à se former, la responsabilité des De Boeck, 2010, 116 p.
entreprises en question ».
Le Télémaque, n° 38 : « Adolescences ».
BRIANÇON Muriel. Ces élèves en difficulté scolaire qui
se disent d’abord curieux du maître. Paris : LOIZON Denis (dir.). Le conseil en formation. Regards
L’Harmattan, 2011, 306 p. pluriels. Dijon : CRDP de Bourgogne, 2010, 227 p.
Carrefours de l’éducation, n° 30 : « L’éducation MARTIN Jean-Paul. Paroles d’instituteurs. Saint-
préscolaire en question ». Estève : Les presses littéraires, 2011, 204 p.
CHALOPIN Michel. L’enseignement mutuel en Bretagne. MIALARET Gaston. Le nouvel esprit scientifique et les
Quand les écoliers bretons faisaient la classe. sciences de l’éducation. Paris : PUF, 2010, 176 p.
Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011, PÉRIER Pierre. L’ordre scolaire négocié. Parents, élèves,
263 p. professeurs dans les contextes difficiles. Rennes :
CHERKAOUI Mohamed. Crise de l’université. Genève : Presses universitaires de Rennes, 2010, 186 p.
Librairie Droz, 2011, 234 p. PHILIPPE Jonathan. Fabriquer le savoir enseigné.
COLINET Séverine. La « carrière » de personnes Bruxelles : De Boeck, 2010, 121 p.
atteintes de sclérose en plaques. Implication
associative et travail biographique. Paris :
L’Harmattan, 2010, 163 p.
DUTERCQ Yves (dir.). Où va l’éducation entre public
et privé ? Bruxelles : De Boeck, 2011, 202 p.

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Abstracts
Brian Annan – Continuously improving schools: Engineering set up in
New Zealand p p. 21
Keywords (TESE): cooperation, continuous evaluation, intergroup relations,
education policy-maker.
This article focuses upon New Zealand’s collaboration between policy makers,
researchers and teachers in the framework of programmes to continuously
improve educational organizations of schools. From setting up a national
framework of intervention strategies aiming at improving the students’ basics
skills, collaborations were developed at regional level, notably thanks to the
creation of networks of schools. Assessment has been a central element in
running these systems and allowed to clarify what parts people play and the
responsibilities they have to take considering they have to get results. Thus it
allows to be more efficient and get a long-term development of ongoing
actions helping underprivileged students.

Helen Timperley – Teachers’ professional development and its positive effects on


student learning p p. 31
Keywords (TESE): in-service teacher training, survey, team work, evaluation of
students, learning process, New Zealand.
In New Zealand, decision makers are more and more focusing on teachers’
professional development and the way it improves student learning. This
approach allows to develop collaborative teaching practices, asking teachers
to inquire about their own practices. Professional development programmes
have real effects on the improvement of students’ assessments in information
literacy and particularly reading. They allow teachers to better identify their
professional training needs from an analyses of their students’ difficulties and
by setting up efficient assessment procedures.

Gordon Stobart – “Assessing for learning” from local experiments to national


policy p p. 41
Keywords (TESE): formative evaluation, learning process, national level,
evaluation of the education system, knowledge transfer, education policy.
Assessing for learning is a well-developed approach now in the UK. It is officially
part of their education policies. It has showed that it works and got worldwide
recognition. Nevertheless the way the people in charge of British education
have been setting up this experiment is not without problems: bad
understanding of the founding principles, and distortions of practices.
Accountability in a coherent and integrated policy can face a number of
challenges when carried out in a too mechanical and superficial way (ignoring
the true situations of the schools) and underestimating students’ and teachers’
efforts to get involved in the learning assessment processes.

Marian Robinson – Bringing together accountability and skills improvement in


New York’s schools p p. 49
Keywords (TESE): accountability, school development plan, team work, teaching
quality, learning outcome, learning difficulty.

Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011     159-170

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One of the challenges American policy makers are faced with is to
conceive accountability systems while investing in the betterment of
teachers’ competence in order to eventually contribute to improving
students’ results. Children First–ambitious reform launched by the city
of New York–clarifies some of the strategic choices that policy makers
are faced with when combining goals of performance and improvement
of the quality of teaching and learning. The article analyses this double
goal in order to understand the links between pressure from
accountability policies and the new resources available to reinforce
school competences. Children First had not only set up goals of
performance for each school, but it also allowed principals to provide
a better monitoring of the resources while in the meantime providing
new systems of data and formative assessment so as to help teachers
analyze the quality of their teaching and their students’ learning. In
addition this reform created collaborative inquiry teams in each school
and opened up a new market for support and professional development
service providers. Two years after it was set up, the article gives a
report on this new device, particularly the collaborative inquiry
process that is essential to set up planning aiming at producing
knowledge and using different means to help the students with the
biggest learning problems. The data used in the analysis comes from
interviews and observations gathered in 2008 in 41 state schools in
New York city.

Leslie Nabors Oláh – Intermediate assessment of students within the


framework of the cycles of continuous improvement of teaching p p. 61
Keywords (TESE): evaluation by teachers, formative evaluation, data
processing, teaching practice, learning process.
The article aims to look closely at how intermediate assessment and the
tools that go with it are used to improve math teaching in American
grade schools. The term “intermediate assessment” is used here to
name cyclical assessment of knowledge and skills given on a defined
period of time that can be used as aggregate data to compare classes
and schools at district level. We particularly study how this information
system and this data base change the teaching backgrounds and the
educational use the teachers find in their classrooms with their students.

Matthis Behrens – Changes in school organization: back to teaching


quality p p. 71
Keywords (TESE): evaluation, information dissemination, standard,
teacher education, education policy, education system.
Assessing is at the heart of school activities. While it used to mainly
authenticate knowledge or regulate learning, it has become a
management tool that school administration uses to manage their
school organization. From an analysis of elements of an education
system, more precisely in German-speaking countries, the article
questions the needs for information inside a school production system
while taking into account the formative needs as well as the necessities
of accountability. Doing some sort of collaborative research work with
the teachers has allowed to interpret assessment results and plan
remedy solutions.

Brigitte Belmont, Éric Plaisance & Aliette Vérillon – Job descriptions of


non-medical support workers and quality of service given to disabled
students p p. 91

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Keywords (TESE): special needs education, disability, specialist teacher,
inclusive education, interpersonal relations, cooperation.
The job of non-medical support workers for disabled students consists in
helping handicapped students with their daily school activities. They
are part of the process of dividing educational work at school and
their steadily-growing number proves that the authorities have
recognized the legitimacy of such jobs. Yet the status granted to these
positions (lack of job security, poor salary, short training) leads us to
question whether they can really do good work and raises the issue of
professionalization of these employees. The study presented here aims
to study the relationships–perceived by the non-medical support
workers themselves–between their job description and the true work
they do in the schools they have been assigned. 34 non-medical
support workers for disabled students working in the Seine-Saint-Denis
area in the suburb of Paris have been personally interviewed. The
study reports their personal experiences and the way they view the
relationships between their jobs and the activities they do, their status
and true involvement in the field. The analysis shows that the status
they have been granted does not seem to be up to the task expected
from them, which implies strong personal commitment and requires
various skills. Their professional training is also highly criticized
compared to their own expectations. The paper also reports the
contribution of and collaboration problems with partners, especially
teachers and special education professionals.

Guillaume Escalié & Sébastien Chaliès – Using models of communities of


practice in teacher training at European level p p. 107
Keywords (TESE): teacher education model, school partnership, teacher
education institution.
The development of university-school partnerships has been one of the
directions chosen as part of European educational policies in order to
optimize teacher training. First the article contextualizes it
institutionally. Then it shows how this choice leads to setting up a new
form of professional learning in rearranging common training devices,
using the model of communities of practice (Lave & Wenger, 1991).
Based on a description of the inherent advantages and limits of those
new devices, this article questions the role that schools should be
playing alongside universities in the framework of teacher training.

Virginie Albe – Socio-educational purpose of scientific literacy p p. 119


Keywords (TESE): curriculum reform, culture, natural sciences,
competence, aims of education, knowledge.
For several years scientific literacy has been everybody’s–would be
scientists or not–focus in their training at international level. The
scientific curriculum focuses on citizenship activities so as to give all
the students means to comprehend problems involving science in their
future out-of-school lives. This literature review questions the idea of
developing scientific literacy by identifying the socio-educational
issues, mobilized knowledge, and social involvement that the different
approaches of scientific literacy focus on.

Abstracts     161

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Resúmenes
Brian Annan – La mejora continua de los establecimientos escolares: ingeniería
puesta en marcha en Nueva Zelanda p p. 21
Palabras clave (TESE): cooperación, evaluación continua, relaciones
intergrupales, responsable de la política educativa.
Este artículo se interesa por una colaboración neozelandesa entre responsables
políticos, investigadores y ejecutantes en el marco de programas de mejora
continua de la organización pedagógica de los establecimientos escolares. A
partir de la elaboración de un marco nacional de intervención estratégica
cuya meta es mejorar las competencias de base de los alumnos, se pusieron en
marcha colaboraciones a escala de los territorios, en particular gracias a la
creación de redes de establecimientos. La evaluación constituyó el elemento
central del pilotaje del dispositivo y permitió clarificar los roles y las
responsabilidades de cada persona en el marco de una obligación de
resultados. Por lo tanto permite alcanzar una eficacia y un desarrollo duradero
de las acciones emprendidas a favor de los alumnos más desfavorecidos.

Helen Timperley – El desarrollo profesional de los docentes y los efectos


positivos en los aprendizajes de los alumnos p p. 31
Palabras clave (TESE): formación continua del profesorado, encuesta, trabajo
en equipo, evaluación de los alumnos, proceso de aprendizaje, Nueva
Zelanda.
En Nueva Zelanda, los responsables políticos otorgaron una atención cada vez
más importante al desarrollo profesional de los docentes así como lo hicieron
respecto a la manera mediante la cual éste mejoraba los resultados de los
alumnos. Este enfoque permite desarrollar prácticas de enseñanza
colaborativas, poniendo a los docentes en una postura de investigadores
sobre sus propias prácticas. Los programas de desarrollo profesional tienen
verdaderos efectos en la mejora de los logros de los alumnos en el ámbito de
la literacia, en particular en la lectura. Permiten a los profesores una mejor
identificación de las necesidades de formación a través un análisis de las
dificultades de los alumnos y la realización de procedimientos eficientes de
evaluación.

Gordon Stobart – “La evaluación para los aprendizajes”: de una experimentación


local a una política nacional p p. 41
Palabras clave (TESE): evaluación formativa, proceso de aprendizaje, nivel
nacional, evaluación del sistema educativo, transferencia de conocimientos,
política educativa.
La evaluación para los aprendizajes es un enfoque bien desarrollado hoy en
día en Reino Unido y forma parte de las instrucciones oficiales. Mostró cuán
pertinente era y es objeto de un reconocimiento internacional. Pero la manera
cuya experimentación es realizada e interpretada por los responsables
ingleses de la educación plantea algunos problemas: mala comprensión de
los principios fundadores y distorsión de las prácticas. La obligación de los
resultados de la investigación en una política coherente e integrada puede
enfrentarse a cierto número de retos cuando se lleva a cabo de manera
demasiado mecánica y superficial (al ignorar particularmente las realidades

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del contexto de los establecimientos) y al subestimar el esfuerzo de
compromiso de los docentes y de los alumnos en los procesos de
evaluación y de aprendizaje.

Marian Robinson – Asociar obligación de resultados y mejora de las


competencias de los establecimientos de Nueva York p p. 49
Palabras clave (TESE): rendición de cuentas, proyecto educativo de
centro, trabajo en equipo, calidad de la enseñanza, resultado de
aprendizaje, dificultades de aprendizaje.
Uno de los retos con los cuales se enfrentan los responsables políticos
americanos es el de concebir sistemas de obligación de resultados (o
accountability) y el de invertir en el refuerzo de las competencias de
los docentes para in fine contribuir a la mejora de los resultados de
los alumnos. Children First, ambiciosa reforma lanzada por la ciudad
de Nueva York, aclara algunas de las elecciones estratégicas con las
cuales se enfrentan los responsables políticos para combinar objetivos
de obtención de excelentes resultados y mejora de la calidad de la
enseñanza y de los aprendizajes. El artículo analiza ese doble
objetivo para comprender los vínculos entre la presión de obligación
de resultados que ejercen los políticos y los nuevos recursos puestos a
disposición para reforzar las competencias de los establecimientos
escolares. Children First no sólo fijaba objetivos de obtención de
excelentes resultados para cada establecimiento escolar sino que
también permitía a los directores de los establecimientos asegurar un
mejor seguimiento de los recursos, y también brindaba nuevos
sistemas de datos y de evaluaciones formativas para ayudar a los
docentes a analizar la calidad de su enseñanza y de los aprendizajes
de los alumnos. Por otra parte, dicha reforma instituía equipos de
encuesta colaborativa en cada establecimiento y daba acceso a un
nuevo mercado de prestatarios de servicios de acompañamiento y de
desarrollo profesional. Dos años después de su puesta en marcha, el
artículo hace el balance respecto a dicho dispositivo, notamente
respecto al proceso de encuesta colaborativa, esencial en la
realización de una organización cuya finalidad es la producción de
conocimientos y la movilización de los recursos para acompañar a los
alumnos con mayores dificultades. Los datos que se apoyan en el
análisis proceden de entrevistas y de observaciones llevadas a cabo
en 2008 en 41 escuelas públicas de la ciudad de Nueva York.

Leslie Nabors Oláh – Las evaluaciones intermediarias de los alumnos en


el marco de los ciclos de mejora continua de la enseñanza p p. 61
Palabras clave (TESE): evaluación realizada por los profesores,
evaluación formative, procesamiento de datos, práctica docente,
proceso de aprendizaje.
El objetivo de este artículo es examinar el uso de las evaluaciones
intermediarias y de las herramientas que las acompañan para mejorar
la enseñanza de las matemáticas en la escuela elemental en los
Estados-Unidos. Utilizamos el término de “evaluaciones intermediarias”
para caracterizar evaluaciones cíclicas de los conocimientos y de las
competencias, limitadas en el tiempo, que sirven como datos
agregados para establecer comparaciones entre las clases, las
escuelas, y a escala del distrito. Estudiamos más particularmente cómo
ese sistema de información y esa base de datos modifican las
condiciones de instrucción y el uso pedagógico que de ellos hacen los
docentes con los alumnos en su propia clase.

Resúmenes     163

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Matthis Behrens – Las transformaciones de la organización escolar:
retorno hacia la calidad de la enseñanza p p. 71
Palabras clave (TESE): evaluación, difusión de la información, estándar,
formación del profesorado, política educativa, sistema educativo.
La evaluación se encuentra en el centro de la actividad escolar. Cuando
antes servía sobre todo a certificar adquisiciones o a regular los
aprendizajes, hoy se volvió una herramienta de gestión cuyas
administraciones escolares utilizan para pilotar la organización
escolar. Al analizar las partes constitutivas de un sistema educativo, y
más precisamente en los países germanohablantes, el artículo estudia
las necesidades de información dentro de un sistema de producción
escolar, tomando en cuenta a la vez necesidades formativas e
imperativos de la accountability. Un trabajo con los docentes bajo la
forma de investigación colaborativa permite interpretar los resultados
de evaluación y planificar remediaciones.

Brigitte Belmont, Éric Plaisance & Aliette Vérillon – Condiciones de


empleo de los auxiliares de vida escolar y calidad del acompañamiento
de los alumnos discapacitados p p. 91
Palabras clave (TESE): educación de personas con necesidades
educativas especiales, discapacidad, profesor especialista, educación
inclusive, relaciones interpersonales, cooperación.
Los auxiliares de vida escolar se encargan del acompañamiento de los
alumnos discapacitados en el entorno escolar ordinario. Su misión se
inscribe pues en los procesos de división del trabajo educativo dentro
de la escuela y su número en constante aumento pone de manifiesto el
reconocimiento de las instituciones públicas de la legitimidad de dicha
función. Sin embargo el estatuto atribuido a esos empleos
(precariedad, sueldo bajo, formación corta) invita a interrogarse
acerca de la posibilidad de asegurar, en dichas condiciones, servicios
de calidad y plantea la cuestión de la profesionalización de esas
personas. La investigación presentada en este artículo tiene como
meta estudiar las relaciones, percibidas por los auxiliares de vida
escolar en persona, entre sus condiciones de trabajo y el ejercicio
concreto de su función en las escuelas en donde se ven afectados. Se
realizaron entrevistas individuales acerca de 34 auxiliares de vida
escolar en función en el departamento de Seine-Saint-Denis, en la
región parisina. La encuesta permite restituir su experiencia propia,
sus representaciones de las relaciones entre su trabajo y las
actividades que realizan, entre su estatuto y su compromiso en la
escuela. El análisis muestra que el estatuto que se les reserva no les
parece estar en adecuación con la función esperada, que implica un
fuerte compromiso personal y pide distintas competencias. La
formación que reciben se ve también muy criticada respecto a sus
expectativas. Asimismo se presentan los aportes y las dificultades de
colaboración con los asociados, en particular los docentes y los
profesionales especializados.

Guillaume Escalié & Sébastien Chaliès – Hacia un uso europeo del


modelo de las comunidades de práctica en formación de los docentes p p. 107
Palabras clave (TESE): modelo de formación del profesorado, asociación
entre centros, centro de formación del profesorado.
El refuerzo de la asociación universidad-escuelas constituye una de las
orientaciones adoptadas en el marco de las políticas educativas

164     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

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europeas para optimizar la formación de los docentes. Tras haberla
contextualizada institucionalmente, este artículo muestra en qué y
cómo esa orientación invita a la realización de una nueva forma de
aprendizaje profesional mediante la reordenación de los dispositivos
usuales de formación, a partir del modelo de las “comunidades de
práctica” (Lave & Wenger, 1991). Tomando como base una
descripción de los intereses y de los límites inherentes a esos nuevos
dispositivos, este artículo plantea finalmente la pregunta respecto al
lugar que tendrían que ocupar las escuelas junto a la universidad en
el marco de la formación de los docentes.

Virginie Albe – Objetivos socioeducativos de la cultura científica p p. 119


Palabras clave (TESE): reforma del currículo, cultura, ciencias de la
naturaleza, competencia, fines de la educación, conocimiento.
La cultura científica o scientific literacy se volvió desde hace años un
importantísimo reto de formación para todos a escala internacional,
para los futuros científicos o no. Se alude a una formación a la
ciudadanía en el currículo científico para preparar a todos los alumnos
a aprehender problemas que implicarán las ciencias en su futura vida
fuera de la escuela. Esta nota de síntesis quiere plantear la cuestión
de la idea de desarrollo de la cultura científica identificando en los
numerosos discursos y trabajos relacionados con este temas los retos
socioeducativos, la movilización de conocimientos y la implicación
social objeto de los diferentes enfoques de la cultura científica.

Resúmenes     165

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Zusammenfassungen
Brian Annan – Die anhaltende Entwicklung der Schulanstalten: die in Neuseeland
eingeführte Projektplanung p p. 21
Schlagworter (TESE): Kooperation, fortlaufende Evaluation, Intergruppen-
beziehungen, bildungspolitischer Entscheidungsträger.
Dieser Artikel befasst sich mit einer neuseeländischen Zusammenarbeit zwischen
politischen Entscheidungsträgern, Forschern und Lehrern im Rahmen eines
anhaltenden Verbesserungsprogramms der pädagogischen Organisation von
Schulanstalten. Aus dem Entwurf eines nationalen Rahmens von strategischen
Eingriffen zur Verbesserung der Basiskompetenzen der Schüler hinaus wurden
Zusammenarbeitsprogramme in die Regionen eingeführt, insbesondere durch
die Gründung von Schulnetzen. Im Mittelpunkt dieser Vorrichtung stand die
Beurteilung und sie wiederum hat eine Klärung der jeweiligen Rolle und
Verantwortung eines jeden im Hinblick auf eine Ergebnispflicht ermöglicht.
Sie erlaubt somit, eine dauerhafte Effizienz und eine Entwicklung der Aktionen
zugunsten der benachteiligteren Schüler zu erreichen.

Helen Timperley – Persönliche Entwicklung der Lehrer und positive Auswirkungen


auf die Schüler p p. 31
Schlagworter (TESE): Lehrerfortbildung, Umfrage, Teamarbeit, Evaluation der
Lernenden, Lernprozess, Neuseeland.
In Neuseeland haben sich politische Entscheidungsträger zunehmend für die
berufliche Entwicklung der Lehrer und für die Art und Weise interessiert, wie
sie die Leistungen der Schüler verbessern kann. Diese Herangehensweise
ermöglicht die Entwicklung der Praktiken in Zusammenarbeit, indem sie die
Lehrer zu Beobachtern der eigenen Praktiken macht. Programme zur
beruflichen Entwicklung haben tatsächliche Auswirkungen auf die
Verbesserung des Schülererfolgs im Bereich der Informationskompetenz
(literacy), vor allem was das Lesen angeht. Sie erlauben dem Lehrer, den
eigenen Fortbildungsbedarf besser zu identifizieren durch eine Analyse der
Schülerschwierigkeiten und die Umsetzung effizienter Beurteilungsprozeduren.

Gordon Stobart – „Die Beurteilung für das Erlernen“: vom Lokalexperiment bis
hin zur Nationalpolitik p p. 41
Schlagworter (TESE): formative Evaluation, Lernprozess, staatliche Ebene,
Evaluation des Bildungswesens, Wissenstransfer, Bildungspolitik.
Die Beurteilung für das Erlernen ist eine heutzutage im Vereinigten Königreich
gut entwickelte Herangehensweise und steht dort in den offiziellen
Vorschriften. Sie hat ihre Relevanz gezeigt und wurde international anerkannt.
Doch die Art und Weise, wie dieses Experiment von den Verantwortlichen der
Erziehung in England umgesetzt und interpretiert wird, wirft gleich neue
Probleme auf: Missverständnisse über die Grundprinzipien und Verzerrung
der Praktiken. Die forschungmäßige Ergebnispflicht in einer kohärenten und
integrierten Politik kann auf eine gewisse Zahl von Herausforderungen stoßen,
wenn sie zu mechanisch und oberflächlich geführt wird (insbesondere wenn
sie die Realität des Schulkontextes ignoriert) und wenn sie das Engagement
der Lehrer und der Schüler in den Beurteilungs- und Lernprozessen
unterschätzt.

166     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

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Marian Robinson – Ergebnispflicht und Verbesserung der Kompentenzen
an New-Yorker Schulen vereinbaren p p. 49
Schlagworter (TESE): Rechenschaftspflicht, Schulentwicklungsplan,
Teamarbeit, Unterrichtsqualität, Lernergebnis, Lernschwierigkeit.
Eine der Herausforderungen, der sich die amerikanischen politischen
Verantwortlichen stellen müssen, besteht darin, Systeme der
Ergebnispflicht (accountability) zu entwerfen und in die Verstärkung
der Lehrerkompetenz zu investieren, um letztendlich zur Verbesserung
der Schülerergebnisse beizutragen. Children First, eine ehrgeizige von
der Stadt New-York eingeführte Reform, wirft ein interessantes Licht auf
einige der strategischen Entscheidungen, vor denen die Politiker
stehen, um das Ziel Leistung mit der Verbesserung der Unterrichts- und
Lehrqualität zu vereinbaren. Der Artikel analysiert dieses Doppelziel,
um die Zusammenhänge zwischen dem von der Ergebnispflicht-Politik
ausgeübten Druck und den neu eingesetzten Ressourcen zur
Verstärkung der Schulkompetenzen zu verstehen. Children First hat
nicht nur jeder Schule Leistungsziele gestellt sondern auch den
Schuldirektoren eine bessere Ressourcenverfolgung ermöglicht und
gleichzeitig neue Datensysteme und Prozesse zur Ausbildungsbewertung
gegeben, um den Lehrern dabei zu helfen, die Qualität des eigenen
Unterrichts und die der Schülerarbeit zu erfassen. Außerdem hat diese
Reform kollaborative Untersuchungsteams in jede Schule eingesetzt
und hat den Zugang zu einem neuen Markt der Dienstleistung in der
beruflichern Begleitung und Entwicklung erlaubt. Zwei Jahre nach ihrer
Einführung bietet der Artikel einen Überblick über diese Vorrichtung,
insbesondere über die kollaborative Untersuchung, die ein wesentlicher
Bestandteil in der Umsetzung einer Organisation darstellt, die auf
Produktion von Kenntnissen und Mobilisierung von Ressourcen abzielt,
um den Schülern mit den meisten Schwierigkeiten zu begleiten. Die
der Analyse zugrundelegenden Daten stammen aus Gesprächen und
Beobachtungen, die im Jahre 2008 in 41 öffentlichen Schulen der
Stadt New-York geführt wurden.

Leslie Nabors Oláh – Die Zwischenbeurteilung der Schüler im Zyklus der


ständigen Verbesserung des Unterrichtswesens p p. 61
Schlagworter (TESE): Evaluation durch die Lehrer, formative Evaluation,
Datenverarbeitung, Unterrichtspraxis, Lernprozess.
Das Ziel dieses Artikels ist es, den Gebrauch der Zwischenbeurteilung
und der entsprechenden Werkzeuge zur Verbesserung des
Mathematikunterrichtens in der Grundschule in den USA zu
beobachten. Wir benutzen den Begriff „Zwischenbeurteilung“, um die
zyklischen zeitlich begrenzten Kenntnis- und Kompentenzbewertungen
zu charakterisieren, die als Daten zum Vergleich zwischen Klassen
und Schulen auf Distriktebene fungieren. Wir beobachten
insbesondere, wie dieses Informationssystem und diese Datenbank die
Unterrichtsbedingungen verändern und von den Lehrern mit ihren
Schülern in der Klasse pädagogisch gebraucht werden.

Matthis Behrens – Veränderungen der Schulorganisation: zurück zur


Unterrichtsqualität p p. 71
Schlagworter (TESE): Evaluation, Informationsverbreitung, Norm,
Lehrerbildung, Bildungspolitik, Bildungswesen.
Die Beurteilung steht im Mittelpunkt der Schulaktivität. Während sie
bisher vor allem dazu diente, Erworbenes zu zertifizieren oder das

Zusammenfassungen     167

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Erlernen zu regulieren, ist sie ein Gestaltungswerkzeug geworden, das
die Schulbehörden benutzen, um die Schulorganisation zu führen.
Durch die Analyse der Bestandteile eines Schulsystems insbesondere in
den deutschsprachigen Ländern, wirft der Artikel die Frage nach dem
Informationsbedarf innerhalb eines Unterrichtssystems auf, und
berücksichtigt dabei sowohl den Fortbildungsbedarf als auch die
Erfordernisse der accountability. Eine Arbeit mit Lehrern in der Form
einer kollaborativen Forschung ermöglicht die Interpretation der
Ergebnisse und die Planung der Nachhilfe.

Brigitte Belmont, Éric Plaisance & Aliette Vérillon – Einstellungsbedingungen


des Hilfspersonals AVS und Qualität der Betreuung der behinderten Schüler p p. 91
Schlagworter (TESE): sonderpädagogische Förderung, Behinderung,
Fachlehrer, Integration in Regelschulen, zwischenmenschliche
Beziehungen, Kooperation.
Die sogenannten Hilfskräfte im Schulleben (AVS: Auxiliaire de Vie
Scolaire) beschäftigen sich mit der Begleitung der behinderten Schüler
in der herkömmlichen Schule. Ihre Aufgabe erfolgt im Prozess der
erzieherischen Arbeitenteilung in der Schule und der anhaltende
Wachstum dieser Stellen zeugt von der behördlichen Anerkennung der
Relevanz dieser Funktion. Jedoch wirft der Status dieser Stellen
(Prekarität, niedrige Belohnung, kurze Ausbildung) die Frage nach der
Möglichkeit auf, unter solchen Bedingungen eine Qualitätsdienstleistung
hervorzubringen und nach der Professionalisierung dieser Stellen. Die
in diesem Artikel vorgelegte Forschungsarbeit analysiert die von den
Hilfskräften selbst wahrgenommenen Zusammenhänge zwischen den
Einstellungsbedingungen und der tatsächlichen Ausübung ihrer
Funktion in den Schulen, wo sie eingestellt wurden. Individuelle
Gespräche wurden bei 34 Hilfskräften geführt, die im Großraum Paris
im Département Seine-Saint-Denis arbeiten. Die Untersuchung
ermöglicht es, die eigene Erfahrung, die Vorstellungen der Verhältnisse
zwischen ihrer Stelle und den tastächlichen Aktivitäten, zwischen
ihrem Status und ihrem Engagement vor Ort zu beobachten. Die
Analyse zeigt, dass der Status, der den Hilfskräften gewährt wird,
ihnen der erwarteten Funktion nicht angemessen zu sein scheint, weil
diese Stellen ein hohes Maß an persönlichem Engagement und
verschiedene Kompetenzen erfordern. Die durchgemachte Ausbildung
wird auch im Vergleich mit den Erwartungen stark kritisiert. Die
Vorteile sowie die Schwierigkeiten bei der Zusammenarbeit vor allem
mit Lehr- und Fachkräften werden auch vorgestellt.

Guillaume Escalié & Sébastien Chaliès – Auf dem Weg zu einem


europaweiten Gebrauch der Community of Practice in der
Lehrerausbildung p p. 107
Schlagworter (TESE): Lehrerbildungsmodell, Schulpartnerschaft,
Lehrerbildungsanstalt.
Die Verstärkung der Partnerschaften zwischen Schulen und Universitäten
bildet eine der Orientierungen, die im Rahmen der europäischen
Erziehunspolitik eingeführt wurden, um die Lehrerausbildung zu
optimieren. Nach einer institutionnellen Kontextualisierung zeigt der
Artikel in wie fern diese Orientierung für die Umsetzung einer neuen
Form der beruflichen Ausbildung durch die Umgestaltung der
herkömmlichen Ausbildungsvorrichtungen nach den „Community of
Practice“ spricht (Lave & Wenger, 1991). Auf Grund einer
Beschreibung der diesen neuen Prozeduren innewohnenden Vorteile

168     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

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und Grenzen wirft der Artikel schließlich die Frage nach dem Platz
auf, den Schulen neben Universitäten im Bereich der Lehrerausbildung
einehmen sollten.

Virginie Albe – Sozio-erzieherische Finalitäten der wissenschaftlichen Kultur p p. 119


Schlagworter (TESE): Curriculumreform, Kultur, Naturwissenschaften,
Kompetenz, Bildungsziel, Wissen.
Die wissenschaftliche Kultur oder scientific literacy ist auf internationaler
Ebene seit mehreren Jahren ein wesentlicher Schwerpunkt der
Ausbildung für alle geworden, ob zukünftige Wissenschaftler oder
nicht. Die Staatsbürgerkunde wird in das wissenschaftliche Curriculum
eingegliedert, um alle Schüler mit dem nötigen Werkzeug auszurüsten,
das ihnen ermöglicht, in ihrem zukünftigen außerschulischen Leben
wissenschaftliche Probleme zu erfassen. Diese Synthese nimmt sich
vor, die Idee der Entwicklung der wissenschaftlichen Kultur zu
hinterfragen, in dem wir in den vielen Reden und Arbeiten zu diesem
Thema die sozio-erzieherischen Schwerpunkte, die mobilisierten
Kenntnisse und das soziale Engagement identifizieren, die von den
verschiedenen Auffassungen der wissenschaftlichen Kultur angestrebt
werden.

Zusammenfassungen     169

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La Revue française de pédagogie présente ses plus vifs remerciements à tous les collègues, membres du
comité de rédaction ou du comité scientifique, ou extérieurs à la revue, qui ont accepté de collaborer aux tra-
vaux d’expertise qui leur ont été soumis pendant l’année 2010.

Virginie Albe, Chantal Amade-Escot, Georges-Louis Baron, Christine Barré-de Miniac, Anne Barrère, Jean-
Paul Bernié, Vincent Berry, Jacqueline Billiez, Pascal Bressoux, Gilles Brougère, Cécile Carra, Philippe
Carré, Margarida César, Élisabeth Chatel, Laurent Cosnefroy, Daniel Coste, Marcel Crahay, Jacques Crinon,
Isabelle Delcambre, Jean-Louis Dufays, Marie Duru-Bellat, Serge Ebersold, Marc-André Éthier, Georges
Felouzis, Cédric Fluckiger, Benoît Galand, Daniel Gaonac’h, Bertrand Geay, Séverine Gojard, Francis
Grossmann, Alain Guerrien, Pascal Guibert, Anne Halté, Charles Heimberg, Danièle Kergoat, Nicole Lautier,
Joël Lebeaume, Véronique Leclercq, Catherine Léger-Jarniou, Yvon Léziart, Marieke Longcamp, Monique
Loquet, Françoise Lorcerie, Éric Mangez, Alain Marchive, Cendrine Marro, Jean-Louis Martinand, Stéphanie
Mathey, Olivier Maulini, Benjamin Moignard, René Mouriaux, Line Numa-Bocage, Françoise Œuvrard, Isabelle
Olry-Louis, Jean-Paul Payet, Pierre Périer, Éric Plaisance, Denis Poizat, Danielle Potocki-Malicet, Françoise
Poyet, Bernard Rey, Marc Romainville, Charles Soulié, Anne Soussi, Catherine Tauveron, Serge Thomazet,
Bernadette Tillard, Patrice Venturini, Raymond Vienneau, Bernard Wentzel, Philippe Zamora.

Table des articles, notes de synthèse et notes critiques parus dans


la Revue française de pédagogie en 2010 (n° 170, 171, 172 & 173)

ARTICLES
La construction de la professionnalité
Carnus Marie-France enseignante à travers un dispositif interdis- 173 p. 19-40
ciplinaire de collège
La mixité, une évidence trompeuse ? Entre-
Chaponnière Martine tien avec Martine Chaponnière, université 171 p. 69-75
de Genève
Charlier Jean-Émile L’inéluctable ajustement des universités
172 p. 77-84
& Croché Sarah africaines au processus de Bologne
L’approche par compétences : un nouveau
Chauvigné Christian
paradigme pour la pédagogie universi- 172 p. 15-28
& Coulet Jean-Claude
taire ?
Se mettre au travail et y rester :
Cosnefroy Laurent 170 p. 5-15
les tourments de l’autorégulation

Filles et garçons en EPS : différents et en-


Davisse Annick 171 p. 87-91
semble ?

La pédagogie universitaire : un courant


De Ketele Jean-Marie 172 p. 5-13
en plein développement
Mixité et histoires scolaires : injonctions
Depoilly Séverine 171 p. 93-96
de genre et rapports de classe

Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011     171-176

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Desombre Caroline,
Delelis Gérald, Antoine Comment des parents d’élèves et des
Laura, Lachal Marc, enseignants spécialisés voient la réussite et 173 p. 5-18
Gaillet Françoise & Urban la difficulté scolaires
Eugène
Pratiques de savoir en classe et chez les
Doussot Sylvain 173 p. 85-104
historiens : une étude de cas au collège

Dubet François L’école « embarrassée » par la mixité 171 p. 77-86

La mixité à l’école et dans la vie, une


Duru-Bellat Marie thématique aux enjeux scientifiques forts 171 p. 9-13
et ouverts
Duru-Bellat Marie & Ma- La mixité scolaire, une thématique (encore)
171 p. 5-8
rin Brigitte d’actualité ?
Frenay Mariane, Saroyan
Alenoush, Taylor K. Lynn,
Accompagner le développement péda-
Bédard Denis, Clement
gogique des enseignants universitaires 172 p. 63-76
Mieke, Rege Colet Nicole,
à l’aide d’un cadre conceptuel original
Paul Jean-Jacques
& Kolmos Anette
Gianettoni Lavinia, Simon- Orientations professionnelles atypiques :
Vermot Pierre & Gauthier transgression des normes de genre et ef- 173 p. 41-50
Jacques-Antoine fets identitaires
La mixité dans les cours d’EPS d’un collège
Guérandel Carine
en ZEP : entre distance et rapprochement 170 p. 17-30
& Beyria Fabien
des sexes
Jarlégan Annette, Tazouti
Les interactions individualisées maître-
Youssef, Flieller André,
élève : une comparaison entre la France et 173 p. 67-84
Kerger Sylvie & Martin
le Luxembourg
Romain
Entrer dans la danse : divergence des
Julhe Samuel & Mirouse
« systèmes de pertinence » entre enfants, 170 p. 31-41
Stéphanie
parents et enseignants
Structure et dynamique de la ségrégation
Merle Pierre 170 p. 73-85
sociale dans les collèges parisiens
L’expérience pédagogique des moniteurs
Paivandi Saeed 172 p. 29-42
comme analyseur de l’université

Les expériences scolaires de non-mixité :


Pasquier Gaël 171 p. 97-101
un recours paradoxal

Pratiques enseignantes envers les élèves


Piquée Céline en difficulté dans des classes à efficacité 170 p. 43-60
contrastée

172     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 172 03/06/2011 15:29:38


Safont-Mottay Claire, Valeurs et attentes des collégiens et des
Oubrayrie-Roussel collégiennes envers l’école : une mixité 171 p. 31-45
Nathalie & Prêteur Yves à construire
Schmitz Julia,
Frenay Mariane, Neuville
Sandrine, Boudrenghien Étude de trois facteurs clés pour com-
172 p. 43-61
Gentiane, Wertz Vincent, prendre la persévérance à l’université
Noël Bernadette & Eccles
Jacquelynne
Single-sex Education. What Does Research
Smyth Emer 171 p. 47-55
Tell Us?
Les effets politiques des transformations
Spire Alexis 170 p. 61-72
du corps enseignant
Efficacité pédagogique des classes à cours
Suchaut Bruno double à l’école primaire : le cas du cours 173 p. 51-66
préparatoire

Le genre : identité des personnes ou moda-


Théry Irène 171 p. 109-117
lité des relations sociales ?

Vouillot Françoise L’orientation, le butoir de la mixité 171 p. 59-67

La mixité non ségrégative confrontée


Welzer-Lang Daniel 171 p. 15-29
aux constructions sociales du masculin

NOTES DE SYNTHÈSE

Enseignement réciproque et tutorat réci-


Baudrit Alain proque : analyse comparative de deux mé- 171 p. 119-143
thodes pédagogiques

Les usages du « temps » dans les re-


Chopin Marie-Pierre 170 p. 87-110
cherches sur l’enseignement
Crahay Marcel, Wanlin
Fonctions, structuration et évolution des
Philippe, Issaieva
croyances (et connaissances) des ensei- 172 p. 85-129
Élisabeth & Laduron
gnants
Isabelle
Rapport sur les revues de l’Institut natio-
Groupe de travail animé
nal de recherche pédagogique présenté 173 p. 105-126
par Antoine Prost
en juillet 2010

NOTES CRITIQUES

Agulhon Catherine Les étudiants étrangers à Paris. Entre affi-


(V. Erlich) 172 p. 131-132
& Xavier De Brito Angela liation et repli

Table des articles, notes de synthèse et notes critiques     173

RFP174.indb 173 03/06/2011 15:29:38


Albe Virginie Enseigner des controverses (C. Orange) 173 p. 127-128

Alexander Robin Essays on pedagogy (M. Raveaud) 170 p. 111-114

Audigier François Compétences et contenus. Les curriculums


(J. Lebeaume) 170 p. 114-116
& Tutiaux-Guillon Nicole en questions
Les inégalités d’apprentissage. Pro-
Bautier Élisabeth & Rayou
grammes, pratiques et malentendus (M. Millet) 172 p. 133-134
Patrick
scolaires

L’évaluation à l’université. Évaluer


Bedin Véronique (O. Rey) 173 p. 128-129
ou conseiller ?

Le nouvel ordre éducatif local. Mixité, dis-


Ben Ayed Choukri (J. Barroso) 171 p. 145-146
parités, luttes locales

Génération télévision. La relation contro-


(G. Jacquinot-
Bermejo Berros Jesús versée de l’enfant avec la télévision / Mon 170 p. 116-118
Delaunay)
enfant et la télévision
Blais Marie-Claude,
Gauchet Marcel & Ottavi Conditions de l’éducation (A. Vergnioux) 172 p. 134-136
Dominique
Le devoir de lecture. Médiations d’une
Bonaccorsi Julia (J.-M. Privat) 173 p. 130-131
pratique culturelle
Bréhon Jean & Chovaux Études sur l’EPS du Second Vingtième
(Y. Léziart) 170 p. 118-120
Olivier Siècle (1945-2005)
Brossard Michel Vygotski et les recherches en éducation
(V. Charbonnier) 170 p. 120-123
& Fijalkow Jacques (dir.) et en didactiques
Le développement des gestes profession-
Bucheton Dominique nels dans l’enseignement du français. Un
& Dezutter Olivier / défi pour la recherche et la formation / (Y. Reuter) 171 p. 147-148
Bucheton Dominique (dir.) L’agir enseignant : des gestes profession-
nels ajustés
Les politiques de lecture et leurs acteurs,
Butlen Max (E. Fraisse) 170 p. 123-124
1980-2000

L’orthographe en crise à l’école. Et si l’his-


Chervel André (D. Cogis) 170 p. 125-126
toire montrait le chemin ?

Cohen-Azria Cora & Sayac Questionner l’implicite. Les méthodes


(V. Albe) 173 p. 131-134
Nathalie (dir.) de recherche en didactiques, vol. 3
Dale Roger & Robertson Globalisation and Europeanisation in Edu-
(R. Cussó) 171 p. 149-150
Susan (dir.) cation

174     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

RFP174.indb 174 03/06/2011 15:29:38


S’orienter dans la vie : une valeur su-
Danvers Francis (B. Courtebras) 172 p. 137-138
prême ? Dictionnaire de sciences humaines
Daunay Bertrand,
Didactique du français, le socioculturel
Delcambre Isabelle (J.-P. Laurent) 173 p. 134-135
en question
& Reuter Yves (dir.)

Deligny Fernand Œuvres (É. Plaisance) 172 p. 138-141

Politiques de la relation. Approche socio-


(A. Gonnin-
Demailly Lise logique des métiers et activités profession- 171 p. 150-151
Bolo)
nelles
Dumay Xavier & Dupriez L’efficacité dans l’enseignement. Pro-
(R. Normand) 170 p. 126-129
Vincent messes et zones d’ombre
Dupriez Vincent, Orianne
De l’école au marché du travail, l’égalité
Jean-François (J. Vero) 170 p. 129-130
des chances en question
& Verhoeven Marie (dir.)
Filliettaz Laurent
Processus interactionnels et situations
& Schubauer-Leoni Maria- (I. Vinatier) 171 p. 151-153
éducatives
Luisa
Gruel Louis, Galland
Les étudiants en France. Histoire et socio-
Olivier & Houzel (S. Paivandi) 173 p. 135-137
logie d’une nouvelle jeunesse
Guillaume (dir.)
Jacquinot-Delaunay
L’université et les TIC. Chronologie d’une
Geneviève & Fichez (A. Chaptal) 171 p. 153-156
innovation annoncée
Élisabeth (dir.)
Lautrey Jacques,
Rémi-Giraud Sylvianne,
Les connaissances naïves (C. Bastien) 170 p. 131-132
Sander Emmanuel
& Tiberghien Andrée
An Atlantic crossing? The work of the In-
Lawn Martin ternational examination inquiry, its resear- (P. Vrignaud) 170 p. 132-134
chers, methods and influence
Le temps d’instruire. Approche clinique
Leutenegger Francia et expérimentale du didactique ordinaire (Y. Matheron) 173 p. 138-139
en mathématiques

Lipman Matthew Mark. Recherche sociale (C. Leleux) 172 p. 141-142

Mémoire et étude des mathématiques. Une


Matheron Yves approche didactique à caractère anthropo- (É. Roditi) 173 p. 139-141
logique
Les adolescents, leur téléphone et Internet.
Metton-Gayon Céline (A. Barrère) 172 p. 143-144
« Tu viens sur MSN ? »
Paul Jean-Jacques Les relations formation-emploi en 55 ques- (P. Champy-Re-
171 p. 156-158
& Rose José (dir.) tions moussenard)

Table des articles, notes de synthèse et notes critiques     175

RFP174.indb 175 03/06/2011 15:29:38


La liberté sous contrat. Une histoire de l’en-
Poucet Bruno (M. Suteau) 173 p. 141-142
seignement privé
L’évaluation de l’enseignement par les
Romainville Marc
étudiants. Approches critiques et pratiques (P. Detroz) 172 p. 144-145
& Coggi Cristina
innovantes

Roudet Bernard (dir.) Les jeunes en France (F. Eloy) 172 p. 145-146

Rouiller Yviane & Lehraus Vers des apprentissages en coopération :


(C. Brisset) 171 p. 158-160
Katia (dir.) rencontres et perspectives

Théories pédagogiques. Recherches épis-


Vergnioux Alain (L. Cornu) 171 p. 160-162
témologiques

Violences à l’école : au bonheur des


Vienne Philippe experts. Une analyse critique des réseaux (J.-Y. Trépos) 173 p. 142-143
d’expertise de la violence scolaire
Vinatier Isabelle & Altet Analyser et comprendre la pratique ensei-
(L. Talbot) 170 p. 134-135
Marguerite (dir.) gnante

176     Revue française de pédagogie | 174 | janvier-février-mars 2011

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