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C O N D U I R E U N E

POLITIQUE
ÉDUCATIVE
A U C O L L È G E
E N J E U X D E L A R É F O R M E
E T M O D A L I T É S C O N C R È T E S
MIK AËL A CORDONNIER
CATHERINE FAUCHE

M A Î T R I S E R
CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE
ENJEUX DE L A RÉFORME ET MODALITÉS CONCRÈTES
C O N D U I R E U N E

POLITIQUE
ÉDUCATIVE
AU COLLÈGE
E N J E U X D E L A R É F O R M E
E T M O D A L I T É S C O N C R È T E S

M A Î T R I S E R
Mikaëla Cordonnier  irecteur de publication
D
Jean-Marie Panazol

Titulaire d’un DEA de Droit public, Mikaëla Cordonnier  irectrice de l’édition transmédia
D
a d’abord exercé comme CPE en collège. Mise ensuite Stéphanie Laforge
à disposition de l’IUFM, elle a été responsable acadé-
Directeur artistique
mique de la formation continue des CPE. Depuis 2012, Samuel Baluret
elle est principale adjointe et assure des formations
pour des publics variés (enseignants, CPE, personnels Suivi éditorial
Corinne Bernardeau
de direction) dans le champ de la politique éducative.
Elle a rédigé des articles sur ce thème dans des revues  ise en pages
M
scolaires. Christophe Herrera

Conception graphique
Catherine Fauche DES SIGNES studio Muchir et Desclouds

Titulaire d’un diplôme supérieur de Recherche en


changement social, Catherine Fauche a enseigné ISSN : 2416-6448
ISBN : 978-2-240-04865-3
la sociologie avant de devenir coordinatrice d’un © Réseau Canopé, 2018
programme de réussite éducative intercommunal, (établissement public à caractère administratif)
puis conseillère principale d’éducation en 2011. Elle Téléport 1 – Bât. @ 4
1, avenue du Futuroscope
est personnel de direction depuis 2018. Elle a publié CS 80158
plusieurs articles dans la Revue de la vie scolaire avant 86961 Futuroscope Cedex
d’en devenir directrice de publication en 2015.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés


pour tous pays.
Remerciements
à Laurent Houssin, principal du collège Arthur-Rimbaud à Saint- Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes
Aubin-lès-Elbeuf (76) pour ses témoignages. des articles L122-4 et L122-5, d’une part, que les « copies ou
reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et
non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que
les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et
d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou
partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants
droit ou ayants cause, est illicite ».

Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que


ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de
l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris) constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée
par les articles 425 et suivants du Code pénal.
SOMMAIRE

7 INTRODUCTION

11 LE CONTEXTE DE REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF

15 La réflexion sur les défis de l’éducation

31 La formation de l’élève et du citoyen

37 Une réflexion incontournable sur la formation des acteurs

43 L’ambition d’une réussite éducative globale

51 LA CONDUITE LOCALE DU CHANGEMENT

55 L’inscription dans la politique de l’établissement

61 L’engagement de la direction dans la conduite du changement

69 L’aménagement d’espaces et de temps collaboratifs

75 Des démarches inventives et réflexives

83 L’ÉLÈVE AU CŒUR DU SYSTÈME ÉDUCATIF

87 Les enjeux pour le collégien

99 Une mise en œuvre cohérente des parcours de l’élève

109 LE RÔLE DES INSTANCES DE L’ÉPLE

113 Le conseil école-collège

123 Le conseil pédagogique

129 Le conseil d’administration

133 Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté

137 Le conseil de la vie collégienne

143 CONCLUSION

147 BIBLIOGRAPHIE

150 SITOGRAPHIE
INTRODUCTION

L’école française a connu des bouleversements considérables ces dernières décennies. En


permettant aux élèves qui en étaient jusque-là exclus d’accéder à l’enseignement secon-
daire, la massification a conduit à une élévation générale du niveau de qualification. Le
nombre de diplômés s’est accru ; les sorties sans qualification ont diminué. La déconcen-
tration, la décentralisation ont donné un statut juridique aux collèges et aux lycées, faisant
d’eux des interlocuteurs essentiels des autorités académiques comme des collectivités
territoriales.

Quarante ans après l’instauration du collège unique, le bilan est cependant en demi-teinte.
Les indicateurs nationaux et internationaux montrent que la démocratisation qualitative
de l’enseignement n’est pas au rendez-vous. Les enseignants peinent à s’adapter pédago-
giquement à l’hétérogénéité des élèves, et à prendre en charge la grande difficulté scolaire
dans les pratiques de classe. L’organisation et le fonctionnement actuels des ÉPLE restent
contraints, et empêchent souvent leurs acteurs de se saisir des possibilités d’expérimen-
tation pourtant prévues par la loi. Les élèves et les familles, en particulier les plus fragiles,
expriment des attentes contradictoires à l’égard d’une institution dont ils estiment qu’elle
les prend peu ou mal en compte. La conscience du rôle prépondérant du diplôme dans
l’accès au marché de l’emploi renforce encore leur inquiétude.

L’école est donc confrontée à des défis majeurs, dans un contexte sociétal et mondial
mouvant qui met à mal les repères traditionnels. Le ministère de l’Éducation en a pris acte,
en 2012, en engageant sa refondation. « Il ne s’agit ni de se contenter d’aménager l’existant,
ni de mettre à bas tout l’édifice. Refonder ne signifie pas refondre à partir d’une tabula rasa,
mais réexaminer pour donner du sens en se ressourçant sur des valeurs ». 1 Pour restaurer la
confiance en une école intégratrice, la politique éducative nationale doit avant tout gagner
en continuité, cohérence et lisibilité.

Le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013 en détaille


les contours. L’enjeu central est de promouvoir « une école à la fois juste et exigeante pour
chacun », mobilisée à tous les niveaux contre les déterminismes sociaux et territoriaux qui
pèsent lourdement sur le parcours scolaire et l’insertion sociale et professionnelle d’un trop
grand nombre d’élèves. Dans cette optique, priorité est donnée aux objectifs pédagogiques.
En amont du collège, le rôle de l’école primaire dans la construction des apprentissages
fondamentaux doit être valorisé. Au collège, le socle commun de connaissances, de compé-
tences et de culture doit être repensé et mieux articulé avec les programmes d’enseigne-
ment. Les modalités d’évaluation et de notation des élèves ont à évoluer pour mesurer
précisément ce qu’ils savent. Des pratiques différenciées et innovantes doivent permettre
la prise en charge spécifique en cas de grande difficulté.

Le choix est alors fait d’une stratégie globale, qui prend en compte et articule les différents
aspects de la formation de l’élève. « L’école doit être un lieu de réussite, d’autonomie et
d’épanouissement pour tous ; un lieu d’éveil à l’envie et au plaisir d’apprendre, à la curiosité

1 Dulot A., Bonneau F., Colombani M.-F., Forestier C., Mons N., Refondons l’école de la République. Le Rapport de
la concertation, MEN, octobre 2012, p. 3.

SOMMAIRE
8 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

intellectuelle, à l’ouverture d’esprit, à l’éducation au sensible ; un lieu où il soit possible


d’apprendre et d’enseigner dans de bonnes conditions ; un lieu de socialisation permettant
de former des citoyens et des jeunes qui pourront s’insérer dans la société et sur le marché
du travail au terme d’une orientation choisie ; un lieu sachant transmettre et faire partager
les valeurs de la République ».

Mais préciser le contenu de la réforme est une chose, la conduire en est une autre. La défi-
nissant comme « le moyen ordinaire de promouvoir le changement », A. Prost ajoute : « ce
qui ne veut pas dire qu’il y parvienne nécessairement » 2. Car la réalisation des objectifs
fixés au niveau national dépend avant tout des acteurs de terrain, dont les points de vue
sont par essence divers.

Dans sa version initiale, la réforme du collège a ainsi suscité de l’inquiétude. Des résistances
multiformes se sont exprimées dès la parution des textes réglementaires. Confrontés à des
évolutions sur lesquelles ils s’estiment – souvent à juste titre – insuffisamment formés,
beaucoup d’enseignants ont craint une remise en cause de leur identité professionnelle,
fortement ancrée sur la spécialisation disciplinaire.

Dans un tel contexte, leur accompagnement s’est avéré essentiel. La mise en œuvre de
toute réforme nécessite leur engagement, lequel repose sur une bonne compréhension
des enjeux et une formation adaptée aux objectifs. L’intervention concertée des personnels
d’encadrement – chefs d’établissement, corps d’inspection – doit y contribuer. Les premiers,
en particulier, y trouvent une occasion d’investir le terrain pédagogique avec volontarisme,
ouverture d’esprit et sens du collectif. Ils jouent un rôle incontestable d’entraînement et
de soutien des équipes, amenées à intégrer les nouveaux dispositifs et parcours dans une
réflexion plus globale sur le « bien commun d’établissement » 3. Les parents d’élèves, parties
prenantes à part entière de la réforme, doivent évidemment y être associés.

L’objectif de cet ouvrage est d’apporter un éclairage précis, en montrant en quoi la réforme
constitue, pour les équipes de terrain, l’occasion de se saisir collectivement de « sujets »
pédagogiques et éducatifs majeurs.

Il vise, notamment, à aborder la place des « éducations à » ou autres « compétences transver-


sales » dont l’articulation avec les enseignements disciplinaires ne peut plus être éludée. Il
ne s’agit pas, pour autant, de prétendre à une quelconque vérité, qui serait contre-productive
sur le plan des idées comme de la réalité. L’ambition est plutôt d’envisager les pistes de
réflexion et d’action possibles, lesquelles ne peuvent prendre sens que dans un contexte
d’établissement toujours spécifique.

Partant du postulat fondamental que les objectifs pédagogiques et éducatifs de tout projet
d’établissement doivent se parler et s’articuler, cet ouvrage tente de penser les modalités
d’un travail collaboratif effectif, au service de la progression scolaire et sociale de tous les
élèves. Le rôle des instances y apparaît comme central, dans la mesure où elles peuvent – à
condition d’être utilisées à bon escient – être porteuses de propositions et d’analyses tout
à fait essentielles.

2 Prost A., « Du changement dans l’école : vision de l’historien », in AFAE n° 3 : Peut-on réformer l’école ? 2014,
p. 19.
3 Barrère A., « Travailler ensemble dans un établissement scolaire : le management pédagogique des chefs
d’établissement », ibid., p. 113.

SOMMAIRE
INTRODUCTION 9

Cet ouvrage est organisé en quatre parties qui abordent les différents enjeux de la réforme
du collège et proposent d’en donner des éléments de compréhension et de définir les moda-
lités concrètes de sa mise en œuvre locale. Toutes forment un cadre structurant pour appré-
hender les questions vives soulevées par la réforme, son pourquoi et son comment. Si leur
lecture ordonnée répond à un objectif global de compréhension des enjeux du système
éducatif actuel, rien n’empêche le lecteur de puiser, à sa guise, des éléments de réflexion
en leur sein, au gré des différents aspects que chaque partie aborde.

La première partie s’attache à replacer la réforme dans le contexte qui l’a générée, celui de
la refondation de l’école de la République, initiée pour répondre aux nouveaux défis posés
au système éducatif actuel : la lutte contre les inégalités scolaires, l’autonomie croissante
des ÉPLE, la question de l’évaluation des acquis des élèves ou encore le développement du
numérique. Basée sur une approche résolument globale de la formation de l’élève futur
citoyen, la réforme impose une réflexion sur la formation et les pratiques des équipes
éducatives et pédagogiques et interroge la place de l’ensemble des acteurs de l’éducation,
dans l’objectif d’une réussite éducative globale.

La deuxième partie, à visée plus pratique, aborde la question de la réception de la réforme


dans les collèges. Mobiliser les personnels pour en favoriser l’appropriation collective est
avant tout l’affaire de l’équipe de direction. C’est elle qui crée les conditions favorables à sa
mise en œuvre et rend possible l’émergence de démarches réflexives et inventives nouvelles.
De telles évolutions nécessitent une réflexion collective centrée sur les apprentissages des
élèves, et des postures professionnelles qui évoluent en conséquence.

La troisième partie est plus spécifiquement consacrée à la place de l’élève dans la réforme,
à ce qu’elle veut faire de lui et aux moyens qui lui sont proposés pour y parvenir. Elle
s’attache dans un premier temps à préciser les enjeux de la réforme pour le collégien,
que ce soit en termes d’apprentissage et de progression, d’épanouissement personnel ou
encore de formation à sa vie future de citoyen responsable et éclairé. La suite est consacrée
au(x) parcours scolaire(s) de l’élève, constitué(s) d’un ensemble de savoirs disciplinaires,
de compétences acquises au cours des situations d’apprentissage proposées à l’école et
des expériences extrascolaires diverses de l’élève, ensemble dont l’enjeu – inscrit dans la
réforme – est d’assurer la cohérence.

La quatrième et dernière partie est consacrée au rôle des instances. Si toutes ne sont pas
directement concernées par les changements, certaines ont au contraire un rôle prépon-
dérant à jouer pour assurer non seulement la mise en place de la réforme mais aussi sa
réussite locale. Tel est le cas du conseil école-collège, récemment créé, qui se situe à la
jonction des deux degrés et qui a pour tâche d’éviter toute discontinuité, mais aussi du
conseil pédagogique, qui a notamment à se saisir de la question de l’évaluation à ses diffé-
rents niveaux. Le conseil d’administration est, quant à lui, garant de l’adéquation entre
les objectifs nationaux et locaux assignés à la réforme. Son rôle de validation concerne
également le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté et le tout récent conseil de
la vie collégienne, qui ont tous deux à investir le parcours scolaire de l’élève futur citoyen.

Ajoutons enfin que, si des ajustements certains ont été apportés à la réforme, dans le
contexte politique nouveau qui a suivi l’élection présidentielle de mai 2017, ils ne renou-
vellent pas, pour autant, les problématiques principales auxquels sont confrontées, au
quotidien, les équipes pédagogiques et éducatives des collèges. Comme nous le montrerons
tout au long de l’ouvrage, celles-ci reflètent des préoccupations plus globales, qui ne sont
d’ailleurs pas propres au système éducatif français.

SOMMAIRE
LE CONTEXTE
DE REFONDATION
DU SYSTÈME
ÉDUCATIF
MIK AËL A CORDONNIER

SOMMAIRE
La refondation de l’école de la République est présentée dans l’annexe de la loi du 8 juillet
2013 comme « un grand dessein éducatif » car elle engage « l’avenir de la jeunesse, le redres-
sement de notre pays, son développement culturel, social et économique ».

S’il n’est pas nouveau, le constat de la persistance de déterminismes sociaux et territoriaux


susceptibles de peser sur les trajectoires scolaires des individus autant que sur leur inser-
tion sociale et professionnelle résonne particulièrement dans une société mise à mal par la
précarité et le chômage. Pour le législateur, la lutte contre les inégalités et les discriminations
nécessite, en conséquence, une approche résolument globale, une « stratégie d’ensemble,
qui porte sur les différentes composantes du système éducatif », et doit mobiliser l’ensemble
de ses acteurs.

Cette orientation de la politique éducative nationale s’appuie sur des indicateurs inter-
nationaux et nationaux, dont le point commun est de mettre en évidence la complexité
des défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les systèmes éducatifs dans un monde
désormais globalisé. Les éléments d’analyse établis par l’OCDE dans le cadre du Programme
international de suivi des acquis des élèves permettent ainsi de tirer des enseignements
utiles, même s’ils ne sont pas directement transposables, sur les facteurs qui favorisent ou
entravent l’équité scolaire d’un État à l’autre. Les apports récents de la recherche, notam-
ment française, déclinent également la question sous ses différents aspects : prévention
et lutte contre le décrochage, mixité sociale des établissements, climat scolaire, accès au
numérique. Les réflexions sur le rôle des différents niveaux de décision et de responsabilité,
de l’État à l’établissement scolaire en passant par les collectivités territoriales, s’en trouvent
renouvelées.

Une approche systémique est donc privilégiée. Il ne s’agit pas d’agir sur un seul levier, mais
sur plusieurs. Ainsi, à partir d’objectifs généraux touchant à la formation intellectuelle et
civique de l’élève, les textes portant sur la mise en œuvre de la réforme du collège pres-
crivent ou orientent, dans le même temps, la relation entre programmes et socle commun,
l’articulation entre les cycles, la déclinaison des parcours, les modalités d’évaluation. Tel
un système de poupées russes, chacun de ces aspects met au jour de nouveaux champs –
complexes – de questionnement et d’action : sur les compétences, sur l’interdisciplinarité,
sur la place de l’enseignement moral et civique, sur les relations aux familles.

Toute la difficulté est alors de passer de l’ambition textuelle, résolument pédagogique, à


la mise en œuvre concrète, inévitablement liée aux contextes locaux. Elle suppose que ses
artisans essentiels – enseignants, CPE, équipes de direction – s’approprient enjeux et objec-
tifs généraux, et, surtout, se sentent sécurisés et outillés pour s’engager réellement dans les
changements pédagogiques attendus, malgré les difficultés qui ne manqueront pas de se
présenter. Leur formation, tant initiale que continue, est un levier essentiel.

Dépassant les convictions et les logiques professionnelles individuelles, il s’agit de faire le


« pari du collectif » au sein de l’établissement scolaire et de prendre appui sur les ressources

SOMMAIRE
14 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

institutionnelles et partenariales pertinentes. Des « alliances éducatives » 1 sont donc à


construire, pour que la réussite de tous les élèves, et de chacun, ne soit pas un vœu pieux
mais devienne une réalité tangible. Les parents, en particulier, doivent être considérés
comme des maillons essentiels.

1 Bisson-Vaivre C., « La réussite éducative : quelle actualité ? », in École, territoire et partenariats, revue
Diversités, hors-série n° 16, 2015, p. 16.

SOMMAIRE
LA RÉFLEXION
SUR LES DÉFIS
DE L’ÉDUCATION

En France comme dans d’autres systèmes éducatifs, compris « de pauvreté et de vulnérabilité », et qui sont
la persistance des inégalités face à l’école conduit à la susceptibles de les éloigner de l’ambition scolaire 2.
promotion d’un socle commun à tous les élèves : « Il
s’agirait de réaliser une véritable égalité des chances Toute la difficulté est alors de préciser quelle concep-
et de fabriquer un vivre ensemble par l’école, non tion de la justice à l’école est à l’œuvre, alors que le
seulement en scolarisant tous les élèves dans la principe méritocratique de l’égalité des chances a
même école et les mêmes classes de façon indiffé- montré ses limites et qu’une approche davantage
renciée, mais aussi par les références communes des fondée sur l’équité reste à construire 3. Sans trancher
savoirs communs. On aurait là le seul cap acceptable de façon claire, la réforme du collège réaffirme cepen-
des politiques éducatives en démocratie » 1. La chose dant le rôle central du socle commun comme moyen
est pourtant loin d’être simple, car les acteurs de de garantir à tous les élèves la possession, en fin de
l’école affrontent des mouvements contradictoires, troisième, d’un bagage de connaissances et de compé-
qui ne sont pas sans générer clivages, tensions et tences favorisant leur insertion future.
tentations de repli.
En 2012, le rapport de la concertation notait : « L’école
La mise en œuvre de la réforme du collège – et donc française ne progresse plus pour tous, mais de façon
sa réussite – repose donc d’abord sur la capacité de plus alarmante, elle laisse sur le bord du chemin un
ses promoteurs à rendre clairs des enjeux complexes, nombre grandissant de jeunes issus des milieux les
en les resituant dans une perspective plus globale que plus fragiles socialement. Si la France a, d’une certaine
les acteurs de terrain peuvent s’approprier. manière, réussi la massification de l’éducation – c’est-
à-dire l’ouverture de son école de la scolarité obliga-
toire à tous les jeunes d’une génération –, elle n’est
LUTTER CONTRE LES ÉCARTS DE RÉUSSITE parvenue que partiellement à sa démocratisation. Les
LIÉS AUX ORIGINES SOCIALES résultats scolaires restent encore trop corrélés aux
milieux sociaux d’origine » 4.
Relevant, à la suite de nombreux rapports internatio-
naux et nationaux, combien la démocratisation de Ce constat n’est pas nouveau. Depuis le début des
la réussite scolaire reste en deçà de ce que pouvait années quatre-vingt, des sociologues reconnus (F.
laisser espérer l’ouverture de l’école à tous, la loi de Dubet, M. Duru-Bellat, G. Felouzis, P. Merle) ont mis en
Refondation pose comme principe essentiel « l’in- évidence les limites du principe d’égalité des chances.
clusion scolaire de tous les enfants, sans aucune Placés a priori en situation égale d’accès à l’école
distinction » (article L. 111-1 du Code de l’Éducation). depuis la mise en place du collège unique en 1975,
Tous peuvent apprendre et progresser, à condition de les élèves n’en continuent pas moins de se trouver
prendre en charge les difficultés qu’ils rencontrent, y dans des situations sociales et culturelles inégales
qui ne permettent pas aux plus faibles d’entre eux

2 Circulaire n° 2016-058 du 13/04/2016, BO du 15 avril 2016.

1 Gauthier R.-F., « Ce que l’école enseigne en commun : 3 Rapport du CNESCO, Inégalités sociales et migratoires : comment
enjeux et difficultés d’un thème politique majeur », Revue l’école amplifie-t-elle les inégalités ? 2016, p. 13 et suivantes.
internationale d’éducation, n° 73, décembre 2013, p. 42. 4 Rapport précité, p. 11.

SOMMAIRE
16 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

d’affronter la compétition scolaire de façon équitable. réduction des inégalités de réussite liées à l’origine
Selon F. Dubet, « l’égalité des chances a également sociale ou, au contraire, contribuent à les renforcer.
accru le rôle sélectif de l’école elle-même : plus c’est
l’école elle-même qui sélectionne et fait la différence, C’est notamment 9 le cas du Programme international
plus l’école devient compétitive, plus les élèves et les de suivi des acquis des élèves (PISA) qui concerne
familles usent de stratégies utilitaristes » 5, au béné- soixante-douze pays – dont les trente-cinq de
fice des plus favorisés. Le choix d’un collège plutôt l’OCDE – et constitue désormais « un outil de pilotage
qu’un autre, à la faveur des options « élitistes » qu’il éducatif » 10. Il évalue, tous les trois ans depuis 2000, la
propose – classe à horaires aménagés, sport études, capacité d’un panel d’élèves de quinze ans à mobiliser
langues anciennes… – conduit ainsi à une différen- leurs connaissances scolaires et à les appliquer dans
ciation manifeste des parcours scolaires. des situations variées, proches de la vie réelle. Trois
domaines clés sont concernés : les mathématiques,
Le recours à la notion de mérite, sorte de « fiction la compréhension de l’écrit et la culture scientifique.
nécessaire selon laquelle les individus, placés dans
une situation égale au départ de leur scolarité, Précédant la loi de refondation, l’enquête de 2012
ne devraient leur réussite qu’à eux-mêmes » 6 et est venue confirmer, pour la France, les tendances
seraient donc responsables de leurs échecs éven- déjà observées dans les échantillons antérieurs. Si le
tuels, a aggravé le sentiment d’injustice éprouvé par score national se situe dans la moyenne de l’OCDE,
les vaincus de la sélection scolaire. Il s’exacerbe au les performances des élèves se dégradent 11, les écarts
fil des années, particulièrement au collège. Car c’est se marquent entre les plus forts et les plus faibles 12,
là que se marquent les jugements scolaires ainsi que la corrélation entre le milieu socio-économique et la
les processus d’évaluation et d’orientation, irriguant performance scolaire est bien plus importante que
tant le quotidien des classes que les discours tenus dans les autres pays de l’OCDE.
aux familles. La conscience, par celles-ci, que l’échec
scolaire risque d’assombrir durablement l’avenir En conséquence, « le système d’éducation français
professionnel et social de leur enfant 7, produit désil- est plus inégalitaire en 2012 qu’il ne l’était neuf ans
lusion, défiance, ressentiment. auparavant et les inégalités sociales se sont surtout
aggravées entre 2003 et 2006. En France, lorsque
Ainsi, s’il est faux de dire que le niveau global des l’on appartient à un milieu défavorisé, on a claire-
élèves baisse 8, force est de constater – et de déplorer – ment aujourd’hui moins de chances de réussir qu’en
le poids persistant des déterminismes sociaux sur 2003 » 13.
les trajectoires scolaires, déterminismes que les
politiques éducatives mises en œuvre ces dernières Les signaux d’alarme sont nombreux. La proportion
décennies n’ont pas permis de neutraliser. d’élèves « résilients » – qui réussissent au-delà de
ce que leur origine sociale permettait d’envisager –
Les enquêtes internationales le démontrent. est inférieure à la moyenne de l’OCDE (22 % au lieu
Mesurant les compétences acquises par des panels de 26 %). Les élèves issus de l’immigration sont au
d’élèves, elles permettent notamment de déterminer
si les politiques éducatives nationales favorisent la
9 Une autre enquête (PIRLS), évaluant les compétences
de lecture des élèves à l’école primaire, montre une baisse
5 Dubet F., « Les dimensions des inégalités scolaires », de leurs performances de dix points entre 2001 et 2011.
in Inégalités économiques, inégalités sociales, 10 Rey O., « PISA : Ce que l’on en sait et ce que l’on en fait »,
Cahiers français, n° 351, 2009. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 66, octobre 2011.
6 Dubet F., L’École des chances : Qu’est-ce qu’une école juste ? 11 Le score en mathématiques a diminué de seize points entre
coll. « La République des idées », Seuil, 2004, 2003 et 2012, plaçant la France entre la 23e et la 29e place.
p. 26 et suivantes. Les élèves en difficulté sont beaucoup plus nombreux
7 La note de l’OCDE Regards sur l’éducation (2015) relève (p. 12) (22 % au lieu de 15 % en 2000), alors que le nombre d’élèves
que l’insertion des jeunes les moins qualifiés est difficile très performants n’a pas augmenté. Surtout, les résultats
en France, situation très problématique pour la cohésion des 10 % d’élèves les moins performants ont chuté de
sociale et la croissance inclusive du pays. vingt-trois points, alors que les résultats des 10 % d’élèves
les plus performants n’ont baissé que de six points.
8 Depuis quarante ans, le niveau de formation de la
population française s’est considérablement élevé 12 En compréhension de l’écrit aussi, l’écart de performance
(même note p. 5). De plus, 40 % des Français de vingt-cinq entre filles et garçons s’accentue depuis 2000 (de 29 à 44
à trente-quatre ans ont un niveau de formation plus élevé points de différence en faveur des premières).
que leurs parents (contre 32 % en moyenne dans l’OCDE). 13 OCDE, France PISA, 2012, faits marquants.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 17

moins deux fois plus susceptibles de compter parmi « Si la dernière enquête internationale PISA de
les élèves peu performants, même lorsqu’ils ont suivi mai 2015 montre, en effet, une stabilité du score
leur scolarité complète en France. moyen des élèves français en culture scientifique
aussi bien qu’en culture mathématique, et en
Enfin, l’enquête de 2012 relève que cette situation compréhension de l’écrit, en culture mathématique
a des conséquences sur l’engagement et la motiva- elle confirme le maintien de différences de scores
tion des élèves français, qui manifestent davantage très importantes entre les élèves issus de milieux très
d’anxiété et moins de persévérance que dans d’autres défavorisés et ceux issus de milieux très favorisés. La
pays. Si ce mal-être varie en fonction du niveau d’en- proportion d’élèves en difficulté sur les deux autres
seignement, du lieu de scolarisation, de la discipline champs s’accroît nettement. Par ailleurs, l’écart de
scolaire, il est nettement marqué chez les enfants performances en sciences, entre les élèves non immi-
issus d’un milieu socio-économique défavorisé. grés et les élèves issus de l’immigration, est plus
important en France que dans les pays de l’OCDE.
Ces tendances se confirment en 2015. Pour l’OCDE,
« le système en France est toujours dichotomique : Même si certains points du programme PISA sont
tenu par ses bons élèves dont la proportion est stable contestés, il n’y a, malgré tout, aucun doute sur le
et supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, et se caractère très inégalitaire du système éducatif fran-
dégradant lentement par le bas, avec une proportion çais, à l’opposé de l’égalité des chances promue. Les
d’élèves en difficulté toujours supérieure à la moyenne enquêtes nationales le confirment aussi.
des pays de l’OCDE ». Ces résultats sont préoccupants
tant le système français est plus inégalitaire que la La Direction de l’évaluation, de la prospective et de
plupart des pays de l’OCDE 14. L’organisation fixe, en la performance (DEPP) a ainsi pointé, dans ses notes
conséquence, quatre défis au système éducatif fran- d’information récentes :
çais : rendre le système plus efficace en soutenant les –– l’incapacité du collège à atténuer les inégalités
élèves et les établissements défavorisés ; lutter contre sociales et culturelles des élèves 16 ;
l’échec scolaire dès le plus jeune âge ; améliorer la –– le fait que les sortants sans diplôme proviennent
qualité de l’enseignement et la transmission du savoir plus fréquemment d’un milieu social défavorisé 17 ;
dans le primaire et le secondaire, revaloriser le métier –– la corrélation entre l’origine sociale et l’orientation
d’enseignant ; rehausser la qualité et la valorisation vers l’adaptation scolaire et la scolarisation des
des filières professionnelles au lycée. élèves handicapés (ASH) 18 ;
–– la baisse du score moyen en mathématiques en fin
Pour N. Mons, s’y ajoute un fait nouveau. « Alors que de collège entre 2008 et 2014, la hausse du pourcen-
les champs disciplinaires – compréhension de l’écrit, tage des élèves de faible niveau (de 15 % à 19,5 %),
culture mathématique et scientifique – présen- le maintien d’une performance inférieure des filles
taient des résultats relativement proches au début sur les garçons, la corrélation entre la réussite
des années 2000, l’analyse des évolutions propres scolaire et l’origine sociale, une anxiété forte liée
à chaque champ montre qu’il nous faut désormais aux résultats obtenus 19.
regarder l’école française à travers le prisme des
disciplines. Plus particulièrement, une discipline doit Deux rapports récents ont étudié l’impact de la grande
être placée sous surveillance : les mathématiques et pauvreté sur la réussite scolaire. Celui de l’Inspection
l’apprentissage des fondamentaux » 15. générale de l’Éducation nationale de 2015 20 souligne

16 MENESR-DEPP, note d’information n° 25, août 2015.


17 MENESR-DEPP, novembre 2014.
18 MENESR-DEPP, « À l’école et au collège, les enfants
14 Note du 6/12/16 p. 3 : La France compte toujours parmi en situation de handicap constituent une population
les pays où la corrélation avec le milieu socio-économique fortement différenciée scolairement et socialement »,
est la plus forte : 20 % contre 13 % en moyenne dans l’OCDE. note d’information n° 4, février 2015.
40 % des élèves issus d’un milieu défavorisé sont 19 MENESR-DEPP, « CEDRE 2014-Mathématiques en fin
en difficulté (contre 34 % dans la moyenne de l’OCDE). de collège : une augmentation importante du pourcentage
15 CNESCO, note d’actualité du 6 décembre 2016, d’élèves de faible niveau », note n° 19, mai 2015.
« Ce que les enquêtes internationales (PISA, TIMSS) 20 Delahaye J.-P., Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix dela
peuvent nous dire de l’état de l’école française », p. 3. solidarité pour la réussite de tous, rapport de l’IGEN, mai 2015.

SOMMAIRE
18 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

que les fragilités économiques, sociales et culturelles que les élèves orientés vers une voie autre que géné-
rencontrées par les familles les plus défavorisées ont rale n’ont pas accès à certains enseignements pour-
un impact réel, souvent sous-estimé, sur la fréquen- tant essentiels pour la compréhension du monde 24.
tation et l’investissement scolaires des enfants
concernés (qui sont 1,2 million si l’on retient le seuil L’enjeu de la refondation n’est donc pas seulement
de 50 % du revenu médian). L’assiduité, l’attention politique ou social, il est aussi pédagogique. L’urgence
et la concentration en classe, l’ouverture au monde est de pouvoir garantir que tout élève, quelle que soit
pâtissent de leurs conditions de vie précaires. Les son origine sociale, maîtrise les compétences de base
inquiétudes liées à l’inscription à la demi-pension, à pour pouvoir réussir sa vie. C’est l’objectif du nouveau
l’achat des fournitures, à la participation aux sorties socle commun de connaissances, de compétences et
ou voyages scolaires empêchent une scolarité sereine. de culture, « principe organisateur de l’enseignement
obligatoire à condition de ne pas être conçu comme
Outre les causes sociales de ces phénomènes, Jean- un savoir minimum » 25.
Paul Delahaye situe une partie des difficultés rencon-
trées dans le fonctionnement même du système
éducatif. La multiplication de dispositifs particuliers UN ENJEU DÉSORMAIS FONDAMENTAL :
de prise en charge de la grande difficulté scolaire L’ACQUISITION DU SOCLE COMMUN,
tend à séparer insidieusement ces élèves des autres. PORTEUR D’UNE CULTURE SCOLAIRE
D’autres pratiques creusent encore les inégalités, COMMUNE
comme les devoirs à la maison ou le redoublement.
Dans leur ouvrage Dix propositions pour changer
Lutter contre la ségrégation sociale et scolaire dans d’école, M. Duru-Bellat et F. Dubet appellent à
certains territoires est aussi l’une des préconisations combiner les deux principes de justice que sont l’éga-
du rapport du Conseil économique, social et environ- lité des chances et l’égalité des résultats. « Les talents,
nemental, intitulé Une école de la réussite pour tous 21. les mérites et les singularités doivent être reconnus,
La question des procédures scolaires y est largement sans que la norme d’excellence conduise au mépris
évoquée comme pesant sur la progression des élèves et à l’exclusion des moins bons des élèves. L’école
les plus fragiles. doit considérer que tous les élèves sont capables
de réussir, ce qui conduit à articuler d’une manière
Dans son rapport, J.-P. Delahaye souligne que « les nouvelle les deux conceptions antagoniques de la
écarts de réussite scolaire associés aux origines justice » 26. Cette articulation passe par la définition
sociales mettent en danger à la fois l’école française d’une culture commune à tous les élèves, qui dise ce
et notre République car, depuis l’origine, le destin qui est exigé de tous en fin de scolarité obligatoire,
de l’école publique et celui de la République sont sans toutefois nier la singularité de chacun. Cette
liés. À ce niveau atteint par les inégalités, il devient « égalité des acquis ne postule donc pas que tous les
absurde et cynique de parler d’égalité des chances, élèves devraient être excellents sans aucune diffé-
c’est à l’égalité des droits qu’il faut travailler » 22. Il rence, ou tous avoir le diplôme le plus élevé, mais
met même en garde contre le « retour d’un système seulement que ces différences doivent être les plus
éducatif par ordre, au sens que cela avait sous l’an- faibles possible et surtout le plus possible dégagées
cien régime » 23 qui repose sur les discours des classes des caractéristiques descriptives des élèves. L’intérêt
sociales moyennes et supérieures. Celles-ci n’ont d’une telle conception est qu’elle inverse l’ordre
pas vraiment intérêt à ce que les privilèges scolaires des priorités entre l’enseignement et l’apprentis-
dont elles bénéficient soient affectés par les réformes sage. Les programmes et plans d’étude définissent
(rythmes scolaires, disparition des sections bilangues ce que les élèves doivent savoir ; aux enseignants
ou européennes, mixité scolaire). À cela s’ajoute le fait d’agir pour enseigner ce qu’il est nécessaire pour

21 Grard M.-A., Une école de la réussite pour tous, Les avis


du CESE (Conseil économique, social et environnemental), 24 Gauthier R-F et Florin A., « Que doit-on apprendre à l’école ?
mai 2015. Voir également la plateforme en ligne : Savoirs scolaires et politique éducative », Rapport pour Terra
www.reussitedetous.lecese.fr Nova, 2016, pp. 14 et 25.
22 Rapport précité, p. 12. 25 Rapport de la refondation, p. 36.
23 Dans un entretien avec R. Guyon, retranscrit dans la revue 26 Dubet F., Duru-Bellat M., Dix propositions pour changer d’école,
Diversités, n° 181, 2015, p. 15. Seuil, Paris, 2015, p. 105.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 19

réaliser ce but. L’objectif premier est donc l’appren- et d’action. Chacun requiert, pour sa mise en œuvre,
tissage. L’enseignement n’est qu’un moyen pour y « la contribution transversale et conjointe de toutes
parvenir » 27. les disciplines et démarches éducatives ». Le domaine
Plusieurs questions se posent alors à l’École. 1, consacré aux langages pour penser et communi-
quer, recouvre ainsi quatre types de langage (la langue
La question des finalités française, les langues vivantes étrangères ou régio-
Quels sont les repères communs à donner à tous nales, les langages mathématiques, scientifiques,
les élèves, en vue de quoi ? Quels futurs citoyens informatiques et des médias, les langages des arts
souhaite-t-on et comment les forme-t-on ? Comment et du corps) que l’élève s’approprie progressive-
s’assurer que les savoirs délivrés s’adressent à tous ? ment pour, entre autres, écouter ses interlocuteurs,
communiquer (à l’oral, à l’écrit et avec son corps),
La question des contenus découvrir d’autres contextes culturels, s’initier aux
Quelle culture, quels savoirs prioritaires leur trans- outils mathématiques et programmes informatiques.
mettre, et comment ? Quelle place fait-on à l’acquisi-
tion de savoir-faire et de compétences transversales ? Dans cette optique, le socle « doit devenir une réfé-
Comment articuler, de façon intelligible et pertinente, rence centrale pour le travail des enseignants et des
connaissances et compétences ? acteurs du système éducatif ».

La question des modalités de transmission Il organise tout d’abord l’articulation entre connais-
Comment donner sens à ces savoirs dans le cadre sances et compétences. Dans une conférence consa-
des disciplines scolaires et au-delà ? Comment les crée au socle commun au collège 29, M. Lussaud, alors
« faire parler » en les contextualisant ? Comment président du Conseil supérieur des programmes,
s’assurer que tous les élèves peuvent s’en saisir et insiste sur la volonté de ses membres de se placer du
les réinvestir ? point de vue des apprentissages maîtrisés des élèves.
Pour lui, plus que les connaissances, ce sont bien les
Le décret du 31 mars 2015 pris en application de compétences qui sont au cœur du socle.
l’article 13 de la loi de 2013 précise que la scolarité
obligatoire doit donner aux élèves « une culture Si cette notion a fait polémique dès 2005 – en raison
commune, fondée sur les connaissances et compé- de son potentiel « libéral » –, elle n’en reste pas moins
tences indispensables, qui leur permettra de s’épa- centrale dans le nouveau socle. Elle continue d’être
nouir personnellement, de développer leur sociabilité, définie comme la capacité des élèves à mobiliser les
de réussir la suite de leur parcours de formation, de ressources dont ils disposent (connaissances, capa-
s’insérer dans la société où ils vivront et de participer, cités, attitudes) dans un contexte nouveau ou inat-
comme citoyens, à son évolution »  28. La lutte contre tendu, en étant capables d’expliquer pourquoi ils l’ont
les exclusions et les discriminations, le développe- fait de cette façon 30. Les activités et supports d’ap-
ment personnel de chaque élève « par la meilleure prentissage qui leur sont proposés – en particulier les
éducation possible » sont les objectifs prioritaires. tâches complexes – doivent, selon le décret, constituer
« de véritables enjeux intellectuels, riches de sens et
Le socle commun devenu « de connaissances, de de progrès ». Pour que les élèves puissent saisir le
compétences et de culture » est resserré autour de cinq sens de ce qui leur est enseigné et opérer les trans-
domaines de formation « qui définissent les grands ferts pertinents dans d’autres situations – qu’elles
enjeux de formation durant la scolarité obligatoire ». soient scolaires ou sociales –, il est nécessaire que les
Chacun contribue à ce que « l’élève engagé dans sa enseignants prennent en compte, « dans le processus
scolarité » accède progressivement à la connaissance d’apprentissage, les vécus et les représentations des
et au jugement, prenne conscience des valeurs qui
permettent de vivre en société, comprenne le monde
qui l’entoure, développe ses capacités d’imagination
29 Conférence organisée par l’IFÉ les 13-14 novembre 2015.
Les enregistrements audios et les supports de présentation
27 Felouzis G., Fouquet-Chauprade B., Chasmillot S., sont disponibles sur le site eduveille.hypotheses.org
Imperiale-Arefaine L., « Inégalités scolaires et politiques 30 M. Develay parle de « savoir-agir réfléchi ». La compétence
d’éducation », contribution au rapport du CNESCO, 2015, se distingue du savoir-faire, qui peut être routinier.
p. 14. Elle n’est pas de nature scientifique mais permet de donner
28 Décret n° 2015-372 du 31/03/2015, JO du 02/04/2015. de la cohérence à l’action.

SOMMAIRE
20 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

élèves, pour les mettre en perspective, enrichir et faire de l’action éducative » 33. Pour J.-C. Meyer, les ensei-
évoluer leur expérience du monde ». gnants sont désormais amenés à opérer des choix
portant sur les apprentissages à installer, les contenus
Il fait ensuite une large place aux méthodes et outils disciplinaires qui y sont associés, les stratégies péda-
pour apprendre à apprendre (Domaine 2) qui doivent gogiques pertinentes, les résultats attendus et les
faire l’objet « d’un apprentissage explicite en situa- modalités d’évaluation retenues.
tion, dans tous les enseignements et espaces de la
vie scolaire ». L’objectif est de développer l’autonomie En outre, ces choix intègrent une dimension psycho-
individuelle ainsi que l’apprentissage collectif en logique (développement cognitif et affectif de l’élève),
matière d’accès à l’information et à la documenta- mais aussi culturelle et sociale (facteurs sociocultu-
tion, d’usage des outils informatiques, d’organisa- rels initiaux, mobilisation des compétences dans la
tion du travail, et de mise en place de projets. Pour vie quotidienne dans des expériences vécues).
M. Lussault, la place centrale conférée à cette compé-
tence – qui irrigue toutes les autres – peut contribuer Pour O. Rey, l’observation des systèmes éducatifs
à « objectiver le commun scolaire, [à] le prendre au montre « la nécessité d’embrasser à la fois les disci-
sérieux en disant que ce commun n’est pas purement plines, qui constituent encore aujourd’hui le cadre
rhétorique, ce ne sont pas simplement quelques idées organisateur de la majeure partie des contenus d’en-
qui flottent dans l’éther de la pensée sur l’éducation, seignement, et un ensemble de contenus de l’édu-
mais ce commun peut être objectivé autour de pôles cation qui ne procèdent pas strictement des savoirs
de compétences et de connaissances qui renvoient à dits « savants », tels qu’ils sont consacrés par les lieux
la manière dont on donne aux enfants les clés pour institutionnels que sont les universités ou les autres
apprendre à apprendre » 31. institutions académiques » 34. La notion de culture
peut, de la même façon, relever d’une approche
Il devient, enfin, le programme des programmes. académique – les objets de savoir sont sélectionnés
« Les objectifs de connaissances et de compétences et hiérarchisés en fonction de leur rôle supposé dans
de chaque domaine de formation et la contribution de la transmission d’un héritage culturel – ou d’une
chaque discipline ou enseignement à ces domaines approche socialisatrice – qui intègre des attitudes,
sont déclinés dans les programmes d’enseignement » des valeurs, des dispositions sociales permettant la
de chaque cycle. Logiquement, les acquis des élèves reconnaissance d’une « culture de la subjectivité » 35.
dans les huit composantes du socle 32 sont évalués au
cours de la scolarité sur la base des connaissances Ainsi, l’idée de « culture commune » renvoie-t-elle
et des compétences attendues en fin de cycle, telles à ce qui permet de favoriser le lien social dans une
qu’elles sont fixées par les programmes d’enseigne- vision qui veut transcender les particularismes. Ce
ment. Les programmes sont, d’une certaine manière, faisant, elle interroge la capacité de l’école à agir réel-
au service du socle. L’objectif est d’implanter réelle- lement sur les inégalités, en cessant de les accentuer
ment celui-ci dans les pratiques enseignantes. d’abord, en contribuant à leur réduction ensuite. Il
s’agit là d’une exigence éthique fondamentale, dont la
L’attention portée à la maîtrise des apprentissages par mise en œuvre nécessite indubitablement une évolu-
tous les élèves conduit à une approche nouvelle dans tion des regards, des pratiques et des organisations.
laquelle les programmes constituent des « données C’est dans ce cadre que l’autonomie des établisse-
opérationnelles, dans le cadre des enseignements ments scolaires est discutée.
aussi bien disciplinaires que transversaux. Le curri-
culum d’enseignement matérialise cette traduction
qui marque le passage de l’intentionnalité à la réalité

33 Meyer J.-C., Le travail collaboratif des enseignants. Pourquoi ?


31 Entretien entre Lussault M. et Gauthier R.-F., « Conception Comment ?, ESF éditeur 2017, p. 80.
et mise en œuvre du curriculum commun en France : 34 Rey O., « Scolarité obligatoire et socle commun après
avancées et limites », Revue internationale d’éducation, Sèvres, la loi de refondation », Dossier de veille de l’IFÉ, 2014.
n° 73, décembre 2016, p. 79. 35 Lussault M., entretien précité, p. 81. Cette culture doit être
32 Soit les quatre composantes du domaine 1 et développée « comme condition indispensable pour que les
les quatre autres domaines de formation. L’évaluation individus se conçoivent, comprennent, acceptent l’altérité
est indépendante, sans possibilité de compensation. et soient capables d’être des acteurs de sociabilité apaisés ».

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 21

L’AUTONOMIE CROISSANTE DES ÉPLE accrue à la recherche d’une gestion publique plus
efficace et plus efficiente puis à l’amélioration de la
La notion d’autonomie revêt un caractère indénia- qualité de l’éducation.
blement polysémique dans le contexte scolaire.
Définie comme la capacité à se gouverner soi-même Initiatrice de ce mouvement au début des années
en suivant ses propres lois, elle s’applique aussi bien quatre-vingt, la France a bien marqué ces trois temps :
aux acteurs scolaires (élèves, enseignants 36) qu’aux adaptation aux besoins locaux (avec la promotion
unités éducatives (ÉPLE). Des premiers, elle sollicite du projet d’établissement), meilleure utilisation des
– de façon différente – l’engagement et la responsa- ressources publiques dans le cadre de la LOLF (avec
bilité. Des secondes, elle interroge la capacité à se une responsabilisation accrue des acteurs), objectif
saisir des marges de manœuvre possibles dans un affirmé d’une réussite de tous les élèves (avec un
contexte (administratif, pédagogique, éducatif, finan- recentrage sur l’autonomie pédagogique). Par ailleurs,
cier) donné. l’autonomie des ÉPLE s’est trouvée étroitement liée à
un double mouvement de déconcentration (renfor-
Dans sa version initiale comme dans ses ajustements cement des échelons intermédiaires de l’État) et de
récents, la réforme du collège tente de faire avancer décentralisation (attribution de nouvelles compé-
le chantier de l’autonomie pédagogique des ÉPLE, en tences aux collectivités territoriales). Ce mouvement
continuant cependant de l’encadrer. s’est lui-même amplifié et complexifié.

Une autonomie traditionnellement limitée Pour autant, elle reste en retrait des autres pays de
Lors d’un colloque organisé par l’association l’OCDE. Ainsi, n’est-elle pas mentionnée dans une
Éducation et devenir, A. Boulineau a caractérisé l’au- enquête PISA de 2011 consacrée à l’impact, présenté
tonomie comme « la capacité d’une structure à définir comme positif, de l’autonomie et de la responsabi-
des objectifs opérationnels propres ainsi que les voies lisation des établissements scolaires sur les perfor-
permettant d’y parvenir. Elle s’exerce dans le rÉSPÉct mances des élèves 38.
d’objectifs prioritaires fixés à un niveau supérieur et
de règles relevant de la pratique démocratique » 37. C’est que la tradition centralisatrice (et bureaucra-
tique) y est très ancrée. Elle conduit toujours à un
Si elle n’est pas nouvelle, la question de l’autonomie encadrement fort dans le cadre d’un système éducatif
prend une dimension particulière ces dernières pensé avant tout comme national. L’exercice local
années. L’enjeu de la maîtrise, par tous les élèves, de l’autonomie est donc contraint par de nombreux
de connaissances et de compétences solides leur textes législatifs et réglementaires qui en limitent la
permettant d’affronter un monde professionnel et portée réelle. « L’autonomie est davantage aujourd’hui
social plus incertain contraint à envisager les établis- un concept juridique, instaurant des statuts et défi-
sements scolaires, non plus comme un chaînon parmi nissant des sphères de compétences formelles,
d’autres, mais comme de véritables unités éducatives. qu’une situation authentique de pratiques éducatives
et de pilotage » 39.
Le réseau européen Eurydice, qui s’est intéressé, dès
2007, aux mécanismes de mise en œuvre de l’auto- D’autant que les acteurs scolaires eux-mêmes
nomie scolaire dans les trente pays participants, a l’envisagent souvent avec réserve. Les chefs d’éta-
montré que la dévolution de responsabilités et de blissement l’associent à un surcroît de travail et de
pouvoirs de décision aux établissements scolaires a « rendre compte ». Les enseignants y voient un moyen
partout augmenté, avec des motivations politiques qui
ont évolué du besoin de participation démocratique

36 J.-C. Torres présente la liberté pédagogique comme


« capacité à la fois professionnelle et personnelle à orienter
la règle universelle – celle des programmes, des méthodes…
(nomos) – selon la spécificité et les besoins des élèves que 38 OCDE, PISA à la loupe, 2011/9, www.oecd.org/pisa/pisaproducts/
l’on a concrètement devant soi (auto) », AFAE, L’autonomie, pisainfocus/48989573.pdf
pour quoi faire ?, n° 147, 2015, p. 72. 39 Torres J.-C., « Les autonomies », op. cit., p. 72. Dans le même
37 Boulineau A., « Quelle autonomie pour les établissements sens : Boisson-Cohen M., « Quelle autonomie pour les
scolaires ? », Éducation et devenir, n° 16, décembre 2012, p. 5. établissements scolaires ? », France stratégie, décembre 2016.

SOMMAIRE
22 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

insidieux d’empiéter sur leur liberté pédagogique 40. un système éducatif qui doit rester national sans être
Les syndicats craignent une possible rupture de l’éga- pour autant uniforme » 46.
lité républicaine, doublée d’une mise en concurrence
des établissements 41. Au-delà de cette « réticence Dans une contribution récente au Café pédagogique 47,
au libéralisme » 42 éducatif, les acteurs s’inquiètent, Philippe Meirieu soutient qu’il faut « assumer de
non sans ambivalence 43, d’un possible « marché de construire une École qui soit véritablement jacobine
dupes » 44. sur ses finalités et radicalement girondine dans ses
modalités ». Autrement dit, que soit maintenu un
La question centrale est, en réalité, celle-ci : comment pilotage national fort sur les principes et les objec-
garantir qu’une autonomie plus grande des ÉPLE tifs à atteindre – de façon à lutter contre le risque
amène un enseignement et une éducation scolaires d’une libéralisation excessive du système éducatif, au
de meilleure qualité pour les élèves, sans accroître les détriment de la mixité sociale –, tout en laissant de la
inégalités existantes ? liberté aux acteurs de terrain pour leur mise en œuvre
pédagogique et éducative – afin de tenir compte des
Pour J.-C. Torres, également auteur d’un ouvrage caractéristiques locales. Envisagée comme « pouvoir
sur le sujet 45, l’autonomie doit avant tout permettre d’agir pédagogique », l’autonomie leur donne « la
de mieux faire face à l’hétérogénéité des publics capacité de prendre des décisions susceptibles de
scolaires, auxquels il est nécessaire d’apporter des faire une différence quant aux résultats pour les
réponses pédagogiques et éducatives personnali- élèves, cette capacité étant exercée de manière signi-
sées. Les acteurs de l’établissement scolaire sont les ficative, systémique et continue » 48.
mieux placés pour y parvenir, à condition que chacun
ose, dans son champ de compétences propres mais La réforme du collège s’inscrit dans cette voie.
en travaillant avec les autres, s’engager et innover. Il
s’agit de libérer les initiatives locales, en s’appuyant L’attribution de nouvelles marges de manœuvre
davantage sur les outils (projet d’établissement, pédagogiques
contrat d’objectifs, expérimentations pédagogiques) La circulaire n° 2015-106 du 30 juin 2015 énonce que
et les instances (conseil pédagogique, conseils d’en- « l’organisation du collège renforce l’autonomie des
seignements, conseil d’administration) existants. En établissements et des enseignants et par conséquent
ce sens, l’autonomie n’est pas « un objectif en soi, leur capacité d’adaptation aux besoins et aspirations
mais un moyen pour plus d’efficacité, et donc d’éga- des élèves. Les pratiques différenciées s’enrichissent
lité, un moyen parmi d’autres, pour faire progresser de toutes les innovations et initiatives pédagogiques
des équipes enseignantes ». L’objectif principal est
donc de mieux prendre en compte la diversité des
40 Comme le relève Delahaye J.-P. : « N’a-t-on pas davantage élèves, en s’appuyant davantage sur la connaissance
de marges de manœuvre quand on est enseignant dans
que les acteurs des établissements en ont. La circu-
un établissement qui reçoit des consignes nationales
et donc lointaines ? La dépendance hiérarchique qui laire de rentrée 2016 précise que cette organisation
déresponsabilise et le pilotage lointain qui donne « repose sur la confiance dans le professionnalisme
une liberté peu contrôlée sont somme toute assez
de tous les personnels et libère leur capacité d’ini-
confortables. », « Aux origines de l’autonomie des
établissements », ibid., p. 44. tiative, pour permettre à tous les élèves de mieux
41 S’y ajoute la fragilisation de la notion de service public, liée apprendre et aux équipes de conduire une action
à la montée en puissance du « New Public management » : déterminée auprès des élèves les plus fragiles » 49. Il
Chaix G., « Autonomies : pourquoi ? pour qui ? comment ? »,
leur revient donc, à partir d’une analyse des capacités
ibid., pp. 16-18.
et des besoins de chaque élève et en s’appuyant sur
42 Dutercq Y., « De l’autonomie à la responsabilisation des
établissements : une histoire française ? », in Maulini O. les programmes disciplinaires, de mettre en place les
et Progin L. (coord.), Des établissements scolaires autonomes ? modalités d’accompagnement adaptées.
Entre inventivité des acteurs et éclatement du système, ESF
éditeur, 2016, p. 36.
43 Barthassat M.-A, Maulini O., « Des acteurs ambivalents :
l’autonomie, conquête ou cadeau empoisonné ? », ibid., 46 Delahaye J.-P., op. cit., p. 44.
p. 117 et sq. 47 Meirieu P., « Autonomie des établissements : de quoi
44 Maulini O. et Progin L., « L’autonomie : conquête, fiction, parle-t-on ? », Le Café pédagogique, mai 2016.
cadeau empoisonné ? », ibid., p. 15. 48 Feyfant A., « L’autonomie des ÉPLE », IFÉ, mai 2017,
45 Torres J.-C., Quelle autonomie pour les établissements scolaires ? : n° 118, p. 12.
réflexions sur la liberté pédagogique dans les collèges et les lycées, 49 Circulaire n° 2016-058 du 13/04/2016,
L’Harmattan, Paris, 2013. BO n° 15 du 14/04/2016, Point I-3.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 23

Dans cette optique, chaque collège se voit attribuer, Sur le terrain, la répartition de ces nouvelles marges
outre la dotation horaire correspondant aux enseigne- de manœuvre substantielles doit s’appuyer sur des
ments obligatoires, une dotation horaire supplémen- constats partagés reposant sur un diagnostic étayé
taire dont l’utilisation lui revient. Elle doit notamment de la situation pédagogique et éducative du collège.
permettre la constitution de groupes disciplinaires ou Le projet d’établissement constitue le point d’an-
à effectifs réduits, la mise en place d’interventions crage incontournable de cette réflexion collective. Le
conjointes de plusieurs enseignants devant la classe curseur se déplace ainsi de la recherche de la seule
ou celle d’enseignements de complément (latin, grec, conformité à des normes nationales et académiques à
langues régionales). Cette « marge-professeurs » celle d’un recentrage sur les objectifs locaux de réus-
représentait, pour l’année 2015-2016, 2,75 heures par site et d’éducation des élèves. Il permet de poursuivre
semaine et par division. Elle est maintenant de trois les actions et projets déjà menés, ou d’en proposer
heures par semaine et par division. Ainsi, un collège de nouveaux dans la mesure où ils répondent aux
de vingt divisions peut désormais utiliser une enve- besoins différenciés des élèves.
loppe de soixante heures. C’est une évolution subs-
tantielle puisque jusqu’alors, la dotation supplémen- Pour autant, le Ministère le précise lui-même :
taire représentait deux heures pour quatre divisions, « Cette autonomie est fortement encadrée au niveau
soit dix heures dans l’exemple précédent. national, à la fois par un cadre organisationnel, avec
des horaires nationaux et, surtout, par des contenus
La marge de manœuvre ainsi gagnée doit permettre communs, à travers le nouveau socle commun et les
aux équipes de définir l’organisation des enseigne- nouveaux programmes. Il s’agit donc d’une auto-
ments complémentaires (accompagnement et ensei- nomie régulée » 50. Les différents textes réglementaires
gnements pratiques interdisciplinaires), sans toute- (décrets, arrêtés, circulaires) consacrés à la mise en
fois ajouter aux heures obligatoires des élèves. œuvre de la réforme peuvent sembler, de ce point
de vue, particulièrement denses et prescriptifs. La
L’accompagnement personnalisé, qui s’appliquait circulaire du 30 juin attire ainsi l’attention des chefs
jusque-là en classe de 6e seulement, est étendu à tous d’établissement sur plusieurs points de vigilance : la
les autres niveaux de classe. Il représente trois heures nécessité d’une organisation équilibrée des emplois
par semaine en 6e, et d’une à deux heures en 5e, 4e et du temps des classes et des enseignants, la mise en
3e Les équipes ont à déterminer la répartition de ce place de temps de concertation, la constitution de
volant d’heures – qui doit être identique pour toutes groupes à effectifs réduits dans certaines matières,
les classes d’un même niveau –, ainsi que les moda- le rÉSPÉct de l’horaire hebdomadaire des élèves, soit
lités de la participation de chaque discipline à l’AP. vingt-six heures – à l’exception des heures dédiées
aux enseignements de complément –, la mise en
Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) place d’une pause méridienne d’une heure trente.
ne concernent que le cycle 4, soit de la 5e à la 3e, pour
un volume horaire possible de deux à trois heures. Le défi pour les équipes est donc de s’appuyer sur
Les équipes fixent la liste des thématiques discipli- ces directives institutionnelles sans s’y enfermer
naires proposée par niveau, les modalités de partici- puisqu’il est avant tout question de se situer du point
pation des disciplines à celles-ci, le volume horaire de vue des élèves. Elles ont à opérer collectivement,
hebdomadaire et le nombre de semaines consacrées en partant de ce qui existe déjà, les choix les plus
dans l’année à chacun des EPI ainsi que les modalités pertinents en termes de contenus et d’organisation ;
de participation des élèves et de leurs représentants et cela dans le cadre des instances et au regard de
légaux au choix des thématiques interdisciplinaires. leurs missions propres.

Par ailleurs, un enseignement de complément peut Les infléchissements apportés


également être proposé aux élèves qui souhaitent par l’arrêté du 16 juin 2017 51
approfondir l’apprentissage des langues anciennes, Nommé ministre de l’Éducation nationale en mai
sur la base d’une heure pour les classes de 5e et 2017, Jean-Michel Blanquer procède rapidement à un
de deux heures maximum pour les classes de 4e et
de 3e. Cet enseignement contribue à l’EPI « Langues
et cultures de l’Antiquité ». 50 Voir « L’organisation du collège – Questions/réponses »
sur le site eduscol.education.fr
51 
JO n° 0142 du 18/06/2017.

SOMMAIRE
24 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

aménagement substantiel de la réforme. L’objectif portée. Il est probable que les EPI n’aient plus cours
est de « donner davantage de souplesse aux équipes qu’auprès des équipes qui, convaincues de leurs effets
pédagogiques dans l’organisation de leurs enseigne- bénéfiques sur les apprentissages des élèves, décide-
ments pour qu’elles puissent s’adapter aux besoins ront de les maintenir, en s’appuyant ou non sur les
des élèves et porter le développement d’identités thématiques définies précédemment. Le cas échéant,
pédagogiques spécifiques pour leurs établisse- il suffira de s’assurer que chaque élève bénéficie, au
ments » 52. Elles peuvent donc décider de maintenir cours de ses quatre années au collège, d’un EPI au
leur organisation pédagogique si elle leur convient. minimum.
De même, le calendrier de mise en œuvre des ajuste-
ments éventuels n’est pas contraint. Le revirement s’opère du côté des enseignements
facultatifs. Dans la version précédente, seuls les
Le sentiment de continuité est conforté par certaines élèves ayant déjà suivi un enseignement de langue
dispositions de l’arrêté : la dotation horaire de trois vivante ou régionale en élémentaire pouvaient le
heures (par semaine et par division) est maintenue, poursuivre en 6e. Désormais, les classes bilangues
en vue de « favoriser le travail en groupes à effectifs peuvent être réouvertes dès la 6e, sans que cette conti-
réduits et les interventions conjointes de plusieurs nuité soit nécessaire : un élève peut se voir proposer
enseignants. En outre, elle peut être utilisée pour une deuxième langue vivante étrangère ou régionale
proposer un ou plusieurs enseignements faculta- à côté de l’anglais, dans la limite de six heures hebdo-
tifs » (article 4). L’introduction d’une seconde langue madaires à répartir entre les deux langues. Il est égale-
vivante en classe de 5e n’est pas remise en cause. ment possible de proposer, dès la 6e, un enseigne-
De même, les enseignements complémentaires (AP, ment de langues et cultures régionales, jusqu’à deux
EPI) sont régis par un cadre réglementaire inchangé heures hebdomadaires. Et, dès la 5e, un enseignement
(vingt-six heures par semaine, hors enseignements de langues et cultures européennes s’appuyant sur
facultatifs). l’une des langues étudiées, également dans la limite
de deux heures hebdomadaires 53. Les collèges qui le
Dans le même temps, le Ministre procède à des ajus- souhaitent peuvent également proposer des options
tements et revirements significatifs. Les ajustements « latin » ou « grec », à raison d’une heure en 5e et
concernent les enseignements complémentaires. En jusqu’à trois heures en 4e et en 3e.
vertu de l’article 2 de l’arrêté, il revient à chaque
collège de déterminer la répartition des heures entre Pour le Ministère, ces enseignements facultatifs
l’AP et les EPI, « en fonction des besoins des élèves « viennent enrichir l’offre d’enseignement et contri-
accueillis et du projet pédagogique de l’établisse- buent à l’ouverture sur l’Europe et sur le monde, à la
ment. Elle est identique pour tous les élèves d’un valorisation des racines culturelles. Cette possibilité
même niveau. » Sur les vingt-six heures d’enseigne- nouvelle permet en outre d’affirmer l’identité spéci-
ment obligatoires, elles représentent trois heures en fique de chaque établissement ». Mais en refaisant ce
6e et quatre heures en 5e, 4e et 3e. L’effet peut être une qui avait été défait, il s’agit aussi de permettre à des
réduction notable de la place des EPI selon le collège. collèges moins attractifs de le redevenir.
En effet, l’arrêté indique seulement que tout élève
doit avoir bénéficié de chacune des deux formes Ces changements s’accompagnent de la possibilité,
d’enseignement complémentaires à l’issue du cycle 4. pour chaque collège, de moduler la répartition du
En conséquence, « un établissement peut très bien, volume horaire hebdomadaire par discipline, mais de
au cours d’une année, n’organiser que de l’AP pour façon encadrée. D’abord, il faut veiller au rÉSPÉct du
un niveau d’élèves ». De plus, même si les EPI conti- volume horaire global dû à chaque discipline d’ensei-
nuent de s’inscrire dans le cadre des programmes gnement obligatoire pour la durée du cycle, du volume
disciplinaires et peuvent désormais être proposés en horaire global annuel des enseignements obligatoires
6e, ni leur nombre ni leurs thématiques ne sont plus dû à chaque élève et des obligations réglementaires
imposés. Le maintien de la réforme sous sa configu-
ration initiale est donc laissé au libre choix de chaque
établissement, ce qui peut en réduire notablement la 53 La place conférée aux langues vivantes se renforce
aussi dans les enseignements obligatoires (communs ou
complémentaires), avec la possibilité d’en dispenser dans
une langue vivante étrangère, ou régionale, à la condition
52 Présentation des quatre mesures pour bâtir l’école que cet enseignement ne représente pas plus de la moitié
de la confiance sur le site du Ministère. du volume horaire de l’enseignement considéré.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 25

de service des enseignants. Ensuite, la répartition encourageant les initiatives et compréhensible par
du volume horaire des enseignements obligatoires les familles. En tout état de cause, l’évaluation doit
doit rester identique pour tous les élèves d’un même permettre de mesurer le degré d’acquisition des
niveau. Enfin, toutes les disciplines d’enseignement connaissances et des compétences ainsi que la
obligatoire sont enseignées chaque année du cycle. progression de l’élève ».
Dans les collèges publics, cette modulation est fixée
par le conseil d’administration après avis du conseil La promotion d’une évaluation formative qui, consti-
pédagogique. tutive de l’apprentissage, aide l’élève à se situer, lui
permet de se tromper pour avancer se double d’une
Pour le Ministère, ce réaménagement de la réforme évolution sensible des modalités de notation par le
ne conduit pas à plus d’inégalités entre les établisse- biais du livret scolaire et de la nouvelle organisation
ments mais permet de donner plus de souplesse « en du diplôme national du brevet (DNB).
contrepartie d’une responsabilisation accrue et d’une
évaluation plus régulière. L’autonomie, c’est aussi La promotion de l’évaluation positive
réaffirmer la place de l’État : se concentrer davantage Diverses recherches institutionnelles ou universi-
sur la définition du cadre national et la vérification taires 57 ont mis en évidence :
de l’atteinte par tous des objectifs fixés, que sur une –– la multiplicité et le poids des évaluations dans
volonté de gestion des moindres détails ». Des objec- les systèmes éducatifs, remplissant des fonctions
tions s’expriment cependant sur « le risque d’une différentes ;
mise en concurrence des établissements, liée à une –– le caractère complexe de toute évaluation, qui mêle
utilisation de la marge de manœuvre pour reconsti- aux critères objectifs un jugement subjectif de l’en-
tuer des enseignements réservés à certains élèves » 54. seignant sur la performance de l’élève, celle-ci étant
D’autres contestent la préférence donnée à l’effica- par ailleurs tributaire du contexte et de caractéris-
cité scolaire au détriment de la lutte contre les inéga- tiques sociales et scolaires ;
lités 55, ou « le choix de renforcer les élites scolaires au –– l’existence d’un curriculum caché, qui intègre
détriment de l’accompagnement des élèves en diffi- à l’évaluation la maîtrise, par l’élève, des codes
culté » 56. Des arbitrages locaux seront nécessaires, qui scolaires ;
devront veiller à la cohérence de l’ensemble. –– la valeur sociale et scolaire accordée à la note, et
la place donnée en conséquence à l’évaluation
sommative dans le parcours de l’élève ;
L’ÉVALUATION DES ACQUIS DES ÉLÈVES –– la perception, par les élèves, de l’erreur comme une
faute au lieu d’être un élément d’apprentissage à
La question de son efficacité est devenue, ces part entière 58 ;
dernières années, un enjeu central d’amélioration du –– les conséquences négatives sur leur bien-être :
système éducatif. La preuve a, en effet, été apportée stress, somatisation, conduites d’évitement (absen-
des limites d’une évaluation par trop sommative téisme), intériorisation de l’échec (qui conduit à ne
– sous forme de notes – sur l’estime de soi et la moti- plus travailler, donc à choisir délibérément d’avoir
vation des élèves mais aussi, plus globalement, sur le une mauvaise note) ;
sentiment de justice à l’égard d’une école qui lie étroi- –– l’impact de la notation sur la qualité des relations
tement évaluation, certification et insertion sociale. enseignants-élèves ;
–– l’absence de lisibilité des principes, critères et
L’annexe de la loi du 8 juillet 2013 pose le principe indicateurs d’évaluation pour les élèves et leurs
d’une évolution des modalités de la notation des familles, qui sont confrontés à des pratiques
élèves « pour éviter une notation-sanction à faible
valeur pédagogique et privilégier une évaluation
positive, simple et lisible, valorisant les progrès, 57 Pour une vision synthétique : Rey O. et Feyfant A.,
« Évaluer pour (mieux) faire apprendre »,
Dossier de veille de l’IFÉ, n° 94, septembre 2014.
58 Dans ses recommandations (2015), le jury de la Conférence
54 Delahaye J.-P., La Lettre de l’éducation, n° 925 du 26/06/2017.
nationale sur l’évaluation des élèves évoque le statut de
55 Dubet F., « La nouvelle idéologie scolaire », l’erreur, véritable « combustible de la formation : être en
La République des idées, 17/10/2017. train d’apprendre, c’est en effet accepter le risque de faire
56 Il s’agit d’une réserve émise par l’OCDE dans son des erreurs, puis comprendre ce par quoi celles qu’on
dernier rapport annuel, « Regards sur l’éducation », a faites sont effectivement des erreurs, et ainsi devenir
La Lettre de l’éducation, n° 928 du 18/09/2017. capables de ne pas les refaire » (Recommandation n° 2, p. 7).

SOMMAIRE
26 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

différentes d’un enseignant à l’autre – même si des acquis scolaires de l’élève sur ce cycle. S’y ajoutent,
tentatives d’harmonisation peuvent avoir lieu par lorsque l’élève est dans la première année des cycles
champ disciplinaire ; 3 ou 4, les bilans périodiques de la dernière année
–– la complexité des autres outils proposés aux ensei- des cycles 2 ou 3.
gnants, comme le livret personnel de compétences.
Ces bilans périodiques viennent remplacer les tradi-
Ces constats ont conduit à une approche renouvelée tionnels bulletins. Ils sont très complets puisqu’ils
de l’évaluation des élèves, autour d’orientations que mentionnent, selon les annexes de l’arrêté du
la circulaire de rentrée énonce clairement : « encou- 31 décembre 2015 :
rager l’élève et lui permettre de prendre confiance en –– l’état de l’acquisition des connaissances et des
ses capacités », « évaluer dans un esprit de rigueur compétences au regard des principaux éléments
bienveillante tout au long de la scolarité », rendre du programme du cycle travaillés et des objectifs
transparents les contenus évalués, les objectifs et les d’apprentissage fixés ;
critères, accompagner les résultats de « commentaires –– le positionnement ou les notes de l’élève au regard
précis mettant en évidence non seulement les erreurs, des objectifs d’apprentissage fixés pour la période
les insuffisances, les fragilités mais aussi et surtout qui peuvent être non atteints, partiellement
les réussites et les progrès afin de lui permettre d’en atteints, atteints ou dépassés ;
tirer le meilleur profit ». Sont ainsi à réfléchir « le –– des conseils pour progresser, en fonction des diffi-
rôle de l’enseignant dans la définition aux élèves des cultés observées et/ou des efforts déjà réalisés ;
objectifs d’apprentissage et d’évaluation, l’adaptation –– l’implication de l’élève lors de l’accompagnement
des contenus et critères de réussite dans une logique personnalisé, des EPI ou dans les parcours. Les
de différenciation, le rôle des élèves eux-mêmes dans thématiques, actions ou projets mis en œuvre,
le processus d’évaluation » 59. la participation des disciplines peuvent y être
précisés ;
De façon plus globale, « l’enjeu des évaluations –– les éléments d’appréciation portant sur la vie
scolaires est de se rapprocher autant que possible scolaire (assiduité, ponctualité, rÉSPÉct du
des principes d’équité et de justice pour que les clas- règlement intérieur, participation à la vie de
sements scolaires, qui donnent accès à des positions l’établissement) ;
sociales différenciées, soient aussi clairs et explicites –– les modalités spécifiques d’accompagnement mises
que possible aux yeux des parents, des élèves et des en place (PAP, PAI, PPRE, PPS, ULIS, SEGPA, UPE2A…) ;
enseignants 60. –– la mention des vœux (provisoires et définitifs)
d’orientation et de la décision d’orientation pour
Un meilleur suivi des apprentissages des élèves les élèves de troisième ;
par le livret scolaire –– d’autres éléments, au libre choix des établissements.
Le livret scolaire suit le parcours de chaque élève
inscrit dans une école ou un collège public ou privé Le livret comporte ensuite les bilans de fin de cycles 3
sous contrat, du CP à la troisième. Remplaçant le livret (fin de 6e) et 4 (fin de 3e). Ils comprennent l’évaluation
de compétences, trop complexe, il a été mis en place du niveau de maîtrise pour chaque domaine du socle
à la rentrée 2016. Ses composantes donnent à voir les (et ses quatre composantes pour le domaine 1), ainsi
acquis de chaque élève sur l’ensemble de sa scolarité qu’une appréciation sur les acquis scolaires du cycle
obligatoire. et, si nécessaire, des conseils pour le cycle suivant.

Le contenu du livret Enfin, sont mentionnées dans le livret scolaire


Selon l’article D311-7 du Code de l’éducation, le les attestations liées à la formation aux premiers
livret scolaire comporte d’abord, pour chaque cycle 61, secours (PSC1), à la sécurité routière (ASSR1 ou 2) ou
l’ensemble des bilans périodiques de l’évolution des au « savoir-nager » (ASSN).

La mise en forme du livret scolaire


Le livret scolaire est renseigné par les professeurs
59 Dossier Évaluer pour faire réussir les élèves, acad. de Nantes.
concernés, sous la coordination du professeur prin-
60 Rey O. et Feyfant A., article précité, p. 14.
cipal ou, pour les SEGPA, ULIS et EREA, par l’ensei-
61 Rappelons que le cycle 2 (cycle des fondamentaux) court du
CP au CE2, le cycle 3 (cycle de consolidation) du CM1 à la 6e,
gnant référent de chaque division. L’équipe éducative
et le cycle 4 (cycle des approfondissements) de la 5e à la 3e. y est associée. Les bilans périodiques et de fin de cycle

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 27

sont visés par le professeur principal, le chef d’éta- Ces textes ont été récemment modifiés par l’arrêté du
blissement (ou son adjoint) et par les parents ou le 27 novembre 2017 63, qui procède à un rééquilibrage
responsable légal de l’élève. entre contrôle continu et épreuves finales.

Il doit être complété de manière régulière. En effet, Prise en compte des acquis scolaires
les bilans périodiques doivent être communiqués des élèves de troisième
aux parents ou au responsable légal de chaque élève Il revient aux équipes pédagogiques d’évaluer « de
plusieurs fois par an, souvent à chaque trimestre façon globale le niveau de maîtrise de chacune des
(article D. 111-3 du Code de l’éducation). Ils doivent composantes du premier domaine et de chacun des
leur permettre de savoir où leur enfant se situe par quatre autres domaines ». Cette évaluation se fait tout
rapport au niveau de maîtrise des compétences au long du cycle 4, à l’occasion des différentes situa-
attendu en fin de cycle et, donc, de pouvoir identifier tions d’apprentissage que proposent les enseignants
ce qu’il doit travailler pour progresser. dans le cadre des programmes. L’évaluation de l’ex-
pression orale fait l’objet d’une attention particulière.
Par ailleurs, ces bilans sont à compléter avant chaque
changement de collège (pour les cycles 3 et 4). Cette C’est lors des derniers conseils de classe des élèves
transmission au nouvel établissement se fait par le de troisième qu’est collégialement déterminé, pour
biais d’une application nationale de suivi de la scola- chacun d’eux, ce niveau de maîtrise. Il doit s’appuyer
rité, appelée livret scolaire unique numérique (LSUN). sur ce que l’élève a produit lors de cette année, mais
également sur les évaluations menées lors des deux
L’ensemble des informations qui y sont portées doit années précédentes (5e et 4e). Cela exclut, par voie
donc permettre de garantir la continuité du suivi de conséquence, la pratique – encore très courante
de l’élève durant toute sa scolarité obligatoire. En – d’une validation approximative des domaines
ce sens, la mise en place du livret scolaire conforte du socle commun en fin d’année de troisième. Et
l’idée que l’évaluation ne se résume pas à une suite entraîne, d’une part, une réflexion des équipes péda-
de « contrôles » ou de « devoirs », mais participe plei- gogiques sur l’harmonisation des processus d’évalua-
nement de la construction du parcours de l’élève. tion, d’autre part, la mise en place effective du livret
scolaire.
La recherche d’une évaluation positive, permettant de
mesurer le degré d’acquisition des connaissances et Pour évaluer le degré de maîtrise du socle, les équipes
des compétences ainsi que la progression de l’élève se s’appuient sur l’échelle de référence prévue à l’article
confirme dans les nouvelles modalités du DNB. D. 122-3 du Code de l’éducation. Elle se décompose
de la façon suivante : maîtrise insuffisante (échelon
L’architecture du nouveau diplôme national 1), maîtrise fragile (échelon 2), maîtrise satisfaisante
du brevet (échelon 3), « très bonne maîtrise » (échelon 4). Un
Elle a d’abord été fixée par le décret et l’arrêté du domaine ou une composante du premier domaine
31 décembre 2015, auxquels s’est ajoutée la note de du socle est maîtrisé(e) à partir de l’échelon 3.
service du 6 avril 2016 62. Au-delà des modalités d’or-
ganisation générale (inscription des candidats, dérou- En fin de troisième, le chef d’établissement (ou son
lement de l’examen, attribution et remise du diplôme, adjoint) certifie ce niveau et en porte attestation sur le
proclamation des résultats…), elle détermine la prise livret scolaire dans le bilan de fin de cycle 4. Ce bilan
en compte des acquis scolaires du cycle 4, et précise le comprend également une appréciation correspondant
déroulement des nouvelles épreuves d’examen. à la synthèse des observations portées régulièrement
sur l’élève par les professeurs et précisant l’évolution
de ses résultats au cours du cycle.

62 Décret n° 2015-1929 du 31/12/2015 relatif à l’évaluation


des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire,
à l’école et au collège. Arrêté du 31/12/2015 modifié
relatif aux modalités d’attribution du DNB. Note de service 63 Arrêté du 27/11/2017 modifiant l’arrêté du 31/12/15,
n° 2016-063 du 6/04/2016, BO n° 14 du 8/04/2016. JO du 29/11/2017.

SOMMAIRE
28 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

La transmission du livret au jury du DNB via l’appli- LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉDUCATION


cation numérique nationale entraîne la conversion NUMÉRIQUE DES ÉLÈVES
de chaque niveau de maîtrise atteint en un nombre
de points, selon la répartition suivante : dix points M. Serres a longuement décrit, devant l’Académie
pour l’échelon 1, vingt-cinq points pour l’échelon 2, française, les mutations qui se sont opérées avec
quarante points pour l’échelon 3 et cinquante points l’arrivée du numérique, en particulier dans le champ
pour l’échelon 4. À cela s’ajoute, si l’élève suit un scolaire.
enseignement facultatif, jusqu’à vingt points selon
qu’il a acquis ou dépassé les objectifs d’apprentissage Sur les élèves d’abord : « Ils habitent donc le virtuel.
attendus. Les sciences cognitives montrent que l’usage de la
toile, lecture ou écriture au pouce des messages,
Épreuves de l’examen pour les candidats scolaires consultation de Wikipedia ou de Facebook, n’excitent
Présentées en 2016 comme « une modalité complé- pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corti-
mentaire de l’évaluation du niveau de maîtrise du cales que l’usage du livre, de l’ardoise ou du cahier. Ils
socle commun », elles sont renforcées en 2017 – 400 peuvent manipuler plusieurs informations à la fois.
points au lieu de 300 précédemment. Il est également Ils ne connaissent ni n’intègrent ni ne synthétisent
procédé à un rééquilibrage entre les disciplines. comme leurs ascendants. Ils n’ont plus la même
tête. Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes
Pour la série générale, elles se décomposent en : personnes ; par GPS, en tous lieux ; par la toile, à tout
–– une épreuve écrite portant sur le programme de le savoir ; ils hantent donc un espace topologique
français (3 heures) pour 100 points ; de voisinages, alors que nous habitions un espace
–– une épreuve écrite portant sur le programme de métrique, référé par des distances. Ils n’habitent plus
mathématiques (2 heures) pour 100 points ; le même espace ».
–– une épreuve écrite de sciences portant sur les
programmes de physique-chimie, sciences de la Sur l’enseignement ensuite : « De même donc que
vie et de la Terre et technologie (1 heure) pour 50 la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs, au
points ; moment de l’invention et de la propagation de l’écri-
–– une épreuve écrite portant sur le programme d’his- ture ; de même qu’elle se transforma quand émergea
toire et géographie, enseignement moral et civique l’imprimerie, à la Renaissance ; de même, la pédagogie
(2 heures), pour 50 points ; change totalement avec les nouvelles technologies ».
–– u n e ép re u ve o ra l e p a s s é e e n é t abl i s s e -
ment, pour 100 points. D’une durée de quinze ou Les textes législatifs et réglementaires récents actent
vingt minutes, elle permet aux candidats (pres- cette révolution culturelle mondiale qui impacte les
tation individuelle ou en groupe) de présenter un systèmes éducatifs dans leur ensemble. Les élèves ont
projet mené dans le cadre des EPI, des parcours ou désormais accès, par leurs propres moyens et par des
de l’histoire des arts – qui se trouve rétablie. Après canaux variés, à des savoirs inépuisables et réactua-
exposé puis entretien, le jury évalue leur capacité lisés en permanence. Par ailleurs, dans ce moment de
à présenter leur démarche, les connaissances et les construction identitaire qu’est l’adolescence, l’utili-
compétences du socle qu’ils ont acquises grâce à ce sation de ces nouvelles technologies reconfigure leur
projet. L’accent est mis sur la maîtrise de l’expres- rapport à eux-mêmes et aux pairs, de façon parfois
sion orale et la capacité de synthèse. douloureuse (exposition de soi, cyberharcèlement).

À compter de la session 2017, les candidats composent Pour autant, un décalage persiste entre la conscience
donc huit heures (au lieu de sept heures auparavant). du caractère inéluctable de ces changements et
La partie consacrée aux sciences s’enrichit. À la l’usage toujours hétérogène du numérique dans les
session 2018, le DNB est décerné aux candidats ayant pratiques pédagogiques des enseignants.
au moins quatre cents points sur huit cents.
Loin des premiers balbutiements des TIC (techno-
logies de l’information et de la communication), la
stratégie affichée par le Ministère en 2012 est de privi-
légier cette entrée, en ce qu’elle participe de l’éduca-
tion à la citoyenneté d’une part, de la lutte contre les
inégalités d’autre part.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 29

L’annexe de la loi de refondation énonce que l’édu- progressive d’équipements individuels mobiles (EIM)
cation des élèves au numérique doit permettre de pour les collégiens de cinquième sur la période 2016-
les former progressivement à la maîtrise des outils 2018. Ce déploiement doit permettre de développer
et des ressources mis à leur disposition, ainsi qu’à la culture et la compétence numérique de tous les
un usage responsable d’Internet et des réseaux. Dans élèves.
cette optique, tous les collégiens reçoivent une éduca-
tion renforcée aux médias et à l’information (article L. Une formation des acteurs incontournable
332-5 du Code de l’éducation). Elle doit leur apprendre Dans ce contexte, la formation au numérique et à
à rechercher les informations dont ils ont besoin, à les l’enseignement du numérique s’impose.
trier en évaluant leur qualité rÉSPÉctive, à les mettre
en relation et à produire eux-mêmes des contenus Selon la circulaire de rentrée de 2015, nouveaux
conformes aux règles de droit. Cette « éducation à professeurs et CPE « doivent être conscients des
la vigilance » 64 est transversale. Elle s’intègre à tous enjeux du numérique et porter un regard critique
les enseignements et au socle commun. Les « outils et réfléchi sur les évolutions induites par le déve-
numériques pour échanger et communiquer » sont loppement de ses techniques et de ses usages. Cela
intégrés aux « méthodes et outils pour apprendre » recouvre non seulement les nouvelles modalités de
du domaine 2. diffusion de la connaissance et les stratégies d’ap-
prentissage, mais aussi le fait que les élèves sont
La réforme du collège poursuit ce mouvement. L’EMI désormais eux-mêmes producteurs de contenus et
(éducation aux médias et à l’information) devient une d’informations qui se diffusent en ligne, notamment
composante du parcours citoyen, qui vise notamment sur les réseaux sociaux ».
l’acquisition d’un esprit critique. Elle fait également
l’objet de l’une des huit thématiques des enseigne- À cette fin, les personnels doivent bénéficier de temps
ments pratiques interdisciplinaires, dénommée de formation, qui se déclinent en une formation de
« Information, communication, citoyenneté ». trois jours par an pour les enseignants et les person-
nels d’encadrement, des formations sur site, des
La lutte contre les inégalités est l’objectif affiché du formations à distance via la plateforme M@gistère, ou
Plan numérique pour l’éducation lancé en mai 2015. le développement de cours en ligne (MOOC – Massive
S’ils sont quasiment tous équipés d’internet à la Open On Line Course –, type ouvert de formation à
maison, les jeunes en font un usage très différent distance capable d’accueillir un grand nombre de
selon l’âge, le genre mais aussi (et surtout) l’origine participants) sur le portail France université numé-
sociale et le contexte (familial, social, amical), ce qui rique (FUN). Trois axes sont privilégiés : la maîtrise
les conduit à « jongler, plus ou moins aisément, entre des outils numériques, les usages du numérique dans
plusieurs cultures du numérique » 65. Une fracture les disciplines, la culture numérique et l’éducation
s’opère entre « ceux qui mettent à profit ces outils aux médias et à l’information. La circulaire de rentrée
pour progresser dans la connaissance et les appren- 2017 encourage également les innovations dans ce
tissages et ceux qui ne le peuvent pas » 66. Parce qu’ils domaine.
ne maîtrisent pas eux-mêmes les codes d’Internet,
certains parents ne peuvent accompagner leurs Par ailleurs, des ressources numériques pédagogiques
enfants dans une exploitation pertinente des outils couvrant l’ensemble des cycles 3 et 4 sont gratuite-
numériques. ment mises à la disposition des enseignants et des
élèves à la rentrée 2016. Elles « offriront des contenus
Des mécanismes de compensation peuvent donc nombreux et variés ainsi que des services numériques
être nécessaires. Le plan prévoit ainsi la livraison complémentaires des manuels scolaires » (circulaire
de rentrée 2016). S’y ajoutent l’enrichissement du
portail Expérithèque, et l’ouverture du portail Myriaé.
64 Caine M., Mathieu R., Vigel C., Manager un ÉPLE
à l’heure du numérique, coll. « Les clefs du quotidien », Au-delà d’une familiarisation avec les outils, il s’agit
CRDP de l’académie de Dijon, 2013, p. 8. surtout d’accompagner les enseignants dans l’adapta-
65 Fluckiger C., « Culture numérique, culture scolaire : tion de leurs pratiques pédagogiques dans le contexte
homogénéité, continuités et ruptures », Diversité, p. 64.
de modification du rapport au savoir souligné par
66 Capul J.-Y., « Une politique du numérique à l’école, ambition
et stratégie ministérielles », in Vers quelles organisations
M. Serres.
scolaires à l’ère du numérique ?, AFAÉ, 2013, n° 3, p. 98.

SOMMAIRE
30 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Dès lors qu’est privilégiée l’acquisition, par les élèves, Dans son rapport de 2012, le député Fourgus évoque
de compétences clés transversales (engagement, longuement l’intérêt des outils numériques pour
autonomie, créativité, responsabilisation, entraide) les enseignants : mise en activité des élèves leur
devant leur permettre de s’adapter au monde actuel permettant de s’engager durablement dans la tâche
(y compris sur le terrain de l’emploi), le rôle des et d’expérimenter, création d’interactions avec leurs
professeurs est appelé à évoluer. La transmission du pairs, développement de l’auto-évaluation. R. Thibert
savoir, habituellement verticale, est bousculée par une évoque leur « pouvoir d’agir », à l’opposé d’une atti-
dimension plus horizontale, davantage compatible tude passive de réception des apprentissages 69.
avec l’idée de réseau. Il s’agit surtout d’accompagner Sans faire table rase des formes plus classiques de
les élèves en leur prodiguant méthodes et conseils. transmission – tel le cours magistral qui n’exclut pas
d’ailleurs toute interaction avec les élèves –, il s’agit
« Chercheurs » – car, étant eux-mêmes exposés au d’entrer dans des démarches plus coopératives.
même flux d’informations mouvantes, ils doivent
constamment réévaluer leurs connaissances –, les CPE et professeurs-documentalistes ont ainsi à réflé-
professeurs se font également « passeurs et trans- chir à la prise en charge des élèves hors temps de
metteurs qui interagissent avec les jeunes aux classe « pour favoriser les apprentissages, en mettant
préoccupations et aux savoirs desquels ils doivent à leur disposition des espaces et des ressources néces-
immanquablement faire écho » 67. Les échanges avec saires » (circulaire de mission des CPE, 10/08/2015).
les élèves peuvent se poursuivre et s’enrichir au-delà Leur investissement dans la mise en œuvre des
des heures de cours via les environnements numé- parcours – en lien avec les autres acteurs impliqués
riques de travail (ENT). – peut les amener à explorer ces nouveaux outils, au
service d’objectifs éducatifs et en direction des élèves
Toute la difficulté est alors, non pas de rompre sans comme des familles.
ménagement avec la culture professionnelle exis-
tante, mais de réfléchir aux évolutions pertinentes Dans une chronique au Café pédagogique, le 22
dans des contextes d’établissement nécessairement septembre 2017, B. Devauchelle s’interrogeait pour-
spécifiques. tant sur ce que seraient les nouvelles orientations
ministérielles, et s’inquiétait : « Quel est donc l’avenir
Le numérique, élément de la politique pédagogique de la question du numérique en éducation ? Nous
et éducative de l’établissement scolaire sommes arrivés au bout d’un cycle volontariste (1997-
Le numérique est un élément, parmi d’autres, au 2017). N’ayant pas réussi à trouver une véritable place
service du projet de formation des élèves qui doit dans le projet éducatif du système scolaire français, il
être décliné au niveau de l’établissement. Parce qu’il est probable que ces questions seront mises de côté,
modifie – potentiellement – autant les modalités de en sommeil ou mieux en veille passive ».
transmission que les postures de l’enseignant, c’est
un élément qui ne peut plus être ignoré 68. Il s’in-
tègre dans une réflexion collective globale portant
sur la place de l’élève dans les apprentissages, les
démarches didactiques et pédagogiques, l’articulation
des temps et des espaces scolaires ou les modalités
de communication aux familles.

67 Durpaire J.-L. et Mathias P., « Apprendre dans la société


numérique : temps, lieux, ressources, attitudes », ibid.,
p. 40. L’enseignant passe « du rôle de soliste à celui
d’accompagnateur, aidant les élèves à trouver, à organiser
et à gérer le savoir, guidant les esprits plus que les
modelant » (rapport du député Fourgous, « Apprendre
autrement » à l’ère du numérique).
68 Thibert R., « Pratiques collaboratives favorisées par l’usage
de l’outil numérique », AFAÉ, 2014, n° 4, p. 117. L’auteur
considère que réduire le numérique à un outil au service
de l’enseignement n’est pas pertinent au regard de sa
portée sociale et culturelle. 69 
Ibid., p. 120.

SOMMAIRE
LA FORMATION
DE L’ÉLÈVE
ET DU CITOYEN

L’article L. 111-1 du Code de l’éducation l’énonce éducative de l’établissement est l’affaire de tous. La
sans ambiguïté : « Le droit à l’éducation est garanti dernière circulaire du 30 mai 2014, toujours appli-
à chacun afin de lui permettre de développer sa cable 1, évoque ainsi la mise en œuvre d’une poli-
personnalité, d’élever son niveau de formation tique de prévention impliquant toute la communauté
initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et éducative. Dans cette optique, le travail de présenta-
professionnelle, d’exercer sa citoyenneté ». L’article tion et l’explicitation de la règle ne « peut pas être
L. 111-2 le complète, en ajoutant que la formation détaché de l’acte pédagogique ».
scolaire « prépare à l’éducation et à la formation tout
au long de la vie. Elle développe les connaissances, Cette articulation est aussi pleinement intégrée aux
les compétences et la culture nécessaires à l’exercice référentiels de compétences professionnelles et
de la citoyenneté dans la société contemporaine de circulaires de mission des personnels enseignants et
l’information et de la communication. Elle favorise d’éducation. L’arrêté du 1er juillet 2013 précise ainsi
l’esprit d’initiative. Les familles sont associées à l’ac- qu’ils sont tous « pédagogues et éducateurs au service
complissement de ces missions ». L’enseignement et de la réussite des élèves », et que « la maîtrise des
l’éducation, dans et hors l’établissement, sont étroite- compétences pédagogiques et éducatives fonda-
ment liés autour d’un même objectif : faire de l’élève mentales est la condition nécessaire d’une culture
un citoyen éclairé. partagée qui favorise la cohérence des enseignements
et des actions éducatives ». Leur continuité et leur
En réalité, des clivages persistent autour du binôme complémentarité passent par l’inscription de l’action
instruction/éducation qui empêchent souvent les individuelle de chacun dans le cadre collectif. Ainsi,
acteurs scolaires de réfléchir (dans le cadre du projet les CPE participent-ils pleinement à l’accompagne-
d’établissement) et de mettre en œuvre (au quotidien) ment pédagogique des élèves 2. Impliqués, via le socle
une réelle articulation entre les dimensions éduca- commun, « dans les conditions d’appropriation des
tive et pédagogique. Si la réforme du collège réaffirme savoirs par les élèves et associés à la construction de
qu’il ne saurait en être autrement, elle donne aussi leur projet personnel » ainsi qu’à leur évaluation, « ils
des outils aux acteurs pour y parvenir. La mise en contribuent à établir une transition efficace entre les
place des parcours et des cycles favorise, en effet, une cycles et les degrés d’enseignement » (point 2 de la
approche globale de la formation de l’élève. circulaire de mission du 10 août 2015).

Ce rappel constant est révélateur du poids persistant


UNE ARTICULATION RÉAFFIRMÉE des représentations et des routines, qui conduisent
DES CHAMPS ÉDUCATIF ET PÉDAGOGIQUE souvent à une approche plus segmentée de la

L’affirmation selon laquelle l’instruction et l’édu-


cation ne sauraient être séparées est devenue 1 Circulaire n° 2014-059 du 27/05/2014 relative à
l’application de la règle, mesures de prévention
récurrente aussi bien dans la doctrine que dans la et sanctions, BO n° 22 du 29/05/2014.
réglementation. 2 « Le suivi de l’élève est réalisé dans l’établissement
scolaire par les personnels enseignants avec le concours
Exemple significatif : depuis 2000, les textes relatifs des personnels d’éducation qui mettent en œuvre
leurs compétences spécifiques », décret n° 2014-1377
aux procédures disciplinaires applicables en collège du 18/11/2014 relatif au suivi et à l’accompagnement
et en lycée rappellent, avec insistance, que la politique pédagogique des élèves.

SOMMAIRE
32 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

politique d’établissement, liée à la division sociale et éducative contribue au développement des compé-
du travail qui existe en son sein. La vision demeure, tences » des élèves entrant en cinquième.
en effet, d’une équipe de direction, élargie au CPE,
traitant les problèmes d’indiscipline hors de la classe
afin que les enseignants puissent transmettre, le plus LA LOGIQUE DES PARCOURS ET DES CYCLES
sereinement possible, leur discipline en classe 3.
Le décret n° 2013-682 du 24/07/2013 a précisé l’organi-
Le suivi individuel des élèves peut évidemment en sation des nouveaux cycles d’enseignement à l’école
pâtir. D’autant « qu’apprendre à l’école, c’est changer primaire et au collège 5, inscrivant l’année de 6e dans
et que l’acculturation aux savoirs scolaires génère le cycle 3 (« de consolidation », avec le CM1 et le CM2)
chez l’élève une vision du monde qui conduit à modi- et les années de 5e, 4e et 3e dans le cycle 4 (« des appro-
fier son rapport aux autres et à lui-même. Ce faisant, fondissements »). L’arrêté du 9 novembre 2015 précise,
il existe toujours une dimension éducative dans la pour chaque cycle, les objectifs d’apprentissage, les
transmission des savoirs » 4. horaires et les programmes d’enseignement afférents.

Mais ce sont également la cohérence et la lisibilité Les collégiens se voient proposer quatre parcours
du projet collectif qui sont mises à mal. L’enjeu n’est différents : le parcours avenir, le parcours citoyen,
donc pas seulement d’inciter les équipes à modifier le parcours d’éducation artistique et culturelle,
des pratiques que le système éducatif a lui-même le parcours de santé. Si le contenu même de ces
provoquées. Il est de leur donner les outils pour faire parcours ne constitue pas toujours une nouveauté,
évoluer dans le même temps leur approche de l’élève leur accrochage aux enseignements et au socle l’est
– apprenant et personne –, et leur propre rôle dans assurément.
l’organisation scolaire – acteurs dotés d’un statut
et de compétences professionnelles propres mis au Trois principes essentiels entourent la mise en œuvre
service d’objectifs pédagogiques et éducatifs corrélés. des parcours et des cycles, qui contribuent à une
vision globale de la formation des élèves : la conti-
C’est ce que propose la réforme du collège dans son nuité, la progressivité, la complémentarité.
acte I. En mettant l’accent sur la nécessaire imbrica-
tion entre programmes, cycles et socle commun, d’une La continuité
part, entre enseignements, activités et projets, d’autre Chaque parcours s’inscrit d’abord dans une tempo-
part, elle veut amener les acteurs scolaires à sortir ralité longue. Le parcours avenir – ancien PIIODMEP
des cloisonnements ou des clivages pour entrer dans (parcours individuel d’information, d’orientation et de
une démarche d’accompagnement coordonné des découverte du monde économique et professionnel)
élèves. L’arrêté du 9 novembre 2015 (BO spécial n° 11 doit ainsi permettre à tout élève de découvrir, de
du 26/11/2015), dans sa partie relative au programme la sixième à la terminale, le monde économique et
d’enseignement du cycle des approfondissements professionnel, et d’élaborer son projet d’orientation.
(cycle 4) relève ainsi que « toute l’équipe pédagogique Davantage, il participe à sa formation tout au long
de la vie.

3 Saget P., Principe pour l’élaboration d’une politique éducative La question du temps est également au cœur des
d’établissement, rapport de l’IGEN n° 2011-049, mai 2011, p. 7. cycles. Le cycle 3 implique de renforcer la conti-
4 Jellab A., « Climat et vie scolaire : à la marge ou au cœur nuité pédagogique et la cohérence des apprentis-
des apprentissages scolaires ? Les enjeux pédagogiques
pour une école émancipatrice », revue FOEVEN, n° 169,
sages entre l’école primaire et le collège. Dans cette
p. 11. Dans le même sens, Gauthier R.-F. et Florin A., op. cit., optique, les apprentissages fondamentaux abordés
p. 23 : « On sait aujourd’hui à quel point les apprentissages, au cycle 2, relatifs notamment aux langages, doivent
comme les savoirs eux-mêmes, sont des constructions
sociales. Apprendre n’est pas une affaire entre un
être consolidés.
individu et un savoir qui lui préexisterait : c’est acquérir
des connaissances élaborées, reconnues au sein d’une
société qui souhaite que ses membres se les approprient.
Apprendre est aussi un acte social dans ses modalités :
j’apprends de ceux que je côtoie, j’apprends avec autrui,
en demandant de l’aide, en comparant mes progrès, en 5 
JO n° 0174 du 28/07/2013. Leur mise en œuvre se fait de
produisant des objets de différente nature (discours, textes, façon progressive du 1er septembre 2014 au 1er septembre
fabrications, performances, œuvres…) qui suscitent des 2017. Pour les classes de collège : 5e en 2015, 4e en 2016 et 3e
réactions, des commentaires, etc. » en 2017.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 33

Cette articulation entre les cycles vise à garantir une progression gagne à s’appuyer sur l’état des acquis
continuité d’enseignement et d’apprentissage sur des élèves, acquis qu’il convient de consolider et
l’ensemble de la scolarité obligatoire. d’amplifier pour leur permettre d’aborder le cycle
suivant dans les meilleures conditions.
La progressivité
Les parcours, comme les cycles, sont pensés comme La complémentarité
des étapes, qui tiennent compte de l’âge et de la « La scolarité constitue un parcours cohérent, où
maturité de chaque élève, de ses potentialités, de chaque discipline, chaque enseignement, s’inscrit en
ses besoins et de son rythme d’acquisition. L’intitulé complémentarité avec d’autres. » 7 Tout comme les
des différents cycles – apprentissages fondamen- disciplines, les parcours ne fonctionnent pas de façon
taux, consolidation, approfondissements – le met en indépendante et facultative. Au contraire, ils sont
évidence. ancrés dans les enseignements – eux-mêmes complé-
mentaires les uns des autres – et contribuent tout
Ces étapes intègrent aussi les éléments de contexte autant à l’acquisition du socle commun de connais-
environnants, qu’ils soient scolaires (prescriptions sances, de compétences et de culture. De la même
institutionnelles, pratiques pédagogiques) ou non façon, les programmes disciplinaires sont construits
(possibilité d’accès aux ressources culturelles, à en référence aux nouveaux cycles et au socle.
la mobilité…). Certaines trajectoires ne seront pas
linéaires. Elles comporteront des inflexions (redouble- Les élèves doivent donc se voir proposer des situa-
ment exceptionnel, changement d’orientation) voire tions d’apprentissage variées, individuelles et collec-
des ruptures (décrochage). tives, dans et hors la classe. Chaque acteur apporte
son expertise propre pour donner au parcours une
Pour les éviter, et donc permettre aux élèves en diffi- coloration intéressante et pertinente. Le parcours
culté scolaire ou à besoins éducatifs particuliers d’at- avenir se décline par exemple lors de séquences péda-
teindre les objectifs fixés en fin de cycle, des aides gogiques mais également au travers des mini-stages
appropriées sont proposées, qui peuvent évoluer au permettant la découverte d’une entreprise locale, ou
fur et à mesure des progrès. De la même façon, la encore de la semaine d’observation en entreprise en
construction du projet d’orientation via le parcours troisième.
avenir permet de faire entrer tous les élèves dans
une logique de choix successifs et d’accompagner Les activités proposées ne visent donc pas seulement
particulièrement ceux dont l’ambition scolaire est à transmettre des connaissances. Elles développent
moindre, pour des raisons tenant à leur vécu scolaire aussi des compétences transversales, qui sont décli-
et/ou personnel. nées au travers des enseignements, des parcours
et même des « apports de la vie scolaire » (arrêté
Sous l’impulsion et l’encadrement de l’équipe de précité). Sont notamment évoqués la sensibilité, la
direction, les différentes étapes de chaque parcours confiance en soi, le rÉSPÉct des autres, la formation
sont à décliner de façon à passer des objectifs géné- du jugement, la créativité.
raux à la mise en œuvre opérationnelle, qui doit
nécessairement tenir compte de ce qui a été proposé Par ailleurs, les équipes sont invitées à prendre en
ou s’est fait avant pour en constituer le prolongement compte les compétences acquises par les élèves au
logique 6. sein du collège et en dehors de celui-ci, en particulier
l’esprit de responsabilité et d’engagement de chacun,
De la même manière, à partir des repères proposés celui d’entreprendre et de coopérer avec les autres
par le programme d’enseignement du cycle, il revient (arrêté du 9 novembre, cycle 4).
aux enseignants de penser la progression pédago-
gique – donc les situations, activités et outils – à l’inté-
rieur de celui-ci. Seuls les attendus de fin de cycle, en
lien avec le socle commun, leur sont imposés. Cette

6 L’académie de Toulouse propose ainsi une déclinaison


possible du parcours avenir en collège, LP et LGET.
Voir « Le parcours avenir : guide académique de mise
en œuvre » sur le site eduscol.education.fr, p. 10-12. 7 Introduction de la circulaire de rentrée 2016.

SOMMAIRE
34 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

AGIR SUR LE CLIMAT SCOLAIRE de façon plus ou moins harmonieuse. D’autant qu’ap-
paraissent de nouvelles formes de cyberviolence
L’action sur le climat scolaire est au cœur de la refon- auxquelles il ne peut éviter de répondre 11.
dation du système éducatif. Selon le rapport annexé
à la loi de 2013, les « conditions d’un climat scolaire Cette dimension systémique du climat scolaire
serein doivent être instaurées dans les écoles et les contribue à archaïser les clivages entre instruction
établissements scolaires pour favoriser les apprentis- vs éducation, travail dans la classe vs vie dans l’éta-
sages, le bien-être et l’épanouissement des élèves et blissement. La « vie scolaire » se reconfigure ainsi au
de bonnes conditions de travail pour tous ». profit d’une politique éducative plus élaborée, qui
contribue pleinement à la construction tant intel-
Pour A. Jellab, le climat scolaire peut être appré- lectuelle que sociale des élèves. Dans cette optique,
hendé comme « un analyseur global des capacités il ne s’agit plus (seulement) de permettre à l’ensei-
des acteurs scolaires à être bien au fait des enjeux et gnant de transmettre « son » savoir dans de bonnes
des défis à relever pour une école émancipatrice » 8. conditions (en mettant, s’il le faut, les perturbateurs à
Depuis 2010, et les travaux dirigés par E. Debarbieux l’écart) mais de faciliter l’entrée et la persévérance de
qui ont permis de le caractériser 9, il a ainsi donné lieu chaque élève dans les apprentissages (en instaurant
à de très nombreuses publications – y compris inter- une ambiance de classe qui y soit propice). Le plaisir
nationales. Elles ont fait émerger des préoccupations de venir à l’école est, en effet, corrélé au sentiment
nouvelles, autour de la bienveillance et du bien-être d’y trouver sa place, comme élève, mais aussi comme
à l’école, en complément de l’idée d’épanouissement individualité.
personnel déjà évoquée auparavant (notamment, en
1982, dans la précédente circulaire de mission des Même si elle est centrale, la question des interac-
CPE). tions entre élèves et adultes n’épuise cependant pas
le sujet. La qualité des relations entre les personnels
Si ces notions révèlent l’attention portée aux élèves – eux-mêmes – via le mode de leadership de l’équipe
qu’il s’agit de préserver de la violence sous toutes ses de direction ou la dynamique de la salle des profes-
formes –, elles ne constituent toutefois qu’un aspect seurs –, et entre eux et les parents d’élèves, a un
du climat scolaire. Multifactoriel, celui-ci « reflète le impact essentiel sur le sentiment de sécurité et d’ap-
jugement des parents, des éducateurs et des élèves partenance à l’établissement. La capacité des adultes
concernant leur expérience de vie et de travail à s’accorder – plus qu’à s’arranger – sur les valeurs
au sein de l’école, sans pour autant résulter d’une et les finalités éducatives qui leur paraissent essen-
simple perception individuelle » 10, dont l’agrégation tielles, et à les activer de façon pertinente dans les
permettrait de déterminer dans quelle mesure il est situations vécues au quotidien, est un enjeu essentiel.
(plutôt) bon ou (plutôt) mauvais. Le climat scolaire
est donc l’affaire de tous les membres de la commu- Une question demeure : comment faire pour que les
nauté éducative, qui ont des choses à en dire, qui y enseignants les plus réticents à l’éducatif ou ceux qui,
contribuent et qui en bénéficient ou pas. Sa dimen- sans l’être, font valoir des contraintes réelles (manque
sion interactionnelle est essentielle. S’y ajoutent la de temps de concertation et de formation… surtout
qualité des enseignements et des apprentissages, le dans un contexte de réforme globale) soient pleine-
sentiment de sécurité, de justice (normes et valeurs) ment parties prenantes de l’amélioration du climat
et d’appartenance. Dans cette organisation vivante scolaire ?
qu’est l’établissement scolaire, l’ensemble s’articule
Un accompagnement bienveillant – donc tenant
compte des réticences qu’ils expriment – est néces-
8 Article précité, p. 17. saire. La circulaire n° 2016-045 du 29 mars 2016
9 Hugonnier B., Neulat N., Ortega R., Saltet J., Veltcheff propose ainsi la généralisation et la structuration des
C., Vrand R., « Le climat scolaire : définition, effets et groupes académiques de climat scolaire (BO n° 13 du
conditions d’amélioration », rapport au Comité scientifique
de la DGESCO, 2012. Sept facteurs propices à un bon climat
31 mars 2016) mis en place dans la foulée des États
scolaire ont été identifiés : stratégie d’équipe, coopération, généraux de la sécurité à l’école de 2010.
justice scolaire, prévention des violences, qualité de vie à
l’école, co-éducation, pratiques partenariales.
10 Debarbieux E., « Du climat scolaire : définitions, effets et
politique publiques », Éducation et formation, décembre 2015, 11 Baya C., « L’école à l’ère du 2.0 : climat scolaire
p. 12. et cyberviolence », ibid., pp. 29-39.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 35

Rappelant, dans son introduction, que l’amélioration


de ce climat passe par « une redynamisation de la vie
scolaire dans ses aspects pédagogiques et éducatifs y
compris », elle précise que ces groupes académiques
ont pour mission de veiller « à l’instauration d’un lien
fort entre les questions éducatives et pédagogiques
qui ne peuvent être dissociées ». Ils doivent, en consé-
quence, « privilégier les entrées pédagogiques dans le
cadre d’un parcours éducatif cohérent ». Ils s’appuient
sur les résultats de l’enquête locale de climat scolaire
qui, associée à d’autres indicateurs plus quantitatifs 12,
permet de proposer des pistes d’action aux équipes, y
compris en classe. « L’amélioration du climat scolaire
à l’échelle de la classe repose notamment sur la mise
en place des conditions d’un travail collectif des
équipes pédagogiques (stratégie d’équipe), d’entrées
pédagogiques favorisant l’engagement et la motiva-
tion des élèves (construction de compétences, péda-
gogie de projet, coopération), sur une évaluation des
progrès individuels dans le temps. Elle repose sur un
cadre avec des règles explicites et explicitées (justice
scolaire) ».

L’intérêt d’une intervention du groupe académique


est qu’il apporte non seulement une méthodologie
mais surtout un regard extérieur – donc neutre – sur
les forces et les faiblesses de l’établissement. Il peut
aider les équipes à investir progressivement les diffé-
rents volets de la politique éducative, en leur permet-
tant – à partir de ce diagnostic — de « construire leurs
stratégies visant la réussite et l’épanouissement des
élèves » (circulaire de rentrée 2016).

La réforme du collège rend plus globalement néces-


saire cette réflexion collective sur l’incidence du
climat scolaire sur les apprentissages et la qualité
de vie dans l’établissement, et inversement. Le déve-
loppement d’attitudes prosociales (rÉSPÉct, coopéra-
tion, solidarité) est, en effet, au cœur des EPI et des
parcours. Il s’inscrit dans le cadre plus large de l’édu-
cation à la citoyenneté.

12 Ces indicateurs peuvent porter sur le taux d’absentéisme,


le nombre de punitions et de sanctions.

SOMMAIRE
UNE RÉFLEXION
INCONTOURNABLE
SUR LA FORMATION
DES ACTEURS

Certains des éléments qui précèdent ont mis en LA FORMATION, UN LEVIER


évidence l’importance de la formation des acteurs D’ACTION MAJEUR
de l’éducation, face aux nouveaux défis de la société
de la connaissance. Les instances européennes l’ont L’identité professionnelle des enseignants est
relevée dès le début des années 2000, et continuel- impactée par les mouvements d’ampleur qui affectent
lement réaffirmée depuis. Pour l’OCDE, les attentes le système éducatif français. La massification (et
sociales et les exigences institutionnelles envers tous l’hétérogénéité des publics scolaires), la décentrali-
les acteurs de l’éducation et, en particulier les ensei- sation (et l’attention portée à l’effet-établissement et
gnants, se font plus pressantes 1 dans l’ensemble des à l’effet-maître), le développement du numérique (et
systèmes éducatifs étudiés. La qualité de l’enseigne- la question de ses usages pédagogiques), la perte de
ment dispensé – et donc de ceux qui le dispensent – confiance en une école intégratrice et la tentation de
est désormais un enjeu décisif des politiques éduca- pratiques consuméristes (dans une société libérale), la
tives nationales. Chacune d’elles interroge, d’une place croissante de compétences (entrevues comme
façon qui lui est propre, ce qui la favorise, qu’il des risques potentiels pour les savoirs disciplinaires)
s’agisse des modes de recrutement et du statut, des sont autant d’évolutions qui les déstabilisent. Ils ont
principes et modalités de la formation, de l’attention le sentiment d’exercer un métier plus difficile qu’au-
portée à l’environnement de travail des enseignants. paravant mais dont, paradoxalement, le prestige
social leur semble dégradé.
En France, cette interrogation rencontre un écho parti-
culier, en raison du poids persistant des inégalités Pour adapter le système éducatif à ces nouveaux
dans la réussite scolaire, et des critiques suscitées par enjeux, la loi de refondation de 2013 se donne comme
la prééminence accordée aux savoirs académiques. objectif « d’engager fortement l’Éducation nationale
Pour y remédier, la loi d’orientation de 2013 opte pour dans l’accompagnement des évolutions profession-
une approche différente, portée par les nouvelles nelles grâce à une formation initiale et continue de
écoles supérieures du professorat et de l’éducation qualité ». Car « enseigner est un métier exigeant qui
(ÉSPÉ) : l’article L. 721-2 du Code de l’Éducation inscrit s’apprend » et se perfectionne tout au long de la
leurs missions dans une perspective plus ouverte, qui carrière. La formation est, dès lors, pensée comme un
veut mieux articuler formations initiale et continue, continuum, ce que confirme le référentiel des compé-
acquisition d’une culture professionnelle partagée et tences des métiers du professorat et de l’éducation de
enseignements spécifiques, aspects disciplinaires et 2013 : « Ces compétences s’acquièrent et s’approfon-
didactiques et place de la pédagogie et des sciences dissent au cours d’un processus continu débutant en
de l’éducation. La formation devient ainsi un levier formation initiale et se poursuivant tout au long de la
d’action majeur, favorisant l’émergence d’une culture carrière par l’expérience professionnelle accumulée
professionnelle commune. et par l’apport de la formation continue » 2.

1 
Le rôle crucial des enseignants : attirer, former et retenir 2 Arrêté du 1/07/2013, Référentiel des compétences des métiers
des enseignants de qualité, rapport de l’OCDE, 2005, p. 2. du professorat et de l’éducation, BO du 25/07/2013.

SOMMAIRE
38 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

S’affirme ainsi l’idée que la maîtrise des savoirs La formation continue, qui devient ainsi « constitu-
académiques – essentielle — ne saurait suffire, mais tive du métier d’enseignant » 4, permet une prise de
doit se combiner avec l’acquisition et le développe- distance réflexive sur ce qui se passe en classe d’un
ment de savoirs professionnels variés grâce auxquels point de vue disciplinaire et didactique, mais aussi et
les enseignants vont pouvoir mieux prendre en surtout pédagogique. C’est, en effet, sur ce point que
compte l’origine sociale et culturelle des élèves en les enseignants français se disent insuffisamment
proposant des méthodes pédagogiques plus explicites formés, qu’il s’agisse des contenus à enseigner ou des
et différenciées. pratiques de classe 5, nécessairement dépendants des
contextes d’exercice.
De façon plus large, ces savoirs sont également de
nature à les ouvrir sur l’environnement de la classe Une analyse et un enrichissement des pratiques au
en situant leur action dans une perspective de travail contact de la recherche, par les échanges entre collè-
collectif (au sein de l’établissement) ou partenarial gues ou l’usage des ressources disponibles, sont donc
(avec les familles, les structures extérieures…). essentiels. Le référentiel des compétences profession-
nelles des métiers du professorat et de l’éducation de
Avec la mise en place des écoles supérieures du 2013 le précise à la compétence 14. L’identification
professorat et de l’éducation (ÉSPÉ), « écoles internes des besoins de formation, et l’actualisation des
aux universités », la formation initiale couple haut connaissances qui en résultent, permettent non
degré d’exigences – un master professionnel est seulement de « réinvestir les résultats de sa réflexion
requis, avec l’admission au concours, pour exercer – et dans l’action » mais aussi de « s’engager dans des
lien avec la recherche – dans le cadre des maquettes projets et des démarches d’innovation pédagogique
de formation élaborées par chaque université. Dans visant à l’amélioration des pratiques ». Ces pratiques
ce nouveau dispositif, des équilibres se cherchent gagnent à s’adosser aux travaux universitaires, natio-
entre les « savoirs à enseigner », qui font la part belle naux et internationaux, qui permettent d’actualiser
aux disciplines universitaires, et les « savoirs pour les connaissances sur des thématiques données 6.
enseigner ». Des stages en observation – quatre à six Les ÉSPÉ contribuent également au développement
semaines lors de la première année de master – puis et à la promotion de ces méthodes pédagogiques
en responsabilité – à mi-temps lors de la deuxième innovantes.
année, donc après l’obtention du concours – doivent
les sensibiliser notamment aux enjeux de l’entrée Complémentaire au développement professionnel
des élèves dans les apprentissages, et à la prise en individuel, c’est ainsi l’idée d’une culture commune
compte de la difficulté scolaire dans le contenu des à tous les professionnels qui émerge progressivement,
enseignements. dans un contexte encore fortement marqué par les
logiques individuelles.
« Cela suppose, d’abord, que les futurs enseignants
soient dotés du bagage nécessaire pour assumer leur
mission, en prenant les élèves tels qu’ils sont – un L’ÉMERGENCE D’UNE CULTURE
ensemble hétérogène confronté à de multiples défis PROFESSIONNELLE COMMUNE
qui handicapent souvent leur parcours éducatif –
et non tels qu’ils sont rêvés par l’institution. Cela Le primat désormais accordé à une vision globale de la
implique, ensuite, que les enseignants acquièrent dès formation, la réaffirmation de l’objectif d’une culture
leur entrée dans le métier l’aptitude et l’appétence commune à tous les acteurs de l’éducation, conduit
à interroger et faire évoluer leurs pratiques pédago- à repenser la place rÉSPÉctive des intervenants qui
giques, avec une ambition équivalente à celle qu’ils
manifestent pour leur compétence disciplinaire, dans
une posture d’apprentissage permanent » 3.
4 Rapport Filâtre, p. 9.
5 DEPP, « TALIS 2013-La formation professionnelle
des enseignants est moins développée en France que
dans les autres pays », note d’information n° 22, juin 2014.
6 C’est notamment la première recommandation de
3 Rapport n° 4075 d’information de la Commission la Conférence nationale sur l’évaluation, qui indique
des affaires culturelles et de l’éducation, en conclusion qu’une meilleure connaissance, par les enseignants,
des travaux de la mission d’information sur la formation des biais d’évaluation conduiraient à des méthodes
des enseignants, 5 octobre 2016, p. 10. d’évaluation plus efficaces.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 39

gravitent dans et autour de l’école. Comme le relève nécessaires aux débats des nouvelles problématiques
M. Menard, « ce rapprochement entre des métiers ou scientifiques et sociétales 7.
des niveaux d’enseignement qui aujourd’hui encore
s’ignorent trop largement est absolument décisif, Cela amène à reconsidérer les modalités de la forma-
conditionnant le succès même de la refondation de tion continue, jugées souvent peu satisfaisantes. Dans
l’école dont la réussite repose sur le développement un référé récent, la Cour des comptes suggère ainsi
de projets transversaux et interdisciplinaires facili- de ne pas la restreindre à l’accompagnement des
tant les liaisons entre les différents degrés de l’ensei- réformes et à la préparation des concours internes
gnement, de la maternelle au premier cycle universi- mais de l’envisager comme contribuant au déve-
taire » (rapport, p. 22). loppement professionnel des acteurs 8. Pour qu’elle
soit davantage investie par eux, encore faut-il qu’elle
L’annexe de la loi de 2013 évoque cette culture réponde à leurs préoccupations, telles qu’ils les
commune en ces termes : « Afin d’assurer au mieux énoncent, de la place et dans le contexte d’établisse-
leurs missions de formation initiale et continue, les ment – ou de réseau – où ils se trouvent. Le rapport
[ÉSPÉ] assureront des enseignements transversaux, Filâtre (2016) souligne également l’importance de
formeront les futurs enseignants aux outils numé- cette démarche « intégrative », qui doit « retraduire
riques et, par la mise en pratique, sensibiliseront au des réformes ou des évolutions pédagogiques ou
travail en équipe, aux approches multidisciplinaires éducatives à partir des activités professionnelles exis-
et aux approches avec d’autres acteurs que ceux de tantes pour en faire des éléments utiles, utilisables et
l’Éducation nationale ». acceptables pour les destinataires des formations. Et
de la même manière, la diffusion de l’innovation doit
Le référentiel de 2013 en décline les éléments. prendre en compte les univers sociaux et profession-
Pour accompagner au mieux chaque élève dans nels des enseignants et autres personnels » 9.
la construction de son parcours de formation, les
enseignants et les CPE doivent prendre en compte les C’est dire combien l’émergence d’une culture profes-
concepts fondamentaux relatifs au développement sionnelle commune dépend de la capacité des acteurs
de l’enfant et de l’adolescent, ainsi que ceux relatifs institutionnels, de la recherche et de la formation,
aux processus et mécanismes d’apprentissage. Une à proposer des accompagnements pertinents, au
attention particulière doit être portée aux dimensions plus près du terrain. À cette fin, de nouveaux lieux
cognitive, affective et relationnelle de l’enseignement et dispositifs de formation émergent dans l’objectif
et de l’action éducative. Différenciation pédagogique de développer une analyse collective de l’activité
en fonction des rythmes d’apprentissage et des enseignante 10.
besoins de chacun, attention portée à l’intégration
des compétences transversales par les élèves, déve-
loppement des échanges et de la coopération entre UNE APPROCHE RENOUVELÉE DE L’ÉTHIQUE
eux, relations aux familles et aux partenaires, sont PROFESSIONNELLE ENSEIGNANTE
autant de compétences professionnelles attendues
qui nécessitent une formation adéquate. Celle-ci est Les évolutions récentes du système éducatif ont
mise en œuvre, dans les ÉSPÉ, dans le cadre du « tronc conduit, ces dernières années, à un intérêt nouveau
commun ». pour les questions de déontologie et d’éthique des
acteurs scolaires, en particulier des enseignants. Dès
Pour F.-X. Gauthier, le passage d’une identité disci-
plinaire à une culture partagée est le pendant de la
culture commune dispensée aux élèves : « si l’on veut 7 Rapport précité, « Que doit-on apprendre à l’école ? »
que le socle commun de connaissances, de compé- p. 69-70.

tences et de culture (et non de disciplines) joue le 8 Référé n° 71653 du 30 janvier 2015 sur la formation
continue des enseignants, cité par Menard M., p. 62.
rôle que l’on attend de lui, les professeurs doivent
9 Comité de suivi de la réforme de la formation des
eux-mêmes, quelles que soient leurs disciplines, enseignants et des personnels d’éducation, Vers un nouveau
acquérir une culture générale commune qui permette modèle de formation tout au long de la vie : rapport sur la
un échange plus approfondi ». Il recommande que formation continue, sous la direction de Filâtre D., académie
de Versailles, novembre 2016, p. 27.
soit dispensée une formation initiale et continue à la
10 Ria L., « Transformer les savoirs à enseigner en sources
psychologie des apprentissages, alliant apports théo- de motivation pour les élèves », Entretien avec Guyon R.,
riques et analyses de pratiques, ainsi qu’aux savoirs Diversité, 2014, n° 177, pp. 9-15.

SOMMAIRE
40 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

lors que les publics scolaires changent, dès lors que le conduite à adopter dans l’intérêt à long terme de
statut ne suffit plus à asseoir l’autorité professorale et l’élève » 12.
que le sentiment d’injustice ose se dire, dès lors que
de nouveaux défis éducatifs émergent qui s’ajoutent Cette référence à l’intérêt de l’élève évoque immé-
aux tâches habituelles, ce qui était admis – ou acquis diatement la notion de bienveillance, qui s’est
– cesse de l’être. Par ailleurs, l’école n’échappe pas à progressivement imposée dans le champ éducatif –
l’injonction du rendre compte – elle-même corrélée non sans susciter quelques polémiques. Disposition
aux notions d’efficacité, d’efficience, de performance, favorable envers quelqu’un, elle « signifie l’adoption
de management –, qui s’est peu à peu déployée dans par les enseignants et les personnels d’éducation de
le champ de l’action publique. postures professionnelles favorables aux apprentis-
sages des élèves, soucieuses de penser et de travailler
En ce qu’ils rendent leurs pratiques quotidiennes plus les obstacles susceptibles d’entraver la motivation
incertaines, ces changements donnent lieu, chez les scolaire » 13. La bienveillance appelle considération et
enseignants, à des doutes, voire à des « malaises » reconnaissance d’autrui, ce que le référentiel traduit
qu’analyse A. Barrère dans son dernier ouvrage 11. dans les objectifs suivants : « Accorder à tous les
élèves l’attention et l’accompagnement appropriés »,
Le référentiel des compétences professionnelles de « éviter toute forme de dévalorisation à l’égard des
juillet 2013 fait référence à l’éthique à deux reprises. élèves, des parents, des pairs et de tout membre de
Rappelant que professeurs et CPE sont acteurs du la communauté éducative », « se mobiliser et mobi-
service public d’éducation, chargés de transmettre liser les élèves contre les stéréotypes et les discri-
et de faire rÉSPÉcter les valeurs de la République, il minations de tout ordre, promouvoir l’égalité entre
précise qu’ils « agissent dans un cadre institutionnel les filles et les garçons, les femmes et les hommes »,
et se réfèrent à des principes éthiques et de responsa- « contribuer à assurer le bien-être, la sécurité et la
bilité qui fondent leur exemplarité et leur autorité ». sûreté des élèves […] », « contribuer à identifier tout
signe de comportement à risque et contribuer à sa
Ces principes prennent nécessairement appui sur un résolution », ou encore « rÉSPÉcter la confidentialité
cadre déontologique renvoyant, dans le référentiel, des informations individuelles concernant les élèves
aux principes fondamentaux du système éducatif, aux et leurs familles ».
lois et règlements qui gouvernent l’organisation et le
fonctionnement de l’institution scolaire, aux droits et Un récent ouvrage collectif consacré à ce sujet tente
obligations des fonctionnaires ainsi qu’aux statuts qui de préciser les contours de cette « éthique de l’alté-
les régissent. La responsabilité des enseignants est rité » 14, caractérisée par une attention plus grande
alors de connaître et d’appliquer ces prescriptions, aux besoins psychosociaux des élèves – appréhendés
auxquelles s’ajoutent l’ensemble des textes encadrant dans leur singularité – mais aussi, et surtout, par la
l’exercice de leur métier (programmes disciplinaires, construction d’une relation pédagogique propice à
textes relatifs au socle commun…). leurs apprentissages. Elle signifie que tous les élèves
sont capables de progresser, à condition de leur
Cela ne suffit cependant pas à répondre à la diver- montrer de la considération, de prendre en compte
sité des situations professionnelles que les acteurs d’où ils partent – y compris pour les plus vulnérables
scolaires rencontrent quotidiennement – notamment d’entre eux – et de mettre en place des contextes d’en-
dans la relation aux élèves – et qui les conduisent à seignement (et d’évaluation) qui leur permettent de
s’adapter, y compris en s’éloignant du prescrit. « En se mobiliser sur les tâches scolaires. L’éducateur bien-
contexte scolaire, dans l’urgence qu’impose parfois la veillant est celui qui veille bien à ce que les attentes
prise de décision, l’éthique est cet espace de réflexion, soient à la fois élevées et atteignables. Croire en la
même très fugace, qu’ouvre et investit l’enseignant,
le CPE ou le personnel de direction, par sa conscience
et sa réflexion. Elle peut être assimilée à cette aire 12 Marsollier C., « L’éthique relationnelle : une responsabilité
de questionnement et de délibération de la meilleure majeure pour l’enseignant », in L’éthique relationnelle.
Une boussole pour l’enseignant, coll. « Maîtriser »,
éd. Canopé, 2016, p. 24.
13 Jellab A., « Les conditions d’une école bienveillante »,
Diversité, hors-série n° 16, novembre 2015, p. 49.
14 Moll J., « L’éthique de la relation : un pari pour l’humain »,
11 Barrère A., Au cœur des malaises enseignants, A. Colin, 2017. ibid., p. 16.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 41

capacité de l’enfant à y arriver, c’est lui proposer des


activités qui le mettent au défi, qui lui permettent de
se dépasser, de s’élever. Pour cela, il ne faut pas rester
à son niveau, mais il faut mettre à sa portée : « être
à la portée » est une posture de la bienveillance […].
Ces attentes élevées sont indispensables : les élèves
pauvres ne sont pas de « pauvres élèves » qui ne pour-
raient y souscrire ; il en va d’une posture éthique. Des
attentes élevées sont bienveillantes, dans le sens où
elles sont le contraire du mépris qui consisterait à
dire : « ce n’est pas pour toi, tu n’as pas le niveau » 15.

Il s’agit d’évacuer, par là même, la réduction de


l’éthique enseignante à l’expression de « bons senti-
ments » dont la limite s’éprouve souvent rapidement
au contact d’élèves perturbateurs. Si la qualité des
interactions scolaires est essentielle, elle ne suffit
cependant pas. A. Jellab relève que c’est « bien l’exi-
gence intellectuelle combinant compréhension des
difficultés cognitives et mise en activité des élèves qui
doit être au centre d’une école bienveillante. Celle-ci
doit amener les élèves à réfléchir, à se mettre en acti-
vité, à s’engager dans des apprentissages scolaires
mais aussi à se penser comme capables de se projeter
dans un avenir social et personnel » 16.

Pour F. Lorcerie, c’est pour cela que « l’éthique profes-


sionnelle des enseignants est à considérer comme
une composante de la compétence enseignante.
Il faut donc lui faire une place en formation. Être
enseignant implique d’adopter des postures et d’en-
gager des pratiques à l’égard d’autrui qui ne sont pas
forcément en place antérieurement ; et de s’y référer
avec ses collègues ou ses partenaires pour ajuster
les coordinations au sein des équipes ». Constatant
que les enseignants s’appuient essentiellement sur
leur biographie personnelle pour définir les principes
éthiques qui guident leur action, elle plaide ainsi pour
un « référentiel axiologique formel » 17 qui aille plus
loin que le référentiel des compétences profession-
nelles de 2013.

15 Bablet M. « Pour une école bienveillante », Diversité,


hors-série n° 16, novembre 2015, p. 36.
16 Jellab. A., « Les conditions d’une école bienveillante »,
ibid., p. 49.
17 Lorcerie F., « La place vacante de l’éthique professionnelle
dans la formation des enseignants », Formations,
(Trans)formations : enjeux et perspectives pour l’éducation,
in Diversité n° 177, 2014, p. 91.

SOMMAIRE
L’AMBITION
D’NE RÉUSSITE
ÉDUCATIVE GLOBALE

Le recours, depuis les années quatre-vingt-dix, à Dans ce contexte, la place des partenaires de l’école
la notion de réussite globale traduit une approche est reconsidérée. Avec les parents, qui jouent un rôle
nouvelle, d’ailleurs confortée par l’introduction premier dans la réussite éducative, il est désormais
progressive d’autres notions qui y sont liées (persévé- question de co-éducation. Du côté des acteurs insti-
rance scolaire, bien-être, bienveillance) : la centration tutionnels et locaux, l’ambition est de mieux articuler
sur une action éducative globale, à la fois volontariste les politiques éducatives mises en œuvre, en particu-
et coordonnée, en vue de favoriser le développement lier dans les territoires les plus défavorisés.
personnel et social des enfants et des adolescents qui
y sont soumis. Ainsi le pacte pour la réussite éducative
de 2013 la définit comme « la recherche du dévelop- LES PARENTS, CO-ÉDUCATEURS
pement harmonieux de l’enfant et du jeune. Elle est ET PARTENAIRES ESSENTIELS DE L’ÉCOLE
plus large et englobante que la seule réussite scolaire
et tend à concilier l’épanouissement personnel, la Les relations entre l’école et les parents sont au centre
relation aux autres et la réussite scolaire. Elle permet de toutes les attentions depuis une trentaine d’an-
l’articulation de tous les temps de l’enfant et du jeune nées. De nombreuses études ont été menées pour
et vise à leur donner les moyens de s’intégrer pleine- mieux comprendre les malentendus qui les mettent
ment dans la société. Elle s’adresse prioritairement à mal 4, malentendus d’autant plus problématiques
à ceux qui sont le plus en difficulté et dans les terri- qu’ils peuvent impacter la réussite des enfants. C’est
toires les plus défavorisés » 1. particulièrement vrai dans la relation aux familles
en situation de pauvreté qui, craignant de ne pas
Cette vision « écosystémique » 2 est confortée par la recevoir la même considération que les autres, se
réforme du collège qui permet, par les parcours, de ne tiennent prudemment à distance de l’institution
pas limiter le regard sur les élèves à la seule confor- scolaire 5. Du côté de celle-ci, les représentations et
mité aux attendus scolaires mais veut aussi valoriser les discours hésitent entre critique de la prétendue
leurs expériences et leurs engagements person- démission parentale et refus de tout intervention-
nels. Ce faisant, « l’école ancre ses missions dans nisme des familles dans la sphère pédagogique.
un ensemble plus large où les apprentissages et les Dans un contexte où le parent n’est plus seulement
compétences ne se construisent plus exclusivement usager mais peut se comporter en « consommateur »
en référence à la norme scolaire mais constituent des – surtout lorsqu’il maîtrise les normes et les codes
éléments à prendre en considération pour « sécula- scolaires –, l’école est tentée d’opposer une fin de
riser », d’une certaine manière, son action : développer non-recevoir à des demandes qui, même légitimes,
le goût d’entreprendre, l’esprit d’initiative et la prise sont vécues comme une intrusion inacceptable. En
des responsabilités en est une illustration » 3. définitive, « chacun a tendance à juger l’autre à partir
de ses propres catégories de perception, érigées en
catégories universelles alors qu’elles sont socialement
situées » 6.

1 Pacte pour la réussite éducative, Ministère délégué


à la réussite éducative, novembre 2013. 4 Dubet F., École, familles : le malentendu, éd. Textuel, Paris, 1997.
2 Feyfant A., « Réussite éducative, réussite scolaire ? », 5 Rapport de Delahaye J.-P., op. cit., p. 137.
Note de veille de l’IFÉ, février 2014, p. 16 et sq. 6 Bernardin J., « Bien veiller aux parents… », Diversité,
3 Bisson-Vaivre C., op. cit., p. 15. hors-série n° 16, novembre 2015, p. 39.

SOMMAIRE
44 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Pour tenter d’y remédier, les textes législatifs et régle- meilleure compréhension du parcours scolaire dans
mentaires se succèdent depuis la loi d’orientation sa globalité.
sur l’éducation du 10 juillet 1989, qui a consacré la
place des parents comme membres à part entière de Un récent rapport d’information consacré aux rela-
la communauté éducative comprenant « les élèves tions entre l’école et les parents définit la co-éduca-
et tous ceux qui, dans l’établissement scolaire ou en tion comme une « forme aboutie de coopération
relation avec lui, participent à l’accomplissement de entre les parents et les enseignants au profit de la
ses missions ». Cette place n’a cessé d’être réaffirmée réussite des enfants, dans le rÉSPÉct des prérogatives
depuis, de nouveaux droits individuels et collectifs de chacun » 9. Dans ce partage des responsabilités
ont été énoncés. La loi d’orientation de 2005 insiste éducatives, la place première du parent ne saurait
ainsi sur la nécessité « d’une véritable éducation être discutée : il « a la responsabilité de son enfant,
concertée avec les parents », intégrant l’ensemble des l’école a la responsabilité de la scolarisation de l’élève.
dispositifs et partenaires susceptibles de contribuer à Quand l’éducation est partagée, il importe de définir
la réussite éducative. les conditions de la co-éducation dans un rÉSPÉct
mutuel du rôle de chacun. Il s’agit précisément de
L’annexe de la loi du 8 juillet 2013 fait de la co-éduca- poser le cadre de la contribution des deux parties,
tion « un des principaux leviers de la refondation de école et parents, dans un champ éducatif complémen-
l’école. Elle doit trouver une expression claire dans taire en tenant compte de la maturité des élèves » 10.
le système éducatif et se concrétiser par une partici- Dans le même sens, la députée V. Corre relève que
pation accrue des parents à l’action éducative dans la construction d’une alliance éducative « doit être
l’intérêt de la réussite de tous les élèves. Il convient fondée sur une reconnaissance réciproque bienveil-
de reconnaître aux parents la place qui leur revient au lante des compétences et des apports de chacun ainsi
sein de la communauté éducative ». L’article L. 111-1 que sur une confiance mutuelle et une égale dignité
du Code de l’éducation dispose que « pour garantir en ce domaine » 11.
la réussite de tous, l’école se construit avec la parti-
cipation des parents, quelle que soit leur origine La co-éducation est donc rapprochement autour
sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue d’une visée commune : la réussite de l’enfant en ce
et la coopération entre tous les acteurs de la commu- qu’il est notamment un élève, et sera un futur citoyen.
nauté éducative ». Elle nécessite de définir ensemble ce qui, au-delà des
intérêts particuliers, y contribuera. Pour P. Meirieu,
À leur suite, la circulaire interministérielle du par le nouveau « contrat scolaire » qu’il appelle de ses
15 octobre 2013 7 réaffirme que la participation des vœux, « il s’agit de chercher comment « faire réussir
parents à l’action éducative est déterminante pour la l’École » pour faire réussir tous les élèves et non plus
réussite des élèves et le climat scolaire. Elle identifie de faire réussir ses propres enfants en se désin-
plusieurs leviers d’action possibles : rendre effectifs téressant de l’avenir de l’École. Il s’agit d’assumer
les droits d’information et d’expression des parents la mission proprement pédagogique de l’École, sa
(invitations régulières, usage des outils numériques, rupture avec l’univers familial et la possibilité donnée
aménagement des « espaces-parents »), développer à toutes et tous d’accéder à des savoirs rigoureux, à
des partenariats et des actions d’accompagnement à l’argumentation rationnelle et à la possibilité de la
la parentalité. Le référentiel pour l’éducation priori- confrontation sereine avec les autres pour construire
taire du 16 janvier 2014 8 confirme ces orientations, en le bien commun » 12.
promouvant de nouvelles mesures comme l’entretien
personnalisé conduit avec les parents en amont de la
sixième, l’organisation de journées portes ouvertes, la
mise en place d’actions d’information ou d’échanges
permettant aux parents d’aider leur enfant par une
9 Rapport d’information n° 2117, déposé par la Commission
des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée
nationale, et présenté par Corre V., juillet 2014, p. 127.
10 Guide méthodologique « Accompagner le développement
des espaces-parents dans les établissements
7 Circulaire n° 2013-142 du 15/10/2013, Renforcer la d’enseignement scolaire ».
coopération entre les parents et l’école dans les territoires. 11 Fotinos G., op. cit., p. 72.
8 Circulaire n° 2014-077 du 04/06/2014, Refondation de 12 Meirieu P., « Pour un nouveau contrat entre l’école
l’éducation prioritaire, BO n° 23 du 5/06/2014. et les parents », p. 113.

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 45

Assumer la responsabilité pédagogique de l’École, corps enseignant – peuvent y contribuer, à condition


c’est permettre aux parents d’accéder à une compré- toutefois de s’inscrire dans une démarche de réelle
hension plus fine de ce qui s’y fait. « On a vu que réciprocité d’action 16.
les parents les plus éloignés de l’école étaient
dans le flou quant aux contenus, programmes et Des mesures nouvelles se dégagent des derniers
méthodes, mais aussi quant aux attendus à leur textes, qui ont également pour objectif de renforcer
égard. L’accompagnement sans repère autre que l’implication des parents :
leur expérience passée peut soumettre l’enfant à –– La reconnaissance, par le décret n° 2016-1574
des demandes contradictoires ou contribuer à des du 23 novembre 2016 17, du statut de « parent
malentendus cognitifs. D’où l’importance d’expli- délégué », déjà évoqué dans le rapport « Refondons
citer les modalités de travail à l’école en lien avec les la République » de 2012. Il prévoit notamment le
finalités poursuivies afin que l’appui des parents aille versement d’une indemnité aux représentants des
– de façon complémentaire mais spécifique – dans le parents d’élèves qui, n’étant ni salariés, ni agents
même sens » 13. C’est d’autant plus nécessaire que les publics, ne bénéficient pas du congé de représen-
réformes se succèdent, chacune contribuant à rendre tation et ne sont par conséquent ni rémunérés,
le système éducatif plus complexe, et sa compréhen- ni indemnisés lorsqu’ils siègent dans les conseils
sion plus ardue. départementaux, régionaux, académiques et natio-
naux. Les frais de déplacement sont aussi pris en
Pour encourager la participation des parents au charge.
fonctionnement de l’école, V. Corre propose que –– L’accent mis sur la formation des personnels, ensei-
cette alliance repose sur un cadre qui ne se contente gnants et non-enseignants, aux enjeux de la rela-
pas d’encourager les bonnes pratiques mais œuvre tion école-parents. Elle doit, d’une part, les sensi-
à leur généralisation 14. Certaines, comme la remise biliser à des réalités sociologiques et éducatives
personnalisée du bulletin périodique ou l’usage différentes de leur propre vécu social et culturel et,
de l’ENT, assurent que les parents ont accès à des d’autre part, aider au développement d’attitudes
informations précises sur la scolarité de leur enfant. et de gestes professionnels (conduite d’entretiens
D’autres s’inscrivent dans une perspective plus individuels, gestion des conflits). La formation des
collective. L’usage du dispositif appelé « mallette des représentants des parents d’élèves est également
parents » est ainsi appelé à se développer 15, dans le préconisée.
premier comme dans le second degré. Il en va de
même des « espaces-parents » (article L. 521-4 du En définitive, la transcription du principe de co-éduca-
Code de l’éducation), lieux dédiés aux rencontres indi- tion dans le fonctionnement quotidien de l’établisse-
viduelles et collectives qui facilitent la participation ment scolaire repose indubitablement sur la capa-
des parents, leurs échanges avec les acteurs scolaires cité de tous ses acteurs à faire émerger un consensus
dans un cadre convivial. De la même façon que pour autour des valeurs éducatives essentielles et à iden-
les « Cafés des parents », le fonctionnement de ces tifier les leviers d’action pertinents. Elle suppose une
espaces repose sur l’idée que « l’école a ce devoir de écoute rÉSPÉctueuse des points de vue, des temps
faire le premier pas, d’aller au-devant des parents et des lieux d’accueil propices à des échanges, un
qui, par leur histoire personnelle, leur représentation usage démocratique des instances, dont la réussite
de l’institution, leurs craintes, n’osent pas franchir repose sur une mobilisation collective pérenne et
le seuil de la porte ». La mise en place d’un espace constructive.
identifié et aménagé de façon agréable, son animation
par un professionnel formé – peut-être extérieur au

13 Bernardin J., op. cit., p. 45.


14 Corre V., « Pour un dialogue école/parents apaisé et durable
au profit de la réussite de tous les élèves », in Fotinos G.,
p. 105. Elle reprend ici des éléments développés dans le 16 P. Périer, « Espaces et seuils dans les relations entre
rapport, p. 61. les familles et l’école. Quels lieux de reconnaissance
15 Il s’agit d’un kit constitué d’un DVD et de fiches pour les parents ? », p. 43-49.
thématiques sur lesquels les équipes d’un collège 17 Décret n° 2016-1574 du 23 novembre 2016 relatif
peuvent s’appuyer lors des rencontres-débats, aux représentants des parents d’élèves siégeant dans
d’entretiens individuels avec les parents d’élèves. les conseils départementaux, régionaux, académiques
Voir le site : www.malette.des.parents.onisep.fr et nationaux, JO n° 0274 du 25 novembre 2016.

SOMMAIRE
46 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

LA PLACE CROISSANTE et portent le projet de réseau. Ils y sont aidés par


DES ACTEURS INSTITUTIONNELS le coordonnateur, qui veille à la mise en œuvre des
décisions prises en intervenant sur les deux niveaux
La préférence donnée à une approche globale oblige, d’enseignement.
notamment en éducation prioritaire, à mieux struc-
turer les partenariats pour qu’ils ne soient pas, selon « L’animation du réseau et son pilotage sont détermi-
l’expression de P. Meirieu, additionnels mais systé- nants pour guider, coordonner, au besoin réorienter
miques : il s’agit de « chercher, dans un système avec constance et détermination ce travail collectif. Le
complexe de facteurs toujours profondément liés, pilotage crée les conditions du suivi de l’action menée
celui ou ceux qui, à un moment donné, permettront et de ses effets et des relations du réseau avec ses
à un sujet de reconstituer son écosystème et de partenaires. Il participe au sentiment positif d’appar-
retrouver son équilibre. La rencontre des différents tenance en valorisant en interne et vers l’extérieur le
partenaires, la connaissance réciproque de leurs travail effectué » 20.
actions spécifiques, l’analyse commune des mêmes
situations sont alors éminemment nécessaires, mais Ces différents acteurs et ceux qui composent le
dans la mesure où elles permettent d’identifier ce comité – directeurs d’école, enseignants, CPE – doivent
qui apparaît comme l’entrée ou les entrées à privi- apprendre à se connaître et à travailler en bonne intel-
légier à un moment donné. Évidemment, il y aura ligence. Ils doivent communiquer, à partir de cultures
toujours une forme de pari dans ce choix car un sujet professionnelles différentes, pour parvenir à dégager
n’est pas réductible à ce que nous savons de lui ; de des axes communs. La présence de personnels d’en-
plus, il continue à vivre en même temps que nous cadrement permet de donner tout son sens au carac-
et des facteurs nouveaux peuvent apparaître dans tère essentiellement pédagogique de la refondation.
son histoire toujours en mouvement. C’est pourquoi Elle peut favoriser l’émergence de questionnements
ce partenariat, que nous pouvons nommer « systé- centrés sur les apprentissages des élèves, questionne-
mique », doit s’inscrire dans le temps : il faut pouvoir, ments qui révèlent des besoins en formation.
régulièrement, observer avec les personnes concer-
nées comment les choses évoluent et les ajuster si En outre, ces acteurs institutionnels ont aussi à faire
nécessaire » 18. connaître les objectifs du réseau aux partenaires de
l’école qui sont impliqués dans la prise en charge des
La complexification des enjeux et des problématiques élèves en lien avec la politique de la ville. La réduc-
scolaires impacte logiquement les champs d’action tion des écarts de développement au sein des villes,
de tous les acteurs concernés, dans et hors l’éta- la restauration de l’égalité républicaine dans les quar-
blissement. Dans l’établissement, elle renouvelle la tiers défavorisés et l’amélioration des conditions de
réflexion sur le leadership pédagogique de la direc- vie des habitants appellent une mise en œuvre inter-
tion, mais amène aussi les enseignants à regarder ministérielle de celle-ci.
au-delà de la classe. En dehors de l’établissement, elle
élargit le domaine d’intervention des corps d’inspec- Dans cette optique, des conventions interministé-
tion, désormais centré sur l’accompagnement péda- rielles d’objectifs sont signées en faveur des quartiers
gogique des équipes, dont ils peuvent être référents 19. populaires prioritaires. Celle signée entre le ministère
de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et le minis-
De la même façon, la refonte de l’éducation prioritaire tère de l’Éducation nationale, pour 2016-2020, s’ap-
de 2014 accorde une place centrale du réseau. Son puie sur la refondation de l’école de la République et
pilotage et son animation reposent sur une direction sur la réforme de l’éducation prioritaire. Elle prévoit
« tricéphale » : principal du collège, IEN de la circons- notamment :
cription et IA-IPR référent. Ce sont eux qui, en tant –– pour améliorer les résultats scolaires, le déploie-
que responsables du comité de pilotage, définissent ment des programmes de réussite éducative dans
les REP + et en direction du public collégien, celui
des parcours d’excellence et des cordées de la
18 Meirieu P., « Le partenariat : usine à gaz ou levier réussite, l’amélioration de la complémentarité
pour l’action ? », Le Café pédagogique, 6 mai 2016
(à consulter en ligne).
19 Sur cet aspect : Adam-Maillet M. Jellab A., Pour un
établissement scolaire équitable, Berger-Levrault,
Boulogne-Billancourt, 2017, pp. 83-86. 20 Site de l’Éducation prioritaire, rubrique « Agir ».

SOMMAIRE
lE CONTEXTE De REFONDATION DU SYSTÈME ÉDUCATIF 47

des actions éducatives (et de la participation des les dispositifs mis en place au sein de l’école elle-
parents) ; même : pour n’évoquer que le collège, les programmes
–– pour lutter contre les inégalités dans les domaines personnalisés de réussite éducative (PPRE, depuis
artistique et culturel, la mise en œuvre de disposi- 2005), l’accompagnement éducatif (AE, depuis 2008)
tifs complémentaires au PEAC ; et l’accompagnement personnalisé, d’abord en 6e (AP,
–– pour mieux prévenir le décrochage scolaire, la depuis 2010).
mise en place de parcours aménagés en formation
initiale et d’alliances éducatives renforcées avec Claude Bisson-Vaivre présente, dans un article récent,
les ÉPLE. les dynamiques à l’œuvre. Prenant l’exemple du
décrochage, il montre comment l’urgence d’agir sur
des situations à la fois complexes et problématiques
L’APPUI INDISPENSABLE pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes
DES PARTENAIRES LOCAUX concernés conduit « à une restructuration progres-
sive de l’accompagnement de l’élève, en acceptant
Dans sa définition actuelle, la réussite éducative d’introduire d’autres acteurs ou d’exploiter d’autres
promeut une certaine conception de l’acte éducatif compétences que celles et ceux rencontrés dans le
en en faisant un acte d’éducation globale qui prenne cadre strictement scolaire » 22. Ces alliances éduca-
en compte à la fois l’unicité de l’enfant/l’adolescent et tives doivent, en lien avec l’établissement scolaire,
le territoire au sein duquel il s’inscrit. En mettant en permettre de fédérer les actions des différents acteurs
avant l’approche globale de l’enfant, la démarche de qui tentent d’éviter le décrochage ou œuvrent au
« réussite éducative » entend contribuer à articuler la raccrochage.
classique et traditionnelle distinction entre « instruc-
tion » et « éducation » 21. La convergence et la complémentarité des interven-
tions sont, dans ce contexte de foisonnement des
Cette territorialisation n’est pas récente : des contrats acteurs impliqués dans la réussite éducative, primor-
éducatifs locaux apparaissent dès 1998 ; avec la mise diales. Il s’agit de « nouer des solidarités, fondées
en place des programmes de réussite éducative sur la conjugaison des compétences et des respon-
(PRE) en 2005, priorité est donnée à la construction sabilités sur un territoire et non plus seulement sur
de parcours personnalisés, grâce à l’action coor- leur juxtaposition » 23. Ce croisement indispensable
donnée d’équipes pluridisciplinaires de soutien. Leur des regards suppose que s’établissent des relations
connaissance de l’enfant ou du jeune et du contexte empreintes de rÉSPÉct et de confiance. La place et le
dans lequel il évolue doit permettre d’apporter des rôle de chacun doivent être connus de tous. Des règles
réponses ciblées et pertinentes à ses difficultés et/ou et des cadres de travail doivent être fixés de manière
besoins. Ces PRE viennent en complément des dispo- collective pour permettre que ces cultures profes-
sitifs d’accompagnement déjà existants et qui n’ont sionnelles différentes initient des parcours éducatifs
cessé de se multiplier : plans éducatifs locaux (PEL), cohérents et de qualité.
contrats d’accompagnement à la scolarité (CLAS),
ateliers santé ville (ASV), par exemple. Dans ce sens, la loi d’orientation de 2013 prévoit la
mise en place de projets éducatifs territoriaux (article
Chacun d’eux s’empare, à son niveau et à sa façon, L551-1 du Code de l’éducation). Mobilisant l’ensemble
de domaines aussi divers que l’accompagnement des acteurs disponibles (services de l’État, écoles
scolaire, la promotion de la santé, le développement et ÉPLE, collectivités territoriales, associations), ils
d’actions sportives, artistiques et culturelles, l’aide permettent d’organiser – sur la base d’un diagnostic
à la parentalité, la lutte contre le décrochage et l’ap- préalable des besoins éducatifs du territoire – des
prentissage de la citoyenneté. Pour prendre la mesure activités périscolaires prolongeant le service public
de la complexité de l’ensemble, il faut y ajouter de l’éducation, et complémentaires avec lui. Centrés
sur la continuité des temps éducatifs, ils favorisent
« les échanges entre les acteurs tout en rÉSPÉctant
21 Federini F., « Refondation de l’éducation prioritaire
et réussite éducative », conférence prononcée dans le cadre
de la journée d’études organisée par le centre Alain-Savary-
IFÉ-ENS Lyon sur le thème « Quelles collaborations locales 22 Bisson-Vaivre C., « La réussite éducative : quelle actualité ? »,
et institutionnelles pour améliorer l’accompagnement à Diversité, hors-série 2015, n° 16, p. 17.
la scolarité ? », 26-27 mars 2015. 23 Rapport de Delahaye J.-P., op. cit., p. 137.

SOMMAIRE
48 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

le domaine de compétences de chacun d’entre eux ».


La lutte contre les inégalités scolaires ou d’accès aux
pratiques des loisirs éducatifs dépend notamment de
leur capacité à coordonner leurs interventions « dans
un souci de cohérence, de qualité et de continuités
éducatives » 24. Cela implique notamment de réfléchir
au lien entre les projets d’école et d’établissement et
les activités périscolaires proposées. Le PEDT « incite
les acteurs à dépasser la simple articulation des
activités en termes d’horaires et à réfléchir à cette
articulation en termes de contenus et d’approches
pédagogiques » 25.

Articulations et complémentarités caractérisent cette


dynamique de réseau, centrée sur la coconstruction
de projets adaptés aux réalités – instables – de chaque
territoire. Elle rend nécessaire des échanges continus
et constructifs entre tous les acteurs concernés, parti-
cipant autant au développement professionnel de
chacun qu’à la construction d’une intelligence collec-
tive, largement évoquée dans le chapitre suivant.

24 Circulaire n° 2013-036 du 20/03/2013, BO n° 12


du 21/03/2013.
25 Fiche pratique : « PEL/PEDT. De quoi parle-t-on ? » ;
voir le site de l’Observatoire des pratiques.

SOMMAIRE
LA CONDUITE
LOCALE
DU CHANGEMENT
MIK AËL A CORDONNIER

SOMMAIRE
La question pédagogique est aujourd’hui au cœur des politiques éducatives nationales : dans
le contexte incertain qui est le nôtre, réfléchir sur le sens et le contenu des apprentissages
propres à faire progresser tous les élèves est devenu incontournable.

Cet enjeu de démocratisation de la réussite scolaire est logiquement un axe majeur de la


plupart des politiques pédagogiques et éducatives d’établissement, qui visent à répondre
concrètement aux besoins identifiés de leurs usagers et, en premier lieu, à améliorer les
résultats des élèves.

Encore faut-il se demander si et comment ces préconisations peuvent se concrétiser, au


quotidien, dans les classes. Relevant la « suractivité réformatrice » qui agite la plupart des
systèmes éducatifs depuis une vingtaine d’années, Olivier Rey signale : « à l’aune de cette
inflation législative et réglementaire, on pourrait imaginer que les façons d’apprendre et de
faire apprendre ont été bouleversées en profondeur. Pourtant, les praticiens et experts de
l’éducation constatent que les pratiques ordinaires dans les classes se caractérisent par une
remarquable ou désespérante stabilité, qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore. Le sentiment
que l’éducation est un secteur de l’action publique particulièrement rétif aux réformes est
tout aussi prégnant » 1.

La question se pose alors des leviers locaux du changement dans un contexte qui s’y prête
d’autant moins que les réformes éducatives se succèdent à un rythme régulier, générant
chez les personnels le sentiment que le changement est surtout instabilité !

Par ailleurs, la place prépondérante de l’État dans le pilotage du système éducatif a conduit
à une forte méfiance des professeurs à l’encontre d’outils comme le projet d’établissement
ou le contrat d’objectifs. Alors qu’ils pourraient constituer des vecteurs de changement, ils
sont le plus souvent vus comme autant de moyens d’un contrôle externe sur les actions
menées – traduisant la persistance d’une vision hiérarchique et verticale. Par son approche
globale, la réforme met cependant à nouveau l’accent sur le rôle fédérateur du projet d’éta-
blissement, dont il convient alors de convaincre les équipes.

L’engagement des équipes de direction est, en ce sens, déterminant. Le chef d’établissement,


aidé de ses proches collaborateurs, est appelé à investir pleinement le terrain pédagogique,
en s’appuyant sur sa connaissance de l’établissement et de la culture professionnelle de ses
acteurs. L’exercice peut s’avérer délicat, car il repose non seulement sur la reconnaissance,
par les enseignants, de sa légitimité sur ce champ, mais aussi sur leur sentiment que la
réforme sera bénéfique, pour les élèves comme pour eux-mêmes.

La mise en place de cadres et de procédures de travail (et de communication) aide certai-


nement à son appropriation. Mais, au-delà, c’est bien l’attention portée aux espaces et aux
temps collaboratifs qui est essentielle. Parce qu’ils permettent de passer de la connaissance
à l’action, ils contribuent à mobiliser les acteurs dans la durée.

1 Rey O., « Le changement, c’est comment ? »,


Dossier de veille de l’IFÉ, n° 107, janvier 2016, pp. 3-4.

SOMMAIRE
54 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

De ce point de vue, la réforme est une occasion donnée aux établissements scolaires de se
penser comme organisations apprenantes. Une telle évolution ne se décrète pas. Elle n’est
rendue possible qu’à certaines conditions, et paraît toujours incertaine.

SOMMAIRE
L’INSCRIPTION
DANS LA POLITIQUE
DE L’ÉTABLISSEMENT

L’implantation de toute réforme dépend de la manière de ses principes fondateurs. Ses défauts sont connus,
dont est pensée l’articulation entre niveau central et il forme un document volumineux, aux objectifs peu
niveau local. Comme l’a montré M. Gather Thurler : ou mal hiérarchisés, il est parfois réduit à un cata-
« Les écoles qui produisent des effets notables sur les logue d’actions sans réelle cohérence. Le volet péda-
apprentissages des élèves s’appuient sur les chan- gogique pourtant essentiel est souvent marginalisé.
gements qu’introduit le système éducatif à large Sa principale faiblesse tient à l’insuffisance de l’éva-
échelle plutôt que de les combattre […]. Ces établis- luation » 2. Un rapport récent le confirme : malgré sa
sements profitent des réformes du système éducatif consécration législative, le projet d’établissement
ou des incitations à s’engager dans des innovations n’est qu’insuffisamment un outil de référence pour
pour développer un projet ou le revitaliser et l’inflé- l’action pédagogique et éducative. Si la situation est
chir, sauf si les orientations externes sont en forte variable d’un collège à l’autre, il reste trop souvent
contradiction avec leur culture propre. […] L’existence « perçu comme un vague document de référence qui
d’un projet local pourrait donc, sous certaines condi- ne joue pas de manière effective son rôle structurant
tions, constituer un facteur favorable aux réformes et mobilisateur » 3. L’image d’un document qui « dort
d’ensemble. Ces dernières seraient en quelque sorte au fond d’un tiroir » et auquel il n’est fait mention que
relayées par le projet d’établissement, qu’elles renfor- de façon très ponctuelle reste prégnante.
ceraient en retour » 1.
De sorte que, même s’il n’est pas réactualisé dans le
Une telle analyse conduit à réaffirmer le rôle fédéra- délai réglementaire de trois à cinq ans, cela n’affecte
teur du projet d’établissement : en période de change- pas immédiatement l’organisation ou le fonctionne-
ments, il peut permettre aux équipes de questionner ment de l’établissement. Les priorités initiales conti-
représentations, valeurs et pratiques, de se (re)mobi- nuent, malgré tout, de se décliner. Si la situation se
liser sur des priorités claires, de s’engager dans la prolonge, le risque est grand que les pratiques ne
mise en oeuvre d’actions et de projets cohérents avec s’appuient plus sur des objectifs identifiés de tous.
les orientations nationales mais aussi avec les besoins Le sens de l’action collective se dilue, la gestion
propres. C’est à travers lui que sont reprécisés les axes quotidienne, « au coup par coup », prend le dessus.
de la politique pédagogique et éducative ainsi que la Logiquement, l’évaluation du projet se cantonne alors
place des acteurs. à quelques indicateurs de bord mis à jour par le chef
d’établissement, et au « ressenti » des acteurs.

LE RÔLE FÉDÉRATEUR Réforme ou pas, les personnels de direction


DU PROJET D’ÉTABLISSEMENT convaincus de son utilité ont donc à lutter contre une
vision purement administrative du projet d’établis-
Depuis sa création par la loi d’orientation du 10 juillet sement. Il leur revient d’expliquer aux équipes que
1989, le projet d’établissement connaît une fortune
variable. C’est que « sa mise en œuvre a donné assez
vite lieu à certaines dérives qui allaient à l’encontre 2 Matringe G., « Agir dans un contexte en évolution »,
Piloter un ÉPLE : Stratégies, outils, ouvrage collectif,
coll. « Maîtriser », Canopé, 2014, p. 13.
3 IGEN-IGAENR, Les mécanismes de concertation
1 Gather-Thurler M., Innover au cœur de l’établissement scolaire, dans les établissements publics et privés sous contrat,
ESF éd., Issy-les-Moulineaux, 2000, p. 125. Rapport n° 2016-055, août 2016, p. 16.

SOMMAIRE
56 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

l’objectif principal n’est pas seulement, en le forma- Le suivi et l’accompagnement pédagogique diffé-
lisant, de remplir une obligation institutionnelle – rencié des élèves s’inscrivent donc dans une
car bien des enseignants restent convaincus qu’il est démarche continue, progressive et articulée qui ne
une affaire de chef d’établissement tenu de rendre peut être appréhendée de façon linéaire et simple – ou
compte –, mais surtout de décliner une ambition simplificatrice. Les acteurs du collège ont à prendre la
commune : permettre à tous les élèves, en particulier mesure de cette complexité et doivent travailler à la
les plus en difficulté, de poursuivre et d’achever leur structurer dans le contexte qui est le leur.
scolarité obligatoire dans les meilleures conditions,
leur donner les outils pour envisager avec confiance Travailler sur le projet d’établissement, c’est faire en
la suite de leur parcours. Ce qui importe n’est donc sorte que le sens de l’action collective s’énonce ou
pas tant qu’il soit la transcription d’objectifs natio- se redise en tenant compte de cette nouvelle donne.
naux – nécessairement généraux – mais qu’il énonce, De la réforme de l’organisation – envisagée comme
à partir de constats étayés, les valeurs et les voies norme extérieure à l’établissement, dont les finalités
éducatives et pédagogiques par lesquelles cette ambi- s’imposent à lui – découle la transformation, qui est
tion se donne effectivement à voir dans le quotidien le fait des acteurs et de leur rapport à leur environ-
du collège. Plus qu’une « charte constitutive de la nement immédiat 5. Et, dans la mesure où les adap-
communauté éducative » 4, le projet d’établissement tations attendues sont de nature pédagogique, c’est
est à comprendre comme un engagement à agir bien la transparence sur ce qui se fait et la recherche
en vue d’un bien commun qu’il convient de définir de cohérence sur ce qui pourrait se faire dans ce
ensemble et qui ne doit jamais être perdu de vue. domaine qui doit être au cœur de leur travail. Elle leur
permet de quitter le registre purement émotionnel ou
Dans sa version initiale, la réforme du collège vient factuel lié au changement, pour se saisir collective-
conforter le rôle structurant et fédérateur du projet ment des problématiques de fond et tenter progressi-
d’établissement de plusieurs façons : vement d’y répondre. Cette inscription de la réflexion
–– en rappelant avec force les valeurs républicaines et de l’action dans la durée neutralise, en partie, l’ins-
d’égalité, de solidarité et de justice sur lesquelles la tabilité du temps politique.
refondation de l’école s’adosse. Ces valeurs ne sont
pas seulement au cœur des parcours éducatifs des Dans cette optique, il ne suffira pas d’ajouter
élèves. Par leur double dimension déontologique quelques lignes au projet d’établissement existant
et éthique, elles orientent également les décisions pour évoquer les nouveaux points de la réforme. Que
des acteurs et confortent leur professionnalisme ; la refonte du projet d’établissement intervienne en
–– en instaurant une approche curriculaire qui oblige à même temps que sa mise en place est même une
penser les liens entre disciplines et socle commun, opportunité. S’il revient au chef d’établissement de
entre savoirs et expériences vécues dans ou hors déterminer la manière dont il entend conduire la
le collège ; réflexion des équipes, il apparaît incontournable qu’il
–– en conférant un caractère central à l’évaluation des privilégie une approche ouverte et participative.
élèves ;
–– en incitant à une réelle structuration des parcours Cela peut sembler fastidieux – car impliquant des
éducatifs, envisagés comme complémentaires et réunions qui s’ajouteront à celles, plus spécifiques,
propices à une diversité accrue des modes d’ap- portant sur tel ou tel aspect particulier de la réforme.
prentissage des élèves (notamment au travers des Pourtant, ce travail en parallèle présente quelques
projets menés dans le cadre des EPI) ; avantages, à condition d’être bien planifié et guidé.
–– en envisageant la possibilité de ponts entre les La mise en place d’un groupe de pilotage, constitué
actions qui auront été menées au collège et celles notamment de professeurs volontaires, favorise
qui seront mises en place aux étapes suivantes du l’émergence de la réflexion collective sur des éléments
parcours de l’élève (au lycée, mais également dans de diagnostic, qui permettront ensuite de repréciser
le supérieur) ; ensemble les priorités que se donne le collège.
–– en appelant à une sollicitation renforcée et coor-
donnée des partenaires de l’établissement (en
particulier au sein du bassin de formation).

5 Lefevre H., « Comment mener les transformations ?


4 Langanay J.-Y., Le chef d’établissement pédagogue, Un regard extérieur au monde de l’éducation »,
coll. « Maîtriser », Canopé, 2016, p. 58. Administration et éducation, 2014.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 57

LES AXES DE LA POLITIQUE À cette fin, une démarche est proposée qui n’est pas
DE L’ÉTABLISSEMENT sans rappeler celle qui préside à l’élaboration d’un
projet d’établissement :
S’inscrivant, pour une part, dans la continuité de ce –– phase rapide de diagnostic pour recenser ce qui
qui existait précédemment – au travers notamment se fait déjà sur le champ de l’orientation et les
de la personnalisation des parcours –, la réforme du ressources (humaines, matérielles, numériques)
collège s’en démarque toutefois par la place centrale disponibles. Elle peut permettre de savoir où se
accordée à la maîtrise du socle commun, de connais- situe l’établissement au regard des objectifs du
sances et de culture. Tout ce qui est mis en œuvre au parcours avenir 7 ;
collège – enseignements, actions, dispositifs, projets –– définition des champs à travailler prioritairement,
– doit y concourir. Chaque projet d’établissement met élaboration de la carte du parcours ;
en lumière la manière dont sont réfléchies et mises en –– mise en œuvre concrète : engagement des acteurs,
œuvre les nécessaires articulations qui en résultent. ancrage du parcours dans les disciplines au cœur de
la classe, développement de projets avec les parte-
Pour tendre vers celles-ci, les acteurs de la commu- naires extérieurs ;
nauté éducative prennent appui sur l’existant et, –– évaluation de la mise en œuvre du parcours.
à partir d’un état préalable des lieux, travaillent à
l’enrichir sur la base des objectifs généraux qui sont Cette démarche se décline de la même façon pour le
rappelés dans les textes. La circulaire relative au parcours d’éducation artistique et culturelle. Le guide
parcours citoyen précise ainsi que, pour lui donner proposé pour sa mise en œuvre 8 rappelle ainsi que
consistance et cohérence, « le projet d’établissement « l’élaboration du volet artistique et culturel du projet
accorde une véritable place à toutes les actions qui d’école ou d’établissement est une étape préalable qui
peuvent préparer, aider les élèves à s’engager dans le permet de garantir que l’éducation artistique et cultu-
collectif de l’école et de l’établissement et à assumer relle à l’école forme un ensemble continu et progressif
leurs responsabilités individuelles dans des actions qui va au-delà d’une succession d’actions ». La défi-
adaptées à leur âge » 6. nition des axes de ce volet oblige également à un
diagnostic auquel participent tous les acteurs impli-
Le guide pratique du parcours Avenir, élaboré conjoin- qués sur ce champ. Elle oriente ensuite les initiatives
tement par l’ONISEP et le Ministère, peut être pris en des équipes éducatives et pédagogiques qui adoptent,
exemple. À destination des chefs d’établissement, le cas échéant, la démarche de projet en partenariat.
il précise en quoi ce parcours se différencie des Une telle démarche permet de lier les établissements
anciens, ciblés sur l’orientation et les métiers (PDMF scolaires à des acteurs culturels (collectivités territo-
et PIIODMEP). Destiné à tous les élèves – et non plus riales, musées, institutions, associations, etc.).
seulement à ceux susceptibles de s’orienter vers
l’enseignement professionnel –, il « poursuit en outre La présentation d’une méthode d’élaboration qui,
des objectifs plus larges que la seule découverte des sans nier la spécificité de chacun des parcours,
métiers. Pour se projeter dans l’avenir et être en capa- permet de les approcher d’une façon assez similaire
cité de faire des choix éclairés et raisonnés tout au ne présente pas seulement l’intérêt de rappeler qu’ils
long de son parcours scolaire et professionnel, il ne sont construits autour des mêmes principes de conti-
s’agit pas seulement de connaître le monde profes- nuité et de progressivité. Pour les équipes, elles actent
sionnel ; il faut aussi le comprendre, savoir s’y repérer la nécessité d’une appréhension globale et cohérente,
et anticiper ses évolutions. Être capable de découvrir qui n’est possible qu’à partir du projet d’établisse-
par soi-même, ou de choisir, de créer, d’agir et d’oser ment lui-même.
sont des qualités essentielles pour s’insérer et s’épa-
nouir dans le monde d’aujourd’hui. Les connaissances
et les compétences visées par le parcours Avenir sont
ainsi très nombreuses. C’est pourquoi il est ancré
dans les enseignements et mobilise toute la commu-
nauté éducative » (p. 7).
7 Voir le guide proposé par l’ONISEP de Strasbourg,
disponible sur le site de l’académie.
8 Le Guide pour la mise en œuvre du parcours d’éducation
6 Circulaire n° 2016-092 du 20/06/2016 relative au parcours artistique et culturelle est disponible sur le site
citoyen de l’élève, BO n° 25 du 23/06/2016. education.gouv.fr

SOMMAIRE
58 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

L’élaboration aux arts et à la culture (PEAC) n’est pas encore


des parcours finalisé.

L’élaboration des parcours : une belle occasion de Le travail sur les trois autres parcours s’est
travailler à la rédaction du projet d’établissement effectué à différents moments, mené par des
tout en contribuant à la mise en place effective groupes à géométrie variable.
de la réforme du collège
Le parcours avenir a été finalisé le premier. De
Lorsque j’ai pris mes fonctions au collège, en nombreux thèmes ont émergé de la phase de
septembre 2015, le projet d’établissement arrivait diagnostic : par exemple, la nécessité de déve-
à expiration. Par ailleurs, nous disposions d’une lopper la mobilité géographique de nos élèves,
année scolaire pour préparer la mise en place de l’objectif de les amener à se projeter positive-
la réforme, attendue dans ses grandes lignes pour ment vers leur vie d’adulte ou encore d’aug-
septembre 2016. La majeure partie de l’année a menter notre taux d’élèves affectés au premier
été consacrée à l’explicitation de la réforme aux tour en fin de troisième. La plupart des docu-
équipes et à son appropriation progressive, au ments produits alors ont vocation à être insérés
travail sur les nouveaux programmes ainsi qu’à dans le projet d’établissement. Parmi ceux-ci :
la préparation technique de la rentrée (DHG, les constats chiffrés & qualitatifs ; le document
accompagnement personnalisé, EPI, utilisation de de programmation des thèmes sur les quatre
la dotation complémentaire, etc.). C’est volontai- niveaux de classe ; les actions détaillées dans
rement que les parcours n’ont été évoqués qu’en des fiches.
toute fin d’année, une fois tous les autres aspects
La rédaction du parcours citoyen et du parcours
traités ou en cours de traitement.
éducatif de santé a suivi la même méthode.
En mai 2016, j’ai réuni le conseil pédagogique du
Certaines personnes ont participé à la mise en
collège, en l’ouvrant à tous, et j’ai fait part de ma
place de tous les groupes (équipe de direction,
vision : il s’agissait de travailler tous ensemble
CPE, professeur-documentaliste), d’autres ont
à la réécriture du projet d’établissement, en
apporté leur contribution au gré de leurs centres
s’appuyant sur les parcours. Ils pouvaient en
d’intérêt ou de leur investissement passé (dans
effet constituer des outils intéressants, car ils
le CESC par exemple).
embrassent pratiquement tous les champs ou
thèmes potentiels d’un projet d’établissement. Si des temps collaboratifs, riches et féconds,
En outre, de par leur déclinaison particulière à ont donc bien existé, cette méthodologie parti-
l’échelle d’un établissement (et, pourquoi pas, culière a permis de faire avancer deux dossiers
d’un bassin d’éducation et de formation), ils se majeurs en évitant d’épuiser les équipes par un
situent à l’articulation du national et du local. De trop grand nombre de réunions, ce que je consi-
plus, leur dimension curriculaire les inscrit dans dérais comme le risque le plus saillant dans ce
la durée, tout comme le projet d’établissement contexte précis.
qui se déploie sur trois ou quatre ans. Enfin, cette Témoignage de Laurent Houssin, Principal du collège Arthur-
notion d’un temps moins tendu, propice à déve- Rimbaud à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, dans le département de
lopper une certaine réflexivité chez l’élève, peut Seine-Maritime.

également trouver son pendant dans la rédaction


collégiale du projet d’établissement : en avançant
par tâtonnement, expérimentation, ajustements On mesure bien, dans cet exemple, toute l’importance
successifs avec conservation de la mémoire pour le chef d’établissement de s’assurer que son
(bilans d’étapes), la communauté éducative pilotage est lisible par tous les acteurs en présence
place la réflexivité au cœur de sa démarche et qui, pour une partie, ne possèdent souvent qu’une
réunit ainsi tous les critères d’une organisation compréhension partielle des enjeux de la réforme.
apprenante.

Dans le collège que je dirige, le travail sur les


parcours s’est étalé sur toute l’année 2016-2017.
En fin d’année, seul le parcours d’éducation

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 59

S’ASSURER DE LA COMPRÉHENSION La communication de l’établissement lui-même


ET DE L’APPROPRIATION PAR TOUS Les acteurs qui vont « parler » la réforme aux autres
DES ENJEUX le feront sous des angles différents :
–– L’équipe de direction joue un rôle déterminant
S’assurer de la compréhension et de l’appropriation de « traduction » des orientations de la réforme
par tous des nouveaux enjeux constitue un préalable comme de ses infléchissements ;
indispensable à la création d’une dynamique collec- –– Les syndicats y participent avec le souci de
tive constructive pour la mise en œuvre de la réforme. préserver et/ou soutenir l’action des personnels.
Sans cela, il est peu probable que les acteurs se mobi- Pour certains, cela commande de s’opposer farou-
lisent, qu’ils le fassent de bon gré ou pas. Des niveaux chement à ce qui est édicté, en invoquant divers
différents de communication sur la réforme existent. motifs, comme la diminution des heures consa-
crées à la discipline… ;
La communication du Ministère –– Les formateurs – souvent précédés des personnels
et de ses services déconcentrés d’encadrement lorsque des temps de présentation
Comment faire en sorte que les changements qui de la réforme peuvent être organisés au niveau
impactent en profondeur l’organisation et le fonction- académique – apportent des éclaircissements sur
nement du collège soient énoncés de façon compré- les notions en jeu (accompagnement personnalisé,
hensible, dans leurs principes et leurs objectifs ? Pour différenciation pédagogique, démarche de projet…).
être nécessaires, les textes réglementaires actuels
ont, en eux-mêmes, peu d’impact sur l’évolution des Les autres acteurs s’emparent très diversement de
pratiques pédagogiques. Plus ils sont nombreux et toutes ces informations, selon le niveau de connais-
détaillés, plus il est probable que leur lecture exhaus- sance qu’ils en ont, les représentations qu’ils s’en font
tive ne soit le fait que d’un nombre restreint d’ac- et l’attention qu’ils accordent à la façon dont leurs
teurs scolaires. La mise à disposition de ressources collègues réagissent. Leur positionnement – enthou-
pédagogiques paraît plus efficace, car elle fait entrer siaste, inquiet, critique, désabusé… – n’est pas seule-
dans l’opérationnalisation – préférée souvent à des ment l’expression d’une humeur passagère à laquelle
discours plus théoriques ou juridiques. le chef d’établissement se contentera de répondre par
un peu d’humour. Il commande, en réalité, leur envie
Il semble, par ailleurs, indispensable que les différents de s’impliquer, volontairement et positivement, dans
échelons administratifs s’accordent pour aller dans le les nouveautés qui leur sont présentées.
même sens, ce qui n’est pas toujours le cas 9.
L’histoire et la culture de l’établissement, la composi-
De la même façon, il est difficile de favoriser l’enga- tion des équipes, les dynamiques personnelles, l’état
gement des acteurs de terrain lorsque les outils dont des rapports de force dans la salle des professeurs,
ils doivent se saisir tardent à venir, et davantage la qualité du dialogue entre enseignants et direc-
encore lorsque s’opère un décalage certain entre ce tion, sont autant d’éléments qui entrent en ligne
qui est annoncé au niveau ministériel et ce qui se de compte. Du fait des inquiétudes qu’elle génère,
passe – ou pas – en établissement. La mise en place la réforme peut venir troubler le climat scolaire
du livret scolaire numérique s’est ainsi heurtée, au qui règne ordinairement dans l’établissement. Le
premier trimestre 2016, à des difficultés techniques conforter si l’habitude est à un travail collectif ouvert,
certaines qui ont contraint bon nombre de principaux qui ne craint pas d’essayer des choses nouvelles. Le
à en différer l’usage par les enseignants. Ces aléas compliquer si des tensions – plus ou moins latentes
techniques sont loin d’être anodins. Renvoyant à une – existent, que le repli sur des positions rétives au
forme d’impréparation, ils ont un impact négatif sur changement réactive.
la mobilisation des enseignants.
De l’importance d’être
«lisible» par son équipe

Un enseignant reste dans un même établisse-


ment pendant environ sept ans. C’est la moyenne
nationale. Il n’est pas rare que le chef d’établisse-
9 Prost A., « Le changement dans l’école : la vision ment, à la longévité moindre, côtoie des profes-
de l’historien », Administration et éducation, n° 143, seurs qui travaillent là depuis plus de dix ans
septembre 2014, p. 26.

SOMMAIRE
60 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

voire depuis le début de leur carrière. Lorsque, comme se situant au départ de tout et, dans
au détour de conversations avec ces enseignants une certaine mesure, conditionnant la suite de
emblématiques, surgit la longue liste des noms manière importante.
de ses prédécesseurs, le principal ou le proviseur
peut (re)faire l’apprentissage de l’humilité. Pour Dès lors, le véritable enjeu n’était-il pas de
peu que la parole soit très libre, une remarque, devenir soi-même une incarnation de la réforme
un adjectif, une expression viennent ponctuer à un niveau local ? Par exemple, en en dégageant
tel ou tel nom : « M. Machin, il était toujours sur quelques points saillants et en les présentant
le terrain. Mme Bidule, je l’aimais bien, elle était avec conviction dans des moments formels
très humaine. M. Trucmuche, il était compliqué (conseil pédagogique, conseils d’enseignement)
avec les enseignants, très hautain. Mme Chose, ou informels (échanges en salle des professeurs,
elle était un peu autoritaire, mais efficace. Mme conseils de classe), en veillant à demeurer loyal
Untel, superdynamique… » Quelquefois, après un avec l’institution et en repoussant la terrible
nom, juste un silence ou un sourire gêné. tentation du double discours démagogique (« Je
suis comme vous, je subis cette réforme, mais
Par-delà la question narcissique de savoir quel nous n’avons pas le choix, travaillons ensemble. »)
adjectif nous caractérisera lorsque nous aurons qui dédouane dans un premier temps mais qui
quitté l’établissement, il faut entendre ce que constitue une bombe à retardement. Pour filer de
ces remarques peuvent nous dire. Certes, nous nouveau la métaphore musicale, il suffit d’avoir
sommes de passage, un peu éphémères, vague- écouté différentes versions de la même œuvre et
ment interchangeables. Mais chacun d’entre de constater à quel point les productions finales
nous, le temps de sa présence, véhicule une varient (y compris pour la durée !) pour mesurer
image, une marque de fabrique, un style, qui l’influence décisive du chef d’orchestre.
s’impriment dans les esprits…
Aucun chef d’établissement ne devrait jamais
Ghislaine Matringe, déjà citée dans cet ouvrage, sous-estimer son influence sur le fonctionne-
s’est penchée sur les évolutions du métier de chef ment global de son collège ou de son lycée.
d’établissement. Elle a mis en évidence la néces-
sité de clarté et de cohérence des choix exprimés Cette remarque, que l’on pourrait inscrire en
aux équipes. Elle a également souligné l’impor- exergue d’une réflexion sur la mise en place
tance qu’il soit un bon pédagogue avec ses colla- d’une stratégie de communication, me semble
borateurs, donnant du sens à ses propositions ou également convoquer la thématique, beaucoup
ses choix et les explicitant avec conviction. plus profonde et sincère, des valeurs, et induire la
question suivante : Est-ce que placer les valeurs
Peut-on imaginer un chef d’orchestre (ce paral- au-dessus de tout, les poser comme préambule
lèle est souvent utilisé) ne donner que peu (ou à toute réflexion, s’y référer à des moments clés
pas) d’indications à ses musiciens, leur dire de se (discours de prérentrée par exemple) lorsque l’on
référer à la partition et laisser une merveilleuse communique avec ses équipes, ce n’est pas déjà
symphonie se transformer en une œuvre froide partager et montrer la voie, et par là acquérir un
et sans style ? Évidemment non. peu de lisibilité ?
Témoignage de Laurent Houssin, Principal du collège Arthur-
Peut-on imaginer un principal de collège réunir Rimbaud à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, dans le département de
ses enseignants pour leur dire que la réforme a Seine-Maritime

été voulue par le Ministère, qu’elle s’impose à


tous, qu’elle doit être mise en œuvre sans délai
et sans contestation et que tous les documents Quel que soit le contexte local, quelle que soit sa
sont disponibles sur Éduscol ? Pas davantage. conception du pilotage, le principal du collège ne peut
qu’être conscient de la responsabilité qui est la sienne
En échangeant avec de nombreux collègues dans la diffusion, avertie et mesurée, de la réforme.
principaux, j’ai constaté que chacun s’était, à
un moment ou à un autre de l’année 2015-2016,
affronté à l’épineuse question de la stratégie de
communication. Notamment parce que nous
avions tous identifié le moment de l’explicitation

SOMMAIRE
L’ENGAGEMENT
DE LA DIRECTION
DANS LA CONDUITE
DU CHANGEMENT

L’implantation de toute réforme structurelle sur UN PILOTAGE PÉDAGOGIQUE


le terrain est la condition sine qua non de sa réus- INCONTOURNABLE
site. La multitude de textes réglementaires, plus ou
moins contraignants juridiquement, ne suffit jamais « Si l’on veut éviter que ces réformes ne deviennent
à garantir que les changements prescrits se concréti- des coquilles administratives vides ou des nœuds de
seront là où ils sont attendus : dans les établissements conflits stériles, il est nécessaire que les équipes des
et, plus encore, dans les classes. Elle peut même établissements puissent se les approprier et puissent
apparaître comme un obstacle supplémentaire dès les mettre en perspective » 3. Cela n’est évidemment
lors que les enseignants se sentent sommés de faire pas possible sans une implication forte de l’équipe
évoluer leurs pratiques sans certitude d’un bénéfice de direction qui va prendre l’initiative, donner un
effectif pour eux-mêmes et pour les élèves. Leurs réti- cap, coordonner le travail collectif et, par là même,
cences au changement peuvent d’autant mieux se contribuer à l’articulation entre le niveau national et
comprendre qu’ils y sont confrontés à chaque alter- le niveau local.
nance politique, ce qui confère à toute réforme un
caractère aléatoire peu compatible avec l’inscription Articuler les niveaux
de l’action éducative et pédagogique dans la durée. national et local

Selon moi, la difficulté majeure dans l’exercice du


Pourtant, les recherches récentes identifient « l’enga-
métier de chef d’établissement réside paradoxa-
gement des acteurs de terrain comme un facteur clé
lement dans ce qui en fait son principal attrait :
d’évolution des pratiques éducatives » 1. Parmi eux,
la délicate mission de relier le niveau national
un rôle essentiel est reconnu au chef d’établissement,
au niveau local.
dont le leadership pédagogique, « en tant que relais
entre les politiques publiques et les pratiques éduca- Lorsqu’il a été question, à la rentrée scolaire 2016,
tives, est un maillon essentiel de la mise en œuvre des de mettre en place une réforme de l’ampleur
réformes. Autrement dit, il est en quelque sorte garant de celle qui touche actuellement le collège, la
du changement. Son influence s’exerce à la fois sur méthodologie de résolution de cette équation
l’adaptation des processus scolaires et sur les cultures est devenue éminemment centrale et ceux qui
et comportements des personnels » 2. S’appuyant avaient déjà réfléchi à ces questions ont proba-
sur une bonne connaissance des pratiques et des blement débuté l’année avec une longueur
ressources locales, il doit s’attacher à mettre en place d’avance sur leurs collègues. Quoi qu’il en soit,
des cadres et des procédures de travail rassurants l’approche de la fin de la pause estivale n’a pas
pour tous. La manière dont il communique, y compris manqué de provoquer des questionnements, y
envers les partenaires, y participe également. compris chez les plus hardis d’entre nous.
–– Comment vais-je m’y prendre pour faire
accepter cette réforme à mes professeurs qui,

1 Rey O., « Le changement, c’est comment ? », IFÉ, n° 107,


janvier 2016, p. 1.
2 Endrizzi L. et Thibert R., « Quels leaderships pour la réussite 3 Intervention de Rubiello M.-F. au séminaire de pilotage
de tous les élèves ? », IFÉ, n° 73, avril 2012, p. 4. pédagogique organisé par Canopé et Agrosup Dijon, 2010.

SOMMAIRE
62 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

c’est certain, ne manqueront pas de me faire L’inconfort provoqué par ce couple diabolique
remarquer que ce n’est ni la première, ni la local/national est d’ailleurs applicable à d’autres
dernière, et qu’ils ont appris à prendre leurs binômes ; on pourrait citer l’injonctif vs l’utile, le
distances avec tout ce qui vient « d’en haut » (le vertical vs l’horizontal, l’autonomie vs la centra-
chef), de « très haut » (le rectorat) ou de « tout lisation, la tradition vs l’innovation, l’intérêt de
en haut » (le ministère) ? l’élève vs l’intérêt de l’institution, etc.
–– Par quel bout commencer ? Y a-t-il un sens à
rÉSPÉcter ? Y a-t-il un mode d’emploi ? (le chan- Certes, la volonté d’écoute du chef d’établis-
tier est tellement vaste !) sement, sa capacité à résoudre rapidement les
–– Combien de réunions me faudra-t-il orga- tracasseries du quotidien (voire à les éviter en les
niser durant l’année ? (les enseignants vont anticipant), son aptitude à bien gérer financière-
grogner…) ment son établissement, sa disponibilité envers
–– Vais-je subir des pressions de ma hiérarchie les familles, sa bonne connaissance des élèves,
quant à l’effectivité de la mise en place de la etc. vont contribuer au bon fonctionnement
réforme et du rÉSPÉct du calendrier ? de l’établissement, et d’une certaine manière,
–– Entre les professeurs qui sont pour et ceux qui constituer autant d’« occasions secondaires de
sont « contre », cette réforme ne risque-t-elle pilotage ».
pas de diviser mon équipe enseignante ?
Il paraît néanmoins indispensable qu’à certains
–– Dans mon quotidien déjà très chargé, comment
moments il « arrête » le temps, qu’il s’extraie
vais-je trouver le temps (l’énergie ?) de réflé-
physiquement de ce quotidien prenant (en s’en-
chir, sereinement si possible, à une stratégie
fermant dans son bureau ou en disparaissant
globale de présentation et de mise en place de
dans un autre lieu) et se pose certaines questions
cette réforme ?
en se remémorant ses objectifs de départ et en
Cette dernière question, qui semble à elle seule les y confrontant : Où en suis-je ? Mes équipes
contenir toutes les autres, est probablement la ont-elles évolué ? Les élèves y ont-ils gagné ?
plus intéressante, car elle renvoie de façon natu- Quel chemin me reste-t-il à parcourir ? Comment
relle à la question du pilotage. vais-je m’y prendre ?

Cette notion de « pilotage », qui fait l’objet d’une C’est à ce prix seulement qu’il lui devient possible
littérature fort abondante et dont l’occurrence de prendre le recul nécessaire pour mesurer son
est impressionnante dans tout manuel du parfait action et de travailler, avec son ou ses adjoint(s),
chef d’établissement, n’est pourtant pas à consi- à la mise en place et au suivi d’une stratégie
dérer à la légère. En effet, pour un principal ou un nationale.
proviseur, rien n’est finalement plus simple que
Piloter efficacement, articuler national et local, ne
de ne jamais piloter. Au quotidien, tout semble
serait-ce pas finalement réaliser cette prouesse
en effet se liguer contre lui. Il y a les soucis de vie
quotidienne que constitue la double tâche de
scolaire à gérer, les tracas matériels, financiers,
diriger son établissement avec tous les aléas que
les plannings divers à construire, les enquêtes à
cela comporte, tout en ayant une stratégie géné-
compléter, les mails, les coups de téléphone, les
rale et en s’y référant le plus souvent possible ?
demandes de rendez-vous, les sollicitations du
Témoignage de Laurent Houssin, Principal du collège Arthur-
rectorat sur d’autres missions, etc. Rimbaud à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, dans le département de
Seine-Maritime.
Le soir, le chef d’établissement rentre chez lui,
fatigué mais satisfait par la sensation du devoir
accompli. Les jours passent, les semaines. Et La connaissance, par le chef d’établissement des
soudain, un matin, cette question : « En quoi ai-je enjeux de la réforme, sa capacité à les relier au
fait avancer mon établissement ? » contexte, notamment pédagogique, de l’établisse-
ment, sont essentielles.
Sans le vouloir, le chef d’établissement s’est peu
à peu trouvé enfermé dans une zone – quelque-
La première partie le montre bien : si le chef d’établis-
fois peu confortable – « de confort » (le local), en
sement limite sa réflexion et son action à des consi-
oubliant pour un temps sa mission première, qui
dérations pragmatiques – tenant à la nécessité de
est de relier le niveau local au niveau national.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 63

« remonter » une DHG conforme aux attentes de l’ins- changements introduits par la réforme puissent être
titution et peu coûteuse localement, par exemple –, menés dans le collège sans mettre à mal les équilibres
il évite probablement ce qui est au cœur de la refon- existants, voire en les renforçant dans un sens favo-
dation de l’école : le renouvellement des pratiques rable à la réussite de tous les élèves ?
pédagogiques en vue d’améliorer les apprentissages
des élèves. La première étape est d’en avoir une connaissance
exhaustive. Une lecture attentive des textes officiels
Une telle réserve peut néanmoins se comprendre. s’impose – en situant bien chacun dans la hiérarchie
L’entrée récente dans la fonction, le parcours profes- des normes juridiques. La maîtrise de leurs disposi-
sionnel antérieur font que certains personnels de tions constitue un atout précieux, à la fois pour anti-
direction se sentent parfois moins légitimes que ciper l’action et éclairer les différents acteurs. Elle
d’autres sur le terrain pédagogique. Ce peut être le permettra de leur expliquer les objectifs de la réforme
cas d’anciens CPE ou professeurs du premier degré en les resituant dans le double cadre des évolutions
qui, n’ayant jamais eu à enseigner en collège, se globales, d’une part, de la politique d’établissement,
sentent moins armés pour investir ce champ. De la d’autre part. Cette connaissance générale sera parti-
même façon, un principal nouvellement nommé se culièrement utile dans les moments de débats et de
trouve-t-il dans une position bien différente de celui controverses. Et si le principal devra parfois opérer
qui, exerçant dans le même collège depuis plusieurs un arbitrage entre rÉSPÉct des normes et réalité de
années, a su acquérir une légitimité suffisante pour son établissement, il le fera en toute connaissance de
aborder l’application de la réforme plus sereinement. cause – et sans pour autant perdre de vue son souci
La perception de l’établissement comme organisa- de loyauté à l’égard de l’institution.
tion humaine, susceptible d’être traversée par des
tensions ou des conflits qui en impactent plus ou Il lui faut également se dégager des urgences quoti-
moins le fonctionnement, conduit aussi à une louable diennes pour indiquer les orientations et prendre les
prudence. décisions favorables aux apprentissages des élèves et
à l’engagement des acteurs. « Car c’est sur la clarté
D’une manière plus générale, « le chef d’établisse- et la pertinence du cap qu’il se sait attendu. De ce
ment est appelé à tenir compte des relations infor- point de vue, il exerce bien un métier singulier, qui
melles, des frontières symboliques et des émotions en fait avant tout un “intellectuel de terrain” dans un
qui l’obligent à des détours tactiques s’il veut contexte de plus en plus complexe » 5. Cela rend sa
conduire sa politique de manière efficace et mettre en formation d’autant plus nécessaire 6.
œuvre des réformes parfois impopulaires » 4. Ce que
les auteurs appellent également « l’agir stratégique » Pour rendre les choses opérationnelles, le chef d’éta-
se distingue toutefois de l’abstention d’agir qui n’est blissement gagne à s’appuyer sur les compétences des
compatible avec aucune des deux grandes missions « conseillers techniques » qui l’entourent. S’agissant
du chef d’établissement. Porteur des finalités et des du parcours avenir, le/la conseiller/ère d’orientation
objectifs définis par le ministre, lesquels se traduisent psychologue contribue ainsi à l’ingénierie pédago-
nécessairement dans la politique éducative et péda- gique en lui apportant son expertise en matière de
gogique de l’établissement qu’il dirige, il lui revient développement psychologique de l’adolescent et
d’assumer pleinement les responsabilités qui sont ses connaissances en analyse du travail (arrêté du
les siennes. 1er juillet 2015). Le conseiller principal d’éducation
y participe par sa connaissance particulière des
Leur exercice, en temps de réforme, exige évidem- élèves et des familles. De la même façon, il joue un
ment tact et mesure. Car le chef d’établissement est rôle essentiel dans la mise en œuvre du parcours
au premier plan pour faciliter la réception des déci- citoyen, en complémentarité avec les enseignants et
sions ministérielles, rendre compréhensible ce qui les partenaires.
paraît obscur. Dès lors, se pose à lui la seule question
qui vaille vraiment : comment faire en sorte que les

4 Bastrena M., Normand R., Nouis A., Les Pouvoirs du chef 5 Langanay J.-Y., Le chef d’établissement pédagogue, p. 11.
d’établissement : autorité, légitimité, leadership, SCÉRÉN-CNDP/ 6 Lire, à ce sujet, le n° 60 de la Revue internationale d’éducation
CRDP, Lyon, 2013, pp. 10-11. intitulé « Le métier de chef d’établissement », 09/2012.

SOMMAIRE
64 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Lorsque le cap est fixé, lorsque les choix sont faits être questionnée. Des besoins de formation peuvent
– par exemple les heures d’enseignement complé- aussi émerger. Ensuite, celle de la participation aux
mentaires réparties dans la dotation horaire globale instances du collège, qu’il s’agisse du conseil école-
–, il faut encore s’assurer que les équipes les rÉSPÉ- collège ou du conseil pédagogique. La parole, plus
ctent. La chose est loin d’être acquise. Il est probable, institutionnelle, vient redire ce qui est attendu et
en effet, que les professeurs réticents ou franchement pourquoi.
hostiles à la réforme elle-même soient peu enclins à
en appliquer les principes. De façon très pragmatique, Ces temps ne donnent pas seulement le sentiment au
le chef d’établissement peut, là aussi, être tenté de chef d’établissement d’être soutenu par sa hiérarchie.
s’accommoder d’une mise en œuvre imparfaite dans Ils lui permettent, en observant les enseignants dans
la mesure où elle préserve les équilibres locaux. Une la classe et en les écoutant dans le cadre des réunions,
trop grande retenue, au nom de la liberté pédago- de mieux saisir leurs préoccupations. Cette compré-
gique, a pourtant des limites. Elle risque de laisser hension de ce qui se construit, de ce qui se débat,
s’installer des pratiques très disparates d’un ensei- imprègne ses décisions – et sa propre façon de les
gnant – ou d’une discipline – à l’autre. Elle place le expliquer.
chef d’établissement lui-même dans une situation
inconfortable, dans la mesure où, ne sachant pas
précisément ce qui se fait (ou pas), il ne peut orienter LA PRISE EN COMPTE DES RESSOURCES
efficacement le travail des équipes. ET DES PRATIQUES LOCALES

Sans nier leur liberté d’action, et même en l’encou- En effet, il ne suffit donc pas de dire qu’une réforme
rageant, le chef d’établissement doit donc assurer doit être appliquée – parce que le devoir d’obéis-
un rôle constant de coordination et de veille. Les sance hiérarchique lié au statut de fonctionnaire
échanges, formels et informels, lui permettent de le commande – pour qu’elle le soit réellement. Des
mieux comprendre la façon dont les professeurs font études ont montré que l’impact en est minoré par
évoluer leurs pratiques. Il contribue à la dynamique le fait que « les enseignants adoptent une stratégie
des équipes disciplinaires et pédagogiques, propice à de filtrage des injonctions, implicite ou non, que
une évolution progressive des points de vue. d’aucuns pourraient comparer à une résistance ou
une force d’inertie. Les préconisations s’opposent à
Un autre aspect du pilotage pédagogique tient dans la la force du sentiment de compétence, d’estime de
capacité du chef d’établissement à solliciter ou opti- soi et à la conscience que les enseignants ont de
miser l’appui des corps d’inspection, qu’il s’agisse de leur métier et de la manière de (bien) l’exercer » 7.
l’IA-IPR référent ou des IA-IPR disciplinaires. Il peut Génératrice d’inconfort, la réforme suscite logique-
évidemment craindre que leur implication soit vécue ment des réserves.
par les enseignants comme une injonction hiérar-
chique au changement. C’est donc plus probablement Dans ce contexte, l’équipe de direction ne peut opérer
lorsqu’ils ont quitté la phase d’inquiétude ou de récri- de façon unilatérale ou brutale, c’est-à-dire sans tenir
mination pour entrer dans celle des questionnements compte des inquiétudes et des réticences qui s’expri-
didactiques et pédagogiques – et donc du travail de ment, sous diverses formes, devant les changements
fond proprement dit – que leur intervention peut réel- d’ampleur annoncés. C’est d’autant plus vrai pour
lement faire sens. la réforme du collège dont la démarche globale a de
quoi inquiéter, de façon tout à fait compréhensible,
Leur accompagnement peut revêtir deux formes. les enseignants.
D’abord, celle des inspections individuelles qui
permettent d’échanger avec les enseignants La manière de conduire le changement est donc
concernés, sur la mise en œuvre des nouveaux fondamentale. L’équipe de direction doit y réfléchir
programmes et leur articulation avec les compé- au préalable, puis tout au long de la mise en œuvre,
tences du socle commun. La réunion avec l’ensemble en tenant continuellement compte de l’hétérogénéité
de l’équipe disciplinaire – qui peut leur faire suite –
ouvre sur des discussions plus précises. La présence
du chef d’établissement est essentielle, notamment 7 Feyfant A., « Transformations du travail enseignant :
finalités, compétences et identités professionnelles », Lettre
dans cette période de « rodage ». La pertinence des d’information de la Veille scientifique et technologique, IFÉ,
choix faits lors de l’élaboration de la DHG peut ainsi n° 26, avril 2007, p. 2.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 65

statutaire et professionnelle des acteurs. « Derrière Au quotidien, beaucoup passe par sa capacité à
l’unité de façade qui s’exprime dans des moments conseiller les enseignants lors d’échanges informels.
de tensions (annonce de réformes, grèves, rentrée Une écoute attentive des inquiétudes qu’ils expri-
scolaire), il existe beaucoup de différences culturelles ment ou des questions qu’ils se posent lui permet de
et sociales dans le corps enseignant. Les professeurs mieux comprendre les spécificités du travail ensei-
tissent aussi des relations affinitaires et informelles gnant et d’identifier des axes possibles d’évolution
qui déterminent leur rapport au travail et leur degré et de formation.
d’implication dans la dynamique de l’établisse-
ment. Ces différentes conceptions du métier, si elles La réforme peut parfois réactiver des désaccords
paraissent, au premier abord, difficilement intégrables plus profonds parmi les enseignants, ou entre ensei-
dans un projet commun, offrent toutefois des possibi- gnants et direction. Des situations conflictuelles ne
lités de mobilisation sur telle ou telle action, à condi- sont pas à exclure, liées à l’histoire récente de l’éta-
tion que le chef d’établissement fasse preuve de tact blissement, à la composition des équipes, à la façon
dans la sollicitation des personnes au regard de leur dont la réforme impacte certains enseignants – ceux
positionnement identitaire » 8. d’allemand, au moment de la disparition des classes
bilangues, désormais rétablies – et à la légitime
Une bonne connaissance des équipes, la réalité et la préoccupation de leurs collègues de leur apporter
qualité des échanges et des travaux menés habituel- compréhension et solidarité –, quitte à adopter des
lement avec elles dans un esprit d’ouverture et de positions plus tranchées qu’à l’ordinaire. La présence
confiance, sont des atouts indéniables. Une équipe de et la disponibilité du chef d’établissement, sa volonté
direction qui porte habituellement une parole posi- d’apporter – en fonction de la structure pédagogique
tive et encourageante, qui a visiblement le souci d’ap- propre au collège, et en lien avec les autorités acadé-
porter des réponses claires et concertées aux diffi- miques et rectorales – des solutions aux contraintes
cultés rencontrées, saura se montrer plus facilement qui se font jour, son souci de l’accompagnement des
rassurante. C’est un moment où la personnalité et les personnes sont indispensables à la régulation des
compétences relationnelles du chef d’établissement, tensions éventuelles.
comme de l’adjoint, comptent particulièrement. À cet
égard, la route peut paraître moins difficile lorsqu’il Un écueil est toujours à éviter : celui d’une dévalorisa-
sait sa légitimité reconnue, du fait des qualités de tion des pratiques pédagogiques existantes. L’entrée
leadership dont il a déjà su faire preuve antérieure- en vigueur du nouveau socle commun de connais-
ment. Pour celui qui vient d’arriver dans l’établisse- sances, de compétences et de culture conduit, par
ment, l’enjeu est de taille car le temps d’observation exemple, à s’interroger sur l’usage des compétences
et de compréhension est plus court. au collège. On le sait, les situations varient considé-
rablement de l’un à l’autre, selon que les équipes se
L’objectif n’est cependant pas de convaincre à tout sont ou non emparées de la précédente version de
prix tout le monde du bien-fondé de la réforme. Il 2006 pour modifier leurs pratiques. Et si le chef d’éta-
est toujours bienvenu que des représentations et des blissement peut s’en étonner ou le déplorer, il ne peut
points de vue différents s’affirment. Ils permettent se contenter d’invoquer les nouveaux textes pour
d’interroger collectivement la place et le sens des exiger, séance tenante, une modification immédiate
valeurs (liberté, égalité, justice), de mettre en évidence de l’existant. Au contraire, il lui revient de s’appuyer
des conceptions variées du métier d’enseignant, de sur ce qui se fait – même si cela lui paraît insuffisant
laisser s’exprimer des craintes légitimes quant à son – pour amener les équipes à s’aventurer plus loin. Son
évolution. Certains enseignants font ainsi valoir que regard distancié, voire critique, n’est pas un frein s’il
l’égalité de traitement entre élèves est mise à mal autorise plus qu’il ne condamne.
par l’injonction qui leur est faite de traiter chacun
de façon particulière. Les échanges, parfois vifs – en De façon générale, pour les raisons largement
particulier avec certains représentants syndicaux –, évoquées ci-dessus, la plupart des enseignants
n’enlèvent rien aux qualités professionnelles de réagissent, en effet, de manière épidermique et peu
chacun, que le chef d’établissement doit toujours réceptive aux injonctions descendantes et conjonctu-
avoir à cœur de reconnaître. relles. Tous ont besoin d’un accompagnement bien-
veillant qui s’inscrive sur le long terme. Aux inquiets, il
est important de rappeler que, si la réforme appelle le
8 Bastrena M., Normand R., Nouis A., op. cit., p. 38. changement, ce changement s’inscrit nécessairement

SOMMAIRE
66 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

dans la durée. Les équipes ont besoin de savoir que ne Calendrier


sera pas exigé d’elles plus qu’elles ne peuvent donner. Un calendrier prévisionnel des temps de travail,
Ce n’est pas qu’une question de bien-être individuel connu de tous et qui tienne compte des autres
et de sérénité collective. C’est aussi une affaire de bon échéances obligatoires. Il s’agit d’éviter à tout prix la
sens, puisqu’il s’agit de faire progresser les élèves et, fatigue collective. Cette planification s’appuie assez
pour s’en assurer, de mettre d’abord en place des naturellement sur les « temps forts » de l’année :
conditions favorables. conseils d’enseignement de la rentrée, réunions préa-
lables à l’élaboration de la dotation horaire globale
La réception de la réforme dépend donc beaucoup du (janvier), conseils d’enseignement de juin, assemblées
leadership du chef d’établissement. « Une approche plénières ou groupes de travail qui clôturent la fin de
rationnelle et technique, s’appuyant sur des fonction- l’année et préparent l’année suivante (début juillet).
nalités, des dispositifs et des outils (indicateurs, proto- Si le planning peut être modifié dans l’année – pour
cole, circulaires, etc.) a peu de chances d’être efficace tenir compte d’impératifs nouveaux –, il n’est jamais
à elle seule. La transformation d’une organisation ou remis en cause dans son principe même.
d’une pratique relève surtout d’une affaire humaine
avec sa part de subjectivité, d’investissement de soi, Réunions
d’émotions ou d’affects, de valeurs mais aussi parfois Des réunions de travail organisées et menées : la
de préjugés. Les relations humaines et sociales sont fixation d’un ordre du jour précis et préalablement
un enjeu essentiel du pilotage pédagogique de l’unité communiqué aux participants, la possibilité qui leur
éducative » 9. Encore faut-il préciser que les qualités est donnée de faire part de leurs questions avant la
relationnelles du chef d’établissement ne sauraient tenue de la réunion, la désignation d’un secrétaire de
suffire à entraîner les équipes si elles ne se doublent séance en début de réunion, l’annonce d’une durée
pas de compétences plus techniques. En période de maximale, et raisonnable, évitent tout sentiment
changements, la cohérence de l’organisation interne d’improvisation – toujours préjudiciable à la mobi-
est, en effet, essentielle. lisation des acteurs. Pour inscrire le travail dans la
durée, il est utile de fixer, en fin de réunion, la date
de la prochaine.
UNE MISE EN PLACE DE CADRES ET DE
PROCÉDURES DE TRAVAIL RASSURANTS Chef d’établissement et adjoint ont intérêt à dégager
un temps commun, quelques jours avant la réunion,
Évoquant la métaphore musicale du chef d’or- pour échanger en profondeur sur les points qui y
chestre, courante à propos du chef d’établissement, seront abordés. Un dialogue ouvert entre eux – admet-
J.-Y. Langanay relève que « sa partition fédère et tant donc la contradiction – permet de s’assurer que
synthétise la singularité de chaque pupitre et de ce qui est mis à l’ordre du jour correspond à des
chaque musicien, soliste et du rang. Il vise à faire besoins qui se sont exprimés, de façon plus ou moins
travailler son ensemble en harmonie pour la plus formelle, du côté des enseignants et sur lesquels ils
grande satisfaction du public » 10. Conscient que, dans seront donc prêts à échanger.
un contexte de changement, cette harmonie est parti-
culièrement aléatoire, il avance à pas fermes mais Lors de ces réunions de travail, les équipes pédago-
mesurés. Il veille à poser les cadres et procédures qui giques et éducatives ont besoin de poser des ques-
vont sécuriser, non seulement les acteurs eux-mêmes tions et d’échanger sur les difficultés rencontrées, en
mais aussi les processus à l’œuvre. L’ordre et la stabi- toute confiance. Il doit être clair pour le chef d’établis-
lité facilitent le changement – à condition de ne pas sement qu’aucune intervention ne peut être a priori
basculer dans un excès de contrôle. considérée comme irrecevable. Le degré d’appropria-
Ces cadres peuvent revêtir différentes formes. tion des textes entourant la réforme étant nécessai-
rement variable, il lui revient de veiller à ce qu’une
écoute rÉSPÉctueuse soit la règle.

La difficulté principale est sans doute de faire en sorte


que les points de vue sur la réforme ne rendent pas
9 Muller F., Normand R., École : la grande transformation ?
impossible l’entrée dans le travail de fond. Cela est
Les clés de la réussite, pp. 22-23. facilité par une parole éthique et une organisation
10 Op. cit., p. 17. rigoureuse.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 67

Décisions à se situer dans le travail collectif engagé. En somme,


Des décisions dont la mise en œuvre est assurée : il est ces supports formels associant technique et commu-
important d’éviter le sentiment de « tourner en rond » nication rendent possible l’expression de tous et
ou de « faire du sur-place », souvent lié à la redon- placent les acteurs en réseau. Toutefois les intermé-
dance des mêmes questions lors de réunions succes- diaires formels – salles, plannings, comptes rendus,
sives. Certaines, moins complexes, doivent donner techniques, technique de gestion, etc. – ne gomme-
lieu à des décisions rapides. C’est, par exemple, le cas ront jamais les incertitudes et la part d’informel inhé-
de la mise en place des brevets blancs, dont l’organi- rente à toute organisation humaine » 11.
sation doit être revue pour s’adapter au nouveau DNB.
Une réunion préalable avec les professeurs qui vont Mise en œuvre
établir les sujets et les corriger est indispensable. Elle Une mise en œuvre effective des instances régle-
permettra ensuite d’informer les élèves et les familles mentaires. Sans entrer dans le détail, qui sera abordé
dans un délai raisonnable. D’autres nécessiteront un dans la dernière partie, les instances garantissent
travail plus en profondeur, appelant la réunion du lisibilité et cohérence dans la mise en œuvre de la
conseil pédagogique ou la constitution de groupes réforme. Elles permettent d’identifier, à partir des
de travail. leviers les plus pertinents, les axes de travail prio-
ritaires, en précisant ce qui va relever du pilotage de
Outils de suivi l’équipe de direction, d’une part, de la réflexion et de
La création d’outils de suivi des actions menées. l’innovation pédagogiques des enseignants, d’autre
Même s’ils ne donnent qu’imparfaitement à voir part. Elles assurent que ce qui se propose et se valide
ce qui se construit – et notamment la richesse des collectivement est effectivement mis en œuvre. Il est
échanges entre les acteurs –, ils contribuent à inscrire donc indispensable qu’elles soient sollicitées de façon
ces actions dans une réalité tangible, mesurable et régulière et pertinente, à des moments et selon des
modifiable. modalités adaptées.

Traces écrites
Des traces écrites (sous forme de comptes rendus, UNE COMMUNICATION CONSTANTE
de fiches outils…). Cette formalisation, qui n’est pas EN DIRECTION DES PARTENAIRES
toujours habituelle, permet de garder en mémoire le
déroulé des échanges, les propositions qui ont été La réussite d’une réforme repose pour une part non
retenues, celles qui ont été écartées, les éclaircisse- négligeable sur la qualité de l’information et de la
ments à apporter. Elles participent de la construction communication. Le chef d’établissement doit prendre
d’une « intelligence collective ». Les modalités de leur en compte une multiplicité d’acteurs, qui portent sur
diffusion, de leur(s) modification(s) éventuelle(s) et de la réforme un regard plus ou moins averti. Il lui appar-
leur conservation sont donc essentielles. tient de veiller à ce que chacun d’entre eux en ait
une réelle compréhension. Son discours gagne à être
Conditions de travail ouvert et clair.
Des conditions de travail préservées. L’équipe de
direction doit, dans la mesure du possible, faire en La communication ne laisse que peu de place à l’im-
sorte que la mise en œuvre de la réforme ne vienne provisation. Si tous les mots ne sauraient évidem-
pas détériorer l’existant. Ce n’est pas toujours ment être soupesés, l’orientation générale du discours
possible, lorsqu’il s’agit – par exemple – de fermer doit être réfléchie. Le chef d’établissement doit savoir
un poste d’allemand en raison du trop faible nombre adapter son message à ses interlocuteurs, penser les
d’heures de cours dispensées. Malgré les efforts moments et les modalités d’une communication qui
déployés pour éviter cette situation, l’enseignant
concerné en gardera évidemment un goût amer – et
les autres collègues avec lui. En dehors de ces situa- 11 Dans ce sens, Blanquart F. et Walkowiack C. distinguent,
tions, qui peuvent générer un sentiment de frustra- à propos de la mise en œuvre du socle commun, entre
la validation certificative des compétences – qui relève
tion, le chef d’établissement doit se montrer à l’écoute de la direction – et les problématiques pédagogiques
et facilitant. – prise en charge des difficultés des élèves, différenciation
pédagogique, croisement des regards disciplinaires autour
de compétences communes – sur lesquels les enseignants
« Toutes ces dimensions sociotechniques contiennent ont à concentrer leurs efforts, Réussir l’école du socle en
l’action et réduisent la complexité, aident les acteurs faisant dialoguer et coopérer les disciplines, p. 22.

SOMMAIRE
68 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

associe transmission institutionnelle d’informations Les élèves


et échanges variés et fructueux. L’information des élèves, en particulier ceux de troi-
sième qui se voient appliquer les nouvelles moda-
Les parents d’élèves lités du DNB, est aussi à réfléchir. Les professeurs
Une présentation des aspects essentiels de la réforme principaux jouent ici un rôle essentiel puisqu’il
est d’abord indispensable en direction des parents leur revient de présenter les enjeux de cette année
d’élèves. Elle l’est d’autant plus que beaucoup ne se en termes scolaires et d’orientation. Leur rôle n’est
font une idée de la réforme qu’au travers de ce qu’en cependant pas exclusif. D’autres acteurs peuvent
disent les médias. Les contestations qui s’y expri- expliciter les parcours (CPE, COP, infirmière scolaire,
ment sur tel ou tel de ses aspects provoquent des professeur-documentaliste…).
inquiétudes qu’il s’agit d’écouter et de dissiper, en
apportant les éclaircissements nécessaires – lorsqu’ils La précision et la cohérence des interventions sont
sont possibles. Il est ainsi important de dire que les essentielles pour permettre aux élèves d’investir les
enseignements complémentaires ne sont pas des actions et de s’approprier les outils qui leur seront
temps récréatifs mais qu’ils participent pleinement proposés. Il est ainsi important de leur signaler que
à l’acquisition de connaissances et de compétences. les expériences vécues en dehors de l’établisse-
ment constituent un élément à part entière de leur
Cette communication se fait à différents moments : parcours. L’information peut alors se doubler d’une
–– lors de la rentrée de chaque niveau de classe, par formation à l’application nationale Folios qui leur
des apports adaptés (dans la forme et dans le permettra de garder trace de ces expériences, d’en
contenu) sur l’accompagnement personnalisé, les mesurer la richesse et de prendre conscience des
EPI ou le nouveau DNB. De façon complémentaire, compétences acquises.
ces informations peuvent être diffusées et actua-
lisées via l’environnement numérique de travail ; Il convient donc de préciser toute l’importance qu’il
–– lors de réunions spécifiques, comme la présenta- y a à envisager la transmission des informations
tion de l’année de troisième aux élèves et parents comme permettant, en retour, une écoute et une prise
d’élèves concernés ou lors de la première rencontre en compte des besoins et des propositions des repré-
parents-professeurs (qui a souvent lieu en octobre). sentants des parents comme des élèves. Informés
Le discours est alors plus ciblé et plus précis. La des principes et des objectifs du parcours avenir, les
remise du premier bilan périodique (après les premiers peuvent non seulement les diffuser aux
conseils de classe de début décembre) permet ainsi autres parents, mais également s’y impliquer (en
d’évoquer plus précisément le contenu des ensei- présentant, par exemple, leur métier dans le cadre
gnements complémentaires, les actions menées d’un forum in situ).
dans le cadre des différents parcours ;
–– lors des séances de la commission permanente ou Les partenaires extérieurs
du conseil d’administration. Elles permettent d’in- L’information des partenaires extérieurs (entreprises,
former les représentants de parents d’élèves et de associations, collectivités territoriales, représentants
répondre à leurs questionnements éventuels sur les du monde économique et professionnel…) doit
nouveaux programmes, les enseignements complé- leur permettre de savoir en quoi leur intervention
mentaires, les parcours, mais aussi l’équipement contribue à l’ouverture culturelle des élèves.
en nouveaux manuels scolaires. Surtout, elles les
associent directement aux décisions importantes,
notamment au moment de la DHG – s’agissant,
par exemple, de la répartition des enseignements
complémentaires sur les différents niveaux de
classe.

Des temps plus spécifiques peuvent aussi permettre


de présenter les choix de l’établissement, comme le
moment d’inscription d’un nouvel élève auquel est
explicité son emploi du temps (et, ainsi, le fonction-
nement de l’accompagnement personnalisé ou des
EPI s’ils y apparaissent).

SOMMAIRE
L’AMÉNAGEMENT
D’ESPACES ET DE
TEMPS COLLABORATIFS

Dans un article récent, Alain Bouvier déplorait « une porteuse d’un projet symbolique, mais qui n’est pas
incroyable autarcie collective » et un manque de complètement vraisemblable 2 ».
« coopérations de proximité » et de « coconstructions
dans les établissements scolaires » 1. Ce constat n’est C’est d’autant plus vrai que la prescription institu-
pas nouveau ; il est souvent admis par les enseignants tionnelle est forte. Toute réforme porte indubitable-
eux-mêmes : dans un contexte de liberté pédagogique ment en elle le risque d’une crispation des acteurs
exercée au sein de classes fermées – les fameuses scolaires sur ce qu’ils savent faire plutôt que sur ce
« boîtes à œufs » –, travailler avec les autres est diffi- qu’on leur demande de faire. L’enjeu est alors de les
cile. Aux contraintes de temps et d’organisation (des aider à prendre conscience, qu’au-delà de la réforme
espaces, des services…) s’ajoute la crainte d’être jugé en tant que décision politique – aléatoire –, ce sont
ou de se juger moins compétent que les pairs. bien les problématiques qu’elle met au jour qui
ouvrent à davantage de travail collaboratif dans les
Certes, des coopérations existent, affaires d’affinités établissements scolaires. Dans cet article antérieur à
personnelles et/ou d’intérêts didactiques, pédago- la réforme, Y. Dupriez évoque déjà ce qui en constitue
giques ou éducatifs communs. Mais, souvent ponc- finalement les aspects essentiels : l’accompagnement
tuelles et plutôt informelles, elles ne donnent pas des élèves dans leur globalité, la place des savoirs
nécessairement lieu à une réelle interdépendance contextualisés, la pédagogie par projet…
professionnelle plus caractéristique de la collabo-
ration. Elles visent, pour l’essentiel, à répondre à Il convient, dès lors, de s’attacher à préciser ce qui
des besoins urgents ou ciblés dans le temps (l’orga- peut concrètement permettre de promouvoir cette
nisation d’une sortie ou d’un voyage scolaire, par idée de culture apprenante et, partant, d’inscrire l’éta-
exemple). Des routines peuvent également s’installer, blissement scolaire dans une perspective dynamique :
avec des projets ou des actions reconduit(e)s pendant une définition collective des besoins, la mobilisation
plusieurs années, sans réelle évaluation – ni sur les de tous les acteurs de la communauté éducative, le
apprentissages des élèves, ni sur le développement développement de pratiques collaboratives ouvrant
professionnel de leurs auteurs. sur des démarches pédagogiques nouvelles.

Le « pari du collectif » et, avec lui, la vision de l’éta-


blissement scolaire comme « organisation appre- UNE DÉFINITION COLLECTIVE DES BESOINS
nante » sont donc loin de se concrétiser dans les faits,
ce qui fait écrire à Vincent Dupriez que « le travail Pour se développer réellement, la concertation doit
collectif des enseignants peut être rapproché du récit apparaître non comme une injonction institution-
mythique : c’est une histoire qu’on nous raconte, qui nelle, mais comme la réponse appropriée à un ou des
commence à s’inscrire dans l’univers scolaire, qui est besoin(s) énoncé(s) et partagé(s). « Dans un monde
décrit comme difficile à réformer parce que trop
souvent tenté par des affrontements stériles entraî-
nant immobilisme et conservatisme, la sphère de

1 Bouvier A., « Le management pédagogique de proximité », 2 Dupriez V., « Le travail collectif des enseignants : au-delà
in L’autonomie, pour quoi faire ?, p. 80 et suivantes. du mythe », Travail et formation en éducation, n° 7, 2010.

SOMMAIRE
70 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

l’établissement est un ensemble où les débats peuvent Ces échanges peuvent prendre des formes différentes
être vifs mais où la volonté de faire ensemble est réel- selon les thèmes de travail évoqués : conseils d’en-
lement présente. Non pas que des débats n’aient pas seignement, conseil pédagogique – plus ou moins
cours sur telle ou telle réforme, par exemple, mais, élargi –, commissions thématiques, réunions des
plus que tout, est présente la conscience que, quelles professeurs principaux ou des coordonnateurs de
que soient les appréciations des uns et des autres, il discipline.
faudra accueillir et faire réussir les élèves » 3.
Ils permettent de questionner, clarifier, débattre. Ils
Du point de vue du pilotage de l’établissement, la font émerger des représentations et des conceptions
ligne de crête est étroite. Car si le besoin de travailler variées, à partir desquelles des accords sont recher-
ensemble s’énonce souvent facilement, il s’accom- chés. Ce n’est qu’à la condition d’exprimer des orien-
pagne rapidement de deux réserves : d’une part, celle tations et une méthodologie de travail communes
du temps disponible, d’autre part celle de l’intérêt que qu’ils peuvent être porteurs de cohérence.
chacun pense y trouver. La concertation ne doit pas
être perçue comme trop éloignée du vécu immédiat De tels échanges ne sont pas faciles à organiser de
des enseignants, qui évoquent souvent le besoin de façon régulière. Les contraintes temporelles sont
« concret ». Or, la complexité de certains sujets – réelles ; d’autres réunions portant sur le suivi de
comme l’évaluation par compétences – ne se prête certains élèves ou de certaines classes ou sur la
pas à du « clé en main » mais projette nécessairement préparation d’actions éducatives ou culturelles
les équipes sur un travail en profondeur et dans la doivent également se tenir. Les acteurs peuvent se
durée. sentir très, voire trop, sollicités et, pour éviter l’usure,
ne répondre qu’à certaines demandes, voire se mettre
Des équilibres sont donc à trouver, pour que la concer- volontairement en retrait en se recentrant sur la prise
tation prenne tout son sens, sur des objets collective- en charge de leurs élèves. Inévitablement, le désen-
ment identifiés. Elle peut permettre aux enseignants : gagement de certains peut impacter la motivation
–– d’avoir une vision plus claire des changements des autres. Il y a là un équilibre à trouver, ce qui est
attendus (et donc de mieux s’approprier les enjeux probablement plus facile lorsque les objectifs et les
de la réforme) ; cadres de travail ont été énoncés dès le départ, et ne
–– de prendre conscience et de discuter des écarts sont pas ensuite perdus de vue.
entre le prescrit et le réel, c’est-à-dire entre les
objectifs que l’établissement se fixe en tenant Le chef d’établissement doit également être attentif
compte des attendus nationaux et académiques, aux récriminations des parents d’élèves qui, direc-
et les résultats effectivement obtenus, par exemple tement ou par la voix de leurs représentants, se
sur la maîtrise des compétences ; plaignent des heures de cours non assurées. D’autant
–– d’échanger sur l’intérêt qu’il y aurait à tenter de que les réunions internes, qui peuvent amener à
réduire ces écarts au regard du contexte local (limi- libérer les élèves plus tôt, s’ajoutent aux formations
tation du décrochage, meilleure prise en charge des extérieures ou sur site auxquels les enseignants sont
élèves à besoins spécifiques, orientation moins convoqués. L’arbitrage n’est pas toujours aisé. Le
subie par certains élèves…) ; chef d’établissement doit alors déployer conviction
–– d’explorer des pistes de travail nouvelles et, par et diplomatie pour convaincre de l’importance de ces
exemple, de faire des propositions de mise en temps de travail pour la progression des élèves.
œuvre des enseignements complémentaires et des
parcours qui favorisent de meilleures conditions Pour gagner en latitude et éviter d’empiéter trop
d’apprentissage pour les élèves ; souvent sur la « pause déjeuner », il est possible d’ins-
–– de partager sur les difficultés rencontrées dans taurer des heures de concertation dans les emplois
cette mise en œuvre, et d’ajuster en conséquence. du temps des professeurs. La demande peut émaner
d’une ou plusieurs équipes disciplinaires pour
être progressivement étendue. En REP+, des plages
horaires durant lesquelles tous les enseignants sont
dégagés de cours pour travailler ensemble sont même
instituées. Elles leur permettent de s’emparer des
3 IGEN-IGAENR, Les mécanismes de concertation
dans les établissements publics et privés sous contrat,
nouveaux programmes pour construire des progres-
rapport n° 2016-055, août 2016, p. 8. sions communes ou de réfléchir à une harmonisation

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 71

des modalités d’évaluation des élèves. Lors des les personnes n’est pas possible car le changement
conseils d’enseignement, le chef d’établissement peut passe nécessairement par elles. Pour autant, il est
les questionner sur l’intérêt de ces heures de concer- aussi nécessaire d’aller au-delà de certains discours
tation et sur la manière dont elles sont mises à profit. « conservateurs », pour répéter et argumenter l’in-
térêt, individuel et collectif, qu’il y a à investir ces
De la même façon, la dernière semaine de présence nouveaux champs d’action.
des élèves au collège – début juillet – est l’occasion
de moments de travail communs. Des ateliers « tour- À destination du collectif, le chef d’établissement peut
nants » peuvent être proposés aux élèves encore s’appuyer sur les valeurs et les priorités énoncées
présents, permettant aux enseignants qui ne les dans le projet d’établissement. Il s’agit, par exemple,
animent pas de se réunir pour des bilans de l’année, de montrer que la mise en place des nouveaux ensei-
et de donner corps à des projets (inter) disciplinaires. gnements complémentaires ne sera pas « hors sol »,
Les travaux menés lors de ces journées peuvent mais bien arrimée à ce qui existe. De la même façon,
être présentés à tous – notamment aux personnels les parcours s’inscrivent dans la continuité de ce qui
nouvellement arrivés dans l’établissement – lors se faisait déjà, tout en le prolongeant. Chacun d’eux
de la journée de prérentrée. Elle constitue un autre « nécessite une construction collective au cours de
moment important de concertation, qui permet non laquelle chacun doit situer sa responsabilité propre et
seulement de dresser un bilan de l’année écoulée où tous les acteurs doivent pouvoir réfléchir à la mise
mais également de se fixer des objectifs pour l’année en synergie de leur action éducative commune » 4. La
qui commence. L’année 2016-2017 a ainsi ouvert des transformation n’est pas une rupture brutale, elle
perspectives riches avec la mise en place du nouveau s’inscrit dans la durée et chaque acteur y contribue,
DNB et des parcours, sujets de la réforme encore peu en interaction constante avec les autres.
abordés – les équipes de direction ayant d’abord privi-
légié la mise en place des enseignements complé- Recourir aux valeurs, à la culture de l’établissement
mentaires, pour des raisons de DHG. permet de mettre en évidence la dimension éducative
et formative de l’action collective. Jean-Pierre Obin a
montré tout l’intérêt qu’il y a à faire appel à ce qui
LA MOBILISATION DE TOUS LES ACTEURS peut la cimenter. Les différentes composantes du
DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE climat scolaire en constituent le socle : sentiment de
sécurité et d’appartenance, exigence et bienveillance,
Ainsi, l’engagement des acteurs dans la mise en sentiment de justice et d’équité. Elles permettent de
œuvre de la réforme dépend-il en partie du cadre faire émerger un consensus – voire le sentiment d’une
clair et du soutien permanent de l’équipe de direction. responsabilité collective – autour de la progression
Sans une impulsion réelle, sans une volonté assumée et/ou de la réussite des élèves envisagés dans leur
d’influencer, sans un soutien permanent, sans une globalité.
communication claire, peu émerge et se construit
durablement. La référence aux priorités impacte ainsi la mise en
œuvre des enseignements complémentaires. La
Tous doivent être sollicités. La tentation pourrait recherche – commune à tous les collèges – d’une
exister, pour le chef d’établissement, de concentrer meilleure progression des élèves dans les apprentis-
sur les enseignants qui ont montré un accueil (très) sages se décline localement de façon plus spécifique.
favorable à la réforme et/ou qui constituent déjà des Le constat aura pu, par exemple, être fait d’une dété-
personnes-ressources dans le collège. Il y a là un point rioration progressive de la motivation des élèves tout
de vigilance à avoir. Leur professionnalisme ou leur au long de la scolarité obligatoire. C’est souvent net
expertise – s’agissant, par exemple, d’enseignants en classe tout au long du cycle 4. Les EPI peuvent être
qui sont également formateurs académiques – sera un moyen, parmi d’autres, d’inverser cette tendance :
à valoriser aux moments pertinents. le recours à d’autres façons de travailler en classe
et, notamment la place accordée à l’autonomie des
Mais, au point de départ, le chef d’établissement élèves dans l’exécution des activités qui leur sont
parle à tous, même s’il le fait sans doute différem-
ment de l’un à l’autre, dans le souci de tenir compte
des représentations, valeurs et points de vue qui 4 
Guide pratique du Parcours avenir, à destination
s’expriment toujours de façon très singulière. Ignorer des chefs d’établissement, p. 13.

SOMMAIRE
72 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

proposées, peut avoir des effets positifs sur leur atten- de trier et d’utiliser les informations. Pour cela, les
tion et leur persévérance. Associés aux parcours, ils professeurs impliqués sont inévitablement invités
participent d’une action éducative de plus longue à partager, dans un esprit de rÉSPÉct mutuel, ce qui
durée. fonde le cœur même des pratiques pédagogiques de
leur discipline » 5.
D’un point de vue individuel, au-delà des discus-
sions informelles, il appartient au chef d’établisse- La question du sens est notamment au centre des
ment d’identifier non seulement la façon dont chaque démarches de collaboration inhérentes aux EPI. Il ne
acteur se positionne face au changement mais aussi s’agit plus seulement de délivrer, de façon éparpillée
les compétences professionnelles et relationnelles et cloisonnée, une multitude de savoirs. Il ne s’agit
dont il fait preuve. Les échanges avec chaque profes- plus de laisser les élèves établir des connexions entre
seur sont autant d’occasions d’évoquer leur senti- eux – ce que les enseignants eux-mêmes ne font pas
ment sur la réforme, la façon dont ils contribuent toujours. C’est à ces derniers d’opérer ce travail de
à sa mise en œuvre, les difficultés ou les question- mise en lien, qui passe nécessairement par une prise
nements qu’ils rencontrent. Ils permettent au chef en charge des questions pédagogiques sous-jacentes.
d’établissement de (re)dire les qualités personnelles « Les projets interdisciplinaires obligent à exposer
et professionnelles, de reconnaître l’investissement, les théories-en-pratique, c’est-à-dire les conceptions
de rassurer, d’encourager les initiatives. plus ou moins conscientes, plus ou moins claires du
savoir et de l’apprentissage qui orientent implicite-
ment le travail des uns et des autres. Travailler en
LE DÉVELOPPEMENT DE PRATIQUES interdisciplinarité, c’est mettre sous le regard d’au-
COLLABORATIVES EN INTERNE trui, un rapport pédagogique vécu, en général, dans
OU EN RÉSEAU l’intimité de la classe. Ce peut être une expérience
difficile, et être vécu comme une menace et une perte
La réussite de la réforme du collège repose indubita- de maîtrise » 6.
blement sur la capacité des équipes pédagogiques et
éducatives à dépasser la « division cellulaire » tradi- C’est pourquoi les acteurs attendent d’être sécurisés
tionnelle pour travailler ensemble sur le « cœur du par une organisation qui permet d’entrer, à moindre
cœur de métier ». Non seulement parce que l’objectif risque, dans ces nouvelles façons de faire et d’envi-
général de la réussite du plus grand nombre d’élèves sager la collaboration comme une ressource permet-
se heurte au cadre scolaire segmenté, où chacun tente tant de les mener à bien. Au-delà de sa prescription
de faire au mieux sans toujours savoir comment les par l’institution, la mise en œuvre des enseignements
autres procèdent. Mais aussi parce que l’organisation complémentaires interpelle donc les acteurs sur leur
des enseignements et des parcours qu’elle établit capacité à s’extraire des habitudes. Le travail collectif
conduit à communiquer et construire ensemble. génère nécessairement un sentiment d’inconfort :
des discussions doivent avoir lieu, des compromis
La mise en place des nouveaux enseignements sont à trouver sur des représentations et des objec-
complémentaires place, en effet, l’approche interdis- tifs communs. Sans doute une répartition des tâches
ciplinaire et la démarche de projet au cœur des ensei- est-elle nécessaire pour que chacun sache sur quoi et
gnements disciplinaires. Ce changement bouleverse à quoi il s’engage.
la donne, en obligeant à passer d’une approche isolée
des disciplines à une réflexion approfondie sur les La conviction que les choses sont possibles n’est
apports de leurs croisements possibles. « On ne peut pas seulement portée par l’équipe de direction. Elle
en effet concevoir un EPI en se limitant à repérer et est le fait des enseignants eux-mêmes. La culture
associer des éléments de programmes dans un cadre de l’établissement joue ici un rôle essentiel. Mais,
thématique. Il devient à un moment donné nécessaire même dans un contexte moins « porteur », certains
d’analyser l’effectivité du parcours d’apprentissage exercent une influence positive sur les autres – et
des élèves, à savoir les démarches d’appropriation,
de mémorisation, de mise en relation des diffé-
rentes notions disciplinaires abordées, les éléments
5 Lacueille P., « Les disciplines n’ont rien à y perdre »,
qui ont suscité la motivation et la persévérance, les Les Cahiers pédagogiques, op. cit., p 18.
méthodes de travail qui ont permis de s’organiser 6 Hugon A.-M., « Travailler en interdisciplinarité au collège
dans le temps, de partager les tâches, de sélectionner, et au lycée ».

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 73

contribuent à faire bouger les lignes. Cette influence


se manifeste différemment selon les individualités,
la place occupée ou souhaitée dans le groupe. Elle se
laisse difficilement appréhender. Certains éléments
distinguent cependant les enseignants « leaders » :
leur capacité à prendre de la hauteur et du recul – en
se formant –, à partager des compétences particu-
lièrement utiles, à être force de proposition en toute
humilité, à exprimer leurs doutes avec pondération,
à envisager les difficultés rencontrées comme autant
d’occasions d’apprendre.

Les mêmes, ou d’autres, exercent aussi des responsa-


bilités particulières qui les placent au cœur de l’action :
coordonnateur de discipline, référent numérique,
professeur principal, professeur-documentaliste,
CPE. La mise en place des indemnités pour missions
particulières permet encore d’enrichir la liste, en
fonction des besoins identifiés dans l’établissement :
référent décrochage, référent « PPRE » ou « PAP », réfé-
rent culture… Tous concourent, d’une façon ou d’une
autre, à la transformation des pratiques existantes. Il
reste que rendre la collaboration effective n’est pas
si facile. Le souci de préserver des relations sereines
avec leurs collègues peut conduire les leaders, formels
ou non, à une certaine réserve.

L’expertise de partenaires peut aussi être sollicitée. Le


chef d’établissement ne peut prétendre tout maîtriser,
et sa qualité d’animateur pédagogique dépend de sa
capacité à s’entourer de toutes les compétences utiles.
L’ouverture sur l’extérieur permet une approche
complémentaire des problèmes et confère richesse et
qualité au parcours de l’élève. Le rôle des intervenants
extérieurs doit être clairement précisé.

SOMMAIRE
DES DÉMARCHES
INVENTIVES
ET RÉFLEXIVES

La réforme du collège conduit à déprivatiser les REPENSER LES PRATIQUES


pratiques pédagogiques pour en faire des objets de D’ENSEIGNEMENT ET L’ORGANISATION
travail collectif 1. La mise en place des enseignements PÉDAGOGIQUE
complémentaires implique ainsi de concevoir une
organisation pédagogique nouvelle. La collabora- L’élaboration d’un EPI nécessite que les enseignants
tion apparaît alors comme ce qui permet aux ensei- impliqués se rencontrent et se mettent d’accord.
gnants d’échanger, de partager leurs expériences, Divers niveaux d’action, plus ou moins élaborés,
de confronter leurs idées en vue de résoudre les sont en effet possibles 2. Il est essentiel, en amont,
problèmes ou les défis nouveaux qui s’imposent à de clarifier la façon dont chacun œuvrera et articu-
eux du fait des prescriptions institutionnelles. lera son action à celle des autres. Il serait, en effet,
problématique que les EPI reconstituent des unités
Dans ce cadre, le chef d’établissement joue un double « cloisonnées ».
rôle de facilitateur et de régulateur. Il garantit que
l’action des équipes s’inscrit dans le cadre fixé par la Le site Éduscol propose des exemples intéressants
réforme, notamment dans l’utilisation des nouvelles d’EPI, au travers desquels se fait jour une démarche
marges pédagogiques et répond aux priorités défi- générale sur laquelle les enseignants peuvent
nies dans le projet d’établissement. Il s’assure de la s’appuyer :
faisabilité des propositions. Il veille à ce que des outils –– choix des sujets d’étude qui seront proposés
soient formalisés, utiles à l’émergence d’une mémoire aux élèves à partir d’une lecture croisée des
collective de ce qui se fait, et aux ajustements futurs. programmes et du socle ;
–– choix des disciplines impliquées et détermination
Soucieux de faire avancer les choses, il garde cepen- de la contribution de chacune ;
dant à l’esprit qu’il n’est ni possible, ni souhaitable –– identification des compétences travaillées ;
de vouloir tout contrôler. Il est indispensable que les –– définition d’objectifs clairs et explicites pour les
enseignants puissent bénéficier d’une réelle liberté élèves ;
dans l’élaboration et la mise en œuvre. C’est ainsi –– détermination de la production finale attendue ;
qu’ils pourront oser et s’approprier des postures et –– mise en lien avec les parcours ;
des démarches nouvelles, porteuses de sens pour les –– organisation générale de l’EPI : durée, contenu et
élèves. progression des séances, modalités de groupement
et de travail des élèves, modalités d’évaluation ou
d’auto-évaluation de leur implication dans l’EPI ;

2 Bartolucci A., Bouchard L. et Rivoire J. en distinguent


plusieurs : tâche impliquant plusieurs disciplines, apport
d’un éclairage sur un même thème à partir de différents
points de vue, travail en commun sur une même
1 Dupriez V., « Travailler et apprendre à l’école, entre compétence méthodologique, sur un même objectif général,
enseignants », Le pari du collectif, Les Cahiers pédagogiques, ou sur même concept, « Ce qui nous guide pour travailler
n° 524, novembre 2015, p. 22. ensemble », Les Cahiers pédagogiques, n° 528, pp. 13-14.

SOMMAIRE
76 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

–– communication autour de l’EPI : présentation du de leurs disciplines à un projet d’apprentissage qui à


projet aux élèves et aux familles, recherche de la fois englobe et dépasse ces dernières » 4.
partenaires ;
–– évaluation de l’EPI lui-même, identification des De ce point de vue, l’EPI est loin d’être un simple
critères et indicateurs de réussite. « temps récréatif » comme le suggèrent certains
enseignants – ainsi de la proposition d’une semaine
À l’intérieur de ce cadre général, les tâches, moments interdisciplinaire en fin d’année, quand il s’agit « d’oc-
et lieux d’intervention peuvent être anticipés de cuper les élèves ». S’il s’appuie sur des activités stimu-
façon à en assurer la fluidité et la cohérence pour lantes, c’est pour permettre aux élèves non seulement
les élèves. Les temps de co-intervention prévus pour de faire explicitement des liens entre des savoirs issus
l’EPI peuvent être peu nombreux. Il est important de disciplines différentes, mais aussi et surtout de
que les élèves puissent comprendre le thème choisi, comprendre en quoi ces savoirs résonnent avec les
s’approprier la direction donnée par leurs professeurs préoccupations de la « vie réelle ».
et cheminer ensuite jusqu’à la réalisation finale.
Travailler ensemble de cette façon permet de déter- La façon d’aborder les EPI et de les construire est donc
miner les connaissances et compétences que l’on essentielle. Les contenus disciplinaires cessent d’être
cherche à développer ou consolider chez les élèves. appréhendés de façon isolée. Le travail en équipe s’en-
richit de la compréhension de différentes approches
Il faut toutefois se garder d’un trop grand formalisme. et de la recherche d’une articulation qui rend néces-
Il pourrait conduire les enseignants à privilégier un saire le partage des ressources. « Travailler en inter-
projet techniquement abouti au détriment de ce qui disciplinarité, c’est aussi ouvrir aux autres ses portes
est central : le développement de l’autonomie et de et ses cahiers de préparation, montrer ses supports
la créativité des élèves. Comme l’écrit F. MULLER, « le et ses critères d’évaluation, et travailler ensemble à
projet n’est pas une fin en soi, mais un moyen de rendre audible et compréhensible un discours poly-
mobiliser plus efficacement l’attention, les savoirs en phonique » 5. C’est considérer que le regard des collè-
situation de découverte et de production » 3. gues ne constitue pas un risque mais une occasion
d’échanger sur des démarches didactiques et pédago-
Pour les enseignants impliqués dans les EPI, l’enjeu giques abordées de façon complémentaire. Partant de
est bien de centrer leurs efforts sur le choix des cette expertise disciplinaire partagée, c’est concevoir
démarches qui vont permettre à tous les élèves de ensemble un projet qui révélera aux élèves toute la
s’engager dans le projet proposé et de s’y impliquer complexité du réel 6.
pleinement en apprenant les uns des autres. La tenta-
tion d’une jonction artificielle des disciplines doit L’accompagnement personnalisé s’inscrit aussi dans
donc être écartée au profit d’un double croisement cette recherche de sens. Les temps qui y sont consa-
des regards sur les élèves d’une part, sur les pratiques crés doivent permettre aux élèves de développer
pédagogiques d’autre part. « Un EPI ne peut se limiter des compétences du socle, en particulier celles des
à la juxtaposition de séances disciplinaires ; il porte domaines 1 et 2. Pour être efficace, cet accompagne-
en lui-même une logique intégratrice inédite, car il ment prend appui sur une analyse précise de leurs
invite l’équipe pédagogique à observer, non pas en besoins, à partir des observations combinées de
périphérie mais au cœur même des enseignements l’équipe pédagogique. L’approche par niveau de classe
disciplinaires, comment l’élève sédimente et structure et par cycle permet que les objectifs et les contenus de
l’ensemble des connaissances abordées, comment il l’AP évoluent de façon progressive et adaptée.
manifeste sa maîtrise des différents langages dans
des contextes variés. L’EPI peut ainsi être apparenté
à un véritable laboratoire d’appropriation sur le socle
commun. Une telle orientation invite les enseignants
à partager leurs pratiques et organisations de classe,
à convenir d’un vocabulaire commun, didactique et 4 Laccueille P., « Les disciplines n’ont rien à y perdre »,
pédagogique, à négocier positivement la contribution ibid., p. 19.
5 Blanquart F. , Defresne J.-Y., Fresko Y., Valdher I.,
Vantomme I., Walkowiak C., « Suis-je manipulé
par l’image que je vois ? », op. cit., p. 41.
6 Document établi par le collège des IA-IPR de Strasbourg
3 Muller F., ibid., p. 17. sur les EPI, mai 2016.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 77

S’APPROPRIER LES MARGES D’AUTONOMIE des enjeux – et des outils –, une bonne connaissance
des équipes et la capacité à proposer des alternatives
« Une des spécificités de cette réforme, et son ambi- pertinentes et équitables sont essentielles.
tion majeure dans sa structuration, est de prendre
en considération les dimensions pédagogique et La réunion du conseil pédagogique paraît incontour-
organisationnelle. Elle prend en effet en compte la nable. Elle permet, à partir des caractéristiques de
dimension de l’agir collectif en offrant un cadre-projet l’établissement et des besoins identifiés des élèves,
dans lequel les acteurs de terrain pourront composer de déterminer la configuration des enseignements
grâce aux marges d’autonomie proposées en termes complémentaires (principes généraux de mise en
de contenus d’enseignement mais aussi en termes de œuvre, modalités d’organisation). Différents scéna-
répartition des moyens » 7. rios sont possibles, parmi lesquels il va falloir choisir,
en tenant compte des bénéfices attendus sur le plan
Chaque établissement est appelé à faire usage, en pédagogique et des contraintes organisationnelles.
plus de la dotation horaire élève correspondant aux
enseignements obligatoires, d’une dotation horaire Les équipes disciplinaires, qui se retrouvent ensuite
supplémentaire pour l’établissement qui correspond en conseils d’enseignement, y réfléchissent et en
à trois heures par division depuis la rentrée 2017. mesurent les répercussions sur les services de chacun,
Il appartient aux équipes de définir localement la en tenant compte de variables habituelles (quotité de
façon dont elles comptent utiliser ces heures pour service de chaque enseignant, heures obligatoires
faire progresser les élèves. Les choix opérés sur ce d’enseignement de la matière par niveau de classe,
point disent jusqu’où les équipes se sentent prêtes à souci d’éviter à un professeur d’être en poste partagé
aller dans la modification des pratiques ou postures pour un nombre limité d’heures…). Les enseignements
pédagogiques existantes. complémentaires peuvent constituer une variable
d’ajustement non négligeable de ce point de vue.
Les travaux qui précèdent la présentation du projet de
répartition de la dotation horaire globale (DHG) devant Durant ce temps d’échanges avec les enseignants, le
le conseil d’administration constituent toujours un principal rappelle les principes qui président à leur
moment fort de l’année scolaire. Rappelons que, si répartition. La répartition des heures d’AP en 5e, 4e et
le montant de l’enveloppe relève des services acadé- 3e doit s’opérer à partir d’une analyse des besoins des
miques, la façon dont elle est utilisée échoit à chaque élèves, que les enseignants connaissent bien pour les
établissement. Le délai entre l’annonce de l’enveloppe avoir eus en cours les années précédentes. Le contenu
et la remontée du tableau de répartition des moyens des programmes – et leur progressivité sur le cycle –
étant habituellement court, le chef d’établissement entre également en jeu. Ce qui importe – c’est le plus
doit anticiper les temps et modalités du dialogue – difficile – est d’amener les enseignants à expliquer en
indispensable – avec les enseignants. quoi et à quelles conditions les choix pédagogiques
qui pourraient être faits, par exemple le dédouble-
Cette répartition des heures allouées au double titre ment des groupes en accompagnement personna-
de la dotation du collège en fonction de ses caracté- lisé, peuvent constituer une plus-value tant du point
ristiques et de la dotation supplémentaire liée aux de vue de l’enseignement que de l’apprentissage.
enseignements complémentaires n’est pas seulement En d’autres termes, il ne s’agit pas simplement de
technique. Elle est la formalisation concrète de la rechercher ce qui pourrait être le plus confortable, en
politique d’accompagnement des élèves, telle qu’elle termes de gestion de classe, mais ce qui semble être
émerge notamment lors des conseils d’enseignement, le plus approprié – sur la base d’une réflexion menée
du conseil pédagogique et de la commission perma- entre les enseignants. Cette entrée ne peut toutefois
nente qui se tiennent entre décembre et janvier. évacuer des considérations plus pragmatiques.

Chaque principal de collège détermine la manière de La façon dont les équipes disciplinaires échangent
procéder. Pour le chef d’établissement, c’est donc un et travaillent, leur capacité à analyser précisément
acte pédagogique fort auquel il convient d’accorder l’impact des choix faits les années précédentes sur la
temps et réflexion. En période de réforme, la maîtrise progression des élèves contribuent à identifier ce qui
peut être poursuivi de la même façon, ce qui gagne-
rait à être ajusté et ce qui doit être abandonné. La
7 Barratier et Grosson, p. 22. préparation de la rentrée 2017 a permis de revenir

SOMMAIRE
78 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

sur les choix opérés au début de l’année 2016 alors FAVORISER L’ÉMERGENCE
qu’il s’agissait, pour les équipes, de penser, pour la DE NOUVELLES POSTURES
première fois, la mise en œuvre des enseignements
complémentaires. Par exemple, l’accompagnement La réforme du collège oblige à réfléchir à l’efficacité
personnalisé dispensé par des enseignants pour et à la pertinence des moyens mis en œuvre dans la
d’autres élèves que ceux qu’ils ont habituellement classe pour faire progresser et réussir les élèves. Elle
en cours peut leur sembler peu efficace. De la même promeut également une nouvelle approche du travail
façon, la préparation de la rentrée 2018 va nécessiter individuel et du travail collaboratif en établissement.
de réfléchir au retour des classes bilangues ou des
sections européennes – devenues enseignement des Pour Normand et Muller, les évolutions en cours
langues et cultures européennes. amènent à passer de l’accompagnement personna-
lisé – qui n’interroge pas les pratiques pédagogiques
L’entrée disciplinaire n’est cependant pas suffisante. et les conditions d’apprentissage des élèves – à l’ap-
Les conseils d’enseignement achevés, le principal prentissage personnalisé. Avec lui, « l’enseignant tient
dispose d’une vision plus globale des choix pédago- compte de la diversité des approches cognitives des
giques qui se dessinent et de leur implication sur les élèves, de leurs besoins, de leurs intérêts et de leurs
services des professeurs. Il lui revient d’en informer aspirations. Il leur fournit des réponses adaptées.
les membres de la commission permanente. Les L’apprentissage personnalisé ne signifie pas pour
échanges qui s’y tiennent permettent d’envisager autant « individualisation des apprentissages ». C’est
l’accompagnement des élèves de façon plus collec- une gestion collective de la classe où chaque élève
tive et interdisciplinaire. Des propositions émergent peut trouver les voies de sa réussite personnelle » 8.
alors, des arguments se défendent qui vont permettre Ce nouveau mode de gestion de la classe transforme
d’écarter certaines options et d’en privilégier d’autres. aussi les relations de l’élève avec ses professeurs.

Le chef d’établissement doit veiller à leur faisabilité, Dans cette optique, ce dernier est d’abord un obser-
non seulement du point de vue des priorités fixées vateur. Il accepte de ne pas tout maîtriser, de ne pas
dans le projet d’établissement, mais aussi des inci- prendre toute la place. Il élabore des contenus qui lui
dences sur les emplois du temps de l’année suivante. permettent de regarder et d’écouter tous ses élèves
L’impact d’un bon emploi du temps sur le climat pour tenter de comprendre comment chacun entre
scolaire de l’établissement n’est plus à démontrer. Un (ou pas) dans la tâche, cherche, questionne, réfléchit,
équilibre est toujours à rechercher entre la satisfac- mémorise. Cette connaissance affinée lui permet
tion des vœux des enseignants et le souci d’éviter aux d’adapter les contenus et les méthodes proposés, à
élèves des journées trop longues, ainsi qu’une réparti- certains moments et selon différentes modalités, en
tion « trop resserrée » des disciplines sur la semaine. étant moins inquiet de l’achèvement du programme.
En période de réforme, enseignants comme parents Pour les aider à progresser, il se tient à côté d’eux, en
d’élèves – par la voix de leurs représentants – y sont position de guide, de conseil, de personne-ressource.
particulièrement attentifs. Il ose expérimenter des choses nouvelles, en instau-
rant, par exemple, des îlots permettant aux élèves de
Il apparaît essentiel que les différents scénarios travailler en petits groupes. Par là même, il accepte
proposés lors des conseils et commissions qui de reconsidérer sa peur du bruit et du bavardage,
précèdent la présentation de la DHG fassent l’objet dans la mesure où les échanges ainsi facilités créent
d’une étude attentive de faisabilité. Il serait, en effet, davantage d’émulation. Il laisse les élèves prendre en
problématique que le chef d’établissement adjoint charge une partie du travail, explorer, faire des choix,
ne s’aperçoive qu’au moment de la confection des se mettre d’accord, débattre parfois. Ce faisant, il faci-
emplois du temps – c’est-à-dire au début des congés lite évidemment la coopération entre eux et n’inter-
d’été – des contraintes engendrées par certains choix. vient que pour réguler, lorsque c’est indispensable.
Celui de constituer des « barrettes » – en alignant des
horaires pour permettre aux enseignants de varier « Les réflexes professionnels qui amènent à se
la composition des groupes — ajoute ainsi de la présenter devant une classe en ayant tout prévu,
complexité dont il convient de prendre la mesure. De jusqu’au déroulement et résultat de chaque séance,
la même manière, la multiplication des co-interven-
tions peut s’avérer délicate.
8 
Op. cit., p. 31.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 79

constituent en fait des freins et non des leviers à progressivement les individus et les collectivités à
l’intelligence collective. Il ne s’agit pas pour autant améliorer, enrichir et actualiser leur pratique, à agir
de laisser des élèves encore peu compétents dans avec efficacité et efficience dans les différents rôles et
la collaboration se débrouiller tout seuls. Il va falloir responsabilités professionnelles qui leur incombent,
leur apporter des repères et des outils, s’adapter à atteindre un nouveau degré de compréhension de
d’une séance à l’autre à leurs besoins, recadrer régu- leur travail et à s’y sentir à l’aise » 11.
lièrement, être extrêmement présent et actif sur les
processus de travail et sur l’exigence de production Un tel processus s’appuie nécessairement sur l’enga-
finale, mais en lâchant en partie le contrôle sur les gement professionnel de l’individu, lui-même envi-
parcours et les contenus » 9. sagé comme « l’ensemble dynamique des compor-
tements qui, dans un contexte donné, manifeste
Les professeurs peuvent alors apprécier de voir les l’attachement à la profession, les efforts consentis
élèves prendre du plaisir dans un contexte stimulant, pour elle ainsi que le sentiment de devoir vis-à-vis
qui valorise la prise d’initiatives et autorise l’erreur. d’elle et qui donne sens à la vie professionnelle
Il les amène à prendre du recul sur la séance, pour au point de marquer l’identité professionnelle et
en relater par écrit les éléments essentiels dans un personnelle » 12. Pour De Ketele, trois types d’enga-
carnet de bord ou « journal des apprentissages ». gement professionnel se rencontrent dans l’éta-
blissement scolaire. Ils dépendent de la façon dont
Les moments de co-animation, sous des formes chaque acteur scolaire envisage sa professionnalité.
diverses, peuvent permettre de développer cette meil- Certains la construisent à partir de la maîtrise de leur
leure connaissance des élèves. Ils inscrivent alors les discipline ; d’autres se focalisent sur l’atteinte des
enseignants concernés dans une démarche de coopé- standards prescrits (usage du numérique, travail par
ration, caractérisée « par la dépendance mutuelle des compétences par exemple). Mais il existe également
enseignants qui partagent leur espace de travail et par des enseignants davantage enclins à une approche
l’ajustement de leurs activités en vue d’une action collective de situations problèmes et à la recherche
commune efficace » 10. de solutions nouvelles. Ces différentes postures ne
sont jamais figées ; elles évoluent en fonction de
constructions personnelles ainsi que des contextes
ENTRER DANS UNE DÉMARCHE d’exercice, qui sont plus ou moins porteurs – sur le
DE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL plan relationnel et organisationnel.

Dire qu’enseigner et piloter sont des métiers qui s’ap- L’un des enjeux, pour une mise en œuvre effective du
prennent conduit à s’interroger sur les finalités et les changement, est que les enseignants deviennent réel-
formes de cet apprentissage, du triple point de vue de lement acteurs de leur formation, conçue comme un
l’individu, du collectif de travail et de l’organisation. enrichissement continu et progressif de leurs savoirs
professionnels. Autrement dit, qu’ils dépassent les
R. Wittorski distingue le développement profes- prescriptions extérieures pour assumer la prise de
sionnel de la professionnalisation, définie comme ce risque d’une réflexion pédagogique et éducative de
que l’institution attend d’un bon professionnel, via fond, les impliquant à titre personnel et collectif. En
les référentiels de compétences. Pour lui, le dévelop- période de réforme, cela n’est possible que s’ils envi-
pement professionnel concerne plutôt la façon dont sagent la déstabilisation immédiate qu’engendre le
les enseignants envisagent et exercent effectivement changement – propice à des postures d’immobilisme
leur métier, et conduit donc à se placer du côté de ou de retrait – comme une occasion d’apprentissage
« l’expérience en actes ». Le rapport Filâtre rappelle à part entière. Comme l’indique M. Gather Thurler,
qu’il peut s’envisager comme « un processus graduel « la qualité des réformes éducatives, et par consé-
d’acquisition et de transformation des compé- quent la transformation durable de l’école, dépend
tences et des composantes identitaires conduisant

11 Filâtre D., La formation tout au long de la vie, p. 9.


12 De Ketele J.-M., « Mutations sociétales et transformations
9 Fornero S., « Un espace d’intelligence collective », des systèmes éducatifs : incidences sur la problématique
Les Cahiers pédagogiques, n° 528, p. 15. de l’engagement professionnel », in Merhan F., Jorro A.,
10 Meyer J.-C., Le travail collaboratif des enseignants. Pourquoi ? De Ketele J.-M., Mutations éducatives et engagement
Comment ?, ESF éd., 2017, p. 43. professionnel, p 146.

SOMMAIRE
80 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

de la compréhension des idées nouvelles (provenant en un collectif de professionnels capables d’ajuster


de la recherche, des élaborations de commissions ad les stratégies pédagogiques et éducatives préalable-
hoc instaurées par le politique, d’expériences sur le ment définies pour qu’elles soient plus favorables aux
terrain, etc.) que peuvent développer les acteurs du apprentissages des élèves. La controverse est possible,
terrain, de leur adhésion à ces idées, mais aussi de des réajustements – ou régulations – s’opèrent qui ne
leur capacité à les intégrer durablement dans leurs fragilisent pas l’établissement mais, au contraire, le
pratiques » 13. fortifient. Évoquant les caractéristiques d’une coopé-
ration professionnelle choisie, c’est-à-dire négociée et
Sur le plan individuel, le développement profes- concertée, M. Gather Thurler relevait, dès 2000, que
sionnel s’alimente à diverses sources : « les acteurs instaurent – et alimentent – un débat
–– l’usage des ressources pédagogiques proposées constant à propos des finalités, des valeurs et des
par le Ministère, l’ONISEP ou CANOPÉ pour aider interdépendances entre les divers choix pédagogiques
à la mise en œuvre de la réforme. L’établissement et idéologiques et les pratiques. Ils acceptent le fait
peut aussi commander des ouvrages, qui seront que la réalité collective n’est pas figée, mais émane
mis à disposition en salle des professeurs ou au d’un processus de construction interactive, qui reste
CDI – même si cette démarche ne rencontre pas un à adapter en permanence » 15.
succès immédiat en l’absence d’habitudes allant
dans ce sens. Force est de relever que la réalité est, aujourd’hui
–– l’inscription volontaire aux formations proposées encore, contrastée. Ces acteurs ont souvent le senti-
dans le cadre du plan académique de formation ment d’être happés par le quotidien et de ne pas
pour développer des compétences didactiques et trouver le temps qu’il faudrait pour prendre du recul
pédagogiques et analyser les effets des pratiques pédagogiques sur
–– l’intérêt porté aux travaux de la recherche en les élèves. Centrés qu’ils sont sur l’avancement des
sciences sociales ou à ceux des instances créées programmes et le suivi des classes, ils craignent qu’un
par le politique (le CNESCO, par exemple), qui vont regard réducteur ou « jugeant » soit porté sur leurs
permettre l’acquisition « d’une disposition scien- façons de travailler. Sans nier que celles-ci soient
tifique face aux problèmes professionnels rencon- perfectibles, ils préfèrent apporter eux-mêmes les
trés » (rapport Filâtre, p. 22). ajustements qui leur paraissent importants, sans
songer à – ou sans vouloir – s’aventurer dans une
Ces sources peuvent permettre à chaque acteur de évaluation plus rigoureuse de leur action.
comprendre précisément les enjeux et concepts clés
de la réforme et de les confronter à ses idées et à ses Avec la réforme du collège, il s’agit pourtant bien
pratiques ordinaires. Elles enrichissent ses connais- d’aller au-delà, en rendant possible « une explora-
sances, lui apportent des outils pour explorer des tion collaborative comme démarche de développe-
pistes nouvelles dans son champ d’action habituel ment professionnel. Cette démarche est fondée sur
ou dans d’autres. le partage et l’analyse d’expériences disciplinaires ou
transversales, qui génèrent de nouvelles hypothèses
Sur le plan collectif, c’est le rôle de l’établissement de travail et stratégies d’action, elles-mêmes évaluées
scolaire – comme organisation ou communauté pour décider de la suite à donner (continuité ou achè-
apprenante – qui se trouve à nouveau interrogé par vement) » 16. L’intelligence collective naît de cette
la réforme. L’idée est « qu’engagée dans un processus « mise en mouvement de chacun avec chacun » 17.
continu d’amélioration de ses performances, elle Dans cette optique, l’établissement est, plus qu’un
est capable d’apprendre de son expérience et d’ac- cadre de travail, un lieu de questionnement et d’éla-
quérir de nouvelles compétences » 14. Appliquée au boration au service d’une politique globale, impli-
collège, elle signifie que ses acteurs se constituent quant de combiner et d’ajuster en permanence des
savoirs et des gestes professionnels complexes.

13 Gather Turler M., « Les dynamiques de changement :


de la théorie à la pratique, Le pouvoir d’agir dans l’école.
Faire réussir les élèves », in Éducation et devenir, n° 27,
janvier 2016, p. 25. 15 
Op. cit., p. 88.

14 Endrizzi L., « Le développement des compétences 16 Meyer J.-C., Le travail collaboratif des enseignants, p. 45.
en milieu professionnel », Dossier de veille de l’IFÉ, 17 Develay M., « Au moment de finir, par où commencer »,
n° 103, septembre 2015, p. 17. Les Cahiers pédagogiques, n° 528, p. 56.

SOMMAIRE
la CONduiTE locale DU changement 81

Dans une conférence récente, V. Dupriez considérait Ce processus d’autoformation, dans sa double
que la discussion entre enseignants ne pouvait avoir dimension individuelle et collective, s’inscrit donc
une réelle influence sur leurs pratiques rÉSPÉctives nécessairement sur le long terme. Différenciation
en classe qu’à la condition de transformer « en objet pédagogique, pédagogie de projet, évaluation (et auto-
de travail visible ce qui est traditionnellement invi- évaluation) des élèves, coopération… sont autant de
sible ou séparé » 18. L’apprentissage avec les pairs thématiques difficiles dont l’appropriation et la trans-
nécessite la centration sur ce qui se fait réellement cription efficace dans les pratiques d’enseignement
dans le cadre même de la classe. C’est donc l’activité ne peuvent se faire que dans le temps – et dépassent
d’enseignement elle-même qui, analysée avec et par le cadre des réformes.
les collègues, devient ressource partagée. Différentes
formules sont envisagées pour le faciliter : observa- Continuité, cohérence et formalisation du travail
tions mutuelles, conception commune de supports collaboratif sont donc nécessaires, dans un contexte
de cours et d’évaluation, analyse conjointe des traces d’établissement toujours spécifique, et mouvant. Un
des travaux des élèves, expérimentations. S’y ajoutent changement dans l’équipe de direction – donc de
les conversations ou échanges informels – par voie vision du pilotage –, une instabilité des équipes, un
numérique – qui constituent autant des moments climat scolaire moins serein peuvent malheureuse-
mutuels de formation. ment le freiner – parfois durablement. La formalisa-
tion des priorités dans le projet d’établissement, leur
Dans tous les cas, un prérequis est indispensable, qui déclinaison dans des actions et projets régulièrement
doit être posé et rappelé : le rÉSPÉct des personnes évalués, le souci de les faire partager aux nouveaux
et de leur travail. S’il peut y avoir débat, c’est parce arrivants concourent au maintien du cap initial. Mais
que des relations de confiance existent ou peuvent l’émergence d’une culture professionnelle commune
se construire et qu’est posé un cadre qui permette implique qu’y soient aussi inscrites la nécessité et
d’éviter tout ce qui générerait des critiques intempes- les modalités d’une formation continue investie par
tives, donc de la défiance… et un repli sur l’espace- l’ensemble des acteurs.
clos de la classe. La confrontation au regard – donc à
la compétence supposée de l’autre – ne va jamais de Si la conduite locale du changement n’est jamais
soi. Des enjeux relationnels et émotionnels existent, une mince affaire, sans doute la mise en œuvre de
qui ne doivent pas être négligés car ils peuvent empê- la réforme du collège la rend-elle particulièrement
cher de s’inscrire durablement dans le collectif de compliquée. L’écriture en cours de l’acte 2 – depuis
travail. l’arrivée au Ministère de J.-L. Blanquer – alors que
l’acte 1 commençait tout juste à se décliner dans
L’accompagnement des équipes, dans la durée, par chaque collège, entraîne des sentiments partagés
des formateurs expérimentés et ouverts, peut aider chez les personnels de direction comme chez les
à l’entrée dans ce travail d’analyse et de régulation enseignants. Çà et là, des débats – voire des clivages
des pratiques. L’intérêt des stages sur site est bien – idéologiques peuvent se réactiver, qui s’expriment
de répondre à des besoins localement identifiés sur d’ailleurs déjà au niveau national.
lesquels les équipes enseignantes ont exprimé la
volonté de travailler. Le choix de demi-journées de L’on peut se demander si cette contingence ne rend
formation, judicieusement réparties dans l’année, pas d’autant plus nécessaire le recours à de nouveaux
ouvre sur de réels échanges interdisciplinaires – eux- espaces de professionnalité, qui soient propices à une
mêmes propices à l’émergence d’un consensus solide réflexion, de fond et dans la durée, sur la place de
dans l’approche des questions pédagogiques. Pour l’élève au cœur du système éducatif.
les mêmes raisons, les formations de bassin sont à
encourager : à condition de répondre à des probléma-
tiques communes et de s’inscrire dans la durée, elles
peuvent initier de véritables réseaux d’apprentissage.

18 Voir « Former au sein des établissements scolaires »


(5/11/2013) : conférence « Le point de vue des travaux
sur l’organisation des établissements scolaires »
sur le site chaire-unesco-formation.ens-lyon.fr

SOMMAIRE
L’ÉLÈVE
AU CŒUR
DU SYSTÈME
ÉDUCATIF
CATHERINE FAUCHE

SOMMAIRE
La réforme du collège et les textes dans lesquels elle s’inscrit ont été élaborés « du point de
vue de l’élève » 1. La pensée éducative 2 actuelle situe l’élève au cœur de ses réflexions, dans
un objectif d’amélioration non seulement des performances du système éducatif mais aussi
de formation idéale de l’enfant au regard des évolutions de la société. S’il n’est pas question
de faire table rase du passé, il s’agit pour autant de tirer les conclusions qui s’imposent des
choix éducatifs entérinés ces dernières décennies et de tenter de parfaire l’éducation des
jeunes au cours de cette période cruciale qu’est la scolarité obligatoire. L’ambition, portée
par le cadre réglementaire de la réforme du collège, est désormais de « permettre à chaque
élève de trouver et de prendre le chemin de sa réussite » 3, une réussite considérée comme
relative à l’enfant et non plus comme devant être reliée à un modèle idéal que la diversité
des jeunes et de leur histoire rend de plus en plus illusoire. Cela ne signifie pourtant pas
que l’éducation doit être totalement différente d’un enfant à l’autre. Il s’agit plutôt – et c’est
là que se situe la difficulté, l’enjeu fondamental mais aussi le paradoxe de la réforme – de
donner à chacun les bases d’une éducation partagée par tous mais qui tienne compte, dans
le même temps, des particularités de chacun. La tâche est éminemment complexe pour
les apprenants, aux différents moments de leur vie d’élève et de jeune. Elle repose sur une
conception de l’être humain comme être individuel – ayant donc sa propre personnalité, ses
propres aspirations et des aptitudes propres – mais aussi comme être collectif appartenant
à une communauté qui transcende son appartenance aux divers groupes dans lesquels il
évolue.

Plus précisément, quels sont les différents objectifs de la réforme pour le collégien et quels
sont les moyens préconisés pour les atteindre ?

Les attendus de la réforme pour l’élève sont multiples et se situent à plusieurs niveaux :
celui de son bien-être scolaire, celui de son épanouissement en tant que personne et celui
de sa formation citoyenne. Ces objectifs dépassent largement le cadre traditionnel des
enseignements disciplinaires, lesquels, bien qu’indispensables, ne peuvent répondre, en
l’état, à ces nouvelles exigences. Ils questionnent, ce faisant, les pratiques des enseignants,
invités à proposer aux élèves des situations d’apprentissage concrètes permettant l’acqui-
sition de compétences nouvelles. Ils imposent également de s’interroger sur le cadre global
de l’éducation et sur ce que l’école et ses différents acteurs peuvent et doivent désormais
apporter à l’élève pour lui permettre d’avoir un parcours scolaire cohérent. Ce parcours
s’appuie sur le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture 4,
qui constitue à la fois un objectif de l’école et un cadre de référence ayant pour voca-
tion d’être alimenté par l’ensemble des activités de l’élève-enfant : « toutes ces activités

1 Selon l’expression de Michel Lussault, alors président du Conseil supérieur des programmes (CSP), dans
une interview pour le journal Le Monde daté du 13/02/2015.
2 C’est avec la loi d’orientation du 10 juillet 1989 que s’opère un changement de perspective : jusqu’alors
centrée sur les savoirs, l’école doit désormais se centrer sur les élèves et tenir compte de la réalité de
chacun d’entre eux.
3 Conclusion du rapport annexé au dossier de présentation du projet de loi pour la refondation de l’école,
La program-mation des moyens et les orientations de la refondation de l’École de la République, 23 janvier 2013,
p. 24.
4 Le nouveau socle est entré en vigueur à la rentrée 2016.

SOMMAIRE
86 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

scolaires, périscolaires, extrascolaires, familiales ou personnelles, cette collection d’expé-


riences personnelles ou collectives, permettent à l’enfant de construire son parcours, son
rapport au monde. Elles apportent des éléments au socle commun de connaissances, de
compétences et de culture » 5. L’élève a donc désormais un parcours à suivre, fondé sur
un socle commun et alimenté par tout ce que l’école et ses expériences propres peuvent
lui apporter. Ce parcours doit lui sembler naturel, répondre à un objectif de continuité et
laisser une trace qui permettra à quiconque s’intéresse à l’élève de l’y situer. Charge à la
communauté éducative de s’en assurer.

5 Lejeune M., « Un point de vue, celui de l’éducation populaire : éducation à, éducation nationale,
éducation populaire et recherche », p. 472, Actes du colloque « Les éducations à », pp. 470-474, ÉSPÉ de
l’académie de Rouen, 17-18 au 19 novembre 2014.

SOMMAIRE
LES ENJEUX
POUR LE COLLÉGIEN

La réforme du collège est ambitieuse. Elle pousse à CHAQUE ÉLÈVE DOIT POUVOIR APPRENDRE
son paroxysme la volonté nouvelle issue de la loi ET PROGRESSER EN CONFIANCE
d’orientation de 1989 de placer l’élève au centre des
réflexions éducatives et des préconisations relatives La confiance n’est pas innée. Elle s’acquiert dans un
au système dans lequel il évolue. Il s’agit dorénavant environnement propice à son émergence et à son
de se préoccuper de l’élève avant de se préoccuper développement, en même temps qu’elle détermine
des savoirs et de la manière de les inculquer, et de lui la capacité à réussir. La question de la confiance
proposer les meilleures conditions possibles – en tant est récurrente dans le contexte de la refondation
qu’élève mais aussi en tant qu’enfant ou adolescent de l’école. C’est d’ailleurs le signe sous lequel a été
– pour qu’il puisse réussir au mieux, compte tenu placée la rentrée scolaire 2017-2018, à un niveau plus
de ses dispositions initiales et de sa personnalité. global : lors de sa conférence de presse de rentrée, en
L’école – et le collège en particulier – doit par ailleurs effet, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel
viser un objectif plus lointain que celui de la scola- Blanquer a érigé la confiance en clef du bon fonc-
rité obligatoire en s’assurant que le jeune acquiert tionnement de la société et du bon fonctionnement
les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui lui permet- de l’École 2.
tront de devenir un être rÉSPÉctable et inséré dans
la société – en d’autres termes un citoyen. L’enjeu Aider l’élève à avoir confiance
de la réforme est donc non seulement scolaire, mais Laurence Cornu, interrogée dans le cadre de la paru-
aussi économique, social et citoyen, ce qui implique, tion d’une revue consacrée à la confiance, à l’éduca-
pour le collège, de revoir ses objectifs et ses façons tion et à l’autorité, considère « [qu’]il n’y a pas d’édu-
de procéder : « si l’enjeu est de former des citoyens cation sans une mise en confiance des élèves » 3. Cette
capables de se mouvoir dans un monde de plus en confiance revêt de multiples aspects et interroge les
plus complexe, qui nécessite de pouvoir s’informer relations entre les élèves et les professionnels de
et se former tout au long de la vie ; si l’enjeu est de l’éducation.
mettre en confiance notre jeunesse pour la préparer
à s’insérer dans la société, alors le collège doit tourner Avoir confiance en l’école : une œuvre collective
définitivement le dos à l’obsession de la compétition Les jeunes évoluent dans une société marquée par
pour devenir le collège de l’épanouissement et de la une défiance ou une crise de confiance envers l’ins-
consolidation » 1. titution scolaire. Si les causes de cette crise peuvent
leur sembler lointaines et obscures, ils n’en sont pas
C’est l’accomplissement des jeunes qui est désormais moins les premiers à en ressentir les effets, et parfois
visé. Les éducateurs doivent y concourir en adaptant à être accusés de les entretenir. L’école est ainsi
leurs regards et leurs pratiques à cette nouvelle donne perçue comme anxiogène et tenue pour responsable
et en rendant cohérentes aux yeux des élèves l’idée – résultats internationaux à l’appui – de la reproduc-
individuelle d’épanouissement et l’idée collective de tion des inégalités, voire du renforcement du détermi-
citoyenneté. nisme social 4. Or, faire confiance est « une nécessité

2 Conférence de presse du 29 août 2017.


3  evue internationale d’éducation de Sèvres, n° 72 :
R
Confiance, éducation et autorité, septembre 2016.
1 Dubet F. et Paris C., « Il faut avoir le courage de réinventer Voir le site du CIEP : www.ciep.fr
le collège unique », Le Monde, 16 septembre 2009. 4 Cf. la première partie de l’ouvrage.

SOMMAIRE
88 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

pour l’école et ses acteurs » 5, et chacun a un rôle à explicative des résultats des élèves sans pour autant
jouer dans cette vaste entreprise de restauration de les justifier de façon systématique. C’est ici qu’entre
la confiance. en jeu une dernière notion, celle de motivation.

Les enjeux commencent dans la famille, car c’est en La motivation est un phénomène complexe. Dans le
son sein que sont portés les premiers discours sur contexte scolaire, Rolland Viau la définit comme « un
l’école. Si la famille a confiance en l’école, l’enfant état dynamique qui a ses origines dans les percep-
passera, sans discontinuité, d’une confiance envers tions qu’un élève a de lui-même et de son environ-
ses proches à une confiance envers l’institution nement, et qui l’incite à choisir une activité, à s’y
scolaire. Cette cohérence est nécessaire pour qu’il engager et à persévérer dans son accomplissement
puisse être cognitivement prêt à recevoir les apports afin d’atteindre un but » 8. Elle dépend de la confiance
de l’école. Au-delà du cadre familial, l’école, mais en soi, c’est-à-dire de la confiance en ses capacités
aussi la société tout entière, ont pour mission de d’apprentissage, mais aussi de l’estime de soi, sans
maintenir cette confiance sans laquelle l’élève ne pour autant que ces deux notions l’expliquent tota-
peut ni progresser ni réussir. lement : « même avec une confiance en soi élevée, un
apprenant peut décider de ne pas s’investir dans une
Avoir confiance en soi tâche qu’il estime sans intérêt, inutile ou absurde » 9.
et en ses capacités d’apprentissage
La confiance en soi est un facteur clé de la réussite Avoir confiance en l’avenir
scolaire. Selon les recherches récentes en sciences de Apprendre et progresser en confiance nécessite égale-
l’éducation, elle est liée à la fois aux compétences ment d’avoir confiance en l’avenir. C’est à l’école que
« objectives » de l’élève et à sa confiance en ses capa- se forge cette confiance qui va de pair avec la capa-
cités d’apprentissage. S’il peut paraître difficile d’agir cité qu’elle offre à l’élève de se projeter dans l’avenir
sur le premier aspect, on perçoit d’emblée l’impor- social et dans son propre futur. Si la tâche est ardue
tance qu’il y a à se préoccuper du second ainsi que en ces temps de crise 10, l’école n’est pour autant pas
les potentialités qu’il offre pour chaque élève. Ainsi le dispensée de cette importante responsabilité qui
psychologue canadien Albert Bandura estime-t-il que engage non seulement, à titre individuel, l’avenir du
la confiance en ses capacités d’apprentissage provient jeune mais aussi, à titre collectif, l’avenir de la société
de quatre sources d’information : les performances tout entière. Le discours qu’elle porte doit être positif,
passées, l’observation des performances d’autrui, les optimiste et empreint d’espoir. Elle doit, en d’autres
messages de l’entourage et les états physiologiques termes, préparer les jeunes à devenir des citoyens
et émotionnels 6. Il s’agit donc d’un phénomène accomplis – citoyens « au-delà des particularités
complexe lié essentiellement à des variables exté- sociales, culturelles et individuelles » 11 ; accomplis en
rieures à l’élève et aux conditions dans lesquelles il tant qu’êtres humains. En éduquant les jeunes, elle
est amené à évoluer et à apprendre. participe à l’édification d’une confiance sociale, qui
renvoie à la coopération et à la démocratie, ciments
La confiance en soi est souvent associée à l’estime de du vivre-ensemble.
soi. Or, ces deux notions ne sont pas nécessairement
corrélées : un jeune qui a confiance en ses capacités Éduquer à la confiance
scolaires n’a pas forcément une bonne estime de lui, L’école française se trouve, selon Denis Meuret, dans
et inversement. Les résultats ou la réussite scolaires une situation paradoxale, en ce sens qu’elle est
peuvent néanmoins impacter l’estime de soi 7. La
confiance en ses capacités d’apprentissage se situe à
un niveau plus objectif dans la mesure où elle a valeur 8 Viau R., La motivation en contexte scolaire,
De Boeck, 2004, p. 7.
9 Galand B., « Réussite scolaire et estime de soi »,
Sciences humaines, août 2016.
5 « Faire confiance, une nécessité pour l’école et ses acteurs », 10 Jeammet P., Grandir en temps de crise : Comment aider nos
Éducation et devenir, hors-série n° 23, février 2015. enfants à croire en l’avenir, Bayard culture, 2014.
6 Bandura A., Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle, 11 « (La) confiance s’exprime aussi, à titre collectif, dans la foi
De Boeck, 2002. en la capacité de l’École de transcender les particularités
7 « L’estime de soi est renforcée par la réussite scolaire, sociales, culturelles et individuelles, pour promouvoir une
mais à l’inverse, elle est altérée par de mauvais résultats », nation de citoyens, c’est-à-dire de semblables face à la
Réussir à l’école : une question d’amour ?, Clerget S., Larousse, République », Moro M.-R. et BrisonJ.-L., Mission bien-être
2012, p. 159. et santé des jeunes, novembre 2016.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 89

amenée à « éduquer à la confiance dans une société peur à manifester ses besoins et ses manques » 15.
de la défiance » 12. Cette éducation à la confiance est à Les élèves évoluent alors dans un cadre propice aux
la fois un moyen – « la confiance est l’élément positif, apprentissages, empreint de rÉSPÉct et d’écoute
le moteur de l’éducation » 13 – et un objectif que les mutuelle. Ce type de pédagogie prône la coopéra-
éducateurs doivent chercher à atteindre. tion entre élèves de même que le travail par projet
et favorise l’autonomie. Il implique que l’enseignant
Une question de relations définisse le cadre de cette coopération qui n’est pas
La confiance est avant tout une question de rela- exempte de règles. En ce sens, cette « pédagogie de
tions : pour apprendre et progresser, l’élève doit avoir la confiance » renvoie tout autant à l’acquisition de
confiance non seulement en lui mais aussi en les connaissances et de compétences qu’à l’instauration
autres, se sentir en confiance avec son entourage. Ce de nouvelles formes de relations au sein de la classe.
sont, d’une part, ses pairs, qui participent à sa socia- Elle passe par l’établissement d’un contrat pédago-
lisation, et, d’autre part, les adultes professionnels gique entre les différentes parties et suppose de la
de l’institution scolaire, qui participent à son éduca- part de l’enseignant un accompagnement pas à pas
tion. Les relations qui se nouent avec chacune de ces qui permette à la confiance de se développer 16.
deux catégories sont caractérisées par leur récipro-
cité : le jeune se sent en confiance si les autres lui Une question d’évaluation
font également confiance. Dans la relation éducative La question de l’évaluation est au cœur de la loi
(comme dans toute autre), cette confiance est par d’orientation de l’école de 2013, qui prône : des moda-
nature incertaine et peut même constituer un défi 14 lités d’évaluation et de notation diversifiées, une
auquel est associée la notion de risque : en osant faire évaluation positive qui valorise les progrès de l’élève,
confiance à l’élève, l’éducateur prend le « risque » de une évaluation qui mesure le degré d’acquisition des
déjouer les pronostics des déterminismes sociaux ; connaissances et des compétences et la progression
en osant faire confiance à l’éducateur, l’élève prend de l’élève et une évaluation lisible et compréhensible
le « risque » de réussir et de progresser. pour l’élève et sa famille. Il s’agit ici de redonner du
sens à l’évaluation, source de malaise et de peur chez
La qualité des relations élève-enseignant est essen- les élèves, et de passer d’une évaluation sanction
tielle pour éduquer à la confiance. Si l’élève se sent dans laquelle les erreurs sont considérées comme
écouté, si l’enseignant s’intéresse à lui en tant que des fautes à une évaluation positive dans laquelle
sujet, si l’élève accorde sa confiance à l’enseignant, le fait de se tromper est valorisé car participant du
alors la relation éducative pourra s’instaurer et processus d’apprentissage. L’évaluation doit dès lors
produire les effets escomptés. Cette confiance réci- viser à rendre compte des acquis des élèves et leur
proque en l’autre constitue un formidable levier pour permettre de se rendre compte de leurs acquis et de
le développement de la confiance en soi de l’élève et, leurs difficultés. Cette rénovation du système d’éva-
par extension, pour sa réussite scolaire. luation, annoncée dès 2012, doit « aider les élèves à
progresser en développant leur confiance en eux » 17.
La confiance a donc aussi à voir avec le cadre et les Jusqu’à présent conçue comme un moyen plus ou
pratiques pédagogiques proposés par l’enseignant. moins objectif de classer 18, elle devient dans ce
La pédagogie appropriée consiste à faire reposer les nouveau contexte un dispositif d’accompagnement
apprentissages sur une confiance mutuelle au sein à vocation purement individuelle et éducative.
de la classe. C’est dans ce contexte rassurant que
peut émerger, selon Sylvain Connac, le sentiment
de confiance à l’école, défini comme « l’absence de
15 Connac S., « Pour une pédagogie de la confiance »,
Le Café pédagogique, 13 octobre 2006.
16 La question de la coopération entre élèves a fait l’objet
d’un récent numéro : « La coopération entre élèves :
des recherches aux pratiques », Dossier de veille de l’IFÉ,
12 Meuret D., « Éduquer à la confiance dans une société n° 114, décembre 2016.
de défiance », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 17 
Refondons l’École de la Répubique : Rapport de la concertation,
n° 72, 2016, pp. 67-76. 2012, p. 29.
13 Gauchet M., « La confiance est le moteur de l’éducation ». 18 Il existerait, selon André Antibi, une tendance inconsciente
Voir gauchet.blogspot.fr et systématique des enseignants à mettre un certain
14 L’article de Laurence Cornu consacré à la confiance pourcentage de mauvaises notes, appelée « constante
permet de faire le point sur cette question : « La confiance », macabre » ; La constante macabre, ou comment a-t-on découragé
Le Télémaque, 2/2003, n ° 24, p. 21-30. des générations d’élèves ?, éd. Math’Adore, 2003.

SOMMAIRE
90 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Le pari de la réforme est aussi celui du changement des élèves » 21. Elle constitue une vertu nouvelle et
de regard sur l’évaluation, de la part de l’institution, nécessaire qui requiert, de la part des éducateurs, un
des enseignants, des élèves et des familles. Car si les changement de regard sur les apprenants.
intentions de la réforme sont louables, encore faut-il
qu’elles soient acceptées et comprises par tous et que Sécurité et sérénité
le système ne repose plus, en dernier ressort, sur des La bienveillance éducative est constitutive du climat
pratiques s’apparentant à cette évaluation sanction dans lequel les élèves sont amenés à évoluer. Selon
qu’elle cherche à combattre et dont la persistance Odile Le Masson, « le climat scolaire dépend de la
pourrait dangereusement altérer la confiance en volonté de chaque établissement et de chaque adulte
l’école. de porter un regard bienveillant sur les élèves » 22. Si
les dimensions du climat sont nombreuses, la qualité
Apprendre et progresser des relations avec les élèves en est donc une compo-
dans un climat de confiance sante essentielle, qui ne dispense pas de faire preuve
Créer un environnement et un climat propices à l’ap- d’autorité et de rigueur. L’articulation de ces exigences
prentissage est une vocation fondamentale de l’école, est à la fois délicate et nécessaire. La bienveillance,
qui nécessite l’instauration d’une confiance partagée en effet, ne saurait être associée à une absence de
entre les élèves et les adultes. Cette confiance s’ac- règles ou à un sentiment dénué de visée éducative. La
compagne, depuis la loi de 2013, d’une bienveillance bienveillance et l’autorité sont les deux facettes d’un
éducative. climat scolaire propice à la confiance et aux appren-
tissages, à la progression et à la réussite des élèves.
La bienveillance comme vertu éducative Elles doivent permettre aux élèves d’évoluer dans un
Le thème de la bienveillance est désormais récurrent cadre serein et sécurisant, ce qui ne peut être qu’une
dans le discours éducatif. L’école bienveillante est œuvre collective 23.
celle dans laquelle les élèves vont pouvoir apprendre
et progresser en confiance, celle dans laquelle les L’école, désormais, est sommée d’être « bientrai-
élèves vont rencontrer des adultes à leur écoute et à tante » 24, comme si l’époque de la prérefondation
l’écoute de leurs besoins. Cette « bienveillance abso- n’avait été que celle de la maltraitance ou, de façon
lument inconditionnelle » 19 dépasse le cadre de la moins polémique, du manque de considération
classe ou de la relation pédagogique au sens strict ; envers les élèves. Au-delà des termes, c’est encore
elle est l’affaire de tous et participe de ce fait à la une fois la question du regard porté sur l’élève qui
construction d’un climat de confiance dans l’établis- est en jeu ; l’ensemble des éducateurs sont appelés
sement scolaire tout entier. à revoir leur posture et leurs gestes professionnels,
dans le but d’améliorer le climat scolaire.
L’émergence de ce nouveau paradigme20 qui jalonne
les textes réglementaires récents n’est pas anodine.
Elle traduit la volonté du législateur de placer l’élève CHAQUE ÉLÈVE DOIT POUVOIR
au cœur de ses réflexions et de ses préoccupations, S’ÉPANOUIR EN TANT QUE PERSONNE
et va de pair avec la relégation relative des savoirs au
second plan. Elle introduit par ailleurs, dans la rela- L’épanouissement individuel est un objectif de l’édu-
tion éducative, des concepts qui en étaient jusqu’à cation et de la formation au même titre que l’inser-
présent très éloignés, car considérés comme poten- tion dans la société. L’école est le lieu incontournable
tiellement dangereux, à la fois pour les élèves et les de cet épanouissement, qui passe par une exigence
éducateurs. La bienveillance implique de fait une commune envers tous les apprenants, celle de la
relation de proximité avec les élèves et une connais-
sance accrue de leur situation particulière : « La rela-
tion aux élèves atteste d’une bienveillance éducative
21 Gimonnet B., « De la bienveillance éducative »,
lorsqu’elle témoigne du rÉSPÉct et de l’intérêt à l’égard Les Cahiers pédagogiques, n° 532, Justice et injustice à l’école.
22 « Climat scolaire et bienveillance : entretien avec
Marie-Odile Le Masson », Le Café pédagogique, 4 juin 2014.
19 Heber-Suffrin C. (dir.), Plaisir d’aller à l’école. Ouvrir l’école, 23 « Le travail de socialisation et d’éducation ne se réduit pas
créer des réseaux, Chronique sociale, 2013, p. 196. à la somme des relations pédagogiques dans la classe »,
20 Roux-Lafay C., « L’éthique du care dans le champ éducatif Dubet F., Le déclin de l’institution, Seuil, 2002, p. 161.
ou le nouveau paradigme de la bienveillance », 24 Le Masson M.-O., Le climat scolaire : pour une école
Éducation et socialisation, n° 42, 2016. bientraitante, Chronique sociale, 2014.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 91

maîtrise du socle commun de connaissances, de développement) qui rend difficile la définition d’obli-
compétences et de culture au terme de la scolarité gations et de devoirs envers autrui » 27.
obligatoire. L’enjeu, pour l’institution scolaire, est
d’articuler cet impératif collectif inaliénable à celui, L’école est donc dotée d’une nouvelle mission, qui
tout personnel, de l’épanouissement individuel, et de dépasse largement celle qui lui était traditionnelle-
faire en quelque sorte le deuil de l’excellence pour ment assignée. Les éducateurs doivent désormais
tous. Il ne s’agit plus seulement, désormais, d’aider créer les conditions d’un épanouissement personnel,
les élèves à réussir scolairement – c’est-à-dire à par définition variable, et qui ne relève pas unique-
maîtriser le socle – mais de les aider à se révéler à ment de l’éducation au sens strict, le tout en laissant
eux-mêmes et à trouver la voie de leur réussite indi- à l’élève une liberté suffisante qui permette à ses
viduelle 25. Le collège est l’un des lieux privilégiés de potentialités de se révéler.
cet épanouissement. Il participe de la réussite éduca-
tive du jeune sans pour autant que celle-ci se limite à Épanouissement personnel
ses murs : « La réussite éducative se définit comme la et épanouissement scolaire
recherche du développement harmonieux de l’enfant L’épanouissement scolaire renvoie au climat dans
et du jeune. Elle est plus large et englobante que la lequel les élèves évoluent quotidiennement. Ce climat
seule réussite scolaire et tend à concilier l’épanouis- fait référence à des données objectives (conditions
sement personnel, la relation aux autres et la réus- matérielles de la scolarité) et à des données plus
site scolaire. Elle permet l’articulation de tous les subjectives, qui ont notamment trait à la qualité
temps de l’enfant et du jeune et vise à leur donner les des relations entre les membres de la communauté
moyens de s’intégrer pleinement dans la société » 26. éducative. La qualité de vie au collège dépend donc
des conditions de travail et du climat de confiance
L’école, lieu d’épanouissement qui y prévaut, composantes essentielles du bonheur
La notion d’épanouissement personnel a désormais à l’école.
pris le pas sur celle d’épanouissement scolaire. Les
deux restent pourtant intimement liés à l’âge de Pour s’épanouir scolairement, l’élève doit donc
l’adolescence. rencontrer au collège des conditions propices qui
le placent en situation de travail et de réussite
Un changement de paradigme personnelle. On perçoit ici la relation complexe
L’accomplissement de l’individu est devenu la fin de entre épanouissement personnel et épanouisse-
l’école. L’institution, si elle doit former des élèves, doit ment scolaire : pour s’épanouir personnellement, le
avant tout permettre l’accomplissement des jeunes jeune doit aussi s’épanouir scolairement, c’est-à-dire
au-delà de la seule réussite scolaire, voire malgré ou progresser et accéder ainsi à un état de bonheur qui
en dépit de la réussite scolaire, considérée au sens ne renvoie pas nécessairement à la réussite scolaire
classique du terme. La réussite individuelle, qui peut mesurée à l’aune de résultats chiffrés mais plutôt
effectivement s’exprimer de multiples façons et en au « sentiment qu’il y a une correspondance entre
de multiples endroits, est désormais visée. À l’âge les efforts consentis et les progrès constatés » 28. En
scolaire, c’est néanmoins au sein de l’école qu’elle permettant à l’élève de progresser, l’école contribue
est amenée à se développer, que celle-ci soit le fonde- à son épanouissement à la fois scolaire et individuel.
ment de cette réussite ou qu’elle lui soit extérieure.
Ce changement de paradigme bouleverse profondé- Le bien-être des élèves
ment le sens de la relation éducative et les conditions comme condition et comme objectif
de cette relation : comme le souligne Christian Vitali, Le bien-être est étroitement lié à la santé.
« La notion d’épanouissement personnel […] institu- L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit
tionnalise le glissement de la norme contraignante d’ailleurs cette dernière comme « un état complet de
vers une norme développementale (psychologie du bien-être physique, mental et social ». Notion pluri-
dimensionnelle, le bien-être se joue notamment dans

25 « On peut exiger l’acquisition du socle par tous ;


on ne peut pas exiger l’excellence pour tous », 27 Vitali C., « L’éthique subversive du CPE », La revue
Dubet F., « Défendons la réforme du collège contre de la vie scolaire, septembre 2016, n° 200-201, p. 31.
tous les conservatismes », Le Monde, 29 mars 2015. 28 C’est à ce sentiment que renvoie le bonheur à l’école
26 
Pacte pour la réussite éducative, MEN, octobre 2013, p. 2. selon Marie-Rose Moro et Jean-Luc Brison, op. cit., p. 4.

SOMMAIRE
92 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

la relation de confiance qui s’établit avec l’autre et bien-être et l’épanouissement des élèves et de bonnes
renvoie à l’estime de soi. Il est, selon Marie-Rose conditions de travail pour tous » 33.
Moro et Jean-Luc Brison, auteurs d’un rapport sur le
bien-être et la santé des jeunes, « une condition et un À ce texte qui légitime la prise en compte du bien-être
objectif » 29 de l’acte éducatif. à l’école doit en être ajouté un second, qui renvoie
spécifiquement aux missions, en la matière, des
Une question de projet personnels de l’Éducation nationale. Le référentiel
La considération du bien-être des élèves à l’école n’est des compétences professionnelles et des métiers
pas nouvelle. L’éducation prioritaire, précurseur en du professorat et de l’éducation mentionne par trois
de nombreuses matières, a pressenti sans doute bien fois la notion, tout d’abord en tant que compétence
avant l’éducation « classique » l’intérêt qu’il y avait, commune aux professeurs et aux personnels d’éduca-
pour les élèves ne disposant pas d’un environnement tion, dotés en la matière d’une responsabilité éthique :
favorable à leur réussite et rencontrant des difficultés ainsi doivent-ils « assurer le bien-être, la sécurité et la
scolaires, de prendre en compte une dimension à sûreté des élèves » 34. Les personnels d’éducation ont,
laquelle on n’accordait jusqu’à présent que peu d’in- quant à eux, une responsabilité spécifique et doivent
térêt. C’est donc par la porte des projets d’école, d’éta- avoir le « souci de contribuer au bien-être des élèves »
blissement et de réseau de l’éducation prioritaire que par le biais de l’organisation des temps et des lieux
le bien-être est entré à l’école. Le référentiel de l’édu- scolaires 35.
cation prioritaire stipule ainsi que ces projets « visent
le bien-être des élèves et un bon climat scolaire » 30. Une obligation pour tous
Si un cadre juridique a été posé par le législateur en
Si l’idée n’est donc pas nouvelle et a d’ailleurs été ce qui concerne le bien-être des élèves, il apparaît de
expérimentée dans de nombreux établissements, plus en plus important que ce bien-être s’étende à
l’afficher comme un moyen de favoriser l’épanouis- l’ensemble de la communauté éducative. Ce précepte
sement et la réussite des élèves n’est cependant pas général n’a pas valeur de loi mais relève bien d’une
encore pleinement acquis, probablement en raison nécessité, étant entendu que les élèves ne pourront
du changement radical d’approche des élèves qu’elle atteindre un état de bien-être que s’ils sont entourés
sous-tend. C’est sans aucun doute pour cette raison d’adultes appréciant le climat global dans lequel
que Christian Garcia et Caroline Veltcheff ont inti- ils sont eux-mêmes amenés à évoluer. Ainsi y a-t-il
tulé leur récent ouvrage sur le sujet Oser le bien-être « nécessité de penser conjointement bien-être des
au collège 31. élèves et bien-être des personnels, l’un avec l’autre
et jamais l’un sans l’autre » 36. François Dubet posait
Une obligation réglementaire déjà ce principe, en 2002, dans son ouvrage Le déclin
Viser le bien-être est devenu une obligation régle- de l’institution : « Les expériences des professeurs et
mentaire. La loi de 2013 renvoie à deux occasions à des élèves sont les deux faces de la même médaille
la notion, en stipulant dans un premier temps que […]. La réussite des uns renvoie à celle des autres, la
« la promotion de la santé favorise le bien-être et la violence des uns fait écho au mépris des autres, les
réussite de tous les élèves » 32, dans un objectif de lutte motivations des uns engendrent les motivations des
contre les inégalités. La seconde occurrence est plus autres » 37. En d’autres termes, si les élèves sont dans
globale : « Les conditions d’un climat scolaire serein un état de bien-être, les éducateurs le sont aussi, et
doivent être instaurées dans les écoles et les établis- réciproquement.
sements scolaires pour favoriser les apprentissages, le

33 
Ibid.
29 
Op. cit., p. 5. 34 
Le référentiel des compétences professionnelles et des métiers
30 
Un référentiel pour l’éducation prioritaire, MEN, du professorat et de l’éducation, BOEN du 25/07/2013, arrêté
janvier 2014, p. 7. du 01/07/2013, Compétence 6.

31 Garcia C. et Veltcheff C., Oser le bien-être au collège, 35 Compétence C1 : Organiser les conditions de vie
éd. Le Coudrier, 2016. des élèves dans l’établissement, leur sécurité, la qualité
de l’organisation matérielle et la gestion du temps, ibid.
32 Annexe à la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation
et de programmation pour la refondation de l’école de la 36 
Oser le bien-être au collège, op. cit., p. 16.
République, version consolidée au 21 février 2016. 37 Dubet F., op. cit., p. 165-166.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 93

DES CONDITIONS D’APPRENTISSAGE Une offre éducative diversifiée


FAVORABLES À L’ÉPANOUISSEMENT Les collégiens doivent pouvoir trouver dans leur
PERSONNEL DE L’ÉLÈVE-ENFANT établissement les ressources nécessaires à leur
épanouissement en tant qu’élèves et en tant qu’en-
La nouvelle circulaire de mission des conseillers fants. Les personnels qui y œuvrent ont une respon-
principaux d’éducation (CPE) rappelle qu’ils doivent sabilité importante, puisqu’il est de leur ressort de
« placer les adolescents dans les meilleures conditions proposer aux jeunes une offre éducative diversifiée.
de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et La réforme du collège donne à l’équipe éducative
d’épanouissement personnel » 38. Une mission qui leur les conditions nécessaires à l’objectivation de cette
donne certes une responsabilité particulière mais manne par le biais des différentes possibilités d’ac-
qui concerne de fait l’ensemble des personnels de complissement, de réussite et de progrès qu’elle met
l’ÉPLE, à l’intérieur comme à l’extérieur de la classe : à la disposition des élèves. Entre les enseignements
« Si la réussite de tous et de chacun est étroitement classiques, les enseignements de complément, les
liée aux pratiques pédagogiques, elle est largement enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et
favorisée lorsque tous les acteurs impliqués dans l’accompagnement personnalisé (AP), il est possible
l’acte éducatif font l’expérience de relations apaisées d’apporter à chaque élève les ressources qui lui
par l’instauration d’un cadre de travail bienveillant, correspondent et dont il a besoin pour s’accomplir.
attentif aux progrès et résolument tourné vers la mise Les nouveaux parcours éducatifs, alimentés par ces
en confiance des élèves comme des adultes » 39. enseignements et par l’ensemble des expériences
vécues par les élèves au collège, permettent la person-
Des activités pédagogiques qui répondent nalisation voulue par la réforme. D’autres moyens
aux particularités des élèves sont prévus pour laisser aux élèves le temps de s’épa-
La réforme du collège est une réforme pédagogique nouir : la pause méridienne doit désormais avoir une
globale, qui repose sur l’accompagnement pédago- durée d’une heure et demie pour l’ensemble des
gique de tous les élèves, considérés non seulement collégiens, et leur temps d’enseignement ne doit pas
comme un groupe homogène mais aussi comme un excéder vingt-six heures hebdomadaires 41. De quoi
ensemble d’individualités non réductibles les unes laisser aux jeunes la possibilité de découvrir les acti-
aux autres. Aussi doit-on, pour favoriser l’épanouis- vités proposées dans le cadre de l’accompagnement
sement des élèves, prendre en compte leur hétérogé- éducatif ou dans des structures extérieures.
néité. Cette logique d’adaptation pédagogique n’est
certes pas nouvelle, mais les réformes successives – et Le développement de l’autonomie :
celle du collège en particulier – en ont fait une obli- des activités émancipatrices
gation. Prenant appui sur les besoins et le potentiel Au-delà de l’épanouissement de l’enfant, qui renvoie
des élèves, elle repose sur des pratiques de différen- à son bien-être, la personnalisation des parcours est
ciation et de diversification qui conduisent les acteurs aussi considérée comme une source d’émancipation.
à proposer aux élèves un sur-mesure pédagogique Les activités proposées à l’élève ont en effet vocation à
digne de la haute couture. Cette personnalisation lui faire acquérir l’autonomie nécessaire à sa réussite
a pour objectif de favoriser l’épanouissement des individuelle et à lui donner la possibilité non seule-
élèves, en valorisant leurs progrès et leurs réussites ment de faire des choix dans l’offre éducative qui lui
de façon à « tirer le meilleur de chaque élève » 40. Elle est proposée, mais aussi de « prendre ses distances »
prend corps dans la classe mais a vocation à dépasser avec la forme scolaire classique. L’individualisation
son cadre. doit aider l’élève à se réaliser et à « prendre en charge
son propre parcours accompagné » 42 : en ayant à sa

41 L’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des


enseignements dans les classes de collège, confirmé
par l’arrêté du 16 juin 2017 le modifiant, indique que
38 « Missions des conseillers principaux d’éducation », les volumes horaires des enseignements obligatoires
circulaire n° 2015-139 du 10-8-2015. applicables aux élèves sont de vingt-six heures, auxquelles
39 
Oser le bien-être au collège, op. cit., p. 26. « s’ajoutent au moins dix heures annuelles de vie de classe
40 « La réforme du collège passe également par la capacité par niveau ».
à personnaliser les parcours pour tirer le meilleur 42 Chabannon M., Abécédaire du chef d’établissement à l’usage
de chaque élève », Blanquer J.-M., L’École de la vie, de toute la communauté éducative, article « Autonomie »,
Odile Jacob, 2014, p. 99. p. 39, CRDP de l’académie de Grenoble, 2003.

SOMMAIRE
94 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

disposition ce dont il a besoin, il acquiert la capa- intérêt (à titre individuel et collectif), à connaître les
cité de faire des choix, y compris parmi les activités valeurs qui la fondent et à l’expérimenter en toute
qui lui sont proposées, en distinguant ce qui peut lui connaissance de cause. Comme le rappelle la loi
servir relativement à son projet et ce qui présente peu d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école
d’intérêt ou prendra une place limitée. Cette émanci- de 2005, « le droit à l’éducation est garanti à chacun
pation de ce que Camille Giraudon appelle « l’école- afin de lui permettre […] d’exercer sa citoyenneté »
carcan » ou le « carcan scolaire » 43 va de pair avec (article 2). Le nouveau parcours citoyen offre un cadre
l’autonomisation croissante de l’élève, l’édification privilégié à cet exercice.
de ses différents parcours et sa progression vers sa
qualité future de citoyen. Connaître les valeurs du vivre-ensemble
L’école est le lieu où les élèves apprennent à vivre
ensemble, au-delà de leurs particularités et diffé-
CHAQUE JEUNE DOIT SE PRÉPARER rences. Cet apprentissage prend corps dans les ensei-
À DEVENIR UN CITOYEN ÉCLAIRÉ gnements proposés au collège mais est aussi l’affaire
ET RESPONSABLE et la responsabilité de l’ensemble des acteurs de la
communauté éducative : chacun doit, à travers ses
Le décret relatif au socle commun de connaissances, paroles et ses actes, contribuer à la transmission des
de compétences et de culture indique que « l’École valeurs de la République.
a une responsabilité particulière dans la formation
de l’élève en tant que personne et futur citoyen » 44. Des enseignements dédiés
Cette double mission de l’école, co-éducatrice au La réforme du collège s’est accompagnée de l’appari-
même titre que la famille, vise à donner aux jeunes tion d’une nouvelle discipline, l’éducation morale et
des repères qui vont lui permettre non seulement civique (EMC), qui consacre l’enseignement des prin-
de s’épanouir en tant qu’individu, mais aussi de cipes fondateurs de la démocratie et de la citoyenneté.
participer à la vie de la cité, ces deux aspects étant Le programme de l’EMC a été défini, pour le premier
indissociables. Le collège a un rôle important à jouer et le second degré, par un arrêté qui précise que « cet
dans l’acquisition des connaissances et compétences enseignement a pour objet de transmettre et de faire
indispensables à cette citoyenneté à laquelle l’élève partager les valeurs de la République acceptées par
peut d’ores et déjà s’exercer, dans ses activités quoti- tous, quelles que soient les convictions, les croyances
diennes ou en prenant volontairement part à la vie du ou les choix de vie personnels » 46. L’EMC a ainsi rejoint
collège. Ses différentes expériences ont ainsi vocation la grande famille des disciplines scolaires et fait son
à le rendre plus apte à comprendre les mécanismes apparition dans les emplois du temps des élèves.
de la vie sociale et les valeurs sur lesquelles elle se Elle concrétise par ailleurs les nouveaux objectifs de
fonde et à forger sa citoyenneté. On comprend ici que l’école puisque les valeurs et normes qu’elle sous-
l’enjeu est fondamental et que l’école doit se saisir de tend « supposent une école à la fois exigeante et bien-
cette chance inestimable de promotion de la citoyen- veillante qui favorise l’estime de soi et la confiance en
neté et de construction du monde futur. En ces temps soi des élèves, conditions indispensables à la forma-
souvent troublés, les éducateurs doivent relever le tion globale de leur personnalité » 47.
défi et proposer un véritable « apprentissage » 45 de la
citoyenneté, en aidant les jeunes à comprendre son L’EMC n’est pourtant pas le seul lieu disciplinaire de
la transmission des valeurs de la République. L’école
a en effet longtemps hésité entre le fait de consacrer
43 Giraudon C., « Personnaliser les parcours scolaires à cet impératif une discipline autonome et la volonté
des élèves, un facteur d’émancipation ? Lectures et
pratiques enseignantes divergentes », Tracés, 25 | 2013.
d’en faire un objectif suprême pour l’ensemble
44 Décret n° 2015-372 du 31/03/2015, Domaine 3 : la formation
des enseignements qu’elle dispense, sans réussir
de la personne et du citoyen.
45 Selon Alain Mougniotte, « parler d’apprentissage de la
citoyenneté, c’est, d’une part, avouer qu’il y a là une tâche
malaisée, qui ne relève pas de la spontanéité mais requiert
un vrai travail et, d’autre part, estimer que, moyennant cet
effort, si l’on y consent, un résultat heureux est possible » ;
« Rôle et portée de l’École dans l’apprentissage de la
citoyenneté », p. 174-175, in Lenoir Y., Xypas C., Jamet C. 46 Arrêté du 12/06/2015, « Programme d’enseignement
(dir.), École et citoyenneté : Un défi multiculturel, Armand Colin, moral et civique : École élémentaire et collège ».
2006, p. 171-184. 47 
Ibid.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 95

d’ailleurs à résoudre ce problème fondamental 48 : « les « un enjeu pour l’école du xxie siècle » 52. Il s’agit
valeurs de la République sous-tendent l’ensemble des d’une expérience de tous les instants, qui repose
disciplines, chacune leur donnant sens dans le champ sur la bienveillance éducative et qui permet de créer
du savoir qui est le sien » 49. L’EMC bénéficie ainsi une véritable communauté fraternelle, génératrice
d’un statut particulier : devenue une discipline à part d’un fort sentiment d’appartenance non seulement
entière, elle doit aussi faire l’objet d’une approche à l’école mais aussi à la société tout entière. Toutes
transversale – être de tous les instants – et être les activités proposées à l’école, tous les moments
alimentée par les autres disciplines, parmi lesquelles que les élèves y passent, participent de cette frater-
figurent, entre autres, l’éducation physique et sportive nité en actes préconstitutive de la citoyenneté. Ainsi,
(EPS) et les sciences et technologies du vivant, de la comme le souligne Jean Houssaye, « l’éducation à la
santé et de la Terre (STVST). fraternité, c’est un tout et non une part de l’éducation
à l’école et par l’école » 53. Si elle passe par des ensei-
Le rôle de tous les personnels gnements ciblés, elle est aussi – et peut-être surtout
Si les professeurs ont une mission de transmission – une expérience à vivre, à laquelle les adultes doivent
des valeurs de la République par le truchement des prendre part en permettant à l’élève de développer
enseignements disciplinaires, faire partager ces des compétences citoyennes 54.
valeurs est une obligation morale et citoyenne qui
concerne l’ensemble des personnels. Il s’agit tout Expérimenter la citoyenneté :
d’abord d’une compétence commune aux profes- être acteur dans son collège
seurs et aux personnels d’éducation, ces derniers Le collège est l’un des premiers lieux d’expérimenta-
pouvant, via diverses entrées 50 , contribuer au tion de la citoyenneté. C’est en son sein que l’élève
partage des valeurs du vivre-ensemble. Plus large- acquiert une conscience sociale et qu’il peut s’exercer
ment, il appartient bien à l’ensemble des personnels à la vie démocratique.
de s’investir dans ce partage qui détermine aussi la
qualité des relations dans l’établissement scolaire : La citoyenneté au quotidien
assistants d’éducation, personnel administratif et de La citoyenneté est « un parcours dans la vie de la
service doivent, aux côtés des conseillers principaux cité » 55. Elle commence à l’école, dès le plus jeune âge,
d’éducation et des enseignants, s’engager dans cette dans le cadre de ce qu’il convient désormais d’ap-
éducation à la citoyenneté dont le chef d’établisse- peler le parcours citoyen, pour se poursuivre tout au
ment est le garant. Tous sont à ce titre, pour reprendre long de la vie. Le parcours citoyen, qui prend place
une expression de Philippe Meirieu, « professeurs dans l’espace et le temps scolaires, a ainsi vocation
d’École » 51. à devenir le parcours du citoyen, celui-là même dans
lequel l’individu pourra exercer ses droits et remplir
La fraternité en actes ses devoirs.
Le vivre-ensemble renvoie à la devise républicaine et
plus particulièrement à la notion de fraternité, sur Les objectifs du parcours citoyen ont été définis, en
laquelle la réforme du collège permet de porter l’ac- 2016, dans une circulaire 56 qui précise que « l’ap-
cent. Idéal démocratique par excellence, l’intérêt de prentissage de la citoyenneté se conçoit comme un
l’école pour la fraternité est pourtant plus récent que
celui porté à la liberté et à l’égalité, même si le vivre-
ensemble y renvoie intuitivement. Faire vivre l’expé- 52 Tel était le thème du colloque interuniversitaire qui a eu
lieu à Montpellier les 24 et 25 mai 2016 : « Fraternité en
rience de la fraternité est désormais affiché comme
éducation, éducation à la fraternité : un enjeu pour l’école
une mission de l’école républicaine, voire comme du xxie siècle ».
53 Houssaye J., « Peut-on éduquer à la fraternité ? »,
Le Café pédagogique, 23 janvier 2015.
54 Il s’agit, selon Philippe Maubant, de passer
48 François Audiguier rappelle dans l’un de ses articles les « de l’apprentissage du ‘‘vivre ensemble’’ à la maîtrise
difficultés de constitution disciplinaire de l’éducation à d’une ‘‘compétence de citoyen’’ », p. 215, in Yves Lenoir,
la citoyenneté : « Enseigner la société, transmettre des Constantin Xypas, Christian Jamet (dir.), op. cit., L’éducation
valeurs », Revue française de pédagogie, n° 94, 1991, p. 37-48. à la citoyenneté sous l’éclairage de l’approche par compétences,
49 Les valeurs républicaines à l’école, site Eduscol. p. 207-222.
50 Cf. la fiche ressource Eduscol consacrée à ce sujet : 55 
La citoyenneté et l’engagement, p. 1, site de Canopé
« La contribution des conseillers principaux d’éducation (kit pédagogique #je dessine).
(CPE) à l’EMC ». 56 
Le parcours citoyen de l’élève, circulaire n° 2016-092
51 Blog de Philippe Meirieu, Dictionnaire, article « Citoyenneté ». du 20/06/2016.

SOMMAIRE
96 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

parcours cohérent ; il s’impose comme un projet de pas 59 (ce qui serait d’ailleurs contraire à l’esprit démo-
l’élève et pour l’élève ». Dans le cadre du fonctionne- cratique). Une véritable discussion, initiée par le chef
ment quotidien du collège, chaque jeune doit pouvoir d’établissement ou par tout autre acteur, doit être
être confronté à la citoyenneté et en découvrir par menée dans chaque collège pour décider collective-
lui-même les vertus, grâce aux enseignements qui ment du projet qui permettra aux élèves de construire
lui sont dispensés et aux relations qu’il apprend à leur parcours. Formalisée dans le cadre du projet
nouer avec ses pairs et avec les adultes qu’il côtoie. d’établissement, cette réflexion doit permettre aux
Les diverses règles qui s’imposent à lui (règlement élèves non seulement de se sentir libres de s’engager
intérieur, règles de vie en classe…) constituent autant dans la vie du collège mais aussi de donner du sens
d’occasions pour lui de s’interroger sur leurs raisons à cet engagement dans le collectif. La responsabi-
d’être et d’en comprendre in fine le sens, grâce à lité des adultes est ici engagée puisqu’il leur revient
l’accompagnement proposé par les adultes. Participer de mettre les élèves en confiance : si les élèves se
à leur définition permet d’aller plus loin dans ce sentent autorisés, voire incités, à participer à la vie
parcours dont la forme et l’intensité des actions qu’il du collège, ils acquerront très vite des automatismes
comporte relèvent d’un véritable engagement. qui leur serviront dans leur vie future. Le projet de
l’établissement pourra ainsi favoriser l’émergence et
Expérimenter les mandats et les instances le développement du projet personnel du jeune : par
La réforme du collège et les différents textes afférents les qualités et les pratiques nécessaires à tout projet
visent à permettre aux élèves d’exercer des respon- collectif, il forge à la fois son parcours de citoyen et
sabilités au sein des instances de l’ÉPLE : conseil son parcours personnel 60.
de classe, assemblée générale des délégués, comité
d’éducation à la santé et à la citoyenneté, conseil de Élargir le regard
discipline, conseil d’administration… Ces responsa- Le passage par le collège est nécessaire à l’édifica-
bilités ont été accrues récemment par la reconnais- tion du sentiment de citoyenneté. Acteur majeur en
sance officielle d’un conseil spécifiquement dédié à la la matière, le collège n’a pourtant pas le monopole de
parole collégienne : le conseil de la vie collégienne 57. l’éducation à la citoyenneté 61, même si son objectif
Représentants des élèves dans ces lieux d’échanges, est aussi d’aider l’élève à faire preuve de discerne-
de débats, voire de décisions, les élus ont ici l’occa- ment et d’esprit critique en toutes circonstances.
sion d’expérimenter la vie démocratique et de faire
entendre leur voix. Si l’exercice peut être difficile à L’éducation à la citoyenneté n’est donc pas une fin
cet âge, il est pourtant une formidable expérience en soi au collège, qui est néanmoins le lieu privi-
à laquelle tous les élèves peuvent prétendre, quelle légié de cette prime éducation, laquelle se poursuit
que soit leur situation scolaire, sous réserve qu’on généralement sur les bancs du lycée 62. Il offre ainsi
leur offre effectivement la possibilité de le faire. La le terreau indispensable à sa poursuite, dans laquelle
reconnaissance que les élèves en retirent de la part il serait sans doute difficile de s’investir sans cette
de leurs pairs, de même que la fierté inhérente à expérience initiale. Le collège permet d’ouvrir le
toute élection, participent de l’accomplissement champ des possibles et de se préparer progressive-
du jeune et favorisent son intégration scolaire en ment à l’exercice lycéen de la citoyenneté puis à son
même temps que sa future intégration sociale. Tout
ceci préfigure « ce que sera leur participation à la vie
démocratique » 58. 59 De la même façon pourrait-on dire que l’instauration
de ces conditions ne relève pas de l’évidence : il existe
localement des réticences à l’éducation à la citoyenneté,
Agir dans son collège : une question de projet
liées aux résistances des adultes comme des élèves.
Il revient aux personnels de l’établissement d’ac- Le rapport du CNESCO consacré à l’éducation à la
compagner les jeunes dans leur parcours citoyen, en citoyenneté fait le point sur ces questions. Éducation à
la citoyenneté à l’école : Politiques, pratiques scolaires et effets
créant des conditions favorables à l’exercice quotidien
sur les élèves, Rapport scientifique du CNESCO, avril 2016.
de la citoyenneté. Or, ces conditions ne se décrètent 60 « En cela, le parcours citoyen croise le parcours avenir »,
Le parcours citoyen de l’élève, op. cit.
61 Idée développée par Maroussia Raveaud dans son article
« L’élève, futur citoyen », Revue internationale d’éducation
de Sèvres [En ligne], 44 | avril 2007.
62 Le collège peut aussi être l’ultime lieu de cette éducation
57 Cf. chapitre IV. pour les jeunes quittant prématurément le système
58 
Le parcours citoyen de l’élève, op. cit. scolaire.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 97

exercice social. Il développe la capacité de se projeter


dans d’autres projets collectifs, en lien avec lui ou
totalement extérieurs. Le parcours citoyen peut ainsi
être alimenté par les autres expériences du jeune,
celles qui ont lieu à l’extérieur de l’établissement
mais dans lesquelles il trouve les ressources néces-
saires pour s’investir, du fait de son apprentissage de
la citoyenneté au collège.

La circulaire relative au parcours citoyen le situe


« au cœur de la relation entre l’école, l’établisse-
ment scolaire et les territoires », rappelant qu’il se
construit sous l’effet d’actions d’origines diversifiées,
dans lesquelles les élèves ont le choix de s’investir.
Le collège doit ainsi fournir au jeune les connais-
sances nécessaires à cet investissement, en lui faisant
découvrir la palette des opportunités offertes par
le contexte de vie local dans lequel il est amené à
évoluer. C’est aussi pour répondre à cet objectif qu’a
été initiée la réforme du collège.

L’éducation à la citoyenneté est une priorité dans


laquelle l’école française s’est massivement
engagée 63. « Justifiée par des motivations souvent
négatives » 64, elle renvoie davantage, dans le cadre
de la réforme du collège, à un objectif de connais-
sance, de compréhension et d’expérimentation des
valeurs de la République, qui conditionne sa réussite
et à laquelle chacun doit participer, au-delà des seuls
enseignements disciplinaires.

63 « Apprentissage de la citoyenneté dans l’école française :


un engagement fort dans les instructions officielles,
une réalité de terrain en décalage », Communiqué de presse
du CNESCO, 13 janvier 2015.
64 Raveaud M., op. cit.

SOMMAIRE
UNE MISE EN ŒUVRE
COHÉRENTE DES PARCOURS
DE L’ÉLÈVE

Si l’élève, dans sa singularité, est au cœur de la socle commun de connaissances, de compétences


réforme, celle-ci s’intéresse tout d’abord à ce qui va et de culture, doit non seulement permettre à l’élève
constituer son parcours de formation. Ce parcours de réussir à l’école, mais aussi le préparer à sa vie
est conçu comme un cheminement continu au cours professionnelle future et, plus globalement, à sa vie
duquel l’élève va acquérir des connaissances, des de citoyen. Les objectifs de la scolarité obligatoire
compétences, une culture scolaire globale qu’il parta- s’en trouvent quelque peu redéfinis : ainsi, jusqu’à
gera avec d’autres mais qui lui sera aussi spécifique. seize ans, « l’élève engagé dans la scolarité apprend à
Ainsi le parcours de l’un sera-t-il à la fois identique réfléchir, à mobiliser des connaissances, à choisir des
et différent de celui de l’autre. C’est à cette idée que démarches et des procédures adaptées, pour penser,
renvoie le terme de curriculum, parcours au cours résoudre un problème, réaliser une tâche complexe ou
duquel l’élève va rencontrer des invariants – ceux des un projet, en particulier dans une situation nouvelle
programmes – mais aussi des enseignements adaptés ou inattendue » 2. Pour y parvenir, l’élève va, au travers
à sa situation et au contexte global dans lequel des différentes disciplines qui balisent son emploi du
vont s’effectuer ses apprentissages. L’édification du temps, acquérir des savoirs mais aussi des compé-
parcours est l’affaire des enseignants et requiert tences qu’il apprendra, au fil de son parcours scolaire,
une capacité d’adaptation aux élèves et aux situa- à mobiliser dans des contextes diversifiés.
tions dans lesquelles ils se trouvent. Désormais, il
ne s’agit plus seulement d’enseigner les éléments Les disciplines et les connaissances,
constitutifs d’une discipline (considérée comme se bases du socle
suffisant à elle-même), mais de faire en sorte qu’elle La scolarité est rythmée par la découverte de disci-
fasse émerger chez l’élève des compétences qui la plines qui structurent le temps scolaire. Selon Jean-
dépassent et qui ont vocation, à terme, à le faire Pierre Astolfi, ces disciplines permettent aux élèves
devenir un être social. Les pratiques des uns et des d’acquérir des savoirs « dignes de ce nom » 3 et
autres se trouvent nécessairement interrogées par leur fournissent des ressources indispensables à la
cette nouvelle donne qui impose également d’élargir construction de leur raisonnement. L’appropriation
le regard porté sur l’élève, dont la vie scolaire s’étend des savoirs disciplinaires se présente ainsi comme
bien au-delà des murs de la salle de classe. l’une des missions fondamentales de l’école.

L’école, lieu de la transmission des savoirs


UN ANCRAGE DISCIPLINAIRE L’école est traditionnellement le lieu de la trans-
INCONTOURNABLE… MAIS INSUFFISANT mission des savoirs, enseignés dans le cadre des
disciplines académiques, qui ont pour mission
Depuis l’instauration de la loi du 23 avril 2005, l’école de faire acquérir aux élèves des connaissances
doit s’assurer que tous les élèves acquièrent un
socle commun de connaissances et de compétences,
qui représente « tout ce qu’il est indispensable de
maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire » 1. Ce
socle, devenu avec la loi de refondation de 2013 le
2 Annexe au décret n° 2015-372 du 31/03/2015 relatif au socle
commun de connaissances, de compétences et de culture.
3 Astolfi J.-P., La Saveur des savoirs. Disciplines et plaisir
1 Article 9. d’apprendre, ESF éd., Issy-les-Moulineaux, 2008, rééd. 2010.

SOMMAIRE
100 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

fondamentales 4. Éléments constitutifs du socle Le cadre disciplinaire comme lieu


commun, les connaissances sont les premières à et moyen d’acquisition des compétences
être citées, avant les compétences et la culture qui le Avec la réforme, l’école conserve son objectif de
caractérisent également. Ce positionnement privilégié transmission de connaissances qui est sa voca-
montre qu’il existe des connaissances de base que tion première. Ce qui change, c’est que cette trans-
l’ensemble des élèves doit acquérir et partager, mais mission n’est plus un but en soi mais le moyen de
aussi qu’elles sont premières, au sens où elles consti- développer chez les élèves les deux autres piliers du
tuent un prérequis nécessaire à l’entrée des élèves socle : les compétences d’abord, la culture à terme.
dans les domaines des compétences et de la culture. Les disciplines deviennent ainsi les vecteurs par
lesquels les compétences s’acquièrent, et elles se
Une organisation toujours essentiellement voient dotées d’une mission qui transcende, dans
basée sur les disciplines une large mesure, les savoirs qu’elles transmettent.
Les savoirs scolaires traditionnels sont dispensés La place des disciplines dans l’acquisition du socle
dans le cadre de disciplines scolaires qui le sont tout est donc fondamentale, d’autant qu’elles conservent
autant : français, mathématiques, histoire-géographie, une existence autonome par rapport à lui : « les disci-
langues vivantes, sciences de la vie et de la terre, plines continuent à poursuivre des objectifs propres,
physique-chimie, technologie, éducation physique et que leurs programmes officiels affichent, mais en les
sportive, arts plastiques et éducation musicale consti- intégrant dans une démarche au sein de laquelle le
tuent les disciplines de base au collège. Si certaines socle constitue la priorité » 5. Le travail par compé-
ont été renommées ou enrichies au fil des années, les tences – qui prévalait déjà depuis la mise en place du
disciplines restent des repères tangibles et compré- socle de 2005 – est ici érigé en mode opératoire dont
hensibles aussi bien pour les élèves et les familles la transdisciplinarité est une condition sine qua non :
que pour les professeurs, qui sont d’ailleurs formés selon l’annexe du décret n° 2006-830 du 11/07/2016,
pour les enseigner. l’acquisition d’une compétence « requiert la contri-
bution de plusieurs disciplines, et, réciproquement,
L’emploi du temps des élèves repose sur cette orga- une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs
nisation disciplinaire, que la réforme du collège compétences ».
ne remet pas en cause. Tout au plus observe-t-on
quelques variations dans les temps consacrés à Les disciplines, lieux d’exercice et de repérage
certaines d’entre elles, ainsi que la possibilité, laissée des processus d’apprentissage
aux enseignants, de choisir la ou les disciplines au Outre le fait qu’elles constituent le support de l’acqui-
cours de laquelle ou desquelles leur enseignement sition des compétences, les disciplines sont aussi les
obligatoire prendra la forme d’un accompagnement lieux qui vont permettre aux enseignants de repérer
personnalisé et/ou d’un enseignement pratique les processus d’apprentissage des élèves. Dans leur
interdisciplinaire. Au total, sur les vingt-six heures ouvrage Comment concevoir un enseignement ? 6, Manuel
hebdomadaires d’enseignements obligatoires qu’im- Musial, Fabienne Pradère et André Tricot définissent
pose la réforme, vingt-trois heures en 6e et vingt-deux les processus d’apprentissage comme le fait de relier
heures de la 5e à la 3e sont consacrées aux ensei- une connaissance spécifique à la connaissance géné-
gnements communs et donc aux disciplines coutu- rale. Ces processus consistent en la détection incons-
mières. L’enseignement, dans ces conditions, reste en ciente et involontaire de régularités dans notre envi-
majeure partie ancré dans des disciplines que chaque ronnement, et il appartient aux enseignants, dans
élève connaît et que chaque enseignant maîtrise. La le cadre des différentes situations d’apprentissage
crainte d’une remise en cause des disciplines dans le qu’ils proposent aux élèves, de s’assurer de l’exis-
cadre de la réforme, si elle est compréhensible, doit tence et de la mise en œuvre de ce processus 7. Si les
donc être relativisée. disciplines sont donc incontournables, elles ne sont

5 Voir « Les compétences, leur articulation avec


les disciplines et la formation des élèves »
sur le site ac-amiens.fr

4 Philippe Meirieu définit les connaissances scolaires comme 6 Musial M., Pradère F., Tricot A., Comment concevoir
des « savoirs essentiellement programmatiques, renvoyant un enseignement ? Bruxelles, De Boeck, 2012.
à des disciplines précisément identifiées » (article 7 « La conduite du processus relève de la responsabilité
« Connaissances scolaires », Dictionnaire sur son blog). de l’enseignant et non de celle de l’élève », ibid.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 101

pas pour autant suffisantes, en soi, à la maîtrise du explicitement à l’apprenant et au processus permet-
socle et des compétences. Elles sont désormais dotées tant l’acquisition des compétences. Il a donc une
d’un objectif autre, de repérage – voire de diagnostic visée éducative, en ce sens qu’il vise l’accomplisse-
– des processus d’apprentissage à l’œuvre. Et c’est à ment de l’individu.
partir de cet état des lieux que l’enseignant pourra
construire le parcours de l’élève, de façon à définir le La mobilisation de la notion de curriculum dans le
curriculum le plus adapté. cadre de la réforme du collège n’est pas anodine.
Selon Mohamed Miled, elle vise à regrouper dans
La réorganisation des cycles et des programmes une même idée « l’énoncé des finalités, les contenus,
Définir un programme d’études personnel : les activités et les démarches d’apprentissage, ainsi
la notion de curriculum que les modalités et moyens d’évaluation des acquis
L’originalité de la réforme du collège est de rappro- des élèves » 10. Cette évolution dans l’approche de
cher des notions qui se côtoyaient jusqu’à présent l’élève par l’école est rendue nécessaire par celle de
sans nécessairement s’interroger sur leurs modes la société qui réclame de plus en plus de ses membres
de relation. Programme (et discipline), socle, cycle, des compétences en actes et non plus uniquement
parcours sont autant de termes qui renvoient aux des savoirs déconnectés de toute pratique. Elle
connaissances et compétences que les élèves doivent renforce également l’idée que l’enfant est désormais
désormais acquérir dans le cadre de la scolarité obli- conçu comme un être en construction perpétuelle,
gatoire, et plus particulièrement au collège. L’enjeu cette construction étant continue malgré les change-
est ici de comprendre la délicate articulation entre ces ments de lieux (famille, école, collège, lycée, société).
notions complexes et de situer l’élève dans le cadre En utilisant la notion de curriculum et en l’appliquant
d’une progression qui ne peut être que personnelle. à cette construction, on insiste sur la nécessité de
fluidité des parcours tout en donnant à l’école une
Le curriculum permet de dépasser toutes ces notions place de choix et au collège un objectif fondamental :
et de comprendre la logique de leur articulation. Issu celui d’être le creuset du curriculum et le lieu ultime
de la sociologie de l’éducation anglo-saxonne, il a été de la maîtrise du socle.
introduit en France à la fin des années 1980 et défini
en 1993 par Philippe Perrenoud comme un « parcours Ainsi l’idée de curriculum traduit-elle un changement
de formation » prenant corps dans le cadre d’une rela- de paradigme éducatif et cette volonté qui n’est pas si
tion éducative à trois niveaux : nouvelle de faire de l’école le lieu de la formation du
–– « celui de la « programmation » d’un parcours futur citoyen. Elle intègre, tout en les dépassant, les
éducatif, notamment dans l’esprit de l’éducateur ; programmes et vise l’acquisition d’un socle commun
c’est le niveau du curriculum rêvé, prescrit ou de connaissances, de compétences et de culture qui a
formel ; vocation à excéder le cadre géographique et temporel
–– celui des expériences que vit l’apprenant et qui le de l’école. Ce faisant, elle permet de considérer l’élève
transforment ; c’est le niveau du curriculum réel comme un citoyen en devenir, dont le parcours de
ou réalisé ; formation est à construire.
–– celui des apprentissages qui en résultent » 8.
Deux cycles pour le collège
Le curriculum concerne le long terme et définit le La réforme a introduit un changement important
« programme d’étude ou de formation organisé dans dans l’organisation des cycles pédagogiques. Depuis le
le cadre d’une institution d’enseignement ou, plus 1er septembre 2016, le collège est en effet concerné par
précisément, [un] ensemble cohérent de contenus deux cycles, alors qu’un seul en relevait auparavant :
et de situations d’apprentissage mis en œuvre dans –– le cycle 3, dit cycle de consolidation, couvre les
une progression déterminée » 9. Souvent comparé classes de CM1, CM2 et 6e. Il a pour objectif d’unir
au programme ou au référentiel, qui renvoient aux ces trois niveaux, de favoriser l’adaptation des
disciplines et à l’enseignement, le curriculum renvoie élèves au collège (en matière d’organisation et de

8 Perrenoud P., « Curriculum : le formel, le réel, le caché », in


Houssaye J., La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, 10 Miled M., « Un cadre conceptuel pour l’élaboration
ESF éd., Paris, 1993, pp. 61-76. d’un curriculum selon l’approche par les Compétences »,
9 Forquin J.-C., Dictionnaire encyclopédique de l’éducation La refonte de la pédagogie en Algérie – Défis et enjeux d’une
et de la formation, Nathan, 1998. société en mutation, Alger : UNESCO-ONPS, 2005, pp. 125-136.

SOMMAIRE
102 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

cadre de vie) et d’assurer la continuité des appren- concerne plusieurs intervenants, dont certains ne
tissages du CM1 à la classe de 6e ; sont pas basés, géographiquement, au même endroit ?
–– le cycle 4, dit cycle des approfondissements, couvre À ces questions de forme et de fond s’ajoute celle de
quant à lui les classes de 5e, 4e et 3e. Il a pour objectif la volatilité potentielle des élèves (quid de ceux qui
le développement des connaissances et des compé- quittent un établissement en cours de cycle ?) et des
tences des élèves dans les différentes disciplines et enseignants dont certains sont amenés à muter. Les
la préparation de leur orientation. réunions initiées en cours et en fin d’année scolaire
2015-2016 à l’initiative des chefs d’établissement et
Cette réorganisation a un impact important en termes des inspecteurs du premier degré n’ont pas toujours
de relations entre le premier et le second degrés. Le été suffisantes pour lever ces interrogations légitimes
cycle 3 impose en effet de porter le regard au-delà des et apporter des réponses satisfaisantes aux difficultés
portes de l’école et d’envisager une continuité réelle matérielles et aux casse-tête pédagogiques soulevés
des apprentissages, de l’école au collège. L’objectif est par cette nouveauté, que le livret scolaire unique
clairement de dépasser la simple liaison école-collège numérique (LSUN) a pourtant vocation à lever.
qui prévalait jusqu’à présent dans les commissions de
liaison CM2-6e et de l’institutionnaliser en la rendant
non seulement obligatoire mais aussi nécessaire pour LA VALORISATION DES SITUATIONS
assurer la continuité du parcours scolaire de l’élève 11. D’APPRENTISSAGE CONCRÈTES,
PERMETTANT LE DÉVELOPPEMENT
Une programmation plus souple DE COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES
La réorganisation des cycles s’accompagne d’une
façon nouvelle d’envisager les programmes. Le parcours de l’élève doit s’appréhender comme un
Traditionnellement établis et suivis dans le cadre ensemble en construction permanente. Il représente
des disciplines et de leur déroulé chronologique, les le moyen permettant d’assurer la mise en cohérence
programmes deviennent, avec la réforme, un cadre des apprentissages de l’élève et repose sur des stra-
de référence que les élèves doivent appréhender tégies pédagogiques qui s’apparentent à des mises en
au cours d’un cycle donné, et auxquels plusieurs actes du savoir disciplinaire. La réforme insiste ainsi
disciplines peuvent éventuellement contribuer. En sur la nécessité de proposer aux élèves des situations
d’autres termes, le programme relève désormais du d’apprentissage concrètes qui sont expérimentées
cycle. Cette désolidarisation du programme, du niveau dans le cadre des disciplines et qui se cristallisent
mais aussi de la discipline s’accompagne d’une déso- dans celui du parcours de formation et des parcours
lidarisation du professeur qui avait jusqu’à présent éducatifs qui le composent. L’enjeu, ici, est de donner
pour mission de « boucler son programme » au terme du sens et de la cohérence à cet ensemble, qui se
de l’année scolaire. Désormais, le programme n’est veut à la fois individuel – car répondant aux besoins
plus envisagé comme un donné mais comme une scolaires personnels de l’élève – et collectif : les situa-
construction collective dont la mise en œuvre requiert tions proposées ont lieu dans le groupe classe et sont
une entente non seulement entre enseignants du enrichies par les interactions qui se lient en son sein.
premier et du second degrés, mais aussi entre profes- Ainsi les compétences à acquérir transcendent-elles
seurs des différentes disciplines. celles du socle et participent-elles de la réussite
éducative de l’élève.
L’idée est intéressante, en ce sens qu’elle introduit
une véritable souplesse dans l’organisation, qu’elle Des parcours à construire et à mettre en œuvre
accroît la liberté pédagogique des enseignants, qu’elle La loi de refondation de 2013 met un accent particu-
introduit du lien entre les disciplines et ceux qui les lier sur la notion de parcours 12, que celui-ci désigne
enseignent et qu’elle interroge les relations entre la scolarité de la maternelle à la fin du collège, la
les disciplines. Des critiques assez vives ont cepen- réussite de l’élève, sa formation, ou encore les diffé-
dant accompagné cet aspect essentiel de la réforme. rents champs auxquels il s’applique (la culture
Concrètement, comment réaliser cette articulation par exemple). Évoquer le parcours est aussi une
et décider collectivement d’une programmation qui façon d’insister sur la notion d’individualisation,

11 Tel est l’objectif du conseil école-collège, dont les missions 12 Le terme « parcours » est mentionné vingt-six fois
seront développées dans le chapitre suivant. dans la loi.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 103

notamment lorsqu’il s’agit de proposer des accom- Le parcours avenir


pagnements spécifiques aux élèves en difficulté ou à Il s’étend de la 6e à la Terminale et doit permettre
ceux présentant un handicap. à l’élève de construire son orientation progressive-
ment, tout en découvrant le monde économique et
Qu’est-ce qu’un parcours éducatif ? professionnel.
D’un point de vue éducatif, le parcours peut se définir
comme un plan d’apprentissage. lI intègre « l’idée Le parcours d’éducation artistique et culturelle
d’une acquisition progressive de connaissances et Il s’étend de l’école au lycée et vise à favoriser un
de compétences qui s’accumulent tout au long du accès égal des jeunes à l’art et à la culture.
cheminement de l’élève » 13. Il renvoie donc aussi bien
à l’établissement et à l’environnement dans lesquels Le parcours éducatif de santé
ce parcours a lieu (d’où sa nécessaire contextualisa- Il s’étend de la maternelle au lycée ; il est structuré
tion) qu’à l’élève lui-même, envisagé comme l’acteur autour de l’éducation à la santé, de la prévention et
essentiel de son parcours (d’où son individualisation). de la protection de la santé.

L’objectif du parcours est la validation du socle Le parcours citoyen


commun de connaissances, de compétences et de Il s’étend de la maternelle au lycée et vise à favoriser
culture, validation qui repose sur la proposition à l’engagement et la participation des élèves.
l’élève non seulement de savoirs disciplinaires en
actes (via des stratégies pédagogiques pertinentes Tous ces parcours ont fait l’objet d’arrêtés 16 ou de
et des « éducations à… ») mais aussi d’accompagne- circulaires 17 précisant leurs objectifs, leurs modalités
ments spécifiques adaptés à la situation particulière de mise en œuvre, leurs liens avec les enseignements
de l’élève 14. Le socle ainsi conçu se présente, selon et les partenaires sur lesquels leur mise en œuvre
François Dubet, comme le vecteur permettant de repose. Ils ont pour caractéristique commune de
« concilier l’universalité des programmes et la singu- vouloir transformer l’élève (de l’« altérer » 18) et comme
larité des élèves » 15. Chaque élève a ainsi un parcours objectif majeur de donner du sens aux apprentissages
propre, irréductible à celui de ses pairs malgré des et à la scolarité de l’élève, en lui permettant notam-
points d’ancrage communs. La progression dans le ment de développer des compétences autres. Ainsi
parcours repose sur un contrat implicite entre l’ensei- chaque parcours mobilise-t-il des dimensions :
gnant, l’élève et son établissement, à travers les choix –– « pédagogique car il est bien question d’apprendre,
que celui-ci effectue dans le cadre de son autonomie, de faciliter, de développer les apprentissages et de
via les différentes instances qui le composent. Il a mettre en place des dispositifs d’individualisation
donc une dimension partenariale en interne mais des apprentissages ;
aussi en externe : les familles en sont des éléments –– psychologique car il fait référence au processus de
incontournables, de même que les éventuels parte- développement de l’enfant et de l’adolescent ;
naires extérieurs qui gravitent autour de l’élève. C’est, –– sociale car l’élève interagit avec son environne-
en d’autres termes, une œuvre collective. ment et des conditions qui lui sont offertes pour
construire son parcours ;
Pourquoi des parcours ? –– éducative au regard de l’autonomie, l’initiative,
Quatre parcours éducatifs ont été définis depuis la l’engagement, la responsabilité et la participation
loi de 2013 : qu’il sous-tend » 19.

16 Parcours avenir et Parcours d’éducation artistique


13  oir « Les parcours éducatifs à l’école, au collège
V et culturelle : arrêté du 1-7-2015.
et au lycée » sur le site eduscol.education.fr 17 Parcours éducatif de santé : circulaire n° 2016-008
14 Le socle propose « une vision large et intégrative de tous les du 28/01/2016 ; Parcours citoyen : circulaire n° 2016-092
aspects de l’instruction et de l’éducation et pas seulement du 20/06/2016.
le développement des capacités cognitives, même si elles 18 « Altérer reviendrait à susciter la soif tout en introduisant
sont essentielles » ; Paget D., « Une nouvelle conception des de l’altérité venant modifier une nature initiale »,
programmes », Actes des 7es Rencontres nationales de Saint- Vilarroig J., Les refus d’apprendre. L’élève, son professeur
Denis « Quelle approche des savoirs ? », GFEN, Dialogue, 2014. et la littérature, éd. IES, 2017, p. 18.
15 Dubet F., « Défendons la réforme du collège contre tous 19 Les parcours éducatifs, ONISEP, Lettre d’information n° 41,
les conservatismes », op. cit. novembre 2016, p. 2.

SOMMAIRE
104 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

L’institutionnalisation des parcours par la loi de être interdisciplinaires comme l’atteste l’étendue des
2013 a ouvert des perspectives nouvelles puisqu’elle thèmes au travers desquels ils peuvent se déployer 22.
reconnaît à la fois la valeur des compétences acquises
dans le cadre des enseignements disciplinaires mais Les EPI et les autres enseignements contribuent
aussi celle des compétences issues de cadres moins tous à la mise en œuvre des parcours, qui reposent
formels, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’éta- d’une façon générale sur la démarche de projet. Les
blissement. Elle permet d’envisager l’élève de façon parcours ont ainsi le mérite de reconnaître les compé-
systémique et reconnaît de multiples sources d’ac- tences extra-disciplinaires, de valoriser les compé-
quisition de connaissances, de compétences et de tences transversales et de favoriser l’émergence des
culture. compétences psychosociales.

Des enseignements spécifiques Une conception nouvelle de l’enseignement


pour mettre en œuvre les parcours La réforme du collège peut être envisagée comme une
L’une des principales nouveautés de la réforme est façon de donner de nouvelles lettres de noblesse à
de distinguer plusieurs types d’enseignements : les l’enseignement en ÉPLE, envisagé dans une perspec-
enseignements communs, les enseignements d’ac- tive plus large et plus globale que celle qui prévalait
compagnement personnalisé et les enseignements jusqu’alors. Le E de l’acronyme ÉPLE renvoie ainsi
pratiques interdisciplinaires. L’association de ces à « une mission générale qui inclut la transmission
enseignements participe d’une redéfinition de l’or- de connaissances et l’acquisition de compétences,
ganisation des enseignements disciplinaires, qui ne l’éducation et la formation des futurs citoyens, ainsi
sont donc pas remis en cause mais qui ont vocation que l’orientation, l’insertion et la préparation à la vie
à être repensés pour un meilleur accompagnement professionnelle » 23. Les pratiques de l’enseignement,
des élèves. C’est dans cette complémentarité à établir de même que ses méthodes d’apprentissage et les
entre eux que se situe la nouveauté de la réforme et objectifs qu’elles sous-tendent, s’en trouvent inévi-
que réside la possibilité, pour les élèves, de maîtriser tablement impactés.
le socle et, pour les équipes pédagogiques et éduca-
tives, de favoriser la diversification et la différencia- Vers de nouvelles pratiques d’enseignement
tion des pratiques pédagogiques nécessaires à cette Si la réforme a effectivement impacté l’organisation
maîtrise : « les apprentissages fondamentaux sont et la structuration des enseignements, ce sont bien
ainsi renforcés tout en étant désormais enseignés les pratiques enseignantes qui sont le plus à renou-
selon des modalités diverses, de manière à soutenir veler afin de répondre à ses nouvelles exigences. Les
la capacité d’apprendre et de progresser de tous les enseignants n’ont en effet plus comme unique voca-
élèves » 20. tion d’enseigner, au sens strict du terme, mais bien
d’accompagner les élèves dans l’apprentissage de leur
Les EPI, ou enseignements pratiques interdiscipli- réflexion et la mobilisation de leurs connaissances,
naires, sont l’une des originalités 21 de la réforme. dans une visée pratique à court terme (celui de la
Institués dans un premier temps de la 5e à la 3e puis, réalisation d’une activité donnée) et à long terme
depuis la rentrée 2017, de la 6e à la 3e, ils se situent à (celui de la réutilisation des compétences acquises
la jonction des disciplines et des compétences dans dans une situation présentant des caractéristiques
la mesure où ils sont encadrés par les programmes, similaires mais n’étant pourtant pas identique). Les
où les heures qui leur sont consacrées (selon les choix professeurs ont ainsi, désormais, à définir « les moda-
des établissements) sont prélevées sur les horaires lités les plus pertinentes pour parvenir à ces objectifs
des disciplines qui décident de les investir, et où la en suscitant l’intérêt des élèves ». L’intervention ensei-
démarche de projet et l’interdisciplinarité président gnante se voit donc dotée d’un double objectif : celui,
à leur mise en œuvre. Les EPI ont en effet vocation à

22 Jusqu’à la rentrée 2017, ces thèmes étaient au nombre


de huit : développement durable ; corps, santé et
sécurité ; culture et création artistiques ; information,
communication, citoyenneté ; sciences et société ; langues
et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales
20 Circulaire de rentrée 2016. et étrangères ; monde économique et professionnel. Les
21 Originalité relative, selon ceux qui ont connu les itinéraires thématiques sont devenues libres à la rentrée 2017.
de découverte, ou IDD, mis en place à la rentrée 2002 et 23 Conseils et commissions dans les établissements publics
dont les EPI semblent s’inspirer. locaux d’enseignement, op. cit., p. 13.

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 105

d’une part, de soutenir et approfondir les apprentis- personnes intervenant traditionnellement dans
sages, et celui, d’autre part, de mettre en œuvre de le cadre d’une discipline unique, qu’ils maîtrisent
nouvelles compétences grâce à une approche adaptée parfaitement. Or, comme le souligne M. Develay,
– c’est-à-dire plus concrète – des savoirs. Il s’agit, en « chaque discipline académique est elle-même inter-
d’autres termes, d’apprendre autrement aux élèves, disciplinaire, ne serait-ce que parce qu’elle implique
en rapprochant le savoir de son usage à travers des des langages pour s’expliciter et fréquemment des
situations concrètes. techniques pour exister » 26. L’interdisciplinarité existe
ainsi de fait, même si la logique de la réforme vise à la
La démarche de projet positionner comme une démarche devant permettre
Inscrite dans la circulaire relative à l’organisation des aux élèves de trouver du sens dans les apprentissages,
enseignements au collège 24, la démarche de projet ce sens étant au préalable pensé par les professeurs
renvoie aux enseignements pratiques interdiscipli- de disciplines distinctes. Elle repose de fait sur une
naires, et plus généralement à toutes les disciplines démarche de coopération entre les disciplines et
d’enseignement pouvant y contribuer. Selon Philippe ceux qui les enseignent, dans l’objectif de permettre
Perrenoud, la démarche de projet : aux élèves de réfléchir ensemble à des situations
–– « est une entreprise collective gérée par le groupe problèmes. Les EPI constituent en ce sens une véri-
classe […] ; table opportunité : l’alliance de plusieurs disciplines
–– s’oriente vers une production concrète […] ; est en effet propice à montrer les interrelations exis-
–– induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous tant dans une situation donnée et à faire comprendre
les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif à l’élève que les savoirs acquis renvoient à des disci-
[…] ; plines particulières qui trouvent un sens dans leur
–– suscite l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire combinaison.
de gestion de projet […] ;
–– favorise en même temps des apprentissages iden-
tifiables […] figurant au programme d’une ou LA PRISE EN COMPTE DES EXPÉRIENCES
plusieurs disciplines » 25. EXTRASCOLAIRES DE L’ÉLÈVE

Par les nécessaires interactions qu’elle implique Si l’école est le lieu de formation par excellence des
entre les élèves, la démarche de projet initiée par jeunes, elle n’a cependant pas l’apanage de l’« altéra-
l’enseignant est de nature à faire émerger les compé- tion » évoquée précédemment. La sociologie distingue
tences psychosociales inscrites en filigrane dans la ainsi ce qui relève de la socialisation primaire, qui
réforme et que l’Organisation mondiale de la santé a essentiellement lieu dès plus jeune âge dans le
(OMS) définit comme « la capacité d’une personne cadre familial et dans le cadre scolaire, et la socia-
à répondre avec efficacité aux exigences et aux lisation secondaire, qui renvoie aux autres milieux
épreuves de la vie quotidienne ». Au cours des acti- que le jeune est amené à côtoyer lorsqu’il grandit 27.
vités proposées, l’élève va en effet apprendre à dire Cette dichotomie entre le premier niveau et le second
non, développer son autonomie ainsi que sa capa- niveau de socialisation a le double avantage de
cité à faire des choix, autant de compétences qui sont placer sur un pied d’égalité la famille et l’école, mais
nécessaires à la maîtrise du socle et à la vie en société. aussi l’école et les autres lieux de formation. Il est
en effet important de reconnaître que l’école n’est
L’interdisciplinarité comme principe pas l’unique vecteur de l’autonomisation du jeune
L’interdisciplinarité posée comme principe peut et de sa transformation en être social et en citoyen.
paraître de prime abord inquiétante à certains ensei- En accordant une véritable place au(x) parcours de
gnants car elle repose sur le travail en commun de l’élève, la loi de 2013 reconnaît aussi les influences

24 « Les enseignements pratiques interdisciplinaires 26 Develay M., « Réforme du collège. Aux fondements
[…] permettent de construire et d’approfondir des de l’interdisciplinarité », Les Cahiers pédagogiques,
connaissances et des compétences par une démarche de 26 janvier 2016.
projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle 27 Pour une définition de la socialisation primaire
ou collective », circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015. et secondaire, voir par exemple Michel Castra,
25 Philippe Perrenoud, « Apprendre à l’école à travers des « Socialisation », in Paugam S. (dir.), Les 100 mots
projets : pourquoi ? comment ? », faculté de psychologie de la sociologie, Paris, Presses universitaires de France,
et des sciences de l’éducation, université de Genève, 1999. coll. « Que sais-je ? », p. 97-98.

SOMMAIRE
106 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

multiples qui peuvent enrichir les parcours de forma- de formation de l’élève, qui va s’en trouver infléchi.
tion 28. Il ne s’agit pas, pour autant, d’y trouver le signe L’un des enjeux des parcours est d’intégrer en leur
d’autres déterminismes, mais simplement de recon- sein ces expériences multiples qui vont devenir
naître et de valoriser la place que des lieux autres que autant d’éléments constitutifs des parcours. Ainsi le
scolaires peuvent avoir dans le parcours de formation parcours de formation de l’élève prend-il en compte
d’un élève, dès son plus jeune âge. ce qui se fait d’une façon différente en dehors de
l’école. Les expériences extrascolaires sont conçues
Qu’est-ce qu’une expérience extrascolaire ? comme participant à la construction de l’élève. En
Les travaux de François Dubet et Danilo Martuccelli apprenant à travers elles, il développe ou enrichit les
ont permis d’ériger l’expérience scolaire en concept 29. compétences constitutives du socle commun, d’où
S’ils n’abordent pas ce qui se passe en dehors de l’intérêt de recenser ces expériences. L’outil numé-
l’école, d’autres sociologues, spécialistes de la culture, rique Folios 32 permet d’enregistrer et de conserver
se sont par contre intéressés aux activités extrasco- la mémoire de ces expériences que le jeune pourra
laires des élèves, souvent considérées comme renfor- ensuite valoriser en fonction de ses choix futurs.
çant les compétences acquises à l’école mais surtout
comme révélatrices du milieu social et familial auquel
le jeune appartient. Évoquer des « expériences extra- RECONNAÎTRE L’ASPECT
scolaires » revient à considérer les activités extra- FORMATEUR DU MILIEU
scolaires comme de véritables sources informelles
d’apprentissage, dans le sens où leur dimension Le milieu dans lequel vit un jeune a incontestable-
éducative n’a pas nécessairement été pensée préa- ment un impact sur son parcours. Le risque de la
lablement à leur proposition 30. Ces expériences ne reconnaissance des expériences extrascolaires est
relèvent pas d’une forme éducative au sens strict ; néanmoins de reconnaître l’existence des déter-
d’aucuns peuvent par ailleurs les considérer comme minismes contre lesquels la réforme du collège, en
plus efficaces que les expériences scolaires dans le particulier, et l’école, en général, sont censées lutter.
sens où elles sont le plus souvent choisies par ceux Il importe ici de changer le regard sur les expériences
qui les vivent : comme le soulignent Alan Thomas et extrascolaires, en les considérant comme des sources
Harriet Pattison dans leur ouvrage, « l’apprentissage d’apprentissage. Ainsi un jeune vivant dans un quar-
informel est une activité conduite par son propre tier favorisé aura des expériences qui enrichiront
auteur, celui qui apprend » 31. son parcours, de même qu’un jeune vivant dans un
quartier dit « prioritaire » aura des expériences tout
Toute expérience participe aussi enrichissantes, bien que différentes et sans
de la construction de l’élève aucun doute liées à la spécificité du milieu dans
L’enfant, dès son plus jeune âge et quel que soit lequel il évolue, sous réserve, dans les deux cas, que
son milieu d’origine, est confronté à des situations ces expériences soient encadrées. Cette notion d’en-
diversifiées, qui vont devenir des expériences dans cadrement est essentielle pour que l’apprentissage
lesquelles il a un rôle actif à jouer. Toutes ces expé- puisse s’opérer : si l’activité n’a pas initialement été
riences ont lieu de façon plus ou moins aléatoire pensée dans sa dimension éducative, elle doit tout
mais n’en ont pas moins un impact sur le parcours de même être cadrée pour que l’apprentissage puisse
s’effectuer. Une expérience extrascolaire prend donc
appui sur un partenaire (structure, encadrant, asso-
28 La loi évoque l’intérêt des activités périscolaires ciation…) qui est, de fait, un partenaire de l’école
(portées notamment par les collectivités territoriales
puisqu’il impacte le parcours de formation de l’élève.
dans les quartiers prioritaires), complémentaires
de celles proposées à l’école.
29 Dubet F., Martuccelli D., À l’école. Sociologie
de l’expérience scolaire, Seuil, Paris, 1996.
30 « On y apprend de façon consciente ou non, mais ce n’est
pas l’objectif de cette activité où rien dans sa construction
ne renvoie à l’apprentissage », Brougere G. et Bezille H.,
« De l’usage de la notion d’informel dans le champ de
l’éducation », Revue française de pédagogie [En ligne], 158 |
janvier-mars 2007, mis en ligne le 01/03/2011, consulté
le 02/07/2017. 32 Pour une présentation de cet outil, voir par exemple
31 
À l’école de la vie. Les apprentissages informels sous le regard « Folios : une application numérique au service des parcours
des sciences de l’éducation, op. cit. p. 58. éducatifs » sur le site onisep.fr

SOMMAIRE
l’élève au cŒur DU système 107

Valoriser et mettre en cohérence La réforme propose une approche nouvelle et relative-


les expériences des élèves ment différente de celle qui prévalait jusqu’à présent.
Connaître pour valoriser Les nouvelles modalités d’enseignement et d’appren-
La connaissance de l’élève est une condition néces- tissage requièrent de la part des professeurs une
saire pour faire émerger les expériences extrasco- adaptation conséquente de leurs pratiques et de leurs
laires qui pourront être valorisées dans le cadre de démarches, dans l’objectif de proposer aux élèves
son parcours de formation. Si cette connaissance des parcours prenant en compte leurs potentialités,
commence à l’école et se poursuit au collège (grâce leurs difficultés et l’environnement dans lequel ils
notamment aux liaisons permettant d’en assurer évoluent. La tâche est incontestablement complexe
la continuité), elle a aussi vocation à intégrer ce qui et nécessite de s’interroger collectivement sur ces
se passe dans l’environnement immédiat de l’élève, nouvelles modalités, au-delà des nécessaires ajus-
au-delà de son seul cadre de vie familial. Les ÉPLE tements individuels que nécessite la réforme. C’est
sont de plus en plus ouverts sur leur environnement ici qu’interviennent les instances de l’ÉPLE, dont les
et ont désormais des partenaires extérieurs multiples, missions ont été en partie précisées pour répondre à
qui agissent dans l’intérêt des jeunes, dans des struc- cette nouvelle donne et proposer aux membres de la
tures encadrantes. Savoir qu’un jeune fréquente le communauté éducative le meilleur accompagnement
centre de loisirs ou une association locale (sportive, possible.
culturelle…) est important dès qu’il s’agit de proposer
un accompagnement coordonné à l’élève, dans son
intérêt propre. L’échange n’est en effet pas suffisant
en lui-même : il importe de connaître les actions qui
sont proposées en interne et à l’extérieur de l’éta-
blissement pour s’assurer de leur cohérence ou la
rechercher. Quelles qu’elles soient, ces expériences
ont vocation à enrichir le parcours de l’élève et les
différents parcours éducatifs qui le composent : les
textes relatifs à ces parcours renvoient tous aux
partenaires de l’école sur son territoire 33, considérés
comme pouvant aider les élèves à renforcer leurs
connaissances et compétences.

Valoriser pour reconnaître


La connaissance des expériences extrascolaires de
l’élève permet leur valorisation mais aussi la recon-
naissance de l’élève. Si cette reconnaissance doit
commencer en interne, elle peut aussi intégrer les
expériences extérieures de l’élève, qui permettent
non seulement de mieux le connaître mais aussi
de le reconnaître comme porteur d’une expérience
nouvelle qui a été source d’apprentissages et qui
va consolider ses acquis. Si tous les élèves peuvent
être concernés, cette reconnaissance est d’autant
plus importante pour les élèves qui rencontrent des
difficultés à l’intérieur des murs de l’établissement
scolaire. Elle permet en effet de porter un autre regard
sur l’élève et de lui reconnaître des expériences
sources de compétences.

33 Circulaire n° 2013-036 du 20/03/2013 publiée au BO n° 12


du 21/03/2013. Les projets éducatifs territoriaux (PET)
s’attachent à proposer une offre éducative diversifiée
aux jeunes, en partenariat avec les établissements scolaires.

SOMMAIRE
LE RÔLE
DES INSTANCES
DE L’ÉPLE
CATHERINE FAUCHE

SOMMAIRE
La réforme du collège a pris effet à la rentrée 2016-2017. Composés d’instances aux fonc-
tions diverses (d’administration, pédagogique et éducative, sociale et de santé ou encore de
gestion 1), les ÉPLE doivent appréhender les changements inhérents à la réforme et déter-
miner les modalités locales de sa mise en œuvre. Les conseils et comités apparaissent ici
comme les « médias » 2 des changements annoncés : chacun, à son niveau, doit se saisir des
problématiques soulevées et réfléchir à l’application locale des prérogatives nationales, tout
en s’assurant que ses travaux sont en concordance et en cohérence avec ceux des autres.
Si cette mission de coordination est celle du chef d’établissement, c’est bien au sein des
instances, véritables « lieux de conflits cognitifs » dont « les controverses aboutissent au
dépassement des antagonismes et créent un processus de rationalisation et de compré-
hension des problématiques pédagogiques et éducatives » 3, que se joue la réussite locale
de la réforme.

Les instances font l’objet de textes réglementaires qui déterminent non seulement leur
composition et leur fonctionnement, mais aussi leurs compétences et les missions qui leur
incombent, sans interdire toutefois une certaine souplesse qui participe de l’autonomie de
l’ÉPLE. Elles rassemblent des acteurs aux statuts divers, qui doivent dépasser leurs intérêts
propres pour s’entendre sur le bien collectif et aboutir à des décisions communes.

Certaines instances sont issues de la réforme, comme le conseil école-collège, tandis que
d’autres lui préexistent – à l’instar du conseil pédagogique, du conseil d’administration, du
comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté – ou ont vocation à se généraliser dans
le cadre de sa mise en place, comme le conseil de la vie collégienne. Le législateur leur
a assigné des rôles et des missions spécifiques qu’il importe de préciser au regard de la
réforme et de ses objectifs, sans perdre de vue que toutes ont pour vocation d’assurer la
régulation et la mise en cohérence des changements, en fonction du pouvoir qui leur est
accordé par les textes et qui leur est conféré localement. Pour ce faire, il s’agira pour le chef
d’établissement de répartir le travail entre les différentes instances, puis de l’orchestrer
en veillant à maintenir l’équilibre et à articuler logiquement leurs travaux dans le temps.

L’objectif est en effet de construire progressivement un « être total » 4, un élève qui est un
apprenant en même temps qu’une personne et un futur citoyen, en s’assurant que ce qui
a été acquis dès le début de la scolarité obligatoire se poursuive de l’école au collège et que
des conditions propices à cette transmission soient créées. Si cette mission incombe au
conseil école-collège, son travail ne saurait se concevoir sans concertation avec celui du

1 Pour reprendre la typologie des conseils et commissions proposée par Gavard J., Delahaye J.-P., Muñoz A.
et Stirnemann N. et J. dans leur ouvrage Conseils et commissions dans les établissements publics locaux
d’enseignement, Berger-Levrault, 2012, 4e édition.
2 Venart A. et Vaillant M., « Propos sur la décision : assumer une responsabilité commune ? », p. 47,
Colloque académique de l’AFAE, La décision, de la classe à l’établissement : Traces et portée, 8 février 2012,
CRDP de Lille, pp. 45-49.
3 Gacem A., « Les instances de l’établissement : lieux décisionnels ? L’exemple du conseil pédagogique »,
p. 40, ibid., pp. 39-41.
4 Au sens où l’entend Marcel Mauss, qui considère que l’« homme total est intrinsèquement
pluridimensionnel ». Voir Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1968 (1re éd. : 1950).

SOMMAIRE
112 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

conseil pédagogique. Celui-ci se voit ici attribuer un rôle central ou « renforcé », en ce sens
que ses analyses et préconisations ont vocation à préparer le travail des autres instances.
Au-delà des textes, l’enjeu du conseil pédagogique est néanmoins de réussir l’articulation
des aspects pédagogiques et éducatifs de la réforme, une réussite qui se mesurera à l’aune
de l’évaluation des acquis des élèves mais aussi de la mise en œuvre des changements. Les
propositions du conseil école-collège (CEC) et du conseil pédagogique (CP) sont soumises
au conseil d’administration (CA), qui a pour mission de valider les orientations locales de la
réforme tout en s’assurant de leur adéquation avec les orientations nationales. Ce faisant,
il offre un cadre de travail légitime au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté
(CESC), dont l’objectif est d’assurer la cohérence éducative des parcours de l’élève dans
les domaines de la santé et de la citoyenneté. Autant de parcours dans lesquels les élèves
pourront d’autant mieux s’engager s’ils ont participé à leur construction et été représentés
dans le conseil de la vie collégienne (CVC), dont la mise en place constitue depuis fin 2016
une obligation réglementaire. À ce conseil revient le défi de favoriser l’engagement des
élèves dans la vie du collège, préalable indispensable à l’engagement dans la vie de la cité.

SOMMAIRE
LE CONSEIL
ÉCOLE-COLLÈGE
OU COMMENT CRÉER LES CONDITIONS
D’UNE RÉELLE CONTINUITÉ DES APPRENTISSAGES
SOCIALISÉS DANS LE CYCLE 3

Assurer la continuité des apprentissages tout au long AUX ORIGINES DU CEC


de la scolarité constitue un enjeu majeur de réussite
des élèves. Si cette question est récurrente 1, elle est Un objectif ancien : assurer la continuité
devenue, avec la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et à travers la liaison école-collège
de programmation pour la refondation de l’école de L’idée de continuité émerge avec la loi du 11 juillet
la République, un objectif essentiel qui s’appuie sur 1975 instaurant le collège unique 4. Elle se décline
la création d’une nouvelle instance : le conseil école- alors en termes de liaison 5 et est notamment reprise
collège (CEC). par les commissions d’harmonisation sur le thème
spécifique de l’évaluation 6. Cette ambition s’étend
L’article 57 de la loi a introduit dans le Code de l’édu- à la continuité éducative dans la loi d’orientation
cation 2 la création du CEC dans chaque secteur de sur l’éducation du 10 juillet 1989 7 et a depuis été
recrutement d’un collège. Mis en place progressi- constamment réaffirmée dans les textes de loi et
vement lors de l’année scolaire 2013-2014, les CEC les circulaires de rentrée. Si le CEC est une instance
ont vocation à proposer des programmes d’actions nouvelle, son objectif n’est donc pas une nouveauté.
permettant d’assurer une continuité difficile à Conçu comme le moyen légal d’assurer la liaison
construire sur le terrain. Leur mission est ainsi de école-collège, il ne fait finalement qu’offrir « le cadre
« proposer aux équipes du collège et des écoles de qui manquait aux relations institutionnelles entre le
son secteur des actions de coopération et d’échange, collège et l’ensemble des écoles d’origine » 8.
des enseignements et des projets pédagogiques
communs destinés à favoriser l’acquisition par les La continuité a donc d’abord été pensée en termes
élèves du socle commun » 3. De 2013 à 2016, les CEC de liaison, destinée à limiter les potentiels dégâts et
se sont créés et ont fonctionné en prenant appui dangers, pour l’élève-enfant, du changement de lieu
sur les anciens cycles et programmes. Les nouveaux et de cycle. Ce passage est traditionnellement perçu
programmes, associés à la redéfinition des cycles, comme difficile, pour les élèves mais aussi pour les
inscrivent désormais la continuité dans l’organisation enseignants : ceux du premier degré quittent des
même de la scolarité. enfants qu’ils connaissent, tandis que ceux du second
degré s’apprêtent à accueillir des élèves inconnus.
Pour pallier cette difficulté, la liaison a pris corps

4 « Tous les enfants reçoivent dans les collèges une formation


secondaire. Celle-ci succède sans discontinuité à la
formation primaire », art. 4 de la loi n° 75-620, dite loi Haby.
5 Circulaire n° 77-100 du 16/03/1977, explicitement intitulée
« Liaison entre école et collège » (cours moyen deuxième
année – sixième).
6 La note de service n° 82-381 du 07/09/1982 précise
notamment les objectifs de la commission
1 Selon Claude Lelièvre, « la question du hiatus entre la fin d’harmonisation.
des classes élémentaires et le début du collège date d’un 7 « Pour assurer l’égalité et la réussite des élèves,
demi-siècle et commence dès les premières années de la l’enseignement est adapté à leur diversité par une
Ve République », p. 11, in Demarcy D. et Zakhartchouk J.-M., continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au
Réussir le passage de l’école au collège, CRDP de l’académie long de la scolarité », art. 4 de la loi n° 89-486 du 10/07/1989.
d’Amiens, 2007, « La continuité, enfin ? », p. 11-14.
8 Langlace C., « Bientôt le conseil écoles-collège », p. 49,
2 Article L 401-4. Les Cahiers pédagogiques, n° 515, septembre-octobre 2014,
3 « La refondation de l’école fait sa rentrée. », p. 8. p. 49-50.

SOMMAIRE
114 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

dans les commissions de liaison CM2-6e, au cours constituent des priorités et des objectifs inscrits dans
desquelles s’échangent des informations (scolaires, les projets de réseau et sont explicitement inscrits
mais aussi plus personnelles) sur les élèves, et plus dans le référentiel qui lui est consacré 12. L’instance
particulièrement sur ceux qui rencontrent des diffi- privilégiée pour y travailler est le conseil école-collège.
cultés. Elle a également été pensée en termes de
tentative de rattrapage des compétences non maîtri- Des enjeux qui se généralisent
sées à l’issue de la scolarité dans le premier degré. La circulaire d’août 2011 consacrée à la continuité
Plusieurs dispositifs sont ainsi devenus embléma- pédagogique 13 constitue un tournant pour la liaison
tiques de la liaison, comme les PPRE (programmes école-collège, dont les objectifs se généralisent : elle
personnalisés de réussite éducative) passerelles ou devient dès lors « l’un des moyens de mettre en
les stages de remise à niveau proposés en période œuvre l’école du socle commun » et a pour vocation
de vacances scolaires avant l’entrée en sixième 9. La suprême d’assurer la continuité des apprentissages
liaison, dans ce cadre, peut être comparée à un pont et la fluidité des parcours. La difficulté scolaire et
à franchir, avec pour objectif de fournir à ceux qui en ses palliatifs (PPRE, stages de remise à niveau) sont
ont besoin les accompagnements nécessaires pour désormais conçus sous l’angle de la personnalisation
arriver dans les meilleures conditions possible « de des parcours, qui est elle aussi envisagée comme le
l’autre côté ». moyen de construire l’école du socle dans la circu-
laire de rentrée de 2012. Ces deux éléments conju-
Un précurseur : l’éducation prioritaire gués tendent à généraliser les objectifs de la liaison
C’est au sein de l’éducation prioritaire que les expé- à l’ensemble des élèves et non plus à ceux qui sont
riences de liaison se sont avérées les plus précoces en difficulté scolaire. Le CEC qui naît officiellement
et les plus poussées. Les projets communs initiés au l’année suivante a néanmoins hérité de cette hési-
sein du Comité exécutif (première instance de pilo- tation récurrente entre le tout et l’une de ses parties.
tage interdegrés) entre les collèges et les écoles des
zones d’éducation prioritaires (les ZEP, puis des REP,
des RAR et des RRS) 10 ont permis le développement LE CEC : DES OBJECTIFS
d’habitudes de travail entre les premier et second ET UN CADRE SOUPLES
degrés qui préfigurent dans une large mesure ce qui
peut se faire au sein du CEC, sous réserve d’un élar- Des objectifs clairs ?
gissement de ses perspectives. Car, comme le souligne Tous les élèves vs les élèves en difficulté ?
le rapport n° 2014-026 consacré à la mise en place des S’il a une histoire et des objectifs anciens (maîtrise du
conseils école-collège, « la difficulté scolaire est […] à socle, liaison), le CEC n’en est pas moins une instance
la fois un moteur et un risque pour la mise en place récente qui doit clarifier ses cibles et ses objectifs
des CEC : les CEC pourront s’appuyer sur l’héritage de pour devenir légitime. Les textes présentent en effet
la liaison école-collège et l’expérience de l’éducation une première ambiguïté : la notice du texte n° 2013-
prioritaire, mais ils doivent aller au-delà pour penser 686 stipule que le CEC est instauré « au profit notam-
véritablement la scolarité du socle commun » 11. ment des élèves les plus fragiles ». La fiche repère n° 4
de la DGESCO de juin 2014 indique quant à elle que
L’éducation prioritaire a aujourd’hui dépassé ce « le conseil école-collège concerne tous les élèves [et
risque. La continuité pédagogique et le suivi des élèves qu’]il n’est pas seulement le lieu du traitement de
la difficulté scolaire » 14. L’objectif de continuité qui
est le sien rend néanmoins le débat assez stérile : la
continuité concerne de façon objective tous les élèves,
9 Ces stages ont été initiés en 2008 par Xavier Darcos,
alors ministre de l’Éducation nationale, pour les élèves
qu’ils soient ou non en difficulté scolaire.
présentant des difficultés en français et en mathématiques
en fin d’école primaire.
10 Les acronymes relatifs à l’éducation prioritaire évoluent
régulièrement : réseau d’éducation prioritaire (REP) en 1997,
réseau ambition réussite (RAR) et réseau de réussite scolaire
(RRS) en 2006. On parlera à partir de 2010 d’établissement
CLAIR puis ÉCLAIR (écoles, collèges et lycées pour 12 
Un référentiel pour l’éducation prioritaire, MEN, janvier 2014.
l’ambition, l’innovation et la réussite) et, à partir de 2015, de 13 Circulaire n° 2011-126 du 26/08/2011.
REP et REP+ (réseau d’éducation prioritaire). 14 Fiches repères pour la mise en œuvre du conseil
11 
La mise en place des conseils école-collège, rapport conjoint école-collège, MENESR/DGESCO, juin 2014,
IGEN/IGAENR n° 2014-026, mai 2014, p. 11-12. sur le site eduscol.education.fr

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 115

Continuité pédagogique vs continuité éducative ? notamment à travers le nouveau cycle central de


L’objet de la continuité pose davantage question et consolidation qui s’étend du CM1 à la classe de
mérite d’être interrogé dans la mesure où il impacte sixième, de façon à « permettre une transition plus
nécessairement les travaux du CEC. Là encore, les sereine et mieux organisée » 17, grâce à ce cadre insti-
textes entretiennent une ambiguïté récurrente entre tutionnel nouveau et contraignant qu’est le CEC. En
le versant pédagogique et le versant éducatif des positionnant le nouveau cycle sur les deux degrés,
objectifs du CEC. La notice évoquée précédemment le législateur donne ainsi un coup de pouce supplé-
indique ainsi que le CEC vise à « renforcer la conti- mentaire à la continuité en dissociant la rupture des
nuité pédagogique entre les deux degrés », tandis apprentissages de celle du changement de lieu.
que l’article D. 401-1 du même texte stipule qu’il doit
« contribuer à améliorer la continuité pédagogique Un pilotage et une composition facilitants
et éducative entre l’école et le collège ». La saisine de La composition même du CEC vise à assurer la conti-
l’une ou l’autre de ces assertions peut avoir des consé- nuité dans la mesure où elle met en présence des
quences importantes non seulement sur la façon spécialistes des premier et second degrés.
d’envisager le CEC mais aussi sur sa composition, ses
objectifs et ses actions. Une clarification du rôle de Le CEC repose sur un pilotage bi-céphale assuré
cette instance est donc un préalable indispensable. conjointement par le principal du collège ou son
adjoint et par l’inspecteur de l’Éducation nationale
Si l’école est un lieu d’apprentissage et de trans- chargé de la circonscription du premier degré ou son
mission, elle est aussi un lieu dans lequel évoluent représentant 18. À leurs côtés siègent, à parts égales,
des adultes et des élèves en interaction. Les appren- des représentants des écoles et du collège rÉSPÉc-
tissages y sont donc socialisés car contextualisés tivement issus du conseil des maîtres et proposés
et fondés sur les relations complexes qui existent par le conseil pédagogique. Si les représentants des
dans les organisations éducatives. Concevoir la écoles sont des enseignants, le choix est plus large
continuité pédagogique en dehors de ce contexte – pour le second degré, dans la mesure où le conseil
et alors même que l’on sait que le changement de pédagogique se compose de personnels plus variés. La
lieu, associé à tous les changements qu’il induit, est présence du CPE du collège dans le CEC paraît incon-
une source de discontinuité et de vulnérabilisation tournable, au même titre que celle des enseignants,
scolaire – semble de ce fait difficile à envisager. Le puisque le CEC vise la continuité des apprentissages
CEC, dans ce cadre, est l’instance qui va permettre socialisés. L’expertise de ce professionnel en matière
d’envisager les conditions d’une réelle continuité des de socialisation et de climat scolaire ne peut qu’en-
« apprentissages socialisés », c’est-à-dire des appren- courager la prise en compte de la contextualisation
tissages de l’enfant (en tant qu’être pensant et être des apprentissages par le CEC.
social) en lien avec l’environnement dans lequel il
évolue 15. De toute évidence, la composition du CEC détermi-
nera en grande partie les actions qu’il sera amené à
Continuité vs liaison ? programmer. Si ses membres (en dehors des pilotes)
Les jours de la liaison sont-ils comptés ? 16 La conti- ne sont que des enseignants, seule la continuité péda-
nuité constitue une version extensive de la liaison, gogique sera considérée. Or, si la continuité pédago-
basée essentiellement sur des dispositifs spécifiques gique est bien l’une des composantes de la continuité,
qui ont néanmoins montré leur intérêt pour les elle n’est pas suffisante.
élèves et les équipes. Si elle a vocation à l’intégrer,
elle vise surtout à instaurer une cohérence non pas Des commissions chargées
entre l’école et le collège mais de l’école au collège, de la mise en œuvre des actions
Le CEC doit s’assurer de la mise en œuvre et de la
réalisation concrètes sur le terrain de son programme
15 La notion d’« apprentissage socialisé » est à relier à la d’actions. Cette mission incombe à des commissions,
théorie de l’apprentissage social d’Albert Bandura (mais
sans en être issue), selon laquelle les acquisitions se font
sous l’effet de l’environnement social et non par simple
conditionnement. 17 « La refondation de l’école fait sa rentrée », p. 8.
16 Pour reprendre les propos de Benjamin Paul, selon lequel 18 Décret n° 2013-683 du 24/07/2013 définissant la composition
« désormais, la liaison va s’éteindre (ses jours sont et les modalités de fonctionnement du conseil école-
comptés) », Les Cahiers pédagogiques, n° 515, septembre- collège. À noter que l’IEN prend souvent appui sur les
octobre 2014, « La liaison n’est qu’une étape », p. 51-52. conseillers pédagogiques.

SOMMAIRE
116 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

issues du CEC, au sujet desquelles aucune directive Dépasser les difficultés


précise n’est donnée par le législateur. Le CEC dispose Instaurer la continuité implique d’identifier ce qui
donc d’une grande latitude à la fois sur le nombre et peut la freiner ou la remettre en cause, puis d’œuvrer
la composition de ces commissions. Leur multiplica- au dépassement des difficultés dans l’intérêt des
tion ou la présence répétée d’un même membre dans élèves.
plusieurs d’entre elles présente cependant un risque.
En d’autres termes, la liberté qu’offrent les textes en La première difficulté, qui est sans doute l’une des
la matière peut très vite s’avérer contre-productive si plus prégnantes, est d’ordre culturel. La continuité
les conditions de la continuité ne sont pas anticipées. implique en effet le rapprochement de deux cultures
différentes, sans volonté que l’une prenne le pas sur
l’autre, bien au contraire : « le conseil école-collège
COMMENT FAIRE CONCRÈTEMENT ? peut contribuer à rapprocher les deux cultures, à
condition de prendre en compte les différences pour
Si la mise en place du CEC peut se décréter, son acti- trouver comment les dépasser » 19. Les différences
vation effective repose sur la volonté de ses pilotes constituent une richesse qu’il s’agit de reconnaître
qui ont à susciter l’envie, et de ses membres qui ont afin d’envisager sereinement un travail commun.
à se saisir de ce nouveau moyen d’action au service L’enjeu du CEC est de déboucher sur une culture
de la réussite des élèves. professionnelle commune et une harmonisation des
pratiques.
Un préalable : se côtoyer pour se connaître
et se comprendre Lever les difficultés organisationnelles constitue
Travailler ensemble, entre professionnels des premier un autre enjeu et une condition de mise en œuvre
et second degrés, n’est pas inné. Fonctionnant et étant du CEC. Les services des enseignants des premier
organisés selon des logiques relativement différentes, et second degrés sont organisés différemment, et
ils se côtoient sans se connaître réellement ou suffi- le nombre d’heures passées devant les élèves varie
samment depuis la mise en place de la liaison école- d’un degré à l’autre. Si cela se traduit par des jour-
collège. Avec le CEC, les interactions deviennent une nées types assez similaires dans le premier degré,
nécessité qui doit permettre d’atteindre l’objectif de le découpage des journées est beaucoup plus fluc-
continuité. Il importe donc, au préalable, de tenter de tuant au collège et impose des contraintes tout aussi
se comprendre pour mieux appréhender les pratiques importantes lorsqu’il s’agit de trouver le temps de se
rÉSPÉctives des enseignants lorsqu’ils sont face aux réunir et de se concerter. Charge aux pilotes, encore
élèves. une fois, d’aménager dans les emplois du temps de
chacun, non seulement des moments de rencontre
L’immersion des professeurs du collège dans l’école, et d’échanges interindividuels, mais aussi des temps
de même que celle des enseignants du premier degré de concertation et de réunion pour le CEC ou ses
dans le collège, ont intérêt à être organisées très tôt commissions, en s’assurant que leurs membres
dans l’année par les pilotes et systématisées ensuite. pourront y participer. Charge à eux, également, de
L’observation des pratiques de chacun est la meilleure proposer une véritable animation de ces réunions,
entrée en matière puisqu’elle va permettre d’identi- de façon à susciter suffisamment d’intérêt : le temps
fier les convergences dans les façons de procéder et supplémentaire passé en immersion ou en réunion
de pointer les divergences qui peuvent être sources de doit être considéré comme un temps utile et néces-
discontinuité dans les apprentissages. S’agissant des saire à l’instauration de la continuité pédagogique et
enseignants de CM2 et de sixième, cette immersion éducative.
sera d’ailleurs d’autant plus efficace qu’elle s’étendra
également aux autres niveaux, l’important étant de Les considérations matérielles constituent indénia-
repérer ce qui favorise et ce qui freine la continuité. blement une limite au travail en commun. Car se
réunir implique de se déplacer, ce qui pose la question
La collaboration entre degrés doit se fonder sur cette de la prise en charge financière des déplacements ou
connaissance réciproque, fruit de l’observation in encore de la rémunération des temps de concerta-
situ. Elle pourra ensuite évoluer vers une participa- tion. Si rien n’est officiellement prévu en la matière,
tion conjointe, dans le cadre de cours à deux voix ou
d’échanges entre professeurs des premier et second
degrés. 19 Rapport n° 2014-026, op. cit., p. 36.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 117

la multiplication des échanges, si elle présente vocation à être discuté lors des réunions du CEC ou
un intérêt, se heurte évidemment à des limites. La à être pris en charge par l’une de ses commissions.
proximité géographique des écoles et de leur collège Cette étape représente un investissement impor-
de recrutement constitue un avantage certain. Par tant de la part des membres du CEC, notamment en
ailleurs, il faut veiller à organiser les réunions de temps, et ne saurait être simplement dévolue à ses
façon équitable entre les écoles et le collège. pilotes. La contribution de tous au diagnostic est un
gage de la mobilisation ultérieure du CEC sur l’objectif
Prendre conscience des difficultés inhérentes à l’ins- de continuité.
tauration de la continuité est une étape indispen-
sable. Si toutes ne peuvent être levées avec la seule L’identification d’objectifs prioritaires
bonne volonté des uns et des autres 20, les prendre en Du diagnostic partagé vont émerger des question-
compte pour avancer permet d’instaurer un climat nements et des hypothèses de travail qui seront
de confiance et de lever les inquiétudes légitimes des ensuite débattues au sein du CEC. Des débats engagés
personnels engagés dans la démarche. émergeront des objectifs prioritaires à atteindre,
qui doivent être cohérents à la fois avec les projets
Adopter une démarche de projet d’école et le projet d’établissement, sans pour autant
L’enjeu du CEC est de réussir à « passer de la décou- en être la seule transposition. Cette étape est de
verte mutuelle à la mise en place d’une véritable nature à identifier des priorités communes aux deux
continuité pédagogique » 21 et éducative. Définir une degrés et à engendrer ainsi un nouveau regard sur les
méthode de travail est un prérequis indispensable à projets d’école et d’établissement. Sans aller jusqu’à
la coconstruction de cette continuité qui a tout intérêt la nécessité d’une refonte de ces projets, le CEC peut
à être pensée en termes de didactique 22 : les actions être amené à redéfinir ou à préciser certains de leurs
ponctuelles, si elles présentent indéniablement un objectifs, de façon à y inscrire explicitement la conti-
intérêt, relèvent davantage de la liaison que de la nuité ou à la permettre.
continuité.
La définition d’un plan d’action
Un diagnostic commun à partir à cohérences multiples
d’évaluations partagées Le CEC a pour mission d’élaborer un programme
Élaborer un projet impose de passer par différentes d’action issu d’un diagnostic partagé et fondé sur des
étapes. La première – le diagnostic – se doit d’être objectifs à atteindre, dans le but de créer les condi-
partagée entre les écoles et leur collège de recrute- tions de la continuité des apprentissages socialisés.
ment : elle consiste à identifier et analyser les diffi- Ce plan d’action, pour être efficace, doit être à cohé-
cultés rencontrées localement par les élèves, de façon rences multiples : ses actions doivent être cohérentes
à envisager des solutions efficaces. La compulsion des entre elles, cohérentes avec les projets d’écoles et
indicateurs disponibles pour chaque établissement d’établissement, mais aussi en phase, le cas échéant,
scolaire, associée à une analyse des évaluations des avec le projet éducatif de territoire (PEDT). Ces cohé-
élèves, constituent une base de travail et de réflexion rences ne peuvent s’établir que si le CEC s’en donne
incontournables, auxquelles chacun des membres le temps et les moyens. Son œuvre est de longue
du CEC peut contribuer. Conjugué aux pratiques haleine, et il serait illusoire de penser qu’elle peut
d’immersion sur le terrain, ce travail préparatoire a se réaliser sans avoir franchi les différentes étapes
décrites précédemment. Ces phases sont indispen-
sables à deux égards : d’abord parce que l’investisse-
ment des membres du CEC dans chacune d’elles est
20 Il existe également des difficultés juridiques : dans l’état
actuel des textes, il n’est pas prévu (excepté dans des
un gage de leur mobilisation future sur la continuité,
cas très spécifiques qui n’entrent pas dans le cadre de ensuite parce que le sens des travaux du CEC ne peut
la continuité) qu’un enseignant du premier degré puisse émerger sans en passer par elles.
intervenir seul devant des collégiens et inversement, y
compris si l’échange a lieu de façon simultanée. La question
de la responsabilité se heurte à la frontière entre le premier
et le second degré.
21 Rapport n° 2014-026, op. cit., p. 33.
22 Cf. le travail mené dans l’académie de Versailles et retracé
dans l’ouvrage de Demarcy D. et Zakhartchouk J.-F., Réussir
le passage de l’école au collège, op. cit., « Élaborer ensemble des
projets », p. 225-229.

SOMMAIRE
118 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Harmoniser les pratiques pédagogiques connaissances vont se côtoyer et s’articuler dans les
et éducatives tâches pratiques et réflexives proposées en classe
Fournir des repères aux élèves aux élèves et, enfin, la façon dont ces dernières
Au-delà des objectifs prioritaires définis par le CEC vont être évaluées est également un travail indis-
sur la base d’un diagnostic local partagé, le CEC doit pensable. Ce travail nécessite du temps et un enga-
s’efforcer d’assurer la continuité des apprentissages. gement fort de la part des membres du CEC.
Cela passe essentiellement par une harmonisation –– Assurer la continuité des règles de vie de l’école
des pratiques pédagogiques et éducatives interde- au collège : cet objectif, bien que rarement pris en
grés. La fluidité du parcours scolaire de l’élève est une compte 23, constitue pourtant un enjeu fondamental
condition de sa réussite, étant admis que les ruptures pour le vivre-ensemble. Les modes de vie à l’école
ou les différences, d’un lieu et d’un enseignant à et au collège peuvent parfois paraître très diffé-
l’autre, sont de nature à engendrer des discontinuités rents aux élèves. Pour autant, les valeurs qui sont
et des difficultés. celles de l’école sont aussi celles du collège et ce
que l’on attend – en termes de rÉSPÉct et de vivre
D’une façon générale, la continuité repose sur le fait ensemble notamment – des élèves est identique
de fournir aux élèves les mêmes codes et les mêmes dans les deux degrés, à l’intérieur comme à l’exté-
repères, que ce soit en matière d’apprentissage, d’éva- rieur de la classe. Une harmonisation des règles
luation ou encore de vivre ensemble. Son instauration et de leur transmission aux élèves – qui peuvent
nécessite que les personnels au contact des élèves passer par l’élaboration d’un référentiel commun –
non seulement observent leurs pratiques rÉSPÉctives est aussi une condition de la continuité éducative
mais portent aussi sur elles un regard critique, pour et pédagogique.
faire émerger des caractéristiques communes qui
constitueront ensuite la base de leur travail. De cet Il faut garder trace des réflexions du CEC autour de
effort nécessaire dépendent la mise en œuvre et la ces objectifs, car le passage par l’écrit permet d’as-
réussite de la continuité. En appréhendant les élèves surer la portée et le partage des travaux menés, c’est-
de la même façon et en ayant les mêmes attentes à-dire leur réinvestissement sur le terrain.
envers eux, on leur offre les meilleures conditions de
travail possibles tout en s’assurant de l’effectivité de Se donner les moyens…
la continuité. ou faire avec les moyens dont on dispose
Une obligation de rationalité
Vers une culture commune Les thèmes de travail du CEC et de ses commissions
Le partage d’une culture commune est une condition peuvent être très nombreux, pour ne pas dire illimités.
de la continuité. Si elle doit nécessairement s’appuyer Une obligation de rationalité doit d’emblée présider
sur la référence pédagogique et éducative partagée aux réunions sous peine de se noyer sous la diversité
qu’est le socle, cette culture doit émerger des interac- et l’ampleur des projets sans lien avec des objectifs
tions entre les premier et second degrés et prendre à atteindre et sans cohérence entre eux. La première
corps sur des objectifs de continuité. Pour instaurer nécessité est d’ordre organisationnel : multiplier les
cette culture partagée, certaines orientations, qui projets impose de multiplier les réunions et la solli-
constituent autant d’objectifs à atteindre, semblent citation des membres impliqués, ce qui constituera
incontournables : très vite une limite. La seconde est financière : les
–– Utiliser un langage commun : les différences de projets ont souvent un coût (pour leur préparation,
vocabulaire intra- et interdisciplinaires sont de leur réalisation, leur évaluation), et il importe de le
nature à générer des ruptures. Harmoniser les mesurer avant de se lancer. La modestie doit donc
langages utilisés auprès des élèves suppose un guider les travaux du CEC, car c’est en commençant
travail d’observation, d’écoute et de réflexion modestement que le CEC pourra avancer sûrement.
autour des pratiques langagières des enseignants
des premier et second degrés ;
–– Adopter une démarche commune : la réforme pose
la question de l’appréhension et de l’évaluation
des savoirs. Déterminer en commun la façon dont 23 Guylain Hoin constate que « la réflexion sur le règlement
vont être abordées les connaissances, la façon dont intérieur n’est pas fréquemment abordée » lors des
réunions de liaison, p. 195, in Réussir le passage de l’école au
elles vont être mises en relation avec des compé- collège, op. cit., « Évolutions du droit de l’école au collège »,
tences identifiées, la façon dont compétences et p. 191-196.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 119

Des pistes pour se lancer pour accompagner tous les élèves dans une transi-
La première piste de travail (temporellement et stra- tion réfléchie de l’école au collège. L’occasion est ici
tégiquement parlant) est de s’appuyer sur l’existant, donnée aux enseignants, et notamment aux membres
« pour le prolonger, le consolider ou l’approfondir » 24. du CEC, de développer des initiatives innovantes, qui
Les travaux menés dans le cadre de la liaison école- seront le résultat et l’aboutissement d’une véritable
collège ou des interactions interdegrés sont autant démarche de projet. Comme le stipule la circulaire
d’expériences qui peuvent s’inscrire dans les objectifs de 2015 relative aux enseignements au collège, la
de continuité visés par le CEC. nouvelle organisation qui y prévaut « libère [la] capa-
cité d’initiative » des enseignants et « leur capacité
Une seconde piste est de repérer les convergences d’adaptation aux besoins et aspirations des élèves »,
dans les pratiques. Ces convergences existent et qui passe par « les innovations et initiatives péda-
peuvent être rapidement identifiées par le biais d’une gogiques des équipes enseignantes » 26. La réforme
observation attentive et d’entretiens ou de rencontres impose ici aux membres du CEC de dépasser les
interdegrés. Elles constituent des points d’appui et échanges classiques qui prévalaient avant que la
une base de travail pour le CEC et ses commissions. continuité ne devienne un élément essentiel de la
réussite des élèves. Il leur revient de se saisir de cet
Des espaces communs sont aussi identifiables dans enjeu et de faire vivre le CEC.
les écoles et leur collège de recrutement. C’est notam-
ment le cas de la cour de récréation, mais aussi de la
bibliothèque centre documentaire (BCD) ou du centre FAIRE VIVRE LE CEC
de documentation et d’information (CDI) 25, qui ont
des fonctions similaires sans pour autant porter le Une question d’impulsion
même nom. Ces lieux, leur fonction, leur organisation, Même si sa mise en place constitue une obligation
les règles qui y prévalent, peuvent servir de points de réglementaire, le CEC ne peut être effectif que s’il est
départ aux travaux du CEC dans la mesure où leurs impulsé par ses membres. Le rôle des pilotes est ici
ressemblances en font des endroits sécurisants pour fondamental, comme en attestent les missions qui
les élèves. lui sont dévolues :
–– déterminer les modalités de mise en œuvre du CEC ;
Enfin, s’appuyer sur les personnels partagés (comme –– assurer le suivi du programme d’actions ;
l’infirmier ou l’infirmière scolaire) permet aussi –– accompagner la réflexion pédagogique ;
de réfléchir à la continuité et de l’asseoir sur des –– impulser la politique pédagogique du CEC ;
éléments concrets de manière privilégiée. –– organiser la concertation entre les équipes pédago-
giques à propos du suivi des apprentissages disci-
Innover plinaires et interdisciplinaires ;
Les actions pouvant être proposées par le CEC afin –– organiser le suivi des évaluations ;
d’assurer la continuité pédagogique et éducative –– favoriser l’engagement de chaque acteur 27.
des apprentissages socialisés pourraient faire l’objet
d’une longue liste qui ne serait pas exhaustive. Si la tâche est vaste et ardue, c’est bien de l’impli-
Ces actions, quelles qu’elles soient, sont à relier au cation des pilotes dans ces différentes actions que
projet didactique dans lequel elles s’inscrivent et pourra naître puis vivre le CEC. Cette implication est
au contexte dans lequel elles émergent. Ce contexte d’autant plus nécessaire que cette instance a l’avan-
est forcément particulier, et les actions qui peuvent tage et l’inconvénient d’être dans l’entre-deux. À la
prévaloir dans l’un ne sont pas systématiquement fois dans l’école et dans le collège, elle peut aussi être
transposables dans l’autre. nulle part si elle n’est pas activée par ses pilotes.

Il importe ici d’insister sur la confiance qui est


donnée aux différentes équipes par le législateur,
qui compte sur l’émergence de stratégies nouvelles

26 Circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015,


24 Rapport n° 2014-026, op. cit., p. 29. « Enseignements au collège ».
25 Denoix Y., « Le CDI comme passerelle », 27 
Vademecum conseil école-collège, groupe de travail
Nouvelle revue pédagogique, septembre 2013, n° 634. académique de Lille.

SOMMAIRE
120 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Une question d’animation Le CEC et la commission de liaison


Les contraintes pesant sur le CEC existent mais ne La commission de liaison CM2-6e relève des disposi-
doivent pas constituer une menace pour ses travaux tifs qui préexistaient au CEC et qui ont vocation à s’y
ou un prétexte pour ne pas se saisir de ses potentia- fondre ou à en être l’une des manifestations. Moment
lités. Si les rencontres en présentiel sont indispen- ponctuel des fins d’année scolaire, cette commission
sables et doivent être réellement animées pour être présente l’intérêt de rendre effective la continuité
efficaces, le numérique constitue aussi une ressource école-collège et de faire le point sur les compétences
privilégiée dans le cadre de l’animation du CEC car acquises, en cours d’acquisition ou à acquérir par
il permet d’assurer la continuité des travaux de ses l’élève, en les contextualisant dans ses différents
membres, de lever les difficultés de regroupement parcours. Ce moment crucial permet d’envisager la
et de communiquer au quotidien. Les ENT 28 interde- poursuite de la scolarité et de fixer pour chaque élève
grés constituent notamment des espaces d’échange des objectifs à atteindre, qui pourront être travaillés
privilégiés dès qu’ils peuvent être mis en place, en dans les cours disciplinaires mais aussi en accompa-
permettant la collaboration entre enseignants et en gnement personnalisé. Il prend appui sur le livret 29
facilitant la création et la diffusion de documents à qui retrace le parcours scolaire de l’élève.
destination des élèves.
Le CEC, le CA et le conseil d’école
Une question de relations et d’articulation Le CEC a vocation à définir les priorités en matière
Le CEC est une instance jeune… qui peut avoir les de continuité pédagogique et éducative et à travailler
défauts de la jeunesse – omniscience et omnipo- de concert avec le conseil des maîtres et le conseil
tence –, sans compter des relations parfois difficiles pédagogique. Les travaux et propositions de ce dernier
avec son environnement. Ses interactions sont donc sont soumis au conseil d’administration, qui les
à définir pour éviter que le CEC ne se confonde ou valide et qui approuve donc plus ou moins indirec-
ne se substitue aux autres instances, et surtout pour tement les travaux du CEC. La cohérence nécessaire
faire en sorte qu’il ne perde pas de vue sa mission des travaux du CEC avec les projets d’école et d’éta-
première de continuité. blissement, eux-mêmes votés localement par leurs
conseils rÉSPÉctifs, instaure une relation étroite entre
Le CEC, le conseil des maîtres et le conseil le CEC et le CA ou le conseil d’école. La liaison entre
pédagogique ces deux dernières instances est d’ailleurs assurée
Le conseil des maîtres et le conseil pédagogique ont par le CEC, qui se trouve à la jonction des écoles et du
la responsabilité de proposer aux pilotes les membres collège. La cohérence de leurs avis et votes est un gage
qui feront partie du CEC. S’il existe de ce point de de la qualité des travaux du CEC, en même temps
vue une relation de subordination de l’un aux autres, qu’une nécessité : dans l’état actuel de la loi, il n’est
cette relation peut s’inverser au profit du CEC si l’on pas prévu de solution en cas de désaccord entre le CA
considère qu’il constitue l’intersection et le point et le conseil d’école quant à la validation des travaux
de rencontre des deux autres conseils. Sa mission du CEC…
consiste en effet à assurer la concertation entre les
professeurs des premier et second degrés. Elle ne Le CEC et le CESC interdegrés
peut donc se confondre avec les missions exclusives La tendance des CEC à proposer des actions ponc-
de concertation entre les professeurs du conseil des tuelles de liaison, notamment dans les domaines
maîtres et du conseil pédagogique, toutes deux rÉSPÉ- de la santé et de la citoyenneté, sans les relier à une
ctivement orientées vers l’école et le collège. Plaque politique volontariste de continuité des apprentis-
tournante de l’école et du collège, le CEC joue ainsi un sages socialisés, risque d’engendrer des confusions.
rôle de contrôle des relations entre deux mondes qui Le CEC n’a pas été créé pour reprendre à son compte
ne peuvent plus s’ignorer. Ses compétences mérite- les actions du CESC (comité d’éducation à la santé
raient sans aucun doute d’être définies sur le même et à la citoyenneté) interdegrés mais bien pour le
modèle que ces autres instances, ce qui permettrait transcender, dans la mesure où il axe ses réflexions
également d’asseoir sa légitimité. sur la notion de parcours des élèves, dans lesquelles

29 Livret personnel de compétences (LPC) jusqu’en 2016.


Le LSU (livret scolaire unique) a remplacé le LPC à partir
28 Environnements numériques de travail. de la rentrée 2016.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 121

les actions du CESC interdegrés peuvent néanmoins


s’intégrer. En définissant des axes de travail et en
les faisant connaître aux membres du CESC inter-
degrés, le CEC et ses pilotes fixent des orientations
locales qui ont vocation à être reprises par le CESC
interdegrés. De même celui-ci peut-il, grâce à ses
expériences et son expertise, orienter les réflexions
du CEC, par l’intermédiaire de leur pilote commun, le
chef d’établissement.

Une question d’évaluation


L’évaluation des travaux du CEC doit être pensée
dès sa mise en place par ses pilotes, qui devront
la rappeler régulièrement au bon souvenir de ses
membres. Cette évaluation est à la fois intrinsèque
(car relative au CEC lui-même) et extrinsèque (car
renvoyant à l’évaluation des acquis des élèves).

L’évaluation intrinsèque du CEC est relative à la quan-


tité et à la qualité des échanges entre les membres
du CEC et au suivi des projets qu’il a engagés. Si elle
présente un intérêt formel, c’est pourtant l’évaluation
extrinsèque de ses travaux qui est la plus porteuse. Le
nouveau livret scolaire constitue ici un outil essentiel
dans la mesure où il permet de disposer des éléments
nécessaires à cette évaluation (degré d’acquisition des
connaissances et des compétences, progression de
l’élève). De façon plus générale, les CEC doivent se
saisir de cette problématique de l’évaluation pour en
dégager des indicateurs relatifs aux objectifs visés et
issus du diagnostic initial.

Le conseil école-collège ne doit pas être considéré


comme « une instance administrative de plus »
mais bien comme « un outil de concertation pédago-
gique » 30 qui a vocation à assurer et parfaire le suivi
des élèves. Sa mise en place et sa réussite sont condi-
tionnées au rÉSPÉct de certaines règles qui permet-
tront d’assurer la continuité inscrite dans la réforme.
Assurer la pérennité de ses membres est une autre
condition pour que vive et soit constamment réac-
tivée cette instance dont la visibilité n’est pas encore
totalement assurée.

30 Fiches repères pour la mise en œuvre du conseil


école-collège, op. cit.

SOMMAIRE
LE CONSEIL
PÉDAGOGIQUE
OU COMMENT ARTICULER LES ASPECTS
PÉDAGOGIQUES ET ÉDUCATIFS

Le conseil pédagogique est une instance récente : évaluation, orientation, sorties et séjours, expéri-
créée par la loi Fillon de 2005, sa généralisation dans mentations…) » 4. Cela lui confère une responsabilité
les ÉPLE s’est parfois heurtée à la réticence d’équipes importante puisqu’il a vocation à initier une réflexion
enseignantes acceptant mal sa présidence par le de fond sur ces différents aspects.
chef d’établissement. Pourtant son rôle en matière
pédagogique et éducative est essentiel : dès 2005, le Le renforcement de son rôle réside notamment dans
rapport Matringe souligne que « la nécessité d’une la possibilité qui lui a été donnée d’intervenir dans la
concertation accrue entre les enseignants et du travail préparation de la réforme, au niveau local, à travers la
en équipe pluridisciplinaire s’est imposée au fil des mise en place d’un calendrier alternant les réunions
réformes » 1. Cette assertion trouve tout son sens dans du conseil pédagogique (propices à une réflexion de
le cadre de la réforme du collège. fond) et des temps banalisés (pour un travail collectif).
Ces modalités lui confèrent une responsabilité indé-
niable mais aussi un pouvoir renouvelés.
INITIER ET MENER LA RÉFLEXION
Des compétences élargies
Le conseil pédagogique n’est pas une instance L’article R421-41-3 du Code de l’éducation, modifié
décisionnelle. Instance de concertation, il est pour- par le décret n° 2014-1231 du 22/10/2014, a précisé et
tant « le lieu central des décisions pédagogiques et développé les compétences du conseil pédagogique
éducatives » 2 en ce sens que ses préconisations sont en matière de relation entre premier et second degrés,
rarement invalidées par le conseil d’administration. d’organisation pédagogique, d’évaluation et de suivi
C’est ainsi à lui que revient naturellement la mission des élèves (points 1, 2, 3 et 5).
d’articuler les aspects pédagogiques et éducatifs de
la réforme, en vue de favoriser la réussite des élèves. Cet élargissement des compétences est lié à la néces-
saire articulation du conseil pédagogique avec le
Un rôle renforcé ? conseil école-collège et à la redéfinition des cycles
La réforme du collège est une réforme pédagogique qui impose davantage de coordination et une prise
globale ; le conseil pédagogique se voit donc attribuer en compte accrue des différences entre les élèves,
un rôle spécifique, voir « moteur » 3. Rappelons que censées donner lieu à des adaptations pédagogiques
par obligation réglementaire, « il a pour mission de et à une évaluation centrée sur leurs acquis scolaires.
favoriser la concertation entre les professeurs, notam- Il se traduit concrètement par une pression accrue
ment pour coordonner les enseignements, la nota- sur cette instance mais qui doit cependant être rela-
tion et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare tivisée : comme le précise le décret n° 2015-544 du
la partie pédagogique du projet d’établissement. Le 19/05/2015 relatif à l’organisation des enseignements
conseil pédagogique est la seule instance officielle au collège, « le conseil pédagogique est une instance
de concertation sur tous les sujets pédagogiques de réflexion et d’impulsion. Son rôle est essentielle-
collectifs (horaires, accompagnement des élèves, ment consultatif, et dans tous les cas c’est le conseil
d’administration qui tranche » 5.

1 « Le conseil pédagogique dans les ÉPLE », Rapport présenté


par Ghislaine Matringe, IGEN, MENESR, octobre 2005, p. 5.
2 Amar Gacem, « Les instances de l’établissement :
lieux décisionnels ? L’exemple du conseil pédagogique »,
p. 39, op. cit.
3 Cf. article de Jarraud F. : « Collège : les nouveaux textes 4 Article L.421-5 du Code de l’éducation.
de la réforme », Le Café pédagogique, 13 avril 2015. 5 Art. 2-II.

SOMMAIRE
124 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Une priorité : réfléchir aux besoins des élèves éducative et pédagogique locale des élèves. Partagées
L’enjeu : définir ce qui est essentiel pour les élèves avec les membres de la communauté éducative lors
Si la réforme vise la formation globale de l’élève futur des travaux préparatoires, ces priorités constituent
citoyen, cet objectif général doit être adapté aux souvent les axes forts du projet d’établissement,
spécificités locales des apprenants et au contexte au travers duquel peut s’exprimer l’autonomie de
particulier dans lequel ils évoluent. Le conseil péda- l’ÉPLE. En ce sens, le conseil pédagogique peut être
gogique a ici un rôle de diagnostic et d’analyse à jouer. conçu comme un « outil pour promouvoir une auto-
Sa mission est d’identifier, sur la base d’indicateurs nomie pédagogique réelle des ÉPLE » 6, cette marge de
(résultats des élèves, taux de réussite au DNB…) manœuvre étant nécessaire à la définition de poli-
les points forts et les points faibles des élèves. Ce tiques adaptées au public local.
diagnostic vise à déterminer ce qui est essentiel à
leur réussite, à la fois en termes de connaissances,
de compétences et de culture. L’identification de ces CONSTRUIRE UNE POLITIQUE COHÉRENTE
besoins nécessite une connaissance approfondie du
public local mais aussi des ressources dont il dispose L’enjeu du conseil pédagogique est de construire une
et sur lesquelles les équipes peuvent s’appuyer. politique éducative et pédagogique, cohérente pour
les élèves mais aussi pour l’ensemble de la commu-
Le cadre matériel de la réflexion nauté éducative. Cette cohérence doit être réalisée à
La formalisation d’un diagnostic requiert du temps. tous les niveaux et nécessite de faire des choix qui
En amont, il s’agit tout d’abord de déterminer une vont conditionner la réussite locale de la réforme,
méthode, puis de procéder au recueil des données. c’est-à-dire la rendre légitime aux yeux de tous.
Entretiens avec les collègues et analyse de données
quantitatives et qualitatives font partie des tech- Coordonner les actions pédagogiques
niques utilisées, de façon plus ou moins forma- et éducatives intra et inter-cycles
lisée, pour disposer du matériel nécessaire. En aval, La rédéfinition des cycles et la nouvelle approche
le partage des informations recueillies et du bilan des programmes renouvellent considérablement la
qui en découle fait aussi partie des obligations du nature de la coopération et de la concertation entre
conseil pédagogique. Or, ces étapes de concertation les équipes. La coordination est désormais le maître
(en interne au conseil et en « externe ») sont chrono- mot, à plusieurs niveaux : celui des acteurs au sein
phages, et le quotidien et l’organisation des ÉPLE ne d’un cycle donné, celui des acteurs entre les cycles 3
sont pas toujours de nature à faciliter les échanges. et 4 et celui des actions pédagogiques et éducatives.
La volonté de mettre en place rapidement et à tous
les niveaux du collège simultanément la réforme Une question de composition et d’attribution
(sans compter les réactions parfois vives qui ont La possibilité de la coordination réside dans la compo-
accompagné la parution des textes) a compliqué les sition du conseil pédagogique et dans ses attributions.
travaux du conseil pédagogique. Dans la plupart des Ses membres sont désignés par le chef d’établisse-
cas, le temps passé à la concertation ne s’est accom- ment, sur proposition des équipes pédagogiques
pagné d’aucune compensation financière ni d’aucune qui disposent désormais des quinze jours suivant
décharge suffisante pour mener les travaux à leur la rentrée pour se manifester. Le conseil pédago-
terme. gique réunit au moins le chef d’établissement (qui
le préside), un professeur principal de chaque niveau
Adapter le projet d’établissement d’enseignement, un professeur par champ discipli-
Les difficultés conjoncturelles de l’année scolaire naire et un conseiller principal d’éducation qui ont
2015-2016 ont été en partie compensées par la volonté notamment pour mission de préparer la partie péda-
des équipes, en général, et du conseil pédagogique, en gogique du projet d’établissement, en lien avec les
particulier, d’investir les potentialités offertes par la priorités locales et les préconisations nationales.
réforme pour favoriser la réussite de tous les élèves.
Cet objectif national doit être décliné localement et
traduit en termes locaux dans le projet d’établisse-
ment de chaque ÉPLE. Les travaux du conseil péda-
gogique, incontournables, permettent non seule-
ment de définir des priorités mais aussi des axes
stratégiques et des moyens pour garantir la réussite 6 P. 127.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 125

Une question d’organisation approfondissement, méthodes de travail – et de


pédagogique des cycles regroupement des élèves, que le chef d’établisse-
Les membres du conseil pédagogique ont un intérêt ment soumet ensuite au conseil d’administration. Il
particulier et général à s’assurer de la cohérence est saisi pour avis sur l’organisation des enseigne-
de leurs interventions de façon à balayer, de façon ments pratiques interdisciplinaires ». Il lui appartient,
réfléchie et organisée, les programmes qui sont désor- en d’autres termes, d’être force de proposition en ce
mais définis pour un cycle donné. Un travail d’organi- qui concerne les nouveaux enseignements introduits
sation, qui implique de s’interroger sur la progression par la réforme.
des élèves dans chaque discipline et sur le lien entre
les disciplines au-delà du niveau dans lequel elles Définir les modalités
sont enseignées, doit être mené aussi bien pour le de l’accompagnement personnalisé
cycle 3 que pour le cycle 4. Le lien avec les conseils Le conseil pédagogique a une responsabilité et un
d’enseignement, qui réunissent les professeurs d’une pouvoir importants dans le cadre de l’accompagne-
même discipline, est donc également indispensable, ment personnalisé. Son rôle est avant tout de s’inter-
de façon à assurer la meilleure « répartition » possible roger sur ce que doit représenter cet accompagne-
des thématiques devant être abordées au cours d’un ment pour les élèves, les formes qu’il doit prendre et
cycle. Y adjoindre les enseignants du premier degré le contenu qui doit être le sien. Les travaux préalables
permettrait d’organiser les progressions dans toutes qu’il a menés, à la fois en termes de diagnostic, d’ana-
les disciplines pour les cycles 3 et 4. lyse et d’ajustement du projet d’établissement aux
priorités locales, doivent servir de base pour répondre
Une question de continuité des parcours à ces différentes questions. Là encore, ce sont les
La réforme du collège, en élargissant les missions de besoins des élèves qui doivent guider les choix du
l’école à la formation du futur citoyen par l’intermé- conseil puis être discutés collectivement (y compris
diaire de la maîtrise d’un socle commun de connais- dans le cadre du conseil école-collège) avant d’être
sances, de compétences et de culture, suppose un validés par le conseil d’administration.
élargissement égal des compétences du conseil qui
ne transparaît pas explicitement dans ses missions. Choisir des EPI en lien avec les besoins
L’objectif est en effet d’aboutir à une cohérence des élèves et les priorités locales
globale qui doit forcément prendre appui sur un Selon les nouvelles dispositions (qui assouplissent
échange approfondi entre les différents membres du la réforme) de la rentrée 2017, chaque élève devra
conseil, de façon à proposer aux élèves des parcours avoir bénéficié d’un EPI (enseignement pratique
de formation qui feront sens, en matière d’appren- interdisciplinaire) à la fin de sa scolarité au collège 8.
tissages socialisés. Cela suppose d’élargir le regard Il appartient au conseil pédagogique de choisir les
et de considérer les conditions et l’environnement EPI qui seront proposés aux élèves en tenant compte
dans lesquels se font les apprentissages. Offrir aux à la fois de leurs besoins et des priorités du projet
membres du conseil pédagogique la possibilité de d’établissement. Si l’objectif général des EPI est d’ini-
désigner celui ou celle qui siégera dans le conseil tier les élèves à la démarche de projet, le choix des
école-collège 7 garantit par ailleurs une cohérence thématiques a une importance capitale en ce sens
entre les premier et second degrés, sous réserve que qu’il vise à résoudre une partie des difficultés des
ce représentant fasse le lien avec les propositions du élèves ou en tout cas à agir sur elles. Il représente
conseil pédagogique. l’occasion, pour le conseil pédagogique, d’allier dans
le cadre des enseignements les dimensions pédago-
Faire des choix pédagogiques et éducatifs collectifs giques et éducatives inhérentes à tout ce qui relève
La circulaire n° 2015-106 du 30-6-2015 relative à l’or- des « éducations à… » et de donner tout leur sens et
ganisation des enseignements au collège confère au leur contenu aux apprentissages socialisés.
conseil pédagogique des responsabilités nouvelles :
« Il formule des propositions quant aux moda- Organiser les enseignements
lités de l’accompagnement personnalisé – soutien, La réforme du collège instaure une nouvelle clas-
sification des enseignements et fixe un volume

7 Dans les réseaux d’éducation prioritaire, une mise


en place expérimentale du conseil école-collège s’est faite 8 Le changement est d’importance : il s’agissait initialement
sous la forme d’un conseil pédagogique interdegrés. qu’un élève ait bénéficié de six EPI à la fin du cycle 4.

SOMMAIRE
126 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

horaire hebdomadaire de vingt-six heures de cours, part aux enseignements complémentaires découlent
auxquelles peuvent s’ajouter des enseignements des choix initiaux du conseil pédagogique. On voit ici
facultatifs. À la possibilité de définir les modalités clairement le lien avec les services des enseignants
(et donc en partie le contenu) de ces enseignements et, au-delà, avec la dotation horaire globale de l’ÉPLE :
s’ajoute pour le conseil pédagogique, sur la base d’un cibler l’AP sur le français et un EPI sur un projet alliant
travail d’échange et de construction en son sein, celle les langues et la SVT par exemple peut impacter l’em-
de déterminer leur répartition. L’instance dispose ici ploi du temps des élèves tout comme celui des ensei-
d’une marge de manœuvre relativement importante, gnants. Des arbitrages sont donc aussi nécessaires.
qui a vocation à se traduire par un accroissement de
la liberté pédagogique des équipes enseignantes et à Moduler les horaires disciplinaires
leur permettre de développer des projets en adéqua- La nouvelle organisation du collège ouvre la possibi-
tion avec le profil des élèves et les caractéristiques de lité de moduler les horaires disciplinaires à l’année et
l’établissement dans lequel ils évoluent. sur la durée du cycle. Cela revient à créer des emplois
du temps à géométrie variable pour les parties concer-
Le conseil pédagogique est ainsi amené à faire des nées : le chef d’établissement ou son adjoint, concep-
choix qui ont des incidences importantes en matière teur des emplois du temps, les élèves, les enseignants.
de service enseignant et de nature des enseignements Ces choix doivent répondre à des objectifs précis et
proposés aux élèves, que ce soit en termes d’ensei- avoir été discutés en conseil pédagogique. Ils doivent
gnements facultatifs ou complémentaires. aussi être explicités aux élèves et familles et faire
l’objet d’un accompagnement, dans la mesure où ils
Depuis la rentrée 2017, il lui revient en effet de s’in- complexifient les emplois du temps.
terroger sur la proposition aux élèves d’enseigne-
ments facultatifs en langues et cultures de l’Anti- Utiliser la marge d’autonomie
quité, langues et cultures européennes et langues et Les collèges disposent d’une marge d’autonomie de
cultures régionales, de même que sur la possibilité de trois heures 10 par semaine et par division, afin de
leur offrir une seconde langue vivante étrangère dès favoriser le travail en demi-groupes, la co-animation
la classe de 6e 9. Ce choix renvoie à l’offre du collège ou les enseignements facultatifs. Cette marge, accrue
pour son public présent et à venir. Il relève en l’oc- par la réforme et accentuée par les dispositions de
currence non seulement de la pédagogie mais aussi la rentrée 2017, va de pair avec l’élargissement des
de la stratégie, liée de fait au contexte local, et doit compétences du conseil pédagogique. Consulté sur
faire l’objet d’une réflexion pilotée par le chef d’éta- la préparation de l’organisation des enseignements,
blissement. Il impose par ailleurs de procéder à des ses avis et propositions lui confèrent un rôle incontes-
arbitrages, car le choix d’un enseignement facultatif table dans la répartition de la dotation horaire globale,
nécessite des heures d’enseignement qui ne pour- d’autant que ces heures de marge ne sont pas fléchées
ront pas être dévolues, par exemple, à un travail en (et que rien n’interdit, par exemple, de les globaliser et
groupes à effectifs réduits ou à des interventions de les répartir entre plusieurs niveaux dans le cadre
conjointes. Les débats qui ont lieu en conseil pédago- d’un projet commun). Il est ainsi possible de proposer
gique doivent être guidés par la recherche de l’intérêt en conseil pédagogique une utilisation éclairée de ces
commun des élèves, des classes et des enseignants. heures, qui sera ensuite soumise à l’approbation du
conseil d’administration.
Le conseil pédagogique propose également la répar-
tition des enseignements complémentaires pour
chacun des niveaux. En fonction des priorités qu’il FAIRE ÉVOLUER LES PRATIQUES
a définies, il détermine ainsi le nombre d’heures qui D’ENSEIGNEMENT ET D’ÉVALUATION
seront consacrées à l’accompagnement personnalisé
(une à deux) et celui qui sera imparti aux EPI (trois L’articulation des aspects pédagogiques et éducatifs
heures au total en cycle 3, quatre heures en cycle 4). de la réforme impose non seulement une concerta-
Les disciplines (et donc les enseignants) qui prendront tion et la définition d’une politique éducative cohé-
rente, mais aussi, à terme, un questionnement sur
l’adéquation des pratiques à cette nouvelle donne.

9 Cette dernière disposition vise à permettre


le rétablissement des classes bilangues,
dont plusieurs avaient été initialement supprimées. 10 Cette marge était initialement de 2 h 45.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 127

Le conseil pédagogique peut marquer les prémices Favoriser la démarche de projet


de cette évolution. Pour atteindre les objectifs fixés, Les enseignements pratiques interdisciplinaires
des changements sont inévitables, et le conseil péda- reposent explicitement sur la mise en oeuvre d’une
gogique, « vecteur privilégié pour faciliter le change- démarche de projet qui n’est pas coutumière à tous
ment dans un établissement scolaire » 11, a une place les enseignants. Or, cette démarche implique, avant
à prendre, dans le rÉSPÉct de la liberté pédagogique d’être enseignée et mise en œuvre, d’être maîtrisée
des enseignants. Il est aussi à même de mettre au par ceux qui la transmettront. Le conseil pédagogique
jour les besoins collectifs de formation des équipes. peut être amené à réfléchir à cette technique basée
sur des connaissances et des compétences dépas-
Adapter les pratiques d’enseignement sant le cadre des disciplines. Elle requiert par ailleurs
La réforme a fait émerger une conception nouvelle de explicitement des élèves la maîtrise de compétences
l’enseignement. Elle interroge de ce fait celles et ceux pédagogiques et éducatives dont l’alliance est une
qui en sont les maîtres d’œuvre en les incitant à réflé- condition inhérente à la réussite de la démarche.
chir à leurs pratiques, aux modalités de leur inter-
vention et aux partenaires qui ont toujours été les Différencier les approches pédagogiques
leurs mais avec lesquels il n’était pas nécessairement et éducatives
indispensable de travailler. De tels questionnements La réforme fait sienne une approche dont de
sont profondément perturbants et ont tout intérêt à nombreux spécialistes de l’éducation ont vanté les
être saisis par une instance compétente qui permettra mérites et que la plupart des enseignants pratiquent
d’emblée de réfléchir collectivement et d’harmoniser déjà au quotidien : la différenciation. Si cette diffé-
les pratiques en vue de la réussite des élèves 12. renciation n’a pas vocation à être systématique-
ment formalisée, elle repose, comme le souligne
Réfléchir à la co-intervention Philippe Perrenoud, sur « une organisation du travail
La réforme introduit la possibilité de co-inter- et des dispositifs qui placent régulièrement chacun,
venir autour d’un même objet, dans le cadre d’une chacune, dans une situation optimale » 13. Cette orga-
démarche interdisciplinaire. Si cette co-intervention nisation et ces dispositifs peuvent être un objet de
implique une concertation et une répartition des réflexion pour le conseil pédagogique. Sur la base, par
tâches entre les intervenants, et peut de ce fait être exemple, d’un recueil et d’une analyse des pratiques
gérée au sein d’un groupe réduit, il semble souhai- existantes, l’objectif pourrait être de constituer un
table que le conseil pédagogique se saisisse de cette guide des bonnes pratiques locales à l’usage des
pratique nouvelle, dans un quadruple objectif : membres de la communauté éducative.
analyser les prérequis pour que la co-intervention
puisse fonctionner et surtout être efficace (c’est-à-
dire atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés) ; déter-
miner les points d’appui et les freins (y compris
“logistiques”) ; proposer un cadre explicatif commun
qui pourrait être présenté aux équipes, aux élèves et
aux familles afin qu’ils saisissent les potentialités
offertes par ce nouveau type de pratique ; s’assurer
de l’existence et de la mise en cohérence des aspects
pédagogiques et éducatifs de cette co-animation.

11 Cortial M.-C., « Des conseils partout ! », p. 29,


Les Cahiers pédagogiques, n° 509, décembre 2013, p 28-29.
12 Comme le souligne Amar Gacem, « La souplesse du
conseil pédagogique rend cette instance indispensable au
changement des pratiques pédagogiques. La décision par
consensus permet de passer d’une équipe de spécialistes à
une équipe spécialiste. Gageons que cette approche puisse
contribuer à mobiliser le plus grand nombre d’acteurs
autour d’une valeur commune et indiscutable : la réussite 13 Perrenoud P., Pédagogie différenciée : Des intentions à l’action,
des élèves et des acteurs. », op. cit., p. 41. ESF éd., Paris, 1997.

SOMMAIRE
128 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Les acquis des élèves comme objet d’évaluation dans les champs éducatif et pédagogique, permettra
La réforme permet d’envisager la question de l’éva- à terme l’évaluation des acquis de chacun des élèves
luation de façon positive. Il ne s’agit plus désormais par chacun des interlocuteurs. Cette approche collec-
de repérer ce qui n’est pas maîtrisé dans le socle, tive de l’évaluation mérite aussi d’être discutée en
mais de s’interroger sur ce qui est déjà acquis. Si conseil pédagogique.
la différence d’approche peut paraître subtile, elle
change radicalement le regard porté sur l’élève, en le Évaluer la mise en œuvre de la réforme
situant dans un parcours personnel voué à s’enrichir Le conseil pédagogique a des missions nombreuses et
au gré des activités scolaires qu’il lui reste encore à importantes. Si la plupart préexistaient à la réforme, iI
découvrir. est évident que les conceptions nouvelles de l’ensei-
gnement qu’elle porte imposent de s’interroger sur
Évaluer différemment la plupart d’entre elles… et qu’il lui sera difficile, s’il
La question de l’évaluation devrait être récurrente s’en tient à ses trois réunions annuelles obligatoires,
au sein des conseils pédagogiques. Comme le de s’emparer de toutes. La possibilité de créer des
texte relatif à ses missions le stipule, il est en effet commissions ou d’inviter des spécialistes ne résout
consulté sur « la coordination relative au suivi des pas ce problème, notamment dans les petits collèges
élèves et notamment aux modalités d’évaluation où le nombre de membres du conseil est relative-
des acquis scolaires » 14, ces dernières étant envisa- ment réduit. Il est donc conseillé de ne pas se saisir
gées, selon cette formulation, comme permettant le de toutes ces problématiques simultanément, mais de
suivi évoqué. Il est ici intéressant de noter le chan- déterminer celles qui semblent prioritaires en fonc-
gement de conception entre les textes de 2005 et de tion du contexte local et de se donner des moyens
2014, le premier renvoyant à la question de la nota- réels d’y répondre.
tion, qui n’apparaît donc plus comme une fin en soi.
Si la note peut être dévalorisante et stigmatisante L’évaluation de la mise en œuvre locale de la réforme
pour un élève, l’évaluation de ses acquis scolaires, est l’affaire du chef d’établissement et des différentes
c’est-à-dire de ce qu’il maîtrise et non de ce qu’il ne instances qu’il préside. Le conseil pédagogique a
maîtrise pas, l’est beaucoup moins. Ce changement vocation à y prendre part en évaluant la place effec-
symbolique d’approche permet de valoriser l’élève tivement prise dans les différents aspects évoqués et
en référence à un étalon qui n’est plus la meilleure l’impact que ses travaux ont pu avoir sur la réussite
note de la classe, mais l’ensemble de ses acquis avant des élèves. De cette première évaluation pourront
l’évaluation. Au-delà des nécessaires adaptations des émerger d’autres questionnements, qui serviront de
méthodes d’évaluation à la nouvelle donne, il importe base aux futurs travaux du conseil.
que le conseil pédagogique formule et formalise cette
façon de procéder afin qu’elle soit ensuite validée et Le conseil pédagogique occupe une place centrale
partagée par tous. dans le cadre de la réforme. Les attentes nombreuses
qui pèsent sur lui touchent au cœur même de la
S’associer pour évaluer réforme et renvoient à la capacité de l’établissement
L’article L912 du Code de l’éducation indique que les à se saisir de problématiques essentielles, comme
enseignants, les personnels d’éducation et les person- celle de l’évaluation. En qualifiant cette instance de
nels spécialisés sont « responsables de l’ensemble des « fabrique de bien commun » ayant vocation à faire
activités scolaires des élèves ». Si cet article reconnaît de l’intérêt collectif un objet de travail 15, Pierre Javelas
le rôle des différents membres des équipes pédago- résume bien l’enjeu fondamental qui est le sien.
giques et éducatives, il reconnaît aussi implicitement
leur rôle dans l’évaluation de ces activités. La maîtrise
du socle repose en effet sur la proposition aux élèves,
en fonction du contexte dans lequel ils évoluent, d’ac-
tivités porteuses de connaissances et de compétences
qu’elles leur permettront de s’approprier. La reproduc-
tion de ces activités, sous des formes variées et sous
la responsabilité d’interlocuteurs différents œuvrant

15 Javelas P., « Le conseil pédagogique… une fabrique


14 Article 7 du décret n° 2014-1231 du 22/10/2014. de bien commun ! », Les Cahiers pédagogiques, n° 458.

SOMMAIRE
LE CONSEIL
D’ADMINISTRATION
OU COMMENT VALIDER LES ORIENTATIONS
MINISTÉRIELLES AU NIVEAU LOCAL

Les textes de loi relatifs à la mise en place de la Valider les choix d’enseignement
réforme du collège traitent assez peu du rôle du La circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015 précise que
conseil d’administration 1. De fait ses compétences ne le conseil d’administration « arrête la répartition des
sont pas réellement modifiées, pas suffisamment en moyens horaires entre les enseignements communs,
tout cas pour qu’un texte spécifique ait paru néces- les enseignements complémentaires (accompagne-
saire. Cela tient sans aucun doute au rôle renforcé ment personnalisé et enseignements pratiques inter-
du conseil pédagogique, dont les travaux constituent disciplinaires) et les enseignements de complément ».
un préalable incontournable aux délibérations du CA Cela implique une réflexion préalable, menée par le
dans le cadre de l’autonomie pédagogique et éduca- conseil pédagogique, sur l’organisation des enseigne-
tive de l’ÉPLE. Il serait pourtant restrictif de considérer ments dans l’ÉPLE. La présentation qui en est faite par
cette instance comme secondaire : « Le conseil d’ad- le chef d’établissement a pour objectif d’aboutir à la
ministration n’est pas une simple chambre d’enre- validation des choix effectués.
gistrement […], ses compétences sont extrêmement
étendues et son intervention est obligatoire » 2. Démontrer l’intérêt des choix pour le public local
La validation des choix relatifs aux nouveautés
introduites par la réforme du collège suppose de
S’ASSURER DE L’ACCORD DE TOUS convaincre les membres du CA de leur intérêt pour
SUR LES CHOIX EFFECTUÉS le public local. Si cela est vrai pour tous les ensei-
gnements, cela l’est d’autant plus pour les ensei-
Le conseil d’administration est une occasion privilé- gnements complémentaires dont les modalités sont
giée et relativement rare (trois réunions sont obliga- explicitement proposées en lien avec les potentialités
toires dans l’année) de rassembler les trois grandes et difficultés des élèves. La présentation des « offres » 3
catégories de représentants qui le composent, à savoir en la matière doit non seulement démontrer qu’elles
l’institution, les personnels et les usagers. Chacun répondent à des objectifs contextualisés mais aussi
de ces groupes dispose d’un poids équivalent et peut que leurs modalités générales vont bien apporter à
avoir des intérêts divergents. Il importe donc de les chacun une réponse individualisée et permettre à
associer régulièrement aux réflexions menées de tous de progresser. Le chef d’établissement a ici pour
façon à recueillir leurs points de vue, en amont des mission de proposer aux membres du CA un exposé
réunions du CA, par exemple en ayant recours à des qui justifie les choix et qui va les légitimer, garantis-
conseils d’enseignement, des réunions de concerta- sant ainsi un vote à la majorité voire à l’unanimité.
tion ou des réunions plénières ou en réunissant ponc-
tuellement les représentants des parents au CA pour Assurer la cohérence des choix de l’établissement
qu’ils puissent exprimer leurs avis. La validation des orientations locales passe par une
cohérence globale des choix qui en relèvent avec les
objectifs que l’établissement s’est fixés et qui sont
rassemblés dans des documents travaillés collecti-
vement et validés en CA : le projet d’établissement et
1 La commission permanente, qui instruit les questions le contrat d’objectifs. Les priorités qui y sont définies
soumises au conseil d’administration, n’est citée doivent servir de base de réflexion non seulement
dans pratiquement aucun texte. Elle doit cependant
obligatoirement être saisie avant la réunion du conseil
d’administration (dont elle est une émanation) pour
les questions relevant du domaine de la responsabilité
pédagogique et éducative de l’ÉPLE. 3 Selon la circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015, « l’offre »
2 Gavard J., Delahaye J.-P., Muñoz A. et Stirnemann N. et J., d’accompagnement personnalisé et d’enseignements
op. cit., p. 61. pratiques interdisciplinaires doit être présentée au CA.

SOMMAIRE
130 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

pour le CA mais aussi pour les autres instances aussi les conseils d’école des écoles de secteur ont
de l’ÉPLE. ainsi vocation à être présentées, voire validées lors
des réunions du CA.
À travers le projet d’établissement
La mise en adéquation du projet d’établissement
avec les préconisations issues de la réforme est un DONNER LES MOYENS
objectif à atteindre. Elle est réalisée en amont du CA, DE MISE EN ŒUVRE LOCALE
qui peut néanmoins en tenir informés ses membres
et solliciter leur participation. À terme, elle sera Le CA répartit les moyens humains et financiers
validée en séance. Il appartient aux membres du permettant de mettre en œuvre les choix locaux.
conseil, informés du nouveau cadre imposé, de s’as- Ce faisant, il valide aussi les orientations du projet
surer que le projet d’établissement a bien fait l’objet d’établissement.
des modifications nécessaires pour s’y inscrire. Le
projet d’établissement amendé a tout intérêt à être La répartition et l’ajustement
transmis avant la réunion du CA afin de laisser tout des moyens humains
loisir à ses membres de s’en assurer et de préparer les La circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015 stipule que
éventuelles questions qui alimenteront le débat. La « le conseil d’administration […] arrête la répartition
responsabilité du chef d’établissement est ici engagée des moyens horaires entre les enseignements ». Ces
puisqu’il lui revient au final de garantir la cohérence moyens sont issus de la dotation horaire globalisée
des actions du projet d’établissement avec la politique attribuée par l’autorité académique chaque année
nationale d’éducation. en fonction du nombre de divisions et des ensei-
gnements proposés par l’ÉPLE. Charge à ce dernier,
Avec le contrat d’objectifs ensuite, de les répartir en fonction des choix faits
Le contrat d’objectifs est conclu entre l’ÉPLE et l’auto- localement. La dotation supplémentaire, qui suit le
rité académique 4. Il « définit les objectifs à atteindre même cheminement, est, elle aussi, répartie par l’ins-
par l’établissement pour satisfaire aux orientations tance délibérante et permet de mettre en face des
nationales et académiques » 5 et est élaboré en cohé- choix effectués « les moyens nécessaires à la consti-
rence avec le projet d’établissement. Si ce contrat, au tution de groupes à effectifs réduits, aux interventions
même titre que le projet d’établissement, n’est pas conjointes de plusieurs enseignants et aux ensei-
intégralement remis en cause par la réforme et est gnements de complément » 6. Elle permet aussi aux
soumis à des logiques temporelles propres, il doit établissements de disposer des moyens nécessaires
cependant lui aussi être amendé, à terme, pour satis- aux enseignements facultatifs. À cette répartition des
faire à ses exigences. Le conseil d’administration doit moyens humains peut s’adjoindre son ajustement en
se prononcer sur ce contrat, c’est-à-dire valider les matière de formation continue. L’article R421-20 du
axes stratégiques qui feront l’objet d’une contractua- Code de l’éducation modifié par le décret n° 2014-
lisation entre l’établissement et les autorités acadé- 1236 du 24 octobre 2014 (article 9) stipule en effet
miques. Ces dernières sont ainsi amenées à examiner que le CA « peut décider la création d’un organe de
et à valider les orientations locales prises par l’ÉPLE concertation et de proposition […] sur le programme
pour s’inscrire dans le cadre ministériel. de formation continue des adultes ». Les nouvelles
dispositions ministérielles, associées aux choix
À travers les autres instances locaux liés aux caractéristiques particulières de l’ÉPLE
Si le CA est l’instance décisionnelle par excellence, et de son public, peuvent en effet rendre nécessaire
elle cohabite, dans l’ÉPLE et dans son environnement, la mise en place d’une formation complémentaire si
avec plusieurs autres qui ont, elles aussi, à s’assurer celle-ci n’a pas d’emblée été envisagée. Il appartient
de la cohérence de leurs actions avec les choix péda- dans ces conditions au CA de se poser en instance de
gogiques et la politique éducative locale. Les orienta- réflexion et de faire émerger une demande qui pourra
tions prises dans des instances telles que le conseil ensuite être soumise à un examen par les autorités
pédagogique, le CESC, le conseil école-collège mais compétentes.

4 Il est également transmis à la collectivité territoriale


de rattachement.
5 
Op. cit., p. 83. 6 Circulaire n° 2015-106 du 30/06/2015.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 131

La répartition des moyens financiers L’évaluation de la mise en œuvre locale de la réforme


Malgré des marges financières parfois réduites, le est réalisée à plusieurs niveaux : par les équipes
budget de l’ÉPLE doit refléter les choix pédagogiques pédagogiques et éducatives, chargées d’évaluer les
et éducatifs du projet d’établissement. Cela implique acquis des élèves, par le conseil pédagogique, chargé
que les équipes soient à même d’estimer leurs de penser l’évaluation, et par le chef d’établisse-
besoins matériels et financiers pour l’année scolaire, ment, chargé de compulser tout au long de l’année
de façon à pouvoir mener leurs projets à terme. Un les données issues de l’évaluation et de les présenter
travail préalable à l’élaboration du budget est donc à l’instance délibérante. Il appartient au CA et à ses
nécessaire entre le gestionnaire de l’ÉPLE, les person- trois catégories de représentants de s’interroger sur la
nels intervenant en classe et le chef d’établissement. réalisation des objectifs et d’en tirer les conclusions
Un regard particulier doit notamment être porté sur qui s’imposent.
les enseignements pratiques interdisciplinaires dans
« la mesure où ils permettent de construire et d’ap- Se projeter
profondir des connaissances et des compétences par Si l’objectif initial de l’évaluation est bien de réaliser
une démarche de projet conduisant à une réalisation un état des lieux, elle doit aussi permettre à l’ÉPLE de
concrète, individuelle ou collective » 7 qui peut avoir se projeter dans l’avenir. Le constat des écarts entre
un coût. En validant le budget, le CA valide également les actions annoncées et celles effectivement mises
les choix qui ont été faits pour assurer les enseigne- en place et entre les résultats attendus et atteints,
ments dans les meilleures conditions possible. associé à une analyse des causes, doit permettre d’en-
visager l’avenir et de se fixer de nouveaux objectifs.
C’est au CA d’identifier ces écarts, d’en comprendre
INSTAURER UNE CULTURE DE L’ÉVALUATION les motifs et les conséquences et d’identifier les
actions qui permettront de les réduire.
La mise en œuvre locale, par des ÉPLE de plus en plus
autonomes, d’une politique nationale rend incontour- Bien que cela ne transparaisse pas explicitement
nable son évaluation. Celle-ci peut être envisagée en dans les textes relatifs à la réforme, le rôle du conseil
deux temps : d’abord un temps de contrôle, puis un d’administration est pourtant essentiel. Ses missions
temps de projection. Le rôle du chef d’établissement, consistent en effet à contrôler l’adéquation entre les
« médiateur de réformes » 8, est ici essentiel. choix locaux et nationaux et à donner aux équipes les
moyens d’œuvrer à la réussite des élèves. L’ensemble
Rendre des comptes des préconisations et travaux des autres instances est
L’article 16 du décret de 1985 définissant le statut de par ailleurs soumis à l’approbation du CA, qui reste la
l’ÉPLE indique que « le conseil d’administration établit seule instance à disposer de ce pouvoir.
chaque année un rapport sur le fonctionnement
pédagogique de l’établissement, qui rend compte
de la mise en œuvre du projet d’établissement, des
objectifs à atteindre, et des résultats obtenus ». Le
CA a donc pour mission de vérifier, d’une part, que
les choix locaux ont bien été appliqués et qu’ils
correspondent aux préconisations nationales et,
d’autre part, que ces choix ont bien produit les effets
escomptés. Cette évaluation doit être annoncée
dès la première réunion du CA par son président et
rappelée dans les suivantes pour éviter de la perdre
de vue et pour alimenter le rapport établi par le chef
d’établissement.

7 Article 3 de l’arrêté du 19/05/2015 relatif à l’organisation


des enseignements dans les classes de collège.
8 Van Zanten A., « Les politiques éducatives entre
le dire et le faire », Le Café pédagogique.

SOMMAIRE
LE COMITÉ D’ÉDUCATION
À LA SANTÉ ET
À LA CITOYENNETÉ
OU COMMENT S’ASSURER DE
L A COHÉRENCE ÉDUCATIVE DES PARCOURS

L’école a pour tâche fondamentale la transmission Ses missions, au nombre de quatre, restent par
des valeurs de la République. Les parcours éducatifs ailleurs inchangées : contribuer à l’éducation à la
concourent à cette transmission, dont les différentes citoyenneté ; préparer le plan de prévention de la
instances de l’ÉPLE doivent s’assurer. Le comité d’édu- violence ; proposer des actions pour aider les parents
cation à la santé et à la citoyenneté (CESC) occupe en difficulté et lutter contre l’exclusion ; définir un
ici une place particulière : les parcours citoyen et de programme d’éducation à la santé et à la sexualité et
santé relèvent explicitement de ses compétences, de prévention des comportements à risques.
et ses différents champs d’intervention le placent
à la confluence de logiques diversifiées qu’il a pour L’intérêt pour les parcours
mission d’articuler. Les actions proposées par le CESC s’inscrivent de
façon naturelle dans les parcours citoyen et de santé
de l’élève. La circulaire de 2016 les envisage d’ailleurs
LES NOUVELLES PRÉROGATIVES DU CESC explicitement comme le cadre pédagogique dans
lequel ces actions doivent prendre place, aux côtés
Un nouveau cadre réglementaire des différents types d’enseignement. Cette inscrip-
La réforme modifie ou précise le rôle de certaines tion dans des parcours distincts ayant des objectifs
instances. Le CESC n’échappe pas à cette règle propres mais concourant in fine aux objectifs pour-
puisqu’une circulaire récente, datée du 10 août suivis par l’école nécessite de se poser la question
2016, annule et remplace celle qui prévalait depuis de la cohérence des actions proposées par le CESC, y
2006 1. Consacrée aux « orientations générales pour compris – et peut-être surtout – si l’on envisage l’édu-
les comités d’éducation à la santé et à la citoyen- cation à la santé comme « une dimension de l’éduca-
neté », elle insiste sur son rôle en matière de défi- tion à la citoyenneté » 3. La cohérence des actions et,
nition et d’impulsion des actions devant permettre par extension, des parcours (citoyen, de santé, mais
à l’école d’atteindre ses objectifs, notamment en aussi du parcours avenir et du parcours d’éducation
matière d’éducation à la santé et aux comportements artistique et culturelle), doit ainsi être une préoccu-
responsables. pation constante du CESC.

Une certaine latitude est laissée au CESC dans ce


nouveau texte, de façon à permettre une souplesse GARANTIR LA COHÉRENCE INTERNE
de fonctionnement : ainsi la composition du CESC DES PARCOURS
est-elle « variable et adaptée en fonction du niveau
d’organisation et des thématiques abordées » 2, ce qui (Re)définir un programme d’actions cohérent
signifie notamment que des partenaires extérieurs Les CESC ont parfois tendance à reconduire leurs
peuvent s’y adjoindre. Instance de réflexion et de actions sans s’interroger sur la persistance des
proposition, le CESC n’en est pas moins une instance besoins qui les ont fait émerger. L’arrivée de la réforme
de pilotage, présidée par le chef d’établissement, dont et de ses nouveautés en matière d’enseignement (EPI
le projet éducatif en matière de santé et de citoyen- notamment) doit être l’occasion de s’interroger sur
neté a vocation à intégrer le projet d’établissement.

1 Circulaire n° 2006-197 du 30/11/2006 relative au comité 3 Stallaerts M., Aubry B., Berger D.,
d’éducation à la santé et à la citoyenneté. « Une dimension de l’éducation à la citoyenneté »
2 
Op. cit. sur le site cahiers-pedagogiques.com

SOMMAIRE
134 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

la concordance entre les actions proposées à tous les au parcours d’éducation artistique et culturelle et au
niveaux et les besoins des élèves. parcours avenir.

Les particularités des élèves, liées au contexte local Assurer la traçabilité des parcours
dans lequel ils évoluent, permettent de définir les Les parcours éducatifs de santé et de citoyenneté sont
besoins qui sont les leurs dans différents domaines. constitués d’une pluralité d’actions elles-mêmes enri-
Établir un diagnostic est un point de départ incon- chies par les apports des disciplines et des différents
tournable pour identifier des actions pertinentes types d’enseignements 4. La conservation de la trace
et cohérentes avec l’état de la population scolaire de ces actions est essentielle pour assurer le suivi de
accueillie. La collation des diagnostics réalisés par les l’élève, identifier les compétences qu’il a acquises et
différentes instances de l’ÉPLE et impulsés par le chef examiner le chemin parcouru.
d’établissement doit permettre de définir des priorités
en matière d’éducation à la santé et à la citoyenneté, Le CESC a vocation à se saisir de cette question de la
et de proposer des actions concrètes. traçabilité des parcours pour différentes raisons. La
première est que son programme d’actions s’étend
Le programme prévisionnel des actions du CESC sur plusieurs années (de la 6e à la 3e, voire du cycle 3
relève de la politique éducative globale de l’ÉPLE et a au cycle 4) et qu’en garder la trace permet de « situer »
vocation à s’intégrer, de façon logique et cohérente, l’élève dans un parcours déterminé collectivement. La
dans les différents axes du projet d’établissement. seconde est que le CESC, en se saisissant de la ques-
Sa validation par le conseil d’administration (CA) tion de l’évaluation du parcours (par essence indivi-
atteste de sa concordance avec les priorités locales duelle), a tout intérêt à se doter d’outils permettant
et les besoins des élèves. Elle atteste également de de conserver non seulement l’historique des actions
la validité du diagnostic effectué et de la cohérence composant le parcours d’un élève, mais aussi les
des actions préconisées avec les dispositifs d’accom- compétences spécifiques que cet élève a acquises sur
pagnement des élèves et les enseignements qui leur la base de l’évaluation menée.
sont proposés.
L’application numérique Folios répond à cette obliga-
S’emparer de la question tion de traçabilité des parcours. Son utilisation peut
de l’évaluation des parcours être proposée au sein du CESC (puis validée par le CA).
La question de l’évaluation concerne toutes les En centralisant les données relatives aux parcours,
instances des ÉPLE. Une division du travail peut Folios permet d’avoir une vision globale du parcours
cependant être utilement opérée compte tenu de d’un élève et de prévenir d’éventuelles incohérences.
son ampleur et de la multiplicité des objets auxquels Il garantit aussi à chaque élève de conserver les traces
elle s’applique. Les habitudes d’évaluation des actions de ses parcours, y compris en cas de changement
éducatives de santé et de citoyenneté peuvent être d’établissement.
réinterrogées à l’aune des parcours qu’elles doivent
désormais alimenter. Ce travail de réflexion, qui peut
utilement être mené en concertation avec le conseil ARTICULER DES LOGIQUES DIVERSIFIÉES
pédagogique et le conseil école-collège, peut être
l’occasion de préciser les objectifs des actions et de Si le CESC est une instance propre à l’ÉPLE, les
définir des critères d’évaluation, en y associant les réflexions et travaux qu’il mène dans le cadre des
élèves (à la fois membres du CESC et acteurs de leur parcours éducatifs dépassent largement son cadre et
propre évaluation). imposent la recherche d’une cohérence à plusieurs
niveaux en croisant les approches des acteurs
L’absence de textes précis relatifs à l’évaluation des multiples intervenant à des moments différents.
parcours et la souplesse de fonctionnement et d’orga- Or, comme le souligne Ludovic Jamet, « le temps du
nisation laissée par le législateur au CESC constituent parcours, s’il veut représenter le temps d’une action
des conditions favorables pour mener ce travail de signifiante permettant un changement, doit mettre
réflexion indispensable sur l’évaluation. Elles peuvent
aussi être l’occasion, pour cette instance souvent peu
valorisée dans les établissements, de se saisir d’une
question fondamentale et d’étendre ses réflexions 4 Auxquels s’ajoutent les expériences extra-scolaires
des élèves.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 135

en dialogue et articuler ces différentes temporalités » 5 Le CESC a ici un devoir de contrôle 8 des valeurs véhi-
afin d’éviter toute discontinuité. culées par les partenaires lors de leurs interventions
auprès des élèves. Il doit s’assurer que les objectifs
Cohérence et continuité éducative des parcours visés par leur intervention – que ce soit en matière
Le parcours de l’élève commence bien avant sa de santé ou de citoyenneté – sont partagés et compris
rencontre avec le CESC. Il prend corps dans le premier et qu’aucune ambiguïté n’existe. Un dialogue doit de
degré, qui le façonne jusqu’à l’arrivée au collège. ce fait être instauré entre le CESC et ses partenaires
Compte tenu des enjeux de continuité qui ont accom- (dont les familles) de façon à ce que les actions envi-
pagné la réforme du collège, le CESC a vocation à sagées s’inscrivent de façon cohérente et logique dans
étendre son champ d’action en direction du premier le parcours de l’élève. Il participe ainsi au « rapproche-
degré, car « c’est dans une continuité éducative que ment des cultures professionnelles et associatives » 9.
doit être engagée une démarche permettant aux
élèves de développer des comportements de respon- Cohérence et continuité territoriale des parcours
sabilité individuelle, collective, morale et civique L’éducation à la santé et à la citoyenneté est une
en faisant appel à la sensibilité, à la conscience et ambition généralement partagée dans un même
à l’engagement de chacun » 6. La refonte des cycles, lieu. Aussi le CESC doit-il avoir connaissance des
le déploiement de l’instance de liaison qu’est le actions proposées sur le territoire dans lequel est
conseil école-collège ou encore le réseau des écoles et situé le collège. Ces actions sont le fait de structures
établissements relevant de l’éducation prioritaire sont variées qui interviennent à des degrés divers dans les
facilitants à cet égard, en ce sens qu’ils permettent domaines de l’éducation et de la santé et qui peuvent,
d’organiser le passage de témoin. Ils rendent légi- s’il existe, être rassemblées dans le cadre d’un projet
times la proposition d’actions interdegrés dans le éducatif territorial qui concerne également les autres
programme du CESC ou la création d’un CESC inter- collèges locaux. Une analyse de l’offre territoriale
degrés rassemblant des acteurs des premier et second existante est un préalable à une possible coordina-
degrés. L’échange entre professionnels intervenant à tion et répartition des interventions auprès des jeunes
des moments divers auprès des élèves permet non et à un échange sur des actions qui ont vocation à
seulement la cohérence des actions éducatives mais alimenter le parcours de l’élève. Elle a pour ambi-
aussi la continuité des parcours citoyen et de santé tion la convergence des initiatives et la valorisation
sur le long terme. des actions extrascolaires dans lesquelles les jeunes
peuvent être engagés.
Cohérence des parcours et logique partenariale
Le CESC est une instance partenariale, qui « tient Le CESC est une instance située à la croisée des
compte des alliances éducatives en associant systé- chemins. Elle doit en effet faire le lien entre les
matiquement à ses travaux les parents et des parte- parcours, avec les autres instances de l’ÉPLE, entre
naires susceptibles de contribuer utilement à la le collège et ses partenaires, entre le collège et les
politique de promotion de la santé et d’éducation à autres établissements de son secteur et s’assurer de
la citoyenneté, dans le rÉSPÉct des compétences et la formation de l’élève tout en le préparant à sa vie
des rôles de chacun » 7. Or, les logiques de ces parte- future de citoyen éclairé et responsable. Ces missions
naires (souvent associatifs) ne sont pas nécessaire- sont rendues plus complexes par la recherche d’une
ment celles de l’Ecole, d’où un risque d’incohérence cohérence qui constitue un enjeu majeur pour la
qui pourrait mettre à mal le parcours de l’élève et réussite des élèves. Les membres qui le composent
introduire des discordances dans les messages portés. doivent avoir pleinement conscience de leur respon-
sabilité en la matière et œuvrer pour que les actions
et préconisations du CESC prennent tout leur sens.

5 Ludovic Jamet, « Le parcours des jeunes à l’épreuve de 8 S’appuyer sur les associations agréées par l’Éducation
l’éclatement des temporalités », Les Cahiers dynamiques, nationale, dont la liste est régulièrement actualisée,
2016/1, n° 67, pp. 58-64. permet de s’assurer de la concordance des objectifs
6 Circulaire n° 2016-114 du 10/08/2016. des ÉPLE avec ceux des partenaires extérieurs.
7 « Le CESC : sa composition, ses missions », 9 Moro M.-R. et Brison J.-L., Mission bien-être et santé
site eduscol.education.fr des jeunes, novembre 2016, p. 41.

SOMMAIRE
LE CONSEIL
DE LA VIE COLLÉGIENNE
OU COMMENT FAVORISER L’ENGAGEMENT
DES ÉLÈVES DANS L A VIE DU COLLÈGE

Le conseil de la vie collégienne (CVC) trouve sa légiti- L’exemple des conseils de la vie lycéenne ?
mité dans la loi de refondation de 2013 qui promeut En l’absence – jusqu’en novembre 2016 – de textes
une « éducation aux comportements responsables » réglementaires spécifiques au CVC, sa mise en place
ainsi que dans le rapport d’Anne-Lise Dufour-Tonini a dans un premier temps souvent été calquée sur
qui préconise « que soit élaboré un cadre national de les textes relatifs aux instances de la vie lycéenne,
vie collégienne » 1. Mentionné dans le cadre du plan qui définissent notamment leur composition et leur
de lutte contre le décrochage scolaire en 2014, il est fonctionnement 4. Les histoires rÉSPÉctives du CVL et
également cité dans celui de la grande mobilisation de du CVC présentent d’ailleurs des similitudes : les CVL
l’école pour les valeurs de la République en 2015. Dans ont fait leur apparition en 1998 à titre expérimental
un premier temps mis en place à titre expérimental avant d’être institutionnalisés en 2000 et leur création
dans certaines académies, les CVC ont été généralisés s’inscrit dans des contextes qui tendent à privilégier
dans tous les collèges à la rentrée 2016, trois mois la parole de l’élève.
avant la parution du décret les instituant officielle-
ment 2. Ils sont l’un des éléments de la réforme, qui La référence au CVL peut toutefois paraître para-
souhaite donner davantage de place aux initiatives doxale, dans la mesure où ces derniers sont régu-
des élèves et envisage les CVC comme « des lieux lièrement taxés d’inactivité et ne permettant pas
d’apprentissage de l’exercice de la démocratie » 3. d’atteindre les objectifs fixés. On peut ici émettre
l’hypothèse que le récent Acte II de la vie lycéenne 5
est un préalable à la circulaire de décembre 2016 6 et
UN CADRE SOUPLE QUI PERMET qu’il a aussi pour vocation de permettre d’envisager
DE S’ADAPTER AU CONTEXTE LOCAL les CVC comme étant à l’image des CVL.

Le CVC est une instance de dialogue et d’échanges Une instance institutionnalisée tardivement
qui peut émettre des avis ou faire des propositions. Si les CVC existent désormais de fait dans de
Sa composition, son fonctionnement ou encore ses nombreux collèges, le cadre légal annoncé 7 pour
compétences ont été définis en décembre 2016, soit encadrer leur création était toujours attendu après
trois mois après la date butoir imposant sa mise en la rentrée 2016. Il en a résulté une grande souplesse
place dans tous les collèges. Il peut en résulter un dans la mise en place des CVC, aussi bien sur le mode
décalage entre les procédures de mise en place et de recrutement de leurs membres, leur qualité que
de fonctionnement des CVC et les préconisations sur leur fonctionnement. Le décret et la circulaire de
réglementaires issues de la circulaire n° 2016-190 du fin 2016, en raison de l’autonomie qu’ils laissent aux
7 décembre 2016. ÉPLE en la matière, n’ont dans la majorité des cas pas
remis en cause les choix initiaux.

4 La circulaire n° 2010-128 du 20/08/2010 a servi de référence


jusqu’en 2016. Elle a été abrogée par la circulaire
n° 2016-140 du 20/09/2016.
5 Circulaire n° 2016-132 du 09/09/2016,
« Pour un acte II de la vie lycéenne ».
1 Dufour-Tonini A.-L., Pour un acte II de la vie lycéenne : 6 Acte I de la vie collégienne ?
vers la démocratie lycéenne, 2013.
7 « Le cadre de ces CVC sera défini cette année [2015] en
2 Décret n° 2016-1631 du 29/11/2016 instituant les conseils lien avec les élus lycéens et les collèges expérimentaux »,
de la vie collégienne. fiche 33, « L’engagement des élèves dans la vie des
3 BOEN du 12/03/2015 (projet de réforme). établissements ».

SOMMAIRE
138 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

L’élection, dans la mesure où elle participe de la projet d’établissement » 10. L’inscription du CVC dans
démocratie, a ainsi été privilégiée dans les CVC, le projet de l’ÉPLE permet de lui donner une légitimité
sachant toutefois qu’elle ne constitue pas une obliga- tout en le présentant comme un objectif à discuter et
tion légale et que ses membres peuvent être désignés, à atteindre.
voire tirés au sort. Quel que soit le mode de recru-
tement choisi, celui-ci doit constituer un moment Au-delà des objectifs généraux présidant à la créa-
essentiel en ce sens qu’il doit aussi être l’occasion de tion du CVC, les priorités peuvent être variables d’un
communiquer sur le CVC et d’expliquer ses objectifs. collège à l’autre, en fonction du contexte local, de la
Ce temps d’explicitation d’une instance nouvelle ne politique éducative menée en matière de responsa-
doit pas être négligé car il constitue une condition bilité et d’engagement des collégiens et des carac-
de la réussite et de la légitimation du CVC. Il doit téristiques et des besoins de ces derniers. L’analyse
par ailleurs permettre aux futurs membres de réflé- des autres instances de l’établissement peut ici être
chir aux actions qu’ils souhaiteront engager en tant utile et permettre de dégager des lignes directrices qui
qu’élus. permettront au CVC de se constituer puis de déter-
miner son mode de fonctionnement. Si les compé-
Les membres du CVC sont recrutés parmi les élèves tences du CVC sont aussi définies réglementairement,
(délégués ou non) et parmi les adultes de l’établisse- les priorités pourront ainsi varier d’un établissement
ment, parmi lesquels figurent, selon les choix locaux, à l’autre.
au moins deux représentants des personnels (dont un
personnel enseignant) et au moins un représentant
des parents d’élèves. Un ou plusieurs membres de UNE INSTANCE POUR FAVORISER
l’équipe vie scolaire (CPE, assistant d’éducation) en L’ENGAGEMENT DES ÉLÈVES
font souvent partie. Le chef d’établissement en est le
président, comme dans toutes les autres instances La création des CVC correspond à une intention
de l’ÉPLE ; il doit notamment veiller à la parité et à la éducative : favoriser l’engagement des jeunes non
représentativité des membres du CVC eu égard aux seulement dans la vie du collège, mais aussi, plus
caractéristiques de la population scolaire. Quant au tard, dans la vie de la cité. L’engagement est ici envi-
fonctionnement, il appartient à chaque CVC de le sagé comme un apprentissage qui requiert la maîtrise
définir 8 et de soumettre ses choix à l’instance déli- de compétences civiques issues à la fois des enseigne-
bérante : « Il appartient au conseil d’administration du ments et de la participation aux instances de l’ÉPLE :
collège de fixer, par une délibération, la composition il se présente ainsi, selon Jean-Pierre Véran, comme
effective, les modalités d’élection ou de désignation un « levier permettant de développer l’accès à des
des membres ainsi que les modalités de fonctionne- domaines variés du socle commun » 11.
ment du conseil » 9.
En renforçant la continuité de l’engagement
Des objectifs à définir L’engagement des élèves est un objectif envisagé
La latitude octroyée par les textes réglementaires en termes de continuité. Il doit en effet s’inscrire
doit permettre à l’établissement et à ses membres dans un parcours qui commence dès l’école pour
de réfléchir à ce qu’ils veulent faire du CVC, ce qui s’achever au lycée. Le collège était jusqu’à présent le
implique dans un premier temps de s’interroger parent pauvre en la matière : les conseils d’enfants
sur la place de l’élève et de sa parole, sur ce qu’elle existent en France depuis le début des années 1990 12,
est et sur ce que l’on souhaite en faire. Il s’agit, en et les Conseils de la Vie Lycéenne depuis la fin de ces
d’autres termes, « de réfléchir sur les bénéfices que mêmes années. La création du CVC vise à combler la
pourrait apporter la mise en place d’un CVC au sein rupture qui existait jusqu’à présent en matière d’en-
du collège et d’en fixer les objectifs dans le cadre du gagement et d’apprentissage de la citoyenneté, les

10 « Guide pratique d’installation d’un conseil de vie


collégienne (CVC) », académie de Nancy-Metz.
8 Expérithèque, la bibliothèque des expérimentations 11 Veran J.-P., « Conseils de vie collégienne : un atout pour le
pédagogiques du site du ministère de l’Éducation nationale nouveau collège ? », voir le blog de l’auteur.
(Eduscol), propose plusieurs fiches présentant des 12 Sur les origines des conseils d’enfants, voir La participation
expériences de création d’un CVC. démocratique à l’école. Le conseil d’enfants – école, de Le Gal J.,
9 Circulaire n° 2016-190 du 07/12/2016. 1998.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 139

collégiens ne disposant pas d’une instance propre, et mieux appréhender la vie en société et les décisions
à instaurer une continuité qui s’inscrit dans le cadre qu’elle impose.
d’un parcours cohérent, le parcours citoyen.
En responsabilisant les élèves
En donnant la parole aux élèves L’ensemble des actions concourant à la création
Le CVC est une instance de dialogue explicitement du CVC, au choix de ses membres et de son fonc-
réservée à la parole de l’élève 13. C’est un espace tionnement, mais aussi à ses modalités concrètes
d’écoute et d’expression au sein duquel les élèves d’existence et d’exercice, visent à responsabiliser les
vont faire l’apprentissage de l’engagement et de élèves. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la création du
l’exercice de la démocratie. C’est en d’autres termes CVC. D’une façon générale, « la réforme du collège va
un lieu de pratique dans lequel ils peuvent expéri- dans le sens d’une implication plus importante des
menter le pouvoir qui leur est donné (s’exprimer) tout élèves dans l’organisation de moments forts au sein
en apprenant les règles qui encadrent nécessairement de l’établissement » 15. Les élèves sont ainsi acteurs
les échanges. L’engagement implique en effet d’être des projets qu’ils défendent, qu’ils portent et qu’ils
capable de communiquer, c’est-à-dire d’échanger et réalisent, ce qui participe de la construction de leur
de débattre sur des sujets variés. Il renvoie à l’agir, qui autonomie.
doit se faire en toute connaissance de cause, de même
qu’à la prise d’initiative et à la prise de décisions. La participation des élèves au CVC contribue, en défi-
Autant de compétences, de savoir-être et de savoir- nitive, à leur formation de citoyen actif et leur permet
faire qui n’existent pas d’emblée et qu’il importe, d’expérimenter, selon une expression de Jean Le Gal,
au fil d’un parcours pensé dans cette optique, de une « citoyenneté participative » 16 qui les prépare non
construire progressivement. L’accompagnement seulement à la vie lycéenne mais aussi à leur vie de
bienveillant des adultes, membres du CVC, est donc futur citoyen. Leur engagement a vocation à être valo-
indispensable pour favoriser cet apprentissage. Leur risé par le biais d’une évaluation inscrite dans le livret
nombre doit cependant être restreint, de façon à scolaire et dans le cadre de leur parcours citoyen.
laisser les élèves s’exprimer.

En participant à la vie du collège UN ENGAGEMENT QUI AMÉLIORE LE CLIMAT


Si la parole des élèves peut s’exprimer facilement en DE L’ÉTABLISSEMENT
dehors des instances, le cadre parfois strict qu’elles
imposent n’est pas toujours facilitant. Aussi est-il L’engagement des élèves dans le CVC peut avoir un
nécessaire, outre l’aspect convivial qu’il est parfois impact important sur la vie de l’établissement, auquel
recommandé de donner au CVC, d’inciter les élèves les élèves se sentent « appartenir ». Le climat en est
à évoquer leur vie quotidienne au collège et à faire directement impacté.
porter les débats sur l’ensemble des questions
touchant à la vie collégienne. Les attributions du Une meilleure connaissance mutuelle
CVC, listées dans la circulaire de 2016, vont d’ailleurs Travailler de concert au sein d’une instance paritaire
dans ce sens. L’amélioration des conditions de vie et (nombre égal d’élèves et d’adultes, voire surreprésen-
de travail au collège est de fait un thème récurrent tation des élèves) change incontestablement le regard
et porteur, dans la mesure où les propositions qui que chacun porte sur l’autre. Les élèves, dans le CVC,
peuvent émerger des débats ont un impact concret, ne sont plus agis dans une instance dans laquelle les
direct et visible de tous, à plus ou moins court terme. adultes ne leur laissent finalement que peu de place
Ce faisant, les collégiens investissent le collège par et de possibilités de s’exprimer. Ils y sont au contraire
des actes 14 et sont confrontés, par l’intermédiaire des considérés comme les acteurs d’une instance qui
projets qu’ils construisent, à un principe de réalité qui n’aurait pas de sens sans eux, puisqu’elle est expli-
relève aussi de leur apprentissage et leur permet de citement consacrée à l’expression de leur parole.
L’exercice du CVC peut à cet égard être difficile de

13 « Le CVC est un lieu d’expression, de réflexion et d’analyse 15 « Guide pratique d’installation d’un conseil
de la parole des collégiens », Livret laïcité, décembre 2016, de vie collégienne (CVC) », op. cit.
p. 10. 16 Le Gal J., Pour une démocratie participative :
14 « Le CVC […] vise la transformation des mots en actes », la participation des enfants et des jeunes, 2012.
ibid. Voir le site icem-pedagogie-freinet.org

SOMMAIRE
140 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

prime abord : pour les élèves, qui doivent accepter et portent sur eux évolue. La visibilité des actions du
comprendre qu’ils vont avoir la parole et la possibi- CVC dans le collège, associée à une communication
lité de s’engager ; pour les adultes, qui doivent quant adaptée, est par ailleurs porteuse d’un message fort
à eux apprendre à laisser les élèves s’exprimer et, à l’ensemble de la communauté scolaire. Ce message
même, favoriser cette expression en se mettant eux- a des répercussions positives sur le climat scolaire de
mêmes en retrait. Les adultes doivent ici accepter l’établissement.
de se mettre au service des élèves, de ne pas tout
savoir, et concevoir qu’ils ont beaucoup à apprendre
des élèves. Cette quasi-inversion des pratiques UNE INSTANCE QUI DOIT
habituelles engendre une relation nouvelle entre TROUVER SA PLACE
les adultes et les élèves et une meilleure connais-
sance mutuelle. Chacun est ainsi à même de mieux Le CVC s’inscrit dans une « démarche de politique
comprendre les problématiques de l’autre et de se éducative majeure » 17. S’il renforce la connaissance
mobiliser pour tenter de les résoudre ensemble. Cela par les élèves des instances et de leurs modalités de
implique également une confiance mutuelle qui ne fonctionnement, il contribue non seulement à la vie
pourra se construire qu’au fil des réunions et des de l’établissement mais aussi aux décisions qu’elle
actions engagées par le CVC. implique, sous réserve toutefois que son existence et
ses activités soient connues.
Un plus grand sentiment d’appartenance
Rassembler dans une même instance et autour d’un Un besoin de visibilité
même objectif des acteurs considérés comme des Il est impératif de faire connaître le CVC pour le faire
partenaires a pour effet de renforcer le sentiment exister et lui permettre d’atteindre son objectif de
d’appartenance à une même structure. Les projets développement de la vie démocratique : « Il n’y a pas
travaillés dans le CVC ont en effet pour objectif de vie démocratique réelle s’il n’y a pas partage de
d’améliorer la vie collégienne. En œuvrant à leur l’information » 18. Échanger sur le fonctionnement
réalisation concrète, les élèves s’impliquent de façon du CVC, sur les avis qu’il émet ou les actions qu’il
directe dans la vie de leur collège ; ils apprennent à mène est une nécessité qui participe du processus
mieux connaître les différents acteurs de leur établis- de légitimation de cette instance. Il s’agit ici de le
sement et à mieux appréhender les contraintes et les faire connaître pour le faire reconnaître. L’appui des
limites des actions qu’ils engagent. Cette commu- adultes est nécessaire pour assurer la communication
nauté d’objets renforce incontestablement le senti- sur le CVC, en lien avec l’éducation aux médias et à
ment d’appartenance, ce qui a également un impact l’information. Aider les élèves à se saisir des outils
sur le climat global. informatiques et des espaces numériques de travail
pour valoriser les actions du CVC relève des compé-
Un climat scolaire apaisé tences des personnels éducatifs et pédagogiques
Les actions engagées par le CVC ont souvent pour (CPE, professeur documentaliste, enseignants). Les
objectif d’améliorer le cadre de vie des élèves. Elles réunions du CVC doivent par ailleurs faire l’objet d’un
accroissent ainsi le sentiment de bien-être de l’en- compte-rendu écrit transmis au CA ainsi que d’un
semble des collégiens, en même temps que celui des bilan annuel.
membres du CVC, dont les initiatives et les projets
sont ainsi valorisés. La mise en place des CVC parti- Une nouvelle instance de gouvernance ?
cipe théoriquement, sous réserve qu’elle ait été À l’instar du CVL qui, réglementairement, doit se
pensée au préalable, d’une amélioration du climat réunir avant chaque séance ordinaire du conseil
scolaire, grâce notamment à l’instauration de meil- d’administration, il est souhaitable que le CVC fasse
leurs rapports élèves-adultes. Travailler ensemble de même, de façon non seulement à connaître les
implique de fait de coopérer et de rÉSPÉcter la parole préoccupations de l’établissement mais également
de l’autre tout en agissant pour atteindre un objectif à formuler un avis ou émettre une proposition les
partagé. Parce qu’ils se sentent écoutés en tant que
personnes (et pas uniquement en tant qu’élèves asso-
ciés à des résultats ou à des compétences) et que leurs
projets trouvent une réalisation concrète, le regard
que les élèves portent sur les adultes est amené à 17 Veran J.-P., op. cit.
changer en même temps que le regard que les adultes 18 Dufour-Tonini A.-L., op. cit., pp. 18-19.

SOMMAIRE
le rôle des instances De l’éple 141

concernant 19. La réunion préalable au CA peut aussi d’éviter les écueils qui ont accompagné la mise en
être l’occasion de décider de la présentation d’un place des CVL. Si ses potentialités sont importantes
projet aux membres de l’instance délibérante. Dans en matière d’engagement des élèves et de démo-
tous les cas, le CVC a pour mission de faire part des cratie, le risque est cependant de décevoir des élèves
avis de ses membres et de la recherche de l’intérêt auxquels est donnée la possibilité de s’exprimer mais
général qu’ils portent. Ce faisant, il peut devenir « un qui ne sont finalement pas entendus.
élément clé de la gouvernance des collèges pour créer
les conditions de la réussite éducative » 20. Charge Si les élèves sont représentés dans la plupart des
aux adultes de créer les conditions de son expres- instances de l’établissement, c’est bien au sein du
sion et d’entendre ses avis et propositions. Là encore, CVC qu’ils disposent de la plus grande latitude pour
le rôle du chef d’établissement, président des deux s’exprimer et être porteurs de projets qui leur sont
instances, est essentiel. propres. Conçu comme le moyen d’expérimenter la
vie démocratique et de développer ses compétences
Une articulation à trouver civiques, le CVC participe de la construction de
avec les autres instances l’élève futur citoyen tout en le préparant à sa future
Les élèves sont représentés dans la plupart des vie lycéenne. La coopération entre les élèves, inhé-
conseils et commissions de l’ÉPLE. Ils disposent rente à leur participation au CVC, est par ailleurs un
par ailleurs d’une instance qui réunit les délégués vecteur essentiel de cohésion et d’amélioration du
de classe : l’Assemblée générale des délégués. Les climat scolaire. Le CVC est en d’autres termes un
compétences de cette instance sont d’ordre consul- moyen privilégié de favoriser le bien-être des élèves,
tatif et se rapprochent effectivement de celles du CVC élément clé de leur réussite scolaire.
dans la mesure où y sont abordées les questions rela-
tives à la vie scolaire et au travail scolaire des élèves.
Le CVC va néanmoins plus loin puisqu’il s’intéresse
à la vie collégienne dans son ensemble et qu’il vise
l’engagement des élèves au-delà de la seule participa-
tion à cette instance. Si les membres de l’Assemblée
Générale et du CVC peuvent être les mêmes (le CVC
peut être une émanation de l’AG des délégués), il peut
être judicieux, en fonction du contexte local et dans
l’objectif d’offrir un véritable parcours citoyen à un
nombre maximal d’élèves, de recruter les membres
du CVC en dehors de ceux de l’AG.

Le CVC doit trouver une articulation avec les autres


instances de l’ÉPLE, ce qui nécessite dans un premier
temps que ses membres les connaissent, d’autant que
certains de leurs objets peuvent être communs. Cela
est notamment le cas du CESC, qui a un rôle à jouer
en matière de citoyenneté et de santé. CESC et CVC ne
sauraient toutefois se confondre : si la mise en place
du CVC peut être conçue comme une action du CESC,
le CVC a vocation à s’autonomiser et à voler de ses
propres ailes.

La relation du CVC et des autres instances de l’ÉPLE


doit idéalement être pensée avant sa création afin

19 Cette disposition est prévue dans la circulaire de 2016 :


« en fonction du projet d’ordre du jour de la séance
d’un conseil d’administration, il peut être envisagé
de réunir en amont le conseil de la vie collégienne ».
20 Veran J.-P., op. cit.

SOMMAIRE
CONCLUSION

Au moment de conclure cet ouvrage, une question vient immédiatement à l’esprit : que
reste-t-il de la réforme du collège alors que le contexte politique ayant présidé à sa mise
en œuvre a changé depuis l’élection présidentielle de mai 2017 ?

Une tentation immédiate serait de répondre qu’elle a vécu, « rayée d’un trait » comme tant
d’autres avant elles 1. Depuis l’été 2017, le débat public s’est focalisé sur le dédoublement
des classes de CP et CE1 en écoles REP et REP+, la réforme du lycée (général et technolo-
gique, puis professionnel) et du baccalauréat, et celle de l’accès à l’enseignement supérieur,
via Parcoursup. Pour le collège, il a surtout été question du dispositif « Devoirs faits » ou,
plus récemment, des stages de réussite pour les futurs élèves de sixième et les élèves de
troisième. La régulation de l’utilisation du téléphone portable est, quant à elle, à nouveau
discutée.

Pour les équipes travaillant en collège, les champs de réflexion et d’action ne manquent
pas et dépassent sans conteste les aléas propres à la scène politique. La progression, sur le
plan intellectuel comme humain, de chaque élève étant au cœur de leurs préoccupations
quotidiennes, il leur revient de décliner les meilleures voies pédagogiques et éducatives
pour y parvenir.

Il s’agit, notamment au sein des instances compétentes (conseil pédagogique, comité d’édu-
cation à la santé et à la citoyenneté…), de donner sens et contenu à la notion de bienveil-
lance, maître mot d’une démarche éducative basée sur une confiance partagée entre élèves
et adultes. C’est un travail de longue haleine, qu’il faut sans cesse remettre sur l’ouvrage
– en particulier auprès d’adolescents.

Ce travail nécessite au préalable une connaissance fine et actualisée des enjeux du système
éducatif. Car comment faire progresser efficacement les élèves si l’on ignore les travaux de
recherche sur des thématiques aussi complexes que celles abordées dans la première partie
de cet ouvrage – qui est bien loin d’épuiser chacune d’elles ?

La formation des personnels est un enjeu majeur – comme en témoigne le nombre de


rapports qui lui sont consacrés 2. Du point de vue de l’établissement scolaire, elle est la
condition sine qua non pour qu’émerge un consensus solide et durable, à partir de valeurs et
cultures professionnelles nécessairement diverses. Et cela vaut quelle que soit l’orientation
de la réforme – celle-là comme toute autre.

Des articulations sont sans cesse à construire et à ajuster pour donner pleinement sens
au parcours de l’élève dans ses différentes dimensions et pour l’accompagner dans sa
construction de futur citoyen doté des compétences nécessaires à son évolution en société.

1 Jarraud F., « L’arrêté qui dit adieu à la réforme du collège… », Le Café pédagogique, 19 juin 2017.
2 Cf. le référé de la Cour des comptes consacré aux ÉSPÉ, mars 2018, disponible sur le site de l’ÉSÉN.

SOMMAIRE
144 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

Penser les articulations et les alliances pour atteindre ces objectifs, c’est entrer dans la
complexité chère à Edgar Marin 3. Cela suppose un collectif organisé, et capable de résister
aux remous quotidiens, toujours susceptibles de faire perdre de vue le cap et d’affaiblir les
liens.

Cela exige également que la confiance s’instaure, aussi bien au niveau local que global 4.
Le rôle des équipes de direction de collège est ici central, sans pour autant être exclusif.

Comme l’écrit A.-F. Ghibert 5, la mise en place d’une démarche collaborative implique l’en-
semble des acteurs locaux qui doivent pouvoir en mesurer les effets sur leurs pratiques
professionnelles comme sur le climat scolaire de leur établissement. Cela est valable au
collège et le sera demain au lycée lorsqu’il s’agira de mettre en place les réformes annoncées.

3 Morin E., La complexité humaine, Flammarion, 1994.


4 « La réussite de l’école exige que tous les acteurs se fassent confiance », Blanquer J.-M., Construisons
ensemble l’École de la confiance, Odile Jacob, 2018, p. 19.
5 Ghibert A.-F., « Le travail collectif enseignant : entre informel et institué », dossier de veille de l’IFÉ, n° 124,
avril 2018.

SOMMAIRE
SOMMAIRE
BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES Chabannon M. J. Gavard, J.-P. Delahaye, A. Muñoz


Abécédaire du chef d’établissement à l’usage (et al.)
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SOMMAIRE
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SOMMAIRE
150 CONDUIRE UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE AU COLLÈGE

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les dossiers de veille de l’IFÉ et les des dernières réformes ? n° 26.
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www.cafepedagogique.net AFAÉ www.onisep.fr
et, en particulier, le dossier : VAN (Association française des acteurs
ZANTEN A., « Les politiques éducatives de l’éducation)
entre le dire et le faire », 2004 www.afae.fr

SOMMAIRE
SUR LA MÊME THÉMATIQUE

Le règlement intérieur en collège Comment aider nos enfants Assistants d’éducation :


et lycée : ressource juridique à réussir ? quelle contribution au projet
et pédagogique L’affaire de tous : la réussite éducatif d’établissement ?
Olivier Castel, Aline Sanchez éducative au cœur de ce forum Christophe Barbier
« Maîtriser » rue des écoles « Maîtriser »
2017 2016 2015
Livre : Réf. W0002239 – 16,90 € En ligne : www.reseau-canope.fr/notice/ Livre : Réf. 380MT001 – 14 €
PDF : Réf. W0002240 – 6,99 € comment-aider-nos-enfants-a-reussir-laffaire-
ePub : Réf. W0002769 – 6,99 € de-tous.html

Innover dans l’école par le design Le chef d’établissement Les temps des apprentissages.
Ouvrage collectif pédagogue Quelles continuités éducatives ?
« Maîtriser » Jean-Yves Langanay Diversité, n° 183
2017 « Maîtriser » « Maîtriser »
PDF : Réf. 690N0007 – 7,90 € 2016 1er trimestre 2016
Livre : Réf. 690B3428 – 14,90 € Revue : Réf. 755A4448 – 15 €

SOMMAIRE
MAÎTRISER
Pour étayer
vos connaissances

Comment conduire une politique éducative au collège ? Cet


ouvrage aborde la mise en œuvre de la réforme du point de
vue de l’équipe de direction, des enseignants et des élèves,
sans omettre le rôle central des instances ni l’implication
des parents d’élèves. Il vise à accompagner les équipes
pédagogiques confrontées aux défis actuels de l’éducation,
en leur donnant des pistes de réflexion et d’action possibles.
Les auteures apportent ici un éclairage précis sur le contexte
de refondation du système éducatif et montrent en quoi la
réforme constitue l’occasion de se saisir localement de sujets
pédagogiques et éducatifs majeurs et d’interroger les pratiques
des équipes.
Elles s’efforcent aussi de penser les modalités d’un travail
collaboratif effectif, au service de la progression scolaire,
personnelle et sociale de tous les élèves, placés au cœur du
système, dans le cadre d’une politique éducative partagée.

D’abord conseillère principale d’éducation, Mikaëla Cordonnier


devient principale adjointe en 2012 dans l’académie de Rouen ;
elle est aussi formatrice académique dans le champ de la
politique éducative.
Catherine Fauche est personnel de direction depuis 2018
après avoir été conseillère principale d’éducation. Elle est
actuellement vice-présidente de l’Association nationale des
conseillers principaux d’éducation (ANCPE).

Cet ouvrage existe en version imprimée.

ISSN 2416-6448
ISBN 978-2-240-04865-3
Réf. W0012587
M A Î T R I S E R
MAÎTRISER

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