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Cned

 –  Université  Lyon  2  –  Université  de  Rouen

Licence  de  sciences  de  l’éducation  


Crocé-Spinelli Hélène - ISPEF, Université Lumière, Lyon2.
Rispail Marielle. Université de Saint Étienne, Jean Monnet.
Anière Karine. IUFM de Rouen.

Cours  didactique  du  Français  


 
 
 
 
 
Directeur  de  publication  :  Serge  Bergamelli  

________________________________________________________________________________________________  

Les  cours  du  Cned  sont  strictement  réservés  à  l’usage  privé  de  leurs  destinataires  et  ne  sont  pas  destinés  à  une  
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de  périodiques  protégés  contenues  dans  cet  ouvrage  sont  effectuées  par  le  Cned  avec  l’autorisation  du  Centre  français  
d’exploitation  du  droit  de  copie  (20,  rue  des  Grands  Augustins,  75006  Paris).  
 
INTRODUCTION

CHAPITRE 1 – DIMENSION HISTORIQUE

1.1. Pédagogie ou/et didactique ?


1.2. Les dénominations
1.3. Quelques repères historiques
1.3.1. La méthode naturelle
1.3.2. Une pédagogie du projet
1.3.3. Innovation/rénovation
1.3.4. Noter, évaluer
1.3.5. L’apport de Vygotski
1.4. Des questions contemporaines
1.4.1. Des recherches sur l'apprenant, des recherches sur l'enseignant
1.4.2. Rapprochement du français avec d’autres disciplines
1.4.3. L’ère des TIC

CHAPITRE 2. LA CONSTITUTION DE LA DIDACTIQUE COMME CHAMP

2.1. Les disciplines contributoires


2.2. Langue et communication
2.2.1. Le modèle de Jakobson
2.2.2. Le modèle de Palo Alto
2.2.3. Communication et enseignement/apprentissage du français
2.3. Quelques concepts de la didactique
2.3.1. Le triangle didactique et sa complexification
2.3.2. Les caractéristiques du contrat didactique
2.3.3. Les situations didactiques
2.3.4. La transposition didactique en débat
2.3.5. Pratiques sociales de référence
2.3.6. Le rapport à ; les postures ; le malentendu didactique
2.4. Quelques points forts actuels
2.4.1. Le travail en projet
2.4.2. Apprentissage, évaluation et compétences
2.4.3. Les différents types de discours
2.4.4. Normes et variations
2.4.5. Curriculum
CHAPITRE 3 - MONDE DE L'ECRIT, MONDE DE L'ORAL

3.1. Le monde de l'écrit


3.2. Monde de l’oral
3.3. Ecrit/oral, les interactions
3.3.1. Les particularités de l’oral
3.3.2. Les distinctions oral/écrit
3.3.3. Oral et écrit en interaction
3.4. Place de la langue dans la classe de français
3.5. La notion de littéracie
3.6. L’oral et l’écrit pour penser et apprendre
3.6.1. Parler et écrire pour penser
3.6.2. L'oral et l'écrit réflexifs
3.7. La place de la littérature
CHAPITRE 4. DIDACTIQUE DES FRANÇAIS :
DES SITUATIONS ET DES PUBLICS SPECIFIQUES

4.1. Le jeune enfant


4.1.1. Le développement cognitif
4.1.2. L’entrée dans le langage
4.2. Les publics non francophones
4.3. Le français au secondaire
4.3.1. L'étude de la langue, expressions écrite et orale
4.3.2. La culture humaniste
4.4. Le français pour les adultes : à l'université, dans le monde du travail
4.5. Apprendre hors de l'école

CHAPITRE 5. DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET SOCIETE

5.1. Pratiques langagières


5.2. Le poids des interactions
5.3. Didactique et pratiques sociales
5.4. Le français en contact avec d’autres langues
5.5. Institution, programmes, évaluations nationales dans le contexte
français
5.6. Des outils pour la classe

CONCLUSION

ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
INTRODUCTION
Bonjour et bienvenue dans ce cours de didactique du français 1. Nous espérons faire
avec vous un chemin agréable, parsemé de découvertes, d’étonnements, bref de
questions plus que de réponses. Nous espérons surtout vous donner envie d’aller
plus loin, d’enseigner et de vous renseigner, sur le français, son enseignement et
sa rencontre quotidienne avec d’autres langues.
Peut-être enseignez-vous déjà ? ou avez-vous envie d’enseigner, ou êtes-vous sur
le point d’entrer dans la « carrière » - dans le sens de « voie » ou « chemin » ?
Vous avez choisi de faire une pause et de réfléchir avant de vous lancer. Car quelle
est la différence entre enseignement et didactique ? On peut dire, quitte à
caricaturer un peu, que la didactique est une réflexion sur l’enseignement. Cela
veut dire que l’un ne va pas sans l’autre et que ces deux expériences se
nourrissent l’une de l’autre ; la didactique prend sa source dans le désir d’améliorer
et de faire évoluer les pratiques d’enseignement ; quant à ces dernières, elles
évoluent grâce aux analyses et aux propositions de la didactique. Loin de nous
l’idée que l’enseignant-e ne réfléchirait pas ! Mais il est vrai que, pris-e dans le feu
de l’action et de la classe, on n’a pas toujours le temps de se pauser, de
s’interroger, de choisir, d’inventer. Disons, toujours pour simplifier, qu’un-e
didacticien-ne est quelqu’un qui double son expérience d’enseignement d’un temps
de réflexion sur cet enseignement ; cette réflexion, qu’on pourrait appeler une
activité « méta » (nous reviendrons sur cette notion), lui permet de dégager des
questionnements, des savoir-faire, un regard critique, des pistes nouvelles, qui ont
la particularité de dépasser son expérience personnelle et de pouvoir être utiles à
d’autres. Ce transfert du particulier au général ou au moins au collectif, permet à la
didactique d’être considérée, au-delà d’une discipline, comme un domaine
scientifique et de recherche à part entière.
Dans la mesure où ce domaine s’intéresse à l’éducation et à l’école, on peut dire
qu’il fait partie des sciences de l’éducation ; dans la mesure où, pour le cours qui
nous concerne, il vise l’enseignement d’une langue, le français, on peut dire qu’il
fait partie des Sciences du langage ; dans la mesure où, socialement,
l’enseignement du français a été très marqué, que ce soit en tant que langue
maternelle ou en tant que langue étrangère, par ses usages littéraires, on peut dire
aussi que ce domaine fait partie de la littérature. Vous avez déjà deviné que, pour
être plus exact, on définira la didactique du français comme un champ à
l’intersection d’au moins trois domaines scientifiques : la littérature, les sciences de
l’éducation et les sciences du langage. C’est la raison pour laquelle c’est une équipe
plurielle qui a construit ce cours, chacune d’entre nous étant spécialiste d’un aspect
ci-dessus de la didactique. Toutefois nous partageons toutes trois l’expérience de la
formation d’enseignant-e-s, en IUFM et à l’Université. Bon voyage en notre
compagnie !
De quoi est née la didactique ? On peut dire qu’elle est venue de la constatation,
peu glorifiante pour des enseignants, de l’échec scolaire – les esprits chagrins
diront : d’un échec scolaire grandissant – et de l’envie de le dépasser en
s’interrogeant sur ses causes. En effet, pendant des siècles, d’un enfant ou d’une
personne qui ne réussissait pas à apprendre, on a dit : « il / elle est paresseux /
se, il / elle ne travaille pas assez, il / elle n’est pas douée-e pour les maths, pour

1 Nous savons que le français est une langue en partage dans plusieurs pays, déclarés francophones ou pas. On
nous pardonnera, sans nous y limiter, de prendre souvent nos exemples dans le contexte français, que nous
connaissons mieux que les autres.

1
les langues, pour la musique, etc. ». Bref, c’était toujours de la faute de l’élève !
Pourtant, quelques penseurs et philosophes avaient commencé à instiller le doute
dans les esprits : Montaigne écrivait déjà dans ses Essais qu’il fallait se mettre
(descendre ?) à la hauteur de l’élève pour enseigner, Rousseau un peu plus tard
rêvait de professeurs qui comprendraient les élèves et les écouteraient : on
annonçait ainsi que les « ratés » de l’apprentissage pourraient ne pas venir des
seuls élèves.
Au XXè siècle, avec la généralisation de l’école, le désir de scolariser tout le monde,
le passage de la réussite sociale par la réussite scolaire, on a commencé à se
rendre compte que, loin de donner ses chances à toutes et tous, l’école fabriquait
aussi des « exclus sociaux ». Au point que le phénomène, lié au développement
des sciences humaines, la psychologie et la sociologie entre autres, a posé de
nouvelles questions au grand jour : et si le maitre2, le professeur, l’enseignant,
avait aussi sa part de responsabilité dans l’échec scolaire ? et s’il existait plusieurs
façons d’enseigner ? et si on devait aussi prendre en compte l’élève comme
individu et pas seulement comme « page blanche » à remplir ? et si les études
n’étaient pas faites pour créer une élite ? et si tout le monde pouvait réussir ? La
réflexion didactique est née de cette pensée généreuse et optimiste et c’est sur ce
chemin, pas toujours confortable, que nous avons le désir de vous entrainer.
Vous trouverez dans notre texte de nombreuses références à des penseurs issus de
plusieurs disciplines qui, de nos jours ou bien avant le 3è millénaire, ont essayé de
se poser des questions et de leur trouver des réponses pour que l’école devienne
pour toutes et tous un endroit non seulement des apprentissages partagés, mais
aussi du désir de savoirs et de la socialisation en devenir. Comme vous le
constatez, on ne peut séparer quelque enseignement que ce soit (ici du français)
de son contexte social et des options qui l’accompagnent. Cela signifie que le cours
que nous vous présentons ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’objectivité : nous
pensons que ces préoccupations sont des leurres, car tout discours est situé
socialement et idéologiquement, qu’il vienne d’universitaires, d’enseignants, de
formateurs ou de toute personne socialement engagée. Nous allons donc vous
présenter brièvement les options qui ont présidé à la conception de ce cours de
didactique du français. Ce faisant, vous comprendrez le plan que nous avons
adopté.
Nous posons d’abord que toute position pour penser la société (et l’école est partie
prenante de la société) est le fruit d’une histoire. Rien ne nait ex nihilo, et ce que
nous vivons a été préparé par ce que d’autres ont vécu avant nous. Cela explique
l’importance de la dimension historique dans les pages qui viennent : impossible
de parler d’évaluation, d’enseignement, d’élèves, de classe, d’activités, de
grammaire, etc. sans se souvenir de ce qu’on en a dit et écrit dans les années, les
décennies qui précèdent – voire davantage.
Une deuxième option est celle de l’exigence terminologique. Il nous a paru
essentiel de définir les mots 3 que nous employons souvent couramment, mais sans
les avoir questionnés, avant d’avancer dans les chapitres. Que veut dire être
élève ? enseigner ? langue maternelle ? par exemple. Mettons-nous les mêmes
sens sous ces mots a priori si familiers ? Ce souci de rigueur est aussi pour nous
une qualité d’enseignant, qui doit avoir des répercussions dans la classe : faire
partager la charge sémantique des notions utilisées en commun est sans doute le
2 Ne vous étonnez pas de ne pas trouver d’accent circonflexe sur ce mot : nous avons pris le parti, comme nous
le demandent les instructions officielles françaises, d’adopter les NNO (nouvelles normes d’orthographe)
préconisées par le JO du 6 décembre 1990. Nous en reparlerons dans notre chapitre sur l’orthographe.
3 Autant que faire se peut, nous mettrons en gras les définitions dans nos chapitres.

2
premier respect que nous devons à l’élève et à la classe, pour en faire des
interlocuteurs à part entière. Vous trouverez donc de nombreuses définitions dans
nos pages, y compris des définitions contradictoires, si les divers auteurs sollicités
ne sont pas du même avis.
Notre troisième option est un choix qu’on peut appeler scientifique. Nous
essaierons de vous démontrer que, fondamentalement, il n’est peut-être pas
justifié d’effectuer des séparations pourtant largement admises : par exemple
français langue maternelle / français langue étrangère, ou dans la classe / hors de
la classe, écrit / oral, familier / soutenu, premier degré / second degré, etc. et nous
remettrons en question ces frontières, car elles sont souvent sources de
difficultés pour les élèves et de blocages entre professeurs et élèves. De plus, les
relativiser nous permettra de constater que la didactique, comme tout domaine de
recherche et d’exercice, est soumise à variations et qu’aucune vérité n’existe en la
matière : ainsi, les choix officiels dans d’autres pays ou zones francophones que la
France diffèrent d’un endroit à l’autre. Ce qui est valable en Suisse ne l’est pas en
Belgique, les programmes du Québec ne sont pas ceux de France, etc. Il est
intéressant d’envisager l’enseignement d’une langue comme dépendante du
contexte institutionnel dans lequel il s’inscrit, et d’en connaître l’évolution, pour
mettre en valeur le fait que tout le monde cherche à mieux faire et que les
innovations pédagogiques sont des bricolages, des essais par lesquels on avance
peu à peu et à tâtons. Il va de soi, en outre, que les avancées technologiques
ont une place importante dans ces évolutions et qu’elles jouent un rôle pas
toujours prévu dans les démarches scolaires : nous leur consacrerons un chapitre.
Ces incertitudes et questionnements croisés ne sont pas la preuve que notre
discipline est indécise, mais plutôt que nous mesurons nos réussites à l’aune de
l’humain et que la complexité du domaine humain nous enjoint d’être modestes
dans nos conclusions et résultats, si nous voulons être honnêtes. Vous aurez
compris que le travail didactique répond à des exigences éthiques.
Nous avons donc structuré le cours qui suit en 5 sections de la façon suivante :
- la première est historique et replace la didactique du français actuelle dans
une continuité qui va de ce qu’on appelait la « pédagogie » jusqu’à
l’introduction des nouvelles technologies dans la classe ;
- la deuxième s’intéresse à la naissance du champ didactique, à l’intersection
d’autres domaines de recherche, jusqu’à définir ce qui fait sa spécificité ;
- on arrive ainsi, en 3è section, à envisager les mondes de l’écrit et de l’oral,
dans leur particularité et leur intersection, dont découle la façon de les
aborder dans la classe ;
- la 4è section aborde la pluralité de la didactique, on devrait sans doute dire
« des » didactiques, vu la multiplicité des pratiques envisagées, suivant
qu’on enseigne en France, hors de France, à des enfants, à des adultes, etc.
- enfin la 5è section élargit la réflexion aux relations entre école, langues et
société pour montrer à la fois comment les pratiques d’enseignement des
langues s’inscrivent dans des pratiques sociales et comment les interactions
entre ces deux domaines d’action les enrichissent mutuellement.
Au cours de notre cheminement, nous aborderons les points principaux auxquels
sont confronté-e-s élèves et enseignant-e-s dans une classe, tout en ouvrant
quelques perspectives d’avenir. Nous illustrerons nos propos d’exemples et
d’activités d’entrainement, éventuellement accompagnées de pistes de correction.

3
CHAPITRE 1 – DIMENSION HISTORIQUE
D’où viennent les questions que nous nous posons ? D’où viennent les pratiques
actuelles de nos classes ? Quels principes ont présidé à l’enseignement des langues
avant notre époque ? Quels grands penseurs en ont guidé l’évolution ? Sans
tomber dans l’érudition, nous allons vous donner quelques points de repère
indispensables pour vous guider dans les chapitres qui suivent. Une définition de
départ vous mènera des premières interrogations pédagogiques vers la révolution
informatique actuelle.

1.1. Pédagogie ou/et didactique ?


Ces deux concepts apparus au XVIème siècle ont une étymologie grecque.
« Pédagogie », dérivant de « paidagogia », lui-même composé de « paidos »
(enfant) et de « agein » (conduire) renvoie à l’idée métaphorique d’« accompagner
l’élève sur le chemin du savoir », le « pédagogue » étant, dans l’Antiquité, l’esclave
qui mène l’enfant sur son lieu d’étude. « Didactique », dérivant de « didaktikos »,
adjectif construit sur le verbe « didaskein » (enseigner) désigne à l’origine le genre
rhétorique destiné à instruire, en fait, les procédés du discours persuasif.
Progressivement les deux termes réfèrent à l’ensemble des techniques
d’enseignement, mais le second s'est trouvé pendant longtemps peu employé.
Au début des années 1970, la distinction réapparait, mais sans modélisation
précise avant les travaux de Conne (1981), Brousseau (1883), Vergnaud (1983)
qui s’interrogent sur les « connaissances préalables » des élèves en
mathématiques avant l’apprentissage. Ils reprennent le terme de « didactique »
pour évoquer les rapports qui se jouent entre le savoir codifié attaché à une
discipline particulière, l’apprenant qui y est confronté et l’enseignant qui
doit organiser la relation. La « pédagogie » concerne davantage les conditions
matérielles mises en place par l’enseignant, les méthodes d’enseignement et la
gestion des interactions maître/élèves dans la transdisciplinarité.
Selon Halté (1992), les travaux des didacticiens portent dans les années 90 sur :
- les objets d’enseignement : comment transposer un « savoir savant » en « savoir
à enseigner » ? (Chevallard, Johsua, 1991) (dominante dite « épistémologique »)
- les conditions d’appropriation du savoir : comment les élèves assimilent-ils les
notions ? (dominante dite « psychologique »)
- l’intervention didactique : quelles démarches adopter pour surmonter les
obstacles dans cette assimilation ? (dominante dite « praxéologique »)
Didactique et pédagogie semblent donc complémentaires dans la formation des
enseignants.

1.2. Les dénominations


Avant de parler de didactique du français, il faut définir les mots que nous allons
employer au cours de ces pages. Car si nous nous sommes à peu près entendus
sur le mot « didactique », il n’en va pas de même pour « français », même si la
question vous étonne. De quel français parlons-nous ? ou plutôt : y a-t-il un ou
plusieurs français ? Les auteurs de manuels, suivant en cela quelques
dénominations officielles, ont voulu depuis quelques décennies séparer « français
langue maternelle », qui serait le français des locuteurs « de France », ou de

4
« pays francophones », et le « français langue étrangère », qui désignerait le
français de celles et ceux qui parlent à la maison une autre langue que le français.
À ces deux catégories, s’est ajouté de façon quasi officielle avec le livre de Jean-
Pierre Cuq (cf. bibliographie), le « français langue seconde », expression destinée à
désigner le français d’un pays où cette langue est employée couramment, entendue
dans la rue et lue dans une partie de la presse, mais où elle n’est pas la langue
familiale des enfants : autrement dit, les pays où le français, pour faire vite, a été
la langue du colonisateur et a laissé des traces dans la vie sociale (certaines zones
d’Afrique, de l’Océan indien, de l’Asie aussi, etc.).
Même commodes, ces catégories sont pourtant trompeuses. Suffit-il en effet
de vivre et d’enseigner en France pour penser qu’on enseigne du « français langue
maternelle » (FLM) ? Si on regarde les prénoms de nos élèves, leurs patronymes,
on se rend vite compte que les écoles, collèges, lycées, sont le lieu des mélanges,
des rencontres : les élèves d’origine italienne, maghrébine, d’Europe de l’Est,
d’Afrique centrale, des îles des Océans pacifique et indien, se mêlent aux fils de
réfugiés espagnols, de travailleurs polonais ou turcs, ou d’Arméniens ayant fui les
massacres dans leur pays. Il y a ainsi de fortes chances pour que le français qu’on
leur enseigne en classe ne soit pas une langue « maternelle » (au sens propre :
parlée par la mère), mais une langue découverte au mieux dans la rue et ensuite à
l’école. On peut ajouter tous ceux qui parlent une langue régionale (basque,
breton, catalan, francique, …), tous ceux dont les parents parlent des langues
différentes et communiquent dans une troisième langue avec leurs enfants, ceux
qui parlent une langue « du voyage », etc. Qui reste-t-il qui a vraiment appris le
français et rien que le français dans sa famille ? Évidemment, toutes ces données
risquent de changer la façon d’enseigner ou les contenus proposés aux élèves. Et
on voit que les notions de langue « étrangère, maternelle, seconde » sont
en fait sujettes à caution. Vous-mêmes qui nous lisez, vous avez sûrement
aussi, dans vos familles, entendu et pratiqué, peut-être, divers types de langues,
officielles ou pas, et peut-être que pour vous non plus le français n’est pas la
langue première.
De toute façon, et pour éviter ces confusions qui ont de lourdes conséquences
didactiques (peut-on enseigner de la même façon le français au monolingue qui ne
parle que français dans sa famille, et au bilingue dont les parents se parlent en
vénitien et en italien, par exemple ?), une terminologie autre a été proposée, entre
autres par nos collègues suisses : ne pouvant pas toujours savoir ce qui se parle
dans les familles, ils se contentent de nommer les langues que l’enfant apprend à
l’école, et l’ordre dans lequel il les apprend, sans se risquer à dire si ces langues
sont maternelles, étrangères, ou autres. On parle alors de langue première (= la
première langue introduite à l’école), langue seconde (= la seconde langue
introduite à l’école), etc. D’autres disent aussi, L1, L2, L3. Et c’est cet ordre
d’introduction dans le domaine des apprentissages scolaires qui va guider les
méthodes employées et les contenus des savoirs – tout en garantissant une
certaine garantie aux élèves.
Sauf cas contraire justifié dans notre cours, nous parlerons donc du français L1,
c’est-à-dire langue avec laquelle les élèves sont en contact quand ils
entrent à l’école – que ce soit en France ou ailleurs. Cela n’exclut pas qu’on
tienne compte des langues d’origine des élèves, mais cela suppose surtout qu’on
ne suppose pas cette langue « pré-connue » avant l’entrée à l’école, ne serait-ce
que de façon orale, comme on le fait pour les langues dites maternelles – ce qui
handicape fortement ceux qui n’ont pas ces pré-savoirs.

5
Nous en arrivons à affirmer ici une option forte de notre cours, à savoir qu’en
disant L1, L2 ou L3, on désigne une langue, toute langue possible, et pas
seulement le français. Celui-ci n’a pas besoin en soi d’une didactique spécifique,
mais d’une didactique valable pour toute langue qui serait, comme le
français dans notre cas, appris comme première langue scolaire par des
élèves. La didactique d’une L1 est donc valable pour l’italien, le hollandais ou le
berbère ! C’est ainsi qu’on peut parler, de notre point de vue, d’une discipline qui
s’appellerait « didactique des langues » et non pas « didactique du français », et se
diversifie suivant les diverses situations des langues en question dans l’école. On
peut à présent entamer notre voyage ensemble, en commençant par les grands
noms qui ont donné une impulsion nouvelle à l’école au début du XXè siècle.

1.3. Quelques repères historiques

1.3.1. La méthode naturelle


Célestin Freinet (1896-1966), instituteur militant, fut à l’origine d’un vaste
mouvement de rénovation de l’enseignement dont les fondements perdurent
encore aujourd’hui. Dès 1920, il étudie tous les mouvements d’éducation nouvelle
qui se développent dans la pédagogie internationale et expérimente avec ses
élèves ce qui deviendra « La Méthode naturelle ».
Si c’est l’apprentissage de la lecture qui est particulièrement rénové, la
« pédagogie Freinet » vise également tout un ensemble d’acquisitions essentielles
du point de vue relationnel et culturel. Ici l’adjectif « naturel » renvoie à l’idée :
- de développement biologique sans heurt (éviter les carences affectives à l’origine
de blocages dans les méthodes négligeant les besoins individuels, respecter
l’identité personnelle et la diversité) ;
- de processus de socialisation inhérente à l’humain (prendre en compte le besoin
de s’exprimer librement et d’entrer en communication avec autrui, développer la
structure du langage à travers la relation de travail coopératif) ;
- d’acquisitions de connaissances selon son style propre (installer des stratégies
personnelles d’appropriation des savoirs, développer une attitude de recherche
fondée sur la curiosité naturelle).
Des méthodes « globales » de lecture apparues dès la fin du XVIIIè siècle, Freinet
retient le processus psychologique de « vision globale » décrit par le genevois
Claparède qui, en 1916, démontre que pour l’enfant « le mot ou même la phrase
forment un dessin dont la physionomie générale le captive bien davantage que le
dessin de lettres isolées qu’il ne distingue pas dans l’ensemble »4. Mais Freinet
reproche aux méthodes globales d’oublier « les conditions mêmes de la vie »,
d’inventer des situations permettant l’utilisation de mots ou phrases types, de ne
pas partir de l’expérience individuelle ou collective de l’élève. « Quand on écrit au
tableau et imprime : « Avec une pile et une ampoule, Mimile nous fait de la
lumière », les mots sont intégrés naturellement, sans passe-passe scolastique,
dans une pensée et un événement vécus ».5
Le travail centré sur le message écrit conduit à deux types d’activités

4 Claparède, E. (1916). Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale. Genève : Kundig.


5 Freinet C. (1968). La Méthode naturelle : apprentissage de la langue, Collection « Réalités pédagogiques et
psychologiques ». Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.

6
complémentaires : la lecture (découverte/compréhension du message) et
l’écriture (production/émission du message). Elles sont ici indissociables et si elles
s’attachent d’abord au sens, le code 6 va prendre une importance croissante.
Au départ, il y a le texte libre, retranscription de la parole d’un enfant comme par
exemple :
« Aujourd’hui
on va à la piscine
tous ensemble.
On va bien rigoler. »
Cette petite phrase écrite par l’enseignant sous la dictée d’un élève sera lue par
groupes de souffle qui correspondent aux lignes d’écriture, on suivra avec le doigt
les mots prononcés. Des indices spatiaux, graphiques (et donc déjà
orthographiques) seront pris, mis en correspondance avec ce qu’on connait déjà et
un réajustement permanent du savoir à travers le débat collectif se produit.
Aujourd’hui, des étiquettes correspondant aux lignes sont tapées sur le clavier de
l’ordinateur. Les élèves les remettent dans l’ordre et s’en imprègnent. Par la suite
les lignes seront coupées en mots. Auparavant, elles étaient imprimées par les
élèves eux-mêmes en coopération, à partir des lettres d’une casse qu’il s’agissait
de ranger une à une dans un composteur en s’aidant d’un miroir puisque ces
dernières devaient être rangées dans un sens négatif, l’impression finale, après
encrage, renversant l’ordre.
Peu à peu, l’accumulation de textes travaillés collectivement permet la recherche
d’indices pour écrire ses propres productions. La méthode de travail est
rigoureuse : comparaison de mots lettre par lettre, comparaison de segments de
mots, regroupement de segments connus pour former de nouveaux mots,
vérification des hypothèses par la recherche dans des outils de références qui se
construisent au fur et à mesure : textes de base affichés, répertoires de mots
usuels, dictionnaires personnels, etc. L’objectif est de rendre l’élève capable
d’appliquer de façon autonome des démarches logiques de questionnement de
l’écrit.

1.3.2. Une pédagogie du projet


Motivé par une situation de vraie communication, à la recherche du sens de ce
qui est écrit ou de ce qu’il a à écrire, l’élève est placé au cœur d’une démarche de
résolution de problème, et donc en situation de projet effectif. Ressentant
personnellement l’enjeu du lire-écrire, il développe ses propres processus
d’apprentissage de façon dynamique.
En 1924, Freinet organise la première correspondance interscolaire entre ses
élèves de Provence et ceux d’une classe de Bretagne. En 1926, il introduit pour la
première fois l’imprimerie à l’école qui va être l’outil de base utilisé par les élèves
eux-mêmes pour la diffusion des textes libres, de la correspondance avec
l’extérieur et du journal de l’école.
Aujourd’hui, les classes de CP/CE1 qui travaillent en méthode naturelle de lecture-
écriture ont abandonné le lourd appareillage de l’ancienne imprimerie, mais la

6 Par commodité, on appelle « code » l’ensemble des conventions partagées, écrites et orales, qui font que la
langue nous permet de communiquer. C’est ce code qui demande à être enseigné (l’orthographe, l’intonation
orale, le choix du vocabulaire, l’ordre des mots dans la phrase, etc.) : il rend celui / celle qui le maitrise
capable de transmettre du sens (par exemple l’expérience de la douleur) à un interlocuteur ou un lecteur (« j’ai
mal », « ouïe, ouïe », « si tu savais comme le souffre », etc). On dit qu’on « encode » le sens que celui qui
reçoit le message le « décode » pour le comprendre.

7
correspondance reste à la base de l’apprentissage et de la motivation. Certains
écrits documentaires ou littéraires ont été introduits qui se sont révélés nécessaires
à la réalisation de divers projets à partager avec les correspondants : écritures de
recettes, explications pour fabriquer des objets, affiches pour annoncer un
spectacle à l’école, création d’un journal de classe ou d’un magazine, d’albums
réalisés suite à des visites, de textes poétiques, de contes, etc.

1.3.3. Innovation/rénovation
Au début de la IIIè République en France, le besoin s’est fait sentir de fonder un
Musée pédagogique qui s’est ensuite accompagné d’une bibliothèque, d’une
cinémathèque, d’un service de publications de l’Éducation nationale. Ces
établissements réunis en 1955 sous le nom de Centre national de
documentation pédagogique (CNDP), deviennent en 1956 l’Institut
pédagogique national (IPN). À nouveau scindé en deux en 1970, c’est en 1976
que sont officialisés d’une part le CNDP, offrant les ressources documentaires, et
d’autre part l’INRP, Institut national de recherches pédagogiques, regroupant
des chercheurs institutionnellement proches du terrain (enseignants de primaires
surtout, conseillers pédagogiques) auxquels se joindront des chercheurs
universitaires qui vont augmenter ces ressources et influencer les décisions
ministérielles.
Ces innovations correspondent à un besoin nouveau. En effet, au début des années
1970, le monde de l’Éducation connait une période de crise du savoir scolaire : les
« savoirs savants » en linguistique se sont considérablement développés et l’écart
devient trop grand entre les notions enseignées et les nouvelles recherches, et ce
notamment dans le domaine de la langue. Mais il n’y a pas encore de réelle
tentative de modélisation de l’enseignement, le terme de « didactique » n’est pas
encore apparu.7 On parle alors de « linguistique appliquée » qui se préoccupe
des « méthodologies d’enseignement » et cherche à répondre à la question
« Comment enseigner ? » (Galisson, 1977)8
C’est dans le domaine linguistique que ces innovations ont eu le plus de
retentissement.
Á l’instigation d’un groupe de chercheurs, en 1970, parait « Le Plan de Rénovation
du français à l’école élémentaire » (dit Plan « Rouchette »). Dans le souci de
préparer l’enfant à la vie sociale, culturelle et professionnelle, la priorité est donnée
à la pratique de la communication, cette dernière étant comprise comme la
faculté de comprendre et de se faire comprendre dans des situations
particulières où les formes langagières sont amenées à varier. Les principes
du Plan de rénovation reposent ainsi sur les apports des sciences du langage et de
l’éducation. Celles-ci perçoivent la communication comme une interaction entre des
sujets, comme la mise en œuvre d’une dynamique susceptible de modifier le
comportement du destinataire dans son contexte social. Le Plan de rénovation
insiste donc sur l'importance de diversifier les pratiques et usages sociaux de la
langue française9 en relation avec des supports culturels sociaux 10. Par ailleurs,
l’interaction se doit d’être permanente entre les divers apprentissages (oral et écrit,
lecture et écriture, arts et littérature...) et entre les démarches d’enseignement. On

7 Apparition du terme en 1981 dans le titre d’une brochure de l’INRP.


8 Galisson, R. (1977). Étude de linguistique appliquée, n° 27.
9 Par exemple les expressions régionales ou francophones, les différents registres de langue, apports de langues
étrangères, le langage scientifique, technique ou professionnel sont intégrés à l’enseignement.
10 Par exemple, les albums, affiches, articles de presse, B.D., télévision…

8
conseille par exemple de prendre en compte les découvertes des élèves en
situation de recherche grâce à l'accompagnement de l’enseignant, de prendre en
compte les différences langagières entre les enfants comme facteur
d’enrichissement, comme une occasion de s'approprier les codes sociaux et leurs
variations.
Ce plan est très vite attaqué parce qu’il s’oppose, d’une part à la transmission de la
norme du « bon usage » de la langue que l’on imitait alors des « bons auteurs »
dans les « morceaux choisis » de leurs œuvres, et d’autre part à la parole
« spontanée » des enfants. Mais c’est à partir de ce travail expérimental et après
quelques modifications terminologiques que paraissent les Instructions officielles de
1972. Hélène Romian11 expliquera plus tard que la démarche proposée repose sur
un système d’interactions pédagogiques au « principe double : « libération » de la
parole / « structuration » de la langue », précisant que « « cette libération »
suppose en classe des situations de communication « fonctionnelles », où
écouter autrui, prendre la parole, lire ou écrire ont une signification, une raison
d’être nécessaires à la réalisation de projets collectifs, individuels (et entrent en
interaction). Elles sont fonctionnelles aussi en ce que la parole orale ou écrite y a
une « fonction » explicite : débattre d’une décision à prendre, présenter un poème
qu’on aime, prendre des notes…. « fonctionnelles » enfin parce qu’elles répondent
à des fonctions du langage différentes (et interactives)… ». La « libération » du
langage consiste à s'entrainer à communiquer à l'oral et à l'écrit. « La situation de
départ déterminera la forme linguistique usitée aussi naturellement que dans la
vie : on ne parle pas à un commerçant comme on parle à ses amis, ses parents, à
ses enfants, au public d’une conférence…on ne raconte pas, on ne parle pas non
plus au téléphone comme à table… »12. À l’oral, des jeux de rôle inspirés du
quotidien seront donc proposés : « chez le médecin », « à la boulangerie », « au
volant, dans la circulation »… À l’écrit, les découvertes des différents textes
proposés par l’enseignant en lecture (lettres, comptes rendus, poésies, coupures
de presse, récits…), apprendre à catégoriser les usages sociaux, les fonctions des
écrits et de s'initier aux premières rédactions. En fait, il convient que les élèves
prennent conscience non seulement des différentes « fonctions du langage »
(Jakobson, cf.2.2.), mais aussi des lois qui structurent la langue dans ses diverses
pratiques sociales. Celle-ci devient alors objet d’observation et de réflexion.
La « structuration » du langage, quant à elle, se fait par apprentissages progressifs
selon une approche interactive et métacognitive de la langue (cf.3.6.2). En
maternelle, on peut utiliser les échanges dans la classe pour mettre en place des
exercices structuraux. Par exemple, en GS, l’enseignante vise l’apprentissage de
l’emploi de la construction « C’est celui de…/ C’est celle de… ». Elle propose deux
exemples : « Je montre un objet et je vous demande : « Est-ce que c’est le cahier
de Julie? » Vous répondez : «Oui, c’est celui de Julie. » / « Est-ce que c’est la
feuille de Martin? » Vous répondez : « Oui, c’est celle de Martin. ». Après quelques
essais avec les élèves, il s’agira de réfléchir tous ensemble sur l’emploi de « celui »
et de « celle ». On proposera aussi des reconstitutions de textes à l’écrit, c’est la
grammaire textuelle qui est ici visée : comment l’information progresse d’une
phrase à une autre grâce à l’emploi des déterminants, des pronoms, des substituts
nominaux (« Une petite fille » devient dans la phrase suivante « celle-ci » puis
« cette étourdie », etc.), des ponctuations, des connecteurs (« Tout d’abord…
ensuite…finalement »). Un texte, par exemple, sera découpé sous formes

11 Romian, H. (dir), (1985). Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire. Fascicule n°
3 « Et l’oral alors ? ». INRP : Nathan, pp. 4-5.
12 Plan de Rénovation ou Plan Rouchette

9
d’étiquettes correspondant à une phrase ou quelques phrases. Il faudra s’appuyer
sur des indices morphologiques, syntaxiques ou lexicaux pour reconstituer la
structure initiale du texte. Une analyse intuitive et implicite se produira d’abord
puis celle-ci deviendra explicite et permettra d’avancer dans l’analyse de la langue.
Par exemple ici, une étude des emplois des déterminants pourra s’effectuer :
Découpage d’un extrait de Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny (2007) à
remettre dans l’ordre.
1 « Et dans l’étang, il y a des têtards ».
2 « Dans mon quartier, il y a un square »
3 « Les têtards, ce sont des petites bêtes »
4 « où nous allons jouer souvent ».
5 « Dans ce square, il y a un étang ».
6 « qui grandissent et qui deviennent des grenouilles ».
(correction : 2, 4, 5, 1, 3, 6)
C’est dans cette mouvance rénovatrice qu’Emile Genouvrier et Claudine Gruwez
vont proposer dès 1972, les fruits de leurs travaux. Ils expliquent 13
métaphoriquement que s’ils proposent des « gammes », exercices contraignants au
niveau de la grammaire de phrase, ils sont conscients que c’est pour mieux
maitriser « la mélodie » qui ne se construit au niveau de la grammaire de texte
qu’après avoir travaillé des automatismes et pris conscience des mécanismes de
fonctionnement pour produire en toute « liberté ».
Ils s’opposent à la leçon de grammaire traditionnelle qui repose sur la
mémorisation de résumés, listes et définitions accumulés sans véritables liens et
dont le seul objectif est de répondre aux « questions de dictée ». Ils critiquent
également la dispersion entre les critères d’analyse qui s’appuient parfois sur « la
forme » des groupes (avec ou sans préposition : COD, COI), parfois sur « le sens »
(compléments circonstanciels de manière, de moyen…), parfois encore sur « la
logique » (sujet/objet). Ils se proposent alors deux objectifs : « la maîtrise d’une
pratique » et « la maîtrise d’un code »14
Pour remplir le premier objectif, des exercices structuraux sont proposés pour
asseoir des automatismes linguistiques par imprégnation implicite. Ces derniers,
une fois maitrisés empiriquement, permettront d’aborder l’exploration et la
réflexion sur le fonctionnement du système qui conduiront à une description de la
langue (essentiellement sur des critères formels à partir de trois procédures :
permutation, commutation, transformation). La découverte personnelle des lois qui
régissent les structures linguistiques permet progressivement la réalisation du
deuxième objectif : « la maitrise du code ».

1.3.4. Noter, évaluer


Un des chantiers de l'INRP dirigé par Hélène Romian a été celui sur l'évaluation des
écrits à l'école primaire. Si vous écoutez des enfants jouer « à la maitresse » (tiens
donc ! et pourquoi jamais « au maitre » ?), il ne se passera guère de minutes sans
que celui / celle qui joue l’enseignant-e ne distribue avec emphase « bonnes » et
« mauvaises » notes à ses ouailles. Preuve que l’acte de « noter » est

13 Genouvrier E. & Gruwez C. (1973). Français et exercices structuraux au CM1. Structures de la langue
française. Paris : Larousse, p. 20.
14 Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de l’INRP, entre autre Évaluer les écrits à l’école
primaire, sous la direction d’Hélène Romian (cf. notre bibliographie finale).

10
À débattre : Entendu dans une conférence sur l’évaluation : « Il n’y a pas de
mauvais élèves, il n’y a que de mauvais professeurs » … Qu’en pensez-vous ?

1.3.5. L’apport de Vygotski


La pensée de Vygostki, même de façon vulgarisée, a eu du mal à se faire
connaitre, autant dans son propre pays (la Russie) que dans le monde, sous forme
de traduction. Sa pensée est pourtant fondamentale et, au début du XXe siècle,
elle était résolument novatrice. C’est en fonction de ses répercussions sur les
apprentissages que nous vous en parlons dans ce cours. En effet, Vygostki, outre
d’autres apports de première importance dans la connaissance psycho-cognitive, a
insisté dans son ouvrage Pensée et langage sur l’importance des interactions
dans la construction des savoirs. On voudrait ici insister sur deux aspects de
ses travaux :
- il est d’abord parmi les premiers à avoir démontré que l’enfant (et plus tard,
on le verra l’adulte aussi) n’apprend pas comme un seau vide qu’il suffirait
de remplir, mais grâce à des échanges divers où il est actif et partie
prenante. Autrement dit, c’est en exerçant son esprit critique, en posant des
questions, en découvrant lui-même de nouveaux faits, domaines ou notions,
qu’il apprend et intériorise les savoirs. Il ne peut donc le faire qu’en
discutant avec d’autres personnes, en se « frottant » à leurs avis, leurs
expériences, leurs interrogations aussi ;
- de plus, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas le dialogue
avec le maitre ou l’adulte qui est le plus fécond. Vygotski a découvert que les
échanges avec ses « pairs », c’est-à-dire avec des personnes du même
niveau (d’âge ou de savoir) sont aussi importants que ceux avec celui / celle
« qui sait ». C’est en confrontant ses opinions et hypothèses avec celles de
ses semblables que l’enfant (ou l’adulte) apprenant va construire ses savoirs.
Les conséquences pour la didactique (des langues ou autres) sont de taille. Nous
en soulignerons trois principales :
- les travaux de Vygotski mettent en valeur, si besoin était, l’importance
fondamentale de l’oral et des échanges oraux dans la classe. Non pas
seulement pour développer le langage oral (ce peut en être une conséquence
secondaire) mais pour construire des savoirs durables et enracinés. En effet,
c’est par la verbalisation, par la parole échangée et confrontée, qu’on donne
peu à peu forme à ce qu’on découvre. Et on retient et comprend mieux ce
qu’on a découvert ensemble que ce qui a été apporté de l’extérieur (par la
voix magistrale entre autres) ;
- il s’ensuit que l’organisation de la classe, d’une séance ou d’une séquence,
doit intégrer cette dimension interactive et délaisser peu à peu le monologue
magistral. C’est autour des échanges et débats, entre élèves, et entre
maitre et élèves, que les activités les plus fécondes vont se mettre en
place ;
- cela remet fondamentalement en question le rôle de l’enseignant dans la
classe, qui ne sera plus là pour apporter un savoir qu’il serait seul à
posséder, mais pour lancer, organiser, faire durer , synthétiser les dialogues
qui mettront au jour les savoirs ou savoir-faire visés.

12
profondément lié à l’idée que nous nous faisons de l’enseignant. Qu’est-ce que
noter ? c’est mettre une note (un nombre, une lettre, un symbole, un logo …) sur
un travail. En soi, cela n’a aucune valeur et le même travail obtiendra des notes
différentes selon la personne qui note, la situation de notation, l’âge et le niveau de
l’élève, ce qu’il est censé savoir ou ne pas savoir, les objectifs de l’enseignant, etc.
Par exemple, le fait d’écrire une lettre en classe peut être noté différemment selon
qu’on attend de l’élève qu’il connaisse les codes épistolaires, ou qu’il sache
raconter ou expliquer, ou faire une demande, écrire dans une langue standard …,
selon que l’élève est francophone d’origine ou pas, débutant ou avancé, selon qu’il
est enfant ou adulte, etc. Une note objective n’existe donc pas, il n’y a que des
notations situées et relatives. Cela entraine deux conséquences.
La première est qu’on note selon des critères, c’est-à-dire des façons de voir,
qui peuvent varier d’un enseignant à l’autre, suivant la période de l’année à
laquelle on est, etc. Il est indispensable d’expliciter ces critères auprès des élèves,
quel que soit leur âge, avant et après une tâche : « dans ce devoir, je vais noter
telle ou telle chose, et je vais laisser de côté telle ou telle autre ». Ces critères sont
souvent, avant le travail noté, des « objectifs d’apprentissage » sur lesquels on
aura travaillé avant de vérifier par une tâche notée s’ils ont été atteints. Par
exemple, on étudie et on s’exerce à former des noms au pluriel, puis une tâche de
vérification des acquis des marques du pluriel est proposée aux élèves et notée 15.
La deuxième est que ces critères peuvent être mis en valeur comme des
avancées du travail en classe, mais pas obligatoirement par des notes. On
peut très bien donner du poids, de la « valeur » à un savoir fraichement acquis, ou
en cours d’acquisition, sans pour autant « noter » le travail qui le vérifie : c’est
d’ailleurs ce qu’on fait dans les petites classes en disant « c’est bien », ou « c’est
très bien », ou « tu vas y arriver », à un élève. Il n’a pas besoin de « note » pour
savoir ce que « vaut » ce qu’il vient de faire. On a donc petit à petit remplacé, en
didactique, la notion de « noter » par celle d’ « évaluer », plus large et surtout plus
souple. Évaluer veut dire qu’on pèse la valeur de quelque chose : cela peut être ce
que sait l’enfant avant de commencer une nouvelle leçon, ce qu’il a acquis en cours
d’une séquence, ce qu’il sait en fin de séquence, ce qu’il en a retenu en fin
d’année, etc. Cela peut être aussi un travail collectif, le résultat final d’un projet,
etc. Et on peut évaluer à différents moments, par des mots seulement, des actes
(confier un objet, une tâche, une responsabilité), des échanges : par exemple les
réponses à un débat « cette sortie était-elle réussie ou pas ? pourquoi ? qu’avez-
vous appris ? » peuvent constituer une évaluation fine et intéressante pour tous.
Qui peut évaluer ? tout le monde ! et pas seulement l’enseignant-e … Si on
expose au grand jour les critères d’évaluation, les élèves eux-mêmes peuvent
s’auto-évaluer, ou évaluer en groupe la production de chacun (co-évaluation) ; on
peut même construire avec eux leurs propres critères (« alors, dites-moi, comment
va-t-on voir qu’un exposé est réussi ? donnez-moi vos idées, je les marque au
tableau ») et en faire une « grille d’évaluation » que chacun-e connaitra et
respectera au mieux.
Conçue ainsi, l’évaluation peut devenir un moment-clé de la vie en classe, où on
apprend à juger son propre travail et à vivre ensemble.

15 Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de l’INRP, entre autre Evaluer les écrits à l’école
primaire, sous la direction d’Hélène Romian (cf. notre bibliographie finale).

11
Une pédagogie tout à fait nouvelle découle des principes ci-dessus : on peut dire
qu’il y a un avant et un après Vygotski16 !

1.4. Des questions contemporaines

1.4.1. Des recherches sur l'apprenant, des recherches sur l'enseignant


Depuis la naissance de la didactique du français dans le milieu des années 70
portée par le projet de démocratisation de l'accès à la lecture, à l'écriture, les
objets des didacticiens du français ont évolué.
Un premier temps a été consacré à comprendre les pratiques effectives
d'enseignement du français dans les classes.
Le milieu des années 1980 a marqué un second tournant en lien avec les avancées
des recherches en didactique des mathématiques, mais aussi avec le
développement, entre autres, de travaux de la sociologie, de la psychologie
cognitive, du constructivisme, des modèles de l'évaluation. La didactique du
français s'est alors centrée sur l'apprenant, sur ses mécanismes
d'apprentissage, sur l'analyse des erreurs des élèves, sur les obstacles aux
apprentissages. On peut prendre pour exemple les travaux d'Emilia Ferreiro (1986)
sur les représentations que se font les enfants de la langue écrite, sur les «
conceptualisations » qu'ils se font de l'écrit. Les didacticiens ont alors montré que
des obstacles aux apprentissages pouvaient provenir des différences entre les
pratiques langagières sociales et scolaires. Dans ce même temps, les travaux du
Groupe Écouen en 1985 ont porté sur les processus de planification et de révision
de textes.
Depuis les années 2000, un troisième temps toujours centré sur l'apprenant
s'intéresse à ses dimensions non seulement cognitives, mais aussi affectives, dans
l'apprentissage, à son « rapport à » la lecture, à l'écriture, à ses processus
réflexifs. On peut citer les travaux de Barré-De Miniac (2000) sur « le rapport à
l'écriture » ou encore ceux de Bucheton et Chabanne (2002) sur la réflexivité des
pratiques langagières.
À cette époque, en lien d'une part avec la professionnalisation des enseignants
devenue centrale face aux modifications du contexte socioprofessionnel et d'autre
part avec la diffusion des thèses socio-constructivistes, un courant de la didactique
du français s'intéresse au rôle des activités langagières dans la transmission et la
construction de savoirs. La didactique s'intéresse par conséquent au rôle du
maitre en situation d'interactions avec ses élèves et aux effets de ses macro et
micro17 façons de faire et de dire sur la construction des apprentissages, ce que les
didacticiens nommeront « gestes professionnels » (Jorro, 2002 ; Bucheton,
2009). L'emploi de ce concept - étym. lat. gestum, action ou mouvement du corps
pour faire ou signifier quelque chose - montre que ces chercheurs étudient l'activité
réelle des acteurs à travers l'analyse des actions signifiantes. Cet emploi s'oppose à
16 Sur le plan cognitif, ce dernier fonde ses affirmations sur l’existence de ce qu’il appelle la « ZPD » (zone
proximale de développement, traduction approximative), notion sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir
plus loin.

17 Mettre « micro » ou « macro » devant un objet d’étude signifie qu’on s’intéresse à ses aspects généraux,
structurels (macro) ou au contraire à ses aspects de détail, voire microscopiques (micro). Par exemple,
regarder la classe de façon macro signifie qu’on va regarder l’ambiance collective d’une classe, son rythme, sa
progression générale ; le faire de façon micro veut dire qu’on va observer tel ou tel élève en particulier, ou telle
réaction dans une activité, etc.

13
la conception rationnelle, décontextualisée et désincarnée de l'approche par
compétences (cf. cahier des charges de la formation des maîtres de 2007). Les
compétences professionnelles présentent, à la différence des gestes
professionnels, des savoirs, des savoir-faire, savoir-être professionnels génériques,
décontextualisés, transversaux, non ancrés dans des situations didactiques
précises. Les didacticiens dénoncent cette approche comme peu opératoire pour
permettre aux enseignants de s’ajuster dans l'interaction aux processus
d'apprentissage des élèves.

1.4.2. Rapprochement du français avec d’autres disciplines


À l'école, le français est aujourd'hui appréhendé à la fois comme discipline
autonome consacrée à l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, de l'oral, du
fonctionnement de la langue et comme discipline transversale, du fait qu'il est le
vecteur de transmission et d'acquisition des apprentissages scolaires dans les
différentes disciplines. En effet, pour apprendre dans les différentes disciplines il
est nécessaire de parler, lire, écrire. Chaque domaine disciplinaire doit travailler des
apprentissages en français, par exemple, le travail sur la compréhension en lecture,
ou l'apprentissage du lexique. Les enseignants doivent identifier les différents
usages de la langue spécifiques aux disciplines, les genres de discours privilégiés
par les disciplines, comme la démonstration en sciences, l'interprétation en lecture
littéraire, la description en géographie et identifier également les savoirs langagiers
à faire acquérir dans chaque discipline. Par ailleurs, outre les finalités
communicatives du français vecteur d'apprentissage, on sait, depuis la diffusion
des travaux de Vygotski, que le langage ne sert pas à coder une pensée
préconstruite mais qu'il est un outil au service de la pensée. Ainsi, le langage pour
penser et apprendre (Chabanne & Bucheton 2002 ; Bautier & Rayou, 2009) est à
travailler comme objet d'enseignement dans les différents domaines disciplinaires.
Il revient aux enseignants de proposer aux élèves des tâches complexes qui
nécessitent non seulement de communiquer mais aussi de se questionner, de
s'interroger, d'exprimer ses représentations, de discuter, de reformuler, de
synthétiser, autrement dit d'utiliser des formes langagières réflexives au service du
travail de la pensée et de ne pas focaliser l'attention seulement sur des productions
langagières terminales. Le chapitre de ce cours intitulé « L'oral et l'écrit pour
penser et apprendre » vous permettra de creuser cette dimension des pratiques
langagières réflexives.
Pour conclure, la discipline français n'est pas à considérer comme une discipline
close sur elle-même, mais comme une discipline outil et objet des autres
apprentissages disciplinaires du fait de la dimension transdisciplinaire du langage.
Cette spécificité de la discipline français conduit les enseignants à devoir penser,
dans leur enseignement, au sein de chaque discipline, en intégrant les spécificités
disciplinaires, un travail de la langue comme outil de communication, mais
aussi comme objet d'analyse, et comme moyen d'apprendre et de penser
ceci en permettant la circulation entre ces différents usages de la langue. Cela
suppose un travail de programmation de l'enseignement qui intègre ces trois
aspects avec une définition claire des objectifs poursuivis et pour l'enseignement
dans le secondaire une concertation entre professeurs de français et professeurs
d'autres disciplines.

14
Exercice :
La situation présentée ci-dessous ainsi que le texte produit par un élève de 3ème
sont extraits d'un compte rendu d'une activité interdisciplinaire : la narration de
recherche, conduite conjointement par deux professeurs de français et de
mathématiques avec des élèves de collège18.
Pouvez-vous analyser le ou le(s) statut(s) du français dans ce texte d'un
d'élève de 3ème, produit dans un travail en mathématiques?
L'enseignant demande aux élèves de résoudre des problèmes et d'expliquer par
écrit ce qu'ils ont compris. Les élèves sont répartis en groupes de 3 ou 4 ; les
groupes doivent résoudre ces problèmes et rédiger collectivement toutes les
phases de réflexion qui accompagnent leur recherche. Ensuite chaque membre
doit produire individuellement un texte dans lequel il revient sur l'ensemble de
l'activité : ce texte est nommé narration de recherche. En voici un exemple :

Vous trouverez comment répondre à cet exercice dans ce chapitre ainsi que dans
le chapitre futur 3.6.2. « L'oral et l'écrit réflexifs ». Pour des compléments
d'information vous pouvez consulter le compte rendu de cette expérience sur le
site que vous trouverez référencé en note de bas de page.

1.4.3. L’ère des TIC


Le développement considérable de l'ère du numérique concerne également l'école.
Depuis 2008, en France, les élèves, pour obtenir le Brevet des Collèges, doivent
obtenir le brevet informatique et internet (B2i). On assiste progressivement à un
développement des TIC (technologies d’information et de communication) comme
outil d'enseignement. La didactique du français est particulièrement concernée
par le développement des TIC, du fait que les médias numériques transforment les
pratiques d’écriture, de lecture, de recherches, de communication « en multipliant
et en complexifiant les usages » (Barré-De Miniac, 2003). La question qui se pose
aux enseignants et aux didacticiens du français est la suivante : dans quelle
mesure les TIC peuvent-elles favoriser les apprentissages en lecture et d'écriture ?

18 Vous trouverez le récit de cette expérience rédigée par Paulin, R. à l'adresse suivante :
http://www.math.jussieu.fr/~leidwang/wwwIREM/Deslapins.pdf

15
À partir de la mise en relief des spécificités du numérique, des recherches portent,
entre autres, sur l'efficacité didactique de ces médias pour favoriser le passage à
l'écriture d'élèves résistants, pour développer les conduites d'écriture et de
réécriture des textes, de révision des textes. D'autres portent sur l'intérêt des
correcteurs orthographiques et de leur utilisation sur le développement des
compétences orthographiques. D'autres encore s'intéressent aux postures de
lecture que la recherche sur internet développe, ou enquêtent sur l'utilisation de
logiciels d'aide à la compréhension de textes. D'autres explorent la voie
collaborative pour étudier, dans des échanges entre classes, l'intérêt du passage
par la communication écrite dans une communication à distance sur les
apprentissages.
Ouvrons la réflexion au bouleversement sociétal produit par les nouvelles
technologies. Comme le dit Serres (2012), avec Face book, le GPS, Google Earth,
Wikipédia (...) la planète, l’humanité, la culture sont à la portée de chacun, partout
et immédiatement. Le savoir n'a, aujourd'hui, plus le même statut et les facultés
sociales, cognitives, affectives se trouvent modifiées par l'utilisation des TIC. Nous
savons que l'invention de l'écriture, puis celle de l'imprimerie ont modifié les façons
de penser. Aujourd'hui nous vivons, avec l'évolution des TIC, une nouvelle ère de
mutation des façons de penser, un changement de paradigme.

16
CHAPITRE 2. LA CONSTITUTION DE LA DIDACTIQUE COMME CHAMP

Cette partie interroge la spécificité de la didactique du français dans ses relations


avec les autres didactiques disciplinaires. Compte tenu du fait que la didactique
suppose d'envisager l'acte d'enseigner en fonction de l'objet à enseigner, la
didactique du français pose la question de la spécificité de la discipline « français ».
À la différence des autres disciplines scolaires, le français est à la fois objet et
moyen pour l'enseignement/apprentissage de toutes les autres disciplines, mais
aussi une pratique culturelle extérieure à l'école. Il est l'objet de multiples
considérations idéologiques, culturelles, le lieu de tensions au plan politique :
prenons pour exemple des débats sur la norme à enseigner. L'enseignement du
français ne peut se restreindre à l'applicationnisme linguistique, il ne relève pas
d'une science, mais de savoir-faire et de pratiques sociales et culturelles et
s'appuie sur des référents théoriques hétérogènes. Comme dit dans notre
introduction, la didactique du français emprunte aux domaines de l’éducation, aux
domaines du langage ainsi qu'aux études littéraires. Dans cette partie est par
ailleurs interrogée la possibilité de transfert, à la didactique du français, des
concepts élaborés par d'autres didactiques disciplinaires plus anciennement
constituées.

2.1. Les disciplines contributoires


Si les Sciences de l’Éducation ont pour préoccupation première d’améliorer la
connaissance des phénomènes qui influencent l’action éducative et notamment de
comprendre les causes de l’échec scolaire par une réflexion sur la transmission-
acquisition des savoirs et savoir-faire, celles-ci ont dû se tourner vers des sciences
dont l’objectif premier n’est pas les apprentissages scolaires.
Ainsi dès 1922, E. Durkheim 19 considère que la pédagogie doit prendre appui sur la
sociologie en tant que science des institutions sociales, pour déterminer ce que
devraient être les institutions pédagogiques, elles-mêmes microcosmes sociaux.
Dans les années 1970, ce sont les Sciences du Langage, en tant qu’étude des
conditions de production de la langue qui ont fait émerger l’idée que « l’interaction
conversationnelle » était la matrice fondamentale de l’usage du langage et que son
rôle est primordial dans le processus éducatif, quelle que soit la discipline. A cette
époque, les théories de la sociolinguistique, comme celles de B. Bernstein20 ou
W. Labov21 ont permis de comprendre la diversité des usages de la langue qui
engendrent peut-être l’échec scolaire. Plus récemment, c’est la mise en évidence
du rôle cognitif de l’oral et de l’écrit qui a fait progresser les didactiques (Cf.3.6.).
En 1969, J. Piaget22, répondant en quelque sorte à Durkheim, considère que « la
pédagogie expérimentale » ne peut progresser sans l’apport de la psychologie.
On s’intéressera alors à l’approche cognitiviste, apparue dès les années 1950,
qui considère qu’il est possible de modéliser les processus mentaux de traitement
de l’information mis en œuvre par les sujets à l’intérieur de leur cerveau « boîte
noire » considérée comme insondable par le paradigme behavioriste qui s’attachait
à observer uniquement les stimuli d’entrée et les réponses de sortie.

19 Durkheim, E. (1922/1989). Sociologie et Education. Paris : PUF.


20 Bernstein, B.(1975). Langage et classes sociales. Paris : Ed.de Minuit.
21 Labov, W. (1976) . Sociolinguistique. Paris : Ed. de Minuit.
22 Piaget, J. (1969). Psychologie et pédagogie. Paris : Denoël-Gonthier.

17
Ces divers domaines théoriques se complétant, ils concourent à l’extension du
champ des sciences de l’éducation.

2.2. Langue et communication


Si le langage est considéré comme la faculté universelle et immuable propre
à tous les hommes de communiquer entre eux au moyen de systèmes de signes
(oraux, écrits, comportementaux, culturels…), la langue est un de ces systèmes
de signes particuliers élaborés arbitrairement par une communauté historique et
géographique qui la parle et éventuellement l’écrit aussi. C’est un système évolutif
en constante mutation.
Le mot « communication » vient du verbe latin « communicare », il apparait en
français au XIIIè siècle avec le sens du verbe latin dont il est originaire : « avoir
part à », « participer », « être en relation avec ». À partir du XVIè siècle, l’idée
première de relation entre personnes est déplacée métonymiquement sur l’objet
qui relie ces personnes. Le verbe devient transitif direct (suivi d’un complément
d’objet direct) et prend alors le sens de « transmettre » : « communiquer une nou-
velle ». Néanmoins, les théories de la communication en tant que possibilité
d’échange d’informations n’apparaissent qu’au milieu du XXè siècle avec le déve-
loppement des moyens de transmission de l’information à distance et notamment
avec l’invention du télégraphe. À cette époque, de nombreux théoriciens, essentiel-
lement aux États-Unis, proposent une conceptualisation de « la communication ».
Voici les deux modèles les plus connus qui se complètent mutuellement et que
nous présentons même s'ils ont été fortement controversés.

2.2.1. Le modèle de Jakobson


Le linguiste biélorusse Roman Jakobson23, installé à l’université de Harvard en
1949, élargit ses recherches sur la phonétique et la structure du langage à
l’ensemble des sciences de la communication. Il propose dès 1963 24 une analyse du
contenu de la communication qui repose sur 6 facteurs correspondant chacun à
une fonction du langage.

RÉFÉRENT
fonction référentielle

Émetteur MESSAGE RÉCEPTEUR


fonction expressive fonction poétique fonction conative
(émotive) (incitative)
CANAL
fonction phatique (relationnelle)

CODE
fonction métalinguistique

Schéma de la communication de Jakobson

23 Auquel on a reproché entre autres choses son côté « statique ».


24 Jakobson, R. (1963). Essais de linguistique générale. Paris : Editions du Seuil.

18
Pour Jakobson, dans tout acte de communication, un émetteur (destinateur)
envoie un message à un récepteur (destinataire). Le message, dont le contenu
sémantique attaché à un contexte social est appelé référent, se transmet par un
canal physique et psychologique qui établit le contact entre l’émetteur et le
récepteur, tous deux comprenant le même code (la même langue).
En outre, dans tout acte de communication, 6 fonctions du langage s’exercent
simultanément, mais avec une fonction dominante selon les messages.
La fonction expressive permet à l’émetteur d’insister sur ses émotions, son
ressenti, ses volontés (Ah ! j’ai mal !). La fonction conative incite le récepteur à
agir et réagir dans le sens impulsé par l’émetteur. (Ferme la porte !) La fonction
phatique permet de provoquer et de maintenir le contact. (Tu m’entends ?) La
fonction métalinguistique permet de s’exprimer sur le code lui-même pour
vérifier notamment qu’on l’utilise de façon identique. (« Bleu » est un adjectif.) La
fonction référentielle est orientée vers le contenu du message et sa
compréhension dans la situation de communication. (Qu’est-ce ?) La fonction
poétique est attachée à la forme du message, pas seulement poétique, mais
signifiante par elle-même. (Viens ! par opposition à Pourrais-tu venir ?).

2.2.2. Le modèle de Palo Alto


Ce nouveau modèle est né, dans les années 50, dans une petite ville proche de San
Francisco qui lui donna son nom. Un de ses principaux fondateurs est G. Bateson.
Les travaux de ce groupe dénoncent la « vision télégraphique » du modèle
précédent, d'une communication comme simple transmission d'un message qui suit
le sens d'une « flèche » d’un émetteur vers un récepteur. Avec le concept de
« feedback » ou de « rétroaction » ce modèle dépasse cette conception linéaire et
s'intéresse à l’action en retour. Ainsi ce modèle appréhende les phénomènes de
communication humaine en mettant l'accent sur l'interaction, sur ce qui se joue
entre les partenaires engagés dans une situation de communication. Les
comportements de chacun des communicants sont envisagés comme des réponses
aux comportements de l’autre et le comportement de chacun dépend en grande
partie de celui de(s) (l')autre(s). Par exemple quand un maître dit en fronçant les
sourcils : « Il y a trop de bruit dans cette classe ! », il s'agit de sa part d'une
réponse en retour aux comportements de ses élèves. Ce modèle prend en compte
non seulement le langage verbal, mais montre que différents modes de
comportements tels que des gestes, des choix vestimentaires, des attitudes, des
usages de l'espace, du contexte interviennent dans toute situation de
communication.

2.2.3. Communication et enseignement/apprentissage du français


Alors que les textes officiels de 1972 (Plan de rénovation) insistent sur la nécessité
de faire s’exprimer les élèves dans « de véritables situations de
communication », une impulsion est donnée à l’enseignement de l’oral devenu
l’égal de l’écrit. Cela provoque une réflexion didactique intense dans les années
1980 avec notamment la prise en compte des théories de la communication et des
recherches linguistiques comme celles de J. Austin et de J.R. Searl. Pour ces
derniers, les énoncés ne servent pas uniquement à décrire le monde mais sont un
moyen d’action sur le récepteur (affirmer, demander, ordonner, promettre…), c’est

19
la théorie des actes de langage.25
Les propositions qui sont faites en didactique de la communication pour permettre
aux élèves de prendre la parole et de développer leur production d’écrit reposent
alors sur la création de situations pragmatiques dans des contextes
diversifiés où l’élève doit prendre en compte la situation des émetteurs et
récepteurs et la fonction dominante du langage à utiliser : débats, explications de
procédures, dialogues sous forme de jeux de rôle à l’oral / lettres, textes narratifs,
descriptifs, argumentatifs à l’écrit.
À la fin des années 1980, l’oral n’est pas encore perçu comme objet autonome
d’enseignement et c’est aux modèles de l’écrit normé que l’on se réfère encore
pour l’enseigner.

Exercice :
Une mère exaspérée par la tenue vestimentaire de sa fille lui dit : « Tu appelles ça
une jupe ! »
1- Relevez dans cet énoncé les différentes fonctions du langage telles que
les a décrites Jakobson.
2- En quoi peut-on dire, selon la conception de la communication de
l’École de Palo Alto, que la fille est à l’initiative de la communication ?

Éléments de correction :
1- « Tu appelles ça une jupe ! »
Les fonctions principales sont les fonctions référentielle (il s’agit de désigner le
vêtement incriminé), poétique (l’exclamation produite et le pronom péjoratif
« ça » au centre de la phrase expriment la désapprobation de l’émetteur et
permettent de mettre en lumière la fonction expressive) et conative (l’énoncé a
pour but de faire renoncer l’émetteur à ce choix vestimentaire.)
Deux fonctions semblent moins importantes : la fonction métalinguistique est ici
utilisée de façon ironique (et donc davantage poétique), il ne s’agit pas réellement
d’une demande de précision de vocabulaire. La fonction phatique représentée par
l’emploi du pronom « tu » introduit le lien entre l’émetteur et le récepteur qui sont
l’un en face de l’autre.
2- La fille peut être considérée à l’initiative de la communication dans la mesure
où sa tenue vestimentaire peut être une marque de sa volonté de s’opposer à sa
mère.

2.3. Quelques concepts de la didactique

2.3.1. Le triangle didactique et sa complexification


Á l’origine était un triangle... puis vinrent les critiques...
C’est J. Houssaye, éducateur et formateur qui, le premier, a formalisé ce qu’il a
appelé le « triangle pédagogique », mettant en relation un élève, un enseignant
et un savoir (un contenu d’apprentissage), représentés symboliquement par les
trois sommets d’un triangle.

25 Austin, J. (1962). Quand dire, c’est faire. Paris : Editions du Seuil, et Searle, J.-R. (1972). Les actes de
langage. Paris : Hermann

20
Savoir

Processus « enseigner » Processus « apprendre »

Enseignant Élève(s)
Processus « former »

« Le triangle pédagogique » Houssaye, 1993.


Les relations nécessaires à tout acte pédagogique sont caractérisées par les côtés
du triangle. Adoptant la métaphore du jeu de bridge, Houssaye fait remarquer que,
le plus souvent, deux des actants s’assemblent alors que le troisième « fait le
mort », c’est-à-dire qu’il n’a plus part au jeu, même si sa présence est nécessaire,
ses cartes étant visibles sur la table. Le troisième est aussi désigné comme « le
fou », celui qui a perdu la raison et qu’on ne laisse pas s’exprimer. Trois processus
pédagogiques se forment alors, selon celui qui joue le rôle du « mort » :
- processus ENSEIGNER : si l’enseignant se préoccupe davantage du savoir et
l’élève « fait le mort » (modèle classique transmissif où l’élève n’a qu’à engranger
passivement les connaissances.)
- processus FORMER : si l’enseignant se préoccupe davantage de l’élève, le
savoir « fait le mort » et devient accessoire (modèle des pédagogies libertaires de
Neill ou Hambourg, des pédagogies non-directives de Rogers).
- processus APPRENDRE : si l’élève est directement en rapport avec le savoir et
que l’enseignant « fait le mort », se met nettement en retrait. (modèles de
L’Éducation nouvelle, de Freinet, des pédagogies différenciées proposées par
Meirieu (1992), mais aussi de l’enseignement assisté par ordinateur (EOA) ou
même des cours de formation à distance).
Si la pédagogie consiste à mettre en relation deux sommets du triangle, la
didactique exige davantage puisqu’elle s’intéresse aux rapports dynamiques
s’installant entre les trois pôles. Dès qu’un d’entre eux est négligé, la dimension
didactique disparaît.
Selon Jonnaert (2009), dans ce triangle, ce ne sont plus seulement les sommets ou
les côtés qui comptent mais « la surface d’interaction », qui est l’espace de
dialogue entre les trois pôles. Une « relation didactique » est établie dans ces
rapports sociaux entre enseignant et élèves quand l’objectif est de réaliser une
action d’enseignement-apprentissage dans le cadre spatio-temporel de la classe.
Pour que les interactions se produisent véritablement entre les trois pôles, un
« contrat didactique » va permettre de définir les rôles de chacun.
La principale critique adressée à ce modèle porte sur la non prise en compte du
contexte dans lequel s'inscrit tout acte pédagogique. La notion de triangle va être
remise en cause en français. Michel Dabène (1995) propose un autre modèle, celui
de la constellation didactique qui « montre l’insuffisance (...) de la notion de
triangle didactique et la nécessité de son inclusion dans le contexte social et le
contexte éducatif prenant en compte non seulement les disciplines de recherche et
les matières d’enseignement mais aussi les représentations et les pratiques
sociales de la langue, des textes et des discours ».

21
La constellation didactique. Dabène, M. (1995).

2.3.2. Les caractéristiques du contrat didactique


Guy Brousseau26 (1986) montre que les situations d'enseignement/apprentissage
sont, de fait, régies par un « contrat » très particulier qu'il nomme « contrat
didactique ». « Dans toutes les situations didactiques, le maître tente de faire
savoir à l’élève ce qu’il veut qu’il fasse mais ne peut pas le dire d’une manière telle
que l’élève n’ait qu’à exécuter une suite d’ordres. Ainsi se négocie un contrat
didactique qui va déterminer explicitement pour une part, mais surtout
implicitement, ce que chaque partenaire va avoir à charge de gérer. » « On appelle
contrat didactique, l’ensemble des comportements de l’enseignant qui sont
attendus de l’élève, et de l’ensemble des comportements de l’élève qui sont
attendus de l’enseignant (...) Ce contrat est l’ensemble des règles qui
déterminent explicitement pour une petite part, mais surtout
implicitement, ce que chaque partenaire de la relation didactique va avoir
à gérer et dont il sera, d’une manière ou d’une autre, comptable devant
l’autre. » Un des problèmes majeurs du contrat didactique est son caractère
implicite.
Á l'école les enseignants et les élèves sont censés respecter des accords sur ce que
chacun peut et doit faire envers le savoir et envers les autres. Ces accords font
rarement l'objet de discussion et de verbalisation. Ils se manifestent donc souvent
au moment de leur rupture. Ceci est dû au fait qu'enseignant et élèves sont liés par
ce contrat qu'ils ne maitrisent pas et qui est caractéristique de la situation
d'enseignement.
Si le contrat didactique est transgressé par l'un des partenaires c'est alors qu'il
devient manifeste comme dans les problèmes dits « d'âge du capitaine »27.

26 Brousseau, G. (1986). « Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques », in : Recherches en


didactique des mathématiques, 7.2. Grenoble : La Pensée sauvage.
27 On a proposé à 97 élèves de CE1 et CE2 le problème suivant :
« Sur un bateau il y a 26 moutons et 140 chèvres. Quel est l’âge du capitaine? »

22
Un contrat didactique mal posé ou incompris est à l'origine de beaucoup de
malentendus(cf.2.3.7) chez les élèves qui ne savent pas ce qu'on attend d'eux. Ces
malentendus génèrent des difficultés chez l'enseignant et les élèves.
L’idée de « contrat » ne peut donc pas être prise ici dans le sens habituel de
« convention conclue au terme de négociations entre partenaires qui s’entendent
sur un projet et ses règles pour une durée donnée ». Il semblerait au contraire que
le « contrat didactique » ne puisse pas figer des règles permanentes pour chacun
des pôles, ce qui irait à l’encontre non seulement de l’asymétrie des rapports aux
savoirs (l’enseignant en sait toujours plus que l’élève et c’est lui qui décide du
degré de son intervention) mais aussi à l’encontre d’un dynamisme fondé sur les
changements du rapport au savoir (l’élève doit faire évoluer ses connaissances
dans une rupture par rapport au savoir initial). Le rôle du contrat didactique est
donc bien de générer ces changements et donc d’évoluer lui-même en fonction de
ceux-ci sur le temps court de la relation didactique. En outre, par le contrat
didactique, toute une série de règles implicites et explicites seront mises en
place selon « la coutume de la classe », la décision de l’enseignant, mais aussi en
fonction du milieu scolaire, de la logique professionnelle de l’établissement et de la
logique organisationnelle du système scolaire de l’État ayant une influence
spécifique. Le contrat didactique mettra en équilibre ces règles dans le respect des
différents partenaires et permettra à chacun de mieux comprendre ce qu’il peut
attendre de l’autre.

2.3.3. Les situations didactiques


Selon la théorie des « situations didactiques » de Brousseau (1986), trois niveaux
permettent de faire évoluer la relation didactique dans le temps.
Au premier niveau, l’enseignant propose une situation didactique : il y affiche
clairement son objectif de « faire apprendre » en proposant une activité dont il
expose les règles. L’élève sait qu’il aura à découvrir un nouveau savoir. Prenons
l’exemple en CE2 d’une séquence sur la découverte et l’utilisation du dictionnaire.
L’enseignant aura mis en place une situation particulière à l’issue de laquelle les
élèves auront appris à se servir du dictionnaire.
Au deuxième niveau, vient la situation a-didactique. Au sein même de la classe,
l’élève a reconnu une situation où il peut réinvestir ses acquis, il est conscient que
sa connaissance sera efficiente pour réaliser une tâche et que son action spontanée
répondra aux attentes de l’enseignant : il ira par exemple chercher un mot dans le
dictionnaire pour comprendre son texte de lecture. Il y a eu opération de transfert
des connaissances sans intervention du maitre cette fois.
Au troisième niveau, la situation est non-didactique : dans la vie quotidienne,
l’enfant saura trouver une solution à son problème grâce à ce qu’il a appris en
classe. Le maitre n’apparait plus ici, mais le savoir est transféré : l’élève de CE2
saura chercher dans le dictionnaire familial un mot entendu à la télévision.
Or comment s’opère véritablement le passage du « savoir savant au savoir
enseigné »28 , à ce que sait véritablement l’élève au terme d’un apprentissage ?

Or, parmi les 97 élèves, 76 ont donné l’âge du capitaine en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé. Ces
réponses absurdes à une question absurde montre que les élèves ont intégré, comme système d'attentes, le
fait qu'un énoncé comprend les données nécessaires à la réponse à sa question et qu'il faut utiliser toutes les
données d'un problème pour répondre aux questions posées, or pour l'enseignant l’élève doit trier ce qui est
nécessaire pour la résolution du problème posé. On est face à une rupture du contrat didactique. Vous pouvez
vous reporter au livre Baruk, S. (1988). L'âge du capitaine. De l'erreur en mathématiques. Paris : Seuil.
28 Extrait du titre de l’ouvrage de Chevallard et de Joshua (1991), La transposition didactique. Du savoir savant

23
C’est tout le problème de « la transposition didactique ».

2.3.4. La transposition didactique en débat


Le « savoir enseigné » n’est pas la simple vulgarisation d’un savoir théorique
(celui du chercheur) ni même d’un savoir expert ou savant(celui du professionnel,
musicien, écrivain…) : il est un choix sociétal, institutionnel, fragmenté pour
des raisons de séquentialisation des contenus et de progressions à l’intérieur du
système scolaire. Le « savoir enseigné » est donc une création originale qui émane
autant des autorités politiques, administratives que des didacticiens eux-mêmes.
Par ailleurs, la difficulté, pour une discipline comme le français, est qu’elle vise
surtout des savoir-faire langagiers dont l’enjeu est l’insertion dans la société. Or
ces savoir-faire entretiennent des rapports éloignés avec les savoirs
métalangagiers très disparates des chercheurs. Y. Reuter (1992, p.13) évoque
« une discipline aux contours flous et historiquement mouvants (langue, texte,
discours, littérature, image…) » et précise « qu’il n’existe aucun consensus sur les
contenus, qu’à l’intérieur de multiples champs théoriques de référence différentes
théories s’opposent. » C’est ainsi à l’enseignant d’adapter l’objet d’apprentissage
au contexte de sa classe et au niveau de connaissances de ses élèves, dans le
cadre des programmes institutionnels, après avoir identifié les finalités pour ses
élèves.

2.3.5. Pratiques sociales de référence


On appelle « pratiques sociales de référence », des usages langagiers issus
de la vie quotidienne qui vont servir d’exemples, sinon de modèles, pour
construire des activités dans la classe. Ce type de démarche didactique a pour
objectif de créer des liens entre ce que vivent les élèves en classe et leur
environnement langagier, au lieu de vivre ces deux espaces de façon séparée,
comme cela a trop longtemps été le cas. Par exemple, on s’appuiera sur des
affiches observées sur les murs de la ville ou du village pour écrire des textes
illustrés d’images, on s’appuiera sur des boniments enregistrés au marché pour
prendre conscience des procédés oraux argumentatifs ou des faire-part de
naissance ou de mariage pour écrire des textes courts informatifs. Au besoin, ces
productions écrites ou orales pourront prendre place dans une pédagogie du projet
(voir le chapitre qui lui est consacré). Les pratiques sociales de référence servent
donc à actualiser les savoir-faire inculqués aux élèves, en leur donnant du sens
issu des situations réelles dans lesquelles ces pratiques prennent place, au lieu de
proposer des critères d’évaluation basés sur une vision normée de la langue. Une
production écrite ou orale sera « réussie » si elle répond aux critères d’efficacité et
de communication que demande la vie courante aux pratiques de référence. On
voit les conséquences, en particulier pour l’évaluation, de ce type de référence :
car l’évaluation se réfèrera au vécu social et non aux normes scolaires. On entre
ainsi dans une réflexion sur la variation, où plusieurs formes linguistiques non
normées pourront par exemple être acceptables et acceptées, si elles font preuve
de transparence sémantique et d’efficacité sociale, comme dans une publicité, un
titre d’article de journal, une formule rapide de restaurant, etc.

au savoir enseigné. Grenoble : La Pensée sauvage.

24
2.3.6. Le rapport à ; les postures ; le malentendu didactique
Charlot (1999 : 3) définit « le rapport au savoir » comme « l’ensemble
(organisé) des relations qu’un sujet humain, donc singulier, entretient
avec tout ce qui relève de l’apprendre et du savoir : objet, contenu de
pensée, activité, relation interpersonnelle, lieu, personne, situation,
occasion, obligation, etc., liés en quelque façon à l’apprendre et au savoir
». Cette notion permet :
- de substituer au déterminisme sociologique de l'échec et de la réussite scolaire,
une logique compréhensive en prenant en compte la singularité du sujet et les
logiques nourries de son histoire personnelle, familiale, sociale et scolaire qui sous-
tendent ses façons de faire
- de penser dans le contexte singulier de la situation qui lui est proposée,
d'envisager des leviers d'action.
« Le rapport à l'écriture » sert à désigner l'ensemble des relations nouées
avec l'écriture, c'est-à-dire les images, représentations, conceptions,
attentes, jugements » (Barré-De Miniac, 1997:12) qu'un sujet se construit dans
la « liaison avec un objet », autrement dit au contact de l'écriture elle-même.
Comment ces concepts peuvent-ils aider un enseignant ? Prenons un exemple
extrait d'un mémoire de CAPA-SH (Dulac, 2006) : c'est le cas de X, élève de CE1
âgé de 9 ans, qui n’entre dans la lecture qu’au cours de l’année CE1 après avoir
redoublé le CP. Pour cet élève de culture tzigane, les évaluations à l'entrée du CE1
montrent qu'il est capable de déchiffrer des mots simples dans une phrase, mais
qu’il n’entre pas dans la compréhension littérale d'une phrase et que son temps de
concentration dans des tâches de lecture est très court. Le sens qu'il donne au
savoir lire est que lire lui servira à lire les pancartes sur la route. Les entretiens
avec les parents apprennent qu'ils parlent une autre langue que le français à la
maison, qu'ils ne savent pas lire et que pour eux cet apprentissage et l’assiduité à
l’école ne semblent pas importants. Cet exemple emblématique met en lumière la
dimension non seulement cognitive, mais psychoaffective et identitaire de l'écriture
scolaire qui, dans ce cas, peut être perçue par l'élève comme s'opposant à sa
culture familiale. Ce n'est qu'en comprenant ces phénomènes que l'enseignant
pourra envisager des leviers pour permettre à cet élève de rentrer dans la lecture.

Exercice :
1- Le guide d'entretien suivant est extrait d'une recherche conduite par Barré-De
Miniac, C. & Cros, F. & Ruiz, J. (1993) 29 avec des élèves de collège. Après l'avoir
lu, pouvez-vous dégager les intentions du chercheur ainsi que les
fonctions des différentes questions ? Selon vous, serait-il intéressant
pour un enseignant d'avoir accès aux réponses produites par ses élèves
dans cet entretien ? Quelle est la nature des informations qu'il
recueillerait ? En quoi ces informations pourraient l'aider dans son
enseignement de l'écriture avec ses élèves ?
« 1. Si je te dis écriture que réponds-tu ? 2. Écris-tu ? Quand ? 3. Est-ce que
l'écriture s'enseigne ? 4. Qui t'a appris à écrire ? Quand ? Comment ? 5. Quel est
ton premier souvenir d'écriture ? 6. Est-ce que tu penses que tes professeurs
écrivent beaucoup à l'école / en dehors de l'école ? 7. Est-ce que tes parents

29 Barré-De Miniac, C. & Cros, F. & Ruiz, J. (1993). Les collégiens et l'écriture. Des attentes familiales aux
exigences scolaires. Paris : ESF. p.64.

25
écrivent ? 8. Aimes-tu écrire ? 9. Préfères-tu écrire à l'école ? Hors de l'école ? »
1- En guise de correction, donnons la parole au chercheur :
« Il s'agit d'un guide d'entretien qui permet de mettre au jour le rapport à
l'écriture des élèves. Ce guide cherche à mettre au jour leur représentation de
l'écriture, de ses modalités d'apprentissage. Dégager le rôle que les élèves
attribuent à leur famille et à l'école pour rendre compte de leurs compétences et
de leur intérêt en matière d'écriture, tant du point de vue quantitatif que du point
de vue qualitatif. »
2. Voici deux réponses données par deux élèves à la question 1.« Si je te
dis écriture que réponds-tu ? ». Pouvez-vous dégager des différences de
représentation de l'écriture dans ces réponses ? En quoi ces réponses
présentent-elles des représentations différentes de l'écriture ?
« M. Vous voulez dire expression ? Ben s'exprimer à l'écrit c'est beaucoup de
choses. ce sont les lettres, les devoirs, les petits mots, quoi ! Et puis, je sais pas.
Heu ... les poèmes aussi.(p.110)
B. Oui ben voilà, symboliquement, ça représente un peu l'École [...] Le scolaire.
[...] ça sert à travailler, à se cultiver, à s'informer, plein de choses, quoi [...] »
Vous trouverez les réponses comment répondre à cet exercice dans ce chapitre.
Pour des compléments d'information vous pouvez consulter l'ouvrage référencé en
note de bas de page.

Le concept de « posture » définit « la manière particulière dont un sujet


négocie la tâche qu'il doit accomplir, la manière dont il la comprend,
l'interprète, lui donne du sens et s'y implique » (Bucheton, 1999). Si nous
revenons au cas de l'élève tzigane, nous comprenons la forte corrélation entre son
rapport à la lecture et la façon dont il va s'engager ou refuser de s'engager dans
les tâches scolaires de lecture qui lui seront proposées. Les travaux de recherches
de Jorro (1999), Bucheton (1999), Crocé-Spinelli (2007), sur les postures de
lecture d'élèves confrontés à une lecture documentaire ou à celle d'un roman de
littérature de jeunesse, montrent que si on demande à des élèves de réagir à un
passage d'un texte lu, on constate que ceux-ci mobilisent diverses postures de
lecteurs :
- une posture de « lecteur récitant » en répétant littéralement des passages du
texte lu,
- une posture de « lecteur interprète » quand les élèves établissent des liens avec
leur propre vie ou réagissent à certains comportements des personnages ou encore
quand, de façon plus distanciée, ils déploient les implicites, ou apprécient les jeux
d'écriture littéraire,
- une posture « d'évadé du texte » quand des liens distendus avec le texte ou une
très forte identification émotive les conduise à se saisir du texte pour s'évader dans
leur propre monde interne.
Comment favoriser une circulation entre des postures d'écriture ou de lecture
variées et adaptées aux situations ? Comment permettre à des élèves d'adopter
une posture distanciée, alors que leur rapport au langage est celui de l'immédiateté
et de l'affectivité, peu favorable à une pensée critique comme le montrent les
travaux de Bautier, Bucheton ?

26
Selon les rapports aux savoirs construits par les élèves, les postures langagières
mobilisées, les élèves peuvent interpréter certaines tâches différemment de ce
qu'attend l'enseignant ou encore l'enseignant interprète de que fait l'élève
différemment de ce que l'élève a voulu faire. On se trouve alors face à une non
compréhension du « contrat didactique » (cf. ch. 2.3.3.) ou pour le dire autrement
à un « malentendu didactique ». Comme pour le contrat didactique, il s'agit
d'une « construction conjointe de l’élève et de l’enseignant » (Bautier & Rayou,
2009, p.105). Ces auteurs prennent l'exemple d'une tâche fréquemment demandée
aux élèves de moyenne section de maternelle : on demande aux élèves de
découper les vignettes de mots, puis de les remettre en ordre pour constituer une
phrase. On voit alors le malentendu entre les attentes de l'enseignante qui portent
sur les stratégies de lecture permettant la remise en ordre des mots, alors que
l'activité de l'élève est centrée sur le soin apporté au découpage. Comment, pour
l'enseignant, limiter les confusions entre la tâche demandée et l’activité
intellectuelle sollicitée quand les élèves ne disposent pas des codes de l'école ?

Exercice :
Bautier et Goigoux (2004 : 94) proposent l'exemple 30 ci-dessous, extrait de la
transcription des échanges entre un enseignant et ses élèves de CP : il s'agit
d'étudier un phonème.
Pouvez-vous identifier l'activité visée par l'enseignant? Pouvez-vous
interpréter l'erreur de Kévin et la réponse de Farid ? Essayez d'utiliser
dans cette analyse les concepts didactiques de ce chapitre.

« Un jour du mois de septembre, dans un cours préparatoire lors d'une séance


relative à l'apprentissage de la lecture :
La maîtresse : « Pouvez-vous me proposer des
mots où l’on entend le son [a] ? »
– Karen : « Papa »
– La maîtresse : « Oui »
– Farid : « Maman »
– La maîtresse : « Bien »
– Kevin : « Tonton ». »

En guise de correction, donnons la parole aux chercheurs :


« On peut faire l'hypothèse que Farid traite le problème par analogie avec d'autres
situations habituelles à l'école maternelle (et dans la vie quotidienne) où la
proximité sémantique par association est pertinent. Kévin ne parvient pas à
réaliser un traitement exclusif de la dimension phonologique. En d'autres termes,
il lui est très difficile de dissocier la dimension phonologique du langage de ses
autres dimensions (sémantiques et affectives). Il n'a pas compris que les enjeux
de cette séance en termes d'apprentissage portent sur l'identification du phonème
[a], il y a un malentendu didactique lié très certainement au rapport au
langage de cet élève. »

30 Cet exemple est extrait de l'article de Bautier, E. et Goigoux, R. (2004) « Difficultés d’apprentissage,
processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothèse relationnelle », in Revue Française de
Pédagogie, n° 148.

27
2.4. Quelques points forts actuels

2.4.1. Le travail en projet


La pédagogie du projet existe depuis longtemps : Célestin Freinet en a fixé les
principes (cf. le chapitre qui lui est consacré), mais il ne l’a pas inventée. De nos
jours, elle a été en partie renommée « approche actionnelle » en didactique des
langues, mais elle recouvre la même intention de départ : apprendre en faisant
ensemble. Il s’agit d’apprendre une langue (qu’elle soit nommée « maternelle »
ou « étrangère »), non pas à coups de leçons à suivre puis à apprendre, mais en
réalisant un projet commun, engageant des activités linguistiques et langagières
diverses. Par exemple, on va organiser un voyage de fin d’année à la mer : cela va
demander qu’on écrive à des compagnies de bus pour savoir leurs tarifs, qu’on
contacte des assurances pour le trajet, qu’on fasse un budget, qu’on demande des
autorisations à l’inspection académique et à la mairie, qu’on écrive un journal pour
raconter le séjour aux parents, qu’on prépare une exposition pour en faire profiter
les autres classes de l’école, etc. Au cours de ces tâches, chacun-e trouve sa place
suivant ses goûts et ses capacités ; on travaille ensemble et l’évaluation passe
moins par des notes que par la réussite du but final et de ses étapes. On a même
une obligation de réussite pour avancer, car tout le groupe est mis en danger en
cas d’échec ou de retard. On a de plus, bien sûr, droit à l’erreur (une tractation
peut échouer avec un partenaire), mais surtout on doit surmonter cette erreur et
recommencer pour aller plus loin. Ce type de travail est particulièrement formateur,
on s’en doute, car il place l’élève dans une responsabilité collective ; les
apprentissages se font au cours de l’action et de la réalisation de tous.

2.4.2. Apprentissage, évaluation et compétences


Le terme d’ « apprentissage » relève de plusieurs définitions : tantôt il s'agit d'une
accumulation passive de connaissances provenant d’informations extérieures
(c’est ce qu’on appelle le modèle transmissif classique : on apprend parce qu’on
vous transmet des informations sur un sujet donné), tantôt il s’agit d'une
modification d’un ou plusieurs comportements observables en réponse à des
stimulations nouvelles (c’est ce qu’on appelle le modèle béhavioriste de Skinner :
on apprend à réagir de telle ou telle façon à des éléments extérieurs stimulants).
Parfois aussi l’apprentissage consiste à recevoir des informations extérieures
(comme dans le premier cas) mais qu’on ne va pas retenir telles quelles :
on va les transformer (on dit les « traiter ») personnellement par l’action de
facteurs psychologiques, cognitifs ou affectifs (c’est ce qu’on appelle le modèle
cognitiviste issu des théories du traitement de l’information). Ces divers modèles
sont à l’origine des diverses façons dont nous enseignons dans nos classes et vous
pourrez les repérer, ou en repérer des traces, si vous observez des enseignants
avec leurs élèves. Il faut ajouter à cela le fait que l’apprentissage est vu aussi
comme la transformation d’anciennes représentations que nous nous faisons d’un
objet de savoir vers de nouvelles représentations que nous appelons
« connaissances » (c’est la conception constructiviste de Piaget : on apprend en
transformant petit à petit nos représentations). Par exemple, de jeunes enfants ont
une certaine idée du « cercle » avant d’avoir leur première leçon de géométrie sur
ce thème : cette idée va se transformer en définition et en concepts de plus en plus
précis (circonférence, rayon, aire, etc.) au fur et à mesure qu’ils vont avancer dans
sa connaissance ; ils vont alors en construire une nouvelle image, qui se

28
transformera de nouveau quand ils aborderont la sphère, etc. On assiste alors à un
processus réflexif et créatif de l’apprenant sur ses propres acquisitions. Cette
conception s’est enrichie par la prise en compte de l’environnement et des
interactions avec toutes les personnes (enseignant, camarades, parents, milieux
extérieurs, etc.) appelées « médiateurs » qui incitent l’apprenant à réfléchir sur ce
qu’il vient d’apprendre (c’est la conception socioconstructiviste de Vygotsky et
Bruner).
Quoi qu’il en soit, une des tâches de l’enseignant est de vérifier le résultat de
l’apprentissage pour orienter ses choix didactiques et établir sa progression qui
dépend du degré d’acquisition des élèves. L’organisation réfléchie d'une
progression spécifique à la classe (dans le cadre prescrit par les programmes
nationaux) sera étroitement liée aux différentes évaluations indiquant les
performances des élèves. Tout d'abord il est à distinguer l'évaluation à visée
formative de l'évaluation à visée certificative
- L’évaluation diagnostique se situe en début de séquence. Elle a pour fonction,
avant de débuter un apprentissage, de recueillir les représentations initiales des
élèves, d'identifier les acquisitions et les difficultés éventuelles des apprenants,
d’analyser leurs besoins. Elle fournit des repères aux enseignants pour organiser la
suite des apprentissages et proposer des situations didactiques qui soient adaptées
aux besoins de leurs élèves, autrement dit des situations qui se situent dans leur
« zone proximale de développement »31 (cf. 1.3.5).
- L’évaluation formative se situe, contrairement aux deux autres modalités
évaluatives, en cours d'apprentissage. Elle a pour fonction d'aider l'élève à
apprendre. Elle suppose une orientation vers des tâches complexes et une
conception formative de l'erreur. Celle-ci s'oppose à la conception de l'erreur
comme faute qui a longtemps prévalu à l'école. En effet, pendant longtemps, les
erreurs commises par les élèves ont été considérées comme des fautes qui
témoignaient de leurs faiblesses qu'il fallait sanctionner. Depuis l'apport des
théories constructivistes et des travaux de la didactique, on sait que l'erreur est
consubstantielle au processus d'apprentissage. Elle n'est plus considérée comme
une lacune mais comme une production par laquelle l'élève manifeste ses
représentations, son mode de raisonnement, ainsi que ses résistances. Pour
l'enseignant, il s'agit de chercher à comprendre les erreurs, de mettre en évidence
les représentations que les élèves se font de la tâche, de comprendre les
démarches d’apprentissage de chaque élève, d'évaluer la pertinence des situations
qu'il propose.
L'évaluation formative permet à l'élève, grâce à l'élucidation des critères de
réalisation des tâches ou des critères de réussite, d'identifier les procédures à
suivre pour atteindre les objectifs visés, de l'aider à planifier ses façons de
résoudre les tâches demandées, ou d'apporter des modifications à ses façons de
faire. Le critère de réussite concerne le produit fini et permet à l'élève de répondre
à la question : « à quoi je vois que mon produit est réussi ? » Le critère de
réalisation caractérise la démarche qui permet la réalisation du produit réussi et
c'est ce qui permet à l'élève de répondre à la question : « qu'est-ce qu'il faut que
je fasse pour réussir la tâche demandée ? ». Cette modalité évaluative accompagne
donc l'élève dans la régulation de ses apprentissages.

31 « C'est la distance entre le niveau de développement actuel tel qu'on peut le déterminer à travers la façon
dont l'enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu'on peut le déterminer à
travers la façon dont l'enfant résout des problèmes lorsqu'il est assisté par l'adulte ou collabore avec d'autres
enfants plus avancés » (Vygostki, 1985).

29
L'évaluation formative sert aussi pour l'enseignant à mettre en place la remédiation
nécessaire à certains élèves. Elle permet ainsi non seulement à l’enseignant
d’adapter les conditions d’enseignement, mais aussi à l’élève d’adapter son
apprentissage. (Allal, 1991) .
- L’évaluation sommative se situe au terme d'une séquence d'apprentissage. Elle
permet en fin de séquence d’établir un bilan des acquisitions et donne un repère à
l’élève sur les progrès accomplis. Il s’agit également de mesurer si les objectifs
d’enseignement sont atteints. En effet, l’enseignant vérifie ici la validité de ses
choix didactiques et peut les réajuster en fonction des résultats obtenus,
notamment lors des séquences suivantes. Les apprentissages demandant du
temps, le résultat de l’évaluation sommative ne peut être que partiel. Cette
évaluation s'appelle « certificative » quand elle se fait en fin de formation et qu'elle
débouche sur la délivrance d'un diplôme (Bac à lauréat).
Ainsi l’évaluation permettra de déterminer les compétences de l’élève. L’origine
de la notion de « compétence » provient du modèle behavioriste et a été théorisée
par B.S. Bloom dans les années 1960 aux États-Unis pour évoquer les activités
mentales réalisées dans une tâche industrielle. Il s’agissait alors de former les
ouvriers en découpant et analysant les différentes étapes du travail. Le monde de
l’éducation critique, depuis les années 90, cette parcellarisation des tâches et des
situations et la perte de sens qui en découle pour définir la compétence comme un
savoir-faire complexe qui permet d'accomplir une activité complexe. À la
différence de l'objectif pédagogique qui désigne ce que l'élève doit apprendre, la
compétence désigne les comportements potentiels (affectifs, cognitifs et
psychologiques) qui permettent à un individu d'exercer efficacement une activité
considérée généralement comme complexe »32"La compétence est la mobilisation
ou l'activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte données" 33
Le Boterf distingue plusieurs types de compétences : des savoirs théoriques (savoir
comprendre, savoir interpréter), des savoir-faire procéduraux (savoir procéder,
savoir opérer), des savoir-faire expérientiels (savoir y faire, savoir se conduire),
des savoir-faire sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire), des savoir-faire
cognitifs (savoir traiter de l'information, savoir raisonner, savoir nommer ce que
l'on fait, savoir apprendre). En France, il existe un référentiel institutionnel de
compétences : « le socle commun de compétences et de connaissances » qui
définit en termes de connaissances, de capacité et d'attitudes les compétences que
l'élève doit maitriser à la fin de la scolarité obligatoire (cf. 5.5).
C’est à travers des objectifs linguistiques ciblés (ce qui veut dire qu’on pourrait
organiser différemment les progressions dans les programmes et donc dans les
classes) que nos élèves sont évalués en français. En France, ce sont les types de
discours qui ont guidé l’écriture des programmes officiels, et donc les
apprentissages des élèves.

Exercice 1:
Vous déterminerez à quel type d’évaluation (diagnostique, formative ou
sommative) correspondent ces situations.
Situation 1 : En CM2, l’enseignant dicte un texte de 10 lignes au présent
contenant des verbes en -yer, -eter, -eler.
Situation 2 : En GS, l’enseignant, en présentant un nouvel album, demande aux
élèves s’ils connaissent d’autres ouvrages de cet auteur.

32 Reuter, Y. (2007). Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques. Bruxelles : De Boeck. p. 67.
33 Le Boterf, G. (1995). De la compétence, essai sur un attracteur étrange. Paris : Editions d'organisations.

30
Situation 3 : En PS, l’enseignant demande à l’élève de chanter et mimer le
premier couplet de la comptine de l’« éléphant ».
Situation 4 : En CP, l’enseignant demande de dessiner l’épisode de l’histoire qui
vient d’être lue.
Situation 5 : En CM1, l’enseignant demande comment on peut faire pour trouver
le sens du mot « ininflammable ».
Situation 6 : En MS, l’enseignant demande à l’élève de raconter l’album du début
à la fin en s’aidant des illustrations.

Éléments de correction :
Situation 1 : Évaluation sommative (une évaluation diagnostique n’aurait ciblé que
les verbes)
Situation 2 : Évaluation diagnostique
Situation 3 : Évaluation formative (la comptine est en cours d’acquisition)
Situation 4 : Évaluation formative (le récit n’est pas connu entièrement)
Situation 5 : Évaluation diagnostique (pour savoir ce que savent déjà les élèves
des préfixes et suffixes)
Situation 6 : Évaluation sommative (le récit est connu en entier)

Exercice 2 :
Vous déterminerez à quel type d'évaluation correspond la situation
présentée ci-dessous extraite de Obin, J.-P. & Veslin, J. & Cardinet, J.
(1992, p.89)34.
Est-ce que l'évaluation de l'enseignant présentée dans la partie : Analyse
du travail de Mathieu » porte sur le produit ou sur la démarche de
l'élève ? Quelle est la fonction des retours à faire à l'élève présentés dans
la partie « Quels retours lui faire ? »

34 Obin, J.-P. & Veslin, J. & Cardinet, J.(1992). Corriger des copies, évaluer pour fomer. Paris : Hachette
éducation.

31
Vous trouverez comment répondre à cet exercice dans ce chapitre. Pour des
compléments d'information vous pouvez consulter l'ouvrage référencé en note de
bas de page.

2.4.3. Les différents types de discours


L’énoncé, texte oral ou écrit, plus ou moins long, produit lors de l’acte d’énonciation
d’un émetteur s’adressant à un récepteur dans un cadre spatio-temporel particulier
se caractérise par sa cohérence globale qui dépend de facteurs sémantiques et
syntaxiques : répétitions des mêmes éléments sémantiques repris par des
substituts ( l’élève dort, le maître le réveille, ce dernier est en colère…),
progression de l’information par apports d’éléments nouveaux sur le thème ( Il a
envie de donner une punition…se ravise….reprend son cours…), enchainements
logiques des informations qui ne doivent pas se contredire (…Le poisson ne mord
pas ce matin, un triangle a trois côtés. : incohérence par rapport au début du
texte.)
Au départ, Adam s’est demandé, dans une réflexion très novatrice : à quoi sert ce
que je dis ou ce que j’écris ? quelle intention d’action ai-je sur celui qui va recevoir
mon texte ? Il a ainsi établi une première typologie, selon qu’un texte sert à
raconter, expliquer, etc. et a distingué : les types narratif, descriptif, explicatif ou
informatif, injonctif, argumentatif, conversationnel ou dialogal, poétique. Puis il a
lui-même35 critiqué cette première typologie des textes, qui réduisait la diversité
35 Dans l’article de Adam, J.-M. (2005). « La notion de typologie de textes en didactique du français. Une notion
dépassée ? ». Lille : Recherches n°42, 11-23.

32
des réalisations discursives en ne s’intéressant qu’à leur fonction. En effet un texte
possède une dominante (narrative ou argumentative, par exemple) mais il contient
aussi différentes séquences (sous-ensembles de phrases) qui peuvent correspondre
à d’autres objectifs (dans un récit, on trouve des passages de description, des
dialogues, des argumentations, etc.). L’identification de la dominante du texte peut
même parfois se révéler problématique.
Or, un texte se comprend aussi dans une situation de communication particulière,
un contexte énonciatif socio-historique et culturel qui motive sa production et son
interprétation. On parlera alors de « discours » qui correspond à la modalité
énonciative dans laquelle se produit l’énoncé. Adam propose alors la notion de
genre du discours (cf.5.3) à celle de type de textes:
- Genres narratifs (prototypes : conte, fable, etc.)
- Genres de l’argumentation (prototypes : plaidoyer, débat, etc.)
- Genres de l’explication (prototypes : conte étiologique, notice explicative, etc.)
- Genres descriptifs (prototypes : portrait, petite annonce de vente, etc.)
- Genres conversationnels (prototypes : la lettre personnelle, administrative,
l’interview, la pièce de théâtre, etc.)
Adaptées au contexte scolaire ces approches permettent de donner des repères qui
vont aider les élèves à se représenter l’énoncé oral ou écrit à produire.

2.4.4. Normes et variations


La problématique de la norme est assez récente et bouleverse le monde
enseignant à propos des langues. En effet, pendant longtemps on s’est contenté de
décider si telle forme écrite ou orale produite par un élève (« j’ai été à la noce »,
« y en de beaux », « quand c’est qu’on mange ? », « il fait chaud, voire même trop
chaud », etc. ) était « correcte » ou « incorrecte », voire de façon encore plus
traditionnelle « juste » ou « fausse ». Et il était facile de noter, (voir le chapitre sur
l’évaluation) de barrer, de corriger … Cela vaut bien sûr autant pour le français que
pour les autres langues, dites étrangères. On a donc enfermé la (ou les) langue(s)
de l’école dans un carcan de règles à respecter que personne bien sûr ne respecte
… sauf l’école elle-même – on tourne en rond. Le résultat ? les élèves français sont
parmi les plus « mauvais » d’Europe en langues : à force d’académisme jamais
assimilé et inutile, on les a détournés des langues et de leur apprentissage. Or que
nous disent les « pratiques sociales » que nous pouvons observer tous les jours
autour de nous ? que les titres des journaux sont des phrases sans verbes, qu’une
publicité peut commencer par une relative sans principale et être totalement
compréhensible, qu’on peut lire dans un sms « tkt » au lieu de « ne t’inquiète
pas » et qu'on est compris, etc. Qu’est-ce à dire ? que toutes ces formes
rencontrées quotidiennement sont fausses ? ou plutôt qu’il n’existe pas « une »
norme, « une » façon de bien écrire et bien parler, mais plusieurs qu’on appelle
alors « variations ». On avancera même l’idée que « bien » posséder une langue,
c’est savoir en adapter les éléments écrits et oraux à la situation de communication
et aux auditeurs ou lecteurs à qui on s’adresse : rien n’est donc en soi « juste » ou
« faux » mais « adapté » ou « non adapté » à une situation donnée. C’est donc la
réussite de la communication dans cette situation qui permet de décider si la
variation choisie par le locuteur ou le scripteur est « bonne » ou « moins bonne ».

33
2.4.5. Curriculum
Depuis les années 70, l'emploi du terme de curriculum s'est développé, dans
l'optique de reconstituer la culture scolaire dans un contexte alors lié aux enjeux
éthiques et économiques de la démocratisation des études longues et de la
massification scolaire.
Le terme de curriculum (cf. Dumortier, 2010) désigne la structuration d'un
projet éducatif à l'échelle d'un pays : ce concept met l'accent sur le fait que les
contenus d'enseignement sont le produit d'une sélection sociale et politique dans
un ensemble de possibles, le produit d'une construction scolaire et ce pour tous les
contenus disciplinaires.
Plus précisément, cette structure qui existe dans tous les pays définit les contenus,
les rôles des acteurs de l'éducation et leur répartition, les objectifs des diverses
formations et leurs principes pédagogiques. Il définit également les supports
didactiques, des pratiques, les procédures d'évaluation des résultats, ainsi que les
profils de sortie des formations et les phases de réalisation du plan. Pour le
didacticien d'une discipline particulière, le curriculum désigne tout ce qu'il faut
faire, au cours de la scolarité obligatoire, pour rendre possible l'appropriation par
les élèves des contenus de la discipline en question.
Ainsi, un enseignant, à travers le programme d'une année, participe à la réalisation
de ce plan inscrit dans les contextes de son établissement mais aussi de
l'institution scolaire et de la société. Ses séquences didactiques sont des maillons
intermédiaires de cette réalisation d'ensemble.
Nous conclurons sur le fait que les curriculums varient selon les pays. Par
exemple, les découpages de l'enseignement primaire, secondaire, supérieur
différent : l'école maternelle n'existe par exemple pas en Allemagne, la durée du
collège peut être de trois ans comme en Algérie, alors qu'elle est de quatre année
en France. Un autre exemple de variation est la possibilité pour un élève de
redoubler ou pas une classe dans son cursus scolaire. Pour finir, dans de nombreux
pays, c'est un examen terminal qui sanctionne la fin de l'enseignement secondaire
et détermine la poursuite d'études supérieures, alors que dans certains pays,
comme la Suède, il s'agit d'un contrôle continu.

34
CHAPITRE 3 - MONDE DE L'ÉCRIT, MONDE DE L'ORAL

Les enseignants ont l’habitude, pour se simplifier la vie, de séparer les activités
écrites et orales dans la classe : ils séparent ainsi les exercices, les notations, les
moments de classe consacrés à l’un ou l’autre monde. Il est vrai que les langues
étrangères nous ont habitués, par exemple, aux 4 domaines de compétences :
lire / écrire (réception / production à l’écrit), parler / comprendre (production /
réception à l’oral). Mais cette simplification va à l’encontre à la fois de ce qui se
passe dans la vie courante (on a souvent besoin de téléphoner, puis d’écrire à la
même personne pour confirmer une demande ou une réclamation) et dans les
formes scolaires complexes (il faudra dès le lycée apprendre à écouter et prendre
des notes en même temps, deux pratiques orale et écrite simultanées). Il serait
donc profitable, didactiquement parlant, de mêler dès les plus jeunes âges, les
activités écrites et orales pour que les enfants, et plus tard les adolescents,
s’habituent à leur complémentarité et leur co-développement. Par exemple, on
apprendra à résumer à l’écrit un débat qu’on vient de mener en classe, à rapporter
oralement sur un travail de groupe débouchant sur un texte écrit, à commenter
une exposition de poèmes écrits par la classe, etc. Ainsi les deux domaines ne
seront plus séparés, voire opposés : ils se développeront de façon complémentaire
et leur interaction s’appuiera sur leur spécificité propre. Par exemple, on écrit pour
qu’une chose qu’on vient de dire puisse rester, on parle pour communiquer et
chercher à plusieurs une solution à un problème. Cette complémentarité est
particulièrement bien mise en valeur dans la pédagogie du projet, où elle s’impose
par les tâches complexes demandées par le projet.

3.1. Le monde de l'écrit


Les travaux de Lahire (2000) ont mis en évidence les inégalités sociales face à
l'écrit et la place qu'occupe l'accès à la culture de l'écrit dans la réussite scolaire,
sociale, professionnelle, dans une société où l’ensemble des pratiques sociales
(politiques, économiques, juridiques, religieuses, artistiques, techniques,
didactiques...) s’organise autour des pratiques d’écriture. Comment permettre à
l'ensemble des élèves, même à ceux issus de milieux où l'écrit a peu de place, de
s'emparer de l'écrit et de ses usages? Commençons par clarifier les spécificités de
l'écrit.
Écrire désigne le fait de tracer des signes graphiques codifiés,
conventionnels pour produire un message signifiant, lisible et
compréhensible par un récepteur. Écrire fait appel à un double processus de
formation des lettres et de production de sens. Écrire ne signifie pas seulement
mettre de l'oral sur papier. L'écriture n'est pas seulement un changement de
modalité de communication ; elle induit un changement de mode de pensée du fait
de ses spécificités : elle permet, du fait de la permanence des traces de l'écrit,
d'inscrire, de fixer, d'abstraire et de rendre visible la pensée (Reuter, 2011). Ces
spécificités vont permettre le développement de pratiques sociales variées.
L'enseignement de l'écrit doit alors avoir pour contenu les usages de l'écrit et leur
compréhension.
Cette approche culturelle de l'enseignement de l'écrit où « le savoir écrire et
lire, coder et décoder sont des compétences seulement contributives à

35
l'appropriation de l'écrit » (Barré-De Miniac, 1995) s'oppose à un enseignement
trop souvent exclusivement centré sur les techniques et les codes. Pendant
longtemps on n'accédait à la lecture de textes qu'après avoir appris le code
alphabétique, on n'apprenait à écrire qu'après avoir appris à lire. Trop souvent
l'enseignement de la lecture, de l'écriture, de l'orthographe, de la grammaire, de la
conjugaison, du vocabulaire ont été appréhendés comme des entités séparées,
sans grande relation. Les univers de l'écrit scolaire étaient faits de répétitions
d'exercices mécaniques peu stimulants, les élèves n'avaient que rarement à
produire des textes complets.
En fait, dès la maternelle, des pratiques de lectures et d'écritures signifiantes
peuvent permettre la découverte du langage écrit, de ses usages sociaux en
mettant les enfants en contact avec différents types d'écrits (comme par exemple,
le livre, l'affiche, le journal, la lettre, la recette de cuisine...) en leur permettant
d'en connaître la fonction, de travailler la compréhension et la production de textes
écrits ainsi que la découverte du code écrit. Certaines activités de productions
d'écrits utilisent la « dictée à l'adulte » (l'adulte est le secrétaire du texte élaboré
par les élèves), l'« écriture inventée » à partir des travaux d'Emilia Feirreiro (où les
élèves s'essaient eux-mêmes à des activités d'écriture alors qu'ils ne savent pas
écrire) pour développer leur conceptualisation du système d'écriture et leurs
rapports à l'écrit.
Pour l'apprentissage de la lecture au CP (contexte français), Goigoux (2001)
identifie quatre composantes impliquées dans l’enseignement de la lecture qu'il
montre indissociables de celui de l’écriture : « l’identification et la production des
mots, la compréhension de textes, la production de textes et l’acculturation à
l’écrit ». Ce travail est à entreprendre dès la maternelle, sans attendre que les
élèves identifient les mots. Les quatre composantes doivent être présentes dans
l'enseignement/apprentissage de la lecture dès le CP, pour ne pas séparer code et
sens. La question des méthodes d'apprentissage de la lecture a encore récemment
fait l'objet de débats fortement médiatisés (en 2005, lorsque un ministre veut
imposer la méthode syllabique). Il y a plusieurs façons d'aborder l'acte de lire :
- des « méthodes ascendantes » alphabétiques ou syllabiques partent de la plus
petite unité, la lettre ou la syllabe associée à un son pour conduire au déchiffrage
de mots puis par la suite de phrases,
- des « méthodes descendantes » axées sur la construction de sens en donnant la
priorité à la mémorisation des mots, à l’anticipation, à la formulation d’hypothèses,
- une « méthode mixte » où l'on vise à construire la connaissance du code à la fois
par l’analyse et par la synthèse des lettres et des syllabes (méthode aujourd'hui la
plus utilisée). Aujourd'hui les chercheurs en didactique de la lecture s'accordent à
présenter la lecture comme une activité complexe qui nécessite de travailler de
façon simultanée et interactive les quatre dimensions présentées ci-dessus et qui
ne se limite pas au décodage en lecture. La langue écrite est composées de
graphèmes composés de une ou plusieurs lettres : ch, eau, ot, ant ... Ces
graphèmes servent à transcrire les sons de la langue française appelés phonèmes
et transcrits entre crochets : [oe], [ƒ], [y], ... ils sont réunis dans l'API (alphabet
phonétique international). On appelle « décodage » en lecture l'activité qui consiste
à passer des graphèmes aux phonèmes.36. .
Il ne suffit pas en effet d'en avoir décodé les mots pour saisir le sens d'un texte.

36 Voici un exemple du système de conversion graphèmes / phonèmes nécessaire au décodage du mot chapeau,
formé de quatre graphèmes et de quatre phonèmes :
« ch » « a » « p » « eau » ==> [ƒ] [a] [p] ]o] ==> [ƒ a p o].

36
Nombreux sont les élèves qui restent dans cette croyance. Certaines pratiques
traditionnelles, comme les questionnaires écrits, évaluent la compréhension au lieu
de l'enseigner. En revanche, travailler la compréhension en lecture suppose de
rechercher des dispositifs qui favorisent la construction de sens, notamment les
inférences qui sont des opérations logiques de déduction qui consistent, à partir
d'indices présents dans le texte, à rendre explicite une information qui n'est
qu'implicite,. pour mettre en lien diverses données du texte. Cependant il ne suffit
pas de favoriser l'activité inférentielle pour travailler la compréhension. Il est
nécessaire d'accompagner la progression dans le texte d'une activité de retour sur
sa lecture, de contrôle par le lecteur de la pertinence de ses premières inférences
avec l'arrivée de nouvelles données pour les valider ou les faire évoluer. Goigoux
montre que les mauvais compreneurs ne remettent pas en cause les les
représentations erronées qu'ils se forgent dès les premières pages d'un livre. Ces
dispositifs privilégient la reformulation ou les échanges oraux entre élèves sur des
questions portant sur l'implicite, l'accès au sens perçu, à travers des interactions
entre lecture, oral et écriture.
Insistons sur l'interaction entre la lecture et l'écriture pour mettre en relief le
fait que l'expérience du travail d'écriture favorise la conception de la lecture comme
moyen de communication entre un auteur et un texte. Réciproquement, la lecture
nourrit le processus d'écriture, dans les différentes phases du projet d'écriture,
dans la planification, la production ainsi que dans la réécriture. Les travaux portant
sur l'écriture comme processus se sont intéressés aux brouillons d'écrivains et aux
brouillons d'élèves (Fabre-Cols, 2002) pour montrer l'importance de la place de la
réécriture dans le processus même d'écriture. La réécriture en tant que pratique
transformatrice du matériau est à distinguer de la correction. La réécriture
suppose, de la part d'un élève, des opérations de suppression, d'ajout, de
déplacement, de substitution et favorise une activité métadiscursive, une activité
de retour sur le fonctionnement du discours.
Vous trouverez ci-dessous une activité qui vous permettra de connaitre diverses
situations d'écriture dans les classes et de les mettre en relation avec les concepts
que nous venons de définir.

Excercice:
Dans les 5 cas suivants, quelles situations vous paraissent favoriser
l'entrée dans la culture écrite à l'école et son appropriation ? Justifiez vos
réponses.

Cas n°137 :
Voici un extrait de manuel de lecture. Un maitre de CP l'utilise
exclusivement pour travailler l'apprentissage de la lecture dans sa classe.
Ses séances suivent la trame présentée dans l'extrait de manuel scanné
ci-dessous.

37 extrait de : Houblain, L.& Raymond,V.& Paturaud,V. & de Sagazan, B. (ed. 2011). J'apprends à lire avec Daniel
et Valérie. Paris : Nathan. p.3.

37
38
Cas n°238
J-P. Jaffré (2000) présente, dans l'article référencé en bas de page, une
situation d'écriture recueillie, en grande section de maternelle, au mois de
novembre.
« Á la mi-novembre, une vingtaine d'enfants visite une exposition consacrée aux
œuvres d'Aristide Caillaud, un peintre naïf contemporain. 4 jours plus tard, ils
écrivent leurs impressions, après en avoir explicité le contenu lors d'une brève
phase préparatoire. Emmanuel propose d'écrire « J'ai aimé les peintures d'Aristide
Caillaud et les fleurs », ce qui va lui prendre environ 8 minutes. Il commence par
« écrire la date » et comme l'atelier se déroule le vendredi, il trace de mémoire
VEN. Son voisin qui regarde ces trois lettres, réagit aussitôt : « C'est pas ça ...
c'est lundi qu'on a été à l'exposition. » Emmanuel en convient et prend donc une
nouvelle feuille, hésite un instant puis va chercher l'étiquette LUNDI, qu'il recopie.
Il hésite à nouveau et dit avoir un problème avec la date. On l'aide par conséquent
à trouver la bonne date - le 9 en l'occurrence - qu'il reproduit à l'envers. Il ajoute
ensuite NOVEMBRE qui est écrit au tableau.
Emmanuel s'attaque ensuite au texte qu'il a projeté d'écrire - et qu'il répète alors
sous sa forme initiale. À une phase de prise d'informations graphiques succède une
phase au cours de laquelle il va calculer des graphies plausibles, sachant ce qu'il
sait alors du fonctionnement de l'écrit. (...) Cette phase « d'invention graphique »
est présentée « sous la forme du tableau ci-dessous ».

À la fin de l'atelier, Emmanuel relit son texte - phase imposée à tous les apprentis :
« Lundi 9 novembre, j'ai aimé les peinture d'Aristide Caillaud. » Signé, Emmanuel.

Quelques apports du chercheur :


« Cette séquence illustre les temps forts des ateliers d'écriture avec notamment un
comportement aussi autonome que possible des enfants. (...) Emmanuel utilise par
ailleurs les sources d'informations disponibles (...) Et surtout, il n'hésite pas à
produire des solutions apparemment originales mais en réalité conformes aux
mécanismes de base de l'écriture du français. (...)
Pour écrire son texte, Emmanuel utilise trois types de procédures qui sont
représentatives, à des degrés divers de ce que font les élèves en GS dans les
ateliers d'écriture. Au début, il recourt à la copie.(...) les ateliers d'écriture
rassemblent de multiples informations orthographiques. Celles-ci sont en général

38 extrait de : Jaffré, J.P. (2000). « Ce que nous apprennent les orthographes inventées ». In Fabre-Cols (Dir).
Apprendre à lire des textes d'enfants. Bruxelles : De Boeck Duculot. pp.64-66.

39
issues d'activités antérieures, qu'elles soient sociales (lecture de documents ou
d'albums, par exemple) ou plus techniques (recherches de mots qui finissent ou qui
commencent pareil, classement des prénoms, etc...). Certains mots plus fréquents
que les autres, et dont les enfants ont plus souvent besoin, sont classés dans des
boites, des tiroirs, des fichiers ; d'autres figurent simplement en des lieux
accessibles et connus des enfants (un jeu, une recette, une lettre, un livre). »
Cet exemple permet de montrer comment Jaffré travaille à « comprendre la
démarche des enfants qui apprennent à écrire et la nature des opérations
cognitives qu'ils utilisent à ce moment-là. »

Cas n°3 39
:
Maurel, M. & Fabre-Cols, C. (2001)présentent une situation qui se situe,
dans une classe de CP, vers la fin de l'année scolaire (mars-avril). Cette
classe a pour projet d'écrire « des histoires » pour les élèves de Grande
section de maternelle. Les enfants écrivent, par groupe de deux, un
premier jet dont la réécriture fait, pour sa communication, l'objet d'un
accompagnement par l'enseignante.
L'enseignante fournit ensuite « deux documents aux élèves: une version initiale
orthographiquement correcte du texte produit (DOC.1) ; une fiche-guide résumant
sa lecture critique (DOC.2) et proposant quatre questions, quatre problèmes à
résoudre (...) Vous trouverez, ci-dessous, les deux documents transmis par
l'enseignante (DOC.1 et DOC.2) ainsi que la transcription des interactions entre les
deux élèves lors de l'utilisation de la fiche guide dans un travail de réécriture
(DOC.3)

Version initiale orthographiée correctement (DOC.1)


« Il y avait une fois deux petites souris qui voulaient faire de la randonnée. Mais
soudain, la pluie se déclencha. Ils se sont dit : « il faudrait se trouver un abri ».
L'une d'elles se dit : « j'ai faim ! ». Tout à coup, « regarde, un chapeau ! ». Elles se
mirent à l'ouvrage ; l'une d'elles trouva un bâton. Une fois que le chapeau fût prêt,
les deux amies firent un feu et s'endormirent ».

Fiche-guide (DOC.2)
« À mon avis, votre texte est déjà un très bon texte. Vous avez, par exemple, fait
parler les personnages et vous n'avez pas oublié les guillemets: tout cela est très
bien.
Voici quelques problèmes :
1. (...)
2. À votre avis, est-ce important pour votre histoire qu'une petite souris dise qu'elle
a faim ?
Peut-on supprimer cette partie ?
3. Vous avez écrit : Tout à coup « regarde, un chapeau ! » Mais on ne sait pas qui
prononce ces paroles. Essayez d'ajouter une information pour que celui qui lira
votre histoire la comprenne bien. N'oubliez pas que vous êtes les auteurs ! »
4. (...)

Retranscription des interactions entre les deux élèves dans un travail de

39 extrait de : Maurel, M. & Fabre-Cols, C. (2001). « Fondements et modalités de l'écriture accompagnée au cycle
des apprentissages fondamentaux ». In Lidil n°23, 165-186. Les nouveaux écrits à l'école nouveaux
programmes, nouvelles pratiques, nouveaux savoirs. Numéro coordonné par Fabre-Cols.

40
réécriture (DOC.3)
« Mathilde et Manon lisent la troisième question
Mathilde : ben, les petites souris
Manon : l'une d'elles
Mathilde : l'une d'elles dit / regarde un chapeau
Manon : tout à coup, l'une d'elles dit
Mathilde : tu vas le rajouter là
Manon : (réécrit tout en lisant) tout à coup l'une d'elles dit regarde un chapeau.../
bon c'est bon
Mathilde : ben oui
Mathilde (à propos du mot « dit ») alors, qu'est-ce qu'on pourrait.../ ben/ dit je sais
pas.../ faudrait mettre un e ou pas ?
Manon : ben/dit non, c'est un t
Mathilde : oui / regarde un chapeau / elles se mirent à l'ouvrage ... / tu crois que
les petits vont comprendre ?

les fragments d'avant-texte oral figurent en italiques »

Cas n°4 40: Un projet de rédaction d'un guide touristique.


Cette année-là les enfants d'une classe de CM2 vont vivre une classe
« préhistoire » en Dordogne.: dès le début de l'année scolaire, l'enseignante
intéresse les enfants à cette région, leur propose de demander par courrier de la
documentation sur le département, sur la région Aquitaine, etc.
Bientôt la démarche se généralise, et les élèves vont réunir de la documentation
sur différentes régions françaises (une quinzaine) ; ils réaliseront par la suite, pour
chacune d'elles - l'initiation à l'informatique aidant -, un dépliant touristique
aussi attirant que possible. Ce qui implique :
-un ensemble de courriers, réalisés par équipe de 2 destinés à différents offices de
tourisme répartis sur l'ensemble des régions, de façon à récolter un nombre
suffisant de dépliants publicitaires pour pouvoir procéder à leur classement, à leur
analyse, à les constituer en « modèle de fonctionnement textuel » (incluant les
variantes remarquables) ;
-une collecte d'informations dans des ouvrages de géographie et, dans la mesure
du possible, dans des guides de voyage, de façon à mobiliser des lectures
abondantes et à poser le problème de la sélection des informations.
Une fiche-référence du dépliant touristique a été élaborée par la classe
• Le dépliant touristique
• Forme générale
Il peut être en forme de livre (2 volets)
Il peut avoir 2, 3, 4 ou 5 volets
Il peut se déplier comme une carte routière
Le titre
• Sa disposition
Il peut être droit, en arrondi, en escalier, à angle droit
Il est toujours accompagné d'une photo ou d'une image
• Sa place
Il est sur la première page, le plus souvent en haut
On le trouve parfois en bas ou au milieu
Il est quelquefois accompagné de sous-titres
40 extrait de : Devanne B. et le groupe lecture-écriture de l'Orne (2006). Lire, dire, écrire en réseaux. Des
conduites culturelles. Paris : Bordas. Pratique pédagogique Cycle 3.

41
• Ses caractères
En majuscules, en gras, en relief et parfois en couleur
Les textes et les illustrations
• La quantité de texte
(...)

Cas n°541 :
J. Boussion, M. Schöttke et C. Tauveron (2000 : 126-127) présentent une situation
de classe recueillie dans une classe de CP. À l'issue d'une visite au parc de
Gévaudan, une classe de CP a pour projet la rédaction d'un texte
documentaire sur les loups dans le journal de l'école. « Au moment d'écrire
les rubriques « Disparition du loup » et « le loup aujourd'hui », l'enseignant conduit
une discussion à partir de la question : « Alors d'après ce que vous savez pourquoi
les loups ont-ils disparu ? »
Enseignante - « Alors, d'après ce que vous savez pourquoi
les loups ont-ils disparu ? »
ÉLÈVE - « ils sont tous morts. Ils n'avaient plus assez à manger. On les a tués ... »
ÉLÈVE - « oui mais on nous a dit qu'on en remettait en liberté ».
ÉLÈVE - « non pas n'importe comment ».
ÉLÈVE - « et puis il y a longtemps qu'on les a tués ... »
ENSEIGNANT - « vous avez tous raison. On avait très peur des loups.On les a
chassés et tués. Ils ont disparu à cause de l'homme. Vous avez tous lu le texte « La
disparition du loup ». Qu'en avez-vous retenu ? Ce que vous venez de dire, mais
encore ? »
ÉLÈVE - « Ils ne mangeaient pas souvent les gens ».
ÉLÈVE - « Oui mais il ne fallait pas qu'ils les mangent du tout ».
ÉLÈVE - « Maintenant on saurait se défendre ».
ÉLÈVE - « Et après il y a plein de renards qui dérangent les poules et les lapins. Et
aussi les souris. Et puis on a lu qu'il y avait trop de souris et de rats. On pense à
l'histoire du joueur de flûte et des rats partout.
Enseignant - « Vous avez peur qu'on remette les loups en liberté ? »
ÉLÈVE - « On aurait tous peur ».
ÉLÈVE - « Oui mais le loup des Vosges n'a mangé que des moutons. C'était en été
et il était tout seul ».
ÉLÈVE - « Moi j'aurais peur des meutes... »
ENSEIGNANT - « À condition d'être raisonnable, attentif à l'équilibre de la nature,
en prenant toutes les précautions, les spécialistes pensent qu'on peut remettre
quelques loups. Mais beaucoup de gens sont contre cette idée.
(...)
Donnons la parole aux chercheurs :
« Le projet central de l'enseignante est bien de former des enfants lecteurs et
producteurs de texte. Pour autant, ou plus exactement pour cette raison même, il
s'attache tout particulièrement à favoriser les interactions verbales parce qu'il sait
qu'elles sont une aide à la construction de la pensée. Il ne s'agit pas pour lui de
« faire parler » les élèves dans un jeu de questions/réponses, mais de les aider à
verbaliser et à échanger leur savoir et ce faisant à le synthétiser, le recomposer et,
sans paradoxe, le construire. » (Boussion, J., Schöttke, M., & Tauveron, C. ,2000).

41 extrait de : Boussion, J.& Schöttke, M., & Tauveron, C. (2000). Lecture, écriture et culture au CP. Paris :
Hachette. (p.126-127).

42
3.2. Monde de l’oral
On peut dire que l’oral consiste à communiquer avec un interlocuteur, dans
le même temps et le même lieu42. Ce mode communication est de plus frappé
de réciprocité puisque le récepteur peut devenir interlocuteur et le locuteur
récepteur : les rôles sont interchangeables, dans une chronologie linéaire.
Les méthodes de langues dites « étrangères » ont mis à l’honneur l’oral par leurs
méthodes «communicatives » : cela consiste à poser la réussite de la
« communication » entre deux ou plusieurs personnes comme prioritaire par
rapport à la soi-disant « correction » de la langue employée. Or, comme c’est à
l’oral que nous communiquons le plus, cette modalité et son étude sont passées
peu à peu sous les feux du projecteur didactique, y compris pour le français en
zones francophones.
On s’est en effet rendu compte à cette occasion qu’il ne suffisait pas, contrairement
à ce qu’on croyait avant, de parler français en famille pour comprendre tout ce
qu’on vous dit, voire pour faire des progrès à l’oral ou réussir les tâches orales
demandées par l’école. C’est ainsi que le besoin d’enseignement de l’oral s’est peu
à peu imposé dans toutes les classes et à tous les niveaux, s’opposant au préjugé
selon lequel n’auraient eu besoin de « leçons d’oral » que les « très jeunes enfants
et les étrangers » (résultats d’une enquête sur les représentations de l’oral, que
nous avons faite en 1999). Mais que veut dire « enseigner l’oral » ? ou son pendant
« apprendre l’oral » ? On se heurte ici à une deuxième série de préjugés, réduisant
souvent l’oral à l’action de « parler ». Il s’agirait alors de faire « parler mieux » les
élèves, de réparer leur « vocabulaire pauvre » et leurs « phrases incorrectes » :
paroles courantes d’enseignants …, qui confondent souvent écrit et oral, qui jugent
l’oral à l’aune de l’écrit et qui pensent que c’est en faisant des « phrases
correctes » qu’on se fait le mieux comprendre … Autant de questions sur lesquelles
la didactique de l’oral s’est attachée à apporter des réponses peu en accord avec ce
que pensent les non spécialistes. Quels sont donc les principes de cette didactique
de l’oral ? Nous allons les résumer en quelques points synthétiques dont vous
excuserez le côté schématique et que notre bibliographie vous aidera à approfondir
si ce sujet vous intéresse :
1 – l’oral est un « monde » (cf. Peytard, Halté JF), comme l’écrit, fait de
plusieurs dimensions en interaction les unes avec les autres, et qui sont loin de se
limiter à des compétences linguistiques. On y produit (parler), on y écoute
(comprendre), on y échange (interagir), on s’influence l’un l’autre, on fait des sous-
entendus (importance des implicites), on profite de connivences, de rappels de ce
qui est connu et commun, on s’appuie sur des situations de communication dans
lesquelles s’inscrivent ces échanges. Dans ce cadre, les gestes ou le silence
peuvent être des « actes » de l’oral au même titre que les paroles elles-mêmes,
qu’il faut autoriser, voire encourager dans la classe.
2 – l’oral, ce n’est donc pas « savoir parler » mais au moins autant « savoir
écouter ». Et cela s’apprend, cela s’entraine, cela s’évalue, cela se développe, au
même titre que la production verbale. Les activités de « réception » (écouter et
comprendre), très faciles à organiser en groupe, devraient donc constituer une
bonne moitié des séances d’oral, trop d’enseignants se plaignant de ne pouvoir
organiser ces séances sous prétexte qu’ils ont des classes trop nombreuses ! On
42 Bien sûr, cette définition de départ ne tient pas compte des avancées technologiques, qui perturbent les
frontières de départ entre oral et écrit. On peut, par le téléphone ou le magnétophone par exemple
communiquer oralement avec un interlocuteur qui est à l’autre bout du monde.

43
peut pourtant écouter à 10 comme à 50 un texte lu, une information enregistrée à
la radio, une chanson ou un conte issu-e d’un disque, une conversation enregistrée
dans un lieu public, un entretien, une émission de télé, un document sonore
disponible sur internet, etc.
3 – l’oral a une vie propre, à côté de l’écrit, mais pas au-dessous de l’écrit ou
pour servir l’écrit. En d’autres termes, à l’école, on n’apprend pas à parler POUR
savoir écrire ; on apprend à parler ET à écrire. Et il faudra poursuivre
l’apprentissage de l’oral au-delà de l’accès à l’écrit. Alors que, malheureusement,
les activités orales sont riches et inventives dans les petites classes ; puis elles
diminuent, voire disparaissent souvent à partir de 7-8 ans dans les classes, pour
réapparaitre (en France) au moment du Brevet des Collèges et de l’oral du
Baccalauréat : moments un peu tardifs pour se rendre compte que nos élèves sont
« mauvais à l’oral », n’ont « pas appris à parler » et que l‘école leur a au contraire
appris à se taire !
4 – l’usage de l’oral est une activité éminemment sociale, partagée par tous,
qui prend ses modèles dans la vie de tous les jours (convaincre, raconter, débattre,
s’interroger, expliquer, discuter) même si certaines de ses utilisations sont
particulièrement développées à l’école : expliquer, analyser, questionner, par
exemple. Il conviendra donc de partir des expériences vécues par les élèves pour
les amener à réfléchir sur les activités orales, leurs fondements, leurs qualités. Par
exemple, on partira de situations courantes : « comment convaincre ta maman de
te donner de l’argent de poche ? diras-tu la même chose pour convaincre ton papi
ou ton grand frère ? ». On mettra ainsi l’accent sur l’interlocuteur, sur sa demande
et son écoute – bref on abordera tout de suite et sans le dire les « variations » de
l’oral. « Bien » écrire n’a rien à voir avec « bien écrire », car on ne raconte pas de
la même façon à l’écrit et à l’oral, on n’argumente pas de la même façon, etc.
5 – dans ce foisonnement, quelle progression suivre ? plusieurs solutions
sont possibles. On peut suivre le programme de l’écrit et envisager les diverses
façons (avec leurs deux versants réception / production) de raconter, décrire,
expliquer, argumenter, etc., selon ce qu’on appelle la « typologie des textes »,
suggérée par JM Adam, abordée au primaire en France, puis reprise au collège
(cf.4.3). On peut aussi partir des « actes de langage » de la vie courante
(demander, raconter, se demander, expliquer, faire rire, poser une question,
contredire, émouvoir, objecter, se présenter, etc., la liste est infinie) et en travailler
quelques-uns à l’oral, en voyant les nombreuses variétés discursives et les
procédés linguistiques utilisés (formes négatives, champ lexical, mots interrogatifs,
structure des phrases, tournures de mise en relief, etc.). On peut aussi choisir la
méthode genevoise des « genres sociaux » et partir de situations sociales : écouter
/ raconter un conte, écouter / faire une interview, suivre / diriger un débat télévisé,
etc. qui, étudiés et décortiqués, vont ainsi servir de « modèles » pour construire
des schémas structurels de base, à faire évoluer suivant les années, les âges et les
niveaux (cf.5.3). On peut enfin ne rien prévoir du tout et se laisser guider par les
besoins issus de la pédagogie du projet, si c’est par projet qu’on préfère travailler.
6 – Il est très important d’évaluer l’oral (cf. notre chapitre sur l’évaluation) au
même titre que l’écrit, ou que la rencontre écrit / oral, dans les compétences de
réception et de production : dans chaque cas, il faut expliciter aux élèves le but
poursuivi (« aujourd’hui on va apprendre à dire à quelqu’un qu’on n’est pas
d’accord avec lui, mais sans le vexer », ou « aujourd’hui, on va apprendre à
écouter une fois une histoire et à en retenir 3 éléments essentiels ») pour qu’ils
sachent ce qu’on va évaluer ou noter dans leur travail.

44
En quoi consiste alors la compétence orale ? Elle consiste à savoir s’adapter et
adapter son message à celui à qui je parle et à la situation de communication
(concrète et symbolique) dans laquelle nous nous trouvons.

3.3. Écrit/oral, les interactions

3.3.1. Les particularités de l’oral


Du latin « os, oris », le terme « oral » se rapporte à ce qui se produit par la bouche
et plus particulièrement par l’appareil phonatoire : larynx, pharynx, bouche et nez.
Le langage oral a la particularité d’être produit et perçu en simultané par l’émetteur
qui peut donc exercer un contrôle sur sa production. Historiquement l’être humain
est passé de l’émission vocale indistincte de sons à l’émission articulée de voyelles
et de consonnes (réalisations acoustiques tangibles appelées phones) et à leur
combinaison à travers les syllabes et leurs regroupements qui vont produire un
sens. Le langage oral peut être considéré comme un flux verbal linéaire passant
par un codage linguistique (choix syntaxiques, lexicaux…) et un codage prosodique
constitué :
- par l’intonation (montante dans les phrases interrogatives, descendante en fin
de phrases déclaratives, etc.) Elle organise les tours de parole dans une
conversation et facilite les interactions.
- par l’accentuation qui met en relief selon l’intensité (mesurée en dB), la durée
(mn) et la hauteur (Hz) de certaines syllabes, mots ou groupes (comme c’est le cas
en français où les mots ne sont pas isolés par un accent propre).
- par le rythme qui est produit et perçu par l’alternance des accents et des pauses
créant des groupes rythmiques (en moyenne 3 à 10 syllabes composant un
« syntagme » terminé par un accent) et des groupes de souffle.
Dans l’exemple ci-dessous, on a souligné les syllabes accentuées dans les groupes
de mots et marqué par des / les pauses qui séparent ces groupes. Il faudrait
ajouter à cela par des courbes la montée et descente puis remontée de la voix pour
marquer l’interrogation :
« Dis-moi / tu sais que j’essaie de dormir ? / fais un peu moins de bruit / s’il te
plait ! ».
« Les bruits lointains de la rue / bercent mes pensées. »
Quand on pense que certaines personnes disent encore que le français n’a pas
d’accents !
Mais la prise de parole ne se limite pas à l’utilisation de moyens linguistiques et
prosodiques, le langage corporel, avec les gestes, les regards, les mimiques
faciales, les postures, viendra ajouter des informations au cours de l’interaction
communicative. Souvent, au-delà de l’aspect universel des signaux non
linguistiques (rires, silences…), le décodage nécessite une connaissance culturelle.
(soupirs et reniflements sont des banalités pour les Japonais, mais indisposent les
Français).

45
3.3.2. Les distinctions oral/écrit
Elles peuvent être d’ordres différents :
- selon les conditions d’utilisation : La communication orale est immédiate
entre les interlocuteurs et la situation spatio-temporelle permet de poser des
référents communs qui n’auront pas besoin d’être évoqués explicitement, mais qui
pourront être éventuellement désignés par des gestes. (« Tu peux me le
donner ? » Les pronoms ici utilisés sont compris dans le contexte particulier de
cette conversation. On les appelle les déictiques). Il y a donc économie de
moyens linguistiques. La communication écrite est coupée de la situation de
communication aussi bien dans le temps que dans l’espace, elle nécessite donc une
précision sur les référents que le récepteur ne connaît pas immédiatement (le
pronom « le » n’aura plus de valeur déictique, mais anaphorique en rappelant un
élément déjà cité dans le texte comme « le crayon »), mais aussi sur le contexte
spatio-temporel.
- selon les conditions de production : l’oral connaît des degrés différents de
spontanéité entre la conversation entre amis où la parole est improvisée,
l’entretien d’embauche où il faut « peser ses mots » et la conférence lue d’après un
texte écrit (qui ici confère à l’ « écrit oralisé » comme la récitation ou la lecture
orale.) Par rapport au texte écrit sur lequel on a pu revenir à différentes reprises
pour apporter des corrections, des compléments et des raffinements, le « parler
ordinaire » tel que l’ont analysé Gadet (1989) et Blanche-Benveniste (1990, 1997)
est fait de reprises, hésitations (heu..), reformulations, énoncés apparemment
tronqués, des ruptures de constructions par rapport à la norme écrite, des
éléments phatiques (« tu sais / n’est-ce pas ? »), des bruits de bouche, etc. Si en
général le locuteur n’a pas conscience de ces phénomènes, il semble tout faire pour
que son énoncé soit compréhensible pour l’auditeur, ce qui explique les répétitions
et autres faux départs pour se corriger. Or, quand ces paroles sont retranscrites, on
peut souvent y percevoir le travail d’élaboration de la pensée en construction
comparable au brouillon de l’écrit.

3.3.3. Oral et écrit en interaction


Le langage oral peut être considéré comme un flux verbal linéaire (improvisé ou
préparé) passant par un codage linguistique (choix syntaxiques, lexicaux…), un
codage prosodique (intonation, accentuation, rythme), et une attitude corporelle
(gestes, regards, mimiques, posture). Il est en cela différent du langage écrit qui
nécessite des précisions linguistiques sur ce à propos de quoi on écrit et peut subir
des corrections et compléments sur le temps long de la rédaction.
Voyons cependant en quoi ces deux formes linguistiques se répondent.
- Au niveau des réalisations phoniques et graphiques : dans la langue française
85% des graphèmes correspondant à un phonème, selon la description de Catach :
les 15 % restants sont des graphèmes qui n’ont pas de réalisation sonore comme
par exemple les « s » du pluriel. Peytard (1971 :.163) explique que « le même
signe apparaît susceptible de la double réalisation, graphique dans une
circonstance, phonique dans l’autre, sans que l’on attribue la primauté à l’une ou à
l’autre. La communication dépend d’une situation où l’on exploite l’une ou l’autre
face du signe ».
- Au niveau des choix lexicaux : il apparait, d’après l’enquête sur Le Français

46
fondamental menée dans les années 1950, qu’un noyau de 800 à 1000 mots
(essentiellement déterminants, pronoms, conjonctions, prépositions) se retrouve
autant à l’oral qu’à l’écrit.
- Aux niveaux morphologique et syntaxique : les temps et les modes sont
employés aussi bien à l’oral qu’à l’écrit même si leurs conditions d’utilisation
diffèrent. C'est dans l’organisation syntaxique du discours que l'oral et l'écrit
diffèrent le plus.
Voyons maintenant en quoi, dans l’enseignement, oral et écrit peuvent interagir
pour conduire vers les apprentissages. Voici quelques exemples de situations
didactiques.
Quand l’oral interactionnel peut être considéré comme retour réflexif sur
l’écrit à produire :
- En situation de « dictée à l’adulte » en cycle 1 ou 2, les élèves sont conduits
par l’étayage du maitre à structurer et organiser la langue orale pour qu’elle puisse
devenir langue écrite. Les programmes 2008 proposent (p.13 du B.O. n°3 du 19
juin 2008, hors-série) : « À la fin de l’école maternelle, [les élèves] savent
transformer un énoncé oral spontané en un texte que l’adulte écrira sous la
dictée.» Prenons l'exemple d'un récit raconté à l'oral par un élève : le maitre écrit
ce qui dit l'enfant. Ce faisant il est amené à discuter avec l'élève de certaines
formes linguistiques qui ne seraient pas acceptées ou pas compréhensibles à l'écrit.
- En situation de dictée « négociée », les élèves de primaire regroupés par
deux ou trois rendent une seule dictée collective, élaborée à partir de leur dictée
individuelle qui a donné lieu à une négociation dans le groupe. Les interactions des
élèves font se confronter leurs conceptions sur les graphies à adopter, par exemple.
Motivés par la volonté de réussir ensemble, les élèves vont justifier leur choix,
expliquer leurs stratégies, argumenter en faisant référence à leurs connaissances
antérieures qui seront alors mutualisées.
- En situation de « texte fendu », les élèves doivent reconstituer la partie
manquante d'un texte coupé à la verticale : cette opération implique de prendre en
compte des indices orthographiques, lexicaux et syntaxiques, mais aussi d’indices
de cohérence textuelle. La motivation est créée par la situation d’énigme que
posent les processus de lecture, puis de rédaction mis en œuvre. Ces derniers, mis
au jour à travers les interactions orales, nécessitent une activité métalinguistique
intense. Cette activité nécessite d'être accompagnée par l'enseignant.

L’écrit peut également apparaitre comme support de l’oral :


- Pour faire un exposé oral, les élèves ont à prendre des notes à partir de divers
documents, à les agencer pour construire leur exposé. Ensuite, ils préparent leur
discours oral pour être compris par leurs camarades.
- En situation de restitution de récit, les élèves de cycle 2 ou 3 peuvent
prendre des notes personnelles à la lecture d’un texte par l’enseignant. Répartis en
groupes, ils confrontent leurs points de vue et peuvent construire une affiche
permettant restituer le récit à l'oral.
Dans ces situations, l’élève se sert « d'écrits intermédiaires » (Bucheton et
Chavanne, 2000) qui portent la trace de son cheminement intellectuel. L’oral
permet de construire l’écrit et vice-versa ; quand le produit est collectif, le passage
à l’écrit peut induire des verbalisations métalinguistiques.

3.4. Place de la langue dans la classe de français


Faut-il faire des leçons de grammaire ou intégrer l'apprentissage de la langue dans
différentes activités ?

47
Si les choix radicaux de la grammaire des années 1970, centrée sur l’analyse des
formes et des structures (Cf .1.3.) se sont révélés peu opérants dans la mesure où
les élèves de primaire ont beaucoup de mal à faire abstraction du sens pour décrire
un phénomène linguistique, au fil des décennies, on a réintroduit certains éléments
de l’ancienne grammaire sémantique (le verbe exprime l’action, le sujet l’accomplit,
le complément d’objet la subit, etc.) et on a essayé d’introduire d’autres recherches
comme la théorie de l’énonciation, initiée par Benveniste, la linguistique textuelle,
etc. Or il semblerait qu’en amalgamant les différents niveaux d’analyse, en
distinguant « grammaire de phrase » et « grammaire de texte », la confusion s’est
accentuée et l’adaptation aux besoins des élèves ne s’est pas véritablement
réalisée. Bentolila évoquait l’ « insécurité linguistique »43 qui aujourd’hui nuit non
seulement au développement de la personnalité mais aussi à l’insertion sociale.
La compétence 1 du socle commun des connaissances en France s’intitule « La
maitrise de la langue française ». Il indique pour le premier palier, en fin de CE1,
que les élèves doivent44:
« - s’exprimer clairement à l’oral en utilisant un vocabulaire approprié - écrire
sans erreur sous la dictée un texte de 5 lignes en utilisant ses connaissances
lexicales, orthographiques et grammaticales »
Et pour le deuxième palier, en fin de CM2 (p.27) :
« - s’exprimer à l’oral comme à l’écrit dans un vocabulaire approprié et précis
- rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (…) en utilisant ses connaissances
en vocabulaire et en grammaire ;
- orthographier correctement un texte simple de dix lignes - lors de sa rédaction
ou de sa dictée - en se référant aux règles communes d’orthographe et de
grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire. ».
Il est clair que la grammaire, l’orthographe et le vocabulaire sont considérés de
façon très normée comme des outils au service de la langue. Or, si les tableaux de
progressions proposés en pages 32 (cycle 2) puis 35 à 36 (cycle 3) du même B.O.
indiquent les listes de leçons qui donneront lieu à des « séances spécifiques », le
problème qui se pose à l’enseignant est bien le réinvestissement de ces leçons qui
permettrait d’évaluer une réelle « maitrise de la langue » en situation de
communication orale et écrite.
Développons les trois démarches d’enseignement aujourd’hui connues :
- une démarche déductive : Un modèle abstrait est proposé qui sert de base de
leçon, il est validé à postériori à travers les exemples rencontrés. Les élèves ont à
accepter les descriptions du manuel et du maitre puis à les apprendre. Cette
démarche se fait plus rare aujourd’hui, mais se trouve encore dans les manuels
Bled par exemple.
- une démarche inductive : la plupart des manuels de langue aujourd’hui
proposent un extrait de textes littéraires ou documentaires dans lequel les élèves
découvriront à partir d’une série de questions des règles de fonctionnement d'un
phénomène linguistique (par exemple, l'emploi de l'imparfait) qu’ils auront à
s'approprier par la suite(cf. ci-dessous, page 122 du manuel CM2, Mot de Passe,
Hachette Education, 2011, dans la rubrique « Je retiens »). Les exercices devront
permettre l’automatisation des acquis.

43 Bentolila A., (2007). Le verbe contre la barbarie. Paris : Odile Jacob.


44 Bulletin officiel, hors-série, n°3 du 19 juin 2008, p.20

48
- une démarche hypothético-déductive telle que la propose C. Tisset (2010) 45.
Prenant appui sur la résolution d’une situation- problème, cette démarche repose
sur la réflexion de l’élève et de sa classe à partir d’un obstacle réel qui est apparu
et qu’il s’agit de surmonter. Par exemple, lors d’un exercice de sciences où il faut
décrire les fourmis qui ont installé leur fourmilière dans la cour de l’école, les
élèves s'interrogent sur l’absence du « e » au mot « fourmi » : ils sont convaincus
que tous les mots féminins prennent un « e ». Les élèves proposent alors des
hypothèses sur le fonctionnement du « e » au féminin et formulent des
explications. Le maitre, sans commenter les remarques qui peuvent parfois être
erronées, les enregistre. Puis il propose des contre-exemples, des manipulations
(selon les différents cas, cela peut être des regroupements analogiques, des
suppressions, des déplacements, des remplacements) pour orienter les recherches
et faire progresser la réflexion commune. C. Tisset (id.p.20) considère que les
élèves vont ainsi « passer de l’épilinguistique au métalinguistique, d’une intuition
sur le fonctionnement à une explication rationnalisante. ». Les interactions entre
les élèves sont ici comme ailleurs très importantes, mais le rôle de l’enseignant est
primordial pour que chacun puisse passer d’une conception à une autre, au
moment précis où son cerveau est prêt à abandonner ses anciennes
45 Tisset, C.(2010). Enseigner la langue française, la grammaire, l’orthographe et la conjugaison à l’école .
profession enseignant, Paris : Hachette Education.

49
représentations et à passer à l’abstraction que demande la grammaire. La
décontextualisation de la notion sera ensuite abordée à travers des exercices où la
réflexion continuera de s’élaborer, où il faudra encore justifier son analyse et la
confronter à celle des pairs avant que le fonctionnement de la notion ne devienne
un automatisme.
Cependant de nombreuses recherches ont montré que l’automatisation des
difficultés orthographiques se fait sur le long terme et que la maturation du
cerveau joue un rôle important, certaines notions ne pouvant s’acquérir avant 13
ou 14 ans, voire plus tard. C’est pourquoi il vaut mieux prévoir que l’apprentissage
soit continu de l’école primaire au collège.
C'est dans cette perspective d’appropriation continue des règles de fonctionnement
de la langue que D. Cogis 46 propose des alternatives aux « leçons d’orthographe
traditionnelles » pour faire évoluer les conceptions orthographiques.
- l’orthographe intégrée à la séquence de production d’écrit : collectivement
les élèves sont amenés à soulever un problème orthographique nécessaire à la
réalisation de leur projet d’écriture, c’est ensemble qu’ils trouvent la solution et
l’intègrent à leurs différents textes. Par exemple, les élèves sont tombés d’accord
sur le fait qu’il fallait utiliser le passé composé pour rapporter un fait divers à
insérer dans le journal de l’école. Ensemble, ils observent ensuite des textes de
journaux (sélectionnés par le maitre) pour en déduire la règle d’accord des
participes passés.
- les rituels quotidiens d’orthographe : une « phrase du jour » est dictée aux
élèves. Lors de la correction collective, il s’agit de faire émerger les conceptions
erronées, de les discuter et de justifier les choix définitifs. Cela permet de revenir
chaque jour sur des notions déjà rencontrées et de forger des automatismes. Par
exemple, dans une école de la campagne provençale, le maitre dicte en CM1 : « Le
berger doit mener ses chèvres affamées dans les prés. ». La discussion portera sur
les terminaisons en [e] et réactivera la distinction des noms en « er » et en « é »,
mais aussi la différence entre infinitif et participe passé.
- les « chantiers d’orthographe » : à partir de corpus analysés sur plusieurs
séances consécutives et d'une question commune (par exemple en CM2 : à quoi
servent les accents en français ?), les élèves découvrent les fonctionnements
particuliers qui sont en jeu. Plusieurs notions sont abordées qui permettent de
concevoir la langue comme un système et non comme un agglomérat de règles
sans rapport entre elles. D. Cogis (2000) reprend les théories linguistiques de N.
Catach (1978)47 et propose une adaptation de la grille typologique des erreurs pour
permettre de donner des pistes aux enseignants (cf. tableau ci-dessous extrait des
pages 212, 213 op.cit. en note 20). Habitués à leurs propres classements, les
élèves peuvent élaborer leur propre grille, travail de structuration intellectuelle qui
oblige à repérer les invariants des catégories et qui permet l’intégration des
notions.
Dans ce type d'activité, les élèves s’approprient l’orthographe qui devient projet
personnel et peut-être même source de plaisir intellectuel si elle n’est plus
seulement vue comme un objet d’évaluation et de sanction48 !

46 Cogis, D.(2005). Pour enseigner et apprendre l’orthographe, nouveaux enjeux- pratiques nouvelles
Ecole/collège. Paris : Delagrave.
47 Catach, N.(1978).L’orthographe.collection : « Que sais-je ? » N° 685. Paris : PUF
48 Les programmes officiels de français en France demandent depuis plusieurs années aux enseignants
d’enseigner aux élèves les « nouvelles normes » qui étaient en 1990 seulement des propositions de
simplifications orthographiques. Il s’agit de simplifier l’écriture française, en se basant à la fois sur la

50
Exercice 1 :
Vous déterminerez la démarche d’enseignement choisie par l’enseignant
(déductive, inductive, hypothético-déductive) dans ces différentes
situations d’étude de la langue.
Situation 1 : En CM2, à partir d’un ensemble de phrases, l’enseignant demande si
le groupe de mots situé après le verbe peut s’enlever ou non. Les élèves devront
justifier leur choix à l’oral ensuite.
Situation 2 : En CE1, l’enseignant présente un tableau où sont classées les
différentes graphies du son [g], les élèves doivent le commenter puis appliquer la
règle dans leurs exercices.
Situation 3 : En CE2, les élèves doivent réécrire une recette contenant des verbes

prononciation actuelle, sur la simplification de « règles » devenues obsolètes et incompréhensibles et sur la


« francisation » des mots étrangers. Nous ne pouvons nous y attarder mais vous les trouverez sur le site
renouvo.org.

51
à l’infinitif en utilisant la 2ème personne du singulier : « Tu découperas une
tranche… » et observer les changements.
Situation 4 : En CM1, à partir d’une représentation du roi Louis XIV, les élèves
doivent s’imaginer être des courtisans décrivant dans le détail le costume du roi à
des personnes ne l’ayant pas vu. Les productions écrites seront mises en commun
pour analyser comment les détails ont été donnés (expansions du nom).
Situation 5 : En CE2, à partir d’un texte au présent où des verbes du même
groupe connaissent une variation de terminaison, on demandera de trouver
pourquoi ces changements se produisent en relevant des indices (les différents
sujets).

Éléments de correction :
1: démarche inductive
2: démarche déductive
3: démarche inductive
4: démarche hypothético-déductive (à partir d’une situation problème)
5: démarche inductive
Exercice 2:
Vous classerez les erreurs orthographiques de ce texte extrait d'une copie
de CM2 à partir du tableau de D.Cogis. Vous proposerez quelques pistes
de remédiation pour cet élève à partir du type d’erreur le plus récurrent.
Elle esseilla de dénnicher des bonnes gosse carote avec une rasine pointu. Lerbe
était mouiller. En saprochant du caré plenter de carote, elle vit soudin lune d’elle
bougé.

Éléments de correction :
Elle esseilla de dénnicher des bonnes gosse carote avec une rasine pointu . Lerbe
était mouiller. En saprochant du caré plenter de carote , elle vit soudin lune d’elle
bougé.
Erreurs concernant le pôle lexical :
- Erreur phonétique :
« gosse » pour « grosse » : oubli d’un phonème
- Erreur de phonogramme :
→ erreurs sur le choix d’un phonogramme/morphogramme lexical
« esseilla » pour « essaya »
« rasine » pour « racine » : erreur par méconnaissance de la loi de position « s »
entre deux voyelles
« erbe » pour « herbe » : oubli ou méconnaissance du « h » étymologique
« plenter » pour « planté »
« soudin » pour « soudain »
→ erreurs sur le doublement de la consonne
« dénnicher » pour « dénicher » : avec en plus ajout de l’accent, en fait, erreur
sur la jonction préfixe/radical
« carote » pour « carotte »
« saprochant » pour « s’approchant »
« caré » pour « carré »
Erreurs concernant le pôle grammatical :
- Erreur de segmentation : (ici il s’agit d’une méconnaissance du statut des

52
mots : différenciation déterminant/nom, pronom réfléchi/verbe, pronom indéfini
de formation complexe comme « l’une ».)
« Lerbe » pour « L’herbe »
« saprocher » pour « s’approcher »
« lune » pour « l’une »
- Erreur de marque nominale ou pronominale :
« de bonnes gosse carote » pour « de bonnes grosses carottes » : marque de
nombre, accord dans le groupe nominal
« rasine pointu » pour « racine pointue » : marque de genre, accord dans le
groupe nominal
« lune d’elle » pour « l’une d’elles » : marque de nombre pour le pronom
- Erreur de marque verbale :
« caré plenter » pour « carré planté » : marque du participe passé
« bougé » pour « bouger » : marque de l’infinitif.

Il est à noter qu’il n’y a aucune erreur de majuscule ou de ponctuation, que les
deux verbes au passé simple et celui à l’imparfait sont correctement orthographiés
(Il faudrait toujours avoir un regard bienveillant sur les acquis des élèves avant de
s’attacher à la remédiation des erreurs).
Les erreurs les plus fréquentes concernent le choix des phonogrammes et
notamment le doublement des consonnes qui reste une grande difficulté de notre
langue.
Une remédiation possible consiste ici à faire observer le mot, en le rapprochant
des mots de la même famille quand c’est possible (planter, plante, plantation). On
envisagera également de programmer une leçon sur la construction des mots
dérivés pour travailler la jonction préfixe/radical (ap/procher, dé/nicher).
On pourra aussi construire des exercices sur la règle de fonctionnement de la
graphie du son [s ] ; en regardant travailler l'élève, on pourra évoquer avec lui les
difficultés pour écrire le son [s] avec ses variantes. Cela permettra également
d’évoquer le « s » morphogramme de pluriel nominal ou adjectival. Un travail
individuel est nécessaire au départ, il pourra être ensuite intégré à une phrase
dictée du jour où l’on veillera à donner la parole à cet élève pour réactiver la règle
dans sa mémoire et lui faire acquérir peu à peu les automatismes dont il manque.

3.5. La notion de littéracie


La notion de littéracie est récente mais très utile. Vous la trouverez sous des
orthographes différentes, dont nous n’avons pas la place ici de vous expliquer les
nuances. Venue du monde anglo-saxon, elle désigne l’ensemble des
compétences langagières (écrire, lire et même parler et comprendre
ensuite) utiles dans notre vie sociale. Ainsi on peut dire que tout le monde n’a
pas les mêmes besoins littéraciques sur le plan professionnel, selon qu’on est
maçon sur un chantier, secrétaire de direction, guichetier à la poste ou serveur de
restaurant : chaque métier ou situation d’apprentissage suppose des nécessités
différentes, dans les domaines de l’écrit et de l’oral. De la même façon, suivant leur
origine familiale, socio-culturelle ou autre, les élèves arrivent en classe avec des
acquis en littéracie différents et des demandes différentes. Certains didacticiens
définissent un peu brièvement la littéracie comme le contraire de l’illettrisme : c’est
une façon positive de nommer les besoins sociaux sur le plan langagier. L’essentiel
est de retenir à ce propos que la littéracie appartient à tous ; c’est une notion
évolutive puisque nous n’avons pas les mêmes besoins, sur les plans de l’écriture
et de la lecture par exemple, tout au long de notre vie, on ne peut donc jamais

53
parler de « maitrise en littéracie » puisqu’on peut toujours repousser plus loin les
besoins qui sont les nôtres suivant notre place dans la société. Le professeur de
français doit donc faire preuve de souplesse pour évaluer les besoins
littéraciques de ses élèves, au lieu de leur imposer des savoirs ou savoir-faire
tout prêts, construits en-dehors de leur vécu social.

3.6. L’oral et l’écrit pour penser et apprendre

3.6.1. Parler et écrire pour penser


La recherche a mis en valeur ces dernières années combien le proverbe « Ce qui se
conçoit bien s’énonce clairement » était erroné. En effet, ce n’est pas quand on a
une idée claire qu’on peut l’exprimer avec clarté, mais parce qu’on exprime une
idée (à l’écrit ou à l’oral) qu’elle devient claire. Il en résulte que c’est en donnant le
plus possible la parole aux enfants dans nos classes qu’on leur apprendra à
construire leurs pensées et leurs réflexions : et pour cela, ils ont droit à toutes les
hésitations, tous les « euh … », toutes les phrases interrompues et qui repartent
dans un autre sens, qu’ils le désirent. L’oral bien utilisé devient un brouillon, un
atelier de la pensée, de la recherche du mot juste et, à ce titre, il est fait de bribes,
de retours en arrière, de boucles qui sont autant de signes de sa richesse.
De la même façon, écrire aide à construire sa pensée : on est obligé de la mettre
en ordre, de choisir un début et une fin, de se décider pour un mot en laissant
tomber d’autres mots possibles, etc. Tout cela contribue à faire émerger notre
message dans une linéarité chronologique : tous ceux qui écrivent le savent, tant
qu’on n’a pas commencé à écrire, toutes les idées qu’on a dans la tête ne servent à
rien, c’est comme si la pensée n’était pas née. Là aussi, vous comprenez que cela
doit entrainer des activités de classe où on encourage au maximum les élèves à
écrire, dès le plus jeune âge, pour que les pensées prennent forme peu à peu. Et,
dans ce cadre, peu importent les maladresses ou lacunes, l’essentiel est que se
déroule le discours qui construit la réflexion, au fur et à mesure de sa production.

3.6.2. L'oral et l'écrit réflexifs


À l’école, l’enfant qui utilise le langage, on l’a vu (Cf.3.2.), s’insère dans le tissu
social en tant que personne communicante et structure sa pensée en décrivant et
ainsi en comprenant le monde qui l’entoure. Ce faisant, il développe ses
compétences langagières. Or certains didacticiens 49 ont cherché à montrer que par-
delà une transcription des réalités préexistantes, à travers les activités de l’oral et
l’écrit, l’enfant, en interaction avec les partenaires de sa classe, est amené à
réfléchir dans des situations diverses, quelle que soit la discipline, et à se
construire des connaissances en élaborant de nouvelles formes sémiotiques pour
ses représentations. Quelles sont donc ces situations où l’écrit et l’oral sont
« réflexifs », c’est-à-dire qu’ils permettent, à travers le langage, de prendre de la
distance par rapport à l’expérience immédiate, de se détacher de son vécu
personnel hic et nunc pour accepter le discours et la pensée de l’autre et les
intégrer à sa propre représentation ainsi reconstruite ? La réflexivité se traduit
également d’un point de vue métalangagier et métadiscursif dans la capacité à
revenir sur sa production pour expliquer un terme, reformuler un énoncé, corriger

49 Didacticiens qui ont contribué à l’ouvrage de Chabanne J.-C. et Bucheton D. (2002) Parler et écrire pour
penser, apprendre et se construire, l’écrit et l’oral réflexifs, Éducation et formation. Paris : PUF.

54
la construction d’un phrase, ajuster et développer un argument en fonction de ce
qu’on attend de la compréhension de l’autre. Il s’agirait donc de proposer des
situations où les interactions entre maitre et élèves et élèves entre eux, sont
inscrites dans un contexte connu et commun avec des règles acceptées et
devenues routines pour favoriser un climat sécuritaire dans lequel chacun
s’autorise à penser avec l’autre et à co-construire ses connaissances (Vygotski,
1934)50. Ces situations permettraient de « réfléchir » les discours entendus dans le
contexte de la classe, c’est-à-dire ici de les reprendre en les transformant
(François, 1984)51, en les faisant siens et ainsi en se construisant sa propre identité
dans la différence avec l’autre. Les discours disponibles dans la classe, et à partir
desquels on réfléchit et on apprend sont autant ceux normés du maitre, des
auteurs des différentes lectures que les discours des pairs et du sujet lui-même qui
peut être invité à retravailler son propre énoncé. En outre, ces discours, dans la
mesure où ils font écho à l’affectivité ou au système des valeurs des élèves (« oui,
chez moi aussi il faut faire comme ça ! Oui, moi aussi j’ai ressenti cela ! »), auront
d’autant plus de poids dans la construction des connaissances qu’il auront touché
une corde sensible.
Voici deux situations didactiques extraites de l’ouvrage cité ci-dessous 52 dans
lesquelles les écrits et les oraux ont une portée « réflexive » et font apparaitre une
dynamique cognitive :
- La lecture-feuilleton d’un récit littéraire en GS : M.-T. Chemla et M. Dreyfus53
analysent comment les interactions verbales entre pairs jointes l’étayage du maître
permettent de développer des compétences de compréhension / interprétation
d’écrits complexes. Voici comment les chercheuses analysent ces situations :
Les phases d’écoute de la lecture oralisée de l’enseignante (ici sous forme de
lecture feuilleton du roman de Michel Piquemal, Salamani, l’indien solitaire, en
général étudié au cycle 3) mobilisent les opérations mentales individuelles de
saisie, de mémorisation et de hiérarchisation des informations avec les diverses
inférences nécessaires à leur compréhension et interprétation. Les phases
d’interaction orale permettent d’accéder non seulement à la clarification de certains
éléments linguistiques non compris (vocabulaire, tournure syntaxique), à la
caractérisation plus précise des personnages et de leurs actions mais aussi
d’accéder aux univers que les autres se sont construits à l’écoute du même écrit,
de concevoir qu’on peut avoir d’autres émotions, qu’un tel passage peut avoir
d’autres résonnances dans l’esprit de son camarade. Pour exemple, la reprise du
passage de la mort du père du héros permet de montrer comment, même si au
premier abord on peut y voir un empilement anarchique de données, il s’agit en fait
d’une continuité syntaxique qui se développe sur plusieurs tours de parole :
« 46 Rk Et puis il est tombé il a +++54
47 Kl Il a cassé
48 Rk Il s’est fait mal
49 M Et le père de Salamani s’est fait mal
50 Rk Il est mort
50 Vygotski L. (1997), Pensée et langage, trad. F. Sève, Paris , la Dispute ; 1ère éd.,1985, Messidor/Editions
sociales.
51 François F., Hudelot C. et Sabeau- Jouannet E. (1984) Conduites linguistiques chez le jeune enfant, Paris, PUF.
52 Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, l’écrit et l’oral
réflexifs. Paris : PUF.
53 In Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, l’écrit et l’oral
réflexifs. Paris : PUF.
54 Le numéro correspond à celui de la réplique d’un élève dans la séance filmée. Les initiales représentent
élèves, M étant la maîtresse et +++ signifie une pause ou un silence. Les blancs graphiques permettent de
montrer la continuité linguistique du propos dans les différents échanges.

55
51 Bd Il ne pouvait plus bouger
52 M Bd
53 Bd i+++i+++
54 Mr Il s’est assommé
55 M Bd d’abord
56 Mr assommé
57 Bd Il s’est fait très mal + alors il pouvait pas bouger + alors il a brûlé
assommé ».
M.-T. Chemla et M. Dreyfus mettent en évidence comment le prédicat « il » est
repris différemment selon les élèves dans une co-construction du sens du récit et
particulièrement comment Bd, sollicité directement par l’enseignante, s’appuyant
sur le propos qu’elle vient de confirmer (s’est fait mal), sur sa propre proposition (il
ne pouvait plus bouger) et le participe proposé à deux reprises par Mr (assommé)
construit une séquence personnelle, causale et chronologique. Il s’est construit du
sens grâce à l’interaction ».

- Les écrits intermédiaires dans l’élaboration d’une production d’écrit en


CE1 : J.-C. Chabanne et D. Bucheton analysent comment ce qu’ils ont appelé
« écrits intermédiaires »55 (2000) sont porteurs de la trace de l’activité cognitive de
l’élève. La situation décrite ici ne consiste pas à demander aux élèves d’écrire
plusieurs jets d’un même texte où les différentes réécritures permettraient de
réguler un problème de contenu ou de langage (tels que le proposent les modèles
des groupes EVA (1991) ou Ecouen (1988), Cf.1.3.). Mais il s’agit, à partir de
différentes consignes, de diversifier ses postures d’écriture pour s’ajuster à la tâche
demandée. Les conclusions de cette analyse montrent qu’il est possible d’évaluer
en quoi l’activité langagière écrite à différents moments, permet une réflexion
personnelle sur :
- la position énonciative à adopter (énonciateur présent ou non dans son
texte, réorganisation des marquages des discours rapportés, adaptation des
actes de langage, etc.)
- la construction de l’univers symbolique (mise en relation de divers contenus
de pensée et d’affects pour créer une histoire avec ses personnages, ses
descriptions qui expriment la représentation d’un monde compréhensible
pour le lecteur.)
- la langue elle-même (prise en compte des normes lexicales, syntaxiques,
textuelles et discursives pour répondre aux deux difficultés précédentes
comme par exemple l’utilisation du temps adéquat pour signifier une
différence entre un récit et un discours rapporté, pour exprimer une
antériorité d’action, etc.)
Dans ces deux situations évoquées, la réflexivité langagière est démontrée,
porteuse des « mouvement cognitifs, identitaires et affectifs qui définissent
l’apprentissage ou le développement. » (opus cit.p.21).

Exercice :
Chabanne et Bucheton (2002) donnent l'exemple suivant :
Une classe de CM2 de Perpignan a l’habitude de travailler le débat philosophique
de cette façon : à partir d’une lecture ou d’une situation, une question est posée
explicitement (ici : « L’homme est-il un animal ? »). Les élèves sont invités à
55 Il s’agit en fait des écrits transitoires personnels ou collectifs qui permettent soit une aide à la mémorisation
d’une leçon, d’un futur exposé oral, soit un bilan personnel d’un savoir, soit une étape conceptuelle dans
l’élaboration d’un projet plus long.

56
rédiger, chez eux, une réponse d’au moins 5 lignes sur leur cahier d’écrits
quotidiens (possibilité de faire des recherches, d’échanger avec les parents si on le
souhaite). Lors d’un débat réglé par un président de séance, les élèves exposent
leurs idées sur la question et débattent. Pour la semaine suivante, les élèves
doivent rédiger un texte où ils donnent leur nouveau point de vue sur la question.
Nous vous proposons ici les deux écrits de Cindy et un extrait du débat oral 56 ».
Vous repèrerez en quoi le passage par l’interaction avec les pairs, lors du
débat en classe, permet de faire évoluer le point de vue de Cindy. Vous
observerez notamment :
- les traces de son activité cognitive dans ses paroles,
- son évolution entre le premier et le deuxième écrit.
Premier écrit de Cindy :
« Moi, je pense qu’oui car nous descendons du singe. Presque tous les animaux
sont comme nous, ils ont un nez mais on ne dit pas forcément un nez pour un
chien ou un cheval, une bouche, des yeux, et surtout un cœur, ils respirent et
aussi ils marchent, ils font leurs besoins et puis ils ont des enfants tout comme
nous. L’homme est intelligent ».(p.59).
Débat en classe (paroles de Cindy uniquement, le numéro correspondant
à la place de sa réplique dans les échanges avec ses pairs) :
« 27 Cindy : Ben moi je pense que/merci/ que l’homme est un animal car
heu/heu/il a pre/il a presque tout comme nous/en fait/il a une pensée//les
hommes chassent aussi/on a plein de choses comme /en commun /ils sont
intelligents, on est intelligent et ils ont beaucoup d’avantages sur nous comme le
flair/ils ont une très bonne ouïe, oui, voilà (...) (p.60)
81. Cindy : Ce qui différencie l’homme de l’animal/c’est que l’homme/l’homme vit
dans/ vit dans une ville/il a/il a une vie civilisée l’a /l’animal lui/il peut/il
peut/avoir/il peut vivre dans une ville ou il peut vivre dans la nature.
86. Cindy : Mais y parlent aussi les animaux
90. Cindy : Comment tu peux savoir que/la pensée/que notre pensée est plus
dév/développée que la leur ?
107. Cindy : Moi j’ pense que c’est [l’intelligence] apprendre des choses
nouvelles/heu/penser aussi et découvrir des choses
166. Cindy : J’suis d’accord avec Olivier parce qu’on a plusieurs versions/y en a
qui disent que qu’on descend d’un mulot, d’autres qu’on descend d’un singe et
puis voilà
188. Cindy : Ceux qui disent que l’homme n’est pas un animal/les animaux ne
s’habillent pas heu/ils ne/ils ne parlent pas ». (p.61)

Deuxième écrit de Cindy :


« Oui et non
Oui l’homme est un animal car ils ont la même manière de vivre que nous, ils
mangent, ils boivent, ils dorment […] L’homme ne descend pas du singe mais
d’après d’autres informations, l’homme pourrait également descendre d’un mulot
ou d’un rat […]

56 d’après les pages 59 à 67 de l’ouvrage de Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et écrire pour penser,
apprendre et se construire, l’écrit et l’oral réflexifs. Paris : PUF.

57
Aussi on dit que l’homme est un loup pour l’homme, c’est à dire qu’il est comme
un animal capable de tuer les autres sans faire attention à leur conscience […]
Et non car l’homme crée, invente des machines. Nous, nous en avons besoin alors
qu’eux se débrouillent tout seuls. L’animal ne peut pas trop penser. Ils n’ont pas la
pensée aussi développée que nous. L’homme n’est pas un animal parce que
l’homme est instruit. Il a un langage articulé ». (p.59)

Donnons la parole aux chercheurs :


Les premières paroles de Cindy ne consistent pas en une lecture de son premier
écrit. On suppose que déjà habituée à ce genre de débat, elle sait qu’il ne s’agit
pas de lire mais d’exposer un point de vue personnel. Par ailleurs, elle parle après
26 interventions d’élèves et ne peut se permettre de répéter ce qui a déjà été dit
(ce que certains font certainement quand-même mais le président de séance est
là pour veiller à ce que cela ne se produise pas !) Néanmoins les propos de Cindy
vont dans le même sens que son premier écrit : l’homme est un animal et elle se
réfère aux points communs entre l’homme et l’animal : les attributs corporels
notamment. Or, « le flair » est une reformulation linguistique pour « nez » : son
langage s’adapte donc à la situation sous l’écoute attentive de ses pairs. Elle
propose aussi une comparaison sur les capacités intellectuelles : « il a une
pensée » (on suppose que le pronom se réfère à l’animal, ici la réflexion de Cindy
se cherche, sa syntaxe est hésitante mais elle donne des arguments avec des
connecteurs comme « en fait », des exemples « comme le flair » et elle façonne
sa pensée en parlant.
À partir de la réplique 81, Cindy ayant entendu de nombreux arguments fait
évoluer sa position : elle envisage les différences entre l’humain et l’animal, cette
fois, ce qu’elle n’avait pas du tout fait auparavant que ce soit à l’écrit ou à l’oral.
Mais sa remarque 86 montre qu’elle reste encore ancrée dans son idée première
que les animaux ressemblent en tout à l’homme et elle leur accorde même la
parole ici, comme elle l’avait fait auparavant pour l’intelligence. Ainsi dans sa
question 90, elle montre que non seulement le sujet l’intéresse particulièrement
mais aussi qu’elle n’est pas encore convaincue de la différence d’intelligence entre
l’homme et l’animal. Sa réplique 107 est certainement la conséquence d’une
question d’un de ses pairs sur sa définition personnelle de l’intelligence, ce dernier
ayant perçu que la difficulté venait de ce manque d’accord préalable sur le sens du
terme employé.
Dans ses deux dernières répliques Cindy reprend les arguments de ses pairs pour
développer son propre raisonnement ; elle accepte plusieurs hypothèses (166) et
revient sur son idée première de langage pour l’animal (188). Il y a bien co-
construction des savoirs ici par l’intégration des discours d’autrui dans l’énoncé
oral mais aussi dans l’énoncé écrit.
En effet, le deuxième écrit s’enrichit linguistiquement : il devient un véritable
texte argumentatif avec exposition des deux points de vue opposés et
agencement réfléchi des différents arguments. Sa première position est exposée
en début de texte et ce qu’elle a appris en deuxième partie, ce qui semblerait
montrer qu’elle y attache davantage d’importance. Il y a véritablement intégration
de l’idée que l’homme a une intelligence plus développée. Son écrit en est la
confirmation.
Il semble, en outre, y avoir reprise de certaines phrases entendues dans le débat

58
avec explication précise: « l’homme est un loup pour l’homme, c’est-à-dire
qu’il… » et emploi d’un vocabulaire spécialisé « sans faire attention à leur
conscience », « langage articulé ».
Le dispositif choisi par l’enseignant semble véritablement avoir permis la
circulation et l’intégration de représentations cognitives et culturelles (même si
l’idée que l’homme descende d’un mulot ou d’un singe est à revoir par la suite !)
par des formes langagières communes mais aussi par certaines expressions que
les élèves n’avaient pas eu l’occasion d’utiliser auparavant (vocabulaire
scientifique, philosophique). On peut alors parler d’acculturation puisqu’il y a eu
actualisation individualisée de ces formes dans le deuxième écrit. Les
compétences métalangagières et métacognitives développées dans ce dispositif
relèvent bien d’un aspect de la réflexivité, avec prise de conscience de ses propres
apprentissages .

3.7. La place de la littérature


La littérature comme « nouvelle » discipline de l’école élémentaire française a fait,
en 2002, son entrée officielle dans les programmes de l'école primaire et, avec elle,
la lecture littéraire.
L'enseignement de la littérature était jusqu'alors réservé au collège et au lycée,
donc à une certaine « élite », et l'étude de la langue aux classes du primaire. Le
structuralisme, dans les années 70, provoque un premier tournant dans
l'enseignement de la littérature au secondaire. Celui-ci était jusqu'alors centré sur
des lectures savantes liées à la biographie des auteurs : l'emblème de cette
approche était le manuel « Lagarde et Michard ». On est passé ensuite à une
conception centrée sur le texte et sa structure. La classification par courants
littéraires a fait place à une classification par types de textes (narratif, descriptif,
explicatif, argumentatif et prescriptif) (cf.2.2.2.), puis par genres littéraires (récit,
poésie, théâtre, autobiographie, avec pour sous-genres du récit, le roman, la
nouvelle, le conte, le fantastique, la science-fiction, le policier etc.). « La grande
littérature » est minorée au sein des corpus étudiés et complétée par une
littérature traditionnellement jugée paralittéraire : le policier, le fantastique, la
science-fiction et par des genres dits mixtes qui allient l'écriture, le visuel et l'audio
tels que l'album, la bande dessinée, la chanson, le cinéma, la publicité, l'écrit
journalistique, etc... L'étude des textes littéraires se fait alors grâce à de nouveaux
outils : l'analyse structurale (schéma de communication de Jakobson (cf.2.2.1),
schéma narratif de Propp, schéma actanciel de Greimas) et ses concepts (par
exemple la fonction poétique, la fonction référentielle, la situation initiale, la quête,
le héros, l'adjuvant, l'opposant...).
Dans les années 80, on a assisté à une évolution des théories littéraires
marquée par le passage du structuralisme aux théories de la réception avec
notamment « l'esthétique de la réception57 » de Jauss (1978), la théorie de « l'effet
esthétique » de Iser (1976), « la coopération interprétative » de Eco (1985), la
« lecture littéraire » de Picard (1986). Dans le même temps, la littérature de
jeunesse, réel objet littéraire et artistique, a obtenu ses lettres de noblesse à
l’école.
Giasson (2000) synthétise les trois phases qui ont marqué l'enseignement de
la littérature sous l'angle de leurs questionnements emblématiques. Elle montre

57 ce qui signifie le fait de prendre en compte le lecteur.

59
qu'on est passé de questionnements du type : « qu'a voulu dire l'auteur ? » à des
questions du type: « pouvez-vous résumer l'intrigue en dégageant la structure du
récit, les relations entre les personnages ?» et enfin avec la centration sur le
lecteur à des questions du type : « quelles réactions avez-vous en lisant ce
passage ? ».
Aujourd'hui, la plupart des didacticiens la lecture littéraire à partir notamment
des travaux de Michel Picard (1986). Employer le terme de « lecture littéraire »
signifie que toute lecture de texte littéraire n'est pas littéraire par nature. Le texte
n'existe qu'à travers la lecture, il échappe toujours à son auteur et a besoin du
lecteur pour être actualisé dans une lecture singulière. Nous avons vu dans le
chapitre 2.3.7 que face à la lecture d'un texte, certains élèves de cycle 3 mobilisent
différentes postures de lecture et que si les lectures fusionnelles et distanciées
participent, toutes deux, à la lecture littéraire, les enseignants doivent chercher à
faire accéder tous les élèves à une lecture symbolique et critique.
Prenons le temps d'illustrer ici ce discours sur les postures par des propos d'élèves.
Pour exemple, une recherche (Crocé-Spinelli, 2007) dont le recueil consiste dans
l'enregistrement et la transcription d'un extrait de débat littéraire 58 conduit par une
enseignante avec 8 élèves de cycle 3 âgés de 10 ans. Ceux-ci durant l'échange
réagissent, à l'oral, à un passage d'un roman de littérature de jeunesse, « L'enfant
Océan » de Jean-Claude Mourlevat. Ce recueil met en valeur la manifestation, en
fin de séance, d’une lecture distanciée avec la caractérisation du genre littéraire du
texte à partir d'une interprétation d'un premier élève portant sur le fonctionnement
du texte, son genre « / moi j’ai trouvé un truc /(...) il y a une histoire qui se
rapproche plutôt de la réalité et une autre qui s’éloigne de la réalité ! / ». Un autre
élève complète cette interprétation avec l'utilisation d'une métaphore : « / on a
d’un côté de la feuille / on a l’histoire qui se passe dans la réalité / avec Yann
comme dit Romain y a du magique / et de l’autre côté de la feuille et ben il y a la
vraie vie avec tous ces mots vulgaires et tous ces sentiments et quand on replie
ces deux feuilles / elles se correspondent / ». L'analyse de ces propos au regard du
texte montre la pertinence de cette interprétation. Le texte se situe en effet
« entre conte et récit réaliste ». Cette recherche montre, par ailleurs, le processus
qui a conduit ces lecteurs à cette interprétation : cette dernière n'est pas le fait
d'élèves isolés, elle est le fruit d'une activité plurielle et collective de tout le groupe
où des lectures faites de réactions subjectives immédiates « / j’ai pas trop aimé la
fin / », de réactions évaluatives »/ pour moi l’histoire elle est pas terminée / »
permettent aux élèves d'engager, dans l'interaction, un processus de distanciation
en utilisant leurs savoirs sur les dénouements des récits « / autant une fin qui
fasse réellement un déclic pour euh / pour vraiment qu’on finisse l’histoire / », en
faisant appel à leurs expériences de lecture « / comme par exemple « Sacrée
sorcière » / ». Ce processus de distanciation à partir d'une activité de lecture
plurielle permet aux élèves d'aboutir à l’appréciation du caractère magique de cette
fin « / là c’est plus magique / » et de son inscription dans le monde des contes
merveilleux « / là / on dirait quelqu’un qui sort d’un conte merveilleux / » pour
produire l'interprétation du genre évoquée au début de cette exemple.
Cet exemple illustre la conception de la lecture littéraire comme « va et vient
dialectique entre participation psycho-affective et distanciation critique »
(Dufays, 2006) où des réactions subjectives immédiates participent, dans
l'échange, à la maturation du processus interprétatif. Il permet également
d'illustrer la place nouvelle que l'interprétation occupe à l'école primaire qui

58 Un débat littéraire désigne une situation d'échange autour d'un texte littéraire.

60
s'oppose à la conception traditionnelle de la compréhension et de l'interprétation
comme des activités séparées, avec le travail de la compréhension réservé à
l'enseignement primaire, celui d'une interprétation savante, aux classes du
secondaire.
Notre exemple permet par ailleurs d'évoquer le débat littéraire comme dispositif
didactique d'enseignement de la lecture littéraire qui s'oppose aux dispositifs
traditionnels de lecture de textes littéraires qui privilégiaient l'explication du
vocabulaire et les questionnaires de compréhension. Pour ceux qui souhaiteraient
creuser la question des dispositifs didactiques favorables à la lecture littéraire, ils
pourront notamment se référer aux travaux de Tauveron (2002) et de son équipe
dans « Lire la littérature à l'école » ainsi qu'à l'ouvrage de Giasson (2000), « Les
textes littéraires à l'école ». Ils y trouveront des dispositifs de questionnements des
textes qui proposent l'articulation de l'oral, de la lecture et de l'écriture.
Nous vous proposons ci-dessous une activité en trois étapes qui vous permettra de
différencier différentes pratiques de lecture dans la classe : vous essaierez de
voir laquelle vous parait la plus riche pour les élèves.

Activité :
1- Dans une classe de cycle 3, l'enseignant demande aux élèves de lire le
texte suivant :
(Cette situation est extraite de l'article de Cèbe, S. & Goigoux, R. & Thomazet, S.
(2004))59.
« Ce matin, nous avons accueilli dans la classe, pour la première fois, un
camarade italien. François l’a fait asseoir à côté de lui et lui a demandé son nom.
Avec une petite courbette qui nous a tous fait rire, le nouveau a dit, souriant à
toute la classe : « Angelo ». Il connaît mal notre langue car il n’est en France que
depuis une semaine. Il comprend les explications du maître et peut parfois faire
les problèmes, mais il est incapable de suivre la dictée. Il semble avoir très bon
caractère et rit avec nous de bon coeur des fautes qu’il fait en parlant. Il chante
très bien et nous a promis de nous apporter demain les photos de son pays dont il
a décoré sa chambre ».
Les élèves sont ensuite invités à répondre à des questions sur le texte. Vous
trouverez ci-dessous les questions et les réponses fournies par un des élèves :
« 1. Comment s’appelle le nouveau camarade ?
Il s’appelle François
2. Depuis quand suit-il cette classe ?
Depuis une semaine
3. Quel est l’exercice le plus difficile pour lui en classe ?
C’est les problèmes
4. En quoi est-il très bon ?
Il est très bon en caractère (ou coeur). »

2- Voici deux types de questionnements différents possibles sur un texte


littéraire :

59 Cèbe, S., Goigoux, R. et Thomazet, S. (2004) Enseigner la compréhension. Principes didactiques, exemples de
tâches et d’activités. In « Lire écrire, un plaisir retrouvé », dossier du groupe national de réflexion sur
l'enseignement du français en dispositif relais, préface de Catherine Bizot, inspectrice
générale de l'Éducation nationale de lettres. Paris : DESCO (MEN) En ligne sur
http://www.bienlire.education.fr/04-media/a-classerelais.asp

61
2.1- Quelles différences voyez-vous entre ces questionnements ?
2.2 -En quoi induisent-elles des activités différentes de l'élève face au
texte ?
1er questionnement extrait de Giasson, J. (2000). Enseigner les textes
littéraires à l'école. Québec : Gaëtan Morin.
(le texte sur lequel portent les questions suivantes n'est pas précisé)
« Qu'as-tu remarqué dans l'histoire ? », « Quelles émotions as-tu ressenties ? »,
« Cette histoire te fait-elle penser à ta propre vie ? Pourquoi ? », « Te fait-elle
penser à d'autres livres que tu as lus ? ».60
2ème questionnement :
(Le texte sur lequel portent les questions suivantes n'est pas précisé.)
De quoi parle le texte ? Selon toi qu’est-ce que le texte veut dire ? Qu’est ce qu’il
raconte, explique... ? Pourrais-tu trouver une phrase pour dire le type de conflit
dans lequel est engagé le personnage ? Comment ce conflit a-t-il été réglé ?
Comment l'histoire se termine-t-elle ?

3 -Comparez les trois façons de travailler un texte littéraire dans les deux
étapes précédentes. Comment les définiriez-vous ? En quoi suscitent-
elles des activités différentes chez l'élève ?

Voici comment Sylvie Cèbe et Roland Goigoux et Serge Thomazet, chercheurs


spécialistes de la compréhension en lecture, commentent la première activité :
« Quand ils sont mis face à des textes, ils tendent à adopter une attitude plutôt
passive, attendant le plus souvent de disposer du questionnaire pour s’y
intéresser véritablement. Leur première lecture a une fonction de repérage
thématique (« de quoi parle le texte ? »), rarement de construction problématique
(« qu’est-ce que le texte veut dire ? Qu’est-ce qu’il raconte, explique... ? Quel est
le problème ? »). Ce repérage superficiel leur suffit bien souvent pour répondre
aux questions. Ils mettent en œuvre des procédures relativement rudimentaires
qui demandent peu d’efforts : ils identifient un mot-clé dans la question (qui,
quand, où, comment…) puis ils cherchent à localiser, dans le texte, un indice (une
majuscule…) ou un segment textuel (un complément de temps, de lieu…) qui
renvoie à ce mot-clé ou qui est en rapport avec lui. Ils recopient l’information
trouvée (la plupart du temps celle qui est placée à droite du mot-clé). »

60 Extrait de Giasson, J. (2000). Enseigner les textes littéraires à l'école. Québec : Gaëtan Morin.

62
CHAPITRE 4. DIDACTIQUE DES FRANÇAIS :
DES SITUATIONS ET DES PUBLICS SPÉCIFIQUES

Ce chapitre a pour objectif de vous faire découvrir que tous nos élèves ne sont pas
de « charmantes têtes blondes », nés en France et tranquillement à l’école depuis
la maternelle … Ils peuvent venir d’ailleurs, être adultes, entendre le français pour
la première fois en entrant dans la classe, etc. Nous ne prétendons pas couvrir
toute les diversité des situations possibles, mais plutôt vous sensibiliser au fait que,
dans chaque situation différente, il faudra trouver une façon de les saluer, de les
intéresser, de les faire travailler ensemble. Autant de publics différents, autant de
traitements didactiques différents. L’enseignement est le lieu de la créativité et de
l’inventivité …, on ne vous l’avait pas encore dit ?

4.1. Le jeune enfant


La petite enfance (de la période prénatale à 7 ans) est la phase la plus importante
dans le développement biologique et cérébral de tout individu. Elle est caractérisée
par une croissance rapide influencée par l’environnement. Nutrition adéquate,
préservation contre les maladies et stimulation intellectuelle et affective sont
primordiales pendant les trois premières années de la vie où se développe le
potentiel cognitif, social et émotionnel. Toute carence dans l’un de ces trois facteurs
avant l’âge de trois ans peut laisser des séquelles sur le développement futur.

4.1.1. Le développement cognitif


De nombreux psychologues ont centré leurs travaux sur le développement des
connaissances. Parmi eux, J. Piaget (1957) 61 a défini les stades du
développement de la pensée logique. Pour lui, l’enfant ne nait pas porteur de la
connaissance qu’il développerait naturellement selon un phénomène de
maturation : c’est le contact avec son environnement qui favorise l’évolution et le
passage d’un stade à un autre par un facteur interne d’équilibration passant de
l’accommodation à l’assimilation des données du réel. Néanmoins, pour Piaget, le
comportement du nouveau-né reste sous l’influence de son équipement biologique
et du social (famille, environnement scolaire) et ne s’accroit qu’au fur et à mesure,
l’enfant vivant au départ dans un « égocentrisme social ».
Les travaux de W. Doise, A ;-N. Perret-Clermont62 et G. Mugny63 à la fin des années
1970 intègrent la dimension sociale au modèle piagétien du développement
cognitif. Ils ont montré que l'enfant progresse davantage dans des situations
d'interaction. On parle de « conflit socio-cognitif » quand des partenaires
d'apprentissage sont placés dans une situation d’opposition et sont obligés de
trouver une solution. Par exemple, en CM1, un groupe d’enfants doit négocier
l’orthographe de la phrase : « On était des enfants terribles. ». L’un d’eux propose
d’écrire « Ont étaient » parce que, dit-il : « ils sont plusieurs, les enfants ». Ses
camarades vont avoir des difficultés à lui faire admettre qu’il a tort : ils vont lui
61 Piaget J. (1957). Apprentissage et connaissances, Paris : PUF, Etudes d’épistémologie génétique (vol.VII).
62 Perret- Clermont, A.-N. (1979). La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale. Berne : Peter Lang.
63 Doise W., Dionnet S., Mugny G. (1978). « Conflit socio-cognitif, marquage social et développement cognitif »,
Cahiers de psychologie, 21, 231-243.
proposer un remplacement (« nous étions »), lui faire comprendre que « on » est
un pronom et pas le verbe « avoir » à la troisième personne du pluriel au présent,
etc. Dans l’esprit de l’enfant, c’est un véritable renoncement à sa représentation
initiale qui se joue ici à cause de (ou plutôt grâce à) ses camarades.
Pour Vygotski64 (1985), le partenaire social représente la ressource indispensable
sur laquelle l’individu peut prendre appui momentanément pour résoudre une tâche
avant de parvenir à l’effectuer lui-même. Le développement n’est pas subordonné
à des lois internes avec une succession d’acquisitions mais il est activé par
l’apprentissage avec la collaboration d’un partenaire plus expérimenté. Ainsi
l’enfant acquiert de nouveaux instruments de pensée ou d’action en s’appuyant sur
l’imitation, la sollicitation et l’aide d’autrui dans sa « zone proximale de
développement » (cf. 1.3.5.) avant de devenir autonome.
Pour J. Bruner65 (1984), l’enfant est amené très tôt, avec sa mère, à prendre sa
place à l’intérieur de situations de communication selon des rituels
d’interaction prenant l’apparence de « routines » qu’il appelle « formats » ou
« scénario ». Par exemple, si la mère habitue son enfant à lâcher l’objet qu’elle lui
tend dès que ce dernier a dit « merci », il s’habituera vite à utiliser le mot dans la
même circonstance. Il s’agit déjà de cadres sociaux véhiculant des valeurs que
l’enfant expérimente et interprète. Le savoir porte ainsi les traces des systèmes
symboliques en vigueur dans la société. Chez Bruner comme chez Vygotski, le
langage joue ici un rôle essentiel, il est instrument de transmission des
représentations et des significations sociales et culturelles.

4.1.2. L’entrée dans le langage


L’intention de communication se manifeste chez l’enfant dès qu’il s’aperçoit que ses
pleurs, ses gestes et mimiques reçoivent une réponse de l’adulte. Quand l’enfant
est capable de langage articulé, la communication, jusqu’alors « paraverbale »,
s’établit par des « mots-phrases » puis par des phrases plus complexes.
Comme on le voit, entre 3 et 5 ans le langage s’enrichit et l’école maternelle se
doit d’en développer les trois dimensions :
- la dimension symbolique : le langage permet à l’enfant une prise de
conscience de son identité sociale personnelle au sein de la collectivité et favorise
la construction de sa personnalité (l’enfant apprend à distinguer le je du tu et à
exprimer ses ressentis et ses désirs en prenant sa place dans le groupe). Vers 4
ans l’enfant acquiert « la théorie de l’esprit », il devient capable de faire des
hypothèses sur ce que ressentent les autres, de prédire un comportement en
inférant la réaction d’une personne face à une situation en s’imaginant à sa place.
Il sait ce qui fait peur, plaisir à l’autre. Il interprète des états mentaux derrière les
paroles (L’enfant a renversé son pot de peinture et l’étale sur la table, la maîtresse
lui dit : « Eh bien vas-y, continue ! » ; l’enfant répond : « J’ai pas fait exprès. » :
L’excuse qu’il propose montre qu’il a compris l’antiphrase de l’enseignante.) Vers 5
ans, ses capacités d’abstraction se sont élargies et il devient capable de
comprendre l’humour.

64 Vygotski, L.V..(1985). Pensée et langage. Paris : Editions sociales.


65 Bruner J. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. Paris : Retz.
- la dimension cognitive : le langage est instrument de représentation du
monde, il permet de décrire et de comprendre ce que l’on voit, ce que l’on fait
(langage en situation) mais permet aussi d’évoquer les évènements passés ou à
venir en se décentrant du moment présent pour se construire une représentation
temporelle (langage d’évocation).
- la dimension métalinguistique : le langage est aussi un objet de manipulation
et d’observation. L’enfant acquiert progressivement la capacité de se servir de la
langue pour manifester ses remarques sur la langue elle-même (métalangage). Au
départ, il s’agit d’un « discours épilinguistique » (Gombert, 1990) qui manifeste
une intuition précoce de l’enfant sur sa langue (Oh, il a dit « j’ai peindu le soleil.»)
L’enfant sait qu’une erreur de langage s’est produite mais ne peut pas encore
l’expliquer. Les comptines, les jeux phonologiques et la dictée à l’adulte
permettront progressivement de lui faire prendre conscience du système de
fonctionnement de la langue avant l’entrée dans l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture.
Ces trois dimensions sont développées par les programmes officiels de 2008 de
l'école élémentaire en France.

4.2. Les publics non francophones


Plusieurs moments de ce cours vous l’ont déjà suggéré : tous les élèves que vous
rencontrerez dans votre carrière n’ont pas le français en partage de la même
manière. Certains le parlent chez eux, uniquement ou avec une autre langue,
d’autres l’ont découvert dans la rue ou à la télé, d’autres encore dans des films ou
des chansons qui leur ont donné envie de l’apprendre, d’autres enfin seulement à
l’école parce que leurs parents ont décidé qu’ils « feraient du français ». Toutes ces
situations sont différentes et, même si on ne peut pas prendre en compte tous les
cas particuliers, elles peuvent se classer dans certaines catégories pour vous aider
à y voir clair. Car vous pouvez vous douter que les méthodes d’enseignement vont
varier suivant ces différences – ou du moins devraient varier.
Si des enfants ont entendu le français chez eux, ils auront les sons du français
« dans l’oreille », ils sauront sans doute, avant d’aller en classe, les différencier et
peut-être les répéter et vous pourrez vous référer à ces acquis pour aborder la
langue – avantage que n’auront pas ceux qui parlent une langue différente
(étrangère ou régionale) dans leur famille. Cette familiarité phonétique à l’oral est
primordiale pour la suite didactique de votre travail car elle dictera que vous
preniez appui sur elle pour entrer dans l’écrit et expliquer l’orthographe qui est le
lien entre des éléments sonores (la phonie) et des éléments visuels (la graphie).
Les enfants non francophones découvrent en même temps en classe l’oral et
l’écrit, ce qui suppose que l’enseignement du français soit alors basé sur leur
relation : « vous entendez ceci, vous écrivez cela » ; et cette précision est de taille
si on pense que nombre de langues parlées par nos élèves soit ne sont pas écrites,
soit ne sont pas connues d’eux sous leur forme écrite. Pensons par exemple au
berbère, parlé par nombre d’élèves venus d’Algérie ou du Maroc, dont la graphie
existe, mais que ne connait pas la majorité des berbérophones, surtout issus de
l’immigration. En outre, parmi ces élèves non francophones, il faudra différencier
ceux dont les langues sont plus ou moins proches du français, de plusieurs points
de vue :
- phonétique et étymologique (les langues latines) ;
- culturel (les langues de cultures occidentales, qu’elles viennent d’Europe,
d’Amérique, etc.) ;
- graphique (les langues qui s’écrivent avec l’alphabet latin, aménagé ou pas)
etc.
C’est la moindre des choses (j’allais dire, la moindre des politesses) 66qu’un
enseignant se renseigne un peu sur les langues parlées par ses élèves, qu’il soit
dans leur pays, professeur de français à l’étranger, ou dans un pays francophone,
professeur de français à des « étrangers ». Ce ne sont pas des choses difficiles, il
suffit souvent d’observer. Par exemple, enseigner le français à des Laotiens ou des
Viet-Namiens (habitants de deux pays asiatiques proches, frontaliers et très
ressemblants à bien des égards – ils sont très nombreux dans nos classes en
France) n’a rien à voir : car le laotien s’écrit en écriture lao, alors que le viet-
namien s’écrit depuis quelques décennies en écriture latine. Notre graphie est donc
acquise dans le second cas. Les exemples que nous prenons sont bien sûr valables
pour tout type de public, et pas seulement pour des enfants.
Envisageons maintenant un autre aspect de la question. Venir d’une autre langue,
c’est venir d’une autre culture dans laquelle on a grandi, qui a donné sa forme à
l’être qu’on est au monde. Or c’est sur la fierté de ces racines qu’on peut se
construire et apprendre. L’apprentissage du français, une langue sentie comme
étrangère dans le sens de « autre », peut être senti comme une agression contre
ces langues et cultures d’origine, quel que soit l’âge de la vie auquel il intervienne.
Charge donc à l’enseignant de français de ménager des transitions d’une langue à
l’autre, de valoriser des connaissances qu’il n’a pas : « comment dit-on cela dans
ta langue ? », de favoriser les rapprochements : « qui a ce son dans sa langue
familiale ? », de faire réfléchir : « savez-vous qu’il y a 27 mots pour dire la neige
dans la langue inuit des Eskimos ? », etc. Il construira de cette façon de nouveaux
apprentissages, qui ne viendront pas heurter ce qui est déjà là. Ces façons de faire
sont essentielles, autant chez les enfants que chez les adultes. Elles doivent aller
jusqu’à laisser cohabiter les langues d’origine dans la classe de français, qu’il
s’agisse de pallier un mot qui manque, de faire une plaisanterie, d’expliquer
quelque chose de difficile à un camarade, de jouer avec les mots dans un poème,
etc. Cette cohabitation accueillie et assumée, explicitée, sera source de
connaissances partagées, de moments métalinguistiques et favorisera la détente
cognitive qui permet d’apprendre sans honte, sans la peur de se tromper.
Contrairement aux idées reçues, ces pratiques ne font pas du tout obstacle à
l’apprentissage d’une langue, car les proportions de la langue-cible (le français) et
les langues d’origine s’inversent peu à peu au fil des mois et la langue-cible prend
naturellement la priorité au bout de quelque temps.

4.3. Le français au secondaire


Les études secondaires s’effectuant, en France, au collège puis au lycée entre 11 et
18 ans correspondent à une période particulièrement sensible du développement
physiologique et psychologique, établissant le passage entre l’enfance et l’âge
adulte. Pour certains, elles marqueront la fin de la scolarité (obligatoire jusqu’à 16

66 cf. Le tour du monde de la politesse. Denoël. Le Monde. 2012.


ans en France), pour d’autres, elles seront un tremplin vers les études supérieures.
Tout le problème pour les didacticiens du Français langue maternelle est donc
d’établir un niveau à faire atteindre en maitrise de la langue et en culture littéraire
permettant une insertion dans la société du travail ou un parcours universitaire.

4.3.1. L'étude de la langue, expressions écrite et orale


Les Instruction officielles pour le collège67 établissent, tout comme celles du
primaire, une distinction entre la grammaire, l’orthographe et le lexique qui doivent
faire l’objet de séances particulières, en s’appuyant sur les acquis de l’école pour
les enrichir et aborder des notions plus complexes. Néanmoins la grammaire de
phrases reste l’apprentissage privilégié. Les indices de cohérence textuelle et
d’énonciation (cf. 2.4.5.), les connecteurs temporels, spatiaux et logiques qui font
progresser l’information, assurent la chronologie, expliquent les causes et les
conséquences des actions, les pronoms et les substituts nominaux qui réfèrent à
un nom déjà cité n’apparaissant qu’en classe de Quatrième avec cette restriction :
« dans la mesure où ils sont exprimables en termes simples et clairs et où ils
désignent des faits de langue dont la compréhension est primordiale. ». (id.p.1) La
progression orthographique poursuit également celle établie en primaire par « un
apprentissage raisonné et régulier ». La mémorisation des règles permettront le
réinvestissement systématique dans des activités d’écriture. Les Instructions
officielles insistent également sur la continuité des activités de dictées telles qu’on
les exerce en primaire : « Parmi tous les types de dictées auxquels le professeur
peut avoir recours (dictée-copie, dictée dialoguée 68…), la dictée de contrôle est une
modalité indispensable d’évaluation de la compétence orthographique. » (id. p.2).
L’enrichissement du lexique se développe également pour un réinvestissement à
l’écrit comme à l’oral, avec un élargissement au vocabulaire abstrait dès la
Quatrième « en relation avec le maniement des idées et la structuration de la
pensée, afin de faciliter la transition du collège au lycée. » (id.p.2).
Les programmes de Seconde générale et technologique et de Première des
séries générales insistent sur le fait que « L’étude de la langue se poursuit en
classe de seconde, dans le prolongement de ce qui a été vu au collège et dans la
continuité du socle commun : il s'agit de consolider et de structurer les
connaissances et les compétences acquises, et de les mettre au service de
l'expression écrite et orale ainsi que de l'analyse des textes. Dans le cadre des
activités de lecture, d'écriture et d'expression orale, on a soin de ménager des
temps de réflexion sur la langue.»69. Les séances d’étude de la langue n’ont donc
plus un caractère systématique, mais sont intégrées aux autres activités, que ce
soit pour l’orthographe ou la grammaire de phrases, afin de combler les lacunes en
morphologie et en syntaxe lors de la rédaction d’écrits, pour la grammaire de
textes et de discours afin de comprendre les textes lus, mais aussi pour le
vocabulaire afin de favoriser l'expression d'une pensée abstraite à l’écrit comme à
l’oral.

67 Bulletin officiel spécial n°6 du 28 août 2008.


68 La dictée copie consiste à rédiger en commun un texte de synthèse de leçon, les problèmes orthographiques
sont résolus en commun au fur et à mesure. Le texte est ensuite recopié dans le cahier. La dictée dialoguée
consiste pour le maitre à dicter un texte, les élèves peuvent poser des questions sur l’orthographe d’un mot, il
y a propositions et contre-propositions avec justification, puis choix individuel de l’orthographe après ces
échanges.
69 B.O. spécial N°9 du 30 septembre 2010.
De même, alors qu’au collège, l’expression écrite et orale font l’objet de séances
particulières partant du principe que « l’oral s’enseigne comme l’écrit »70 avec des
exercices variés suivant une progression précise définie par les programmes
(productions d’écrits en relation avec les textes étudiés, et à l’oral, débats,
expressions d’émotions et échanges d’arguments, lectures oralisées, récitations,
etc.) au lycée, la pratique de l’écrit et de l’oral vise avant tout la préparation aux
examens du baccalauréat.

4.3.2. La culture humaniste


Si l’école primaire privilégie la découverte des œuvres « du patrimoine », le collège
comme le lycée ont pour vocation de « fonder une culture humaniste »71 avec
notamment la découverte des « textes fondateurs » au collège (La Bible, le Coran,
l’Iliade et l’Odyssée, etc.) et les grands textes de la littérature dite « classique » au
lycée. Ainsi, les programmes du lycée précisent : « Dans la continuité de
l'enseignement qui a été donné au collège, il s'agit avant tout d'amener les élèves
à dégager les significations des textes et des œuvres. À cet effet, on privilégie
deux perspectives : l'étude de la littérature dans son contexte historique et culturel
et l'analyse des grands genres littéraires. ». Le collège a, en effet, déjà privilégié
« la découverte des formes et genres littéraires » (op.cit.p.3), l’étude des « types
de textes » (narratifs, descriptifs, explicatifs, argumentatifs, injonctifs)
n’apparaissant plus sous cette expression controversée (Cf.2.4.3), mais étant
remplacée par la découverte des « différentes formes de langage : celui de la
littérature, de l’information, de la publicité, de la vie politique et sociale. » (ibid.).
Les repères en histoire littéraire permettent d’établir, au collège comme au lycée,
des liens transdisciplinaires avec l’Histoire et les Arts et de construire une culture
commune. L’étude des grands genres littéraires (poésie, théâtre, roman, littérature
d’idées) et de leurs principales caractéristiques de forme, de sens et d'effets ont
pour objectif au lycée de favoriser « le développement d'une conscience
esthétique » (op.cit.), et ainsi, par-delà la culture littéraire et les capacités de
réflexion, permettent l'accès à l’enseignement supérieur.

4.4. Le français pour les adultes : à l'université, dans le monde du travail


Vous avez vu que, jusqu’à maintenant, nous avons parlé de didactique du français
et éventuellement de didactique des langues en général, mais en mettant l’accent
sur des élèves français, assez jeunes, et donc implicitement sur l’école maternelle
ou élémentaire, voire secondaire, car nous savons que nombre d’entre vous visent
un emploi dans l’Éducation Nationale, au niveau primaire.
Il serait toutefois injuste et erroné d’oublier que l’école n’est pas le seul endroit où
l’on apprend – entre autres les langues – et en tout cas qu’il n’y a pas d’âge pour
apprendre ! D’autres moments de cette partie ont mis l’accent sur les enfants très
jeunes ou plus âgés. Nous voudrions ici insister sur le fait qu’on peut apprendre
aussi à l’âge adulte ; et pas seulement pour des raisons professionnelles, comme
vous le présentera la section suivante. On peut croire qu’on écrit et parle bien le
français, et se trouver désarçonné-e devant ce que demande l’université sur le plan

70 B.O. spécial N°6 du 28 août 2008, p.3.


71 Sous-titre pour le chapitre II La lecture, p.3, B.O. spécial N°6 du 28 août 2008.
langagier ; on peut être lettré ou cultivé dans sa langue d’origine et se trouver
démuni-e en abordant, pour diverses raisons, le français ou une autre langue. C'est
sur ces cas que nous allons nous pencher.
Il existe ce qu’on appelle un « français universitaire » ou « français sur
objectifs universitaires » (que certains se sont amusés à abréger en FOU …),
qui rassemble les diverses techniques linguistiques et discursives que
demandent les diverses tâches universitaires : prendre des notes pendant un
cours magistral, préparer un oral d’examen par des notes écrites ou un Power Point
à projeter, prendre des notes sur un livre qu’on va rendre à la bibliothèque et dont
il faut garder l’essentiel, rédiger le compte rendu d’une réunion de travail ou d’un
travail de groupe, synthétiser oralement des lectures, etc. Tous ces travaux sont
nouveaux pour de nombreux étudiants, qu’ils soient français ou étrangers. Ne
parlons pas de la rédaction d’un rapport de stage, d’un mémoire ou d’une thèse –
ni de leur soutenance ! Tous ces « exercices » s’apprennent au fur et à mesure
qu’on les découvre et on n’en possède les codes que lorsqu’on n’en a plus besoin,
bien souvent … En tout cas, il est rare qu’un professeur les enseigne explicitement
ou qu’un programme d’enseignement les prenne en compte. La didactique du
français se penche donc aussi sur ces domaines d’apprentissage, d’autant plus
importants qu’ils déterminent souvent des échecs ou réussites universitaires qui
sanctionnent bien autre chose que la valeur de la personne dans une discipline
donnée, mais plutôt sa connaissance ou non connaissance des codes linguistiques
en vigueur. Par exemple, quelles sont les diverses dispositions possibles sur une
page d’une prise de notes efficace ? faut-il dire « nous », « je », ou « on », dans un
rapport de stage ? comment se préparer à un entretien oral ? quel type
d’argumentation attend un enseignant dans un devoir d’évaluation ? quelle est la
proportion d’auteurs qu’on peut citer dans un mémoire ? comment présenter une
bibliographie ? etc. autant de questions qui requièrent des savoirs et compétences
spécifiques, rarement identifiées ou enseignées. On s’est de plus rendu compte que
ces codes sont loin d’être universels et que les codes anglais ne sont pas les codes
français ou les codes espagnols. On peut donc arriver à l’université sûr-e de soi à
cause de réussites les années précédentes dans son pays d’origine, même proche
de la France, et s’effondrer face à des codes culturels et linguistiques qu’on n’avait
pas soupçonnés. Comme dans la classe devant des enfants débutants, tout n’est
que convention, rien ne va de soi, et la seule arme universelle est l’explicitation
régulière et sans arrêt répétée des rituels en vigueur – qui de plus évoluent avec le
temps …
Mettons-nous maintenant à la place d’un jeune homme du Laos qui vient suivre
des cours de français dans un Centre Culturel français de son pays car il doit aller
vivre quelques années au Québec avec sa famille ou des amis. Que doit-il
apprendre ? assimiler ? connaitre d’urgence ? pour s’intégrer au mieux ? Quels
savoirs fondamentaux lui présenter et comment le faire pour qu’il ne se sente pas
rabaissé et pris pour un enfant ? comment le « prendre par la main » pour le
mener d’une culture à une autre ? Ces questions se posent à tous les enseignants
qui ont affaire à des adultes qui ont choisi d’apprendre le français, pour des raisons
diverses et qui leur appartiennent, personnelles, de formation ou professionnelles.
À ces adultes il faudra sans doute parler d’égal à égal, revoir les modes
d’évaluation (voir notre chapitre sur ce thème) et d’exigences, prendre en compte
leurs motivations ; il faudra créer des dialogues entre eux et éviter encore plus
qu’avec de jeunes enfants des cours magistraux, viser sans doute moins une
norme linguistique que des qualités communicatives, etc.
Bref, vous vous rendez compte à présent combien ces questions didactiques
dépassent les seuls points linguistiques à quoi on peut être tenté de réduire l’acte
d’enseignement d’une langue. Envisager le champ didactique, c’est donc aussi
savoir sortir de la classe, imaginer toutes les situations d’enseignement /
apprentissage possibles à côté de l’école, ouvrir nos compétences d’enseignant à
une « méta » capacité d’écoute, puis d’adaptation à divers publics et à leurs
multiples raisons de vouloir apprendre une langue – en l’occurrence le français.
C’est sur cet aspect social que nous clôturerons ce cours dans le chapitre 5.

4.5. Apprendre hors de l'école


Pour apprendre (une langue surtout) il y a d'autres moyens que l'école. Si on se
réfère à l'histoire, les langues se sont toujours transmises par les voyages, les
guerres, le commerce, les "missions" religieuses, bref la mobilité humaine. Au
niveau "micro", c'est par la famille que les langues se transmettent, se mélangent,
sont chargées d'affectivité, de culture, etc. Les didacticiens emploient le terme
« d'apprentissages informels » ou encore de « frayage » ou d’ « immersion »
pour nommer les apprentissages qui se réalisent de façon spontanée 72. La
plupart des apprentissages langagiers se font de manière informelle, dans
l'interaction sociale, en parlant avec les autres. La plupart du temps, ils sont non
intentionnels, et s'effectuent lors d'actions qui ne sont pas finalisées par
l'apprentissage, comme par exemple, en discutant avec des amis, en lisant des
livres, des magazines, en écoutant la radio ou en regardant la télévision, mais
aussi en allant sur internet... Ces apprentissages ne sont ni structurés par des
objectifs ni par une temporalité donnée.
Pour enseigner certains apprentissages, comme celui de la lecture et de l'écriture,
ou encore les mathématiques au plus grand nombre, l'homme a mis en place une
forme d'apprentissage par l'étude dispensée dans des institutions avec une
organisation centrée sur les apprentissages et non sur l'action immédiate et le
souci de production. Ainsi, à partir de 1830, l'école s'est centrée, avec un projet
politique de francisation, sur les apprentissages fondamentaux lire/écrire. Les
didacticiens emploient le terme « d'apprentissages formels ». La didactique s'est
alors et pendant longtemps coupée des modalités de transmissions informelles des
pratiques langagières, en séparant acquisition et apprentissage. L'école a privilégié
des savoirs formels sur les langues.
Ce modèle a été critiqué par de nombreux didacticiens du français dans la mesure
où, selon eux, la visée de cette discipline doit préparer les apprenants à être
capables de parler, lire, écrire efficacement dans les diverses situations langagières
de la vie qu'elle soit professionnelle, civile ou privée, plutôt que de cibler
l'acquisition d'aspects formels du langage. Ainsi, à partir des années 80, la
didactique du français a mis en avant la communication et les visées pragmatiques,
avant la langue et ses règles. Depuis, les savoirs de la classe de français
proviennent également des pratiques sociales de référence, autrement dit des
usages sociaux et écrits du langage dans la société.
Si aujourd'hui l'école intègre dans son enseignement les usages sociaux du

72 Brougère, G.& Ulmann, A-L. dir. (2009). Apprendre de la vie quotidienne. Paris : P.U.F.
langage, il n'en demeure pas moins qu'elle sélectionne ces usages, qu'elle les
hiérarchise. Ainsi certaines pratiques langagières extrascolaires ne sont pas ou peu
légitimées, se trouvant plus ou moins éloignées du langage scolaire, comme par
exemple, le slam, le rap, le tchat, les sms, certains plurilinguismes. Il n'est pas
rare que des enseignants ignorent les pratiques langagières extrascolaires de leurs
élèves, leurs compétences interculturelles alors que, par exemple, ces derniers
sont auteurs de blogs sur internet ou qu'ils tiennent des journaux intimes voire
écrivent pour un groupe musical de leur entourage. Il arrive en effet que les
pratiques d'écriture extrascolaires des élèves soient d'une grande richesse et
intensité, sans que pour autant ceux-ci les réinvestissent à l'école. Souvent, ils les
taisent. La perspective (socio)didactique cherche à établir des ponts entre les
pratiques langagières dans et hors l’école, comme moyens de circulation, en
réinterrogeant les rapports entre « la classe » et son environnement, en
comprenant les processus d’appropriation dans, mais aussi hors de la classe.

CHAPITRE 5. DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET SOCIÉTÉ

Même si les pratiques peuvent se diversifier à l’infini, en fonction des situations


différentes que constituent chaque classe et chaque public, heureusement des
espoirs et objectifs communs nous rassemblent. Dans tous les cas, les enjeux de
l’enseignement du français sont les mêmes : il s’agit de faire progresser nos
élèves, de leur faire découvrir et construire une aisance de plus en plus grande
dans la langue et à travers les langues en général. Il s’agit aussi, par cette aisance,
de faciliter leur intégration sociale, de les rendre capables d’évoluer et d’exercer
leur esprit critique, d’entrer en interaction avec la société dans laquelle ils se
trouvent. C’est la raison pour laquelle ce chapitre développera divers points de
contact entre la didactique du français et son ancrage social.
5.1. Pratiques langagières
Le concept de pratiques langagières permet à Elisabeth Bautier (1981) d'aborder le
problème des différences linguistiques et de leurs conséquences sur le plan
scolaire. Cette auteure définit ce concept comme « les manifestations
résultantes dans les activités de langages de l'interaction des différents
facteurs linguistiques, psychologiques, sociologiques, culturels, éducatifs,
affectifs ... qui sont constitutifs des caractéristiques individuelles et de
groupe ». Elle s'oppose ainsi aux recherches sur les origines des différences de
réussite scolaire qui se centrent exclusivement sur les différences de codes
linguistiques pour s'intéresser à ce qui est fait avec le langage, aux usages du
langage en considérant les relations de ces usages langagiers avec d'autres
comportements sociaux. Ce concept met ainsi l'accent sur la multiplicité des
facteurs linguistiques et non linguistiques que la mise en œuvre du langage
mobilise. Le langage n'est pas considéré comme la réalisation d'une pensée déjà
faite, mais comme une des dimensions dynamiques de la vie sociale d'un individu
et de sa pensée en construction.
Les pratiques langagières sont définies comme des pratiques sociales avec des
ritualisations, des normalisations des fonctionnements langagiers caractéristiques
des groupes sociaux d'appartenance. Toute situation de communication suppose
une interprétation de ses enjeux, de sa fonction et de l'usage du langage qu'elle
implique.
Les recherches sur le rapport entre les pratiques langagières et les difficultés
scolaires, montrent que « les représentations liées au langage et à ses utilisations
(...) s'exercent massivement dans les modes de transmission et d'appropriation
des savoirs ».
Quels leviers d'action en termes d'enseignement ouvrent ces travaux ? Comment,
par exemple, permettre à un locuteur qui utilise, dans son vécu social, quasi
exclusivement la langue pour faire, pour dire dans la connivence avec l'autre,
d'utiliser la langue pour prouver, argumenter ?
Prenons un exemple de Bautier elle-même, relatif à une situation en sciences en
CE2. Face à une consigne très ouverte énoncée par une enseignante, deux élèves
de CE2 produisent deux énoncés très contrastés: « Aujourd'hui on va parler de
l'eau, de comment on trouve l'eau ». Une première élève répond : « Elle [l’eau] a
trois formes/ elle a l’eau gazeuse/ l’eau normale et l’eau en glace », alors qu'une
seconde élève : « Moi des fois je bois de l’eau chez moi / Je sens que le goût il
vient de la piscine. »
La première élève « interprète le cadre de travail sur le registre “scolaire”(au sens
de la restitution de savoirs acquis) » alors que la seconde répond au niveau
personnel et subjectif des sensations éprouvées, ayant interprété « la situation
« comme offrant une possibilité de faire part de son expérience » (...) le verbe
trouver a été interprété sur le plan de l'expérience sensible et non sur le plan
cognitif ».
Cet exemple montre l'importance de l'interprétation de la situation par les élèves.
« Ces différentes façons d'être des élèves en face de la même situation peuvent
être corrélées à des socialisations langagières, elles aussi différentes, leur analyse
permet de mettre au jour des processus potentiellement différenciateurs de la
scolarité des élèves (...) ». Les recherches montrent la forte présence de cet usage
du langage qui relève de la seule immédiateté du dire, dans la connivence avec
l'autre chez les élèves en difficulté, de milieux socioculturels défavorisés en
particulier. Ainsi ce recueil, en montrant « la pluralité des interprétations des élèves
dès lors qu’aucune contrainte explicite ne porte sur le type de texte à produire
(...) », met en évidence le rôle structurant ou pas de la situation et des consignes
de travail face à des élèves de milieux socioculturels défavorisés qui se
caractérisent, selon Bautier, « par des usages du langage plus communicatifs et
expressifs que cognitifs et élaboratifs, qui manifestent une grande difficulté à
penser la langue comme un objet d'analyse ».

5.2. Le poids des interactions


Tout au long de ce cours, vous avez rencontré à plusieurs reprises la notion
« d'interactions » à laquelle nous avons voulu accorder une place centrale. On la
trouve dans une première acception qui désigne le « processus d'actions,
réactions entre deux domaines langagiers qui ne sont plus appréhendés
comme disjoints » (Kerbrat-Orecchioni, 1998) pour parler des relations
qu'entretiennent les pratiques sociales des langues dans la société et les pratiques
d'enseignement des langues à l'école, ainsi que pour désigner les relations entre
l'oral et l'écrit. Un second type d'emploi désigne l'interaction comme « une forme
de discours produit collectivement, par l'action ordonnée et coordonnée
de plusieurs interactants » (Kerbrat-Orecchioni, 1998) quand il a été par
exemple question du rôle des interactions langagières dans la construction des
savoirs.
Depuis plus d'une dizaine d'années, tant les programmes d'enseignement que les
travaux de recherches font une place aux interactions langagières, autrement dit
aux dialogues et échanges verbaux dans la classe, et ce dans les différentes
disciplines pour favoriser l'acquisition et l'apprentissage de conduites langagières.
C'est sous l'influence des courants américains de l'anthropologie de la
communication (École de Palo Alto), de l'analyse conversationnelle (École de
Chicago) que l'approche interactionnelle des échanges en classe s'est développée.
Les participants coopèrent, dans le respect des règles implicites d'une culture
donnée, pour construire ensemble un discours en situation. Dans l'échange, dans
un contexte donné, les énoncés sont constamment adaptés par le locuteur en
fonction des réactions des récepteurs, de façon à les rendre plus efficaces et
compréhensibles par les interlocuteurs. Les différents locuteurs et récepteurs
participent à l'interprétation des énoncés dont ils « négocient » le sens à donner.
Les interprétations et les ajustements réciproques concernent les énoncés eux-
mêmes, ainsi que leurs objectifs et leurs enjeux, et sont liés aux représentations
que chacun se fait des intentions de l'autre.
Toute situation d'interaction court constamment le risque de l'incompréhension
ou du malentendu d'autant plus quand il y a méconnaissance de la culture de
l'autre et de ses habitudes communicatives. Prenons l'exemple d'un maitre de cycle
3 confronté à une élève d'origine chinoise qui ne prend la parole que sous
l'injonction pour répondre à une question. Le maitre interprète l'attitude de cette
élève comme un manque d'implication, une attitude d'ennui alors que, dans la
culture chinoise, un élève ne doit pas demander d'explications à son enseignant,
ceci serait une marque de non respect vis-à-vis de l'enseignant, et de critique sur
sa façon d'enseigner. L'attitude de cette élève chinoise trouve son explication dans
le fait que la relation asymétrique entre le maître et l'élève propre à la situation
d'enseignement est beaucoup plus marquée hiérarchiquement dans la culture
chinoise, alors qu'elle a évolué vers une relation qui a une apparence plus égalitaire
dans certains contextes d'enseignement francophones. Elle trouve également une
explication dans le concept de « face » (Goffman, 1974), c'est-à-dire que, dans
l'interaction, les participants veillent à ce que personne ne perde la face, ne soit
blessé dans son amour propre, ce qui structure de manière implicite en partie le
discours.
Cet exemple, permet de mettre l'accent sur les différences interculturelles.
Parler une langue implique d'en connaître le système et surtout les usages
culturellement construits. Comprendre la dynamique interactionnelle, c'est savoir
ce qu'on peut dire ou non selon le contexte, comment, à qui et dans quelles
circonstances, ce qui dépend de conventions sociales implicites.
Pour tout enseignant, en France, face à la diversité du public scolaire, il est
important d'être conscient de l'importance des différences interculturelles et de
comprendre comment et pourquoi une même situation langagière est assurée de
façon différente selon les cultures, ce qui lui permettra d'éviter nombre de
malentendus. Dans une perspective interculturelle, l'enseignant de langue doit
intégrer, dans son enseignement, les variations d'usages entre les cultures et les
comparer. Par ailleurs, comprendre la dynamique de l'interaction suppose de
prendre non seulement en compte les échanges verbaux, mais aussi le non
verbal, le regard, les mimiques, les postures, les gestes, ainsi que ce que l'on
appelle le paraverbal, le débit, l'intonation, voix, ce que les travaux de recherche
ont mis au jour. Les enseignants connaissent bien le rôle du regard pour gérer la
parole dans un débat, les coups d'œil et les petits mots comme « hein » pour
maintenir l'attention, ou encore les hochements de tête qui montrent l'écoute.
Sur le plan méthodologique, cette approche suppose de partir de « situations
authentiques » enregistrées au filmées. Ainsi, nombre de recherches enregistrent
ou filment des situations d'enseignement/apprentissage pour analyser, à partir de
la transcription des interactions et du codage de certains aspects non verbaux,
l'efficacité du discours de l'enseignant dans l'interaction.

Exercice 1 :
1- Identifiez et analysez les différences entre le schéma de la
communication produit par Jakobson présenté dans la partie 2.2. Langue
et communication et celui de Charmeux (1989 : 94)73 présenté ci-dessous.
Quels sont les apports de ce second schéma de la communication produit
par E. Charmeux par rapport à celui de Jakobson ?
2- À quel schéma vous réfèreriez-vous pour décrire des situations
d'enseignement/apprentissage de la lecture ? de l'écriture ? de l'oral ?
Justifiez votre réponse.

Schéma de la communication d'E. Charmeux. (1989).


En guise de réponse, donnons la parole à E. Charmeux 74
:
« Ce qui apparaît ici, c'est contrairement au schéma traditionnel, la coïncidence
entre le projet d'émission et celui de réception on ne comprend pas forcément ce
« qu'a voulu dire l'auteur », selon une formule chère à nos souvenirs scolaires. La
construction du sens en lecture, comme en réception orale, ne consiste pas
seulement à donner du sens à un énoncé , grâce aux connaissances que l'on a de
la langue et du monde (...), mais à articuler cet énoncé sur la situation pour
l'ériger en discours, et, par l'opération d'interprétation, à en construire la

73 Charmeux, E. (1989). Le « bon » français ... et les autres. Norme et variations du français d'aujourd'hui.
Paris :Milan Education. p. 94.
74 Charmeux, E. (1989). Le « bon » français ... et les autres. Norme et variations du français d'aujourd'hui. Paris
Milan Education. p. 94.
signification, c'est-à-dire la rapport entre le sens linguistique de l'énoncé et les
données situationnelles (qui parle ? pourquoi dit-il cela ? pourquoi le dit-il comme
cela?)Recevoir un message, ou lire un texte, implique donc plusieurs opérations.

Exercice 2 :
Quels sont les rôles des interactions verbales dans cet extrait proposé par
J ; Boussion, M. Schöttke et C. Tauveron (2000 : 126-127) ?
À l'issue d'une visite au parc de Gévaudan, dans le Massif Central, une classe de
CP a pour projet de rédiger, pour le journal de l'école, un texte documentaire sur
les loups.
« Au moment d'écrire les rubriques « Disparition du loup » et « Le loup
aujourd'hui », l'enseignant lance la discussion» suivante :
ENSEIGNANT - Alors, d'après ce que vous savez pourquoi les loups ont-ils
disparu ?
ÉLÈVE - Ils sont tous morts. Ils n'avaient plus assez à manger. On les a tués ...
ÉLÈVE - Oui mais on nous a dit qu'on en remettait en liberté .
ÉLÈVE - Non pas n'importe comment.
ÉLÈVE - Et puis il y a longtemps qu'on les a tués ...
ENSEIGNANT - Vous avez tous raison. On avait très peur des loups. On les a
chassés et tués. Ils ont disparu à cause de l'homme. Vous avez tous lu le texte
« La disparition du loup ». Qu'en avez-vous retenu ? Ce que vous venez de dire,
mais encore ? »
ÉLÈVE - Ils ne mangeaient pas souvent les gens.
ÉLÈVE - Oui mais il ne fallait pas qu'ils les mangent du tout.
ÉLÈVE - Maintenant on saurait se défendre .
ÉLÈVE - Et après il y a plein de renards qui dérangent les poules et les lapins. Et
aussi les souris. Et puis on a lu qu'il y avait trop de souris et de rats. On pense à
l'histoire du joueur de flûte et des rats partout.
Enseignant - Vous avez peur qu'on remette les loups en liberté ?
ÉLÈVE - On aurait tous peur.
ÉLÈVE - Oui mais le loup des Vosges n'a mangé que des moutons. C'était en été
et il était tout seul.
ÉLÈVE - Moi j'aurais peur des meutes...
ENSEIGNANT - À condition d'être raisonnables, attentifs à l'équilibre de la nature,
en prenant toutes les précautions, les spécialistes pensent qu'on peut remettre
quelques loups. Mais beaucoup de gens sont contre cette idée ».
(...)
En guise de correction, donnons la parole aux chercheurs :
« Le projet central de l'enseignante est bien de former des enfants lecteurs et
producteurs de texte. Pour autant, ou plus exactement pour cette raison même, il
s'attache tout particulièrement à favoriser les interactions verbales parce qu'il sait
qu'elles sont une aide à la construction de la pensée. Il ne s'agit pas pour lui de
« faire parler » les élèves dans un jeu de questions/réponses, mais de les aider à
verbaliser et à échanger leur savoir et ce faisant à le synthétiser, le recomposer et
, sans paradoxe, le construire. » Boussion, J.& Schöttke, M., & Tauveron, C.
(2000)75.
5.3. Didactique et pratiques sociales
Les genres sociaux écrits ou oraux (autre façon de créer des progressions)
Ce qui suit est issu de deux moments de ce cours. Le chapitre 2 vous a initiés à la
notion de « pratiques sociales de référence » : vous pouvez y retourner si vous
voulez vous rafraichir la mémoire. Le chapitre 3 sur l’oral a abordé la question des
« genres sociaux », dont on vous a dit que c’est la « méthode genevoise ». Nous
allons revenir sur ce point.
Une tendance de la didactique des langues, soucieuse de lier ce qui se fait à l’école
à ce qui se vit hors de l’école, a pour principe de s’appuyer sur des observations
qu’on peut faire dans la vie courante pour en déduire des activités et exercices à
développer dans la classe. L’idée est que tous les élèves partagent, hors de la
classe, des vécus communs : ils passent dans les mêmes rues, de leur ville ou de
leur village, devant les mêmes affiches, voient des journaux dans les vitrines,
entendent la radio et la télévision, côtoient des commerçants au marché ou dans
les magasins, etc. Toutes ces expériences les mettent en contact avec diverses
façons d’utiliser la langue ou les langues : on entend des marchandages sur un
produit à acheter, des débats sur la place du village, les ordres d’un gardien de
parc ou de musée, les informations d’un journaliste ; on voit des publicités sur les
murs, les magazines ou entre deux émissions de télé, on reçoit des faire-part de
mariage ou de naissance, on écrit des cartes postales ou des textos, le docteur
nous donne une ordonnance pour le pharmacien, on doit remplir un chèque ou un
formulaire d’inscription etc. On peut dire ainsi que la vie sociale est rythmée par
tous ces usages linguistiques, qui nous offrent à voir ou entendre sans arrêt des
« textes » écrits ou oraux. Certains didacticiens se sont dit qu’on pourrait mettre à
profit cet énorme réservoir d’expériences pour que celles-ci servent de « modèles »
à utiliser dans la classe.
On voit les divers avantages de cette idée : non seulement, celle-ci crée une
certaine égalité entre les élèves, puisqu’elle fait référence à des expériences
communément partagées, et non aux privilèges dus au niveau dit « culturel » de
certaines classes sociales ; par ailleurs, le fait de se référer à ces pratiques sociales
dans la classe évite à l’enseignant de justifier ses propositions de travail, car elles
trouvent leur sens dans cette expérience même. Ainsi, inutile d’expliquer à quoi
sert une publicité, un prospectus ou un annuaire : leur utilisation quotidienne leur
donne sens et on postule qu’un enfant ou un adulte travaillera plus volontiers sur
des produits dont il connaît la fonction sociale que sur des produits qui lui
paraissent gratuits et sans intérêt (une rédaction, un résumé, etc.). Un autre
avantage est la gamme infinie de ces produits sociaux, qui évoluent avec le temps
et les inventions de la modernité, varient suivant les lieux et les époques, l’âge des
acteurs sociaux, et proposent donc des difficultés très variables sur le plan
linguistique. On peut dire par exemple que, dans le domaine de la correspondance,
un faire-part sera plus facile à lire qu’une carte postale, qui sera elle-même plus
facile à écrire qu’une lettre. Et dans les lettres, on différenciera les lettres
personnelles, les lettres administratives, etc.
On appelle donc « genre social », tout « produit linguistique » issu de
l’usage social, à entendre ou lire par les usagers sociaux. Contrairement à
des produits didactiques uniquement scolaires, les genres sociaux existent toujours
75 Boussion, J.& Schöttke, M., & Tauveron, C. (2000). Lecture, écriture et culture au CP. Paris : Hachette. (p.126-
127).
en production et en réception, quasi en même temps : ainsi un conte est raconté
par un-e conteur / se et écouté par des auditeurs ; une information est donnée par
le journaliste de la radio en même temps qu’elle est diffusée aux auditeurs ; une
publicité est rédigée par un publiciste pour être distribuée dans des boites aux
lettres ou donnée à des passants dans la rue, etc. Ces genres sociaux, écrits ou
oraux, qu’on peut décrire sur le plan linguistique, discursif, lexical, syntaxique, etc.
ne se limitent pas à leur dimension linguistique : puisqu’ils sont basés sur un
objectif de communication, ils devront intégrer aussi des éléments iconiques,
spatiaux, etc. pour de l’écrit, intonatifs, déclamatifs pour de l’oral, etc. La langue
n’y est donc pas coupée des autres moyens d’expression, qui la complètent et
grâce auxquels elle prend une allure riche et complexe. Travaillant les genres
sociaux, l’élève apprend aussi à être un acteur social.
De côté de l’enseignant, le travail par les genres sociaux permet de prendre appui
sur des modèles existants (de « vraies » informations radios, de « vrais » débats
télévisés, de « vrais » règlements de train ou de bus, etc.) qu’il s’agira d’observer
avant d’en reproduire les traits linguistiques les plus saillants. L’enseignant peut
aussi créer des progressions en demandant de reproduire un seul trait linguistique
(l’infinitif, par exemple, pour les verbes d’une recette) d’un genre social, puis en
complexifiant la tâche : inclure des quantités, ajouter une liste d’ingrédients,
décrire le plat final obtenu, etc. Cette méthode facilite les co- et auto-évaluations
puisque l’apprenant, ayant un modèle sous les yeux, peut facilement, s’il est guidé
dans le choix des critères, comparer ce qu’il a produit avec le « modèle social »
proposé en début de séquence. Il peut aussi, par la suite, lui ajouter une phase de
« remédiation » pour s’approcher davantage de ce modèle. Enfin, l’infinité des
genres sociaux offre à l’enseignant une palette inépuisable de « modèles » qui
évite la monotonie et lui permet de s’adapter à des publics nouveaux en
empruntant ces modèles à leur quotidien.
Voilà pourquoi nos collègues suisses ont fait le choix de ce type de travail, tandis
que nombre des enseignants français s’appuient depuis longtemps dans leurs
classes sur des « genres sociaux » sans parfois en savoir le nom !

5.4. Le français en contact avec d’autres langues


Nous arrivons vers la fin de notre parcours qui, vous avez pu le constater, va de la
stricte vision de la classe de français vers la place de ce français dans divers
contextes sociaux. Ces contextes nous mettent sous les yeux (et dans les oreilles)
quelques phénomènes intéressants, quant à la vie des langues, et donc leur
enseignement. En effet, que m’écrit un de mes fils sur un récent texto ? « hello,
mam, voy a riguardare la TV avec mes amis, ciao ». Que lisez-vous ? une phrase
que vous comprenez inévitablement, dont on peut reconnaître des éléments issus
du français, de l’espagnol, de l’italien, d’une langue anglo-saxonne, un sigle
international (TV) et une abréviation qui peut appartenir à plusieurs langues, entre
autres latines. Question : mon fils a-t-il conscience de ce mélange lorsqu’il écrit ?
sans doute non, et quand il ajoute « salutipache comme disent les Corses », faisant
sans doute allusion à la formule « salute i pacce » qu’il a peut-être entendue mais
jamais lue, quelle langue écrit-il ? Je serais tentée, de façon un peu provocante, de
répondre qu’il écrit du français, du français de jeunes Français de 2012, métissé
d’autres langues rencontrées dans sa vie, mais aussi dans la vie du français. En
effet, si nous nous plaçons du point de vue d’une langue, il est inévitable que les
moyens de communication actuels (TV, internet, téléphone, texto, voyages de tous
ordres, media, CD, etc.) et passés la mettent ou l’aient mise en contact avec
d’autres langues, puisque les frontières étant des inventions humaines, elles
n’existent heureusement pas à l’état naturel. Il s’ensuit que les langues se
déplacent dans le monde avec leurs locuteurs, qu’elles se rencontrent, se
croisent, empruntent l’une à l’autre, se complètent, se font écho, etc. Et nous
recevons, lisons, écrivons, entendons, transmettons ces mélanges, dans nos
usages quotidiens. Que faisons-nous d’autre quand nous disons : « je vais manger
une pizza », « sois un peu plus cool s’il te plait », « to be or not to be, c’est la
question » ? etc. Notre vécu langagier est truffé de mélanges, d’interférences,
d’emprunts, plus ou moins conscients, plus ou moins récents, qui font vivre et
évoluer les langues. Certains vont disparaitre, comme les modes, d’autres vont
s’incruster et faire partie de la langue.
Face à ces phénomènes subtils et passionnants, que devons-nous enseigner ?
Que devons-nous accepter en classe ? Bref : dans quelle mesure le français de
l’école doit-il se soumettre à un idéal de « pureté » qui certes a une histoire et sa
raison d’être ? ou être à l’écoute des autres langues qui le font évoluer et feront la
norme de demain ? C’est une question didactique bien difficile mais que tout
enseignant de langue et de français doit se poser. Car elle régit tous nos réflexes
d’évaluation, de valorisation ou dévalorisation, de transmission, permission ou
interdiction dans la classe ; elle règle aussi le lien que nous voulons entretenir,
dans notre enseignement, avec les usages sociaux. Il ne va pas de soi de prendre
une position nette et définitive.
Pour notre part, nous conseillons une position scolaire souple et nuancée. Règle
1 : montrer aux élèves, dans des cours de vocabulaire abordables à tout âge, que
toute langue évolue, que de nouveaux mots apparaissent, sont empruntés à
d’autres langues, d’autres disparaissent, changent de sens, se transforment, etc.
Henriette Walter, spécialiste de l’histoire des langues, parle de « mots nomades »,
qui passent d’une langue à l’autre, les enrichissent, leur ajoutent des nuances, de
nouveaux sens, etc. L’approche étymologique va alors dans le sens d’une
relativisation de la norme et des usages. Ce qui est « correct » à un siècle donné
ne l’est plus au suivant, une forme condamnée (par exemple « Est-ce que … ?» à
l’écrit dans les années 50) à une époque est acceptée à une autre, et ainsi de
suite. Nos langues sont le miroir de nos sociétés et de nos rencontres : les guerres
ont insufflé de nombreux termes étrangers en français, comme les déplacements
économiques et les mobilités politiques. Les religions des autres influencent aussi
notre langue en y intégrant leurs termes propres, comme toutes les habitudes
sociales (sport, cuisine, art …) : le surf, la paella, le couscous, le rap, le net, en
sont la démonstration, autant dans leur dénomination que dans les lexiques qui les
caractérisent. Il est très utile que les enfants et apprenants de tous âges voient le
français (et toute langue) comme un grand fleuve qui charrie des alluvions, s’en
enrichit et en laisse d’autres sur la rive, au fur et à mesure qu’inexorablement il
avance.
Mais il serait faux de faire croire que tout langage, tout mélange, toute nouveauté,
est admissible et à sa place dans toute situation de communication. Règle 2 : faire
observer qu’à l’écrit comme à l’oral, les coutumes sociales nous invitent à utiliser
tel ou tel mot, tel ou tel style, telle ou telle formule, suivant à qui nous nous
adressons et dans quelle relation nous sommes avec notre interlocuteur : l’exemple
de la correspondance, et des formules d’ouverture et de clôture dans une lettre,
sont un bon exemple de cette variation. On peut donc enseigner aux élèves tout ce
français métissé qui est celui des Français de leur époque, tout en leur enseignant
que certains mots d’origine étrangère (ciao), ou d’introduction récente (surfer sur
la toile) ou limitée à un type de situation (il a gagné par ippon), ne sera pas
accepté par tout le monde.
Règle 3 : bref, cela signifie qu’on enseigne une langue d’abord en fonction des
situations de communication dans laquelle va se trouver l’apprenant, et en
présentant la langue standard, normée, comme une variation possible, acceptée
dans des situations formelles (examen, école, professionnel, administration,
situation d’évaluation, etc.). On commence donc par les variations, puis on arrive à
un standard « commun », élément de ces variations, et non l’inverse : c’est cet
angle de vue qui est fondamental.
Règle 4 : et toujours envoyer à un dictionnaire récent, garant controversé mais
traditionnel du standard de l’époque, en cas de doute. L’enseignant devrait
d’ailleurs toujours avoir son dictionnaire sur son bureau et le consulter plusieurs
fois par séance, pour inculquer cet automatisme aux élèves.

5.5. Institution, programmes, évaluations nationales dans le contexte


français
Les programmes constituent le cadre national obligatoire de l'enseignement. Ils
prescrivent les contenus, les découpages disciplinaires et les horaires des
différentes disciplines pour le primaire, collège et le lycée.
Les programmes pour l'élémentaire et le secondaire ont évolué, depuis 1970, sous
l'influence des travaux de la linguistique, des théories de la communication et des
études narratologiques, et depuis 1989 avec la sortie de la loi d'orientation qui met
l'enfant au centre du système éducatif et qui a pour objectif de permettre à 80%
des élèves la réussite au bac. L'organisation institutionnelle de l'enseignement
primaire est alors marquée par un nouveau découpage du cursus en cycles et par
l'apparition d'évaluations nationales afin que les enseignants puissent repérer les
difficultés de leurs élèves et mettre en place des remédiations.
En 2002, la littérature (cf. 3.7.) apparait dans les programmes de l'école
primaire, l'enseignement de la grammaire rompt avec la conception traditionnelle
pour développer une démarche réflexive sur la langue, toutes les disciplines sont
concernées par la maîtrise de la langue. L'enseignement des langues étrangères et
régionales a pour objectif de favoriser une analyse réflexive sur les langues. Cette
rénovation de l'enseignement du français est accompagnée d'une série de
documents d'application.
En 2007, les programmes apportent des précisions sur les premiers apprentissages
en lecture et sur l'enseignement du vocabulaire.
Les programmes de 2008 présentent une conception plus traditionnelle de
l'enseignement de la grammaire qui privilégie l'identification de la nature et
fonction des mots et des propositions au détriment d'une grammaire outil au
service de la lecture et de l'écriture. On en revient à la rédaction traditionnelle
plutôt qu'à la « production d'écrits », d’où l'abandon des genres sociaux de l'écrit et
de l'enseignement du processus d'écriture. L'enseignement de la littérature y est
réduit.
Pour le collège, dans les programmes de 1995, apparait la notion de
« séquence » qui constitue une organisation de l'enseignement du français qui
rompt avec un enseignement cloisonné de la lecture, de l'écriture, de la
grammaire, de l'orthographe, de la conjugaison et du vocabulaire. Ces
« séquences didactiques » articulent, sur plusieurs séances, la grammaire de texte
et l'étude de texte en lecture et en écriture pour l'étude d'un genre ou d'une œuvre
littéraire. Des documents d'accompagnement aident les enseignants par des
exemples de séquences, des éclairages notionnels.
Dans les programmes publiés en 2008, on ne trouve plus l'emploi explicite des
termes de séquence et de discours. Ils insistent néanmoins sur une organisation
temporelle et cohérente des apprentissages. Ils présentent un enseignement
progressif de la grammaire, de la grammaire de phrase à la grammaire de discours
et de texte, laquelle n'est abordée qu'en 3ème. La place accordée à la littérature de
jeunesse est réduite en faveur de l'analyse des œuvres d'art.
Pour le lycée, les programmes mettent l'accent, jusqu'en 1992, sur les
apprentissages techniques du texte argumentatif et sur l'histoire littéraire de façon
quasi encyclopédique avec une épreuve anticipée du bac de français constituée du
choix entre un résumé de texte argumentatif, un commentaire littéraire ou une
dissertation et de l'étude d'un texte à l'oral.
En 2001 le programme se recentre sur des objets d'étude. Les sujets de l'épreuve
anticipée du bac de français consistent en un ensemble de textes distribués au
candidat, représentatifs d'un objet d'étude du programme, corpus sur lesquels une
ou deux questions demandent des réponses rédigées. Trois types de travaux
d'écriture sont aussi proposés au choix : un commentaire, une dissertation, ou une
écriture d'invention.
En juillet 2006, le décret d'application de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école
de 2005 instaure le « socle commun de compétences et de connaissances » : ce
que l'élève doit maîtriser à 16 ans, à la fin de la scolarité obligatoire. Ce socle fait
une place prépondérante à l'enseignement du français. Il s'organise en 7 grandes
compétences dont la première est la maîtrise de la langue française et dont la
cinquième, la culture humaniste, comprend la dimension culturelle de
l'enseignement du français. Ces compétences sont validées à trois moments clés,
au CE1, au CM2 et en troisième. Un dispositif d'évaluation nationale en CE1 et CM2
porte sur les compétences du socle en lien avec les programmes, afin
d'accompagner les élèves en difficulté. Depuis 2008, est mis en place un livret
personnel de compétences à l'école primaire, et en 2009 au collège. Pour obtenir le
diplôme national du brevet des collèges, l'élève doit attester de la maîtrise du socle
commun. Les différents pays francophones accordent la même importance à la
notion de compétence qui organise l'enseignement du français et l'inscrit dans les
pratiques sociales de référence.
Par ailleurs, il existe deux évaluations internationales sous formes d'enquêtes. Le
programme PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves)
organisé sous l’égide de l’OCDE évalue les élèves européens de 15 ans sur leurs
compétences en compréhension de l’écrit, en culture mathématique et scientifique.
Le programme PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) sous
l'égide de l’IEA évalue les compétences en lecture d'élèves de fin de la quatrième
année de scolarité obligatoire (CM1).
5.6. Des outils pour la classe
Quels sont outils de la classe de français, au service de l'enseignement
apprentissage, disponibles pour les enseignants et les élèves ?
Le manuel apparait être l'outil de référence premier de préparation pour
l'enseignant, notamment pour les enseignants débutants, en début de carrière ou
débutant dans un nouveau cycle d'enseignement. Cet outil a fait débat dans les
années 80. Le monde de l'éducation critiquait alors l'aspect préconçu,
décontextualisé, fermé des manuels qui proposaient des démarches en décalage
avec la rénovation de l'enseignement du français. Cette critique a donné lieu à une
multiplication de l'usage des photocopies qui permettaient alors aux enseignants de
fabriquer leurs propres outils, de choisir des textes, des exercices, dans différents
manuels, ou documents authentiques, permettant d'adapter ainsi les outils
didactiques à leur projet et aux besoins des élèves. Depuis les années 90, on est
revenu sur cette utilisation massive des photocopies à l'école qui ont eu pour
conséquence de poser aux élèves des problèmes d'organisation de classeurs et de
structuration des apprentissages et aux enseignants la question éthique du
photoco-pillage. Ainsi, les manuels scolaires ont été revalorisés et repensés pour
être adaptés aux nouvelles conceptions de l'enseignement du français en
cohérence avec les programmes ministériels. Ils constituent un lien entre l’école et
les parents, permettant à ces derniers de suivre le travail fait en classe. Les
manuels, pour la plupart, comprennent un livre du maître ou guide pédagogique ,
et pour les élèves, des activités et exercices, des synthèses de connaissance et de
structuration des acquis. Certains manuels peuvent comprendre des disques, des
images, des CD de films.
Il est rare de rencontrer un enseignant de français qui ne s'en tienne qu'aux
ressources et aux supports du manuel. Il les complète de ressources
personnelles, tant dans le choix des exercices que dans les textes proposés, ou
encore avec des supports audio visuels, comme par exemple l'interview d'un
écrivain. Son enseignement peut être également enrichi par les apports personnels
des élèves : ceux-ci peuvent apporter des documents qui seront exploités lors des
activités (extraits de journaux, publicités, documentaires...)
Aujourd'hui, à l'ère du numérique, se développent des manuels numériques avec
des fonctionnalités interactives, conçus davantage comme des sites internet,
donnant accès à d’autres contenus, permettant le travail collaboratif et la
mutualisation de supports.
À côté des manuels proposant des démarches pédagogiques et exercices, on
trouve également, dans les classes, à disposition des élèves, en ligne ou sous
format papier, des livres de référence tels que les dictionnaires de langue, les
dictionnaires des synonymes, les encyclopédies, des atlas, des guides de
conjugaison.
Des outils d'entraînement tels que les fichiers d'exercices ou cahiers d'activités
peuvent compléter les manuels. Ces fichiers sont dans la plupart des cas
autocorrectifs, ils peuvent également se présenter sous format papier ou sous
format numérique.
Depuis 2002, avec l'introduction de l'enseignement de la littérature dans les
programmes de l'école primaire et de listes d'œuvres à étudier, les textes supports
ne se trouvent plus seulement dans des recueils de textes, mais les écoles
achètent des œuvres de littérature de jeunesse.
Par ailleurs, des enseignants proposent, sur la toile, de nombreuses ressources
concrètes à disposition de leurs collègues et des élèves, telles que des préparations
de séquences, mais aussi de nouveaux outils d'écriture et de communication avec,
par exemple, la proposition de correspondances pour leurs classes par internet.
Un autre outil à disposition des enseignants consiste dans les revues
professionnelles (par exemple, « Les cahiers pédagogiques » ou plus axées sur
la recherche, la revue « Pratiques », la revue « Repères », la revue du « Français
aujourd'hui » ...) qui se trouvent, pour la plupart, sous format papier, mais
également consultables en ligne.
Par ailleurs, l'enseignant doit réfléchir non seulement au choix des supports, à leur
intérêt pour son enseignement, mais aussi aux modalités de leur utilisation par
les élèves. Comment organiser l'exploitation de ces ressources par les élèves ?
Les cahiers et classeurs sont les supports de travail les plus utilisés dans les
classes. Leurs dénominations et contenus « jouent un rôle considérable dans la
conscience disciplinaire » (Giguère J. & Reuter, Y., 2003) et la représentation de
l'image de la discipline. On trouve, dans certaines classes, un cahier d'expression
écrite, dans d'autres un cahier d'écrivain, alors que dans d'autres classes le travail
d'écriture se fait dans le cahier du jour.
Les outils qui servent à écrire sont les crayons « papier », les stylos, les stylos
de couleur, les stylos à plumes, les surligneurs, le traitement de texte, ceux qui
servent à effacer comme la gomme, le blanco, l'éponge pour le tableau ou
l'ardoise. On peut également trouver des enregistreurs, tels que des dictaphones,
voire des caméscopes. Le choix de ces outils et de leurs utilisations a des
incidences en termes de rapport à l'écriture scolaire des élèves, à l'oral mais
également en termes de traitement de l'erreur. En effet, le crayon à papier et la
gomme, l'effaceur et le dit « blanco » permettent de faire disparaitre les erreurs.
L'ordinateur a modifié le rapport à l'écrit institué par la machine à écrire. Par
ailleurs, l'ordinateur est particulièrement utilisé avec des élèves handicapés pour
leur rendre accessible l'écriture. En France, depuis la loi du 11 février 2005 les
élèves handicapés se trouvent être scolarisés en classe ordinaire quand leur
handicap le permet.
Quels sont les affichages d'une classe de français ? Au CP, on trouve dans les
classes, pour les élèves, des pancartes, aides mémoire, présentant l'alphabet ou
encore des placards de sons présentant les différentes graphies des phonèmes. Des
pancartes peuvent rappeler les règles orthographiques. Des affiches peuvent
également annoncer des évènements ou encore mettre en valeur les travaux des
élèves.
Un support permanent emblématique du métier d'enseignant est le tableau
comme support de l'institutionnalisation du savoir, de la leçon à copier ou encore
de la correction collective. Aujourd'hui, on commence à trouver dans les classes
françaises de plus en plus de tableaux blancs interactifs. On peut penser que ce
nouvel outil modifiera, entre autres, les modalités d'élaboration des textes des
leçons.
CONCLUSION
Nous voici arrivé-e-s au bout de notre voyage ensemble. Nous espérons que vous
nous avez suivies sans trop de mal. Vous avez sans doute perçu nos diverses voix,
dont nous n’avons pas cherché à vous cacher les différences : comment faire
autrement, dans un cours de didactique qui revendique la variation et la complexité
comme guides ? Nous nous sommes aussi permis les redites, parfois sous des
formes différentes, de choses essentielles auxquelles nous croyons : bis repetita
placent, disaient les Latins. L’enseignement aussi est fait de répétitions.
Peut-être êtes-vous déçu-e-s ? Non, ce cours n’est pas un manuel « clé en mains »
pour « faire la classe ». Non, vous ne saurez sans doute pas, après sa lecture, quoi
faire en mettant les pieds dans une classe pour la première fois. Au moins, vous
saurez peut-être ce qu’il ne faut pas faire ? … Rassurez-vous, personne ne sait
définitivement comment faire et tout enseignant, quelle que soit son expérience,
quel que soit son âge, est toujours un peu angoissé la veille de la rentrée.
L’enseignement est le lieu du doute et des questions ; la didactique nous aide à y
voir clair mais la modestie et la vigilance sont toujours de mise.
Pour « apprendre à enseigner », il vous faudra encore beaucoup observer, discuter,
lire, changer, essayer de nouvelles choses. On ne « sait » jamais enseigner, car la
société évolue, nos élèves aussi, comme nos conceptions et nos représentations.
On est toujours en route …, c’est ce qui fait que notre métier est passionnant, c’est
ce qui fait que la didactique, science éminemment sociale, a encore de beaux jours
devant elle. A bientôt sur le chemin ?

Auteures du cours :
Anière Karine. IUFM de Rouen.
Crocé-Spinelli Hélène. ISPEF, Université de Lyon2.
Rispail Marielle. Université de Saint Étienne, Jean Monnet.

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Documents français officiels :


Journal officiel du 6 décembre 1990.
Bulletin officiel n° 1 du 4 janvier 2007. « Cahier des charges de la formation des
maîtres en Institut Universitaire de Formation des Maîtres ». Paris : M.E.N.
Bulletin officiel, Hors-série, n°3 du 19 juin 2008
Bulletin officiel spécial n°6 du 28 août 2008
Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010

Manuel :
Manuel CM2, Mot de Passe, 2011, Paris : Hachette Education.
Entrainement  à  l’évaluation  :    
Cours et documents permis
Durée : 2h. Il est conseillé de répondre en style télégraphique aux questions 1, 2 , 3 et de rédiger
une réponse argumentée pour la question 4.

Dossier :
S’exprimer en français, Séquences didactiques pour l’oral et l’écrit
Sous la direction de : Joaquim Dolz, Michèle Noverraz et Bernard Schneuwly
Volume IV, 7è, 8è, 9è, Ed. De Boeck / COROME. Bruxelles, 2001.
Séquence 1 : La parodie de conte, Danièle Marmillon
⁃ page de couverture (1 page)
⁃ tableau de départ des 6 modules (2 pages)
⁃ fiche 12 : le conte tahitien en puzzle (2 pages)
⁃ fiche 13 : le texte sans alinéas (1 page)
⁃ fiche 15 : les temps de verbes (1 page)
⁃ fiche 18 : les critères d’évaluation (grille) (1 page)
⁃ Annexe 7 : aide-mémoire (1 page)
Consignes :
1) A partir du tableau de déroulement de la séquence : 3 pts
⁃ à des enfants de quel âge peut s’adresser cette séquence ?
⁃ d’après vous, combien de temps peut-elle durer ?
⁃ quelle place y ont la construction de la langue et les savoirs grammaticaux ?
⁃ pouvez-vous repérer les éléments macros et les éléments micros de la séquence ?
⁃ pouvez-vous citer 2 ou 3 compétences visées ?
1) le puzzle sur le conte tahitien : fiches 12 et 13 : 3 pts
⁃ d’après vous, quels sont les savoirs visés ?
⁃ pouvez-vous indiquer quelques difficultés que pourraient rencontrer les élèves à réaliser ces
activités, en les classant ?
1) la grille d’évaluation : 3 pts
⁃ imaginez comment on peut construire ou faire construire cette grille, dans la classe ;
⁃ qui peut l’utiliser et comment ?
⁃ de quel type d’évaluation s’agit-il ?
4) Question longue : 5 pts + 6 pts
- A l’origine, un conte est une production langagière orale : imaginez comment on pourrait
enrichir cette séquence d’une partie orale. Quelles compétences peut-on viser ? Quelle
activité imaginer ? Quelles consignes donner ? Quelle évaluation ?
- Quelles parties du cours vous semblent mises en valeur dans ces documents et cette
séquence ? Organisez librement votre réponse par un § argumenté et exemplifié.

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