Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Salaville Sévérien. Τεσσαρακοστή, Ascension et Pentecôte au IVe siècle. In: Échos d'Orient, tome 28, n°155, 1929. pp. 257-
271;
doi : 10.3406/rebyz.1929.2610
http://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1929_num_28_155_2610
state sans peine, sinon sans surprise, que dans le contexte cette
πανέορτος ή [λέρα τής αναλήψεως coïncidait alors avec la Pentecôte, donc
avec le cinquantième jour après Pâques, et non point avec le
quarantième. Cette constatation ayant cependant échappé à un homme
aussi averti que H. Koch, il ne sera pas inutile d'étudier de près
cette page du De sollemnitate pa schalt. Aussi bien, nous y verrons
mentionner, en fonction de la solennité centrale- de la Résurrection,
outre l'Ascension et la Pentecôte, la quarantaine préparatoire
désignée par deux fois, non pas sous le nom de τεσσαρακοστή, mais
SOUS celui de τεσσαρακονθη [Αέρος ασκησις. Ou plutôt et plus exactement
peut-être, nous y verrons la Pâque considérée comme la grande
fête chrétienne, de durée en quelque manière continue, ayant comme
προεορτα les quarantejours de période pénitentielle, et comme μεθέορτα
les cinquante jours du temps pascal auxquels la
Pentecôte-Ascension vient mettre le sceau sacré de l'œuvre rédemptrice consommée.
Un pareil point de vue, dont l'élévation vaut, par elle-même, d'être
attentivement examinée, mérite aussi de répandre toute la lumière
des textes sur les origines liturgiques du Carême et de l'Ascension.
Après avoir exposé les convenances de la saison printanière
pour la Pâque chrétienne. autant que pour la Pâque juive, Eusèbe
conclut ί
... Maintenant, une* fois encore, des fléaux divins sont infligés aux démons
égyptiens, et les peuples établis par toute la terre fêtent leur libération de
la multiforme impiété. Après la défaite des esprits égareurs de peuples,
après la cessation de l'hiver de malheurs, la fécondité de fruits nouveaux,
par la variété des dons du Saint-Esprit, couronne l'Eglise de Dieu. Pour
tout dire d'un mot, tout le genre humain est converti à notre foi : toutes
les contrées, bénéficiant de la culture spirituelle de la part du divin
Laboureur qu'est le Verbe, ont germé les belles fleurs de la vertu : libérés des
maux causés par les ténèbres, nous avons joui de la lumière dans le plein
jour de la connaissance de Dieu (i).
, Entreprenant donc le voyage vers Dieu, nous ceignons bien nos reins
du lien de la tempérance, et tenant en assurance les pas de notre âme,
comme des voyageurs bien chaussés nous nous disposons à la marche
vers la céleste destinée. En guise de bâton, munis de la parole divine et
de la puissance des prières pour nous Refendre de nos ennemis, nous
franchissons avec ardeur le passage qui mène aux cieux... Après avoir
ainsi dûment passé la Pâque (le passage), une autre grande fête, nous
attend r la Pentecôte, tel est le nom que lui donnent les Hébreux, et qui
porte en elle l'image du royaume des cieux.
grande des têtes. Moissonnés par ia faucille spirituelle des apôtres et ras-
semblés en un seul tout dans les églises de la catholicité comme dans une
aire immense, réunis en corps..., régénérés par l'eau et par le feu du Saint-
Esprit, nous sommas offerts à Dieu par le Christ comme des pains
savoureux et agréables.
Les symboles prophétiques de Moïse ayant ainsi cédé la place aux faits
par les plus augustes résultats, nous avons, nous, reçu avis de célébrer
cette fête avec plus d'éclat, comme réunis au Sauveur et jouissant de son
royaume. C'est pourquoi nous ne sommes plus autorisés à nous imposer
des privations au cours de cette solennité, et l'on ïious enseigne de porter
sur nous l'image du repos, objet de notre espérance dans le ciel. Ainsi,
ni nous ne fléchissons le genou dans les prières, ni nous ne nous mortifions
par l'abstinence... Voilà pourquoi, après la Pâque, nous célébrons la
Pentecôte en sept semaines complètes, après avoir virilement soutenu en six
semaines la période antérieure, celle de l'exercice de quarante jours
préparatoire à Pâques. Car le nombre six est significatif de pratique et
d'activité, et c'est en six jours, est-il dit, que Dieu créa toutes choses. Aux
fatigues de cette période sexénaire succédera la seconde fête en sept
semaines, multipliant pour nous le repos dont le nombre sept est le
symbole. Et le nombre de la Pentecôte ne s'arrête même pas à ces sept semaines :
mais, après avoir dépassé les sept semaines, à la dernière unité qui les suit
immédiatement il met le sceau sur le jour tout festival de l'Ascension du
Christ. C'est donc à bon droit que dans les saints jours de la Pentecôte,
par figure du repos futur, nous réjouissons nos âmes et délassons le corps,
comme nçm« „trouvant désormais réunis à l'Époux et ne pouvant jeûner.
(1) S. Isid. Hispal., De eccl. offie, 1. I, c. xxxiv; P. L·, t. LXXXIII, col. 769·
(2) ΓΙεντηκοστάριον, éd. de Venise, 1890, p. 86. A noter, d'ailleurs, que l'existence
même et le nom de ce livre liturgique, Pentecostarion, perpétuent d'une manière
concrète la tradition d'unité du temps de Pentecôte.
(3) Remarquons cependant que la même chose paraît bien tout au moins. insinuée par
le texte de Tertullien, De bapiismo, xix, cité en note à la page précédente.
Τεσσαρακσστή , ASCENSION ET Pentecôte 203
(ι) Eusèbe, De Vita Constantini, 1. IV, c. lxiv; P. G., t. XX, col. 1221).
264 ÉCHOS D'ORIENT
Scire débet sanctitas vestra, fratres, hanc sanctam Pentecostes diem qua
ratione curemus, vel cur illorum quinquaginta dierum numéro sit nobis
iugis et continuata festivitas : ita ut hoc omni tempore neque ad obser-
vandum indicamus ieiunia, neque ad exorandum Deum genibus succidamus,
sed sicut Dominica solemusfacere, erecti et feriati resurrectionem Domini
celebramus...
Instar dotninîcae tota Quinquagesima dierum curricula celebrantur , et
omnes isti dies velut dominici deputantur. Resurrectio enim Dominica
est. Nam in dominica resurgens Salvator reversus ad homines est, et post
(1) P. G., t. XLVI, col. 689-690. Par contre, la XIXe homélie De Statuts de saint Jean
Chrysostome, τη κυρίακ^ τής έπισωζομενης (P. G., t. XLIX, p. 188), paraît se rapporter
plutôt, quoi qu'en dise Allatius {De Eccl. perp. cons., col. 1460), à un des derniers
dimanches de Carême, probablement à ce qui est notre dimanche de la Passion; P. G.,
ibid., p. i5.
(2) P. G., t. I, p. n36.
(3) P. L., t. CLXXXIII, col. 3oi.
(4) Cf. N. Nilles, Kalendarium matinale utriusque Ecclesiae..., t. II, Innsbruck, 1897,
p. 36g; F. Miklosich, Lexicon palaeoslovenico-graeco-latinum, Vienne, i8b2-i865>
p. 943, où l'on trouvera de précieuses références sur l'emploi de ce mot dans les anciens
textes serbo-croates et bulgares. Voir aussi N. Nilles, dans Zeitschrift für katholische
Theologie, t. XVII, 1893, p. 527-528.
Τεσσαρακοστή, ASCENSION et Pentecôte 265
(1) Operum S. Ambrosii t. V, Ro/ne, i585, serra. LX, p. 65-66. Cité par l'annotateur*
de Cassien, dans P. L., t. XLIX, col. 1194C, et par F. de Mendoza, De confirmando
concilia Illiberïtano, 1. III, c. xvn, dans Mansi, Concil., t. II, col. 296 E.
(2) Cassien, Coll. XXI, 19-20; P. L., t. XLIX, col. 1193-Π94.
(3) Ibid., col. 1194·. Il est utile de rappeler que cet usage d^ ne point fléchir les genoux
266 ÉCHOS D'ORIENT
« durant les jours de la Pentecôte ,>, c'est-à-dire durant toute, la cinquantaine pascale,
avait fait l'objet du canon XX de Nicée : «· Comme quelques-uns plient le genou le
dimanche et aux jours de la Pentecôte (έν ταΐς τής πεντηκοστής ήμέ-ραις), le saint concile
a décidé que, pour observer partout une règle uniforme, tous devraient adresser leurs
prières à Dieu en restant debout. » Mansi, Concil., t. II, col. "678 B. Cette tradition se
perpétua avec une remarquable précision. Saint Maxime de Turin écrivait, en termes
à peu près identiques à ceux cités plus haut comme de saint Ambroise : « Istorum
quinquaginta Herum numéro sit nobis iugis et continnata festivitas; ita ut hoc omni
tempore neque ad observandum indicamus ieiunia, neque ad exorandum Deum genibus
succidamus; sed sicut dominica solemus facere, erecti et feriati resurrectionem Domini
celebramus. Omnes isti dies velut dominici deputantur. » Serm. III in Pentec; P. L.,
t. LVII, col. 633. S. Hilaire, Prolog, in Psalmos, XII : « Et haec quidem sabbata sabba-
torum ea ab apostoiis religione celebrata sunt ut his quinquagesimae diebus, nullus-
neque in terram Strato corpore adoraret, neque ieiunio festivitatem spiritualis huius
beatitudinis impediret : quod idipsum extrinsecus etiam in diebus dominicis est institu-
tum. »P. L., t. IX, col. 239.
(1) Binera Hierosolymitana saeculi iv-viii, ex recensione p. geyer, Vienne, 1898,
p. 93-93 : Quinquagesimarum autem die, id est dominica, ... post prandium ascen-
ditur mons Oliveti, id est in Eleona, unusquisque quornodo potest, ita ut nullus christia-
norum remaneat in civitate, qui non omnes vadant. Quemadmodum ergo subitum
fuerit in monte Oliveti, id est in Eleona, primum itur in Imbomon, id estineo loco unde
ascendit Dominus in caelis, et ibi sedet episcopus, et presbyteri, sedet omnis populus,
leguntur ibi lectiones, dicuntur interpo&iti ymni, dicuntur et antiphonae aptae diei ipsi
et loco; orationes etiam, quae interponuntur semper tales pronuntiationes habent, ut
et diei et loco conveniunt, legitur etiam et ille locus de evangelio, ubi dicit de ascensu
Domini in caelis post resurrectionem... »
Τεσσαρακοστή, ASCENSION ET Pentecôte 267
solennité, qui est bien en vérité, selon .le mot d'Eusèbe, la πανέορτος
ήμερα de l'Ascension du Christ coïncidant avec la commémoraison
de la Pentecôte et exprimant, dans le souvenir du Christ monté au
ciel, le suprême enseignement de la liturgie pascale.
La pèlerine occidentale signale aussi, il est vrai, le quarantième
jour après Pâques, mais sans y faire aucune allusion à l'Ascension.
Ce jour-là, qui est un jeudi, dit-elle, on va à Bethléem : la vigile
et la messe ont lieu à la basilique de la Nativité (1).
Un tel renseignement a de quoi surprendre. Dom Câbrol avait
suggéré de voir dans cette cérémonie bethléèmitaine du
quarantième jour après Pâques une fête de l'Annonciation (2). Hypothèse
gratuite et que rien ne confirme. Il faut en dire autant de celle de
A. Baumstark, qui suppose une célébration primitive de la
Nativité à celte date (3). Quant à l'explication du P. F. M. Abel, que
ce pèlerinage de Jérusalem à Bethléem aurait pour but de
commémorer « la descente du Sauveur en ce monde avant de célébrer son
départ pour les deux » (4), elle paraît exclue par le silence absolu
gardé sur l'Ascension au quarantième jour. Il est plus vraisemblable,
croyons-nous, d'admettre, avec A. Heisenberg, que la
commémoraison des Saints Innocents, positivement mentionnée à Bethléem
« le troisième jeudi après Pâques » par le Kanonarion géorgien de
Kekelidze et le 18 mai par l'ancien Rituel arménien, suffit à
expliquer la relation de la Peregrinatio sur laferia quinta quadragesi-
marum post Pascha (5). Cette commémoraison des Innocents,
quoique non mentionnée par iEtheria, aurait été le vrai motif de
la cérémonie de Bethléem. Plus tard, lorsque l'Ascension eut été
définitivement fixée au quarantième jour, la commémoraison des
Innocents fut reportée, du sixième jeudi du temps pascal, au
troisième (Kanonarion de Kekelidze), tandis que. les Arméniens et
peut-être les Syriens lui attribuèrent le 18 mai (6).
(1) Ibid., p. g3 : « Die autem quadragesimarum post Pascha, id est quinta feria...,
fiunt vigiliae in Ecclesia in Bethléem, in qua ecclesia spelunca est, ubi natus est Domi-
nus... Celebratur missa ordine suo, ita ut et presbyteriet episcopus praedicent, dicentes
apte diei et loco... »
(2) F. Cabrol, Etude sur la Peregrinatio Silviae : Les églises de Jérusalem, la
discipline et la liturgia au iv" siècle. Paris, 1895, p. 79 et 123.
(3) A. Baumstark, « Oster und Pßngstfeier Jerusalems im siebten Jahrhundert >, dans
la revue Oriens Christianus, Ν. S.., t. VI, 1916, p. 226-227.
(4) H. Vincent et F. M. Abel, Jérusalem, Recherches de topographie, d'archéologie et
d'histoire, t. II, Jérusalem nouvelle, 1914, p.. 392. -
(5) A. Heisenberg, « Zur Feier von Weihnachten und Himmelfahrt im alten
Jerusalem », dans Byzantinische Zeitschrift, t. XXIV, 1924, p. 329-335.
.
(1) Ibid.
(2) S. Augustin, serm. CCLXII, n° 3; P. L., t. XXXVIII, n° 3, col. 1208 : <■ Hodierno
ergo die, hoc est quadragesimo post résurrectionem suant, Dominus aseendit in caelum...
Ecce celebratur hodiernus dies toto orbe terrarum ;>. — Serm. CCLXV, n° 1, col. 1219:
« Ipso ergo quadragesimo die, quem hodie celebramus, aseendit in caelum ». — Serm.
CCLXVII, n° 3, col. i25o : « Quando celebravimus Quadragesintam, recolite quia com-
mendavimus vobis Dominum Iesum Christum Ecclesiam suam commendasse et ascen-
disse. » Comparer S. Maxime de Turin, nom. LX et serm. XL1V-XLVII; P. L., t. LVII,
col.. 367, 623 sq.
Il est intéressant de noter que, dans le livre II Ad inquisitiones Ianuarii, c. xv,
S. Augustin s'efforce, avec l'extrême ingéniosité arithmétique qu'on lui connaît, a
concilier la mystique traditionnelle du nombre cinquante et de la Pentecôie-Quinquagesima
avec celle du nombre quarante et de la Quadragesima-Ascension : < ... Numero autem
quadragenario vitam istam propterea figurari arbitror, quia denarius in quo est perfectio
beatitudinis nostrae, sicut in octonario quia redit ad primum, ita in hoc mini videtur
exprimi : quia creatura, quae septenario figuratur, adhaeret Creatori, in quo declaratur
unitas Trinitatis per Universum mundum temporaliter annuntianda; qui mundus et
a quatuor ventis delimatur, et quatuor elementis erigitur, et quatuor anni temporum
vicibus variatur. Decem autem quater in quadraginta consummantur, quadragenarius
autem partibus suis computatus addit ipsum denarium et fiunt quinquaginta tamquam
merces laboris et continentiae. Neque enim frustra ipse Dominus et quadraginta dies
post résurrectionem in hac terra et in hac vita cum discipulis convêrsatus est, et postea-
quam aseendit in caelum, decem diebus interpositis promissum mïsit Spirttum Sanctum,
completo die Pentecostes : qui dies quinquagenarius habet alterum sacramentum, quod
septies septem quadraginta novem fiunt; et cum reditur ad initium, qui est octavus,
qui est primus dies, quinquaginta complentur; qui celebrantur post Domini
résurrectionem, iam in figura non laboris, sedquietis et Îaetitiae. Propter hoc et ieiunia relaxan-
tur, et stantes oramus, quod est Signum resurrectionis. »
Cette insistance de conciliation entre la tradition ancienne de Pentecôte-Cinquantaine,
Τεσσαρακοστή, ASCENSION ET PENTECOTE 269