68: LE CANARD DE MAl

Le dico
de la malbouffe
COMME « MALBOUFFE », est un vrai régime amaigrissant, tant on

M ça commence mal dès le pre-

mier mot. Et, avec les suivants
de ce dictionnaire tout entier consacré
en vient vite à se demander ce qu'on
peut encore manger.
C'est une bonne question. Et, même
à ce fléau, ça ne s'arrange pas vraiment. si « Les Dossiers » se sont déjà penchés
Autant le savoir avant de poursuivre sur le sujet par le passé, elle mérite
votre lecture, ces « Dossiers » sont d 'être une nouvelle fois posée. Car, si
pleins de produits la malnutrition diminue chaque année
peu ragoûtants. Ils dans le monde, la malbouffe ne cesse,
dégorgent à chaque quant à elle, et dans le même temps, de
page d'huile de gagner des parts de marché. C'est dire
palme sursaturée, que, si toutes les cochonneries précitées
d'isoglucose, de ne sont bien sur pas bénéfique, il est
glyphosate, de rési- plutôt sain de vouloir bien les connaître,
dus .d'acrylamide pour mieux éviter d'en abuser. Et c'est
et de minerai d'os la finalité première de ce dictionnaire.
broyés. Ça dégouli- Il vous aidera joyeusement à vous y
ne d'acide perfluo- retrouver dans cette jungle agroalimen-
rooctanoïque et taire et dans les méandres d'une indus-
d'acides surgras. trie plus soucieuse de ses profits que de
Les agents de textu- ceux que les produits qu'elle nous vend
re se mêlent aux an- apportent à notre santé !
tiagglomérants, les Des pavés de saumon à ceux de la rue
nanoparticules aux Soufflot, il y a plus d 'un plat. Histoire
émulsifiants, et il y de faciliter la digestion, vous retrouverez
a des conservateurs aussi dans ce numéro un cahier de
dans les édulco- 16 pages. A l'occasion du cinquantenai-
rants ... Et ce n'est qu'un avant-dégoût ... re des événements de 1968, vous y re-
Jambon aux sulfites, fruits aux pesti- trouverez l'histoire du « Canard » de
cides, saucisson au faux âne ou quinoa mai. Bonne lecture, mais pas bon appétit.
à l'engrais, veau, vache, cochon, poisson, Cela ne se dit pas, et encore moins avec
tout passe à la casserole et a souvent de ce dictionnaire-là .
quoi nous rester sur l'estomac. Ce dico ErikEmptaz
Acide perftuorooctano 6
•
Délayage 28 Labels 49 Sauc181011 (corset 71
Acr;tamide 7 Dermanysaus gallinae 28 Lactalis 50 Saumon 70
Additifl 7 Dinde 29 Lactosérum 50 Schtroumpfs 72
Ab'niium B Lait infantile 51 Sécurité alimentaire 72
Analogue (fromage) 9 lapin 51 Sel 73
Anaras 9 Lobbys 52 Sodas 73
Applia 10 Sous-vide 75
Alpartame 10 Sperme 76
~ 11 McOonald's 54 Sucre TT
F..,_ (animales} 31 Miel 55 Sulfites TT
Fraises 32 Minerai 57 Surimi 78
8aplle 12 Frites 32 Moineaux 57 Sushls 78
Blnn 13 Muesli 58
a.becue 14
Ban8l chocolatMI 14 Galette des Rois 33 'Thrombine 79
8eurN 15 Glaces 34 Nanopattlcules 59 Tomate 79
Bio 15 Glutamate 35 Néonlcotlnoldes 60 Trlploides 80
Blscdl 16 Gluten 35 Nuggets 60 Truffes 81
Bisph6noiA 16 Glyphosate 36 Nutela 61 Trutea 81
Bonbons 16 Grandes surfaces 37
18
Boullon cube
Brioche 18
Gras 38
'
Œufs 62 UIPP 82
Or blanc 62
Healthy 39 OGM 63
Camembert 19 Hormones de décrochage 39 Yaches 83
Cantines scolans 20 Hercberg 40 Végans 83
Céréalea 20 Huile désodorisée 41 Pain de mie 64 Viennoiseries 84
QIAiaigne 22 Huile d'olive 41 Pêtes 64 V.gnerons 84
Qleval 22 Perturbateurs endocriniens 65 Vin 85
Q1ips 23 Phtalat8s 65 Varus (du piment) 86
atocolal 23 Insectes 42 Piua 66
~ 24 ln vitro 43 Plastique 68
eon.wœ.n alimentaires 24 lsoglucose 43 PqH:om 66 W8sabl 86
Conservation 25 ~de poisson 67
Cornichon 25 P\rie 67
CoraJx 26 Jambon 44 Yaot.lt 87
26
Cuwna
Cyanobactérie 26
Jus d'orange 45
'
QUatrième repas 68
Cystite 27 Quinoa 68 Zeste de citron 88
Kebab 46
Ketchup 47
Knackl 48 Remballe
Riz
ACIDE ..
PERFLUOROOCTANOIQUE
A poêle!
Après avoir testé 400 échantillons
d'emballages issus de 27 chaînes de
fast-food, des chercheurs américains
ont Identifié un nouveau danger pour
notre santé si l'on abuse des produits
de McDo et consorts : les substances
fluorées aJoutées au papier et au car-
ton pour les rendre imperméables à
la graisse Des composés censés pro-
voquer des troubles du développe-
ment, daminuer la fertilité, voire aug-
menter le risque de cancer. Selon leur
étude publiée l'an dernier dans la re-
vue ~ Environmental Science & Tech-
nology Letters », 20 % des embal-
•
lages pour le papier à frites en
contiennent, 56 % pour les pains et
les desserts, 38 % pour les sandwichs
et les burgers. Les rebords de ces em-
ballages entrent en contact avec la
nourriture et les contaminent en com-
posés fluorés .
Les Français sont les plus gros
consommateurs de hamburgers en
Europe. environ 1,2 milliard par an.
Et McDo est devenu le premier res-
taurant de l'Hexagone.
ANTIADHÉSIVE. L'une de ces joyeu-
setés fluorées, l'acide pcrfluoroocta-
noïque, ou APFO, qui provoque chez
les animaux de laboratoire des mal-
formations à la naissance ct des can-
cers une fois adultes, compose plus
de la moitié des emballages alimen-
taires en papier ct 20 % de ceux en
carton utilisés dans le monde. Cette
substance a aussi servi à rendre les
poêles et les casseroles antiadhésives
et antitache. Un rêve de cuisimer. ..
jusqu'à ce que l'on s'aperçoive de la
nocivité de~ résidus d 'aode perfluo-
rooctanoïque.
En février 2017, après dix-neuf ans
de procédure, le • procès du Teflon »
a abouti à la condamnation du chi-
miste américain DuPont, le créateur
de ladite substance. Les principaux
géants chimiques américains, à com-
mencer par lui, ont décidé d'éliminer
l'acide perfluorooctanoïque de leur
production. Mais, en Europe, ces com-
posants ne sont toujours pas interdits.
La Commission européenne a seule-
ment promis de prendre des mesures
dans des délais « raisonnables ».
Entre-temps, Tefal, le champion de la
casserole antiadhésive, qui appartient
au groupe Seb, s'est mis à habiller
dare-dare ses poêles de céramique.
On applaudit des deux mains la dis-
parition programmée de l'acide per-
fluorooctanoïque, mais les substances
adoptées en remplacement n'ont pas
encore fait l'objet d'études approfon-
dies. Leur potentiel de nocivité est
inconnu. Poêlant, non ? •

ACRYLAMIDE
Amidon, dis donc !
Dès qùe l'on fait cuire, rôtir ou frire
très longtemps et à très haute tempé-
rature (plus de 120 oq des aliments
contenant de l'amidon, déboule
l'aoylamide, une substance chimique
soupçonnée de favoriser les cancers
et l'infertilité, et considérée depuis
1994 par le Centre international de
recherche sur le cancer comme « pro-
bablement cancérogène pour l'hom-
me». Après avoir longtemps cru que
l'acrylamide ne se trouvait que dans
les chips et les frites - à cause de
l'amidon contenu dans la patate-,
les chercheurs se sont rendu compte
de sa présence dans une palanquée
de produits industriels tels que la biè-
re, les crackers, les biscuits sucrés,
les gaufres, les cornflakes, les biscuits
et les biscottes, le chocolat en poudre,
le café et même certains petits pots
pour bébés à base de pomme de ter-
re ! Un sujet brûlant.
De fait, en 2003, la Commission eu-
ropéenne a tapé du poing sur la table
ADDITIFS
La lettre et le néant
Conseil de base :si vous ne savez pas
décrypter la nomenclature des addi-
Ws qui entrent dans la composition
et demandé aux industriels de modi-
fier leurs procédés de cuisson pour
diminuer la dose d'acrylamide dans
leurs produits. Lesquels industriels
ont alors assuré qu'ils feraient le maxi-
mum. Mobilisation générale, donc,
contre la substance toxique.
NÉOFORMÉS. Sept ans plus tard,
l'Autorité européenne de sécurité des
aliments (Efsa) a publié le résultat
d'analyses qu'elle avait effectuées en
2008 sur plus de 3 400 types d'ali-
ments vendus dans 22 pays de l'UE,
dont la France. Dans un tiers seule-
ment des cas, les scientifiques ont dé-
tecté moins de particules toXIques
qu'en 2003 ! Dans les autres cas, la
de deux produits alimentaires sirm-
laires, achetez celui dont la liste est
la plus courte. C'est le b.a.-ba, pour
le consommateur effaré par les cha-
pelets de « E » qui enluminent les
emballages alimentaires. Plus c'est
long, moins c'est bon, en somme!
Voilà comment traduire en français
le sabir européen qui, depuis 2008,
réglemente laborieusement- prenez
votre souffle - la définition officielle
du E : « toute substance habituelle-
ment non consommée comme ali-
ment en soi et non utilisée comme
ingrédient caractéristique dans l'ali-
mentation, possédant ou non (sic) une
valeur nutritive, et dont l'adjonction
intentionnelle aux denrées alimen-
taires, dans un but technologique, au
stade de leur fabrication, transforma-
tion, préparation, traitement, condi-
tionnement, transport ou entreposage,
a pour effet, ou peut raisonnablement
être estimée avoir pour effet, qu'elle
-
quantité d'acrylamide a
flambé. En particulier
dans les substituts de café
à base d'orge ou de chico-
rée et dans les cafés ins-
tantanés. Selon l'Eisa,
chaque Français avale au-
jourd'hui quatre fois plus
d'acrylamide que la dose
limite recommandée par
l'Organisation mondiale
de la santé. Mais, pas de
souci, « aux niveaux actuels d'expo-
sition alimentaire», ce ne serait pas
préoccupant. De quoi se plaint-on ?
Outre l'acrylamide, la cuisson indus-
trielle des aliments génère 800 « com-
posés néoformés indésirables ». Cin-
quante d'entre eux, comme le furane
ou le HMF, sont fortement soupçon-
nés d'être cancérogènes ou gé-
notoxiques. Pas de quoi donner la
frite ... •
la cuisson industrielle
génère 800 composés
indésirables
devienne elle-même, ou que ses dé-
rivés deviennent, directement ou in-
directement, un composant de ces
denrées alimentaires ».
INDIGESTE. Avec quelque 350 Eau-
torisés et répertoriés dans son « Co-
dex ahmentarius »,édité en collabo-
ration avec l'Organisation mondiale
de la santé et l'Organisation des Na-
tions unies, l'Union européenne laisse
l'embarras du choix. Dans un bel ef-
fort de lisibilité - merci, Bruxelles -,
les « numéros E » (pour « Europe »)
sont classés par fonctions el recon-
naissables au premier des trois ou
quatre chiffres de leur nombre SIN
(pour « Système international de nu-
mérotation >>) : 1 pour les colorants,
2 pour les conservateurs, 3 pour les
an ti oxydants -les trois catégories les
plus importantes -, 4 pour les émul-
sifiants« stabilisants », 5 pour les aci-
difiants « correcteurs régula- • •
US DOSSIERS DU CANARD • 7
 • Leurs » ou« antiagglomérants »,
9 pour les édulcorants, et arns1 de sw-
te JUSqu'ii 14 pour les am1dons épais-
sissants Comme si ce catalogue m -
digeste n~ sufhsa1t pas, il y a, maiS
ou1, des nouveautés chaque annee.
Le cldssemenl, comme pour les ap-
pelldtions d'angine protégée des
bons crus, intervient au terme d'une
procédure d'homologation censée dé-
finir des cond1lions d'utilisahon ré-
pond.mt ii une vraie nécessité et suf-
fisamment claires pour- on ne n t
pas -ne pdS être « trompeuses » pour
le consommateur ... Si l'on regarde
dans le détail, ce cadre a des proprié-
tés très é lastiques. La légisiÇttion na-
tionale prime, comme e n France, où
les premiers textes remontent à 1905.
L'bclliilonisalion européenne est b1en
en marche depuis 1989, mais elle est
loin d'être achevée. Des E sont inter-
dits dans certains des 27 pays de
l'Union el p as dans d 'autres ...
DANGER. Un vrai manuel du petit
chimiste 1 L'hypocondriaque y trou-
vera des huiles de silicone anti-mous-
se qw vous déglinguent le foie, de!>
cires en polyéthylène p our enrober
les agrumes qui exigeraient qu'on se
lave les mains après avoir manipulé
les fruits en question, des agenu. de
turbidité (dd.Ds les boissons) pouv.mt
provoquer des fausses couches, du
sel d'aspartame capable de déclen-
cher des douleurs articulaires ou des
trous de mémoire, des arômes « na-
turels » à base de glutamate mo-
nosodique poten tiellement neuro-
toxique, des extraits de pétrole (dans
le chewing-gum) qui plombefdienl
le système lymphatique ... Un cabinet
des horreurs où il reste difficile de
discerner le véritable danger.
En guise d'anti-remontées acides, un
agent de l'Autorité européenne de
sécurité des aliments sort du placard
un argumentaire bien huilé : « Depuis
les Egyptiens, qui mettaient de la ca-
roube dans leurs plats pour leur don-
ner de la consistance, les humains
ont toujours utilisé des ingrédients
pour colorer les aliments, conserver
les denrées ou leur donner de la
consistance. Ça rassure ! •
8 • LESOOSSIERSOUCAMRO
ALUMINIUM
20% de l'aluminium
Aqua bon? ingéré ne parvient
Pas besoin de cure d'aluminium pour pas à être filtré
être en bonne santé ! Le pain, le ba-
silic, le cacao, le thé et les épinards,
par les reins et éliminé
du fait de leur forte concentration en par les urines
aluminium , comblent 95 % de nos
besoins quotidiens. Il n'est donc pas
nécessaire d'en rajouter ...
Le hic, c'est que l'industrie agroali- NEnOYAOE. Mises en cause, les
mentaire utilise l'aluminium dans ses multinationales du traitement de
colorants, additifs et emballages en l'eau, tel Veolia, se retranchent der-
ra1son de ses propriétés (basse den- rière les pouvoirs publics. « Nous ne
sité, malléabilité, résistance à la cor- sommes pas toxicologues! se défend
rosiOn). Pire, les populations sont ex- Kader Gaid, docteur ès sciences à la
posées, sans le savoir, au métal en direction •technique et performance•
buvant l'eau du robinet. I!n effet, lors de Veolia. Nous nous conformons aux
de son traitem ent, des agents à base instructions du ministère de la Santé,
de sel d'aluminium sont utilisés pour qui n'interdit pas l'utilisation des sul-
éliminer les particules organiques et fates d'aluminium puisque aucune
la rendre plus claire. Or cette • dé- étude n'a fait la preuve définitive du
coction » peut se transformer en vé- rapport entre ce produit et la maladie
ritable poison ... d'Alzheimer. En dehors des dialysés,
« L '1mpact de l'aluminium est recon- il n'y a pas de danger. »
nu comme neurotoxique, souligne le Alertées, les municipalités réagissent.
cardiOlogue Pierre Souvet, président Certaines viJlcs, comme Paris, ont
de l'Association San té Environne- modifié le processus de nettoyage de
ment France. Une absorption pen- l'eau et préfèrent le chlorure ferrique
dant une longue période risque d'en- ou le polychlorurc d'aluminium. En
traîner de sérieux problèmes osseux dépit d'un inconvénient : le traite-
ou neurologiques, tels que la démen- ment revient ., de l ,5 fois à 2 fois plus
ce, poursuit l'auteur de •200 alertes cher », regrette Kader Gaid. Alu,
santé enVlfonnement • (Guy Tréda- quoi! •
niel éditeur) On a
d 'ailleurs retrouvé des
niveaux d'aluminium
élevés dans le cerveau
de patien ts atteints
d'Alzheimer autopsiés.
Et certains estiment
que cela pourrait être
un facteur contributif
à la maladie. » Vmgt
pour cent de l'alumJ·
nium ingéré ne par·
vient pas à être filtré
par les reins et élimmé
par les urines. Réstùtat:
il se loge durablement
dans les os, les pou·
mons, le foie et le cer·
vedu, et peut même at·
teindre le fœtus.
ANALOGUE (FROMAGE)
Des fils à la pâte
Qu'est-ce qui ressemble à du froma-
ge, a le goût de fromage, la texture
du fromage mais n'est pas du froma-
ge ? C'est le fromage « analogue " !
Le poids lourd américain de l'alimen-
taire Cargill a eu l'idée géniale de
faire du fromage presque sans froma-
ge, à destination des fabricants de
pizzas, lasagnes, moussaka et autres
cheeseburgers.
En 2007, Cargill produit une pâte
composée de 15 % de protéines de
lait, d'huile de palme et d'exhaus-
teurs de goût comme le glutamate.
En 2009, l'entreprise développe le
Lygomme ACH Optimum, destiné
au marché européen, trois fois moins
cher que sa précédente invention.
ÉCONOMIE. Cette pâte synthétique,
pire que le fromage analogue, vise à
remplacer des fromages tels que le
gouda ou le gruyère dans les prépa-
rations alimentaires. Le Lygomme ne
contient ni graisses saturées ni lacto-
se. il est composé d'amidons, de gé-
lifiants, de galactomannane (fibre vé-
gétale) et de carraghénane (extrait
ANANAS
Il y a 1'éthéphon
qui sonne
Surtout ne pas se fier à sa peau
écailleuse. Si l'ananas, l'un des fruits
exotiques préférés des Français,
semble mieux protégé des pesticides
que d'autres fruits, il n'échappe pas
aux pulvérisations abusives.
S'appuyant sur des données re-
cueillies par la Répression des fraudes,
l'association écologiste Générations
futures a révélé, dans une étude
publiée le 20 février, que 70 % des
fruits et 41 % des légumes non bio
consommés en France contenaient
des résidus de pestiddes supérieurs
d'algue rouge), qui apparaissent dans
la liste des ingrédients sous les déno-
minations « E410 >>, « E412 » , « E417 »
ou « E407 "·Ça fait rêver .. .
Cet ersatz de fromage est 200 fois
moins cher qu'une mozzarella clas-
aux limites maximales autorisées.
En tête des fruits les plus pulvérisés :
le raisin (89 % des éch antillons me-
surés contiennent des résidus de pes-
ticides), les clémentines et les man-
darines (88,4 %), les cerises (87,7 %),
les pamplemousses (85,7 %) , les
fraises (83 %), les nectarines et les
pêches (82,8 %), les oranges (80,6 %)
et les pommes (79, 7 %),le fruit le plus
consommé par les Français.
Avec 59,2 % d'échantillons dépassant
le seuil toléré, l'ananas paraît bien
loti. Plusieurs scandales ont pourtant
secoué la plante tropicale.
En juin 2016, les autorités sanitaires
européennes ont exigé la destruction
d'un lot d'ananas provenant du Bénin,
le 4~ producteur africain. Les indus-
triels avaient abusé de l'éthéphon, un
pestidde qui accélère la croissan- •
sique. Il constitue donc
une source d'économies
énorme pour les fabri-
cants de plats cuisinés.
Et une manne in-
croyable pour les pro-
ducteurs. Ainsi, en 2017,
CargiU a réalisé un
chiffre d'affaires de
10 9 , 7 milliards de
dollars.
Lactalis s'est aussi rué
sur le marché du froma-
ge analogue. « La nou-
velle caséine présure de
Lactalis ingrédients est
destinée aux fromages
analogues pour pizzas
ou plats cuisinés. Elle ap-
porte un filant maximum
et non cassant, une bon-
ne capacité de rétention
d'eau et un goût neutre»,
annonce la pub . Bon
courage aux consomma-
teurs pour détecter la
présence de fromage
analogue ou de Lygomme sur l'éti-
quette. Aucun industriel ne se vante
d'utiliser de tels ingrédients, qui per-
mettent d'appeler « fromage» un
produit qui n 'en contient qu'un tout
petit peu. •
LES DOSSIERS OU CANARD ' 9

• ce du fruit et accentue sa colora-
tion Jaune En quantité excessive il
peut être cancérogène ou corrosif ~ur
les muqueuses. La norme admise en
Europe est de 2 milligrammes par kilo.
DÉSHERBANT. Paradis de l'ananas,
le Costa Rica est très souvent montré
du dmgt Ce petit pays d'Amérique
centrale a vu ses exportations vers
1 Europe tnpler en dix ans. Mais à
quel pnx ? La production de Sweet
G~ld, une vanét~ hybnde au goût su-
cre, lm a rapporte 700 millions de dol-
lars. Cet ananas a envahi les étals
d;s supermarchés hexagonaux car il
resiste au transport, aux chocs et à la
conservatiOn en chambre froide. Et
cela grâc; à une mixture chimique
peu ragoutante ...
Outre l'éthéphon, les multinationales
amén.caanes Del Monte et Dole, qui
ont ffilS la main sur les cultures d'ana-
nas dU Costa Rica, n'hésitent pas à
asperge.r les sols de paraquat et de
bromucll, deux désh e rbants ultra-
toxiques, qui contaminent les eaux
locales el sont interdits en Europe.
Une belle salade, que les amateurs
de frmlc; exotiques apprécreront 1 •
10 ' LES DOSSIERS OU CANARD
APPUS
la cuisine allô
C'est l'out1l anti-malbouffe. La baguette magique qu1 permet
en un éclair de repérer dans les rayons des supermarchés
les aliments bons pour la santé. Open Food Facts est une
encyclopédie collaborative et gratUite qui décrypte les eti·
quettes. Après avoir télechargé l'application sur son
Smartphone, il suff1t de scanner n'importe quel produit pour
connaître mstantanément sa note nutritionnelle (de A à E).
Ce sont les consommateurs eux-mêmes - Ils sont actuellement
7 000 contributeurs volontaires - qui enrichissent ce Wikipédia
du bien-manger en décortiquant chaque jour de nouvelles éti-
quettes. Pas moins de 420 000 produits ont été analysés.
Tout y passe :la quantité de sel, de graisses saturées, de
sucres, d'additifs, l'angine du produit et son lieu de transfor-
mation. • Le but est de rendre tes etiquettes mtelfigibles, pour
que le consommateur reprenne le controle de son assiette ..,
explique Stéphane Gtgandet, ingénieur Informatique et ancien
employé de Yahoo! en Califomie, à l'origine du projet.
Open Food Facts a généré pléthore d'applications spécialisées
ou de sites. " On encourage tout un chacun à exploiter le
potentiel de notre base de données " • souligne Gigandet. Ont
ainsi vu le jour •· Y a-t-il du gluten ? "• « Moins de sel "• " No
palm .., .. Combien de calories ? " ·
L'industrie agroalimentaire va-t-elle répliquer en se jetant
allô? •
ASPARTAME
Usage de faux
C'est le coup de génie suprême de
l'in~ustrie _de ld mdlbouffe : après
avou sature ld population mondiale
de sucre, elle l'a convamcue de se
mettre au régim e.
Elle a ainsi doublé tous ses prodmts
d'une version dllégée, où le sucre est
remplacé par de l'aspartame lui-
même bientôt remplacé par d'a~tres
su bstituts chimiques ou pseudo-
naturels (acésulfame, cyclamate, ré-
baudioside A, néotame, saccharine,
~ucralose ... ), bdptisés « édulcorants
mtenses ».
Le s~u~ ~st que ces faux sucres, qui
s~nt ~ ~ ongine des médicaments pour
diabetiques, n'ont aucun effet certifié
s.ur le contrôle du poids, le métabo-
lisme, les habitudes ou même les ma-
ladies liées à la malbouffe sucrée. ils
pourraient avoir, en revanche, des ef-
fets nuisibles, selon l'Agence natio-
nale de sécurité sanitaire de l'alimen-
tation, de l'environnement et du
travail (Anses). qui l'a écrit dans un
avis de 2015.
ADDICTION. Première conclusion :
l'édulcorant ne permet pas de calmer
à long terme l'addiction au goût sucré,
facteur clé des désordres alimentaires.
C'est, de ce point de vue, un coup
d'épée dans l'eau. Cependant, si l'on
remplace le sucre par un édulcorant,
ne devrait-on pas perdre du poids ?
Mystère. Sur sept études épidérnio-
logiques, quatre indiquent que les
adultes au régime édulcorant ... gros-
sissent, deux qu'ils maigrissent,
quand la dernière conclut à un effet
nul, alors que la majorité des études
ATHÉROSCLÉROSE
Coronaires
de naguère
Des chercheurs de l'université de Ca-
hlornie ont eu une idée inédite : pas-
ser aux rayons X les artères de 52 mo-
mles égyptiennes. Et ils ont fait une
découverte étonnante. Sur les 44 dont
ils ont pu étudier les vaisseaux san-
guins et le cœur, 16 avaient les coro-
naires encrassées ! La presse a aus-
sitôt tartiné sur le thème : les
maladies cardio-vasculaires comme
l'athérosclérose sévissaient déjà au
temps des pharaons, preuve que l'on
ne trouve pas plus de lien entre le
mode de vie moderne occidental et
l rmfarctus du myocarde ou l'accident
vasculaire cérébral que de beurre en
broche. Las, si les Egyptiens man-
geaient peu de viande, le menu cré-
tois ne leur avait pas été révélé ! La
vérité est qu'ils carburaient autant
que nous au beurre et au fromage
bien salé ...
OVERDOSE. Dopés par une mauvai-
se foi pharaonique, les géants de
la majorité des études
montre que les enfants
gavés d'édulcorants
prennent du poids
montre que les enfants gavés d'édul-
corants prennent du poids. De quoi
rendre les spécialistes perplexes.
{{ Si, dès l'enfance, on trompe le cer-
veau en lui disant, avec le goût des
édulcorants: "Je te donne du sucre,
mais tu n'en auras pas", quel sera
J'effet à long terme ? On ne le sait
pas», explique la professeure Irène
Margaritis, responsable de l'évalua-
tion des risques liés à la nutrition à
l'Anses. il se pourrait, en réalité, que
le cerveau compense la frustration
provoquée par l'édulcorant en pous-
LE SE'c~e:.,- 1:>e: MA SiL... ottf:.,-,-€. ?
:l'E ~A• 9 I'A5: 1 <''EST" tJA"f"~.t ~€ 1., "·
€N fwS, 1'..,.}o~ e: .A4A~ <i€1t.~AS,
H\ ~iH•'H\Hit-ti !!t
J
l'agroalirnentaire avaient déjà tenté
de nous faire croire que, si l'on est
obèse, diabétique ou hypertendu,
c'est parce que l'on n'est pas assez
sportif ... Sauf que, pour compenser
les effets du mauvais gras et de
l'overdose de sucre ou de sel de leurs
produits, véritables bombes calo-
riques, il faudrait passer sa vie dans
sant l'enfant à aller chercher du vrai
sucre ailleurs.
POISON. Si l'hypothèse était avérée,
les édulcorants seraient d'autant plus
à éviter que leur dangerosité ne peut
être écartée. Une récente étude sug-
gère « un lien entre la consommation
de boissons contenant des édulco-
rants et l'apparition de lymphomes
et de myélomes», expose l'Anses,
qui appelle à des travaux complé-
mentaires.
Pour Irène Margaritis, la vraie ques-
tion est ailleurs : pourquoi chercher
à remplacer le sucre, qui n'est pas un
poison en lui-même ? {{ On pourrait
tout simplement en consommer moins,
sans avoir recours à des édulcorants. »
Il suffisait d'y penser. Et d'en con-
vaincre les industriels qui en
vivent. .. •
OU.i ~ ~
C.A VA t~!
une salle de gym. Vingt minutes
de course sont nécessaires pour
éliminer une barre chocolatée,
quarante-cinq pour venir à bout
d'une part de pizza et il faut une heu-
re de marche rapide pour faire dis-
paraître deux misérables poignées
de cacahuètes ... C'est la malédiction
de la momie ! •
LES OOSSIERS OV CANARD • 11
 BAGUEn'E
Dans le pétrin
Emmanuel Macron en a fait un com-
bat personnel : inscrire la baguette
au patrimoine mondial de l'humanité.
Le Président l'a annoncé devant un
parterre de boulangers, lors de la der-
nière galette des Rois de I'Eiysée.
Mais, attention, en achetant sa ba-
guette, on peut se faire enfariner.
Année après année, la traditionnelle
se fait grignoter par des ersatz vendus
en supermarchés. Dans nos 30 700
bonnes vieilles boulangeries censées
12 • lES DOSSIERS 00 CNIARO
pétrir et cuire la pâte sur place, on
n'est pas non plus à l'abri de mau-
vdises surprises Les boulangers en
croquent de plus en plus pour le pain
industnel.
Sur le papier, la seule baguette digne
de ce nom est celle qui porte l'estam-
pille « de tradition française ».
Edouard Balladur en avait fixé la re-
cette, par décret, il y a vingt-ànq ans,
lorsqu'il éta.J.t Premier rrurustre. Aucun
additif, juste « de la farine panifiable
de blé, de l'eau potable, du sel de cui-
sine», le tout fermenté « à l'aide de
levure de panification et de levain ».
Et, bien sûr, sans « surgélation ».
Premier grumeau: nen n 'empêche
le mitron de fabriquer sa baguette
tradi avec de la farine ultra-raffinée,
plus facile et plus rapide à travailler.
Le degré de raffinage s'exprime en
<< taux de cendres », l'équivalent du
poids des matières minéral€s résul-
tant de la combustion de 100 gram-
mes de farine. Exemple: « T45 ,. SI-
gnifie qu'il y a 45 grammes de
cendres pour 100 grammes. Plus le
taux de cendres est élevé (jusqu'à
T150 pour le pain intégral), plus ld
farine est riche en micronutriments,
donc bonne pour la santé. Même
courbe pour l'index glycémique : plus
le taux de cendres est faible, plus les
tartines du matin font augmenter la
quantité de sucre dans le sang.
ADDITIFS. Lorsque les baguettes ne
sont pas " de tradition », les additifs
sont à la fête : pas moins de 14 sont
autorisés! De l'acide ascorbique pour
freiner l'oxydation de la pâte et lui
conférer une meilleure élasticité, du
levain déshydraté pour donner plus
de goût, de la lécithine de soja, gé-
n étiquement modifiée ou pas, pour
augmenter la durée de conservation
et l'onctuosité de la mie, du mono-
stéarate de glycérol pour diminuer
le cloquage de la croûte, du propio-
nate de calcium pour lutter contre les
moisissures, de l'acide citrique pour
rendre la pâte moins collante, du glu-
ten pour faciliter la « pousse du pro-
duit •. alors que dans les blés à haut
rendement, sélectionnés pour faire
des farines ultra-raffinées, ces pro-
téines y sont déjà présentes en quan-
tité. Pas étonnant que l'intolérance
au gluten gagne du terrain ! Mais
pourquoi se gêner ? n n'existe aucune
limite à la quantité qu'il est possible
d'ajouter...
Nombre d '• auxiliaires technolo-
giques ,. n'apparaissent pas dans la
composition car ils sont détruits à la
cuisson. Ainsi des enzymes, telles les
alpha-amylases, qui accélèrent la fer-
mentation, ou les protéases, qui per-
mettent au boulanger de congeler sa
pâte immédiatement après l'avoir tra-
vaillée, sans être obligé de la laisser
reposer. Autant de • solutions de pa-
.BANANE
Glissons!
Les bananes du bout du monde ont
envahi les étals des supermarchés
hexagonaux. Et provoqué la colère
de l'Union des groupements de pro-
ducteurs de bananes de Guadeloupe
et Martinique (UGPBAN). Ces der-
niers ont lancé la guerre de la banane
antillaise contre la prétendue banane
bio d'Amérique du Sud. L'enjeu est
de taille : 8 % des bananes vendues
en France, soit 40 000 tonnes, portent
la mention « bio ». Et, bien entendu,
elles sont vendues de 15 à 25 % plus
cher que la banane ordinaire.
« On trompe Je consommateur en lui
vendant du bio, alors qu'il s'agit en
fait de bananes issues de l'agriculture
conventionnelle, avec des pesticides
et des engrais interdits en Europe,
s'insurge Eric de Lucy, président de
I'UGPBAN. Il est impossible de pro
duire 40 tonnes par hectare, en bio »
(« Le Figaro », 6/4/17). Presque toutes
les bananes bio consommées dans
l'Union européenne proviennent de
pays extérieurs, comme l'Equateur,
la République dominicaine ou le
Pérou. Les organismes internationaux
agréés par Bruxelles apposent le
tampon • bio " ou le certificat • com-
merce équitable » après avoir con-
trôlé le respect de la réglementation
bio du pays de production, les règles
d 'épandage dépendant de chaque
pays ... Cela permet aux producteurs
de vendre ensuite leurs bananes
Il necette
de la baguette
''dè t~adition ·française"
~ a étéfixée.j
..
'·
par décret
nification » qui permettent de faire
du pain ou de la baguette en trois
heures, au lieu de six à douze en fa-
brication traditionnelle. Tout cela en
réduisant la quantité d'eau dans la
sous le label bio
européen!
Imaginez des ba·
naneraies (< bio »
aspergées de déri·
vés pétroliers lar·
gués par avion
Oui, c'est possible
L'huile paraffi·
nique , c'est son
nom, imbibe l'ar·
brc d'une pellicule
qui étouffe le
champignon mi·
croscopique res·
ponsable d'une
maladie e n gen·
drant le pourrisse·
ment des bananiers. A condition de
limiter les traitements et de ne
pas faire d'épandage aérien, le
produit est toléré pour la banane
conventionnelle.
PULVÉRISER. En France, il est stric-
tement interdit en agriculture biolo-
gique ... mais les producteurs de ba-
nanes bio d'Amérique latine ou de
République dominicaine y ont droit,
au nom du « prindpe d 'éqUJvalence ».
Cette disposition généreuse permet
à tout pays de fourguer sur les mar-
chés de l'Union européenne des
produits bio répondant à des cntères
très peu sévères en comparaison
de ceux imposés par Bruxelles a ses
pays membres. Deux poids, deux
mesures ...
Cela ne concerne d 'ailleurs pas que
les bananes mais toutes les cultures
tropicales sur le sol européen, qm, à
pâte, ce qui la rend plus facile à fa-
çonner. Et tant pis SJ le pain rassit
plus vite et hbère moms d'arômes...
Et que dire des « pams spéciaux »,
qui occupent dorénavant les présen-
toirs? On pourrwt croue que le bou-
langer les prépare lu1-même de A à
Z, d'autant qu'Il les vend plus cher.
En réalité, ils sont la plupart du temps
concoctés avec des prémixes, des
mélanges tout faits de farines et
d'additifs conçus par des meuneries
industrielles
Autant le dire, le pam s'est perdu... •
cause des conditions climatiques, ne
peuvent pas satisfaire aux exigences
de l'agnculture biologique.
Amsi, à Samt-Domingue, aujourd'hui
premier exportateur mondial de ba-
nanes bio, on peul pulvériser sans
complexe sur les bdnaneraies labelli-
sées AB 14 substances interdites pour
les bananeraies conventionnelles de
l'Union européenne. Et les bananes
sont ensUite vendues en Europe peu
ou prou 25 % plus cher. C'est dire si
le consommateur se fait bananer.. .
Après plus1eurs années de négocia-
tions, I'Uruon européenne est en pas-
se de faire ddopter une révision de
la réglementation b10. Pas sûr qu'elle
parvienne d conlrdindre les produc-
teurs hors UE à un alignement total
sur les normes imposées aux produc-
teurs e uropéens.
Au risque de prendre les consomma-
teurs pour des bananes ...
~ DOSS ERS DU CAMRO • 13
 BARBECUE
A l'aise, la merguez !
Enjuillet2015, la Direction générale
de la concurrence, de la consomma-
tion el de la répression des fraudes
(DGCCRF) a p lombé l'ambiance
dans les barbecues.
En plein été, elle a nus son nez dans
727 ateliers de découpe et de trans-
formation alimentant les grandes sur-
faces en charcutaille, et elle a constaté
que 17 % des merguez, salamis, sau-
cisses et plats cuisinés d base de
viandes en contenruenl d'autres que
celles figurant sur l'éllquette.
La plupart du temps, le bœuf avait
été remplacé par de la vtdnde moins
chère. Ainsi, près de 11 % des mer-
guez, censées contenir de la viande
bovine et du mouton, recelaient en
fait du cochon el3 % contenaient du
cheval
BARRES CHOCOLATÉES
Etat de graisse
« Tiens, J'ai une pelile faim ... Ouf 1 Il
reste un Kinder Bueno ! , Cette ré-
plique inoubliable du tennisman Jo-
Willried Tsonga, dans une pub diffu-
sée plus de 3 500 fois .l la télévision
entre 2010 et 2015, a davantage mar-
14 • ILS DOSSIERS OU CANARD
Les inspecteurs des Fraudes ont fait provoquer l'anérme. Mais il est bon
d'autres trouvailles saignantes. marché, facile à produire et à incor-
Presque 4 % des salamis devaient porer. Quant aux merguez, 8 %
leur teinte rouge à des substances d'entre elles étaient en dehors des
interdites. Comme le rouge 2, un co- clous. Au total, 26,5 % de la charcu-
lorant azoïque synthétique, banni taille con trôlée a fait s'étrangler les
depuis 2007 dans toute l'Union euro- inspecteurs des Fraudes.
péenne, et depuis des lustres aux Nous voilà rassurés pour le prochain
Etats-Unis, car il est soupçonné de barbecue 1
qué la mémoire du jeune public que dose de cacao étant parfois à peine
ses exploits sur les courts. On ne sait mesurable.
pas combien de barres chocolatées En termes de « vdleur énergétique »,
l'ex-numéro 1 français a fait vendre, les stars du top 5 pointent toutes au-
mats, c'est sûr, c'est un gagneur. Faire dessus de 500 kilocalories pour
appel à un sportif pour vanter un 100 grammes. Une « performance »
concentré de malbouffe, c'est le qui a permis au géant précurseur de
JdCkpot. la catégorie de bâtir sa réputation sur
un slogan célèbre : (( Un coup de bar-
BOMBES. De quoi p rovoquer des re ? Mars, et ça repart ! » Le mastodon-
haut-le-cœur à l'Organisation mon- te a appliqué la formule à sa propre
diale de la sartté, qui, dans un rapport communication de crise quand, le 23 fé-
publié le 4 novembre 2016, a dénoncé vrier 2016, il a annoncé à 55 pays sa
les méfaits de la promotion des ali- décision de retirer du marché, « à titre
ments favorisant le surpoids chez les préventif», des centaines de milliers
enfants et les adolescents. Les dégâts de barres. En cause, un bout de plas-
sur l'organisme de ces« bombes ca- tique indésirable entre le caramel et
Jonques » ont été mis en évidence il le nappage chocolat qui avait ulcéré
y d plus de deux décennies. Les un consommateur allemand.
bdrres chocolatées, prototypes du pro- Un simple accident de fabrication ?
duit ultra-transformé, cochent toutes Pas sûr. En juillet 2016, l'association
les cases du « trop » - trop de lipides de consommateurs allemande Food-
saturés (les graisses sont majoritaires), watch avait détecté des traces d 'hy-
(beaucoup) trop de sucre, trop de sels drocarbures interdits dans une ving-
djoutés et, sans doute, trop d'OGM taine de friandises et de snacks salés
et du « trop peu »- trop peu de fibres, très populaires, notamment des
trop peu de vitamines (taux proches marques Ferrero et Lindt. On com-
de zéro), trop peu de micronutri- prend que les produits soient très,
ments .. et trop peu de chocolat, la très énergétiques ... •
BEURRE
Non mais à l'eau
D'un côté, il y a le bon beurre, c'est-
à-due de la matière grasse issue de
la crème de lait de vache de Norman-
die ou d'ailleurs. Et, de l'autre, toutes
sortes de matières bizarres. Dans les
rayons des supermarchés, ces pro-
dwts sont présentés ensemble et par-
fms diliiciles à distinguer. Ces jolis
paquets rectangulaires de 250 g sont
aussi trompeurs que sournois.
C'est dans la poêle qu'on voit la dü-
férence. Quand le bon beurre fond
doucement et prend une belle cou-
leur dorée, l'autre crépite et gicle
dans lous les sens. Vous croyiez avoir
acheté de la matière grasse, c'est de
l'eau qu'on vous a vendu.
Explication: le beurre doit obligatoi-
rement contenir 82 % de matières
BIO
C'est vert
mais un peu juste
Le bio, « c'est lame de fond que
Wle
plus personne ne peut ignorer " • a pré-
venu Nicolas Hulot, le ministre de la
Transition écologique ct solidaire (le
« JDD », 2512). Son collègue de l'Agri-
cuJture, Stéphane Travert, confirme,
de son côté,la promesse du président
Macron : la part des terres dédiées au
biologique passera de 6,5 à 15 % d'id
à 2022. n fixe aux cantines scolaires,
aux hôpitaux et aux maisons de retrai-
te un objectif de 50 % de nourriture
bio avant 2022. Et tant pis sic' est jugé
déraisonnable par les professionnels
du secteur...
Commentla grande distribution pour-
rait-elle résister à un marché aussi al-
léchant: quelque 8,2 milliards d'euros
de ventes en 2017, soit une augmen-
tation de 17 % ? Désormais, 9 Français
sur 10 mangent bio plusieurs fois par
an. Sept sur 10 le font au moins une
fois par mois. C'est trop, beaucoup
trop, pour abandonner ce gagne-pain
grasses et au maximum 16 % d 'eau.
C'est la loi. Mais on trouve du beurre
à 60 % , sous l'appellation « beurre
allégé » Soit environ 40 % d'eau, ven-
du au prix du beurre. On veut encore
moins de matière grasse? Voilà le
« demi-beurre », à 41 %. Pourquoi
41 % ? Parce que c'est pile la moitié
des 82 % légaux, et que, au-dessous
de ce seuil, la loi interdit d 'utiliser
l'appellation « beurre », remplacée
par • matière grasse la1bère ». Le
taux peut descendre à 25 % ou à
20 %. Soit 75% ou 80 % d 'eau, tou-
jours vendue au prix du beurre.
Et l'on peut même descendre jusqu'à
10 % . Traduction: les 10 % ne sont
ni plus ni moins que de l'eau grais-
seuse agrémentée d'étranges sub-
stances destinées à faire « tenir » la
graisse dans l'eau et à la teindre en
jaune.
A quand J'huile de vidange à
tartiner?
prometteur aux 2 600 pomts de vente un grand recyclage opportuniste. Dans
des enseignes spéoalisées (Bwcoop, « Le bio au risque de se perdre • (Bu-
Bio c Bon, etc.) Les hypers veulent dé- chet-Chastel, 2018), l'ingénieur éco-
sormais s'octroyer une part de ce gâ- logue, Frédéric Denhez pointe le
teau. Leclerc va ouvrir 200 magasins risque de se contenter d' « Wl cahier
bio d'id deux ans ; Casmo lancera pas des charges pas très restrictif », qui,
moins de 140 nouvelles références en l'état, « n'est pas une grande me-
maison dès 2018, et Auchan va suivre nace » pour les hypcrs. n prévoit un
le mouvement. Avec l'ardeur d'un pro- USd ge restreint de produits chimiques
sélyte, le pédégé de Carrefour, mais pas d'exclusion des pestiddes,
Alexandre Bompard, a claironné qu'il des arômes chimiques de synthèse,
entendait << quintupler » son chiffre des colorants, ou des exhausteurs de
d'affaires dans le b1o. goût. ..La réglementation européenne
qui conditionne le label obligatoire,
RECYCLAGE. Pour les gardiens du et son contrôle par l'un des neuf orga-
temple, ces conversions accélérées ne nismes certüicateurs, n 'a pas placé la
sont pas forcément une bonne nouvel- barre à un niveau inaccessible pour
le . Et pas seulement pdrce que les les grands groupes de l'agroalim.en-
grands risquent de dévorer les petits ... taire soudeux de s'acheter une bonne
La ruée vers l'or vert annonce surtout conduite. En grattant un peu. on peut
même trouver un peu d'OGM sous le
label AB français (facultatif). qui au-
torise la présence de 0,9 % d'orga-
nismes transgéniques, s'ils sont arrivés
par contamination ...
Le consommateur va y perdre. il lui
sera de plus en plus difficile de düfé-
rencier le vrai bio du faux. dont le ca-
talogue d 'arnaques en tout genre est
déjà volumineux.
LES DOSSIERS OU CANARD • 1!

'NoN, ~~i : '
Œ5 UiSC~tTS~ ~
c'€S1 Pf t..A r4t~P€1
C'€Si Q~ PU Gt.A5 t
BISCUITS
C'est pas du gâteau !
Fort de ses 130 usines et 12 000 sala-
riés, pour un marché de 2,2 milliards
d 'euros en 2015, le biscmt français
compte pas moins de 2 3 16 réfé·
renees, repérées en 2014 par l'Ob-
servatoire d e la q ualité de l'alimen-
tation. Près de neuf enfants sur dix
en mangent toutes les semaines, et
chaque français en enfourne plus de
8 kilos par an.
De quoi faire lever les sourcils des nu-
tritionnistes, au vu de la masse de
graisse et de sucres qui s'y dissrmu-
len t. L'Oreo, par exemple, un btscult
très prisé, con tient 70 °1o de glucides,
20 % de gras et 1 % de sel pour 2,5 %
de fibres alimentaires, et le Prince au
chocolat, de Lu, tant aimé des enfants,
70 % de sucres et 17 % de gras pour
3 % de fibres. Sans oublier les nana-
particules, des petits éléments don t
la taille se mesure en millionièmes
de millimètre, censées donner au bis-
cuit sa bonne tenue.
Le magazine « 60 Millions de consom-
16 • lES DOSSIERS DIJ CAMRO
~OUK MAN66K
~~vi l-i 9t.é, C:A1T
QUf U SotT 6AAS
-
6f ~l)(J.€ 1
.
ma,teurs » , dans une é tude publiée
fin 2017, a détecté du dioxyd e de ti-
tane (destiné à améliorer la couleur
bla nche des enrobages) sous cette
forme « nano » dans six marques de
biscuits testées. Et, en janvier, l'asso-
ciation UFC-Que choisir a attaqué en
justice neuf industriels pour tromperie
sur les étiquettes.
Sans conclure formellement à une
toxicité, une première étude de l'Ins·
titut national de la recherche agro-
nomique (Inra) avait montré, en 2016,
les ertets nocifs du dioxyde de titane
admmistré sous forme na no à des
rats. Tout cela , bien sûr, en plus des
additifs déclarés et affichés (quatre
dans les Oreo comme dans les
Prince).
Les biscuitiers entourloupent aussi
avec l'emballage. " C'est Je produit
pour lequel on pousse le plus à une
surconsommation, avec le packaging
et de fréquentes p rom otions au volu·
me », souligne la docteure, chercheu-
se en nutrition Chantal Julia.
Les nutritionnistes poussent à régle-
menter tout cela, mais pas facile d'em-
pêcher les biscuiticrs de mettre le
paquet.
BONBONS
Mauvais mauvais...
« J'étais accro à l a fraise Ta gada,
confesse un chef d'entreprise avec
une mine coupable Jusqu'à ce q u'un
ami entreprenne de me désintoxiquer
en me faisant visiter sa tannerie ... De-
vant les écœurants bacs de graisse
recyclée issue de la peau des porcs,
il m 'a annoncé : "Tu voi s, ça, c'est
pour H aribo !" Ça a été radical. »
Comme tous ses concurrents, Haribo,
champion - allemand - du bonbon
en France (200 variétés pour
52 000 tonnes annue lles, 37 % du
marché et 750 salariés sur deux sites),
utilise massivement des gélatines ra-
briquées à partir de carcasses et de
BISPHÉNOLA
Ça s'en va
et ça revient •••
Le 11 janvier, sans crier gare, le Par-
leme nt européen a enclenché la
marche arrière sur le bisphénol A.
A u heu de l'interdire totalement dans
les emballages alimentaires, les eu-
rodéputés ont préféré limiter sa pré-
sence Pourtant, cette substance chi-
mtque est utilisée depuis cinquante
a ns par les industriels pour produire
les résines et les matières plastiques
ulllisées pour fabriquer nombre d 'ob-
jets du quotidien.
Là où le bisphénol se révèle le plus
gênant, c'est dans les contenants en
contact avec les aliments . bouteilles
d 'pau, revêtement de boîtes de conser-
ve, canettes, a ssiettes, verre s, bar-
quettes en plastique, biberons, etc. En
effet, de mère cet ingrédient chimique,
SE' camoufle un affreux perturbateur
endocrinien. Une belle cochonnerie
toxique, qui, même à très fatble dose,
dltère le fonctionnement de l'organis-
me et peut entrainer, comme le rap·
pelle le Conseil général de l'environ-
nemt>nt et du développement durable,
« une baisse de la q ualité du sperme,
tendons cuits à 120 oc avec de l'acide
chlorhydrique . Oui, c'est possible en
cuisine , et c'est parfaitement légal .. .
Des milliers d'internautes ont consom-
mé sans modération la vidéo virale
de l'association L214 débutant par
une friandise prête à disparaître dans
une bouche gourmande, pour remon-
ter toute la chaine de production, jus-
qu'au malheureux petit cochon pro-
mis au sacrifice. Un carton sur
YouTube, où l'on aime à se faire peur.
éMAIL. On savoure particulièrement
la rencontre des flots de gras avec
des tombereaux de sucre (du sirop
de glucose, pour les préparations les
plus cheap). Le mélange aboutit à un
~ concentré glycémique et chimique •
explosif : 9 grammes de sucre, par
exemple, soit l'équivalent d e deux
l'augmentation de la fréquence d'ano
malies du développement des organes
ou de la fonction d e reproduction,
l'abaissement de l'âge de la p uberté ,. .
Sans oublier les maladies cardia-vas-
culaires, les troubles d u comporte-
ment, l'augmentation de la fréquence
des cancers du sein ...
En JUin 2010, forte de ce constat, la
France l'a banni des biberons. Et, en
janvier 2015, elle l'a interdit dans tous
les contenants alimentaires. Du côté
de l'Europe, on a du mal à suivre la
cadence. En janvier dernier, le vote
des eurodéputés interdisant définiti -
vement le bisphénol A dans les
emballages alimentaires n 'aurait dO.
être qu'une formalité. Raté ... Le lobby
des industriels l'a emporté u ne
nouvelle fois.
Un produit à la résistance coriace. Zn
effet, en 2017, deux ans après son in-
terdiction en France, les parents
d'élèves des 104 écoles maternelles
et primaires de Bordeaux, qui se bat-
laient encore contre le retour de la
vaisselle en plastique dans les can-
tines, ont eu la surprise de constater
que les assiettes qu'on voulait leur
imposer contenaient du bisphénol A...
On va finir par croire que le compo-
sant est pire que le scotch du Capi-
taine Haddock '
morceaux, pour u ne seule Langue
ac1de, un must dans sa catégorie.
Commentaire d'une nutritionniste ·
• Vo us en avalez seulement trois et
l 'indice glycémique s'envole au-des-
sus du seuil journalier recommandé
(29 grammes). Largement de quoi fai-
re surchauffer le pancréas, q ui va se
mettre à produire trop d'insuline. »
Ce bilan calorique a de quoi faire pa-
niquer un hypocondriaque. Mais
d'autres composants incontournables
complètent ce tableau des horreurs.
Garants de la saveur, les acides ci-
triques (E330 et E296) font l'objet d'un
avertissement sanitaire depuis ... 2001,
parce qu'ils déminéralisent!' émail den-
taire. Sans provoquer la moindre ré -
action des gouvernements européens.
En 2015, J osé Bové, député européen,
pointe un péril encore plus sérieux
e n demand an t le boycott p ur et
simple de la poudre de dioxyde de b-
tane (T02), l'E171 , utilisée pour colo-
rer la plupart des bonbons et les hure
briller. On en trouve a uss1 dans une
vingtaine de produits alimentarres,
•
•••
·-----·
des chewing-gurns aux gâteaux, mais
aussi dans le dentifrice el même dans
certains méd1caments.
LÉSIONS. Les expénmentatioos faites
par l'Inra su r les rats pour estimer la
dangerosité de ce fameux colorant
révèlent q ue ses nanoparticules
(10 000 fms plus petites qu'un grain
de sel), déjà Vlsées par le Centre in-
ternational de recherche sur le cancer,
parviennent à traverser la paroi in-
testinale, à passer d ans le foie et à
perturber le système immunitaire. Pas
moins de 40 % des rongeurs testés
ont ainsi développé des lésions pré-
cancéreuses.
Ces résultats d'analyses sont suffisam-
ment inquiétants pour que l'Agence
nationale de sécurité sanitaire de l'ali-
mentation, de l'environnement et du
travail réclame, mollement, en avril
2017, des études supplémentaires .. .
Qu'en est-il de l'interdiction des « na-
nos », d emandée par huit ONG en
juillet 2017 ? Elle n'est toujours pas
d'actualité. Pas question, pour le mo-
ment, de contredire l'Autorité euro-
péenne de sécurité des aliments, qui
a conclu, en septembre 2016, à l'ab-
sence de « risque sanitaire».
Nettement plus réactif, Carambar &
Co, qui a le goût d u bon buzz, a an-
noncé, en février 2018, que ses légen-
daires chewing-gums Malabar ne
contenaient plus d'E171 depuis dé-
cembre 2017. Fayotage d 'un élève
désireux d 'apparaître comme le pre-
rmer de la classe ? •
LES DOSSIERS DU CAMilO • 17
BOUILLON CUBE gênée, du curcuma.. La potion mi-
racle an tl-gueule de bois d'Astérix
dans c Les launers de César • ! Avec,
Roule, ma poule !

Le bouillon cube, c'est pratique pour
donner plus de goût à la tdmbouille
maison. Il s'en vend dans l'Hexagone
plus de 380 millions de tonnes par
an, et la plus grosse usine française,
située dans l'Aisne, en fabrique à elle
seule plus de 16 000 tonnes chaque
année.
Mais qu'est-ce que les industriels met-
tent dans leurs cubes de bouillon ?
Le premier ingrédient, c'est le sel n
y en a quatre fois plus que de viande
de volaille - en général, une poule
« de réforme • , qui a fini sa vie lessi-
vée après avoir pondu 450 œufs et
,.
--:::--
que l'on retrouve sous forme de bouts
de viande, de peau, de graisse ou de
JUS de cuisson concentré puis déshy-
draté. A quoi s'ajoutent de l' huile
d'olive, du sucre, de l'ail, du persil,
du caramel, de l'amidon de pomme
de terre, de l'huile de palme hydro-
en pnme, une flopee d'additifs com-
me l'inostnate, un exhausteur de goût
généralement obtenu à partir d'une
fermentation bacténologique,la mal-
todextnne, une poudre blanche uti-
lisée par les cultunstes pour prendre
de la masse musculaire, ou encore le
glutamate, qui stimule l'appétit.
Lorsque l'affaire du fipronil a éclaté,
les industnels du bouillon cube au
poulet ont eu la chair de poule : al-
lait-on aussi démcher l'insecticide
interdit dans leurs mixtures ? Les
contrôles offiaels n ont rien donné.
Mrus, fipronil ou pas, il y a de quoi
se mettre la rate au court-
bouillon ...

BRIOCHE le traditionnel sucre en poudre fait Une bnoche, c'est également des
désormais place au sirop de gluco- œufs. Les grands mdustriels de la
se-fructose Ce produit est dénoncé boulangerie se sont engagés à ne
Complètement par les nutritionnistes. Moins efficace plus uWiser d'œufs de poules élevées
beurrée que le sucre pour induire la satiété
ou l'~cœurement, il incite à manger
en batterie ... à partir de 2025.
Les pros de la brioche utilisent enfin
davantage. Une bonne nouvelle pour de l'alcool. Pas pour saouler les en-
Tranchée, tressée, parsemée de sucre ceux qui fabriquent et vendent la fants, mais pour allonger la durée de
perlé, enrichie de pépites de chocolat bnoche, une mauvaise pour ceux qw conservation du prodwt
ou fourrée la brioche industrielle se la consomment, puisque les risques Une brioche, ça va, trois brioches,
taille la part du roi au petit déjeuner d'obésité sont aggravés. bonjour les dégâts '
et au goûter. En France, c'est Pas-
quier qui porte la couronne, suivi de
Harrys, le roi du pain de mie, qui se
voit aussi en prince de la brioche. Les
deux marques envahissent les rayons
de la grande distribution.
Dans la brioche industrielle, le beur-
re a été en partie ou totalement rem-
placé par de l'huile. L'huile de
palme, peu coûteuse, facile à. mani-
puler, a longtemps été utilisée. Elle
n'a pas le bon goût du beurre, mais,
nche en acides gras saturés, elle a
les mêmes effets néfastes sur la
santé. Très décriée, elle a progres-
sivement disparu des recettes, ces
dernières années, remplacée par
l'huùe de colza, meilleure sur le plan
nutritionnel.
Dans le domaine du sucre aussi, la
modernité a frappé. Une brioche
industrielle de 100 grammes en
contient environ 15 grammes, mais
CAMEMBERT
Un règlement
très coulant
Vous avez bien lu« fabriqué en Nor-
mandie • sur la boite ? Depuis de
nombreuses années, les groupes in-
dustriels du fromage, Lactalis en tête,
vendent l'image rassurante d'un ca-
membert issu du terroli normand à
coups d'illustrations idylliques sur
l'emballage : des vaches, typique-
ment normandes, bien sûr, pâturant
dans des prés bien verts ..
En réalité, si les fromages sont pro-
duits dans des usines de la région, le
lait peut venir de partout, acheté en
poudre sur un marché mondialisé.
Rien à voir avec l'imagerie bucolique
mise en avant. Captant 90 % du mar-
ché du camembert industriel, Lactalis,
avec ses marques vedettes (Président,
Lanquetot et Lepetil), a entretenu
l'ambiguïté.
R~ORESSION . Pendant vingt ans,
une poignée de laiteries indépen-
dantes, dont Gillot, Mercier et Grain-
dorge ont dénoncé 1 enfumage en
s'appuyant sur leur appellation d'ori-
gine protégée (AOP) Normandle. Un
label qui imposait, à 1 époque, le lait
cru pour garantir les saveurs VIais,
depuis que Lactalis a racheté G rain-
dorge, en juin 2016, ces irréductibles
ne pèsent plus que 5 % du marché.
Difficile de s'opposer au numéro 1
mondial du lait, avec ses 17 milliards
d'euros de chiffre d'affaires. Le conflit
s'est éternisé jusqu'à ce que le minis-
tère de l'Agriculture tape du poing
sur la table Sous l'égide de l'lnstitul
national de l'ongine et de la quahté
(Inao), producteurs lruhers, PME el
géants industriels ont trouvé un dC-
cord en février 2018.
Finie la guerre du camembert? D'tc
à 2021, une seule AOP camembert
sera autorisée. Pour s'en préval01r,
toul le monde, y compns les grdndes
marques, devra garantir un ldtl tssu
de troupeaux composés d'du moms
30 % de vaches normandes qw pd.-
turent obligatoirement en exléneur
six mois de l'armée. Pas d'OGM ddns
l'alimentation des animaux, prévoll
également le futur cahier des c.hdfge!..
Compromis ou jeu de dupes ? A l<.1
table des négociations, le puissant
Lactalis a obtenu ce qu'il vouldit :
l' AOP autorise le lait pasteurisé 1Pour
mémoire, la multinationale dVdÎt déjà
icj ..aOAS éJ~o.uStt..l Ctt~fM~~I:
1
f~g~~~ rAJ NOR_~a~Giie
"'
tenté de l'imposer en 2007. Selon l'as-
sociation Fromages de terroirs, l'ap-
pelldlion normande va sombrer dans
la médiocrité. Sa crainte : que la ma-
jorité des camemberts labellisés
s01ent pasteurisés, fabriqués à la chaî-
ne comme des produits bas de gam-
me. Une régression qui envoie aux
oubliettes le camembert au lait cru !
Pds de panique, l'accord a tout prévu,
rétorquent les Casques bleus de
l'lnao. Les marques au lait cru. et elles
seules, pourront revendiquer l'appel-
lation « Véritable camembert de Nor-
mandie •. Une sorte de label haut de
gamme qui garan tit que 70 % de
vdches normandes au moins sont à
l'origine de la matière première. On
aJoute donc un troisième étage au
marché, l' AOP devenant le niveau
de qualité intermédiaire. Pas sûr que
les consommateurs s'y retrouvent.
Lc1 bataille du camembert est finie,
mats lc1 guerre continue.
LES DOSSIERS OU CANAAO ' 19
 CANnNES SCOLAIRES
Pas maaonbiotiques
Emmanuel Macron s'y était engagé
durant sa campagne : lui président,
il veiUerait à ce que les cantines sco-
laires servent 50 % de « produits bio-
logiques, écologiques ou issus de cir-
cuits courts ».
La première mouture du projet de loi
« pour l'équilibre des relations com-
merciales dans le secteur agricole et
alimentaire et une ahmentation saine
et durable :~~, présenté le 31 janvier
en Conseil des ministres, doit avoir
emprunté des circuits détournés . .
On est loin des intentions de départ.
Un article seulement concerne la res-
tauration collective, et les associations
l'ont sur l'estomac 1Baldyés, les 50 %
évoqués lors des Etats généraux de
l'alimentation: ce chL!fre ne figure
plus que dans l'« exposé des motifs »,
simple déclaration d'intention, dé-
nuée de toute valeur juridique. Dans
l'article 11, il n'est question que
d'« une part sjgnificative », dont le
pourcentage sera précisé ultérieure-
ment par décret. Un coup de corn' ?
« Macron promeu t le bio pour les
écoliers, mrus, dans le même temps,
Stéphane Travert, son min ist re de
l'Agriculture, ampu te l es aides à
l'agriculture biologique. C'est totale-
CÉRÉALES
Coût de corn
Agglomérats de sucre et de graisse
implantés en France depuis quarante
ans, à grand renfort de publicité, les
céréales du petit déjeuner ont tout
de la « Frankenfood » . A tel point
que les experts du marketing chargés
d 'en vanter les vertus sont de plus
en plus embarrassés.
« Dans la continuité de la démarche
d'amélioration nutritioru1elle de ses
produits, Kellogg's poursuit ses efforts
(... ).Ce délicieux muesli crousLillant
20 • LES OOSSlERS DU CA.' Wm
ment paradoxal ! Surtout quand
on salt qu'en Ile-de-France, par
exemple, le bio représente à peine
plus de 2 % de la surface agricole uti-
le globale. Cette superficie est large-
ment insuffisante pour couvrir les be-
soins des cantines " • observe Mathias
Chaplain, coordinateur des cam-
pagnes de l'association Agir pour
l'environnement.
ÉQUITÉ. Le bio n'est pas non plus la
panacée . Surtout quand « il s'ap-
plique aux préparations industrielles,
qui peuvent contenir beaucoup de
gras, de sel ou de sucre " • estime la
nutrttionniste Aurélie Bénazet, copré-
à base de cér éales complètes allie
(s1c) le plaisir de la dégustation tout
en proposant une recette simple, sans
huile de palme ni colorants artifi-
ciels » , écrit ainsi la société améri-
came à propos de son petit dernier,
CocoPops, c le premier muesli crous-
tillant pour enfants ». « Réduction
des teneurs en sel de 12 % et en sucre
de 8 % >>,assure encore la publicité.
Ce muesli est emballé dans un gros
paquet aux couleurs criardes, où un
s mge se lèche les babmes. C'est qu'il
n 'a pas regardé l'étlquette Car,
CocoPops, c'est 65 % de glucides et
17 % de lipides pour seulement 4,8 %
de fibres, avec une pincée de sel pour
sidente des Pieds dans le plat, réseau
national de cuismters et de diététi-
ciens qui promeuvent le bio dans la
restauration collective.
Les parents d'élèves du XVIII• arron-
dissement de Pans en savent quelque
chose. En décembre, ils se sont réunis
au sein du collectif « Les enfants du
18 mangent ça :~~ pour dénoncer la
quantité d 'aliments ultra-transformés
- y compris bio - servis à leur mar-
maille par la Sogeres, filiale de So-
dexo. Une pétition a é té lancée dans
la foulée pour dénoncer la mal bouffe
et condamner au passage l'absence
d'équité entre les petits Parisiens. ll
ferait bio voir.. .
rehausser Le goût. ll comporte deux
a dditifs chimiques: de l'acid e ni-
cotinique (E375) el des tocoph érols
(E306), des antioxyda nts censés em-
pêcher les matières grasses de ranClT
mais dont l'origine est incertame
Tout cela coûte 2,99 euros la boîte
de 375 grammes, soit près de 10 euros
le kilo de bouillie industrielle.
CONFISERIES. Arrivées en France
dès 1968 mais développées surtout
depws les années 80, les céréales du
petit déjeuner ont conquis les étals
des supermarchés. En février, un ma-
gasin Franprix du XIV• arrondisse-
ment de Paris proposait ainsi pas
moins de 70 références - une muraille
de boîtes aux couleurs tapageuses
ornées de personnages de dessin aru-
mé ou de slogans abusant du lenne
« fitness ''.
Les chercheurs en nutrition frança is
qui sc sont penchés sur ces produits
en ont dénombré pas mo ms de .. .
449 différents, répartis en une dJzaine
de sous-catégories (pétales de maïs
classiques, mueslis aux nocons d'avoi-
ne ct fruits secs, au miel. au caramel,
au chocolat, fourrés, allégés, riches
en fibres . ). Leur diagnostic est sans
appel « Ce produit serait plus sou-
vent à ranger au rayon des confiSeries
qu'à celui du petit déjeuner », ex-
plique au « Canard » le professeur
Serge Hercberg, épidémiologiste et
spécialiste de la nutrition. L'invrai-
semblable diversification des céréales
a conduit un membre de son équipe
de recherche de 1 unavers1té Paris-
XIll, la docteure Chantal Juha, à réa-
liser, en 2014, une étude pour vérifi er
la pertinence de l'étiquetage nutri-
tionnel destiné à alerter les consom-
mateurs, baptisé le « Nutn-Score » .
FLOCONS. Introdmte en 2017 par la
France mais facultative, cette signa-
létique en couleurs - du vert (sam) au
rouge (dangereux) en passant par le
jaune- n'a pas été retenue, pour l'ins-
tant, par les industriels des céréales.
On comprend pourqum . « Le secteur
a une image de sante (SIC), mais ses
produits, même ceux étiquetés •fit-
ness ... sont plutôt dans le Jaune vif du
Nutri-Score, quand ce n'est pas dans
le rouge», explique la docteure Julia.
Selon Je site d'analyse consumériste
Open Food Facts, qui dissèque des
milliers de produits, les céréales Tré-
sor de Kellogg's explosent les stan-
dards 85 % de grrusses el de sucres,
dont une très forte dose des pires
sous-catégones {ac1des g ms saturés
et sucres aJoutés). Chocapic, de Nest-
Jé, n'est pas loin derrière. On retrouve
donc Je trio infernal de la mdlbouffe,
sucre-gras-sel. avec son coût réduit
et sa puissance d'addiction.
Quinze marques de muesli non bio
analysées en 2016 p<tr l'orgdnisation
écologiste Générations futures conte-
<;'A tJt1itt..iT'
PAS êi)L1 CofZPSJ
lDN tSpère
naient aussi des résidus de pestiddes,
à une dose 350 fois supérieure à celle
admise dans les boissons. Il s'agissait
souvent de perturbateurs endocri-
niens, ces substances chimiques qui
bouleverseraient le fonctionnement
hormonal, selon les militants de la
bouffe saine. En 2017, la même asso-
ciation a découvert du glyphosate
dans sept marques sur huit analysées
Comment expliquer que, malgré ces
diagnostics désastreux. les céréales
du petit déjeuner aient pu s'imposer
sur les tables françaises 7 Deux tiers
des foyers et plus de 90 % des enfants
français en consomment. Alors même
que le traditionnel pain-beurre-conti-
ture a l'avantage, selon les spécia-
listes, de« tenir au corps», les flocons
ne rassasient pas el amènent à
consommer d'autres produits.
Cette victorre de la malbouffe à l'amé-
ncrune est à meUre au crédit d 'une
publioté massive, et trompeuse. Les
pubs mettant en avant les fibres et
les vitamines contenues dans les cé -
réales, qui favoriseraient la croissance
des enfants, ont fait un carton.
C ' est Kellogg's qui a importé, en
1968, cette habitude alimentaire. La
multinationale américùine, créée par
le médeon John Harvey Kellogg, qui
inventa- accidentellement, selon la
légende -, en 1898, la recette des
com-Oakes, est aujourd'hui un rou-
leau compresseur mondial : 13 mil-
liards de dollars de chiifre d'affaires
en 2016, pour 1,4 milliard de profit
opérationnel. En France, l'entreprise
délient près de la moitié du marché.
L'industrie des céréales du petit dé-
jeuner -qui inclut les géants Kel-
logg's et NesUé, mais aussi des
marques plus petites - dépense en
France, selon la presse économique,
plus de 1 milliard d'euros par an en
pubhcllé.
Les céréales, ça rapporte du blé !
W OOSS l RS OUCAWIO • 21
 CHÂTAIGNE
On est marron
Chauds, les marrons, chauds ! Ven-
dus en ville l'hiver entre 2 et 5 euros
le cornet, ils sont probablement im-
portés ... Car la production française
se réduit comme peau de chagrin :
7 700 tonnes en 2015, et la récolte
pourrait avoir été d1visée encore par
deux en 2017, en ra1son de la séche-
resse estivale. Et des ravages d'une
microguêpe chmoise, le cyrups, qui
dévaste les chdtaJgnters depms son
apparition en France, en 2005 .. Seu-
le la lutte biologtque est possible,
mais son unique prédateur connu,
Torymussinensis, une autre micro-
guêpe chinoise, peine à s'acclimater
en France, notamment en Ardèche.
La production française n'a cessé de
dégringoler, au fur et à mesure de
l'abandon des chcita1gner81es : de
82 400 lonnes en 1965 à
14 200 tonnes en 1985 ... Longtemps
base de l'alimentation paysanne en
Europe, la cbâlalgne a été remplacée,
au XIX• siècle, par la pomme de terre
CHEVAL
Lasagnes sans selle
Février 2013. Spanghero, une boîte
du Sud-Ouest spécialisée dans la
transformation des viandes réussit
la prouesse de vendre à Fmdus, Pi-
card et autres industriels 550 tonnes
de viande de cheval roumain en les
faisant passer pour de la viande de
bœuf 1 Des tonnes de cheval qui ont
fini dans 4,5 millions de plats cwsinés,
essentiellement des lasagnes
Avec cette affaire, la France et l'Eu-
rope se sont rendu compte qu'un ven-
deur de viande à l'accent rocailleux
pouvait faire appel à un tracteur c hy-
priote, lequel s'empressait de recruter
un courtier néerlandais pour trouver,
en un clic de souris, la viande la moins
chère sur le marché. En l'occurrence.
du cheval à la place du bœuf 1 Tout
22 • lES DOSSIERS OU CAMilO
et les céréales, tandis que commen-
çait l'exode rural. Et cette nournture
du pauvre s'est curieusement méta-
morphosée en mets de luxe - entre
dinde de Noël et marrons glacés -
qui s'exportent vers le Japon ou les
Etats-Unis. Désormais, même dans
l'industrie de la transformation des
marrons, l'Italie nous devance, puis-
qu'elle traite 35 000 tonnes contre
13 900 tonnes dans l'Hexagone ...
LUXE. En France, la démarche qua-
lité a remplacé la quanbté perdue :
la châtaigne d'Ardèche fait l'objet
d'Wle AOC depuis 2006, tout comme
la farine de châtaigne de Corse (l'île
n 'en produit que quelques centames
de tonnes). En revanche, la produc-
cela au nez et à la barbe des mstitu-
tions sarutaires européennes, qm n'ont
rien vu. rien entendu.
D'ici à la fin de l'année, deux nego-
ciants néerlandais et deux ex-dlri-
geants de Spanghero (aujourd'hui
devenu La Lauragaise) qui ont trem-
pé dans cette affaire seront jugés.
Pour rassurer les consommateurs, la
France a mis en place, le 1'" janvier
2017, un nouvel étiquetage sur les
produits transformés qui contiennent
de la viande ... De belles étiquettes
qui indiquent le pays de na1ssance,
d'élevage et d 'abattage des antmaux.
La Direction générale de la concur-
rence, de la consommation et de la
répression des fraudes est aux anges :
« Ce dispositif permet d'assurer une
plus grande transparence et une
meilleure valorisation de l'origme des
ingrédients entrant dans la composi-
tion des produits transformés. » Une
bien belle avancée, non ?
lion a explosé en Chine, de très loin
le premier producteur mondial, avec
près de 1,7 million de tonnes, dont
80 % sont consommées sur place, no-
tamment dans les zones rurales.
Néartmoins, les 20 % qu'elle exporte
suffisent à inonder le marché euro-
péen à bas prix ...
La châtaigne, qui peul être consom-
mée fraîche ou sèche, sucrée ou salée,
en farine ou en soupe, est-elle pro-
mise à redevenir un aliment de base,
en ces temps de végétansme galo-
pant ? Le châtaignier a longtemps été
considéré en Europe comme l'« arbre
à pain "• car son fruit est aussi nour-
rissant que les céréales et moins dif-
ficile à cultiver. Le « Livre blanc de
la châtaigne européenne 2017 •
aligne ses qualités diététiques : ali-
ment sans gluten, libérant des sucres
lents, du potassium, contenant du ma-
gnésium ct du calcium. En plus, la
châtaigne apporte autant de vitami-
ne C que le citron, ainsi que des
acides gras insaturés qui préviennent
les maladies cardio-vasculaires. Qui
dit mieux?
La châtéllgne bio sans effort, avenir
de l'humanité ?
« Pas du tout, râle Olivter Andrault,
chargé de mission alimentation a
UFC-Que choisir. Au niveau euro-
péen, rlen d'autre n'a été mis en pla-
ce. Rien n'a changé. C'est affligeant.
On attend qu'un nouveau scandale
survienne.,.
A quand un remède de cheval ? •
 sérieux .. New England Jou mal of Medicine.,. Dans. un
CHIPS arttcle paru en 2013, les chercheurs de la Harvard M~.cal
School ont sonné l'alerte. En cause, la dose ~e gl~~~:~s

Potato de glucides et d'amidons contenus dans les chips, propices a

mentation du glucose et de l'insuline dans le sang et,
donc du risque d' hypertension artérielle, de maladies
g-

coro~ariennes, d 'ins uffisance cardiaque, de troubles

Qui connaît Saint-Gérand, dans le Morbihan ? C'est pour-
tant la capitale française des chips, avec.22 tonnes~~:
duites chaque année. Une chips sur trots consomGion
dans l'Hexagone sort de l'usine bretonne du groupe
(1 ,4 milliard d'euros de chiffre d'aff~ires), lequel ~st ~usst
le numéro 1 français de l'alimentation pour le betatl.
Le marché de la chtps, symbole de la malbouffe, ne ~sse
de prendre de l'ampleur, en augmentation de 4 a 5
par an, et cela bien qu'elle ait eu les honneurs du tres
-~~~~~~·
osseux et de d iabète sucré... .
Comme .. Le Canard • l'a raconté (26/6/ 16), les :h•ps
sont parfois assaisonnées aux additifs. pour em~~he~
les graisses de rancir ou pour aromatiser le goüt . a
choix, " barbecue "• .. poulet braisé ... " pi~a a~ f~u de
bois • ou « caramel au beurre salé ..... Une d•verstte ~ans
pareil pour abouttr à un même résultat calonque,
:0 déplorable... •

CHOCOLAT jeunes, et moins jeunes, vi·

Les à-côtés
de la plaque
Pour tout connaître du chocolat, pro-
duit importé d'Amérique pour les rois
d'Europe aux XVII• et XVIII- siècles,
passé à la fabrication industrielle au
siteurs du musée à s'in·
terroger. Passé l'exposé du
processus industnel. qm
consiste à griller la fève de
cacao, à la transformer en
pâte puis à y ajouter du
sucre, du beurre et éventuel·
lement du lait, une mforrna·
tion les étonne encore plus
Si tu manges une tablette
«'

XIX•, il faut se rendre à Cologne, en de chocolat, tu p rends pra ti·

Allemagne. Ouvert en 1993 et finan- quement la dose intégrale
cé par le groupe suisse Lindt (l'un de calories qu'il te faut pour

des principaux acteurs mondiaux du
marché), le musée du Chocolat est
une mme.
Une carte du monde mdique que la
Côte d'Ivoire et le Ghana fournissent
les deux tiers de la production mon-
diale de fèves de cacao, devant l'in-
donésie. Les fèves sont exportées vers
les Etats-Unis et l'Europe, où elles
sont transformées et consommées. Le
musée montre des images d'enfants
ployant sous les cabosses, fruits du
cacaoyer, qui renferment les fèves.
« Ils portent toute la journée sur leur
dos l'équivalent de deux fois ce que
tu as dans ton cartable », explique
un guide aux bambins qui visitent le
musée.
En 2001, à la suite de révélations
dans la presse, l'industrie du cacao
a signé le protocole Harkin-Engel,
qui devrait mettre fin à l'esclavage
des enfants dans les plantations afri-
caines. Sans résultat selon les ONG,
ils seraient toujours près de 2 millions
à travailler dix heures par jour sans
être payés. De quoi pousser les
-
une journée », prévtent le
guide
FADAISE. Le pire est le cha·
colat blanc. Prenons, par
exemple, Lindor, de Lindt :
47% de graisses, dont 36 %
d'acides gras saturés (les plus nocifs),
et 43 % de sucres, plus une pincée
de sel pour le goût, smt 1 300 calories
pour une seule tablette, l'équivalent
de l'alimentation quotidtenne recom-
mandée pour un enfant. Le chocolat
au lait est juste au-dessous.
Pour le chocolat noir, supposé plus
vertueux, le verdict est sans appel.
Prenons Excellence à ld pointe de
fleur de sel, de Lmdl : 32 % de
graisses, dont 19% d'dcides gras sa-
turés, et 49 % de sucres, soit plus de
1 000 calories pour une tablette.
A la sortie du musée, les enfants por-
tent un autre rega rd sur les lapins en
chocolat fabnqués sous leurs yeux
par des employés en blouse blanche.
Le guide les a d1spensés des fadaises
sur les supposées vertus antidépres-
sives, anticancéreuses et aphrodi-
siaques du chocolat, jamais sérieuse-
ment documentées.
n leur a aussi épargné les décou-
vertes, très sérieuses, celles-là, de
l'Agence nationale de sécurité sani-
taire de l'alimentation en France.
Dans une étude de 20 16 intitulée
« Toxicité infantile •. eUe a identifié
le chocolat comme la prindpale sour-
ce de nickel, dont la présence dans
l'alimentation est jugée « préoccu-
pante » : il favorise l'apparition de
cancers et de l'asthme, entre autres
réjouissances. « Les efforts pour ré-
duire les teneurs en nickel doivent
se focaliser sur ces produits (choco-
latiers) en priorité », écrit l'Agence
Voilà un bon thème d'exposition pour
le musée de Cologne.

ILS DOSSIERS OU CANARD • 23

COCHENILLE
Du rouge qui tache
Quel est le point commun entre les
toges romaines dans 1 Antiquité, les
fraises Tagada et les sauosses Herta?
Toutes utilisent un colorant particu-
lier pour se parer d'un rouge plus ou
moins vü. Il est extrdlt d 'un insecte
habituellement amateur de cactus et
originaire d'Amérique du Sud, la
cochenille (ou Dactylopius coccus
Costa), qui prodwt de l'acide
carmique pour se débarrasser de ses
prédateurs.
Les besoins de l'industrie agroalirnen-
taire ont conduit ci 1 élevage de cet
insecte en Europe. Après l avo1r tué,
on utilise un solvant pour en extraire
la substance qui permettra de colorer
en rouge ou en rosé boissons, yaourts
ou charcuteries. Au passage, elle
prend le nom d' « E120 » .
La cochenille peut se prévaloir d être
le seul insecte autorisé comme additif
alimentaire. C'est d'ailleurs l'ongme
animale de ce colorant qui a amené
le judaïsme et l'islam d en bannir la
consommation. La cochenille n'est
donc ni kasher ni halal Elle n'est pas
CONGÉLATION
Passe-moi le gel !
Plus d' une cinquantaine de conser-
vateurs : c'est la panoplie dont dispo-
se l'agroalimentaire pour allonger la
durée de vie des produits. Des addi-
tifs pas chers, que l'industrie met à
toutes les sauces dans nos assiettes.
Et cc alors qu'il existe des solutions
tout aussi efficaces et bien meilleures
pour les papilles et la santé. La congé-
lation, par exemple, qui ralentit la
multiplication des bactéries. Un ab-
ment placé dans le grand froid n'a
quasiment rien perdu de ses vita-
mines et de ses minéraux quand, six
mois ou un an plus tard, on le sort du
congélateur.
n y a aussi la lyophilisation. L'astuce
-
non plus en cour dans le corps médi-
cal, qui lui reproche de favoriser les
allergies et s'inquiète de la forte te-
neur en aluminium de ce colorant,
qui pourrait en faire un neurotoxique.
COLORANT. L'autre grand colorant
pourpre, l'amarante (E123), utilisé
surtout pour les boissons alcoolisées
est encore moins bien loti. D est in-
terdit aux Etats-Unis depuis 1976, car
soupçonné d'être cancérogène. Dans
l'espace européen, la dose journalière
admissible d'amarante est abaissée
de 0,5 à 0,15 milligramme.
En France, les fabricants de denrées
consiste à congeler le produit et, aus-
sitôt après, lui donner un coup de
chaud. autrement dit à transformer
diTectement la glace en vapeur. Trai-
té de la sorte, un aliment peut résister
vmgt-cmq ans sans s'altérer. Pour le
rammer, il suffit de verser de l'eau
dessus. Comme il est très compliqué
alimentaires qui utilisent la cochenille
peuvent se permettre de mentionner
" C'olorant naturel • sur l'étiquette dé-
tdillant la composition du produit,
puisqu'il ne s'agit pas d 'un produit
de synthèse.
Haribo, le numéro 1 du bonbon en
FranC'e, a certifié au « Canard » , à
propos de l'additif E120, que" le car-
min n'[était) plus utilisé pour (ses)
bonbons gélifiés et que Je recours à
d'autres colorants sera[itJ généralisé
pour le reste de la gamme d'ici
dix-huit mois » .. . Pas des colorants
figurant dans la liste noire, tout
de même?
de lyophiliser ce qui est très gras, très
sucré ou très salé, les produits qui ont
subi ce que l'on appelait autrefois la
« cryodessiccation • affichent, pour
la plupart, un bon profil nutritionnel
Seul bémol · manger lyophilisé n'est
pas très écolo. La technique est de
cinq .J dix f01s plus énergivore qu'un
séchage classique par la chaleur.
Idéale pour les randonneurs, les na-
vigateurs, les soldats, les astronautes
ou les sportifs de l'extrême, la lyophi-
lisation est un marché de niche qui
reste cantonné aux cafés et aux
soupes.
A ne surtout pas confondre avec les
produits déshydratés, que l'on a sim-
plement chauffés pour que s'en éva-
pore l'eau. Nettement meilleur mar-
ché , cette techmque présente
l'inconvénient de dévaster nombre
de nutriments.
CONSERVATEURS CORNICHON
ALIMENTAIRES
Bangalore, ça alors !
Ca sent
ra poudre Petite devinette : quelle est la capitale mondiale du cornichon ? Réponse :
Bangalore.
Bien que les Indiens n'aient jamais mangé - et ne mangent touJours
pas- de cornichons, le pays est devenu, en quelques années. le prermer
Le 21 février, un petit groupe d'euro- producteur mondial de cucurbitacées ! Pas moms de 60 % des corrucbons
députés Verts s'est lance, avec de la planète poussent désormais là-bas, s01t 200 000 tonnes annuelles.
Michèle R1vas1, dans une • chasse C'est au début des années 2000 que l'industrie européenne du condiment
aux conservateurs "· Pas dans l'hé- a découvert qu'il était plus rentable de cultiver des corruchons dans le
micycle, contre leurs collègues drot- sud de l 'Inde et y a délocalisé presque toute sa production. Résultat :
tiers : dans les supermarchés de en France, huit bocaux sur dix présentés dans les rayons des supermar-
Bruxelles, où les parlementaires en chés viennent de Bangalore ou de sa région Il faut dire que le climat
goguette ont traqué nitrates (E249, local permet quatre récoltes par an, contre deux dans l'Hexagone. En
E252 ... ), natamycine (E235), ben· outre, le coût de la main-d'œuvre y est nettement moins élevé.
zoates (E210, E213 ... ) et autres sor- Petit à petit, les paysans indiens ont abandonné la culture des cacahouètes
bates (E200, E203... ), bien planqués et du coton pour se lancer dans celle, plus lucrative, des cornichons, les
clans les harengs au v1naigre, les fruits engrais et les semences étant fournis par les industnels. Après récolte,
en conserve, le fromage, les sauces, les cucurbitacées sont triées et immergées dans des fûts remplis d'une
solution vinaigrée puis expé-
les frwts confits ou le foie gras (liste
diées par bateau en Europe.
non exhaustive). Aussitôt reconnus,
L ' astuce étant de les
les coupables présumés, accuses de
mettre en bocaux à
mutt1plier les nsques de cancer colo-
l'arnvée, pour ne
rectal, ont été marqués d'un infamant
pas avou à les éti-
autocollant u stop ... Un geste déri- queter t Made in
soire pour attirer l'attention sur la dan- Jndia "· Sous un
gerosité réelle de substances • qui chmat tropical, les
devraient être interdites et pas seu- bacténes trans-
lement réglementées ... Sus à la • len- mises par les in-
teur géologique , avec laquelle sectes ou des orga-
l'Union européenne renforce le nismes tels que
contrôle d'agents doubles qui ont Phytophthora cap-
trahi la cause du progrès 1 SlCl - la peste des
Longtemps serviteurs loyaux de la cucurbitacées -
sécurité alimentaire, les conserva- sont plus coriaces,
teurs traditionnels (à base de sucre, et il faut donc uti-
de vinaigre et d'alcool parcimonieu- liser plus de pesti-
sement dosés) ont été remplacés par cides pour en ve-
des agents synthétiques, imposés nir à bout.
par des Industriels pressés, à la main La mondialisation
de plus en plus lourde. Résultat de prend décidé-
cette course de vitesse : des reac- ment le consom-
tions (asthme, diarrhée, urticaire, mateur pour un
cornichon.
ang1odermite...), parfois immédiates.
observées chez certa1ns consomma-
teurs et vénfiées sur des rats de labo-
ratoire, mais aussi de nombreux
doutes sur les effets cancérogènes
à long terme sur l'ensemble de la
population. •

L~S DOSSIERS DU CANARD ' 25

 CORAUX CURCUMA scientifiquement étayés, le curcuma
réduit les ulcères, protège la peau et
prévient le diabète. Et ses errets sont
Gros plastivores Une poudre canon démultipliés lorsqu'on le mélange à
du poivre noir.
n n'y a pas que l'homme qui est accro C'est l'ingrédient magique. Une fois Pourquoi, dès lors, celle épice aux
à la malbouffe. Les coraux tropicaux moulues, les racines du curcuma, cet- mille vertus n'est-elle pas plus utilisée
le sont aussi ! D'après Wle étude amé- te plante herbacée originaire de l'ln- par l'agroalimentaire? Son goût pro-
ricame publiée en novembre 2017 de, de la famille de la cardamome et noncé, difficile à marier à d 'autres,
dans le très sérieux • Marine Pollution du gingembre, fourn1ssent la plus explique sans doute qu'elle ne fasse
Bulletin • . le corail principal puissante des poudres antioxydantes. pas recette ...
constructeur de récifs coralliens- raf- En clair, le curcuma neutralise les ra-
folerait de polypropylène, polycarbo- dicaux libres, des substances nocives
nate, polystyrène et autres phtalates générées par l'oxygène que nous res-
reJetés dans les océans. pirons et qui dézmguent nos cellules.
« Contrairement aux apparences, le Les études scientifiques sont una-
corail n'est pas une plante. C'est un nimes : saupoudrer ses plats avec
lointain cousin de la méduse, qui vit cette poudre orange aux vertus anti-
en symbiose avec des microalgues. infiammatoires diminue considéra-
Pour se nourrir et grandir, la colonie blement les risques de cancer du pou-
corallienne, formée de polypes, a be- mon, du foie, du côlon, de l'estomac
soin de capturer des proies », ex- et du sein. ParmJ ses autres bienfaits
plique Aline Tribollet chargée de re-
cherche sur l'écologie récifale et le
devenir des coraux.
Le pue, c'est que ceux-d ne capturent
pas le plastique par hasard. u Ils choi-
sissent délibérément ce matériau po-
lymère, car ils en apprécient le goût
grâce à leurs récepteurs chimiques! ,.
aJoute Aline Tribollet.
Les chercheurs américains qui ont
conduit l'étude ignorent quels additifs
ou molécules chimiques contenus
dans le plastique font vibrer la panse
de ces gourmets. ils ne savent pas da- CYANOBACTÉRIE toxines, voire des paralysies muscu-
vantage si le plastique ainsi ingéré laires avec arrêt respiratoire ... Dès
menace les récifs coralliens déjà for- qu'elle est signalée, les pouvoirs pu-
tement fragilisés par le réchauffement Coup de blue blics interdisent la baignade dans les
clunahque et l'acidification des cours d'eau contaminés ainsi que la
océans Océans dans lesquels, si rien Elle a beaucoup fa1t parler d'elle, l'été consommation de poissons.
n'est fait pour lutter contre la pollu- dernier, après la mort de treize chiens Mais, si les vacanciers la retrouvent
tion, il y aura plus de déchets plas- qui s'étaient désaltérés dans des ri- désormais presque aussi souvent que
tique que de poissons en 2050. Une vières. La cyanobactérie est une l'algue verte, ce n'est pas la météo
bonne nouvelle pour ces goinfres de algue microscop1que de couleur qui est en cause. Comme l'a montré
coraux? bleue qui raffole de l'eau douce stag- un rapport rédigé en 2012 par le
nante ou croupie, surtout par forte Conseil scientifique de l'environne-
chaleur. ment de Bretagne (CSEB), que
Moins médiatisée que la célèbre lai- « Le Canard » (3118/17) a déterré,
tue de mer, responsable des marées c'est d'abord la faute de l'élevage m-
vertes malodorantes sur les plages tensif. En effet, les cyanobactén es se
du lillo rai atlantique, elle est pourtant nourrissent de phosphore, notam-
beaucoup plus ddngereuse L'algue ment celui contenu dans les engra1s
bleue est en effet capable de provo- chimiques, les fientes de volaille et
quer des hépatotoxines, des neuro- le lisier de cochon.

-
26 • LES DOSSIERS OU c - D
 CYSTITE
Volaille, aïe, aïe !
Si vous avez une cystite c'est peut-
être à cause de la cuisse de poulet
que vous avez avalée à midi On le
dit peu, mais la volaille en battene,
celle que lon a le plus de chances de
trouver dans son assiette, est souvent
tartinée d' Escherichia coli, une bac-
térie responsable de gastroenténtes
carabinées
Normalement, cette entérobacténe
est inoffensive, puisque, comme son
nom l'indique, elle est censée rester
peinarde dans l'intestin de l'homme
et des autres animaux à sang chaud,
comme les boVIns et les ovins, mais
voilà : certaines souches peuvent être
pathogènes et e ntraîner des infec-
• sables d'infections urinaires. Une
Un constat que vient de ronfmner une
expertise scientifique qUI a mobihsé
pendant deux ans 40 chercheurs de
quatre organismes, dont le CNRS,
l'Uremer et l'Inra. Lesquels ont conclu
à l'unanimité que la « présence crois-
sante des cyanobactéries dans les
plans d'eau de baignade» s'expliquait
en premier lieu par l'augmentatiOn
des concentrations de phosphates et
de rutrates.
Entre-temps, le lanceur d'alerte a dis-
paru. En 2016, le conseil régional de
Bretagne n'a pas renouvelé Sd subven-
tion au CSEB, qUI a dû mettre la clé
sous la porte. Cela n'a, bien sûr, nen
à vorr avec Je fait que la région compte
un nombre considérable de porchenes
(9 millions de cochons) et de poulaillers
(97 millions de volailles) •
tions intestinales. La plupart des
cystites seraient ainsi dues à la
consommation de poulet fa rci à
Escherichia coli.
En octobre, une étude américaine a
fait grand bruit. Ses auteurs ont dé-
montré que le poulet était, de toutes
les viandes, le plus susceptible de
transmettre des bactéries respon-
équipe de l'Université de Californie,
à Berkeley, a passé au tamis
200 échantillons de viande de poulet,
de dinde, de bœuf el de porc prove-
nant de plusieurs épiceries locales.
En parallèle, ils ont analysé
1 200 échantillons d'urine de patients
atteints d'infections urinaires. Puis
ils ont étudié l'ADN bactérien des
écharltillons de viande et d'urine pour
y rechercher des empreintes géné-
tiques el déterminer les souches
d'E. coli.
FII!NTE. Résultat ébouriffant : 38 %
des échantillons de viande étaient
contaminés par la bactérie, et les
souches étaient pile-poil les mêmes
que celles décelées dans Les urines
des malades soignés pour des infec-
tions urinaires. Et les auteurs de l'étu-
de de conclure : « La bactérie E. coli
cause environ 80 % des infections uri-
nrures chez les humains. •
Les 5 millions de Français, et surtout
de Françaises, qui, chaque année,
souffrent d'une cystite savent désor-
mais que Le coupable est Le poulet !
Et surtout l'éleveur. Car, si Escheri-
chia coli s'en donne à cœur joie dans
les poulaillers industriels, c'est parce
que les volailles piétinent toute la
journée dans leurs fientes contami-
nées. La France se fait d'ailleurs ré-
gulièrement taper sur les doigts par
les inspecteurs vétérinaires euro-
péens : question hygiène, nos abat-
toirs de volailles sont hors des clous
EtE. coli n'est pas la seule à aimer le
poulet. Salmonella Kentucky, une
bactérie, responsable d'infections ali-
mentaires carabinées, se propage,
elle aussi, dans les poulaillers indus-
triels. En prime, elle montre une
singulière résistance aux antibio-
tiques, car les éleveurs en gavent
leurs poulets.
En 2006, l'Union européenne avait
pris soin d'interdire l'utilisation des
antibiotiques comme « stimulateurs
de croissance ,. . Mais, dans les éle-
vages, on a encore le droit de les dé-
layer dans la pâtée afin de prévenir
les maladies ...
En novembre 2011, le ministère de
l' Agnculture a lancé le plan Eco-
antibio. Objectif : réduire de 25 % en
onq ans la quantité d'antibiotiques
déversés dans les élevages français
Comment ? En taxant ces médica-
ments afin de resteindre leur pres-
cription. Et ça a marché leur admi-
nistration aux animaux a diminué
de 20 %. Les bactéries résistantes
n'auront peut-être pas (tout de suite)
notre peau.
LES DOSSIERS DU CA~ • 27
 DÉLAYAGE
Une huile qui
tourne au vinaigre
La société Puget, l'un des fleurons
du groupe Avril, mastodonte français
des oléagineux avec 7 500 employés
dans 22 pays et un chiffre d'affaires
de 8 milliards, pratique, comme
d'autres, le délayage de ses produits.
En 2014,l'ONG Foodwalch a accusé
la marque de duper le consommateur
avec sa vinaigrette « légère ,. au vi-
naigre balsamique et aux tomates sé-
chées. qui ne contient que 20 % d'hui-
le d'olive extra vierge, 12,6 % de
vinaigre balsamique ... ct 1 % de to-
mates séchées ! Soit un tiers des in-
grédients annoncés en grand sur la
bouteille, le reste étant un mélange
de produits bon marché : huile de col-
za, vinaigres de vins blanc et rouge,
purée de tomates ... alors que cette
mixture est vendue 10 euros le litre,
le pnx dune huile d'olive correcte !
La d1rcom' de Puget qui se présente
comme une « nutritionniste •. est
franche: Il n'estpas question d'afficher
la composition sur l'étiquette princi-
pale, au nsque de « rendre le produit
Jll1sible pour le consommateur » ..
Quant aux tomates sechées, « l'inten
Slle aromatique de ce condiment est
telle que sa présence en très petite
quanlllé suffit à en apprécier nette-
ment le parfum ». Du moment que
cela a assez de goùt pour les gogos ..
Fier de ses méthodes, Puget continue
de commerc1ahser ses vinaigrettes
« biphasées » (parfumées) en variant
les arômes rn rus sans toucher aux pro-
portions. Ainsi, le " vmaigre balsa-
mique cibouJette-échalotes » contient
13,4 % de vma1gre balsamique, 3,3 %
de Ciboulette et 2% d'échalotes ..
On ne change pas une recette qui
vend. •

"DERMANYSSUS GALLINAE"
Acarien à faire
Comme son nom ne l'indique pas, le
pou rouge est gns. Il ne devient rouge
qu'après avoir aspiré le sang de ses
victimes : les poules. Car Derma-
nyssus galtinae s'attaque exclusive-
ment aux volailles. Cet acarien de
0,7 millimètre peut siphonner jusqu'à
6 % du sang d 'une poulette en une
seule journée. Les pauvres bêtes se
grattent frénétiquement, ne pondent
presque plus, renoncent à se dépla-
cer, sauf pour se battre à coups de
bec, rendues hystér~ques par les
démangeaisons. Elles perdent peu à
peu du poids, développent une ané-
mie, leur système immunitaire ne lutte
plus contre les maladies favorisées
par la promiscuité qui règne dans les
poulaillers ~ndustnels, et enes finissent
par tomber comme des mouches.
Il faut d ire qu'en plus d 'être un petit
Dracula le pou rouge est un bouillon
de culture. Il peut refiler à une poule,
au choix : des salmonelles, un herpes
foudroyant, qui l'envoie ad patres en
trois semaines, ou la maladie de
Newcastle, qui met à terre son systè-
me d1gestif, son système nerveux et
son système respiratoire. En prime,
l'acarien se reproduit plus qu'un lap1n.
Dès les beaux jours, la femelle pond
entre 200 et 300 œufs par sema~ne .
Ce qui signifie qu'une seule bestiole
donne naissance à 163 000 petits

28 • lES OOSSIEJIS OU CA.'liARD

DINDE
La batterie
est en danger
La dinde, on en raffole ! La France
est le troisième plus gros mangeur de
Meleagris gallopavo de la planète.
Pour le réveillon, on en zigouille plus
de 2 millions ... Pas moins de 95 %
des volailles que l'on met dans nos
assiettes sorte nt d'élevages indus-
triels, où leurs conditions de vic
ressemblent à celles des poulets en
batterie.
En principe, dans ces élevages, les
dindes sont au maximum cinq dans
1 mètre carré, alors que les poulets
s'entassent à une trentaine dans le
même espace. En réalité, rapportée
à leur poids, la densité est deux fois
plus importante chez les dindes. Le
tout dans un air rempli d'ammoniac
en raison des déjections. Les dindes,
comme les poulets, souffre nt de
lésions cutanées, de problèmes
cardiaques, de boiterie, d 'ulcères,
d'arthrite bactérienne ..
BODYBUILDÉE. Une vic de rêve, qui
prend fin au bout de huit à dix se-
maines pour les femelles, alors expé-
diées à l'abattoir. Les mâles, eux, res-
tent sur place, car ils sont plus
performants . ils grossissent plus vite
en mangeant la même quantité de
granulés. Les plus costauds peuvent
peser 22 kilos en fin d'engraissement
poux, QUI dev1endront adultes en sept
jours à peine. On comprend qu'à ce
rythme infernal l'invasion soit incon-
trôlable. A mo1ns de mettre le feu au
poulailler!
Longtemps, les éleveurs ont pulvérisé
a tour de bras leurs élevages d 'acan-
cides, mais, à force, le minus est deve-
nu un maxi-résistant. Ils ont alors
essayé les produ1ts vendus dans le
commerce à base d'organophospho-
rés ou de pyréthrino1des. Cette chimie
est parvenue à tuer Dermanyssus
; ' ·;; ;:~- .- ..
Pas moins de...._ 95 %
.
des volailles .
que l'on Ulet
dans nos assiettes ·
Meleagris gallopavo prend surtout
: sortent d'élevages
de la poitrine. Les ingénieurs agro- industriels ·
nomes l'ont sélectionn é pour qu'on
puisse y tailler le maximum de filets
et d 'aiguillettes, les morceaux les plus
chers.
Revers de la médaille, ce poitrail bo·
dybuildé est un obstacle à l'accouple-
ment. Une fois par semaine, des tech-
niciens spécialisés sont donc obhgés
de masser les dindons, posés sur leurs
genoux, pour récolter leur semence.
A 22 semaines, en moyenne, les
mâ les sont à leur tour envoyés à
l'abattoir, où, suspendus par les
pattes, ils sont plongés dans un bac
d'eau électrifiée avant d'être
décapités.
La vie d'une dinde industrielle, c'est
dingue!
gallinae, mais pas ses larves ...
Heureusement, il existe un moyen plus
écolo, plus efficace et meilleur
marché : le bicarbonate de soude
melangé à de la cendre de bois ou à
de la terre de diatomée, une mixture
particulièrement abrasive. Si l'on en
saupoudre jusqu'au plafond et en
grande quantité, les poux rouges qui
s'y nsquent se coupent les pattes et
se vident de leur sang. Un vra1 film
gore qui donne un peu la chair de
poule.
lES DOSSIERS OU CAHIIRO ' 2~
 ÉCHALOTE
Racornie du bulbe
L'échalote est it la cuisine française
ce que ld tour EiHel est à Paris : un
monument incontournable. N'en
sommes-nous pas le premier pro-
ducteur européen, avec plus de
2 000 hectdres? Coconco! Mais peut-
être plus pour longtemps ..
Si l'essentiel des échalotes que l'on
consomme sont cultivées en France,
les semences, eUes, sont de moins en
moins souvent locales. Un bulbe plan-
té sur cinq est désormais acheté à un
EMBALLAGES
Et Moah et Moah
Umiter la consommation de sacs plas-
tique, c'est bien Mais, empêcher les
fabricants d'emballer les aliments
dans n'importe quels cartons, c'est
encore mieux. En octobre 2015,
l'ONG Foodwatch a publié les résul-
tats d'une étude alarmante : 60 % des
120 aliments testés (riz, céréales pour
le petit déjeuner, lentiUes, couscous,
pates ... ) étaient contaminés par les
hydrocarbures aromatiques d'huiles
minérales, ou Moah. Ces substances
volatiles et toxiques provenant des
encres d impression migrent des pa-
quets en carton recyclé vers les ali-
ments et finissent dans nos assiettes.
30 • LES D05SIERS DU CANARD
laboratoire de semences. Les Bataves
ont inventé l'échalote de semis, qui
est en train de remplacer l'échalote
classique.
DÉNOMINATION. Conservor Fl (sic)
a en effet tout pour plaire. Mise au
point par l'un des deux géants de la
semence, cette plante potagère in-
dustrielle coûte trois fois moins cher
à produire. Et pour cause : elle se
sème, tel l'oignon, et se récolte non
pas à la main, bulbe par bulbe, mais
à la machine. Ainsi, un hectare s'en-
semence en une heure, au lieu des
cent vingt heures pour l'échalote tra-
ditionnelle. En outre, une fois cueillie,
Les scientifiques dénoncent depuis
longtemps le caractère potentielle-
ment cancérogène ct mutagène (sus-
ceptible d'altérer le patrimoine gé-
nétique) de ces huiles minérales
dérivées d'hydrocarbures de pétrole.
La solution est simple . il suffirait de
fixer des limites strictes à la quantité
d'huiles minérales présentes dans les
aliments et de rendre obligatoire l'uti-
lisation de barrières adéquates pour
tous les emballages en carton.
Certains fabricants l'_ont compris. Au
choix, ils peuvent renoncer au carton
recyclé, protéger les céréales par un
film plastique ou encore, comme le
groupe Panzani (couscous Regia et
Ferrero, Lustucru, chocolat en poudre
Van Houten), faire la sourde oreille ...
Une fois n 'est pas coutume, six dis-
tributeurs (E.Lederc, Carrefour, Lidl,
elle peut rester plus longtemps dans
les rayons des grandes surfaces : jus-
qu'à douze mois après la récolte, alors
que l'échalote grise à bulbe flétrit au
bout de sept mo1s.
Un petit groupe de producteurs
d'échalotes a bien tenté de résister
en dénonçant « une imposture ». Se-
lon eux, l'échalote de semis ne serait
qu'un oignon déguisé. Mais, en 2006,
la Cour de justice de l'Union euro-
péenne a tranché : l'échalote in-
dustrielle a dr01t de cité dans nos su-
permarchés sous la dénomination
« échalote • .
L'industriahsabon, c'est vraiment la
course à l'échaloh•.
lntermarché, Système U et Casino),
soit 84 % de la grande distribution,
ont pris l'engdgement de lutter contre
ces huiles empoisonnées. Mais
c'est insuffisant pour protéger les
consommateurs
Selon l'étude de Foodwatch, menée
conjointement en Allemagne et aux
Pays-Bas, la France est la plus mau-
vaise élève de la classe. La preuve,
le gouvernement n'a toujours aucun
texte dans ses cartons ...
FARINES (ANIMALES) sujets contaminés ne développeraient Seuls les ruminants n'auraient pas le
jamais la maladie. Devenus des dro1t de redevenir cannibales.
porteurs sains, ils pourraient à leur Pour éviter les risques de transmis-
Coup de vache tour, par exemple lors de transfusions sion de maladies, il est tout de même
sanguines, en infecter d'autres sans envisagé de ne plus laisser les mêmes
Depuis 2001, veaux, vaches, cochons, que rien n'y paraisse. Or aucun test espèces se manger entre elles. Et ce
poules ne peuvent plus manger leurs de dépistage ni aucun traitement grâce à une traçabilité parfaite dans
congénères réduits en farine. Tout n'existent. C'est dire combien ces fa- les abattoirs, alors que l'on salt, en
ça parce que des vaches cannibales rines peuvent être considérées com- pratique qu'eUe n'existe pas !
en sont devenues complètement me dangereuses. Cette réintroduction progressive des
folles, dans les années 90, ct que leur farines animales n'a, bien sûr, nen à
maladie, l'encéphalopathie spongi- CANNIBALES. Malgré tout, Bruxelles voir avec la course au profit. :-11 avec
forme bovine (ESB), s'est transmise les a autorisées en 2013 dans l'éleva- le f&t que ces protéines représentent
à l'homme via la consommation de ge de ... poissons. Et certains agncul- un supercarburant quaSI gratwt, com-
leurs tripes. Selon l'institut de veille teurs et industriels font monter la paré à l'alimentation à base de céréales
sanitaire (lnVS), la variante de la pression pour que cette autorisation -tourteaux de soja ou de colza ...
maladie de Creutzfeldt-Jakob a causé s'étende aux porcs et aux volailles. Qui sacnfierait la santé à l'argent? •
27 morts en France, dont la dernière
remonte à 2014. C'est bien moins
qu'en Grande-Bretagne, où elle a fait
174 victimes.
Certes, l'épidémie parait aujourd'hui
éradiquée. n n'empêche que des cas
isolés d'ESB continuent d'être signa-
lés chaque année. Et leur origine la
plus probable serait toujours liée à
l'alimentation du bétail, selon l'Au-
torité européenne de sécurité des ali-
ments (Eisa}, alors que les farines ani-
males sont officiellement interdites
par l'Union européenne. Or il est
• possible que des ingrédients conta-
minés [aient] été importés depuis des
pays non membres •, précise l'Efsa.
Rassurant!
Le pire est peut-être à venir. Non seu-
lement la période d'incubation
moyenne de la maladie est parfois
longue (seize ans), mais l'infection
peut demeurer silencieuse. Ainsi, des

LESOOSSIERSOUCAMRO • 31
 FRAISES

Un arrière-( dé)goût
de pesticides
Pour les producteurs de fraises, c'est
le « fruit préféré des enfants». En
fait, toute la famille en raffole : avec
2,8 kilos de fraises englouties chaque
année par ménage, ce fruit de prin-
temps s'arrache dès qu'il arrive sur
les étals, entre avril et juin. Pourtant,
depuis 2013, on sait qu'il est bourré
de pesticides.
Voilà cinq ans, Générations futures,
association de défense de l'environ-
nement agréée par le mmistère de création de variétés de fraises fran- Quant aux variétés venues d'Espa-
l'Ecologie, tirait la sonnette d'alarme çaises . " Ce n'est pas parce qu'on gne, deux échantillons sur 26 conte-
en publiant une étude aux résultats avait détecté des traces de pesticides naient du carbosulfan, un insecticide
éruptifs. Sur 49 écha ntillons de qu'on dépassait les normes. A u- interdit en Europe depuis 2007, qui
fraises françaises analysées, 84,61 % jourd'hui, les producteurs mettent menace directem ent le développe-
étaient imprégnés de résidus de tout en œuvre pour aller vers le zéro ment du fœtus et du jeune enfant,
pesticides. pesticide. » Tant mieux, car l'étude même à faible dose. Affreux ...
de Générations futures de 2013 avait Cmq ans plus tard, rien n'a bougé.
ESPAGN~. Et, pour les frruses venues vraiment de quoi inquiéter : deux Fin févner, Générations futures aren-
d'Espagne, c'était pire. «Nous avions échantillons de fraises f rançaises du publique sa dernière étude sur la
retrouvé 37 molécules différe n tes, contenaient de l'endosulfan, un mé- présence de pesticides dans les fruits
dont huit perturbateurs endocri- chant insecticide interdit en Europe et légumes : « D'après les nouvelles
ltiens »,se souvient François Veille- depuis 2005 et inscrit sur la liste des données que nous avons recueillies,
rene, le président de Générations polluants organiques .. Trois autres 83 % des échantillons de fraises étu-
futures. échantillons, encore des fraises de diées contiennent encore et toujours
Ce rapport reste en travers de la gor- chez nous, contenaient des sub- des résidus de pesticides. •
ge de Pierre Gaillard, duecteur du stances actives autorisées en France, Pour des progrès relatifs à la fraise,
Cire!, premier organisme national de mais pas sur les fraises ... pas de qum la ramener ! •

FRITES présence dans ces produ1ts d'un composé invisible à

Amidon ennemi
Même si la consommation de pommes de terre tend à
décroître, les Français en engloutissent, en moyenne,
entre 50 et 55 kilos par an, dont une bonne partie sous
forme de frites. Pas moins de 700 000 tonnes sont pro-
duites chaque année dans l'Hexagone, notamment par
l'enseigne McCain, qui concentre 30 % du marché et
commercialise des fntes aussi bien surgelées que fraîches.
A priori, les mauva1s côtés des frites sont connus. Tout
ce qui cuit dans l'hu le est gras et odorant. Néanmoins,
ces désagréments demeurent modestes en regard de la
l'œil nu mais très nocif : l'acrylamide. Une substance chi-
mique qui se forme au moment de la cuisson à haute
température des aliments contenant de l'amidon, au pre-
mier rang desquels les pommes de terre.
Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments,
elle accroîtrait le nsque de développer un cancer pour
les consommateurs de tous âges (lire p. 7).
Une tradition vivace dans le nord de la France et en
Belgique pourra1t pâtir de la mauvaise réputation de l'acry-
lamide : la « double cuisson .., qui nécessite un second
passage dans l'huile boUillante, après que les frites ont
été égouttées. Le croustillant n'en serait que plus grand ...
tout comme la teneur en acrylam1de...
Morale : plus on mange de frrtes, moins on l'a. •

32 • LES OOSSrEIIS OU CANARD

GALETTE DES ROIS avertis? «Ils disent que c'est du "fait service : « Ah non, pas du tout 1 C'est
maison"( ... ). Il y en a beaucoup qui bien Je principe 1 Notre credo, c'est
jouent s ur ça, on est tous bluffés 1 » d'être discrets. Donc on va vous livrer
Réchauffée maison SUIVlent un professionnel qm encou- très tôt le matin ou tard le soir, pour
rage le faux mitron à tricher : « Elle que les gens ne sachent pas que vous
Les deux tiers des galettes des Rois est vraiment très croustillante, à la Il- avez du surgelé chez vous. Ça, c'est
vendues en boulangeries sont des pro- mite vous ajoutez un coup de pmceau vraiment notre truc 1 Nos cartons sont
dUits mdustnels surgelés que les ar- de beurre, c'est tout 1 » Et roule, ga- blancs, nos camions sont blancs, ça
bsans boulangers ont JUSte à réchauf- lette, pour amasser les pépettes 1 «Je n'est jamais écrit "Coup de pâtes" •
fer pour les vendre à pnx d'or. Car le les achète 6 euros les deux, alors ? (« quech01sir.org », 3/1/15).
label c Fabncallon artisanal~> » ne - Oui, et vous pouvez les vendre 18- Le boulanger-pcitissier chic du Vll• ar-
garanht que le trava1l sur place de la 20 euro{$ pièce, à J'ruse 1 » rondissement de Paris Jean-Luc Pou-
pâte à pam et n'mterdit nullement de jauran fut le premier à briser l'omerta,
vendre V1enno•series et pâtisseries OMERTA.. L'UFC-Que choisu, qui ré- en 2012, dans « Challenges •, en ba-
surgelées 1 Un attrape-gogo dû à un clame depuis des années un label of- lançant : « Plus de 80 % des galettes
trou béant dans la réglt>mentabon .. . ficiel clair, avait déjà fait semblable des Rois vendues à Paris sont des pro-
Un reporteur de France 2 se faisant expérience au Salon intemdtiondl de dwts industriels que les conunerçants
passer pour un boulanger débutant l'alimentation de Villepinte, dvec un se contentent de réchauffer. >> Mal
se rend, début janvier, dans une en- enquêteur qui s'était présenté comme lui en a pris, il a dû revenir sur ses
seigne de grossiste de type Metro. un boulanger néophyte auprès du propos.
L'employé l'oriente vers le rayon des fournisseur industriel de pâtisseries Pas moins de 15 millions de galettes
galettes surgelées : « Il y a des bou- Coup de pâtes et lui dvait demandé, sortent chaque année de l'usine
langers qui en ont pns, ils ont déva- naïvement, s'il étalt tenu d'informer géante de Torcé (Ille-et-Vilaine), aux
lisé le stock! » Et leurs clienL<>, ils sont le client. Réponse du commeroal de mains du leader du secteur, le
groupe belge Panavi-Van-
demoortele, qui propose
300 références surgelées
« prêt à cuire • dans son
catalogue ... Et les ga-
lettes, désormais vendues
pendant un mois plein,
engendrent en France un
chiffre d ' affaires global
de 332 millions d ' euros
(• capital. fr » , 9/ 1). Pour
une boulangerie de quar-
tier, elles peuvent repré-
senter la moitié de ses
ventes de janvier et 10 %
de son chiffre d'affaires
annuel. .. •

LES DOSSIERS OU CANARO • 33

 • Or cela coûte bonbon de fabri- revient élevé, une marge de 50 % ... trois ans, un boulanger a reçu le prix
quer sa galette à l'ancienne à cause Quant à ses confrères qui comman- de la meilleure galette de son
des ingrédients, qui doivent être haut dent leurs surgelés sur catalogue, il département, alors q ue c'étaJt de
de gamme, alors que le prix du beur- les revendent de quatre à sept fois l'industriel. »
re et celui des amandes ont gnmpé plus cher! La Répression des fraudes, accusée
l'an dernier... Et aussi pdrce que cela Le délégué général de Ja Fédération de fermer les yeux sur la provenance
demande du temps : trois jours en des entreprises de boulangerie (FEB}, des galettes, oblige pourtant les bou-
tout, en raison des pauses néces- Matthieu Labé, défend son bout de langers, comme les autres commer-
saires pour faire lever la pate feuille - gras (Europe 1 9/1) - Si les boulan- çants, à indiquer clairement qu'un
tée. Un artisan bouldilger du XI ar- gers y ont de plus en plus recours, produit a été décongelé. Afin d'éviter
rondissement de Paris, qui détaille c'est aussi parce que la fabrication que le consommateur le recongèle,
sa recette artisanale sur Frdnce 2, re- mdustrielle est montée en gamme. '' au péril de sa santé, et qu'il soit le rOI
connaît faire, même avec un prix de Et d'exposer ce paradoxe « Il y a de la fête. •

GLACES
De l'air
dans le cornet
Pourquoi le géant mondial de l'agro-
alimentaire, Unilever, a-t-ù dépensé
une petite fortune pour construire, en
Champagne-Ardenne, la plus grande
usine de glaces d'Europe, qw produit
plus de 60 millions de litres de crème
glacée par an ? Parce que la glace in·
dustrielle dégage à peu près 10% de
marge. Pas moins de 80 °1o des
170 millions de litres de glace que
nous avalons chaque année sont pro-
duits par des multinationales. Sur ce
juteux marché, juste derrière le grou-
pc angle-néerlandais Unilever, nu·
méro 1 du secteur, on trouve NesUé
ct Mars.
Pour rendre ces douceurs aussi ren-
tables, les fabricants ont revlSilé les
recettes d'antan. La première manip
consiste à insuffler dans la glace un
maximum d'air, sous forme de micro-
bulles d'oxygène, ce que les profes-
sionnels appellent poétiquement le
• foisonnement ». Un litre de crème
glacée foisonnée à souhait ne
contient que 500 grammes de matière
contre 1,1 kilo pour un bac de glace
traditionnelle. C'est gonflé? Le Code
des pratiques loyales des glaces ali-
mentaires, approuvé p.u la Répres-
sion des fraudes, permet d'injecter
jusqu'à 55 °1o d'air.
Autre astuce pour faire fondre les
coûts : diluer le lait écrémé en poudre
dans de la matière grasse moins chè- des chercheurs américairls et belges
re, comme l'huile de coco ou de pal· se sont en effet rendu compte que les
mE> Une optimisation de la recette bactéries intestinales se mettaient
baptisée « libération du pourcentage soudain à bouloter... la paroi du tube
mmimum de matiè res grasses
laitières » ...
digestif (« Nature •, février 2015). Ça
riche les boules et ça jette un froid. •
UnE> o;olution plus ra<licale consiste à
troquer le lait en poudre contre du
lactoo;érum déshydraté L'industrie
fromagère ne sait plus quoi faire de
ce liquide translucide e t verdâtre .
quand elle utilise 10 litres de lait pour
fabriquer 1 kilo de fromage. il lui res-
te sur les bras 9litres de lactosérum.
PE>ndant longtemps, les industriels
ont refourgué aux éleveurs ce sous-
produit, utilisé comme complément
ahmentaire pour l'allaitement des bo·
vms, avant de proposer cet ingrédient
pds cher aux marchands de glaces.
SYNTHÈSE. C'est ams1 q u'en vingt
ans lE> lactosérum s'est généralisé
ddns les cornets et pehts pots d e crè-
mE> glacée.
L'œuf est aussi de moins en moins
prf'sent dans les glaces industrielles.
Jugé trop coûteux, cet ingrédlent, qui
permet tout à la fOis d'améliorer la
texturE>, de fixer les arômes et de re-
hausser la couleur, a été détrôné par
des additifs qui n'ont pas droit de dté
chez les artisans glac1ers.
Une palette chimlque qui n'est pas
anodine pour la santé Prenez le car-
meil ose (E466} et le polysorbate 80
(E433}, deux émtùsihants de synthèse
censés augmenter l'onctuosité et uti-
lises Sc:tns limite par l' agroalimentaire
Ils ne réussissent pas aux souris.
Après en avorr donné à des rongeurs,

-
34 • lES DOISS<EIIS DU CA!'-'RO

GLUTAMATE
Céphalée le dire
Invisible à l'œil nu, il est présent dans les pl~ts cuisinés,
sous vide ou surgelés, la charcuterie, les ch•ps... Le glu-
tamate de sodium, ou glutamate monosodique (GMS},
est un additif qui possède l'immense avantagede rele_ver
la saveur des aliments. Dans leur jargon, les ~ndustr!els
appellent ces substances des " exhausteurs d.e gout ~­
Bien souvent, sur les étiquettes, le glutamate n appar~u~
pas comme tel mais sous l'appellation " E62~ "· ~~ a ete
découvert en 1908 par le professeur japona•s Kikunae
Ikeda, qui a réussi à l'isoler à partir d'une algue, le ~ombu.
Aujourd'hui, il est produit industriellement à partir de la
fermentation de soja, de fécule de pomme de terr~ ou
de betterave, puis commercialisé sous la forme d une
poudre de cristaux blanche. _.,~~ ,,,~,
Il n'est pas autorisé dans le chocolat, les jus de .fruits ou
le lait. Les experts, en effet, s'écharpent au su_Jet de sa
t OXICI'te' • Une étude menée en 2011 sur des souns renda~t
'd Ï ' ait
le glutamate en partie responsable d~ sur_p~• s : • creer
notamment une addiction, qui inciterait a consommer
plus que de raison les aliments qui en contiennent. Pour
autant les autorités américaines et européennes de
contrôle sanitaire n'ont pas classé cet additif comm.e dan-
toutefois limité, dans l'Union europeenne,
geraux. Il est . . t ·e
mmes de denree a 1•men air .
à 1 gramme pour 100 gra
Les anti-91utamate dénoncent le " syndrome du ~staurant
chinois " qui se traduirait par des maux de tete et des
sées ;iés à l'absorption trop importante de glutamat~.
~~~dditif est très utilisé dans la cuisine asiatique. Faut-tl
la brider ? Ainsi, chez Aname, les nems ou le poulet
au curry sont .. glutamate free "· .
Revers de la médaille, Ange Hong Lan, la restauratnce,
peine à recruter les membres de sa bngad~ : ." Nous_
avons du mal à trouver des chefs d'origine astattque qw
sachent cuisiner sans glutamate. " •

GLUTEN
')>~ ""'•"' 're!;MPS , NOUs, All:).ufl.}' ffUÏ VoUS ,
1
US' '1/AflllfiR€$ i~oLif.Aioh'"S C 16!:-r Ao% 1 vou<;:
Ça ne mange pas 1\U G-Lu·n~tJ 1 Ofol N€ foUV11:1
Mo~'b~€ ~UE:' Ot S% J>€' LA.
~~s f.u~Ri~ G-Âr~~
.. ....1
1, 1
de pain ~o{'Lft..A-r.ot-1 !

«Je n'avais pas le choix. » Le 17 sep-

tembre 2017, Manuel Valls se met à
table. ll est l'invité du 19 heures do-
minical de Laurent Delahousse, sur
France 2. n avoue : oui, il s'est soumis
à un nouveau régime, le sans-gluten.
Il n'y a pas que sa défaite cuisante à
la primaire du PS pour la présid en-
tielle qu'il peine à digérer.
Comme quelques centaines de milliers
de Français, il serait atteint de la ma-
ladie cœliaque, une intolérance à un
assemblage de protéines présent à
l'état naturel dans des produits céréa-
liers (pain, pâtes, semoule .. .) ou sous
forme d'additifs dans un très grand
nombre de produits alimentaires (vian-
de hachée, saucisses, sauces, frites
surgelées et même glaces).
ARNAQUE. Au menu des symptômes
qui signalent une attaque des parois
de l'intestin grêle, on trouve un assor-
timent de ballonnements, douleurs,
diarrhées et/ou constipation, anémie,
asthénie, aphtes, eczéma, migraines ...
Que du bonheur. Et de quoi déchaîner
l'appétit des géants de l'agroalimen-
taire, qui se nourrissent sans modéra-
tion de toutes les psychoses pour pro-
poser des gammes de « manger-sain ».
ns proposent désormais du sans-glu-
ten au prix fort. Le résultat n'est pas
garanti, loin de là, mais ce régime a
des effets positifs sur le chiffre
d'affaires des industriels. Et sur le men-
tal des consommateurs : des témoi-
gnages émouvants sont dtés par les
mag azines de supermarchés, dans
une prose inimitable (<< Je me sens
plus légère », <<L'impressi on de fa-
tigue a disparu», etc.).
Une arnaque de génie, l'effet place-
bo :le gluten, si décrié, porte main·
tenant le chapeau pour toute la mi-
sère a bdominale de pas m oins de
10 % de la population française, se-
lon des études discutables. Les spé-
cialistes en hépato-gastroentérolo-
gie, eux, sont tous d'accord sur le
diagnostic : de 0,5 à 2 % seulement
des Français souffriraient réellement
de la maladie cœliaque, laquelle sou-
met ceux qui en sont atteints à une
stricte abstinence sélective . Les
autres souffrent de class1ques colo-
pathies fonctionnelles provoquées
par les « Fodmaps » , des sucres fer-
mentescibles qui fo nt réagir la flore
intestinale.
En s'infligeant un régune sans glu-
ten, ces « hypersensibles » s'expo-
sent à un e nfer: l'orthorexie, l'ob-
session de manger samement.
Laquelle peut n uire gravement à la
santé. •

LES DOSSIERS OU CANARD • 35

 GLYPHOSATE
Moléculbuto
C'est reparti pour un quinquennat 1
Le 27 novembre, l'Union européenne
a renouvelé pour cinq ans l'autorisa-
tion du glyphosate, la molécule
controversée contenue dans la plu-
part des herbicides. Une défaite pour
la France, qui voulait une prolonga-
tion de trois ans au maximum. Une
victoire en demi-teinte pour les lob-
bys agrochinllstes et les tenants de
l'agriculture intensive, qui affirment
que l'interdiction du glyphosate pro-
voquerait une baisse des rendements
et une hausse des coûts.
«Les ouvriers agricoles, les consom-
mateurs qui, demain, diront : "Vous
aviez le glyphosate, vous le saviez,
vous n'avez rien fait', ils me regar-
deront les yeux dans les yeux et ils
n'iront pas vous chercher"· a expli-
qué Emmanuel Macron aux céréa-
liers qui l'interpellaient, en février,
au Salon de l'agriculture. Le Prési-
dent jure qu'il ne cédera pas. Dans
trois ans, le glyphosate sera proscrit
en France, même si Nicolas Hulot,
son ministre de la Transition écolo-
gique, parle, lui, de négocier des dé-
rogations pour certains. Qui croire?
Brevetée par le chimiste américain
Monsanto qui la commercialisait
sous la marque Roundup, cette mo-
36 • lES DOSSIERS OU CA"tAAD
"Vous aviez
le glyphosate,
vous le saviez,
vous n'avez rien fait"
Emmanuel Macron
!écule se trouve désormais réperto-
riée comme « cancérogèn e pro-
bable » par le Centre international
de recherche sur le cancer (Circ) de
l'Organisation mondiale de la santé.
Le glyphosate abîmerait la qualité
des sols et de l'eau et contiendrait
des perturbateurs endocriniens sans
pour autant empêcher le déve-
loppement de mauvaises herbes
résistantes.
DéRISOIRE. Comme elles semblent
loin, les années 90, quand le Round-
up vantait une efficacité et une in-
nocuité que nul ne contestait en Fran-
ce ! « Ça ne laisse pas de résidus dans
le sol», affirmait, dans un spot télé-
visé, un agriculteur prêt à embarquer
sur son tracteur pour en épandre.
Dans le plan final, un petit oiseau ve-
nait se poser sur un bidon. Si l'herbi-
cide ne dérange pas les petites bêtes,
comment pourrait-il provoquer un
cancer ? Les jardiniers du dimanche
étaient, quant à eux, encouragés à
utiliser le « premier désherbant bio-
dégradable qui ne pollue ni la terre
ni l'os de Rex ». On voyait même le
chien déterrer un cubitus qu'il venait
d'arroser de Roundup. Sans doute
pour lui donner du goût ?
Pas étonnant qu'avec un tel matra-
quage le Roundup soit l'herbicide le
plus vendu au monde. Il faudra at-
tendre 2008 pour que le vent tourne :
après les Etats-Unis, Monsanto perd
en France un procès pour publicité
mensongère : seulement 2% de son
produit se « biodégrade » au bout de
vmgt-huitjours, période après laquel-
le on peut replanter.. La firme amé-
ncaine a dû alors régler une amende
de 15 000 euros. Une somme dérisoi-
re en regard des profits engrangés
par son marketing agressü, auquel
ont participé les grandes coopératives
françaises qui se rémunèrent sur la
vente de produits phytosanitaires aux
agriculteurs
Pour dissimuler la dangerosité d'un
produit phare, Monsanto a tronqué
des données sc1entüiques, comme
l'ont révélé les c Monsanto Papers •.
ces documents internes que la justice
améncaine a obligé le groupe à com-
muniquer.
Le brevet sur la molécule étant tom-
bé, la Glyphosate Task Force (GTF),
qui rassemble les industriels du sec-
teur, a pns le relais pour financer des
études. Lesquelles, comme par ha-
sard, leur sont presque toujours fa-
vorables et suffisent à convaincre des
autontés publiques pas trop cu-
rieuses : l'an dermer, l'lnstitut fédéral
allemand d'évaluation des risques a
été épinglé pour avoir copié-collé des
centaines de pages fournies par les
fabricants. A l'inverse, ces derniers
tendent à 1gnorer ou à dénigrer les
travaux indépendants qui alertent
sur le glyphosate.
Si celm-o est condamné à terme à
disparaître en Europe, Monsanto lui
a déjà trouvé un successeur avec le
Dicamba, un herbicide très volatil
qui détruit les plantes au-delà des
périmètres tra1tés. Qu'à cela ne tien-
ne, les agriculte urs américains pour-
ront toujours se protéger en achetant
des semences OGM qui résistent au
produit. •
GRANDES SURFACES
Des hypers pas super
Carrefour, Casino, Auchan, Super U .. .
Au royaume de la malbouffe, les hy-
permarchés sont-ils rois? Comprimer
les coüts de production pour maximi-
ser les marges, concentrer les cen-
trales d 'achats afin de peser plus
lourd en termes de volumes, tirer les
prix vers le bas pour gagner des parts
de marché au risque de ne pas rému-
nérer le travail des producteurs à sa
juste valeur : pour les distributeurs,
la recette est bonne ; pour les clients,
elle n'est pas forcément saine.
CALIBRÉS. En 1949, alors que les tic-
kets de rationnement disparaissent.
à Landerneau (Finistère). Edouard Le-
clerc transforme sa petite épicerie de
16 m1 en magasin discount. Le
concept est simple : s'approvisionner
directement chez le producteur pour
vendre moins cher au consommateur.
Les clients, séduits, affluent. Progres-
sivement, les enseignes fleurissent et
les supermarchés (dont la surface est
comprise entre 400 et 2 500 m 2 ) font
place aux hypermarchés (surface su-
périeure à 2 500m2). La France entre
dans l'ère de la consommation de mas-
se. «Aujourd'hui, la grande distribu-
tion évoque la malbouffe, mais, à
l 'époque, ce système était synonyme
d 'accès à la nourriture, rappelle Phi-
lippe Moati, cofondateur de l'Obser-
vatoire société et consommation. La
quantité primait sur la qualité. »
L'offre des grandes surfaces s'adapte
à l'air du temps tout en remodelant
les façons de consommer. Les
femmes, qui entrent sur le marché
du travail et consacrent moins de
temps à la cuisine, se tournent vers
les produits industriels, transformés,
surgelés ou préparés. La guerre des
prix porte ses fruits. En 1960,les mé-
nages consacraient 35 % de leurs dé-
penses de consomma tion à l' alimen-
tation. En 2014, ce budget ne
représente plus que 20 %.
Pour garantir un approvisionnement
régulier et des produits homogènes,
la grande distribution a privilégié une
production standardisée de masse.
cc Cette demande a transformé les
modes de production de la viande, ex-
plique .Nicolas Girod, secrétaire na-
tional de la Confédération paysanne.
Les éleveurs doivent faire grossir leurs
animaux plus vite, ce qui donne une
viande moins riche d'un point de vue
gustatif et plus chargée en eau.
L'élevage animal ne répond plus à
l'objectif de qualité mais à celui de
l'uniformisation. »
Quant aux fruits et légumes, ils doi-
vent être parfaitement calibrés et ré-
sistants aux chocs. Le concept de sai-
sonnalité ? Balayé ! De belles tomates
rondes et rouges sont vendues en hi-
ver, des avocats verts en été. Forcé-
ment, ils sont insipides.
La grande distribution se fournit au-
près de grosses exploitations, utilisant
des variétés de semences inscrites
dans un catalogue officiel et qui doi-
vent répondre à des normes précises.
Des semences avides d 'engrais, de
pesticides et d'herbicides ... Résultat :
la biodiversité a déserté les champs
et les assiettes. cc C'est tout le système
industriel qui est en cause, résume
Patrick de Kochko, coordinateur du
Réseau semences paysannes (RSP),
qui se bat pour la préservation de la
biodiversité. Mais les grands distri-
buteurs sont les donneurs d'ordre et,
par leurs achats, ils génèrent une re-
structuration en amont. >>
PARADOXE. En lançant sa campagne
« Le marché interdit », l'année der-
nière, Carrefour s'est fait le chantre
de la biodiversité en décidant de com-
mercialiser des fruits et légumes issus
de semences paysannes non inscrites
dans le fameux catalogue officiel.. .
que la grande distribution a contribué
à mettre en place ! « Le paradoxe est
un peu gros, accuse Patrick de Koch-
ko. Si Carrefour se pose aujourd'hui
en sauveur, c'est pour se verdir la
façade. »
Une vague verte et éthique va-t-elle
monder tout le secteur ? Pétris de
bonnes intentions (ou attirés par
le profit ?), les géants du commerce
ont déodé d'accompagner cette nou-
velle clientèle qui veut donner du sens
à sa consommation. lls proposent dé-
sormais des produits dits « du terroir »,
d'autres ISsus du commerce équitable,
et une gamme bio de plus en plus •
LES OOSSIERS DU CANARD • 37

• fournie. D'id à 2022, Carrefour
veut multiplier par quatre le chiffre
d'affaires qu'il réalise désormais avec
le bio. Auchan a ouvert, en novembre
2017, une première enseigne 100%
bio. Leclerc vient d'annoncer la créa-
tion d'un réseau de 200 magasins ex-
clusivement dédiés au bio dans les
mois à venir. Intermarché promet que,
chez eux, « il fait bio tous les jours • !
Bref, des aliments cultivés et produits
sans pesticides, sans engrais et sans
OGM mais qui laissent de côté cer-
tains critères, comme la saisonnalité
ou le circuit court. Après avoir étudié
l'offre de fruits et légumes bio en
grandes surfaces, l'association UFC-
Que choisir a dénoncé, en août, les
prix pratiqués par les enseignes de la
grande distribution, qu'elle a jugés
« très excessifs».
Les grandes surfaces ne risquent pas
de devenir des temples de l' alimen-
tation saine. Pour les industriels de
l'agroalimentaire, les boissons su-
crées, les friandises et les snacks sont
GRAS
Foie en l'avenir
Faut-il réhabiliter le gras ? Sortie le
29 août dans le journal scientifique
britannique « The Lan cet •, une
étude a battu des records de
reprise.
Certains journaux ont cru y lire une
ode aux bienfaits du gras, soudain
promu élixir de jouvence. En réalité,
les auteurs de ladite étude insistent
surtout sur les effets délétères du
sucre sur la santé Quant au gras, ils
conseillent d'en consommer avec
modération. Et pas seulement à cau-
se de ses effets sur les artères. Des
chercheurs de l'University College
Londonquisesontpenchéspendant
quatre ans sur les assiettes de
lOO 000 de leurs concitoyens ont dé-
couvert que les mauvaises graisses
augmentaient de 58 % le risque de
dépression ' Le gras appelle le gras.
Les mauvaises graisses empêche-
raient aussi l'hormone qui régule la
38 • LES DOSSIERS OU CANARD
Les rabais favorisent
souvent les chips
ou le Nutella
les produits les plus rentables ci fabri-
quer. Et, grâce à leur forte capacité
financière, il est facile pour eux de
se faire référencer dans les grandes
surfaces et de déployer des cam-
pagnes de marketing massives.
SCANDALE. Mieux, pour attirer et fi-
déliser les clients, les magasins abais-
sent d'eux-mêmes les prix de produits
phares. Des produits à la qualité nu-
tritionnelle souvent très faible. Ainsi,
la campagne des « prix imbattables »
d'Auchan, lancée il y a quelques an-
nées, concernait des pizzas, dessau-
cisses industrielles ou des boissons
sucrées. La « garantie prix le plus
bas » sur 500 produits de grandes
marques proposée par Carrefour fa-
vorisait des chips, une célèbre pâ.te ci
tartiner et d'autres réjouissances su-
crées et salées. Les scandales alimen-
taires se succèdent aussi. Le 10 jan-
vier, Leclerc, Auchan, Carrefour, Sys-
tème U ont reconnu avoir commercia-
lisé des produits Lactalis qui auraient
dû être retirés de leurs rayons en rai-
son d'une contamination aux salmo-
nelles. Auparavant, c·étaient des œufs
contaminés au fipronil (un insecticide
considéré comme « modérément
tox1que ~ par l'Organisation mondiale
de la santé), des lasagnes à la viande
de cheval ou du poulet à la dioxine
qui étaient tOUJOurs en vente dans les
supermarchés ...
Alors, la grande distribution, reine de
la malbouffe ? Pour OliVler Dauvers,
ancien rédacteur en chef de maga-
zines professionnels du secteur, le pro-
blème est posé à l'envers. L'offre de
la grande distribution « n'est que le
reflet de la demande. Producteurs, in-
dustriels, distributeurs, tout le monde
a sa port de responsabilité, mais, le
premier responsable, c'est le consom-
mateur! Personne n'achète contre
son gré 1 ». Pas même des oeufs au fi-
pronil ou du poulet à la dioxine ? •
sensation de satiété d'amver Jusqu'à
notre cerveau.
Le gras n'ouvre pas seulement
l'appétit des amateurs de burgers
ou de charcuterie industrielle, il fait
aussi saliver les firmes pharma-
ceutiques. Grâce à la Nash, acrony-
me anglais de « stéatohépatite non
alcoolique ». Cette accumulation
anormale de graisse dans le foie est
due ci une alimentation trop riche à
la fois en matières grasses et en
sucre, qui augmente le risque de dr-
rhose et de cancer.
La proportion des personnes at-
teintes de Nash ne cesse de grossir
dans les pays industrialisés ... En
France, près d'un adulte sur cinq se-
rait touché. Les analystes ont sorti
leur calculette : un médicament
contre cette maladie chronique
pourrait rapporter des milliards
d'euros de revenus par an à son
fablicant.
Une vingtaine de produits sont déjà
en développement, dont ceux des
français Sanofi et Genfi, qui rêvent
pour eux que sonne le gras ... •

HEALTHY
Vrai-faux sain
L'appellation" healthy », c bon pour
la santé», a tout pour plaire. Elle est
censée être une garantie de bien-
manger et entend vaincre notamment
le syndrome du côlon irritable. Pour
les adversaires acharnés des pro-
téines malignes, de plus en plus nom-
breux outre-Atlantique, il n'y a en ef-
fet que deux catégories d'aliments
sur terre : les " kind ", • aimables »,
et tous les autres, les « méchants »
(sic). Définitivement catalogués
" mauvais » : les viandes, les laitages,
les poissons.
Dans leur boîte à outils magique, les
ayatollahs du ~~ sain » trimballent des
antidotes « miracle ». Les nouvelles
stars de ce marketing new age résis-
Y'A ~~ ltA8'
~Ç,NJ ~ FJifE~ f
tent mal à un examen poussé. Pre-
nons l'eau de bouleau, sève de l'arbre
du même nom. Censée instiller le
côté éclairé de la force, celte eau est
en fait un placebo très fade. L'eau de
coco estampillée « 100% pure »?Du
bidon ! Ah si ! elle hydrate ... Au rayon
des oméga 3, on trouve la graine de
chia (bien prononcer « kia »), une
sauge bienfaisante, qui, à en croire
ses promoteurs, aurait une teneur re-
marquable en« bons acides grCl3 po-
lyinsaturés ».On trouve les mêmes ...
dans un filet de merlan. Les vertus
« anti-tumorales » étant à l'honneur,
comment négliger le kale, ce chou
frisé exotique célébré à New York
comme un Musclor ?
Une seule certitude : il est de trois à
quatre fois plus cher qu'un bon vieux
chou riche des mêmes glucosinolates
et autres phytoactifs... Le lait de gogo
a un bel avenir commercial !
HORMONES
DE DÉCROCHAGE
Fruits
descendus
Dans le jargon de l'arboriculture,
on appelle cela .. augmenter le
potentiel de portée de l'arbre •.
Dès leur floraison, les arbres frui-
t iers, à commencer par les pom-
miers, sont aspergés d'• hormones
d'accrochage ... Un produit qui va
permettre d'obtenir un fruit pour
chaque fleur pollinisée. Résultat
garanti : grâce à ces hormones,
95% des fleurs donnent des fruits,
contre 50 % dans la nature.
La produit est si efficace qu'il faut
éviter que l'arbre, surchargé de
fruits, s'épuise et que ses branches
cassent. La solution ? Vaporiser,
cette fo1s, avec une " hormone
d'éclaircissage "• qui fait tomber
les fruits les plus petits. Grâce cette
intervention, les fruits sélectionnés
auront tous la même taille au
même moment. Pratique, pour la
cue1llette ! Mais, pour s'assurer
que les fruits en formation restent
sur l'arbre jusqu'au jour J, l'arbo-
nculteur les asperge de nouveau
d 'hormones d'accrochage juste
avant leur cueillette.
Des pulvérisations qui s'ajoutent
aux multiples traitements chi-
miques, fongic1des et insecticides
admin1strés dans les vergers.
Le résultat ne varie pas : pulvéri-
sations ou pas, le ver est dans le
fruit. •
LES DOSSIERS DU CANARD ' 39
 HERCBERG

L'empêcheur
de "malbouffer"
Pour l'industrie agroahmenlaue ella
grande distribution, cet homme est
aussi terrifiant qu'une bombe H. « H »
comme « Hercberg ». Ce directeur
de recherche à l'Institut national de
la santé el de la recherche médicale
(Inserm) a été le premier à établir les
liens entre habitudes alimentaires et
maladies.
ll y a vingt-trois ans, Serge Hercberg
a créé une énorme base de données
sur l'état de santé et la nutrition de
13 000 Français. Ce qui lui a permis
de moissonner tout un tas de statis-
tiques embêtantes pour les industriels
de la malbouffe. Le grand public a
ainsi découvert à quel point les ali-
ments surchargés en sucre, sel, gras,
colorants, exhausteurs de goût ou
arômes chimiques favorisaient, pêle- moment où l'Agence européenne de cinq couleurs, les aliments désastreux
mêle, obésité, diabète sucré, maladies sécurité des aliments réévalue un par pour sa santé. Cinq ans durant, He re-
cardio-vasculaires, hypertension .. . un ces « auxiliaires technologiques », berg s'est battu pour imposer ce code
comme on les appeUe, au regard des aux multinationales, notamment
ADDITIFS. La dernière recherche dernières connaissances scientifiques. Mondelez, Nestlé, Unilever ou Mars...
énervante à laquelle l'épidémiologis- Ça va chauffer ... dont la totalité des confiseries virent
te de l'Inserm a participé date de fé- Empêcheur de « malbouffer » en à l'orange ou au rouge quand on le
vrier. Publiée dans le « British Medi- rond, le professeur Hercberg donne leur applique. Mission réussie :cette
calJournal »,elle révèle que, plus on aussi des aigreurs d'estomac aux in- année, le ministère de la Santé a en-
consomme d'aliments industriels, dustriels de l'agroalimentaire car il fin adopté le Nutri-Score, sans toute -
plus la probabilité d'avoir un cancer est le patron du Programme nation al fois oser le rendre obligatoire. Trop
est forte. Après avoir suivi pendant nutrition santé (PNNS). A cause de dur à avaler, pourl'agroalimentaire ...
huit ans 104 980 personnes, les cher- lui, les fabricants de nuggets, barres Sous ses airs débonn aires, Serge
cheurs sont arrivés à cette effarante chocolatées et autres cochonneries Hercberg a réussi à contenir les mau-
conclusion : ajouter 10 % de nourri- doivent, depuis 2007, accoler à leurs vaises intentions du lobby de la mal-
ture ultra-transformée dans nos as- pubs des messages du type « Evitez bouffe. Lequel n'attend plus que son
siettes fait grimper de 12 % le risque de manger trop gras, trop sucré, trop départ à la retraite ...
de développer un cancer. salé ».A cause du PNNS, les distri-
On savait déjà que le sucre était un buteurs de friandises et de boissons
carburant pour les cellules cancé- sucrées ont été déclarés non grata
reuses, mais l'étude signale d 'autres dans les écoles. Et que dire de cette
ingrédients suspects, les additifs. Or satanée idée d 'un indicateur de mal-
338 d'entre eux sont autorisés par la bouffe sur les emballages des pro-
réglementation européenne 1 L'in- duits alimentaires ?
dustrie agroalimentaire les utilise
pour donner à ses produits du goût, ÉTIQUETAGE. « Nutri-Score », c'est
de la texture, de la couleur ou encore son nom, permet au consommateur,
du volume et, bien sûr, pour repous- avant qu'il ne remplisse son charriot,
ser la date de péremption. L'étude de repérer d'un seul coup d'œil, grâce
ne pouvait pas plus mal tomber, au à un système d'étiquetage utilisant

-40 • lES DOSSIERS OU CANARD

HUILE DÉSODORISÉE
Les esters atterrent
Le t• avril 2016, l'Europe a autorisé
dans nos assiettes la présence d'huiles
« désodorisées ». Le procédé pour les
obtenir semble anodin. ll consiste en
une distillation à la vapeur sous vide
des huiles alimentaires. En clair, un
chauffage entre 180 et 240 °C à la va-
peur d'eau. Mais cette désodorisation
valorise surtoutles huiles de mauvaise
HUILE D'OLIVE
Des noyaux
dans la bouteille
L'huile d'olive aurait des bienfru.ts «in-
croyables >>, « surprenants )) et nous
permettrait de vivre mieux et plus
longtemps ! Le nectar tient-il toutes
ses promesses ?
« C'est une huile intéressante mais
pas parfaite, tempère Jean-Michel Le-
cerf, chef du seTVJce de nutrition de
l'Institut Pasteur de Lille. Une partie
des vertus qu'on lui attribue n'est pas
toujours bien distinguée du régime
crétois en général. li y a quelques ex-
cès de communication.» Les bienfaits
de l'huile d'olive sur la santé seraient-
ils un argument de vente efficace plu-
tôt qu'une réalité? En 2012, la Com-
mission européenne lançait un « plan
d'action». Le constat: ((La structure
de la filière ne permet pas aux oléi-
culleurs de valoriser suffisamment
leur production. » La solution : « ren-
forcer la compétitivité du secteur et
s'appuyer sur des atouts comme la
qualité du produit el son image de
marque ». En clru.r, l'image positive
de l'huile d'olive doit être utilisée pour
stimuler sa consommation.
Adopté en 2013, ce plan d'action a
permis de renforcer les mesures en
faveur d'un meilleur contrôle du sec-
leur, régulièrement touché par les ar-
naques. En France, la Direction géné-
rale de la concurrence, de la
qualité. En effet, grâce à ce« raffina-
ge »,le nectar est rendu plus limpide
et est débarrassé de toute odeur un
peu désagréable. En prime, il est plus
stable dans le temps. Idéal pour l'in-
dustrie agroalimentaire, qui s'en sert
comme gras liquide pour fabriquer
biscuits. pâtisseries, pâtes à tartiner,
margarines ou encore petits pots pour
bébés ...
Pourtant. cette transformation de l'hui-
le libère des cochonneries. Tel le 3-
MCPD, qui provoque des lésions chez
l'animal. Il ne faut pas consommer
consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF) veille au grain. En
2015, le bilan de l'enquête nationale
qu'elle a menée révélaitl'ampleur des
fraudes : 41 % des produits contrôlés
n'étaient pas conformes à la réglemen-
tation et 25 % des professionnels
contrôlés ne respectaient pas cette
dernière.
ORIGINE. La principale arnaque
consiste à tromper sur l'origine des
olives. La Répression des fraudes et
la gendarmerie ont récemment révélé
l'un de ces juteux business. Entre
septembre 2014 et janvier 2015,
120 tonnes d'olives en provenance
d'Espagne auraient été pressées dans
les moulins de Provence, avant que
l'huile obtenue soit vendue sous une
appellation d'origine protégée (AOP)
ou contrôlée (AOC).
plus que la dose journalière recom-
mandée, mais celle-ci est largement
dépassée dans certaines préparations.
Autres cochonneries :les esters gly-
cidyliques d'acides gras, qui sont
considérés comme cancérogènes et
génotoxiques pour l'homme.
Bien entendu, rien de tout cela ne fi-
gure sur les étiquettes. La seule façon
d'y échapper quand on achète de
l'huile en bouteille, c'est de privilé-
gier la mention « première pression
à froid "• qui garantit l'absence de
raffinage.
L'Association française interprofes-
sionnelle de l'olive traque ces ven-
deurs malhonnêtes, sur les marchés
et dans les magasins de produits ré-
gionaux, parfois à l'aide de caméras
cachées.
Les arnaques à l'huile ne touchent
pas que la France. En 2014, le« New
York Times »révélait que l'essentiel
de l'huile d'olive prétendument ita-
lienne vendue aux Etats-Unis venait
en réalité d'Espagne, du Maroc ou de
la Tunisie. Les techniques d'extraction
de ces pays, qui assurent la majorité
de la production d'huile mondiale, gé-
nèrent une quantité importante de
margines, des effluents liquides pol-
luants, difficilement dégradables et
pourtant déversés dans la nature. De
plus en plus, ces biodéchets sont va-
lorisés afin d'éviter que cette pollution
ne fasse tache d'huile.
LES DOSSIER$ DO CANARD • 41
 INSECTES
On fait
la fine mouche
A l'apéro, grillons au thym et criquets
au paprika accompagnés d 'un verre
de gin aux fourmis. En entrée, régal
de vers de bambou au curry. En plat
de résistance, vers de farine aux petits
pois ou raviolis aux punaises d'eau
géantes safranées. Et, en dessert, gla-
ce à la fourmi , tiramisu aux vers à
soie ou yaourt au mu esli de larves
d'abeille rôties. Puis un carré de cho-
colat aux ténébrions fossilisés, pour
pousser le café.
Ce n'est pas le menu des concurrents
de « Koh-Lanta » , c'est le repas du
futur. Le remède miracle à la faim
dans le monde. Depuis 2013, la FAO,
l'Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture, ex-
plique que, pour nourrir 9 milliards
d'humains en 2050, il va falloi r sc
mettre à consommer des insectes. Les-
quels n 'ont que des avantages c'est
une nourriture énergétique (430 ca-
lories pour 100 grammes de chenilles
séchées), aussi protéinée que le bœuf
(35 grammes de protéines pour
100 grammes de grillons déshydra -
tés) et douze fois plus riche en vita-
mine B12. Ils constituent donc un sub-
stitut à la viande, d'autant qu'il n'y a
pas besoin d'ôter os ct graisse, tout
se man ge !
Autre avantage : leur é levage a un
impact minime sur l'environnement.
il n'exige aucun défrichage de terres
42 • LES DOSSIERS OIJ CI.NAAD
supplémentaires et, par con séquent,
peu d'intrants ; il demande cinquante
fois moins d' eau que le bétail, tout
en dégageant cent fois moins de gaz
à effet de serre ! Enfin, il ne nécessite
que 1,8 kilo d'aliments (y compris des
déjections recyclées) pour 1 kilo d'in-
sectes produits, contre 8 kilos pour
1 kilo de bœuf.. .
En Amérique du Sud, en Asie et en
Afrique, 2,5 milliards d'h umains se
nourrissent déjà d 'insectes, comme
comp lément dans l'alimentation tra-
ditionnelle : criquets grillés en Thaï-
lande, fourmis frites au Mexique, che-
nilles au Congo ...
LARVES. Les Français mangent déjà
500 g rammes d'insectes par a n, en
moyenne, sans le savoir ! Entre la co-
ch enille, dont est tiré le colorant ali-
mentaire E120, et les fragments d'in-
sectes présents dans les jus de frui ts,
les céréales ou le chocolat. Sans
compter que les insectes commencent
à être utilisés dans l'alimentation ani-
male: l'entreprise innovante Ynsect,
située dans le Génopole d'Evry etlar-
gement soutenue p ar des fonds pu-
blics, produit des farines pour p ois-
sons (mais aussi pour chiens et chats)
et, bientôt, pour poulets et porcs, à
base de larves de molitors (autrement
appelés « ténébrions lO et « vers de
farine • l dans sa ferme d 'insectes de
Dole, baptisée « Fermilière • .
Mais si manger des insectes est éco-
responsable et sans danger pour la
planète , est-ce vraiment bon pour la
santé ? Se saisissant de la question,
l'Agence nationale de sécurité sani-
taire a rendu un avis circonsp ect en
avril 2015. En commençant p ar une
utile mise en garde : les insectes pro-
voquent les mêmes allergies que les
crustacés, mollusques, araignées, aca-
riens ... du fait qu 'ils contiennent de
la chitine. Plus généralement, l'Agen-
cc s'inquiète du manque d 'encadre-
ment d e la filière . Elle recommande
de commencer par établir une liste
officielle des insectes consommables,
mais a ussi d'édicter des normes sur
leurs conditions d 'élevage et d e pro-
d u ction. Pour finir, e lle soulève la
« question du bien-être animal (... ),
peu explorée chez les invertébrés » .
De fait, les grillons et ténébrions que
Micronutris, une fe rme d 'é levage
dans la banlieue de Toulouse, affirme
soigner aux petits oignons « jusqu'à
ma turité, à la onzième semaine » ,
sont ensuite mis à la diète et
ébouillantés avant d'ê tre séch és.
A l'heure où la Suisse vient d 'inte r-
dire cette p ratique sur les homards,
qui s'élèvera contre la déchirante stri-
dulation du grillon ou le cri du ver de
farine soumis à ébullition ? •
IN VITRO (vraie) viande est sur le gril. Elle est Brin, cofondateur de Google, Bill
accusée de polluer la planète, en gé- Gales, fondateur de Microsoft, Ri-
nérant 14,5% des émissions de gaz à chard BrdllSon. patron de Virgm, Jack
Un effet bœuf effet de serre, selon le dernier rapport Welch, anc1en pedege de General
de l'Organisation des Nations unies Electnc, et le geant américain de
«Ce n 'est pas un substitut. C'est de pour l'alimentation et l'agriculture. Et l'agroahment;me Cargill sont entrés
la viande comme on la connaît, elle de nous rendre malades, depuis que au capital de Memphis Meats. Cette
a juste été produite en dehors d'une Je Centre international de recherche start-up Cdliformenne s'est mis en
vache», expliquait sans rire, en avril sur le cancer a classé, en 2015, la tête de prodmre de la VJande de syn-
2016, Mark Post, de l'université de viande rouge conune « probablement thèse et de Id vendre au même prix
Maastricht, aux Pays-Bas. cancérogène pour l'homme)). A ce que la vraie, dès 2021. Et pas seule-
C'est à ce professeur en physiologie rythme, le steak in vitro pourrait de- ment du bœuf, également du poulet
vasculaire et ingénierie des tissus que venir une solution alternative. et du candrd. Avec, pour empêcher
l'on doit une joyeuse invention culi- Certains investisseurs y ont Oairé un la prolifératiOn microbienne, force
naire: le steak in vitro. En août 2013, marché juteux : celui de la viande antibiotiques et fongicides
Post a fabnqué le premier hambur- • propre • . Le 23 août dernier, Sergey Vivement demam 1 •
ger avec de la viande générée en
laboratoire. La recette : des cellules
souches de muscle de bœuf mises en
culture dans une boîte de Petri,
généralement utilisée pour la culture
de micro-organismes. qui, au bout
de trois semaines d'incubation, se
contractent pour former des fibres
musculaires Ne reste plus qu'à
les récolter pour en faire un
hamburger.

SYNTHÈSE. Comptez tout de même

20 000 fibres musculaires pour un
seul steak haché Afin de donner un
peu de consistance à cette barbaque
de labo, les chercheurs la saupoudre
de chapelure, y ajoutent du caramel
et du safran synthétique, pour le goût.
et, pour la couleur, du jus de bette-
rave Sinon, le tout aurait une teinte
grisâtre peu ragoûtante.
Un « frankenburger • que nous
n'avons aucune chance de voir un jour
dans nos assiettes 7 Pas si sûr. La

ISOGLUCOSE ne ur en fructose »). Il possède un emballés sur trois conbennent de l'ISo-

Diabète comme tout
Les chercheurs américains pensent
avorr trouvé le coupable. Si plus de
la moitié de la population est diabé-
tique ou prédiabétique, c'est à cause
du HFCS. Outre-Atlantique, l'indus-
tne agroalimentaire abuse de cet ad-
ditif: le high fructose corn syrup (en
françrus : « sirop de maïs à haute te-
pouvoir sucrant sans pareil. En outre,
l'isoglucose. comme on l'appelle aus-
si, sucre à bas coût les sodas, donne
de la tenue aux glaces, réduit le
temps de cuisson des gâteaux, ne des-
sèche pas les biscuits, retarde la sen-
sation de satiété. Que du bonheur 1
Mais, à peine avalée, cette petite
merveille augmente la résistance à
l'insuline et, donc, le risque de
diabète.
Chez l'Oncle Sam, oû deux aliments
glucose, on en consomme 28 kilos
par an. En France, nul ne le sait. Mais
4,6 % de la population souffre déjà
de diabète, dvec 400 nouveaux cas
chaque jour. Pour prévenn les dégâts,
l'OMS recommande de ne pas
consommer plus de 25 grammes d'Iso-
glucose par jour.
Encore faut-il pouvOir le repérer sur
l'étiquette, où l' dddilif se cache der-
rière les mentions « sucre inverti »
ou « sirop de mdJS » 1 •

lES DOSSIERS OU CANARD • 4 3

 JAMBON
Les nitrites s'en
paient une tranche
«C'est de la merde 1 Avec son tran-
chant légendarre Jean-Pierre Coffe
fut, en 1992, le premier à balancer
son porc à la télé. Proces e xped1llf,
en direct, d un Jambon en barquette,
dénoncé car « vr01ment dégueulas-
se » et condamné à la poubelle La
marque incrimmée propose alors
l'éqmvalent de 25 000 euros au
procureur du mauva1s goût pour
qu'il arrête 1lhco sa
contre-pubbclté. JI
refuse.
Depms, l'Organisa-
tion mondiale de la
santé lu i a donné
raison, inscrivant,
en octobre 2015, le
jambon au rang
des produits certai-
nement cancéro-
gènes (n iveau 1 ).
En cause, la temte
rose obtenue par
l 'adJonction de mtnte de sodium
(E250) et de rutrile de poldSSium
(E249), qu1fiXent la couleur ma1s se
dégradent en mtrosamines, considé-
rées comme potenllellement actlves
Q
dans le déclenchement du cancer du
côlon.

GRIS. Dans le commerce, l'indicatlon

«Sans nitrates aJOutés» n'est même
J
44 • LES DOSSIERS OU CAIWIO
 -
pas une garantie. « Il faut être hon- Mais il en faut plus pour décou-
nête : on ne peut pas s'en passer to- rager le client. Pratique et propo-
talement, reconnaît un maître char- sée à un prix abordable, la char-
cutier. QUI pourrait arriver à vendre cuterie en barquette est la plus
un jambon gris -la couleur naturelle vendue e n France : elle est
de la viande de porc cuite ? » Les consommée, chaque semaine,
producteurs les moin s scrupuleux par 78 % des adultes et 76 % des
ont aussi la main lourde sur les po- enfants.
lyphosphates, qui retiennent l'eau Tout est bon dans le jambon, co-
et, donc, augmentent le poids du chon qui s'en dédit !
produit..

JUS D'ORANGE

Vitamlnable
Le JUS d'orange industriel, produit tuels produits dérivés de la finance, de ne pas dépasser un verre par jour.
censé, dans l'mconsoent collectif, être contrats à terme et tutti quanti. La na- Donner à un enfant du jus de fruits
tout ce qu'tl y a de plus naturel et sam, ture spéculative du secteur est si à volonté en pensant que c'est bon
est ravalé au rang des vulgarres sodas connue que Hollywood a produit au- pour sa santé abouüt à des apports
sucrés par les spéCialistes. tour de ce sujet une comédie à succès, caloriques très excessifs N, explique
Les industnels ont en effet, de longue sortie en 1983, « Un fauteuil pour le professeur Serge Hercberg, spé-
date, organisé une entourloupe au- deux,., de John Landis. cialiste français de la nutrition.
tour du JUS d'orange, par diverses ap- « Le jus a quand même un tout petit Quant à la vitamine C présente dans
pellations trompeuses. Le « 100 % peu plus d'avantages q ue les sodas, le jus d'orange, elle peut facilement
pur jus» peut contenir JUsqu'à 15 % car il apporte quelques vitamines. La être trouvée dans des légumes. Vite,
de sucres. Le prétendu « nectar » recommandation nutritionnelle est un haricot pressé 1
(concentré auquel est ajoutée de leau
en usine) est sucré Jusqu'à 20 %, tan-
dis que les « boissons à l'orange •
glissent dans la catégorie des cock-
tails induc;tnels, gavés de sucres, rem-
plis d'additifs ou d'autres mgrédients.
Autant dire qu'on est lom des recom-
mandations émanant des orgamsmes
de santé.

SPÉCUL..ATIYI!. Le fameux concentré

d'orange, bapbsé en anglais « frozen
concentraled orange juice » (FCOJ),
produit surtout aux Etats-Unis et au
Brésil, est d'ailleurs une matière
première dont les cours varient en
Bourse depuis 1966, avec les h a bi-

LES DOSSIER$ DU CANARD • <45

 KEBAB
Fat et phosphates
Les addillfs ch1miques à base de
phosphates vont être aulonsés dans
la vtande de k ebab vendue dans
l'Ornon européenne. Les 28 Etals
membres, dont la France ont donné
leur feu vert. Le lobbying allemand
a payé. Nos voisms germamques
inondent l'UE, ci commencer par la
France, de cônes de VtdOde congelee.
Les fabricants de kebabs ne veulent
46 • LES DOSSIERS DU CANARD
pas renoncer au phosphate. Cet ad-
ditif leur permet de structurer l'em-
pilement des morceaux, une fois
qu 'ils ont été décongelés. fl a aUSSI
l'avantage de retenir l'eau , or plus
il y a de flotte , moms il y a de vJande
pour le même prix au kilo.
NOCIVITÉ. Et tant p1s SI les SCienti-
fiques s'inquiètent de la noc1v1té
d 'une surconsommatiOn de phos-
phates. Des épidémJOIOglstes, qm
ont comparé pendant sept ans les ha-
bitudes alimentaues et l'état de santé
de près de 10 000 adultes américains,
les additifs phosphatés
sont interdits depuis
2008 dans les viandes
fraÎches, mais
l'agroalimentaire
en met partout ailleurs
ont montré qu'une alimentation trop
riche en phosphates augmentait le
risque de mourir prématurément
( « The American Journal of ClinicaJ
Nutrition », 8/15). Le phosphate de-
vient mauvais pour les os, les reins
elles artères quand il est consommé
à haule dose, c'est-à-dire au-delà de
1 400 milligrammes par JOUr. En Eu-
rop e, on en avalerait, en moyenne,
entre 1 000 et 2 000 milligrammes
par jour - deux fois plus que dans
les années 70.
Les additifs phosphatés sont mterdits
depuiS 2008 dans les viandes fraîches,
maiS 1agroalimentaiTe en met partout
ailleurs, et pas seulement dans les
kebabs. Hmt additifs phosphatés sont
aulonsés dans l'Union européenne :
pour acidifier les sodas, enrichir en
calnum IPs prodmts laitiers, stabiliser
certains laits concentrés, purées en
floco ns et chocolats en poudre, ou
comme sels de fo nte dans les fro-
mages à tartiner, QUI arborent ainsi
une texture plus homogène. De qum
phosphorer... •
KETCHUP
Tomato de sucre
le ketchup est un pur produit de la
world food, obéissant toujours à la
même recette :prenez des tomates
de provenances diverses, ajoutez-y
beaucoup, beaucoup de sucre (jus-
qu'à 25 %) et quelques épices. Mais,
attention, dans le ketchup, tout est
naturel, nous jurent les producteurs.
Impossible d'y trouver des cochon-
neries d'épaississants, comme la gom-
me xanthane, et encore moins
d'horribles colorants, car la tomate
donnerait à elle seule cette belle cou-
leur rouge à la plus célèbre des
sauces. Problème : le consommateur
doit se contenter des déclarations du
fabricant, et l'étiquetage est tellement
évasif que l'on ne sait pas vraiment
ce qu'il y a dedans.
Le ketchup le plus connu reste celui
de l'américain Heinz -vous savez, la
bouteille de forme octogonale ... C'est
le leader du secteur, avec plus de
630 millions de flacons fabriq ués
chaque année, smt 20 toutes les se-
condes. Heinz, créé à Pittsburgh, en
Pennsylvanie, se vante d'exister de-
puis 1876. Aujourd'hui, la société ap-
partient au milliardaire américain
Warren Buffett, 3• fortune mondiale.
Plus près de chez nous, Arno ra Maille,
filiale d'Unilever, en fabrique aussi.
On trouve toute une kyrielle de pro-
duits importés qui ont le même nom.
POUDRE- Le ketchup n 'est pas une
marque, c'est le nom d'une sauce, rap-
portée dans leurs bagages par des
marins anglais de retour de Chine, au
XVIIl• siècle. Le « ke-tsiap », cette
préparation piquante à base de sau-
mure de poisson, a été transformé par
les Américains, qui y ont ajouté du
vinaigre et du sucre. Rebaptisée (( cat-
sup » puis « ketchup » et additionnée
de purée de tomate, cette préparation
est devenue le tomato ketchup.
Premier mystère : où est fabriqué le
joli coulis ? Pas en France. Chez Arno-
ra Maille, la production du ketchup
a été délocalisée en Turquie et en Ré-
publique tch èque depuis 2008. Chez
Heinz, le tomato ketchup est usiné
aux Pays-Bas, dans la ville d'Elst. Un
centre de production mastodonte y
génère 95 % de la sauce Heinz ven-
due en Europe. D'autres usines de la
marque se trouvent en Asie-Paci-
fique , en Amérique du Nord et en
Amérique latine.
Deuxième mystère : que contient la
sauce rouge ? Ne vous fiez pas aux
belles tomates figurant sur les embal-
lages, les usines qui fabriquent du
ketchup ne reçoivent aucune tomate
fraîche . Elles font uniquement de la
transformation et travaillent avec du
concentré. Les matières de base sont
donc de la poudre et de l'eau. Avan-
tage pour le fabricant · cela permet
de produire de la sauce tout au long
de l'année, indépendamment du lieu
de culture des tomates.
Et la recette ? Un peu comme celle
du Coca-Cola, la composition origi-
nale du ketchup Heinz est un secret
bien gardé. Selon le groupe, seule-
ment sept ou huit personnes le
connaisst>nt. Des cuisiniers, en le goû-
tant, ont estimé qu'outre le vinaigre,
la tomate et le sucre la sauce conte-
nait un assaisonnement à base • •
LES DOSSIERS OU CANARD • 4 7
 • d'oignons, d'ail, de paprika, de
céleri, de cannelle, de piment de la
Jamaïque et de poivre, mais sans pou-
voir en préciser les proportions.
Aux Pays-Bas, les employés de Heinz
se contentent de diluer dans une cuve
des sacs de 1 000 litres de concentré
de tomate avec de l'eau du robinet.
Difficile, dans ces conditions, de me-
surer la teneur en tomates. La marque
prétend qu'une bouteille contient
148 grammes de tomate pour
100 grammes de tomate ketchup. Les
ouvriers versent ensuite des sacs
d'épices en poudre. Enfin, le sel, le
sucre, sous forme de sirop de maïs
(moins cher que le sucre de bette-
rave), et le vinaigre distillé complè-
tent la mixture. Heinz garantit une
fabrication sans conservateur, sans
colorant et sans épaississant ajoutés
lors de la préparation.
Mais qu'en est-il des barils de concen-
tré ? Heinz vérifie-t-illeur composi-
tion avant de s'en servir ? Dans son
livre cc L'empire de l'or rouge >>, le
journaliste Jean-Baptiste Malet dé-
nonce la présence d'additifs non si-
gnalés dans certains de ces barils en
provenance de Chine . dextrose, fibre
de soja, amidon, et du colorant rouge
lorsque la pâte est périmée !
Vient ensuite l'étape de la cuisson :
la préparation est chauffée à 85 oc
pendant cinq minutes. Cela assure la
viscosité du produit : le ketchup ne
Le ketchup
ne doit pas sortir
de la bouteille
à une
, .
vitesse
supeneure
à 0,045 Km/h !
doit pas sortir de la bouteille à une
vitesse supérieure à 0,045 km/h, élé-
ment dé du marketing Heinz. Encore
tiède, la sauce est mise en bouteilles,
en plastique mais aussi en verre, car
certains amateurs ne se résignent pas
à abandonner l'emballage de leur
enfance.
SOURCE. Troisième mystère, encore
plus épais que la sauce elle-même :
d'où viennent les tomates ? Ce sont
des tomates dites " d'industrie », is-
sues de variétés hybrides. Certaines
sont OGM, mais pas chez Heinz. Le
fabricant assure développer et éva-
luer chaque année de nouvelles va-
riétés de tomates et en utiliser déjà
plus de 60, toutes garanties sans
OGM. Sa filiale Heinz Seeds est
d'ailleurs le numéro 1 mondial des
semences de tomates d'industrie.
Celles-ct sont très sèches, ont la peau
dure et se cueillent facilement, car le
pédoncule cède d'une simple secous-
se. Chez Heinz, elles ne proviennent
jamais des potagers des clients, bien
que la marque propose d 'envoyer
chaque jour 100 sachets de graines
à des volontaires, avec le slogan :
« Cultivez vos tomates Heinz, nous
en ferons du ketchup. >>
Selon le fabricant, avare de préci-
sions, les tomates proviennent d' « un
peu partout dans Je monde et sont ré-
coltées entre la fin du mois de juillet
et la mi-septembre, période durant
laquelle elles arrivent à une maturité
optimale ». Dans un touchant aveu,
Heinz confesse sur son site Web avoir
des accords avec plus de 1 500 culti-
vateurs en Europe, qui produisent
646 000 tonnes de tomates.
Heinz, qui engloutit à lui seul plus
de 5 % de la production annuelle
mondiale de tomates d'industrie, uti-
lise aussi des tomates chinoises. La
sodété Cofco Tunhe, l'un des plus
importants producteurs de tomates
d'industrie de Chine, admet volon-
tiers que Heinz est l'un de ses plus
gros clients. " La transformation de
la tomate est une activité à faible mar-
ge, c'est pourquoi Heinz achète notre
concentré », explique un ancien di-
rigeant, général de l'armée chinoise.
Retour aux sources: le « ke-tsiap »
vient bien de Chine ! •

KNACKI plusieurs bambins mouraient en France par étouffe-

ment à cause de ce type d'aliments... Car le diamètre

Al'étouffée de la fameuse saucisse correspond exactement à

La saucisse tue. L'industrie charcutière a mis dix ans
à s'apercevoir du danger que représentent pour les
tout-petits les célèbres Knacki, vendues par Herta, lea-
der sur le marché des saucisses à pâte fine. Le 12 mai
2005, la Commission de la sécurité des consomma-
teurs (CSC} s'était fendue d'un avis "relatif aux risques
de suffocation ou d'asphyxie par inhalation ou ingestion
accidentelle de petits objets par des enfants "· La
esc rappelait le décès, en 1998, d'un bébé de 13 mois
qui avait avalé " une petite saucisse apéritive de type
Knacki Herta" et laissait entendre que, chaque année,
celUI de la trachée d'un jeune enfant. Et les colorants
de surface font coller la Knacki aux muqueuses.
En 2008, Herta, filiale du géant Nestlé, avait fini par
indiquer, en lettres minuscules sur l'emballage, à l'in-
tention des parents : " Recommandations pour les
plus jeunes : couper les saucisses Knacki en tout
petits morceaux... La firme s'est toutefois bien gardée
de déconseiller son produit aux moins de 3 ans...
L'initiative n'a pas été très efficace puisque, de l'aveu
même de Nestlé France, interrogé par« Le Canard "•
depuis 2008 quatre enfants sont morts par étouffement
avec des saucisses de type Knacki, tandis qu'un autre
souffre de séquelles neurologiques. •

48 • LES OOS$IER$ DU CANARD

LABELS
Pipeau d'or
c Approuvé par les familles •. c Elu
produit de l'année •. Les marques ri-
valisent d'imagination pour agrémen-
ter de distinctions l'emballage de
leurs produits Des lauriers qui res-
semblent trop souvent à des cou-
ronnes de fenouil, comme l'a montré
une enquête de la revue • Que choisir
mensuel • (12/17).
Prenez le label « Elu produit de l'an-
née », créé il y a trente et un ans, qui
distingue pas moins d'un lauréat par
catégorie: les 10 000 consommateurs
enrôlés dans le jury ne sont pas tenus
de goûter les produits candidats. Ils
font leur choix à partir de fiches de 2004, la société Monadia, qui possède
présentation agrémentées de photos. Saveurs de l'année », avait été
Son concurrent, • Saveurs de l'an- condamnée pour « publicité trompeu-
née •, prévoit bien une dégustation, se • et parasitisme commercial »
mais il est impossible de connaître le par la cour d'appel de Versailles par-
profil et le nombre de goüteurs, tout ce qu'elle utilisait le terme c label •.
comme la " note de satisfaction mi- Depuis la fâcheuse menuon a dispa-
nimale • nécessaire pour une quali- ru, cc qui n'empêche pas« Saveurs
fication. Quant au label Meilleur de l'année • de prospérer.
produit bio ... il compte une centaine
de récompensés par an, qui peuvent
concourir seuls dans leur catégorie ...
C'est plus simple comme ça. Mais
Une marque débourse
pourquoi se gêner ? A la différence 18 990 euros
des garanties de qualité officielles,
telles que le Label rouge ou l'lGP pour tamponner
(pour << Indication géographique pro-
tégée • ), aucune de ces estampilles
la mention magique
ne fait l'objet d'un contrôle par un or- "Elu produit
ganisme indépendant. En novembre
· de l'année"
sur son emballage.
Un bon business pour
les boites de corn'
Car cc business rapporte gros à la
poignée de boites de com' qui orga-
nisent lesdits concours. Comptez, par
exemple, 3 990 euros par produit pow-
participcr à" Elu produit de l'année •,
auxquels il faut ajouter 18 990 ew-os
pour avoir ensuite le droit de tampon-
ner l'appellation magique sur l'em-
ballage. La marque peut espérer gon-
fler ses ventes de 25 %. en moyenne,
en esbroufant ainsi le chaland. De la-
bel arnaque ! •
LES DOSSIERS OU CANARO • 49
 LACTALIS
Besnier au fromage
L'histoire du géant du lait Lactalis
ressemble à une success story, celle
de la famille Besnier. Le grand-père,
André, parti de rien, monte en 1933
sa fro magerie dans un petit local de
la rue d'Avesnières, à Laval. Son fils
Michel lui succède en 1955.
Côté pile, il est un patron paternaliste
qui cite à tout-va saint Vincent
de Paul : (( Le bruit ne lait pas de bien
et le bien ne fait pas de bruit. » Côté
face, il rachète des marques à un ryth-
me effréné, ce qui lui vaut le surnom
d'4< Ogre de Laval». Président, Lactel,
Roquefort Société, Bridel, Salakis sont
les marques les plus connues du
consommateur français. Lactalis de-
vient le premier groupe laitier au
monde.
CHÂTEAU. Présent dans 85 pays,
il emploie 75 000 salariés (dont
15 000 en France) et réalise un chiffre
d 'affaires de 17,3 milliards d'euros.
Emmanuel Besnier, le nouveau pa-
tron, serait la 8• fortune de France,
avec un bas de laine de 11,3 milliards
de dollars, selon le magazine
4< Forbes » . Il pointait « seulement »
à la 15• place, avec une fortune esti-
mée à 4,4 milliards d'euros en 2015.
Comme quoi ce n'est pas la crise pour
tout le monde ! L'homme est secret,
opaque. n n'y a que de très rares pho-
tos de lui. On peut l'apercevoir le ven-
dredi soir à l'aérodrome de Laval, siè-
ge du groupe, où son avion privé
vient le chercher. La semaine, il ha-
bite le château du Vallon, à En-
trammes, en Mayenne.
En 2016, lors de la crise du lait, il re-
fuse de dialoguer avec le ministre PS
de l'Agriculture, Stéphane Le Foll. Il
justifie ainsi son attitude : « Ma fa-
mille a grandi dans une culture de la
simplicité et de la discrétion, c'est un
peu la mentalité de notre région. lei,
en Mayenne, c'est le travail d'abord,
la parole après. »
na fallu que la réputation du groupe
soit gravement mise en danger pour
que le patron accorde la première in-
terview de sa vie au « JDD », le
14 janvier 1Le pédégé de Lactalis re-
connaît que, par deux fois, en août
et en novembre 2017, une bacté rie,
la salmonelle, a été retrouvée sur un
balai et sur un carrelage. Si Les auto-
rités n'ont pas été prévenues, c'est
((parce que nous n'avions toujours
pas d'éléments prouvant que nos pro-
duits étaient touchés >>, explique le
patron, qui précise qu'il n'était pas
tenu de communiquer aux autorités
les résultats de ces contrôles positifs.
Des plaintes ont été déposées. « Nous
collaborerons avec la justice en don-
nant tous les éléments qu'on nous de-
mandera», assure Besnier. Le tribu-
nal tranchera. En attendant, la mi-
nistre de la Santé, Agnès Buzyn, a
dit craindre de « déco uvrir d'autres
choses surprenantes chez Lactalis ».
Ambiance.
Si la méfiance est de mise, c'est que
Lactalis se croit au-dessus des lois.
En 2000, le groupe est condamné
pour fraude et publicité mensongère
pour avoir « mouillé » son lait, c'est-à-
dire ajouté de l'eau pour faire baisser
le taux de protéines et ainsi le payer
moins cher au producteur. Huit ans
plus tard, il est condamné pour la ven-
te de fromages périmés. Et, en mars
2015, Lactalis tombe pour entente illi-
cite sur les prix dans l'affaire dite « du
cartel du yaourt ».
REBONDISSEMENT. Le groupe fait
aussi tout pour ne pas publier ses
comptes. C'est illégal, mais Emma-
nuel Besnier s'en moque. Le prési-
dent de l'Observatoire des prix el des
marges a demandé a u tribunal de
commerce de Laval d'agir pour que
Les comptes lui soient communiqués.
Mais ce tribunal ne risque pas d'être
trop gênant: son vice-président est
un haut cadre de Lactalis 1En raison
du conflit d'intérêts, il a délocalisé la
demande au tribunal de commerce
de Rennes ... qui s'est déclaré incom-
pétent pour exiger Les comptes du

LACTOSÉRUM 6 000 euros. Le lactosérum en poudre est aussi devenu

un aliment de choix pour nounir le bétail.

Wheywhey! Utilisé à hautes doses par les sportifs sous fonne de

Difficile, à la vue de ce liquide jaunâtre tirant sur le
vert, d 'avoir envie d 'en boire comme du petit-lait.
Pourtant, le lactosérum, qui, au départ, n 'est rien
d 'autre qu'un rebut de la fabricat1on du fromage, a
gagné ses lettres de noblesse dans l'industrie agr<>-
alimentaire.
Les producteurs de lait pour enfants et les fabricants
de vitamines pour sportifs l'utilisent désonnais à qui
mieux mieux. Et pour cause, avec 10 litres de lait
consommés pour réaliser 1 kilo de fromage, il subs1ste
9 kilos de ce résidu vendu à un prix modique :
700 euros ta tonne, bien loin de celui du beurre, qui
s'est négocié, à l'époque de la pénurie, à plus de
complément alimentaire destiné à développer leurs
muscles et à diminuer leur masse graisseuse, le lac-
tosérum n'est pas inoffensif.
La très sérieuse Agence nationale de sécurité sanitaire
de l'alimentation, de l'environnement et du travail
(Anses) s'en est inquiétée dans un avis du mois de
novembre 2016. Le gendarme de la santé indique
avoir reçu 49 signalements d 'effets indésirables liés
à la consommation de ces protéines de lait en poudre,
que ies plus branchés appellent « whey "· Elles sont
désonnais déconseillées à ceux qui présentent des
risques cardia-vasculaires, souffrent de problèmes
rénaux ou ont un fo1e paresseux.
De quoi rendre soupe au lait ceux qui en ont biberonné
en toute confiance. •

50 ° LES DOSSIERS OU CANARD

groupe laitier mayennais. Alors. qui
doit s'en charger? On ne sait pas ...
Dernier rebondissement, mi-février,
le géant du lait a publié les comptes
de plusieurs dizaines de ses sociétés
au tribunal de commerce de Laval.
Enfin, pas tous les comptes : les
comptes consolidés du groupe de-
meurent inaccessibles. Commentaire
d'André Bonnard, secrétaire général
de la Fédération nationale des pro-
ducteurs de lait : << On a les comptes
sur un tout peUt bout du truc puisqu'il
y a 3 milliards de chiffre d'affaires dé-
clarés, sur les 17,3 milliards revendi-
qués sur le site de Lactalis. » La seule
fois où des chiffres globaux du groupe
sont apparus, c'est en 2011, lors de
LAPIN
Une chair
qu1• ne manque pas
de cachets
Si vous tombez malade, plutôt que
de vous précipiter dans une pharma-
de pour faire le plein d'antibiotiques.
mangez un lapin...
D'après l'Agence nationale du médi-
cament vétérinaire, la filière cunicole
engloutit 12 734 tonnes par an d'an-
la bataille pour le contrôle du groupe LAIT INFANTILE
italien Parmalat. C'était une exigence
de l'autorité boursière italienne.
En 2015,le chiffre d'affaires du géant Un goût à mère
de Laval atteignait 16,8 milliards d'eu-
ros. Pour un résultat opérationnel de Le lait pour bébés, c'est de la dyna-
1,17 milliard d'euros et un résultat mite commerciale, à manier avec la
net de 432 millions d'euros. Soit une plus grande précaution. Un marché
marge opérationnelle de 6 % et une de 600 millions d'euros par an sur le
marge nette de 2,5 %. Rien d'excep- milliard que génère l'ensemble de la
tionnel, mais les vaches sont toujours baby food!
plus grasses pour Emmanuel Besnier Toute forme de publidté pour le pro-
que pour les producteurs de lait, qui duit est interdite (sauf dans des pu-
travaillent à perte. blications spécialisées), mais rien
Pour couronner le tout, Besnier n'hé- n'empêche d'exploiter le nourrisson
site pas non plus à s'attaquer aux mé-en toute légalité. La jeune mère fran-
dias qui se montrent trop curieux à çaise est une cible vulnérable : elle
son goût. • allaite peu et, quand elle le fait, dans
sept cas sur dix, elle passe au biberon
avant les 12 semaines de son bébé.
Les proies idéales de ce commerce
longtemps captif s'échappent de plus
en plus sur Internet. .. où Amazon les
attend et prend une énorme part de
marché.
Nestlé et Danone développent à
grands frais des produits dits « inno-
vants » pour faire la différence (pro-
priétés organoleptiques. packaging,
option liquide, etc.).
Le 100 % écolo est un mirage. Le lait
bio de vache ne contient pas assez
de graisses polyinsaturées, de fer et
de vitamines pour les besoins d'un
enfant en bas âge ; par ailleurs, il est
trop riche en protéines et en phos-
phore. Quant aux laits végétaux, très
à la mode, ils peuvent être dangereux
-risques d'anémie et de défidences
neurologiques - et interdits par les
tibiotiques, soit 10% de ce que con- médecins dans la plupart des cas .. .
somme l'ensemble des élevages en De quoi revigorer les voix de la réac-
France. Entassés dans des hangars tion conservatrice qui rêvent d'impo-
industriels à 20 par mètre carré, les ser l'allaitement maternel jusqu'à
lapins croquent non pas des carottes 6 mois! •
mais des granulés industriels. Et ils
souffrent souvent d'infections intes-
tinales, qui sont aussitôt traitées à
coups d'antibios.
Une chance: les Français se conten-
tent d'environ 900 grammes par an
et par personne d'Oryctolagus cuni-
culus, le nom latin de l'animal . Un
ménage sur deux n'en achète jamais.
Par manque d'appétence pour les mé-
dicaments ? •
LfS DOSSIERS OU CANARD • 51
LOBBYS Un des grands combats de l' Ania presque, les élus concernés sont in-
consiste à torpiller le projet d'étique- vités à des colloques organisés par
tage de la valeur nutritionnelle des de grandes marques, comme Nestlé,
L'étoffe des réseaux aliments. Avec son code à cinq cou- Danone ou Ferrero. Avec, souvent,
leurs (de vert à rouge), le Nutri-Score, l'intervention d'économistes ou de
Qui a réglé la note, ce jour-là 1 Trois promu par Les pouvoirs publics, a tout chercheurs renommés en guise d'ap-
ans plus tard, la socialiste Catherine d'une bombe pour les fabricants et pât. Autant d'occasions de se forger
Lemorton ne le sait toujours pas. Ce les vendeurs de malbouffe. Heureu- une opinion en toute indépendance
18 novembre 2014, les beaux appar- sement, ces derniers peuvent comp- d'esprit...
tements de la questure de l'Assem- ter sur le soutien de parlementaires
blée nationale accueillent, à l'heure dévoués. Une enquête de « Cash In- SAUTERIES. Pour se détendre, il y a
du déJeuner, une dégustation de pro- vestigation », sur France 2, diffusée également les clubs parlementaires,
duits laitiers . Les députés ont été en septembre 2016, montrait le séna- des structures in formelles où poli-
conviés à ces agapes par deux de teur (LR) de la Haute-Saône Michel tiques et acteur5 économiques se ren-
leurs collègues, Dino Cinieri (Loire, Raison interrompant une interview contrent à l'occasion d'un cocktail ou
LR) et ~1ane-Lou Marcel (Aveyron, pour aller solliciter l'avis de l'Ania.
d 'un dîner. • Amis du cochon »,
alors PS). Sur l'invitation figurent éga- Et le même Raison d'en rajouter «Le • Communauté du bien manger ,. :
lement les noms des présidents de la lobbying, il ne faut pas le prendre auderrière ces noms évoquant nos ter-
Fédération nationale des coopératives sens péjoratif du terme, c'est de la roirs se cache un curieux mélange
laitières (FNCL) et de l'une des plus communication positive ... C'est à des genres. Prenez le Club de la table
grandes d'entre elles, Sodiaal Union. nous de nous faire notre propre opi- française. Cette association est admi-
Au menu de la rencontre, de beaux nion. ,, nistrée par deux dirigeants de l'agen-
fromages de nos terroirs. certes, mais ce Com'Publics. Spécialiste de ce gen-
surtout des discussions sur '' le prix ÉTIQUETAGE. Pour sensibiliser les re d'opérations, la boite de rel ations
du lait. les relaüons avec les distribu députés à une cause, tout est bon. publiques travaille, entre autres, pour
leurs et l'avenir de la filière .o. Le len Champagne ou chocolats à Noël, dé- la filière porcine et les producteurs
demam, chaque député reçoit un dos- jeuners au restaurant, places pour un d'œufs.
sier complet reprenant les positions spectacle ou un match de foot : les Pour endormir la méfiance des élus
et les demandes de la FNCL. Avec, cadeaux entretiennent l'amitié. Ceux réticents, ces sauteries reprennent
en prime, une question déjà écrite, d'une valeur supérieure à 150 euros les codes officiels. Organisées dans
prête à être posée au gouvernement ! doivent normalement être signalés les cantines préférées des députés,
,, C'était pas mal fait. Ils sont intelli au déontologue de l'Assemblée, mais voire dans l'enceinte même de l'As-
gents, ces gens-là», sourit Catherine beaucoup ont des trous de mémoire semblée, elles peuvent bénéfider du
Lemorton, ex-présidente de la com- au moment de faire la démarche. Les haut patronage d'un ministre. n ar-
rrusston des Affaires sociales de l'As- g roupes d'étude réunissant des élus rive également que les cartons d'in-
semblée intéressés par les questions agricoles vitation arborent le logo de la Répu-
ou alimentaires sont suivis de près, blique française. Mais il y a un
EMPLOIS. Battue aux législatives de et leurs membres particulièrement problème : une contribution finan-
juin 2017 en l laute-Garonne, cette choyés. < C'est la porte d'entrée au- cière est exigée de la part des entre-
pharmadenne a observé durant deux torisée pour tous les lobbys », note prises qui souhaitent intervenir aux
mandats l'action des lobbys de un député. Chaque semaine ou côtés des parlementaires ou des
l'agroalimentaire au Parlement. Ces hauts fonctionnaires. En 2016, ces
derniers y sont comme chez eux. abus répétés ont poussé Claude Bar-
Dans nombre de circonscriptions, ex- tolone e t Gérard Larcher, respecti-
ploitations agricoles et usines de vement président de l'Assemblée et
transformation fournissent des mil- président du Sénat, à demander un
liers d'emplOis A lui seul, le plus gros rapport sur le sujet a la Haute Auto-
lobby du secteur, l'Association natio- rité pour la transparence de la vie
nale des mdustries alimentaires publique (HATVP). Celle-ci a formu-
(Anla), représente plus de 10 000 en- lé dix recommandations ... dont la
treprises. Budget. 3,8 millions d'euros plupart sont restées lettre morte.
en 2015. De quoi employer des Parfois, le lobbying est moins subtil.
bataillons de juristes et de commu- En 2013, l'Assemblée envisageait, à
rucants, et fournir, clés en main, la suite du Sénat, de surtaxer l'huile
arguments et amendements aux de palme, accusée de favoriser l'obé-
parlementaires sité et la déforestation. Premier ex-
portateur mondial de cet ingrédient
des pâtes à tartiner, la Malaisie a fait
passer le message à Catherine Le-
morton : si la mesure était votée, pas
d'achat d'avions Airbus, dont les
usines sont situées dans sa circons-
cription de Haute-Garonne. L'ambas-
sadeur a même demandé à la rencon-
trer. Refus de Mme la Députée.
Finalement, le Premier ministre Jean-
Marc Ayrault annoncera lui-même
l'abandon de la« taxe NuteUa », lors
d'un voyage en Asie.
FISCALITÉ. En juin 2016, un rapport
rédigé par le député PS Razzy Ham-
madi et sa collègue LR Véronique
Louwagie propose de remettre à plat
la fiscalité des produits agroalimen-
taires. Les deux élus veulent suppri-
mer la taxe sur la fari ne et rééquili-
brer les taxes sur les différentes
huiles. En échange, ils préconisent
d'alourdir de près de 600 millions
d'euros la fiscalité sur les boissons
gazeuses sucrées. « Pour cette mis-
sion, nous avons rencontré tous les
indust riels du secteur, ou leurs re-
présentants, et la liste exhaustive
figure dans le rapport », explique
Razzy Hammadi. Pour aboutir à un
résultat en demi-teinte. Si les au-
teurs ont obtenu gain de cause pour
la farine, la<<taxe soda>> n'a pas été
renforcée. L'ex-député PS soupçon-
ne « une grande marque américaine
de boissons gazeuses » d'y avoir
contribué.
L'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Ma-
cron coïncide avec un - léger - ren-
fo rcement du contrôle des activités
de lobbying à l'Assemblée. Depuis le
début de 2018, les << représentants
d'intérêts » doivent impérativement
s'inscrire sur le répertoire tenu par la
HA TVP, avec la mention de leurs
clients. A ce jour, la liste comporte
près d'un millier de références. Votée
en août, la loi de moralisation de la
vie publique interdit aux collabora-
teurs parlementaires d'être rémunérés
parallèlement ... par des lobbys. Une
pratique d'agents infiltrés longtemps
tolérée. En 2005, la responsable des
relations institutionnelles de l'Ania
était en même temps l'assistante du
député-maire UMP de Saint-Tropez,
Jean-Michel Couve, rapportent Hé-
lène Constanty et Vincent Nouzille
dans « Députés sous influences - le
vrai pouvoir des lobbies à l'Assemblée
nationale » (Fayard, 2006).
GROUPE. Les députés LRM l'assu-
rent, ils ne mangent pas de ce pain-
là. Quatre d'entre eux, dont Matthieu
Orphelin et Aurore Bergé, ont
d'ailleurs décidé de rendre publics
leurs agendas et tous leurs rendez-
vous. L'arrivée à l'Assemblée de cette
nouvelle génération d'élus oblige cha-
cun à se repositionner. « On est en-
core en phase de test >), expliquait
un lobbyiste à « L'Express », fin dé-
cembre. Peu expérimentés, les Mar-
cheurs sont en revanche disciplinés
et bien encadrés, ce qui n'aide pas
les lobbys à placer leurs amende-
ments tout prêts.
Pourtant, certain s observateurs, lu-
cides ou cyniques, doutent d'une ré-
volution et d'un changement des
mentalités. lls pointent la répartition
des députés au sein des groupes
d'étude. Le groupe « vigne, vin et
œnologie » accueille près d'une cen-
taine d'élus, dont beaucoup de nou-
veaux venus, alors que celui consacré
à la « lutte contre les addictions >> en
compte ... un seul. Même les novices
ont le sens des priorités. •
LES DOSSIERS DU CANARD • 5~
 MCDONALD'S
Le burger
s'emburgeoise
ll est, dans l'île d'Oléron, un méduc-
tible VJllage qw se bat contre le géant
McDo ! Dolus-d'Oleron, en Charen-
te-Manbme, refuse, deputs plus d'un
an, l'implantation d'un fast-food Le
maire a créé sur le s1te une
« ZAD », • 7one d'ahmentation du-
rable ,., bapllsée • Mac Dol », soit le
« Mouvement pour une alimentation
citoyenne sur Dolus-d 'Oléron ». Il a
proposé, à la place, un proJet de res-
tauration durable en circuit court.
En septembre dernier, le tribunal ad-
ministratif a annulé le refus de permis
de construire et a enjoint à la mairie
de délivrer le document, sous peine
d'une astreinte de 300 euros par jour.
La municipalité a lancé une collecte
et pare l' astremte chaque jour... dans
l'attente d'une déciSion de la cour
d'appel de Bordeaux.
Les méducbbles sont désormais rni-
noritaues : la malbouffe est entrée en
force en France, 2 marché mondial
de l'ensetgne et 4 consommatrice de
burgers, avec 14 par an et par habi-
tant. En trente ans, 1 400 franchises
ont vu le Jour et servent près de 2 rniJ-
lions de repas par JOur. Le Mc Do e n
haut des Champs-Elysées est le plus
rentable du monde !
Ces dernières années, poussé par la
pression des assoClations ou contraint
54 • lES OOSSIERS OU CAHAAO
et auteur de « Vous êtes fous d'avaler
ça ! » (Flammarion, 2015), les indus-
triels du fast-food utilisent une viande
• préproccssée >>,dans laquelle on a
injecté des additifs, comme le phos-
phate ct le carbonate, qui retiennent
l'eau. Une VIande • 100 % muscle »
prise dans les morceaux les moins
nobles - collier, épaule, plat de côtes-,
comme pour tous les steaks hachés,
ct surtout assez grasse, environ 20 %
du poids total. Cela permet d'écono-
miser l'huile de cuisson ...
Le pain, lui, est toujours sucré : indis-
par des décisions judiciaires, McDo pensable pour qu'il puisse caraméli-
a fait de gros efforts pour corriger son ser un peu ct ne pas se gorger de sau-
image. Dès la sortie du film « Super ce, d it la rirmc. Et hop, un peu de
Size Me ,., en 2004 (12 kilos de sur- sucre ajouté !
poids pour Morgan Spurlock après Et puis il y a l'adjonction de silicone
un mois de nourriture exclusivement (E900) à l'huile des frites. Oui, comme
McDo), la société a décidé l'arrêt des dans les joints de votre salle de bains.
me nus (( Super Size », q ui propo- Cc n'est pas nocif, c'est légal et censé
saient 2litres de soda, 250 grammes améliorer la sécurité des (( équipiers »
de viande, llivre de frites ... (autrement dit, les salariés) :le chan-
Encore trop gras, trop salé, trop su-
cré ? Depuis plusieurs années, la frr·
me américaine jure qu'elle a changé ,
et elle dépense des sommes considé
ra bles pour le faire savoir. On trouve
désormais dans ses restaurants des
salades, des tomates cerises, des
fruits, des yaourts. On peut consom
mer presque équilibré en résistant à
toutes les tentations ... mais aucun
ado ne va au McDo pour sa grande
salade et son yaourt aux fruits.
Au banc des accusés, d 'abord, les nug-
gets (lire p. 60) et la viande. Pour Chris·
tophe Brusset, ingénieur dans l'indus·
trie agroalirnentaire pendant vingt ans
gement de viscosité dû au silicone
évite les projections d'huile, et donc
les risques de brûlure. L'intérêt est
avant tout économique, le silicone al-
longeant considérablement la durée
de vie de l'huile de friture ...
Avec la malbouffe arrivent aussi les
mauvaises habitudes : la standardi-
sation de plats non équilibrés et les
repas sans horaires. La nouvelle ha-
bitude de manger ou de grignoter à
toute heure est désormais installée,
et les McDrive y ont largement con-
tribué.
Pour conquérir de nouvelles parts de
marché, les établissements ont tenté
de monter en gamme. Les couleurs
criardes des restaurants laissent place
aux bois foncés et les hamburgers de-
viennent « premium » avec de la vian-
de charolaise, du fromage AOC et du
pain du boulanger. Les McCheese
au beaufort, au reblochon ou à la tom-
me de Savoie sont alléchants. Mais
. En calories,
. le burger végétarien
. ·dépasse.!le.Big Mac
MIEL
On n'enfume pas
que les ruches !
Le miel. nectar des dieux, a des vertus
quand il s'agit bien de miel et non
d'un mélange contenant des sucres,
de la mélasse ou du sirop de glucose.
Les analyses réalisées ces dernières
années attestent d'un enfumage gé-
néralisé. Quand on achète un pot de
miel, difficile de s'assurer que le pro-
duit est le bon. En 2014, des travaux
commandés par la revue« Que choi-
sir » ont montré que, sur 20 miels
d'entrée de gamme vendus dan s la
grande distribution, six avaient été
allongés avec du sirop de sucre.
L'année suivante, la Commission eu-
ropéenne annonçait que le tiers des
l'entreprise oublie de préciser que le
beaufort n e représente que 51 % du
fromage en question, le reblochon
8,5 % et la tomme ... 6 % .
Autre mutation bien dans l'air du
temps, surfer sur la vague végan e.
Ainsi est arrivé le Grand Veggie, pre-
mier burger végétarien de McDo. Et,
2 000 échantillons de miel européens
passés au crible n'était pas conforme
à la réglementation et que 14 %
contenaient du sucre ajouté. Les ré-
sultats divulgués la même année par
la Direction générale de la consom-
mation pour la France sont pires. Par-
mi 138 échantillons, 26 miels ont été
rallongés avec du sucre ! Qui veut
acheter du sucre au prix du miel ?
ÉTIQUETTE. Un miel analysé sur
quatre recelait une anomalie de com-
position, d 'origine ou de qualité par
rapport à ce q ui était annoncé sur
l'étiquette. Ainsi, un miel de six ans
d'âge était sur le marché. Hélas, le
miel ne se bonifie pas avec le temps,
contrairement au vin rouge, et la du-
rée limite d'utilisation optimale est
de dix-huit mois ...
Pourquoi tant de triche? La consom-
mation de miel en France est stable,
là, surprise : en calories, sel et glu-
cides, il dépasse le Big Mac !
Enfin - le plus chic -, le Signature.
Un hamburger gourmet, cher (près
de 14 euros le menu), pour capter la
clientèle qui ne l'est pas moins. Au-
cun segment de consommation ne
doit échapper à McDo.
aux alentours de 40 000 tonnes par
an (environ 600 grammes par an et
par personne), mais la production na-
tionale s'est écroulée, passant de
30 000 tonnes dans les années 90 à
9 000 tonnes en 2017. La raison de
ce recul est connue : les abeilles
« sont en survie. Leur taux de morta-
lité, qui était traditionnellement de
l'ordre de 5 à 7 %, est passé à 30 % »,
explique Henri Clément, porte-parole
de l'Union nationale de l'apiculture
fran çaise. Le miel français est rare, il
est donc assez cher, mais pas forcé-
ment de très bonne qualité, à cause
de la culture extensive.
Dérèglement climatique, utilisation
massive des n éonicotinoïdes, frelon
asiatique ... les causes répertoriées
comme susceptibles d'être respon-
sables de la surmortalité des abeilles
sont n ombreuses, très discutées et
pas toujou rs établies, mais le •
LfS DOSSIERS DU CANARD • 5
 • constat est sans appel : la pro-
duction française ne suffit plus, el
trois kilos sur quatre de rniel vendus
en France sont importés.
L'or jaune est devenu une matière pre-
mière qui se négocie en barils sur le
marché international, et le gros des
volumes vient d'Asie. Selon les stalls-
tiques de l'Organisation des Nations
unies pour l'alimentation et l'agricul-
ture (FAO), la production a baissé en
Amérique comme en Europe, cJiors
qu'en Asie elle a doublé. Avec
500 000 tonnes, la Chine est devenue,
en quinze ans. le premier producteur
mondial ... Pourtant, dans la région du
Sichuan des • hommes-abeilles , pol-
linisent à la main les vergers de pom-
miers, faute d'abeilles ...
Mais la Chine, comme d 'autres pays
asiatiques, a surtout la mauvaise ré-
putation d'être une grosse productri-
ce de miel trafiqué. « L'un des prin-
cipaux producteurs chinois est aussi
un fabricant de mélasse », insiste
Henri Clément. Selon lui, le miel chi-
i6 • lES DOSSIERS OU CMARO
nois a envahi la Fran ce, elles condi-
tionneurs, qui mettent le miel en pots
sans le prodmre, sont les passeurs.
L'entreprise Famille M1chaud- qui
conditionne près de 20 000 tonnes
de miel par an, notamment sous la
mdrque Lune de m1el -, c:;'msurge
contre cette lecture des fa1ts et ex-
plique que « les courllers chinois af-
fichent deux prix pour le miel. Et seul
le plus cher est garanti comme pas-
sant les contrôles de résonance ma-
gnétique nucléaire >> !
FRELATÉ. Selon eux, en France, c'est
sur les stands au bord des routes et
sur les étals des marchés que s'ecoule
le plus de miel frelaté. Et de cller une
étude du cabmet Prote1s, qu1 montre
que la moitié du rmel vendu en direct
en France provient des Importations
Trop souvent, des commerçants se
présentent comme des apiculteurs
du coin vendant leur propre produc-
tion, en fa il du miel de piètre quahté.
« Des revendeurs se font passer pour
des producteurs. Il y a des problèmes
sur les circuits de vente directe "·
confirme Victor Pereira, coordinateur
à la Confédération paysanne.
Pour ajouter à la complexité du pro-
blème, il faut savou que, si les api-
culteurs n'ont pas le droit de mettre
du sirop de sucre dans les pots, rien
ne les empéche d'en donner aux
abeilles m. comme certains ont la
main lourde, les abeilles le mélan-
gent avec le mt cl. .. et fabriquent
elles-mêmes un produit frelaté. Selon
Vincent Michaud, le pédégé de Fa-
mille Michaud, la moitié des miels
reçus des apiculte urs français au
printemps 2017 a été rejetée par son
labo à cause d'une adultération au
SlTOp
Enfin, les abeilles évoluent, en Fran-
ce, en Chine et ailleurs. dans un en-
vironnement pollué Les ruches fran-
çaises, qui vivent d'une agriculture
championne des pesticides ne sont
pas épargnées.
Encore une tartine ? •
MINERAl de hachée de bœuf premier prix. La-

Avis de déchets
Dans une vache, le boucher ou le tri-
pier ne récupèrent en vraie bidoche
que la moitié du poids de l 'animal.
L'autre est immangeable en l'état. Le
but du jeu est donc de fabriquer avec
les restes le maximum de sous-pro-
duits pour la gamelle des bovidés.
C'est ainsi qu'est né le « minerai »,
ou viande foraine : des déchets de dé-
coupe récupérés dans les abattoirs
que les industriels de l'agroalimen-
taires achètent dans toute l'Europe
sous forme de pains congelés, un mé-
lange de muscles et de tissus grais-
( quelle est fabriquée avec du muscle
seux désossés. Cette ragoûtante ma-
tière première est incorporée dans
des sau cisses ou des plats cuisinés,
mais aussi mélangée dans de la vian-
prélevé sur la partie avant des vaches
de réforme, de vieilles laitières lessi-
vées par huit ans de traite intensive.
Une portion de viande hachée peut
ainsi receler jusqu'à huit bêtes 1
La VSM, pour « viande séparée mé-
caniquement », est une mixture de
déchets de viande et de cartilages ré-
cupérés sur les os de carcasses de
dindes et de poules pondeuses grat-
tés à la machine puis broyés et chauf-
fés. Ce sous-produit pâteux sert à fa-
brique r les bouillons cubes, les
merguez industrielles et à farcir les
lasagnes mélangées à la viande de
bœuf.
Faut que ça saigne !

MOINEAUX leur cou est de de 2,5, contre 1,9 pour

leurs cousins champêtres.
Crise de bec lls souffrent aussi de carences en pro-
téines et sont donc plus petits uusqu' à
10 % de moins) et p lus ch étifs
On tien t peut-être la cause de la ra- (26 grammes, contre 28, en moyenne).
réfaction du moineau des villes. De- Enfin, ces poids plume voient leurs
puis 2009, l'oiseau figure sur la liste capacités de reproduction diminuer
des espèces en voie de disparition en (ils p ondent moins d 'œufs) et leurs
France .. . Selon les auteurs d'une étu- chances de survie s'affaiblir.
de publiée en 2015 dans la grand e Et p our les humains à la cervelle de
revue scientifique « Pl os One » , moineau?
la malbouffe, associée à la pollution
et au bruit, serait resp onsable de leur
déclin dans les zones urbaines. Une
équipe du CNRS de La Rochelle
a capturé, en Poitou-Charentes,
110 moineaux, la moitié nich ant en
ville, l'autre à la campagne, pour com-
parer leur état de santé. Diagnostic :
plutôt qu e de se fatiguer à traquer
pucerons et vers de terre ou à déni-
cher des graines, les moineaux cita-
dins n'ont qu'à se servir sur le bitume
ou sur les tables des bistrots.
Ainsi, à force de becqueter les miettes
de croissants, biscuits, pizzas, chips
et autres sandwichs laissées par les
humains, ils mangent, eux aussi, trop
gras, trop salé, trop sucré. Avec des
effets visibles sur leur silhouette et
leur santé. Les oiseaux des villes sont
plus grassouillets que les oiseaux des
champs. Le taux moyen de gras me-
suré par les chercheurs au niveau de

LES DOSSIERS DU CANARD • 57

 MUESLI

Pesti frutti
Ah, la belle invention du bon docteur
Bircher (1867-1939), ce diététic1en
suisse qui mil au point pour ses pd-
tient!. cette • petite purée » - traduc-
tion du suisse allemand müsli (Bir-
chermüs/i, de son nom complet). Il
s'était insprré de la recette d 'un vieux
Il
berger en pleine forme rencontré en
montagne ... Rien de plus sain : cé-
réales, graines, fruits secs, éventuel-
lement additionnés de fruits frdis,
dans du lait ou du yaourt. C'est le petit
déj éne1gélique, bien équilibré entre
fibres et vitamines, pour enfants et
adultes 1
Oui, mais à condition qu'il soit fdil
maison, avec la récolte du jdrdm,
dans un alpage reculé, ou qu il soit
certifié bio ... Car l'association Géné-
rations futures a donné un grdnd
coup de pted dans le muesli industriel
avec une enquête dévoilée en oc- 19 pour les pêches, 13 pour les raisins, cide exemplaire : Je glyphosate, pro-
tobre 2016 : sur 20 marques achetées 12 pour les abricots ... Quant aux cé- duit phare des herbicides, présent no-
en grandes surfaces, les 15 mueslis rédles, la quantité de ~ substances tamment dans le fameux Roundup de
conventionnels contiennent tous des dci.Jves agncoles » (chumques) em- Monsanto, dont la Commission euro-
pestictdes et pas qu'un peu. Tdlldis ployées a encore crû de 16 %entre péenne veut prolonger l'autorisation
que les cinq garantis bio n'en com- 2013 et 2014. Pire, le blé tendre et d'utilisation de cinq ans ... Dans une
portent pas (ouf 1). Sur les 15 mueslls l'orge, qui entrent dans la composi- enquête de septembre 2017, l'asso-
non bio, 141 molécules ont été iden- tion du muesli, épongent, avec le col- ciation a révélé que 53,3 % des ali-
tifiées (dont 70 en quantités mesu- za, les trois quarts des pestiCides dé- ments de grande consommation qu'el-
rables), parmi lesquelles 81 sus- versés ... Et il faut encore ajouter les le a testés contenaient des résidus de
pectées d'être des perturbateurs insectiCides et les fong1cides utilisés glyphosate. Sur huit marques de cé-
endocriniens ... Pas moins de 30 pes- après récolte lors du stockage dans réales du petit déjeuner testées, sept
ticides étaient présents dans tow, les les silos ou conteneurs. en contenaient... dont six marques
échantillons, dont le pyriméthanil, un de mues li, du G ranola de Jordans au
fongicide utilisé dans la viticulture LMA. Réponse du Syndicat français muesli Alpen Swiss Style !
et classé cancérogène par l'agence des céréales du petit déjeuner à cette ConcluSion : hors le muesli bio, pas
américaine EPA. enquête-choc : tout est légal ! Les de salut. •
qudntttés relevées sont mféneures
CONFORMITÉ. Statistique moyenne : dux limites maximales de résidus
9,4 pesticides par marque non bio, (LMR) autorisées.. Soultgnons que,
avec un minimum de 6 et un pic ci pour certains prodmts alimentaires
14 pour le Fruits el Fibres d' Auch<.Ul ... transformés, le législdleur n'a pas fixé
Autrement dit, 0,177 milligramme le de LMR ! Et le Synd1cat des céréales
kilo par paquet de non-bio, soit de s'abriter derrière l' Autonté euro-
345 fois la concentration maximdlt> péenne de sécunté des a liments
admissible de pesticides dans l'edu (Efsa), qui estime le taux de confor-
potable ' C'est que les pesticides sont mité des produits alunenta1res à 98 %
utilisés massivement dans la culture L'association Générations futures s· est
des fruits, avec 35 déversements en ldncée depms dans une nouvelle ba-
moyenne pdr an pour les pommes, taille du muesli, en ciblant un pesti-

58 ' LES DOSSIERS OU CANARD

NANOPARTICULES
Jeux de nains•••
Depuis la fin de 2017, les chewing-
gums Malabar ne contiennent plus
de dioxyde de titane. n était temps.
Cela fait plus de dix ans que les scien-
tifiques s'inquiètent des effets sur la
santé de l'E171. Constitué en partie
de nanoparticules, le dioxyde de tita-
ne est utilisé à gogo par l'industrie
agroalimentaire pour faire briller les
bonbons ou les chewing-gurns, blan-
chir la sauce vinaigrette industrielle
et le fourrage à la vanille de certains
biscuits, allonger la durée de vie des
tablettes de chocolat, stabiliser la cou-
leur des saucisses industrielles, ren-
forcer l'onctuosité de la mayonnaise,
éradiquer les grumeaux, renforcer les
arômes de certains plats cuisinés tels
que les blanquettes de veau ou les ra-
violis en conserve, ou comme antiag-
glomérant dans le sucre, le sel ou le
riz. Aussi utile qu'un couteau suisse 1
ce à sa taille lilliputienne, l'E171 tra-
versait la paroi intestinale pour ga-
gner, via le sang, le foie, les poumons
et le cerveau. Peu de temps après la
publication de celte étude, l'Agence
nationale de sécurité sanitaire de l'ah-
mentation confirmait que l'additif ah-
mentaire E171 favorisait le cancer.
Sommes-nous faits comme des rats?
Le paradoxe est que les nanoparti-
cules sont prometteuses d'un pomt
de vue médicaL car elles rendent plus
efficaces certains médicaments. Mais
les industriels de l'agroalimentdlfe
en ont mis dans nos assiettes sans se
préoccuper de leurs possibles effets
délétères.
Depuis décembre 2014, les ingré-
dients constitués de nanoparticules
doivent être signalés. Un règlement
européen sur lequel s'assoient de
nombreux industriels. L'année der-
mère, la Répression des fraudes a
analysé 19 produits et a découvert
que 16 d'entre eux contenaient des
nanoparticules sans que leur présen-
ce hgure sur l'étiquette.
A force de lobbying auprès de
Bruxelles, le lobby de l'agroalimen-
taire a obtenu que les nanoparticules
de plus de 100 millionièmes de mil-
limètre ne soient pas considérées
comme telles, ce qui exclut un grand
nombre de substances, alors que les
toxicologues préconisaient de retenir
une taille trois fois plus importante.
Le principe de précaution, mais au
format très réduit? •

PARADOXE. Les nanoparticules sont

ces substances 30 000 fois plus petites
qu'un cheveu qui pourraient se révé-
ler toxiques, une fois ingérées. Pen-
dant cent jours, des chercheurs de
l'Institut national de la recherche
agronomique ont nourri des rats avec
du dioxyde de titane. Résultat : 40 %
des pauvres bêtes ont développé des
lésions précancéreuses du côlon et
des troubles du système immunitaire.
Publiée l'an demi er dans « Scientific
Reports », l'étude a montré que, grâ-

LES DOSSIERS OU CANARD • 59

 NUGGETS
la recherche médicale, de l'équipe
Eau là là! de recherche en épidémiologie nu-
tritionnelle de l'université Paris-XIII
Les aliments transformés, comme les et de l'Institut national de la re-
nuggets de poulet, sont cancéro- cherche agronomique se sont rendu
gènes. C'est la riante conclusion compte que le fait d 'augmenter de
d'une étude publiée en février dans · 10 % la proportion d'aliments trans-
le très sérieux « British Medical Jour- tonnés dans l'assiette faisait grimper
nal ». En suivant 105 000 personnes de 12 %, en moyenne, le risque de
pendant cinq ans, les scientifiques développer un cancer.
de l'Institut national de la santé et de Embêtant pour McDonald's, dont les

NÉONICOTINOÏDES péenne de sécurité des aliments a officielle-

ment admis que ces pesticides présentaient

Les abeilles un risque de mortalité élevé, non seulement

pour les abeilles butineuses, mais aussi pour
leurs cousines sauvages et même pour les
ont le bourdon bourdons. •

Dans une étude publiée par la revue« Sc1ence »

en 2017, les trois quarts des 198 échantillons
de miel analysés par cinq chercheurs conte-
naient des néonicotinoides.
Ces insecticides, commercialisés notamment

•
par Bayer et Syngenta, deux géants de la chi-
mie, ont été créés dans les années 90. Dérivés
de la nicotine, ils enrobent les semences et
diffusent leurs effets contre les insectes rava-
geurs, pendant toute la durée de vie des végé-
taux traités. Ces pesticides demière génération
représentent un marché mondial évalué à plus
de 2 milliards d'euros par an, sur lequel les
industriels n'ont pas envie de tirer un trait.
Petit hic, les néonicotinoides perturbent le sys-
tème nerveux des abeilles qui butinent les
plantes traitées avec ce type de pesticides.
Hasard ou coïncidence, la mortalité de ces
insectes est en hausse sensible depuis plusieurs
années et la production de miel a connu un
creux historique en 2016. Cette année4à, les
ruches françaises en ont foumi 9 000 tonnes,
ce qui est bien peu, comparé aux 30 000 tonnes
obtenues au milieu des années 90.
A la fin du mois de février, l'Autorité euro-

60 • LES DOSSIERS DU CANARD

nuggets sont l'un des produits ve-
dettes. Ce bijou nutritionnel, fabriqué
à partir d'un mélange de chair et de
peau marinées avec un zeste de
sucre, est une poule aux œ ufs d'or.
La marge sur les croquettes panées
est bien plus juteuse que sur un
Big Mac, car un poulet coûte moins
cher à élever qu'un bœuf et on peut
en lester d'eau la chair ... jusqu'à
50 % 1Ainsi que l'autorise le (( Code
des bonnes pratiques des produits à
base de dinde, dindonneau et autres
volailles » (sic), rédigé par les profes-
sionnels du secteur... et validé par la
Répression des fraudes 1
Tous les fabricants de nuggets ajou-
tent sans complexe à leurs filets de
volaille entre 25 et 30% d 'eau, ainsi
que des polyphosphates, pour retenir
la flotte lors de la cuisson. En clair,
ça trempe énormément.

NUTELLA

Y a pas à tartiner
La pâte à tartiner au cacao, aux noi-
settes et à l'huile de palme avec 50 %
de sucres, dont la France est le pre-
mier consommateur au monde, a eu
droit à une belle campagne de pro-
motion, en janvier.
Le rabais de 70 % proposé sur ses
pots de 950 grammes a provoqué une
émeute dans les magasins Intermar-
ché. Pour se refaire une virginité ali-
mentaire, Ferrero, le producteur de
Nutella, s'est désolidarisé de l' en-
seigne. Laquelle a vu sa part de mar-
ché augmenter de 0,6 point après
l'événement. Une progression colos-
sale alors que les concurrents s'étri-
pent pour des dixièmes de point. ..
Et la menace d'une amende de
375 000 euros brandie par la DGC-
CRF, qui soupçonne lntermarché
d'avoir vendu à perte, est dérisoire Indonésie. Emulsüiant à faible coût, le député LRM François-Michel Lam-
par rapport aux gains réalisés. elle est très prisée par l'industrie bert assure vouloir continuer le com-
agroalimentaire. bat. Bel élan d'optimisme pour l'élu
AMENDEMENT. Depuis, Ferrero a Quelques parlementaires, à l'Assem- des Bouches-du-Rhône, qui se veut
lancé une nouvelle campagne pour blée nationale comme au Sénat, ont plus fort que le lobbying de Ferrero
vanter la qualité de son produit ve- voulu limiter l'engouement pour cet- et ses 10 milliards d 'euros de chiffre
dette : « On ne va pas tourner autour te matière grasse et ont proposé de d 'affaires.
du pot ». Pour convaincre, la promo la taxer plus fortement. A trois Un autre facteur est à prendre en
met en scène des salariés de l'usine reprises, en 2012, en 2014 et en 2016, compte: les achats d 'Airbus par
de Villers-Ecalles, près de Rouen, ils ont échoué dans leur projet visant Singapour et la Malaisie, qui ont
qui défendent la très décriée huile à aligner la taxation de l'huile de pal- pour effet d'adoucir la position fran-
de palme, laquelle constitue 20 % me sur celle de l'huile d'olive, ce qui çaise sur l'huile de palme. Et de tem-
de la pâte chocolatée. Outre le dan- revenait à multiplier par trois le pérer sa virulence à lutter contre
ger que l'huile représente pour la prélèvement fiscal pour atteindre l'obésité et les autres conséquences
santé humaine, elle est responsable 300 euros la tonne. d'une consommation immodérée de
de la déforestation en Malaisie et en Bien décidé à ne pas lâcher l'affaire, Nutella. •

LES DOSSIERS DU CANARD • 61

 ŒUFS
Au plat
ou embrouillés ?
Les producteurs d'œufs avaient trou-
vé un JOli slogan pour vanter les mé-
ntes de leurs poules pondeuses :
« T'as de beaux œufs, tu sais ' » Las,
la découverte de lots entiers conta-
minés au fipronil, un msectiode des-
tiné à éradiquer les poux, a un peu
refrOidi l'amour des Français pour les
produits de la basse-cour ..
Informée début JUin 2017 par un ex-
ploitant, la Belgique a alerté la Com-
nnssion européenne par l'intermé-
diaire du Rap1d Alert System for Food
and Feed (RASFF) dès le 20 juillet.
Dix jours plus tard, les Pays-Bas, l'un
des plus gros exportateurs d'œufs au
monde, annoncent avoir détecté du
fipronil dans des millions de coquilles.
Mais, en France, les pouvoirs publlcs
ont eu tendance à confondre infor-
mation et caquètements.
D a fallu que les organisations de dé-
fense des consommateurs hurlent, au
,
62 • LES DOSSIERS DU CANARD
cœur de l'été, pour que le ministère
de l'Agriculture admette, le 7 août,
que l'industrie agroalimentaire fran-
çaise était touchée. C'est que la filière
des œufs génère 15 000 emplois
directs et indirects. Les poules fran-
çaises restent en tête du classement
européen, avec 14,3 milliards d'œufs
pondus en 2016, en augmentation de
1 %. Devant l'Italie, l'Allemagne et
l'Espagne. Cocorico ?
« Deux œufs apportent l'équivalent
d'un steak de 100 grammes, soit 40 %
des protéines animales de la journée
OR BLANC
Crack boum!
L'affaire Lactalis a levé le voile sur
l'une des activités les plus lucratives
de l'industrie laitière :le « cracking »
du lait. S1 les industriels du secteur
ont besoin de tours de séchage com-
me celles du site de Craon, contaminé
par la salmonelle, c'est parce qu'elles
leur permettent de fabriquer des pro-
duits laitiers « secs » , tels que la
poudre de lait et le lait maternisé, et
de multiplier amsi les débouchés.
A l'mstar des raffineurs, les grands
groupes lrutiers se sont mis à décliner
à tout-va leur matière première pour
la vendre en pièces détachées. C'est
une spécialité française L'un des
champions mondiaux est une PME
du Pas-de-Calrus, lngredia, filiale du
groupe Prospérité fermière. « La mis-
sion principale d 'lngredia est de valo-
et 20% des protéines totales», affir-
me le Comité national pour la promo-
tion de l'œuf (CNPO) sur son site In-
ternet. Sans compter leur « apport en
vitamines, en sels minéraux et en oli-
go-éléments ». Et tout cela pour un
prix bien plus modique que celui de
la viande, cela va sans dire ... Ils en
ont sous la coquille, les marchands
d'œufs!
Pour l'industrie agroalimentaire,
l'œuf se révèle moins attractif. C'est
l'ingrédient de base de la malbouffe,
une matière première bon marcbé,
rlser au mieux l 'ensemble du lait des
adhérents de la coopérative, essen-
tiellement à travers son fractionne -
ment », peut-on lire sur le site Internet
du groupe.
JOUVENCE. Fractionné, le lait fournit
une kyrielle de sous-produits source
de profits élevés, comme les protéines
laitières, dont sont friands les fabri-
cants de compléments alimentaires,
de colle ou de peinture et les firmes
pharmaceutiques. mais aussi les in-
dustriels de l'alimentation. La caséine,
par exemple, est vendue en poudre
au monde viticole, qui l'utilise pour
clarifier son vin et le rendre plus lim-
pide. Délayée dans le rosé, elle ralen-
tit son oxydation et, par là même, son
vieillissement ; dans le blanc, elle pré-
vient le jaUTlissement Même cure de
jouvence pour le jambon, les saucisses
et le saucisson, qui voient ainsi leur
date de péremption repoussée. Incor-
porée aux pizzas industrielles, cette
au même titre que le minerai de vian-
de. Livrés sous fo rme d' « ovopro-
duits », des tonnes de jaunes et de
blancs d'œufs cassés puis congelés
ou réduits à l'état de poudre entrent
dans la fabrication de pizzas surge-
lées ou de pâtisseries industrielles.
Présentés sous forme de barres fa-
ciles à couper, ces« berlingots», com-
posés d'œufs entiers, atterrissent
dans les cantines. Pas de quoi rassu-
re r les pare nts !
L'ONG Foodwatcb, qui s'est intéres-
sée à la contamination des œufs au
fipronil et à l'amitraze, un autre in-
secticide, a demandé, le 29 août 2017,
à la Direction générale de l'alimen-
tation de fournir des informations pré-
cises sur les contrôles menés par les
producteurs d'œufs. Réponse, le
30 septembre: «Le détail de tous les
autocontrôles effectués par les pro-
fessionnels se heurte au domaine du
secret industriel et commercial (sic). »
Pour en savoir plus, l'association de
consommateurs doit saisir la Com-
mission d'accès aux documents ad-
ministraWs ! De vraies poules
mouillées, ces fonctionnaires ... •
protéine laitière donne des fromages
plus fondants et dépourvus d'amer-
tume. Même les fabricants de café
déshydraté s'en servent, afin d'obtenir
une mousse immaculée au sortir des
distributeurs automatiques. Autre « in-
grédient fonctionnel » issu du crac-
king laitier, les protéines sériques.
Leur pouvoir émulsifiant séduit les fa-
bricants de crèmes glacées, de po-
tages, de mousses salées ou sucrées ;
leur effet gélifiant intéresse les fabri-
cants de confiseries ; et elles sont uti-
lisées pour re ndre plus moelleux les
croissants industriels. Une fois débi-
tées, ces protéines de lait génèrent
des peptides, prisés des labos en rai-
son de leurs propriétés anli-stress.
Cette partie liquide du lait caillé ad-
le lait fournit des
sous-produits dont sont
friands les fabricants
de colle ou de peinture
OGM
Des nouveaux
très sans gène•..
Depuis plus de dix ans, industriels,
semenciers et instituts de recherche
bricolent en toute discrétion, dans les
labos, de nouveaux procédés de mo-
dification génétique dont le nom de
guerre est« NPBT » (new plant bree-
ding technics).
Tl existe huit nouvelles techmques
d'amélioration des plantes, aux ap-
pellations barbares: nucléase à doigt
de zmc, TALENs, CR1SPR -Cas9 ...
Leur mission : provoquer des muta-
tions ciblées, préoses, chirurgicales
dans le génome d'une plante pour
qu'elle soit plus forte et offre un
meilleur rendement ou supporte
mieux la sécheresse, voire résiste à
un parasite ...
ditionnée aux aliments pour bétail et
aux produits de régime, dont la Fran-
ce est le premier exportateur mondial,
est de cent à mille fois plus rentable
que les sous-produits classiques, com-
me le beurre, la poudre de lait écrémé
ou même le lactosérum,
A e n croire Christian Couilleau, le di-
recteur général de Laïta, géant laitier
du Grand Ouest, avec 1,5 milliard de
BIDOUILLAGES. Des techniques qua-
si indétectables : il est presque im-
possible de voir une différence avec
une plante qui n'a pas été trafiquée.
Et, donc, de connaître l'impact envi-
ronnemental et sanitaire de ces mo-
dilications génétiques. Rassurant. ..
Mais, pour l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques, qui s'est emparé
de cette question en avril 2017, il faut
(( encourager le développement de
la recherche sur la modification ciblée
du génome », car cela va permettre
d'« améliorer la compétitivité des en-
treprises françaises».
La FNSEA (syndicat professionnel
majoritaire dans la professiOn agricole
en France), le Groupement national
mterprofessionnel des semences ou
encore l'Union française des semen-
ciers applaudissent ces nouveaux
OGM non concernés par la réglemen-
tation. Une modification génétique
des textes ? •
litres collectés chaque année pour
1,2 milliard de chiffre d'a[faires,
« l'avenir passe par le cracking du
lait. Les entreprises laitières qui ga-
gneront sont celles qui seront ca-
pables d'optimiser tous les compo-
sants de leur lait, c'est-à-dire
d'exploiter Je maximum de fractions
issues de ce fantastique produit ali-
mentaire ». Craquant, non? •
lES DOSSIERS DU CAHtloRD • 63
PAIN DEMIE
La mie qui nous
veut du mal
Cent pour cen t des pains de mie
vendus en supermarchés sont des
« AUT ». Comprendre : des « ali-
ments ultra-transfo rmés ». Eh oui 1
malgré sa mine inoffensive, le pain
de mie est un produit reconstitué ...
Son côté moelleux ? Il est obtenu
par un assaisonnement à l'huile de
colza ou de tournesol, ce qUI fait
grimper son taux de graisses jusqu'à
10 grammes pour 100 grammes, soit
quatre fois plus que celui d'une ba-
guette . Sa saveur un rien sucrée ?
Elle est fournie par de l'extrait de
betterave. Sa blancheur immaculée ?
Elle provient d'une farine ultra-raf-
finée, appauvrie en vitamines, en mi-
néraux et en fibres h abituellement
présents dans le pain.
INVENTION. Quant à sa longévité
é tonnante -jusqu'à trois mois au
frigo -, elle est due à un ajout de
conservateurs soupçonnés, pour cer-
tains, de favoriser le cancer coloree-
tai chez la souris .. Au total, le pain
de mie , enrichi en sucres et en ma-
tières grasses, peut contenir jusqu'à
18 additifs. Ce qui n ' empêche pas
cette merveilleuse invention venue
des Etats-Unis de grignoter des parts
de marché à la baguette. Pour le plus
grand bonheur des deux géants du
secteur : Harry's, propriété de l'ita-
lien Barilla, leader mondial des pâtes,
et J acquet, qui appartient au français
Limagrain, numéro 4 mondial des
semences.
En quinze ans, la quantité de pain
de mie consommée en France a dou-
blé. Et 60 % des sandwichs vendus
sont désormais proposés en version
pain de mie, le p lus souvent sous
vide. A la mie, à la mort ?

PÂTES grédient principal du produit, est trai- que les variétés traditionnelles. Pour
té massivement aux insecticides. remplacer le gluten, ingrédient qui
Un peu D'après le ministère d e l'Agriculture, donne élasticité et tenue aux pâtes,
la céréale est dans le top 10 des cul- les fabricants incorporent des additifs
casse-nouilles tures ayant le plus recours aux pro- dont on se passera1t bien. Comme
duits phytosanitaires avec, en moyen- des émulsifiants extraits de graisses
On vous le martèle sur tous les tons : ne, 5,5 « traitements • par an. végétales.
les pâtes, c'est bon pour la santé. Très L'important, c'est que le client soit
énergébques grâce à leur forte teneur SILOS. Ce n 'est pas tout : une fois ré- bonne pâte!
en sucres lents, elles sont appréciées colté, le blé est stocké dans des silos
des sportifs avant une compétition. traités, notamment contre les cham-
Une bonne image qui soutient la pignons. Pas étonnant, donc, que l'on
consommation : 12 kilos par an et découvre quelques résidus chimiques
par habttant. Ce qui nous place au dans les nouilles, notamment du gly-
4e rang mondial derrière les Italiens phosate. Un pestidde dont il est main-
(26 kilos), les Tunisiens (16 kilos) et tenant prouvé qu'il est can cérogène.
les Grecs (13 kilos). Pourtant. l'offre de pâtes continue de
Même SI leur fabncation est très ré- grossir dans les rayons La dernière
glementée en Europe (aucun colorant trouvaille des industriels pour aug-
artific1el n 'est toléré), ce n'est un se- menter leurs marges : les pâtes sans
cret pour personne, le blé dur, in- gluten, vendues deux fois plus cher
PERnJRBATEURS
ENDOCRINIENS
Accusés de causer malformations gé-
nitales, troubles hormonaux, cancers
du sein et de la prostate chez des mil-
lions de citoyens, cachés, sournois,
omniprésents dans la vie quotidienne,
les perturbateurs endocriniens susci-
tent une terreur collective. Et pour-
tant la Commission européenne
prend son temps pour les définir clai-
rement.
Ce n'est que le 13 décembre 2017-
après dix-huit mois d'enlisement et
avec plus de quatre ans de retard sur
le calendrier, établi ... dès 2009- que
les Etats membres de l'UE se sont mis
d'accord, à la majorité qualifiée, sur
des (( critères d'identification » per-
mettant de retirer du marché les per-
turbateurs les plus dangereux. Un
précédent texte avait été retoqué en
octobre 2017 par le Parlement euro-
péen, qui l'avait jugé inoffensü à for-
ce de précautions imposées par les
géants allemands et britanniques de
l'agrochimie ...
PHTALATES
Prise de tétine
Les dérivés de l'acide phtalique ne
s'écrivent qu'au pluriel et en abrévia-
tions de trois ou quatre lettres : BBP,
DEHP, DBP, DINP, DIDP, DNOP,
DEP, DMEP, DnPP, DiPP ... Indéchü-
frables sur les étiquettes (la ré·
glementation qui encadre leur
usage impose désormais de les
mentionner, mais pas de dé·
tailler leur composition), ces
substances plasWiantes, qui
donnent leur consistance
(souple, semi-rigide, rigide) à
la quasi-totalité des produits
en PVC (polychlorure de viny·
le), sont redoutables.
Pendant les Trente Glorieuses,
l'âge d'or de leur expansion, ils
Dès 2015, « Le Canard » avait expli-
qué par le menu la façon dont les lob-
bys du plastique et des pesticides
avaient remporté, à coups d'études,
de corn' et de pressions, la bataille
d'influence pour dissoudre les intérêts
de la santé publique dans ceux des
industriels. Avec une méthode effi-
cace : généraliser le doute sur la dan-
gerosité des substances incriminées.
COMMANDEMENT. Bruxelles a fini
par édicter laborieusemen t trois
« commandements » pour caractériser
leur toxicité. Mais impossible d'obte-
nir un classement clair des risques
cancérogènes que présentent ces sub-
stances, dénommées «perturbateurs
endocriniens » depuis 1995, et que
les scientüiques ordonnent en cinq
catégories : le bisphénol A (dans le
plastique dur), les parabènes (dans
les médicaments et les cosmétiques),
les phtalates, les composés perfluorés
(dans les antiadhésifs culinaires, les
imperrnéabilisants, les anti-taches) et
les composés polybromés (retarda-
teurs de flamme dans les sièges, les
isolants, les ordinateurs, les tissus
d'ameublement, etc.). lls sont dissi-
mulés, mais personne n'y échappe,
ont colonisé la plupart des emballages.
La tétine (désormais en silicone, dé-
crété « inoffensif »), la p remière, a
permis de dénoncer p ubliquement
ces agents furtifs, huileux et transpa -
rents, en mettant en évidence les
risques de contamination toxique des
nourrissons par simple succion. En
1999, l'Union européenne, sous le
coup de l'émotion, s'est décidée à en-
pas même le public le plus averti. En
février 2017, Nicolas HuloL, José Bové,
Yannick Jadot, Delphine Batho, le
photographe Yann Arthus-Bertrand
et la présidente de WWF France, Isa-
belle Autissier, qui s'étaient prêtés à
un test pour Générations futures, ont
retrouvé jusqu'à 68 traces de pertur-
bateurs endocriniens différents dans
leurs cheveux. Un vrai cocktail capil-
laire, dans lequel, pour tout arranger,
les ingrédients- qui passent dans Je
sang et y restent ... -se renforcent les
uns les autres quand ils sont mélan-
gés. De quoi repousser un vampire ! •
cadrer l'utilisation de ph talates dans
les jouets destinés aux enfants ... de
moins de 3 ans. En France, il a fallu
attendre 2011 pour que les parlemen-
taires proscrivent le bisphénol A
(BPA) de tous les biberons ... Mis en
place par Bruxelles en 2007, le dis-
positif Reach (Registration, Evalua-
tion, Authorisation and Restriction of
Chernicals), qui prévoit très prudem-
ment le remplacement des com-
posants les plus douteux par
d'autres jugés plus sûrs, res-
semble à touL sauf à une police
d'assurance: on y trouve beau-
coup de trous et de petites lignes.
Le 13 février, l'Agence européen-
ne des produits chimiques (Echa),
chargée de l'appliquer, a annon-
cé qu'elle avait retrouvé des sub-
stances interdites ou suspectes
dans 20 % des 1 202 mesures ef-
fectuées sur des jouets ...
LES DOSSIERS OU CANARD • 65
 PIZZA PO~RN

Coût de pâte Graisse grasse

Comme ça cale pour pas cher, tes pauvres mangent de plus
en plus de pizzas Industrielles ; et, comm.e te~r nombre ne
d 'mlnue pas tes usines à pizzas tournent a plem ... régime.
P~enez celle,de Caudry, dans le Nord, l'une des plus gr~sses
de France propriété du groupe Nestlé, le géant mondial de
' r ntation . chaque année, 44 millions de pizzas surgelées
l a 1me · . rythme de 250 000
sortent de ses chai nes de production. au ' '
L'avantage d'une pizza industrielle, c est qu
par JOU r... d · · sa sort1e
est rap•de à produire et que, un an et eml apres
d'usine elle est encore bonne à manger...
Sur les' 800 millions de pizzas consommées en France, la
moitié a été décongelé. Avec 11 kilos par personne et par
an nous sommes tes deuxièmes consommateurs de pi~as
1 ète. dern"ère tes Améncains et devant les Italiens,
de , lapan
ui en avalent deux fois moins que nous.
~n France, te marché de la pizza génère un chiffr~ d:affa•res
1 de près de 5 milliards d'euros. Le produit n .est ~as
annue 1 d' h t au contraire VIve
sensible aux variations du pouvo r ac a • .
Emmanuel Macron carbure-t-il au
pop-corn, quand il est dan s son
avion ? Lors de son voyage officiel
en Chine, du 8 au 10 janvier, le Pré-
sident a emmené dans ses bagages
Michael Ehmann, le pédégé alle-
marld de Nataïs, une PME gersoise,
cl~e qui s'affiche comme le leader euro-
péen du pop-corn prêt à souffler au
micro-ondes, avec 35 % de part de
marché, grâce à son usine dernier
cri, située dan s le village de Bézéril
(126 habitants), qui débite 300 sa-
che ts par minute ... Objectif de ce
. fringant patron : négocier la levée
des barrières douanières à l'exporta-
tion au pays de Xi Jinping.
Sur son site Internet, « pop-comJr »,
Nataïs communique à merveille. Son
slogan: ((Naturellement popcom ».
Sa matière première : un maïs garanti

PLASTIQUE déversés dans les océans. Des micro-

Microbilles en tête
Des chercheurs de l'Ifremer ont ex-
posé des huîtres du Pacifique cl des
microbilles de plastique et ont obser-
vé les dégâts.
Les huîtres, qui peuvent filtrer plu-
sieurs litres d 'eau par heure, ont ainsi
ingéré, en moyenne, 10 milligrammes
de microplastiques- moins de 5 mil-
limètres de diamètre - par jour. Un
régime qui a suffi à dézinguer leurs
principales fonctions physiologiques.
Au bout de deux mois, leur taux de
fécondité a chuté de 41 %, elles ont
fabriqué 38% d 'ovocytes en moins,
et ils sont de plus petite taille, leurs
spermatozoïdes sont devenus flaga-
das (en pe1te de vitesse de 23 %) et
leurs larves ont accusé un retard de
croissance de 18 % ...
Tout ça en raison des polluants orga-
niques contenus dans le plastique,
comme le bisphénol A et les phtaldtes.
L'étude, parue en avril2016 dans le
journal soen tifique « Proceedings of
the National Academy of Sciences »,
met le doigt sur la con tamination à
laquelle sont de plus en plus exposés
les mollusques et les coquillages qui
finissent dans nos assiettes.
On estime à 268 940 tonnes, soit
5 250 milliards de microparticules, la
quantité de morceaux d e plastique
billes qui proviennent de sacs, bou-
teilles, mégots, emballages ou des
rejets de l'industrie cosmétique (ex-
foliants , dentifrices) ct vestimentaire
(fibres synthétiques). Chaque année,
entre 4 et 12 millions de tonnes de
plastique supplémentaires finissent
à la mer.
La plus gigantesque des décharges
flottantes est presque six fois plus
grar1de que la France, avec une pro-
fondeur de 30 mètres dans le Paci-
fique. Sous l'effet des vagues et des
UV, ces iles plastique s'éparpillent
en de minuscules fragments qui as-
saisonnent le plar1cton consommé par
les coquillages filtreurs tels que les
huîtres. Les poissons en profitent éga-
lement Ainsi, dans la Manche, le
merlan bleu, le grondin rouge, la sole
perdrix et la sole jaune sont plombés
au plastique.
Les chercheurs estiment que, d'ici à
2025, la quantité de microparticules
dans les eaux côtières et les estuaires
pourrait décupler. On n'a pas fini de
déguster !

66 • L..ES DOSSIERS DU CANARD


sans OGM, produit avec 20 % d'eau
en moins que la moyenne, voire bio ...
L'entreprise se vante de transformer
42 000 tonnes de maïs par an (dont
1 000 en bio), collectées auprès de
220 agriculteurs contractualisés.
Un tiers de la production annuelle de
Nataïs est vendu sous forme de grains
déjà éclatés, destinés aux baraques
foraines et aux cinémas. Les deux
tiers sont conditionnés dans 160 mil-
lions de sachets« micro-ondables »,
commercialisés en France sous des
marques de distributeurs ou sous la
marque Menguy's.
Le sachet de Maxi Pop sucré à ré-
chauffer au micro-ondes de Men-
PURÉE
Vraies patates
et flocons
n y a, d'un côté, la bonne purée mai-
son, avec des pommes de terre écra-
sées à la main, du beurre et du lait,
et, de l'autre, la purée industrielle en
flocons déshydratés, à reconstituer
chez soi en quelques minutes. Cette
guy's contient une quantité indéter- PULPE DE POISSON
minée d'huile de palme ainsi que de
l'E953 et de l'E955, des édulcorants
qui commencent à faire l'objet d'in- Ar(r)ête, ar(r)ête !.
terrogations. A noter que les additifs
chimiques dans le pop-corn se sont Un conglomérat de lambeaux de
encore multipliés avec la vogue des chairs, de peaux, d'arêtes et de têtes...
arômes : caramel au beurre salé, mais On appelle cette ragougnasse la « pul-
aussi parmesan, oignon, wasabi, etc. pe de poisson », équivalent marin du
En revanche, le pop-corn Menguy's minerai pour la viande, et les indus-
triels en raffolent car elle est de cinq
ne contient pas de diacétyle, qui. imite
le goût du beurre et qui est soupçon- à six fois moins chère au kilo que le
né de favoriser la maladie d'Alzhei- filet de poisson. En fabriquer est un
mer. .. Aux Etats-Unis, cet additif a jeu d'enfant: il suffit de prendre les
été reconnu responsable d'une ma- déchets qui vous restent, une fois les
ladie respiratoire mortelle, dite « ma-filets découpés, puis de les passer à
ladie du poumon de pop-corn », la broyeuse avant de compresser le
contractée par les ouvriers des usines tout à 25 bars. C'est d'autant plus goû-
qui en produisaient. teux que ce magma n'obéit à aucune
Enfin, l'analyse du même sach et de norme ou « code des usages ». La ré-
Maxi Pop montre qu'il comporte glementation impose juste que la ma-
8,5 grammes d'acides gras saturés tière première soit propre à la consom-
pour 100 grammes ... Voilà qui pour- mation humaine ... Encore heureux !
rait refroidir les défenseurs du pop- Pour informer le consommateur, les
corn à l'apéro, prétendument moins fabricants de plats industriels peuvent
gras que les cacahuètes et les chips. se contenter d'une mention « chair »
Il est surtout moins cher, à volume ou« pulpe >>de poisson. Quant à l'ori-
égal, raison pour laquelle les bistro- gine des bestioles qui ont servi à sa
tiers de France et de Navarre en inon- confection, un règlement européen
dent les comptoirs ! • de 2013 stipule qu'il suffit d'indiquer
« poissons >> ou « poissons blancs »
sur l'étiquette.
dernière a fêté ses 50 ans et se porte Résultat : de la pulpe, on en trouve
bien : il s'en vend 50 000 tonnes partout dans les plats cuisinés à base
chaque année et un ménage sur deux de produits de la mer, au détriment
des filets, dont la proportion, en gé-
en achète.
La purée industrielle contient 99 % néral, ne dépasse pas 25 %. Le reste
de pommes de terre ; le problème, est complété avec de la fécule de
c'est le 1 % restant. .. Les marques pomme de terre, des levures ou de
ajoutent toutes des additifs, parfois l'amidon modifié de blé. Ça la tish
quatre, voire cinq. On trouve de mal ... •
l'E223, un conservateur reconnu com-
me allergisant, de l'E450, un émulsi-
fiant, ou encore de l'E621, un exhaus-
teur de goût, qui est parfois source
d'intolérance, etc.
La purée industrielle ne contient pas
de vitamine C, contrairement à la pu-
rée maison. Les flocons contiennent
des glucides simples, alors que la pu-
rée réalisée chez soi est riche en
sucres complexes, qui donnent de
l'énergie, carle grain d'amidon reste
entier. Conclusion : la qualité nutri-
tionnelle de la purée industrielle est
moins bonne. Qui en doutait ? •
LESOOSSIERSOUCANAAD • 67
 QUATRIÈME REPAS
Du gâteau!
« Manger plus souvent pendant la
journée et en plus petites quantités. >'
C'est la « tendance food 2018 » sa-
luée par La Fourchette, la première
plateforme de réservation en ligne
de restaurants. Fini la trilogie petit
déjeuner, déJeu ner, dîner! Voici le
quatrième repas : une collation qui
comble le creux de 10 heures ou
d'après-dîner, passé 22 heures. Au
restau, cela prend la forme, s'enthou-
siasme le site profesSionnel, de « re-
celtes à déguster facilement », de
type « linger food », « à base de cé-
réales, de sucettes de fromages, de
QUINOA
Pérou de la fortune
La Nasd l'a déclaré « aliment le plus
proche de la perfection nutritionnelle
sur terre ». Le quinoa est un cadeau
de la nature pour la santé, au pomt
que les astronautes en cultivent dans
la Station spatiale internationale. Cet-
te plante, qui appartient à la famille
des chénopodiacées, comme la bet-
terave ou les épinards, était déjà cul-
tivée par les Incas.
On a récemment découvert que sa
graine est un fantastique concentré
de glucides, de fibres, de magnéSium,
68 ' LES DOSSIERS OU CANARD
torUllas et d'omelettes pouvant être
seNies à n'importe quelle heure de
la journée » !
On ne sera pas étonné d 'apprendre
que l'inventeur du • quatrième re-
pas • est Taco Bell, le leader mondial
des restos tex mex, lesqu els appar-
tiennent à l'américain Yum Brands
(9,5 milliards de dollars de chiffre
d'affaires). égaleme nt propriétaire
des chaînes Pizza Hut et KFC.
Au début des années 2000, les géants
des barres chocolatées, pâtes à tarti-
ner, chips et autres bombes calo-
riques, avaient déjà lancé la mode
du snacking, l'équivalent du grigno-
tage compulsif. Aujourd'hui, en Fran-
ce, la snack food représente 18 % de
nos apports énergétiques. Un gâteau
de 259 milliards d'euros par an que
de phosphore, de fer, de vitamineE
et de potassium. Mais aussi de pro-
téines - de quoi plaire aux végéta-
riens. En prime, e lle est sans gluten,
se partagent Mondelez, Nestlé et
consorts.
Ce quatrième repas n'est pas appré-
cié par les autorités de santé, qw se
décarcassent pour lutter contre le phé-
nomène du surpoids. Un problème
qui concerne désormais tous les pays
occidentaux et engendre une kyrielle
de maladies cardio-vasculaires, de
l'hypertension, du diabète ... •
et sa consommation provoque une
baisse du taux de glycémie dans le
sang. Sans oublier ses molécules an-
tioxydantes, qui ralentissent le vieillis-
sement.
Bref, ce superalimenl a tout pour sé-
duire, et les industriels en profitent.
En cinq ans, son prix a doublé, tandis
que les importations en France ont
augmenté de 30 %. Manger <lu qui-
noa, c'est mauvais pour le porte-mon-
naie mais aussi pour la p lanète .
Même si, depuis six ans, on en cultive
chez nous, notamment e n Anjou,
80 % du quinoa est importé du Pérou
ou de Bolivie, et son voyage en car-
go laisse une sacrée empremte
carbone.
REMBALLE Auvergne qrn avait l'habitude, depuis
dlx ans, d'offnr une seconde jeunesse
a ses viandes.
La découpe B1zarrement, la réglementabon au-
est pleine torise la remballe sous certames
condtbons. S1 un arrêté vieux de qua-
C'est l'une des tromperies les plus rante ans mterdit de recondilionner
courantes dans l'agroalimentairc :la des morceaux de viande en prolon-
remballe est une pratique illégale qui geant leur date hrmte de consomma-
consiste à prendre des morceaux de bon, un arrêté pns en 1992 autorise
barbaque invendus, à les rcdécouper les ateliers de découpe adossés à des
et à les remettre sur les étals avec magasms de vente au détail à prati-
une nouvelle date de péremption ... quer la remballe quand ù s'agit
Tous les deux ans en France, un in- d'ameliorer la présentation du pro-
dustriel est jugé pour avoir cédé à dutt, mats sans modtfier la hmite de
cette tentation. péremption.
Parmi les dernières condamnations Un cadeau bten emballé pour la gran-
en date, celle d'un Super U situé en de distnbutJon. •
............................................................................................................................................................................................................................................................
RIZ dix fois plus cher dans nos grandes
surfaces.
L'appât du grain Débordés par la demande européen-
ne,les petits producteurs locaux ont
abandonné le basmati traditionnel
En 2011, 30% du riz qui garnissait pour un modèle hybride créé par des
les assiettes des Français provenait ingénieurs indiens, le basmati Pusa,
de Camargue, où la riziculture ou « superbasmati ». Ce riz miracu-
marque les paysages depuis le leux pousse plus vite (135 jours au
XIX siècle. Cinq ans plus tard, la fi- lieu de 155) et offre un meilleur ren-
lière française est en crise . eUe ne dement. Tant pis pour le goût et les
représente plus que 15 "ro de la nutriments, en baisse Le superbas- Dans les dtfferents nz basmati en ven-
consommation nationale. Les papilles mati a un péché mignon : il est gour- te en France, sont donc présents, en
ne jurent plus que par le riz basmati, mand en traitements chimiques. Les toute légahté, des grains assaisonnés
cultivé au Pendjab, entre l'Inde ct le agents du roi des pestiddes allemand, avec un pestiode clandesbn, conçu
Pakistan, au pied de l'Himalaya. Les Bayer, proposent aux petits explOI- par le géme allemand pour le nou-
centrales d'achats tricolores marchan- tants un cocktail de huit produits Par- veau nz indien, sans auCUfl passeport
dent sur place cet or blanc aux mul- mi eux, l' éthiprole, une substance ac- pour l'Europe.
tiples vertus. Il est acheté 0,30 euro tive de la famille des phénylpyrazoles, La mondiahsatwn chimique a bien
le kilo au producteur, pour être vendu redoutés de l'intestin humain. un grain 1•

LES DOSSIERS OU CANARD • 69

SAUMON
Souvent enfumé
Frais ou fumé , il est le poisson préféré
des Français, qui en avalent
40 000 tonnes par an. Si l'on y ajoute
les produits transformés, tels le tara-
ma ou les rillettes, on arrive à
52 000 tonnes. le tout pour un cbüfre
d'affaires de 1,2 milliard d'euros, selon
les très officielles statistiques de l'éta-
blissement national FranceAgrimer.
Sauvage ou d'élevage? Cc pourrait
être le dilemme du consommateur,
avec, a priori, une nette préférence
pour les saumons qui s'ébatte nt en
toute liberté, loin des fermes géantes
d'Irlande ou de Norvège, où sont en-
graissés ceux qui ne connaîtront ja-
mais les grands espaces manns. La
réalité est plus nuancée. On ne trouve
quasiment plus de Salmo sa/ar-l'es-
pèce la plus vendue- dans les eaux
d 'Irlande ou d'Ecosse. Seuls la mer
Baltique, au large de la Pologne, ou
le bassin de l'Adour, en Bretagne,
fournissent une pêche confidentielle
et ... onéreuse. Et, surtout, les pOIS-
sons ne sont pas exempts de résidus
de métaux lourds, comme le mercure,
absorbés au gré des pollutions
marines.
La plupart des saumons sauvages
viennent en fait du Pacifique et des
côtes de l'Alaska, ce qui impose de
congeler ceux qui seront écoulés en
Europe. L'un des spécialistes de la
vente de produits haut de gamme,
Armen Petrossian, y voit un inconvé-
nient majeur : « La texture sera un
peu plus ~teuse. • Sans compter que
le produit pourra être de nouveau
congelé après avoir été fumé et mis
sous plastique, afin d'être conservé,
en attendant les pics de consomma-
tion du mois de décembre.
COULEUR. Pour éviter ces chocs éco-
logiques et thermiques en série, le
saumon d'élevage estlà. Contre toute
attente, les mentions « Bio » ou « La-
bel rouge •. d'ordinaire indicatrices
de qualité supérieure, sont loin d'être
une gara ntie Marie-Noëlle Delaby,
de l'association de consommateurs
UFC-Que c hoisir, a p assé au crible
plus d'une vingtaine de saumons fu-
més. Il e n ressort que, pour respecter
l'alimentation carnée de ces poissons,
les éleveurs les nourrissent avec des
farines animales et apposent sur le
produit transformé l'estampille « bio •
ou « Label rouge » Ce qui a pour ré-
sultat que leurs saumons affichent des
taux de dîoxme et de PCB plus élevés
que ceux d 'une gamme moins presti-
gieuse nourris aux farines végétales.
Qu'on se rassure, aucun cas de sau-
mon fou n 'a encore été détecté.
SAUCISSON "CORSE"
Oseille d'âne
Les vendeurs de saucisson d 'âne cor-
se voient la vie en rose. Une curiosité
gastronomique qui, rappelons-le, est
une pure invention, celle d 'Uderzo
et Goscinny pour les besoins de l'al-
bum • Asténx en Corse » . Mais
qu'importe : on en fabnque à la pelle,
avec des cochons et des ânes géné-
ralement importés du Brésil ou de
l'Argentine.
Le saucisson d'âne est un filon c-om-
mercial pour les industriels de la
charcuta1l1e. Ma1s impossible de
compter sur l 'arumal insulaire : si,
dans les a nnées 30, on en recensait
en Corse plus de 20 000, ils n'y sont
plus qu'un millier. D'où le recours à
l'âne américam. lmportée congelée,
la viande des pauvres bêtes est mé-
langée avec du porc- rarement corse,
lui aussi. D'ailleurs, lorsqu'un client
questionne le service qualité des sa-
laisons Sampiero Pittilloni, fabricant
de charcuteries corses ins tallé pas
loin d'Ajacoo, la réponse sur l'origme
du bourricot est décomplexée : << Sw-
te à votre demande concernant le
Le saumon d'élevage, dont la ch air
est naturellement grise, à la différen-
ce du saumon sauvage, ingurgite aus-
SI des pastilles pour prendre une cou-
leur rose orangé, plus appréciée des
consomma Leurs.
Le passage dans les ateliers de fu-
maison donne le meilleur comme le
pire . En version traditionnelle, le sau-
mon est lavé, séché puis tranché, ce
qui représente huit jours de manipu-
lation. L'industrie a réussi .3 réduire
le process à ... une heure, grâce à des
tunnels de fumage , tout en limitant
saucisson d'âne, nous labri
quons bien ce produit, mais
l'âne est importé d'autres
pays. Il n'est ni corse n i fran·
çais (sic). »
GLANDS. Chaque année, les
amateurs de produits du
terroir se régalent pourtant
avec 10 000 t onnes de
chdrcuteries « corses », mais
300 tonnes à peine provien·
nent de cochons autochtones
tout le reste étant importé
Au mieux, les porcs allo·
gènes débarquent sur l'ile à
6 molS, pour être « finis » aux
gldnds en q uarante-cinq
jours. Mais , le plus souvent
c'est sous forme de carcasses
ou de morceaux prédécou-
pés venus de Bretagne, d'Es·
pdgne, des Pays-Bas e t même de Chi-
ne. Le tout est ensuite transformé e n
spécialités locales avec l'estampille
« Charcuteries corses » agrémentée
de la tête de Maure ou de la carte
de l'ile ...
Pourquoi se gêner, puisque nulle ré-
glementation n'oblige à préciser l'ori-
gine de la viande sur l'étiquette? En
2012, les 150 p etits producteurs qui
la déperdition : « Lorsque je mets
1 kilo de saumon à fumer, il en reste
à la fin 700 grammes. L'industrie
laisse le poisson récupérer son eau
dan.s une atmosphère conditionnée.
Le kilo de départ se retrouve, à
l'arrivée, augmenté d'une cinquan-
taine de grammes», explique Armen
Petrossian.
Les professionnels de l'agroalimen-
tation n 'é tant jamais à court d'idées,
ils produisent même du saumon
fumé ... sans fumoir. Le poisson est
trempé à quatre ou cinq reprises dans
un liquide qui « imprime » la saveur
fumée. L'Union européenne, qui a
autorisé cette technique, exige tou-
tefois qu'e Ue soit mentionnée sur les
emballages.
Au consommateur de bien regarder
l'étiquette afin de ne pas acheter du
saumon fumeux.
s' échine nt à farre leur saucisson ou
leur jambon avec du vrai Porcu nus-
traie, élevé en liberté dans la mon-
tagne pendant dix à douze mois, ont
réussi à décrocher une appellation
d'origine controlée. Mais elle ne s'ap-
plique qu'à une poignée de char-
cuteries : coppa corse, lonzu et pri-
suttu. Pas encore de quoi braire de
plaisir...
lES OOISSI(RS OU CAMARO • 71
 SCHTROUMPFS
Boudin bleu
Il aurait pu s'appeler • Les
Schtroumpfs au pays de la mal-
bouffe •, mais ses auteurs ont pré-
féré le baptiser: plus sobrement
" Les Schtroumpfs et les haricots
mauves •.
Dans le tome 35 de la célèbre
série de Peyo, les petits bons-
hommes bleus ne schtroumpfent
plus la salsepareille. Ils lui préfè-
rent les haricots secs... Surtout
quand ils sont frits et servis en cor-
net avec plein de sauce qui coule.
Malédiction ! à force de bouder
les cinq fruits et légumes recom-
mandés par le ministère de la
Santé, leur ceinture abdominale
s'arrondit, et Schtroumpf tailleur
est débordé ! Pire, asphyx1és par
le gras, ses congénères sont à la
merci de leur ennemi de toujours,
Gargamel, qui n'a qu'à se ba1sser
pour ramasser ces petits bons-
hommes boudinés. Heureuse-
ment, la Schtroumpfette est là
pour rappeler les vertus d'un ré-
gime équilibré et ramener ses
congénères à une alimentation
d1vers1fiée !
.. Cet album ne prétend pas révo-
lutionner l'assiette de nos lec-
teurs, tempère Philippe Glorieux,
directeur marketing d'IMPS, le dé-
tenteur mondial des licences
Schtroumpf. Mais, si nos petits
ambassadeurs peuvent les ame-
ner à réfléchir à leur alimentation,
c 'est déjà un pas. • Et, par • lec-
teurs •, ce fin stratège n'entend
pas que les enfants. Malgré leur
a1r juvénile, les Schtroumpfs sont
des sexagénaires qui ont déjà ra-
conté leurs histoires à deux gené-
r:ations de parents. Ces derniers
n'ont aucun scrupule à p1quer les
albums de leurs rejetons. •
72 • LES DOSSIERS DU CAHARO
SÉCURrrÉ ALIMENTAIRE rien dans les dégâts du lait infantile
contaminé! Pas plus qu'il n'était res-
ponsable des lasagnes fourrées à la
Des fins
de moins difficiles
v1ande de cheval, en 2013, ou des
œurs au fipronil, en 2017 ... L'Etat
peut donc continuer de faire des éco-
nomies. CQFD.
« La sécurité sanitaire des Français L'une des idées de génie contenues
n'est pas négociable 1 • Ainsi s'épou- dans le plan Action publique 2022 de
monait, en janvier, un Bruno Le Mai- Gt!>rald Darmanin, surnommé « l'opé-
re tout rouge, à la suite des révéla- ration Diète sévère ,. dans les couloirs
tions du • Canard» (3/1) mettant en de Bercy, est de développer les auto-
évidence le manque de réactivité de contrôles réalisés par ... les entre-
l'Etat dans le feuilleton Lactalis. Les prises. Autrement dit, de généraliser
inspecteurs et les techniciens des ser- le transfert à des laboratoires et audits
vices vétérinaires, responsables des- privés de la surveillance sanitaire
dits contrôles, digèrent mal ces leçons de tous les métiers de bouche, les
du ministre de l'Economie. Car, la services de l'Etat n'intervenant que
1c politique de sous-effectifs», dénon- pour « contrôler le contrôle », sur
cée par les syndicats, c'est lui 1 Sur documents ... En 2014, la Cour des
les 1 000 suppressions de postes ef- comptes avait déjà émis des réserves
fectuées depuis 2002 dans les admi- sur cette méthode.
nistrations concernées, il en a person- Cette approche décomplexée, très
neUcmcnt décidé 603 entre 2009 et « business lriendly », convient appa-
2012, quand il était mirustre de l'Agri- remment à l'œcuménique Anses.
culture. • J'assume »,jure-t-il, au Au risque de confirmer les soupçons
nom d'une saine gestion des deniers sur ses liens avec l'industrie agroali-
publics. mentaire, elle avait aussi considéré,
en ft!>vrier, que le nouvel étiquetage
OPTIMISATION. Créée en 2010 pour facultatif Nutn-Score - un code cou-
évaluer les risques dans trois do- leur permettant d 'aiguiller le consom-
maines clés, l'Agence nationale de matE'ur vers des produits sains -
sécurité sanitaire de l'alimentation, n'dvait «pas de pertinence démon-
de l'environnement ct du travail trée ». Le gouvernement, lui, a ap-
(Anses) , censée coordonner les prouvé le dispositif, en octobre. Les
équipes des ministères de l' Agricul- industriels l'ont très bien noté !
ture et de l'Economie, a d'em·
blée eu pour mot d 'ordre l' « op·
timisation • de ses moyens. En
2018, 11 faire mieux avec moins»
est toujours au menu de la Ré·
pression des fraudes, qui redoute
une cinquantaine de non-rem·
placements ou de mutations cet·
te année.
De son côté, Stéphane Travert
le ministre de l'Agriculture, se
vante d'avoir augmenté les per·
sonnets du contrôle vétérinaire
mais l'ensemble du dispositif res·
te • clairement sous-dimension·
né », selon des responsables de
ses propres services.
Un constat qui laisse Le Maire
de marbre :puisqu'on vous dit
que l'appareil d'Etat n'est pour

SEL
Hausse de salières
Prenez des souris. Mettez dans leur
gamelle des aliments saupoudrés de
sel, soumettez les rongeurs chaque
jour au test du labyrinthe et observez
ce qu'il se passe. Au bout de trois
mois, ils n'arnvent plus à trouver la
sortie. Pour quelle raison ? Parce que
les pauvres bêtes ont développé une
démence. La surconsommation de sel
a ralenllleur débit sanguin, réduisant
ainsi l'apport en oxygène et en glu-
cose de leur cerveau. Menée par une
équipe de neurologues américains et
publiée dans le journal« Nature Neu-
roscience » (février) , l'étude a donné
des boutons à l'industrie agroalimen-
taire, qui met des pelletées de sel
dans nos assiettes. Les chercheurs es-
timent qu'il n 'y a aucune raison
qu' une surconsommation de sel ne
produise pas les mêmes effets sur
l'homme que sur la souris.
L'excès de sodium est aussi une ca-
lamité pour le cœur car il engendre
une augmentation de la pression ar-
SODAS
Sugarland, baby
Avec près de 60 litres de boissons
sucrées par an et par habitant, la
France ne figure pas dans le peloton
de tête des pays les plus aceras aux
sodas. Mais la consommation de ces
produits, élaborés à. base d 'eau, d'ex-
traits de plantes, d'arômes, de fruits
et d'autres substances moins con-
nues, a explosé en deux générations.
Les industriels rivalisent d'inventivité
pour adapter leurs recettes au goût
des jeunes, qui seraient << en quête
de nouveauté et de coolitude »,
d'après PepsiCo, et surtout pour se
mettre du bon côté de la fiscalité.
L'année 2018 est en effet celle de la
mise en place d'une nouvelle version
de la taxe soda. Un cocktail fiscal ,
destiné au financement de la Sécu-
térielle. Rien qu'en France, la surcon-
sommation de chlorure de sodium
provoquerait 75 000 acàdents entrai-
nant la mort de 25 000 personnes
chaque année. n est vrai que nous in-
gurgitons quotidiennement entre 9
et 12 grammes de sel, alors que l'Or-
ganisation mondiale de la santé re-
commande de ne pas dépasser
5 grammes. L'idéal serait même d'en
rester à 1,5 gramme.
Si les industriels de l'agroalimentaire
incorporent autant de sel dans les
plats cuisinés, les biscuits à apéritif,
les soupes en sachet, les charcuteries
et même les céréales pour le petit dé-
jeuner, c'est parce que le sel est à la
fois un exhausteur de goüt et un mo-
teur gustatif qui stimule l'appétit. LI
permet aussi de lester, avec de l'eau,
des produits facturés au poids.
En 2002, déjà, les autorités sanitaires
françaises avaient tiré la sonnette
d'alarme, réclamant " une réduction
progressive de la teneur en sel de cer-
tains aliments », afin de diminuer de
20 % en cinq ans l'exposition de la
population aux dangers d'une alimen-
tation trop salée. Seize ans plus tard,
rien n'a changé, ou presque. La bais-
rité sociale, que les industriels ont
cu du mal à avaler, en novembre.
Avec le nouveau barème, les bois-
sons qui contiennent le plus de sucre
sont lourdement taxées, à l'inverse
de celles qui en contiennent moins.
Cette « taxe sucre» s'ajoute à une
taxe sur les formules édulcorées. La
1\l!'R.~, ceT'icL~iR
C
çJ-
~~ ''-~0'1>[!t?
_/'~ 1'
se constatée se limite à 4 %, en
moyenne . Aucun gouvernement n 'a
jamais osé rendre obligatoire la ré-
duction de sel. Depuis décembre
2016, les industriels sont toutefois te-
nus d 'indiquer sur l'étiquette la te-
neur en sel de leurs prodwts. Sauf
pour les fromages, les charcuteries
et le pain, c'est-à-dire les aliments
les plus salés ...
Tant pis pour les comptes de la Sécu :
la prise en charge médicale des vic-
times de l'excès de sel coûte, au bas
mot, 7 milliards d 'euros par an. L'ad-
dition, aussi, est salée.
fiscalité des mdustnels risque de
s'alourdir de plus de 40 % à partir
de l'entrée en application de ce ba-
rème, en juillet.
Logique fi nancière ou de santé pu-
blique ? L'ancienne version de la
taxe soda, mise en place en 2012, rap-
portait plus de 320_millions d'euros
à l'Etat. Une bonne partie de cette
somme provenalt de Coca-Cola. Le
groupe américai n détient plus de
46 % du marché françws , suivi de
très loin par Orangma Suntory et
PepsiCo. et 11 acqUJtte près de
140 millions d 'euros de taxe par an.
«Ce qui est nouveau et a un impact
très important, c'est q u 'un industriel
qui commercialise une boisson conie-
nant de l'édulcorant et du sucre paie-
ra deux taxes. Alors que l'esprit de
la nouvelle taxe était de faire baisser
Je taux de sucre des boissons, elle
aboutit à ce qu'un prodwt peu sucré
mais avec édulcorant soit plus .
LESDOSSIERSDUCANARO • 73
• taxé qu'un produit relativement
sucré », souligne Agathe Cury, di-
rectrice du syndicat Boissons rafraî-
chissantes de France.
Surprenant, car c'était avant tout le
sucre qui était dans la ligne de mire
d'Agnès Buzyn,la ministre de la San-
té, au moment de l'adoption de la
nouvelle taxe. « Le sucre tue énor-
mément », déclanut-eUe, rappelant
que les édulcorants n'étaient (( pas
responsables en eux-mêmes de toxi-
cité ou du diabète » .
En réalité, on sait très peu de choses
sur les effets à long terme des édul-
corants. Coca-Cola a c allégé » 13 de
ses 50 boissons : moms de 30 % de
sucre pour Fanta, moins de 40 %
pour Sprite et moins de 40 % pour
Coca-Cola Life. Or « le remplace -
ment du sucre par les édulcorants
pose un certain nombre de pro-
blèmes : certains modifient l'équi-
libre de la flore digestive et peuvent
avou un rôle indirect favorisant le
diabète. Ce n'est pas la solution"·
estime Laurent Chevallier, médecin _A~k
nutritionniste.
Les sodas, le sucre et les édulcorants
sont au cœur d'un débat où l'on se
déchire volontiers à coups d 'études ( \ '(
pl~ ou moins scientifiques pour as-
seoir une position de marché. Pas
très rassurant quand on considère
les liens entre l'industrie des sodas
el certains centres de recherche.
PARTDIAAIAT. En 2015 le « New
York Times » a révélé que Coca-Cola
avail fmancé des screntifiques. Dans
l'Hexagone, la firme américaine a
des partenariats étroits avec des nu-
tritionnistes et des scientifiques.
CreaB1o, un centre spécialisé dans
la recherche clmique, aux environs
de Lyon, a reçu plus de 933 000 euros
sur la période 2014-2015 pour un pro-
jet de recherche sur les édulcorants
« intenses ».L'Institut européen d'ex-
pertise en physiologie a obtenu
719 200 euros de Coca-Cola pour un
projet du même type. L'International
Prevention Research lnstitute, basé
à proximité de Lyon, a été financé à
hauteur de 690 000 euros par le grou-
pe américain pour un projet de re-
cherche sur la consommation de
sucre mené en 2013 et en 2014 .
« Nous nous assurons que les experts
avec lesquels nous travaillons conser-
vent leur totale indépendance »,
avait déclaré sans rire Imad Ben-
moussa, anden pr6sident de Coca-
Cola France. Mais, pour l'ONG Food-
watch, c'est loin d 'être prouvé :
« Coca-Cola a mis les moyens pour
faire croire aux consommateurs que
ses produits à base de "faux sucres"
- Light, Zero, Life (ste via) -faisaient
partie de la solution. Pour le géant
des sodas, des scienWiques français
ont multiplié congrès, conférences
et publications où ils chantaient les
louanges des édulcorants. »
~~ ~s
'"',
oa·c-..
1\ '"""}\,) •••
MUTATION. La proximité ambiguë
c' O~T" Bi ~Il.) 1R<JP entre industriels et scientifiques est
C,MPJj/.lt.{ un classique de l'agroalimentaire.
· ..,.. 1\ Les industriels se sont acharnés, à
• \..../\ ~ l.v~ coups de tests sur des cohortes de
C ~}11.. \ ~.· 11 _ rats, à démontrer que les boissons
~
'e:/ ~· ~
., vt1
~
_ L'? énergisantes enrichies en substances
excitantes comme la caféine, la tau-
rine ou le glucuronolactone étaient
inoffensives. Jusqu'à arracher, en
2009, à l'Autorité européenne de
sécurité des aliments une opinion
\y J « neutre » sur la toxicité éventuelle
de la taurine et du glucuronolactone.
Pourtant, les premiers tests- biaisés,
selon les industriels - avaient révélé,
chez les rongeurs, une tendance à.
développer des lésions rénales et de
sérieux troubles du comportement,
qui les amenaient à se ronger les
pattes ...
En France, plus de 200 cas d'effets
indésirables ont 6té rapportés à
l'Agence nationale de sécurité sani-
tarre, dont 12 %ont été jugés impu-
tables avec certitude à la consomma-
tion de boissons énergisantes. Mais,
aujourd'hui, ces sodas. ingurgités en
grande quantité par les plus jeunes,
ne font même plus l'objet d'une taxe
spécifique.
Le producteur dominant, Red Bull, a
même réussi une mutation spectacu-
laire en s'offrant une image de pape
des sports extrêmes. Des sauts pé-
rilleux pour faire oublier les dangers
des sodas, il fallait y penser.
SOUS.VIDE
Tous emballés ?
Le sous-vide est-il une arnaque nui-
sible à la santé ? Quand il est bien
utilisé, c'est une belle histoire de cui-
sine. Qui débute avec celle du foie
gras, précisément, dont la cuisson à
basse température est toujours déli-
cate à réussir. Georges Pralus, chef
à Roanne, dans la Loire, avait imagi-
né une nouvelle méthode en 1974. n
avait placé le foie gras dans un sachet
hermétique en plastique et en avait
aspiré l'air avant de le glisser dans
un bain-marie. Le résultat était par-
fait. Son voisin et ami, le célèbre Pier-
re Troisgros, a adopté la méthode, de-
venue très vite populaire dans le
milieu de la grande cuisine. Paul Bo-
cuse, Joël Robuchon, Michel Guérard,
Michel Bras, Alain Ducasse, etc., se
sont mis à la pratiquer.
« Georges Pralus avait monté une éco-
le, et tout le monde y allait, se sou-
vient le chef lyonnais Philippe Cha-
vent. On a vu que l'on pouvait aussi
cuire de la viande sous vide, bœuf,
veau, agneau, volaille. Ça permet de
ne pas la brusquer, elle reste rosée
partout, elle réduit moins, c'est
quelque chose de très équilibré. »
SORBITOL
Des bonbons et de la bombe
C'est un sucre ordinaire issu du blé et du mais, habi~uellement
utilisé dans la fabrication des bonbons ou des chewmg-gums ...
mais qui peut aussi entrer dans la composition de propulseurs
d'armement : le sorbitol. . 1
Produit pas Tereos, premier producteur de sucre europeenfr~
n'est tus exporté depuis décembre dans les .z~nes de con • .
En ca~se, le détournement par l'Etat islamique, a. lins~~~ Tereos,
de 78 tonnes de ce produit originaire de Picardie et lnltl~lement
vendues à un client turc. Elles ont été retrouvées ~n Syr le dans
les stocks du groupe terroriste par l'agenc~ Confhct ~rmam~nt
Research (CAR), chargée par l'Union europeenne de repertoner
tes armes du groupe terroriste. • .
Un usage alternatif auquel personne en Europe n avait apparem-
ment pensé ... •
CONSERVATION. Pour les légumes, guette, Nicolas Silovy, achète 100 ki-
ce mode de cuisson - comme de los de courges musquées de Proven-
conservation -préserve vitamines et ce: «Je cuis (le légume) à la vapeur,
sels minéraux. A la fin de l'été, dans je (le) mixe, je l'épice, je (le] congèle
son restaurant de L'Isle-sur-la-Sorgue dans des moules et je [le] mets sous
(Vaucluse), le patron de La Guin- vide. » Résultat : des veloutés natu-
rels, sans additif chimique, servis en
direct du potager.
Depuis le foie gras de Georges Pralus,
le sous-vide est devenu un art nou-
veau, tant pour la cuisson que pour
la conservation. Des machines à faire
le vide sont maintenant adaptées aux
cuisines des particuliers. Et la cheffe
Anne Sophie Pic est la première à dis-
penser ses recettes de poisson sous
vide.
Le sous-vide n'est pas réservé aux
sous-doués de la cuisine.
LES DOSSIERS DU CANARD • 75
 SPERME
La gamète
et la gamelle
« Nous observons de plus en plus
d'anomalies de migration des testi-
cules, davantage de cancers testicu-
laires, une diminution régulière du
taux de testostérone dans le sang et
une baisse du taux de fertilité. Et,
comme si tout cela ne suffisait pas,
parmi les enfants qui naissent chaque
année dans Je monde, on compte de
moins en moins de garçons, et ces
derniers fabriquent moins de sperma-
tozoïdes, soit une chute de 60 % du
nombre de gamètes mâles depuis
1973! >> annonce la professeure Ra-
chel Levy, chef du service de biologie
de la reproduction, à l'hôpital Tenon,
à Paris.
Si le spectre de la pollution est régu-
lièrement agité pour dénoncer les at-
76 • LES OOSSlERS DU CANARD
teintes sur le sperme humain, les
chercheurs commencent à s 'mterro-
ger sur le rôle de l'alimentation. Pas
si saugrenu quand on sait que près
d'un Français de plus de 30 ans sur
deux est en excès de poids ou pré-
sente une obéslté abdominale
INFm'nLITÉ. « Pour le moment, nous
ne pouvons pas affirmer que le conte-
nu de notre assiette agit sur les sper-
matozoïdes. Nous savons, en re-
vanche, que le surpoids et l'obésité
ont un impact sur la concentration,
la numération et la mobilité des sper-
matozoides, ainsi que sur le taux de
fragmentation de l'ADN sperma-
tique », précise la spéc1aliste . En
cause, un déséquilibre hormonal,
l'ins ulinorésista nce, l'hypertherrme
scrotale (élévation de la température
des testicules), le stress oxydant ...
S'iln'exisle, pour l'heure, aucune é tu-
de de haut niveau susceptible
d'étayer l'équation « malbouffe ~
risque d'infertilité » , des faisceaux
d'indices commencent cependant à
émerger. Les résultats d 'une étude
espagnole (Salas Huetos et al., 2017)
suggèrent ainsi qu'une alimentation
saine pourrait améliorer la qualité du
sperme e t le taux de fécondité. Les
chercheurs ont établi, dans la foulée,
une liste d 'aliments à bannir. << Sans
surprise, les risques d'infertilité mas-
culine augmentent avec une consom-
mation régulière de sodas, McDo,
viandes rouges et fromages plutôt
gras A l 'opposé, les graines, fruits,
légumes, viandes blanches et les
sources de vitamines sont plutôt
protecteurs », détaille la protes-
seure Levy.
Dans une recherche antérieure (Cu-
tillas-Totin et al., 2015), qui présentait,
certes, quelques biais méthodolo-
giques, des chercheurs avaient avan-
cé que le régime méditerranéen pou-
vait avoir un impact positif sur les
paramètres spermatiques.
Une bonne raison de se mettre à la
diète?
 ne lésine pas sur le sucre : rien qu'en France, 1,6 .million
SUCRE de tonnes par an dans les boissons et plats prep_ares.
Quatre fois plus que ce qu'on ajoute dans notre cafe, ~ur

l'addiction est salée
Plus on en mange, plus on l'aime. Il Y a.onze an~, une
. uipe de chercheurs du CNRS avait fatt sensatton en
~~ntrant que le sucre provoquait un~ addicti.~n _plus forte
1 cocaine Les scientiftques avalent eu 1 tdee de don-
que a · . d 1 ltanément
ner pendant trois sematnes, a hau~e ose, s mu
une boisson sucrée et de la cocame à 100 rats.
Quand il a fallu choisir entre les deux poudre~ ~lan~hes,
94 ont opté pour... le sucre ! Le résultat a éte_ tdenttque
lorsque les chercheurs ont remplacé la cocatne par de
l'hérotne. . 'lé d rats
Plus récemment, une autre étude a reve que e:"
- l'animal le plus utilisé en neurobiologie pour étudter les
mécanismes de l'addiction - habttués à manger sucré
auxquels on retirait soudainement le sucre de la g~me~:
souffraient d'un syndrome de sevrage, avec poussees
stress manifestation d'anx•été et effondrement du taux
de do~amine, l'hormone de la félicité. .
. .
On comprend mteux pourquoi l'industne agroahmentatre
nos crêpes ou dans nos desserts. Comptez au motns
4 morceaux dans un esquimau ou dans 20 gra~me~.de
ketchup, 5 dans une part de pizza surgelé~ et tusqu a 8
. •tes industrielles. On en assaiSOnne même
dans certames pa là 1
les petits pois en conserve. Du sucre, en veux-tu en vot .
Tout ça pour une " calorie vide ... , ! ~n effet, à part les .calo-
ries le sucre ne contient rien d uttle pour le corps . pas
de ~itamlnes, pas de minéraux, pas le moindre n~ment.
En revanche, l'excès de sucre non seulement fait 1~ ~n­
heur des dentistes mats aussi participe à l'oc éptdemle,.
de diabète sucré et d'obésité. De plus en plus de cher-
cheurs le déstgnent comme un fertilisant pour les cellul~
cancéreuses. Et l'abus de sucre dézjngue le foi~, au p~tnt
de provoquer des ctrrhoses même chez des su~ets.qut ne
boivent pas une goutte d'alcool. Ce que les scten~ifiques
ras ,. ou la .. ctrrhose
appellent le .. syn d rome d u fo 'e g
sucrée"·
Cerise sur le gâteau, des études menées sur 156 so~ns
ont démontré que manger trop de sucre mettatt auss• en
pénlla ferttlité des mâles. . . • . •
Autant d'études que l'agroahmentaire aum:t atme sucrer.

SULFITES tet, l 'Organisation mondtale de la

Ça sulfites comme ça
• Contient des sulfites », La mention
fait un peu tache dans l'inéVItable
prose autopromotionnelle apposée
au dos de toute bouteille de cham-
pagne. Il y a bien de l'anhydnde sul-
fureux en dair, du soufre - dans les
n
bulles. y en a toujours eu, comme
dans tous les vins, où il joue un rôle
d'antioxydant et permet de maîtriser
les fermentations alcoolique puis ma-
Iolactique. Sa présence est naturelle.
Le hic, c'est qu'elle se révèle msuffi-
sante, surtout pour les VIns blancs,
qui sc dégradent facilement. Alors,
depuis au moins deux siècles, VIgne-
rons et œnologues dopent le breuva-
ge. à différents stades de la vinifica-
tion, avec du dioxyde de soufre.
Bien pratiques pour éviter les altéra-
tions, les sulfites. loués par les scien-
tifiques pour leur efficacité anb.bac-
térienne incontestable, ont des effets
secondaires moins appréciables.
Ainsi, ils sont responsables des maux
de tête et autres • casquettes ,. des
lendemains de fête. En dégageant
de l'lustamine, ils provoquent des cé-
phalées, voire, selon les allergologues,
des rhinorrhées, des éternuements,
des démangeaisons, de l'urticaire,
des douleurs abdominales et même,
pour les plus sensibles, de l 'asthme .. .
Avec une telle nomenclature, il est
facile de leur faire porter le chapeau
pour toutes les gueules de bois .
« C'estle seul composant œnologique
soumis à un avertissement sur les éti-
quettes », se plaint le chef de cave
d 'une grande maison. En 2005, en ef-
santé- qui le fait figurer dans la
liste des 10 allergènes majeurs -
a imposé cette obligat10n dès que
la dose dépasse 10 mgn. « On
nous a dicté, de fait, une contre-
publicité acide. Après le couplet
sur la modération de la loi Evm,
cela fait beaucoup », râle le pédé-
gé d 'une marque prestigieuse.
Mais, si, en 2009, un règlement
européen a fixé la limite d'utilisa-
tion des stùfites ajoutés à 210 mg/1
pour les vins blancs et rosés
secs (soit 42 mg par verre) et à
160 mgn pour les vins rouges secs,
rien n'oblige le producteur à préciser
le niveau exact, très variable selon
les crus, les assemblages et les pré-
cautions prises par les chefs de cave.
11 y a bien quelques producteurs de
vin « sans intrants ni sulfites ,. , qui
jouent la carte, très Lendtmce, du « na-
turel » Mais c'est comphqué, et c'est
cher. « De toute façon, du soufre, il
y en a aussi dans la charcuterie, Je
poisson, les sorbets, les glaces. Si ça
esquintait la santé, ça se saurait», se
justifie un vinificateur. De quoi re-
prendre un peb.t verre ?

LESOOSSIERSOUCAMRO • 7~
 SURI Ml
Surestimé
Qui l'eût cru? Le surinu, ce b.itonnet
de poisson cuit à la vapeur et parfumé
au crabe, inventé par des pêcheurs
Japonais, a séduit les consommateurs
français, qui en croquent près de
60 000 tonnes par an. L'Hexagone
est le deuxième marché mondial de
ces bûchettes au cœur blanc et à la
robe orangée Un succès dû, en partie,
à un nutritionniste qui a connu son
heure de gloire entre 2008 et 2012 :
le docteur Pierre Dukan, adepte du
régime hyperprotéiné, recommandait
alors la consommation de surimi. De-
puis, il a dû s'expliquer devant le
Conseil de l'ordre.
S1 le surirni est présenté comme de
la chau de poisson, le moins cher -
généralement vendu à moins de 5 eu-
SUSHIS
Un ver, ça va •••
Il est arrivé aux urgences avec, dans
son sac, un long fil extrait de ses
selles : les anneaux d'un ver parasite.
Au médecin, l'infortuné, qui souffrait
de vtolentes crampes d'estomac et
d'une diarrhée sanglante, a expliqué
a vou consommé quasi q uotidienne-
ment du poisson cru. Le fait divers,
78 • LES DOSSIERS OU CANAAO
ros lt> kilo -n'en contient pas plus de
20 %. C'est ce qu'a démontré une en-
quête de « 60 Millions de consomma-
teurs », qui a passé 22 marques à la
moulinette Entrent dans la composi-
tion du surimi du blanc d'œuf, de
ld fécu.e, du sorbitol, des polyphos-
phdlt>s, l'inévitable glutamate de so-
diUm, et du paprika pour la couleur
ordngée. Le tout est broyé afin d'ob-
survt>nu en décembre 2017 aux
Eldts-Unis, a été très médiatisé. Là-
bas comme ici -les Français sont au-
jourd 'hui les premiers consomma-
teurs de sushis en Europe-, la mode
du resto japonais bat son plein.
PARASITAIRE. Si l'anisakiase, cette
mcilddie parasitaire provoquée par un
ver,l'anisakis, présent dans le poisson
cru, est très rare, manger japonais
n'est pas pour autant bon pour la san-
té. Et pas tant à cause de l'anisakis
tenir une sorte de pâte, qui est en-
suite cmte.
L' dssociation Foodwatch, dont l'une
des missions est de lutter contre les
éliquelles trompeuses sur les produits
alimentaires, a épinglé, en décembre
dernter, un sunrru dit • au goût frais
de homard » ... lequel ne contenait
pas le moindre gramme dudit
crusldcé. •
que du sushi mdustriel ! Si la spécia-
lité coniecbonnée dans les règles de
l'art consiste en une simple tranche
de poisson posée sur du riz vinaigré,
avec un zeste de sel et un soupçon de
sucre, sa version vendue chez le trai-
teur industriel ou en supermarchés
est plus chargée en mgrédients.
D'abord, lenz est endwt de sirop de
g lucose-fructose, dont le pouvoir
sucrant retarde la sensation de satiété,
puis de mélasse de canne, issue du
raffinage de la canne à sucre, qui
stimule l'appétit. Ensuite, une multi-
tude d'additifs sont aJOUtés, notam-
ment le glutamate monosodique, un
exhausteur de goût Sous l'intitulé
anodm « E129 »,se cache un colorant
rouge foncé d'origine pétrochimique,
déjà interdit dans les aliments outre-
Atlantique et dans de nombreux pays
européens parce qu'il provoque des
allergies et des cnses d'asthme, d'ur-
ticaire et d'eczéma . D'où cet avertis-
sement apposé auJourd'hui sur cer-
taines boîtes de sush1s vendues en
supermarchés : « Peut causer des
effets indésirables sur l'activité et
l'allenlion des enfants. »
D y a quoi se fai re du sushi .. •
TOMATE française impose que les aliments thentiques fausses tomates andennes,
soient conservés à des températures résultat de manipulations génétiques.
inférieures à 8 oc 1 Surtout, les Et devinez quoi? Elles n'ont, elles
De quoi voir rouge con tram tes de la distribution ont pous- non plus, aucun goût. « Je vous jure
sé à c réer, pour l'exportation, des to- qu'on travaille dessus"· assure Lau-
Parce qu'elle n 'est pas chère et qu'on mates qui n'ont pas de goût. « Il n 'y rent Bergé, le président de l'appella-
la trouve toute l'année, la tomate est a pas d'intérêt à produire des tomates tion d 'origine protégée • Tomates et
devenue la favonte des Françats. de qualité si on n'est pas dans un sec- concombres de France ».
Lesquels en consomment 12 kilos par leur court, car la qualité est antago- Les producteurs français sont au jus,
an et par personne. Mats comment niste du rendement », explique ça rassure ... •
font-ils? Car, mis à part celles qm Mathilde Causse, directrice de re-
sont bichonnées par des ma ms bten- cherche à l'unité « Génétique et amé-
veillantes, et que l'on trouve sur lioration des fruits et légumes » de
quelques étals de marché ou dans l'Institut national de la recherche
des jardins d'amateurs, les tomates agronomique.
n'ont plus du tout de goût. Depuis quelques années, on assiste
Explication. La conservation en au retour en grâce d'anciennes va-
chambre froide ou dans des réfrigé- riétés aux noms de corsaires : cœur-
rateurs tue les a rômes. Ce frmt ne de-bœuf, noire de Crimée, rose de
supporte pas les températures inré- Berne... Les rustiques sont de retour !
rieures à 12 oc ; or la réglementabon Mais ce sont, pour la plupart, d'au-
......................................................................................................................................................................

THROMBINE confectionnés avec des morceaux

entiers.
Heureusement, les députés euro-
A la colle péens ont fait la fine bouche devant
cette préparation et ont enterré la di-
Pendant des années, le lobby de la rective que La Commission européen-
viande industnelle a tenté d 'tmposer ne avait déjà adoptée. L'Autorité eu-
en Europe une « colle à vtande ». Pre- ropéenne de sécurité des aliments
nez du plasma de bœuf ou de cochon, n'avait rien trouvé à redire à l'inven-
extrayez-en une enzyme, la c throm- tion, malgré le risque de prolifération
bine » , qui accélère la coagulation de bactéries, comme la salmonelle. Une supercolle
du sang, et mélangez le tout à de Le plus savoureux, dans l'histoire,
c'est que La thrombine avait été dis-
avec laquelle
la thromboplastme extrai te des
muscles : vous obbendrez une super- crètement autorisée en France, entre on assemble
2003 et 2005, par un arrêté provisoi-
colle avec laquelle vous pourrez as-
sembler des chutes de découpe. Ainsi, re... Voilà qui colle parlaitement avec des chutes
vos plats mdustriels à base de viande notre réputation de patrie de la gas- de découpe
reconstituée sembleront avoir été tronomie 1 •

USOOSSIERSDUCANAAD • 79
 Et t oi ? 'f'aS
de.S p_~f"'~~?
TRIPLOÏDES
Plus de huÎtres mois par an
Combien d'huîtres mutantes avons-
nous gobées pendant les fêtes ? Com-
pliqué de le savoir, car rien n'oblige
un ostréiculteur à indiquer sur l'éti-
quette qu'il vend des triploïdes. Seul
l'inlltulé « quatre saisons • ou • non
lditeuse », qui apparait parfois pour
attirer le client, peut mettre la puce
à l'oreille.
En 1997, l'Institut français de re-
cherche pour l'exploitation de la mer
(Ifremer) crée dans ses labos une
huître stérlle qui peut se vendre toute
l'année Dotée d'une paire de chro-
mosomes supplémentaire. l'empê-
chant de se reproduire, elle ne fa-
brique plus les gamètes qui la
rendaient laiteuse de mai à août. Exit,
la règle des mois en c r • pour savou-
rer les meilleures buitres 1 Mais il y
a mieux :n'ayant pas, comme l'huître
lambda, à dépenser les deux tiers de
son énergie pour s'assurer une des-
cendance, la « tripla • grandit beau-
coup plus vite. Il lui faut deux ans
seulement pour amver à maturité, au
lieu de trois pour les huîtres non bi-
douillées. Cela permet d'en exporter
encore plus aux Chinois, qui raffolent
du mollusque. Ainsi, les « quatre sai-
80 • 1.1S 005SifAS DU CANARO
sons » se son t répandues ni vu ni
connu. Sur 130 000 tonnes d 'huîtres
produites chaque année en France,
la moitié seraient des triploïdes.
8UPERMÂLE. Au fdJt, comment la bes-
tiole est-elle conçue? D'abord, il faut
un superreproducteur, équipé, grâce
à une petite manip chimique, de
quatre paires de chromosomes, quand
les huîtres normales n'en ont que deux.
Pour l'inciter à libérer sa semence (jus-
qu'à 15 millions de spermatozoïdes),
on lui fait subir un choc thermique en
le trempant dans de l'eau de mer por-
tée à 27 °C. Puis, avec une pipette, on
prélève la précieuse substance pour
la distribuer à une vingtaine de fe-
melles diploïdes, qui se mettent alors
à claquer frénétiquement de la co-
811A>f·~R L~S
ptoSiOIJ .S'
d LiMe,.)rd' R.g<;...
quille afin d'expulser le urs ovules. Au
bout d'une demi-heure, les spermato-
zoïdes de cet étalon des mers auront
fécondé jusqu'à 1,5 million d 'œufs
pondus par chaque femelle d.lpl01de.
Ainsi, en une saillie pour vingt concu-
bines, un mâle est capable de produire
3 millions d'huîtres.
Jusqu'en 2017, l'Ifremer louait plus
de 1 000 euros pièce ses supermâles
triploïdes aux écloseries- il en eXJSte
huit en France, dont les deux plus
grosses assurent la moitié de la pro-
duction. Depuis que son brevet n ' d
plus cours, l'Ifremer a abandonné cet-
te lucrative activité, qui lui rapportait
près de 200 000 euros par an.
En 2016, en marge du projet de loi
sur la biodiversité, un amendement
a été déposé pour que les triploïdes
soient signalées sur les étals. Sans
succès. Les partisans des huîtres na-
turelles accusent les cherch eurs
d'avoir fragilisé l'ostréiculture trico-
lore en créant des coquillages moins
résistants aux virus En effet, depU1S
2008 une mystérieuse maladie déci-
me les parcs à huîtres de l'Hexagone.
On trouve toujours des grincheux
pour critiquer le progrès ... •
TRUFFES
Spores à part
Et voici maintenant les truffes au
Roundup 1Le diamant noir est pour-
tant réputé être un prodwt 100 % bio.
Ce champignon souterrain est suppo-
sé pousser tout seul- quan d ille veut
bien, car il est très capricieux - au
pied des chênes, des noisetiers ou des
frênes et ne réclamer ni engrais ni
produits chirruques pour arriver à ma-
turité. En pnnc1pe, les truffières de-
mandent juste lme bonne dose d'huile
de coude. Ains1, ù faut faucher le
champ plus1eurs fois par an pour évi-
ter que la végétation gêne les arbres
truffiers et étouffe la croissance de Tu-
ber melonosporum, la truffe noire.
Certains agn culteurs ont pourtant
trouvé plus rapide et moins fatigant
d'asperger leur champ de désherbanl
Au risque de polluer les précieux
champignons. Le phénomène a atteint
une telle ampleur que, sur le marché
aux truffes de Richerenches (Vauclu-
se), des panneaux c truffes bio » sont
apparus sur les étals de certains pro-
ducteurs soucieux de se démarquer.
En matière de tromperie, la truffe est
reine. Les amateurs se font parfois ar-
naquer par des vendeurs qui leur four-
guent au prix fort de la truffe chinoise,
identique d'aspect, mais sans le par-
fum de la« vraie ». On a même vu
des filous vendre des truffes... truffées
de clous pour en gonfler le poids.
GAGUESQUE. Le prix de la truffe peut
atteindre 1 200 euros le kilo dans les
marchés campagnards ct jusqu'à
4 000 euros le kilo dans les épiceries
de luxe à Paris. Ces tarifs sont pourtant
bas comparés au cours de la truffe
blanche d'Alba (Italie), qui frôle par-
fois les 8 000 euros le kilo. De quoi fai-
re tourner la tête aux (rares) produc-
teurs français qui ont eu la surprise
de voir pousser des truffes blanches
italiennes au beau milieu de leur truf-
fière noire
C'est là un effet gaguesque et non
contrôlé de la mondialisation. Le mar-
ché des arbres truffiers (dont les ra-
cines ont été mycorhizées, c'est-à-dire
plongées dans un bain de fragments
de truffes) s'est internationalisé et le
même pépiniériste fournit à la fois les
marchés italien, français et espagnol.
Résultat : la blanche se mélange peu
ou prou à la noire, et inversement.
L'hiver dernier, des jardiniers pari-
siens ont même eu la surprise de dé-
couvrir une superbe Tuber brumale
(truffe noire de qualJ.té un peu infé-
rieure) dans les racines d'un frêne
planté sur la terrasse d'un grand hôtel
parisien ...
Mais que les gourmands et les affai-
ristes se calment · il faut planter au
moins 10 arbres pour espérer trouver,
des années plus tard, quelques truffes.
Sans Roundup, de préférence .. . •

TRUIES

Le porc
de l'angoisse
Vous avez sûrement, sans le savoir,
mangé de la Vlande de coche, autre-
ment dJt de la trme de réforme. La-
quelle, après avmr donné naissance
à 68 porcelets, est transformée en pel-
tés, rillettes, saudsson et autres plats
industnels
La pauvre bête, capable d'engendrer
27 porcelets par an (11 de plus que
dans les années 70), a vu sa taille de
portée « ajustée » par les généticiens
de l'Institut national de recherche en
agronorrue (lnra), pour lui permettre
d'aligner 14 Lébnes au lieu de 10.
Lorsqu'elle amve à l'abattoir, usée par
trms ans de service, cette stakhano-
viste de la rruse bas a passé la moitié
de sa vie dans un box minuscule, avec
pour seule occupation de lécher les sances au moment voulu, puis, le tricteur. Plus tard, pour que ses tétines
barreaux de sa cage et de se charger jour J, une piqûre d'ocytocin e afin ne s'infectent pas, ld mue a aussi droit
en métaux lourds. d'accélérer les contractions et l'éjec- à sa dose d'antibiotiques et d'anti-in-
AJoutez à cela des injections d'œstro- tion du lait, le tout complété par une Ilammatmres.
gènes, hiStoire de déclencher les nais- dose de spasmolytique ct de vasocons- Tout est bon dan'> la cochonne 1•

l ESDOSSIERS OU CNWtO ' 81

 UIPP
Appareil phyto
Cc sont 22 entreprises qui représen-
tent 95 % de la part de marché des
produits phytopharmaceutiques :
l'Union des industries de la protection
des plantes (UIPP) est l'un des lobbys
les plus puissants de France. Ces
sociétés commercialisent environ
2 000 produits phytopbarmaceutiques,
soit 400 substances actives distinctes,
ainsi que plus de 40 % des produiU.
utilisables en agriculture biologique
et plus de 50 % des produits dits K de
biocontrôle • .
Mission de l'UIPP : représenter le sec-
teur auprès des pouvoirs publics et de
l'ensemble des acteurs de la branche.
82 • LES DOSSIERS OU CANARD
Quand on dispose des moyens de
grosses entreprises comme Bayer,
Monsanto ou BASF, on ne fait pas
dans la dentelle. Grande spécialité de
l'UTPP: l'organisation de colloques où
sont mis en avant des parlementaires
à l'ongine de rapports d 'information.
MÉLANGE. Dans son livre « Les ma-
nipulateurs : le pouvoir des lobbys ,.
(Denoël, 2003), Florence Autret ra-
conte : (( Ils vont trouver un parlemen-
taire et lui disent : "Vous avez été rap-
porteur de la loi X. Nous, on vous
orgamse un colloque, sous votre pré-
Sidence, avec votre nom en grand sur
le programme. En contrepartie, on ne
vous demande qu 'une seule chose :
vous réservez une salle » Un joli mé-
lange des genres, où parlementaires
et scientifiques acquis à la cause des
industriels échangeront, bien sûr, en
toute probité.
Autre spéciahté de l'UIPP : semer le
doute dans les esprits. Quand la Com-
mission européenne publie les critères
de défirution des perturbateurs endo-
criniens, listant, d'un côté, les sub-
stances chimiques inoffensives et, de
l'autre, les substances dangereuses,
le lobby trouve un argument-choc
pour défendre une vision moins « ma-
nichéenne » : celte liste pourrait
conduire à « des interdictions de pro-
duits phytos dont les effets endocri-
niens sont semblables à ceux de pro-
duits de tous les jours, comme le
café ». Imaginez, ma bonne darne :
interdire des produits aussi inoffenslfs
que le café!
L'art de la communication, c'est l'art
d'occuper l'espace, tout l'espace.
Même celui des militants anti-pesti-
cides. Et, ça, l'UIPP l'a bien compns.
Parmi ses sous-marins, on trouve no-
tamment le Forum des agriculteurs
responsables respectueux de l'envi-
ronnement (Farre). A sa création, en
1993, cette association logeait dans
des locaux de .. . l'UIPP. Et le Farre,
soucieux de l'environnement, compte
parmi ses membres actifs BASF,
Bayer, Monsanto, épaulés au conseil
d'administration par une certaine
Christiane Lambert, la présidente de
la FNSEA, dont le combat pour sauver
le glyphosate est largement relayé
dans les médias. Le Farre orgaruse
également, à l'Assemblée nationale,
des colloques réunissant ministres,
députés et. .. membres de l'UIPP.
Du recyclage en circuit court 1•
VACHES

41Une vache qui digère, c'est plus L'élevage en batterie, qui sc gêné- viande dans les pays en développe-
polluant qu'une Land Rover qui ac- ralise pour répondre à la forte aug- ment, apparait comme une nouvelle
célère ,., résume un ingénieur agro- mentation de la consommation de calamité Si les habitudes alimen-
nome. Selon un bilan mondial publié taires carnées de ces nouveaux
lin 2016 dans le très sérieux bulletin consommateurs devaient être cal-
« Environmenldl Research Letters •. quées sur celles des Européens et
le méthane que contiennent les pets des yankees, ce serait une boucherie
de bovins représente l' équivalent pour l'écologie
des émissions d'au moins 15 millions Seule consolation : le méthane est
de véhicules. inodore. Mais peut-être plus pour
Le méthane (CH4), ce grand oublié longtemps. Afin de traiter à la source
des conférences sur le climat, serait, les rejets de gaz, les spécialistes du
selon les chercheurs, 28 fois p lus météorisme bovin - un ballon-
« réchauffant ,. pour l'atmosphère nement abdominal dû à un excès
terrestre que le C02. Constat aggra- de gaz digestifs - préconisent de
vant : la production des ruminants nourrir les bêtes avec de l'herbe
s'envole ... parfumée .. .
.. .. ... ......... .......................................................................................................................····· ·················· ......................................····· .................................................
~

VÉGANS ler l'appétit des grands groupes ! Mais les plats de la gamme Côté vé-
Mais nombre de ces produits sont gétal comportent entre 1 et 6 % de
des produits industriels, plus gras, sucres.
C'est gras, docteur ? sucrés et salés qu'il ne le faudrait. e<On ne devrait pas trouver un gram-
« J'ai parcouru la liste des ingrédients me de sucre dans les préparations
Les industriels de l'agroalimentaire de recettes de pavés végétaux, ils salées insiste Valérie Jacquier. Mal-
se mettent au vert 1 Tout juste arri- contiennent souvent de nombreux heureusement, les industriels en
vées dans les rayons des supermar- additifs, du sucre, des matières ajoutent dans toutes leurs prépara-
chés, les gammes végétales repré- grasses de mauvaise qualité et sont tions, pour corriger l'acidité, amélio-
sentent déjà 15 millions d 'euros de loin de proposer un bon équilibre nu rer la conservation, éviter le dévelop-
chiffre d'affaires sur un marché « trai- tritionnel •, explique Valérie Jac- pement microbien, compenser la
Leur » qui pèse 5 milliards. En 2016, quier, diététicienne-nutritionniste. baisse du gras et, surtout, séduire le
les ventes en grandes surfaces ont David Garbous, directeur marketing consommateur sensible au sucre. »
bondi de 82 % ; d'ici à 2020, elles de Fleury Michon, assure . " Nous Conclusion : manger végétarien ne
devraient continuer de progresser avons fait en sorte d'éviter les addi- signifie pas automatiquement man-
de 25 % par an. Voilà de quoi stimu- tifs, conservateurs et stabilisants ''· ger sain et équilibré.

LES DOSSIERS OU CANARD • 83

 les exposer derrière sa vitrine, en suiva~t les conse~ls de
VIENNOISERIES • mise en avant du produit en magasm •• Un g~tn de
temps et d ' argent, puisqu'il peut vendre ses ga1eaux

Un coût de froid ! deux à trois fois le prix auquel il les a achetés.

Dans son catalogue, Aryzta Food Solutions, l'~n ~es
. de la BVP la boulangene-vten-
leaders mon d 1aux • . . .
noiserie-pâtisserie industrielle surgelee, avec 4 mtlha~d~
A n texte de loi n'oblige les boulangers à faire eux- d'euros de chiffre d'affaires, propose plus de 400 refe-
muë:es leurs viennoiSeries. 40 % de croissan~ sont des
rences. t
produits mdustriels surgelés. Idem pour les pams a~ c~o­ Nul besoin d'avertir le client : le bOulanger est seulemen
colat, brioches et autres délices livrés en cartons, p~itS censé signaler l'angine congelée de ses douceurs pour
ou prêts à l'emploi. Notre .. artisan • se contente de.decon- que personne n'ait la bonne idée de les recongeler... Ça
geler sa tartelette au citron déjà cuite ou de termmer en
jette un froid. •
chambre de fermentation son pain au chocolat, avant de
~-"""'~---~~~~

VIGNERONS Ces pratiques ont saoulé les respon- pas de l'aire parcellaire délimitée de
Sdbles de l'Institut natlonal de J'ori- 1'appellation d 'origine contrôlée».
Travaillez, gine el de la qualité (lnao), émana-
tJon du ministère de l'Agriculture el D~CHARGE. Mais le système d'utili-
prenez de la benne gdrdien de la « Qualité France • ser des déchets en remblais est ga-
(virls, fromages, fruits et légumes). gnant-gagnant : le viticulteur fait c te-
Cdr, pour prétendre à une appella- nir ,. sa terre tout en étant rémunéré
On sait l'importance de la terre dans tion d'origine contrôlée (AOC), le ca- par celui qui se débarrasse ainsi de
laquelle est implantée la vigne. Cer- hier des charges stipule, notammen t, ces rebuts. Et l'entrepreneur du BTP,
tains vignerons varois ont pourtant qu'« afin de préserver les caractéris- qui paie entre 2 et 4 euros la tonne
tendance à y déverser des déchets tu;ue~ des sols, qui cottStituellt un élément d'ordures aux vignerons, éconorruse
venus de chantiers de construction fondamemal du terroir, /'appon de terre sur le prix d 'une mise d. la décharge,
(plâtre, béton, voire pneus ou fer- exogène ( ... )est interdit On emend par laquelle lui coûterait de deux à trois
raille), qui servent, le plus souvent, "terre exogène " une terre qui ne proviellt fois plus cher.
de remblais sur des sols en Ces aimables déversements
pente ou instables. peuvent concerner des cé-
Le Domaine Souviou - appel· pages d'appellation d'origine
lation Bandol et Côtes-de-Pro· contrôlée. « Quand nous
vence - a ainsi été pris la main sommes consultés par les dLrec-
dans le sac (de gravats) Un lions du territoue et de la mer
arrêté de mise en demeure si· pour des remblais, on émet un
gné par le préfet du Var en avis. Si c'est illcompal.ible avec
décembre 2015 signalait« un une parcelle classée en AOC,
apport important de terre en l'avis est négal.il. Majs c'est le
provenance du sjte pollué de préfet qw prend la décision fi-
la Loubière, à Toulon », où nale » , explique un respon-
prospérait autrefois une usine sable de l'lnao. Et ledit Institut
à gaz. n'a pas le droit de s'autosatSir
D'autres vignobles ont les pour statuer sur le label de qua-
mêmes pratiques. Alain Bac· lité d'un cépage : 11 Si nous
cino, président du Conseil in· émettons un avis négatil, il
terprofessionnel des vins de peut y avoir déclassement.
Provence et président de la Mais c'est à l'orgartisme de dé-
chambre d'agriculture, s'est fense et de contrôle de l'AOC
lw-même fait réprimander en de nous en faire la demande. »
2010, au sujet de son Château Et, là, il y a un problème : cet
la Tulipe-Noire. ll a arraché organisme est largement com-
les p1eds de vigne qu'il venait posé de producte urs, de viti-
de planter, plaidant qu'il ne culteurs et autres propriétaires
savait pas que le site avait été fonciers, pas forcément impar-
précédemment occupé par tiaux quand on leur soumet un
une décharge. problème de terroir-caisse. 8

84 • LES DOSSIERS OU CANARD

VIN
Un coup de moût
dans le vignoble
Le vin serait-il menacé de dispari-
tion ~ Le risque de « panne sèche »
dans les verres commence à se concré-
tiser dans les vignobles, dont la santé
est inquiétante. Les pieds de vigne
flageolent,les maladies se propagent
et les jeunes plants meurent plus vite
que les vieux ceps. La situation est
devenue si préoccupante que le mi-
nistère de l'Agriculture, l'Inra et la fi-
lière viticole ont lan cé, en 2016, un
plan national contre le dépérissement
du vignoble. Les résultats semblent,
pour l'instant, insignifiants.
Les causes du mal sont multiples. Le
réchauffement climatique et l'épuise-
ment des sols, saturés d'engrais et de
pesticides, figu rent, bien entendu,
dans la liste des principaux suspects
Mais ils ne sont pas les seuls. Le « ma-
tériel végétal •lui-même se retrouve
sur la sellette.
Pour mesurer l'ampleur du problème,
il faut savoir que la quasi-totalité des
vignobles est colonisée par des ceps
clonés issus de pieds de vigne sélec-
tionnés pour leurs qualités (rende-
ment, capacité d'adaptation au type
de sol...) puis multipliés à l'infini Les
vignes affichent donc toutes le même
patrimoine génétique. Ce manque de
diversité fragilise les ceps et favorise
la propagation de maladies. Dans un
dossier très complet, « La Revue du
vin de France • (février 2018) rapporte
que, dans la prestigieuse appellanon vention à la replantation. Seuls les
bordelaise de Pomerol, tous les p1eds g rands domaines qui affichent des
de cépage meriot qui ont t>té plantés pnx de vente stratosphériques peu-
ces vingt dernières armées son t iSSus vent s'offrir ce luxe ..
de seulement deux clones En plus
de rendre le vignoble souffreteux:, ce
Les porte-greffes donnent également
du fil à retordre dans les vignes. Plus
nivellement génétique mOue sur le de 99% des ceps sont en effet, gref-
goüt du vin. qui est uniforrmsé. fés sur des porte-greffes de cépages
américains qui résistent au phylloxéra,
PORTE-GREFFES. n existe pourtant cet insecte qui a ravagé le vignoble
une méthode de plantation qui pré- européen à la fin du XIX• siècle. Hé-
serve la richesse génétique des vignes. las, ces porte-greffes sont également
C'est la (( sélection massale », déno- issus de clones produits à l'échelle in-
mination absconse pour désigner une dustrielle et finissent par affaiblir la
technique millénaire le vigneron sé- plante. Pour couronner le tout, 1e gref-
lectionne ses plants les plus vtgoureux fage amoindrit. lui aussi, la complexité
puis en prélève quelques tiges pour des vins et affadit leur bouquet.
les bouturer et les mettre en culture. Soucieux d'échapper à ce mauvais
Il est vrai que la sélection massale exi- karma, quelques producteurs ont re-
ge beaucoup de temps et d01l être ef- lancé des vignes dites « franches de
fectuée p ar des mains expertes dfin pied » (sans greffe), mais ils risquent
d'éVIter des catastrophes sdnildires la catastrophe en cas d'attaque de
(si les sarments ont été coupés sur des phylloxéra. Prudents, les pépirùéristes
plants malades, le Jeune cep risque adeptes de la sélection massale ont
de contaminer toute la vigne). Cela mis en œuvre des techniques de gref-
explique pourquoi cette technique re- fage plus artisanales et plus respec-
vient envuon trois fms plus c.her : pour tueuses du végétal, mais elles font
1 hectare, le coût peut grimper à grimper la facture.
24 000 euros en selection mdssale Voilà quelques années, les ingénieurs
contre 7 000 euros pour les clones. agronomes de l'Inra ont pensé avoir
Pire : contrairement à leurs collègues, résolu la quadrature du cerde en in-
les vigneron s qui se lancent ddns ventant des cépages hybrides. Créées
l'aventure sont privés de toute sub- à p artir de savants croisements, ces
nouvelles variétés réalisent le prodige
de se passer presque totalement de
produits phytosanitaires et de résister
au réchauffement climatique. Mais les
arômes des vins qui en sont issus se
révèlent, selon les œnologues, très au-
dessous de ceux produits à partir du
vrai cabernet ou de l'authentique mer-
lot. A la bonne vôtre quand même !
LES OOSS•~ DU CA'W!D • 85
 VIRUS (DU PIMENT)
Paprika douloureux
On a longtemps pensé que les virus
de plantes étaient inoffensifs pour les
vertébrés. Jusqu'à ce qu'en avril2010
des chprcheurs de l'unité de re-
cherche sur les maladies infectieuses
et tropicales émergentes de la faculté
de médecme de Marseille décou-
vrent, par hasard, que le tube digestif
humdin étrut bourré de PPMoV. Ce
sont ces virus qui donnent aux feuilles
de tdbac leurs vilaines marbrures. Les
tobdffiovirus, comme on les appelle
aussi, infectent les tomates, les raisins,
le piment et les pmvrons
Les soentiriques marseillais ont dé-
tecté dans 7,2 % des selles des pa-
tients du PPMoV, dont 11s ont pu
corréler la présence avec la consom-
mation d 'aliments à base de piment.
Une présence qui provoque chez
le consommateur fièvre , douleurs
abdominales et démangeaisons
(« Plos One», 6/4/10).
Mais pourquoi trouve-t-on chez
l'homme des virus de plantes? Parce
que des industriels de l'agroalimen-
taire abusent du piment ou du papri-
ka. Des condiments, il est vrai, par-
faits pour relever les plats cuisinés,
les pizzas, les chips, les biscuits à apé-
ritif ct un tas de sauces, comme le Ta-
basco. Dans les célèbres petites fioles
rouges, les virologues marseillais ont
relevé plus de 100 millions de toba-
movirus par millilitre 1 Tout cela ne
serait pas si grave si ces virus
n'étaient pas soupçonnés d'être can-
cérogènes pour les souris.
Ça ne manque pas de sel 1

WASABI d1re que la plante d'altitude dont est

Raifort de café
Savez-vous que 5 % seulement du
• wasabi • que vous achetez dans le
commerce est authentique ? Eh oui !
la pâte verte piquante qui sert à ac-
compagner sushis ou makis est le
plus souvent une imposture... Au lieu
de déguster le fameux condiment ja-
ponais, vous avez toutes les chances
d 'ingurgiter une pâte industrielle
contenant généralement moins de
1 % de wasabi.
Pas étonnant : le vrai se vend à près
de 145 euros le kilo, contre 6 euros
pour son substitut, le raifort. D faut
extrait le wasabi authentique est ex-
trêmement difficile à cultiver. Ses ra-
cines exigent, après récolte, d'être
méticuleusement frottées sur une
rJpe en peau de raie ou de requin.
Alors que son ersatz se cultive en
mode intensif aux Etats-Unis, en Chi-
ne et en Nouvelle-Zélande.
Le raifort est un cousin très éloigné
du wasabi. Pour rehausser sa saveur,
les fabricants incorporent des graines
de moutarde, de la farine de soja, de
l'huile de colza, du sel, de l'amidon
de mais, de l'épaissiSsant, de l'acide
citrique, du sucre, de l'édulcorant. ..
et même certains colorants pour lui
donner sa couleur verte ! D'où le re-
cours à I'E102, un additif aussi utilisé
dans certams colorants capillaires,
les sirops de menthe et les petits pois
en conserve, et à l'El33, qui entre
dans la composition des gels à raser
et des chewing-gurns mentholés. Sou-
a pour les sushis, ces deux dérivés
pétrochimiques sont interdits dans
certams pays car soupçonnés de fa-
voriser crises d'asthme, allergies et
hyperactivité
Tout cela ne manque pas de
piquant.

86 • &a..-DUCMMD
YAOURT nopa use, à combattre le cholestérol. .. l'un des produits phares de l'uJtrafrais
Danone, le numéro 1 mondial des c< bio » vendus en grandes surfaces : le
produits laitiers, s'est ainsi fait le spé- yaourt Vrai aux fruits rouges, dans
cialiste du yaourt« élixir de santé •, lequel le fabricant breton n'avait pas
avant que les autorités sanitaires mis la moindre mûre, framboise ou
Nous avalons plus de 900 000 ton- l'obligent à revoir ses allégations myrtille. Juste un arôme « fruits des
nes de yaourt chaque année. Une bois"· Ce qui est d'ailleurs légal, en
consommation que l'industrie agroa- AROMES. Avec cette promo servie à agriculture biologique Sous la pres-
limentaire voudrait encore faire gros- la louche, on en oublierait presque sion de 33 400 mangeurs de yaourts
sir. Avec, pour attirer le chaland, une que le yaourt est un produit industriel énervés qui ont signé une pétition
multitude d'arguments santé. Le der- concocté dans des usmes grâce à des intitulée • Nous payons pour du bio
nier en date est tombé récemment : yaourtières géantes de 20 tonnes et nous voulons du vrai bio! "• la firme
consommer au moins deux yaourts qu'il est souvent bourré de sucres avait retiré dare-dare son produit ve-
par semaine réduirait le risque de ajoutés ou d 'arômes synthétiques En dette des gondoles.
maladies cardio-vasculaires chez les 2015, l'ONG Foodwatch avait épinglé Ça pédale dans le yaourt ... •
individus souffrant d'hypertension ...
Lorsqu'on y regarde de plus près, on
constate que les auteurs de cette étu-
de américaine suggèrent que le
yaourt peut protéger la santé du cœur
s'il est associé à un régime riche en
fruits et légumes frais, graines et oléa-
gineux, et produits céréaliers com-
plets ... Pas de quoi le transformer en
élixir miraculeux. Pourtant, l'industrie
laitière en fait des tonnes sur les ver-
tus du yaourt. A l'entendre, rien de
mieux que, par exemple, le calcium
qu'il contient pout renforcer nos os.
Sauf que, si les produits laitiers sont
généralement riches en calcium, il
est souvent plus difficile à assimiler
que celui provenant du chou et des
légumes secs et à feuilles vertes. Et,
surtout, les produits laitiers ont une
fâcheuse tendance à acidifier le corps,
ce qui favorise la déminéralisation
osseuse. Y a comme un os 1
On a aussi eu droit au yaourt qui do-
pait les défenses immunitaires, aidait
à grandir, à passer le cap de la mé-

LES DOSSIERS OU CANAAD • 87

 ZESTE DE CITRON
Pépins en bref
Un jus de citron tous les mdtins, dilué
dans de l'eau tiède. C'est la demtère
mode alimentaire lancée par les stars
de Hollywood. 0 sufhrdlt d'une rasa-
de quotidienne pour débarrasser son
corps de toutes les toxines et afficher
une taille mannequin.
Des pouvoirs magiques un zeste exa-
géré, comme on s'en doute. Le citron,
qui contient 90% d'eau et qudsiment
-
88 ' LES DOSSIERS 011 CANARD
pas de glucides, est juste, dans la cor-
beille de fruits, l'un des moins calo-
riques. Quant à sa réputation d'être
bénéfique à la santé, l'agrume au
teint jaune la doit surtout à sa quan-
tité record de vitamine C. n en recèle
plus de 42 mg pour 100 g de pulpe.
Sauf à souffrir d'ulcère de l'estomac,
un JUS de citron ne peut donc pas faire
de mal. Et c'est tant mieux, vu que
les Français en avalent 1,3 million de
tonnes par an.
Mats 77 % des citrons contiennent
des résidus de pesticides. Parmi les
plus problématiques, on trouve l'ima-
Sa réputation d'être
bénéfique à la santé,
le citron la doit surtout
à sa quantité record
de vitamine C. Mais
bonjour les résidus
de pesticides
zalil, que l'Agence arnéncaine de pro-
tection de l'environnement a classé
cancérogène probable et toxique
pour la reproduction et le développe-
ment. Ce fongicide appliqué juste
après la récolte permet à l'agrume
de conserver plus longtemps sur
les étals une teinte Jaune
pétaradante.
Autre produit utilisé, le
lh.iabendazole. Considéré
comme un perturbateur
endocnnien, il empê-
che notre citron de
moisir. S1 la peau
épaiSse de l'agrume li-
mite la migration des
substances chimiques
dans la chair, ces co-
chonneries ont tout loi-
sir d'infuser quand sur-
nage dans le verre la peau
du citron.
Vous reprendrez bien un
Perrier rondelle ? •
 MAI68
51· AHNIL- N" l .411 1 MAl 1961

Flic ... Le Canard

enchainé
... Fac !

Le gouvernement a perdu
le contrôle de ses Faculté
 ''Le Canard''
Devin d'honneur
Cinq mois avant les événements,
le Volatile publiait un avis de gros temps.

e Canard » a urait-il des

L
(( talents d ivinato ires ? Le
10 janvier 1968, sous la
plwne de Morvan Lebesque, il évoque
les gros orages qui s'annoncent et la
crise qui couve entre « une France
légale - le gaullisme- et ( .) une
France réelle " · Et le joumdliste de
prédire, dans le style un brin grandi-
loquent en vogue à l'époque « Quand
l 'arbitre devient arbitraire, quand le
pouvoir n'écoute pl us ses sujets, la rue
prend la relève du ParlemenL
Faute de dialogue, quel exu-
toire, sinon le cri et la révol -
te? • Le pouvoir paraît alors
atteint de surdité aiguë. Le général
de Gaulle reste claquemuré dans ses
certitudes et ne doute ni de lui-même
rù de sa politique. Dans ses vœux aux:
Français, le chef de l'Etat a même
vanté, sans y voir malice, c l'ardeur
du renouveau faisan t son chemin et
ces prom oteurs, surtout les jeunes,
faisant leur œ uvre » . Qua tre mms
plus tard, question ardeur de la jeu-
nesse, c Mongé néral • (c'est son sur-
nom au • Canard >>) est seTVJ ...
En attendant, « la France s'ennuie »,
comme l'écrit Pterre V1ansson-Ponté
d ans « Le Monde >>d u 15 ma rs. La
population semble regarder de loin
les prémices du Printemps de Prague
et ne se sentir guère concernée par
le mouvement contre la guerre du
Vietnam. L'actualité est alors mono-
polisée par la généralisation de la
TVA (sigle de « Tout va augmenter •
pour « Le Canard »), les J eux olym-
piques d 'hiver à Grenoble e t la pre -
mière g re ffe cardiaque, réalisée en
1967 au Cap, en Afrique du Sud. par
le professeur Barnard.
En réalité, le pays étouffe sous l'étei-
g noir d ' un régime in stallé d ix a ns
plus tôt, sur les d écombre s d e la

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS DE MAI-68

26 JANVIER 1968: violents affrontements
à Caen entre les CAS et les ouvriers
de l'usine de camions Saviem
Mt-ftvRIER : Henri Langlois, patron et
fondateur de la Cinemathèque, est v1ré
par le gouvernement. L'ampleur du
mouvement de protestation oblige
le pouvoir à le réintégrer, en avril.
22 MARS : r.réation du mowement
du même nom, a Nanterre, par Daniel
Cohn-Bend1t et d autres étudiants
libertaires
3 MAl : fenneture de la faculté de Nanterre.
Le Quartier latin s'embrase, des
barricades s'élèvent
6 MAl : nouvelle nuit des barricades.
10 MAl : le Quartier latin est le théâtre
d'une troisième nuit d'émeutes, plus
violentes que les précédentes.
11 MAl: le Premier m1mstre, Georges
Pompidou, joue la carte de la
modération. La Sorbonne est rouverte,
et les JUges sont inc1tés à la clémence
envers les manifestants
13 MAl: organisée par les syndicats, une
g1gantesque manifestabon a lieu dans
Paris. La grève générale est déclarée
et se répand comme un nuage
de lacrymos.
20 MAl: près de 10 m1lhons de grévistes
sont recensés. le pays est paralysé
24 MAl : discours télévisé du général
de Gaulle annonçant un référendum SU"
la participabon. Ça ne suff1t pas pour
calmer le jeu.

90 • LES DOIS$ E~ OU C»WU>

 ÉQUIP~MENT UNI RSITAIRE
LE NOUVEAU DÔME DE LA SORBONNE

27 MAl : signature des accords de Grenelle
avec les syndicats. Les grévistes votent
la poursuite du mouvement Le soir,
meeting au stade Charléty en présence
du SOCialiste P1erre Mendès France.
28 MAl : conférence de presse de François
Mitterrand, qui dit constater .. dès
maintenant la vacance du pouvoir ,.
et se déclare candidat
à la présidence
de la République.
29 MAl : le général de Gaulle disparaît.
Il a rejoint secrètement le général Massu
à Baden-Baden.
30 MAl : réapparition du chef de l'Etat.
Il annonce la dissolution de !Assemblée
dans un discours à la radio. Deux heures
plus tard, ses partisans défilent en
masse sur les Champs-Eiysées. C'est
le début du • retour à la normale"·
23 ET 30 JUIN: raz de marée gaulliste
aux élections législatives.
10 JUILLET : le Premier ministre, Georges
Pompidou, est remercié et remplacé par
Maurice Couve de Murville.
27 AVRIL 1969 : le non l'emporte au
référendum voulu par de Gaulle.
Le Général quitte aussitôt le pouvoir.
Georges Pompidou est élu pour
le remplacer.
9 NOVEMBRE 1970 : mort du Général.

LES DOSSIERS OU CA"lARR • 91

 IV• République, au lendemam du
putsch du 13 mai 1958.
De Gaulle mcarne alors un pouvoir
personnel louisquatorzien dont
« Le Canard , ne cesse de se moquer.
Toutes les semaines, André Ribaud
y déait. dans « La cour » - chronique
à la maruère des Mémoires de Saint-
Simon - , les fastes et les errements
du nouveau roi, qui ne cesse de cou-
rir après ses rêves de grandeur. A
la suite de la création de la force de
dissuasion nucléaire et du départ du
commandement intégré de l'Otan
(dominé par les USA), Mongénéral
s'est pris de passion pour un Québec
indépendant du Canada et placé
dans l'orbite de la France. Ou pour
le plan Calcul de développement de
l'industne mfo:rmatique, qui se soldera
par un échec retentissant. Les diktats
moralistes d 'Yvonne de Gaulle (alias
(Oessill de J. Lap.)
« Tante Yvonne ») et la mainmise
sur la télévision de l'Etat gaulliste,
qui censure sans vergogne les jour-
naux télévisés (lire p. 102), finissen t
d'asphyxier une France où 41 % de
la population a moins de 25 ans
(30 % en 2017) mais où la majorité
reste fixée à 21 ans ...
« Les Français sont des veaux, et ils
ne savent que beugler », aurait. selon
l e journaliste Jea n-R aymo n d
Toumoux, lancé le Général quelques
années plus tôt. Ma1s ça commence
à beugler fort dans l'étable France !
Le 26 Janvier à Caen, les ouvriers de
la Saviem se battent toute une nuit
avec les CRS. « Des triques à la mode
de Caen », ntre le Palmipède. Les
facultés françaises paraissent encore
b1en sages, mais les drapeaux rouges
et noirs commencent à flotter sur la
marmite estudiantine. A otre de mise
en jambes, les jeunes se battent, dans
les cités universitaires, contre l'inter-
diction faite aux garçons d'aller dans
les piaules des filles, et inversement.
La fac de lettres de Nanterre devient
rapidement le cœur de la contesta-

Les jeunes se battent,

dans les cités universitaires,
contre l'interdiction
faite aux garçons d'aller
dans les piaules des filles,
et inversement

- - Bon pour le sévlce !

(Dessirl de J. Lap.)

92 • LES DOSS ERS OU CANARD

 - Attention, les veaux deviennent des taureaux 1
(DeSSin de J.lap 1

tion. Daniel Cohn-Bendit, reconnais- Ions ,., lance-t-il dans son éditorial nition • qui fait sens à une époque
sable à sa crinière rousse et à son du 6 mars, avant de s'exclamer: où l'ornrupotence gaullienne est telle
verbe haut, y crée le Mouvement du « Nous sommes par définition le jour- qu' il n'y a d'autre choix que d'être
22 mars, d'inspiration libertaire, nal de l'opposition ! » Une « défi- pour ou contre le Général ...
après avo1r occupé, avec ses cama-
rades, les locaux administratifs de la
faculté pour réclamer la libération
de protestataires interpellés après
une manifestation contre la guerre
du Vietnam.
Des coups de mdtrdque pleuvent
également sur les intellos qui pro-
testent contre la décision du ministre
de la Culture, André Mill raux, de
congédier Henri Langlois, le patron
et fondateur de la Cmémathèque.
Le pouvoir lui reproche de s'inté-
resser davantage à sa passion du
cinéma qu'à la geshon. Cette fots,
la contestation est telle -dans la rue
et dans les journaux comme à
l'Assemblée - que le pouvou est
contraint de reculer et de réintégrer
Langlois à son poste.
Devant tout ce bastnngue, le direc-
teur du Volatile, R. Treno, ne peut
s'empêcher d'applaudir des deux
palmes. « Au "Canard·. nous jubi-

LES DOSSIERS OU CA"WWO • 93

 r r so

"Merd,
Colm-Brndit"

-------------------------------------------------------------------·-------------------------
Un 1nonôme?
Non, Sire, une révolution 1

T 017T
- -· . . -
-~ .... ,.. ....... ..........- ....
.::lib • - . . O. Oftro o'onof'""' • - . . lo ...._.

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94 • LES DOSSIEAS OU C1IIWIO


''Un monôme ?
Non, Sire,
une révolution •l''
En mai, "Le Canard" fait ce qui lui plait
et ne se contente pas de regarder les pavés voler
et les CRS charger.
c printemps 1968 démarre en
L fanfare , le 3 mai. Ce vendredi-
là, le doyen Grdppin, qui dinge
la fac de lettres de Nanterre, décide
de fermer boutique pour mettre fin
à l'agitation. Une garre magistra-
le ! Dar1s les heures qui suivent, les
étucliar~ts • lock-outés • déboulent
à la Sorbonne et <:. ' y retranchent.
A la demande du recteur et avec
la bénédtclton du mtmstre de
l'Education, Alain Peyrefitte, la police
reço1t l'ordre d'évacuer ce sar~ctuaire
estuclidntin. Résultat ·l'opération tour-
ne à l'émeute et s'étend dans tout le
Quartier latin, qui se remplit de bar-
ricades durar1t une nmt d'affronte-
ments qui fai t 481 blessés dans les
deux camps. Le lundi 6, un conseil
de discipline est convoqué pour
sanctionner Dany Cohn-Bendit et
ses amis, pendar~t que le tribunal
ue
Le r:anar
-·-
enraeé
'. ..
râlez
correctionnel distribue - .) ld
demande expresse de l'Elysée - des
peines de prison ferme aux émeu-
tiers arrêtés le 3 mai. Résultat : les
barricades et les jets de pavés sur
les CRS reprennent de plus belle
Le 8 mai, « Le Car~ard » titre en une :
«Le gouvernement a perdu l'usage
de ses Facultés». Dans son édttonal,
Treno laTice un romantique « quoi
de plus beau que la jeunesse en
colère? ».
Le même jour se tient le Conseil
des ministres, et de Gaulle fait le P~et de no. -u buste de llar'-'ne
général : « Quand une insurrection se (Dessin de J. u.>.l
déclenche, il ne faut pas chercher à
amadouer les insurges, il faut les
réduire » , intime-t-il, martial, à doit savoir, s'ille faut, donner l'ordre
Peyrefitte (1). Et, foudroyant du de tirer ! » Mongénérallâchera une
regard le mmistre de l'Intérieur, autre rafale de propos martiaux
CluistianFouchet, il s'écrie: « Et n'ou- devant le ministre des Armées, Pierre
bliez pas qu'un ministre de l'lntérieur Messmer, qui ira jusqu'à envoyer en
LES DOSSIERS OU CANARD • 95

banlieue parisienne deux régiments
de paras, q ui resteront finalement
l'arme au pied (2).
Le 10 mai, la capitale prend des allures
de champ de bataille. Des affron-
tements très violents se déroulent toute
la nuit dans les rues du Quartier latin.
Au petit matin, les forces de l'ordre
ont gardé le contrôle du terrain,
mais près de 1 100 blessés (dont
367 graves) sont recensés. Rentré à
Paris le 11 mai, après un voyage offi-
ciel en Iran, le Premier ministre,
Georges Pompidou, tente de calmer
et le jeu et le Général. ll décrète la
réouverture des facultés et p rône la
clémence judiciaire pour les mani-
festants interpellés.
C'est trop tard. Pour paraphraser Mao,
l'étincelle a fini par mettre le feu à
toute la plaine, et les ouvriers, qui
jusque-là n'étaient pas franchement
du côté des étudiants, entrent dans
la danse. Le 13 mai, une gigantesque
manifestation se déploie à Paris au
cri de « Dix ans, ça suffit! ». Les esti-
mations varient entre 1 million de
personnes, selon la CFDT, et 230 000,
selon la police. Mais elles ne dépas-
sent pas les 171 000 (admirez la pré-
cision !), selon la télé gaulliste, qui
y consacre tout juste q uatre-vingt-
96 • LES DOSSIERS DU CANARO
- Natur.llement, nous comptons sur vous pour l'examen de passage à tabac 1
{Dessin de J.lap.)
d ix second es - avec des images
muettes - au journal du soir.
Deux jou rs p lus tard, l'Odéon et
l'Ecole des beaux-arts sont occup és
à leur tour. L'imagination est au pou-
voir. Les m urs se couvrent de slo-
gans cultes comme cc Soyez réalistes,
demandez l'impossi ble ! » ou « Sous
les pavés l a plage » (les pavés
étaient alors toujours posés sur un
UNÏVERSiTf
lit de sable ... ). Et les nuits sont
chaudes : la Sorbonne voit même
émerger un éphémère Comité d'ac-
tion pédérastique révolutionnaire,
ancêtre du mouvement gay.
Comme nombre de ses confrères favo-
rables au mouvement, (( Le Canard »
tire à boulets rouges sur le préfet de
police, Maurice Grimaud, jugé res-
ponsable des violences policières.
En fait, comme on l'apprendra plus
tard, Grimaud n'a cessé- avec l'appui
de Pompidou - de freiner les pen-
chants répressüs de MongénéraJ en
donnant des con signes de modé-
ration à ses troupes. Il n'y aura
d'ailleurs aucun mort à déplorer dans
la capitale.
La grève généra le décrétée le 13
s'étend à tout le pays. La p aralysie
est accentuée par l'arrêt des raffine-
ries, qu i met à sec les stations-ser-
vice. Même l'ORTF, qui gère au nom
de l'Etat g a ulliste les radios
publiques et les deux seules chaînes
de télé existantes, est touch é. La
deuxiè me chaîne est totalement
arrêtée quand la première se limite
à diffuser des émissions préem e-
gistrées et un journal du soir contrôlé
par le pouvoir. '' C'était le crépuscule
du règne, l'or gueill euse monarchie
soudain désenflée de sa superbe(... ),
on n'en apercevait plus q ue l a
dérision et l'impotence », résume
An dré Ribaud dans « La cour »
(«Le Canard », 22/5).
Le Général part pourtant le 14 mai

Le 13 mai,
une gigantesque
manifestation se déploie
à Paris au cri de
"Dix ans, ça suffit '"
-comme si de rien n'était- pour un
voyage en Roumanie. Le 18, il se
voit contraint de regagner Paris dans
la mut, sans tambour ni trompette. « Le
retour du Roi (... ) s'accomplit dans
des formes presque aussi furtives et
aussi piteuses que la fuite de Louis XVI
à Varennes », relève « La cour ».
Avant d'ajouter: « Le Roi rentra dans
sa capitale nuitamment, à la sourdine
et comme à la sauvette tet) regagna
son palais au milieu des ténèbres
comme un lant6me. »
Le lendemain, le fantôme lance, au
cours d'une réunion à l'Eysée consa-
crée au mamhen de l'ordre, son
célèbre • la réform e, oui; la chienlit,
LA REPRISE
(Oess1o de J. Lap.)
non ! ».Une formule que Pompidou prononçant sa première allocution
s'empresse de populariser devant radiotélévisée depuis le début de la
les journalistes massés sur le perron.
Mais la formule ne suffit pas
• chienlit •. Mais il fait un bide en se
contentant d'annoncer un référendum
De Gaulle semble ne plus avoir prise sur la réforme et la partidpabon Pour
sur les événements, et la question donner une dimension dramatique à
de sa successton commence à agi- son intervention il ajoute qu'il démis-
ter les barons du
gaullisme et les ciSrGcJ"e
ténors de l'oppo- lill IM 1t (~il~
1
sition. Ce que
« Le Canard » du p~S', MOi ...
22 mai résume dans
une autre formule :
« Une tin de Moi
difficile ... »
Dans un article prémonitoire, le
Palmipède annonce que le pouvoir
« va faire aux Français le coup de la
peur de l'inconnu (et va) laisser pour-
rir la situation [pour] faire naitre
une ambiance de trouille géné-
rale [e t recommencer avec
de Gaulle] " le coup du sauveur
suprême• ».
En attendant, la situation continue
de se dégrader. :vt:ongénéral tente
de reprendre la main le 24 mai, en
 MmiStres et courtrsans ligurés en rats par Moisan, co1m1eocent à quitter le nM'll gaulliste au plus lort de la tourmente

rENTREVUE DE BADERNE-BADERNE La gauche de Mitterrand

et de Mendès revendique
le pouvoir. Problème :
il n'est pas tout à fait
vacant...
sJOnnera en cas de victoue du non
Les manifestants reprennent illico la
balle au bond et scandent « Adieu,
de Gaulle, adieu 1 » en agitant leurs
mouchoirs.
Le 27 mai,les accords de Grenelle sont
pourtant signés entre les syndicats
et le gouvernement, représenté par
Pompidou et un jeune secrétaire d'Etat
à l'Emploi nommé Jacques Chirac,
qui a rencontré la veille le numéro 3
de la CGT, Henri Krasucki, avec un
revolver dans la poche. Le smic va
augmenter de 35 %, le reste des
sdlttires de 10 % (en deux phases),
les heures de grève seront payées à
50 % et les droits syndicaux renfor-
cés... Mais les gréVIStes ne s'en satis-
font pas ct votent un peu partout la
reconduction du mouvement. A l'usi-
ne Renaull de Billancourt, le secré-
taire général de la CGT, Georges
Séguy, se fait siffler par les ouvriers ...
DésormillS, le gouvernement est à
la tête d'un bateau ivre, les cortèges
succèdent aux cortèges et la gauche
revendique le pouvoir. Le 27 mru au
soir, Pierre Mendès France, fondateur
du Parh soc1aliste unifié (PSU) et
ancien président du Conseil (l'équi-
-Alors, Massu, toujours aussi con ? valent du Premier ministre avant
- Pour vous servir, mon général ! 1958), se rend au meeting des étu-
diants au stade Charléty. Par sa seule
(le 29 maJ. le Général disparaît et rend visite au général Massu poor s'assure. du sou ben de l'armée. Dessrn de Moisan.) p résence. il se pose implicitement

98 • lES DOSSIERS OU 4\'WIO

 Après le 30 maJ e11a reprise en main par le Général, les rats soot de retoor !
en recours. Le lendemain, François
Mitterrand donne une conférence
de presse dans un grand hôtel pari-
Sien. n y déclare qu'« il est temps de
constater dès maintenant la vacance
du pouvoir ». Il avance le nom de
Pierre Mendès France pour prendre
la tête d'un gouvernement provisoire
et conclut en annonçant sa candida-
Lure. Cette intervention hâtive, pour
occuper une place qui n'est pas enco-
re tout à fait libre, donne à de Gaulle
l'occasion de dénoncer, deux jours
plus tard, « l'ambition et la haine de
politiciens au rancart ».
Le 29 mai dans l'après-midi, le Parti
communiste sort du bois en organisant
sa propre manil pour « un gouverne-
ment populaire». L'énorme cortège
- Pompi, faites-moi le plein de pouvoir !
parti de la Bastille se termine -
à la grande peur du gouvernement-
non loin de l'Elysée. Mais le service
d'ordre du PC tient les troupes, et la
L'ABC du métier
(Dessin de J. Lap représentant le ministre
de rlntérieur, Clvistian Fouchet.)
(Dessin de J. lap.)
manif se termine dans le calme.
La trouille est d'autant plus forte dans
les rangs du pouvoir que le palais
p résidentiel est vide. Mongénéral a
déserté les lieux dans la matinée en
annonçant qu'il partait se reposer
dans sa propriété de la Boisserie, à
Colombey. MéllS Matignon apprend,
à l'heure du déjeuner, que le chef de
l'Etat a disparu sans laisser d'adresse.
En réalité, de Gaulle a pris un héli co
à Issy-les-Moulineaux pour rejoindre
à Baden-Baden son vieux compère,
le général Massu, qui commande les
troupes françaises en Allemagne.
C'est seulement dans la soirée que
Pompidou apprend que le Général a
finalement regagné Colombey et qu'il
sera de retour à Paris le lendemain.
1
lES DOSSIERS Oll CANARD • 99
 LE NOUVEAU SERPENT DE MER
• Pour que le gouMmellleftt puisM -elr, li lui faut u-lllajctrtU atable, large et solide... "
«Le Canard "• qui n'a pas pu sortir
le mercredi 29 en raison des arrêts de
travail des ouvriers du Uvre, parait,
le jeudi 30, sous forme de tribune
libre dans le quotidien « Combat»,
qui lui a confraternellement ouvert
ses colonnes. Les journalistes ignorent
encore l'épisode de Baden-Baden. lls
savent seulement que de Gaulle
est parti pour Colombey-les-Deux-
Eglises, surnommé pour l'occasion
«Colombey-les-Deux-Exils ».Mais ne
s'agit-il pas d'une feinte ? « Nous voilà
précipités dans l'après-gaullisme .. .
alors que de Gaulle est encore là( ... ).
Attention, citoyens( ... ), le parti de la
crainte relève la tête », s'inquiète Treno.
Pour l'occasion, le dessinateur Moisan,
qui illustre « La cour », a modifié le
frontispice de la chronique :les habi-
tuels courtisans à perruque (Georges
100 • LESOOSSIERSOUCANARO
Wessin d Escaro.)
En milieu d'après-midi,
de Gaulle prend la parole
à la radio, comme
à la grande époque
Pompidou, Michel Debré, André
Malraux ... ), qui s'inclinent devant
le roi Charles, ont été remplacés par
des rats qui s'enfuient et quittent le
navire gaulliste. Dans le texte, André
Ribaud semble croire que les jeux
sont faits : (( Le 29 mai, dix ans jour
pour jour après qu'il eut annoncé au
peuple qu'il engageait le processus
de sa restauration, Je Roi fut forcé
par le peuple d'engager celui de son
abdication. )) Et, pour marquer l'évé-
nement, la reine (Yvonne de Gaulle)
change d'identité ! Elle troque son
titre de « Madame de Maintenant »
(clin d'œil à Madame de Maintenon,
dernière et hyperbigote épouse de
Louis XIV) contre celui de
« Madame de Naguère ".
L'abdication va pourtant attendre enco-
re un peu. Le 30 mai, voici que le
Général réapparaît au grand jour, et
remonté à bloc. En début d'après-midi,
il emegistre un discours radiophonique
(et non télévisé, pour donner plus d'im-
pact à l'événement). Le ton a changé.
« Dans les circonstances présentes, je
ne me retirerai pas. J'ai un mandat du
peuple, je Je remplirai. Je ne changerai
pas le Premier ministre( ... ). Je dissous
aujourd'hui l'Assemblée nationale »,
lance solennellement de Gaulle. Dans
la foulée, il annonce le report sine die
du référendum promis, dénonce la
« subversion » et se dit prêt à recourir
à l'article 16 de la Constitution (pleins
pouvoirs au président) si la « chienlit »
continue. Pour appuyer les menaces
présidentielles, le 501• régiment de
chars de combat a reçu l'ordre de qmt-
ter, la nuit suivante, le camp de Mailly
(Aube) pour regagner Rambouillet
(Yvelines) par la route, en se mon-
trant au maximum dans les villages
traversés ...
Le discours du chef de l'Etat est diffusé
à 16h30. Une heure et demie plus tard,
commence, sur les Champs-Elysées,
l'énorme manifestation de soutien au
Général orchestrée par le pouvoir. Si
on est loin du million annoncé par
les organisateurs et repris par les
médias officiels, la foule est suffisam-
ment impressionnante pour conforter
la position du chef de l'Elat et donner
le sentiment que l'ordre gaullien va
régner de nouveau. On entend de
tout dans ce cortège. Y compris des
slogans du style « Cohn-Bendil à
Dachau ! •, hurlés par quelques excités
et relevés alors par le Palmipède.
Dès le lendemain du défilé, la situa-
tion commence à sc débloquer. Un
« miracle • un peu aidé par le déblo-
cage des stocks stratégtques de car-
burants que le gouvernement a fait
acheminer dans la nwt dans les sta-
tions-service. La peur du saut dans
l'i n connu politique, la lassitude
devant la poursuite des grèves et l'at-
titude légaliste du PC et de la CGT,
peu disposés à souffler sur les braises
et à faire la courte échelle à l'extrême
gauche, feront le reste pour accélérer
le retour à la normale.
Tout sur le 13 mal ••• 1968
G lt AT u 1 T
Pompidou :
le 7AIWl\C
de-
Ct-cootre .
Jauneœ 15maJ 1968
(Dessin de Motsan )
Dans « Le Canard » du 5 juin. le réveil
est rude. u Joli mois de mai, quand
reviendras-lu ? » titre le Palmipède
en une. Les rats reviennent au galop
sur le frontispice de « La cour • , et
« Madame de Maintenant • n'est plus
« Madame de Naguère • mais
« Madame d'Encore • ! En page 5,
Roland Bacn (alias c le Petit Poète •
ou • Roro de Bab-el-Oued •) s'inspire
de Prévert pour entonner u La chanson
des escargots qui vont à l'enterrement
d'une révolution morte • . Un 5 juin en
pleirl dans le temps des cerises ...
(1) « C'était de Gaulle "• d 'Alain Peyrefit-
te, Fayard, 2000.
(2) « Après tant de batailles : Mé moires • .
de Pierre Messmer, Albin Michel, 1992.
Si ....... - .. l.W
· ~ ., _,__, ....
--... 1 70.....,...
Le Canard
encba1aé
_ J'.\Ima
(llalt>r)
..........................

Renvoyez
la censure!
Le pouvoir gaulliste fait office de réducteur en chef.
aru peu avant les premières bdr-
P ricddes, un article du Canard »
comptabilise pas moins de
351 procédures ouvertes en dix ans de
pouvou gdulhste pour outrage au chef
de l'Etat. Cette statistique, qui concerne
des journaux, des écrivains, mais aussi
de simples protestatarres poursuivis
pour un slogan ou un graffiti de trop,
donne la mesure d'une époque où le
régime tient la ldisse courte à la hberté
d'expression Un simple« hou! hou!,.
lancé au pac;sage du cortège présiden-
tiel sur les Chdrnps-Elysées a valu
1 000 francs d'amende à un malheu-
reux qmdam, comme l'avait relevé
François Mitterrand dans son pam-
phlet • Le coup d'Etat permanent »
(Plon, 1964).
A l'époque, le pouvoir tient d'Wle mdlil
de fer une télévision totalement éta-
tisée qui se rè.ume à deux chaînes.
Le sommaire du journal télévisé est
soum1s, chaque JOUr au ministre de
l'Inionnation lGeorges Gorse en 1968),
qui censure comme il l'entend les sujell>
susceptibles de déplaire au gouverne-
ment. Pour manier plus VIte les ciseaux,
le ministre dispose d'un bureau ins-
tallé au 22• et dernier étage de ia
Maison de lil radio, inaugurée en 19tî~.
Chaque semaine, le Palmipède dénonce.
bten entendu, la censure et la mainmise
du gouvernement sur les medJds Le
SUJet resurgit en avril. à l'occasion du
débat d'une mollon de censure à
l'Assemblée; • Le Canaid » titre:
• Pour une information libre, vote~
la censure 1 »
Sur les ondes, il existe un seul espctre,
qut offre une liberté très relative : les
radios pénpht!riquPs, dont les émet-
teurs sont imtallés dans des teuitmres
limitrophe · de la France [Radio-Monte-
Carlo à Momtr.n, Radio-Luxembourg
dans le grand-duché du même nom,
Europe 1 ctans la Sarre et Sud Radio
à Andone). Début mat, cP..s stations
sont les seules à couvrir en direct les
mamfs et les émeutes grâce à leurs
voitures radio. Cette situation leur per-
met de réaliser des records d'audience
et leur vaut, en retour, lP..s foudres du
gouvernement, qui s'empresse de
supprimer pour elles l'autorisation
d'utiliser ce genre de véhiCules.
L'interdiction n'est levée que ... le
30 mat, pour la contre-manif gaulliste
des Champs-Elysées.
Mais, même en pleine flambée révo-
lutionnaire, les radios périphériques
savent châber leur langage. Le slogan
• De Gaulle assassin ! ", lancé par des
mdlllfestants le 13 mai, est amSJ traduit
sur Europe 1 par un plus ùl\onyme et
moins risqué c chef de l'Etat assas-
sin!», dont« Le Canard,. (15 mai) se
gondole. Les patrons de> stations- dont
le'> intérêts industriels et capitalistiques
croisent souvent ceux cie l'Etal- savent
d'ailleurs jusqu'où ne pas aller trop
tom . En cas de besoin, le gouverne-
ment ne se gêne pas pour les convo-
quer et leur remonter les bretelles ...
En nwanche, le couvercle posé sur la
marmite ORTF vole v1te en tk ats
Spectacle inouï : le 16 mai, le pouvoir
fmtt par accepter que la télé ditruse
un débat avec trois représentants des
étudiants contestataires (Jacques
Siluvc~geot, Alam Getsmar et Daniel
Cohn-Bendit) . « L'ORTF en proie à
Oessin de Moisan représentant le Génhal avec
les œuvres de OlderOI Eo 1966. I'Elysée avaJt
lait if1terdire le film de Jacques Rrvelte mp~rê de
• La refig euse •, dudit Diderot
~~ Canard §~
-.....__
encbauaé - .. -!
;
la débauche ! • s'esclaffe alors le
Palnupède. Mats, le lendemain du
débat, un reportage sur la nuit des
bamcades, réalisé par les journalistes
Michel Honorio, André Harris et
Alain de Sédouy, est brutalement cen-
suré. La réaction est immédiate :jour-
nalistes et techninens se mettent en
grève illimitée avec occupation des
locaux. On verra même - après
quelques jours d'Msitabon - le cour-
tisan Léon Zitronc rejoindre le mou-
vement. MaLS le gouvernement réussit
à sauvegdfder l'essentiel: les grévistes
ne prennent pas le contrôle des ondes,
et la dHfuston du journal • Télé-Soir •
reste assurée, depuis les studios de la
rue Cognacq ·Jay, sous le contrôle
étroit du pOUVOlf.
Passé le moJ.S de mai, la remise au pas
est à la mesure de la panique qui a
saisi l'Etat gaulh-;te. Une liste noire
de dangereux agitdteurs est établie
par le gouvernement, ct 70 journa-
listes indésirable;; sont mis à la porte.
• Lèse ou lèche-majesté, c'est le seul
choix qui s'offre aux gens de l'ORTF »,
résume • Le Canard • Zitrone et
quelques autres vedettes du petit écran
retournent leur veste et se portent
volontaires pour « passer l'aspirateur
sur les nouvf"lles indésirables », écrit
le Volatile. Le dessinateur Pol Ferjac
les monlre, ddns le numéro du
10 juillet, en gilet rayé de domestique
maniant le plumeau avec empresse-
ment. La celèbre affiche de ma1 qui
représente un CRS casqué devant un
micro de l'ORTF sous le titre « Tous
les soirs, la police vous parle à
20 heures est ressortie pour l'occa-
sion par Henri Jeanson en une du
Palmipède. Et le journaliste de tresser
cette drôle de couronne au Général :
« Vous pow.:e1 JOindre à votre liste de
victoires, à votre titre de vainqueur
de Montcornet (1) celle de vainqueur
de Cognacq-lay 1,. Une bataille rem-
portée, celle-là, avec le char de
l'Etat... •
(1) La légendP gaullienne avait érigé dU
rang de victouc cette lcntdlive de contre-
offensive menee par le:. blindés du colonel
de Gaulle durant la dl>b6clê de mai 1940.
 Fin de rogne
et de règne
En juin, la répression se durcit, mais cela n'empêchera pas de Gaulle,
qui a dramatisé son référendum, d'être poussé vers la sortie.

ous le soleil de juin, les derniers d'assassiner le Général. Ces braves tisans du chef de l'Etat à combattre

S bastions de mai tombent un par

un. Le 14 et le 16, l'Od éon et
la Sorbonne sont évacués par les
CRS. Quelques jours auparavant, les
forces de l'ordre sont intervenues aux
usines Rena ult de Flins : le lycéen
Gilles Tautin, poursuivi par les
forces de l'ordre, est retrouvé noyé
dans la Seine dans une indüférence
quasi générale. A l'ORTF, la reprise
en main ne traîne pas : les émetteurs
occupés par les g révistes sont éva-
cués manu militari et les journa-
listes contestataires sont licenciés
par fournées en tières.
Adroite, c'est l'heure des retrouvailles
entre les gaullistes et les anciens de
l'OAS, qui avaient pourtant tenté
1'D'1~C?l1Vi Vol-1dRie2 -\/uUS
Cf""' ~ .:J-8 a~s J'e.vT3M e
t.1~e CA Rf~fêR-e de vjtq-x_ ScHJJlJc~?
gens ont commencé à se réconcilier
à l'occasion de la grande manif d u
30 mai sur les Champs-Eysées. Comme
le souligne << Le Canard ,. (5 juin),
les ex-OAS ont alors rappliqué a u
siège des barbouzes du Service d'ac-
tion civique (SAC) pour aider les par-
Les élections législatives
anticipées achèvent
le mouvement de mai
et la jeunesse : la droite
obtient 81% des sièges !
les « gauchos » et les « cocos » . Mais
de Gaulle paie le prix fort pour ce
paradoxal renfort : le 15 juin, il fait
libérer les 11 derniers militaires enco-
re emprisonnés pour leur participa-
tion au putsch d'avril1961, dont leur
chef, le général Raoul Salan. Cette
ancienne idole d e l'extrême droite
peut alors d ire « merci, Cohn-
Bendit! »,comme« Le Canard» le
souligne dans un n uméro spécial
paru e n juin e t consacré aux événe-
men ts de mai.
Pour remporter les législatives anti-
cipées de la fin juin, le pouvoir ne
lésine pas sur les moyens. Les barons
du gaullisme jouent à fond la carte
de la peur du rouge pour « rallier à
leur panache décati le massif Parti
craintif >>, se gausse André Ribaud
dan s sa rubrique " La cour ». Les
résultats du premier tour, le 23 juin,
sont sans surprise: " C'est un vote
franc et M assu » , ironise trois jours
plus tard le Palmipède, en référence
au général Massu, qui avait su remon-
ter le moral de son compère
de Gaulle et lui avait promis le soutien
de l'armée lors de sa visite à Baden-
Baden, le 30 mai. Le second tour, le
30 juin, sonne l'« apothéose du Parti
craintif » et le g las de la révolte de
la jeunesse, avec une Assemblée où
la droite a raflé 81 % des sièges.
« Une chambre bleu CRS! »s'exclame
alors « Le Canard ». Avant de dresser
ce constat amer : « De mai à juin, la
France a pris un coup de vieux. »
Dans la fo ulée, de Gaulle se débar-
rasse de Georges Pompidou, qui avait
osé lorgner son fauteuil et freiner
ses ardeurs répressives. 11 nomme à
sa place Maurice Couve de Murville.

LES DOSSIERS DU CANARD • 103

 Plutôt inconsistant politiquement,
cet ancten inspecteur des Finances
pétainiste, ralbé très tardivement à
la France libre, ne risque pas de faire
de l'ombre à Mongénéral.
Au fil des mois, le Volaille et ses lec-
teurs doivent se faire une raison : le
grand bazar de mai ne reviendra plus.
La rentrée universitaue d'octobre,
crainte par les uns et espérée par les
autres, se passe sans anicroche sous
la houlette du nouveau ministre, le
radical Edgar Faure, et les usines
restent calmes. Mais le Général n'est
pas pour autant tiré d'affaire. Mdlgré
son triomphe électoral, le Président,
qui vtent de fêter ses 78 ans, paraît
déconnecté du pays et dépassé par les
événements. n tient malgré tout à
organiser, en avnl 1969, son fumeux
référendum sur la participation, la
régionalisation et la suppression du
Sénat armoncé durant la tourmente
de mai puis reporté à des jours
meilleurs
104 • LES ~l)(f}tS Dli CANARD
Cette msistance du chef de l'Etat,
qui reprend son éternel refrain du
« c'est moi ou Je chaos ! » patine.
D'autant qu'une partie de la droite le
lâche dans le virage, comme Giscard,
qUl annonce son refus de voter
o u1. A quatre JOUrs du scrutin,
« Le Canard • entonne déjà, sur l'air
de « La carmagnole •, un « ah ! s'en
ira 1s 'en ira! s'en ira! ... Dansons
la Charl'magnole •. Le 27 avriL c'est
fait : le non l'emporte nettement. avec
52,58 % des voix. Le soir mème, le
Général démissionne.
Dans le numéro qui suit, le Palmipède
se fend la pêche en page une : « M01
ou Je chaos ? Les Français ont choisi
le KO ». En page 3, « La cour »
devient (( une oraison funèbre sur la
fin de règne >> . Reprenant Bossuet
et sa célèbre tirade « Madame se
meurt, Madame est morte ! », André
Ribaud s'écrie « 0 nuit terrible! ô nuit
effroyable, ou retentit tout à coup,
comme un éclat de tonnerre, cette
étonnante nouvelle : le règne s'achève,
le règne est achevé ! Le R01 abdique ! »
Un souverain qui, comme le salue
l'auteur, fut des années durant, pour
les journalistes et les dessmateurs du
« Canard , un « bon et fidèle sujet ».
Un SUJet, un verbe, sans compliments,
évidemment. •
Quand de Gaulle
démissionne, "le Canard"
perd un "bon et fidèle
sujet". Par chance,
ses successeurs
ne le décevront pas