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4 A

SECHERESSE

Le risque de pénurie en eau polable


dans la ville de Niamey (Niger)

Le fleuve Niger a 88 % et la nappe phréatique a 12% sont les deux


sources d'alimentation en eau de la ville de Niamey. Or, la capacité
de ces sources a satisfaire les besoins (domestiques, agricoles,
industriels) est remise en cause du fait de la sécheresse pour le
fleuve e t de la pollution pour les nappes. Ces perturbations ne
risquent-elles pas de voir leurs effets s'amplifier pour les prochaines
décennies alors que les besoins vont aller en croissant sous
l'influence de la pression démographique et de l'extension du
réseau ? Problème crucial : compte tenu de l'apport prépondérant
du fleuve, comment améliorer l'autonomie de la ville e t en
particulier l'alimentation en eau des populations en cas d'étiage du
fleuve qui se prolonge ?

P
our les villes d'Afrique tropicale, la Pour caractériser ce risque de pénurie
maîtrise de l'eau représente un en eau potable, la démarche retenue re-
enjeu capital en termes de dévelop- pose sur I'établissement d'un bilan entre
pement durable. En zone sahélienne, où les disponibilités et les besoins, bilan
le climat se caractérise par une impor- qui s'appuie sur une étude diagnos-
tante variabilité des précipitations, la tique, destinée à évaluer la situation ac-
possibilité de résoudre ce problème est tuelle, et sur une étude prédictive pour
Nadia BECHLER-CARMAUX essentiellement liée à la disponibilité en appréhender I'évolution de la situation à
Michel MlEllON eau [l]. La situation à Niamey, capitale court et moyen termes (1 O et 20 ans).
du Niger, en est un bon exemple. L'ali-
mentation en eau de la ville est principa-
Université Louis-Pasteur, lement assurée par des prélèvements
dans le fleuve Niger. Or, la détériora- Disponibilitésen eau potable :l'offre
Centre d'études et de recherches
écogéographiques,
3, rue de l'Argonne, tion climatique enregistrée depuis la fin
67083 Strasbourg, France. des années 60 dans l'ensemble du bas- Actuellement, l'alimentation en eau de
sin du Fleuve a pour conséquence une Niamey est assurée à 88 % par le
diminution significative des quantités fleuve Niger et à 12 % par les nappes
Mathieu lAMOTTE
I
Institut de recherche .
d'eau disponibles, surtout en période phréatiques [3]. Dans le premier cas,
d'étiage [2]. Cette modification du la distribution de l'eau est assurée par
contexte hydrologique et donc de la res- le réseau d'adduction et, dans le se-
source en eau, associée à une forte cond cas, par des puits et des forages.
pour le déyeloppement, croissance démographique responsable Ces derniers sont particulièrement nom-
Universidade de SGo Paulo,
lnstitudo de Geociencias/DGG, d'une augmentation des besoins, se tra- breux dans les quartiers périphériques
CP 11348, 05422-970 São Paulo, duit régulièrement par des problèmes de la ville où le réseau d'adduction est
Brésil. d'alimentation en fin de saison sèche. inexistant.

Sécheresseno4, vol. 10, décembre 1999

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c.\ A . ' i

I -

Disponibilités en eau de surface ainsi par une diminution importante de la


principale ressource en eau de Niamey,
Fleuve Niger avec des répercussions possibles sur l'ali-
mentation en eau potable au moment de
L'importance du fleuve Niger dans l'ali- I'étiage.

Références
mentation en eau de Niamey justifie que
l'on s'intéresse à la sécheresse observée
depuis 1969. En effet, elle a entrainé
des modifications sensibles du régime hy-
. Retenue &eau de &,,de[
La persistance de la sécheresse depuis
drologique du fleuve. Une comparaison la fin des années 60 et l'observation
entre les périodes 1929-1968 et 1969- d'un étiage nul en juin 1985 ont amené
1. Neuvy G.L'homme ef /e'au dans le do- 1994 montre une diminution de 34 % les pouvoirs publics à proposer des so-
maine fropicol. Paris : Masson, 1991 ; pour le module annuel et de plus de lutions pour assurer les besoins en eau
227 p. 70 % pour les débits journaliers moyens de la population [6]. De 1985 à 1987,
minimums [4]. La période des basses des ouvrages provisoires de retenue
2. Sircoulon J. Évolution des climats et des
ressources en eau. A h Contemp 1992 ; eaux (débits inférieurs à 200 m3/s) s'al- des eaux ont été mis en place dans le lit
161 :57-76. longe de facon significative en passant du fleuve, détruits chaque année par
d'une cinquantaine de jours avant 1969 l'arrivée des crues. En 1988, la déci-
3. Collignon B. Impact des activités hu-
à plus d e 100 jours après cette date sion a été rise de construire un ou-
maines sur les ressources en eau souterraine
en Afrique sahélienne et soudanienne. Es-
paces tropicaux 1994 ;13 : 235-49.
(figure 71. Les impacts de la sécheresse
sont également visibles sur le tarissement
L
vrage dura le en amont d e l a ville,
entre les stations de pompage de Gou-
et' plus particulièrement, sur les volumes del et de Yantala. Achevée en 1989, la
4. Bechler N, Lamotte M, Mietton M. Les
étiages du fleuve Niger : risque de pénurie
dynamiques dont la moyenne varie du retenue d'eau de Goudel est un bar-
en eau pour l'agglomération de Niamey. simple au double [figure 2). L'analyse fré- rage déversoir à deux seuils qui permet
Sustainabilify of water resources under in- quentielle des débits minimums journa- d e concentrer les eaux durant les
creasing uncertainty, proceedings of 'Rabat liers [fableau /) montre que le temps de étiages. Sa capacité maximale est esti-
symposkm SI, airil' 1997. ~ÃHS 1997 ; retour des débits inférieurs à 10 m3/s, mée à 4,36 millions de mètres cubes
240 :67-74.
considérés comme critiques en termes pour une capacité utile de 3 millions de
5. Zinzindohoue M. Colloque sur la révision d'alimentation en eau pour la ville [5], mètres cubes [7]. La ville de Niamey
des normes hydrologiques suite aux inci- passe de 5 ans (1 929-1968) à 2 ans dispose donc d'une réserve en eau de
dences ¿e la sécheresse, communication II.
(1 969-1994). Pour la période 1969- 3 millions de mètres cubes pour assurer
Ouagadougou : CIEH, 1986 : 1-8.
1994, 16années présentent des débits l'alimentation des habitants en cas
6. Billon B. Le Niger à Niamey. Décrue et journaliers inférieurs à 1O m3/s, dont 13 d'étiages très faibles du fleuve.
étiage 1985. Cah ORSTOM, Hydrologie avec des débits inférieurs à 5 m3/s. Une
1985;21 :3-22.
interruption historique de I'écoulement est Contraintes techniques I

7. Anonyme. Étude ¿e factibilité du seuil ¿e éaalement


" observée en iuin 1985. Par
Goudel sur le Niger à Niamey. Niamey : ailleurs, I'étude des fréquknces d'appari- Les disponibilités en eau ne s'identifient
ministère de I'Hydraulique et de I'Environne- tion de certains seuils de basses eaux a pas aux seules ressources brutes. Les
ment, 1989;39 p.
permis d'individualiser 4 décades, du dispositifs de captage et de distribution
8. Voliron F. Mémento de /'exploitant de 20 mai au 30 juin, qui concentrent 81 % de l'eau du fleuve au consommateur in-
l'eau et ¿e l'assainissement. Paris : Lyon- de I'événement Q < 10 m3/s et 91 % de fluencent négativement les volumes
naise des eaux/Technique et Document La- I'événement Q c 5 m3/s. La sécheresse d'eau disponibles pour l'alimentation.
voisier, 1986 ; 1008 p.
de ces dernières décennies se traduit Les pertes liées au pompage et au traite-
9. Girard P. Techniques isotopiques (W,
'*O) appliquées à l'étode ¿es nappes ¿es al-
férifes,et du socle fracfuré de /'Ouest afri-
cain. Efude de cas : /'Ouest du Niger. Mé- Débit (m3/s)

I
3m-m .
moire de DEA. Montréal : Université
Québec, 1993;141p. --:-
I
2O00
I - 1929 --- 1971
1O. Kehren S. L'agglomération ¿e Niamey
(Niger). Contribution à une meilleure
connaissance des disponibilités et ¿es be- 1500
soins en eau. Mémoire de maîtrise. Stras-
bourg : Université de Strasbourg-I, 1995 ; 1O00
138 p.

11. Dehays H, Garin H, Zunino C. Pro-


gramme d'urgence pour le renforcement ¿e
/'alimentation en eau potable ¿es quartiers
¿e la périphérie de Niamey (Niger). I 61 121 181 241 301 361
Deuxième phase :exécufion de 68 forages. Jours
Rapport ¿'éfu¿.. Niamey : BRGM/ministère
de l'Hydraulique et de l'Environnement,
1986 ;30 p. Figure 1. Débifs journaliers du Niger à Niamey. Années types : 1929, 1946, 1961, 1971, 1985ef 1992.

282 ~
Sécheresse n"4, vol. lo, décembre 7 999
I santé (OMS) (figure 5). La situation ac-
Volume dynamique (IO6 m3) tuelle s'est réellement détériorée par rap-
2 O00 port à ce qui a été observé en 1985 et
1800 1986 [11 I 121. L'origine de cette pollu-
A
tion est multiple, réseau d'égout em-
bryonnaire, azote du sol et fertilisants se
combinant pour expliquar les fort taux
de nitrates mesurés [9]. A cette pollution
chimique se surimpose une pollution mi-
crobiologique résultant d'une contami-
nation fécale directe. Une étude réalisée
en 1996 [13] montre que les deux tiers
des 55 sites testés présentent une eau
non potable selon les normes AFNOR et
que l'eau de 9 % d'entre eux est im-
O' , I I I
I
I propre à la consommation même après
.
1
Id50 , 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1d90
traitement. Ce bilan très préoccupant
montre le caractère irréaliste d'une ex-
Figure 2. Volumes dynamiques du Niger à Niamey (I950-1990). ploitation immédiate des ressources sou-
terraines locales.

ment sont estimées à 20 % et celles liées


au réseau de distribution à 15 % [8].
Ainsi, pour satisfaire une demande jour-
complété par les formations supérieures
(CT3) du continental terminal pour la
nappe du plateau et par les alluvions
Dispositifs de captage
et d e distribution I
nalière de 50 O00 m3' par exemple, il pour la nappe de la plaine. Dans ces L'alimentation en eau souterraine est as-
faudra disposer d'un volume d'environ deux derniers cas, I'épaisseur métrique surée par des puits et des forages. La
75 O00 m3, supérieur de 30 % au be- des nappes commande une exploitation faible profondeur de la nappe alluviale
soin théorique (figure 3). La majeure réduite, limitée au ravitaillement des vil- et de celle du continental terminal a tou-
partie de cette eau G perdue )) retourne lages alentours. Ces nappes présentent tefois généralisé l'usage des puits, pré-
toutefois vers les nappes phréatiques. un faciès chimique similaire, à mettre-en sents dans la plupart des quartiers tradi-
relation avec les processus d'altération tionnels. L'eau est essentiellement
Disponibilités en eau souterraine du socle. Leurs modes de recharge sont réservée à des usages domestiques hors
en revanche différents [9]. La nappe du alimentation : toilette, vaisselle, les-
plateau est alimentée principalement sive ... Les forages ont été mis en place
Ressources en eau souterraine par l'infiltration directe des eaux de dans le cadre d'un programme d'ur-
pluie et celle de la plaine par les eaux gence pour l'alimentation en eau PO-
Deux nappes sont observées en fonction issues du fleuve et des bas-fonds. table des quartiers périphériques, à Ia
de la topographie (figure 4). La nappe
du plateau est située sur la rive gauche
du Niger, à une vingtaine de mètres au-
dessus-du niveau du-fleuve. Son toit pré-
. Qualité de lieausouterraine
Les mesures récentes de la qualité de
suite de la prévision de l'arrêt de l'écou-
lement du Niger en juin 1 9 8 5 [14].
D'une profondeur moyenne de 65 m, ils
s'alimentent tous dans la nappe du
sente une altitude moyenne de 21 O m l'eau sont plutôt alarmantes. En effet, les socle. Actuellement, sur les 110 ou-
qui diminue rapidementà l'approche du nappes présentent une pollution par les vrages construits, seule une trentaine
fleuve. La nappe de la plaine est située nitrates généralisée. Sur 112 points de fonctionne encore, principalement en
essentiellement sur la rive droite. Les ni- prélèvement retenus dans le cadre d'une raison d'un mode de gestion inappro-
veaux statiques sont réguliers, à une alti- campagne d e mesures réalisée en -prié de ce type d'infrastructure.
tude de 180 m environ. L'aquifère prin- 1995 [lO], 64 % ont un taux de nitrates
cipal des deux nappes est constitué par supérieur à 50 mg/l, seuil de potabilité
les fractures du socle et ses altérites, fixé par l'Organisation mondiale de la
Besoins en eau :la demande !
I Tubleau1.Temos de retour des débits minimums iournoliers en m3/5er. pour les périodes 1929-1968 et 1969-1994
O n distingue trois secteurs d'utilisation :
domestique, agricole et industriel.
Les besoins domestiques sont estimés à
partir des consommations spécifiques
déterminées en fonction des types d'ha-
bitat et d'alimentation [15]. Ces deux in-
dicateurs s'avèrent en effet très perti-
nents. L'habitat renseigne indirectement
sur le revenu et la taille du ménage et le
type d'alimentation sur Ia facilité

Sécheresse no4, vol. IO, décembre I999


Figure 3. Impact des sèche. O n estime généralement qu'au
confra;nfes techniques moins 20 % de l'eau d'irrigation des ri-
a u pompage e sur les besoins en em. zières retourne au fleuve ou à Ia nappe
sous-fluviale. Le maraichage occupe
300 ha au sein de la communauté ur-
baine. L'eau d'arrosage provient princi-
palement du fleuve mais également de
puits traditionnels. Les besoins en eau sont
estimés globalement, sur la base d'indices
culturaux, à 60 m3 par jour et par hectare
[I71, soit un total de 18 O00 m3/j. Les b e
soins quotidiens pour l'agriculture sont
I I donc très importants, avec un maximum
Besoins en eau
avant distribution
de 520 O00 m3/j en saison sèche. Les be-
soins industriels sont peu élevés, en rela-
tion avec le faible développement de ce
secteur d'activités dans l a ville. Pour
d'accès à l'eau. Or, la consommation fleuve coÏncide avec celle où les besoins l'année 1995, sa consommation effective
en eau augmente avec le revenu et tend en eau sont les plus importants. a été de 1O O00 m3/j, d'après les rele-
à diminuer avec l'augmentation de la Les besoins agricoles se répartissent pour vés de compteurs d'?au de la Société na-
taille du ménage et I'éloignement du l'essentiel entre Ia riziculture et le maraÎ- tionale des eaux. A défaut d'autre re-
point d'eau. Ainsi, en considérant que chage. La ville de Niamey est respon- levé, cette valeur a été retenue dans nos
3, 2 7 et 70 % de Ia population sable de la gestion de 12 secteurs rizi- calculs de bilans. Une partie importante
(627 O00 habitants) consomment res- coles, dont la superficie totale atteint de cette consommation retourne par rejet
pectivement 500, 80 et 20 litres d'eau 2 900 ha. Ces secteurs sont alimentés au fleuve et probablement à la nappe, et
par jour, les besoins domestiques ac- par des prélèvements directs dans le constitue ainsi une source supplémentaire
tuels de la population sont estimés en fleuve. Deux ,campagnes de culture sont de pollution.Les besoins en eau de Nia-
moyenne à 30 O00 m3/j [tableau 1 11. En effectuées durant l'année, avec des mey, toutes activités confondues, s'élè-
fin de saison sèche (d'avril à juin), ce consommations en eau très variables vent ainsi à 570 O00 m3/i. Cette valeur
chiffre augmente de 30 % avec des be- selon la saison considérée [16]. En correspond à la demande journalière en
soins domestiques maximaux évalues à moyenne, la consommation journalière saison sèche, période où les ressources
environ 40 O00 m3/j. II est important de pour l'année s'élève à 400 O00 m3, avec en eau se raréfient alors que les besoins
souligner que la période d'étiage du un maximum de 500 O00 m3/j en saison de la population sont le plus élevés.

1 Kouara
Kano
S. N.N.O. S.S.E.
I '

IV Continental terminal A
Sables . 0Formation sableuse àfragments de cuirasse
M Alluvions grossières Cuirasse 40 m
E d Formation à oolithes ferrugineuses
Socle
LIE4 Formation limoneuse
O Altérites

Figure 4. les types de nappes d Niamey. Confexfe géologique et niveaux sfafiques.

Sécheresse no4, vol. IO, décembre I999


Figure 5. sont satisfaits par des apports fluviaux
par /es nifrafes à Nia-
journaliers supérieurs à 0'6 m3/s
(figure6j. O n estime que la période de
retour des débits inférieurs à ce seuil
varie entre 10 et 20 ans selon les lois
considérées. Depuis 1969, cet événe-
ment a été constaté en 1974 et en
1985. La comparaison entre les vo-
lumes bruts mis à disposition par le
fleuve et les besoins de Niamey té-
moigne ainsi de l a gravité des pro-
blèmes d'alimentation en eau de la ville
en fin de saison sèche, avec notamment
'des répercussions régulières sur I'agri-
culture intra-urbaine et péri-urbaine [18].
Cette analyse Suppose également que la
ville de Niamey puisse disposer de la
totalité de l'eau du fleuve. En réalité, les
acteurs municipaux doivent tenir compte
des besoins de la population nigérienne
et nigériane située en aval. Ce devoir
de partage de l'eau entre les différents
utilisateurs ne fait que renforcer l'acuité
du problème.
En ce qui concerne les besoins domes-
tiques et industriels, une réserve d'eau
d e 3 millions de mètres cubes a été
construite en 1988-1989 pour garantir
leur satisfaction en cas d'arrêt de I'écou-
lement du fleuve. Théoriquement, en
comptant une consommation journalière
d e 5 0 O00 m3' la retenue de Goudel
permet d'assurer l'alimentation de Ia
ville durant 60 jours en cas d'étiage nul
. (figure 7).Ce schéma proposé par les
Confrontafion entre les ressources deviennent inférieurs à 7 m3/s, des pouvoirs publics repose sur un rapport
et les besoins :le bilan choix dans l'utilisation de l'eau s'impe entre le volume stocké et les besoins
sent. Les efforts d'économie se portent hors agriculture. Or, il ne prend pas en
naturellement sur le secteur agricole, qui compte deux autres facteurs de prélève-
Situation actuelle totalise à lui seul 88 % des besoins. ments significatifs qui sont la demande
Exception faite des besoins agricoles, évaporatoire et les contraintes tech-
Le bilan de l'alimentation en eau po- les besoins domestiques et industriels niques.
table de Niamey montre que l'ensemble
des besoins peut être satisfait par les
eaux du fleuve si le débit journalier est
supérieur à 6,6 m3/s (figure 6). Or,
l'analyse fréquentielle des débits mini-
mums journaliers fait apparaitre que
I'événement Q = 6'6 m3/s n'est pas réa-
lisé une année sur deux pour la période
1969-1 994 (tableau I). La chronique
des débits moyens journaliers montre
que, sur ces 26 années d'observation,
15 présentent des valeurs inférieures à
7 m3/s. Le nombre de jours consécutifs
sur lequel se produit I'événement peut
être long : 50 jours en. 1981 et 39 jours
en 1985, par exemple. La non-satisfac-
tion de l'ensemble des besoins en eau
d e Niamey correspond donc à un
risque réel. Lorsque les débits journaliers Figure 6. Safisfocfion des besoins et débits du fleuve Niger.

Sécheresse no4, vol. 10, décembre I999 285


I
Figure 7. Simulotion de
Capacité utile (106 m3) vidange de la retenue
de Goudel en cos
d'éfiage nul du fleuve
Niger (I 996).

Références

12. Paillet A. Suivi piézoméfriqueet chi-


mico-bactériologiquedes foroges d'eau de , Jours
Niamey iNigerj. Rapportde stage. Niamey :
BRGM, 1984 ;18 p.

13. Bui A. Qualité bactériologique et phy-


sico-chimiqued'eaux de puits et de forages
de Niamey (Niger). Mémoire de licence pro- Les évaporations mesurées sur des Niamey serait multipliée par 2 d'ici à
fessionnelle. Paris : université Claude-Ber- nappes d'eau en climat tropical sec, et 1 O ans (1,2 million d'habitants) et
nard, 1996 ;50 p.
plus particulièrement sur le lac de Bum compterait 2,2 millions d'habitants en
14. Bemert G, Dehays H, Garin H, Zunina et la mare d'Ours¡, varient de 2 500 à 2016. L'impact de Ia croissance démo-
C. Programme d'urgence pour le renforce- 3 O00 "/an [19, 201. Durant les mois graphique sur les besoins est donc évi-
ment de I'alimènfation en eau potabL des de mai et juin, cette évaporation est dent. En parallèle, une augmentation du
quartiers de la périphérie de Niamey
(Niger]. Exécution de 50 forages produdif,
maximale, avec une moyenne mensuelle taux de raccordement est prévue pour le
Rapport d'étvde. Niamey : BRGM/ministère d'environ 300 mm. Les pertes par éva- début de l'an 2000. Or, le raccorde-
de l'Hydraulique et de l'Environnement, poration s'é)èvent, p a r exemple, à ment au réseau conduit à une augmen-
1985;54 p. 90 O00 m3/i lorsque la retenue est à tation de la consommation d'eau en rai-
15. Barrere 8, Garba B, Kourgueni I. En- son niveau maximum (surface de 9 km2) son de son tarif avantageux, en
quête démographique ef de santé. Niger et sont donc largement supérieures aux moyenne cinq fois moins élevé que celui
7 992. Niamey : ministère des Finances et du prélèvements effectués pour alimenter en pratiqué aux bornes-fontaines et par les
Plan, 1993 ;199 p. eau les habitants. marchands ambulants [18]. C'est là une
16. Ansoumana T, Afagnibo M. kaluafion Les contraintes techniques sont représen- autre source de gaspillage, doublée
du coût des volumes d'eau pompés. Rapport tées par les dispositifs de captage, de d'une inégalité sociale. Le taux des per-
d'étode. Niamey : ONAHA, 1992;16 p. traitement et de distribution de l'eau. sonnes desservies directement par le ré-
Elles tendent également à diminuer le seau passerait de 30 à 40 % [23].
17. Doorenbos J. Les besoins en eau des
cultures. Bu//Irr Drainage 1975 ; 13 : 1- volume d'eau disponible pour I'alimen- Cette extension devrait concerner essen-
198. tation (voir plus haut). tiellement la population des quartiers
En prenant en compte les besoins jour- traditionnels. Dès lors, ce sont 3, 37 et
18. Bechler-CarmauxN. Les risques liés tì
/'eau dans une capitole sahélienne. Pénurie
naliers de Niamey, la demande évapo- 60 % de la population qui consomme-
et excès ¿'eau tì Niamey /Niger). Thèse. ratoire et les contraintes techniques, raient respectivement 500, 80 et
Strasbourg : université de Strasbourg-I, l'autonomie de la ville ne serait plus que 20 litres par jour et par habitant au lieu
1998 ;288 p. de 21 jours en cas d'étiage nul du de 3, 27 et 70 %. Dans ,ce contexte, les
19. Pouyaud B. Contribution à I'évaluation fleuve (figure 7).Cette durée est d e besoins domestiques en eau s'élève-
de I'évoporation de noppes d'eau libre en deux tiers inférieure à celle avancée par raient à 177 000 m3//i dans 1O ans et
climat fropical sec. Paris : ORSTOM, 1986 ; les autorités et montre la nécessité de à 348 O00 m3/j dans 20 ans et se-
254 p. prendre en compte l'ensemble des fac- raient satisfaits par des apports fluviaux
20. Claude J, Chevallier P. Le cadre géo- teurs de prélèvements significatifs. supérieurs à 2 m3/s pour l'année 2006
graphique, un espace sahélien :la mare et à 4 m3/s pour l'année 2016. Les
d'Ours;. Paris :ORSTOM, 1991 : 23-42. temps de retour associés à ces débits
Évolution de la situation
sont respectivement de 5 à 1O ans et de
21. Motcho HK. Cadres de vie ef systèmes à court'et moyen termes
de santé à Niamey. Thèse. Bordeaux : uni- 5 ans. Dans ces conditions et dans I'hy-
versité de Bordeaux-Ill, 1991;309 p. Les besoins en eau n,e sont pas pothèse d'un étiage nul du fleuve Niger,
constants dans le temps. A Niamey, ils la retenue de Goudel pourrait assurer
22. Seybou MK. La politique de planifica-
tion urbaine au Niger. Le cas de Niamey.
sont étroitement liés à la croissance dé- l'alimentation de la ville durant 13 jours
Cah Cidep 1995; 22 : 1-91. mographique et à l'extension du réseau en 2006 et durant seulement 8 jours en
d'adduction. Selon les sources considé- 2016 (figure 8). Dans les deux cas de
23. GkW-Ingénieurconseil. Amé/iorafion et rées, le taux de croissance pour les figure, la marge d'autonomie de Nia-
extension des installations ¿e traitement et
de distribution d'eau à Niamey, Rapport 20 prochaines années varierait entre mey est très faible.
final. Niamey : ministère de l'Hydraulique et 5et 7 % [21, 221. En se fondant sur un La situation est d'autant plus critique que
de ('Environnement, 1998. taux moyen de 6 %, la population de la vidange de la retenue commence en

Sécheresse n04,vol. TO, décembre 7999


a. L

Figure 8. Simulation de hers de la ville n'est pleinement satisfait


Capacité utile (I 06 ma) vidange de la retenue qu'une année sur deux depuis 1969.
3,O X de Goodel en cas Actuellement, les besoins domestiques
d'étiage nul du fleuve sont assurés durant environ 3 semaines
Niger (2006 ef 20 161.
en cas d'étiage nul du fleuve Niger.
2 3 5 : k b

T>
2,o
Cette situation se dégradera rapidement
avec la croissance démographique et
1.5-- les projets d'extension du réseau d'ad-
duction d'eau. II semble donc impératif
1,o -- de mettre en place une politique de ges-
tion réaliste de l'eau, fondée en particu-
0,s --

0.0; I I
3
!
5
7
: 7
9 1,
11 73
lier sur une diversification des res-
sources.
Cette diversification pourrait a priori re-
Jours
Doser sur une meilleure exploitation des

fonctions doivent être personnalisées


Capacité utile (IO6 m3)/débit(m3/s) (chef de quartier, association d e
4,o femmes ...) pour assurer la pérennité des
33--
infrastructures de pompage.
Une autre possibilité d'alimentation, en
i
38 -- fait assez aléatoire, réside dans I'aména-
gement de petites retenues d'eau sur les
2.5 -- affluents burkinabés situés en amont de
Niamey, en particulier le Gorouol, la
2,o --
Sirba et le Dargol. Ces retenues permet-
~5-- traient de soutenir les étiages du fleuve et
de développer l'agriculture. II faudrait tou-
1to -- tefois vérifier l'impact réel d'une telle solu-
tion, en sachant que le remplissage de
0 3 --
ces retenues est tardif. II est en effet lié
O0 aux précipitations locales qui débutent en
23mai 28hai 2j:in juin, c'est-à-dire lors de I'étiage du fleuve.
Jours
Cette solution pourrait ainsi soulever des
problèmes de calendrier. De plus, les im-

Sécheresse nod,vol. IO, décembre 1999 287 .


1 ‘C 3

Une troisième possibilité, qui réglerait


I
définitivement les problèmes d‘alimenta-
tion en eau d e Niamey, serait l a ‘
construction d’un grand barrage à Kan-
dadji, petite ville située à 180 km en
amont de la capitale. Cette solution a
toutefois un poids financier qui oblige-
rait les autorités publiques à faire appel,
au moins partiellement, à l’aide interna-
tionale. Sur cet argument budgétaire se
greffent naturellement tous les inconvé-
nients majeurs en amont et en aval de
ce type d’infrastructure, comme le dé-
placement de la population, la modifica-
tion des écosystèmes et la diminution
des ressources en eau pour les popula-
tions situées en aval.
Des solutions sont donc envisageables
pour lutter contre le risque de pénurie
en eau potable à Niamey. II faut toute-
fois rappeler que ce risque est directe-
ment lié à la sécheresse observée au
cours des dernières décennies et qu’un
retour à la normale des normes hydrolo-
giques et, donc, climatiques le limiterait
considérablement _.
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