Vous êtes sur la page 1sur 11

Texte 9/ Extrait Les Lettres persanes, Montesquieu.

Ce roman épistolaire de Montesquieu (1689-1755) rassemble la correspondance


fictive entretenue pendant huit ans par deux Persans, Rica et Usbek, et leurs amis
restés en Perse. Tandis qu’Usbek leur décrit avec ironie la société française de
Louis XIV, les femmes de son sérail, dont sa favorite, Roxane, se sont révoltées
contre lui.
ROXANE A USBEK
A Paris.

Oui, je t’ai trompé ; j’ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta


jalousie ; et j’ai su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de
plaisirs.

Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines: car que ferais-je ici,
puisque le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus? Je meurs;
mais mon ombre s’envole bien accompagnée: je viens d’envoyer devant
moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus beau sang du
monde.

Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m’imaginer que je
ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que
tu te permets tout, tu eusses le droit d’affliger tous mes désirs ? Non : j’ai
pu vivre dans la servitude ; mais j’ai toujours été libre: j’ai réformé tes lois
sur celles de la nature; et mon esprit s’est toujours tenu dans
l’indépendance.

Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t’ai fait ; de ce


que je me suis abaissée jusqu’à te paraître fidèle ; de ce que j’ai
lâchement gardé dans mon coeur ce que j’aurais dû faire paraître à toute
la terre ; enfin de ce que j’ai profané la vertu en souffrant qu’on appelât
de ce nom ma soumission à tes fantaisies.

Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l’amour: si tu


m’avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.

Mais tu as eu longtemps l’avantage de croire qu’un cœur comme le mien


t’était soumis. Nous étions tous deux heureux; tu me croyais trompée, et
je te trompais.

Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu’après


t’avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d’admirer mon
courage ? Mais c’en est fait, le poison me consume, ma force
m’abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à
ma haine ; je me meurs.
Du sérail d’Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab, I, 1720.

Montesquieu, lettre 161, Lettres persanes, 1721.

Texte 10/ Extrait Discours sur le bonheur, Châtelet.

Emilie du Châtelet (1706-1749) s’empare d’un thème central au XVIIIème


siècle, le bonheur. Elle en propose une approche toute personnelle,
lucide et épicurienne. Elle fait l’éloge des passions qu’elle a placées au
cœur de sa vie : le jeu, l’amour, l’étude.

[Moins notre bonheur dépend des autres] et plus il nous est aisé d'être
heureux. Ne craignons pas de faire trop de retranchement sur cela, il en
dépendra toujours assez. Par cette raison d'indépendance, l'amour de
l'étude est de toutes les passions celle qui contribue le plus à notre
bonheur. Dans l'amour de l'étude se trouve renfermée une passion dont
une âme élevée n'est jamais entièrement exempte, celle de la gloire; il n'y
a même que cette manière d'en acquérir pour la moitié du monde, et c'est
cette moitié justement à qui l'éducation en ôte les moyens, et en rend le
goût impossible.

Il est certain que l'amour de l'étude est bien moins nécessaire au bonheur
des hommes qu'à celui des femmes. Les hommes ont une infinité de
ressources pour être heureux, qui manquent entièrement aux femmes. Ils
ont bien d'autres moyens d'arriver à la gloire, et il est sûr que l'ambition
de rendre ses talents utiles à son pays et de servir ses concitoyens, soit
par son habileté dans l'art de la guerre, ou par ses talents pour le
gouvernement, ou les négociations, est fort au-dessus de [celle] qu'on
peut se proposer pour l'étude; mais les femmes sont exclues, par leur
état, de toute espèce de gloire, et quand, par hasard, il s'en trouve
quelqu'une qui est née avec une âme assez élevée, il ne lui reste que
l'étude pour la consoler de toutes les exclusions et de toutes les
dépendances auxquelles elle se trouve condamnée par état.

Madame du Châtelet, Discours sur le bonheur (1746/1779)


Extrait analysé /Le Tableau de Paris, Mercier.
Dans ce guide de la capitale, précieux témoignage sur la ville à la veille de la
Révolution, Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), grand ami d’Olympe de Gouges,
observe les comportements de la société dont il fait une satire virulente, ce qui
provoque l’interdiction de l’ouvrage.

Si l'on ne défend point aux femmes la musique, la peinture, le dessin,


pourquoi leur interdirait-on la littérature ? ce serait dans l'homme une
jalousie honteuse que de repousser la femme dans l'ignorance, qui est un
véritable défaut avilissant. Quand un être sensible a reçu de la nature une
imagination vive, comment lui ravir le droit d'en disposer à son gré ?

Mais voici le danger. L'homme redoute toujours dans la femme une


supériorité quelconque ; il veut qu'elle ne jouisse que de la moitié de son
être. Il chérit la modestie de la femme ; disons mieux, son humilité,
comme le plus beau de tous ses traits ; et comme la femme a plus
d'esprit naturel que l'homme, celui-ci n'aime point cette facilité de voir,
cette pénétration. Il craint qu'elle n'aperçoive en lui tous ses vices et
surtout ses défauts.

Dès que les femmes publient leurs ouvrages, elles ont d'abord contre
elles la plus grande partie de leur sexe, et bientôt presque tous les
hommes. L'homme aimera mieux toujours la beauté d'une femme que
son esprit ; car tout le monde peut jouir de celui-ci.

L'homme voudra bien que la femme possède assez d'esprit pour


l'entendre, mais point qu'elle s'élève trop, jusqu'à vouloir rivaliser avec lui
et montrer égalité de talent ; tandis que l'homme exige pour son propre
compte un tribut journalier d'admiration. […]
Ainsi, à travers tous les compliments dont l'homme accable une
femme, il craint ses succès, il craint que sa fierté n'en augmente et ne
mette un double prix à ses regards. L'homme veut subjuguer la femme
tout entière, et ne lui permet une célébrité particulière que quand c'est lui
qui l'annonce et qui la confirme. Il consent bien qu'elle ait de la réputation,
pourvu qu'on l'en croie le premier juge et le plus proche appréciateur.
Une femme qui écrit doit faire exception, on en conviendra ; car les
devoirs d'amante, d'épouse, de mère, de sœur, d'amie, souffrent toujours
un peu de ces ingénieuses distractions de l'esprit, et l'homme tremble
que les qualités du cœur ne viennent à se refroidir au milieu de
l'enchantement de la renommée. Il désire, enfin, qu'elle ne soit
susceptible que d'une sorte d'enchantement : de celui-là que l'homme
voudrait inspirer exclusivement.

Encore si les femmes s'emparaient de la science ; mais non, elles


prennent les légèretés, les finesses, le sentiment, les grâces originales de
l'imagination, la peinture de nos défauts, et elles font tout cela sans
études, sans collèges, et sans académie.

Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier, chapitre 845 (1781-1788).


Extrait analysé/ « Ouverture au postambule », Déclaration des droits de
la femme et de la citoyenne, Gouges.

Ce texte prend place entre la dédicace « A la Reine » et la Déclaration.


Par sa forme, il est à rapprocher de l’adresse aux femmes qui ouvre le
postambule.

Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la
question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné
le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ?
Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa
grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu
l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique.

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette
enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ;
et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille
et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature.
Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un
ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel.

L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre,


aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières
et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en
despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il
prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne
rien dire de plus.

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Gouges (1791).


Extrait analysé/Voltaire « Femmes, soyez soumises à vos maris » in
Mélanges, pamphlets et œuvres polémiques 1759-1768

L’abbé de Châteauneuf la[1] rencontra un jour toute rouge de colère.


« Qu’avez-vous donc, madame ? » lui dit-il.

– J’ai ouvert par hasard, répondit-elle, un livre qui traînait dans mon
cabinet ; c’est, je crois, quelque recueil de lettres ; j’y ai vu ces
paroles : Femmes, soyez soumises à vos maris ; j’ai jeté le livre.

– Comment, madame ! Savez-vous bien que ce sont les Épîtres de saint


Paul[2] ?

– Il ne m’importe de qui elles sont ; l’auteur est très impoli. Jamais


Monsieur le maréchal ne m’a écrit dans ce style ; je suis persuadée que
votre saint Paul était un homme très difficile à vivre. Était-il marié ?

– Oui, madame.

– Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature : si j’avais été la
femme d’un pareil homme, je lui aurais fait voir du pays. Soyez soumises
à vos maris ! Encore s’il s’était contenté de dire : Soyez douces,
complaisantes, attentives, économes, je dirais : Voilà un homme qui sait
vivre ; et pourquoi soumises, s’il vous plaît ? Quand j’épousai M. de
Grancey, nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop gardé ma
parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d’obéir. Sommes-
nous donc des esclaves ? N’est-ce pas assez qu’un homme, après
m’avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui
quelquefois est mortelle ? N’est-ce pas assez que je mette au jour avec
de très grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider[3] quand il sera
majeur ? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des
incommodités très désagréables pour une femme de qualité, et que, pour
comble, la suppression d’une de ces douze maladies par an soit capable
de me donner la mort sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez ?
Certainement la nature ne l’a pas dit ; elle nous a fait des organes
différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les
uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage. Je
me souviens bien que Molière a dit :

Du côté de la barbe est la toute-puissance[4] .

Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! Quoi ! Parce
qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de
tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui
obéisse très humblement ? Je sais bien qu’en général les hommes ont
les muscles plus forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup de
poing mieux appliqué : j’ai peur que ce ne soit là l’origine de leur
supériorité.

Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils
se vantent d’être plus capables de gouverner ; mais je leur montrerai des
reines qui valent bien des rois. On me parlait ces jours passés d’une
princesse allemande[5] qui se lève à cinq heures du matin pour travailler
à rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes
les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits
qu’elle a de lumières. Son courage égale ses connaissances ; aussi n’a-t-
elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous
apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut
apprendre. Pour moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable
d’oser suivre ce modèle.

L’abbé de Châteauneuf, qui était fort poli, n’eut garde de contredire


madame la maréchale.

Voltaire, « Femmes soyez soumises à vos maris »,


Mélanges, pamphlets et œuvres polémiques, 1759-1768.

[1] La maréchale de Grancey.


[2] Les Épîtres de Paul ou Épîtres pauliniennes sont un ensemble de
13 lettres attribuées à l’apôtre Paul de Tarse et adressées à différentes
communautés chrétiennes du ier siècle.

[3] Me traduire en justice.

[4] L’École des femmes, acte III, scène 2.

[5] Allusion à Catherine II (1729-1796), impératrice de Russie.

Texte analysé/Kid, Eddy de Pretto, 2018

Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune larme glisser


Sur cette gueule héroïque et ce corps tout sculpté
Pour atteindre des sommets fantastiques que seule une rêverie pourrait
surpasser

Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune once féminine


Ni des airs, ni des gestes qui veulent dire
Et Dieu sait, si ce sont tout de même les pires à venir
Te castrer pour quelques vocalises

Tu seras viril mon kid, loin de toi ces finesses tactiques


De ces femmes origines qui féminisent, groguisent
Sous prétexte d'être le messie fidèle de ce fier modèle archaïque
Tu seras viril mon kid, tu tiendras dans tes mains l'héritage iconique
d'Apollon

Et comme tous les garçons, tu courras de ballons en champion


Et deviendras mon petit héros historique

Virilité abusive
Virilité abusive

Tu seras viril mon kid, je veux voir ton teint pâle se noircir
De bagarres et forger ton mental
Pour qu'aucune de ces dames te dirigent vers de contrées roses
Néfastes pour de glorieux gaillards
Tu seras viril mon kid, tu hisseras ta puissance masculine
Pour contrer cette essence sensible que ta mère
Nous balance en famille, elle fatigue ton invulnérable Achille

Tu seras viril mon kid, tu compteras tes billets d'abondance


Qui fleurissent sous tes pieds, que tu ne croiseras jamais
Tu cracheras sans manière en tous sens
Défileras fier et dopé de chair, de nerf protéiné

Tu seras viril mon kid, tu brilleras par ta force physique


Ton allure dominante, ta posture de caïd
Et ton sexe triomphant pour mépriser les faibles
Tu jouiras de ta rude étincelle

Virilité abusive
Virilité abusive
Virilité abusive
Virilité abusive

Mais moi, mais moi, je joue avec les filles


Et moi, et moi, je ne prône pas mon chibre
Mais moi, mais moi j'accélèrerai tes rides
Pour que tes propos cessent et disparaissent

Et moi, et moi, je joue avec les filles


Et moi, et moi, je ne prône pas mon chibre
Et moi, et moi j'accélèrerai tes rides
Pour que tes propos cessent et disparaissent

Source : Musixmatch
Paroliers : Eddy De Pretto / Cedric Janin
Paroles de Kid © Universal Music Publishing
Texte/ Pourquoi les filles ont mal au ventre? Lucile de Pesloüan 2014

Pourquoi les filles ont mal au ventre? est un manifeste féministe qui
dénonce les malaises que ressentent les femmes, de l’enfance à l’âge
adulte, dans une société qui ne les ménage pas. Lucile de Pesloüan a
écrit ce texte sous forme de fanzine en 2014. Plusieurs centaines
d’exemplaires vendus plus tard, l’ouvrage est édité en livre illustré avec
un texte enrichi, appuyé par des illustrations réalistes et percutantes de
Geneviève Darling.

Pourquoi les filles ont mal au ventre? invite les adolescents à se


questionner sur les situations de sexisme que les filles vivent au
quotidien. Le livre sensibilise aux inégalités que subissent les femmes, ici
ou ailleurs, avec des illustrations sans tabou, qui racontent une réalité
complexe et hétérogène.

Mots-clés
adolescence, féminisme, inégalités sociales, société.

Prix littérairesPrix du prix Espiègle 2018


Prix des bibliothécaires scolaires du Québec, catégorie 12-17 ans,
Québec
Finaliste au Prix des bibliothèques de Montréal
Finaliste au Prix Alvine Bélisle

Vous aimerez peut-être aussi