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À décréter par l’Assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de
la prochaine législature.
PRÉAMBULE
POSTAMBULE
Lettre 161
Roxane à Usbeck, à Paris.
1 Oui, je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j'ai su de ton
affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.
Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines : car que ferais-je ici, puisque le seul
homme qui me retenait à la vie n'est plus ? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien
5 accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus beau
sang du monde.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le
monde que pour adorer tes caprices ? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit
d'affliger tous mes désirs ? Non : j'ai pu vivre dans la servitude ; mais j'ai toujours été libre: j'ai
10 réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance.
Tu devrais me rendre grâ ces encore du sacrifice que je t'ai fait ; de ce que je me suis abaissée
jusqu'à te paraître fidèle ; de ce que j'ai lâ chement gardé dans mon cœur ce que j'aurais dû faire
paraître à toute la terre ; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant qu'on appelâ t de ce nom
ma soumission à tes fantaisies.
15 Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avais bien
connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un cœur comme le mien t'était soumis. Nous
étions tous deux heureux; tu me croyais trompée, et je te trompais.
Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de
20 douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? Mais c'en est fait, le poison me consume,
ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma haine ; je me
meurs.
1 Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je
donne des cours de latin. Le soir descend plus tô t, on travaille ensemble dans la
grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l’image attendrissante du
jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m’attendrir si je me
5 laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s’enlise, doucettement. En y
consentant lâ chement. D’accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même
pièce que lui, à deux mètres l’un de l’autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage
si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du
compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L’un des deux se lève, arrête
10 la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte,
passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi.
Elle avait démarré, la différence.
Par la dînette. Le restau universitaire fermait l’été. Midi et soir je suis seule
devant les casseroles. Je ne savais pas plus que lui préparer un repas, juste les
15 escalopes panées, la mousse au chocolat, de l’extra, pas du courant. Aucun passé
d’aide-culinaire dans les jupes de maman ni l’un ni l’autre. Pourquoi de nous deux
suis-je la seule à me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver
la vaisselle en récompense du dîner, pendant qu’il bossera son droit
constitutionnel. Au nom de quelle supériorité. Je revoyais mon père dans la
20 cuisine. Il se marre, « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être ! Le genre
de ton père, pas le mien ! ». Je suis humiliée. Mes parents, l’aberration, le couple
bouffon. Non je n’en ai pas vu beaucoup d’hommes peler des patates. Mon modèle
à moi n’est pas le bon, il me le fait sentir. Le sien commence à monter à l’horizon,
monsieur père laisse son épouse s’occuper de tout dans la maison, lui si disert,
25 cultivé, en train de balayer, ça serait cocasse, délirant, un point c’est tout. À toi
d’apprendre ma vieille.
15. J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
20. Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes
« Sonnet boiteux »
« Nuit rhénane »
1. Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds
SUZANNE. – […]
1. Parfois, tu nous envoyais des lettres,
parfois tu nous envoies des lettres,
ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ?
de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien, comment est-ce qu’on dit ?
5. elliptiques.
« Parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques. »
Je pensais, lorsque tu es parti
(ce que j’ai pensé lorsque tu es parti),
lorsque j’étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie (là que ça commence),
10. je pensais que ton métier, ce que tu faisais ou allais faire dans la vie,
ce que tu souhaitais faire dans la vie,
je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire)
ou que, de toute façon
— et nous éprouvons les uns et les autres, ici, tu le sais, tu ne peux pas ne pas le savoir,
15. une certaine forme d’admiration, c’est le terme exact, une certaine forme d’admiration
pour toi à cause de ça —
ou que, de toute façon,
si tu en avais la nécessité,
si tu en éprouvais la nécessité,
20. si tu en avais, soudain, l’obligation ou le désir, tu saurais écrire,
te servir de ça pour te sortir d’un mauvais pas ou avancer plus encore.
Mais jamais, nous concernant,
jamais tu ne te sers de cette possibilité, de ce don (on dit comme ça, c’est une sorte de don,
je crois, tu ris)
25. jamais, nous concernant, tu ne te sers de cette qualité
— c’est le mot et un drô le de mot puisqu’il s’agit de toi — jamais tu ne te sers de cette
qualité que tu possèdes, avec nous, pour nous.
Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en juges pas dignes.
C’est pour les autres.
[…]
ANTOINE. — [...]
1. Tu es là ,
tu m’accables, on ne peut plus dire ça,
tu m’accables,
tu nous accables,
5. je te vois, j’ai encore plus peur pour toi que lorsque j’étais enfant,
et je me dis que je ne peux rien reprocher à ma propre existence,
qu’elle est paisible et douce
et que je suis un mauvais imbécile qui se reproche déjà d’avoir failli se lamenter,
alors que toi,
10. silencieux, ô tellement silencieux,
bon, plein de bonté,
tu attends, replié sur ton infinie douleur intérieure dont je ne saurais pas même
imaginer le début du début.
Je ne suis rien,
15. je n’ai pas le droit,
et lorsque tu nous quitteras encore, que tu me laisseras,
je serai moins encore,
juste là à me reprocher les phrases que j’ai dites,
à chercher à les retrouver avec exactitude,
20. moins encore,
avec juste le ressentiment,
le ressentiment contre moi-même.
Louis ?
LOUIS. — Oui ?
I. Incendie de Nawal
1. Notaire
HERMILE LEBEL. C’est sû r, c’est sû r, c’est sû r, je préfère regarder le vol des oiseaux.
Maintenant faut pas se raconter de racontars : d’ici, à défaut d’oiseaux, on voit les voitures et
le centre d’achats. Avant, quand j’étais de l’autre cô té du bâ timent, mon bureau donnait sur
5. l’autoroute. C’était pas la mer à voir, mais j’avais fini par accrocher une pancarte à ma
fenêtre : Hermile Lebel, notaire. A l’heure de pointe ça me faisait une méchante publicité. Là ,
je suis de ce cô té-ci et j’ai une vue sur le centre d’achats. Un centre d’achats ce n’est pas un
oiseau. Avant, je disais un zoiseau. C’est votre mère qui m’a appris qu’il fallait dire un oiseau.
Excusez-moi. Je ne veux pas vous parler de votre mère à cause du malheur qui vient de
10. frapper, mais il va bien falloir agir. Continuer à vivre comme on dit. C’est comme ça. Entrez,
entrez, entrez, ne restez pas dans le passage. C’est mon nouveau bureau. J’emménage. Les
autres notaires sont partis. Je suis tout seul dans le bloc. Ici, c’est beaucoup plus agréable
parce qu’il y a moins de bruit, l’autoroute est de l’autre cô té. J’ai perdu la possibilité de faire
de la publicité à l’heure de pointe, mais au moins je peux garder ma fenêtre ouverte, et
15. comme je n’ai pas encore l’air conditionné, ça tombe bien.
Oui. Bon.
C’est sû r, c’est pas facile.
Entrez, entrez, entrez ! Ne restez pas dans le passage enfin, c’est un passage ! Je comprends,
en même temps, je comprends qu’on ne veuille pas entrer. Moi, je n’entrerais pas.
20. Oui. Bon.
C’est sû r, c’est sû r, c’est sû r, j’aurais bien mieux aimé vous rencontrer dans une autre
circonstance mais l’enfer est pavé de bonnes circonstances, alors c’est plutô t difficile de
prévoir. La mort, ça ne se prévoit pas. La mort, ça n’a pas de parole. Elle détruit toutes ses
promesses. On pense qu’elle viendra plus tard, puis elle vient quand elle veut. J’aimais votre
25. mère. Je vous dis ça comme ça, de long en large : j’aimais votre mère. Elle m’a souvent parlé
de vous. En fait pas souvent, mais elle m’a déjà parlé de vous. Un peu. Parfois. Comme ça.
Elle disait : les jumeaux. Elle disait la jumelle, souvent aussi le jumeau. Vous savez comment
elle était, elle ne disait jamais rien à personne. Je veux dire bien avant qu’elle se soit mise à
plus rien dire du tout, déjà elle ne disait rien et elle ne me disait rien sur vous. Elle était
30. comme ça. Quand elle est morte, il pleuvait. Je ne sais pas. Ça m’a fait beaucoup de peine
qu’il pleuve. Dans son pays il ne pleut jamais, alors un testament, je ne vous raconte pas le
mauvais temps que ça représente. C’est pas comme les oiseaux, un testament, c’est sû r, c’est
autre chose. C’est étrange et bizarre mais c’est nécessaire. Je veux dire que ça reste un mal
nécessaire. Excusez-moi.
Il éclate en sanglots.
1. Ceci, dit-il d’une voix éclatante en montrant la Peau de chagrin, est le pouvoir et
le vouloir réunis. Là sont vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui
tuent, vos douleurs qui font trop vivre ; car le mal n’est peut-être qu’un violent plaisir. Qui pourrait
déterminer le point où la volupté devient un mal et celui où le mal est encore la volupté ? Les plus
5. vives lumières du monde idéal ne caressent-elles pas la vue, tandis que les plus douces ténèbres du
monde physique la blessent toujours ; le mot de Sagesse ne vient-il pas de savoir ? et qu’est-ce que
la folie, sinon l’excès d’un vouloir ou d’un pouvoir ?
– Eh ! bien, oui, je veux vivre avec excès, dit l’inconnu en saisissant la Peau de chagrin.
– Jeune homme, prenez garde, s’écria le vieillard avec une incroyable vivacité.
10. – J’avais résolu ma vie par l’étude et par la pensée ; mais elles ne m’ont même pas nourri,
répliqua l’inconnu. Je ne veux être la dupe ni d’une prédication digne de Swedenborg, ni de votre
amulette oriental, ni des charitables efforts que vous faites, monsieur, pour me retenir dans un
monde où mon existence est désormais impossible. Voyons ! ajouta-t-il en serrant le talisman d’une
main convulsive et regardant le vieillard. Je veux un dîner royalement splendide, quelque
15. bacchanale digne du siècle où tout s’est, dit-on, perfectionné ! Que mes convives soient jeunes,
spirituels et sans préjugés, joyeux jusqu’à la folie ! Que les vins se succèdent toujours plus incisifs,
plus pétillants, et soient de force à nous enivrer pour trois jours ! Que la nuit soit parée de femmes
ardentes ! Je veux que la Débauche en délire et rugissante nous emporte dans son char à quatre
chevaux, par-delà les bornes du monde, pour nous verser sur des plages inconnues : que les â mes
20. montent dans les cieux ou se plongent dans la boue, je ne sais si alors elles s’élèvent ou s’abaissent ;
peu m’importe ! Donc je commande à ce pouvoir sinistre de me fondre toutes les joies dans une
joie. Oui, j’ai besoin d’embrasser les plaisirs du ciel et de la terre dans une dernière étreinte pour en
mourir.
1. Rendu à toute sa raison par la brusque obé issance du sort, Raphaë l é tendit promptement sur la
table la serviette avec laquelle il avait mesuré naguère la Peau de chagrin. Sans rien é couter, il y
superposa le talisman, et frissonna violemment en voyant une assez grande distance entre le contour
tracé sur le linge et celui de la Peau.
5. « Hé bien ! qu’a-t-il donc ? s’é cria Taillefer, il a sa fortune à bon compte.
― Soutiens-le, Châtillon, dit Bixiou à É mile, la joie va le tuer. »
Une horrible pâ leur dessina tous les muscles de la figure flétrie de cet héritier : ses traits se
contractè rent, les saillies de son visage blanchirent, les creux devinrent sombres, le masque fut livide, et
les yeux se fixè rent. Il voyait la MORT. Ce banquier splendide entouré de courtisanes fanées, de visages
10. rassasié s, cette agonie de la joie, é tait une vivante image de sa vie. Raphaël regarda trois fois le talisman
qui se jouait à l’aise dans les impitoyables lignes imprimées sur la serviette : il essayait de douter, mais
un clair pressentiment anéantissait son incré dulité. Le monde lui appartenait, il pouvait tout et ne
voulait plus rien. Comme un voyageur au milieu du dé sert, il avait un peu d’eau pour la soif et devait
mesurer sa vie au nombre des gorgées. Il voyait ce que chaque désir devait lui coû ter de jours. Puis il
15. croyait à la Peau de chagrin, il s’écoutait respirer, il se sen- tait dé jà malade, il se demandait : « Ne suis-je
pas pulmonique ? Ma mère n’est-elle pas morte de la poitrine ? »
« Ah ! ah ! Raphaël, vous allez bien vous amuser ! Que me donnerez-vous ? disait Aquilina.
― Buvons à la mort de son oncle, le major Martin O’Flaharty ? Voilà un homme.
― Il sera pair de France.
20. ― Bah ! qu’est-ce qu’un pair de France aprè s Juillet ? dit le jugeur.
― Auras-tu loge aux Bouffons ?
― J’espère que vous nous régalerez tous, dit Bixiou.
― Un homme comme lui sait faire grandement les choses », dit É mile.
Le hourra de cette assemblée rieuse ré sonnait aux oreilles de Valentin sans qu’il pû t saisir le sens
25. d’un seul mot ; il pensait vaguement à l’existence mécanique et sans désirs d’un paysan de Bretagne,
chargé d’enfants, labourant son champ, mangeant du sarrasin, buvant du cidre à même son piché,
croyant à la Vierge et au roi, communiant à Pâ ques, dansant le dimanche sur une pelouse verte et ne
comprenant pas le sermon de son recteur. Le spectacle offert en ce moment à ses regards, ces lambris
dorés, ces courtisanes, ce repas, ce luxe, le prenaient à la gorge et le faisaient tousser.
1. Raphaël tira de dessous son chevet le lambeau de la Peau de chagrin, fragile et petit comme la
feuille d’une pervenche, et le lui montrant :
« Pauline, belle image de ma belle vie, disons-nous adieu, dit-il.
― Adieu ? répé ta-t-elle d’un air surpris.
5. ― Oui. Ceci est un talisman qui accomplit mes dé sirs, et repré sente ma vie. Vois ce qu’il m’en
reste. Si tu me regardes encore, je vais mourir...
La jeune fille crut Valentin devenu fou, elle prit le talisman, et alla chercher la lampe. É clairée par
la lueur vacillante qui se projetait é galement sur Raphaël et sur le talisman, elle examina très
attentivement et le visage de son amant et la dernière parcelle de la Peau magique. En la voyant belle
10. de terreur et d’amour, il ne fut plus maître de sa pensée : les souvenirs des scènes caressantes et des
joies dé lirantes de sa passion triomphèrent dans son â me depuis long-temps endormie, et s’y
réveillèrent comme un foyer mal é teint.
― Pauline, viens ! Pauline !
Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se dilatè rent, ses sourcils violemment
15. tiré s par une douleur inouïe, s’é cartè rent avec horreur, elle lisait dans les yeux de Raphaë l un de ces
désirs furieux, jadis sa gloire à elle ; et à mesure que grandissait ce dé sir, la Peau en se contractant,
lui chatouillait la main. Sans ré flé chir, elle s’enfuit dans le salon voisin dont elle ferma la porte.
― Pauline ! Pauline ! cria le moribond en courant aprè s elle, je t’aime, je t’adore, je te veux ! Je te
maudis, si tu ne m’ouvres ! Je veux mourir à toi !
20. Par une force singuliè re, dernier éclat de vie, il jeta la porte à terre, et vit sa maîtresse à demi
nue se roulant sur un canapé . Pauline avait tenté vainement de se déchirer le sein, et pour se donner
une prompte mort, elle cherchait à s’étrangler avec son châ le. ― Si je meurs ; il vivra, disait-elle en
tâ chant vainement de serrer le nœud. Ses cheveux é taient é pars, ses é paules nues, ses vêtements en
désordre, et dans cette lutte avec la mort, les yeux en pleurs, le visage enflammé , se tordant sous un
25. horrible désespoir, elle présentait à Raphaë l, ivre d’amour, mille beautés qui augmentèrent son
délire ; il se jeta sur elle avec la lé gè reté d’un oiseau de proie, brisa le châ le, et voulut la prendre dans
ses bras.
Le moribond chercha des paroles pour exprimer le dé sir qui dévorait toutes ses forces ; mais il
ne trouva que les sons étranglé s du râ le dans sa poitrine, dont chaque respiration creusé e plus avant,
30. semblait partir de ses entrailles. Enfin, ne pouvant bientô t plus former de sons, il mordit Pauline au
sein. Jonathas se pré senta tout épouvanté des cris qu’il entendait, et tenta d’arracher à la jeune fille le
cadavre sur lequel elle s’était accroupie dans un coin.
― Que demandez-vous ? dit-elle. Il est à moi, je l’ai tué , ne l’avais-je pas pré dit ?