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Académie AMIENS

DEC AMIENS

ÉPREUVE ORALE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS :


RECAPITULATIF
SESSION 2024

Établissement : Lycée Général et Technologique Robert de LUZARCHES


Adresse : 4 rue le Mongnier – 80000 AMIENS

Voie Générale Classe : 1ère 8

Nom du professeur de lettres de la classe : Delphine LABAT


Nom et prénom du candidat :

Œuvre choisie par le candidat


pour la seconde partie de l’épreuve :
(Auteur, date, titre et édition)

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OBJET D'ETUDE : La Littérature d'idées du XVIe au XVIIIe siècle

Œuvre intégrale : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges,


1791.
Parcours associé : Écrire et combattre pour l'égalité.

1ère partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire

Œuvre intégrale 1- « Les droits de la femme »

Déclaration des droits de la femme 2- Préambule


et de la citoyenne, Olympe de
Gouges, 1791. 3- Postambule

Problématique : De quelles façons


Olympe de Gouges fait-elle part de
ses revendications dans Déclaration
des droits de la femme et de la
citoyenne ?

Parcours : Écrire et combattre pour 4- Louise Labé, épître dédicatoire à Clémence de


l'égalité. Bourges,1555.

Problématique : En quoi la littérature


permet-elle un engagement de la part
de l'auteur ?

2ème partie de l’épreuve : entretien

▪ L’Événement, Annie Ernaux, 2000.


Lectures cursives proposées
▪ Le Bal des folles, Victoria Mas, 2019.
▪ La Servante Écarlate, Margaret Atwood,
1985.

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OBJET D'ETUDE : Le Roman et le récit du Moyen-âge au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Manon Lescaut, Abbé Prévost, 1731.


Parcours associé : Personnages en marge, plaisirs du romanesque

1ère partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire

Œuvre intégrale 1- La rencontre de Manon et du Chevalier Des Grieux

Manon Lescaut, Abbé Prévost, 1731. (Première Partie)

Problématique : En quoi les héros 2- Les retrouvailles au parloir de Saint-Sulpice


marginaux de l’œuvre de l'Abbé
(Première Partie)
Prévost permettent-ils de mettre au
jour un roman d'aventures et 3- L'évasion de Saint-Lazare
d'apprentissages ?
(Première Partie)

Parcours : Personnage en marge, 4- Zola, Nana, 1880, Chapitre V


Plaisirs du romanesque.

Problématique : En quoi les


personnages marginaux permettent-
ils d'accéder au divertissement ?

2ème partie de l’épreuve : entretien

Lectures cursives proposées


• La Princesse de Clèves,
Madame de Lafayette, 1678.

• Thérèse Raquin, Émile Zola, 1867.

• En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis, 2014.

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OBJET D'ETUDE : Le Théâtre du XVIIe au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, 1990.


Parcours associé : Crise personnelle, crise familiale.

1ère partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire

Parcours : Crise personnelle, Crise 1- Jean Racine, Phèdre, 1677, Acte I, scène 3
Familiale

Problématique : En quoi la crise


qu'elle soit personnelle ou familiale
peut-elle être un sujet de prédilection
au théâtre ?

Œuvre intégrale 2-

Juste la fin du monde, Jean-Luc 3-


Lagarce, 1990.
4-
Problématique : En quoi cette pièce
met-elle au jour la difficulté à
communiquer avec les siens ?

2ème partie de l’épreuve : entretien

▪ Ivanov, Anton Tchekhov, 1887.


Lectures cursives proposées
▪ Incendies, Wadji Mouawad, 2003.
▪ Cendrillon, Joël Pommerat, 2011.

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Les droits de la femme
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Olympe de Gouges

« Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui

ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon

sexe ? ta force ? tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans

toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple

de cet empire tyrannique.

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup-d’œil

sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en

offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de

la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble

harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel.

L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de

sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse,

il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il

prétend jouir de la révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus. »

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Préambule
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Olympe de Gouges

« Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation, demandent d'être constituées

en Assemblée nationale ; considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la

femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont

résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de

la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps

social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des

femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but

de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des

Citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours

au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous. En conséquence le

sexe supérieur en beauté, comme en courage dans les souffrances maternelles, reconnaît et

déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et

de la Citoyenne [...] »

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Postambule
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Olympe de Gouges

« Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais

tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de

superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et

de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes

pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes !

Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez

recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles

de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ;

que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme ; la réclamation de votre

patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature. Qu’auriez-vous à redouter pour une si

belle entreprise ? Le bon mot du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos

Législateurs français, correcteurs de cette morale longtemps accrochée aux branches de la

politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : « Femmes, qu’y a-t-il de commun

entre vous et nous ? — Tout », auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse,

à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement

la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards

de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces

orgueilleux, nos serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les

trésors de l’Être suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre

pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. »

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Louise Labé, épître dédicatoire à Clémence de Bourges.

«Étant le temps venu, Mademoiselle, que les sévères lois des hommes n'empêchent plus les

femmes de s'appliquer aux sciences et disciplines: il me semble que celles qui [en] on la

commodité, doivent employer cette honnête liberté que notre sexe a autrefois tant désirée, à

apprendre celles-ci: et montrer aux hommes le tort qu'ils nous faisaient en nous privant du

bien et de l'honneur qui nous en pouvaient venir: et si quelqu'une parvient en tel degré, que de

pouvoir mettre ses conceptions par écrit, le faire soigneusement et non dédaigner la gloire, et

s'en parer plutôt que de chaînes, anneaux, et somptueux habits: lesquels ne pouvons vraiment

estimer nôtres, que par usage. Mais l'honneur que la science nous procurera, sera entièrement

nôtre: et ne nous pourra être ôté, ni par finesse de larron, ni par force d'ennemis, ni par

longueur du temps. Si j'eusse été tant favorisée des Cieux, que d'avoir l'esprit assez grand pour

comprendre ce dont Il a eu envie, je servirais en cet endroit plus d'exemple que d'admonition.

Mais ayant passé partie de ma jeunesse à l'exercice de la musique, et ce qui m'a resté de temps

l'ayant trouvé court pour la rudesse de mon entendement, et ne pouvant de moi-même

satisfaire au bon vouloir que je porte à notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en

science et vertu passer ou égaler les hommes: je ne puis faire autre chose que prier les

vertueuses Dames d'élever un peu leurs esprits pardessus leurs quenouilles et fuseaux, et

s'employer à faire entendre au monde que si nous ne sommes faites pour commander, si ne

devons-nous être dédaignées pour compagnes tant dans les affaires domestiques que

publiques, de ceux qui gouvernent et se font obéir. »

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La rencontre de Manon et du Chevalier des Grieux
Première Partie

« J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt !

j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette

ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras,

et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que

la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui

s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de

conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi,

qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-

je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au

transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté

alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins

âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à

Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y

était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un

moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs.

Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée

que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au

plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. »

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Les retrouvailles au parloir de Saint-Sulpice
Première Partie

« Elle s'assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n'osant l'envisager directement. Je

commençai plusieurs fois une réponse, que je n'eus pas la force d'achever. Enfin, je fis un effort pour

m'écrier douloureusement : Perfide Manon ! Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à

chaudes larmes, qu'elle ne prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous donc ? m'écriai-je

encore. Je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre cœur, sans lequel il est

impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant moi-même des pleurs,

que je m'efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est l'unique chose qui me reste à te sacrifier ;

car mon cœur n'a jamais cessé d'être à toi. A peine eus-je achevé ces derniers mots, qu'elle se leva avec

transport pour venir m'embrasser. Elle m'accabla de mille caresses passionnées. Elle m'appela par tous

les noms que l'amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n'y répondais encore qu'avec

langueur. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été, aux mouvements tumultueux

que je sentais renaître ! J'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu'on se trouve la nuit

dans une campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d'une

horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs.

Nous nous assîmes l'un près de l'autre. Je pris ses mains dans les miennes. Ah ! Manon, lui dis-je en

la regardant d'un œil triste, je ne m'étais pas attendu à la noire trahison dont vous avez payé mon

amour. Il vous était bien facile de tromper un cœur dont vous étiez la souveraine absolue, et qui

mettait toute sa félicité à vous plaire et à vous obéir. Dites-moi maintenant si vous en avez trouvé

d'aussi tendres et d'aussi soumis. Non, non, la Nature n'en fait guère de la même trempe que le mien.

Dites-moi, du moins, si vous l'avez quelquefois regretté. »

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L’Évasion de Saint-Lazare
Première Partie

« Comme je n’en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j’étais fort touché

de toutes ses bontés, mais que, la liberté étant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi à

qui on la ravissait injustement, j’étais résolu de me la procurer cette nuit même, à quelque prix

que ce fût; et de peur qu’il ne lui prît envie d’élever la voix pour appeler du secours, je lui fis

voir une honnête raison de silence, que je tenais sur mon juste-au-corps. Un pistolet! me dit-il.

Quoi! mon fils, vous voulez m’ôter la vie, pour reconnaître la considération que j’ai eue pour

vous? À Dieu ne plaise, lui répondis-je. Vous avez trop d’esprit et de raison pour me mettre

dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j’y suis si résolu que, si mon projet manque

par votre faute, c’est fait de vous absolument. Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air pâle et

effrayé, que vous ai-je fait? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort? Eh non! répliquai-je

avec impatience. Je n’ai pas dessein de vous tuer, si vous voulez vivre. Ouvrez-moi la porte,

et je suis le meilleur de vos amis. J’aperçus les clefs qui étaient sur sa table. Je les pris et je le

priai de me suivre, en faisant le moins de bruit qu’il pourrait. Il fut obligé de s’y résoudre. À

mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir: Ah! mon

fils, ah! qui l’aurait cru? Point de bruit, mon Père, répétais-je de mon côté à tout moment.

Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière, qui est avant la grande porte de la rue. Je me

croyais déjà libre, et j’étais derrière le Père, avec ma chandelle dans une main et mon pistolet

dans l’autre. Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique, qui couchait dans une

chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le

bon Père le crut apparemment capable de m’arrêter. Il lui ordonna, avec beaucoup

d’imprudence, de venir à son secours. C’était un puissant coquin, qui s’élança sur moi sans

balancer. Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. »

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Zola, Nana,
Extrait du Chapitre V

« — Je vous demande pardon, messieurs, dit Nana en écartant le rideau, mais j’ai été
surprise…

Tous se tournèrent. Elle ne s’était pas couverte du tout, elle venait simplement de boutonner
un petit corsage de percale, qui lui cachait à demi la gorge. Lorsque ces messieurs l’avaient
mise en fuite, elle se déshabillait à peine, ôtant vivement son costume de Poissarde. Par-
derrière, son pantalon laissait passer encore un bout de sa chemise. Et les bras nus, les épaules
nues, la pointe des seins à l’air, dans son adorable jeunesse de blonde grasse, elle
tenait toujours le rideau d’une main, comme pour le tirer de nouveau, au moindre
effarouchement.
— Oui, j’ai été surprise, jamais je n’oserai… balbutiait-elle, en jouant la confusion, avec des
tons roses sur le cou et des sourires embarrassés.
— Allez donc, puisqu’on vous trouve très bien ! cria Bordenave.
Elle risqua encore des mines hésitantes d’ingénue, se remuant comme chatouillée, répétant :
— Son Altesse me fait trop d’honneur… Je prie Son Altesse de m’excuser, si je la reçois
ainsi…
— C’est moi qui suis importun, dit le prince ; mais je n’ai pu, madame, résister au désir de
vous complimenter…
Alors, tranquillement, pour aller à la toilette, elle passa en pantalon au milieu de ces
messieurs, qui s’écartèrent. Elle avait les hanches très fortes, le pantalon ballonnait, pendant
que, la poitrine en avant, elle saluait encore avec son fin sourire. Tout d’un coup, elle parut
reconnaître le comte Muffat, et elle lui tendit la main, en amie. Puis, elle le gronda de n’être
pas venu à son souper. Son Altesse daignait plaisanter Muffat, qui bégayait, frissonnant
d’avoir tenu une seconde, dans sa main brûlante, cette petite main, fraîche des eaux de toilette.
Le comte avait fortement dîné chez le prince, grand mangeur et beau buveur. Tous deux
étaient même un peu gris. »

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Phèdre, Jean Racine

PHÈDRE
Acte I, scène 3 – Phèdre, Oenone
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée
Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait s'être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,
D'un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
J'adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce Dieu que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout. O comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ;
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais Oenone, et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence.
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,

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De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné :
Ma blessure trop vive a aussitôt saigné,
Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J'ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.

14/14

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