Vous êtes sur la page 1sur 32

Les cannibales

Isabelle Quéré, enseignante au lycée Anita Conti à Bruz (35170)


isabellequere@free.fr (Merci de ne pas diffuser cette adresse)

Voici une séquence qui s’appuie sur un ouvrage de Franck Lestringant, Le


cannibale, grandeur et décadence, et qui permet grâce à un thème “accrocheur” d’étudier
des textes du seizième et du dix-huitième dans le cadre de l’étude de l’argumentation
dès le premier trimestre de la classe de seconde.

Manuel : Français seconde, Nathan, sous la direction de Dominique Rincé, 2000

Oeuvres
Tous les textes étudiés appartiennent au domaine public et sont en ligne, ils sont
donnés en fin de séquence (en bleu). L’orthographe est modernisée.
Le théâtre du nouveau Monde, Les grands voyages édité par Théodore de Bry, Gallimard
découverte, 1992.
Jean de Léry, Histoire d’un voyage fait en terre de Brésil, 1578.
(http://www.mafua.ufsc.br/BT1730002.html )
Montaigne, Essais, livre I, chapitre 31, “Des Cannibales”, 1580.
(http://www.bribes.org/trismegiste/montable.htm )
Jonathan Swift, Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge
de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public, 1729.
(http://kropot.free.fr/Swift-proposition.htm en français ;
http://www.fullbooks.com/A-Modest-Proposal.html en anglais )
Voltaire, Candide, 1759
(http://fr.wikisource.org/wiki/Candide,_ou_l’Optimisme )

Commentaires
Principalement
Franck Lestringant, Le cannibale, grandeur et décadence, Perrin, 1994.
et
Anne Armand, Essais, Des cannibales, Des Coches, Montaigne, Parcours de lecture,
Bertrand Lacoste, 1994.
Ayoub Mocine, La satire chez Jean de Léry : http://membres.lycos.fr/fadnet/lerylec.htm
Estelle Soler, La réflexion de Jean de Léry sur la nudité des femmes sauvages :
http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article680

Préalable
Le cours précédant le début de cette séquence, je donne un quart d’heure aux
élèves et leur demande d’écrire un texte (sans autre précision) sur le thème “cannibale”.
Je relève les textes et en fait une sélection qui sera analysée pour problématiser la
difficulté d’un discours sur la cannibalisme. Cet exercice doit être fait en classe afin que
les élèves ne disposent d’aucun document et travaillent à partir de leur imaginaire et de
leurs préjugés. Un exemple de sélection et d’analyse est donné en fin de séquence.

Lecture cursive
On peut proposer pour compléter la séquence la lecture cursive d’oeuvres
contemporaines :
Jorgé Amado, Les terres du bout du monde, Gallimard, 1989 pour la traduction.
Françoise Lefèvre, Le petit prince cannibale, Acte Sud, 1990. (prix Goncourt lycéen)
Roy Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père, Acte Sud, 1999.
Jean Christophe Rufin, Rouge Brésil, Gallimard, 2001.Les cannibales

Perspectives d’étude
L'argumentation et les effets de chaque discours sur ses destinataires
Les significations et la singularité des textes
Registres : polémique et ironique
Objet d’étude : Démontrer, convaincre et persuader

Travail préalable sur un extrait de Tristes tropiques dont les références sont
données en fin de séquence (le texte n’appartient pas au domaine public).

I. Repères
1. Vocabulaire
étymo d’anthropophage
Cannibal : arawak, caniba, altération de cariba, indiens des petites Antiles pour se
désigner (Hardi).
Première mention aux Amériques, journal de voyage de Colomb : “Plus au delà (vers
l’Est), il y avait des hommes avec un seul oeil et des museaux de chiens qui
mangeaient des êtres humains”. références sorties de l’Antiquité : Cyclopes et peuples
à tête de chien. Rapprochement : cannibal et canis. En tous cas, cannibal fait référence
à tribus amérindiennes ; on sort du mythe ou géographie “merveilleuse”, face à une
réalité.
Problématique : Comment écrire sur l’anthropophagie ?

2. Villegaignon au Brésil
Correction travail : 12 juillet 1555, embarquement de 600 personnes sur deux navires
(pionniers, criminels, pas de femmes) ; 14 août départ ; 10 novembre, arrivée à
Guanabara ? fondation de Fort Coligny. massacre des forçats révoltés.
1556 : nouveau voyage de protestants genevois après appel à Calvin ; Jean de Léry
(artisan cordonnier, 23 ans, Jean du village de Léry)
1558 : retour des genevois en Bretagne
1560 : Fort Coligny tombe aux mains des portugais.
Contexte : guerres de religions (saint Barthélémy 1572), Calvin, théologien de la
réforme, installé à Genève acquise à ses idées. Amiral de Coligny protestant. Un des
thèmes de querelle : Cène : réalité ou symbole ? Protestants espèrent fonder en
Amérique une nouvelle terre où ils seront libres de pratiquer (cf puritains et autres
fondant les États-Unis).
libre penseur et renégat : champ lexical de la religion.
indigènes : nés sur place (enjeu : manière de désigner les amérindiens)

3. L’ethnologie
bréviaire de l’ethnologue : étymo d’ethnologie. Quelle est cette scie ? sur quoi travaille
les ethnologues ? à voir avec eux ; sociétés dites primitives, en fait sociétés sans
écriture ; ethnologue comme un scribe avec tentative d’apporter du sens (quel sens ?
celui des indigènes ? des occidentaux ?). Bréviaire : livre de référence ici.
Levi Strauss : gd ethnologue français, né en 1908. part au brésil dans les années 30
pour rencontrer tribus en Amazonie ; Tristes tropiques raconte les conditions de ces
voyages et présentent (succinctement) les tribus rencontrées.

II. La nudité des amérindiennes (tupinambas) : extrait de Jean de Léry

Cette analyse reprend le travail d’Estelle Soler indiqué en bibliographie.


http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article680

Lecture ; donner un titre à chaque partie. Discuter du choix de leurs titres.

1. Première partie
Élts frappants ?
Nudité présentée comme chose étrange et émerveillable : témoignage d’un européen ;
insistance sur les négatives : ne se peinturent, ne se ouvrent ni... ni..., jamais en notre
puissance de les faire vêtir, ne souffrir ni avoir, ne vouloir s’habiller. Ce qui et étrange,
c’est de ne pas porter de vêtement.

Sensations associées
à nudité : se délecte en cette nudité(18) ; pour leur plaisir (26)
et aux vêtements : souffrir (9) ; trop de peine de se dépouiller 15) ; endurer sur elle (29)

Nudité ? associée au plaisir contre la peine. Tupinambas mènent une vie de plaisir sans
souffrance. Aucune autre piste explicative.

Contrainte associée aux européens : avons voulu bailler, les faire vêtir, fissions couvrir par
force, à grands coups de fouets, contraintes de s’habiller. si bien que paraissent
obstinées et résolues. Doivent argumenter pour justifier leur mode de vie.
Nudité considérée comme anormale mais pas critiquée et en creux violence des
européens.
2. Deuxième partie
Enjeu de l’argumentation : Répondre à la thèse : la fréquentation entre ces sauvages
tous nus, et principalement parmi les femmes, incitent à lubricité et paillardise.

Réponse en particulier à 1557, le catholique André Thevet a écrit les Singularités de la


France Antarctique, très critique sur les tupinambas : lq il évoque nudité des femmes
sauvages, les décrit comme cherchant par tous les moyens à inciter les hommes à
sexualité (image de l’éve tentatrice+ sorcières nues les nuits de sabbat ; nudité
hommes mieux acceptée)

Étude précise de l’argumentation :


Repérer les connecteurs logiques et les arguments
Thèse : femmes nues provoquent lubricité :
Bien qu’il soit vrai qu’en apparence + Concession
Toutefois : contre arg : nudité moins attrayante qu’on ne croirait
Et partant : toilettes causent plus de maux (toutefois femmes aussi belles)
Tellement : si l’honnêteté me permettait : les autres arguments st tus
Cependant : je n’approuve pas la nudité
Mais nous ne sommes guère plus louables
pour mettre fin à ce point : chacun de nous s’habillât modestement

Concession : nudité ? déshonnêteté de voir ces femmes nues. Déplacement : on passe


de la nudité des femmes au regard des européens. Ce st eux qui st déshonnêtes ds
leurs regards et non la nudité.
Ceux qui ont écrit, ceux qui pensent, il y a l’occasion d’estimer ... qu’on ne croirait :
opposition entre ce qu’on suppose (en apparence) et la réalité ceux qui on t fait le
voyage, ceux qui ont vu. en telle femme : singulier. Homme d’expérience. Ms ne détaille
pas cette expérience par pudeur (c’est un pasteur qui écrit)

Et partant Excès de vêtements plus condamnable que nudité. Longue série ordonnée,
énumération qui rend compte de l’accumulation (+ possible jeu sur les sons) + et n’ont
jms assez + syntaxe de la phrase : femmes et filles en fin, comme recouvertes de tous
ces vêtements. nudité grossière et ordinaire : sans artifice (ne se peignent pas ni
plumes), nudité ordinaire : se contrefont par des habits qui sortent de l’ordinaire. Il est
plus modeste d’être nue ds ces conditions.

Cependant la Sainte écriture dit qu’il faut s’habiller, dc je n’approuve pas cette nudité et
même je la condamne chez les hérétiques mais pas chez les “pauvres américains” qui
ne connaissent pas la Bible.

Cl : Nous n’avons pas à les condamner vu que nous ne sommes pas louables; plût à
Dieu qu’à chacun de nous... s’habillât modestement : qui est nous ? termine sans
jugement sur les Tupinambas mais renvoie jgt sur européens.
Comparaison entre les deux sociétés qui les met sur le même plan : cf expression par
deça et par dela

III. Chapitre XV : Comment les Américains traitent leur prisonniers pris en guerre et
les cérémonies qu'ils observent tant à les tuer qu'à les manger

1. Les boucans
Travail préalable : p. 319 du manuel (Extrait du chapitre XV, voir fin de séquence)
Questions :
1. Indiquer les parties descriptives et la partie argumentative du texte.
2. Quels sont les personnes mises en avant dans la description ?
3. Quelle explication est donnée de l’anthropophagie à la fin du texte ? À quelle
autre explication s’oppose-t-elle ?
4. a. Quelle est la thèse réfutée dans l’argumentation ?
b. Pourquoi Jean de Léry mentionne-t-il Rabelais ?
c. Pourquoi réfute-t-il cette thèse ?
2. Comparaison de la cruauté française avec celle des barbares

Correction
Les différentes parties ;
Anthropophagie : plus par vengeance que pour le goût + donner crainte et
épouvantement aux vivants. Vieilles femmes à part tjs lien avec sorcellerie, c'est elles
qui ont du plaisir à manger.

Thèse réfutée : tournebroches (images de l'époque), cite Rabelais car fiction : ses
adversaires sont des affabulateurs, des faiseurs d'histoire. Cf thème de la marmite dans
vos textes. La réfute en disant ce qu'il a vu + étonnement des indiens dvt façon de rôtir
des Européens. Pourquoi évoquer le mode de cuisson ? Sorte de prise de distance
avec le fait et moyen de déconsidérer ses adversaires : même sur des faits aussi
simples, il se trompent, dc ne sont pas crédibles sur le reste.

2. La conclusion du chapitre : comparaison de la cruauté française avec celle des


barbares

Repérer l'argumentation : titres et connecteurs :


lignes 1-4 : cl du chapitre
lignes 6-7 : Néanmoins + intro à la comparaison
lignes 7-14 : en premier lieu + les usuriers
lignes 14-45 : Davantage + saint Barthélémy
lignes 46-52 : Par quoi + cl

Cl du chapitre : cruauté des sauvages envers leurs ennemis (voir titre du chapitre : leurs
prisonniers) ; toujours idée de vengeance dans le cadre de la guerre. Provoque horreur
et fait dresser les cheveux sur la tête ; réaction concrète puisqu'il a vu ces scènes et
horreur : on lui en a proposé.
Néanmoins : doit ajouter qq chose. Tjs ds la comparaison dt il va tirer une leçon.
Ces nations barbares de la terre du Brésil / par deça parmi nous : formulation plus
courte qui implique le lecteur tu es concerné par le cannibalisme, ces horreurs sont
parmi nous.

En premier lieu : lecture métaphorique du cannibalisme : comme si . Plus cruels :


gros/veuves et orphelins : s'attaquent aux plus faibles qu'on devrait défendre et les
mangent en vie (par petits morceaux comme des vampires), souffrance longue par
rapport à la mort du prisonnier chez tupinambas. Énumération des vb ds la citation :
écorchent, mangent, rompent et brisent. Bouillir ds la chaudière : svt représentés
vivants ds les chaudières. Du peuple de Dieu : usuriers st juifs à l'époque (car interdit
aux chrétiens) alors que devraient être le peuple de Dieu ; ne s'attaquent pas à leur
ennemis mais au même peuple.

Davantage : série d'exemples de cannibalisme au sens propre : mâcher et manger de la


chair humaine, devient très concret. Faits précis :
fait mourir cruellement leurs ennemis mangent foie et coeur pour rassasier leur courage
(foie et coeur, parties nobles, svt liés à vengeance, même vengeance amoureuse ds
fiction, italiens, peuples du Sud, vendetta).
Saint Barthélémy :
- de façon plus barbare et cruelle que celle des sauvages furent massacrés (emploi du
passif: mise en valeur des victimes plus non mention des meurtriers, qui sont les
sauvages ? + superlatifs mis en début de phrase + massacre : idée qu'on s'attaque à
des gens qui ne peuvent pas se défendre, vient d'un terme alld qui signifie égorger)
- graisse des corps humains publiquement vendue au plus offrant : sans doute pour
faire des bougies ? + idée d'argent
- foies, coeurs, autres parties du corps mangés par furieux meurtriers que les enfers ont
en horreur furieux : folie même les enfers les ont en horreur, emploi du passif, mise en
valeur des parties du corps et effet d'attente sur les auteurs du crime
- exemple précis : détail des différentes actions sur un homme nommé : fait dresser les
cheveux sur la tête (voir absence de ces détails ds leurs textes).
Gradation des horreurs : cannibalisme de vengeance / massacre / graisse vendue /
coeur et foie mangé / coeur exposé, mis en pièces, grillé et mangé. Au départ chrétien
(soldat ?), puis furieux meurtriers, puis chiens mâtins.
Mentionne les témoins oculaires et les livres qui en feront foi à la postérité : mention
nécessaire que que ces actes sont incroyables. + hyperboles : jamais auparavant ouïes
entre les peuples, surpasse toutes celles dont on a jms ouïe parler. Exagérer : faire
ressortir
Personnages de la Bible et Néron : persécuteurs du peuple de Dieu, juifs puis
chrétiens. Votre barbarie est ensevelie. En quoi ? Voir cl
Par quoi : de tels, voire d'autant plus détestables et pires au milieu de nous : parce que
les autres se ruent sur leurs ennemis et européens se sont plongés au sang de leur
parents, voisins et compatriotes. (plongé image baptismale).
Rq : ne met pas les faits au hasard mais pour appuyer sa démonstration ; Jean de léry
devenu pasteur au siège de Sancerre, acte de cannibalisme, gd mère incite son fils et
sa belle fille à manger leur petite fille morte. Seront brûlés comme sorciers (étaient déjà
excommuniés de l'église réformée). Fait qui a bcp marqué Léry non mentionné.
Argumentation d'abord et non chronique des faits de cannibalisme.

IV. Étude de gravure


Je ne reproduis pas les gravures car je ne sais pas si elles sont libres de droit.

1. L’édition des Grands Voyages


Théodore de Bry, protestant en exil, éditeur et graveur. 14 parties publiées entre 1591
et 1634 (travail poursuivi par ses enfants). Gravure sur cuivre (différent gravure sur
bois) et eau forte. Sélectionne souvent des récits de protestants. en particulier jean de
Léry + histoire de Hans Staden.
Hans Staden originaire d’Allemagne, part au Brésil en 1550. devient artilleur d’un fort
portugais puis prisonniers des Tupinambas ds village perdu ds la forêt. Attend 9 mois
ds perspective d’être mangé. Fut racheté par un français qui venait commercer avec
indiens. Revient en Hesse et écrit récit de ses aventures.

2. Comment je fus fait prisonnier par les sauvages.


Découverte Gallimard Le théâtre du nouveau monde cité en bibliographie p. 106 ; je ne
sais pas si cette image est en ligne, je peux l’envoyer par mail.

La description : pas de réalisme, mais reprise d’élts symboliques du paysage.


Luxuriance forêt + oiseaux : terre sauvage, n’est pas organisée en paysage. Très verte
et abondance de l’eau. Trois constructions portugaises : stylisées. Mise en évidence
église + nom du village : comme un village européen et les deux fortins avec canons.
isolement de ces constructions. Ont l’air abandonné. Fait ressortir solitude du
personnage.
Indiens : fidélité aux descriptions : nudité et plumasseries. Rq que peinture de la nudité
est tjs esthétisante : modèle antique de l’homme bien proportionné.

Le récit : Quatre étapes : sort chasser le cerf (évoqué)/ se fait attaquer / se fait
déshabiller (ellipse)/ est emmené.
ellipse : passer un fait sous silence ds un récit.
Pourquoi représenter les deux étapes sur la même image ? Rq : procédé fréquent ds
miniature. ici : permet jeu de contraste entre européen habillé puis nu ; mise en avant
direction du récit vers le bas de l’illustration et vers nous : va nous emmener ds cette
aventure. Au moment de passer sur la pirogue : ente ds un autre monde, passage pour
lequel il faut être nu. Symbolique de la mort et de Charon. Représentation de la nudité
ds fresques du jgt dernier.

3. Complément : image du manuel p. 320 Att erreur de date sur le manuel


En ligne : http://www.serqueira.com.br/mapas/canib4.htm
Là aussi, plusieurs étapes : meurtre d’un indien Cario (ennemis des tupinambas),
esclave fugitif recueilli ; tombe malade ; Hans Staden essaye de le soigner, échec,
Tupinambas décident de le manger. puis meurtre : iwera pemme : massue utilisée dans
le rituel. Puis dépeçage et cuisson. Image faite pour choquer : dépeçage au premier
plan, visage de Staden (qui est promis au même sort), femmes qui cuisinent
paisiblement + enfant qui joue avec la tête (très fréquemment repris).

VI. “Des cannibales” de Montaigne (1533-1592), Essais, I, 31.

Montaigne a lu Thévet (devenu cosmographe du roi) et Léry. + novembre 1562 : Rouen


vient d’être reprise par catholiques qui ont mis la ville à sac ; roi Charles IX (12 ans) et
Catherine de Médicis viennent à Rouen et rencontrent cannibales brésiliens. Rencontre
avec le roi puis entretien personnel de Montaigne avec ces indiens.

Apport de Montaigne n’est donc pas ethnographique. Que peut-il écrire de neuf ?

1. Correction du travail
Travail préalable sur le texte p. 308 du manuel (donné en annexe)
Questions
1. Qu’est-ce qu’un essai ?
2. Donner un titre à chaque étape du raisonnement : l. 1 à 6 / l. 6 à 15 / l. 15 à 28.
+ questions n° 1, n°4 et n° 5 p. 309

un essai : oeuvre en prose qui ne relève pas de la fiction. Réflexion sur les pb dt il traite
et s’efforce de convaincre ses destinataires du bien fondé de ses positions. première
hypothèse : va apporter une réflexion.
Donner un titre à chaque étape du raisonnement :
l. 1 à 6 : chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage relativisme de la
barbarie ; est barbare ce qui est étranger. + réponse pour qstion 4
l. 6 à 15 l’artificiel est plus sauvage que le naturel, exemple des fruits : plus on est
proche de la nature et moins on est sauvage autre réponse à qstion 4
ATT : deux sens différents de barbare-sauvage : glissement de sens qui sert à
argumentation (différent d’une démonstration rigoureuse)
l. 15 à 28 : nature et fortune font mieux que l’art (technique humaine)

n°1 ils : cannibales nous : européens ; ambiguïté du nous ligne 4-5 : toute l’humanité. =
ils différent de sauvages, cannibales et barbares, neutralité.

n°5 argument d’autorité + agrémenter la réflexion (cf le texte de Léry) ; mettre en


présence non plus deux mais trois civilisations : antique, européenne du XVI, brésilienne.
Lecture de l’extrait étudié
Description : 1 à 28 + 53 à 61
Argumentation : 29 à 53 : nous, citations et références.

2. La description
Leur guerre ? noble et généreuse (diff maladie humaine) pq fondée sur jalousie de la
vertu (du courage) ; déroutes et peurs sont ignorées. restent fermes dans le combat. vt
nus au combat (sans protection). cf fin du texte : roi est celui qui va le premier qui
combat (opposition à Charles IX). Courage seulement car ne cherchent pas le bien de
nouvelles terres. de peur d’en être offensé : importance de l’honneur. trophée +
assomme à coup d’épée : inexactitudes qui rappellent l’antiquité (+ courage des
Gaulois et têtes à l’entrée du logis). Troisième élt de la comparaison apparaît en creux.
Description est déjà une comparaison : guerres des brésiliens évoquent guerre de
l’Antiquité (cf citations Alésia, Juvénal) : mélioratif pour Montaigne.
Ils sont encore en cet heureux point + jouissent encore : sens du encore ? profusion
naturelle, sans travail, sans peine, abondance, ne désirent que le nécessaire. Plus que
image paradisiaque ; plutôt thème de l’âge d’or, influence Antiquité là aussi. cf apologie
de la nature ds texte vu à la maison. Expliquer ce mythe. Vision très méliorative de leur
genre de vie.
Acte cannibale : comme en ellipse ds description : très rapidement raconté = envoie des
morceaux à leurs amis absents ; signe de fraternité entre eux. guerre contre les nations
qui sont au delà de leurs montagnes et non entre eux ; rqer nation. Expliqué par
vengeance extrême et non pour se nourrir. différent des scythes : les barbares antiques
alors que eux sont proches des peuples nobles de l’Antiquité. Là aussi, description déjà
argumentée : et pour preuve avec exemple des Portugais qui fait transition avec
comparaison. cet autre monde-ci : relativisme.
Description qui est déjà une argumentation et non ethnographie ; singularité du texte de
Montaigne par rapport à Jean de Léry. (voir connecteurs ds cette partie du texte et
organisation générale du texte : description et comparaison mélangées car tt est
argumentation)

3. La comparaison
Repérer intro et cl : intro 29-31

cl 51-53 ils sont des barbares eu égard aux règles de la raison mais non par
comparaison à nous. On ne peut s’appuyer sur différences entre les peuples pour
qualifier barbarie mais sur la raison. Cf les deux déf du mot ; première est à rejeter pour
seconde ; en ce cas, nous sommes plus barbares qu’eux.

thèse à montrer : nous sommes plus barbares qu’eux : deux directions


- nous + barbares : manger homme vivant plutôt que mort sous prétexte de piété, idée
de s’attaquer à frères et concitoyens comme Jean de Léry, mais absence de référence
religieuse pour référence familiale et nationale.
- cannibalisme pas si grave : Références à Antiquité : Chrysippe et Zénon + Alésia +
Juvénal (critique au passage de la guerre par sièges) exemples discutables : Alésia
endophagie des bouches inutiles et Juvénal texte général critique cas d’anthropohagie chez Égyptiens /
usage médical des cadavres (utilisation des momies pour élaborer médicaments).
Rôle de ces exemples : cannibalisme accepté par la morale/raison ds certains cas
- Alors que trahison, déloyauté, cruauté, tyrannie ne st jms acceptés (là aussi, en
creux : ces vices st absents chez les cannibales, mythe de l’âge d’or).

Cl : Essai apporte une réflexion même dans la description, qui est déjà une
interprétation ; présence forte d’un troisième référent (Antiquité) dont les brésiliens sont
plus proches. Différent de Léry qui condamne anthropophagie et en fait une description
à se faire dresser les cheveux ; ici presque ellipse de l’action de manger pour dresser
une image méliorative des cannibales/ils. Certains commentateurs proposent de le lire
comme un texte ironique.

VII. Candide chez les Oreillons, Voltaire


1. Le conte philosophique
Préparation : questions 2 à 5 p. 146 (Incipit de Candide)
correction du travail
genre littéraire ?
conte ? récit, aventures et épreuves, svt fin heureuse ( pas tjs loin de là) personnages
typés, narration simple et chronologique, merveilleux (pas de souci réaliste).
philosophique : réflexion sur le sens du monde ; réflexion morale, politique...
Voltaire a écrit un dictionnaire philosophique : amour, état, destin, miracles, lois, Adam,
superstition, tolérance, folie ...
conte qui fait part d’une réflexion ; pourquoi cette forme ? peut-être censure mais
surtout art du récit pour exprimer sa pensée. En particulier humour comme on le voit ds
le texte. cf critique de Pangloss, plus lisible qu’une réponse à Leibniz.

2. Candide chez les Oreillons


Lecture
Oreillons : nom donné par Espagnols aux Indiens Xarayes du haut Paraguay (de
orejon,tirer l’oreille) pq’ils avaient oreilles déformées pour porter différents ornements.
Jésuite : ordre de prêtres catholiques sous obéissance directe du pape. Svt critiqués
pour leur catholicisme sectaire, esprit de corps et excès d’intellectualisme = hypocrisie
(autre sens de jésuite). Fondateurs d’internats éducatifs (Voltaire a été formé par les
jésuites) et des Réductions : villages pour faire vivre indiens ds le christianisme
(Royaume de los padres). Violentes attaques au dix-huitième, compagnie interdite par le
pape de 1773 à 1814.

Étude linéaire des lignes 31 à 76 seulement

§1-2
stéréotypes : bois, chaudière, broches, les uns, les autres, pas de personnage qui
ressort : on est dans un conte. même si qq élts exacts : nudité, massue, flèches.
Nouveau monde comme lieu de dérèglement : zoophilie et anthropophagie à suivre.
Rapidité de l’action avec coup de théâtre ; récit simplifié à extrême d’où accumulation
d’évts qui sert aussi le comique. Autres effets comiques : nom Oreillons, c’est un jésuite
répété, sorte de chansonnette ou comptine (vite repris au temps de Voltaire). Nous
serons vengés et nous ferons bonne chère : deux explications st reliées. Usage du
dialogue en français et du nous : effet de conte et de proximité. Voilà comment st
transcrits chants rituels.

Héros : sont montrés comme pris : ne pouvaient remuer et étaient entourés (passifs).
Entraînés par tourbillon d’évt sans maîtrise de leur destin. Et erreur ds compréhension
du monde : aventure qui peut nous procurer de nbreux avantages (comme être
mangé...). Couple valet/ maître de comédie.

§3
Deux réactions : Candide ds déploration et Cacambo ds action.
Réaction de Candide : raisonnement ds l’évidence : quelle perspicacité ! rôti ou bouilli
différent de mourir, effet comique avec rimes et vb concrets de cuisine (d’être mis à la
broche par des Oreillons). Ici, élts concrets servent au comique. Puis part ds réflexion
philosophique.Tout est bien : philosophies cherchent à rendre compte de l’existence du
mal sur terre. Leibniz (très simplifié) : tout mal concourt à un bien plus grand. Voltaire a
partagé cette philosophie jq différents évts personnels + tremblement de terre de
Lisbonne. Pour s’attaquer à Leibniz, simplification extrême de sa pensée réduite à des
slogans et toujours repris par des personnages benêts. Pangloss et son élève
Candide : st ds le discours et non ds les faits. que dirait / voir, nature est faite.Reste
toutefois ds tout est bien, formule de référence avec comique de répétition mais :
distances avec paroles de maître dvt les faits mais revient vite à sa théorie à la fin du
texte.
Cacambo : j’entends le jargon : jargon : langage corrompu, altéré d’où langue
étrangère. Mais ici parlent français d’où peut-être jargon au sens de manière de
raisonner. candide part sur une argumentation impropre et Cacambo sur un argument
ad hominem (Oreillones) cuire des hommes : inhumain et peu chrétien. Oreillons ne st
pas chrétiens et commence par leur dire qu’ils sont inhumains, pas de réf à
christianisme mais à une morale universelle. XVIII : appelée droit naturel : morale
inspirée par la nature humaine et on par religion ou coutumes particulières.

§4
Repérer connecteurs logiques et étapes argumentation.
Messieurs, dit Cacambo, vous comptez donc manger aujourd'hui un jésuite? c'est très bien fait ; rien n'est plus
juste que de traiter ainsi ses ennemis. En effet le droit naturel nous enseigne à tuer notre prochain, et c'est ainsi
qu'on en agit dans toute la terre. Si nous n'usons pas du droit de le manger, c'est que nous avons d'ailleurs de quoi
faire bonne chère; mais vous n'avez pas les mêmes ressources que nous : certainement il vaut mieux manger ses
ennemis que d'abandonner aux corbeaux et aux corneilles le fruit de sa victoire. Mais, messieurs, vous ne voudriez
pas manger vos amis. Vous croyez aller mettre un jésuite en broche, et c'est votre défenseur, c'est l'ennemi de vos
ennemis que vous allez rôtir. Pour moi, je suis né dans votre pays; monsieur que vous voyez est mon maître, et bien
loin d'être jésuite, il vient de tuer un jésuite, il en porte les dépouilles; voilà le sujet de votre méprise. Pour vérifier
ce que je vous dis, prenez sa robe, portez-la à la première barrière du royaume de los padres; informez-vous si mon
maître n'a pas tué un officier jésuite. Il vous faudra peu de temps; vous pourrez toujours nous manger, si vous
trouvez que je vous ai menti. Mais, si je vous ai dit la vérité, vous connaissez trop les principes du droit public, les
mœurs, et les lois, pour ne nous pas faire grâce.

Raisonnement qui a l’air de débuter par concession : c’est très bien fait mais... suite du
raisonnement : vous faites erreur sur la personne. En fait Cacambo s’accorde sur la
pratique des Oreillons ?? À voir : c’est très bien de manger un jés’. Idée de justice, droit
naturel + toute la terre le fait. Ironie : tuer son prochain /aimer son prochain et
antithèse : passage d’ennemi à prochain + tout le monde le fait qui n’est pas un
argument moral. en déduit un droit de le manger qui n’est pas justifié par son
raisonnement. opposition nous / vous : explication du cannibalisme par absence de
nourriture = idée que cadavre sera mangé de toutes façons. Cacambo justifie pratique
cannibale : est un droit. Texte évidemment ironique puisque ce droit est déduit de
fausses raisons. ironie : locuteur a recours à des raisonnements manifestements
illogiques si bien que lecteur ne peut le prendre au sérieux. Ironie suppose toujours un
effort d’interprétation du lecteur. et effet de comique avec la proposition de Candide qui
lui est dans le vrai mais ne pourra convaincre les Oreillons. Critique des discours des
jésuites : ont réputation de justifier les fautes en fonction des circonstances au lieu
d’avoir une morale qui s’applique à tous.
Mais, vous ne voudriez pas manger vos amis : cf ce qu’on reproche aux européens ds
les textes de Léry et de Montaigne. Ici, Oreillons vont se montrer moins barbares que
les Européens. Explique le quiproquo (rappel thème de comédie) et arrive à la cl
suivante : il ne faut pas manger Candide pq c’est un meurtrier ! Là aussi, parodie du
discours jésuite. d’où ironie de nouveau : droit public, moeurs et lois. Tout ce qu’il vient
de montrer en est le contraire.

§5
Oreillons : chgt total d’attitude, rapidité du récit sous forme de conte (avec effet d’écho).
Apparaissent comme très hospitaliers (/ Occidentaux rencontrés). Et vérifient avt de
juger et de manger.

§6
Candide ds admiration alors qu’il trouvait de peuple inhumain ; s’exclame quel... or les
Oreillons sont toujours cannibales. Admire-t-il leur souci de condamner sur preuve ? Ou
égocentrisme du personnage ? ou adhère au discours de Cacambo : on passe de j’ai
commis un péché en tuant un jésuite à le bonheur de donner un coup d’épée. Son meurtre lui
sauve la vie et cela est conforme au droit. La pure nature est bonne : allusion à
Rousseau (Discours sur les Origines de l’inégalité, 1755) : L’homme est bon
naturellement et il est corrompu par la société ( d’où amplification du thème du bon
sauvage, embryonnaire chez Montaigne). Voltaire résolument opposé à cette théorie :
les Oreillons ne st pas civilisés et ne st pas bons naturellement. Pessimisme
fondamental de Voltaire.
Cl : Voltaire utilise forme du conte et élts de comédie pour s’attaquer aux jésuites, à la
justice expéditive et à Rousseau. Cannibales servent à pimenter le récit et peinture de
l’anthropophagie reste stéréotypée.

VII. Modeste proposition... , Jonathan Swift (1667-1745)


1. Questions sur première partie : exposition du problème
Travail préparatoire : Attention, seule la première page du texte est donnée : exposition
du problème (avant la proposition)
1. Situation politique de l’Irlande en 1729 ?
2. D’après le texte, quelle est sa situation économique ? Citer le texte pour
répondre. situation déplorable, bcp de mendiants (cinq indications de lieu), pas d’emploi, ni
artisanal ni agricole. Rappel ; pas de maîtrise des naissances.
3. a. À quel domaine se rattache le projet annoncé : politique, éthique, économique ?
b. Quels éléments propres à ce domaine sont repris dans le texte ?
économique : mention des emplois, pb de la charge publique, nbreux chiffres, marchands,
produits négociables...
4. Quelle image donne de lui-même l’auteur de la proposition ?
se présente comme humble et modeste + bienfaiteur humanité. méthode simple. Statut du je :
orateur (discours politique)
5. Ce texte est-il sérieux ou humoristique ? Justifier la réponse par des élts précis.
Sérieux ds la peinture des maux de l’Irlande mais humour : statue comme bienfaiteur, métier de
voleur considéré à l’égal des autres (seul pb, ne peut être pratiqué avt 6 ans) enfats de douze ans
appelés produits négociables. Si bien que tout le reste apparaît comme parodie des discours
politico-économiques.
Autre remarque : long effet d’attente avt la proposition. Doit justifier sa proposition sur
un état des lieux sérieux (chiffres) d’où le donc : la réalité demande de trouver une
solution.

Lecture de la suite du texte

2. L’utilisation de l’ironie
Ironie : interprétation du lecteur ; le texte ne dit pas ce qu’il dit.

Procédé de l’antiphrase : contexte permet de bien comprendre / raisonnement illogique


cf Cacambo / énoncé scandaleux qui ne peut être pris comme tel : on doit comprendre
autre chose. Technique d’autant plus percutante ici que texte ne quitte jms son sérieux
et sa “modestie”

Mention de l’américain : ici amérindien, voire même Topinambou puisque cité après.
Il est écrit / on doit lire dans ses six arguments
- les pauvres sont traités comme des animaux, voire pire (femmes plus maltraitées que
juments, vaches ou truies)
- les propriétaires mangent déjà les pauvres
- inégalités classes sociales ; gentilhommes riches qui font de la gastronomie / pauvres
qui mendient
- dénonce opposition anglicans / catholiques (péjoratif papiste) ; différence d’époque
avec Léry.
- dénonce vision purement comptable et économique : il s’agit de faire des économies.
- dénonce exploitation anglaise : argent inconnu chez eux ; irlandais n’ont pas le droit
de frapper monnaie cf un pays qui se ferait un plaisir de dévorer notre nation même
sans sel.

Ironie très mordante : prétend agir pour des raisons éthiques : vendre les enfants pour
éviter infanticide et pour développer la tendresse des mères pour leurs enfants. +
métaphore du paysan : La mère prenant soin de ses enfants, c'est le paysan irlandais cultivant
la terre dans la liberté de faire le commerce du fruit de son labeur. Irlande empêchée d’exporter
ses produits par les Anglais, pour ne pas faire de tort au commerce anglais. cf. nous ne courrons
pas le risque de mécontenter l’Angleterre car viande humaine ne pourrait être exportée.

Va faire des propositions en creux : domaine économique (taxe) et éthique orgueil,


vanité, prudence, abandonner querelles, pitié...). nationalisme et entente nationale.
pessimisme : pas le moindre espoir qu’on puisse tenter un jour de les mettre en
pratique.

Avant dernier § : revient sur situation désastreuse du pays : richesse éco ne permet pas
de se nourrir et vêtir, métayer, fermiers st comme des mendiants ; préféreraient être
mort due vivant dans cette infortune.

Cl sur son désintéressement par opposition au politique + humour noir. Travail


préparatoire du I
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques
“Guanabara”
Rio est mordu par sa baie jusqu’au coeur... où Français et Portugais se disputaient
depuis plusieurs années la faveur des indigènes. (...) Villegaignon fonde sur une île en
pleine baie, le fort Coligny... Fort Coligny commandé par son neveu, Bois-le-Comte,
tombe aux mains des Portugais en 1560.

1. Établir une chronologie des événements datés.


2. Expliquer : bréviaire de l’ethnologie ; protestants ; indigènes ; Cène ; renégat.
3. Chercher qui sont Calvin et l’amiral de Coligny.

TEXTE I
Chapitre VIII. Du naturel, force, stature, nudité, disposition et ornements du corps,
tant des hommes que des femmes sauvages Brésiliens, habitant en l’Amérique :
entre lesquels j’ai fréquenté environ un an.
Extrait : « Nudité des Américaines moins à craindre que l’artifice des femmes de
par-deçà »
Mais entre les choses doublement étranges et vraiment émerveillables, que j’ai
observé en ces femmes brésiliennes, c’est qu’encore qu’elles ne se peinturent pas si
souvent le corps, les bras, les cuisses et les jambes que font les hommes, même qu’elles
ne se couvrent ni de plumasseries, ni d’autres choses qui croissent en leur terre : tant y a
néanmoins que quoi que nous leur ayons plusieurs fois voulu bailler des robes et des
chemises (comme j’ai dit que nous faisons aux hommes qui s’en habillaient quelquefois),
il n’a jamais été en notre puissance de les faire vêtir : tellement qu’elles en étaient là
résolues (et crois qu’elles n’ont pas encore changé d’avis) de ne souffrir ni avoir sur elles
chose quelle qu’elle soit. Vrai est que pour prétexte de s’en exempter et demeurer
toujours nues, nous alléguant leur coutume, qui est qu’à toutes les fontaines et rivières
claires qu’elles rencontrent, s’accroupissant sur le bord ou se mettant dedans, elles jettent
avec les deux mains l’eau sur leur tête, et se lavent et plongent ainsi tout le corps comme
cannes, tel jour sera plus de douze fois, elles disaient que ce leur serait trop de peine de se
dépouiller si souvent. Ne voilà pas une belle et bien pertinente raison ? mais telle qu’elle
est, si la faut-il recevoir, car d’en contester davantage contre elles, ce serait en vain et
vous n’en auriez autre chose. Et de fait, cet animal se délecte fort bien en cette nudité,
que non seulement comme j’ai déjà dit, les femmes de nos Toüoupinambaoults
demeurantes en terre ferme en toute liberté avec leurs maris, pères et parents, étaient là du
tout obstinées de ne vouloir s’habiller en façon que ce fut : mais aussi quoi que nous
fissions couvrir par force les prisonnières de guerre que nous avions achetées, et que nous
tenions esclaves pour travailler en notre fort, tant y a toutefois qu’aussitôt que la nuit était
close, elles dépouillaient secrètement leurs chemises et les autres haillons qu’on leur
baillait, il fallait que pour leur plaisir et avant que de se coucher elles se promenassent
toutes nues parmi notre île. Bref, si c’eut été au choix de ces pauvres misérables, et qu’à
grands coup de fouets on ne les eut contraintes de s’habiller, elles eussent mieux aimé
endurer le halle et la chaleur du soleil, voire s’écorcher les bras et les épaules à porter
continuellement la terre et les pierres que rien endurer sur elles (...)
Toutefois avant que clore ce chapitre, ce lieu-ci requiert que je réponde, tant à ceux
qui ont écrit, qu’à ceux qui pensent que la fréquentation entre ces sauvages tous nus, et
principalement parmi les femmes, incite à lubricité et paillardise. Sur quoi je dirai en un
mot, bien qu’il soit vrai qu’en apparence il n’y ait que trop d’occasion d’estimer qu’outre
la déshonnêteté de voir ces femmes nues, cela ne semble aussi servir comme d’un appât
ordinaire à convoitise : toutefois, pour en parler selon ce qui s’en est communément
aperçu pour lors, cette nudité, aussi grossière en telle femme est beaucoup moins
attrayante qu’on ne croirait. Et partant, je maintiens que les attifets, fards, fausses
perruques, cheveux tortillés, grands collets fraisés, vertugales, robes sur robes, et autres
infinies bagatelles dont les femmes et filles de par-deçà se contrefont et n’ont jamais
assez, sont sans comparaison, cause de plus de maux que n’est la nudité ordinaire des
femmes sauvages : lesquelles cependant, quant au naturel, ne doivent rien aux autres en
beauté. Tellement que si l’honnêteté me permettait d’en dire davantage, me vantant de
bien soudre toutes les objections qu’on pourrait amener au contraire, j’en donnerais des
raisons si évidentes que nul ne pourrait les nier. Sans donc poursuivre ce propos plus
avant, je me rapporte de ce peu que j’en ai dit à ceux qui ont fait le voyage en la terre du
Brésil, et qui comme moi ont vu les unes et les autres.
Ce n’est cependant que contre ce que dit la sainte Ecriture d’Adam et Éve, lesquels
après le péché, reconnaissant qu’ils étaient nus furent honteux, je veuille en façon que ce
soit approuver cette nudité : plutôt détesterai-je les hérétiques qui contre la Loi de nature
(laquelle toutefois quant à ce point n’est nullement observée entre nos pauvres
Américains) l’ont toutefois voulu introduire par-deçà.
Mais ce que j’ai dit de ces sauvages est, pour montrer qu’en les condamnant si
austèrement, de ce que sans nulle vergogne ils vont ainsi le corps entièrement découvert,
nous excédant en l’autre extrémité, c’est-à-dire en nos bombances, superfluités et excès
en habits, ne sommes guère plus louables. Et plût à Dieu, pour mettre fin à ce point,
qu’un chacun de nous, plus pour l’honnêteté et nécessité, que pour la gloire et mondanité,
s’habillât modestement.
Jean de Léry, Histoire d’un Voyage fait en la terre du Brésil,1578
TEXTE II
Travail préparatoire : manuel Nathan p. 319
Or toutes les pieces du corps, et mesmes les trippes apres estre bien nettoyées sont
incontinent mises sur les Boucans' , aupres desquels, pendant que le tout cuict ainsi à leur
mode, les vieilles femmes (lesquelles, comme j'ay dit, appetent merveilleusement de
manger de la chair humaine) estans toutes assemblées pour recueillir la graisse qui
degoutte le long des bastons de ces grandes et hautes grilles de bois, exhortans les
hommes de faire en sorte qu'elles ayent tousjours de telle viande : et en leschans leurs
doigts' disent, Yguatou, c'est à dire, il est bon. Voilà donc ainsi que j'ay veu, comme les
sauvages Ameriquains font cuire la chair de leurs prisonniers prins en guerre : assavoir
Boucaner, qui est une façon de rostir à nous incognue.
Cependant je refuteray ici l'erreur de ceux qui, comme on peut voir par leurs Cartes
universelles', nous ont non seulement representé et peint les sauvages de la terre du
Bresil, qui sont ceux dont je parle à present, rostissans la chair des hommes embrochée
comme nous faisons les membres des moutons et autres viandes : mais aussi ont feint
qu'avec de grands couperets de fer ils les coupoyent sur des bancs, et en pendoyent et
mettoyent les pieces en monstre, comme font les bouchers la chair de boeuf par-deçà.
Tellement que ces choses n'estans non plus vrayes que le conte de Rabelais touchant
Panurge, qui eschappa de la broche tout lardé et à demi cuit, il est aisé à juger que ceux
qui font telles Cartes sont ignorans, lesquels n'ont jamais eu cognoissance des choses
qu'ils mettent en avant. Pour confirmation de quoy j'adjousteray, qu'outre la façon que
j'ay dit que les Bresiliens ont de cuire la chair de leurs prisonniers, encores que j'estois en
leur pays ignoroyent-ils tellement nostre façon de rostir, que comme un jour quelques
miens compagnons et moy en un village faisions tourner une poule d'Inde, avec d'autres
volailles, dans une broche de bois, eux se rians et moquans de nous ne voulurent jamais
croire, les voyans ainsi incessamment remuer qu'elles peussent cuire, jusques à ce que
l'experience leur monstra du contraire.
 
Reprenant donc mon propos, quand la chair d'un prisonnier, ou de plusieurs (car ils
en tuent quelquesfois deux ou trois en un jour) est ainsi cuicte, tous ceux qui ont assisté à
voir faire le massacre, estans derechef resjouis à l'entour des boucans, sur lesquels avec
oeillades et regards furibonds, ils contemplent les pieces et membres de leurs ennemis :
quelque grand qu'en soit le nombre chacun, s'il est possible, avant que sortir de là en aura
son morceau. Non pas cependant, ainsi qu'on pourroit estimer, qu'ils facent cela ayans
esgard à la nourriture : car combien que tous confessent ceste chair humaine estre
merveilleusement bonne et delicate, tant y a neantmoins, que plus par vengeance, que
pour le goust (horsmis ce que j'ay dit particulierement des vieilles femmes qui en sont si
friandes), leur principale intention est, qu'en poursuyvant et rongeant ainsi les morts
jusques aux os, ils donnent par ce moyen crainte et espouvantement aux vivans.

Texte étudié
Chapitre XV. Comment les Américains traitent leurs prisonniers pris en guerre, et
les cérémonies qu’ils observent tant à les tuer qu’à les manger.
Extrait : « Comparaison de la cruauté française avec celle des barbares »
Je pourrais encore amener quelques autres semblables exemples, touchant la cruauté
des sauvages envers leurs ennemis, n’était qu’il me semble que ce qu’en ai dit est assez
pour faire avoir horreur, et dresser à chacun les cheveux en la tête. Néanmoins afin que
ceux qui liront ces choses tant horribles, exercées journellement entre ces nations
barbares de la terre du Brésil, pensent aussi un peu de près à ce qui se fait par decà parmi
nous : je dirai en premier lieu sur cette matière, que si on considère à bon escient ce que
font nos gros usuriers (suçant le sang et la moelle, et par conséquent mangeant tous en
vie, tant de veuves, orphelins et autres pauvres personnes auxquels il vaudrait mieux
couper la gorge d’un seul coup, que les faire ainsi languir) qu’on dira qu’ils sont encore
plus cruels que les sauvages dont je parle. Voilà aussi pourquoi le Prophète dit, que telles
gens écorchent la peau, mangent la chair, rompent et brisent les os du peuple de Dieu,
comme s’ils les faisaient bouillir dans une chaudière. Davantage, si on veut venir à
l’action brutale de mâcher et manger réellement (comme on parle) la chair humaine, ne
s’en est-il point trouvé en ces régions de par deçà, voire même entre ceux qui portent le
titre de Chrétiens, tant en Italie qu’ailleurs, lesquels ne s’étant pas contentés d’avoir fait
cruellement mourir leurs ennemis, n’ont pu rassasier leur courage, sinon en mangeant de
leur foie et de leur cœur ? Je m’en rapporte aux histoires. Et sans aller plus loin, en la
France quoi ? (Je suis Français et je me fâche de le dire) durant la sanglante tragédie qui
commença à Paris le 24 d’août 1572 dont je n’accuse point ceux qui n’en sont pas cause :
entre autres actes horribles à raconter, qui se perpétrèrent lors par tout le Royaume, la
graisse des corps humains (qui d’une façon plus barbare et cruelle que celle des sauvages,
furent massacrés dans Lyon, après être retirés de la rivière de Saône) ne fut-elle pas
publiquement vendue au plus offrant et dernier enchérisseur ? Les foies, cœurs, et autres
parties des corps de quelques-uns ne furent-ils pas mangés par les furieux meurtriers,
dont les enfers ont horreur ? Semblablement après qu’un nommé Cœur de Roi, faisant
profession de la Religion réformée dans la ville d’Auxerre, fut misérablement massacré,
ceux qui commirent ce meurtre, ne découpèrent-ils pas son cœur en pièces, l’exposèrent
en vente à ses haineux, et finalement l’ayant fait griller sur les charbons, assouvissant leur
rage comme chiens mâtins, en mangèrent ? Il y a encore des milliers de personnes en vie,
qui témoigneront de ces choses non jamais auparavant ouïes entre peuples quels qu’ils
soient, et les livres qui dès long temps en sont jà imprimés, en feront foi à la postérité.
Tellement que non sans cause, quelqu’un, duquel je proteste ne savoir le nom, après cette
exécrable boucherie du peuple français, reconnaissant qu’elle surpassait toutes celles dont
on avait jamais ouï parler, pour l’exagérer fit ces vers suivants :
Riez Pharaon,
Achab, et Néron,
Hérode aussi :
Votre barbarie
Est ensevelie
Par ce fait ici.
Par quoi, qu’on n’abhorre plus tant désormais la cruauté des sauvages anthropophages,
c’est-à-dire mangeurs d’hommes : car puisqu’il y en a de tels, voire d’autant plus
détestables et pires au milieu de nous, qu’eux qui, comme il a été vu, ne se ruent que sur
les nations lesquelles leur sont ennemies, et ceux-ci se sont plongés au sang de leurs
parents, voisins et compatriotes, il ne faut pas aller si loin qu’en leur pays ni qu’en
l’Amérique pour voir choses si monstrueuses et prodigieuses.

Jean de Léry, Histoire d’un Voyage fait en la terre du Brésil,1578


TEXTE III
Travail préparatoire : manuel Nathan p. 308
Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en
cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas
de son usage; comme de vray il semble que nous n'avons autre mire de la verité et de la
raison que l'exemple et idée des opinions et usances du païs où nous sommes. Là est
tousjours la parfaicte religion, la parfaicte police, perfect et accomply usage de toutes
choses. Ils sont sauvages, de mesmes que nous appellons sauvages les fruicts que nature,
de soy et de son progrez ordinaire, a produicts: là où, à la verité, ce sont ceux que nous
avons alterez par nostre artifice et detournez de l'ordre commun, que nous devrions
appeller plutost sauvages. En ceux là sont vives et vigoureuses les vrayes, et plus utiles et
naturelles vertus et proprietez, lesquelles nous avons abastardies en ceux-cy, et les avons
seulement accommodées au plaisir de nostre goust corrompu. Et si pourtant la saveur
mesme et delicatesse se treuve à nostre gout excellente, à l'envi des nostres, en divers
fruits de ces contrées-là, sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gaigne le point
d'honneur sur nostre grande et puissante mere nature. Nous avons tant rechargé la beauté
et richesse de ses ouvrages par nos inventions, que nous l'avons du tout estouffée. Si est-
ce que, par tout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et
frivoles entreprinses,
Et veniunt ederae sponte sua melius, Surgit et in solis formosior arbutus antris, Et
volucres nulla dulcius arte canunt.
Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à representer le nid du moindre
oyselet, sa contexture, sa beauté et l'utilité de son usage, non pas la tissure de la chetive
araignée. Toutes choses, dict Platon, sont produites par la nature, ou par la fortune, ou par
l'art; les plus grandes et plus belles, par l'une ou l'autre des deux premieres; les moindres
et imparfaictes, par la derniere.

Texte étudié
Ils ont leurs guerres contre les nations qui sont au delà de leurs montagnes, plus
avant en la terre ferme, vers lesquelles ils vont tout nus, n'ayant autres armes que des arcs
ou des épées de bois, appointées par un bout, comme les langues de nos épieux. C'est
chose esmerveillable que la fermeté de leurs combats, qui ne finissent jamais que par
meurtre et effusion de sang ; car, déroutes et effroi, ils ne savent ce que c'est.
Chacun rapporte pour son trophée la tête de l'ennemi qu'il a tué, et l'attache à
l'entrée de son logis. Apres avoir longtemps bien traité leurs prisonniers, et de toutes les
commodités dont ils peuvent s’aviser, celui qui en est le maître, fait une grande
assemblée de ses connaissances : il attache une corde à l'un des bras du prisonnier, par le
bout de laquelle il le tient, éloigné de quelques pas, de peur d'en être offensé, et donne au
plus cher de ses amis l'autre bras à tenir de même ; et eux deux, en présence de toute
l'assemblée, l'assomment à coups d'épée. Cela fait, ils le rôtissent et en mangent en
commun et en envoient des morceaux à ceux de leurs amis qui sont absents. Ce n'est pas,
comme on pense, pour s'en nourrir, ainsi que faisaient anciennement les Scythes : c'est
pour exprimer une extrême vengeance.
Et pour preuve qu’il en est ainsi, ayant aperçu que les Portugais, qui s'étaient ralliés
à leurs adversaires, usaient d'une autre sorte de mort contre eux, quand ils les prenaient,
qui était de les enterrer jusques à la ceinture, et tirer force coups d’épée sur le reste de
leur corps, et les pendre après : ils pensèrent que ces gens de cet autre monde-ci, comme
ceux qui avaient semé la connaissance de beaucoup de vices parmi leur voisinage, et qui
étaient beaucoup plus grands maîtres qu'eux en toute sorte de malice, ne prenaient pas
sans occasion cette sorte de vengeance, et qu'elle devait être plus aigre que la leur,
commencèrent de quitter leur façon ancienne pour suivre celle-ci.
Je ne suis pas chagriné que nous remarquions l'horreur barbaresque qu'il y a en une
telle action, mais je le suis pour sûr de ce que, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons
si aveuglés aux nôtres. Je pense qu'il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu'à
le manger mort, à déchirer, par tourment et par géhennes, un corps encore plein de
sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux
pourceaux (comme nous l'avons, non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non
entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous
prétexte de piété et de religion), que de le rôtir et manger après qu'il est trépassé.
Chrysippe et Zénon, chefs de la secte Stoïque, ont bien pensé qu'il n'y avait aucun
mal de se servir de notre charogne à quoi que ce fut pour notre besoin, et d'en tirer de la
nourriture : comme nos ancêtres, étant assiégés par César en la ville de Alexia, se
résolurent à soutenir la faim de ce siège par les corps des vieillards, des femmes et autres
personnes inutiles au combat.
Vascones, fama est, alimentis talibus usi Produxere animas.
Et les médecins ne craignent pas de s'en servir à toute sorte d'usage pour notre santé,
soit pour l'appliquer au dedans ou au dehors ; mais il ne se trouva jamais aucune opinion
si déréglée qui excusât la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté, qui sont nos
fautes ordinaires.
Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais
non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. Leur guerre est
toute noble et généreuse, et a autant d'excuse et de beauté que cette maladie humaine en
peut recevoir: elle n'a autre fondement parmi eux que la seule jalousie de la vertu. Ils ne
débattent pas de la conquête de nouvelles terres, car ils jouissent encore de cette
profusion naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires,
en telle abondance qu'ils n'ont que faire d'agrandir leurs limites. Ils sont encore en cet
heureux point, de ne désirer qu'autant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent : tout
ce qui est au delà, est superflu pour eux.
Montaigne, “Des cannibales”, Essais, livre I, chapitre 31 (1580)
TEXTE IV
Travail préparatoire : manuel p. 146
Il y avait en vestphalie, dans le château de monsieur le baron de Thunder-ten-
tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa
physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus
simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens
domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était fils de la soeur de monsieur le baron,
et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais
épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de
son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.
Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Vestphalie, car son
château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie.
Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses
palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier Ils
l’appelaient tous Monseigneur et ils riaient quand il faisait des contes.
Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là
une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la
rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en
couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son
père. Le précepteur Pangloss était l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses
leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.
Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait
admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes
possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame
la meilleure des baronnes possibles.

Texte étudié
Au Paraguay, Candide a tué un jésuite et s’est revêtu de la robe de celui-ci pour
prendre la fuite, accompagné de son valet Cacambo.
Le soleil se couchait. Les deux égarés entendirent quelques petits cris qui paraissaient poussés par
des femmes. Ils ne savaient si ces cris étaient de douleur ou de joie; mais ils se levèrent précipitamment
avec cette inquiétude et cette alarme que tout inspire dans un pays inconnu. Ces clameurs partaient de
deux filles toutes nues qui couraient légèrement au bord de la prairie, tandis que deux singes les suivaient
en leur mordant les fesses. Candide fut touché de pitié ; il avait appris à tirer chez les Bulgares, et il aurait
abattu une noisette dans un buisson sans toucher aux feuilles. Il prend son fusil espagnol à deux coups,
tire, et tue les deux singes. “Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! j'ai délivré d'un grand péril ces deux
pauvres créatures : si j'ai commis un péché en tuant un inquisiteur et un jésuite, je l'ai bien réparé en
sauvant la vie à deux filles. Ce sont peut-être deux demoiselles de condition, et cette aventure nous peut
procurer de très grands avantages dans le pays.”
Il allait continuer, mais sa langue devint percluse quand il vit ces deux filles embrasser tendrement
les deux singes, fondre en larmes sur leurs corps, et remplir l'air des cris les plus douloureux. “Je ne
m'attendais pas à tant de bonté d'âme”, dit-il enfin à Cacambo ; lequel lui répliqua : “Vous avez fait là un
beau chef d'œuvre, mon maître ; vous avez tué les deux amants de ces demoiselles. - Leurs amants !
serait-il possible ? vous vous moquez de moi, Cacambo ; le moyen de vous croire? - Mon cher maître,
repartit Cacambo, vous êtes toujours étonné de tout ; pourquoi trouvez-vous si étrange que dans quelques
pays il y ait des singes qui obtiennent les bonnes grâces des dames ? ils sont des quarts d'homme, comme
je suis un quart d'Espagnol. - Hélas ! reprit Candide, je me souviens d'avoir entendu dire à maître
Pangloss qu'autrefois pareils accidents étaient arrivés, et que ces mélanges avaient produit des égypans,
des faunes, des satyres ; que plusieurs grands personnages de l'antiquité en avaient vu ; mais je prenais
cela pour des fables. - Vous devez être convaincu à présent, dit Cacambo, que c'est une vérité, et vous
voyez comment en usent les personnes qui n'ont pas reçu une certaine éducation ; tout ce que je crains,
c'est que ces dames ne nous fassent quelque méchante affaire.”
Ces réflexions solides engagèrent Candide à quitter la prairie, et à s'enfoncer dans un bois. Il y
soupa avec Cacambo ; et tous deux,(...) s'endormirent sur de la mousse. A leur réveil, ils sentirent qu'ils
ne pouvaient remuer ; la raison en était que pendant la nuit les Oreillons, habitants du pays, à qui les deux
dames les avaient dénoncés, les avaient garrottés avec des cordes d'écorces d'arbre.
Ils étaient entourés d'une cinquantaine d'Oreillons tout nus, armés de flèches, de
massues, et de haches de caillou : les uns faisaient bouillir une grande chaudière ; les
autres préparaient des broches, et tous criaient : “C'est un jésuite, c'est un jésuite ! nous
serons vengés, et nous ferons bonne chère ; mangeons du jésuite, mangeons du jésuite !”
“Je vous l'avais bien dit, mon cher maître, s'écria tristement Cacambo, que ces deux
filles nous joueraient d'un mauvais tour.” Candide apercevant la chaudière et les broches
s'écria : “Nous allons certainement être rôtis ou bouillis. Ah! que dirait maître Pangloss,
s'il voyait comme la pure nature est faite ? Tout est bien ; soit, mais j'avoue qu'il est bien
cruel, d'avoir perdu mademoiselle Cunégonde, et d'être mis à la broche par des
Oreillons.” Cacambo ne perdait jamais la tête. “Ne désespérez de rien, dit-il au désolé
Candide ; j'entends un peu le jargon de ces peuples, je vais leur parler. - Ne manquez pas,
dit Candide, de leur représenter quelle est l'inhumanité affreuse de faire cuire des
hommes, et combien cela est peu chrétien.”
“Messieurs, dit Cacambo, vous comptez donc manger aujourd'hui un jésuite ? c'est
très bien fait ; rien n'est plus juste que de traiter ainsi ses ennemis. En effet le droit naturel
nous enseigne à tuer notre prochain, et c'est ainsi qu'on en agit dans toute la terre. Si nous
n'usons pas du droit de le manger, c'est que nous avons d'ailleurs de quoi faire bonne
chère ; mais vous n'avez pas les mêmes ressources que nous : certainement il vaut mieux
manger ses ennemis que d'abandonner aux corbeaux et aux corneilles le fruit de sa
victoire. Mais, messieurs, vous ne voudriez pas manger vos amis. Vous croyez aller
mettre un jésuite en broche, et c'est votre défenseur, c'est l'ennemi de vos ennemis que
vous allez rôtir. Pour moi, je suis né dans votre pays ; monsieur que vous voyez est mon
maître, et bien loin d'être jésuite, il vient de tuer un jésuite, il en porte les dépouilles ;
voilà le sujet de votre méprise. Pour vérifier ce que je vous dis, prenez sa robe, portez-la à
la première barrière du royaume de los padres ; informez-vous si mon maître n'a pas tué
un officier jésuite. Il vous faudra peu de temps ; vous pourrez toujours nous manger, si
vous trouvez que je vous ai menti. Mais, si je vous ai dit la vérité, vous connaissez trop
les principes du droit public, les mœurs, et les lois, pour ne nous pas faire grâce.”
Les Oreillons trouvèrent ce discours très raisonnable ; ils députèrent deux notables
pour aller en diligence s'informer de la vérité ; les deux députés s'acquittèrent de leur
commission en gens d'esprit, et revinrent bientôt apporter de bonnes nouvelles. Les
Oreillons délièrent leurs deux prisonniers, leur firent toutes sortes de civilités, leur
offrirent des filles, leur donnèrent des rafraîchissements, et les reconduisirent jusqu'aux
confins de leurs états, en criant avec allégresse: “Il n'est point jésuite, il n'est point
jésuite !”
Candide ne se lassait point d'admirer le sujet de sa délivrance. “Quel peuple ! disait-
il, quels hommes ! quelles mœurs ! si je n'avais pas eu le bonheur de donner un grand
coup d'épée au travers du corps du frère de mademoiselle Cunégonde, j'étais mangé sans
rémission. Mais, après tout, la pure nature est bonne, puisque ces gens-ci, au lieu de me
manger, m'ont fait mille honnêtetés, dès qu'ils ont su que je n'étais pas jésuite.”
Voltaire, Candide, chapitre XVI. (1759)
TEXTE V
Travail préparatoire
MODESTE PROPOSITION POUR EMPÊCHER LES ENFANTS DES PAUVRES
D'ÊTRE À LA CHARGE DE LEURS PARENTS  OU DE LEUR PAYS  ET POUR
LES RENDRE UTILES AU PUBLIC
C'est un objet de tristesse, pour celui qui traverse cette grande ville ou voyage dans
les campagnes, que de voir les rues, les routes et le seuil des masures encombrés de
mendiantes, suivies de trois, quatre ou six enfants, tous en guenilles, importunant le
passant de leurs mains tendues. Ces mères, plutôt que de travailler pour gagner
honnêtement leur vie, sont forcées de passer leur temps à arpenter le pavé, à mendier la
pitance de leurs nourrissons sans défense qui, en grandissant, deviendront voleurs faute
de trouver du travail, quitteront leur cher Pays natal afin d'aller combattre pour le
prétendant d'Espagne, ou partiront encore se vendre aux îles Barbades.
Je pense que chacun s'accorde à reconnaître que ce nombre phénoménal d'enfants
pendus aux bras, au dos ou aux talons de leur mère, et fréquemment de leur père,
constitue dans le déplorable état présent du royaume une très grande charge
supplémentaire ; par conséquent, celui qui trouverait une méthode équitable, simple et
peu coûteuse pour faire participer ces enfants à la richesse commune mériterait si bien de
l'intérêt public qu'on lui élèverait pour le moins une statue comme bienfaiteur de la
nation.
Mais mon intention n'est pas, loin de là, de m'en tenir aux seuls enfants des
mendiants avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose
d'englober tous les enfants d'un âge donné dont les parents sont en vérité aussi incapables
d'assurer la subsistance que ceux qui nous demandent la charité dans les rues.
Pour ma part, j'ai consacré plusieurs années à réfléchir à ce sujet capital, à examiner
avec attention les différents projets des autres penseurs, et y ai toujours trouvé de
grossières erreurs de calcul. Il est vrai qu'une mère peut sustenter son nouveau-né de son
lait durant toute une année solaire sans recours ou presque à une autre nourriture, du
moins avec un complément alimentaire dont le coût ne dépasse pas deux shillings,
somme qu'elle pourra aisément se procurer, ou l'équivalent en reliefs de table, par la
mendicité, et c'est précisément à l'âge d'un an que je me propose de prendre en charge ces
enfants, de sorte qu'au lieu d'être un fardeau pour leurs parents ou leur paroisse et de
manquer de pain et de vêtements, ils puissent contribuer à nourrir et, partiellement, à vêtir
des multitudes.
Mon projet comporte encore cet autre avantage de faire cesser les avortements
volontaires et cette horrible pratique des femmes, hélas trop fréquente dans notre société,
qui assassinent leurs bâtards, sacrifiant, me semble-t-il, ces bébés innocents pour s'éviter
les dépenses plus que la honte, pratique qui tirerait des larmes de compassion du coeur le
plus sauvage et le plus inhumain.
Etant généralement admis que la population de ce royaume s'élève à un million et
demi d'âmes, je déduis qu'il y a environ deux cent mille couples dont la femme est
reproductrice, chiffre duquel je retranche environ trente mille couples qui sont capables
de subvenir aux besoins de leurs enfants, bien que je craigne qu'il n'y en ait guère autant,
compte tenu de la détresse actuelle du royaume, mais cela posé, il nous reste cent
soixante-dix mille reproductrices. J'en retranche encore cinquante mille pour tenir compte
des fausses couches ou des enfants qui meurent de maladie ou d'accident au cours de la
première année. Il reste donc cent vingt mille enfants nés chaque année de parents
pauvres. Comment élever et assurer l'avenir de ces multitudes, telle est donc la question
puisque, ainsi que je l'ai déjà dit, dans l'état actuel des choses, toutes les méthodes
proposées à ce jour se sont révélées totalement impossibles à appliquer, du fait qu'on ne
peut trouver d'emploi pour ces gens ni dans l'artisanat ni dans l'agriculture ; que nous ne
construisons pas de nouveaux bâtiments (du moins dans les campagnes), pas plus que
nous ne cultivons la terre ; il est rare que ces enfants puissent vivre de rapines avant l'âge
de six ans, à l'exception de sujets particulièrement doués, bien qu'ils apprennent les
rudiments du métier, je dois le reconnaître, beaucoup plus tôt : durant cette période,
néanmoins, ils ne peuvent être tenus que pour des apprentis délinquants, ainsi que me l'a
rapporté une importante personnalité du comté de Cavan qui m'a assuré ne pas connaître
plus d'un ou deux voleurs qualifiés de moins de six ans, dans une région du royaume
pourtant renommée pour la pratique compétente et précoce de cet art.
Nos marchands m'assurent qu'en dessous de douze ans, les filles pas plus que les
garçons ne font de satisfaisants produits négociables, et que même à cet âge, on n'en tire
pas plus de trois livres, ou au mieux trois livres et demie à la Bourse, ce qui n'est
profitable ni aux parents ni au royaume, les frais de nourriture et de haillons s'élevant au
moins à quatre fois cette somme.
J'en viens donc à exposer humblement mes propres idées qui, je l'espère, ne
soulèveront pas la moindre objection. 
Jonathan SWIFT - 1729
1. Quelle est la situation politique de l’Irlande en 1729 ?
2. D’après le texte, quelle est sa situation économique ? Citer le texte pour
répondre.
3. a. À quel domaine se rattache le projet annoncé : politique, éthique,
économique ?
b. Quels éléments propres à ce domaine sont repris dans le texte ?
4. Quelle image donne de lui-même l’auteur de la proposition ?
5. Ce texte est-il sérieux ou humoristique ? Justifier la réponse par des
éléments précis.

Suite du texte (à distribuer dans un second temps)


Un américain très avisé que j'ai connu à Londres m'a assuré qu'un jeune enfant en bonne
santé et bien nourri constitue à l'âge d'un an un met délicieux, nutritif et sain, qu'il soit
cuit en daube, au pot, rôti à la broche ou au four, et j'ai tout lieu de croire qu'il
s'accommode aussi bien en fricassée ou en ragoût.
Je porte donc humblement à l'attention du public cette proposition : sur ce chiffre
estimé de cent vingt mille enfants, on en garderait vingt mille pour la reproduction, dont
un quart seulement de mâles - ce qui est plus que nous n'en accordons aux moutons, aux
bovins et aux porcs - la raison en étant que ces enfants sont rarement le fruit du mariage,
formalité peu prisée de nos sauvages, et qu'en conséquence, un seul mâle suffira à servir
quatre femelles. On mettrait en vente les cent mille autres à l'âge d'un an, pour les
proposer aux personnes de bien et de qualité à travers le royaume, non sans recommander
à la mère de les laisser téter à satiété pendant le dernier mois, de manière à les rendre
dodus, et gras à souhait pour une bonne table. Si l'on reçoit, on pourra faire deux plats
d'un enfant, et si l'on dîne en famille, on pourra se contenter d'un quartier, épaule ou
gigot, qui, assaisonné d'un peu de sel et de poivre, sera excellent cuit au pot le quatrième
jour, particulièrement en hiver.
J'ai calculé qu'un nouveau-né pèse en moyenne douze livres, et qu'il peut, en une
année solaire, s'il est convenablement nourri, atteindre vingt-huit livres.
Je reconnais que ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il
conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des
pères, semblent les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants. (...)
Je pense que les avantages de ma proposition sont nombreux et évidents, tout autant
que de la plus haute importance. D'abord, comme je l'ai déjà fait remarquer, elle réduirait
considérablement le nombre des papistes qui se font chaque jour plus envahissants,
puisqu'ils sont les principaux reproducteurs de ce pays ainsi que nos plus dangereux
ennemis, et restent dans le royaume avec l'intention bien arrêtée de le livrer au
Prétendant, dans l'espoir de tirer avantage de l'absence de tant de bons protestants qui ont
choisi de s'exiler plutôt que de demeurer sur le sol natal et de payer, contre leur
conscience, la dîme au desservant épiscopal.
Deuxièmement. Les fermiers les plus pauvres posséderont enfin quelque chose de
valeur, un bien saisissable qui les aidera à payer leur loyer au propriétaire, puisque leurs
bêtes et leur grain sont déjà saisis et que l'argent est inconnu chez eux.
Troisièmement. Attendu que le coût de l'entretien de cent mille enfants de deux ans
et plus ne peut être abaissé en dessous du seuil de dix shillings par tête et par année, la
richesse publique se trouvera grossie de cinquante mille livres par année, sans compter
les bénéfices d'un nouvel aliment introduit à la table de tous les riches gentilshommes du
royaume qui jouissent d'un goût un tant soit peu raffiné, et l'argent circulera dans notre
pays, les biens consommés étant entièrement d'origine et de manufacture locale.
Quatrièmement. En vendant leurs enfants, les reproducteurs permanents, en plus du
gain de huit shillings par année, seront débarrassés des frais d'entretien après la première
année.
Cinquièmement. Nul doute que cet aliment attirerait de nombreux clients dans les
auberges dont les patrons ne manqueraient pas de mettre au point les meilleures recettes
pour le préparer à la perfection, et leurs établissements seraient ainsi fréquentés par les
gentilshommes les plus distingués qui s'enorgueillissent à juste titre de leur science
gastronomique ; un cuisinier habile, sachant obliger ses hôtes, trouvera la façon de
l'accommoder en plats aussi fastueux qu'ils les affectionnent.
Sixièmement. Ce projet constituerait une forte incitation au mariage, que toutes les
nations sages ont soit encouragé par des récompenses, soit imposé par des lois et des
sanctions. Il accentuerait le dévouement et la tendresse des mères envers leurs enfants,
sachant qu'ils ne sont plus là pour toute la vie, ces pauvres bébés dont l'intervention de la
société ferait pour elles, d'une certaine façon, une source de profits et non plus de
dépenses. Nous devrions voir naître une saine émulation chez les femmes mariées - à
celle qui apportera au marché le bébé le plus gras - les hommes deviendraient aussi
attentionnés que leurs épouses, durant le temps de leur grossesse, qu'ils le sont
aujourd'hui envers leurs juments ou leurs vaches pleines, envers leur truie prête à mettre
bas, et la crainte d'une fausse couche les empêcherait de distribuer (ainsi qu'ils le font
trop fréquemment) coups de poing ou de pied. (...)
Je ne vois aucune objection possible à cette proposition, si ce n'est qu'on pourra
faire valoir qu'elle réduira considérablement le nombre d'habitants du royaume. Je
revendique ouvertement ce point, qui était en fait mon intention déclarée en offrant ce
projet au public. Je désire faire remarquer au lecteur que j'ai conçu ce remède pour le seul
Royaume d'Irlande et pour nul autre Etat au monde, passé, présent, et sans doute à venir.
Qu'on ne vienne donc pas me parler d'autres expédients : d'imposer une taxe de cinq
shillings par livre de revenus aux non-résidents ; de refuser l'usage des vêtements et des
meubles qui ne sont pas d'origine et de fabrication irlandaise ; de rejeter rigoureusement
les articles et ustensiles encourageant au luxe venu de l'étranger ; de remédier à
l'expansion de l'orgueil, de la vanité, de la paresse et de la futilité chez nos femmes ;
d'implanter un esprit d'économie, de prudence et de tempérance ; d'apprendre à aimer
notre Pays, matière en laquelle nous surpassent même les Lapons et les habitants de
Topinambou ; d'abandonner nos querelles et nos divisions, de cesser de nous comporter
comme les Juifs qui s'égorgeaient entre eux pendant qu'on prenait leur ville, de faire
preuve d'un minimum de scrupules avant de brader notre pays et nos consciences ;
d'apprendre à nos propriétaires terriens à montrer un peu de pitié envers leurs métayers.
Enfin, d'insuffler l'esprit d'honnêteté, de zèle et de compétence à nos commerçants qui, si
l'on parvenait aujourd'hui à imposer la décision de n'acheter que les produits irlandais,
s'uniraient immédiatement pour tricher et nous escroquer sur la valeur, la mesure et la
qualité, et ne pourraient être convaincus de faire ne serait-ce qu'une proposition équitable
de juste prix, en dépit d'exhortations ferventes et répétées.
Par conséquent, je le redis, qu'on ne vienne pas me parler de ces expédients, ni
d'autres mesures du même ordre, tant qu'il n'existe pas le moindre espoir qu'on puisse
tenter un jour, avec vaillance et sincérité, de les mettre en pratique.
En ce qui me concerne, je me suis épuisé des années durant à proposer des théories
vaines, futiles et utopiques, et j'avais perdu tout espoir de succès quand, par bonheur, je
suis tombé sur ce plan qui, bien qu'étant complètement nouveau, possède quelque chose
de solide et de réel, n'exige que peu d'efforts et aucune dépense, peut être entièrement
exécuté par nous-même et grâce auquel nous ne courrons pas le moindre risque de
mécontenter l'Angleterre. Car ce type de produit ne peut être exporté, la viande d'enfant
tant trop tendre pour supporter un long séjour dans le sel, encore que je pourrai nommer
un pays qui se ferait un plaisir de dévorer notre nation, même sans sel.
Après tout, je ne suis pas si farouchement accroché à mon opinion que j'en
réfuterais toute autre proposition, émise par des hommes sages, qui se révélerait aussi
innocente, bon marché, facile et efficace. Mais avant qu'un projet de cette sorte soit
avancé pour contredire le mien et offrir une meilleure solution, je conjure l'auteur, ou les
auteurs, de bien vouloir considérer avec mûre attention ces deux points. Premièrement, en
l'état actuel des choses, comment ils espèrent parvenir à nourrir cent mille bouches
inutiles et à vêtir cent mille dos. Deuxièmement, tenir compte de l'existence à travers ce
royaume d'un bon million de créatures apparemment humaines dont tous les moyens de
subsistance mis en commun laisseraient un déficit de deux millions de livres sterling ;
adjoindre les mendiants par profession à la masse des fermiers, métayers et ouvriers
agricoles, avec femmes et enfants, qui sont mendiants de fait. Je conjure les hommes
d'état qui sont opposés à ma proposition, et assez hardis peut-être pour tenter d'apporter
une autre réponse, d'aller auparavant demander aux parents de ces mortels s'ils ne
regarderaient pas aujourd'hui comme un grand bonheur d'avoir été vendus comme viande
de boucherie à l'âge de un an, de la manière que je prescris, et ; d'avoir évité ainsi toute la
série d'infortunes par lesquelles ils ont passé jusqu'ici, l'oppression des propriétaires,
l'impossibilité de régler leurs termes sans argent ni travail, les privations de toutes sortes,
sans toit ne vêtement pour les protéger des rigueurs de l'hiver, et la perspective inévitable
de léguer pareille misère, ou pire encore, à leur progéniture, génération après génération.
D'un coeur sincère, j'affirme n'avoir pas le moindre intérêt personnel à tenter de
promouvoir cette oeuvre nécessaire, je n'ai pour seule motivation que le bien de mon
pays, je ne cherche qu'à développer notre commerce, à assurer le bien-être de nos enfants,
à soulager les pauvres et à procurer un peu d'agrément aux riches. Je n'ai pas d'enfants ont
la vente puisse me rapporter le moindre penny ; le plus jeune a neuf ans et ma femme a
passé l'âge d'être mère.
Jonathan SWIFT - 1729

ÉVALUATION
Pour une analyse de texte, on peut travailler sur
- l’article “Anthropophage” du Dictionnaire Philosophique portatif
- le dialogue avec le vieillard tupinamba à propos du bois de Brésil, chapitre XIII de Jean
de Léry
Voici un sujet d’invention qui fonctionne bien à condition de bien préciser aux élèves
qu’on n’attend pas de partie narrative : Dans un récit de voyage, un astronaute dépeint un
aspect “étrange et vraiment esmerveillable” d’une planète ou d’un peuple extraterrestre. Dans un
second temps, à partir d’une comparaison avec la terre et les êtres humains, il engage une
réflexion polémique.

Textes d’élèves et leur analyse


1
Les cannibales ! Ces êtres présumé sanguinaires sans morale qui mangent leurs
semblables... Ce sont en fait des êtres normaux qui ont une façon de penser différentes de
nous. Pour vénérer leurs dieux, ils doivent leur faire des sortes d’offrandes. Ils croient que pour
ressusciter, ils doivent manger leur prochain, ils n’ont pas la même vision de la mort que nous.
C’est grâce à la mort des autres qu’ils vivent, dès leur plus tendre enfance, on leur inculque
cette idée ; c’est donc une bonne chose.

2
Si je demandais à n’importe qui : Que pensez-vous des cannibales ? Il ou elle me
répondrait à coup sûr que ce sont des barbares, mais ceux-là se trompent. Qu’adviendra-t-il de
l’humanité quand elle aura provoqué la disparition de toutes les autres espèces animales et
végétales ? Eh bien, croyez-moi ou non, les humains deviendront cannibales ! Le cannibalisme
est notre futur proche, que vous le vouliez ou non. Et les premiers ayant préparé leur casserole
seront les derniers à se retrouver en morceaux dans celle de leur voisin.

3
Le cannibale est un être vivant qui se nourrit de chair humaine. À l’heure d’aujourd’hui, il
existe encore très peu de cannibales, et heureusement d’ailleurs. On peut voir des cannibales
dans des dessins animés, ce sont des tribus qui accueillent des personnages à bras ouverts et
qui les mettent ensuite dans des marmites pour les manger. Pourquoi montrer de telles images
à des pauvres enfants qui veulent juste rire devant des dessins animés ?

4
Les cannibales sont des habitants de certaines tribus africaines qui avaient pour habitude
de manger des hommes. Aujourd’hui les cannibales sont des gens qui mangent leur prochain.
Avec différentes techniques de cuisson, ils considèrent l’humain comme un met fabuleux. Ils
peuvent aussi décortiquer la carcasse pour leur décoration intérieure. Ou bien comme objet
décoratif.

5
Il était une fois dans un pays pas si lointain, et à une époque bien plus proche de nous
que l’on pourrait le croire, un jeune cannibale dont la tribu avait été massacrée par des
indépendantistes de la région... Un vrai festin ! Mais après des jours de repas plus que copieux,
il se sentit seul en tant que seul survivant. Il décida donc de s’embarquer clandestinement sur
un bateau en partance pour la France, ce beau pays. Il y allait avec la vive intention de faire de
la chair humaine une nourriture commune à tous les Français. Il ouvrit un restaurant où l’on
pouvait lire sur les cartes des plats comme “Cuisse d’européen à la sauce maison”.
Malheureusement, personne ne voulut goûter ses plats et il fit faillite.
6
Je suis devenue cannibale. Un jour, je me suis retrouvée dans la rue, sans argent, sans
rien. Je veux manger de la viande mais je ne peux pas en acheter. Mon estomac se tordait
dans tous les sens quand une idée complètement absurde me vient. Pourquoi ne mangerais-tu
pas un humain ? Après tout, nous nous nourrissons de viande d’animaux. J’ai commencé à me
nourrir d’hommes, j’ai apprécié cette chair si étrange qui était une terrible dépendance.
7
Les cannibales sont des êtres humains qui se nourrissent de chair humaine. Ces “bêtes”
sont d’origine africaine. Ils tuaient, mangeaient et digéraient leurs proies humaines. La fin du
cannibalisme fut effectué vers le dix-septième siècle. Cette méthode de survie fut cruelle et
sans pitié.

8
Les cannibales sont des hommes “mamadou” qui mangent leur congénère civilisé. Ex :
repas du jour : explorateur de Sydney.
Ce sont des énergumènes à ne pas approcher, ils sont dangereux, ils sont très forts car
ils mangent beaucoup de viande mais très peu de végétaux.

9
Cannibale, je ne sais pas. Affamé ! Pourquoi pas ? Seule, personne avec toi, seulement
un homme mort. Rien à manger ! Cet homme mort est ta seule solution ! Il est mort, et si tu ne
manges pas, tu le rejoins ! Alors, cette idée t’a effleuré l’esprit !
Tu n’es pas capable de le manger mais l’hésitation est grande, mourir ou le manger ! Le
manger ! C’est décidé ! Tu t’approches délicatement, tu essayes de lui arracher la peau, pour
avoir les muscles ! Une idée te vient ! faire un feu ! Cuire les muscles ! C’est bon, tu vas
croquer, croquer... Pas si mauvais que ça !

10
Georges est doux, Georges est frais. mais Georges n’est vraiment pas pratique... En effet,
ils est obligé de s’arrêter à chaque fois que l’on croise un humain... pas pour le regarder
langoureusement, mais pour lui courir après avec l’espoir de lui planter ses dents pointues dans
une jambe ou un bras et de lui arracher un morceau de chair fraîche. Et puis, j’ai découvert tic-
tac. Un enrobage de douceur qui révèle un coeur de fraîcheur. Et depuis que Georges en
prend, il ne court plus après les gens.

11
Un cannibale est une personne qui mange des humains. Tout d’abord le cannibale choisit
sa proie, il la repère parmi plein d’autres. Puis il finit par trouver où et quand attaquer sa victime.
Enfin, en un quart de seconde, le mangeur d’homme dévore l’humain d’une façon hallucinante.
Ces prédateurs vivent habituellement dans les forêts et ne sont pas du tout civilisés. Pour finir,
prenez bien garde, le sauvage peut attaquer à tout moment sans que vous vous en aperceviez,
faites donc bien attention !

12
Les cannibales sont des hommes sauvages qui vivent, dans des contes, dans de grandes
forêts ou espaces perdus. Ils sont souvent noirs avec des masques ou peintures sur le corps.
Ils vivent en tribus d’hommes mais pourtant ils mangent des hommes autres qu’eux. Alors qu’ils
pourraient se dévorer entre eux. Et dans ce cas, cette civilisation disparaîtrait.

13.
Cannibale, ce mot définit un homme qui en mange un autre. Le cannibalisme peut venir
d’une culture, mais aussi d’un instinct de survie, lorsque la dernière chose qu’on peut manger
est un être humain. Le cannibalisme nous rappelle également que l’homme est un animal,
l’instinct animal prend le dessus sur le côté social des humains. Le cannibale est souvent
représenté comme un monstre, mais le mangeur d’homme sommeille en chacun de nous.

14
Le cannibale est un vorace, il mange tout ce qui lui passe sous le nez. Le cannibale est
une malade mental, il est nomade, certainement dû à une enfance difficile, peut-être la mort des
parents. Il n’avait pas beaucoup d’ami, du coup maintenant, il se venge. Le cannibale est un
nomade, il vit dans les bois car il vent être loin de tout, il mange pour se protéger des autres. Le
cannibale est souvent un rejeté de la société.

15
Les cannibales sont des personnages ignobles, ils se jettent sur tout ce qui bouge et les
dévorent sans scrupule.
Les cannibales sont des êtres vivants qui sont toujours dans l’ère préhistorique. Ils vivent
le plus souvent dans les forêts où ils se nourrissent de chair fraîche qu’ils chassent auparavant.
Ce sont des êtres non civilisés qui ont souvent l’air de bêtes féroces. Ils ne savent ni lire ni
écrire.
Les cannibales à notre époque n’existe pratiquement plus car de plus en plus les
habitants de notre planète sont civilisés.

16
Après le crash d’un avion, au milieu de l’océan indien, deux hommes rescapés nagèrent
pendant des heures avant d’atteindre une île. Une île très petite, déserte, sans nourriture, avec
une chaleur accablante, et pas d’eau.
“Dis, Léo, depuis combien de temps on est ici ?
- Je ne sais pas, Georges, je ne sais pas...
- Nos réserves sont épuisées depuis trois jours. Les... J’ai faim.” Sur ces paroles, George se
lève, fait le tour de l’île. Cinq minutes plus tard, il revient s’asseoir aux côtés de Léo et lui dit :
“Tu sais, j’ai réfléchi, les cannibales n’ont aucun problème de nourriture... “ Les deux hommes
se regardèrent avec insistance...

1. a. Classer les textes en deux groupes sachant que le n°5 appartient au premier groupe et
le n°13 appartient au second.
b. Nommer chacun des deux groupes.
c. Quel texte est difficile à classer ? Pourquoi ?
d. Dans chaque groupe, quel est ton texte préféré ? Justifier la réponse par une analyse
précise du texte.
2. Description des cannibales :
a. Quelles sont les conditions de vie des cannibales (4/11/12/15) ?
b. Comment cuisinent-ils (2/3) ?

3. Les indications géographiques sont rares (peut-être manque d’information). Quelle


région est citée ?

3. Indications de temps : les relever et commenter (3/4/7/15).

4. L’argumentation
a. Quels textes portent un jugement sur les cannibales ? Comparer la réponse au n°1. a.
b. Relever les substituts des cannibales et les adjectifs qui les qualifient (1/2/3/7/14/15).
c. Que mangent les cannibales (1/4/8) ?
d. Quelles sont les explications données au cannibalisme (1/2/13/14) ?

Correction du travail et compléments


1. Deux groupes : fiction / non fiction
Fiction : je narrateur (personnage) exemple : texte 6/ discours : je auteur et auteur plus
impliqué exemple : texte 2. Dans vos textes, jgt de valeur absent de la fiction, lié au
discours
Lien avec type de textes : narratifs et descriptif plus présents ds fiction ; explicatif et
argumentatif plus présents ds discours.
St deux pôles : textes mixtes

2. Image des cannibales


Sorte d’image un peu stéréotypée : tribu, forêt, marmites. Région : Afrique ds les textes
cités ; se trouvaient aux Antilles, Brésil, Océanie, Afrique équatoriale.
Temps : type même du stéréotype ; aucun repère temporel tangible ; références
fausses. Idée principale : cannibalisme associé aux temps préhistoriques par opposition
au temps de la civilisation (sauf texte 2 qui l’associe au futur !). En fait possibles cas de
cannibalisme ds tps préhistorique et tend à disparaître aujourd’hui (comme pratique
habituelle d’un groupe). Ms ces repères servent déjà à l’argumentation.

3. Argumentation
a. Un jugement
(b) êtres présumé sanguinaires sans morale, êtres normaux, barbares, bêtes, cruelle et
sans pitié, hommes “mamadou, ils sont dangereux, ils sont très forts, prédateurs,
sauvage, hommes sauvages, instinct animal, monstre qui sommeille en chacun de
nous, vorace, malade mental, nomade, rejeté de la société, ignobles, bêtes féroces,
non civilisés.
(c) Semblables ; hommes ; prochain ; congénère civilisé.
Oppositions : sauvage / civilisé Voir pour le mamadou : pourquoi pas Georges ?
sang : sanguinaire, cruel, féroce, prédateur, ...
êtres normaux, mangent leur semblable, qui sommeillent en chacun de nous :
monstruosité qui n’est plus associé à des ethnies.
b. Les explications
Explication psychologique / explication physiologique (il faut manger) / explication par la
culture
Dans tous les cas, phénomène à expliquer

ANNEXE : Textes narratifs complémentaires


Daniel Defoe, Robinson Crusoé, chapitres 30 “Le vestige” et 31 “Les ossements”
Flaubert, Salammbô, “Le défilé de la hache”
Le plus intéressant est Le journal d’un fou de Lu Xun, qui n’est pas en ligne en
français à ma connaissance ; réécriture du texte de Gogol avec un narrateur victime
d’une crise de paranoïa qui pense que les hommes sont des mangeurs d’homme. Je
ne sais pas si on le trouve facilement, voici les références de mon édition :
Lu Xun, Le journal d’un fou, Stock, Bibliothèque cosmopolite, 1918, 1996 pour
cette édition.
1
donner bonnet de dentelle féminin jupons empesés sous la robe qui donnent une taille fine sur des hanches très larges 4 répondre
2 3

à 5 honte tortures cadavre Les Basques, dit-on, par de tels aliments


6 7 8

ont prolongé leur vie. Juvénal, Satires, XV, 93-94 Il s’agit de l’Irlande
9

Isabelle Quéré Lycée Anita Conti Bruz (35)

Vous aimerez peut-être aussi