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MORALISTES DU 17ÈME

Moralistes du XVIIe siècle


On appelle Moralistes des écrivains qui décrivent le coeur humain et les
moeurs des hommes.

ATTENTION : Ce ne sont pas des moralisateurs;

est dit ou qualifié de Moraliste celui qui s’attache à décrire les mœurs (les
mœurs de ce siècle, c’est le sous-titre des Caractères de La Bruyère ), et non
à donner des leçons de morale, et encore moins de politique;

Ils sont de deux sortes:

 Les uns sont "moralistes" dans la mesure où il faut s'être fait une idée de
l'homme pour composer une Tragédie ou une Comédie , un Sermon ou
une Fable; aussi y a -t-il un moraliste et une morale chez presque tout
écrivain du XVIIème siècle, chez Racine comme chez Bossuet, chez La
Fontaine comme chez Molière.

 Les autres sont uniquement "Moralistes", et la seule forme littéraire qu'ils
donnent à leur connaissance de l'homme, c'est la Pensée, la Maxime,
le Portrait (Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère) ou le Sermon comme
Bossuet.
Tous les Moralistes du XVIIème siècle restent strictement fidèles à leur titre,
ils ne sortent pas du domaine psychologique et moral. Même quand ils
sont amenés à critiquer la société de leur temps, ils le font en psychologues
impartialement soucieux de morale: c'est le cas de La Bruyère
Au contraire, ceux du siècle suivant pénétreront dans le domaine politique
et social, et ils le feront en proposant des réformes: ils seront plus
réformateurs que Moralistes (voir la différence entre La Bruyère et
Montesquieu par exemple).

Il existe les anciens et les modernes.

LES ANCIENS : défendent les grands auteurs antiques et veulent qu'ils


restent des modèles dans la création artistique.

LES MODERNES : ils estiments qu'il faut innover

Qu’a donc alors de particulier cette querelle des Anciens et des Modernes ?
D’abord, son nom même : il montre que naît une conscience vive de
l’existence d’une opposition, de deux voies possibles. Ensuite, son
intensité : il s’agit d’une querelle aiguë, à laquelle vont participer la plupart
des écrivains de l’époque. Enfin, sa signification : elle indique que le
Classicisme est ébranlé, que de nouvelles solutions commencent à être
cherchées.
C’est une véritable bataille qui s’engage. Les péripéties y sont nombreuses.
Chaque camp essaie de marquer des points, tandis que des esprits plus
modérés tentent une conciliation difficile.

Quel regard les écrivains classiques portent-


ils sur la société de leur temps ?

Au 17ème siècle, l’argumentation se développe autour de trois questions


fondamentales :
 L’idéal de « l’honnête homme » (modéré, ayant le goût de la conversation, sociable…)
 Les critères du « bon goût »
 Les mœurs de leurs contemporains et la société de leur temps
On développe des argumentations directes : on argumente notamment dans les préfaces des pièces
de théâtre (Corneille, Racine, Molière), mais aussi dans les œuvres théâtrales elles-mêmes, dans des
traités ou des essais. Les moralistes du 17 ème siècle prisent particulièrement les formes brèves : les
« pensées » (PASCAL), les « caractères » (LA BRUYERE), les maximes (LA ROCHEFOUCAULD)…
On rencontre aussi des types d’argumentation indirecte qui plaisent à la société cultivée. Ainsi
LA FONTAINE renoue avec la tradition de l’apologue animalier qui existait dans l’Antiquité : il passe
par le truchement de petites histoires piquantes pour transmettre des leçons de morale : « Je me
sers d’animaux pour instruire les hommes », déclare-t-il. Quant à Charles PERRAULT, il donne ses
lettres de noblesse au conte merveilleux, qui permet également de distiller quelques enseignements
moraux. L’idéal classique consiste à « plaire et instruire » : il faut captiver le lecteur, l’émouvoir ou
l’amuser, piquer sa curiosité pour glisser des messages moraux et contribuer à son éducation ou à sa
réflexion.

LA ROCHEFOUCAULD :
Petit florilège de maximes, par ordre d’apparition dans
les Maximes :

M. 26 : " Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. "


M. 102 : " L’esprit est toujours la dupe du cœur. "
M. 122 : " Si nous résistons à nos passions, c’est plus par leur faiblesse que par notre
force. "
M. 157 : " La gloire des grands hommes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se
sont servis pour l’acquérir. "
M. 191 : " On peut dire que les vices nous attendent dans le cours de la vie comme des
hôtes chez qui il faut successivement loger ; et je doute que l’expérience nous les fît éviter
s’il nous était permis de faire deux fois le même chemin. "
M. 218 : " L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. "
M. 250 : " La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut, et à ne dire que ce qu’il
faut. "
M. 308 : " On a fait une vertu de la modération pour borner l’ambition des grands hommes, et
pour consoler les gens médiocres de leur peu de fortune, et de leur peu de mérite. "
M. 313 : " Pourquoi faut-il que nous ayons assez de mémoire pour retenir jusqu’aux
moindres particularités de ce qui nous est arrivé, et que nous n’en ayons pas assez pour
nous souvenir combien de fois nous les avons contées à une même personne ? "
M. 409 : " Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les
motifs qui les produisent. "

Blaise PASCAL, Pensées

La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable. Un


arbre ne se connaît pas misérable. C’est donc être misérable que de se
connaître misérable ; mais c’est être grand que de connaître qu’on est
misérable. (Fragment 397)
L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un
roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser :
une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers
l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il
sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.

Les Caractères, LA BRUYERE (1688-1696)

Chapitre XI, « De l’Homme »


« Gnathon »

Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son
égard comme s'ils n'étaient point. Non content de remplir à une table la
première place, il occupe lui seul celle de deux autres ; il oublie que le
repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat, et
fait son propre1 de chaque service : il ne s'attache à aucun des mets, qu'il
n'ait achevé d'essayer de tous ; il voudrait pouvoir les savourer tous tout
à la fois. Il ne se sert à table que de ses mains ; il manie les viandes 2, les
remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les
conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes. Il ne leur épargne
aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d'ôter l'appétit aux
plus affamés ; le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la
barbe ; s'il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin
dans un autre plat et sur la nappe ; on le suit à la trace. Il mange haut 3 et
avec grand bruit ; il roule les yeux en mangeant ; la table est pour lui un
râtelier4 ; il écure ses dents, et il continue à manger. Il se fait, quelque
part où il se trouve, une manière d'établissement 5, et ne souffre pas d'être
plus pressé6 au sermon ou au théâtre que dans sa chambre. Il n'y a dans
un carrosse que les places du fond qui lui conviennent ; dans toute autre,
si on veut l'en croire, il pâlit et tombe en faiblesse. S'il fait un voyage avec
plusieurs, il les prévient7 dans les hôtelleries, et il sait toujours se
conserver dans la meilleure chambre le meilleur lit. Il tourne tout à son
usage ; ses valets, ceux d'autrui, courent dans le même temps pour son
service. Tout ce qu'il trouve sous sa main lui est propre, hardes 8,
équipages9. Il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne,
ne plaint personne, ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion 10 et
sa bile, ne pleure point la mort des autres, n'appréhende que la sienne,
qu'il rachèterait volontiers de l'extinction du genre humain.

1 son propre : sa propriété.


2 viandes : se dit pour toute espèce de nourriture.
3 manger haut : manger bruyamment, en se faisant remarquer.
4 râtelier : assemblage de barreaux contenant le fourrage du bétail.
5 une manière d'établissement : il fait comme s'il était chez lui.
6 pressé : serré dans la foule.
7 prévenir : devancer.
8 hardes : bagages.
9 équipage : tout ce qui est nécessaire pour voyager (chevaux,
carrosses, habits, etc.).
10 réplétion : surcharge d'aliments dans l'appareil digestif.

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS


(JEAN DE LA FONTAINE)

Travaillez, prenez de la peine :


C'est le fonds1 qui manque le moins.
Un riche Laboureur2, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

1. capital, ressource. Manquer veut dire ici : échouer


Le travail que nous possédons est le bien qui craint le moins d'être
improductif. Il est payant.
2. le propriétaire de la terre, qui exploite lui-même ses terres.

 Etudiez la construction du récit : retrouvez les cinq étapes (situation


initiale, etc.).
 A partir de quel point de vue les événements sont-ils rapportés ? Pourquoi
avoir choisi cette focalisation ?
 Quelle leçon le lecteur tire-t-il de la fable ?
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous
relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir.
Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
Roseau pensant. — Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma
dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. Je n’aurai pas davantage
en possédant des terres : par l’espace, l’univers me comprend et
m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends.
Pensées (1670), fragments 347 et 348 dans l’édition L. Brunschvicg

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