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UNIVERSITE DE YAOUNDE II

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


ANNEE ACADEMIQUE 2023/2024
Licence 3(DPU-DPr)

COURS
DE
DROITS DE L’HOMME
ET
LIBERTES PUBLIQUES

I - PLAN DETAILLE
II - BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
III – COURS REDIGE

Par

Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO


Agrégé de Droit public et de Science politique
Professeur Titulaire
Octobre 2023

1
I- PLAN DETAILLE

INTRODUCTION

I- Clarification des notions

A- Droits de l’homme
B- Libertés publiques
C- Notions voisines

II- Rapports entre liberté et droit

A- Liberté et droit objectif


B- Liberté et droits subjectifs

III- Relations entre Etat, individus, droits et libertés

A- Etat, droits et libertés


B- Individus, droits et libertés

TITRE I : L’IDENTIFICATION DES DROITS ET LIBERTES

CHAPITRE 1 : LE FONDEMENT DES DROITS ET LIBERTES

Section 1: La notion philosophique de dignité


Paragraphe 1 : Les différentes conceptions de la dignité
Paragraphe 2: La délimitation de la notion de dignité

Section 2 : La réception juridique de la notion de dignité

Paragraphe 1 : La nouveauté de la notion de dignité en droit


Paragraphe 2 : La relativité de la notion juridique de dignité humaine

CHAPITRE 2 : LA CLASSIFICATION DES DROITS ET LIBERTES

Section 1 : La classification synchronique

Paragraphe 1 : La prise en compte des droits et des libertés


Paragraphe 2 : La prise en compte des sujets des droits et libertés

2
Section 2 : La classification diachronique

Paragraphe 1 : La détermination ternaire


Paragraphe 2 : La réfutation duale

TITRE II : LA RECONNAISSANCE DES DROITS ET LIBERTES

CHAPITRE 1 : LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE

Section 1 : La proclamation universelle

Paragraphe 1 : La Déclaration universelle des droits de l’homme


Paragraphe 2 : Les traités relatifs aux droits de l’homme

Section 2 : La proclamation régionale

Paragraphe 1 : La consécration au niveau européen


Paragraphe 2 : La consécration au niveau africain

CHAPITRE 2 : LA RECONNAISSANCE NATIONALE

Section 1 : La consécration constitutionnelle

Paragraphe 1 : Le préambule de la constitution


Paragraphe 2 : Le corps de la constitution

Section 2 : L’aménagement infra constitutionnel

Paragraphe 1- Les normes d’aménagement


Paragraphe 2- Les techniques d’aménagement

TITRE III : LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTES

S/TITRE 1: LA GARANTIE NATIONALE

CHAPITRE 1 : LA GARANTIE NON JURIDICTIONNELLE

Section 1 : La garantie offerte par l’administration

Paragraphe 1 : l’inspection du travail


Paragraphe 2 : Les autorités administratives

3
Section 2 : La garantie offerte par la Commission des Droits de l’Homme
du Cameroun (CDHC)

Paragraphe 1 : L’organisation de la CDHC


Paragraphe 2 : Les compétences de la CDHC
Paragraphe 3 : La saisine et les actes de la CDHC

CHAPITRE 2 : LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE

Section 1 : La garantie offerte par la juridiction constitutionnelle

Paragraphe1 : La garantie antérieure: La Cour suprême statuant, juge


constitutionnel
Paragraphe 2 : La garantie actuelle: Le Conseil constitutionnel, gardien des
droits et libertés ?

Section 2 : La garantie offerte par les juridictions ordinaires

Paragraphe 1: La garantie par les juridictions judiciaires


Paragraphe 2 : La garantie par les juridictions administratives

S/TITRE 2: LA GARANTIE INTERNATIONALE

CHAPITRE 1 : LA GARANTIE REGIONALE

Section 1 : Le système européen de garantie

Paragraphe 1 : L’articulation de la Cour européenne des droits de l’homme


Paragraphe 2 : La saisine et les décisions de la cour

Section 2 : Le système africain de garantie

Paragraphe 1 : Le système institué par la Charte africaine des droits de


l’homme et des peuples
Paragraphe 2 : Le système institué par le protocole à la Charte
CHAPITRE 2 : LA GARANTIE UNIVERSELLE

Section 1 : Le système de rapports

Section 2 : Le système de plaintes

4
Paragraphe 1 : Le système institué par le pacte international relatif aux droits
civils et politiques
Paragraphe 2 : Les autres systèmes de plaintes

II- BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

A-Ouvrages

-ANKUMAH (E. A), La Commission africaine des droits de l’homme et des


Peuples. Pratiques et procédures, Société africaine de droit internationale et
comparé, London, 1995.
-BERGER (Vincent), Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme, 13ème éd., Sirey-Dalloz, Paris, 2014.
-BIOY (Xavier) et alii, Les grands arrêts du droit des libertés fondamentales,
3ème Ed., Dalloz, Paris, 2021.
- CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne) et REVET (Thierry),
Sous la dir., Libertés et droits fondamentaux, 20ème éd., Dalloz, Paris, 2014.
-CHAGNOLLAUD (Dominique) et DRAGO (Guillaume), Dictionnaire des
droits fondamentaux, Sous la dir., Dalloz, Paris, 2010.
- ETEKA YEMET (Valère), La Charte africaine des droits de l’Homme et des
Peuples, l’Harmattan, Paris, 1996.
- FAVOREU (Louis) et alii, Droit des libertés fondamentales, 8e édition Dalloz,
Paris, 2021.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), Sous la dir., Le dialogue des juges.
Une analyse des rapports fonctionnels entre les juges, L’Harmattan, Collection
Logiques juridiques, Paris, 2022.
-KAMTO (Maurice), Droit administratif processuel du Cameroun, P.U.C,
Yaoundé, 1990.
-KAMTO (Maurice), La charte africaine des droits de l’homme et des peuples et
le protocole y relatif portant création de la cour africaine des droits de l’homme
et des peuples, sous la dir., Commentaire article par article, Ed. Bruylant, 2011.
-MAUGENEST (Denis) et POUGOUE (Paul-Gérard) (sous la dir.), Droits de
l’homme en Afrique centrale, éd. UCAC/Karthala, Paris, 1995.
-MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Libertés fondamentales, 4e édition,
Dalloz, Paris, 2021.
-OBERDORFF (Henri), Droits de l'homme et libertés fondamentales, 8e édition,
L.G.D.J, Manuel, 2021.
-OUGUERGOUZ (F.), La Charte africaine des droits de l’Homme et des
Peuples, PUF, Paris, 1993.
-PETTITI (Louis Edmond), DECAUX (Emmanuel), IMBERT (Pierre-Henri)
(sous la dir.), La Convention européenne des droits de l’homme. Commentaire
article par article, Préface de Pierre-Henri TEITGEN, Economica, Paris, 1995.

5
-PONTIER (Jean-Marie), Droits fondamentaux et libertés publiques, 7ème éd.,
Hachette Supérieur, Paris, 2022.
- PRELOT (Pierre-Henri), Droit des libertés fondamentales, Hachette Supérieur,
Paris, 2007.
-SOLDINI (David), Les grands textes de libertés et droits fondamentaux, 6e
édition, Dalloz, Paris, 2021.
-SUDRE (Frédéric), La Convention européenne des droits de l’homme, « Que
sais-je », PUF, Paris, 2023.
-SUDRE (Frédéric), MILANO (Laure), PASTRE-BELDA (Béatrice) et
SCJAHUANECHE (Aurélia), Droit international et européen des droits de
l’homme, 16ème éd., PUF, Paris, 2023.
-WACHSMANN(Patrick), Libertés publiques, 9e Ed. Dalloz, Paris, 2021.

B- Articles

-CHAMPEIL-DESPLATS (Véronique), « La notion de droit « fondamental » et


le droit constitutionnel français », Recueil Dalloz-Sirey, n°42, 30 novembre
1996, pp. 323-329.
-DREYER (Emmanuel), « Les mutations du concept juridique de dignité »,
Revue de la Recherche Juridique/Droit prospectif, 2005-1, pp. 19-44.
-FIERENS (J.), « La Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples »,
Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme n°03, 1990, pp. 235-238.
-GLELE AHANHANZO (Maurice), « Introduction à la Charte africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples », Etudes offertes à Claude-Albert
COLLIARD, Pedone, Paris, pp. 511-538.
-GUIMDO (Bernard-Raymond), « Le droit au logement au Cameroun. Ombres
et lumières d’un droit de l’homme dans un pays en développement », Cahier n°1
de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC), Presses de l’UCAC,
1996, pp. 187-200.
-GUIMDO (Bernard-Raymond), «Droit au développement et dignité humaine »,
Cahier n° 05 de l’Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme (IDEDH),
Université de Montpellier 1, Faculté de Droit et des Sciences Economiques,
1996, pp.33-52 et, Actes des 1ères Journées scientifiques « Droits
fondamentaux » tenues à Tunis du 9 au 12 octobre 1996, ouvrage collectif, sous
la direction du Pr. Jacques Ivan MORIN, Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 73-89.
-GUIMDO (Bernard-Raymond), «Reconnaissance des minorités et démocratie :
duel ou duo ? », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de
l’Université de Dschang, T1, vol. 1, 1997, pp. 121-135.
-GUIMDO (Bernard-Raymond),«L’Afrique et la lutte contre les pratiques
traditionnelles relatives à l’intégrité physique de la femme et de l’enfant », en
collaboration avec Alain Didier OLINGA, Cahier n° 07 de l’Institut de Droit
Européen des Droits de l’Homme (IDEDH), Université de Montpellier 1,
Faculté de Droit et des Sciences Economiques, 1999, pp. 58-77.

6
-GUIMDO ( Bernard-Raymond), - « Réflexion sur les assises juridiques de la
liberté religieuse au Cameroun », Les Cahiers de Droit de Université Laval,
Québec, Canada, vol 40, n°4, déc., 1999, pp. 791-819 et, Actes des 2èmes
journées scientifiques du Réseau « Droits fondamentaux » de l’AUF tenues à
Québec du 29 septembre au 02 octobre 1999, ouvrage collectif, sous la direction
du Pr. Jacques Ivan Morin et du Pr. Ghislain Otis, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp.
49-73.
-GUIMDO (Bernard-Raymond), «La protection juridictionnelle de la liberté de
religion au Cameroun », Revue Droit et Cultures, n°42, 2001/2, pp. 39-56.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Les alternatives à
l’emprisonnement dans des contextes de surpeuplement carcéral : le cas du
Cameroun », Juridis périodique n°60, 2004, pp.77-85.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Le droit à l’éducation au
Cameroun. Expressions juridiques et pratiques d’un droit fondamental », Juridis
Périodique n°71, Juillet-Août- Septembre 2007, pp.54-62.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Pratique du contentieux
international des droits de l’homme et procédures d’urgence », in Jean Didier
Boukongou (Ss la dir.), Protection des droits de l’homme en Afrique, PUCAC,
2007, pp. 185-196.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Le droit d’accès à la justice
administrative au Cameroun. Contribution à l’étude d’un droit fondamental »,
Revue africaine des Sciences juridiques de la Faculté des Sciences juridiques et
politiques de l’Université de Yaoundé II, Vol. 4, n°1, 2007, pp. 169-216 et Revue
de la Recherche Juridique/Droit Prospectif, 2008-1, 2008, pp.453-498.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), Commentaire de l’article 40 de la
charte africaine des droits de l’homme et des peuples in KAMTO (Maurice), La
charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif
portant création de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, sous
la dir., Commentaire article par article, Ed. Bruylant, 2011, pp. 841-852.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Renforcement des capacités des
acteurs de la société civile et mise en œuvre des mécanismes de prévention et de
sanction de la torture », Cahier Africain des Droits de l’Homme n°11, mars
2011, pp.123-148.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « La protection des droits de
l’homme en matière administrative en général et à travers les procédures
d’urgence-le sursis à exécution et le référé- en particulier », in Alexis Dipanda
Mouelle et Maurice Kamto (sous la coordination), Justice, procédures
juridictionnelles et protection des droits de l’homme en Afrique, Presses de
l’UCAC, 2012, pp. 127-151.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), «Une obligation fondamentale en
péril : l’interdiction de la torture », in L’obligation, Etudes offertes au
Professeur Paul-Gérard POUGOUE, L’Harmattan, Paris, 2015, pp. 297-313.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), -« Le droit à l’éducation en Afrique

7
centrale. Réflexion à partir du cas du Cameroun sur l’état d’un droit
fondamental », in Koudé, Roger K (Dir.), Les droits de l'homme: un défi
permanent, Editions des Archives Contemporaines, France, 2019, 204p, pp.
131-152, Actes du Colloque international organisé du 05 au 06 février 2016 par
l’Institut des Droits de l’Homme de Lyon et la Chaire UNESCO « Mémoire,
Cultures et interculturalité » de l’Université Catholique de Lyon.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond),«La constitutionnalisation des droits
et libertés dans les Etats d’Afrique noire francophone »,Afrilex, La Revue
électronique sur les droits et les institutions en Afrique,
http//afrilex.u-bordeaux4.fr/bernard-raymond-guimdo-dongmo.html?var_mod
e=calcul, Janvier 2021, 38p. et Revue africaine de Droit et de Science politique
(RADSP), Vol. IV, n°19, jan.-Juin 2021, pp.5-38.
-GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond),«L’accès aux juridictions
administratives dans les Etats d’Afrique noire francophone: réflexions sur son évolution
récente à partir du cas du Cameroun», Revue africaine de Droit et de Science politique
(RADSP), Vol. IX, n°20, Spécial 2021-1er semestre, pp.7-40.
-PELLOUX (Robert), « Vrais et faux droits de l’homme. Problèmes de
définition et de classification », RDP, 1981, pp. 53-68.
-HAARSCHER (Guy), « Les droits collectifs contre les droits de l’homme »,
Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme, n°3, juillet 1990, pp. 231-234.
-IMBERT (Pierre-Henri), « Droits des pauvres, pauvre(s) droit(s) ? Réflexions
sur les droits économiques, sociaux et culturels », RDP, 1989, pp. 739-754.
-MUBIALA MUTOY, « La Cour africaine des droits de l’homme et des
Peuples : mimétisme institutionnel ou avancée juridique ? » Revue Générale de
Droit International Public, 1998.3, pp. 765-780.
-PELLOUX (Robert), « Vrais et faux droits de l’homme. Problèmes de
définition et de classification », RDP, 1981, pp. 53-68.
-PICARD (Etienne), « L’émergence des droits fondamentaux en France »,
AJDA, n° spécial, juillet-août 1998, pp. 6-42.
-PIZZORUSSO (Alessandro), « Les générations de droits », Etudes offertes à
Jean-Claude ESCARRAS, Bruylant, Bruxelles, 2005, pp. 927-940.
-POUGOUE (Paul-Gérard), « La Commission africaine des droits de l’homme
entre son passé et son avenir », L’effectivité des droits fondamentaux dans les
pays de la communauté francophone, Actes du colloque international de
Port-Louis, Ile Maurice, 29 et 30 septembre- 1er octobre 1993, éd.
AUPELF-UREF, Montréal, 1994, pp. 529-532.
-RIVERO (Jean), « Déclarations parallèles et nouveaux droits de l’homme »,
Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme, n°4, octobre 1990, pp. 323-329.
-SAINT-JAMES (Virginie), « Réflexions sur la dignité de l’être humain en tant
que concept juridique du droit français », Dalloz, Chr., 1997-1, pp. 61-66.
-VASAK (Karel), « Les différentes catégories des droits de l’homme », in A.
LAPEYRE, F. de TINGUY et K. VASAK (Ss la dir.), Les dimensions
universelles des droits de l’homme, vol.1, Bruylant, Bruxelles, 1990, pp.

8
297-309.
-VEDEL (Georges), « Les droits de l’homme : quels droits ? Quel homme ? »,
Mélanges René-Jean DUPUY, éd. Pédone, Paris, 1991, pp. 349-362.
-ZAMBO ZAMBO (Dominique Junior), « Protection des droits fondamentaux et
droit à la jurisdictio constitutionnelle au Cameroun : continuité et ruptures », La
Revue des droits de l’homme [En ligne], 15 | 2019, mis en ligne le 10 janvier
2019, consulté le 22 septembre 2021. URL :
http://journals.openedition.org/revdh/5847 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/revdh.5847

C- Thèses et mémoire

1-Thèses :

-BOLOGO ALOUMBE (Antoine Landry), Droits fondamentaux et Etat de droit


au Cameroun : Contribution à l’étude de l’évolution des rapports entre
l’autorité et la liberté au Cameroun depuis 1990, Thèse de doctorat Ph. D. en
droit public, Université de Yaoundé II, 2021.
-ESSOMBA NTSAMA (Jean), Le juge des droits et libertés au Cameroun,
Thèse de doctorat Ph. D. en droit public, Université de Yaoundé II, 2017.
-MAKOUGOUM (Agnès), Ordre public et libertés publiques en droit public
camerounais. Contribution à l’étude de la construction de l’Etat de droit au
Cameroun depuis 1990, Thèse de doctorat Ph. D. en droit public, Université de
Yaoundé II, 2015, 721p.
-MBANDJI MBENA (Étienne), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit
camerounais, Thèse de doctorat, université de Toulouse, 2013.

2-Mémoire :

-BOLOGO ALOUMBE (Antoine Landry), La garantie non juridictionnelle des


droits fondamentaux au Cameroun, Mémoire de Master en droit public,
Université de Yaoundé II, 2014, 99 p.

D- Textes juridiques

1- Textes internationaux

- Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.


- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16
décembre 1966.
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
- Convention de Sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales du 04 novembre 1950.

9
- Protocole n° 11 du 11 mai 1994 à la Convention de Sauvegarde des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales, entrée en vigueur le 1er novembre 1998.
- Protocole n° 14 du 12 mai 2004 à la Convention de Sauvegarde des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales.
- Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981.
- Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, adopté le
09 juillet 1998 à Ouagadougou.
- Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, Addis-Abeba (Ethiopie),
juillet 1990.
- Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux
droits des femmes, Maputo, le 11 juillet 2003.

2- Textes nationaux

- Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 (loi n°96/06 du 18 janvier 1996


portant révision de la constitution du 2 juin 1972).
- Loi n°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de
terrorisme.

Soa, le 16 octobre 2023

Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO


Agrégé de droit public et de science politique
Professeur Titulaire (CAMES)

10
III- COURS REDIGE

INTRODUCTION

La question des droits et libertés est au cœur du regard que l'humanité porte
sur elle-même depuis l'avènement de la société des hommes. A ce titre, elle
constitue l’une des grandes préoccupations de la philosophie, entant que mère des
sciences.

Les libertés publiques et les droits de l’homme sont un thème mobilisateur


de ce siècle. Pourtant, il ne s’agit pas d’une réalité nouvelle.

Moins vieille que la notion de droits de l’homme, la notion de « liberté


publique » apparait en France pour la première fois au singulier dans une loi de
1793.

II sied de procéder d’abord à la clarification des notions de libertés publiques


et de droits de l’homme ainsi que les notions avec lesquelles elles ont une certaine
filiation, voire une filiation certaine (I), d’examiner ensuite les rapports entre la
liberté et le droit (II), puis les relations entre l’Etat, les individus, les droits et les
libertés (III).

I- Clarification des notions

II sied de s'intéresser dans un premier temps à la notion de droits de


l’homme(A), dans un deuxième temps celle de libertés publiques (B), et, dans un
troisième temps, aux notions voisines et/ou similaires que sont, notamment, les
droits fondamentaux et l’égalité (le principe).

A- Droits de l’homme

Il sied de considérer d’une part l’historique, et, d’autre part la signification de


la notion de droits de l’homme.

1- Historique de la notion

Il est généralement admis (établi aussi ?) que la notion de droits de l’homme


plonge ses racines jusqu'à la Grèce Antique et à Rome sous le vocable de droits
naturels.

L'idée de droits de l'homme s’est développée à la faveur de l’Humanisme et


de la Reforme, pour être systématisée dans la Déclaration d'indépendance des
USA de 1776 et dans la Déclaration (française) des droits de l'homme et du

11
citoyen du 26 aout 1789.

Du point de vue juridique, les droits de l’homme sont nés de multiples


proclamations d'abord nationales puis internationales.

Au plan national, on a eu, entre autres, la « Charte du Mande ou Manden »


de 1222 (elle est très discutée voire contestée en doctrine), la Déclaration de l'Etat
de Virginie de 1776 et la Déclaration française de 1789.

A travers ces textes, les Etats, ou les entités qui en tenaient lieu,
reconnaissaient à tout homme et à tous les hommes des droits inaliénables et sacrés
qui procèdent de l'ordre naturel. A ce sujet, la Charte du Mandé dit clairement que
« toute vie est une vie ».

Généralement, ces déclarations résultaient tantôt d'une crise de pouvoir,


tantôt d'un changement de régime politique.

Dans le 1er cas (crise de pouvoir), le pouvoir en place, se sentant affaibli,


consentait à se limiter pour survivre (ex. En Angleterre, avec la Grande Charte de
1215 de Jean SANS TERRE, de la Pétition des droits de 1628 et du Bill of Rights
de 1689).
Dans le 2nd cas (changement de régime politique), le pouvoir en place était
renversé et celui qui lui succédait consacrait certains droits. Deux cas de figure
sont invoqués à ce sujet.
Le premier cas est celui de la naissance d’un nouvel Etat : ex. des USA avec
la Déclaration d'indépendance de 1776. Le second cas est celui d’un Etat déjà
fondé, mais qui s'assignait un renouvellement politique : ex. de la France en 1789
avec la DDHC.

Après la 2nde guerre mondiale, la proclamation des droits de l’homme


devient internationale avec l’adoption de la DUDH le 10 décembre 1948 dont
l’objectif est de faire régner la paix, la justice, la liberté et la dignité de l'homme
dans le monde.

D’autres textes, de nature contraignante, vont intervenir après pour renforcer


cette proclamation tant au plan universel (conventions, pactes et protocoles),
régional (chartes, conventions et protocoles) que national (constitutions des Etats).
Qu’est-ce qu’on entend donc par droits de l’homme ?

2- Signification de la notion

La notion de droits de l’homme relève davantage «du monde de la

12
philosophie ». Dans ce sens, elle « indique ce qui devrait être ».

Ces droits sont présentés comme des droits inaliénables et sacrés. Ils seraient
des droits de l’individu saisi dans son essence universelle, abstraite. Ils
présupposent, d’un point de vue philosophique, « qu’il est un certain nombre de
droits inhérents à la nature humaine ». Dans ce sens, ils sont conçus comme
antérieurs et supérieurs au droit positif. Ainsi, ils peuvent être appréhendés comme
des prérogatives ou des droits inhérents ou consubstantiels à la personne humaine
reconnus et garantis par le droit.

Dans ce sens, ce sont « des droits naturels » de l’homme (v. DDHC du 26


août 1789) que le droit (national et international) reconnait et protège.

A sujet, il sied de dire que si toutes les libertés publiques sont des droits de
l’homme, tous les droits de l’homme ne sont pas des libertés publiques. Que dire
alors de la notion de libertés publiques ?

B-Libertés publiques

Il convient de distinguer d’une part la conception classique, et, d’autre part


la conception contemporaine de la notion de libertés publiques.

1- La conception classique

Les libertés publiques dans la conception classique concernent celles qui


s’exercent dans les lieux publics.

C’est le cas des libertés de réunion, de manifestation publique, de presse,


d’association. On oppose dès lors les libertés publiques aux libertés privées. C’est
dans ce sens que les libertés publiques sont pour la première fois consacrées dans
un texte constitutionnel, en l’occurrence la constitution française du 14 janvier
1852, dite «Constitution Montagnarde».
Dans le contexte français, l’expression «libertés publiques» apparaît, à la
Révolution, au singulier : « la liberté publique ». En effet, la loi, affirmait l'article
9 de la Constitution de 1793, « doit protéger la liberté publique et individuelle
contre l'oppression de ceux qui gouvernent». On retrouve également cette
expression au singulier dans la Charte de 1814. Ainsi, ce qui permettait de définir
le caractère public des libertés est leur lieu de déploiement ou d’expression, à
savoir l'espace public.
Sous la IIIème République française, l'utilisation de l'expression « libertés
publiques » va finir par s'imposer avec une double signification. En effet,
l’adjectif public ne signifie plus uniquement que les libertés s'exercent dans
13
l'espace public mais également qu'elles font l'objet d'un aménagement par l'Etat
qui en garantit le respect au profit des citoyens.
Il en a résulté que, envisagés par rapport à l'Etat, les droits individuels sont
désormais considérés comme des libertés publiques. Quid de la signification
contemporaine de la notion de libertés publiques ?

2- La conception contemporaine

La signification contemporaine de la notion de libertés publiques va se


dégager des écrits de la doctrine constitutionnelle libérale.

Désormais, et pour reprendre Jean RIVERO (1910-2001), «ce qui rend


publique une liberté, quel qu'en soit l'objet, c'est l’intervention du pouvoir pour
la reconnaître et l'aménager».

Ainsi, les libertés publiques sont des libertés et droits aménagés dans l’ordre
étatique par la représentation nationale, c'est-à-dire le pouvoir législatif. Les
libertés publiques sont-elles distinctes de «la liberté»?

Alors que « la liberté » est une question philosophique par excellence, « les
libertés publiques » appartiennent en propre à la sphère du droit.

Le premier concept renvoie plus généralement à des principes, tandis que le


second renvoie à des règles juridiques dont le respect est obligatoire. Qu’en est-il
des notions voisines?

C- Notions voisines

Les notions dont il est question ici sont au nombre de deux : les droits
fondamentaux et l’égalité.

1- Droits fondamentaux

La notion de « droits fondamentaux » apparait pour la première fois en droit


allemand par le biais de la constitution de 1949. Elle sera réceptionnée dans la
jurisprudence française à travers la décision de Conseil constitutionnel du 16 juillet
1971 rendue dans l’affaire dite «liberté d’association».
Les droits fondamentaux sont des droits (de l’homme) que les ordres
constitutionnel et international reconnaissent aux particuliers, aux individus, donc
aux hommes, dans leurs rapports avec les autorités étatiques.

14
Ils sont au-dessus des libertés publiques en ce que ces dernières sont
organisées au niveau de la loi, ce qui en limite le champ de protection.
Seulement, si les libertés publiques sont aménagées au niveau de la loi,
elles sont généralement consacrées par la constitution et les textes internationaux.
Ce qui en fait des droits ou des libertés fondamentales. Quid de la notion
d’égalité ?
2- Egalité (principe)
La notion d’égalité est un méta principe qui induit principalement deux
principes : le principe de l’égalité naturelle entre les hommes et le principe de
l’égalité juridique.
a)-Le principe de l’égalité naturelle entre les hommes découle des
conceptions philosophiques qui admettent l’existence des droits naturels à tout le
genre humain. Il est consacré dans la Constitution camerounaise du 18 janvier
1996 qui dispose, dans son préambule, que « Tous les hommes sont égaux en droits
et en devoirs ».
C’est un principe que l’on retrouve également en droit international. Il est
consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948 en son article 1 qui dispose que « tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droit ».
Par ailleurs, le préambule du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966 dit en substance ceci : «Considérant que,
conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et
de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la
justice et de la paix dans le monde ».
b- Le principe de l’égalité juridique est exprimé par deux principes
complémentaires à savoir le principe de l’égalité de tous devant la loi et le
principe de l’égalité de tous devant la justice.
-Le principe de l’égalité de tous devant la loi permet de lutter contre
toutes formes de discrimination (race, ethnie, sexe, langue, religion, etc…). Il n’y a
donc pas de règles particulières applicables à certaines personnes et non pas à
d’autres, sauf dérogation spéciale tel le principe de discrimination positive.
Le principe d’égalité se traduit par le caractère général et impersonnel de
la règle de droit, qui permet de l’appliquer aux individus indépendamment de leurs
caractères spécifiques.
-Le principe de l’égalité de tous devant la justice conforte le principe
précédent en ce qu’il permet de protéger par le biais ou la saisine des juridictions

15
compétentes ou tout organe en tenant lieu, les individus contre les éventuelles
discriminations qui naitraient de l’application de la loi.
Le préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996
indique, à ce sujet, que « la loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre
justice ».
Pour sa part, l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme dispose que « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à
une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute
discrimination qui violerait la présente déclaration et contre toute provocation à
une telle discrimination ». Quid des rapports entre la liberté et le droit ?
II-Rapports entre liberté et droit
Il convient d'examiner d'une part le rapport entre la liberté et le droit
objectif, et, d'autre part, la relation entre la liberté et les droits subjectifs.
A-Liberté et droit objectif
On peut observer que la plupart des comportements humains, exemple la
décision que l'on prend d'aller à l'école, de suivre les cours ; la décision que l’on
prend de créer une association ou alors d’assister a une réunion publique, n’ont
pour leurs auteurs aucune consistance juridique apparente.
La liberté, peut-on lire dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen du 26 aout 1789, « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui». Mais, il faut bien distinguer l'exercice effectif d'une liberté et les
conditions qui le permettent.
Le droit objectif de l'Etat, notamment la constitution et les lois, énonce les
principes qui fondent la liberté. Il définit également le régime des libertés.
Il est rare de aujourd’hui d'avoir des libertés dont l'énoncé solennel dans la
constitution se suffit à lui-même et dont les conditions d'exercice ainsi que les
garanties n'ont pas besoin d'être déterminées par un minimum de règles, en
l'occurrence les règles infra-constitutionnelles que sont la loi et le règlement.
Ce qui est essentiel est que ces règles infra-constitutionnelles tendent à
optimiser l'exercice des libertés et que les limitations qu'elles posent soient
socialement justifiées. C’est dire, in fine, que le droit objectif doit être, non
seulement un acte à caractère général et impersonnel, mais également un acte qui
tient compte de la réalité sociale voire sociétale pour mieux assurer l’exercice de
ses droits subjectifs que sont les libertés.

B-Liberté et droits subjectifs

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Si la reconnaissance des libertés dans le droit objectif de l’Etat est
nécessaire, au niveau des individus ce qui importe avant tout c'est leur protection.
Ce qui implique la mise en œuvre des mécanismes de leur garantie.
Il est un truisme que la proclamation des libertés entraîne nécessairement
la reconnaissance des droits individuels qui sont, selon le Doyen Maurice
HAURIOU, «des moyens employés pour réaliser la liberté de l'individu» ou
encore « des libertés pour la liberté ».
Pour ce qui est de la garantie accordée à ces droits, elle tient globalement
à la possibilité reconnue à chacun de faire appel à une personne tierce, en
l’occurrence le juge, pour le respect de la loi.
Les libertés reconnues ou consacrées par le droit constituent de donc des
droits subjectifs ; en d'autres termes, des intérêts juridiquement protégés par la
possibilité de recours devant le juge. Il reste que l'Etat doit garantir non seulement
leur existence, mais également leur exercice. Mais, le fait-il toujours ou encore?
III- Relations entre Etat, individus, droits et libertés
Il importe d’abord d’examiner les relations entre l’Etat, les droits et les
libertés avant de s’intéresser à celles entre les individus, les droits et les libertés.
A-Etat, droits et libertés
Les droits de l’homme et les libertés publiques sont reconnus et garantis
par l'Etat. Mais, ils sont aussi garantis contre l'Etat parce que, s’il est établi que
l'Etat détermine les règles et mécanismes de protection des droits et libertés et qu'il
assure cette protection à travers des instances spécialisées, c’est paradoxalement le
même État qui se présente comme une menace sérieuse pour la garantie desdits
droits et libertés.
Mais, il sied de rappeler que le rôle de l'Etat consiste à garantir à tous et à
chacun la jouissance des droits qui lui sont reconnus, en opérant une conciliation
entre les intérêts antagonistes qui s'affrontent dans l'aire sociale. Que dire des
rapports entre l’individu, les droits et les libertés ?
B- Individus, droits et libertés
Si les droits de l'individu s'imposent à l'Etat, ils s'affirment également à
l'égard des autres membres de la société. A ce sujet, l'article 4 de la Déclaration
des droits de l’homme et citoyen dit en substance : « La liberté consiste à pouvoir
faire tout ce qui ne nuit pas à autrui(…) ; l’exercice des droits naturels de chaque
homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la
jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la
loi ».
Par ailleurs, l’article 5 de la même Déclaration précise que : « La loi n’a
le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas
17
défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce
qu’elle n’ordonne pas ».
De ce qui précède, il convient de montrer que les droits de l’homme et les
libertés publiques sont non seulement identifiables (Titre 1), mais également, et
surtout, juridiquement reconnus (Titre 2) et garantis (Titre 3).

TITRE I

L’IDENTIFICATION DES DROITS ET LIBERTES

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Pour identifier les droits et libertés, il sied d’en déterminer le fondement,
qui est la dignité humaine (Chapitre 1), et de procéder à leur classification
(Chapitre2).

CHAPITRE I

LE FONDEMENT DES DROITS ET LIBERTES

L'individu, quel qu'il soit et où il se trouve, a des droits qu’il exerce afin
de mener une vie digne. Cette affirmation suggère fortement que les droits de
l’homme découlent de la reconnaissance de la dignité inhérente à l'être humain.

Il est largement admis aujourd'hui que la dignité humaine est une notion
centrale en matière de droits de l'Homme. Le problème est qu’elle se caractérise
par son immensité. Certes, c’est une notion plus précise que celle de valeur, car
intervenant dans des contextes linguistiques extrêmement variés tant dans
l'histoire que dans la société contemporaine.

Avant de montrer comment, en tant que fondement des droits humains, la


dignité a été réceptionnée par le droit (Section 1), il convient au préalable de
l'appréhender en tant que notion philosophique (Section 2).

Section 1: La notion philosophique de dignité


En tant que notion philosophique, la dignité humaine est
appréhendée de façon variée. Elle connait, en effet, une pluralité d'approches.
Mais, ces dernières n'achèvent pas pour autant son appréhension et sa
compréhension, d'où la question: peut-on véritablement délimiter la notion de
dignité humaine ?
Paragraphe 1 : Les différentes conceptions
Les différentes conceptions de la dignité humaine sont, pour l’essentiel, au
nombre de trois :
- l'approche anthropologique ;
- l'approche subjective ;
- l'approche actuelle ou contemporaine.

Il convient de préciser que ces différentes approches connaissent des


variantes.

A- La conception anthropologique

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Selon cette approche, l'être humain doit être considéré dans sa seule
différence par rapport aux autres, quant à ses capacités naturelles et à sa position
dans l'univers.

Il s'agit d'une conception qui doit être comprise de manière binaire. En


effet, l'être humain peut être considéré soit en tant qu'animal politique ou
religieux, soit selon sa capacité d'individualisation.
Au regard de ce qui précède, il sied d'appréhender la dignité d'abord
dans l'antiquité, puis dans la pensée chrétienne.
1 – La dignité humaine dans l’Antiquité
II existait pendant l’Antiquité des références importantes traitant de la
dignité humaine. On peut citer, entre autres, le texte célèbre de « Sophocle »
dans l'Antigone, le texte de « Protagoras » de Platon et, surtout, son illustre
ouvrage « La République ».
A la lecture de « la République », l’on se rend compte que Platon
considère la dignité humaine comme une vie politique conforme à la réalité
divine du bien. La dignité humaine se nourrit ainsi, d'après lui, de la grandeur
divine à laquelle la philosophie peut conduire tout citoyen, pour que chacun
fasse confiance aux philosophes.
Aristote va affiner cette perception de la dignité humaine en distinguant
deux niveaux d'excellence, tous deux nécessaires dans la définition de la vie
politique, et perçus comme déploiement du bien vivre ensemble, à savoir :
celui d'une noblesse naturelle et celui d'une vertu civique réservée aux
gouvernants.
Du point de vue anthropologique, la position aristotélicienne présente
l'intérêt de conjuguer deux aspects que l'on retrouve souvent dans l'histoire de la
dignité, à savoir : un aspect conjoncturel, lié au naturel des individus et, un
aspect lié à la vie de la cité. Ce second aspect a été élargi à l'ensemble du genre
humain par les stoïciens.
Pour ces derniers, est considéré comme digne, en un sens fondamental, ce
qui est conforme à la réalité naturelle.
A la différence de la conception aristotélicienne, la conception
stoïcienne considère la dignité comme celle du tout, en lequel le Sage peut
vouloir se réintégrer. Quid de la dignité humaine dans la pensée chrétienne ?
2 – La dignité humaine dans la pensée chrétienne
Le développement de la pensée chrétienne sur la dignité de l'être humain
repose sur un double fondement. D'une part, l'homme est un être créé par Dieu
20
pour être le Roi de la création. Ici, la dignité est une dignité objective liée au
cosmos.
D'autre part, l'homme est un être aimé de Dieu, lequel n'a pas hésité à le
sauver de cette nature devenue celle du désir naturel personnel.
La pensée chrétienne, développée notamment par Saint Thomas, a un
double souci : d'une part, insister sur la spécificité de l'âme humaine par
rapport au corps ; et, d'autre part, maintenir la valeur de tout être humain
individualisé par sa nature, et non pas, comme les anges, par son espèce.
La conception subjective appréhende la question différemment.
B- La conception subjective
Cette conception est celle des auteurs tels Pic de la Mirandole, Galilée et
Descartes.
1-La position de Pic de la Mirandole est que la dignité n'est pas
seulement une affaire d'un statut ontologique générique, consacrant la
suprématie de l'espèce humaine dans la nature, de même qu'elle n'est pas une
affaire d'identité ontologique. Elle se réalise dans l'activité de connaissance, en
l'occurrence de l'activité de connaissance de la nature. Dès lors, la dignité de
l'être humain réside dans sa capacité à penser le cosmos par lui-même, selon le
cheminement d'intellectuel qui le définit comme une personne connaissante.
Ainsi, ce n'est plus seulement le statut d'homme qui lui confère une dignité,
c'est également et surtout un acte spécifique qui lui fait comprendre la nature
en y repérant des formes. En bref, Pic de la Mirandole considère qu'il existe
une dignité naturelle et une dignité acquise. Il privilégie la seconde.
2-Quant à Galilée, il a une démarche scientifique qui repose sur
l'observation et qui concrétise la conception de Pic de la Mirandole. Pour lui,
l'esprit humain peut prétendre à la connaissance des mystères par sa
compréhension des mathématiques. De ce point de vue, la dignité humaine
s'exerce dans un domaine de rationalité mathématique distincte de la croyance
chrétienne. Galilée considère que ce domaine a ses procédures propres et
consacre le statut de liberté du sujet connaissant.
Dès l'époque de Galilée, les points suivants sont d’ores et déjà acquis :
- Unio : Un autre rapport que la théologie s'est installée entre le
monde et la raison humaine ;
- Secundo : Dieu continue à être le fondement des connaissances
des hommes par rapport au vide, mais dans un sens autre que
dans la Révélation.

21
3-Descartes, pour sa part, a repris, pour l'essentiel, les positions de
Galilée. Pour lui, l'ego est capable de se définir par lui-même les règles de
sa propre pensée car, comme il le dit lui-même, par sa méthode, il était
assuré d'user en tout de sa raison, sinon parfaite, au moins de mieux qu'il fut
en son pouvoir. Il déclare, par ailleurs, que «je sentais en la pratiquant (sa
méthode) que mon esprit s'accoutumait peu à peu à concevoir plus
nettement et plus distinctement ses objets ».
Au total, Descartes pense que le cadeau de la pensée permet, non à
toute espèce humaine, mais à chaque individu, fut il pauvre et sans renom,
de trouver néanmoins sa dignité dans la détermination de son choix de vie.
Pour lui, la dignité de la personne ne consiste pas à accepter son sort, ni à
s'intégrer dans la nature, mais, au contraire, à s'affirmer soi-même comme
être libre et différent de la nature, capable de la dominer.
L'approche actuelle ou contemporaine marque une évolution dans
l'appréhension de la notion de dignité humaine.
C-La conception contemporaine
1-Pour E. Kant, s'il y a dignité, c'est en effet qu'il y a rupture avec
l'enchaînement mécanique des causes et des effets. Cette rupture étendue à
l'ensemble des êtres humains entraîne un distinguo entre deux aspects de la
dignité, laquelle trouve son contenu dans l’affirmation de la liberté morale.
Au niveau individuel, la dignité n'est plus une simple déduction de
connaissances anthropologiques. Elle se manifeste sous la forme d'un sentiment
donné dans l'immédiateté de l'action : c'est le sentiment du respect pour la loi
morale.
Au niveau collectif, c'est la liberté morale qui confère son sens à l'histoire
et à la vie de l'individu qui s'y trouve. Aussi, à la dignité subjective de l'auteur
moral, correspond la dignité objective du peuple, voire du genre humain en
lequel cet acteur prend ses décisions.
Relativement aux deux aspects de la dignité selon Kant, il s'agit d'un
aspect objectif à savoir la somme des volontés libres individuelles et ce que cette
somme est capable de produire (Exemple : la constitution, les lois) ; et d'un
aspect subjectif, qui est la façon dont chaque être humain a conscience de sa
dignité personnelle dans le tissu social. Que dire de Hegel ?
2-Pour Hegel, il existe une tension entre l'individu et la société civile.
Cette dernière constitue, en quelque sorte, le socle à partir duquel serait
possible l'action morale.
Il estime que la dignité de la personne humaine pourrait se définir

22
comme la force par laquelle cette personne agit par une décision personnelle
dans un monde humain ou religieux régi lui-même par des obligations et lois
qui la transcendent.
3-Quant à Paul Ricœur, considéré comme le défenseur de l'éthique, il
met celle-ci en rapport avec la morale. Le concept de dignité qui ressort de
cette confrontation renvoie aux rapports entre Kant et Hegel.
Ricœur accorde une certaine importance à la représentation. Pour lui,
l'évolution des sociétés, et donc de la vie morale et individuelle qui leur est
liée, n'est ni linéaire, ni déterminée.
Au regard de cette appréhension que Ricœur a de la dignité et de celle
des autres auteurs, il y a lieu de se demander si on peut délimiter la notion de
dignité.

Paragraphe 2: La délimitation de la notion de dignité humaine


La détermination de la notion de dignité humaine est-elle possible? La
question est posée dans la mesure où il existe plusieurs distinctions possibles
de la notion, et que celles-ci se trouvent non pas situées, mais en situation.
A- Les distinctions possibles
Les distinctions possibles de la notion de dignité peuvent être
appréhendées dans une « summa divisio » binaire à savoir : la distinction
entre dignité absolue et dignité et la distinction entre dignité et sentiment
de dignité.

1- Dignité absolue et dignité relative

La dignité peut, dans un 1er temps, être perçue comme une qualité
essentielle ou fondamentale définissant une personne. Dans ce sens, elle
n'est pas définie par un comportement ou une action. Ainsi, l'individu et la
collectivité ont droit à la dignité de façon absolue.

Dans un second temps, à contrario, la dignité peut être liée à la


reconnaissance sociale soit d'une qualité, soit d'un comportement, soit d'une
action. Ici, la dignité est fonction du statut social. Elle est donc relative.

2- Dignité et sentiment de dignité

Le sentiment, qui serait l'expression de la dignité, assure en réalité le lien


entre une dignité essentielle et la perception que l'on en a et, entre ce que l'on
23
pourrait appeler l'ontologie de la dignité, et sa phénoménologie.

Pour rendre visible et lisible cette distinction, on pourrait opposer une


dignité anthropologique, liée à l'espèce humaine, ou à la qualité d'homme, et une
dignité psychologique, telle qu'elle se manifeste dans le sentiment éprouvé par
un individu particulier.

Ne peut-on pas, au regard de cette considération, déduire que la dignité est


une notion en situation ?

B- La notion de dignité en situation

Le problème de la dignité est qu'elle n'a pas une définition unanimement


admise. Il y a alors lieu de se demander si une définition provisoire n'est pas
possible ou s'il ne faut pas fonder ou reconstruire cette notion.
1- Une définition provisoire de la dignité ?
L'histoire du mot dignité permet de se rendre compte que l'on est passé
d'une acception faible de la dignité, liée soit à des honneurs, soit au constat des
aptitudes de l'homme, soit à son implication dans le mystère chrétien de la
création et de la rédemption, à une acception forte, liée essentiellement au statut
de l'homme, considéré en lui-même, différent par essence du reste de la nature
par sa liberté.

A travers la notion de dignité, se retrouve toute l'histoire de la philosophie


qui va d'une conception transcendantale à une conception immanente des
rapports de l'être humain au cosmos ; autrement dit, d'une conception religieuse
à une conception morale de la dignité.

Au total, la dignité humaine doit être appréhendée de façon dynamique.


Elle constitue ou devrait constituer, l'expression achevée du respect dû à la
personne humaine quelle qu'elle soit. Peut-on, alors fonder ou reconstruire la
dignité ?

2- Fonder ou refonder la dignité ?


Dans le langage courant, la dignité de l'être humain renvoie à une
certaine conception de soi, qui s'oppose aux actes dégradants dont l'individu
serait lui-même responsable ou dont autrui se rendrait responsable à son égard.

La dignité repose sur deux notions centrales : celle de liberté, donc de


son respect, et celle d'égalité, donc de sa reconnaissance.

24
Bafouée à la fois par la souffrance du corps comme par celle infligée à
la personne, la dignité dévoile ainsi la présence permanente de la corporalité
dans l’étendue de son concept.

Ce qu'on peut dire est que le concept de dignité n'a cessé de se


complexifier à travers l'histoire, liée à celui des libertés et à la pensée de cette
liberté.

Le concept de dignité ne saurait caractériser la vie dans sa totalité dans


la mesure où la vie se définit par des finalités multiples, par des fins réellement
pensées selon l'universel.

Au regard de ce qui précède, la dignité peut être pensée de trois


manières au moins : '

D’abord, dans une vie morale et individuelle supposant une réflexion


sur soi et une délibération sur le juste. Ensuite, dans la vie d'un corps animé de
désirs, sur lequel la personne se construit sa personnalité et rencontre au plus
profond d'elle-même ce qu'elle est. Enfin, dans la vie de l'autre, individuelle
ou collective.

Ainsi, parler de dignité c'est se référer à la fois à la vie personnelle telle


que l'a produit le corps inséparable de l'ego qui l’anime. C’est se référer à la
façon dont la société civile, l'Etat, une communauté précise, façonne ce concept
(de dignité) ou alors l'homme façonné dans l'histoire. C'est, enfin, porter en soi
l'idéal de l'humanité tout entière et, se faisant, s'affirmer comme homme dans le
cosmos.

Comment alors le droit a-t-il réceptionné cette notion de dignité, qui est
fondamentalement philosophique ?
Section 2 : La réception juridique de la notion de dignité humaine
En droit, la dignité peut être considérée comme une notion nouvelle.
Cela ne voudrait pas dire que le mot y est inconnu, puisqu’on le rencontre dans
les textes internationaux, notamment, la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de
l981.
Ce que l'on voudrait dire est que, en droit, la dignité n'est pas encore
véritablement établie comme en philosophie.
Si l’on se situe dans le contexte français, par exemple, l'on va se rendre
compte qu’elle est apparue dans deux circonstances précises. Premièrement, à
propos des crimes contre l'Humanité, ce qui a permis de préciser la notion

25
d'humanité ; secondement, à propos des lois sur la bioéthique.
La lecture des textes et de la jurisprudence permet de se rendre compte
que la dignité humaine est, certes, une notion juridique, mais elle relative.
Paragraphe 1 : La nouveauté de la notion de dignité en droit

Le Conseil constitutionnel français a permis à la dignité humaine de


rentrer dans l'ordre juridique français, et plus précisément dans ce que l'on
appelle le bloc de constitutionnalité.

Mais, il faut dire que la théorie juridique de la dignité humaine reste à


faire pour la raison que, bien que cette notion ait une filiation avec les droits de
l'homme, elle n'en demeure pas moins autonome.

A- La filiation entre la dignité humaine et les droits de l’homme


II est généralement admis que la dignité humaine constitue le fondement
des droits humains. Elle est, pourrait-on dire, le principe matriciel, le socle sur
lequel est construite la philosophie des droits de l'homme ainsi que le droit des
droits de l'Homme. Mieux encore, elle est la raison d'être de l’ensemble des
droits humains, même si elle ne protège la personne humaine que dans son
essence.
On pourrait donc dire que dignité humaine et droits humains sont situés
sur le même plan, à savoir celui de la personne humaine. Seulement, la dignité
humaine, à la différence des droits de l'homme, est située au plus profond de
l'essence des droits humains.
La filiation entre dignité et droits de l’homme doit donc être relativisée
car les droits de l'homme, tout comme la dignité humaine, sont des concepts
autonomes.
B- La distanciation entre la dignité humaine et les droits de l’homme
Les droits humains ont pour finalité la défense de l'individu contre
l'arbitraire du pouvoir ; au premier chef, le pouvoir étatique. Il s'avère, en
effet, que l'homme est constamment menacé dans sa liberté, aussi doit-il être
protégé. Il se dégage de cette considération que la liberté est le concept
fondateur des droits de l'Homme.

La dignité, quant à elle, est appréhendée à un autre niveau. En effet,


c'est la place qu'occupe l'Humanité qui détermine ce qu'est la dignité.
L'Humanité est considérée comme la réunion symbolique de tous les hommes
dans ce qu'ils ont de commun, notamment, la qualité d'être humain. Et, entant
qu'être humain, on a droit à la dignité, qui est la qualité de cette appartenance.
Ainsi, si tous les êtres humains composent l'humanité, c'est parce qu'ils ont

26
tous cette même qualité de dignité. Entant que notion réceptionnée par le droit,
la dignité humaine est relative.
Paragraphe 2 : La relativité de la notion juridique de dignité humaine
L'entrée de la dignité humaine dans l'ordre juridique s'est faite à travers les
textes et la jurisprudence.
D'ailleurs, ce sont les juges qui, sur les plans international et national,
ont, à l'occasion de l'examen de certaines affaires, énoncé le principe de la
dignité inhérente à la personne humaine.
Au Cameroun, comme en France, le droit à la dignité ne figure pas dans
le texte constitutionnel. En France, le Conseil constitutionnel a formulé ce
principe dans une décision rendue en 1994. Au Cameroun, le juge administratif
l'a énoncé dans une décision rendue en 198l.
Le problème que pose l'introduction de la dignité humaine en droit est
double. Il est lié à la détermination du ou des titulaires du droit à la dignité et à
la portée juridique du principe de dignité.
A- La détermination du ou des titulaires du droit à la dignité
Lorsqu'on examine la jurisprudence relative à la dignité, l'on se rend
compte que le problème de la détermination du titulaire du droit y relatif se situe
à deux niveaux.

Le premier niveau a trait à la prise en compte ou non de la dignité au


commencement de la vie. Le second niveau concerne la prise en compte ou
non de la dignité à la fin de la vie.

1-Si l'on peut retenir la conception selon laquelle la dignité est


inhérente à la personne humaine, il convient de déterminer à partir de quand
commence cette dignité ou à partir de quand doit-on la prendre en compte. Le
problème est de savoir si le principe de dignité est susceptible de concerner
l'embryon.

C'est un problème sur lequel les juges sont assez prudents. C'est ainsi, par
exemple, que la question de l'application de certains droits fondamentaux fait
généralement l'objet de renvoi de la part des juges, en particulier, celle du droit à
la dignité. La Cour Européenne des Droits de l'Homme ne se prononce pas sur
cette question. Le Conseil Constitutionnel français considère, pour sa part, que
c'est au législateur qu'il revient de définir le domaine d'application du principe
du respect de la dignité de la personne humaine.

En France, c'est le Comité national d’éthique qui a eu à proposer une


définition de l’embryon, lequel serait une « personne potentielle ». Est-ce à dire

27
qu'en tant que tel l’embryon doit voir sa dignité reconnue et que ce droit (de
l'embryon) doit être concilié avec les autres droits?

Le Conseil d'Etat français reconnait que l'embryon a des droits. C'est ainsi
que dans une décision en date du 21 décembre 1990, il a admis que le droit à la
vie reconnu par l’article 2 de la convention européenne des droits de l'Homme
de 1950 concerne aussi l’embryon, bien qu'il s'agisse d'un droit relatif à la vie.

Au fond, il se pose, en la matière, deux problèmes essentiels : la


préservation de l'embryon et sa destruction pour préserver la personne qui le
porte.

On peut observer que l'ensemble de la jurisprudence relative à


l'avortement essaie d'arbitrer ce problème à tentant de préserver les droits de
l'embryon et ceux de la mère. Elle le fait en prenant en compte deux paramètres
:
- premièrement, l'avortement ne peut être libre car ce serait porter atteinte
aux droits de l'embryon et donc de sa dignité ;

- secondement, en revanche, des exigences relatives à la santé physique de


la mère sont susceptibles de justifier le droit de porter atteinte aux droits de
l'embryon.

Il faut donc, dans tous les cas, faire en sorte que les droits de l'embryon
ne soient pas privilégiés alors que la santé de la mère pourrait en pâtir. II s'agit
là, malheureusement, d'un équilibre précaire ou instable.

2- En ce qui concerne la prise en compte de la dignité humaine, à la fin


de la vie, la jurisprudence prend en compte deux situations : l'état végétatif et
l'état de mort.

Pour ce qui est de l'état végétatif, c’est la situation dans laquelle une
personne est durablement privée de conscience, mais n'est pas cliniquement
mort.

En France, la Cour de cassation a reconnu qu'une personne en état


végétatif est une personne humaine et donc susceptible de bénéficier de la
dignité reconnue à tout homme, mais que cet état végétatif n'exclut aucun chef
d'indemnisation. Elle rejette ainsi l'idée d'une hiérarchie entre les êtres humains.

On peut donc dire que la Cour de cassation a mis en avant l'idée de


dignité qui est partagée par tous les hommes quel que soit leur état.

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Pour ce qui est de l’état de mort, le Conseil d'Etat français, dans un arrêt
du 02 juillet 1993, a statué sur le comportement d'un médecin ayant pratiqué des
expériences sur un individu maintenu en survie somatique mais en état de mort
cérébral. Il a jugé que « les principes déontologiques fondamentaux relatifs au
respect de la personne humaine qui s'imposent au médecin dans ses rapports
avec son patient ne cessent pas de s'appliquer après la mort de celui-ci ».

Il se dégage de ce qui précède que c'est le principe de dignité qui justifie


la protection due à une personne considérée comme morte. C'est tout le
problème du noyau dur des droits de l’homme. En effet, cette décision montre
clairement que, même mort, c’est-à-dire ne jouissant plus du droit à la vie, l’être
humain ne perd pas sa dignité.

En effet, si le droit civil ne reconnait pas au mort le statut de personne, le


droit pénal sanctionne toutefois la violation du respect dû aux morts, au titre des
atteintes à la dignité de la personne. Il y a lieu, au regard de ce qui précède, de
s'interroger sur la portée juridique du principe de dignité.

B- La portée juridique du principe de dignité


Les analyses précédentes ont permis de se rendre compte que, pour
l'essentiel, le principe de dignité a une valeur absolue. Mais, on peut se rendre
compte que sa portée l'est moins; autrement dit, qu'elle est relative.
Il est incontestable que le principe de dignité est un droit naturel
préexistant à toute construction juridique.
L'homme ou la personne humaine, quelle qu'elle soit, a des droits qui lui
sont reconnus parce qu'elle est un être humain marqué du sceau de la dignité.
Le principe de dignité est reconnu en droit parce qu'il est soit inscrit dans
un texte, soit énoncé par la jurisprudence.
La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples consacre ainsi,
en son article 5, le droit à la dignité humaine. Cet article dispose, en effet, que
«tout individu et droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine
(...)».

Quant à la jurisprudence de la commission africaine des droits de


l’Homme et des peuples, elle énonce, en des termes clairs, les cas susceptibles
d'être considérés comme des violations de la dignité humaine. Ainsi, dans
l'affaire KRISHNA ACHUTAN c/ Malawi (communication n°64/92, septième
rapport d'activités, 200 AHRLD 143, 1994), la commission a conclu que les
faits allégués par la partie plaignante constituaient une violation de la dignité

29
humaine telle qu'énoncée à l'article 5 de la Charte. En l'espèce, et selon les
allégations visant l’Etat du Malawi, les prisonniers étaient enchaînés pendant
des jours sans avoir accès à des installations sanitaires, détenus sans accès à la
lumière naturelle et frappés au moyen de bâtons et barres métalliques, (dans le
même sens, voir communication 68/92 et 78/92 Amnesty international
agissant au nom de ORTON et VERA CHURWA C/ Malawi, 1994).

Malgré les prescriptions textuelles et les formulations jurisprudentielles,


la dignité n'est pas pour autant une norme juridique de caractère prescriptif
direct. En effet, son effectivité est conditionnée par le contenu que l'on lui
attribue. D’où sa relativité.

Cette relativité est liée aux interprétations diverses, parfois


contradictoires, qui en sont faites. S'il est vrai que la reconnaissance
internationale et constitutionnelle du principe de dignité a rencontré de
nombreux échos dans la jurisprudence judiciaire et administrative, il en a
résulté cependant quelques contradictions quant à l'idée de dignité. A titre
d'exemple, le Conseil d'Etat français s'est appuyé sur le principe de dignité pour
autoriser les maires à interdire les spectacles dits du «lancer de nain » qui
d’ailleurs, d’après lui, portait atteinte à la dignité du nain. Il s’est référé
notamment à certains facteurs humains tels que le ravalement au rang d’objet
d’une personne humaine souffrant d’un handicap physique et qui se fait lancer
en public moyennant une somme d'argent.

Le Conseil d'Etat, rejette a ainsi rejeté toute idée de commercialisation


du corps de la personne humaine handicapée.

Dans l'affaire dite « lancé de nains » (CE, 27 octobre 1995


commune de Morsang-sur-Orge et ville d'Aix-en-Provence), le Conseil
d'Etat estime que le « lancer de nain » est contraire à la dignité humaine.
C'est la qualité de personne humaine du nain qui est nié, et, à travers lui,
celle des personnes qui souffrent d’un même handicap. Ce faisant, le
Conseil d'Etat a interprété le respect de la dignité humaine comme une
composante de l'ordre public, en considérant que la dignité humaine, du fait
de sa protection, doit être appréhendée comme une activité de police
administrative.

Le juge administratif camerounais, quant à lui, a consacré la dignité


humaine dans le droit de la responsabilité administrative. Il considère, en
effet, que l'atteinte à cette dignité, si elle est imputable à
l'administration, constitue une source de responsabilité.

Dans l'affaire SO'O Georges c/ Etat du Cameroun (CS/AP, arrêt

30
n°21 du 23 juillet 1991), il a procédé à l'identification du fait générateur de
l'atteinte à la dignité humaine et réparé financièrement le préjudice subi par
le requérant. En l'espèce, le sieur SO'O Georges, chargé d’enseignement
stagiaire à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de
l’Université de Yaoundé avait fait l'objet d’une affectation disciplinaire,
qui emportait interdiction de dispenser les cours à l'université, par une
décision ministérielle du 14 février 1973. Cette décision contenait des
mentions dénigrantes à son encontre. Il s'est donc retrouvé de février 1973 à
novembre 1978, «au banc de la société, passant pour un fauteur de
troubles, un intrigant et un cynique menteur ». Pour le juge, « (...) ces
mentions et la situation qui en a résulté l’ont gravement atteint dans sa
dignité d'être humain et ont non moins gravement terni sa réputation
d'éducateur, ce qui expliquerait ce changement d'orientation qu'il a dû
opérer après une brillante carrière d'enseignant».

Il résulte de ce qui précède que les causes de l'atteinte à la dignité du


sieur SO'O Georges étaient contenues dans ces propos diffamatoires tenus
contre lui par l'autorité administrative ainsi qu’aux coups qu'a dû prendre sa
carrière d'enseignant à l'université.

Que dire en définitive ? Si on veut, ou si on peut considérer que la


protection de la personne humaine est un impératif catégorique, il faudrait que
la dignité humaine devienne un principe rigoureux. Ceci est valable aussi bien
au plan international qu'au plan national. Il faudrait, par conséquent, que les
autorités publiques prennent des mesures nécessaires pour traduire dans les
faits !a primauté du principe de dignité humaine sur les autres règles de droit.
La question ultime est celle de savoir si ce principe pourrait être érigé au rang
d'une norme de « jus cogens».

Si tant est que la dignité humaine est incontestablement le fondement


des droits de l’homme, il y a lieu de se demander de quels droits il s'agit. Pour
répondre à cette question, il faudrait procéder à leur analyse typologique.

CHAPITRE 2

31
LA CLASSIFICATION DES DROITS ET LIBERTES

Les développements précédents ont permis de se rendre compte que les


droits de l’homme reposent sur la dignité humaine. Mais, de quels droits
s'agit-il? Existe-t-il un critérium ou des critères permettant de les reconnaître ?
Et si ces critères existent, permettent-ils d’établir une hiérarchie ou une égalité
entre les droits de l’homme ?

Pour répondre à cette série de questions, il sied d'examiner d'une part, la


classification horizontale ou synchronique (Section 1), et, d'autre part,
classification verticale ou diachronique (Section 2) des droits et libertés de
l’homme.

Section 1 : La classification synchronique

Appréhender les droits de l’homme sur le plan horizontal ou


synchronique amène à prendre en considération deux critères : celui relatif aux
droits proprement dit et celui portant sur le ou les sujets desdits droits.

Paragraphe 1 : La prise en compte des droits et libertés

La typologie ou classification faite sur la base des droits et libertés est


relative à l'importance des droits, à leur nature intrinsèque desdits droits et à leur
le caractère positif ou négatif.

A- L’importance des droits et libertés

Le critérium de l'importance des droits amène à faire la distinction entre


les droits fondamentaux de l'homme et les droits de l'homme qui ne sont pas
fondamentaux. En effet, certains instruments juridiques incorporent, par le
truchement de l'idée du noyau dur des droits de l'homme, ce critère de
différenciation. C'est le cas, par exemple, de la Convention européenne des
droits de l'homme de 1950, en son article 15 para 2. Ainsi, ces instruments
juridiques tentent d'enclencher le rapprochement entre le droit des droits de
l'homme et le droit humanitaire exprimé dans le droit de Genève de la Croix
Rouge.

Un tel rapprochement n'a pas toujours eu des effets durables bien qu'il
ait été un acquis des années 1970.

Au fait, est-il idoine de distinguer dans les droits de la personne


humaine, si tant est que ces droits lui sont inhérents, les droits fondamentaux

32
des droits non fondamentaux ? Cette question amené à s'interroger sur la
relation entre le droit à la vie et le droit au travail, ou le droit au logement ou
encore le droit à la santé.

Ces droits ont-ils la même valeur ou importance ? L'un, à savoir le droit à


la vie, serait-il fondamental et les autres (le droit au travail, à la santé, au
logement) pas fondamentaux ? La question vaut son pesant philosophique et
juridique lorsqu'on sait que dans la dignité où l'idée de dignité, il y a l'idée de
droit.

Le critérium de l'importance des droits a, dans une certaine mesure, sa


raison d'être, mais si on prend en compte l'idée de dignité humaine qui est le
fondement et même la finalité des droits de l'homme, il doit forcément être
relativisé. Que dire du critérium relatif à 1a nature intrinsèque des droits de
l'homme ?

B- La nature intrinsèque des droits et libertés

Le critérium de la nature intrinsèque renvoie à la nature profonde des


droits. Il opère la distinction classique entre d’un côté, les droits civils et
politiques, et, de l’autre, les droits économiques, sociaux et culturels. D'ailleurs,
les deux pactes de 1966 ont consacré cette distinction.

Il se dégage de cette considération que les droits civils et politiques n'ont


pas la même nature que les droits économiques, sociaux et culturels. Cela est
d'autant plus vrai que le pacte international relatif aux droits civils et politiques a
institué un mécanisme de protection des droits à travers le Comité des droits de
l’homme, qui peut recevoir des communications étatiques et individuelles ;
alors que le pacte international relatif aux droits économiques sociaux et
culturels n'avait pas prévu un tel mécanisme. C’est en 2008 (Résolution
A/RES/117 du 10 décembre 2008) qu’un protocole facultatif se rapportant au
PIDESC a institué un Comité compétent pour recevoir des communications
individuelles, groupales et étatiques. Il a été ouvert à la signature en 2009 et est
entré en vigueur le 5 mai 2013.

Il n'en demeure pas moins vrai que les sujets clé des droits de l’homme
sont, dans un cas comme dans l'autre, les mêmes.
C- Le caractère positif ou négatif des droits

Le critérium qui oppose les droits positifs et les droits négatifs laisse
supposer qu'il y aurait d’une part des droits qui génèrent des obligations
positives, et, d’autre part, des droits qui engendrent des obligations négatives.

33
En ce qui concerne la première catégorie, il est admis que ce sont des
droits opposables à l'Etat. Il s'agit des droits dont l'exercice implique son
abstention. Exemple : la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression, de
religion.

Pour ce qui est de la seconde catégorie, ce sont des droits exigibles à


l’Etat ou à la société et dont la réalisation (effectuation) n'est possible que par
l'intervention de l'Etat. On peut citer, entre autres, le droit au travail, à
l'éducation, au logement, etc.

Depuis quelques années, la communauté internationale s'accorde sur


l'idée suivant laquelle les droits de la personne humaine sont indissociables,
qu'ils soient de caractère positif ou de caractère négatif ; ce qui signifie que ces
droits ont la même valeur.

Cette indissociabilité est constamment rappelée, surtout, depuis que l'on


assiste à l'émergence d'autres droits. Que dire de la typologie fondée sur le ou
les sujets des droits ?

Paragraphe 2 : La prise en compte des sujets des droits et libertés

Le critérium des sujets des droits permet de déterminer les titulaires


desdits droits, et, par conséquent, de distinguer les droits individuels des droits
collectifs.

Les droits individuels sont les droits de l'individu qui s'exercent, en


principe, individuellement. Quant aux droits collectifs, ce sont des droits
qui s'exercent collectivement.

A- L’approche minimaliste ou restrictive

Certains auteurs ont pu dire que seuls les droits individuels sont les
droits de la personne humaine et que les droits collectifs, de par leur nature, n’en
sont pas. Ils soutiennent que le bénéficiaire des droits individuels c'est
l'homme, c'est-à-dire l'homme isolement considéré, en d'autres termes,
l'individu ; et que, le bénéficiaire direct des droits collectifs n'est pas l'homme
dans sa singularité, mais plutôt la collectivité. Or, comme l'a dit, à juste titre
Karel VASAK, « il existe un certain nombre de droits individuels notamment
qui n'ont de sens que s'ils sont exercés collectivement ».

On peut alors considérer qu'il existe deux types de droits


individuels : d’une part, les droits libertés ou droits attributs (Exemple : le droit à

34
la vie, la liberté d'opinion, et, d’autre part, les droits-créance. (Exemple : le droit
à des moyens convenables d'existence tels le logement et la nutrition).

B- L’approche maximaliste ou extensive

Cette approche prend en compte les droits collectifs de l’homme. A ce


sujet, il convient de dire que l'homme individuel n'est plus considéré qu'au
travers, ou par le détour de la communauté qui l'englobe et dans laquelle il se
fond. Il peut s'agir soit de l'Etat, soit d’une autre collectivité. On peut citer le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, de leurs propres ressources naturelles,
au développement par l'assistance et la coopération internationales. Tous ces
droits se retrouvent dans la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples.

Le critérium relatif au sujet de droit est certes opérationnel, mais la


distinction qu'il opère amène à établir une opposition qui n'éclaire pas sur le sens
et l'efficacité de la protection de tous les droits de l’homme. Il existe un autre
critère qui repose sur la distinction entre droits positifs et droits négatifs. La
conception des droits de l’homme est aussi verticale ou diachronique.

Section 2 : La classification diachronique

La classification verticale ou diachronique des droits se pose avec acuité


et de façon récurrente depuis qu’au sein des instances internationales et qu’au
travers certaines déclarations textuelles, les droits de l’homme sont apparus,
surtout à partir du siècle des lumières comme des droits naturels. A cette époque,
il s'agissait, pour l'essentiel des droits individuels de nature civile et politique.
Mais, progressivement, d'autres droits ont été proclamés, à l’instar des droits
économiques, sociaux et culturel, sous l'impulsion des pays socialistes. Il va
s'avérer plus tard que l'être humain à d'autres besoins qu'il faut satisfaire. C'est
ainsi que des revendications vont naître portant sur la reconnaissance d'autres
droits encore.

C'est au regard de cet état de faits que des droits dits de la troisième
génération vont être proclamés. C'est aussi au regard de cette considération que
l'on verra dans un première temps la consistance ternaire des droits de l’homme,
et, dans un second temps, sa contestation duale, notamment celle des droits de la
troisième génération.

Paragraphe 1 : La détermination ternaire

Dans la perspective diachronique, on distingue les droits de la première


génération, que l'on nomme les droits attributs ou libertés (liberté), les droits de

35
la deuxième génération, ou droits de créances (égalité) et les droits de la
troisième génération, qualifiés de droits de solidarité (fraternité).

A- Les droits de la première génération

Les droits dits de la première génération sont des droits qui subodorent
l’abstention de l’Etat. Ils lui sont opposables.

On les considère comme des droits attributs ou des droits libertés pour la
raison qu’ils sont intimement liés à l’être humain. Leur opposabilité à l’Etat est
due au fait que ce dernier est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour
qu’ils puissent effectivement s’exercer. Ce qui voudrait dire que l’Etat serait
responsable de leur non exercice. Par exemple, l’Etat doit veiller à ce que la
personne humaine ne soit pas atteinte dans son intégrité physique ; il ne doit pas
faire obstacle à l’exercice par la personne humaine de sa liberté de penser ou
alors d’expression.

Ces droits sont, pour l’essentiel, des droits civils et politiques. On les
retrouve aussi bien dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948, dans l’un des pactes internationaux de 1966, en l’occurrence le Pacte
International relatif aux droits civils et politiques ; dans la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples, la Convention Interaméricaine des Droits de
l’Homme de 1969, la Convention Européenne 1950.

Il faut dire, in fine, que ces droits sont les premiers droits proclamés. Mais
cela ne voudrait pas dire qu’ils sont au-dessus des autres droits, en l’occurrence
les droits de la deuxième génération.

B- Les droits de la deuxième génération

Les droits de la deuxième génération sont des droits créances parce qu’ils
sont exigibles à l’Etat et impliquent, par conséquent, son intervention.

A la différence des droits de la première génération, qui reposent sur


l’idée de liberté, les droits de la deuxième génération reposent sur l’idée
d’égalité. La raison en est que leur réalisation n’est plausible et possible que si
les personnes humaines sont prises en compte de manière égale. On peut citer,
entre autres, le droit à la santé, au travail et le droit de logement (voir Guimdo
Bernard Raymond, « Le droit au logement au Cameroun, ombre et lumière
d’un droit de l’homme dans un pays en développement », in Cahier n° 1 de
l’Université Catholique d’Afrique centrale, Presse de l’UCAC, 1996, pp
187-200).

36
Les droits de la deuxième génération sont constitués des droits
économiques, sociaux et culturels. Ils sont consacrés par la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme de 1948, l’un des Pactes Internationaux de
1966, en l’occurrence le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, la CADHP et, dans une certaine mesure, dans la charte sociale
européenne. La convention Européenne des Droits de l’Homme n’a pas consacré
de tels droits. Que dire des droits de la troisième génération ?

C- Les droits de la troisième génération

Sont dits ou classés comme droits de la troisième génération les droits qui
subodorent la solidarité ou la fraternité.

L’humanité en général et l’individu en particulier devraient certainement


jouir des droits attributs, avoir des droits exigibles à l’Etat, mais également
bénéficier de la solidarité et donc de la fraternité, valeur cardinale qui doit être
au cœur des relations inter-sociétales, interétatiques et inter individuelles. C’est
justement pour cette raison que certains auteurs ont cru devoir s’appuyer sur la
réalité et les textes existants pour soutenir de tels droits. On ne peut pas, au jour
d’aujourd’hui, lister de façon définitive ces droits de solidarité ou de troisième
génération.

Sous ce rapport, on peut citer quelques droits qui sont considérés comme
tels : le droit au développement, à un environnement sain, à la paix, de propriété,
sur le patrimoine commun de l’humanité, à la communication, des peuples à
disposer d’eux-mêmes…

1- Le droit au développement

On s’accorde généralement à reconnaître que le droit au développement


est un concept d’origine africaine et religieuse (lire Guimdo B.R., « Droit au
développement et dignité humaine », In Cahier n° 5 de l’institut de droit
européen des droits de l’homme de l’Université de Montpelier I, 1996, pp
33-52 et in ouvrage collectif des droits fondamentaux sous la direction du Prof
Jacques Ivan Morin, Bruylant, Bruxelles 1997, pp 78-89).

Selon Fatza Ouguergouz, l’expression « droit au développement » a


vraisemblablement été prononcée pour la première fois à Alger en Octobre 1967
lors de la Conférence Economique des 77 par le Ministre des Affaires
étrangères du Sénégal Doudou Thiam. Mais, le premier travail doctrinal de
découverte du droit au développement est le fait du magistrat sénégalais,
aujourd’hui décédé, Keba Mbaye qui, en 1966, publiait dans la revue
sénégalaise de droit une contribution intitulée « Droit au développement

37
francophone de l’Ouest ». L’auteur allait préciser sa pensée lors d’une leçon
donnée en 1972 à l’institut internationale des droits de l’homme de Strasbourg et
intitulé : « Droit au développement comme droit de l’homme ». Entre temps,
l’expression « droit au développement » était utilisée dans le cadre des travaux
de la commission « Justice et paix » à Alger en 1969 où le cardinal Duval,
archevêque d’Alger, lançait le 1er janvier 1969 qu’il fallait « proclamer pour le
tiers monde, le droit au développement ».

Le concept « droit au développement » semble aussi avoir été utilisé pour


la première fois dans une enceinte internationale par le représentant du Saint
siège. Ainsi, à l’occasion de la première conférence des Nations unies pour le
commerce et le développement en 1964, le Père Lebret déclarait : « Dans une
humanité solidaire, le droit de tous les peuples au développement devrait être
reconnu et respecté » (lire Béatrice Maurer « Développement et droits de
l’homme : la position du saint siège dans le cadre des conférences des nations
unies », In Cahier n° 4 de l’institut du droit européen des droits de l’homme de
l’Université de Montpelier I, 1995, pp 110-111).

Au total, il apparaît que l’origine du droit au développement est à la fois


africaine et chrétienne. Ce qui donne à ce droit la connotation d’une
revendication et d’une exigence morale et éthique. Qu’est-ce donc le droit au
développement ?

Selon le magistrat Keba Mbaye, le droit au développement est une


« prérogative appartenant à tout homme et à tous les hommes pris
collectivement et qui consiste à avoir également droit à la jouissance dans une
proportion juste et équitable des biens et services produits par la communauté à
laquelle il appartient ». Il se dégage de cette définition que le droit au
développement est à la fois un droit individuel et un droit collectif.

-Au plan universel, les organes des Nations unies ne se sont pas départis
de cette lecture duale du droit au développement. On peut la retrouver dans la
résolution 41/128 adoptée le 4 décembre 1986 par l’Assemblée Générale des
Nations unies et portant Déclaration du droit au développement. D’après l’article
1er de cette résolution , « le droit au développement est un droit inaliénable de
l’homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit
de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel
et politique dans lequel, tous les droits de l’homme et toutes les libertés
fondamentales puissent être pleinement réalisés, et bénéficier de ce
développement ».

-Au plan régional, la charte africaine des droits de l’homme et des


peuples a consacré le droit au développement des peuples. Mais, il faut dire que

38
l’individu, d’une certaine façon, bénéficie par ricochet de ce droit ; ce qui
revient à dire que, tout en étant un droit collectif, le droit au développement,
dans le contexte africain, bénéficie à la personne humaine. On peut donc dire
que c’est aussi un droit individuel (lire Guimdo, op cit.).

-Au plan national, un certain nombre de constitutions consacre le droit au


développement : c’est le cas de la constitution camerounaise, notamment dans
son préambule. Qu’en est-il des autres droits?
2- Les autres droits
Les autres droits dont il est question sont : le droit à un environnement
sain, le droit à la paix, le droit de propriété sur le patrimoine commun de
l’humanité, le droit à la communication et le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes.
a/- Le droit à un environnement sain
Ce droit peut être considéré aujourd’hui comme le droit le plus développé
parmi les droits dits de la troisième génération. Il est consacré par de
nombreuses constitutions tant au niveau européen qu’africain.

C’est en 1972 qu’il a été reconnu au plan international à travers le


principe I de la Déclaration de Stockholm adoptée à l’issue de la conférence des
Nations unies sur l’environnement. Il s’agit d’un droit qui invite à l’amélioration
du cadre de vie tant sur le plan local que sur le plan national. Sa réalisation
incombe par conséquent à l’Etat et dans une certaine mesure à la collectivité
locale considérée. Ainsi, l’Etat a l’obligation de protéger l’environnement
naturel et culturel, il est tenu de prendre des mesures spéciales préventives ou
répressives pour assurer la conservation ou le respect de ce droit. Quid du droit à
la paix ?

b/-Le droit à la paix

En tant que droit de la personne humaine, le droit à la paix émerge


progressivement comme une norme juridique. On peut citer, à cet effet, la
Déclaration des Nations unies sur le droit des peuples à la paix du 12 Novembre
1984. Par ailleurs, ce droit a été entant que droit, proclamé à la conférence
générale de l’organisation pour l’abolition des armes nucléaires en Amérique
Latine du 27 avril 1979. Mais, globalement, il s’agit d’un droit dont les
composantes sont encore rudimentaires. Il en est de même du droit de propriété
sur le patrimoine commun de l’humanité.

c/-Le droit de propriété sur le patrimoine commun de l’Humanité

39
Ce droit est, parmi les droits de la troisième génération, le moins affirmé.
Cela est peut être dû à son objet. En effet, le patrimoine commun de l’humanité,
dont l’expression a été lancée en 1967, n’a pas encore bénéficié d’une
reconnaissance générale. Il s’agit donc d’un droit embryonnaire. Peut-on en dire
autant du droit à la communication ?

d/-Le droit à la communication

C’est un droit qui fait obligation, en l’occurrence à l’Etat, d’assurer


l’information du citoyen et de favoriser l’accès à l’information. C’est un droit de
la personne humaine en ce sens qu’il permet à l’individu de connaître par
l’information son environnement, l’évolution et les problèmes de sa
communauté et donc être solidaire des événements et actions ayant cours au sein
de sa communauté. Il s’agit d’un droit dont l’importance est indéniable. Ceci est
d’autant plus vrai que son effectuation est exigée tant au plan international
qu’au plan national. Il en est de même du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes.

e/-Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

Contenu dans la CADHP, il implique que le peuple puisse disposer de


lui-même, c’est-à-dire avoir ses propres organes de direction sans que ces
organes subissent une quelconque influence de la part d’un autre peuple. En fait,
il s’agit d’un droit de combat élaboré par des peuples qui ont connu ou qui
continuent de connaître l’oppression ou qui sont sous l’emprise des Etats qui
disposent d’importants moyens matériels, financiers et militaires. C’est un droit
dont l’effectuation doit aboutir à l’indépendance des peuples. Mais, en quoi ce
droit est-il un droit de la personne humaine ?

La Charte africaine ne répond pas explicitement à cette question. On peut


se demander s’il s’agit d’un droit collectif ou d’un droit individuel. Plus
incisivement, on peut se demander s’il s’agit d’un droit de l’homme ou alors
d’un droit des peuples. C’est pour cette raison et bien d’autres que ce droit et
ceux qui ont été analysés précédemment ont fait objet de contestation.

Paragraphe 2 : La réfutation duale

Les droits dits de la troisième génération et ceux de la deuxième


génération ont fait l’objet de vives critiques de la part d’une frange de la
doctrine. C’est surtout les premiers citées qui ont été la cible de critiques
récurrentes, rigoureuses et vigoureuses. Ces critiques portent sur leur pertinence
et leur justiciabilité.

40
A- La réfutation de la pertinence des droits de la troisième génération

C’est Robert PELLOUX qui a formulé la critique la plus incisive sur


la pertinence des droits de la troisième génération. Pour lui, la liste des droits ou
« prétendus droit de la troisième génération » est composite. Certains se
rattachent, sans doute à l’idée de solidarité, et se rapprochent des droits
économiques et sociaux, d’autres ont un caractère essentiellement politique, et
ne se rattachent que par des liens tenus à l’idée de solidarité. Mais, écrit
l’auteur, « les uns et les autres s’éloignent de la notion traditionnelle de droit de
l’homme ». Pour le démontrer, R. PELLOUX procède à une analyse critique de
certains de ces droits.

Pour ce qui est du droit à l’environnement sain, il considère que c’est


un « droit trop flou et sa mise en œuvre est trop complexe ». Pour l’auteur, ce
droit met en cause trop d’intérêts privés à côté de l’intérêt public. R. PELLOUX
estime que c’est un droit qui « risquerait parfois d’entrer en conflit avec les
libertés fondamentales, celles de la première génération ».

Pour ce qui est du droit au développement, R. PELLOUX estime que


c’est un droit complexe parce qu’il est à la fois individuel et collectif, concerne
l’économie, la politique et même le culturel. Pour lui, la multiplicité des
problèmes abordés dans les travaux relatifs au développement suffirait de
montrer que l’on n’est pas en présence des droits de l’homme au sens strict du
mot.

Pour ce qui est du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’auteur


rappelle que ce droit a été formulé à partir de la révolution française comme un
principe de politique internationale lié au principe des nationalités. Il s’agissait
alors de s’opposer au principe de légitimité dont se réclamaient souvent les
dominations étrangères autocratiques.

Se posant la question de savoir si ce droit est un droit de l’homme ou


des peuples, R. PELLOUX soutient qu’il s’agit d’objectifs d’action politique et
que par conséquent, il paraît s’agir d’un droit des peuples. Encore que,
affirme-t-il, « d’un point de vue juridique », il serait « difficile de décider à
partir de quel moment l’on se trouve en présence d’un peuple susceptible de
revendiquer un droit, surtout lorsque ce peuple n’est pas homogène et n’a
jamais formé un Etat ».

L’auteur conclut donc en ces termes : « Le droit des peuples n’est


(donc) pas un principe de lutte bien établi, il s’agit encore pour l’essentiel d’un
principe de lutte porteur de la vision de l’avenir non réalisé ».

41
En définitive, R. PELLOUX estime que les droits de la troisième
génération ne sont pas pertinents en tant que droits de l’homme. Il se demande
pourquoi vouloir rattacher aux droits de l’homme les situations juridiques d’un
caractère tout à fait différent. Se rapprochant de J. RIVERO, il considère que
ce sont des « situations juridiques qui ne donnent pas la possibilité à l’homme
de se faire sanctionner par le droit ». L’auteur pose ainsi le problème de leur
juridicité et plus précisément, celui de leur justiciabilité.

B- La réfutation de la justiciabilité des droits de la troisième génération

Pour J. RIVERO, un droit, par définition, fait appel à quatre (04)


éléments ou critères: le titulaire, l’objet, le débiteur et la sanction qui permet
d’assurer le respect de ce droit. Il estime que ces critères font défaut aux droits
dits de la troisième génération.

Le titulaire des droits de l’homme, c’est l’homme c’est-à-dire l’être


humain ou la personne humaine. Tout homme et chaque homme, sans
discrimination, doit être considéré comme titulaire des droits de l’homme.

J. RIVERO considère que c’est à ce niveau que réside le fondement


des déclarations classiques, à savoir la dignité de la personne humaine. Il estime,
par exemple, que le droit des peuples pose problème quant à sa considération
comme droit de l’homme. Pour lui, la notion de droits par conséquent, la qualité
de sujet de droits de l’homme implique un seul et unique sujet : la personne
humaine. Par conséquent, la qualité de sujet des droits de l’homme reconnue aux
peuples ne peut que mettre à leur disposition des moyens pour le service de la
personne humaine.
Relativement à l’objet, J. RIVERO soutient que « tout droit confie à
l’homme une prérogative ou un pouvoir qu’il peut faire valoir auprès des
autres ; mais à condition que ce pouvoir ait un contenu précis et que son objet
relève du possible ».

Pour ce qui est des droits de la troisième génération, il estime que leur
objet est imprécis. Aussi s’interroge-t-il, quel contenu mettre au juste sous le
mot développement ? En réponse à cette question, il écrivit : « Un droit du
développement national et international, multiforme et mobile ; mais, un droit
au développement reconnu à l’homme ne serait qu’une formule sans contenu
précis ». Il ajoute qu’il en va de même du droit à un environnement protégé. Il
conclut alors en ces termes : « Le défaut de précision dans l’objet, le doute qui
pèse sur l’insertion dans le champ du possible de ces droits auxquels les
hommes aspirent, tout en cédant aux appels qui les en détournent, tout cela
prive les nouveaux droits d’un des caractères qui permettraient d’y voir
d’authentiques droits de l’homme ».

42
Quant au débiteur, c’est-à-dire celui auquel le droit est opposable, J.
RIVERO estime que, normalement, « lorsqu’un droit est contesté ou violé, sa
défense passe par son titulaire », par la détermination de la personne qui doit en
répondre. Pour l’auteur, si celui que le droit oblige demeure incertain, il parait
difficile d’organiser la protection de ce droit et d’en sanctionner la violation.
Ainsi, opposabilité et possibilité d’assurer la garantie qu’appelle le caractère
juridique des droits de l’homme sont intimement liés.

Pour J. RIVERO, « si le première fait défaut, la seconde se heurte à un


obstacle insurmontable. Il reste dans le domaine des vœux, hors du domaine du
droit ». Il en est ainsi, d’après lui, des droits de la troisième génération. L’auteur
conclut alors que l’impossibilité d’identifier les personnes qui doivent répondre
de la violation desdits droits rend tout aussi impossible leur aménagement
juridique ; ce qui les exclut de la sphère du droit.

Enfin, pour ce qui est de la sanction et plus précisément de la


justiciabilité des droits de la troisième génération, J. RIVERO soutient
que, « appliquer la qualification des droits de l’homme à des notions qui, par
leur nature, n’en relèvent pas, n’est pas seulement inutile pour la protection
effective des hommes contre les périls qu’on entend conjurer par-là », mais, est
aussi une extension notionnelle qui risque de jeter un doute sur sa nature. Aussi,
l’auteur soutient qu’il « n’est pas de droit au sens précis s’il est dépourvu de
sanction ». Ce faisant, il pense que les droits de la troisième génération ne sont
pas des droits dont la violation peut être contestée devant une insistance
juridictionnelle.

Que dire de cette critique dont la vigueur et la rigueur sont


incontestables, surtout qu’elles sont le fait d’un des grands maîtres du droit
public français ?

- D’abord, le problème des droits dits la troisième génération est


essentiellement occidentale. Pour l’occident, il s’agit des droits qui participent
d’un ensemble de revendications formulées par les Etats du Sud, qui n’ont pas
eu l’occasion, de fait leur statut, d’intervenir dans la sphère universelle pour
faire prendre compte leurs droits dans des textes de caractère contraignant ;
l’exception étant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

- Ensuite, parce que l’on a du mal, dans l’optique occidentale, à


considérer ces droits comme des droits individuels, cela facilite leur contestation
en tant que droits de l’homme.

- Enfin, on peut constater que, malgré cette contestation, ces droits

43
sont aujourd’hui reconnus et, dans une large mesure, garantis. La contestation
française, par exemple, a, dans son préambule, consacré le droit à un
environnement sain. La plupart des constitutions africaines ont consacré, soit
dans le préambule, soit dans le corps de leur constitutions, les droits de la
troisième génération, notamment le droit au développement et celui à un
environnement sain. De même, ces droits ont été consacrés par la Charte
africaine des droits de l’homme et des peules. La cour européenne des droits de
l’homme reconnu le droit à un environnement à travers le droit à une vie privée.

Que dire, au regard de ce qui précède, sinon qu’on à faire aux droits de
l’homme qui ont une double nature individuelle et collective, qui peuvent être
exercés individuellement ou collectivement. Par conséquent, il est possible que
leur violation fasse l’objet de contentieux devant les instances instituées par les
textes aussi bien au niveau national qu’au niveau international.

Aujourd’hui, le vrai problème est moins celui de leur reconnaissance


comme droits de l’homme que celui de leur connaissance par ceux qui en sont
titulaires, ainsi que la connaissance de ces derniers des voies de droit permettant
d’en sanctionner la violation. On pourrait, par conséquent, conclure, avec Karel
VASAK, que « les droits de la première génération (droits à la liberté), les
droits de la deuxième génération (droits de l’égalité) et les droits de la troisième
génération (droits à la solidarité), sont les trois générations de l’aventure
humaine et que, comme tels, ils doivent être considérés comme des droits
indissociables, égaux, qui méritent tous une égale dignité ». Il convient alors de
voir comment est-ce que ces droits et libertés sont reconnus (Titre 2).

TITRE II

LA RECONNAISSANCE DES DROITS ET LIBERTES

La reconnaissance des droits et libertés se fait à deux niveaux :


international et national.

CHAPITRE 1

LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE

La reconnaissance des droits et libertés au plan international est liée au


double constat que d’une part, l’Etat restait le cadre idoine d’organisation
juridique des peuples, mais qu’il pouvait se révéler insuffisant quant à la
protection efficace des droits de la personne humaine, et, d’autre part, que cette
consécration appelait une organisation pacifiée des nations.

44
C’est au regard de cette considération qu’il faut comprendre la
proclamation universelle des droits de l’homme (Section 1). En effet, elle
s’analyse comme la condition et le moyen de la paix et de la sécurité dans le
monde ; d’où la création de l’ONU et l’élaboration, en son sein, des textes qui
consacrent les droits de la personne humaine. Mais, cette consécration dans
l’ordre universel n’a pas suffi à garantir tous les droits inhérents à l’être humain.
C’est pourquoi des initiatives ont été prises dans l’ordre continental ou régional
et ont abouti à la proclamation des droits dans cet ordre (Section2).

Section 1 : La proclamation universelle

La proclamation universelle des droits de l’homme s’inscrit dans le cadre


déterminé par la Charte de l’organisation des Nations Unies du 26 juin 1945. Le
préambule de cette Charte proclame la foi des Nations Unies dans les « droits
fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine,
dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations,
grandes et petites ».

Par ailleurs, de nombreux articles de cette charte soulignent que le rôle


des Nations Unies est de développer, d’encourager et de favoriser « le respect
universel et effectif des droits humains et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

C’est sur cette base qu’ont été adoptés la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948, les deux pactes du 16 décembre
1966 ainsi que l’ensemble des conventions spécifiques relatives à certains
aspects de la protection des droits de l’homme.

Paragraphe 1 : La Déclaration universelle des droits de l’homme

L’idée d’une Déclaration de caractère universel des droits de l’homme


s’est imposée dès 1945 comme la réponse à un conflit aussi universel. En effet,
au regard des atrocités survenues lors de ce conflit, une proclamation des droits
de l’homme à l’échelle planétaire s’avérait nécessaire. C’est ainsi que la DUDH
va être adoptée à Paris le 10 décembre 1948. Dans cette déclaration, il y a
deux articles qui peuvent être considérés comme le socle de l’édifice. Ils
s’inscrivent, en effet, dans une philosophie libérale et individualiste des droits
de l’homme. L’article premier proclame que « tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droit (…) ». L’article 2 le complète en interdisant
toute discrimination dans l’accès aux droits.

A ce socle constitué des deux articles, viennent se greffer ce qu’on

45
pourrait appeler des « colonnes ». On peut citer, entre autres, les droits attachés à
la personne humaine que sont le droit à la vie, à la liberté, à la sûreté,
l’interdiction de l’esclavage, de la torture et des traitements inhumains et
dégradants ; les droits de l’individu dans ses rapports avec autrui tels le droit à la
vie privée (secret de la correspondance, respect de l’intimité, droit au mariage),
la liberté de circulation, le droit à l’asile, le droit à la nationalité, etc… ; les
libertés publiques et politiques fondamentales telles que la liberté de penser, de
conscience, de religion, de réunion, d’association et le droit de participer à la
direction des affaires de son pays ; enfin, les droits économiques et sociaux, tels
le droit au travail, à la santé, au logement, à un salaire égal, à un syndicat.

La Déclaration contient quelques originalités, notamment la consécration


des droits transversaux, lesquels ne peuvent être satisfaits dans le seul cadre de
l’Etat. Il en est ainsi du droit de quitter son pays, à l’asile, du droit de voir sa
personnalité juridique reconnue en tout lieu. Mais, il ne s’agit que d’une
Déclaration ; autrement dit, d’un acte juridique unilatéral qui ne s’impose par
juridiquement aux Etats. En tant que résolution, elle ne constitue qu’un acte de
valeur morale sans une quelconque « obligatoriété » juridique.

Seulement, la CIJ, dans sa sentence sur l’affaire du personnel


diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran rendue en 1981 a admis que
cette déclaration pouvait être considérée comme une règle coutumière. Qu’en
est-il des traités ?

Paragraphe 2 : Les traités relatifs aux droits de l’homme

La DUDH a été complétée dans le cadre des Nations Unies par des
conventions soumises à la ratification ou à l’adhésion.

Le travail d’élaboration a commencé en 1949 avec des séances


préparatoires ; il a abouti plus tard en 1966 à l’adoption de deux pactes, l’un
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; l’autre relatif aux droits
civils et politiques. D’autres conventions de caractère spécifique ont complété
ces pactes.

A. Les pactes internationaux de 1966


Les pactes de 1966 sont des traités à portée générale. Ils ont été adoptés
par l’Assemblée Générale des Nations Unies à l’unanimité le 16 décembre 1966.
Ils constituent l’expression de l’opposition entre les démocraties libérales et
socialistes.

1-Le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce

46
des droits sociaux : le droit au travail, une rémunération équitable, au logement,
à la santé.
Dans le cadre de cette consécration, la seule obligation initiale qui pesait
sur les Etats est de transmettre de façon régulière des rapports à un comité des
droits économiques, sociaux et culturels, composé de 18 experts indépendants.
Ce rapport doit indiquer les mesures que les Etats ont adoptées ainsi que les
progrès réalisés en vue d’assurer le respect des droits ainsi reconnus.

Depuis 2008, il existe un Protocole facultatif se rapportant au ce Pacte -


Résolution A/RES/63/117 le 10 décembre 2008 - qui institue un comité
compétent pour recevoir des communications individuelles ou groupales et
étatiques. Ce protocole a été ouvert à la signature en 2009 et est entrée en
vigueur le 05 mai 2013.

2-Pour ce qui est du Pacte relatif aux droits civils et politiques, il


regroupe ce qu’on pourrait appeler les droits individuels. On y retrouve les
libertés individuelles traditionnelles tels que le droit à la vie, à la sécurité, à la
liberté de conscience, d’expression, de droit de vote, etc.

L’un des intérêts majeurs de ce Pacte tient au fait qu’il a prévu une
procédure spécifique de garantie des droits consacrés, laquelle est confiée à un
Comité des droits de l’homme (v. art. 28 du Pacte).Quid des traités spécifiques ?

B. Les traités spécifiques


En dehors de la Déclaration de 1948 et des deux pactes de 1966, un
certain nombre de conventions ont été adoptées au sein du système des nations
Unies. Ces conventions ont une portée spécifique et non générale. En effet,
elles visent des droits ou des groupes d’individus en particulier. Elles ont une
portée ou un caractère catégoriel.

On peut citer, à titre d’exemple, la convention pour la prévention et la


répression du crime de génocide du 09 décembre 1948 ; la convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre
1965 ; la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes du 01 mars 1980 ; la convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ; la
convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989.

La proclamation internationale des droits de l’homme est également


régionale.

Section 2 : La proclamation régionale

47
La consécration régionale des droits de l’homme répond à un double
souci : d’une part, la recherche de l’efficacité en vue de pallier les insuffisances
des systèmes nationaux et universels, et, d’autre part, la recherche de la
spécificité, les problèmes régionaux n’ayant pas toujours la même configuration
que les problèmes universels.

Il sera étudié ici la proclamation des droits et libertés au niveau européen


et au niveau africain.

Paragraphe 1 : La proclamation au niveau européen

La proclamation des droits en Europe a été pendant longtemps l’apanage


du Conseil de l’Europe avant que l’UE ne s’y engage à son tour en reconnaissant
formellement les droits fondamentaux. Malgré cet engagement, la proclamation
européenne des droits de l’Homme trouve son unité substantielle et formelle
dans la convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre
1950(Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales), laquelle constitue un instrument juridique de référence aussi
bien du conseil de l’Europe que de l’UE.

Il existe en Europe d’autres instruments juridiques adoptés dans le cadre


de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe qui participent aussi
de la reconnaissance des droits de l’homme dans ce continent. Mais, il ne sera
abordé ici que la consécration des droits au niveau du conseil d’Europe et de
l’UE.

A- La proclamation au sein du Conseil d’Europe


En tant que œuvre fondamentale du Conseil d’Europe, la convention
européenne des droits de l’homme a un complément en matière des droits
sociaux, à savoir la Charte sociale européenne.

1-La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des


libertés fondamentales (CEDH)

C’est le 07 mai 1950 que le Comité des ministres du Conseil d’Europe


approuve le projet élaboré par les hauts fonctionnaires désignés pour la cause.
Ce projet est soumis à l’examen de l’Assemblée constitutive qui émet un avis
favorable par une recommandation en date du 27 août 1950. C’est le 04
novembre 1950 que la convention est signée au cours d’une réunion des
représentants des 13 membres du conseil tenue à Rome.

48
Les auteurs de la convention s’étaient fixés pour ambition de promouvoir
les objectifs de la DUDH du 10 décembre 1948 et du Conseil de l’Europe.

a)- Au plan juridique, la convention de 1950 procède de deux


préoccupations majeures : l’une normative et l’autre institutionnelle. Sur la plan
normatif, il s’est agi d’établir un ensemble de règles juridiques obligatoires qui
définiraient le contenu et l’étendue d’un certain nombre de droits civils et
politiques dont jouiraient à l’avenir toutes les personnes relevant des Etats
contractants. Sur le plan institutionnel, il s’est agi d’établir un organe
supranational ou intergouvernemental chargé de statuer sur les cas de violation
des droits consacrés par la Convention.

b)- Au plan politique, il s’est agi de faire de la convention un instrument


en vue de réaliser une union plus forte des Etats européens. La convention est
ainsi perçue comme un compromis entre les partisans de la solution
supranationale et les partisans d’une coopération intergouvernementale.
In fine, il s’est agi de promouvoir en Europe l’avènement d’une autorité
politique qui, sans être nécessairement d’un type supranational, aurait
néanmoins d’importants pouvoirs dans les limites de ses fonctions.

La convention européenne offre aux individus le bénéfice d’un contrôle


juridictionnel du respect des droits. Telle qu’elle est interprétée par la Cour
européenne, cette convention a donné naissance à ce que l’on appelle dans le
jargon des droits de l’homme le droit de la convention européenne. Que dire
de la Charte sociale européenne ?

2-La Charte sociale européenne

La Charte sociale européenne a été adoptée à Turin le 18 octobre 1961


dans le cadre du Conseil de l’Europe et est entrée en vigueur le 26 février 1965.
Cette charte était destinée à compléter la convention qui ne consacre
essentiellement que les droits civils et politiques. Elle énonce sept (07) droits
dits prééminents : le droit au travail, syndical, à la négociation collective, à la
sécurité, à l’assistance sociale et médicale, de la famille, des travailleurs
migrants.

Les droits que la Charte consacre sont, en principe, garantis aux seuls
ressortissants des Etats contractants. D’une manière générale, ces ressortissants
ne peuvent se prévaloir directement devant les juridictions nationales des
dispositions de ladite charte. La raison en est que les engagements qui y sont
contenus et auxquels les Etats ont souscrit, sont uniquement des engagements

49
interétatiques.

Soucieux de faire de la charte un instrument de référence en matière de


protection des droits sociaux, le Conseil de l’Europe a été amené à la rénover
tant substantiellement que procéduralement ou processuellement.

Pour la rénovation substantielle, le Protocole additionnel du 05 mai


1988, entré en vigueur le 04 septembre 1992, y a ajouté 4 autres droits : le droit
à l’égalité de chance et de traitement en matière d’emploi et de profession ; le
droit des travailleurs à l’information et à la consultation au sein de l’entreprise ;
le droit des travailleurs de prendre part à la détermination et à l’amélioration des
conditions de travail et du milieu de travail et le droit des personnes âgées à une
protection sociale

La Charte ainsi révisée a été adoptée le 03 mai 1996 et entrée en


vigueur le 01 juillet 1999. Elle réunit dans un seul traité les droits inscrits dans la
Charte de 1961 et le protocole de 1988.

Pour ce qui est de la rénovation procédurale, elle a eu pour effet de créer


une seconde procédure de contrôle de l’application de la Charte. La procédure
normale restant le contrôle par voie de rapport. Cette seconde procédure consiste
en un système de réclamation collective ; mais, le droit de réclamation n’est
ouvert qu’aux seules organisations.

Il existe depuis quelques années, une autre consécration européenne des


droits de l’homme qui est faite au niveau de l’UE.

B- La proclamation au sein de l’Union européenne


La reconnaissance des droits dans l’ordre communautaire européen s’est
opérée progressivement et l’on peut dire, au jour d’aujourd’hui, qu’il existe un
système communautaire européen de protection des droits de l’homme.

Mais, ce système reste encore très imparfait pour la raison essentielle qu’il
n’existe pas une voie de recours spéciale offerte aux individus pour la garantie
de leurs droits.

Aussi, la Convention de 1950 demeure, pour reprendre l’heureuse formule


du Doyen Gérard COHEN-Jonathan « l’épine dorsale de l’ordre normatif
européen » (Gérard COHEN-JONATHAN, Aspect européen des droits
fondamentaux, Montchrestien, Paris, 2002, p.204).

50
La consécration des droits et libertés au niveau de l’UE peut être abordée
sous trois (03) angles, lesquels constituent ses caractéristiques essentielles :

D’abord, la convention européenne des droits de l’homme est considérée


au niveau de l’UE comme la source formelle donc obligatoire de la protection
des droits et libertés, et non plus comme la source substantielle ou d’inspiration
donc non contraignante ;

Ensuite, cette consécration se caractérise par l’inscription du principe du


respect des droits fondamentaux dans le traité sur l’UE. Cette inscription s’est
faite de deux manières : d’une part, par la consécration de l’acquis jurisprudence
(v traité de Maastricht sur l’UE du 07 février 1992), et, autre part, par
l’affermissement normatif et institutionnel de la politique des droits
fondamentaux (v. Traité d’Amsterdam du 07 Octobre 1997, entré en vigueur le
1er mai 1999) ;

Enfin, cette consécration est marquée par la Charte des droits


fondamentaux. Adoptée à Nice le 07 décembre 2000, cette Charte traduit la
volonté de l’UE de se doter d’un catalogue des droits fondamentaux propres à
l’ordre communautaire, et susceptible de se voir conférer plus tard une valeur
constitutionnelle.

Cette Charte s’applique dans l’ordre juridique de l’Union dans le respect


des compétences et des tâches de la communauté et de l’union et du principe de
subsidiarité.

Par rapport à ce principe, la Charte ne s’applique pas dans l’ordre


juridique national dès lors qu’il s’agit d’une compétence des Etats membres.
Elle peut l’être uniquement lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre les droits de
l’Union.

Elle a, depuis l’adoption du traité de Lisbonne le 13 décembre 2007, une


valeur juridique contraignante. Elle donne un contenu précis aux droits
fondamentaux énoncés à l’article 6 paragr. 2 du traité sur l’UE et corps au
principe d’individualité ou d’indissociabilité des droits de l’homme en
rassemblant dans un seul texte les droits civils et politiques et des droit
sociaux. L’une des innovations de cette charte tient à l’insertion en son sein du
droit à une bonne administration.
Le problème des relations ou de l’articulation entre la charte et la
convention européenne se pose dans la mesure où leurs champs se recoupent,
notamment sur la matière des droits civils et politiques, surtout que dans ce
domaine, la charte s’est largement inspirée de la convention.

51
Pour éviter le risque de double standard et que la charte offre un niveau de
protection inférieure à celui de la convention, la charte a aménagé la coexistence
entre la convention et elle sur la base du respect de l’acquis de la convention tel
qu’interprété par la Cour européenne.

Cette normativité que réalise la Charte repose sur deux séries de


dispositions :

- premièrement, la charte contient une clause générale de limitation des


droits. C’est ainsi, par exemple, qu’elle a consacré la clause de renvoi à la
convention européenne et a prévu que si les droits qu’elle énonce
correspondent à des droits garantis par la convention, ils ont le même sens
et la même portée que ce que leur confèrent la convention et sa
jurisprudence ;

- secondairement, la charte contient une clause dite de non cumul, que l’on
appelle aussi clause de l’instrument de protection des droits de l’homme
le plus favorable. D’après cette clause, pour chacun des droits reconnus,
la charte ne peut restreindre la protection que d’autres instruments
nationaux ou internationaux lui ont accordée.
In fine, en l’état actuel, la charte ne change pas grand-chose à la situation
juridique existante notamment aux relations entre le droit communautaire et la
convention. Seule une articulation procédurale de la charte ou de la convention
permettra d’éviter une concurrence sur le terrain de la garantie des droits.

La proclamation des droits de l’homme dans l’ordre africain répond à une


toute autre logique.
Paragraphe 2 : La proclamation au niveau africain

La consécration africaine des droits et libertés est principalement le fait de


la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples du 27 juillet 1981 et
complémentairement des conventions spécifiques, qui proclament, notamment
les droits concernant la femme et l’enfant.

A- La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

C’est à l’occasion de la 16e session de l’OUA que fut adoptée la décision


115 au terme de laquelle le secrétaire général de l’OUA se voyait confier la
tâche d’organiser une réunion d’experts hautement qualifiés pour élaborer la
CADHP en 1979 à Monrovia.

Du 25 novembre au 16 décembre 1979, un groupe d’experts s’était réuni à

52
Dakar pour élaborer la première mouture de la charte ; la seconde, élaborée à
Banjul en juillet 1981, fut l’objet de débats au sein du conseil des ministres qui
allait par la suite soumettre le document à la conférence des chefs d’Etats et de
gouvernement.

Le 27 juillet 1981, lors de la 18è conférence tenue à Nairobi au Kenya,


la CADHP fut adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement sans
amendement. Elle entre en vigueur le 21 octobre 1986.

Cette Charte à trois caractéristiques :

Elle est originale, parce que marquée du sceau des particularités


africaines. On y retrouve, entre autres, les droits et les devoirs de l’individu,
ainsi que l’esprit communautaire ;

Elle est universelle, parce qu’elle prend en compte les textes


internationaux qui consacrent les DH, et s’efforce de réaliser une harmonie entre
d’une part les droits civils et politiques, et, d’autre part, les droits économiques,
sociaux et culturels ;

Elle est incomplète, pour la raison qu’elle a des omissions. A titre


d’exemple, elle ne consacre pas l’interdiction du travail forcé et obligatoire, les
garanties apportées à la personne privée de liberté et au traitement des détenus,
la protection de l’intimité, le droit de grève, l’interdiction des crimes et
génocides (lire Nestor Makaunzi Wolo, La CADHP : panacée ou placébo ?
UNESCO, Paris 1997 et Valère ETEKA YEMET, La CADHP).

Certes, la Charte a omis certains droits essentiels de la personne humaine,


mais lorsque l’on recense ce qu’elle consacre et qui fait l’objet de protection,
l’on est frappé par leur diversité laquelle rend toute tentative de typologie
difficile voir délicate. Doit-on pour autant se refuser à esquisser une
classification ? Que non !

Au regard de cette considération, on peut distinguer d’une part les droits


individuels, c’est-à-dire, les droits inhérents à l’individu et exercés pour
l’essentiel par lui, et, d’autre part, les droits non individuels, c’est-à-dire ceux
qui appartiennent au groupe, à la communauté ou à la collectivité.

1-Les droits individuels

Les droits consacrés et garantis par la charte semblent, à tout point de vue,
comparables à ceux contenus dans les textes internationaux de promotion et de
protection des droits de l’homme.

53
L’indifférenciation entre les droits de l’homme est consacrée par la
charte tant sur le plan substantiel que sur le plan de leur applicabilité.

a)-Sur le plan substantiel, prenant en compte l’évolution et la conception


universelle des droits de la personne humaine, la charte a consacré en même
temps les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et
culturels (ce qui n’est pas le cas dans d’autres textes).

Cette prise en compte simultanée est clairement formulée dans le


préambule de la charte en ces termes : « Les droits civils et politiques sont
indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur
conception que dans leur universalité (…); la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et
politiques ».

En réalité, l’affirmation de l’indissociabilité de ces deux catégories de


droits doit être appréhendée et comprise dans un contexte africain caractérisé par
la ruine, la paupérisation et la famine et les conflits de tout genre (ethnique,
interétatiques symétriques et asymétriques) ; une Afrique dépourvue de réels
services publics au service des hommes tant sur les plans économique, social
que culturel.

b)- Sur le plan de l’applicabilité ou de la justiciabilité des droits, la


charte ne fait pas de distinction entre les conditions de mise en œuvre des droits
civils et politiques et celle relatives aux droits économiques, sociaux et
culturels.

Cette indissociable constitue une règle de droit que les individus et autres
personnes peuvent toujours invoquer devant la commission africaine des droits
de l’homme et des peuples. Il en a été ainsi notamment dans la décision rendue
par cette Commission le 31 octobre 1998 dans l’affaire Kem Saro-Wiwa.

Les droits individuels sont contenus dans les articles 3 à 17 ainsi que dans
les alinéas 2 et 3 de l’article 18 de la charte.

Les articles 4 et 5 protègent l’intégrité de la personne humaine en


distinguant le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale, de l’interdiction
de toute forme d’exploitation et d’avilissement de l’homme. Il reste qu’il existe
encore en Afrique des pratiques qui portent atteinte à l’intégrité physique de la
personne ; c’est le cas des mutations sexuelles féminines (Lire à ce sujet B-R
GUIMDO et Alain Didier OLINGA, « l’Afrique et la lutte contre les
pratiques traditionnelles relatives à l’intégrité physique de la femme et de

54
l’enfant », in Cahier n° 7 de l’Institut de Droit européen des Droits de
l’Homme, Université de Montpelier 1, 1999 pp. 58-77).

L’article 5 confirme le droit au respect de la dignité inhérente à la


personne humaine en interdisant toute forme d’exploitation et d’avilissement.
La Commission a eu à faire application de cette disposition dans plusieurs
espèces (ex. Aff. Amnesty international c/ Zambie-Communication 212/98- et
aff. Media Rights Agenda c/ Nigeria de novembre 1999).

Il faut préciser que dans l’affaire Curtis Francis DOEBBLER c/ Soudan


(communication n°236/2000), la Commission a, à propos du respect de cet
article 5 ou de sa violation, affirmé que « l’interdiction de la torture et des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doit être interprétée dans
sa plus large acception pour englober autant de violences physiques et mentales
que possible ».

Mais, il faut dire que ce droit à la dignité est particulièrement fragile en


Afrique, il n y a qu’y observer les rapports que les chefs et autres supérieurs
entretiennent avec leurs collaborateurs ou subordonnés et du sort réservé par
certains hommes et/ou femmes à leurs conjoint(e)s.

L’article 6 consacre le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.


C’est ainsi que pour la commission africaine des droits de l’homme et des
peuples, « détenir des personnes sur la base de leur croyance politique en
particulier lorsqu’ aucun chef d’accusation n’a été porté contre elle, rend
arbitraire la privatisation de leur liberté » (Affaire Media right agenda contre
Nigéria de novembre 1999).

L’article 7 consacre le droit à la bonne administration de la justice. Ce


droit consiste en un droit à la saisine d’un tribunal, accompagné d’un droit à un
procès équitable ainsi que la consécration du principe de non rétroactivité des
lois en matière pénale. Cet article pose donc le problème du droit d’accès à la
justice (Lire B.R GUIMDO, « Le droit d’accès à la justice administrative au
Cameroun. Contribution à l’étude d’un droit fondamental », RRJ-1, 2008,
pp 453-498).

L’article 8 protège la liberté de conscience et de réunion, mais ne


consacre pas expressément le droit de changer librement de religion (sur les
questions relatives à la liberté de région lire B-R GUIMDO, « Réflexion sur les
assises juridiques de la liberté religieuse au Cameroun », in Les cahiers de
droit de l’Université Laval, Québec, Canada, Vol 4 n° 1, 1999, pp.791-819).

Enfin, l’article 14 protège le droit de propriété. Il faut dire que cette

55
protection a suscité des controverses lors des négociations en raison de sa forte
dimension idéologique ; c’est pourquoi cet article ne précise pas sa nature. Il est
d’une rédaction prudentielle au regard de la nature essentiellement
communautaire de la terre en Afrique, laquelle diminue la portée de ce droit qui
est, au fond, un droit individuel. La commission africaine a cependant eu à
préciser, notamment dans l’affaire Media Right Agenda sus-citée, que « le droit
à la propriété comprend nécessairement le droit de ne pas se faire enlever cette
propriété ».

Pour ce qui est des droits politiques de l’individu, ils sont énoncés dans les
articles 9 à 13. A titre d’exemple, l’article 9 traite du droit à l’information et à la
liberté d’expression. Dans l’affaire Amnesty international c/ Zambie
(communication 212/98), la commission africaine précise que « cette
disposition de la charte reflète le fait que la liberté d’expression est un droit
humain fondamental, essentiel à l’épanouissement de la personne, à sa
conscience politique et à sa participation aux affaires publiques de son pays ».

Par ailleurs, dans l’affaire Media Rights Agenda, la Commission a tenu à


préciser que « interdire des journaux spécifiques et faire mettre des scellés sur
leurs bâtiments sans donner la chance à leurs responsables de se défendre et
sans qu’ils soient inculpés au préalable, soit publiquement, soit devant une
instance judiciaire, revient à un harcèlement de la presse ; ce qui entrave
sérieusement la libre circulation de l’information ».

Pour la Commission, les lois nationales ne peuvent limiter l’exercice de


droit. Elle considère que les lois nationales ne devraient pas, comme en l’espèce,
avoir une préséance sur le droit international. A ce sujet, elle affirme, en
substance : « Les normes internationales des droits de l’homme doivent toujours
avoir la préséance sur les lois nationales qui les contredisent…contrairement
aux autres instruments internationaux des droits de l’homme, la charte africaine
ne contient pas de clause dérogatoire » (Aff. Media Rights Agenda).

Quant à l’article 10, il consacre le droit à la liberté d’association dont


l’exigence de respect par les Etats a été rappelée par la Commission dans
l’affaire Amnesty international c/ Zambie suscitée.

Pour ce qui est de l’article 12, il rappelle dans sa rédaction les


dispositions du PIDCP de 1996. Il consacre le droit de toute personne de
rechercher et de recevoir l’asile en terre étrangère. Mais, son paragraphe 3
semble redonner à l’Etat la liberté d’accorder ou non cet asile.

Enfin, l’article 13 consacre le droit à la libre participation de toute et à la


direction des affaires publiques de son pays par toute personne. Cet article

56
contient une disposition tout à fait innovatrice en ce qu’elle énonce le droit à
l’égal accès aux biens et services publics.

La charte contient, par ailleurs, des dispositions qui garantissent les droits
économiques, sociaux et culturels. Il s’agit des articles 15 à 18. Les droits
concernés sont, entre autres, le droit au travail (art. 15), à la santé (art. 16) et à
l’éducation (art. 17. A propos du droit à l’éducation, lire B-R GUIMDO, « Le
droit à l’éducation au Cameroun : mythe ou réalité ? », in Bulletin de
l’APDHAC n°2, 1998 pp. 6-7, et « Le droit à l’éducation au Cameroun :
Expressions juridiques et pratique d’un droit fondamental », in Juridis
périodique n°71, 2007, pp 54-62 »).

Relativement au droit à la santé, par exemple, il exige une prestation


effective de l’Etat. Pour la Commission dans l’affaire Ken Saro-Wiwa suscitée,
le respect de ce droit constitue pour les Etats une importante responsabilité.
Dans l’affaire Social and Economic rights Action for Economic and social
Rights (communication 155/96, décision du 27 aout 2001) dit affaire du peuple
Ogoni land, la commission dit en substance : « Le droit de jouir du meilleur état
de santé physique et mental possible, conformément aux dispositions énoncées
dans l’article 16 al. 1 de la charte africaine (ainsi que le droit à un
environnement global acceptable et favorable au développement) (…), oblige les
gouvernements à cesser de menacer directement la santé et l’environnement de
leurs citoyens ».

La Charte africaine ne consacre pas le droit au logement ; ce droit a plutôt


fait objet d’une protection par ricochet, la commission ayant procédé à une
interprétation extensive et constructive des articles 14, 16 et 18 de la charte.
C’est ainsi qu’elle affirme dans l’affaire Peuple Ogoni (Affaire social and
economic rights action center, communication 155 /96, décision du 27 août
2001) que, « bien que le droit au logement ou à l’abri ne soit pas explicitement
prévu au terme de la charte africaine (…), le droit à la propriété et à la
protection accordée à la famille empêche la destruction gratuite d’abri car
lorsqu’une maison est détruite, la propriété, la santé, et la vie de famille sont
négativement affectées en conséquence ».

In fine, tous les droits individuels consacrés par la Charte sont


sous-tendus par les principes de non-discrimination et d’égalité contenus dans
les articles 2 et 3.

La Charte consacre également des droits non individuels ou collectifs.

2-Les droits non individuels

57
La Charte africaine consacre, « in limine », dans son article 19, le droit,
considéré comme fondamental, de l’égalité des peuples et son corollaire
inévitable, le principe de l’égalité des droits des peuples. Par la suite, elle
proclame un ensemble de droits collectifs que l’on peut classer en deux grands
groupes : d’une part, les droits exigeant l’abstention de l’Etat, que l’on peut
qualifier de droits de la « collectivité-peuple », et, d’autre part, les droits
appelant une intervention ou une prestation de l’Etat, que l’on pourrait qualifier
des droits collectifs proprement dit.

Pour ce qui est des droits de la collectivité-peuple, on peut citer, le droit


des peuples à l’existence et à l’autodétermination et le droit des peuples à la
jouissance de leurs richesses et de leurs ressources naturelles.

Quant aux droits dits collectifs, il s’agit, entre autres, du droit au


développement, au patrimoine commun de l’humanité, à la paix et à
l’environnement satisfaisant et global.

La consécration du droit à la paix et à la sécurité par la charte est d’une


très grande signification dans un contexte africain qui se caractérise pour
l’essentiel, par des guerres, des génocides et des migrations politiques.

In fine, la Commission africaine, dans l’affaire Peuple Ogoni citée plus


haut, a eu à préciser « qu’il n’y a pas de droit dans la charte africaine que l’on
ne puisse mettre en œuvre (…) ; le caractère unique de la situation africaine et
les qualités spéciales de la charte africaine imposent une importante tâche à la
commission africaine ». Que dire des conventions africaines spécifiques ?

B- Les traités spécifiques relatifs aux droits catégoriels

L’article 66 de la Charte africaine des DHP prévoit l’adoption de traités


ou accords particuliers, en cas de besoin, pour compléter ses dispositions. C’est
ainsi qu’ont été adoptées, entre autres1, la Charte africaine des Droits et du
Bien-être de l’Enfant à Addis-Abeba le 11 juillet 1990 et le Protocole à la
Charte africaine des DHP relatif aux droits des femmes à Maputo le 11 juillet
2003.

1- La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant

1
Il y a aussi, la Charte africaine de la Jeunesse du 2 juillet 2008, la Charte africaine de la Démocratie, les
Elections et de la Gouvernance du 30 janvier 2007, la Convention de l’Union africaine sur la protection et
l’assistance aux personnes déplacées du 23 octobre 2009, et le Protocole à la Charte africaine des Droits de
l’homme et des Peuples, relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique du 28 janvier 2018.

58
D’après la Charte des droits et du bien-être de l’enfant, est enfant « tout
être humain âgé de moins de 18 ans » (article 2).

Cette charte consacre des droits qu’elle protège, créant ainsi des
obligations pour l’Etat et les parents. Par ailleurs, elle responsabilise l’enfant en
énonçant ses devoirs.

Les droits qu’elle consacre sont à la fois des droits généraux et des droits
spécifiques. Les droits généraux sont ceux reconnus à toute personne humaine.
Il s’agit, pour l’essentiel, des droits de la première, deuxième, troisième
générations.

Quant aux droits spécifiques, ils sont de plusieurs ordres. Il faut dire,
« prima facie » que, d’après la charte, tout doit être fait dans l’intérêt suprême de
l’enfant. Elle interdit donc toute discrimination à l’égard de l’enfant.

Au regard de ce qui précède, la charte reconnaît à l’enfant le droit aux


loisirs et aux activités récréatives et culturelles ; elle exige l’édiction de mesures
spéciales de protection pour l’enfant handicapé ; elle interdit toute forme
d’exploitation économique de l’enfant et de l’exercice d’un travail qui comporte
probablement des dangers ou qui risque de perturber l’éducation de l’enfant,
compromettre sa santé, son développement physique, moral, spirituel et social.
Elle exige que l’enfant soit protégé contre les abus et les mauvais traitements ;
elle exige l’institution d’une administration de la justice du mineur,
reconnaissant ainsi le droit à un traitement spécial pour tout enfant accusé ou
déclaré coupable d’avoir enfreint la loi pénale. Elle demande que la famille soit
protégée car elle est la cellule de base naturelle de la société.

D’après la Charte, aucun enfant ne peut être privé de son entretien en


raison du statut marital de ses parents.

La Charte reconnaît, par ailleurs, que l’enfant a droit aux soins et à la


protection par ses parents, qu’il a le droit à la protection contre des pratiques
négatives, sociales et culturelles, à la protection contre les conflits armés qui
affectent particulièrement les enfants.

Elle proclame la protection de l’enfant quant à l’obtention du statut de


réfugié ou pour l’enfant qui est considéré comme tel.

Elle consacre la protection et l’assistance sociale pour l’enfant séparé


d’avec ses parents, la protection de l’enfant contre l’apartheid et la
discrimination, sa protection contre toute forme d’exploitation ou de mauvais
traitements sexuels, sa protection contre la consommation illicite des drogues,

59
contre la vente, la traite, l’enlèvement et la mendicité.

Elle exige un traitement spécial pour les femmes enceintes et les mères de
nourrissons et de jeunes enfants accusés ou jugés coupables d’infractions à la loi
pénale.

La Charte a institué un comité sur les droits et le bien-être de l’enfant


chargée de promouvoir et de protéger les droits et le bien-être de l’enfant, de
suivre l’application des droits consacrés, de veiller à leur respect, d’interpréter
ses dispositions, de s’acquitter de toute autre tâche à lui confiée par la
conférence des chefs d’Etats et de gouvernement, le secrétaire général de l’UA
(le président de la commission de l’UA), tout autre organe de l’UA, ou encore
par les Nations Unies. A ce titre, le comité reçoit les rapports des Etats ainsi que
les communications de tout individu, groupes ou ONG reconnues par l’UA, un
Etat ou l’ONU. Enfin, il peut procéder à des investigations dans les Etats.

Que dire du protocole à la charte africaine des DHP relatif aux droits de la
femme ?

2-Le Protocole à la Charte africaine des DHP relatif aux droits de la femme

Le Protocole ci-dessus reconnaît et renforce les droits classiques et


consacre des droits particuliers pour les femmes.

Le Protocole consacre l’égalité dans le mariage, la séparation de corps, le


divorce et l’annulation du mariage, l’égalité devant la loi et dans la jouissance
du droit à la protection et au bénéfice de la loi. Il reconnaît à la femme le droit
de participer au processus politique et à la prise de décision dans son pays. Il
consacre la protection de la femme dans les conflits armés.

Il reconnaît à la femme le droit au contrôle des fonctions de reproduction


(le contrôle de fécondité, de la maternité, du nombre d’enfants, de l’espacement
de naissances, le libre choix des méthodes de contraception, le droit de se
protéger et d’être protégé contre les infections sexuellement transmissibles, y
compris le SIDA, le droit d’être éduqué sur le planning familial).

Le protocole reconnaît à la femme le droit à un environnement culturel


positif, le droit à un développement durable. Il reconnaît à la veuve le droit de
jouir de tous les droits humains, le droit à une part équitable dans l’héritage
des biens de son conjoint. Il lui reconnaît également le droit d’hériter comme
l’homme des biens de ses parents à part équitable. Il reconnaît aux femmes
âgées et aux femmes en situation de détresse une protection spéciale.

60
Enfin, le protocole reconnaît à la femme le droit à une réparation
appropriée si les droits et libertés qu’il lui reconnaît sont violés.

D’après le protocole, c’est la Cour africaine des DHP qui est compétente
pour connaître des litiges relatifs à son interprétation et qui découlent de son
application ou de sa mise en œuvre.

Que dire en définitive, sinon que la consécration des droits de l’homme


dans l’ordre international est diverse, mais que cette diversité n’a de sens que si
les Etats ont, par ailleurs, dans l’ordre interne, reçu les droits proclamés dans
l’ordre international ou alors les ont consacrés de façon expresse notamment
dans leur constitution.

CHAPITRE 2

LA RECONNAISSANCE NATIONALE

Le processus de reconnaissance nationale des droits de l’homme est à la


fois ancien, dans la mesure où il tire son origine de la Déclaration française des
DHC de 1789, et récent, pour la raison qu’on a assisté vers les années 1990 à sa
généralisation ou à sa réémergence.

De manière générale, la constitution en est le lieu de consécration et leur


aménagement est d’ordre infra constitutionnel.

Section 1 : La consécration constitutionnelle

La consécration constitutionnelle des droits et libertés se fait dans le


préambule et/ou dans le corps de la constitution.

Paragraphe 1 : Le préambule de la constitution

Le préambule de la constitution procède, notamment dans le cadre


camerounais, à deux types de consécration.

A- D’une part, on a une « consécration-adhésion » ou


« consécration-réception », dans la mesure où le préambule dispose clairement
que « le peuple camerounais (…) proclame solennellement son attachement aux
idéaux, aux droits de l’homme proclamés par la DUDH et dans les différentes
conventions relatives aux droits de l’homme régulièrement ratifiées » par le
Cameroun. Ce faisant, le préambule constitutionnalise les textes concernés et
surtout les droits qu’ils proclament.

61
B- D’autre part, on a une « consécration-énumération » ou
« consécration-institution », en ce que les droits et libertés que l’Etat doit
respecter et protéger sont nommément cités dans le préambule. Il s’agit,
globalement, des droits appartenant aux trois (03) générations des droits de
l’homme. On peut s’interroger sur leur opposabilité ou alors sur leur caractère
obligatoire. L’article 65 constitution camerounaise dispose à ce sujet que « le
préambule fait partie intégrante de la constitution ». Quid du corps de la
constitution ?

Paragraphe 2 : Le corps de la constitution

Le corps de la constitution contient peu de dispositions relatives aux droits


et libertés fondamentaux.

A- La consécration directe

D’après l’article 1er de la Constitution, le Cameroun est une République


indivisible, laïque, démocratique et sociale. Le titre I de cette constitution
consacre les principes fondamentaux de la démocratie libérale, en l’occurrence,
le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. D’après ce principe,
la souveraineté nationale appartient au peuple. Comme autres principes, on a le
suffrage universel égal et secret, enfin la liberté des partis et associations
politiques, qui concourent à l’expression du suffrage.

B- La consécration indirecte

La constitution consacre son titre 10 aux collectivités territoriales


décentralisées. Ce titre détermine, en effet, le régime constitutionnel de la
décentralisation, qui est en principe une certaine façon d’organiser l’Etat et la
République. En prenant en compte les libertés et la démocratie locale, la
décentralisation s’inscrit dans un mouvement de reconnaissance des droits et
doit se concilier avec le principe d’unité et d’indivisibilité de la République
énoncé à l’article 1er de la constitution.
Si la constitution consacre les droits de l’homme, elle ne les aménage pas,
cet aménagement est d’ordre infra-constitutionnel.

Section 2 : L’aménagement infra constitutionnel

La consécration des droits et libertés fait appel forcément à la mise en


place d’un régime de droits qui en garantit l’exercice. En effet, il est un truisme
que rares sont les droits de l’homme dont la seule consécration se suffit à
elle-même. Dans tous les cas, le législateur et le pouvoir réglementaire sont
amenés à intervenir pour en fixer le régime. Au cas où ils ne le font pas, le juge

62
s’en charge. Sous ce rapport, il sied d’examiner d’un part les normes
d’aménagement, et, d’autre part, les techniques d’aménagement des droits de
l’homme.

Paragraphe 1 : Les normes d’aménagement

Les droits de l’homme se particularisent par la concision de leur énoncé


constitutionnel. D’une manière générale, leur régime relève du champ de
compétence du législateur. Mais, il peut arriver que le pouvoir réglementaire y
intervienne.

A- Le principe : la loi

La délimitation matérielle du domaine de la loi telle qu’opérée par la


constitution camerounaise permet d’affirmer la compétence principielle du
législateur en matière d’aménagement des droits de l’homme.

L’article 26 de la constitution énonce clairement que la loi fixe les règles


relatives aux droits civiques, aux garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il procède, par ailleurs, à
l’énumération des droits devant être aménagés par le législateur. Qu’est-ce qui
peut justifier cette compétence principielle du législateur et quelle en est
l’étendue ?

Sur le premier point, plusieurs raisons peuvent être avancées.

D’abord en tant qu’elle exprime la volonté commune des citoyens au


profit de qui elle est établie, la loi constitue la norme de référence
d’aménagement des droits et libertés.

Ensuite, l’affirmation du conseil constitutionnel français dans sa décision


du 23 août 1985 selon laquelle, « la loi votée n’exprime la volonté générale que
dans le respect de la constitution », souligne à suffisance, qu’à contrario, la loi
que le parlement n’a pas votée mais qui a été adoptée par referendum peut
s’affranchir de tout contrôle de constitutionnalité.

Enfin, la garantie qu’apporte la loi, en ce qu’elle est une norme générale


et impersonnelle, fait d’elle la norme pertinente pour aménager les droits et
libertés.

Pour ce qui est du second point, à savoir l’étendue de la compétence du


législateur, lorsque la constitution dispose que la loi fixe les règles relatives aux
droits civiques et aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour

63
l’exercice des libertés publiques, elle consacre ainsi ce que l’on appelle une
réserve de loi. Cela signifie que la constitution réserve à la loi une compétence
exclusive en matière d’aménagement des droits et libertés fondamentaux en
interdisant au législateur de s’en séparer au profit d’autres organes.

Cette réserve de loi ne découle pas seulement de la clause générale


concernant les libertés, mais également de toute celles qui se trouvent dans ce
champ et qui figurent dans l’énumération de l’article 26 de la constitution, à
savoir : la nationalité, l’état et la capacité des personnes, le droit du travail, de
propriété et le droit syndical. Mais, il n’est pas exclu que le pouvoir
réglementaire intervienne dans l’aménagement des droits de l’homme.

B- L’exception : le règlement

L’article 26 de la constitution exclut, dans son principe, l’intervention du


pouvoir réglementaire, même en cas de carence du législateur. C’est dire que le
pouvoir réglementaire n’a pas compétence, normalement, pour aménager
directement les droits de l’homme. Pour cela, le pouvoir réglementaire n’est
compétent que pour prendre des mesures d’exécution des lois. Cela ne devrait
pas poser de problème dans la mesure où le pouvoir exécutif a une main mise
sur la loi. L’essentiel des projets de loi étant ceux qui aboutissent aux lois
aménageant les droits et libertés.

Le pouvoir réglementaire, et au-delà, le pouvoir exécutif, intervient donc


indirectement et de deux manières : à travers d’une part l’exécution des lois, et,
d’autre part, les projets de loi. Au demeurant, quelles sont les techniques
d’aménagement des droits de l’homme ?

Paragraphe 2 : Les techniques d’aménagement

En règle générale, on distingue trois (03) techniques d’aménagement des


droits de l’homme: le régime de la déclaration ou le régime déclaratif, le régime
de l’autorisation et le régime répressif.
A- Le régime de la déclaration

Dans le régime déclaratif, le citoyen exerce le droit sans avoir besoin


d’aucune autorisation. Mais, il faut qu’il fasse préalablement une déclaration à
l’autorité administrative compétente. Le but étant de mettre cette dernière en état
de veiller à ce que la loi soit respectée. Autrement dit, il s’agit pour le citoyen
d’informer l’administration, mais en même temps, d’apporter la preuve qu’il
remplit toutes les conditions exigées par la loi pour exercer le droit ou la liberté
sollicitée.

64
Le régime de la déclaration peut permettre à l’autorité administrative
d’interdire purement et simplement, bien sûr sous le contrôle maximal du juge,
l’exercice d’une liberté. Quid du régime de l’autorisation ?

B- Le régime de l’autorisation

Le régime de l’autorisation consiste à subordonner l’exercice d’un droit


ou d’une liberté à une autorisation préalable de l’autorité administrative
compétente. On le qualifie aussi de régime préventif pour la raison que
l’autorisation donnée avant tout exercice de la liberté vise à prévenir les
situations difficultueuses que peuvent susciter cet exercice.

L’autorisation préalable doit être en général plus libérale que l’interdiction


pure et simple. Surtout, elle présente une réelle utilité. En effet, certaines
activités ont un caractère dangereux et justifient que soient vérifiées les aptitudes
de celles et ceux qui veulent s’y adonner (exemple : le permis de conduire ou de
chasse).

In fine, le recours à l’autorisation préalable peut limiter certes l’exercice


des libertés, mais il permet aussi et surtout l’exercice des libertés dans le respect
de l’ordre public. Qu’en est-il du régime répressif ?

C- Le régime répressif

Le régime répressif est celui dans lequel la déclaration préalable n’est pas
exigée. Pourtant, de prime à bord, il est assimilé à la sévérité dans l’exercice des
libertés ou alors au régime le plus restrictif des libertés. Il s’avère cependant que
c’est un régime qui apporte à l’exercice des libertés des garanties indispensables.
C’est un régime qui connaît des sanctions, lesquelles doivent être
proportionnelles à la gravité des infractions commises. C’est au législateur qu’il
revient d’apprécier la nécessité des peines au regard des fonctions assignées à la
répression pénale.

C’est dire que dans le régime répressif, ce n’est que lorsque le citoyen
dans l’exercice de ses libertés a enfreint à la loi que des limites sont apportées à
l’exercice de ses libertés et que des sanctions sont édictées en son encontre, en
l’occurrence, par le juge pénal.

La constitutionnalisation des droits et libertés et leur aménagement


juridique ne peuvent avoir de sens que si chaque citoyen se voit assurer le
pouvoir de les exercer conformément au droit en vigueur. Si tel n'est pas le cas,
le droit concerné n'est qu'une barrière de papier ou un ornement de façade.

65
Aujourd’hui, cette garantie est assurée pour le juge que l’on qualifie de
gardien des droits et libertés. Mais, s’il est convenant de souligner l'importance
d’un juge dans la garantie des libertés, il est aussi indispensable de savoir qu'il
existe d'autres formes de garantie (Titre 3).

TITRE III

LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTES

Ce que l’on peut observer est que, la garantie des droits et libertés a
dépassé la sphère nationale. On la retrouve également dans l’ordre international,
bien que le juge national demeure, dans chaque Etat, compétent pour
sanctionner la violation desdits droits et libertés, en vertu du principe de
subsidiarité.

Il sied, au regard de ce qui précède, de distinguer d'une part la garantie


nationale (S/titre 1), et, d’autre part, la garantie internationale (S/titre 2) des
droits et libertés de la personne humaine.

66
S/TITRE 1
LA GARANTIE NATIONALE

La garantie des droits et libertés au plan national connaît une double


articulation: une garantie non juridictionnelle et une garantie
juridictionnelle.

CHAPITRE 1

LA GARANTIE NON JURIDICTIONNELLE

Au Cameroun, la garantie dont il s’agit est offerte notamment par


l'administration active et la Commission des Droits de l’Homme du
Cameroun (CDHC)2 qui se substitue de plein droit à la Commission nationale
des Droits de l’Homme et des Libertés créée par la loi n°2004/016 du 22 juillet
2004 (v. article 67.1 de la loi n°2019/014).

Certes, il existe d'autres institutions, notamment privées, qui contribuent à


cette garantie (associations et ONG et autres), mais elles ne pourront être
étudiées ici (sur l’ensemble de la question, lire Antoine Landry BOLOGO
ALOUMBE, La garantie non juridictionnelle des droits fondamentaux au
Cameroun, Mémoire de Master en droit public, Université de Yaoundé II,
2014, 99p.).

Section 1 : La garantie offerte par l’administration

II peut paraître paradoxale que l’administration, considérée, à tort ou à


raison, comme la principale institution qui viole les droits et libertés, ait en son
sein des organes ou autorités chargées soit de promouvoir, soit de protéger les
droits et libertés.

Il s'agit, en réalité, d'un paradoxe apparent car, la mission de l’Etat est,


fondamentalement, de préserver la primauté du droit ainsi que la promotion et
la protection des droits et libertés reconnus aux citoyens. Il existe donc en son
sein des autorités et/ou organes pouvant contribuer à la garantie des droits et
libertés. On peut citer notamment l’inspection du travail et les autorités
administratives habilitées à recevoir les recours administratifs.

Paragraphe 1 : L’inspection du travail

2
V. loi °2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission des
Droits de l’Homme du Cameroun qui se substitue aux dispositions antérieures, notamment celles de la loi
n°2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des
Droits de l’Homme et des Libertés et celles de la loi n°2004/004 du 13 avril 2010 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°2004/016 suscitée.

67
La mission de l’inspection du travail est définie notamment dans les
articles 139 et 140 du Code du travail (loi n°92/007 du 14 août 1992).

D'après l'article 139(alinéa l) dudit Code, «en cas de différend entre un


travailleur et un employeur, l'inspection du travail est saisie pour régler ledit
différend à l'amiable, en cas de conciliation entre les deux parties, elles ne
peuvent plus saisir la juridiction du travail, un procès-verbal est dressé à cet
effet. En cas d’échec de la tentative, l'inspection du travail dresse un
procès-verbal non conciliation».

L'article 140 dudit Code précise qu'en cas d'échec total ou partiel de la
tentative, l'action est introduite par déclaration orale ou écrite au greffe du
tribunal compétent par la partie la plus diligente.

Que dire de ces deux dispositions ? Simplement qu’il ne peut y avoir de


règlement juridictionnel en cas de conflits individuel travail sans que l’une des
parties ait préalablement saisie l'inspection du travail.

Au demeurant, le droit au travail, qui est le droit d’avoir un emploi et de


pouvoir le conservé, peut ainsi être protégé par ce mécanisme non juridictionnel.
C’est dire que la conciliation à laquelle procède l’inspecteur de travail entre un
employeur et son employé constitue un moyen décisif de préservation des droits
du travailleur, notamment son droit au travail.

Qu’en-est-il des autorités administratives adressataires des recours


administratifs?
Paragraphe 2 : Les autorités administratives adressataires des recours

L’autorité administrative (président de la République, Premier ministre,


ministre, gouverneur, préfet, par exemple) gère une structure administrative ainsi
que le personnel placé sous son autorité, applique les lois et règlements de la
République.
L'effectuation de cet ensemble de missions administratives peut générer
des situations conflictuelles. Quand de telles situations se produisent,
l'administré, le particulier ou l'agent doit, s’il entend formuler une contestation
ou une réclamation devant le juge administratif, saisir au préalable l’autorité
auteur de l’action ou du préjudice subi pour l’amener à y trouver une solution
administrative.
Cette saisine se fait au moyen de ce qu'on appelle le recours gracieux
préalable qui est adressé à « l’autorité auteur de l’acte attaqué» ou « celle
statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l’établissement

68
public en cause » (v. art. 17.1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs).
Ce recours a une triple finalité, d'abord il permet d'informer
l'administration de l'existence d'un litige. Ensuite, il permet d'engager une
conciliation entre l'administration et l'administré. Enfin, il justifie la saisine de la
juridiction administrative. C'est pourquoi on dit qu’il lie le contentieux.
Comme on peut le constater, le recours gracieux constitue l'un des moyens
non juridictionnels permettant de régler les cas de violation des droits et libertés
imputables à l’administration. Que dire de cette autre institution publique qu’est
la commission des Droits de l'Homme du Cameroun (CDHC)?
Section 2 : La garantie offerte par la Commission des Droits de l’Homme
du Cameroun
La Commission des Droits de l'homme du Cameroun (CDHC) a été créée
par la loi n° 2019/014 du 19 juillet 2019.
Cette loi détermine son organisation et son fonctionnement. Mais, il
faudrait, avant de procéder à une analyse substantielle de cette instance du point
de vue de son organisation (§1), de ses compétences (§2) de sa saisine et de ses
actes (§3), dire qu'il s'agit, selon la loi, d'une institution indépendante de
consultation, d’observation, d’évaluation, de dialogue, de conciliation et de
concertation en matière de promotion et de protection des droits de l’homme
dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière et qu’elle fait
également office de Mécanisme national de Prévention de la torture du
Cameroun (MNPT) (V. articles 1er et 2 de la loi n°2019/014).

Paragraphe 1 : L'organisation de la Commission

Les organes de la commission sont : une présidence ; une assemblée


générale des commissaires et un secrétariat permanent.

La Présidence comprend un Président et un Vice-président. Le Président,


qui représente la Commission dans tous les actes civils et en justice, assuré la
direction de la commission. Il est assisté d’un Vice-président qui assure les
missions qu’il lui confie et qui peut le suppléer en cas d’empêchement
provisoire ou d’indisponibilité temporaire.

Pour ce qui est de l’assemblée générale des commissaires, elle est l’organe
d’orientation et de délibération de la Commission (V. à ce sujet les articles 25,
26, 27 et 28 de la loi n°2019/014). Elle est présidée par le Président et
composée de l’ensemble des commissaires (15 membres dont le Président et le
Vice-Président), tous nommés par décret du Président de la République pour un
mandat de cinq (05) ans renouvelable une fois (V. les articles 12 et suivants de
la loi n°2014/014).

69
Pour l'accomplissement de ses missions, la Commission est dotée d'un
secrétariat permanent dirigé par un Secrétaire permanent nommé par décret du
Président de la République, qui exerce ses fonctions sous l’autorité du
Président de la Commission (V. les articles 29, 30 et 31 de la loi n°2019/014).

La Commission peut créer des antennes sur l’étendue du territoire de la


république (. article 2.3 de la loi n°2019/014).

Les ressources de la Commission, qui sont des deniers publics (V. article
46.1 de la loi n°2019/01), proviennent des dotations inscrites chaque année au
budget de l'Etat, des appuis provenant des partenaires nationaux et
internationaux, des dons et de legs (V. article 45 de la loi n°2019/014). Quelles
sont ses compétences ?

Paragraphe 2 : Les compétences de la Commission

La Commission a une triple mission : la promotion et la protection des


droits de l'homme et libertés ainsi que la prévention de la torture dans tous les
lieux de privation de liberté (V. articles 3 et suivants de la loi n°2019/014).

La promotion des droits de l’homme se fait au moyen de la


vulgarisation des instruments juridiques des droits de l’homme ; de la
sensibilisation du public sur diverses thématiques relatives aux droits de
l’homme ; de la recherche, l’éducation et la formation en matière de droits de
l’homme ; de la coopération en cette matière et du plaidoyer en faveur de
l’amélioration du cadre normatif et institutionnel de promotion des droits de
l’homme
Au titre de la mission de protection des droits de l’homme, la
Commission contribue à la consolidation de l’Etat de droit et à la lutte contre
l’impunité en matière de droits de l’homme. Elle le fait de plusieurs manières, à
travers notamment :

- le traitement des requêtes et dénonciations relatives aux allégations de


violation des droits de l’homme ;

- l’auto-saisine pour les faits portés à sa connaissance, qui sont de nature à


constituer des violations graves, récurrentes ou systématiques des droits de
l’homme ;

- le suivi de la situation des droits de l’homme ;

- les avis et conseils en matière de droits de l’homme.

70
Pour l’accomplissement de sa mission de protection des droits de
l’homme, la Commission peut demander aux autorités compétentes de procéder
à toutes perquisitions et exiger la présentation de tous documents ou toutes
preuves conformément à la législation en vigueur. Dans son Rapport de 2011,
CNDHL cite 22 administrations qui ont été saisies sans suite. Sont concernés,
les services de la police, les présidents des tribunaux, les procureurs de la
République et les ministres. On peut le comprendre car elle n’a pas de pouvoir
d’injonction.

Elle peut saisir le ministre chargé de la Justice des cas de violation des
droits de l’homme qu’elle a constatés.

Elle peut user du dialogue, de la médiation et de la conciliation entre les


parties dans les matières non répressives (civile, sociale, commerciale et
administrative).

Elle peut fournir une assistance en justice ou prendre des mesures pour la
fourniture de toute forme d'assistance, conformément aux lois en vigueur.

Elle peut procéder à des investigations dans le respect de la législation en


vigueur, notamment par l’effectuation des descentes nécessaires, l’accès à tout
lieu ou des cas de violation des droits de l’homme sont allégués, la collecte de
toutes informations nécessaires.

Elle peut aussi solliciter des autorités compétentes qu’il soit mis à fin aux
violations des droits de l’homme constatées.

Elle peut, le cas échéant, solliciter l’assistance des forces de l’ordre dans
le cadre de l’exercice de ses missions, conformément à la législation en vigueur,
intervenir devant toute juridiction en qualité d’amicus curiae et dans ce cas, une
requête écrite est adressée au Président de la juridiction compétente avant toute
décision au fond.

Enfin, elle peut participer au suivi de la mise en œuvre des


recommandations formulées par les mécanismes internationaux et régionaux des
droits de l’homme, y compris les organes de Traités ratifiés par le Cameroun.

En tant que Mécanisme National de Prévention de la Torture (MNPT),


la Commission effectue de visite régulières de tous les lieux de privation de
liberté ; engage un dialogue constructif avec les autorités chargées de
l’administration et de la gestion des lieux de privation de liberté ou toute autre
autorité et participe au suivi de la mise en œuvre des observations formulées par
le Sous-Comité de la Prévention de la torture des Nations Unies (V. article 8 de

71
la loi n°2019/014) .

Dans le cadre sa mission de prévention de la torture, la Commission


procède de manière régulière à des visites inopinées ou notifiées des
établissements pénitentiaires et de tout autre lieu de privation de liberté… ;
mène des entretiens privé , avec ou sans témoins, avec les personnes privées de
liberté, ou toute personne ou entité qu’elle estime appropriée ; formule des
recommandations à l’attention des autorités compétentes afin d’améliorer le
traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la
torture ; formule, à ,la demande du Gouvernement, des observations sur la
législation en vigueur ou sur les projets de loi en matière de prévention de la
torture ; participe au suivi de la mise en œuvre des observations formulées par le
Sous-Comité de la Prévention de la Torture, les Mécanismes Nationaux de
Prévention de la Torture étrangers et autres mécanismes nationaux, régionaux et
internationaux en matière de prévention de la torture (v. article 9 de la loi
n°2019/014). Quid de la saisine et des actes de la Commission ?

Paragraphe 3 : La saisine et les actes de la Commission

La Commission peut être saisie d’office (cf. affaire des neuf disparues
de Bépanda et affaire de l’assassinat d’une fillette de 06 ans par les adeptes
de Ma’alah à Douala) ou par toute personne physique ou morale, au moyen
d’une requête écrite ou verbale ; dans ce cas, un procès-verbal est dressé et doit
contenir l’identité et l’adresse du requérant et décrire sommairement la
violation alléguée (v. article 36.2 de la loi n°2019/014).

La saisine et la procédure devant la Commission est gratuite. Celle-ci


peut recourir à toute expertise nécessaire à ‘accomplissement de ses missions
(V. articles 38 et 39 de la loi n°2019/014).

Dans le cadre de ses activités, la commission délibère et dresse des


rapports.

Les actes pris par cet organisme sont de nature variée. Certains ont un
caractère décisoire (les délibérations), tandis que d'autres ont un caractère non
décisoire (avis, recommandations et rapports).

Les rapports, qui peuvent être annuels, spéciaux ou thématiques (V.


article 40.1 de la loi n°2019/014), sont des documents dans lesquels la
Commission fait le point sur ses activités de promotion et de protection des
droits de l'homme, ainsi que sur celles relatives à la prévention de la torture et
formule des recommandations et autres propositions.

La Commission dresse un rapport annuel sur l’état des droits de

72
l’homme au Cameroun qu’il adresse au Président de la République, au
Président du Sénat, au Président de l'Assemblée nationale, au Premier ministre,
au Président du Conseil constitutionnel, au Premier Président de la Cour
Suprême, aux Ministres en charge de la Justice, de l’Administration Territoriale,
de la Défense, de la santé publique et au délégué Général à la Sureté Nationale,
ainsi qu’à toute administration concernée (V. article 42.1 de la loi n°2019/014) .

Elle dresse également un rapport annuel sur la prévention de la torture


dans les milieux de privation de libertés qui est adressé au Président de la
République, aux Ministres en charge de la Justice, de l’Administration
Territoriale, de la Défense, de la santé publique et au délégué Général à la Sureté
Nationale, ainsi qu’à toute administration concernée (V. article 42.2 de la loi
n°2019/014)

Par ailleurs, il sied de préciser que les avis et recommandations de la


Commission sur la situation des droits de l’homme contenus dans les rapports
spéciaux ou thématiques sont transmis sans délais par son Président aux
autorités compétentes concernées, pour examen et suivi (V. article 41 de la loi
n°2019/014).

Les délibérations et recommandations ainsi que les avis et rapports de la


Commission sont rendus publics à la diligence de son Président., à l’exception
des recommandations et avis formulés à l’issue des visites des lieux de privation
de libertés qui sont exclusivement adressés aux autorités compétentes (V. article
40.2 de la loi n°2019/014).

Il faut dire, pour terminer, que la saisine et l'intervention de la


Commission n'excluent pas l’usage d’autres modes alternatifs et l'exercice par
les tiers de leur droit de saisine de l'instance juridictionnelle aux fins de
règlement des litiges relatifs à la violation des droits de l’homme par des
personnes publiques et/ou privées et des personnes physiques.

CHAPITRE 2

LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE

Que vaut un droit si l'on ne peut pas en exiger le respect ou faire constater
sa violation par un juge ?

Cette interrogation démontre à suffisance l'importance de la garantie


juridictionnelle. En effet, dans une société démocratique ou qui se proclame
comme telle, cette garantie constitue incontestablement le moyen le plus
efficace pour préserver les droits et libertés contre l'arbitraire du pouvoir d'Etat

73
et les agissements répréhensibles des citoyens.

Il s’agit d’une garantie diversifiée organiquement et matériellement. Il


existe, en effet, de nombreuses juridictions dont l’une des missions essentielles
est justement de sanctionner les cas de violation des droits et libertés.

Ces juridictions ont un fondement constitutionnel et sont organisées ou


aménagées par le législateur. On distingue ainsi d’une part la juridiction
constitutionnelle ou spéciale, et, d’autre part, les juridictions ordinaires.

Section 1 : La garantie offerte par la juridiction constitutionnelle


L'acte constituant du 18 janvier 1996 a consacré un organe distinct
chargé de statuer sur les questions relatives au respect ou à la méconnaissance
de la constitution. Il s'agit d'une véritable juridiction que la constitution
nomme Conseil constitutionnel.
Paragraphe 1 : La garantie antérieure : La Cour suprême
Seulement, elle n’est pas encore opérationnelle et comme le prescrit la
constitution elle-même, en attendant sa mise en place, la Cour suprême statue
en ses lieu et place (article 67 de la constitution).
Le Cameroun a connu depuis son indépendance de profondes
transformations structurelles qui ne sont pas sans incidence sur le mécanisme
de contrôle de la constitutionalité notamment de la loi.

La première constitution formelle du 4 mars 1960 ne connaît aucune


disposition relative à la juridiction constitutionnelle.

La loi constitutionnelle du 1er septembre 1961, qui institue l'Etat fédéral,


crée une Cour fédérale de Justice chargée, entre autres, de statuer sur les litiges
opposant les Etats fédérés à l'Etat fédéral et les Etats fédérés entre eux. Pour le
Prof. Franck Moderne, cette Cour « n’était pas investie de la mission de
contrôle de la constitutionnalité des lois» (Franck Moderne, «Les
juridictions constitutionnelles en Afrique», in Les Cours suprêmes en
Afrique ; Tome 2, sous la direction de Gérard CONAC. Paris, Economica
1989, p.13.)

Pour sa part, la constitution du 2 juin 1972 avait instauré une instance


juridictionnelle classique à savoir la Cour suprême et lui a donné des
attributions spécifiques de contrôle de constitutionalité (voir article 7. 10. 27).

A la lecture de cette Constitution, il ne se dégage pas de façon explicite


que cette Cour était chargée de protéger les droits et libertés fondamentaux. Il

74
est à noter que depuis 2018, la Cour suprême ne statue plus en lieu et place du
Conseil constitutionnel, qui est désormais fonctionnel.

Paragraphe 2 : La garantie actuelle : le Conseil constitutionnel

L’ineffectivité du Conseil constitutionnel a fait en sorte que la Cour


suprême était encore chargé jusqu’au début de l’année 2018 de statuer en
matière constitutionnelle. Tel n’est plus le cas, puisque le Conseil est
désormais fonctionnel depuis 2018.

Le Conseil constitutionnel a pour mission, entre autre, de statuer sur la


constitutionnalité des lois (V. article 46 et 47 de la Constitution), de veiller à
la régularité des élections présidentielle, des élections parlementaires, des
consultations référendaires (V. article 48.1 de la Constitution).

Il n’a pas pour mission explicite et directe de statuer les violations de


droits et libertés consacrés par la Constitution. Mais on peut subodorer qu'à
travers l’exercice des missions qui lui sont explicitement dévolues, il pourrait
agir comme le garant suprême dans l’ordre étatique des droits et libertés
consacrés ou reconnus dans la Constitution.

A ce jour, il n’a pas encore exercé une telle mission de garant des droits
et libertés. On peut espérer qu’il le fera dès l’occasion lui en sera donnée. Le
Conseil constitutionnel français ne l’a-t-il fait le 16 juillet 1971 dans sa
décision Liberté d’Association ? Les juridictions ordinaires garantissent aussi
les droits et libertés.

Section 2 : La garantie offerte par les juridictions ordinaires

D’après l'article 37 (2) de loi n°96/06 du l8 janvier 1996, « le pouvoir


judiciaire est exercé par la cour suprême, les cours d'appel et les tribunaux».

Cette disposition constitutionnelle constitue incontestablement la base


juridique originaire des juridictions ordinaires.

Le 29 décembre 2006, des lois ont été promulguées pour aménager les
juridictions instituées par la constitution.

Il faut entendre par juridictions ordinaires les juridictions de l’ordre


judicaire et celles de l’ordre administratif.

Au Cameroun, ces deux ordres de juridiction ne sont pas


organiquement distincts. En effet, ce qui tient lieu de juridictions
administratives ce sont des juridictions intégrées dans l'ordre judiciaire (tribunal

75
administratifs, situés dans les ressorts des cours d’appel et la chambre
administrative de la Cour suprême). Toutefois, cet ordre de juridiction jouit
d’une certaine autonomie fonctionnelle.

Il convient, au regard de ce qui précède, d'examiner, dans un premier


temps, la garantie offerte par les juridictions judiciaires et, dans un second
temps, la garantie qu’offre les juridictions administratives.

Paragraphe 1 : La garantie offerte par les juridictions judicaires

La garantie dont s’agit est un mécanisme de contrôle diversifié tant sur le


plan organique que fonctionnel. En effet, les juridictions judicaires sont
nombreuses tant au plan horizontal qu’au plan vertical.

Au plan horizontal, elles interviennent dans les domaines social, pénal,


civil et commercial. Sur le plan vertical, elles vont des juridictions de droit
traditionnel à la Cour suprême.

Au regard de ce qui précède, il convient d’examiner, dans un premier


temps les domaines d’intervention des juridictions judiciaires et, dans un second
temps, leur organisation.

A- Les domaines d’intervention

Les domaines d’intervention des juridictions judicaires sont, pour


l’essentiel, au nombre de quatre.

D’abord, les litiges entre personnes privées et personnes physiques. Il


appartient aux juridictions judiciaires d’assurer le respect des droits et libertés
dans les rapports de droit privé entre ces personnes. En général, ces juridictions
fondent leur intervention sur les notions de bonnes mœurs, d’ordre public et
d’abus de droit. Elles invoquent rarement les notions de droits de l’homme ou de
libertés fondamentales consacrées dans la constitution et aménagées par les lois.

Ensuite, les comportements des fonctionnaires publics accomplis lors de


la fonction ou à l’occasion de la fonction en cas de faute détachable de
service, de voie de fait, ou d’emprise irrégulière. On peut rattacher à cette
compétence les litiges qui portent sur le statut juridique des personnes privées
(état, capacité).

Puis, les litiges mettant en cause les personnes publiques. C’est ainsi que
les juridictions judicaires sont compétentes lorsque le respect de certaines
libertés individuelles (interdiction de réunions et de manifestations ; saisie des

76
journaux) et du droit de propriété est en jeu. Elles connaissent, de ce fait, du
contentieux pénal, du contentieux fiscal indirect, du contentieux de
l’indemnisation en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, du
contentieux des actes inexistants, du contentieux de l’appréciation de la légalité
des actes administratifs portant atteinte aux libertés individuelles ( juge pénal et
non juge civil).

Enfin, les tribunaux judiciaires connaissent des litiges concernant le


service public de la justice, en l’occurrence les litiges liés à son fonctionnement.

Ces différents chefs de compétences sont mis en œuvre dans le cadre


d’une organisation hiérarchisée.

B- L’organisation des juridictions judiciaires

Il existe à la base les juridictions de fond (juridictions traditionnelles, TPI,


TGI, Cour d’appel) et au sommet, la juridiction de cassation (la Cour suprême).
L’organisation des juridictions de fond est fixée par la loi n°2006/015 du
29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Quant à la Cour Suprême, son
organisation et son fonctionnement sont fixés par la loi n°2006/016 du 29
décembre 2006.

1- L’organisation des juridictions de fond

a)- Il existe, en principe, un TPI par arrondissement. Lorsqu’il siège


en matière sociale, il est complété conformément au Code du travail et applique
la procédure indiquée dans ledit code. Le TPI est compétent en matière pénale
pour juger les infractions qualifiées de délit.

b)-Pour ce qui est du TGI, il couvre territorialement le département.


Toutefois, suivant les nécessités de service, son ressort peut comprendre
plusieurs départements. En matière pénale, le TGI est compétent, entre autres,
pour juger les crimes et délits connexes, connaître des demandes de mise en
liberté formulées par toute personne détenue et renvoyée devant lui et des
infractions de sa compétence.

Il statue également en matière de torture (voir ancien article 132-bis du


Code Pénal et l’actuel article 277.3 de la loi n°2016/007 du12 juillet 2016
portant Code pénal- et TGI, Mfoundi, jugement n°176/crim. du 21 juin 1998 ;
TGI, Mfoundi, jugement n°195/crim. du 26 juin 1998 ; TGI, Haut-Nkam,
jugement du 27 février 2002 ; TGI, Mfoundi, jugement n°318/crim. du 26 aout
2003 ; TGI, Fako, jugement du 24 octobre 2005).

77
D’après la loi n°90/55 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions
et manifestations publiques, le président du TGI peut être saisi en cas
d’interdiction d’une réunion ou d’une manifestation par son organisateur. Il
statue par ordonnance dans un délai de 08 jours dès sa saisine. Les parties
entendues en chambre de conseil.

En matière non administrative, le TGI connaît d’une part de toute requête


tendant à obtenir l’interdiction à toute personne ou autorité d’accomplir un acte
pour lequel elle n’est pas compétente, et, d’autre part, des requêtes tendant à
obtenir l’accomplissement par toute personne ou autorité d’un acte qu’elle est
tenue d’accomplir en vertu de la loi.

c)-Pour ce qui est de la Cour d’appel, elle existe au niveau de la région.


Toutefois, suivant les nécessités de service, le ressort d’une cour d’appel peut
comprendre plusieurs régions.

La Cour d’appel est compétente pour statuer sur les appels interjetés ou
formulés à l’encontre des décisions autres que celles de la Cour suprême et les
siennes, et sur tout autre cas prévu par la loi. Il est ainsi en matière de torture : v.
CA, Adamaoua, arrêt du 27 janvier 2005 ; CA, Nord, arrêt du 4 février 2005.
Ses décisions peuvent faire l’objet de pourvoi en cassation devant la Cour
suprême.

Pour une connaissance et analyse de la jurisprudence des juridictions


judiciaires dans le domaine des droits de l’homme, et notamment en matière de
liberté de religion, via le droit social(lire B-R GUIMDO D., « La protection
juridictionnelle de la liberté de religion au Cameroun », in Revue droit et
culture n°42/2001/02, pp 39-56). Que dire de l’organisation de la juridiction de
cassation qu’est la Cour suprême ?

2-L’organisation de la juridiction (judiciaire) de cassation : la Cour


suprême

D’après la constitution, la Cour suprême est la plus haute juridiction en


matière judiciaire, administrative et des comptes. Elle est chargée de statuer
souverainement sur les recours en cassation admis par la loi contre les décisions
rendues en dernier ressort par les tribunaux et les Cours d’appel sur les actes
juridictionnels devenus définitifs dans tous les cas où l’application du droit est
mise en cause.

En cas de pourvoi recevable, la CS est compétente pour connaître des


demandes de mise en liberté introduites par la personne détenue. Tout acte
devenu définitif et entaché de violation de la loi peut lui être déféré par le

78
Procureur général près ladite cour, soit dans l’intérêt de la loi à son initiative,
soit sur ordre du MINJUSTICE, Garde des sceaux.

La cassation intervenue à la suite d’un pourvoi produit des effets à l’égard


de toutes les parties. Toutefois, en matière pénale, elle ne peut être prononcée
que dans l’intérêt de la partie définitivement condamnée.

Il convient de relever que la CS n’est plus seulement habilitée à prononcer


la cassation (juge du droit) et à renvoyer l’affaire devant une CA, elle est
désormais compétente, dans certains cas (matières pénale et administrative),
pour statuer au fond par l’évocation (juge du droit et du fait).

En définitive, la Cour Suprême peut connaître des pourvois relatifs au


contentieux de certains droits et libertés. C’est en son sein qu’a été instituée la
chambre administrative, l’une des composantes de la juridiction administrative,
mais surtout, organe juridictionnelle suprême en matière administrative.
Paragraphe 2 : la garantie offerte par les juridictions administratives

Au Cameroun, les juridictions administratives, ou ce qui en tient lieu, sont


prévues par la constitution (voir article 38, 40,42). Elles sont composées d’une
chambre administrative au sein de la cour suprême, juge administratif suprême,
et des tribunaux administratifs situés dans les régions, notamment dans le ressort
des cours d’appel.

Comme on peut le constater, ces juridictions sont (encore ou toujours,


c’est selon), pour l’essentiel, organiquement (organes unipersonnels et organes
pluripersonnels) inféodées à l’ordre juridictionnel judiciaire de la base au
sommet.

Après l’adoption le 29 décembre 2006 des lois sur l’organisation judicaire,


la cour suprême et les tribunaux administratifs et leur entrée en vigueur, et
compte tenu du fait que toutes les juridictions administratives inférieures,
notamment, n’étaient pas toutes opérationnelles, des ajustements aménagements
avaient été opérées pour assurer la continuité du service public de la justice.

C’est ainsi que dans le domaine du contentieux administratif, l’Assemblée


plénière, supprimée par la constitution et les lois de 2006, avait été chargée, par
une ordonnance du premier président de la cour suprême, d’apurer les affaires en
instance devant elle tandis que la chambre administrative était chargée, en
application des dispositions transitoires des lois n°2006/016 du 29 décembre
2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la cour suprême et
n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement
des tribunaux administratifs, d’examiner en lieu et place des tribunaux

79
administratifs les affaires relevant de la compétence de ces derniers, en attendant
leur mise sur place effective, en même temps qu’elle devait statuer, comme juge
d’appel et de cassation, conformément aux dispositions desdites.

Cette transition s’est caractérisée à ses débuts par des hésitations et


incertitudes jurisprudentielles. Ce qui n’était pas très rassurant pour la garantie
de l’Etat de droit (V. affaire SDF/Etat du Cameroun, objet de l’ordonnance de
sursis n°01/OCE/CA/CS/2009 du 23 janvier 2009).

Depuis le mois de septembre 2013, les tribunaux administratifs sont


devenus opérationnels pour les matières autres qu’électorales. La nomination
des chefs de sections en leur sein au mois de décembre 2013 a accéléré cette
opérationnalité, leur permettant ainsi d’exercer toutes leurs attributions.

Deux points vont être examinés ici : d’une part, le champ de compétence
de la juridiction administrative et, d’autre part, les principaux recours
contentieux qu’elle peut recevoir.

A- Le champ de compétence

En gros, la juridiction administrative est compétente pour connaître, entre


autres, du contentieux de la fonction publique ; du contentieux des contrats
administratifs et des concessions de services public ; du contentieux foncier et
domanial pour les aspect relevant du droit public; du contentieux de la
responsabilité administrative non contractuel ; du contentieux de
l’annulation (en premier et dernier ressort, le tribunal administratif ; et en
cassation la chambre administrative); du contentieux électoral municipal et
régional (en premier ressort, le tribunal administratif et en appel la chambre
administrative de la cour suprême) ; du contentieux électoral au sein des
chambres consulaire (chambre d’agriculture… et chambre de commerce… : les
règles contentieuses y relatives, fixées par deux décrets, sont d’une
imprécision et d’une confusion regrettables, pour ne pas en dire plus).

Le juge administratif s’est souvent trouvé dans des situations où le


règlement du litige à lui soumis n’était pas prévu par la loi. Il a alors été amené
dans ces cas à déterminer son champ de compétence, soit en l’élargissant, soit en
le restreignant.

Tous les contentieux qui sont soumis au règlement du juge administratif


concernent directement ou indirectement les droits de l’homme et les libertés
publiques. Quid des recours pouvant être utilisés pour engager de tels
contentieux ?

80
B- Les principaux recours contentieux

Les principaux recours contentieux ou juridictionnels susceptibles d’être


adressés au juge administratif sont : le recours pour excès de pouvoir et le
recours de pleine juridiction.

1-Le recours pour excès de pouvoir est un procès fait à un acte. Il


participe ainsi de ce que l’on appelle le «contentieux objectif ». Il concerne aussi
bien la légalité interne que la légalité externe de l’acte administratif.

2-Quant au recours de pleine juridiction, c’est un procès fait à


l'administration. Il porte en effet, sur une situation juridique individuelle à
laquelle prétend le requérant ; à ce titre, il participe de ce que l’on appelle le
« contentieux subjectif ».

Le recours pour excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction


exigent au préalable l'introduction d'un recours gracieux auprès de l’autorité
administrative compétente, notamment celle qui a pris l’acte querellé ou celle
habilitée à représenter la collectivité publique en cause, ainsi que le respect de
certaines conditions de recevabi1ité externe et/ou interne (conditions liées à la
personne : capacité qualité et intérêt ; conditions liées au temps ; compétence).

Par ailleurs, le requérant peut solliciter dès l’introduction de son recours


gracieux, un sursis à exécution ou un référé administratif, qui constituent des
mesures provisoires ne pouvant préjudicier au fond ou au principal, en
attendant l’expiration des délais légaux impartis à l’administration pour lui
répondre (Sur ces questions, lire B-R. Guimdo Dongmo, Le juge administratif
camerounais et l’urgence. Recherches sur la place de l’urgence dans la
contentieux administratif camerounais, Thèse de Doctorat d’Etat en Droit
public, Université de Yaoundé II, 2004, 610p.).

Les décisions de la juridiction administrative peuvent faire de recours en


rétractation (opposition, tierce opposition, révision, recours en rectification
d’erreur matérielle auprès du tribunal administratif qui les a rendues) ou de
recours en reformation (appel et cassation avec évocation auprès de la
chambre administrative de la cour suprême).

Il se dégage de ce qui précède que la juridiction administrative est,


incontestablement une garantie importante pour les droits et libertés à travers le
règlement des litiges administratifs (sur l’ensemble de la question avec des
éléments de jurisprudence, cf., entre autres, B-R Guimdo Dongmo, « Le droit
d’accès à la justice administrative. Contribution à l’étude d’un droit
fondamental », Revue africaine des Sciences juridiques de la Faculté des

81
Sciences juridiques et politiques de l’Université de Yaoundé II, Vol. 4, n°1,
2007, pp. 169-216 et Revue de la Recherche Juridique/Droit Prospectif,
2008-1, 2008, pp.453-498 ; Cours de Droit administratif général2, L 2,
Université de Yaoundé II, 2022/2013 ; Cours de Contentieux administratif,
ENAM, AJA1, 2022/2023).

Ainsi, le juge administratif a eu, en matière électorale, à donner un sens au


droit de vote (v. CS/CA, jugement n°59 du 18 juillet 1996, EPALE Roger et
CS/CA, jugement n°60, NGUEYONG Moussa).

Dans le même ordre d’idées, il s’est montré attentif à la liberté d’aller et


venir, ainsi qu’à l’intégrité physique et morale des citoyens (cf. arrêt
n°98/CFJ/CAY, 27 janvier 1970, OBAM ETEME Joseph et jugement
n°12/CS/CA, 28 janvier 1982, Dame BINAM née NGO NJOM fidèle). Il en
fait de même pour la liberté de conscience et de religion (cf. ordonnance
n°02/PCA/CS, 26 octobre 1994, Eglise presbytérienne du Cameroun EPC
c/Etat du Cameroun).

La juridiction administrative ainsi que les autres juridictions nationales


(judiciaires et constitutionnelle) sont, en vertu du principe de subsidiarité, celles
qui doivent être saisies avant tout recours aux instances internationales, qui ne
sauraient un « premier degré de juridiction », pour reprendre la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples, sauf si le justiciable est dans
l’impossibilité d’épuiser les voies de recours internes, qui doivent, selon les cas,
exister ou être disponibles, utiles et adéquats : application du principe de
substitution ou de suppléance.

C’est dire, in fine, que la garantie des droits et libertés a également une
dimension internationale : application du principe de complémentarité.

S/TITRE 2

LA GARANTIE INTERNATIONALE

La garantie internationale des droits et libertés est double, mais elle ne


peut pas être mise en œuvre en même temps (interdiction de recours parallèle).
On a d'une part la garantie régionale et, d’autre part, la garantie universelle.

CHAPITRE 1

LA GARANTIE REGIONALE

82
Il existe une pluralité de mécanismes régionaux de garantie des droits et
libertés. Mais, l'on ne s'intéressera dans le cadre de du présent cours qu'aux
systèmes européen et africain de garantie.

Section 1 : Le système européen de garantie

Le système européen de garantie des droits et libertés institué par la


convention de 1950 est en perpétuelle transformation. Certaines transformations
sont mineures, tandis que d'autres sont importantes.

Jusqu'en 1994, ce système reposait sur trois organes : la commission, la


Cour et le comité des ministres. Cet arsenal organique a été modifié par le
Protocole n° 11 adopté le 11 mai 1994 et entré en vigueur le 1er novembre
1998. Il s’est agi, à travers ce protocole, de remédier à la lenteur de la procédure
due à la surcharge des organes de contrôle.
La réforme opérée par le Protocole n°11 avait pour finalité le
renforcement de la cohérence du système européen de protection des droits et
libertés. La recherche de l’efficacité a conduit les Etats membres à remplacer les
trois organes existant par un seul organe permanent ayant pour mission de
protéger les droits de l’homme en Europe. Cet organe est la cour européenne des
droits de l’homme dont il convient d’examiner l’organisation et le
fonctionnement, les règles de saisine et les décisions.

Paragraphe 1 : L’articulation de la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour se compose d’un juge par Etat partie à la convention. Elle


fonctionne de manière permanente, elle siège en comité, en chambre et en une
grande chambre.

La Cour est chargée d’examiner toutes les questions relatives à


l’interprétation et à l’application de la convention et de ses protocoles.

Les recours peuvent être introduits devant la cour par toute personne ou
par tout groupe de personnes et par les Etats.

Le mécanisme institué par le protocole 11 en la matière a pour finalité de


décourager ceux qui auraient tendance à introduire des requêtes fantaisistes ne
présentant aucune chance de succès.

Toute requête enregistrée par la chambre de la cour est confiée à un juge


rapporteur, puis examinée par un comité de trois juges comprenant le juge
rapporteur.

83
En général, une audience a lieu devant la chambre et les parties présentent
leurs observations par écrit. La chambre peut se mettre à la disposition des
parties en vue d’un règlement amiable.

Les arrêts rendus par la chambre peuvent être contestés par les parties qui
peuvent demander le renvoi de l’affaire devant la grande chambre. La tierce
intervention est possible aussi bien au niveau de la chambre que de la grande
chambre.

La cour peut à tout moment de la procédure décider de rayer une question


ou une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure. Elle
peut décider sa réinscription lorsqu’elle estime que les circonstances la justifient.

La procédure suivie devant la cour est contradictoire, l’audience est


publique, à moins que la cour n’en décide autrement en raison des circonstances
exceptionnelles. Que dire de sa saisine et de ses décisions ?

Paragraphe 2 : La saisine et les décisions de la Cour

La cour est une juridiction internationale indépendante, elle a une


plénitude de compétence fondée sur l’article 45 de la Convention qui dispose
que la cour a compétence pour « toutes les affaires concernant l’interprétation et
l’application » de la convention et des protocoles additionnels.

La saisine de la cour est une opération « étapiste » qui commence par la


procédure devant elle et s’achève par l’exécution de ses arrêts après la décision
au fond.

Les arrêts rendus par la Cour interviennent à la suite de la constatation, de


la violation ou alors par l’établissement des manquements de l’Etat à
l’obligation qui lui est faite de les réparer. Ils sont définitifs et contraignants.
Quant à leur exécution, elle se fait sous la surveillance du comité des ministres
du Conseil de l’Europe. Il faut dire que la pratique en la matière atteste de
l’efficacité collective des arrêts rendus par la cour.

Alors qu’elle avait rendu 837 arrêts en près de quarante ans d’existence, la
Cour en avait rendu 1500 pour la seule année 2007. Le nombre d’affaires
pendantes à la même date était d’environ 95 000, contre 7 771 en fin 1998.

La jurisprudence de la Cour s’est ouverte à des domaines nouveaux


comme la bioéthique, l’environnement ou l’éducation. Elle a affirmé sa
jurisprudence en matière de protection des étrangers y compris dans le contexte
de lutte contre le terrorisme. Quid du système africain de garantie ?

84
Section 2 : le système africain de garantie

Pour promouvoir les droits et libertés et assurer leur protection en Afrique,


la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHL) a institué une
commission africaine des droits de l’homme et des peuples ; et pour compléter et
renforcer l’action de cette commission, un Protocole à la Charte adopté à
Ouagadougou au Burkina Faso en 1998, a créé une cour africaine de droits de
l’homme et des peuples. Il convient d’examiner d’une part le système de
garantie institué par la charte, et d’autre part le système de garantie consacré par
le protocole à la charte.

Paragraphe 1 : le système institué par la Charte africaine des droits de


l’homme et des peuples

La mission de protection des droits et libertés par la commission consiste


en l’examen des communications ou plaintes des Etats parties à la charte et
d’autres communications ou plaintes provenant des personnes physiques ou
morales. Cette mission de protection est assurée selon une certaine procédure et
soumise à certaines conditions.

A- La procédure d’examen des communications

La procédure s’articule en six étapes :


● la plainte est adressée au Secrétaire de la commission dont le siège est à
Banjul (Gambie) ;
● le secrétaire transmet la plainte à la commission qui décide si elle est
acceptable et recevable ;
● si la plainte est jugée recevable, la commission la porte à la connaissance
de l’Etat mis en cause avant tout examen au fond ;
● lors de l’examen des plaintes, la commission s’inspire non seulement des
principes énoncés dans la charte, mais également des principes reconnus
des droits de l’homme en particulier ceux énoncés dans les instruments
juridiques internationaux ;
● la Commission ne rend pas de décisions contraignantes, elle n’en a pas
l’autorité ;
● les conclusions et recommandations doivent être communiquées à la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine.

Que dire l’examen de l’acceptabilité et de la recevabilité ?

85
B- L’acceptabilité et la recevabilité des communications

La commission a eu à dégager un certain nombre de conditions


d’acceptabilité, préalable à l’examen de la recevabilité des communications.

1- L’acceptabilité de la communication

L’acceptabilité relève du rapporteur. Ainsi :


- ne peuvent être acceptées que les communications mettant en cause un
Etat membre de l’Union. C’est ainsi qu’a été déclarée inacceptable, une
communication introduite contre les USA ;
- ne peut être acceptée une communication contenant des informations
manifestement erronées sur la personne du plaignant. C’est ainsi qu’a été
déclarée inacceptable, une communication dans laquelle le plaignant
affirmait qu’il était Maréchal dans l’armée nigériane alors que le plus
haut grade dans cette armée est celui de Général ;
- est également inacceptable une communication dont l’examen laisse
manifestement penser que le plaignant n’est pas mentalement équilibré.
C’est ainsi qu’a été déclarée inacceptable la communication d’un
camerounais qui affirmait qu’il était pourchassé partout où il allait par le
gouvernement camerounais. Pour la commission, ces propos montraient
que le plaignant n’était pas mentalement équilibré (V. Amuh c/Cameroun,
communication n°106/93 de décembre 1993) ;
- est inacceptable, toute communication qui délibérément omet de se référer
à la Charte africaine.

Lorsque la communication est déclarée acceptable, la Commission statue


sur la sa recevabilité.

2- La recevabilité de la communication

Il peut arriver que la Commission avant de statuer sur la recevabilité,


suggère des mesures conservatoires si elle constate qu’une communication porte
sur une situation urgente susceptible de causer un préjudice irréprochable à la
victime présumée (V. affaire Kem Saro-Wiwa c/ Nigeria, du 31 décembre
1998).

La Commission peut également prendre contact avec l’Etat mis en cause


pour l’adoption des mesures conservatoires, si elle constate qu’une ou plusieurs
pétitions révèlent l’existence de violations graves et massives des droits de
l’homme.

Les conditions de recevabilité sont au nombre de sept :

86
- l’auteur doit indiquer son identité même s’il souhaite garder l’anonymat ;
- la requête doit être compatible avec la charte africaine des DHP et l’Acte
constitutif de l’Union africaine.
- la communication ne doit pas contenir des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’Etat en cause, de ses institutions ou de l’Union
Africaine ;
- la communication doit être postérieure à l’épuisement des recours
internes, s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission
que la procédure des recours internes se présente de manière anormale ;
- la communication doit être introduite dans un délai raisonnable courant
depuis l’épuisement des voies de recours internes ou depuis la date
retenue par la commission comme faisant commencer à courir le délai de
sa saisine ;
- la requête ne doit pas concerner les cas qui ont été réglés conformément,
soit aux dispositions de la Charte des Nations unies, soit de celles de
l’Acte constitutif de l’UA, soit aux dispositions de la Charte africaine des
DHP (Voir communication n°69/92 Amnesty international c/Tunisie) ;
- la communication ne doit pas se limiter à rassembler des nouvelles
diffusées uniquement par les moyens de masse ;

La Commission fonde sa décision de recevabilité sur l’interprétation de


ces sept conditions et par référence à son Règlement intérieur, après quoi, elle
procède à l’examen au fond des communications.

C- Le fond des communications

Lorsque la recevabilité est admise, la Commission en avise les parties et


les informe de la date à laquelle la communication sera examinée au fond. Dans
le cadre de cet examen, elle peut envoyer des missions pour mener des enquêtes
dans les Etats mis en cause. Elle peut également, si la plainte revêt une situation
urgente, inviter l’Etat concerné à soumettre un rapport provisoire sur la mise en
œuvre des dispositions de la Charte qui semblent avoir fait l’objet de violation.

Une fois que la Commission a pris la résolution sur le fond, elle peut faire
des recommandations à la Conférence des Chefs d’Etats et Gouvernement de
l’UA. Si celle-ci lui en donne l’autorisation, elle peut rendre publique les
violations des droits de l’homme commises par les Etats parties mis en cause.
Mais, elle n’est pas habilitée à exécuter ses recommandations contre les Etats
qui violent la Charte.

La Commission a su répondre efficacement à son mandat de protection


des droits garantis par la CADHP, aussi bien en matière de contentieux des
droits civils et politiques, qu’en matière de contentieux des droits économiques,

87
sociaux et culturels, et des droits de solidarité.

La mission de la Commission étant d’examiner la compatibilité des lois et


pratiques nationales avec la CADHP et les autres instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l’homme, elle a donc mené une importante
activité qui laisse dégager quelques principes pouvant être considérés comme
jurisprudentiels. Ce faisant, elle pourrait valablement inspirer le travail de la
Cour africaine des DHP. Sa jurisprudence est riche et suffisamment nuancée
pour se prêter à une rapide systématisation.

Au demeurant, face aux défaillances d’un certain nombre d’Etats


africains, la Commission a progressivement développée une jurisprudence
favorable à l’invocabilité et à l’opposabilité à tous les Etats africains des normes
internationales fondamentales en matière de droits de l’homme et les Etats ont
fini par accepter cette novation. C’est pour renforcer cette jurisprudence et
l’action de la Commission qu’un système complémentaire de garantie des droits
de l’homme et des peuples a été institué en 1998 par le Protocole de
Ouagadougou.

Paragraphe 2 : Le système institué par le Protocole à la Charte

Le Protocole à la Charte adopté en 1998 à Ouagadougou au Burkina Faso,


et entre en vigueur le 25 janvier 2004, a institué une Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples. Les juges ont été désignés en janvier 2006.

Appelée à compléter et à renforcer la mission de protection des droits de


l’homme confiée à la Commission africaine par la Charte, la Cour est investie
d’une double compétence : une compétence consultative et une compétence
contentieuse. C’est cette dernière qui sera examinée.

La cour a deux types de compétences contentieuses. Elle statue sur la


recevabilité des requêtes et les instruits selon les règles définies par le Protocole.
De même, les arrêts qu’elle rend ont une autorité que précise le Protocole.

A- Les types de compétences contentieuses de la Cour

La cour a une compétence personnelle et une compétence matérielle.

1-La compétence personnelle

Cette compétence est double : obligatoire et facultative.

88
a)-La compétence obligatoire est relative à la qualité de ceux qui peuvent
saisir la Cour : il s’agit de la commission africaine, de l’Etat mis en cause, de
l’Etat partie dont le ressortissant est victime de la violation des droits de
l’Homme, des organisations intergouvernementales africaines pour les questions
relevant de leurs compétences. La cour peut aussi être saisie par un Etat partie
agissant comme tiers intervenant.

b)-La compétence facultative est relative aux requêtes individuelles ou


celles émanant des ONG ayant le statut d’observateur auprès de la commission
africaine. La cour ne peut connaître de ces requêtes que si l’Etat mis en cause a,
au préalable, reconnu à la cour la compétence pour les recevoir.

2- La compétence matérielle

Cette compétence concerne les affaires portant sur l’interprétation et


l’application de la charte, du protocole à la charte et de tout instrument relatif
aux droits de l’homme ratifié par les Etats concernés. Lorsque la cour reconnaît
sa compétence, elle statue sur la recevabilité proprement dite de la plainte et,
selon les cas, procède à son instruction.

B- La recevabilité et l’instruction des plaintes

Il sied de considérer d’une par la recevabilité, et, d’autre par l’instruction


de la plainte.

1. La recevabilité

La Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des


dispositions de la charte qui fixe les conditions de recevabilité des
communications adressées à la commission. En dehors de cette exigence, elle
reste libre d’examiner une requête ou de la renvoyer devant la commission.

Avant de statuer directement sur les requêtes individuelles ou sur celles


introduites par les ONG dotées du statut d’observateur devant la commission, la
cour peut solliciter l’avis de la commission, qu’elle doit donner dans les
meilleurs délais. La cour peut tenter de régler les cas qui lui sont soumis à
l’amiable.

2. L’instruction

89
Sur le plan procédural, la cour procède à l’examen contradictoire des
requêtes. Les Etats concernés doivent alors fournir toutes les facilités nécessaires
à la conduite efficace de l’affaire. La cour reçoit tous les moyens de preuve
qu’elle juge appropriés et sur lesquels elle fonde ses décisions.

Les audiences de la cour ont publiques, mais elle peut décider de siéger à
huis clos. Toute partie a le droit de se faire représenter par le conseil juridique de
son choix ; une représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement
assurée dans les cas où l’intérêt de la justice l’exige. L’audition des témoins est
possible. La cour peut ordonner, pendant l’instruction, des mesures provisoires
dans des cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s’avère nécessaire
d’éviter des dommages irréparables à des personnes. Que dire enfin du prononcé
et de l’autorité des arrêts de la cour ?

C- Le prononcé et l’autorité des arrêts de la Cour

A la fin de l’instruction, la cour statue par voie d’arrêt. Celui-ci est


motivé. En cas de violation des droits de l’Homme, elle ordonne toutes les
mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une
indemnité ou l’octroi d’une réparation.

Les arrêts de la cour sont définitifs. Toutefois, elle peut les interpréter et
procéder à leur révision en cas de survivance de preuves dont elle n’avait pas
connaissance au moment où elle a rendu sa décision. Leur exécution est
conditionnée par leur signification aux parties concernées et au Conseil des
ministres de l’Union Africaine qui est chargé de veiller à son suivi au nom de la
conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine. Cette
exécution est essentiellement volontaire.

In fine, le règlement des contentieux des droits fondamentaux par la cour


africaine devrait contribuer à renforcer la protection de la dignité humaine en
Afrique.

Depuis son entrée en fonction, la Cour a rendu des décisions de plus en


plus importantes du point de vue de la protection des droits de l’homme.

On peut citer :

− Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, requête n°001/2008,

arrêt du 15 décembre 2009 ;

90
− Tanganyika Law Society and The Legal and human Rigths Centre et
Révérend Christopher Mtikila c/ République unie de Tanzanie, requêtes
n°009/2011 et 011/2011, arrêt du 14 juin 2013.
− Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema Dit. Ablasse, Ernest Zongo et Blaise
Lloudo et le Mouvement Bukinabé des droits de l’homme et des peuples c/
Burkina Faso, Requête n°013/2011, (Exceptions préliminaires), Décision
du 21 juin 2013.
− Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema Dit. Ablasse, Ernest Zongo et Blaise
Lloudo et le Mouvement Bukinabé des droits de l’homme et des peuples c/
Burkina Faso, Requête n°013/2011, Arrêt du 28 mars 2014.

Mais, il convient de dire qu’il existe à côté de cette garantie régionale la


garantie universelle (Lire Bernard-Raymond Guimdo D., « Pratique du
contentieux des droits de l’homme et procédures d’urgence », in Protection
des droits de l’homme en Afrique, Sous la dir. de Jean Didier Boukongou,
Presses de l’Université catholique d’Afrique centrale, 2007, pp.189-195).

CHAPITRE 2

LA GARANTIE UNIVERSELLE

Dans l’ordre universel, il existe aussi des mécanismes ou systèmes


permettant de garantir les droits et libertés. Bien évidemment, ces mécanismes
ne peuvent être mis en œuvre qu’après épuisement de voies de recours internes
et si le plaignant n’a pas saisi une autre instance internationale des droits de
l’homme.

Il existe dans cet ordre « in globo » deux systèmes :

● le système de rapports ;
● le système de plaintes.

Section 1 : Le système de rapports

Ce système de rapports est celui initialement institué notamment par le


Pacte de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pour garantir
ces derniers. Ce Pacte a en effet institué un Comité composé de 18 experts
chargés d’examiner les rapports produits par les Etats parties audit Pacte. Ces

91
rapports sont soumis à discussion au sein du Comité avec les représentants des
Etats parties. A l’issue de ces échanges, le Comité formule des recommandations
générales qu’il adresse au Conseil économique et social des Nations Unies.

La possibilité pour un individu de déposer une plainte auprès du Comité


des droits économiques, sociaux et culturels pour violation desdits droits n’était
donc pas prévue par le Pacte y relatif. Cette possibilité, qui est prévue dans
s’autres instruments juridiques, existe désormais dans le Protocole facultatif
audit Pacte. C’est le système de contrôle sur plainte.

Section 2 : Le système de plaintes

Le système de contrôle sur plainte concerne les droits civils et politiques


consacrés par le pacte relatif. Mais, il est aussi prévu par d’autres conventions.

Paragraphe 1 : Le système institué par le Pacte international relatif aux


droits civils et politiques

Aux termes du pacte international relatif aux droits civils et politiques et


de son protocole facultatif, les Etats parties reconnaissent que le Comité des
droits de l’homme à compétence pour recevoir et examiner les communications
des Etats ainsi que des particuliers qui prétendent être victimes d’une violation
de leurs droits par les Etats parties au Pacte.

Les communications émanant des individus sont examinées par le comité


à huit clos et restent confidentielles, ainsi que les autres documents du comité.
A titre d’illustration, entre 1977 et 1988, le Comité avait reçu 333
communications mettant en cause 28 Etats.

Toujours pendant cette période, dans 76 des 88 cas pour lesquels le comité
avait terminé ses travaux et fait tenir ses conclusions, il a été établi qu’il y avait
eu violation des droits consacrés par le Pacte par les Etats.

Il convient, au regard de ce qui précède, et dans une perspective


tétralogique d’examiner la recevabilité, le fond des communications, l’édition
des mesures d’urgence par le comité, enfin l’autorité et la publicité des décisions
rendues par cette instance.

A- La recevabilité de la communication par le Comité

La communication ne doit pas être anonyme. De même, elle doit émaner


d’un ou des particuliers relevant de la juridiction d’un Etat partie au protocole
facultatif du pacte.

92
Normalement, la communication doit être envoyée par le particulier qui
prétend être victime d’une violation de la part de l’Etat partie des droits que lui
reconnaît le pacte. Toutefois, s’il apparaît que la victime présumée est dans
l’incapacité de présenter elle-même la communication, le comité peut accepter
d’examiner celle provenant d’une autre personne. Celle-ci doit alors justifier de
son pouvoir d’agir au nom de la victime. Ainsi, un tiers qui n’a pas de lien
apparent avec la victime ne peut pas présenter de communication en son nom.

La communication doit être compatible avec les dispositions du pacte. Par


ailleurs, elle ne peut pas être reçue si la même question est déjà en cours
d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il
faut enfin que tous les recours internes possibles aient été épuisés.

Avant de décider si la plainte est recevable ou non, le comité peut


demander à la victime supposée ou à l’Etat partie mis en cause de formuler par
écrit des renseignements ou observations supplémentaires. Si l’Etat répond à ce
stade, l’auteur de la communication en reçoit copie aux fins de commentaires. Si
la plainte est envoyée à son auteur pour informations supplémentaires et s’avère
par suite irrecevable, aucun document n’est plus transmis à l’Etat mis en cause.

Le Comité peut décider de ne pas donner suite à une communication sans


faire connaître sa décision par écrit. C’est le cas lorsque l’auteur retire sa plainte
ou s’il manifeste d’une façon ou d’une autre qu’il ne souhaite pas poursuivre
l’affaire. Que dire du fond de la communication ?

B- Le fond de la communication examinée par le Comité

Après avoir déclaré recevable une communication, le Comité demande à


l’Etat en cause de lui fournir des explications ou des éclaircissements sur le
problème et d’indiquer s’il a pris des mesures pour y remédier. L’Etat dispose, à
cet effet, d’un délai de six mois pour faire connaître sa réponse. Le plaignant
peut, ensuite, commenter cette réponse, après quoi, le Comité formule ses
conclusions, qu’il communique à l’Etat et à l’auteur de la communication.

Au nom de l’égalité des armes, le Comité respecte pendant toute la


procédure l’égalité entre les parties ; aussi chacune d’elles a la possibilité de
commenter les arguments de l’autre. Il peut arriver qu’avant l’édiction de sa
décision au fond, le comité prenne des mesures provisoires urgentes.

C- Les mesures urgentes édictées par le Comité

93
Il peut arriver que la victime présumée d’une violation de ses droits ait
besoin d’être protégée avant que le Comité ne formule ses conclusions. C’est
ainsi que le Comité a dû parfois, sans préjuger du bien-fondé de la
communication, faire connaître son opinion provisoire à certains Etats mis en
cause (A titre d’exemple, dans une affaire en cours d’examen, le Comité a
informé l’Etat mis en cause que la victime supposée, « ayant cherché refuge
dans le pays X, ne (devait) pas être renvoyée ou expulsée vers le pays Y ». Dans
une autre espèce, le Comité, exprimant ses inquiétudes sur l’état de santé d’une
victime présumée, a demandé au gouvernement en cause de la faire examiner
d’urgence par une autorité médicale compétente et a demandé aussi à recevoir
une copie du rapport médical.

Dans d’autres cas, le Comité a décidé de demander à l’Etat mis en cause


de ne pas procéder à une exécution capitale alors qu’une plainte y relative était
en cours d’examen devant lui.

Le Comité a le devoir d’examiner toutes les informations écrites qui lui


sont fournies par les parties en litige. Pour le Comité, la charge de la preuve
n’appartient pas uniquement au plaignant. Il en a décidé ainsi dans plusieurs
affaires relatives au droit à la vie, à la torture ou aux mauvais traitements, aux
arrestations arbitraires ou à des disparitions. Quelle est la portée des décisions
rendues par le Comité ?

D- La portée des « décisions » du Comité

Les actes du Comité n’ont pas autorité de la chose jugée, mais de la


«chose constatée». Ils ne s’imposent aux parties notamment aux Etats que parce
que le Comité, après avoir établi la violation des droits consacrés par le Pacte,
invite lesdits Etats à se respecter leurs engagements nés de la ratification par eux
du Pacte. Tant qu’une plainte est examinée par le Comité, la procédure reste
strictement confidentielle. Mais, ses conclusions, qu’il s’agisse des constatations
sur les plaintes déclarées recevables et dûment examinées au fond ou des
constatations d’irrecevabilité, sont toujours rendues publiques.

En général, il faut prévoir de 10 mois à 1 an pour que la décision sur la


recevabilité d’une communication soit rendue et 1 à 2 ans pour que les
conclusions du comité soient rendues publiques. Au total, il faut compter 2 à 3
ans pour que l’examen arrive à son à terme.

Il existe dans le système des Nations unies d’autres systèmes de contrôle


sur plaintes.

Paragraphe 2 : Les autres systèmes de plaintes

94
Dans le système des Nations Unies, d’autres instruments juridiques de
caractère spécifique qui reconnaissent aux particuliers prétendant être victimes
de violations de leurs droits humains la possibilité d’adresser des plaintes aux
organes qu’ils ont institués à cet effet. On peut citer, entre autres, le Protocole
facultatif (10 décembre 2008) au Pacte international relatif aux droits
économiques sociaux et culturels de 1966, la Convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de décembre 1965 et
de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants de décembre 1984.

1- Depuis 2008 (Résolution A/RES/117 du 10 décembre 2008), un


protocole facultatif se rapportant au PIDESC a institué un Comité compétent
pour recevoir des communications individuelles, groupales et étatiques. Il a été
ouvert à la signature en 2009 et est entré en vigueur le 5 mai 2013.

2- En vertu du la Convention internationale sur l’élimination de toutes


les formes de discrimination raciale, il a été constitué un Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale composé de 18 membres, compétents
pour recevoir des plaintes des particuliers ou des groupes de particuliers qui
estiment que leurs droits garantis par la Convention ont été violés par un Etat
partie à cette Convention et qui a reconnu la compétence dudit Comité.

3- La Convention contre la torture et autres peines ou traitements


cruels, inhumains ou dégradants a aussi institué un Comité contre la torture de
10 membres, qui peut recevoir des plaintes de particuliers contre leur Etat, partie
à la Convention et qui a accepté la compétence du Comité.

C’est dire, en définitive, que la protection universelle des libertés et droits


fondamentaux est variée et plurielle et qu’elle permet d’une certaine façon de
soumettre les Etats au droit et par ricochet au respect de la dignité humaine.

FIN DU COURS.

Soa, le 16 octobre 2023

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Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO
Agrégé des Facultés de droit
Professeur Titulaire (CAMES) Hors Echelle

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