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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

EL MEKKAKI AHMED
EL MEKKAKI AHMED
Professeur de droit public

FACULTE DES SCIENCES


JURIDIQUES ET POLITIQUES
(FSJP-K)

COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL


(Théorie générale)

FILIERE : Droit (Tronc commun)


DEUXIEME SEMESTRE

Sélectionner le thème

ANNEE UNIVERSITAIRE 2019-2020

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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

Plan du cours

INTRODUCTION

Chapitre I : L’ETAT

Section 1 : Les éléments constitutifs de l'Etat


§ 1.- La population
A. Population et nation
B. Etat et nation
§ 2.- Le territoire
A. Le territoire terrestre
B. L’espace maritime
C. L’espace aérien
§ 3.- Le gouvernement

Section 2 : Les caractères juridiques de l’Etat


§ 1.- L’Etat, personne morale de droit public
§ 2.- L’Etat, personne juridique souveraine
A. La notion de souveraineté
B. Les formes de manifestation de la souveraineté de l’Etat

Section 3 : Les différentes formes d'Etat


§ 1.- L'Etat unitaire
A. Définition de l’Etat unitaire
B. Les techniques d’administration de l’Etat unitaire
§ 2.- Les Etats composés : L’Etat fédéral
A. Définition de l’Etat fédéral
B. Le processus de formation des Etats fédéraux
C. L’organisation interne de l’Etat fédéral

Chapitre II : LA CONSITUTION

Section 1 : La notion de constitution


§ 1. - Définition de la constitution
A. Définition matérielle de la constitution
B. Définition formelle de la constitution
§ 2. - Les différentes formes de constitutions
A. Constitutions écrites et constitutions coutumières
B. Constitutions rigides et constitutions souples

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Section 2 : L'élaboration et la révision de la constitution.


§ 1. - Le pouvoir constituant
A. Le pouvoir constituant originaire
B. Le pouvoir constituant dérivé
2. - L’élaboration de la constitution
A. Le procédé autoritaire d’élaboration de la constitution : l’octroi
B. Les modes de compromis
C. Les procédés démocratiques d’élaboration des constitutions
§ 3. - La révision de la constitution
A. L’initiative de la révision de la constitution
B. La procédure de révision des constitutions

Section 3 - Le contrôle de la constitutionnalité des lois


§ 1.- L’existence du contrôle de la constitutionnalité des lois
A. Le principe du contrôle de constitutionnalité
B. L’objet du contrôle de constitutionnalité
§ 2.- Les organes de contôle de la constitutionnalité des lois
A. L’organe politique
B. L’organe juridictionnel
C. L’organe de contôle mixte
§ 3.- La procédure de contrôle de constitutionnalité des lois
A. Le moment du contrôle de la constitutionnalité des lois
B. La saisine ou le pouvoir de saisir l’organe de contrôle La portée de la
décision de
C. l’organe de contrôle de la constitutionnalité des lois

Chapitre III – LA DEMOCRATIE

Section 1 – La participation des citoyens à la vie politique


§ 1.- Le fondement de la participation des citoyens à la vie politique
A. La théorie de la souveraineté nationale
B. La théorie de la souveraineté populaire
C. L’évolution pratique de la théorie de la souveraineté
§ 2. – Les modes d’exercice de la souveraineté
A. La démocratie directe
B. La démocratie représentative
C. La démocratie semi-directe

Section 2 – La participation des citoyens au choix des gouvernants


§1.- Le droit du suffrage
A. Les titulaires du droit de vote
B. Les caractères du droit de vote
C. Les modalités du droit de vote

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§2.- L’encadrement de la participation des citoyens au choix des gouvernants


A. Les partis politiques
B. La société civile

Section 3- L’organisation de la compétition électorale


§ 1.- Découpage des circonscriptions électorales, éligibilité et candidatures
§ 2.- La campagne électorale et les modes de scrutin
§ 3.- Le déroulement du scrutin et le contentieux électoral

Chapitre IV – L’AMENAGEMENT DU POUVOIR AU SEIN DE L’ETAT

Section 1 – Les régimes politiques


§ 1.- La classification des régimes politiques
A. La classification des régimes politiques d’après les formes de
gouvernement
B. La classification des régimes politiques d’après la théorie de la
séparation des pouvoirs
§ 2.- Les régimes de confusion des pouvoirs
§ 3.- Les régimes de séparation des pouvoirs
A. La séparation stricte des pouvoirs : le régime présidentiel
B. La séparation souple des pouvoirs : le régime parlementaire

Section 2- Les pouvoirs publics constitutionnels.


§1.- Le pouvoir législatif.
A. La structure du Parlement
B. L’Organisation du pouvoir législatif
C. Le rôle des parlements
§ 2. - Le pouvoir exécutif.
A. La structure de l’exécutif
B. Les fonctions de l’exécutif

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Bibliographie générale

Manuels et ouvrages
- ARDANT (Philippe), MATHIEU (Bertrand), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, LGDJ : Lextenso éditions, 30e éd, 2018.
- BERANGER (Denis), Le droit constitutionnel, Paris, PUF, « Que sais-je », 7e éd,
2017.
- BLACHER (Philippe), Le droit constitutionnel, Paris, Hachette, coll. «Les
fondamentaux», 5e éd, 2018.
- BODINEAU (Pierre), Verpeaux (Michel), Histoire constitutionnelle de la France,
Paris, PUF, « Que sais-je ? », 4e éd, 2014,
- BOUDON (Julien), Manuel de droit constitutionnel, t. 1 : théorie générale, histoire,
régimes étrangers, Paris, PUF ? 2015
- BORELLA (François), Éléments de droit constitutionnel. Paris, Presses de Sciences
Po, 2008.
- CARCASSONNE (Guy), GUILLAUME (Marc), La Constitution, Paris, Points : 2017,
14e éd.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), de MONTALIVET (Pierre), Droit constitutionnel
contemporain 1; Paris, Dalloz ; coll. « Cours », 2019, 10e éd.
- CHAGNOLLAUD t (Dominique), Baudau (Aurélien), Droit constitutionnel
contemporain 2; Paris, Dalloz ; coll. « Cours », 2019, 9e éd.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 1 : théorie de la Constitution, Paris, Dalloz, 2012.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 2 : distribution des pouvoirs, Paris, Dalloz, 2012.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 3 : suprématie de la Constitution, Paris, Dalloz, 2012.
- CHANTEBOUT (Bernard) , Droit constitutionnel, Paris, Sirey : 2015, 32e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État, Paris, Dalloz : 2011, 2e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État post-moderne, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-
Lextenso : 2014, 4e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État de droit, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-Lextenso :
2017, 6e éd.

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- COHENDET (Marie-Anne), Droit constitutionnel - cours, travaux dirigés, conseils


de méthode, exercices, sujets d'examen, corrigés, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-
Lextenso : 2015.
- CONSTANTINESCO (Vlad), PIERRÉ-CAPS (Stéphane), Droit constitutionnel, Paris,
PUF : 2016, 7e éd.
- DEBBASCH (Roland), Droit constitutionnel, Paris, LexisNexis, 9e éd, 2014.
- DUHAMEL (Olivier), TUSSEAU (Guillaume), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, Éd. du Seuil, 3e éd, 2013.
- Duhamel (Olivier) et Tusseau (Guillaume), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, Seuil, 4e éd., 2014.
- DUVERGER (Maurice), Institutions politiques et droit constitutionnel, Les grands
systèmes politiques, Paris, PUF, coll. Thémis, 20e éd., 1990,
- DUVERGER (Maurice), Le système politique français, Paris, PUF, coll. Thémis, 21e
éd. 1996.
- FAVOREU (Louis), GAÏA (Patrick) et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 20e
éd.,2017.
- FROMONT (Michel), Justice constitutionnelle comparée, Paris, Dalloz : 2013.
- GICQUEL (Jean), GICQUEL (Jean-Éric), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, Coll. « Précis Domat », 32e éd, 2018.
- HAMON (Francis), TROPER (Michel), Droit constitutionnel , Paris, LGDJ, 39e éd.,
2018.
- JACQUE (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, coll.
« Mémentos », 12e éd., 2018.
- LAUVAUX (Philippe) Les grandes démocraties contemporaines, Paris, PUF, 4e
éd., 2015.
- LECLERCQ (Claude), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Litec,
10e éd., 1999.
- LE POURHIET (Anne-Marie), Droit constitutionnel, Paris, Economica, 8e éd., 2017.
- MATHIEU (Bertrand), VERPEAUX (Michel), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2004.
- PACTET (Pierre), MÉLIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Droit constitutionnel,
Paris, Sirey-Dalloz, 37e éd., 2019.
- PORTELLI (Hugues), Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 13e
éd., 2019.

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- ROUVILLOIS (Frédéric), Droit constitutionnel, t. 1 : fondements et pratiques,


Paris, Flammarion, 5e éd., 2017.
- TURPIN (Dominique), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2e éd, 2007,. .
- ZOLLER (Élisabeth), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2e éd., 1999.

Dictionnaires et lexiques :
- Avril Pierre, Jean Gicquel, Lexique- Droit constitutionnel, Paris, PUF, « Que sais-je
», 2016.
- Duhamel Olivier et Mény Yves (sd), Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992.
- Hermet Guy, Birnbaum Pierre, Bruaud Philippe, Badie Bertrand, Dictionnaire de
la science politique et des institutions politiques, Armand-Colin, coll. Cursus,
2e éd., 1996.
- Michel de Villiers, Armel Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel,
Dictionnaires Sirey, 11e éd. 2017.

Recueils de travaux dirigés


- Philippe Blachèr, Travaux dirigés - Droit constitutionnel, LexisNexis, 2016
- Clessis Catherine, Robert Jacques, Rousseau Dominique, Wajsman
Patrick, Exercices pratiques, Droit constitutionnel, Montchrestien, 2e éd., 1995.
- Leclercq Claude et Chalvidan Pierre-Henri, Travaux dirigés de droit
constitutionnel, Litec, 8e éd., 1996.
- Masclet Jean-Claude et Valette Jean-Paul, Travaux dirigés de droit constitutionnel,
Dalloz, 1994.
- Pactet Pierre, Exercices de droit constitutionnel, Masson, 3e éd., 1995.
- Dominique Breillat, Gilles Champagne, Daniel Thome, Théorie générale du droit
constitutionnel, Col. Exercices corrigés, LGDJ, 2eme éd. 2006
- Faupin (Hervé), Réussir ses TD – Droit constitutionnel, Paris, Bruylant, 3ème éd.
2019
- VERPEAUX (Michel) ( dir.), Droit constitutionnel, méthodologie & sujets corrigés,
Coll. Les annales du droit, Dalloz, 2019

Revues
Pouvoirs (Revue fondée en 1977, publiée par les éditions du Seuil) ;
Revue du droit public et de la science politique (fondée en 1894, publiée par la
LGDJ)
Revue française de droit constitutionnel (fondée en 1990, publiée par les PUF)
Revue française de science politique (fondée en 1951, publiée par les Presses de la
Fondation nationale des sciences)

SITES INTERNET
Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr),
"Jurifrance" (http://www.jurifrance.com).
Conseil constitutionnel français (http://www.lamyline.com)
http://www.droit.org,

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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-3-page-
451.htm
https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univ-amu.../plaquette_td_constit._-_2017-
2018.pdf
https://books.openedition.org/iheid/85
COURS-DE-DROIT.NET › DROIT-CONSTITUTIONNEL-COURS-GRATUIT-A-TELECHARGER-D…

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INTRODUCTION

Le droit constitutionnel est né avec l’État moderne. Il est l’une


des matières les plus importantes des sciences juridiques. Branche du droit
public, il se propose d’étudier, de décrire et d’expliquer tant les aspects
juridiques qui permettent à la vie politique d’une société de s’organiser que les
principes fondant les droits fondamentaux des citoyens. Il est, de ce fait, l’une des
matières privilégiées qui permettent aux étudiants de droit de mieux comprendre
leur environnement juridique et institutionnel ainsi que les différents systèmes
politiques1 et, en même temps, de favoriser leur réflexion personnelle, afin d’être
à même de juger le développement politique d’un pays et l’évolution du monde
contemporain, au-delà de l’information émiettée que nous présente
quotidiennement les mass-médias.

Le droit constitutionnel constitue donc une discipline très vivante. Il est


d’ailleurs toujours au centre de l’actualité, car, presque quotidiennement, on
entend parler à travers les médias (télévision, radio, presse, internet) de notions
de droit constitutionnel, telles que l’Etat, le gouvernement, le parlement, la
démocratie, la constitution, les droits de l’homme, les élections, les partis
politiques etc. Notre époque semble donc être placée sous le signe de la
reconnaissance du droit constitutionnel, qui revient au-devant de la scène,
notamment depuis l’écroulement du système soviétique. D’ailleurs, la science du
droit constitutionnel et le droit constitutionnel lui-même connaissent, depuis
quelques années, une évolution très profonde, notamment avec le
développement des juridictions constitutionnelles et la quête de l’Etat de droit.

Mais pour bien cerner l’objet du droit constitutionnel contemporain, il


convient de parler brièvement ci-après, d’abord de l’apparition du droit
constitutionnel en tant que discipline juridique autonome et, ensuite, des

1
Le système politique est un mode d'organisation d'un État. Il comprend notamment le régime politique, la
structure économique, l'organisation sociale, etc. Il est formé d'un ensemble d'institutions politiques (appareils étatiques,
agences gouvernementales, ministères), d’acteurs politiques (partis politiques, syndicats, organisations non-
gouvernementales) …) et des normes et de croyances politiques (idéologies, doctrines, lois, règles). Les systèmes
politiques sont nombreux, les principaux étant la démocratie, l'autoritarisme et le totalitarisme.

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principales approches doctrinales qui l’ont marqué depuis sa naissance au XIXe


siècle et son introduction en tant que nouvelle matière, à côté des matières
traditionnelles enseignées dans les facultés de droit françaises (décret du 24
juillet 1889 relatif au programme de licence en droit).

I. Apparition du droit constitutionnel en tant que discipline juridique


autonome2

Historiquement, les premiers usages de l’expression « droit constitutionnel


» en France remontent aux alentours de 1775-1777, c’est-à-dire quelques années
avant la Révolution française. On lui attribuait alors trois sens différents3:
- le premier est celui de « faculté », de « droit », que chaque personne
physique ou morale tient de la Constitution (ce sont les droits constitutionnels
subjectifs tels le droit à consentir à l’impôt).
- le second est celui qui désigne l’ensemble des règles, des normes
juridiques, se rattachant à la Constitution d’un pays. C’est le corps de règles
auxquelles la collectivité se soumet.
- Enfin, la troisième signification (qui se fait jour sous la Révolution
française de 1789) est celle qui désigne une branche du droit ayant pour objet
l’organisation politique de l’État, une discipline intellectuelle qu’on enseigne
dans les facultés de droit et qui vient concurrencer les expressions usuelles de
« droit public » et de « droit politique ».

Ainsi, par rapport aux autres branches du droit, le droit constitutionnel est
une discipline relativement récente, puisque la première chaire de ce droit ne fut
créée qu’en 1834, à la Faculté de droit de Paris, et qui fut confié à l’italien M.
Pellegrino Rossi4. Son apparition en tant que discipline juridique autonome,
intervient donc à la suite des révolutions américaine (1775-1783) et française

2
http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-droit-constitutionnel.html
3
Jean-Louis Mestre, « Les emplois initiaux de l'expression « droit constitutionnel », Revue française de
droit constitutionnel, 2003/3 (n° 55). PUF, pp.451-472.
www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RFDC_055_0451
4
En effet, c’est sur l’initiative de F. Guizot qu’a été créée en 1834 cette chaire du droit constitutionnel à
la faculté de Paris. Cependant, à l’époque, on se limitait à l’étude de la Constitution : l’organisation et la
formation des pouvoirs publics et leurs relations. C’est à cette époque que sont nées les grandes notions du droit
constitutionnel : la séparation des pouvoirs, le régime représentatif, etc… Il n’y avait pas de droit constitutionnel
en dehors de la Constitution.

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(1789) au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, conséquemment à


l’apparition, un peu partout en Europe, de documents constitutionnels portant des
noms variés : constitution, charte ou statut, proclamant la souveraineté du peuple,
les libertés individuelles et la limitation du pouvoir5.

Ce phénomène d’écriture constitutionnelle (ou constitutionnalisme)6 était


également lié au libéralisme et à l’avènement de la bourgeoisie au pouvoir en
Europe et aux Etats-Unis d’Amérique. Le droit constitutionnel participe ainsi de la
culture occidentale. Mais, par vagues successives, il s’est développé, au point de
faire figure de donnée universelle. Ainsi, actuellement, il fait l’objet d’une étude
spécifique, distincte de celle des autres branches du droit public et il est
enseigné dans toutes les universités du monde. Il a donc ses propres principes,
ses propres sources, lesquels ne doivent rien aux autres disciplines juridiques7.

II- L’évolution des approches doctrinales du droit constitutionnel8

En fait, malgré le développement remarquable de la recherche


constitutionnelle et le progrès notable réalisé dans l’étude des institutions
politiques, les constitutionnalistes n’envisagent pas leur discipline de la même
manière. En effet, le plus souvent, leur conception en la matière varie selon les
pays, les époques et les doctrines juridiques dont ils font partie. En conséquence,
la définition du droit constitutionnel, qui a toujours fait l’objet de querelles
doctrinales, ne peut être dégagée que par approches successives. Ainsi, pour
certains auteurs, le droit constitutionnel serait une discipline qui étudie les règles
posées par la constitution. C’est la conception dite classique (dominante jusqu’à la

5
En fait, jusqu’à la fin du XIXe siècle, son enseignement était confiné à un public de doctorat. Cependant, avec le
triomphe de la République en France, celle-ci décida de le généraliser aux étudiants de première année de Licence en
l’inscrivant au programme de la Licence (cours semestriel) par la réforme du 24 juillet 1889.
6
Ce phénomène, qualifié habituellement de constitutionnalisme, désigne l'idéologie selon laquelle il faut une
constitution pour réaliser des valeurs liées au libéralisme. Il s’identifie aussi à un mouvement historique ayant permis
l’élaboration des Constitutions comme barrières au pouvoir des gouvernements.
7
En tant que corps de règles obligatoires, le droit constitutionnel présente, avec le droit international public, cette
particularité de réglementer le pouvoir suprême, à savoir l’organisation et le fonctionnement de l’Etat souverain. Tous les
autres droits régissent des pouvoirs inférieurs et, de ce fait, en cas de violation du droit, des sanctions sont possibles. Mais,
lorsqu’il s’agit du pouvoir suprême, cela n’est pas toujours évident.
8
François Borella, « La situation actuelle du droit constitutionnel », Revue française de droit
constitutionnel, 2012/1 (n° 89), pages 3 à 10.

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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

Seconde Guerre mondiale)9. Par contre, pour d’autres auteurs, le droit


constitutionnel comprendrait non seulement l’étude des règles posées par la
constitution, mais aussi celle de l’ensemble des règles relatives aux institutions
politiques, qu’elles soient contenues dans la constitution ou non. C’est la
conception dite moderne (dominante depuis les années cinquante jusqu’à la fin
du XXe siècle)10.

Evidemment, par la suite, ces divergences se sont beaucoup estompées


(atténuées). Ainsi, actuellement, tout le monde s’accorde pour considérer le droit
constitutionnel comme étant l’ensemble de règles juridiques fondamentales qui
régissent l’organisation et le fonctionnement du pouvoir politique, ses relations
avec les citoyens et avec l’étranger. Il a donc pour objet principal l’encadrement
juridique des relations politiques dont l’enjeu essentiel est la conquête du pouvoir
dans le cadre de l’Etat. Et sur ce point, il se rapproche de la science politique.

Cependant, depuis quelques décennies, on assiste à une nouvelle mutation


de ce droit, qui résulte cette fois-ci, des transformations qui affectent le fond
même du droit constitutionnel. Il s’agit principalement du phénomène de sa
« juridicisation » qui est inséparable de celui de l’expansion de la justice
constitutionnelle11; laquelle fait aujourd’hui partie intégrante de l’Etat de droit. Il
en est résulté alors un certain renouveau du droit constitutionnel (confirmé par la
plupart des constitutionnalistes contemporains)12.

9
Selon cette conception, le droit constitutionnel se définit soit par des traits formels, soit par des traits matériels.
Suivant la définition « formelle », le droit constitutionnel se confond avec le droit des constitutions, en ce sens que cette
discipline étudie principalement les dispositions juridiques contenues dans la constitution, texte juridique communément
considéré comme la loi fondamentale de l’Etat, s’imposant à tous et supérieure à toutes les autres règles de droit (lois,
règlements, etc.). Dès lors, les études constitutionnelles porte essentiellement sur les règles de droit relatives à l’organisation
et au fonctionnement des pouvoirs publics supérieurs de l’Etat (énumération et description des différents pouvoirs : exécutif,
législatif, judiciaire) et à leurs rapports réciproques. En revanche, suivant la définition « matérielle », le droit constitutionnel
comprend l’ensemble des normes juridiques qui régissent le statut, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics
supérieurs de l’Etat. Ici, c’est donc le contenu des règles juridiques plus que leur forme qui prime.
10
Selon cette conception, le droit constitutionnel ne se présente plus uniquement comme une discipline qui se
limité à la seule analyse des textes, mais qui s’intéresse aussi au contexte politique et social qui permet de comprendre
l’origine et le fonctionnement d’un système politique. Autrement dit, en l’étudiant, on débouche inéluctablement sur l’étude
de la science politique, car on doit désormais tenir compte des phénomènes qui excèdent le droit positif ( tels, par exemple, le
système des partis et leur rôle dans les élections ; la structure de la majorité, le rôle des idéologies et des groupes de pression
dans la vie politique, etc. ).
11
L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la constitution et constitution du droit », Revue française de Droit
constitutionnel, n° 1, 1990, pp. 71-89.
12
V. Renouveau du droit constitutionnel : Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007 ; Stéphane
PINON, Le « nouveau droit constitutionnel » à travers les âges, v.
www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC2/PinonTXT.pdf

12
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

En conséquence, le droit constitutionnel moderne a cessé d’être envisagé


uniquement comme l’étude de la constitution et des institutions politiques, mais
aussi en tant qu’étude du système des normes juridiques et de la garantie des
libertés et droits fondamentaux. Autrement dit, il se définit actuellement par un triple
objet13 :

- Le droit constitutionnel est d’abord un droit institutionnel, car il régit l’organisation


et le fonctionnement des pouvoirs publics, ainsi que les relations entre eux, notamment les
rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Il s’intéresse, aussi, à la dévolution
du pouvoir politique, à son exercice ainsi qu’à sa transmission.

- Le droit constitutionnel est aussi un droit des libertés fondamentales, car il régit les
relations entre les individus et la puissance publique, en conférant à ceux-là un certain
nombre de droits et libertés fondamentaux, reconnus et consacrés par la plupart des
constitutions modernes (v. art. 19 et s. de la Constitution marocaine). Il s’agit, selon L. Favoreu
du « droit constitutionnel substantiel » assurant la protection des droits et libertés.

- Le droit constitutionnel est enfin un droit normatif, car il détermine le processus de


création des normes juridiques (ce qui doit être fait : « normes prescriptives », ce qui ne doit
pas être fait : « normes prohibitives » et ce qui peut être fait : « normes permissives ») et leur
régime. D’ailleurs, la Constitution se présente comme une « norme de production des
normes », ce qui signifie que les compétences normatives puisent leurs sources dans la
Constitution, qui va consacrer leur existence et leurs principales règles d’édiction. On
l’appelle aussi droit fondamental qui couvre ce que l’on appelle quelquefois le
système des sources du droit ou système normatif14 dans la mesure où dans
presque tous les pays, la Constitution apparaît comme la norme juridique
suprême, dont le respect est assuré par l’existence d’un juge constitutionnel.

13
L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la constitution et constitution du droit », op. cit
14
Ce triple objet est la conséquence de l'évolution de la discipline dans les pays occidentaux qui se décline en trois
temps, trois périodes : celui des « obsédés textuels », le deuxième temps, celui des politistes et enfin l'état actuel, celui du «
droit constitutionnel nouveau qui est arrivé » V. Dominique TURPIN, Droit constitutionnel. Paris, PUF, 2007 ; L.
FAVOREU et autres, Droit constitutionnel, (manuel précité) ; Jacques Chevallier. « Droit constitutionnel et institutions
politiques : les mésaventures d’un couple fusionnel ». La République. Mélanges en l’honneur de Pierre Avril, Montchrestien,
pp.183-199, 2001.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01728067/document

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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

Bref, le droit constitutionnel organise le système juridique tout entier. Il


institue l’Etat de droit et intègre rationnellement toutes les branches de droit
(droit administratif, droit pénal, droit civil et leurs multiples subdivisions)15. Quant
à son application, elle peut être réalisée par le juge judiciaire ou le juge
administratif sous le contrôle et les directives (jurisprudence) d’un juge spécialisé
qu’est le juge constitutionnel (Cour suprême, Cour constitutionnelle, Tribunal
constitutionnel, Conseil constitutionnel, etc.).

Cela dit, l’étude de la théorie générale du droit constitutionnel revêt une


grande importance. Elle permet, d’une part, d’approfondir la compréhension des
éléments essentiels de ce droit et, d’autre part, d’avoir une idée plus claire sur
l’organisation et le fonctionnement des institutions politiques au sein des Etats.
Pour ce faire, nous traiterons successivement les questions suivantes : l’Etat, la
constitution, la démocratie (à travers la participation des citoyens au pouvoir et au
choix des gouvernants) ainsi que l’aménagement du pouvoir politique au sein de
l’Etat. Mais seules les deux premières questions seront traitées pendant ce
semestre.

15
En effet, dans de nombreux pays, la Constitution agit et intervient directement dans les domaines du droit public
(droit administratif, droit fiscal notamment) mais aussi dans ceux du droit privé. Ainsi, en France par exemple, beaucoup de
décisions du Conseil constitutionnel ont pour objet de contrôler la constitutionnalité de lois concernant les personnes privées
en matière civile, commerciale, sociale, etc. Il en est découlé alors une constitutionnalisation de l'ensemble des branches du
droit. Par ailleurs, la reconnaissance constitutionnelle aux justiciables de soulever devant un juge, à l'occasion d'un litige,
l'inconstitutionnalité de la loi qui lui est appliquée, à charge pour le juge, de saisir de cette question le Conseil d'État et la
Cour de cassation qui, s'ils l'estiment fondée, la soumettront au Conseil constitutionnel qui pourra, le cas échéant, abroger la
disposition législative contestée. C’est l’exception d'inconstitutionnalité.

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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

CHAPITRE II

L’ETAT

L’Etat est un phénomène historique, sociologique et politique pris en


compte par le droit. Il a été, pour les collectivités humaines qui s’en sont dotées à
partir du XVIe siècle, l’instrument d’affirmation de leur souveraineté aussi bien
sur le plan national que sur le plan international. Il est la première des institutions
politiques et le seul sujet de droit qui bénéficie d’un attribut fondamental, à
savoir la souveraineté ou l’indépendance.

Si l’idée d’Etat est très ancienne, puisqu’elle remonte loin dans l’histoire
(l’Antiquité, par exemple, a connu la « polis » ou la Cité-Etat, telles
Thèbes, Sparte, Athènes, Rome, etc.), ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que la
notion moderne de l’Etat (avec E majuscule) s’est introduite dans le vocabulaire
politique européen (Stato : en italien, Staat : en allemand et State : en anglais)16.
Elle désigne désormais la structure institutionnelle qui régit la vie d’une
population vivant sur un territoire géographique donné, qui la contraint et qui
l’administre, se caractérisant par une souveraineté interne et externe.

Cependant, si l’Etat moderne a été conçu en Europe, ce n’est pas un


phénomène uniquement européen. Ainsi, depuis la Seconde Guerre mondiale, de
nombreux peuples et nations se sont constitués en Etats, sur les territoires
qu’avaient colonisés les puissances européennes. Cette multiplication et cette
mondialisation du phénomène étatique sont d’ailleurs aisément vérifiables : lors
de sa création en juin 1945, l’O.N.U. ne comprenait que 51 Etats membres, alors
qu’actuellement, elle en compte 19317.

16
Cette réapparition est due essentiellement à l’essor intellectuel de la Renaissance, notamment en Italie où
Machiavel, l’un des premiers qui en fait l’analyse notamment dans le Prince (1513). Elle coïncide en fait avec l’éclatement
des empires en entités politiques souveraines, lesquelles refusaient de se soumettre à l’autorité d’autres entités politiques :
« Le Roi de France est Empereur en son Royaume », selon l’adage des légistes français. V. http://www.droit.univ-
nantes.fr/ressources/leclerc/Chp1-PatrimoineEurope_S1.pdf
17
Actuellement, le nombre des Etats dans le Monde se situe aux alentours de 200. Ils sont très différents quant à
leur population, leur territoire, leurs institutions politiques, leur degré de développement. (Exemples : USA: 9,15
Mkms2, 267 millions, Vanuatu : 12 000 kms2, 200 000 hts, Monaco : 195 hectares, 5070 monégasques, 29 000 hts).

15
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

Toutefois, malgré leur nombre et leur extrême diversité, les Etats


constituent une catégorie juridique unique. En effet, quelle que soit sa taille, sa
forme ou sa puissance économique ou militaire, du point de vue juridique, l’Etat
apparaît toujours comme une entité abstraite, une personne morale de droit
public. Il se présente comme une institution juridique, détentrice du pouvoir
politique et au nom de qui ce pouvoir est exercé. Il se matérialise par la réunion
de trois éléments constitutifs, à savoir : une population, un territoire et un
gouvernement, et se distingue des autres collectivités territoriales par le critère
de la souveraineté. C’est d’ailleurs en sa qualité d’entité souveraine que l’Etat
exerce ses compétences, tant internes qu’internationales et qu’il est reconnu par
les autres Etats en tant que membre de la communauté internationale et sujet du
droit international. Afin de mieux cerner cette notion, il conviendrait alors
d’étudier successivent les trois points suivants : les éléments constitutifs de l’Etat
(Section 1), ses caractères juridiques (Section 2) et ses principales formes
(Section 3).

Section 1 : Les éléments constitutifs de l’Etat

Considéré comme une personne juridique, tant en droit constitutionnel


qu’en droit international public, « l’Etat est communément défini comme une
collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir
politique organisé et se caractérise par la souveraineté »18 . Il ressort de cette
définition, que l’on est en présence d’un Etat, au sens juridique du terme, lorsque
les trois éléments constitutifs suivants sont réunis :
- une population permanente (qui habite le territoire de l’Etat et se trouve de
ce fait soumise à l’autorité de ce dernier) ;
- un territoire défini (qui fixe le cadre à l’intérieur duquel l’Etat exerce son
pouvoir de commandement à titre exclusif) ;
- un gouvernement (capable d’assurer les fonctions internes et externes de
l’Etat).
Nous examinerons successivement ces trois éléments.
18
Définition formulée par la commission d’arbitrage pour la Yougoslavie le 29 novembre 1991

16
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

§ 1-. La population

Un Etat est tout d’abord un groupement humain, une population. On ne


peut en effet parler d’Etat sans qu’il y ait une population permanente. D’ailleurs,
l’autorité de l’Etat, c’est-à-dire son pouvoir de donner des ordres et de les faire
respecter, (souveraineté ratione personae) s’exerce en premier lieu sur un
groupe humain

Mais, qu’est-ce que la population d’un Etat ?


Pendant longtemps, on a considéré que la population d’un Etat était une
nation. Il y aurait alors coïncidence entre l’Etat et la nation19. Cependant, de nos
jours, cette thèse n’est plus défendable, car, elle confond deux notions
entièrement différentes : l’Etat, qui est une notion juridique (désignant aussi bien
un fait géographique qu’une structure politique, qui peut d’ailleurs englober des
populations différentes ne constituant pas toujours une véritable nation), et la
nation, qui est un concept sociologique et politique20. En outre, elle ignore
l’originalité de la nation, laquelle peut préexister à l’Etat et indépendamment de
sa personnalisation éventuelle sous cette forme juridique. En conséquence, afin
de ne pas faire d’amalgame, il convient de préciser le concept de la nation à la
fois par rapport à la notion de population et par rapport à celle d’Etat.

A. Population et nation

La nation21 est une notion relativement récente, car autrefois, les gens se
définissaient plutôt par leur religion, que par leur nation. Elle désigne

19
Ainsi, en 1694, l'Académie française définissait la nation comme l'ensemble des habitants d'un même
État, d'un même pays, vivant sous les mêmes lois et utilisant le même langage.
20
Son étymologie est liée à la notion de naissance (nascere). Ainsi, à l’époque médiévale, l’idée de
nation renvoie ainsi à un groupe d’hommes à qui l’on attribue une origine commune. Mais la conception
moderne de la nation dépasse largement le cadre ethnique ou tribal. Elle trouve plutôt sa source dans un
ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Elle est ainsi à la fois
extérieure aux individus, en même temps qu’elle est intériorisée et transmise d’une génération à l’autre. Pour
s’imposer, elle suppose également l’existence d’une volonté durable de vivre au sein d’un même ensemble. V.
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/idee-nation.html
21
Hervé BEAUDIN, L’IDÉE DE NATION, Thèse de doctorat en philosophie, Sorbonne, 2012. « Tout
État-nation repose sur trois critères, qui doivent être réunis : 1) Un critère ethnoculturel (un peuple doté d’une

17
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

généralement « un groupement humain dans lequel les individus se sentent unis les
uns aux autres par une communauté de traditions, de culture et d’aspirations et se
conçoivent comme différents des individus appartenant aux autres groupements
nationaux »22.

Cependant, en raison de la diversité des facteurs sous l’influence desquels


se forment une nation, il n’y a pas d’acception universelle de ce concept, et toute
une littérature s’est efforcée de préciser ses contours23. Deux conceptions
théoriques se sont longtemps opposées à cet égard (depuis le XVIIIème s.): l’une
dite objective et l’autre dite subjective.

1. La conception objective de la nation


Cette conception coïncide avec la thèse allemande qui fut forgée par
certains philosophes germaniques (Herder, Hegel, Fichte et Treitschke)24 au
XVIIIe et XIX siècle, Elle s’organise autour des notions de peuple (Herder et
Hegel), de territoire ancestral (Barrès et Maurras) et de langue (Fichte). Elle
considère donc la communauté nationale comme déterminée par des éléments
de fait (objectifs) tels que la langue, la religion, la géographie, l’histoire et surtout
la race. Cette conception a été surtout exaltée en Allemagne. Elle a d’ailleurs été
mise en œuvre sous le IIIe Reich, par Adolf Hitler, au profit de la race aryenne et
de la nation allemande. On peut également y rattacher, la politique d’apartheid

langue, d’une religion et d’une histoire partagée) ; 2) Un critère géopolitique (le territoire) ; 3) Un critère
sociopolitique (la citoyenneté) s’appliquant à un peuple »
22
V. André Hauriou, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 3eme éd.,
1968, p. 96. Il s’agit donc d’un groupement humain qualifié. La nation se distingue ainsi de la population, terme
qui désigne un ensemble de personnes qui habitent un espace, un territoire : ville, village, pays, etc. Elle
s’identifie souvent au peuple.
En fait, la notion de peuple doit être comprise dans sa dimension interne selon laquelle est peuple l’ «
ensemble des individus soumis à un Etat ; totalité des personnes formant la population d’un même Etat et
soumises ensemble à son autorité ». CORNU (G.) (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige, 9ème édition
mise à jour, 2011, p. 756
Il existe aussi une dimension ou une assertion internationale de la notion de peuple qui signifie alors l’ «
ensemble des individus composant une nation ; ensemble de personnes ayant en commun certains caractères qui
les distinguent des autres hommes et peuvent amener à souhaiter qu’ils aient en propre leur Etat ou choisissent
librement celui auquel ils se rattachent ». C’est le cas dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes. Ibid.
23
FRANK BARON, L’IDEE DE NATION, VIE-PUBLIQUE.FR,2018. HTTPS://WWW.VIE-PUBLIQUE.FR/DECOUVERTE-
INSTITUTIONS/INSTITUTIONS/APPROFONDISSEMENTS/IDEE-NATION.HTML; THOMAS FLEINER-GERSTER, THÉORIE GÉNÉRALE
DE L’ÉTAT, HTTPS://BOOKS.OPENEDITION.ORG/IHEID/1781?LANG=EN
24
Johann Gottfried von Herder (1744-1803) propose une définition de la nation fondée sur le sol et
une langue commune, et Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), dans ses Discours à la nation allemande (1807),
insiste sur l’idée de peuple et l’importance de la langue.

18
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

en Afrique du sud (1948-1994), le conflit qui s’est déclenché en Bosnie-


Herzégovine en 1991, au nom de la purification ethnique, le génocide des Tutsi au
Rwanda en 199425, etc. Evidemment, ce phantasme d’une race pure, qui conduit
souvent au génocide, ne repose sur aucune base scientifique.

2. La conception subjective de la nation


Cette conception est celle qui correspond à la thèse française. Elle
participe de la théorie du contrat social (Rousseau, Fustel de Coulanges, Michelet
et Ernest Renan26, etc). Elle considère que le processus de formations d’une
nation est beaucoup plus complexe et, qu’à côté des éléments ethniques, il faut
également prendre en considération les événements historiques, les intérêts
communs et surtout les liens spirituels. Il s’agit donc d’une conception
volontariste de la nation, celle d’une communauté très largement ouverte, fondée
sur l’existence d’un désir profond et d’une volonté durable de vouloir vivre
ensemble.

Selon cette conception, les nations se forment donc sous l’influence de


facteurs aussi nombreux que variés. Sans doute, les éléments objectifs (la langue,
le religion, la culture, etc.) comptent parmi ces facteurs, mais quelle que soit leur
influence, ils ne sont pas eux seuls déterminants. Il y a lieu de les combiner avec
les éléments subjectifs, tels que les événements historiques (les guerres, les
invasions, les calamités naturelles, les années de prospérité, les réussites
communes), la communauté d’intérêts (principalement d’ordre économique, qui
résulte, en grande partie, de la cohabitation sur un même territoire), le sentiment
de la parenté spirituelle (le fait que sans avoir les mêmes croyances ou le même
niveau intellectuel, on réagit d’une façon semblable en présence des mêmes

25
L'ONU estime qu'environ 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, ont perdu la vie d’avril à juillet 1994
dont la moitié d’entre eux étaient des enfants (génocide commis par des extrémistes Hutus). Evidemment, un
génocide n'est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères
définis par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de
l'ONU. Selon l’art. II de ce texte, le génocide « s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : …».
26
Ernest Renan, dans sa célèbre conférence de 1882 intitulée "Qu’est-ce qu’une Nation ?", pose comme
critères de l’appartenance nationale, "le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage
qu’on a reçu indivis." Selon lui, "l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours."

19
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

événements), etc.27. Dans cet esprit, la nation dépasse l’appartenance et le destin


personnel de ses membres, elle unit les générations passées et celles à venir.

B. Etat et Nation

Les rapports entre l’Etat et la nation peuvent s’apprécier de deux façons :


soit dans le temps : il s’agit de savoir si l’Etat préexiste à la nation ou
inversement ; soit dans l’espace : l’Etat coïncide-t-il avec la nation ou est-il distinct
de la nation ?

1.- Les rapports entre l’Etat et la nation dans le temps.

Il n’y a pas très longtemps, la nation était considérée comme le résultat


d’un processus historique se développant et même s’achevant avant la naissance
de l’Etat : celui-ci n’apparaissait alors que pour encadrer politiquement et
juridiquement la nation. Il en est ainsi de la majorité des pays d’Europe
occidentale, pour n’envisager qu’eux. La Nation allemande, la Nation italienne
ont, par exemple, existé en tant que réalités sociologiques évidentes avant de
prendre chacune la forme d’un Etat28.

Quant à la Grande-Bretagne et la France, il semble que la création de l’Etat et


celle de la Nation y étaient concomitantes : les guerres, les alliances, les
conquêtes ont formé le concept de Nation, en même temps que croissait l’autorité
de l’Etat. Autrement dit, il y a eu assimilation progressive de populations qui, à
l’origine, ne possédaient ni langue, ni histoire, ni religion communes29.

27
Jean et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien-Lextenso éditeurs, 21e
éd., 2007, p. 55.
28
En effet, en Allemagne, l’existence d’une langue et d’une culture communes a permis de concevoir la nation en
l’absence de toute unité politique avant 1871. De même, en Italie, le sentiment national a servi de ciment idéologique
préalable à l’unification de l’État.
29
En effet, dans ces deux pays, c’est l’action centralisatrice et unificatrice du pouvoir royal qui a contribué de
manière décisive à l’émergence de la nation. Mais le sentiment national, présent chez une élite restreinte, s’est diffusé assez
lentement. Il faut en effet attendre la fin du XVe siècle pour que l’idée de nation devienne incontournable en France et en
Angleterre. La guerre de Cent ans a soudé les populations dans l’adversité et contribué de manière décisive à l’émergence de
l’identité nationale. V. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/idee-nation.html

20
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

Par contre, dans d’autres pays, tout s’est passé comme si l’édification de
l’Etat précédait et modelait la constitution de la nation, à partir d’agrégats
généralement hétérogènes d’ethnies, de peuples, de groupes humains, méritant
difficilement le titre de nation au sens européen30. On cite plus fréquemment, à
cet égard, l’exemple des Etats-Unis, dont la conscience nationale ne s’est forgée
qu’après l’adoption de la Constitution fédérale de 1787.

On peut également noter l’exemple de nombreux pays du Tiers-Monde où


l’Etat a précédé la constitution de la nation. Il a été généralement plaqué, plus ou
moins arbitrairement par le colonisateur, sur une sociologique composée d’une
mosaïque d’ethnies juxtaposées les unes aux autres, mais non point intégrées. Or,
force est de constater que l’hétérogénéité de la société, du point de vue
linguistique, religieux, culturel ou économique se concilie mal avec l’unité
nationale de l’Etat. L’absence notamment d’un loyalisme national représente un
germe de décomposition pour ce dernier. A cet égard, les événements du Biafra
(1967-1970) et du Rwanda (1994-95) et l’éclatement du Soudan sont exemplaires.

2.- Les rapports de la concordance entre l’Etat et la nation dans l’espace

L’Etat coïncide-t-il avec la nation ? Autrement dit, y-a-t-il identité entre


communauté nationale et communauté étatique ?

La réponse à cette question doit être nuancée. En effet, si parfois la


population de l’Etat coïncide avec la nation, il n’en est pas toujours de même, ce
qui entraîne certaines difficultés juridiques et politiques31.

Ainsi, par suite de vicissitudes historiques, une nation peut se trouver


répartie entre plusieurs Etats. On peut citer à cet égard les cas des Basques et des
Catalans répartis entre la France et l’Espagne, du peuple Kurde écartelé entre les
territoires de la Turquie, l’Iran ,l’Irak et la Syrie, ainsi que le cas des ethnies

30
Cf., H. LEFEVRE, De l’Etat,
31
Par exemple, le principe des nationalités qui est apparu au XIXe s. (principe consacrant le droit de toute nation de
se constituer en Etat indépendant) a engendré de nombreux conflits internationaux en Europe. Appliqué partiellement dans ce
continent, ce principe n’a cependant jamais été admis en tant que règle générale par le droit international.

21
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

africaines non prises en compte lors du tracé des frontières coloniales, conservé
en l’état lors des indépendances, en application du principe de l’intangibilité des
frontières consacré par la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine (O.U.A.)
adoptée le 25 mai 1963 à Addis-Abeba32.

Inversement, il peut exister des Etats multinationaux dont la population


étatique regroupe plusieurs nations ou nationalités : ce fut le cas de l’ex-URSS, de
l’ex-Yougoslavie, et c’est le cas encore de la Suisse, de la Russie, du Royaume-
Uni, de la Chine, de la Belgique, etc.

Si la population de l’Etat apparaît comme un ensemble d’individus habitant


le territoire national, elle englobe, en réalité, plusieurs catégories sociales. Mais
la distinction essentielle, au sein de cette population, se manifeste entre les
nationaux et les étrangers. A la différence de ces derniers (qui sont également
soumis à l’autorité de l’Etat et lié par l’ordre juridique local, comme tout habitant
du territoire national), les nationaux sont ceux qui sont liés à l’Etat par un lien
juridique et politique : c’est ce que l’on appelle le lien de nationalité33.

§ 2.- Le territoire34

Au même titre que la population, le territoire constitue un élément


fondamental de l’Etat. Il est le cadre spatial dans lequel est établie la collectivité
nationale et la base matérielle sur laquelle s’exerce l’autorité souveraine et

32
Par ailleurs, conséquemment à la Seconde guerre mondiale et à la guerre froide, certaines nations ont été
fractionnées en deux Etats ayant des régimes politiques opposés. Il en était ainsi de la nation allemande, qui a été partagée
pendant 40 ans entre la République fédérale allemande (R.F.A) et la République démocratique allemande (R.D.A.), de la
nation vietnamienne qui fut divisée en 1954 entre la République démocratique du Vietnam (Nord-Vietnam) et la République
du Vietnam ( Sud- Vietnam ) et ce jusqu’en 1975 , sans oublier le cas de la nation coréenne qui est toujours scindée en
deux : entre la Corée du nord et la Corée du sud.
33
Jadis lien personnel unissant des sujets à leur roi, ce lien abstrait rattache désormais les individus à l’Etat, qui
l’octroie unilatéralement selon ses règles juridiques internes. Il rattache également chaque individu aux autres membres de la
société nationale33. Il peut être acquis dès la naissance ou au cours de la vie. A cet égard, on distingue les pays qui
privilégient le droit du sang (jus sanguinis), c’est-à-dire la filiation, et ceux qui préfèrent se fonder sur le droit du sol (jus
soli). Il peut aussi y avoir ultérieurement changement de nationalité : c’est l’hypothèse exceptionnelle de la naturalisation,
procédure par laquelle un étranger peut sur sa demande, d’acquérir une nationalité à la suite de la discrétionnaire de l’Etat qui
l’octroie. Mais quelle que soit la manière dont on acquiert la nationalité elle implique toujours certains droits et obligations,
tels les droits politiques (l’aptitude d’être élu, droit de vote, etc.)33, le libre accès aux fonctions et aux emplois publics, la
protection diplomatique par l’intermédiaire des ambassades et des consulats entretenus par les Etats à l’étranger, les
obligations militaires ou civiles, etc. (v. par exemple, art. 18 et s. de la Constitution marocaine).
34
Julio Barberis, « Les liens juridiques entre l'Etat et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit
international », AFDI, Année 1999 45 pp. 132-147

22
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

exclusive de l’Etat. D’ailleurs, ce dernier apparaît, au premier chef, comme une


formation territoriale et il ne peut se concevoir sans une emprise géographique.

Du point de vue historique, la notion de territoire étatique, qui nous est


aujourd’hui si familière, n’a pas toujours existé. Ainsi, la fixation au sol que
constitue le territoire était ignorée des peuples primitifs, car ceux-ci menaient à
l’époque une vie nomade dominée par une économie de type pastoral. Le
territoire, en tant que cadre spatial à l’intérieur duquel l’Etat exerce son pouvoir
de commandement à titre exclusif, n’est apparu en Europe qu’à la suite de
l’écroulement du système féodal. Aujourd’hui, et sauf peut-être l’exception de
quelques peuples nomades, les collectivités humaines sont fixées sur le sol.

Cependant, le territoire de l’Etat n’est pas seulement constitué par le


territoire terrestre (sol, sous-sol, ainsi que les mers et eaux intérieures telles
les lacs, ports, rades, havres, golfes), mais aussi (généralement), l’espaces
maritimes (mer territoriale, zone économique, plateau continental), et aérien.
Evidemment, il est toujours délimité par des frontières.

Le territoire de l’Etat comprend généralement, en plus du territoire


terrestre, les espaces maritime et aérien :

A. Le territoire terrestre

Le territoire terrestre comprend non seulement les terres délimitées par


les frontières (qui peuvent être naturelles ou artificielles), mais également le
sous-sol, les mers et eaux intérieures (lacs, ports, rades, havres, golfes).
Evidemment, c’est ce territoire qui matérialise l’Etat et exprime la fixation au sol,
quelque part sur la surface du globe, de la collectivité nationale. Il peut être d’un
seul tenant ou discontinu, comme c’est le cas des archipels, de la France avec les
départements d’Outre-mer, des Etats-Unis avec l’Alaska et Hawaï. Il peut
également être enclavé : ainsi le Lesotho est enclavé dans la République
d’Afrique du Sud, la Gambie est enclavée dans le Sénégal, Saint Marin est enclavé
dans l’Italie. Il peut être très étendu, comme la Russie, les Etats-Unis, la Chine,

23
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

l’Inde, le Brésil, etc., ou de dimension restreinte comme Monaco, le Lichtenstein,


Saint Marin, etc.

B. L’espace maritime35

Si pendant longtemps la doctrine défendait le principe selon lequel la mer


comme l’air ne sauraient constituer des territoires, à l’époque contemporaine, les
Etats riverains étendent tous leur souveraineté sur l’espace maritime36. Celui-ci
comporte, d’une part, une bande maritime autour du territoire terrestre d’une
largeur de 12 milles marins (plus de 22 km), appelée mer territoriale37 et, d’autre
part, depuis peu, une zone contiguë (de 24 milles marins) et une zone
économique exclusive (ZEE) d’une largeur de 200 milles marins (plus de 370 km)
dans laquelle ils bénéficient de droits économiques (laquelle englobe aussi le
plateau continental)38.

C. L’espace aérien

L’espace aérien est généralement défini comme étant la zone qui


surplombe le territoire de l’Etat (terrestre et maritime39), en deçà de l’espace
extra-atmosphérique40. Il est devenu un élément vital pour les Etats, notamment

35
Ce territoire est régi principalement par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS),
adoptée en novembre 1982 à Montego Baye, en Jamaïque. Celle-ci comporte 320 articles et prévoit la création de trois
instances internationales: le Tribunal international du droit de la mer, la Commission des limites du plateau continental
(CLCS) et l’Autorité maritime internationale.
36
Rappelons à cet égard que le Parlement marocain a adopté, le mercredi 22 janvier 2020 à l'unanimité, deux
projets de loi permettant la mise à jour de l’arsenal juridique marocain relatif à l’espace maritime du Royaume. Il s’agit du
projet de loi n° 37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la
limite des eaux territoriales, ainsi que du projet de loi n° 38.17 modifiant et complétant la loi n° 1.81 instituant une zone
économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines. Ainsi, désormais, cet espace s'étend de Tanger à
Lagouira et se compose de quatre zones délimitées comme suit: la mer territoriale (12 MM), la zone contiguë (24MM), la
zone économique exclusive (200 MM) incluant le plateau continental (de 350 MM au minimum)
37
Dans cette zone, l’État riverain peut interdire la navigation de navire militaire étranger mais doit laisser la
navigation civile s’y dérouler normalement.
38
Cela correspond à la ZEE. Cependant, ce que le droit de la mer nomme depuis 1982 le «plateau continental» est
une nouvelle zone de souveraineté comportant le sol et le sous-sol de la plate-forme continentale dans le prolongement des
côtes, et donc pouvant s’étendre au-delà de la ZEE. À l’intérieur de cette zone, l’État dispose de droits sur le fond marin et
son sous-sol, et non sur la colonne d’eau. Il décide donc de l’exploitation et de la gestion des ressources (en hydrocarbures
par exemple). Chaque État côtier dispose dans tous les cas d’un plateau continental (dans son sens juridique) de 200 miles
marin. Cependant l’article 76 de l’UNCLOS permet l’extension du plateau. La Convention de Montego Bay offre donc la
possibilité aux États côtiers d’étendre leur pouvoir et leur souveraineté encore plus loin sur la mer.
39
La convention de Montego Bay précise à cet égard que « la souveraineté de l’Etat côtier s’étend à l’espace
aérien au-dessus de la mer territoriale » (art. 2, § 2).
40
Le droit de l'espace extra-atmosphérique est régi par le Traité de l’Espace. Néanmoins, la limite verticale entre
l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique n'a jamais été défini par une convention internationale. Ce serait
probablement 100 km, qui définit la limite de l'espace selon la Fédération aéronautique internationale.

24
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

suite aux progrès de l’industrie aéronautique au cours de la Première Guerre


mondiale. Ainsi, dès 1919, ils ont solennellement reconnu l’extension de leur
souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de leur territoire
dans l’article 1er de la Convention de Paris41. Cette conception a été de nouveau
confirmée en 1944 dans l’article 1er de la Convention de Chicago relative à
l'aviation civile internationale (abrogeant la première). Cependant,
simultanément, cette réglementation internationale y autorise le survol, par les
aéronefs civils étrangers, en temps de paix42.

§ 3.- Le gouvernement

Pour qu’il y ait Etat, il ne suffit pas d’avoir une population établie sur un
territoire déterminé. Encore faut-il que cette population et ce territoire soient
soumis à une forme particulière de pouvoir politique, c’est-à-dire un
gouvernement (pris ici dans son sens large). Il s’agit là du troisième critère
auquel une entité doit satisfaire pour être considérée comme un Etat.

En effet, on ne peut pas parler d’Etat s’il n’y a pas de gouvernement


capable d’assumer les fonctions internes et externes de celui-ci. C’est d’ailleurs
ce pouvoir politique qui incarne l’Etat et qui lui permet d’affirmer son autorité,
d’exprimer sa volonté et de la mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire
national. Il lui incombe également d’assurer la sécurité de l’Etat et qui lui permet
d’affirmer son autorité, d’exprimer sa volonté et de la mettre en œuvre sur
l’ensemble du territoire national. Il lui incombe également d’assurer la sécurité
de l’Etat et celle de ses ressortissants contre tout danger intérieur ou extérieur. Il
dispose à cet effet de l’Administration ainsi que de la force armée (gendarmerie,
police, armée).

41
Il s’agit de la Convention internationale portant règlementation de la navigation aérienne : conclue le 13 octobre
1919 et entrée en vigueur en 1922. Entre autres, il en est découlé la création de la Commission internationale de navigation
aérienne, la CINA.
42
http://www.cesa.air.defense.gouv.fr/IMG/pdf/PLAF_No6_Col_Dupont.pdf
En revanche, l’État peut interdire tout survol de son espace aérien par des aéronefs militaires (la France par
exemple a refusé le survol de son territoire par les avions américaines pour bombarder Tripoli en Libye en 1986 ; quant à la
Turquie, il a même abattu un avion de chasse russe qui avait survolé son espace aérien en 2015).

25
COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

A vrai dire, depuis l’abandon de la « doctrine Tobar » (ministre des Affaires


étrangères de l’Equateur qui avait proposé, en 1907, le principe suivant lequel
aucun gouvernement ne devait être reconnu avant qu’il n’ait obtenu une
légitimité constitutionnelle par approbation populaire), il n’existe pas en droit de
conditions précises relatives à la forme du gouvernement. Ainsi, aux termes de la
résolution 2625 (XXV) 1970 de l’Assemblée générale des Nations Unies
(Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre Etats) : « tout Etat a le droit inaliénable de choisir
son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme
d’ingérence de la part d’un autre Etat ». Par conséquent, le gouvernement peut
prendre diverses formes politiques ou constitutionnelles : monarchiques,
républicaines, démocratiques, autoritaires, etc.43.

Certes, c’est l’Etat qui détient le pouvoir normatif, c’est-à-dire le pouvoir


d’édicter des règles de conduite, s’imposant aux membres de la société,
obligatoires pour eux. Cependant, dans l’ordre juridique interne, il n’est pas le
seul à créer des règles de droit. Le pouvoir normatif appartient aussi aux
particuliers qui s’engagent par des contrats et aux groupements (sociétés,
syndicats, partis politiques, associations) qui imposent des obligations à leurs
membres et à leurs adhérents (statuts, règlements intérieurs,…). Mais, ce qui
caractérise l’Etat à titre exclusif, c’est le monopole de la contrainte organisée.
Cela signifie que seul l’Etat peut détenir et user de la force publique, à l’intérieur
de ses frontières, pour exiger le respect des règles qu’il a posées et les décisions
qu’il a prises. Aucun particulier ne peut se faire justice à soi-même ; et chacun
doit, pour obtenir la mise en œuvre des droits qu’il a envers les autres, passer par
l’intermédiaire de l’Etat. Ce monopole de la contrainte, de la force, apparaît
comme l’élément capital de la définition de l’Etat44. Celui-ci doit donc l’exercer

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Cependant, l’évolution contemporaine invite à nuancer ce constat d’indifférence du droit quant à la forme
gouvernementale. En effet, depuis quelques années, on assiste à l’émergence d’une forte tendance visant à introduire, en droit
international, le principe de légitimité démocratique des gouvernements, sous l’effet des implications logiques de la
consécration internationale des principales libertés publiques, envisagées comme droits de l’homme. Même si cette tendance
se heurte encore aux réticences de certains pays du Tiers monde, elle s’est vue renforcée avec la fin de la guerre froide et la
disparition du conflit idéologique longtemps persistant entre les pays socialistes et les pays occidentaux Ainsi, en 1994, les
NU en ont pris fait et cause pour la 1ère fois dans une crise purement interne, en exigeant la restauration de la démocratie à
Haïti, après le coup d’Etat militaire qui avait déposé le « président légitimement élu » (Rés. 940 du CS du 13 aout 1994).
44
Ainsi, d'après Max Weber (1864-1920) dans Le Savant et le politique, « l'État est une entreprise politique à
caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès, dans l'application de ses règlements, le

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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL (Théorie générale)

effectivement, car tout Etat qui laisse se développer des pouvoirs de contrainte,
qui lui échappent, abdique.

Par ailleurs, il faut que l’appareil gouvernemental fonctionne en


permanence. Il doit être investi de compétences réelles et non pas fictives et qui
l’autorisent à commander aux gouvernés. Pour être réellement efficace et
souveraine, cette autorité étatique doit être reconnue par tous et apparaître
comme légitime et consentie. L’Etat est ainsi une société dont les ressortissants
acceptent généralement, pour régler leurs conflits, le pouvoir organisé. C’est
d’ailleurs cette idée de pouvoir et d’organisation du pouvoir qui a permis de
définir l’Etat comme étant la personnification juridique de la nation.

monopole de la contrainte physique légitime sur un territoire donné », c'est-à-dire qu'il est le seul a pouvoir faire respecter les
lois à travers l'armée, la justice et la police.

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