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1/ 2023-2024
EL MEKKAKI AHMED
Professeur de droit public
1
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Plan du cours
INTRODUCTION
Chapitre I : L’ETAT
Chapitre II : LA CONSITUTION
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
§ 2. - L’élaboration de la constitution
A. Le procédé autoritaire d’élaboration de la constitution : l’octroi
B. Les modes de compromis
C. Les procédés démocratiques d’élaboration des constitutions
§ 3. - La révision de la constitution
A. L’initiative de la révision de la constitution
B. La procédure de révision des constitutions
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Indications bibliographiques
Manuels et ouvrages
- ARDANT (Philippe), MATHIEU (Bertrand), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, LGDJ : Lextenso éditions, 34e éd, 2022-2023.
- BERANGER (Denis), Le droit constitutionnel, Paris, PUF, « Que sais-je », 7e éd,
2017.
- BLACHER (Philippe), Le droit constitutionnel, Paris, Hachette, coll. « Les
fondamentaux», 5e éd, 2018.
- BODINEAU (Pierre), Verpeaux (Michel), Histoire constitutionnelle de la France,
Paris, PUF, « Que sais-je ? », 4e éd, 2014,
- BOUDON (Julien), Manuel de droit constitutionnel, t. 1 : théorie générale, histoire,
régimes étrangers, Paris, PUF ? 2015
- BORELLA (François), Éléments de droit constitutionnel. Paris, Presses de Sciences
Po, 2008.
- CARCASSONNE (Guy), GUILLAUME (Marc), La Constitution, Paris, Points : 2017,
14e éd.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), de MONTALIVET (Pierre), Droit constitutionnel
contemporain 1 ; Paris, Dalloz ; coll. « Cours », 2019, 10e éd.
- CHAGNOLLAUD t (Dominique), BUDAU (Aurélien), Droit constitutionnel
contemporain 2 ; Paris, Dalloz ; coll. « Cours », 2019, 9e éd.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 1 : théorie de la Constitution, Paris, Dalloz, 2012.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 2 : distribution des pouvoirs, Paris, Dalloz, 2012.
- CHAGNOLLAUD (Dominique), TROPER (Michel), Traité international de droit
constitutionnel, t. 3 : suprématie de la Constitution, Paris, Dalloz, 2012.
- CHANTEBOUT (Bernard) , Droit constitutionnel, Paris, Sirey : 2015, 32e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État, Paris, Dalloz : 2011, 2e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État post-moderne, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-
Lextenso : 2014, 4e éd.
- CHEVALLIER (Jacques), L'État de droit, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-Lextenso :
2017, 6e éd.
- COHENDET (Marie-Anne), Droit constitutionnel - cours, travaux dirigés, conseils
de méthode, exercices, sujets d'examen, corrigés, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-
Lextenso : 2015.
- CONSTANTINESCO (Vlad), PIERRÉ-CAPS (Stéphane), Droit constitutionnel, Paris,
PUF : 2016, 7e éd.
- DEBBASCH (Roland), Droit constitutionnel, Paris, LexisNexis, 9e éd, 2014.
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Dictionnaires et lexiques :
- Avril Pierre, Jean Gicquel, Lexique- Droit constitutionnel, Paris, PUF, « Que sais-je
», 2016.
- Duhamel Olivier et Mény Yves (sd), Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992.
- Hermet Guy, Birnbaum Pierre, Bruaud Philippe, Badie Bertrand, Dictionnaire de
la science politique et des institutions politiques, Armand-Colin, coll. Cursus,
2e éd., 1996.
- Michel de Villiers, Armel Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel,
Dictionnaires Sirey, 11e éd. 2017.
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Revues
Pouvoirs (Revue fondée en 1977, publiée par les éditions du Seuil) ;
Revue du droit public et de la science politique (fondée en 1894, publiée par la
LGDJ)
Revue française de droit constitutionnel (fondée en 1990, publiée par les PUF)
Revue française de science politique (fondée en 1951, publiée par les Presses de la
Fondation nationale des sciences)
SITES INTERNET
Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr),
"Jurifrance" (http://www.jurifrance.com).
Conseil constitutionnel français (http://www.lamyline.com)
http://www.droit.org,
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-3-page-
451.htm
https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univ-amu.../plaquette_td_constit._-_2017-
2018.pdf
https://books.openedition.org/iheid/85
COURS-DE-DROIT.NET › DROIT-CONSTITUTIONNEL-COURS-GRATUIT-A-TELECHARGER-D…
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INTRODUCTION
1 La distinction entre le droit public et le droit privé vient en partie du droit romain. En effet, déjà en 420 avant
Jésus Christ, le juriste romain Ulpien (Domitius Ulpianus en latin) explique dans le Ier livre de ses Institutes (Digeste de
Justinien) que « l’étude du droit présente deux aspects, le public et le privé : le droit public concerne l’État de la République
; le droit privé, l’utilité des particuliers. ». Cependant, cette distinction droit public et le droit privé n’a jamais fait l'objet de
développements théoriques, et ce jusqu’au XVIe siècle, notamment avec l’apparition de l’État moderne. Jérémie Van
Meerbeeck, « Droit public et droit privé : ni summa ni divisio? », https://dial.uclouvain.be › PDF_01 › view . Ainsi,
actuellement, il est bien admis que le droit public englobe l’« ensemble des règles juridiques qui organisent l’État, les
pouvoirs publics et qui régissent leurs rapports avec les particuliers, les autres États voire les entités internationales » tandis
que le droit privé désigne l’« ensemble des règles juridiques applicables au statut des personnes privées et aux relations
qu’elles entretiennent entre elles ». V. Cabrillac R., Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, 2002, p. 150
2
Le système politique est un mode d'organisation d'un État. Il comprend notamment le régime politique, la
structure économique, l'organisation sociale, etc. Il est formé d'un ensemble d'institutions politiques (appareils étatiques,
agences gouvernementales, ministères), d’acteurs politiques (partis politiques, syndicats, organisations non-
gouvernementales) …) et des normes et de croyances politiques (idéologies, doctrines, lois, règles). Les systèmes
politiques sont nombreux, les principaux étant la démocratie, l'autoritarisme et le totalitarisme.
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http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-droit-constitutionnel.html
4 Jean-Louis Mestre, « Les emplois initiaux de l'expression « droit constitutionnel », Revue française de droit
constitutionnel, 2003/3 (n° 55). PUF, pp.451-472.
www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RFDC_055_0451
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Ainsi, par rapport aux autres branches du droit, le droit constitutionnel est
une discipline relativement récente, puisque la première chaire de ce droit ne fut
créée qu’en 1834, à la Faculté de droit de Paris, et qui fut confié à l’italien M.
Pellegrino Rossi5. Son apparition en tant que discipline juridique autonome,
intervient donc à la suite des révolutions américaine (1775-1783) et française
(1789) au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, conséquemment à
l’apparition, un peu partout en Europe, de documents constitutionnels portant des
noms variés : constitution, charte ou statut, proclamant la souveraineté du peuple,
les libertés individuelles et la limitation du pouvoir6.
5 En effet, c’est sur l’initiative de F. Guizot qu’a été créée en 1834 cette chaire du droit constitutionnel à la faculté
de Paris. Cependant, à l’époque, on se limitait à l’étude de la Constitution : l’organisation et la formation des pouvoirs
publics et leurs relations. C’est à cette époque que sont nées les grandes notions du droit constitutionnel : la séparation des
pouvoirs, le régime représentatif, etc… Il n’y avait pas de droit constitutionnel en dehors de la Constitution.
6 En fait, jusqu’à la fin du XIXe siècle, son enseignement était confiné à un public de doctorat. Cependant, avec le
triomphe de la République en France, celle-ci décida de le généraliser aux étudiants de première année de Licence en
l’inscrivant au programme de la Licence (cours semestriel) par la réforme du 24 juillet 1889.
7 En tant que corps de règles obligatoires, le droit constitutionnel présente, avec le droit international public, cette
particularité de réglementer le pouvoir suprême, à savoir l’organisation et le fonctionnement de l’Etat souverain. Tous les
autres droits régissent des pouvoirs inférieurs et, de ce fait, en cas de violation du droit, des sanctions sont possibles. Mais,
lorsqu’il s’agit du pouvoir suprême, cela n’est pas toujours évident.
8 François BORELLA, « La situation actuelle du droit constitutionnel », Revue française de droit
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Selon cette conception, le droit constitutionnel se définit soit par des traits formels, soit par des traits matériels.
Suivant la définition « formelle », le droit constitutionnel se confond avec le droit des constitutions, en ce sens que cette
discipline étudie principalement les dispositions juridiques contenues dans la constitution, texte juridique communément
considéré comme la loi fondamentale de l’État, s’imposant à tous et supérieure à toutes les autres règles de droit (lois,
règlements, etc.). Dès lors, les études constitutionnelles porte essentiellement sur les règles de droit relatives à l’organisation
et au fonctionnement des pouvoirs publics supérieurs de l’État (énumération et description des différents pouvoirs : exécutif,
législatif, judiciaire) et à leurs rapports réciproques. En revanche, suivant la définition « matérielle », le droit constitutionnel
comprend l’ensemble des normes juridiques qui régissent le statut, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics
supérieurs de l’État. Ici, c’est donc le contenu des règles juridiques plus que leur forme qui prime.
10 Selon cette conception, le droit constitutionnel ne se présente plus uniquement comme une discipline qui se
limité à la seule analyse des textes, mais qui s’intéresse aussi au contexte politique et social qui permet de comprendre
l’origine et le fonctionnement d’un système politique. Autrement dit, en l’étudiant, on débouche inéluctablement sur l’étude
de la science politique, car on doit désormais tenir compte des phénomènes qui excèdent le droit positif (tels, par exemple, le
système des partis et leur rôle dans les élections ; la structure de la majorité, le rôle des idéologies et des groupes de pression
dans la vie politique, etc.).
11 L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la constitution et constitution du droit », Revue française de Droit
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- Le droit constitutionnel est aussi un droit des libertés fondamentales, car il régit les
relations entre les individus et la puissance publique, en conférant à ceux-là un certain
nombre de droits et libertés fondamentaux, reconnus et consacrés par la plupart des
constitutions modernes (v. art. 19 et s. de la Constitution marocaine). Il s’agit, selon L. Favoreu
du « droit constitutionnel substantiel » assurant la protection des droits et libertés.
12 Cf. Renouveau du droit constitutionnel : Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007 ; Stéphane
PINON, Le « nouveau droit constitutionnel » à travers les âges. V. dans :
www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC2/PinonTXT.pdf
13 L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la constitution et constitution du droit », op. cit. V. Dominique
TURPIN, Droit constitutionnel. Paris, PUF, 2007 ; L. FAVOREU et autres, Droit constitutionnel, (manuel précité) ; Jacques
Chevallier. « Droit constitutionnel et institutions politiques : les mésaventures d’un couple fusionnel ». La République.
Mélanges en l’honneur de Pierre Avril, Montchrestien, pp.183-199, 2001, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-
01728067/document; Stéphane Mouton et Xavier Bioy Les (r)évolutions du droit constitutionnel : propos introductifs,
https://books.openedition.org › putc ;
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CHAPITRE I
L’ETAT
Si l’idée d’État est très ancienne, puisqu’elle remonte loin dans l’histoire
(l’Antiquité, par exemple, a connu la « polis » ou la Cité-État, telles Thèbes,
Sparte, Athènes, Rome, etc.), ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que la notion
moderne de l’État (avec E majuscule) s’est introduite dans le vocabulaire
politique européen (Stato : en italien, Staat : en allemand et State : en anglais)16.
Elle désigne désormais la structure institutionnelle qui régit la vie d’une
population vivant sur un territoire géographique donné, qui la contraint et qui
l’administre, se caractérisant par une souveraineté interne et externe.
Machiavel, l’un des premiers qui en fait l’analyse , notamment dans le Prince (1513). Elle coïncide en fait avec la crise du
système féodal en Europe (système politique fondé sur les liens personnels entre protecteurs (suzerains) et protégés
(vassaux)) et la consolidation du pouvoir royal dans le cadre d’entités politiques souveraines, lesquelles refusaient de se
soumettre à l’autorité d’autres entités politiques : « Le Roi de France est Empereur en son Royaume ». Cette phrase célèbre
prononcée par Philippe Auguste à la fin du XIIIème siècle, illustre parfaitement cette volonté de renforcer l'institution royale
et d'assurer sa suprématie sur toute autre puissance V. https://www.larousse.fr › encyclopedie › divers › féod...Arnauld
Leclerc, Comment l'État s'est-il formé et développé ?, Introduction à la Science politique, https://cours.unjf.fr › Cours ›
06_item › indexI
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De nos jours, l’État est une réalité politique et juridique, car il est présent
dans la vie politique et juridique quotidienne des citoyens (droits et devoirs de la
citoyenneté) et encadre de nombreux domaines d’activité de la société17.
Cependant, si l’État moderne a été conçu en Europe, ce n’est pas un phénomène
uniquement européen. Ainsi, depuis la Seconde Guerre mondiale, de nombreux
peuples et nations se sont constitués en États, sur les territoires qu’avaient
colonisés les puissances européennes. Cette multiplication et cette
mondialisation du phénomène étatique18 sont d’ailleurs aisément vérifiables : lors
de sa création en juin 1945, l’O.N.U. ne comprenait que 51 États membres, alors
qu’actuellement, elle en compte 19319.
17 V. par exemple Décret n° 2012-127 du 30 Janvier 2012 approuvant la charte des droits et devoirs du citoyen
français prévue à l’article 21-24 du code civil - Journal officiel du 31 janvier 2012 ; http://sitesecoles.ac-poitiers.fr › sites ›
IMG › pdf
18 H. LEFEVBRE, De l’État, t. I, Union générale d’éditions, coll. 10/18, 1976, p. 24 ; BAGUENARD, L’État – Une
aventure incertaine, Ellipses, 1998, p. 41 ; J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, 3e éd., LGDJ, coll. Droit et société,
2008, p. 24.
19
Actuellement, le nombre des États dans le Monde se situe aux alentours de 200. Mais, même s’ils jouissent tous
de l’égalité souveraine en droit international en vertu de l’article 2, § 1 de la Charte des Nations, ils sont en fait sont très
différents les uns des autres quant à leur population, leur territoire, leurs institutions politiques, leur degré de développement,
etc. V. les exemples suivants : USA: 9,15 Mkms2, 267 millions, Vanuatu : 12 000 kms2, 200 000 hbts, Monaco : 195
hectares, 5070 monégasques, 29 000 hts).
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Il ressort de cette définition, que l’on est en présence d’un État, au sens
juridique du terme, lorsque les trois éléments constitutifs suivants sont
réunis d’une manière cumulative (conditions cumulatives) :
- une population permanente (qui habite le territoire de l’État et se trouve de
ce fait soumise à l’autorité de ce dernier) (§ 1) ;
- un territoire défini (qui fixe le cadre à l’intérieur duquel l’État exerce son
pouvoir de commandement à titre exclusif) (§ 2) ;
- un gouvernement (capable d’assurer les fonctions internes et externes de
l’État) (§ 3).
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V. Arnaud Leclerc, INTRODUCTION À LA SCIENCE POLITIQUE - L'ETAT : COMMENT LE DÉFINIR ?
https://cours.unjf.fr › Cours › 04_item › indexI0 ; v. aussi Indications bibliographiques du Cours
21 Définition formulée par la commission d’arbitrage pour la Yougoslavie le 29 novembre 1991, Avis n° 1, RGDIP,
1992, p. 264. La Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États adoptée, en 1933, à l'occasion de la 7 e
Conférence panaméricaine regroupant les États-Unis et de nombreux pays d’Amérique latine, dispose également dans son
article 1 que :
« l’État, en tant que personne du droit international, doit posséder les qualités suivantes :
(a) une population permanente ;
(b) un territoire défini ;
(c) un gouvernement ; et
(d) la capacité à entrer en relation avec d’autres États ».
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§ 1-. La population
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La nation est un terme emprunté du latin natio, -onis, « naissance ». Son étymologie est donc liée à la notion de
naissance (nascere). Elle renvoyait, à l’époque médiévale, à un groupe humain à qui l’on attribuait une origine commune.
Elle va même servir d’argument idéologique pour justifier l’apparition des États modernes en Europe sous forme d’État-
nation. Simultanément, ce lien entre l’État et la nation va donner naissance au principe des nationalités selon lequel chaque
nation a le droit de se constituer en État. D’où l’apparition de nombreux États en Europe, durant le XIXe siècle et à l’issue de
la Première Guerre mondiale.
23 C’est d’ailleurs cette conception de l’État qui triompha en Europe, notamment au lendemain de la conclusion
en 1648 des Traités de Westphalie qui ont fait de l'État souverain le fondement naturel de l'ordre politique et dont les limites
internationales correspondent, au moins théoriquement, à celles des nations. C’est d’ailleurs en ce sens que le Dictionnaire de
l'Académie française de 1694 (1ère édition) a formulé la définition du mot « nation ». Ainsi, pour lui, une « nation » serait:
« Tous les habitants d'un même État, d'un même pays, qui vivent sous les mêmes lois et parlent le même langage ». V.
https://www.dictionnaire-academie.fr › article ; https://books.openedition.org › pum . D’où l’usage du concept de l’ « État-
nation », hypothèse d’un État qui coïncide avec une nation établie sur un territoire délimité par des frontières internationales
et définie en fonction d'une identité commune de la population qui lui confère sa légitimité.
24 V. Marcel Mauss, La nation : Éléments de politique moderne. Édition et présentation de Marcel Fournier et Jean
Terrier, pages 63 à 72, PUF, 2013 ; E. Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780. Programme, mythe, réalité. Paris,
Gallimard, 1992, pp. 14-15.
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A. Population et nation
25V. André Hauriou, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 3eme éd., 1968, p. 96.
26 Hervé BEAUDIN, L’idée de nation, Thèse de doctorat en philosophie, Sorbonne, 2012 ; Michel Winock,
« Qu’est-ce qu’une nation ? » Dans Le XXe siècle idéologique et politique (2013), pages 177 à 194 ; Thomas Fleiner-Gerster,
Théorie générale de l’État, https://books.openedition.org/iheid/1781?lang=en
27 Cependant, si Johann Gottfried von Herder (1744-1803) propose une définition de la nation fondée sur le sol et
une langue commune, Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), dans ses Discours à la nation allemande (1807), insiste sur l’idée
de peuple et l’importance de la langue.
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28 L'ONU estime qu'environ 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, ont perdu la vie d’avril à juillet 1994 dont la
moitié d’entre eux étaient des enfants (génocide commis par des extrémistes Hutus).
29 Ernest Renan, dans sa célèbre conférence de 1882 intitulée "Qu’est-ce qu’une Nation ?", pose comme critères de
l’appartenance nationale, "le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis."
Selon lui, "l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours.".
30 Jean et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien-Lextenso éditeurs, 21e
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principe du droit du sol (jus soli en latin), règle de droit attribuant une nationalité
à une personne physique en raison de sa naissance (avec ou sans conditions) ou
par la voie de la naturalisation (procédure de l'acquisition d'une nationalité par un
individu qui ne la possède pas par sa naissance)32.
B. État et Nation
32 V. Eleanor Cashin Ritaine, Nationalité étatique : un état des lieux juridique. https://www.lalive.law › data ›
publications › C... Sur le droit de la nationalité marocaine, DAHIR n. 1-58-250 portant Code de la nationalité marocaine
(B.O. 12 sept. 1958, p. 1492) tel qu’il a été modifié et complété ultérieurement : https://www.refworld.org › pdfid ;
https://www.tgr.gov.ma › wps › wcm › connect
33 En effet, en Allemagne, l’existence d’une langue et d’une culture communes a permis de concevoir la nation en
l’absence de toute unité politique avant 1871. De même, en Italie, le sentiment national a servi de ciment idéologique
préalable à l’unification de l’État.
34 G. Burdeau, Traité de science politique. 3e édition. T. 1. Le pouvoir politique. T. 2. L'État, Paris, LGDJ, 1980.
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Par contre, dans d’autres pays, tout s’est passé comme si l’édification de
l’État précédait et modelait la constitution de la nation, à partir d’ethnies, de
peuples, de groupes humains hétérogènes, méritant difficilement le titre de
nation au sens européen36. On cite plus fréquemment, à cet égard, l’exemple des
Etats-Unis, dont la conscience nationale ne s’est forgée qu’après l’adoption de la
Constitution fédérale de 1787.
35 En effet, dans ces deux pays, c’est l’action centralisatrice et unificatrice du pouvoir royal qui a contribué de
manière décisive à l’émergence de la nation. Mais le sentiment national, présent chez une élite restreinte, s’est diffusé assez
lentement. Il faut en effet attendre la fin du XVe siècle pour que l’idée de nation devienne incontournable en France et en
Angleterre. La guerre de Cent ans a soudé les populations dans l’adversité et contribué de manière décisive à l’émergence de
l’identité nationale et au passage d’une société féodale et religieuse à un État moderne. V. http://www.vie-
publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/idee-nation.html
36 Cf., H. LEFEVRE, De l’Etat, Paris : Union Générale d'Editions; DL 1978.
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37 Par exemple, le principe des nationalités qui est apparu au XIXe s. (principe consacrant le droit de toute nation de
se constituer en Etat indépendant) a engendré de nombreux conflits internationaux en Europe. Appliqué partiellement dans ce
continent, ce principe n’a cependant jamais été admis en tant que règle générale par le droit international.
38 Par ailleurs, conséquemment à la Seconde guerre mondiale et à la guerre froide, certaines nations ont été
fractionnées en deux Etats ayant des régimes politiques opposés. Il en était ainsi de la nation allemande, qui a été partagée
pendant 40 ans entre la République fédérale allemande (R.F.A) et la République démocratique allemande (R.D.A.), de la
nation vietnamienne qui fut divisée en 1954 entre la République démocratique du Vietnam (Nord-Vietnam) et la République
du Vietnam ( Sud- Vietnam ) et ce jusqu’en 1975 , sans oublier le cas de la nation coréenne qui est toujours scindée en
deux : entre la Corée du nord et la Corée du sud.
39
Jadis lien personnel unissant des sujets à leur roi, ce lien abstrait rattache désormais les individus à l’Etat, qui
l’octroie unilatéralement selon ses règles juridiques internes. Il rattache également chaque individu aux autres membres de la
société nationale39. Il peut être acquis dès la naissance ou au cours de la vie. A cet égard, on distingue les pays qui
privilégient le droit du sang (jus sanguinis), c’est-à-dire la filiation, et ceux qui préfèrent se fonder sur le droit du sol (jus
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§ 2.- Le territoire40
soli). Il peut aussi y avoir ultérieurement changement de nationalité : c’est l’hypothèse exceptionnelle de la naturalisation,
procédure par laquelle un étranger peut sur sa demande, d’acquérir une nationalité à la suite de la discrétionnaire de l’Etat qui
l’octroie. Mais quelle que soit la manière dont on acquiert la nationalité elle implique toujours certains droits et obligations,
tels les droits politiques (l’aptitude d’être élu, droit de vote, etc.)39, le libre accès aux fonctions et aux emplois publics, la
protection diplomatique par l’intermédiaire des ambassades et des consulats entretenus par les Etats à l’étranger, les
obligations militaires ou civiles, etc. (v. par exemple, art. 18 et s. de la Constitution marocaine).
40 P. DAILLIER, A. PELLET, M. FORTEAU, Droit international public, Paris, LGDJ, Lextenso, 2009, n° 229, p.
440, Julio Barberis, « Les liens juridiques entre l'Etat et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit
international », AFDI, Année 1999, pp. 132-147; Thibaut Fleury Graff, « Territoire et droit international », Dans Civitas
Europa 2015/2 (N° 35), pages 41 à 53 .
41 Sur cette conception du territoire, V. notamment : D. ALLAND, « Territoire », in D. ALLAND et S. RIALS
(dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Puf, 2003, pp. 1474 et s. ; D. NORDMAN, « Territoire », in L. BELY
(dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Puf, 1996, p. 1204 et s. ; D. GUIGNARD, « La réforme territoriale, une réforme qui
dit réellement son nom ? », BJCL, n° 1, 2015, p. 7, spéc., p. 9.
42
Georgita Cislaru, « Nom de pays, nom de peuple : quels usages, quelles identités ? », dans Cahiers de
sociolinguistique 2006/1 (n° 11), pages 41 à 62, https://www.cairn.info › revue-cahiers-de-sociolinguist.
23
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
l’État exerce son autorité suprême, est nécessairement délimité par des frontières
internationales, définies et reconnues par le droit international public.
A. Le territoire terrestre
24
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
B. L’espace maritime
44 Ce droit est d'origine coutumière, car pendant longtemps, les espaces maritimes étaient régis uniquement par le
principe de la liberté de mers et par un ensemble de règles coutumières. Cependant, actuellement, il est codifié
principalement par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), adoptée en novembre 1982 à Montego
Baye, en Jamaïque. Celle-ci comporte 320 articles et prévoit la création de trois instances internationales : le Tribunal
international du droit de la mer, la Commission des limites du plateau continental (CLCS) et l’Autorité maritime
internationale.
45 En droit maritime international, la ligne de base est la ligne séparant les eaux intérieures d'un État, sur lesquelles
celui-ci possède tous les droits, et sa mer territoriale. Elle correspond habituellement à la laisse de basse mer, telle qu'elle est
indiquée sur les cartes marines officielles de l'État côtier. C'est à partir de cette ligne que sont établies les autres zones
maritimes. Rappelons à cet égard que le Parlement marocain a adopté, le mercredi 22 janvier 2020, à l'unanimité, deux
projets de loi permettant la mise à jour de l’arsenal juridique marocain relatif à l’espace maritime du Royaume. Il s’agit du
projet de loi n° 37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la
limite des eaux territoriales, ainsi que du projet de loi n° 38.17 modifiant et complétant la loi n° 1.81 instituant une zone
économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines. Ainsi, désormais, cet espace s'étend de Tanger à
Lagouira et se compose de quatre zones délimitées comme suit : la mer territoriale (12 MM), la zone contiguë (24 MM), la
zone économique exclusive (200 MM) incluant le plateau continental (de 350 MM au minimum)
25
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
C. L’espace aérien
46
Cette zone est définie par l'article 76 de la CNUDM. Mais, chaque État côtier peut décider de créer ou non une
ZEE ; il peut alors en fixer arbitrairement la largeur, qui ne peut toutefois être supérieure à 200 milles comptés à partir de la
ligne de base. La plupart des États ont opté pour une ZEE de 200 milles.
47
La convention de Montego Bay précise à cet égard que « la souveraineté de l’État côtier s’étend à l’espace
aérien au-dessus de la mer territoriale » (art. 2, § 2).
48 Le droit de l'espace extra-atmosphérique est régi par le Traité de l’espace ou plus précisément Traité sur les
principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extraatmosphérique, y compris
la Lune et les autres corps célestes, ratifié en 1967. Néanmoins, la limite verticale entre l'espace aérien et l'espace extra-
atmosphérique n'a jamais été défini par une convention internationale. Ce serait probablement 100 km, qui définit la limite de
l'espace selon la Fédération aéronautique internationale.
49 Il s’agit de la Convention internationale portant règlementation de la navigation aérienne : conclue le 13 octobre
1919 et entrée en vigueur en 1922. Entre autres, il en est découlé la création de la Commission internationale de navigation
aérienne, la CINA.
50
http://www.cesa.air.defense.gouv.fr/IMG/pdf/PLAF_No6_Col_Dupont.pdf
En revanche, l’État peut interdire tout survol de son espace aérien par des aéronefs militaires (la France par
exemple a refusé le survol de son territoire par les avions américaines pour bombarder Tripoli en Libye en 1986 ; quant à la
Turquie, il a même abattu un avion de chasse russe qui avait survolé son espace aérien en 2015).
26
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
§ 3.- Le gouvernement
Pour qu’il y ait État, il ne suffit pas d’avoir une population établie sur un
territoire déterminé. Encore faut-il que cette population et ce territoire soient
soumis à une forme particulière de pouvoir politique, c’est-à-dire un
gouvernement (pris ici dans son sens large). Il s’agit là du troisième critère
auquel une entité doit satisfaire pour être considérée comme un État.
51 Cependant, l’évolution contemporaine invite à nuancer ce constat d’indifférence du droit quant à la forme
gouvernementale. En effet, depuis quelques années, on assiste à l’émergence d’une forte tendance visant à introduire, en droit
international, le principe de légitimité démocratique des gouvernements, sous l’effet des implications logiques de la
consécration internationale des principales libertés publiques, envisagées comme droits de l’homme. Même si cette tendance
se heurte encore aux réticences de certains pays du Tiers monde, elle s’est vue renforcée avec la fin de la guerre froide et la
disparition du conflit idéologique longtemps persistant entre les pays socialistes et les pays occidentaux Ainsi, en 1994, les
27
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
NU en ont pris fait et cause pour la 1ère fois dans une crise purement interne, en exigeant la restauration de la démocratie à
Haïti, après le coup d’Etat militaire qui avait déposé le « président légitimement élu » (Rés. 940 du CS du 13 aout 1994).
52
Ainsi, d'après Max Weber (1864-1920) dans Le Savant et le politique, « l'État est une entreprise politique à
caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès, dans l'application de ses règlements, le
monopole de la contrainte physique légitime sur un territoire donné », c'est-à-dire qu'il est le seul a pouvoir faire respecter les
lois à travers l'armée, la justice et la police.
28
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D’un point de vue proprement juridique, l’État peut se définir comme une
personne morale, titulaire de la souveraineté53. Il revêt donc une double qualité :
d’une part, il est une personne morale de droit public (par opposition aux
personnes physiques), d’autre part, il est une personne juridique souveraine.
En droit public interne, il est bien établi que l’État est une personne
morale, c’est-à-dire un groupement d’individus ayant la personnalité juridique et
étant, par conséquent, titulaire de droits et soumis à des obligations. De ce fait,
l’État apparaît comme une institution, une construction juridique destinée à
prendre en charge, de façon permanente les intérêts d’une population ou d’une
nation, indépendamment des personnes physiques qui agissent en son nom.
29
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
C’est également cette théorie qui implique que l’État dispose d’un
patrimoine propre54, peut passer des conventions, conclure des contrats,
contracter des dettes, ester en justice, engager sa responsabilité, etc. De ce point
de vue, l’État a une existence juridique comparable à celle des personnes
physiques et qui offre les mêmes possibilités d’action. Il est aussi distinct de la
communauté nationale, appelée société civile (désignant ici le corps social, par
opposition à la classe politique)55. Il exerce son pouvoir sur elle et remplit à son
égard un certain nombre de fonctions, perçues habituellement comme des
fonctions sociales : l’État rend justice, assure la direction de l’économie nationale,
l’éducation de la population, la défense du territoire, etc.
54 Ce patrimoine est distinct de celui des gouvernants, dont le budget constitue l’élément essentiel, affecté à la
personnes organisés collectivement, indépendamment de l'Etat. Sous cette appellation, on regroupe des mouvements,
organisations, associations qui agissent en dehors de l'Etat et des pouvoirs constitués, pour faire prendre en compte leurs
valeurs ou leurs intérêts par les décideurs politiques et économiques. Les ONG, les syndicats, les associations d'usagers, les
groupements paysans, les entreprises par exemple, font en théorie partie de la société civile.
30
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
la coopération entre eux, est de les considérer tous comme des personnes
juridiques égales.
A. La notion de souveraineté
56
En fait, déjà au Moyen Age. les légistes français, sous Philippe le Bel (1285-1314) et ses successeurs, dans leur
démarche pour fonder l’autorité du roi, mettent en avant la notion de souveraineté. Ils utilisent en particulier ce vieil adage :
«Le roi de France est empereur en son royaume ». Ainsi le roi est-il assuré d’être reconnu à l’intérieur comme à l’extérieur
du royaume. V https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00689320/document; TRUYOL SERRA (A), « Souveraineté », in Archives
de philosophie de droit, Vocabulaire fondamental du droit, Sirey, 1990, tome 35, page 313.
31
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
La souveraineté de l’État se manifeste tant dans l’ordre interne que dans les
relations internationales. A l’intérieur, il n’y a aucun pouvoir supérieur à celui de
l’État. Autrement dit, l’État ne doit appartenir ni être subordonné à aucune classe
sociale, à aucun parti politique, ni intérêt privé. Il n’est soumis qu’à sa propre
volonté et jouit du droit exclusif d’exercer ses prérogatives étatique sans
ingérence extérieure. A l’extérieur, la souveraineté a pour effet l’indépendance de
l’État, notamment à l’égard des gouvernements étrangers. Au premier cas, il
s’agit de la souveraineté dans l’État, ou interne ; au second, de la souveraineté
internationale de l’État, dite externe.
33
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Par ailleurs, même si les États font partie des organisations internationales
telles que l’O.N.U., les institutions spécialisées, l’Union africaine ou l’Union
européenne, c’est parce qu’ils ont exprimé leur volonté d'y participer62.
L'existence même de ces organisations dépend de leur volonté. Quant aux règles
de droit international, elles s’appliquent, encore de nos jours, à chaque État dans
34
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
la mesure où celui-ci accepte de s’y soumettre, car, en tant que souverain, l'État
n'est tenu d'obéir qu'aux seules décisions et règles internationales auxquelles il a
consenties.
Cela dit, la notion de souveraineté est irremplaçable, car elle fait saisir en
quoi l’État se différencie des autres groupements, qui eux ne peuvent faire ce
qu’ils veulent, qui sont soumis aux règles étatiques et interétatiques. Cependant,
lorsque cette souveraineté est exercée par une seule entité étatique, un
seul ensemble institutionnel, l’État est unitaire. En revanche, lorsqu’elle
est partagée entre plusieurs entités étatiques, elles-mêmes regroupées
au sein d’un même ensemble étatique, on parle d’État fédéral. Ce sont
les principales formes de l’État.
Si les États ont tous les mêmes éléments constitutifs et les mêmes
caractères juridiques, leurs formes sont en fait très variées. A cet égard, on
oppose traditionnellement l’État de structure simple : l’État unitaire, à l’État de
structure complexe : l’État composé. Cependant, cette opposition a un caractère
quelque peu artificiel, car, à vrai dire, il n’existe entre eux qu’une différence de
degré et non de nature. Par ailleurs, il existe, ou il peut exister, toute une gamme
de systèmes intermédiaires. On parlera alors successivement de l’État unitaire et
de l’État fédéral.
35
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
convient de préciser d’abord qu’est-ce qu’un État unitaire avant de présenter ses
différentes modalités d’administration.
Un État est dit unitaire lorsqu’il n’existe qu’un seul centre d’impulsion
politique et gouvernementale et que toutes les institutions qui le constituent
forment un ensemble unique. On se trouve alors en présence d’un seul
gouvernement, d’un Parlement unique qui légifère pour l’ensemble de la
population vivant sur le territoire national. De ce fait, il n’existe qu’une seule
volonté politique qui s’impose à l’ensemble des citoyens, lesquels sont par
conséquent soumis aux mêmes lois et au même régime constitutionnel.
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Bien que l’État unitaire ne tolère aucun partage dans l’exercice de ses
compétences, son administration est susceptible d’être aménagée suivant
différentes modalités. En effet, celle-ci peut être plus ou moins centralisée ou
décentralisée selon le droit administratif de chaque pays. Évidemment, le choix
entre ces deux solutions n’est pas une question purement technique, mais un
choix éminemment politique. C’est pourquoi il est prévu par la constitution elle-
même64, tandis que l’aménagement, qui a un caractère purement administratif,
sera fait par la loi. Ainsi, aux termes de l’article 135, al. 1 de la CM : « Les
collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les préfectures, les provinces et
les communes » ; et suivant l’al. 4 du même article : « Toute autre collectivité territoriale
est créée par la loi, le cas échéant, en substitution d'une ou plusieurs collectivités
mentionnées à l'alinéa premier ci-dessus »
63 L’examen détaillé de ces techniques relève du droit administratif. V. les particularités de l'organisation
37
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
38
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
fait des donnés locales qui requièrent une certaine adaptation de la règle
générale. En conséquence, la centralisation risque d’aboutir à une paralysie et à
l’inefficacité d’une machine administrative devenue incapable de résoudre tous
les problèmes dont elle doit s’occuper. Pour faire face à cette concentration du
pouvoir au niveau central, les États ont alors été conduits à instituer une nouvelle
forme d’organisation administrative : la déconcentration.
39
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
68 Sous sa forme la plus simple, la décentralisation consiste à transférer à la fois les compétences et la responsabilité
des fonctions publiques de l’État central à des collectivités territoriales (régions, provinces ou communes) . V. à ce sujet :
Christine Rimbault, Michel Verpeaux, Les collectivités territoriales et la décentralisation, La documentation française,
12e édition, 2021 ; Jean-Claude ZARKA, Décentralisation et collectivités territoriales, Editeur : GUALINO, 2023 ; Aubry
(F.-X.) La décentralisation contre l’État (l’État semi-centralisé) lgdj, 1992 ; Bodineau (P.) et Verpeaux (M.) Histoire de la
décentralisation puf, coll. « Que sais-je ? », n° 2741 1993. ; Diederichs (O.) et et Luben (I.) La déconcentration puf, coll.
« Que sais-je ? », n° 2954 1995 ; Luchaire (F.) et Luchaire (Y.) Le droit de la décentralisation puf, coll. « Thémis »,
1983.Turpin (D.) Droit de la décentralisation Gualino Éd., 1998.
40
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
locales. Si l’organe élu n’a que des pouvoirs consultatifs, il n’y a pas
décentralisation.
69 Article 141 de la NCM de 2011: « Les régions et les autres collectivités territoriales disposent de ressources
et les communes.
Elles constituent des personnes morales de droit public, qui gèrent démocratiquement leurs affaires.
Les Conseils des régions et des communes sont élus au suffrage universel direct.
Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant, en substitution d'une ou plusieurs collectivités
mentionnées à l'alinéa premier ci-dessus ».
41
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
71 Article 140 de la NCM de 2011: « Sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des
compétences propres, des compétences partagées avec l'Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier.
Les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans
leur ressort territorial, d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs attributions ».
72 Article 145 de la NCM de 2011: « Dans les collectivités territoriales, les walis de régions et les gouverneurs de
42
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43
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
75 Un État régional est un État unitaire décentralisé qui se rapproche de l’État fédéral, sans pour autant adopter
toutes ses caractéristiques. Il se caractérise par l’existence d’autorités régionales bénéficiant d'une certaine autonomie
politique et institutionnelle, notamment un pouvoir normatif autonome, sous le contrôle de l’État (par exemple, l'Espagne ou
l'Italie).
76
Union personnelle : situation dans laquelle 2 Etats qui, tout en restant distincts et indépendants l'un de l'autre, se
trouvent avoir le même souverain Cas: PB et Luxembourg de 1815 à 1890; Fce et ppté d'Andorre, Commonwealth: Chef
d'état Canada, Australie, New Zélande est Elizabeth II.
Union réelle : Union de deux États consistant non seulement dans l'unité de Chef d'État, mais aussi dans l'existence
d'organes communs`` (Jur. 1971). . Ex : union Austro Hongroise, Norvège et Suède.
44
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
77
V. Olivier Beaud, Théorie de la fédération, 2e éd., PUF, Paris, 2009 ; Maurice Croizat, Le fédéralisme dans les
démocraties contemporaines, 3e éd., Montchrestien, Paris 1999 ; Elizabeth Zoller, « Aspects internationaux du droit
constitutionnel : Contribution à la théorie de la fédération d'États » dans Recueil des cours de l'Académie de droit
international, Tome 294, 2002, p. 39-166 ; Thomas Fleiner-Gerster, THÉORIE GÉNÉRALE DE L’ÉTAT, Deuxième Partie.
L'État comme entité juridique, https://books.openedition.org › iheid.
45
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
fédérale qui organise la répartition des compétences entre les échelons fédéral et
fédéré.
Quant aux États fédérés, unis par la constitution fédérale, ils disposent
également chacun d’une constitution qui lui est propre et exercent eux aussi les
trois fonctions. Mais, pour mieux comprendre l’organisation et le fonctionnement
des États fédéraux, il y a lieu de de répondre successivement aux trois questions
suivantes : comment apparaissent généralement les États fédéraux ? Comment
s’organisent-ils ? Et comment se répartissent-ils les compétences avec les États
membres ?
L’État fédéral est une construction constitutionnelle qui vise à concilier les
principes d’unité et de diversité au sein d’un même espace territorial. Il résulte
généralement de processus de formation opposés (association ou dissociation).
Mais, quel que soit l’itinéraire menant au fédéralisme, celui-ci repose toujours sur
la combinaison de quelques principes d’organisation garantis par une constitution
fédérale.
46
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
78
Christian Behrendt, Sofia Vandenbosch, « Le réaménagement de la répartition des compétences dans le
fédéralisme asymétrique belge », dans Civitas Europa 2017/1 (N° 38), pages 241 à 254 : https://www.cairn.info/revue-
civitas-europa-2017-1-page-241.htm; v. Alexis Le Quinio, « Le fédéralisme mexicain », dans Pouvoirs 2019/4 (N° 171),
pages 39 à 49, https://www.cairn.info › revue-pouvoirs-2019-4-page-39
47
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
a- Le principe de superposition :
L'organisation des États fédéraux suppose toujours une superposition de
deux ordres juridiques distincts et hiérarchisés : celui de l'État fédéral qui
s’applique à l’ensemble de la population vivant sur le territoire national et celui
de chacun des États fédérés qui ne s’applique qu’à la population vivant sur le
territoire de l’État fédéré concerné. Il réalise ainsi une coexistence de deux sortes
de collectivités étatiques distinctes disposant chacune de la personnalité
79 Aux États-Unis par exemple, l’adoption d’un amendement peut être proposé soit par le congrès, chaque chambre
votant à la majorité des deux tiers, soit par une convention qui sera convoquée si les deux tiers des États le demandent. Il doit
ensuite être ratifié par les trois quarts des États, soit 38.
48
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
juridique, car les États fédérés conservent eux aussi leur propre vie politique
(avec une constitution et des institutions propres : exécutif, législatif, système
judiciaire) à côté de celle de la fédération. Toutefois, c'est la Constitution de l'État
fédéral qui assure la répartition des compétences entre les niveaux fédéral et
fédéré selon des modalités déterminées par cette même constitution avec, tout
de même, la primauté du droit fédéral dans le domaine des compétences de la
Fédération. Cette primauté est généralement assurée par l’existence d’un
contrôle de constitutionnalité des lois exercé par un organe juridictionnel doté de
la compétence nécessaire pour faire respecter la constitution et les lois fédérales
sur l’ensemble du territoire fédéral. Aux Etats-Unis par exemple, cette mission est
confiée à la Cour suprême qui a compétence d’appel tant pour les affaires
tranchées par les juridictions fédérales inférieures que pour celles décidées par
les diverses juridictions des États fédérés américaines. Et en tant que tribunal de
dernier ressort, ses jugements ne peuvent faire l'objet d'appels.
b- Le principe d’autonomie :
Suivant ce principe, chacune des composantes de l'État fédéral dispose
d'une large autonomie politique et de compétences propres qui lui sont attribuées
par la Constitution fédérale (compétences dans lesquelles l'État fédéral ou les
autres États fédérés ne peuvent intervenir). Elles sont donc autonomes dans leurs
domaines de compétence sans être pour autant des États indépendants. Il en
découle que chacun de ces États fédérés est doté d’une constitution qui fixe
l'organisation et le fonctionnement de ses institutions politiques et judiciaires.
Celles-ci sont souvent similaires à celles de l'État fédéral. Ainsi, aux États-Unis,
par exemple, chaque État fédéré est organisé selon le régime présidentiel, avec
un gouverneur élu qui détient le pouvoir exécutif, deux chambres élues qui
exercent le pouvoir législatif (la législature d'État) et un système judiciaire
comprenant la même structure pyramidale que celui de l’Union (cours de
première instance, cours d'appel et une cours suprême). Cependant, les
juridictions d’un État fédéré ne sont compétentes que pour trancher les litiges
49
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
portés devant elles conformément au droit positif propre à cet État fédéré et dans
les matières qui relèvent de sa seule compétence80.
c- Le principe de participation :
Dans un État fédéral, ce principe se traduit essentiellement par la
participation des États fédérés à la prise de décision au niveau du pouvoir central.
Cette participation s’opère par le biais de leur représentation d’abord au niveau
du pouvoir constituant (originaire ou dérivé) et, ensuite, au sein des différentes
instances fédérales chargées d’élaborer la politique de la Fédération. Il y a
notamment dans tous les États fédéraux une seconde Chambre où siègent des
représentants des États membres (le Sénat aux États-Unis, le Bundesrat en
Allemagne) .
Toutefois, dans la pratique des États fédéraux, ces principes ne sont pas
mis en vigueur de la même façon. Ils engendrent souvent une grande diversité de
solutions, témoignant par là même de l’extrême souplesse d’adaptation du
système fédéral.
80 Rappelons à cet égard que dans les États fédéraux, il existe un droit positif commun (fédéral) qui s'applique à
l'ensemble des États fédérés et un droit positif propre à chaque entité de la Fédération.
50
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
niveaux fédéral et fédéré se pose de manière spécifique dans les États fédéraux,
car il se pose aussi entre les niveaux fédéral et fédéré.
a - Le pouvoir législatif
Le pouvoir législatif fédéral est habituellement exercé sous une forme
bicamérale. L’une des chambres législatives représente la population de la
fédération dans son ensemble et dont les sièges sont répartis entre les États
membres suivant leur importance démographique respective (cas de la Chambre
des représentants aux Etats-Unis et du Bundestag en Allemagne) ; la seconde
chambre représente les États fédérés et dont les membres sont désignés au sein
de chacun de ces États (cas du Sénat américain et du Bundesrat Allemand)81. Mais
toutes les deux édictent une législation fédérale que doivent observer tous les
ressortissants des États « locaux ».
81
L’organisation fédérale repose sur le principe de séparation, suivant lequel les compétences législatives et
exécutives sont réparties entre deux niveaux de gouvernement, l'un central (ou fédéral), l'autre local (ou fédéré). Cette
répartition n'est pas figée une fois pour toutes, mais est susceptible de changements.
Parmi les compétences exclusives attribuées au pouvoir fédéral figurent en premier lieu les affaires étrangères, la
sécurité et la défense, les traités internationaux et la politique commerciale, la monnaie et la politique macro-économique (en
commun avec les Etats fédérés). Ces compétences ainsi que le partage des compétences sont définies par la Constitution. En
général, l'Etat fédéral n'exerce que des pouvoirs qui lui sont explicitement attribués. Les autres compétences sont soit
réservées aux Etats fédérés, soit concurrentes et exercées en commun par l'Etat fédéral et les Etats fédérés. Dans le
fédéralisme européen et en Suisse en particulier, la catégorie des compétences concurrentes est la plus vaste. Elle comprend
notamment la politique économique, la politique fiscale et les impôts, la politique du développement régional, la politique
scientifique même que le droit civil, le droit des obligations, le droit pénal et le droit commercial, la propriété intellectuelle et
le droit public du travail. A ce volet juridique s'ajoute une série de compétences dans les domaines de la protection de
l'environnement, de la santé ainsi que les polices des denrées alimentaires, du commerce et des étrangers.
La conséquence de cet état de fait est que ce que les Etats peuvent faire, la Fédération ne doit pas le faire. La même
règle s'applique aux Régions et aux pouvoirs locaux. En conséquence, lorsque les niveaux existants n'offrent pas de moyens
adéquats, il y a lieu de recourir à un centre de décision et à une mise en commun des ressources et des capacités. Le principe
de subsidiarité peut alors être mis en œuvre.
51
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
avec la « Diète fédérale » (le Bundestag) pour toutes les lois ayant une incidence
sur la compétence des États membres, pour les autres lois, son opposition, qui
constitue un « veto suspensif », peut être surmontée par un nouveau vote de la
Diète dans des conditions de majorité renforcée (art. 77). De même, aux Etats-
Unis, c’est le Sénat et non la Chambre des représentants qui est compétent en
manière de ratification des traités. De ce fait, il se trouve largement associé à la
conduite de la politique étrangère menée par le président.
b- Le pouvoir exécutif
Dans un État fédéral, le chef de l’État peut-être héréditaire (Roi) ou élu,
individuel ou collégial (Présidium)82. Aux Etats-Unis, le Président est le titulaire
unique du pouvoir exécutif. Il est élu tous les quatre ans, au suffrage universel,
dans le cadre des États fédérés. Évidemment, il peut en aller autrement ailleurs.
Ainsi, en Allemagne et en Inde, ce sont les Assemblées législatives locales qui
désignent les délégués qui forment au moins la moitié du collège électoral
présidentiel.
c- Le pouvoir judiciaire :
En vertu de la théorie de la séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire
est, avec le pouvoir exécutif et législatif, l'un des trois pouvoirs qui sont institué et
82 Ce fut le cas en ex-URSS entre 1936 et 1990 où il y avait une présidence collégiale de l’État. Ce Présidium était
normalement composé des présidents des soviets suprêmes des quinze républiques fédérées sous l'autorité d'un président. Le
présidium disposait alors des prérogatives qui, dans les pays occidentaux, sont celles du chef de l'État : droit de grâce,
attribution de décorations. Cependant, à partir des années soixante, Léonid Brejnev, le président du présidium, eut le statut
de chef d'État.
52
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définis dans les constitutions nationales. Indépendant des deux autres pouvoirs, il
a pour mission principale d’administrer la justice au nom de l'État et de veiller,
grâce aux juges, à la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire
des personnes et des groupes, ainsi que de l’application de la loi.
53
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se manifeste habituellement. Elles ont ainsi leur propre constitution, leur propre
gouvernement, leur propre parlement et leur propre organisation judiciaire.
Les États fédérés ont également leur propre constitution, librement établie
par le pouvoir constituant fédéré, librement modifiable, sous réserve du respect
de la constitution fédérale. Cependant, si chacun d’eux dispose d’une autonomie
constitutionnelle, la constitution fédérale ne leur en impose pas moins certains
principes, plus ou moins contraignants selon les États fédéraux. Aux Etats-Unis,
par exemple, la constitution fédérale (art. IV, section IV) impose aux États
membres une forme républicaine de gouvernement . Il en est de même en Suisse.
En Allemagne aussi, l’art. 28 de la « Loi fondamentale » précise dans son alinéa 1
que « l'ordre constitutionnel des Länder doit être conforme aux principes d'un État
de droit républicain, démocratique et social, au sens de la présente Loi
fondamentale ». Il y a même des constitutions fédérales qui exigent des États
membres le respect de certaines règles fondamentales concernant les droits des
citoyens. Il en est ainsi de certains amendements à la constitution américaine, en
particulier le 15e amendement de 1870.
3.- La répartition des compétences entre l’État fédéral et les États fédérés
Outre la définition des trois pouvoirs et les rapports qu'ils entretiennent
entre eux, la Constitution d’un État fédéral détermine aussi les compétences
respectives de l’État fédéral et des États fédérés selon des
principes organisationnels propres à chaque État fédéral. Cette répartition des
compétences (« qui fait quoi ») concerne aussi bien les affaires intérieures
(souveraineté interne) que les affaires extérieures de la Fédération (souveraineté
54
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Quant aux prérogatives des États fédérés, elles ont été déterminées par le
Xe amendement de la Constitution Américaine, introduit en 1791 par la
Déclaration des Droits (Bill of Rights). Celui-ci dispose que « les pouvoirs qui ne
sont pas délégués aux Etats-Unis par la Constitution ni refusés par elle aux États, sont
réservés aux États respectifs ou au Peuple ». Il en découle que la compétence
législative des États fédérés est de droit commun (une compétence générale) et
celle de l’État fédéral est l’exception (une compétence d'attribution). Partant, les
États fédérés sont notamment compétents dans le domaine des droits individuels :
droit civil (droit de la famille, successions, contrats…), droit pénal (qualification
des crimes et délits, leurs sanctions), réglementation dans un but de police –
policy power – (ex. contrôle des armes, des jeux, des drogues…), etc.. Par
55
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Ainsi, comme on peut le constater, les États fédérés se voient attribuer des
compétences considérées comme moins importantes, parce que ne relevant pas
au sens strict de la souveraineté, telles que l’éducation, la santé, le travail, les
matières de droit commun. En revanche, la Fédération se réserve toujours les
domaines les plus importants tels la défense nationale, la monnaie, la nationalité,
l’économie et le commerce international, le droits de douane, la législation
relative à l’exécution de la constitution fédérale, l’organisation et le recrutement
de la fonction publique fédérale, etc.
56
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
83
Toutefois, certaines constitutions fédérales reconnaissent aux États fédérés une compétence internationale plus ou
moins étendue. En Allemagne par exemple, les États membres peuvent, dans les limites de leur compétence législative,
conclure des accords internationaux, avec l’assentiment du gouvernement fédéral (art. 32 de la Loi fondamentale). Il en va de
même en Suisse. Cependant, juridiquement, de telles exceptions procèdent du droit fédéral, c’est-à-dire du droit public
interne et non du droit international public.
57
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
CHAPITRE II
La constitution
84
V. Olivier Beaud, L’histoire du concept de constitution en France. De la constitution politique à la constitution
comme statut juridique de l’État, Jus Politicum, n° 3 [https://juspoliticum.com/article/L-histoire-du-concept-de-constitution-
en-France-De-la-constitution-politique-a-la-constitution-comme-statut-juridique-de-l-Etat-140.html] ; Jean-Claude Zarka,
Droit constitutionnel et institutions politiques, Éd.Ellipses, 2018; pp. 49 à 72
85 Chez les auteurs grecs tels que : Hérodote, Platon, Aristote, chez les jurisconsultes romains tels que Caton
l’Ancien : 234-149 av . J-C., Cicéron : 106-43 av. J-C. ainsi que chez les penseurs européens du Moyen Age, tels que
Thomas d’Aquin, J. Bodin, Grotius et T. Hobbes.
86 V. Jean-François Aubert, La Constitution, son contenu, son usage, https://www.unine.ch › files ›
Bibliotheque_Aubert ; Philippe Ardant, Bertrand Mathieu, Droit constitutionnel et institutions politiques , Lgdj.fr ; M.
Duverger, Les constitutions de la France (2004) ; Pierré Caps, Stéphane. Les mutations de la notion de Constitution et le
droit constitutionnel, E-Journal www.ejournal.unam.mx/cuc/cconst10/CUC1005.pdf; http://www.juspoliticum.com/L-
histoire-du-concept-de.html;http://www.cours univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-droit-constitutionnel-2.html,
87
Le constitutionnalisme s’identifiait ainsi au courant de pensée politique qui a permis l’élaboration des
Constitutions comme moyen de préserver la liberté politique et d'organiser l'exercice du pouvoir politique au sein de l'État
par des règles de droit insérées dans un document juridique qualifiée de Constitution. En revanche, actuellement, il se
présente plutôt comme une doctrine qui insiste sur le rôle et la fonction de la constitution dans la hiérarchie des normes par
rapport à la loi, ainsi que sur le contrôle de constitutionnalité des lois.
58
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
88 V. Les Amériques, des constitutions aux démocraties. Philosophie du droit des Amériques. Sous la direction de
Jean-René Garcia, Denis Rolland, Patrice Vermeren ...
89 La dernière de ces vagues est celle qui a déferlé sur le monde après 1989, c’est-à-dire avec la fin de la guerre
froide, et qui a touché, entre autres, les pays d’Europe de l’Est, d’Asie centrale et d’Afrique.
90
La Constitution des États-Unis (17 septembre 1787) est, selon ses propres termes, la « loi suprême du pays ». Elle
scelle le destin du peuple américain en proclamant das son préambule ; « Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une
union plus parfaite, d'établir la justice, d'assurer la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer la
prospérité générale et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous ordonnons et établissons la
présente Constitution pour les États-Unis d'Amérique ».
59
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
91 Ainsi, selon le Conseil constitutionnel français : « La Constitution n'a pas pour unique objet de déterminer la
forme de l'État, d'organiser les institutions et de déterminer les règles de production des normes. La Constitution est un acte
fondateur par lequel une société se constitue une identité et décide de l'ordre sociétal voulu ». v. https://www.conseil-
constitutionnel.fr › la-constitution
92 Ainsi, la Constitution marocaine de 2011, par exemple, énonce un ensemble de droits et de libertés,
couvrant 22 articles (articles 19-40), regroupés sous le titre II de la Constitution, en plus de quelques articles figurant dans le
titre Ier.
93
Essentiellement politique, le concept de constitution est devenu presque exclusivement juridique. Il désigne
aujourd’hui une norme juridique (ou un ensemble de normes), volontiers qualifiée de fondamentale, qui, dans un pays, règle
l'organisation et les rapports des pouvoirs publics et, éventuellement, détermine les principes qui régissent les relations des
gouvernants et des gouvernés . V. Carcassonne Guy, La Constitution, Paris, Points-Seuil[1996] ; Olivier Beaud, L’histoire du
60
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
concept de constitution en France, op. cit., http://juspoliticum.com › article › L-histoire-du-concept.., J.F. Aubert, La
Constitution, son contenu, son usage, op. cit., https://www.unine.ch › files ›; Pierre Brunet, Constitution, Encyclopédie
Universalis, 2007, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs.../Brunet_Constitution_Universalis_DEF.pdf; G. CORNU
(dir.), Vocabulaire juridique, , 10e Ed., PUF, 2014, p. 251; Elliot Bulmer, « Qu’est-ce qu’une constitution ? Principes et
concepts », Guide introductif à l’élaboration d’une constitution nº 1, https://www.idea.int › default › files › publications ;
Frédéric Rouvillois, Droit constitutionnel, Tome 1 - Fondements et pratiques, Édit. Flammarion, 2021, pages 119 à 201.
94 V. Constitutions du Monde en langue française, Digithèque MJP, https://mjp.univ-perp.fr › constit › constitintro
61
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
95 En effet, les lois organiques ont généralement pour objet de préciser l’organisation et le fonctionnement des
pouvoirs publics en application de certaines articles de la Constitution. Elles n’interviennent donc que dans les domaines et
pour les objets limitativement énumérés par la Constitution. Ainsi, au Maroc, les lois organiques (au nombre de 19) qui sont
citées dans différents articles de la Constitution de 2011, sont votées et modifiées par le Parlement dans les mêmes conditions
que les lois ordinaires. Cependant les projets et les propositions de lois organiques ne sont soumis à la délibération et au vote
de la Chambre des Représentants saisie qu'à l'issue d'un délai de dix jours après leur dépôt sur le bureau de la Chambre.
Approuvés par le Parlement, ils ne peuvent être promulguées qu'après que la Cour Constitutionnelle se soit
prononcée sur leur conformité à la Constitution (Art. 85 de la NCM de 2011).
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63
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
1- La constitution coutumière
On parle de constitution coutumière lorsque les règles régissant
l’organisation et le fonctionnement de l’État résultent d’une succession de
pratiques identiques, qui, par leur répétition sur une certaine durée, créent dans
la conscience publique le sentiment d’une obligation. Autrement dit, dans un pays
donné, les « précédents » s’accumulent et au bout d’un certain temps, on admet
qu’un tel comportement est obligatoire.
64
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
reposant sur les interprétations faites par les premiers Califes du Coran et des
enseignements du prophète et la conception du pouvoir politique de chaque
dynastie régnante96. De même, sous l’Ancien Régime, notamment en France, des
lois fondamentales du Royaume qui, malgré leur appellation, n’étaient pas pour
l’essentiel des « lois » écrites, mais un ensemble de règles constitutionnelles
coutumières, provenant de traditions, d’usages et de principes respectés pendant
des générations.
96 V. Hervé Bleuchot, Droit musulman. Tome 1 : Histoire, Tome 2 : Fondements, culte, droit public et mixte,
Presses universitaires d’Aix-Marseile, 2015, https://books.openedition.org › puam ; Yadh Ben Achour, « La Théorie
Constitutionnelle dans La Tradition Sunnite », 07 Feb 2005 / https://nawaat.org › 2005/02/07 › la-theorie-constituti... ;
Thierry Rambaud, « Aux confins de l’islamologie et du droit constitutionnel : quelle place pour les principes du « droit public
musulman » dans l’enseignement du droit constitutionnel ? », in Droit et religion en Europe, p. 159-170, Etudes en l’honneur
de Francis Messner, https://books.openedition.org › pus
97 V. Lord Philips of Worth Matravers, La constitution du Royaume-Uni, Cahiers du Conseil constitutionnel, Hors-
roi Jean sans Terre, le 15 juin 1215, sous la pression du haut clergé et des barons anglais qui se sont soulevés contre lui. Il
constitue le premier exemple d'un roi d'Angleterre consentant par écrit à limiter ses pouvoirs dans un document rédigé par ses
sujets. Ce pacte est d’ailleurs à la base de la Common Law anglaise, qui s'est répandue dans le monde anglophone Elle est
toujours considérée comme une source fondamentale du droit constitutionnel britannique.
99 Le Parliament Act 1911 (1 & 2 Geo. 5. c. 13) a affirmé la primauté de la Chambre des communes en limitant le
pouvoir de blocage de la Chambre des lords (le « veto suspensif »). Cette loi a été modifiée par Quant au Parliament Act
1949 (12, 13 & 14 Geo. 6. c. 103), ils ont modifié la loi précédente, en limitant le pouvoir des Lords en réduisant la durée
pendant laquelle ils peuvent retarder l'examen des Bills (projets de loi) de deux à un an.
100
Tous ces textes ne sont pas constitutionnels par leur forme, car ils ne sont inscrits dans aucun texte écrit
dénommé « Constitution », Charte, Loi fondamentale, etc. En revanche, ils sont constitutionnels par leur objet, puisqu’ils
concernent l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques, ainsi que les droits et les libertés fondamentaux. En
outre, ils peuvent être modifiés comme n'importe quelle autre loi.
65
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2. La constitution écrite
On parle de constitution écrite lorsque les règles régissant l’organisation et
le fonctionnement de l’État sont rédigées, en bonne et due forme, en un document
officiel, unique ou fragmenté (comme les lois constitutionnelles françaises de 1875
qui ont fondé la IIIe République). Précédée généralement d’une déclaration de
droits ou d’un préambule, ses dispositions sont ordonnées et divisées en parties
et sous-parties qui peuvent être nommées titres, chapitres, sections, eux-mêmes
divisés en articles et alinéas101. C’est la constitution proprement dite.
Comme nous l’avons déjà vu, les premières constitutions écrites ont vu le
jour sous l’influence du constitutionnalisme, d’abord en Amérique du Nord
(Virginie : juin 1776, Constitution fédérale : 17 septembre 1787), puis en Europe,
en tant que moyen juridique destiné à limiter le pouvoir des gouvernants et à
mettre en œuvre le principe de la séparation des pouvoirs au sein de l’État. Par la
suite, ce procédé devait se généraliser et s’étendre pratiquement au monde
entier. Ainsi, actuellement, presque tous les pays possèdent des constituions
écrites.
Par leur contenu, les constitutions écrites peuvent être brèves, ou assez
longues et diffuses. Dans les premières, les matières sont distribuées dans un
ordre logique et concernent spécialement l’organisation et le fonctionnement
politique de l’État, ainsi que les droits fondamentaux des citoyens, tous les
101
La Constitution marocaine actuelle comporte 180 articles (au lieu des 108 de l’ancien texte), agencés en 14
Titres, avec un Préambule, considérée comme étant une partie intégrante du texte constitutionnel. V. le texte intégral dans le
site officiel du Secrétariat Général du Gouvernement : http://www.sgg.gov.ma › constitution_2011_Fr
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67
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
1- La constituions souple
Par constitution souple, on désigne généralement celle dont la révision
s’effectue dans les mêmes conditions et selon la même procédure que les lois
ordinaires. Autrement dit, dans ce système, il n’y a pas de suprématie de la
constitution sur les lois, même si, politiquement, la première semble être
entourée d’un plus grand respect que les dernières. Il n’existe pas non plus de
distinction entre pouvoir législatif et pouvoir constituant. Ainsi, en cas de
contradiction entre la loi et la constitution, c’est la loi la plus récente qui l’emporte
et modifie par la même occasion la constitution. Bref, ici, la Constitution apparaît
comme une loi prise dans un domaine constitutionnel, et modifiable comme telle
par le Parlement.
2- La constitution rigide
Par constitution « rigide », on entend habituellement celle dont la
modification nécessite le recours à une procédure spéciale, plus difficile à mettre
en œuvre que celle utilisée pour l’élaboration des lois ordinaires.
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
A l’heure actuelle, les constitutions rigides sont les plus répandues. Elles
sont adoptées par la plupart des États démocratiques. Il en est de même au Maroc
où la révision de la constitution émanant du Parlement suppose à la fois son
adoption par un vote à la majorité des deux-tiers des membres de chacune des
deux Chambre et son approbation par voie de référendum. Quant à la révision
émanant du Chef du Gouvernement, elle suppose à la fois sa soumission au
Conseil des ministres après délibération en Conseil de Gouvernement et son
approbation par voie de référendum (V. Titre XIII de la Constitution marocaine,
intitulé « De la révision de la Constitution », notamment les art.173 et174).
102
En effet, d’ordinaire, les constitutions souples sont coutumières et les constitutions rigides sont écrites. Mais
cette coïncidence n’est pas toujours observée, car une constitution écrite peut être souple comme on l’a vu précédemment
dans les cas des constitutions de la Nouvelle-Zélande et la Chine populaire. Inversement, une constitution coutumière peut
être rigide : ainsi, en France, sous l’Ancien régime (avant 1789), le roi, législateur ordinaire, n’aurait pu modifier les « lois
fondamentales du Royaume » sans réunir des Etats généreux.
69
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
103 Cette suprématie est en général assurée par des mécanismes de contrôle de constitutionnalité assurés soit par les
juges ordinaires, soit par un juge spécialisé, au Maroc la Cour constitutionnelle et en France le Conseil constitutionnel.
70
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
parce que c’est lui qui les institue, définit leur statut, légitime l’exercice de leurs
compétences tout en échappant totalement à leur action. Autrement dit, c’est de
sa volonté, formulée sous forme de constitution, que procèdent le statut des
pouvoirs constitués, leurs attributions, ainsi que la validité de l’ensemble des
règles de droit ultérieures qui forment, avec les dispositions de cette constitution,
le système juridique de l’État.
104 Georges Burdeau, Traité de science politique, Paris, L.G.D.J., 3e édition, 1983, tome IV, p.175.
105
Ainsi, comme l’écrivait J.J Rousseau dans le Contrat social : « Il n’appartient qu’à ceux qui
s’associent de fixer les règles de l’association. Le peuple, soumis aux lois, doit en être l’auteur ». De même, selon Carl
Schmitt : « Le peuple, la nation reste l’origine de tout événement politique, la source de toutes les énergies qui
s’extériorisent dans des formes toujours nouvelles, qui produit de son sein des formes et des organisations toujours
nouvelles, mais qui ne soumet elle-même jamais son existence politique à une mise en forme définitive », 12).
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Le pouvoir constituant dérivé est celui qui modifie une constitution déjà en
vigueur, selon les règles posées par celle-ci. Il dérive donc de la constitution qui
le prévoit, l’organise et détermine les modalités de son fonctionnement. On
l’appelle aussi pouvoir de révision ou, encore, pouvoir constituant institué par
opposition au pouvoir constituant originaire.
106 En effet, généralement, le mandat de l’assemblée constituante cesse dès qu’elle a définitivement adopté le texte
de la Constitution.
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Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Dans ce cas de figure, la constitution est plus ou moins l’œuvre d’un seul
homme (le souverain, détenteur exclusif du pouvoir constituant), imposée à la
nation, avec ou sans ratification populaire. Ainsi, dans le cadre de la légitimité
monarchique, c’est le souverain qui possède la plénitude du pouvoir. Mais, à un
certain moment de son règne, il consent, spontanément ou sous la pression des
circonstances, à réglementer l’exercice de son pouvoir par une constitution qu’il
concède, octroie à ses sujets. Il en rédige lui-même le texte ou confie cette tâche
à son entourage. Promulguée, cette constitution acquiert alors une force de loi et
institue une monarchie limitée. A titre d’exemple, on citera le cas de la Charte
française du 14 juin 1814, octroyée par Louis XVIII lors de la restauration de la
107 V. Chr. n°64, p.191 : www.conseil-constitutionnel.fr › ... › Accès par date › 1992 › 92-312 DC
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1- Le système du « Pacte »
Dans une époque d’équilibre des principes monarchique et démocratique,
le texte constitutionnel résulte d’un accord formel entre une assemblée proposant
et un monarque consentant, on parle alors de « pacte ». En conséquence, selon ce
système, la Constitution n’est pas, à proprement parler, l’expression de la volonté
nationale, mais résulte d’une transaction ou d’un compromis entre les forces en
présence, en l’occurrence, le monarque et les représentants de la nation. Le type
historique de ce procédé est fourni par la Charte française du 14 août 1830, votée
par les Chambres et acceptée, sans restriction ni réserve, par le roi Louis-
Philippe d’Orléans, après la révolution de 1830. Il en fut de même en Belgique,
pour la constitution de 1831.
108 En effet, le Préambule de cette charte se termine par cet acte de volonté royale : « Nous avons volontairement et
par le libre exercice de notre autorité royale accordé et faire octroyer à nos sujets de la Charte constitutionnelle qui
suit :… », https://www.conseil-constitutionnel.fr › charte-constituti..
109
Certes, cette formule de l’octroi a été pratiquée essentiellement en Europe, au cours du XIXe siècle, dans les
régimes monarchiques. Mais elle n’a pas entièrement disparu dans le monde contemporain. En effet, dans les régimes
dictatoriaux, les constituions établies de manière autoritaire sont assez fréquentes. Certes, on n’utilise guère le terme octroi à
leur propos, mais la technique demeure la même.
74
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
la ratification populaire, par voie de référendum 110. Cette procédure mixte à été
de nouveau retenue par SM le Roi Mohamed VI pour l’élaboration de la
constitution du 1er juillet 2011111. Au Maroc, le pouvoir constituant originaire se
trouve ainsi partagé entre le Roi et le peuple.
110
Feu le Roi Hassan II a d’ailleurs clairement évoqué ce procédé dans son discours du trône du 3 mars 1995 en
disant : « Le grand pas que nous avons accompli en ta faveur, a été, cher peuple, d’engager, aussitôt que Nous avons pris en
charge Notre mission, le Maroc sur la voie de la démocratie, symbolisée par la monarchie constitutionnelle, par
l’élaboration d’une constitution que Nous n’avons pas voulu octroyée et que Nous avons plutôt soumise à référendum pour
que le peuple l’approuve librement ».
111
Ainsi, suite aux manifestations du mouvement du 20 février 2011, SM le Roi Mohammed VI a rappelé dans son
discours du 9 mars 2011 (dans lequel il a annoncé une réforme de la constitution) que: « La sacralité de nos constantes qui
font l'objet d'une unanimité nationale, à savoir l'Islam en tant que religion de l'Etat garant de la liberté du culte, ainsi que la
commanderie des croyants, le régime monarchique, l'unité nationale, l'intégrité territoriale et le choix démocratique, nous
apporte un gage et un socle solides pour bâtir un compromis historique ayant la force d'un nouveau pacte entre le Trône et le
peuple ». Il en fût de même, dans son discours du vendredi 17 juin 2011 sur la réforme constitutionnelle, en déclarant :
« Cher peuple. Je M'adresse à toi pour renouveler notre pacte par une nouvelle Constitution qui représente un tournant
historique et déterminant dans le processus de parachèvement de la construction de l'Etat de droit et des institutions
démocratiques ». Rédigé par la commission de la révision constitutionnelle dont les membres étaient nommés par SM le Roi
lui-même, le projet de la nouvelle constitution a été soumis à référendum le 1er juillet 2011. Approuvée par 97,58 % de votes
positifs de près de 75 % des inscrits sur les listes électorales, la nouvelle constitution est promulguée par Dahir le 29 juillet de
la même année.
112
Le plébiscite est une consultation populaire par laquelle le chef de l’Etat demande aux électeurs de répondre par oui ou par non
à un texte proposé dans le but de lui manifester leur confiance.
75
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
1799 et en 1852) ainsi que la plupart des constitutions établissant des régimes
autoritaires à habillage démocratique. C’est d’ailleurs pour cela que le plébiscite
est devenu très suspect aux yeux des démocrates.
113
Le mode de fonctionnement d’une telle assemblée ressemble le plus souvent à celui des assemblées
parlementaires classiques : des commissions spécialisées étudient des propositions qui sont ensuite discutées et adoptées en
séance plénière. Une fois le texte de la constitution définitivement adopté, l’Assemblée constituante cesse normalement
d’exister.
76
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114
Il s’agit de l’élaboration et de l’adoption des constitutions du 3 septembre 1791 et du 4 novembre 1848. Il en fut
de même pour l’adoption des lois constitutionnelles des 24 et 25 février et 16 juillet 1875
115 La république de Weimar (en allemand : Weimarer Republik) est le nom donné par les historiens au régime
politique mis en place en Allemagne de 1918 à 1933, du fait que la constitution de cette république fut élaborée et adoptée
par l’Assemblée nationale constituante allemande le 11août 1919, dans le théâtre de Weimar (ville de Goethe et Schiller) qui
se situe dans le land de Thuringe (en allemand Thüringen).
116 En effet, il est précisé dans le Préambule de cette Constitution : « Nous, représentants du peuple tunisien,
membres de l’Assemblée nationale constituante ; » …« Au nom du Peuple, nous édictons, par la grâce de Dieu, la présente
Constitution ».
117
Les assemblées constituantes sont généralement maîtresse de leur procédure puisque, par hypothèse, elles ne
sont liées par aucune norme antérieure. Certes, elles ont pour mission principale de rédiger un texte constitutionnel, mais
elles peuvent aussi assurer simultanément le travail législatif habituel des assemblées parlementaires et contrôler le
gouvernement. D’ailleurs, leur travail est le plus souvent organisé sur le même mode que celui de ces dernières : des
commissions spécialisées étudient des propositions qui sont ensuite discutées et adoptées en séance plénière.
77
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Cela dit, quel que soit son mode d’élaboration, une constitution doit
pouvoir être modifiée si les circonstances et l’évolution politique, économique,
sociale et culturelle de la société l’exigent, de même que si la volonté des
gouvernants ou les sentiments des gouvernés y poussent. En effet, de nos jours, la
constitution n’est plus considérée comme un texte sacré et intangible. Bien au
contraire, « Les constitutions sont matière vivante : elles naissent, vivent,
subissent les déformations de la vie politique, sont l'objet de révisions plus ou
moins importantes, et peuvent disparaître ».118
118 Pierre Pactet, Institutions politiques - Droit constitutionnel, Paris, Masson, 1991, p.69.
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§ 3. La révision de la constitution
119 La constitution marocaine du 1er mars 1972 a, par exemple , subi plusieurs révisions, toutes émanant du Roi et
approuvées par des référendums constitutionnels : le 23 mai 1980, le 30 mai 1980, le 31 août 1984, le 1er décembre 1989, le
4 septembre 1992, le 13 septembre 1996.
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par chaque constitution. C’est de cette révision qu’il sera question ci-après et que
nous essayerons d’élucider en envisageant trois questions :
- Qui a l’initiative de la révision ?
- Comment la révision peut-elle intervenir ? (Procédure)
- Sur quoi la révision peut-elle porter ? (Objet, limites du pouvoir de
révision).
A. L’initiative de la révision
1- L’initiative exclusive
Selon le cas, l’initiative exclusive peut être le fait soit du pouvoir exécutif,
soit du pouvoir législatif, soit du peuple. Évidemment, l’attribution de ce droit
d’initiative n’est pas neutre. En effet, en confiant cette faculté à un seul organe, le
constituant vise par-là à assurer la prééminence du bénéficiaire vis-à-vis des
autres acteurs politiques, position lui permettant d’exercer une grande influence
dans la vie politique du pays.
120
Il convient de noter à cet égard que lorsque l’initiative de la révision provient du pouvoir exécutif, on parle de
projets de révision (projet de loi constitutionnelle en France), et lorsqu’elle provient du pouvoir législatif, on parle de
propositions de révision (proposition de loi constitutionnelle en France).
80
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1852 la réservait au Sénat (dont les membres étaient nommés) agissant avec le
consentement de l’Empereur. De même, la Constitution marocaine de 1970, dans
son article 97 accordait au Roi l’initiative exclusive de la révision121.
81
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2. L’initiative partagée
123
Il faut rappeler à cet égard que la constitution de 1962 consacrait le partage de l’initiative entre le Premier
ministre et le Parlement (art. 104)
art. 105 : « Les projets de révision sont arrêtés au Conseil des ministres et font l’objet de délibération des deux
chambres ».
art. 106 : Les propositions sont adoptées dans chaque chambre à la majorité absolue des membres les composant.
art. 107 : Soumission des projets et propositions au référendum »
124 Selon l’article 89 de la Constitution française du 4 octobre 1958, la révision de la Constitution peut avoir lieu soit à
l’initiative du Président de la République (sur proposition du Premier ministre), soit à l’initiative du Parlement. Elle présente
la caractéristique de requérir l’existence d’un consensus au sein de l’exécutif et l’accord des deux assemblées. L’opposition
du Président de la République, du Premier ministre ou de l’une des deux assemblées suffirait, en effet, à empêcher la révision
d’aboutir. Depuis son entrée en vigueur, cette procédure a abouti à vingt-deux reprises, toujours sous forme de projet de loi
constitutionnelle.
125 En revanche, dans la Constitution révisée de 1996, l’initiative de la révision de la Constitution n’appartenait qu’au
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126 L'Article V de la Constitution des États-Unis décrit ainsi comment la constitution peut être modifiée : « Le
Congrès, quand les deux tiers des deux Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des amendements à la présente
Constitution ou, sur la demande des législatures des deux tiers des États, convoquera une convention pour en proposer ;
dans l'un et l'autre cas, ces amendements seront valides à tous égards comme faisant partie intégrante de la présente
Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des États, ou par des conventions dans les trois
quarts d'entre eux, selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été proposé par le Congrès. Sous réserve que nul
amendement qui serait adopté avant l'année mil huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la quatrième
clause de la neuvième section de l'Article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement, privé de l'égalité de
suffrage au Sénat. »
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127 Il en est de même en Belgique, car ce sont les deux chambres législatives qui sont qualifiées pour la révision, mais
elles doivent être, au préalable, renouvelées et la révision acquise à la majorité des deux tiers. La Constitution grecque de
1975 organise également à la majorité absolue ou des trois cinquièmes de ses membres, selon que la proposition de révision a
été ou non adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres.
128 En effet, aux termes de cet article : « La proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des
deux Chambres du Parlement ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des membres la composant.
Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui l'adopte à la même majorité des deux tiers des membres la
composant.»
Ici aussi, le monarque peut exercer son droit de veto dans la mesure où les propositions adoptées par le parlement (les
propositions de révision, parlementaires ou gouvernementales, devant en toute hypothèse être soumises au référendum) et ne
pouvant l’être que par dahir. Ce dernier, comme le précise expressément l’article 42, alinéa 2, demeure un pouvoir propre,
non soumis au contreseing, et donc, une compétence discrétionnaire du roi, qui, par suite, n’est pas obligé de soumettre
lesdites propositions au peuple.
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a- La première technique :
Elle consiste à soumettre la proposition ou le projet de révision à
l’approbation du peuple par référendum129. Celui-ci peut être obligatoire ou
facultatif. En Suisse par exemple, toute révision de la Constitution fédérale (du 29
mai 1874) est nécessairement soumise à votation populaire. Il en fut de même au
Maroc dans les constitutions précédentes où le recours au référendum était
obligatoire dans tous les cas. Il en découle que, suivant cette technique, la
révision constitutionnelle n’est considérée comme définitive qu’après avoir été
adoptée par voie de référendum (art.174 de la Constitution marocaine).
b- La deuxième technique :
C’est celle qui distingue entre le projet et la proposition de révision. C’est
la solution retenue en France par l’article 89 de la Constitution de 1958. Ainsi, en
vertu de cet article, lorsqu’il s’agit d’une proposition, le référendum n’intervient
qu’après le vote, dans les mêmes termes, par les deux assemblées, du texte de
révision proposé et la révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par
référendum. En revanche, lorsqu’on est en présence d’un projet de révision, le
recours au peuple peut être évité si le Chef de l’État décide de soumettre ce
projet au Parlement convoqué en Congrès, et dans ce cas, le projet de révision
doit être approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés 130.
La constitution marocaine de 2011 a retenu le même procédé, néanmoins dans la
procédure parlementaire réservée au Roi, le Parlement, convoqué par ce dernier
en Chambres réunies, doit approuver le projet de révision royal à la majorité des
deux tiers des membres (v. art. 174, al. 3 et 4 de la Constitution marocaine). Il en
découle que les révisions initiées par le Roi peuvent être approuvées, comme en
France (3/5), par référendum ou par la majorité des deux tiers des membres
129 Le référendum est une procédure exceptionnelle par laquelle les citoyens sont appelés à se prononcer directement
par un vote sur un projet de loi organique ou ordinaire ou sur un projet de révision de la Constitution en répondant à une
question posée par "oui" ou par "non". C'est un instrument de “démocratie directe”.
130 Le Congrès, dont le Bureau est celui de l’Assemblée nationale, se réunit à Versailles sur convocation par décret du
Président de la République soumis à contreseing. Ayant pour seule mission d’approuver le texte adopté par les deux
assemblées, en lieu et place du peuple souverain, il ne peut évidemment le modifier. Ses débats sont donc limités à une
explication de vote présentée par chaque groupe politique de l’Assemblée et du Sénat. Puis intervient le vote qui a lieu soit
par appel nominal à la tribune soit, depuis la modification du Règlement du 28 juin 1999, selon d’autres modalités fixées par
le Bureau du Congrès. Mais pour que le projet de loi constitutionnelle soit approuvé, le vote doit être acquis à une majorité
des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
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131
En effet, la Constitution marocaine dispose dans son article 44, al. 1 que : « Le Roi est mineur jusqu’à dix-huit ans
accomplis. Durant la minorité du Roi, un Conseil de Régence exerce les pouvoirs et les droits constitutionnels de la
Couronne, sauf ceux relatifs à la révision de la Constitution. Le Conseil de Régence fonctionnera comme organe consultatif
auprès du Roi jusqu’au jour où il aura atteint l’âge de vingt ans accomplis ».
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132
Art. 106 de la constitution révisée de 1996 : « La forme monarchique de l'Etat ainsi que les dispositions relatives à
la religion musulmane ne peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle ».
- Omar Bendourou, « La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 », Revue française de droit
constitutionnel 2012/3 (n° 91), pages 511 à 535
133 En effet, dans le droit constitutionnel allemand, cet article est appelée « clause d'éternité », car il interdit toute
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internationales135. Mais, étant donné que dans la plupart des États modernes les
conditions d’incorporation des conventions internationales dans l'ordre juridique
interne et leur place dans la hiérarchie des normes juridiques en droit interne
sont fixées par la Constitution136, le juge constitutionnel peut également être
appelé à donner son appréciation sur la constitutionnalité de telles conventions,
soit a priori ou encore a posteriori, afin de pouvoir écarter d’éventuels conflits
entre les dispositions de ces dernières et le droit interne
135
En fait, de nos jours, personne ne conteste la primauté du droit international sur le droit interne. Cette primauté
est d’ailleurs consacrée par les article 26 (pacta sunt servanda) et 27 (droit interne et respect des traités) de la Convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités et la jurisprudence internationale, mais elle est également acceptée par tous les États,
soit en droit, soit en fait.
136 Actuellement, tout le monde admet que les traités internationaux constituent également une source du droit
interne et presque toutes les Constitutions contiennent des dispositions relatives aux conventions internationales, mais les
solutions constitutionnelles varient d’un pays à un autre. Ainsi, au Maroc par exemple, c’est le dernier alinéa du Préambule
de la Constitution marocaine de 2011 qui organise la primauté des traités internationaux sur la loi, mais sous conditions. V.
aussi l’art. 55 de la Cst. relatif à la signature et à la ratification de ces traités. En conséquence, la Cour constitutionnelle peut
également être amené à exercer un contrôle de constitutionnalité des engagements internationaux, sur saisine des autorités
politiques compétentes, afin de vérifier que leurs dispositions ne comportent pas de clauses contraires à la Constitution (Art.
132 de la Constitution marocaine de 2011) . On parle alors de contrôle de compatibilité.
La Constitution française de 1958 (5ème République) pose également, dans son article 55, le principe de supériorité
des traités sur lois internes mais sous condition de réciprocité.
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137 En effet, sous la Révolution, lorsqu’on a évoqué l'idée de l’institution d'un tribunal constitutionnel chargé de
contrôler les lois, elle a été rejetée par la plupart des orateurs. Par la suite, on s'opposait systématiquement au contrôle de la
loi en se référant à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui énonce, en son article 6, que
« La loi est l'expression de la volonté générale ». La loi, votée par un Parlement considéré comme étant souverain, est
devenue sacrée. Dès lors, il n'est pas question d'un contrôle des assemblées par un organe externe au Parlement. La
souveraineté parlementaire était au-dessus de tout. C’est ce qui explique le retard de la France concernant la mise en place
d’un tel mécanisme. V. P. Ardant. B. Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20e éd. 2008, p. 93 et s et le site
officiel du Sénat français : https://www.senat.fr › role › fiche › controle_constit ; https://www.senat.fr › ... › t
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138 V. Julien Henninger, Marbury v. Madison, Presses Universitaires de Strasbourg, 2006; Jacques Lambert, « Les
Origines du contrôle de constitutionnalité des lois fédérales aux États-Unis. Marbury v. Madison », Revue du Droit Public et
de la Science Politique en France et à l’Étranger, tome 48, 38e année, 1931, p. 1-69 ; Elizabeth Zoller (sous la
direction), Marbury v. Madison: 1803, 2003, Un dialogue franco-américain, Dalloz, 2003, 228 p.
139 Hans Kelsen (1881-1973) est juriste austro-américain, théoricien du droit et fondateur du normativisme. Il a
profondément marqué le droit dans son ensemble par sa théorie de hiérarchie des normes plaçant la Constitution au sommet
de la pyramide des normes juridiques. Cette vision positiviste du droit est aujourd’hui appliquée dans la plupart des États
modernes. D’ailleurs, c’est sous son inspiration que la constitution autrichienne du 1er octobre 1920 a institué une Cour
constitutionnelle ayant pour seule mission d’assurer la conformité des normes de droit à la Constitution, norme juridique
suprême de l’État. C’est pour cela que ce modèle de justice constitutionnelle fut qualifié d’autrichien avant de se répandre
dans la plupart des pays européens et dans d’autres régions du monde.
140 En effet, au Maroc, la justice constitutionnelle fut instituée dès sa première Constitution écrite, promulguée
en décembre 1962, avec l’existence d’une Chambre constitutionnelle au sein de la Cour suprême (Titre X de la constitution
de 1962). Cependant, lors de la révision de la Constitution marocaine en 1992, cette chambre fut remplacée par un Conseil
constitutionnel en tant qu'institution indépendante avec des attributions plus élargies, puisqu’il était constitutionnellement
compétent pour statuer, par le biais d’un contrôle a priori, sur la constitutionnalité, non seulement des lois organiques et des
règlements parlementaires, mais aussi des lois ordinaires. Ce n’est alors qu’avec l’instauration d’une Cour constitutionnelle
en remplacement du Conseil constitutionnel, suite à l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011, que la justice
constitutionnelle connaitra un grand essor, puisque celle-ci fût dotée de plus larges compétences en matière de contrôle de
constitutionnalité, tant par "a priori", que par "a posteriori".
141 V. La démocratie : Principes et réalisation, Union Interparlementaire, Genève, 1998, Inter-Parliamentary Union,
http://archive.ipu.org › DEMOCRACY_PR_f . Pour un inventaire des pays qui ont mis en place un contrôle de
constitutionnalité des lois, v. la liste des cours constitutionnelles étrangères réalisée par le Conseil constitutionnel [archive
142
Évidemment, du moment où cette volonté émane directement du peuple souverain à travers la Constitution, elle
ne peut qu’être supérieure à celle de ses représentants exprimée généralement sous forme de lois. Dès lors, et comme l'a
indiqué le Conseil constitutionnel français dans sa décision n° 85-197 DC du 23 août 1985 : « la loi votée (...) n'exprime la
volonté générale que dans le respect de la Constitution », et donc que si elle est conforme à celle-ci.
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143
En fait, ces objections s’expliquaient surtout par l’existence d’une méfiance traditionnelle des constituants
français vis-à-vis du contrôle par le juge de la constitutionnalité de la loi « expression de la volonté générale ». En effet, le
peuple étant souverain, rien ne peut aller à l’encontre de sa volonté : c’est l’idée de la souveraineté de la loi et de la
souveraineté parlementaire.
144 Dominique Rousseau. Droit du contentieux constitutionnel, L. G. D. J., 10ème éd. 2013. En effet, assez
embryonnaire au départ, le contrôle de constitutionnalité en France s’est progressivement élargi : en 1971 par l’intégration de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République dans le "bloc de constitutionnalité (par la décision historique du Conseil
constitutionnel du 16 juillet 1971 relative à la loi sur la liberté d'association), en 1974 par l’élargissement de la saisine à 60
députés ou 60 sénateurs, enfin en 2008-2010 par l’introduction d’un contrôle a posteriori de la loi (QPC).
145 Au Maroc par exemple, le contrôle de constitutionnalité des lois (ainsi que des règlements des deux assemblées
parlementaire et des traités internationaux) est exercé par la seule Cour Constitutionnelle, organe juridictionnel institué
par la Constitution de 2011, en lieu et place de l’ancien Conseil constitutionnel ( v. art. 129 à 134 ainsi que l’article
55, al. 4 de la même constitution).
146Guillaume DRAGO, Les différents types de contentieux ou 5000 décisions en 60 ans, dans
Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n°58 (Dossier : Le contentieux constitutionnel) – Janvier 2018,
https://www.conseil-constitutionnel.fr › les-differents-t..
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les compétences et procédures prévues à cet effet par la constitution 150. Ainsi
dans la Constitution marocaine, le Parlement ne peut légiférer que dans certaines
matières qui relèvent du « domaine de la loi » (art. 71) et selon une procédure
organisée par la constitution (art. 78-86). Le contrôle consiste donc à vérifier que
le Parlement n'a pas excédé sa compétence et a suivi la procédure législative en
vigueur.
150 Dans une constitution, les règles de compétence sont notamment celles relatives à l’organisation du pouvoir
politique (structures, titulaires, organes), à son fonctionnement (dévolution, rapports entre les organes et avec les citoyens),
quant aux règles de procédure, elles sont notamment celles relatives à la procédure législative et à la modification formelle
de la Constitution. V. supra.
151
V. Louis Favoreu, « Modèle européen et modèle américain de justice constitutionnelle », Annuaire international
de justice constitutionnelle, Année 1990 4-1988 pp. 51-66, https://www.persee.fr › doc › aijc_0995-3817_1990_nu.. et Jean-
Claude ZARKA, Droit constitutionnel et institutions politiques , op. cit. et Introduction au Droit constitutionnel, Edit.
Ellipses, 5e édition, Les modèles de justice constitutionnelle, pp. 57-73, https://www.editions-ellipses.fr › PDF › 978234.
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154 En effet, selon l’article 132 de la constitution marocaine, la Cour constitutionnelle « statue sur la régularité de
l'élection des membres du Parlement dans un délai d'un an, à compter de la date d'expiration du délai légal du recours.
Toutefois, la Cour peut statuer au-delà de ce délai, par décision motivée, dans le cas où le nombre de recours ou leur nature
l'exige ». V. aussi à cet égard les articles 58 et 59 de la Constitution française du 4 octobre 1958.
155 V. Danièle Lochak. Le contrôle de l’opportunité par le Conseil constitutionnel. Dominique Rousseau et Frédéric
Sudre. Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’homme - Droits et libertés en Europe, Editions STH, pp.
71-109, 1990. ffhal-03051940f, https://hal.parisnanterre.fr › preview › Lochak_... V. aussi le Bulletin n° 7 concernant
«L’indépendance des juges et des juridictions », thème de la 4e Conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF, qui s’est
tenue à Bucarest les 31 mai et 1er juin 2005, Association des Cours Constitutionnelles Francophones, https://accf-
francophonie.org › Bulletin
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Évidemment, du fait que tous les tribunaux ont compétence pour apprécier
la conformité à la constitution américaine des normes qu'ils appliquent, il y a
toujours un risque de déboucher, dans ce modèle, sur des décisions
contradictoires et générer une jurisprudence incohérente et incertaine, qui peut
interpréter différemment la constitutionnalité de la même norme
constitutionnelle.
156 En l’occurrence, il ne s'agit pas de se prononcer sur la conformité de la loi en question à la constitution, mais de
résoudre un cas d'espèce dans le respect de la loi supposée être conforme à la constitution.
157
Sur le système judiciaire des Etats-Unis, v. https://fr.usembassy.gov › uploads › sites › 2017/06
158 V. E. Zoller (dir.), Marbury v. Madison: 1803-2003. Un dialogue franco-américain, Dalloz, 2003. Ce système
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160 En effet, pour H. Kelsen (théoricien de la pyramide des normes et du modèle de justice constitutionnelle
concentrée), ce n’est pas « sur le Parlement lui-même que l’on peut compter pour réaliser sa subordination à la Constitution.
C’est un organe différent de lui, indépendant de lui et par conséquent aussi de toute autre autorité étatique qu’il faut charger
de l’annulation des actes inconstitutionnels – c’est-à-dire une juridiction ou tribunal constitutionnel ». H. Kelsen, « La
garantie juridictionnelle de la Constitution (la justice constitutionnelle) », RDP, t. XLV, 1928, p. 226.
161
L. Favoreu, Les Cours, constitutionnelles, Paris, PUF, 3e éd. 1996, p. 3.
162
V, Dominique Rousseau, Philippe Blachèr, La justice constitutionnelle en Europe, LGDJ, 4e édit. 2020.
163 Albert Bourgi, « L'évolution du constitutionnalisme en Afrique : du formalisme à l'effectivité »; Dans Revue
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165
Toutefois, en France, les autorités habilitées à désigner les membres du Conseil font généralement appel à des
personnalités dont la compétence est reconnue dans le domaine du droit ou des sciences politiques.
166 Article 130, al. 5 de la Nouvelle Constitution marocaine : « Les membres de la Cour Constitutionnelle sont choisis
parmi les personnalités disposant d'une haute formation dans le domaine juridique et d'une compétence judiciaire, doctrinale ou
administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité ».
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Aux Etats-Unis par exemple, la Cour suprême, tout en étant la plus haute
juridiction ordinaire, est un organe mixte : politique par son recrutement,
désignation par le Président avec l’accord du Sénat, juridictionnel par son statut :
nomination à vie sans possibilité de révocation. Au Maroc et en France, les
juridictions constitutionnelles bénéficient aussi d’un statut constitutionnel qui tend à
équilibrer le caractère politique du recrutement des juges169.
Signalons enfin que certains pays ont plutôt choisi l’adoption d’un système
original de contrôle de constitutionnalité qui s’inspire à la fois du système diffus et
concret exercé par les tribunaux ordinaires (modèle américain) et du système
concentré et abstrait exercé par une juridiction constitutionnelle placée hors
hiérarchie de l'ordre judiciaire (modèle européen). Il est principalement adopté
par le Portugal, le Brésil et d’autres pays d’Amérique Latine170. C’est ce que l’on
appelle habituellement le système mixte (ou hybride) de justice constitutionnelle.
Son avantage principal par rapport aux autres, c’est qu’il permet l'accès direct et
immédiat des citoyens à la justice constitutionnelle afin de protéger leurs droits
fondamentaux, après épuisement des voies de recours ordinaires. Il s’agit, en
quelque sorte d’un contrôle de constitutionnalité des décisions de justice171 .
167 V. la Loi organique N° 106.13 portant Statut des Magistrats au Maroc http://www.sgg.gov.ma › Portals › lois ›
Loiorg... ; Loi organique n°100-13 relative au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), http://www.sgg.gov.ma ›
Portals › lois › Loiorg... ; Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature en France
168 V. Art. 130, al. 1 de la Constitution marocaine de 2011.
169 V. la Loi organique N°066.13 relative à la Cour constitutionnelle marocaine: http://www.sgg.gov.ma › Portals ›
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172 V. L. Favoreu, « La décision de conditionnalité », Revue internationale de droit comparé, Année 1986, 38-2, pp.
611-633 .
173 Dictionnaire du Droit constitutionnel, de Villiers (M. de) et Armel Le Divellec, Sirey, 2007, cité dans www.
Toupie. org /Dictionnaire/Contrôle de constitutionnaliste. V. aussi, Jean-Claude ZARKA, Droit constitutionnel et institutions
politiques , édit.Ellipses, 2018, pages 73 à 84.
174 Au Maroc par exemple, la Cour constitutionnelle délibère valablement lorsque 9 de ses membres au moins sont
présents et rend ses décisions à la majorité des 2/3 des membres la composant (article 17 de la Loi organique N°066.13
relative à la Cour constitutionnelle).
175
V. Christine MAUGUE, Jacques-Henri STAHL, La question prioritaire de constitutionnalité, Paris,
Dalloz, 2017, 352 p. Étude de législation comparée n° 208 - septembre 2010 - Les recours devant le juge constitutionnel,
https://www.senat.fr › lc208_mon. ; H Roussillon, « La saisine du Conseil constitutionnel. Contribution à un débat », Revue
internationale de droit comparé Année 2002 54-2 pp. 487-511, https://www.persee.fr › doc › ridc_0035-3337_2002_nu...
101
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176
Par ailleurs, ce pouvoir de saisine doit être exercé en conformité avec les dispositions des lois organiques
régissant l’organisation et le fonctionnement de la justice constitutionnelle dans le pays concerné. V. par exemple la Loi
organique N°066.13 relative à la Cour constitutionnelle marocaine, notamment le chapitre II, art. 16 et s.,
http://www.ism.ma › Textes_francais › 2.pdf: http://www.sgg.gov.ma › Portals › lois › Loiorg... Concernant la France, v.
Textes relatifs au Conseil constitutionnel français, https://www.conseil- constitutionnel.fr › textes-relatifs-...
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177 En effet, en Espagne, la saisine du Tribunal constitutionnel peut également émaner d’autres autorités qualifiées,
en vertu de l’article 162 de la Constitution du 27 décembre 1978. V. Francisco PÉREZ DE LOS COBOS ORIHUEL, « Le
Tribunal constitutionnel espagnol » , Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 49 – Octobre 2015 - P. 59 À 68,
https://www.conseil-constitutionnel.fr › le-tribunal-con..
178 L’octroi du droit de saisine du juge constitutionnel permet à la minorité politique de contester, devant celui-ci, la
constitutionnalité des lois votées par la majorité. Il est considéré comme un premier des droits de l'opposition parlementaire
et vise surtout à l’associer à la décision parlementaire (v. art. 10 de la Constitution marocaine de 2011).
179 Le site officiel du Conseil constitutionnel : « Qui peut saisir le Conseil constitutionnel ? » Conseil
constitutionnel, 30 avril 2013 ; La saisine directe de la Cour constitutionnelle fédérale est également réservée aux organes
constitutionnels (art. 93, al. l, n° 2 de la Loi fondamentale). Les organes titulaires du droit de saisine sont : le gouvernement
fédéral, le gouvernement d'un Land, un tiers des députés au Bundestag : V. Michel FROMONT, « Présentation de la Cour
constitutionnelle fédérale d'Allemagne Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15 (Dossier : Allemagne) – Janvier
2004, https://www.conseil-constitutionnel.fr › presentation-de-l...
103
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
180 En effet, l'élargissement de la saisine des juridictions constitutionnelles aux particuliers à la suite ces
réformes constitutionnelles s’explique notamment par l’universalité des droits de l’homme au lendemain de la fin de la
Guerre froide. D’ailleurs, le déclenchement du contrôle de constitutionnalité par les particuliers vise justement (presque
exclusivement) les libertés et droits fondamentaux qui sont consacrés et garantis par la Constitution.
181 Certes, il n’existe pas d’acception universelle du concept d’« accès à la justice », cependant, on a pu l’identifier
à travers les cinq éléments constitutifs suivants : 1. le droit à un accès effectif à un organisme de règlement des litiges ; 2. le
droit à une procédure équitable ; 3. le droit à un règlement des litiges dans des délais raisonnables ; 4. le droit à un
dédommagement adéquat ; et 5. les principes de l’efficience et de l’effectivité. V. art. 47 du Titre VI « Justice » de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne et le rapport qui aborde les questions relatives au droit à un recours effectif
et à accéder à un tribunal impartial « L’accès à la justice en Europe : présentation des défis à relever et des opportunités à
saisir » : https://fra.europa.eu › report-access-to-justice-legal_fr_0
104
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Évidemment, cette solution paraît plus démocratique, car elle permet aux
citoyens de veiller à ce que l’on respecte la Constitution et de se défendre contre
les décisions illégales des gouvernants. Toutefois, malgré tout l’intérêt qu’il
présente, elle présente un risque majeur : celui d’entraîner une multiplication des
recours individuels contre la loi et, par conséquent, un engorgement de la justice
constitutionnelle. C’est ce qui explique d’ailleurs la mise en place par le
constituant d’un système de filtre pour canaliser les recours individuels pour
inconstitutionnalité et examiner leur recevabilité avec rigueur. En Allemagne par
exemple, la saisine directe n’est possible qu’après l’épuisement préalable des
autres voies de recours devant les tribunaux.
182
V. l'article 93, al. 1, n° 4 a de la Loi fondamentale.V. Michel FROMONT, op. cit.
183 Ce modèle est retenu par de nombreux pays, tant en Europe, qu’ailleurs. Mais, il n’existe en France que depuis la
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (article 61-1 de la Constitution) et au Maroc, depuis l’adoption de la nouvelle
constitution en 2011 (art. 133 de la NCM). Cependant, concernant le Maroc, jusqu’à nos jours, les citoyens marocains ne
105
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
ordinaires, ils n’ont aucune compétence en la matière. Dès lors, afin de permettre
aux citoyens d’accéder à la justice constitutionnelle pour faire valoir leurs droits
fondamentaux, de nombreux pays ont dû introduire la procédure de renvoi
préjudiciel (ou question préjudicielle) dans leurs systèmes constitutionnels184.
C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en France.
peuvent pas saisir indirectement la Cour constitutionnelle pour remettre en cause une loi inconstitutionnelle, car la loi
organique sous le n° 86.15 fixant les conditions et procédures de l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi ordinaire en
application de l'article 133 de la Constitution, déféré à la Cour Constitutionnelle à deux reprises (le 6 Mars 2018 et le 21
Février 2023), a été à chaque fois censuré par celle-ci pour inconstitutionnalité.
184 Au sujet des « questions préjudicielles » en France, en Italie, en Belgique, en Espagne et en Allemagne, v. T.
Santolini, « La question prioritaire de constitutionnalité au regard du droit comparé », RFDC, 2013/1, n° 93, pp. 83-105,
185 Il s‘agit de droits subjectifs ayant rang constitutionnel en droit interne (« droits fondamentaux »). Il peut s'agir de
droits de liberté, mais aussi de droits politiques. V. Gabriele KUCSKO-STADLMAYER, « Les recours individuels devant la
Cour constitutionnelle en droit constitutionnel autrichien », Cahiers du Conseil constitutionnel N° 10 (Dossier relatif à
l’accès des personnes à la justice constitutionnelle - Mai 2001, https://www.conseil-constitutionnel.fr › les-recours-indivi..
186
En fait, toute juridiction saisie du litige doit traiter la question prioritaire de constitutionnalité « sans délai ». La
procédure est alors suspendue et le Conseil constitutionnel est saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d'État ou de la
Cour de cassation. Il a alors trois mois à compter de sa saisine pour rendre sa décision. C’est pour cela d’ailleurs que cette
question est qualifiée de « question prioritaire de constitutionnalité » , car son examen est, à tous les stades de la procédure,
encadré dans des délais brefs afin qu’elle n’ait pas pour conséquence de rallonger excessivement les délais de jugement V.
Conseil d’Etat fr. « La question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction administrative », https://www.conseil-
etat.fr › dossiers-thematiques › la- , et Guide pratique de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC),
https://qpc360.conseil-constitutionnel.fr › la-qpc › gui..
187 En effet, pour que cette question soit acceptée, elle doit porter sur un acte normatif en vigueur et que la question
soit liée à la solution du litige. Elle est donc posée à titre incident et en contrôle a posteriori . En outre, elle ne parvient au
Conseil constitutionnel qu'après les filtres mis en œuvre par le Conseil d'État et la Cour de cassation (art. 61-1 de la
Constitution française). Par ailleurs, une des conditions de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité devant
les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation consiste à s’assurer que la disposition « n’a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf
changement des circonstances » (article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958).
188 V. le Site officiel du Conseil constitutionnel français : Guide pratique de la question prioritaire de
106
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
l’avantage d’être déployée dans les différentes branches du droit (d’une manière
concrète)189. Évidemment, cette forme d’accès individuel à la justice
constitutionnelle constitue incontestablement un grand atout à la fois pour la
sécurité juridique et pour l’effectivité du principe de la suprématie de la
constitution dans l’ordre juridique interne. Elle constitue également une garantie
supplémentaire pour la protection des droits et libertés fondamentaux.
1. Le contrôle a priori
Ce contrôle intervient avant l’entrée en vigueur de la loi, parfois même,
comme c’est le cas en France et au Maroc192, avant qu’elle ne soit promulguée,
c’est-à-dire entre le vote définitif du texte par le Parlement et la promulgation193.
Il apparaît alors comme une étape de la procédure législative. Il est obligatoire à
l'égard des lois organiques avant leur promulgation et des règlements des
assemblées parlementaires avant leur mise en application194, et demeure
189 V. Ph. Ardant et Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit ; pp. 129-130.
190 V. Olivier LE BOT, « Contrôles de constitutionnalité a priori et a posteriori en Europe », Les Nouveaux Cahiers
du Conseil constitutionnel 2013/3 (N° 40), pages 117 à 135, https://www.cairn.info › revue-les-nouveaux-cahiers-du-
191 Ibid.
192 V. respectivement les articles 61 de la Constitution française de 1958 et 132 de la Constitution marocaine de
2011. Ce système de contrôle existe également dans d’autres pays européens. Cf Olivier Le Bot, op. cit.,
https://www.cairn.info › revue-les-nouveaux-cahiers-du-
193
En règle générale, c’est cette promulgation qui délimite la frontière entre l’a priori et l’a posteriori..
194 Si les lois organiques sont transmises au juge constitutionnel par le Chef du gouvernement Premier ministre, les
règlements des assemblées parlementaires, ainsi que leurs modifications lui sont transmis par le président de l'assemblée
concernée
107
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
facultatif en ce qui concerne les lois ordinaires (avant leur promulgation) et les
engagements internationaux (avant leur ratification)195.
195 Dès lors, si lors de de leur contrôle par le juge constitutionnel, celui-ci déclare "qu'un engagement international
comporte une clause contraire à la Constitution", le traité dont il s’agit ne peut être ratifié qu’après une révision de la
Constitution.
196
Damien Fallon. « Le contrôle concret de constitutionnalité des lois par le Conseil constitutionnel ». Revue belge
de droit constitutionnel, 2017. ffhal-03137329f https://hal.science › hal-03137329 › document,
197 En effet, en France comme au Maroc, le juge constitutionnel doit se prononcer dans le même délai que pour le
contrôle des lois organiques et des règlements des assemblées (un mois pouvant être ramené à huit jours en cas d’urgence à la
demande du Gouvernement). (Art 6. Al. 3 de la Const. française et Art. 132, al. 4 de la Const. marocaine).
108
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
les citoyens sont rassurés que les normes inconstitutionnelles, qu'elles trouvent
leur source dans un traité, une loi ou tout autre texte juridique n'entreront jamais
en vigueur, car les décisions du juge constitutionnel sont définitives et
ne sont susceptibles d'aucun recours.
Son inconvénient, c’est qu’il s’agit d’un contrôle brutal, car il intervient « à
chaud », c’est-à-dire immédiatement après les débats parlementaires, ce qui
renforce le caractère politique de la décision. De même, il se peut que des lois
porteuses d’inconstitutionnalités soient promulguées sans être soumises au
contrôle du juge constitutionnel dans les délais requis, si les autorités publiques
compétentes en décident ainsi, volontairement ou involontairement. D‘où l’intérêt
d’avoir un système de contrôle de constitutionnalité qui combine les deux types
de contrôle : a priori et a posteriori.
procédure de la QPC », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 40 (Dossier: Le Conseil constitutionnel : trois ans de
QPC) – Juin 2013
109
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
par un justiciable lorsqu'il lui paraît, à l'occasion d'un procès devant une
juridiction ordinaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et
libertés que la Constitution garantit ». La juridiction saisie de la question doit alors
l’examiner sans délai (d’où le caractère prioritaire de cette question, qui prime
sur toute autre) et la transmettre au Conseil d'État (Cour suprême de l'ordre
administratif) ou à la Cour de cassation (la plus haute juridiction de l’ordre
judiciaire français), qui jouent à cet égard le rôle de filtre, car ils doivent
s’assurer que la question posée remplit effectivement toutes les conditions
requises201. Mais, une question qui n’aurait pas été examinée par ces deux
juridictions les plus élevées de l’ordre judiciaire français dans le délai de trois
mois qui leur est imparti est automatiquement transmise au Conseil
constitutionnel.
201 V. à cet égard la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de
la Constitution française qui détermine les conditions d'application de ce mécanisme dit de "la question prioritaire de
constitutionnalité", ainsi que Règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les QPC.
Quant aux conditions requises que cette loi exige pour soulever une QPC, ce sont les suivantes : la loi doit porter sur une
disposition applicable au litige ou à la procédure ; si elle n’a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel
(sauf changement de circonstances) et qu’elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
202 Olivier LE BOT, op. cit.
110
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
203 V. Louis FAVOREU et al., Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 22e éd., 2019, pp. 296-299.
204 Olivier LE BOT, op. cit.
205 V. le site officiel du Conseil constitutionnel français, https://www.conseil-constitutionnel.fr/saisir-le-conseil/le-
circuit-d-une-saisine
111
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
206
V. article 61 de la constitution française et article 132 de la constitution marocaine.
207 Cette notion désigne en droit la « procédure devant une juridiction étatique, quelle qu'en soit la matière :
civile/commerciale, pénale, administrative… Elle offre la protection et la puissance publique pour la résolution des litiges. En
contrepartie, elle est souvent peu flexible en termes d'organisation procédure et peu rapide. V. https://www.mazars.fr ›
Services › Procedure-judiciaire », https://www.mazars.fr › Services › Procedure-judiciaire
208 C’est donc à partir d'une interprétation jurisprudentielle de la Constitution que la Cours suprême américaine a
instauré, pour la première fois dans l’histoire du contentieux constitutionnel, le contrôle de constitutionnalité des lois en
affirmant notamment que le juge ordinaire avait le pouvoir d’exercer un contrôle juridictionnel à l'égard des actes législatifs
et des autres actes de puissance publique. Elle a même estimé que ce contrôle juridictionnel était inhérent à la fonction de
juger. été à l’origine du modèle américain de justice constitutionnelle, et ce grâce à un tour de force du président de la Cour
suprême à l’époque, le juge John Marshall. En effet, c’est dans cet arrêt que la Cour suprême a, pour la première fois, instauré
le contrôle de constitutionnalité des lois en affirmant notamment que le juge ordinaire avait le pouvoir d’exercer un contrôle
juridictionnel à l'égard des actes législatifs et des autres actes de puissance publique. Elle a même estimé que ce contrôle
juridictionnel était inhérent à la fonction de juger (théorie du contrôle diffus de constitutionnalité). D’ailleurs, dans l’exercice
de sa fonction juridictionnelle, qu'elle soit judiciaire, administrative ou constitutionnelle, le juge doit toujours faire prévaloir
la norme supérieure (la constitution) sur la norme inférieure (la loi et règlements). Et en cas de contradiction, il va de soi que
c’est la première qui doit l’emporter et la norme inférieure doit être annulée. C’est l’objet même et le rôle du contrôle de
112
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
constitutionnalité dans un État de droit. Depuis lors, la mission première de la Cour suprême est de veiller à la
constitutionnalité des lois. V. Elisabeth ZOLLER, les Grands de la Cour suprême des Etats-Unis , coll. Les Grands Arrêts,
Dalloz, 1ère éd., 2010.
209 Le Conseil constitutionnel français la considère ( sur son site internet) comme étant la “juridiction la plus puissante sans doute
jamais constituée dans l’histoire humaine, une juridiction gardienne de la loi fondamentale américaine et véritable pouvoir judiciaire”.
210 En effet, en France, cette voie de saisine exceptionnelle prend la forme d'une question prioritaire de
constitutionnalité (QPC). Celle-ci est posée par le justiciable qui conteste la constitutionnalité de la loi qui lui est appliquée et
ce, à tout moment de la procédure, tant en première instance, qu'en appel ou en cassation : soit d’office sur décision du juge,
soit à l’initiative d’une des parties devant le juge a quo (cas les plus fréquents dans cette procédure). Elle ne parvient donc au
Conseil constitutionnel qu'après les filtres mis en œuvre par le Conseil d'État et la Cour de cassation (article 61-1 de la
Constitution). V. le site officiel de l’Assemblée nationale, Fiche de synthèse n° 39 : le contrôle de la constitutionnalité des
113
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Mais, afin que le contrôle de constitutionnalité des lois soit vraiment effectif
et efficace, les décisions des juridictions constitutionnelles doivent s'imposer à
tous, tant aux pouvoirs publics qu’à toutes les autorités administratives et
l’expression « juge » ou « juridiction a quo » dans les décisions ou arrêts des juridictions constitutionnelles.
212 En droit processuel, le sursis à statuer est une mesure prononcée par le juge qui provoque une suspension de
l'instance jusqu'à ce que le juge compétent en la matière se soit lui-même définitivement prononcé sur la question juridique
pendante. Cette suspension court donc depuis la date de la décision qui pose la question, jusqu'au jour de la notification de la
décision du juge constitutionnel au juge qui a posé la question.
213 Actuellement, toutes les juridictions constitutionnelles dans le modèle européen de justice constitutionnelle
exercent donc le contrôle de constitutionnalité des lois aussi bien dans un cadre a priori qu'a posteriori.
214 V. supra.
114
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
215 Marc GUILLAUME, « L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel : vers de nouveaux équilibres ? »,
Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 30 (Dossier : Autorité des décisions) – Janvier 2011, https://www.conseil-
constitutionnel.fr › l-autorite-des-...
216 Toutefois, en principe, la date d’entrée en vigueur des dispositions d’une loi nécessitant des mesures
d’application coïncide avec celle de ces mesures. Enfin, en cas d’urgence, les lois peuvent entrer en application dès leur
publication.
217 Le jugement désigne généralement toute décision émanant d’une juridiction. Quant au Dictionnaire de français
Larousse, il définit la notion de jugement comme étant : « 1. Action de juger quelqu'un, une affaire, dans le respect des lois
et règlements en vigueur. 2. Décision rendue par une juridiction du premier degré (exemple un tribunal d'instance, de grande
instance, de commerce ou un conseil de prud'hommes) ». Larousse, https://www.larousse.fr › dictionnaires › francais ›
jugem...
218 Guy CANIVET, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel », Colloque « la motivation en droit
public », Université Jean Moulin Lyon 3, novembre 2011, Conseil constitutionnel, https://www.conseil-constitutionnel.fr ›
les-membres › la.. ; D. Rousseau, « Le procès constitutionnel », dans Pouvoirs 2011/2 (n° 137), pages 47 à 55
115
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
juridique objectif, lequel exclut les intérêts subjectifs et porte uniquement sur la
constitutionnalité (ou le respect) des normes constitutionnelles. Autrement dit, le
juge constitutionnel doit trancher le litige qui lui est soumis en se contentant de
vérifier la conformité des textes juridiques qui lui sont déférés aux normes
constitutionnelles et décider en dernier ressort. Mais que se passe-t-il lorsque ce
juge statue définitivement sur le caractère constitutionnel ou inconstitutionnel
d’une loi ?
219 Selon le Conseil canadien de la magistrature : « Les juges doivent trancher de manière impartiale lors d’un
conflit entre deux parties. Leurs décisions sont prises en fonction des faits et des preuves qui leur sont présentés, des
jugements rendus par d’autres cours canadiennes par le passé et selon la loi applicable à la situation. La décision des juges est
finale, à moins qu’une des deux parties ne porte la cause devant une cour d’appel". https://cjc-ccm.ca › comprendre-son-
systeme-de-justice ; v. aussi https://www.cours-appel.justice.fr › default › files
220 On appelle « droit positif » l'ensemble des règles juridiques effectivement en vigueur dans un État ou un
ensemble d'États, quel que soit leur caractère particulier, constitutions, lois, décrets, ordonnances, coutumes, jurisprudence.
221 V. par exemple les articles 480 et 1355 du Code civil français , dont s’inspire le Code civil marocain.
222 Louis FAVOREU et al., Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 22e éd., 2019, pp. 285-288.
223 Michel Troper, Le droit et la nécessité, Chapitre IV : Les effets du contrôle de constitutionnalité des lois sur le
droit matériel », ; PUF, 2011, pages 169 à 184, Michel VERPEAUX, « Brèves considérations sur l'autorité des décisions du
Conseil constitutionnel » et Olivier DESAULNAY, « L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel vue par la Cour de
cassation », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 30, op. cit., https://www.conseil-constitutionnel.fr › breves-
conside... Louis Vansnik et Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, « La question préjudicielle de constitutionnalité en Belgique »,
Annuaire internationale de justice constitutionnelle, Année 2008 23-2007, pp. 29-33
116
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
procès (autorité relative de la chose jugée) (B)224. Elles peuvent également avoir
différents effets (ratione temporis) dans le temps225.
Évidemment, dans le cadre du contrôle a priori, après avoir été saisi, par
les autorités compétentes, des lois organiques (avant leur promulgation) et des
Règlements des assemblées parlementaires (avant leur mise en application) (v.
supra), le juge constitutionnel procède à une vérification de leur conformité aux
normes constitutionnelles dès réception de la saisine les concernant226. Après
quoi, il peut soit donner son feu vert à leur promulgation en déclarant qu’ils sont
conformes à la Constitution (décision de conformité à la Constitution), soit les
censurer, et donc suspendre leur promulgation et leur application, en déclarant
qu’ils ne sont pas conformes à la Constitution (décision de non-conformité à la
224 L'autorité de la chose jugée est un principe fondamental en droit. Elle s'attache aux seuls jugements contentieux
ayant un caractère définitif. Elle peut être définie comme une force juridique conférée par la loi aux décisions
juridictionnelles, qui une fois prononcées bénéficient du principe de l'immutabilité interdisant de remettre en cause ce qui a
été définitivement jugé, en dehors des voies de recours prévues à cet effet. V. Dalloz : https://www.dalloz.fr › documentation
› Document. Pour plus de détails sur cette question, v. Anne Rasson, « La valeur de la distinction entre autorité absolue et
autorité relative de la chose jugée », Annuaire internationale de justice constitutionnelle, Année 2012 / 27-2011 , pp. 593-612
225 V. Étude sur l’accès individuel à la justice constitutionnelle, Adoptée par la Commission de Venise lors de sa
85e session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010), Council of Europe, https://www.venice.coe.int › webforms › documents;
226
V. le site officiel du Conseil constitutionnel français, Le circuit d'une saisine : Les saisines du Conseil
constitutionnel en contrôle a priori, https://www.conseil-constitutionnel.fr › saisir-le-conseil. Mais, en raison des exigences
propres à la hiérarchie des normes, la conformité des règlements des assemblées aux normes constitutionnelles doit
s’apprécier au regard tant de la Constitution que des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives
prises pour son application.
117
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
Autrement dit, la validation totale d’un texte de loi signifierait que celui-ci
serait promulgué dans les délais prévus et publié officiellement, avant son entrée
en vigueur. Mais, si le recours en annulation est fondé, le texte législatif attaqué
est totalement ou partiellement annulé (censure entière ou partielle du texte). La
portée juridique des décisions constitutionnelles peut alors varier en fonction de
ces deux hypothèses :
227
C’est ce que prévoit formellement l’art. 134 de la Constitution marocaine de 2011 et l’art. 61de la Constitution
française de 1958. Il en est ainsi également dans d’autres pays. V. Mathieu DISANT, « Les effets dans le temps des décisions
QPC », op. cit ; Olivier Lecucq, « Les effets dans le temps des décisions du Tribunal constitutionnel espagnol », dans Les
Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel 2015/2 (N° 47), pages 79 à 90, https://www.cairn.info › revue-les-nouveaux-
cahiers-d... Anne Rasson, « La valeur de la distinction entre autorité absolue et autorité relative de la chose jugée », Annuaire
international de justice constitutionnelle, Année 2012 27-2011 pp. 593-612, https://www.persee.fr › doc › aijc_0995-
3817_2012_nu..
228 Rappelons à cet égard que, jusqu’à nos jours, le droit constitutionnel américain ne reconnaît pas la possibilité
d’un contrôle a priori qui serait déclenché sur saisine des autorités publiques.
229 Ses décisions et avis sont rendus par sept conseillers au moins (règle de quorum). En cas de partage, la voix du
président est prépondérante. Il n'y a pas d'opinion dissidente possible. Contrairement aux audiences, les délibérés et votes ne
sont pas publics.
230 En France et au Maroc, les décisions constitutionnelles ont donc un effet opposable à tous. Elles sont définitives
et ne sont susceptibles d'aucun recours y compris devant le juridictions constitutionnelles elles-mêmes, à l'exception, bien
entendu, des cas de rectification d'erreurs matérielles.
231
Concernant les engagements internationaux, dont la primauté dans l'ordre juridique interne est
constitutionnellement consacrée, si le juge constitutionnel, déclare qu'un engagement international comporte une disposition
contraire à la Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution (Art. 55, al. 4 de la
Constitution marocaine et art. 54 de la Constitution française).
118
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
232 Loi organique N°066.13 relative à la Cour constitutionnelle marocaine, art. 27, al. 2.
233 V. Esquisse système judiciaire américain, https://fr.usembassy.gov › uploads › sites › 2017/06
119
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Évidemment, dans tous les cas, la partie au litige qui a perdu le procès et
qui n’est pas satisfaite de la décision rendue peut toujours faire appel. Ainsi, au
terme de toutes les procédures d’appel, c’est la Cour suprême qui se prononce
en dernier ressort234. Le jugement rendu précédemment peut alors être confirmé
ou renversé, et cette fois-ci l’arrêt prononcé par la Cour suprême aura autorité à
l'égard de tous (Erga Omnes), ce qui signifie qu’il s'imposera aux parties ainsi
qu’à toutes les juridictions, fédérales et d'État. Il devient donc irrévocable235.
234 En effet, la Cour suprême est la plus haute juridiction des États-Unis; elle a compétence d’appel de dernier
ressort tant pour les affaires tranchées par les juridictions fédérales inférieures que pour celles décidées par les diverses
juridictions d’État de l’ensemble des États-Unis.
235 Il convient de rappeler à cet égard qu’aux Etats-Unis et dans d’autre pays dépourvus d’un contrôle concentré,
l’effet contraignant de la décision de la Cour suprême découle du système des précédents. En effet, dans ces pays, les
juridictions applique la doctrine du précédent ou stare decisis (expression latine qui signifie « s'en tenir à ce qui a été
décidé»), doctrine qui veut que les décisions des juridictions supérieures font jurisprudence et que les règles juridiques qui
s’en dégagent sont obligatoires et s’imposent donc à toutes les juridictions inférieures et doivent s'appliquer de la même
manière dans les litiges ultérieurs. Évidemment, c’est cette doctrine qui facilite la préservation de la cohérence de la
jurisprudence dans ces pays.
120
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
236V. Séminaire sur « L’exception d’inconstitutionnalité », op. cit. ; « Les recours devant le juge constitutionnel »,
Étude de législation comparée n° 208 - septembre 2010, op. cit.
121
Pr Ahmed EL MEKKAKI / FSJP-K Théorie générale du droit constitutionnel /S.1/ 2023-2024
237 Jacques VAN COMPERNOLL, Marc VERDUSSEN « La réception des décisions d'une cour constitutionnelle
sur renvoi préjudiciel - L'exemple de la Cour d'arbitrage de Belgique, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 14
(Dossier : La justice dans la Constitution) – Mai 2003 ; Christophe De Bernardinis, Section 2. Le dialogue entre les juges
ordinaires et le Conseil constitutionnel: Revue générale du droit on line, 2021, numéro 55509
(www.revuegeneraledudroit.eu/?p=55509)
238 En effet, ce mécanisme permet à tout justiciable de contester, devant le juge en charge de son litige,
la constitutionnalité d'une disposition législative applicable à son affaire parce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés que
la Constitution garantit. Certains constitutionnalistes lui reproche justement de la QPC ne concerne que ces droits et libertés.
Il ne recouvre pas donc l’intégralité des moyens du contrôle a priori, et ne peut être soulevée qu’à l’occasion d’un litige,
exigeant la mobilisation d’un droit subjectif du justiciable. V Jean-François Kerléo, « Les lois non déférées au contrôle de
constitutionnalité a priori »,:Revue générale du droit on line, 2014, numéro 18693 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=18693)
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