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UNIVERSITE JEAN MOULIN - LYON 3 Doc 10 : CE, Ass., 24 juin 2014, « Affaire Vincent Lambert », n° 375081.

FACULTE DE DROIT Doc 11 : Cour EDH, 5 juin 2015, Lambert c/ France, req. n° 46043/14 (extrait)
Année universitaire 2022-2023 Doc 12 : Défenseur des droits, 17 mai 2019, Réponse à la réclamation présentée par les avocats des
parents M. Vincent Lambert le 12 mai.
Doc 13 : Cass, 28 juin 2019, n° 19-17.330.
LICENCE DE DROIT PRIVE Actualité : les directives anticipées
SERIES A et C Doc 14 : Article L1111-11 du code de la santé publique
DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX Doc 15 : Cons. Const., QPC, 10 novembre 2022, Zohra M. et autres
Bibliographie :
Cours magistral : Julie FERRERO et Loïc ROBERT Rapport du Sénat Français, « L’euthanasie, Etude de législation comparée n°49 », janvier
Travaux dirigés : Thomas LEONE, Romane PONCET, Mathieu ROUY, Maïlys TETU 1999, complété et mis à jour par l’étude LC 109, services des affaires européennes, juillet
2002, disponible sur le site internet www.senat.fr/lc/lc109/lc109.pdf.
Séance 2 et 3 : La dignité humaine
GLASSON C., « Fin de vie : sauvons le triple "ni" de la France ! », Revue de la recherche
Thématique d’illustration : Le droit à la mort ? juridique. Droit prospectif, n°2, 2012, pp. 663-673
I. Le fondement discuté du droit à la mort Rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France, sous la présidence de
Doc 1 : Cour EDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume Uni, req. n°2346/02 (extrait). Didier Sicard, « Penser solidairement la fin de vie », 18 décembre 2012.
Doc 2 : Cour EDH, 20 janvier 2011, Haas c/ Suisse, req. n° 31322/07 (extrait). FERRY L., KAHN A., Faut-il légaliser l’euthanasie ?, Odile Jacob, 2010.
Doc 3 : Cour EDH, 27 juin 2017, Charlie Gard et a. c/ Royaume-Uni, req. n° 39793/17 : à ALT-MAES F., « Le respect de la dignité au centre des pratiques et de la loi sur la fin de
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II. L’encadrement juridique de la fin de vie en droit français AZOUX-BACRIE L., « L’euthanasie, un défi pour les droits de l’Homme ? », Mélanges G.
Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 119.
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Doc 5 : Code de la santé publique (Modifié par les lois du 26 janvier et 2 février 2016).
Articles L 1110-5, L 1110-5-1, L 1110-5-2, L 1110-5-3, L 1111-4, L 1111-5, L 1111-6, L Sur l’affaire « Vincent Lambert » cf : RRJ, 2014, p. 1653 ; JCP A, 2014, n° 2283 ; RFDA,
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des droits de l’homme ? », Revue Lamy Droit Civil, n°80, 2011, pp. 39-40.
Doc 7 : CE, ord. 5 janvier 2018, Mme. B et M. D., n° 416689, (extrait).
LEROYER A.-M., « Fin de vie : l’indignité procédurale », RTD civ., 2019, p. 552.
Doc 8 : CEDH, déc., 23 janvier 2018, Afiri et Biddarri c. France, n° 1828/18 (extrait).
RAMEIX S., « Le droit de mourir », Gérontologie et société, vol. 27, n°108, 2004, pp. 97-111.
Doc 9 : Cass, 31 décembre 2017, M. Mercier, n° 16-87054.
LEVINET L., Le droit au respect de la vie dans la Convention européenne des droits de l’homme,
Bruxelles, Bruylant, 2011, 344 p.
Focus : l’affaire Lambert MOUFFE B., Le droit à la mort, Bruxelles, Bruylant, 2019, 482 p.
Travail obligatoire à rendre : II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2

Répondez au propre aux questions suivantes : 37. Parmi les dispositions de la Convention qu’elle juge primordiales, la Cour, dans sa jurisprudence,
accorde la prééminence à l’article 2 (McCann et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 27 septembre 1995,
1 – Le droit de la CEDH reconnait-il un droit à mourir et/ou une liberté de mourir ? série A no 324, pp. 45-46, §§ 146-147). L’article 2 protège le droit à la vie, sans lequel la jouissance
de l’un quelconque des autres droits et libertés garantis par la Convention serait illusoire. Il définit
2 – Qu’est-ce qu’une directive anticipée ? Qu’implique-t-elle juridiquement ? les circonstances limitées dans lesquelles il est permis d’infliger intentionnellement la mort, et la
Travail à rendre sur la base du volontariat : Commentaire de l’extrait de la décision Cour a appliqué un contrôle strict chaque fois que pareilles exceptions ont été invoquées par des
CEDH, Afiri et Biddarri c. France, n° 1828/18, 23 janv. 2018 (document 8). gouvernements défendeurs (ibidem, p. 46, §§ 149-150).
39. L’article 2 ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme conférant un droit
diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir ; il ne saurait davantage créer un droit à
I. Le fondement discuté du droit à la mort l’autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que
la vie.
40. La Cour estime donc qu’il n’est pas possible de déduire de l’article 2 de la Convention un droit à
Document 1 : Cour EDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume Uni, Req. n°2346/02. mourir, que ce soit de la main d’un tiers ou avec l’assistance d’une autorité publique. Elle se sent
confortée dans son avis par la récente Recommandation 1418 (1999) de l’Assemblée parlementaire
7. La requérante est une dame âgée de quarante-trois ans. Mariée depuis vingt-cinq ans, elle habite du Conseil de l’Europe.
avec son époux, leur fille et leur petite-fille. Elle souffre d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA),
maladie neurodégénérative progressive qui affecte les neurones moteurs à l’intérieur du système 42. La Cour conclut donc à l’absence de violation de l’article 2 de la Convention.
nerveux central et provoque une altération graduelle des cellules qui commandent les muscles
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3
volontaires du corps. Son évolution conduit à un grave affaiblissement des bras et des jambes ainsi
que des muscles impliqués dans le contrôle de la respiration. La mort survient généralement à la 49. Tout comme l’article 2, l’article 3 de la Convention doit être considéré comme l’une des clauses
suite de problèmes d’insuffisance respiratoire et de pneumonie dus à la faiblesse des muscles primordiales de la Convention et comme consacrant l’une des valeurs fondamentales des sociétés
respiratoires et de ceux qui contrôlent la parole et la déglutition. Aucun traitement ne peut enrayer démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, série
la progression de la maladie. A no 161, p. 34, § 88). Contrastant avec les autres dispositions de la Convention, il est libellé en
termes absolus, ne prévoyant ni exceptions ni conditions, et d’après l’article 15 de la Convention il
8. L’état de la requérante s’est détérioré rapidement depuis qu’une SLA a été diagnostiquée chez elle
ne souffre nulle dérogation.
en novembre 1999. La maladie se trouve aujourd’hui à un stade avancé. Mme Pretty est quasiment
paralysée du cou aux pieds, elle ne peut pratiquement pas s’exprimer de façon compréhensible et on 53. En l’espèce, chacun reconnaît que l’Etat défendeur n’a pas, lui-même, infligé le moindre mauvais
l’alimente au moyen d’un tube. Son espérance de vie est très limitée et ne se compte qu’en mois, traitement à la requérante. Celle-ci ne se plaint pas non plus de ne pas avoir reçu des soins adéquats
voire en semaines. Son intellect et sa capacité à prendre des décisions sont toutefois intacts. Les de la part des autorités médicales de l’Etat. Sa situation ne peut donc être comparée à celle du
stades ultimes de la maladie sont extrêmement pénibles et s’accompagnent d’une perte de dignité. requérant dans l’affaire D. c. Royaume-Uni, dans laquelle un malade du sida était menacé d’expulsion
Mme Pretty a peur et s’afflige de la souffrance et de l’indignité qu’elle va devoir endurer si on laisse vers l’île de Saint Kitts, où il n’aurait pu bénéficier d’un traitement médical approprié ou de soins
la maladie se développer, et elle souhaite donc vivement pouvoir décider quand et comment elle va palliatifs et où il aurait été exposé au risque de mourir dans des circonstances très pénibles. La
mourir et ainsi échapper à cette souffrance et à cette indignité. responsabilité de l’Etat aurait été engagée par l’acte (« traitement ») consistant à expulser l’intéressé
dans ces conditions. On ne décèle en l’espèce aucun acte ou « traitement » comparable de la part du
9. Le suicide n’est pas considéré comme une infraction en droit anglais, mais la requérante se trouve
Royaume-Uni.
empêchée par sa maladie d’accomplir un tel acte sans assistance. Or aider quelqu’un à se suicider
tombe sous le coup de la loi pénale (article 2 § 1 de la loi de 1961 sur le suicide). 55. La Cour ne peut qu’éprouver de la sympathie pour la crainte de la requérante de devoir affronter
une mort pénible si on ne lui donne pas la possibilité de mettre fin à ses jours. Elle a conscience que
10. Afin de permettre à sa cliente de se suicider avec l’aide de son mari, le solicitor de la requérante,
l’intéressée se trouve dans l’incapacité de se suicider elle-même en raison de son handicap physique
par une lettre datée du 27 juillet 2001 et écrite au nom de Mme Pretty, invita le Director of Public
et que l’état du droit est tel que son mari risque d’être poursuivi s’il lui prête son assistance. Toutefois,
Prosecutions (DPP) à prendre l’engagement de ne pas poursuivre le mari de la requérante si ce dernier,
l’accomplissement de l’obligation positive invoquée en l’espèce n’entraînerait pas la suppression ou
déférant au souhait de son épouse, venait à aider celle-ci à se suicider.
l’atténuation du dommage encouru (effet que peut avoir une mesure consistant, par exemple, à
11. Dans une lettre datée du 8 août 2001, le DPP refusa de prendre ledit engagement. empêcher des organes publics ou des particuliers d’infliger des mauvais traitements ou à améliorer
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une situation ou des soins). Exiger de l’Etat qu’il accueille la demande, c’est l’obliger à cautionner façon délibérée et en parfaite connaissance de cause, et qui ne peut donc être considérée comme
des actes visant à interrompre la vie. Or pareille obligation ne peut être déduite de l’article 3 de la vulnérable et comme nécessitant une protection. Cette inflexibilité signifie selon l’intéressée qu’elle
Convention. va être forcée d’endurer les conséquences de sa maladie pénible et incurable, ce qui pour elle
représente un coût personnel très élevé.
56. La Cour conclut dès lors que l’article 3 ne fait peser sur l’Etat défendeur aucune obligation
positive de prendre l’engagement de ne pas poursuivre le mari de la requérante s’il venait à aider son 73. La Cour note que si le Gouvernement soutient que la requérante, personne à la fois désireuse
épouse à se suicider ou de créer un cadre légal pour toute autre forme de suicide assisté. Partant, il de se suicider et sévèrement handicapée, doit être considérée comme vulnérable, cette assertion n’est
n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention. pas étayée par les preuves produites devant les juridictions internes ni par les décisions de la Chambre
des lords, qui, tout en soulignant que le droit au Royaume-Uni est là pour protéger les personnes
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
vulnérables, ont conclu que la requérante ne relevait pas de cette catégorie.
61. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de l’observer, la notion de « vie privée » est une notion large,
76. Aussi la Cour considère-t-elle que la nature générale de l’interdiction du suicide assisté n’est
non susceptible d’une définition exhaustive. Elle recouvre l’intégrité physique et morale de la
pas disproportionnée. Le Gouvernement souligne qu’une certaine souplesse est rendue possible
personne (X et Y c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1985, série A no 91, p. 11, § 22). Elle peut parfois
dans des cas particuliers : d’abord, des poursuites ne pourraient être engagées qu’avec l’accord du
englober des aspects de l’identité physique et sociale d’un individu (Mikulić c. Croatie, no53176/99,
DPP ; ensuite, il ne serait prévu qu’une peine maximale, ce qui permettrait au juge d’infliger des
§ 53, CEDH 2002-I). Des éléments tels, par exemple, l’identification sexuelle, le nom, l’orientation
peines moins sévères là où il l’estime approprié. Le rapport du comité restreint de la Chambre des
sexuelle et la vie sexuelle relèvent de la sphère personnelle protégée par l’article 8 (voir, par exemple,
lords précisait qu’entre 1981 et 1992, dans vingt-deux affaires où était soulevé le problème de l’«
arrêts B. c. France, 25 mars 1992, série A no 232-C, pp. 53-54, § 63, Burghartz c. Suisse, 22 février
homicide par compassion », les juges n’avaient prononcé qu’une seule condamnation pour meurtre,
1994, série A no 280-B, p. 28, § 24, Dudgeon c. Royaume-Uni, 22 octobre 1981, série A no 45, pp.
qu’ils avaient assortie d’une peine d’emprisonnement à vie, des qualifications moins graves ayant été
18-19, § 41, et Laskey, Jaggard et Brown, précité, p. 131, § 36). Cette disposition protège également
retenues dans les autres affaires, qui s’étaient soldées par des peines avec mise à l’épreuve ou avec
le droit au développement personnel et le droit d’établir et entretenir des rapports avec d’autres êtres
sursis. Il ne paraît pas arbitraire à la Cour que la législation reflète l’importance du droit à la vie en
humains et le monde extérieur (voir, par exemple, arrêts Burghartz, avis de la Commission, op. cit.,
interdisant le suicide assisté tout en prévoyant un régime d’application et d’appréciation par la justice
p. 37, § 47, et Friedl c. Autriche, 31 janvier 1995, série A no 305-B, avis de la Commission, p. 20, §
qui permet de prendre en compte dans chaque cas concret tant l’intérêt public à entamer des
45). Bien qu’il n’ait été établi dans aucune affaire antérieure que l’article 8 de la Convention comporte
poursuites que les exigences justes et adéquates de la rétribution et de la dissuasion.
un droit à l’autodétermination en tant que tel, la Cour considère que la notion d’autonomie
personnelle reflète un principe important qui sous-tend l’interprétation des garanties de l’article 8. 77. Eu égard aux circonstances de l’espèce, la Cour ne voit rien de disproportionné non plus
dans le refus du DPP de prendre par avance l’engagement d’exonérer de toute poursuite le mari de
68. Pour se concilier avec le paragraphe 2 de l’article 8, une ingérence dans l’exercice d’un droit
la requérante. Des arguments puissants fondés sur l’état de droit pourraient être opposés à toute
garanti par celui-ci doit être « prévue par la loi », inspirée par un ou des buts légitimes d’après ce
prétention par l’exécutif de soustraire des individus ou des catégories d’individus à l’application de
paragraphe et « nécessaire, dans une société démocratique », à la poursuite de ce ou ces buts (arrêt
la loi. Quoi qu’il en soit, vu la gravité de l’acte pour lequel une immunité était réclamée, on ne peut
Dudgeon précité, p. 19, § 43).
juger arbitraire ou déraisonnable la décision prise par le DPP en l’espèce de refuser de prendre
69. La seule question se dégageant de l’argumentation des parties est celle de la nécessité de l’engagement sollicité.
l’ingérence dénoncée, nul ne contestant que l’interdiction du suicide assisté en l’espèce était imposée
78. La Cour conclut que l’ingérence incriminée peut passer pour justifiée comme « nécessaire,
par la loi et poursuivait le but légitime de préserver la vie, donc de protéger les droits d’autrui.
dans une société démocratique », à la protection des droits d’autrui.
70. D’après la jurisprudence constante de la Cour, la notion de nécessité implique que l’ingérence
Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
corresponde à un besoin social impérieux et, en particulier, qu’elle soit proportionnée au but légitime
poursuivi. Pour déterminer si une ingérence est « nécessaire, dans une société démocratique », il y a
lieu de tenir compte du fait qu’une marge d’appréciation est laissée aux autorités nationales, dont la Document 2 : Cour EDH, 20 janv. 2011, Haas contre Suisse, Req. n° 31322/07.
décision demeure soumise au contrôle de la Cour, compétente pour en vérifier la conformité aux
exigences de la Convention. Ladite marge d’appréciation varie selon la nature des questions et 7. Le requérant souffre d’un grave trouble affectif bipolaire depuis une vingtaine d’années. Durant
l’importance des intérêts en jeu. cette période, il a commis deux tentatives de suicide et effectué plusieurs séjours dans des cliniques
psychiatriques. Le 1er juillet 2004, il devint membre de Dignitas. Cette association propose en
72. Les parties axent leur argumentation sur la question de la proportionnalité de l’ingérence particulier une assistance au suicide. Considérant qu’il ne pouvait plus vivre d’une manière digne en
révélée par les faits de l’espèce. La requérante s’en prend en particulier à la nature générale de raison de sa maladie, difficile à traiter, le requérant demanda à Dignitas de lui apporter de l’aide dans
l’interdiction du suicide assisté, en tant que celle-ci omet de prendre en compte sa situation d’adulte le cadre de son projet de suicide. Afin d’obtenir la substance nécessaire, à savoir 15 grammes de
saine d’esprit, qui sait ce qu’elle veut, qui n’est soumise à aucune pression, qui a pris sa décision de
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pentobarbital sodique, substance soumise à prescription médicale, le requérant s’adressa à différents contre des agissements par lesquels ils menacent leur propre vie (Keenan c. Royaume-Uni, no
médecins psychiatres, mais en vain. 27229/95, § 91, CEDH 2001-III). Selon la Cour, cette dernière disposition oblige les autorités
nationales à empêcher un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n’intervient pas librement
50. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de l’observer, la notion de « vie privée » est une notion
et en toute connaissance de cause.
large, non susceptible d’une définition exhaustive. Elle recouvre l’intégrité physique et morale de la
personne (X et Y c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1985, § 22, série A no 91). Elle peut parfois englober 55. La Convention et ses Protocoles doivent s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui
des aspects de l’identité physique et sociale d’un individu (Mikulić c. Croatie, no 53176/99, § 53, (Tyrer c. Royaume-Uni, 25 avril 1978, § 31, série A no 26, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26,
CEDH 2002-I). Des éléments tels que, par exemple, le nom, l’identification sexuelle, l’orientation série A no 32, et Vo c. France [GC], no 53924/00, § 82, CEDH 2004-VIII). Toutefois, les recherches
sexuelle et la vie sexuelle relèvent de la sphère personnelle protégée par l’article 8 (voir, par exemple, effectuées par la Cour lui permettent de conclure que l’on est loin d’un consensus au sein des Etats
arrêts B. c. France, 25 mars 1992, § 63, série A no 232-C, Burghartz c. Suisse, 22 février 1994, § 24, membres du Conseil de l’Europe quant au droit d’un individu de choisir quand et de quelle manière
série A no 280-B, Dudgeon c. Royaume-Uni, 22 octobre 1981, § 41, série A no 45 et Laskey, Jaggard il veut mettre fin à ses jours. En Suisse, selon l’article 115 du code pénal, l’incitation et l’assistance
et Brown c. Royaume-Uni, 19 février 1997, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1997-I). Cette au suicide ne sont punissables que lorsque l’auteur de tels actes les commet en étant poussé par un
disposition protège également le droit au développement personnel et le droit d’établir et d’entretenir mobile égoïste. A titre de comparaison, les pays du Benelux, notamment, ont décriminalisé l’acte
des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur (voir, par exemple, arrêts Burghartz, d’assistance au suicide, mais uniquement dans des circonstances bien précises. Certains d’autres pays
précité, avis de la Commission, § 47, et Friedl c. Autriche, 31 janvier 1995, série A no 305-B, avis de admettent seulement des actes d’assistance « passive ». Mais la grande majorité des Etats membres
la Commission, p. 20, § 45). Dans l’affaire Pretty c. Royaume-Uni (no 2346/02, § 67, CEDH 2002- semblent donner plus de poids à la protection de la vie de l’individu qu’à son droit d’y mettre fin. La
III), la Cour a estimé que le choix de la requérante d’éviter ce qui, à ses yeux, constituerait une fin Cour en conclut que la marge d’appréciation des Etats est considérable dans ce domaine.
de vie indigne et pénible tombait dans le champ d’application de l’article 8 de la Convention.
56. En ce qui concerne la pesée des intérêts en jeu, la Cour admet la volonté du requérant de se
51. A la lumière de cette jurisprudence, la Cour estime que le droit d’un individu de décider de quelle suicider de manière sûre, digne et sans douleur et souffrances superflues, compte tenu notamment
manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement du nombre élevé de tentatives de suicide qui échouent et qui ont souvent des conséquences graves
sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de pour les victimes et leurs proches. Toutefois, la Cour est d’avis que le régime mis en place par les
sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention. autorités, à savoir l’exigence d’une ordonnance médicale afin de prévenir des abus, a pour objectif
légitime de protéger notamment toute personne d’une prise de décision précipitée, ainsi que de
52. Selon la Cour, la présente affaire se distingue de l’affaire Pretty, précitée. A l’instar du Tribunal
prévenir des abus, notamment d’éviter qu’un patient incapable de discernement obtienne une dose
fédéral, il convient de préciser d’abord que la présente cause ne concerne pas la liberté de mourir et
mortelle de pentobarbital sodique (voir, mutatis mutandis, pour la question des restrictions à
l’éventuelle impunité de la personne prêtant son assistance à un suicide. L’objet de la controverse
l’avortement, Tysiąc c. Pologne, no 5410/03, § 116, CEDH 2007-IV).
est ici de savoir si, en vertu de l’article 8, l’Etat doit faire en sorte que le requérant puisse obtenir du
pentobarbital sodique sans ordonnance médicale, par dérogation à la législation, afin qu’il puisse 58. En particulier, la Cour considère que l’on ne saurait sous-estimer les risques d’abus inhérents à
mourir sans douleur et sans risque d’échec. Autrement dit, à la différence de l’affaire Pretty, le un système facilitant l’accès au suicide assisté. A l’instar du Gouvernement, elle est d’avis que la
requérant allègue non seulement que sa vie est difficile et douloureuse, mais également que, s’il restriction d’accès au pentobarbital sodique sert la protection de la santé, la sûreté publique et la
n’obtient pas la substance litigieuse, l’acte de suicide s’avérerait indigne. En outre, et toujours à la prévention d’infractions pénales. Elle partage à cet égard le point de vue du Tribunal fédéral, selon
différence de l’affaire Pretty, le requérant ne peut pas véritablement être considéré comme une lequel le droit à la vie garanti par l’article 2 de la Convention oblige les Etats à mettre en place une
personne infirme, dans la mesure où il ne se trouve pas au stade terminal d’une maladie dégénérative procédure propre à assurer qu’une décision de mettre fin à sa vie corresponde bien à la libre volonté
incurable, qui l’empêcherait de se suicider (voir, a contrario, Pretty, précité, § 9). de l’intéressé. La Cour estime que l’exigence d’une ordonnance médicale, délivrée sur le fondement
d’une expertise psychiatrique complète, est un moyen permettant de satisfaire à cette exigence. Cette
53. La Cour estime qu’il convient d’examiner la demande du requérant à avoir accès au pentobarbital
solution correspond d’ailleurs à l’esprit de la Convention internationale sur les substances
sodique sans ordonnance médicale sous l’angle d’une obligation positive de l’Etat de prendre les
psychotropes et à celles adoptées dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe.
mesures nécessaires permettant un suicide digne. Partant, il conviendra d’opérer une mise en balance
des différents intérêts en jeu, dans le cadre de laquelle l’Etat jouit d’une certaine marge d’appréciation 59. Dans la présente affaire, les opinions des parties divergent considérablement sur la question
(Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, § 49, série A no 290), qui varie selon la nature des questions et d’un accès effectif à une expertise médicale favorable au requérant, qui aurait permis l’accès au
l’importance des intérêts en jeu (Pretty, précité, § 70). pentobarbital sodique. La Cour n’exclut pas que les psychiatres puissent se montrer réticents
lorsqu’ils sont confrontés à une demande de prescription d’une substance mortelle. A cet égard, elle
54. La Cour rappelle en outre qu’il convient de lire la Convention comme un tout (Verein gegen
considère également, au vu de la question délicate du discernement de l’intéressé, que la menace de
Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, § 83, CEDH 2009-....). Dès lors, il
poursuites pénales qui pèse sur les médecins prêts à fournir une expertise approfondie afin de
convient de se référer, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle violation de l’article 8, à l’article 2
faciliter un suicide est réelle.
de la Convention, qui impose aux autorités le devoir de protéger des personnes vulnérables, même
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60. En même temps, la Cour admet les arguments du Gouvernement, selon lesquels les démarches présentées par l’un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19 ou à la demande de
poursuivies par le requérant pour prendre contact avec un médecin soulèvent certaines la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches. Les détenteurs des directives
interrogations. Selon la Cour, ces arguments n’ont pas été véritablement remis en question par le anticipées du patient, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l’un des proches sont
requérant. La Cour observe en outre que celui-ci a envoyé les 170 lettres après que le Tribunal fédéral informés, dès qu’elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. » ;
eut statué sur son recours. Dès lors, ces démarches ne peuvent a priori pas être prises en compte
« La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient,
dans la présente affaire. En tout état de cause, comme l’allègue le Gouvernement, ces lettres ne
semblent pas de nature à encourager les médecins à répondre favorablement, dans la mesure où le après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un médecin,
appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin
requérant y précisait qu’il rejetait toute thérapie, excluant ainsi l’étude plus approfondie d’éventuelles
en charge du patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est demandé par ces
alternatives au suicide. Au vu des informations qui lui ont été soumises, la Cour n’est pas convaincue
médecins si l’un d’eux l’estime utile.
que le requérant se trouvait dans l’impossibilité de trouver un spécialiste prêt à l’assister. Partant, la
Cour n’estime pas que le droit du requérant de choisir le moment et la manière de mourir n’existait « La décision de limitation ou d’arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait
que de manière théorique et illusoire (critère élaboré dans l’affaire Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s’il en a rédigé, l’avis de la
série A no 37). personne de confiance qu’il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses
proches.
61. Compte tenu de ce qui précède, et eu égard à la marge d’appréciation dont disposent dans ce
domaine les autorités internes, la Cour estime que, même à supposer que les Etats aient une « Lorsque la décision de limitation ou d’arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur
obligation positive d’adopter les mesures permettant de faciliter un suicide dans la dignité, les protégé, le médecin recueille en outre, selon les cas, l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du
autorités suisses n’ont pas violé cette obligation dans le cas d’espèce. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu tuteur, hormis les situations où l’urgence rend impossible cette consultation.« La décision de
violation de l’article 8 de la Convention. limitation ou d’arrêt de traitement est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des
concertations qui ont eu lieu au sein de l’équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont
inscrits dans le dossier du patient. »« La personne de confiance, si elle a été désignée, la famille ou, à
Document 3 : Cour EDH, 27 juin 2017, Charlie Gard et a. Contre Royaume-Uni, défaut, l’un des proches du patient sont informés de la nature et des motifs de la décision de
req. n° 39793/17 : à consulter. limitation ou d’arrêt de traitement. »
La décision n’existe qu’en anglais : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-175359 « III. - Lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l’article L. 1110-
Pour un résumé juridique en français : https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22itemid%22:[%22002- 5 et des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, dans les conditions prévues aux I et II du présent article,
11691%22]} le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral,
met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la
personne selon les principes et dans les conditions énoncées à l’article R. 4127-38. Il veille également
II. L’encadrement juridique de la fin de vie en droit français à ce que l’entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. »

Document 5 : Code de la santé publique (Modifié par les lois du 26 janvier et 2


Document 4 : Code de déontologie médicale, Article 37 du Code de déontologie février 2016). Articles L 1110-5, L 1110-5-1, L 1110-5-2, L 1110-5-3, L 1111-4, L 1111-5, L
médicale. 1111-6, L 1111-11, L 1111-12. A consulter de manière obligatoire sur légifrance
I. - En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des
moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination
déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou
poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre objet ou Document 6 : CE, 8 mars 2017, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille.
effet que le maintien artificiel de la vie. 1. L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille forme un appel contre l’ordonnance du 8 février
II. - « Dans les cas prévus au cinquième alinéa de l’article L. 1111-4 et au premier alinéa de l’article 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant collégialement
L. 1111-13, la décision de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés ne peut être prise sans qu’ait conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice
été préalablement mise en œuvre une procédure collégiale. Le médecin peut engager la procédure administrative, a, d’une part, suspendu la décision du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux
collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient thérapeutiques actives, emportant sevrage de la ventilation de l’enfant M. D...et, d’autre part, enjoint

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à l’équipe médicale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, sans préjuger en rien de 22. En premier lieu, il résulte du rapport des médecins experts mandatés par le juge des référés du
l’évolution de l’état clinique de M.D..., de maintenir les soins appropriés la concernant, emportant tribunal administratif de Marseille qui ont réalisé un examen de l’enfant le 1er décembre 2016, ainsi
poursuite des thérapeutiques actives. que des évaluations médicales conduites au sein de l’Hôpital de La Timone le 17 février 2017 et le 2
mars 2017 et produites devant le juge des référés du Conseil d’Etat, que M. D...souffre de lésions
16. Il résulte de l’instruction que l’enfant M.D..., née le 10 novembre 2015 à Nice, a été admise au
cérébrales définitives entraînant une paralysie motrice, la dépendance à la ventilation mécanique et
centre hospitalo-universitaire Lenval à Nice le 23 septembre 2016 en raison d’une forte fièvre, puis
à l’alimentation artificielle. Son niveau de communication et de coopération est très limité compte
admise le 25 septembre 2016 en réanimation pédiatrique en raison d’un choc cardiogénique. Elle a tenu de ce handicap fonctionnel. Néanmoins, son état de conscience n’est pas, en l’état de
bénéficié d’une assistance circulatoire, a été placée en coma artificiel et a été transférée dans le service
l’instruction, déterminé de manière certaine : si elle présente à tout le moins un état de conscience
de réanimation pédiatrique de l’Hôpital de La Timone à Marseille.
minimal en réagissant à la stimulation cutanée et à la voix, ce contact est évalué par les médecins
17. A la suite de sa réanimation et de plusieurs examens réalisés notamment à l’aide de scanner et comme fluctuant, et son niveau de conscience, évalué à 9 sur 20 sur l’échelle de Bicêtre par l’examen
d’IRM au cours du mois d’octobre 2016, le diagnostic a été établi : l’enfant a été victime d’une neurologique réalisé le 2 mars 2017, est regardé comme sévèrement altéré. De même, les
rhombencéphalomyélite à entérovirus qui a entraîné des lésions neurologiques définitives au niveau mouvements constatés des paupières et des membres sont qualifiés soit de réflexes soit de
de la protubérance, du bulbe et de la moelle cervicale haute, entraînant un polyhandicap majeur, avec volontaires, ceux-ci étant par nature difficiles à distinguer. Ainsi, a été évoqué notamment au cours
paralysie motrice des membres, de la face et sa dépendance à une ventilation mécanique et une de l’audience la possibilité que l’état de l’enfant caractérise, compte tenu de la nature des lésions
alimentation par voie entérale. cérébrales constatées, un état végétatif chronique, un état de conscience pauci-relationnel, voire
même un syndrome « locked-in » qui témoignerait alors d’un niveau de conscience élevé malgré la
18. Dans ces circonstances, le médecin en charge au sein du service d’anesthésie-réanimation paralysie musculaire et les sévères difficultés de communication et d’apprentissage en résultant,
pédiatrique de l’Hôpital de La Timone a engagé la procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 s’agissant d’un très jeune enfant. Enfin, si elle témoigne de situations d’inconfort et bénéficie à ce
du code de la santé publique. Une réunion collégiale s’est déroulée le 4 novembre 2016 à l’issue de titre de l’administration de morphine, un éventuel état de souffrance est également difficile à évaluer.
laquelle l’arrêt de la poursuite des thérapeutiques actives a été décidé à l’unanimité, au motif du Dans ces circonstances, malgré le pronostic extrêmement péjoratif établi par les experts médicaux,
caractère irréversible des lésions neurologiques constatées et d’un état de conscience difficile à compte tenu des éléments d’amélioration constatés de l’état de conscience de l’enfant et de
évaluer mais probablement fortement altéré. M. B...D...et Mme A...C..., épouse D..., parents de M. l’incertitude à la date de la présente ordonnance sur l’évolution future de cet état, l’arrêt des
D...ont alors été informés des conclusions de cette réunion et de ses motifs et ont exprimé, le 4 et traitements ne peut être regardé comme pris au terme d’un délai suffisamment long pour évaluer de
le 9 novembre 2016, leur opposition à l’arrêt des thérapeutiques actives. Ils ont saisi le même jour le manière certaine les conséquences de ses lésions neurologiques.
juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code
de justice administrative. 23. En second lieu, à défaut de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de la personne
s’agissant d’un enfant de moins d’un an à la date de la décision, l’avis de ses parents, qui s’opposent
19. Par une première ordonnance avant-dire-droit du 16 novembre 2016, le juge des référés du tous les deux à l’arrêt des traitements, revêt une importance particulière. Dans ces conditions, la
tribunal administratif de Marseille a suspendu à titre conservatoire l’exécution de la décision du 4 circonstance que l’enfant M. D...soit dans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant
novembre 2016 de mettre un terme aux thérapeutiques actives, enjoint à l’équipe médicale de tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales ne rend pas les traitements qui lui sont
reprendre les soins appropriés et ordonné une expertise médicale aux fins de se prononcer sur l’état prodigués inutiles, disproportionnés ou n’ayant pour d’autre effet que le maintien artificiel de la vie
actuel de l’enfant et de donner au juge des référés toutes les indications utiles en l’état de la science et la poursuite de ces traitements ne peut caractériser une obstination déraisonnable. Dès lors, les
sur ses perspectives d’évolution. A la suite de la remise de cette expertise le 23 décembre 2016, par conditions d’application des dispositions de l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ne sont
une seconde ordonnance du 8 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille pas, à ce jour, réunies.
a estimé que les conditions prévues par la loi pour que puisse être prise par un médecin une décision
d’arrêt de traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne pouvaient être 24. Par suite, à supposer qu’un enfant en bas âge puisse être considéré, comme « hors d’état d’exprimer
regardées, dans les circonstances de l’espèce, comme réunies et pour ce motif, a suspendu la décision sa volonté » et partant susceptible de faire l’objet de la procédure collégiale prévue par les dispositions
du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux thérapeutiques actives et enjoint à l’équipe médicale, des articles L. 1110-5-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique et d’une décision du médecin prise
sans préjuger en rien de l’évolution de l’état clinique de M.D..., de maintenir les soins appropriés la sur le seul avis de ses parents, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’illégalité des
concernant. dispositions de l’article R. 4127-37-2 au regard de l’article 371-1 du code civil faute de prévoir le
consentement des parents à un tel acte, ni sur l’exception d’inconventionnalité des dispositions
21. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 15, pour apprécier si les conditions d’un arrêt des législatives applicables au regard des stipulations des articles 8 et 13 de la convention européenne de
traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, soulevées en défense par M. et
cérébrales graves, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d’éléments médicaux et non Mme D..., il résulte de ce qui précède que l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille n’est pas
médicaux. fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal
6
administratif de Marseille a suspendu la décision du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent
thérapeutiques actives et enjoint à l’équipe médicale, sans préjuger en rien de l’évolution de l’état la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des
clinique de M.D..., de maintenir les soins appropriés la concernant. connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de
soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques
disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. (...) ». Aux termes de l’article L. 1110-5-1 du
Document 7 : CE, ord. 5 janvier 2018, Mme. B et M. D., n° 416689, (extrait). même code : « Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou
1. Il résulte de l’instruction que la jeune A...D..., née le 11 janvier 2003, qui souffrait d’une myasthénie poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles,
auto-immune sévère, a été trouvée inanimée à son domicile, dans la matinée du 22 juin 2017 à la disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent
suite d’un arrêt cardio-respiratoire. Elle a été prise en charge en urgence et transférée au centre être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est
hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy, où la ventilation mécanique a été poursuivie et hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.
où il a été procédé à la pose d’une voie veineuse centrale, d’une sonde gastrique et d’une sonde (…) ». Aux termes de l’article L. 1110-5-2 du même code : « (…) Lorsque le patient ne peut pas
urinaire ainsi qu’à une sédation analgésique. Après avoir réalisé des électroencéphalogrammes, les exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-
23 juin, 25 juin, 28 juin et 3 juillet 2017 ainsi qu’une imagerie par résonance magnétique (IRM) le 28 5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation
juin 2017, l’équipe médicale a constaté une évolution neurologique très défavorable avec absence de profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée
réveil, myoclonies sous corticales, absence de réactivité et d’organisation des tracés à une analgésie. / La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article
électroencéphalographiques et lésions ischémiques diffuses sur l’IRM, impliquant le tronc cérébral est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe
et le noyau gris. Dans ces conditions, le médecin responsable du service d’anesthésie-réanimation soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents
pédiatrique du CHRU de Nancy, après avoir recherché vainement un consensus avec les parents sur sont remplies. (…) ». Aux termes de l’article L. 1111-4 du même code : « (…) Lorsque la personne
l’arrêt des soins, a décidé d’engager la procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 du code de est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son
la santé publique. Une réunion collégiale s’est tenue le 21 juillet 2017, en présence notamment d’un décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-
consultant extérieur, professeur honoraire de pédiatrie, à l’issue de laquelle a été décidé l’arrêt de la 5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L.
ventilation mécanique et l’extubation d’A..., en raison du caractère sévère des lésions neurologiques 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. (…) / Le consentement du mineur
constatées, de possibilités d’amélioration ou de guérison quasi-nulles selon les données actuelles de ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et
la science et d’un état pauci-relationnel avec persistance d’un coma aréflexique et disparition des à participer à la décision (…) ». Le III de l’article R. 4127-37-2 du code de la santé publique précise
réflexes du tronc cérébral. Afin de préserver le droit au recours effectif, il a toutefois été prévu que enfin que : « La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du
la décision ne serait pas appliquée dans l’hypothèse d’un recours des parents d’A.... La décision a été patient à l’issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d’une
notifiée aux parents de la jeune A...par un courrier du 3 août 2017. concertation avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et de l’avis motivé d’au
moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature
2. M. D...et Mme B...ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, sur le fondement hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième
de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le 11 septembre 2017, afin que soit ordonnée consultant est recueilli par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile. / Lorsque la décision de limitation
la suspension de l’exécution de la décision du 21 juillet 2017. Le juge des référés du tribunal ou d’arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre
administratif de Nancy, statuant dans les conditions prévues à l’article L. 511-2 du code de justice l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, selon les cas, hormis les situations où l’urgence
administrative, a, par une première ordonnance en date du 14 septembre 2017, ordonné une rend impossible cette consultation. (…) ».
expertise, qu’il a confiée à un collège de trois experts, et suspendu, dans l’attente de leur rapport,
l’exécution de la décision en cause puis, après la remise du rapport des experts, par une seconde 8. Il résulte des dispositions législatives citées au point 7, ainsi que de l’interprétation que le Conseil
ordonnance rendue le 7 décembre 2017, a rejeté la demande de M. D...et MmeB.... Ces derniers font constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu’il appartient au
appel de cette ordonnance. médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en
œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles,
7. Le cadre juridique applicable au litige est défini par les dispositions législatives du code de la santé disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Dans pareille hypothèse,
publique, modifiées en dernier lieu par la loi du 2 février 2016. Aux termes de l’article L. 1110-1 du le médecin ne peut prendre une telle décision qu’à l’issue d’une procédure collégiale, destinée à
code la santé publique : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par l’éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d’un arrêt du traitement, et, sauf dans les
tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. ». L’article L. 1110-2 de ce code dispose cas mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans le
que : « La personne malade a droit au respect de sa dignité ». Aux termes de l’article L. 1110-5 du respect des directives anticipées du patient, ou, à défaut de telles directives, après consultation de la
même code : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches.
que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les
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9. Quand le patient hors d’état d’exprimer sa volonté est un mineur, il incombe au médecin, non capables de déclencher le respirateur ont été observés, de même que l’occurrence d’ouverture
seulement de rechercher, en consultant sa famille et ses proches et en tenant compte de l’âge du spontanée des yeux, il est relevé que ces mouvements sont de plus en plus rares et sont qualifiés de
patient, si sa volonté a pu trouver à s’exprimer antérieurement, mais également, ainsi que le rappelle réflexes. Les experts soulignent dans leur rapport que, plus de quatre mois après la survenue de
l’article R. 4127-42 du code de la santé publique, de s’efforcer, en y attachant une attention l’arrêt cardio-respiratoire, le pronostic neurologique est « catastrophique » et qu’A... se trouve dans
particulière, de parvenir à un accord sur la décision à prendre avec ses parents ou son représentant un état végétatif persistant, incapable de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son
légal, titulaires, en vertu de l’article 371-1 du code civil, de l’autorité parentale. Dans l’hypothèse où entourage, le caractère irréversible des lésions neurologiques étant certain dans l’état actuel de la
le médecin n’est pas parvenu à un tel accord, il lui appartient, s’il estime que la poursuite du science. Ils concluent expressément au caractère déraisonnable du maintien de l’assistance
traitement traduirait une obstination déraisonnable, après avoir mis en œuvre la procédure collégiale, respiratoire par voie mécanique et du maintien de la nutrition artificielle par une sonde chez cette
de prendre la décision de limitation ou d’arrêt de traitement. Ces règles ne sont pas incompatibles enfant, en état végétatif persistant.
avec les stipulations de l’article 6 § 2 de la convention européenne pour la protection des droits de
13. En second lieu, si, compte tenu de son âge, il était envisageable de s’interroger sur les souhaits
l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine,
d’A..., les informations contradictoires relevées dans le dossier sur les avis émis par la jeune fille ne
signée à Oviedo le 4 avril 1997, qui prévoient que, lorsqu’un mineur n’a pas la capacité de consentir
permettent pas de déterminer quelle aurait été sa volonté. L’avis des parents de la jeune patiente,
à une intervention, « celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant, d’une
titulaires de l’autorité parentale en vertu de l’article 371-1 du code civil, revêt dès lors une importance
autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi ». Les prescriptions réglementaires du
particulière. Il résulte de l’instruction ainsi que des échanges au cours de l’audience publique, que les
code de la santé publique ne méconnaissent pas davantage les dispositions de l’article 371-1 du code
parents de la jeuneA..., M. D...et Mme B..., s’opposent à l’arrêt des traitements, de manière ferme et
civil relatives à l’autorité parentale.
constante. Au-delà du caractère prématuré qu’a pu revêtir, à leurs yeux, la décision du 21 juillet 2017,
10. La décision du médecin de limitation ou d’arrêt des traitements d’un patient mineur hors d’état qui est intervenue moins d’un mois après l’hospitalisation de leur fille, leur refus de tout arrêt des
d’exprimer sa volonté doit être notifiée à ses parents ou à son représentant légal afin notamment de traitements repose notamment sur des motifs religieux ainsi que sur le projet de Mme B...d’une
leur permettre d’exercer un recours en temps utile, ce qui implique en particulier que le médecin ne hospitalisation à son domicile dans l’espoir d’une amélioration de l’état d’A.... Le médecin en charge
peut mettre en œuvre cette décision avant que les parents ou le représentant légal du jeune patient, de la jeune patiente a fait valoir, lors de l’audience publique, qu’un tel projet ne lui apparaissait pas
qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un recours, n’aient pu le faire et obtenir une réaliste compte tenu de la gravité de l’état de la patiente, de son caractère irréversible et de la lourdeur
décision de sa part. des soins qu’il impliquerait de délivrer en permanence. Par ailleurs, s’il a été indiqué lors de l’audience
publique que les parents ne s’opposaient plus, désormais, à ce que soit réalisées sur leur fille une
11. Pour apprécier si les conditions d’un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales
trachéotomie et une gastrostomie, opérations que l’équipe médicale souhaitait pratiquer depuis
sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu’en soit l’origine,
plusieurs mois afin de rendre le dispositif de traitement moins lourd et de limiter les risques
qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d’état
d’infection qu’il génère, ces opérations, prévues au cours de la première semaine de janvier, resteront,
d’exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend d’un mode artificiel d’alimentation et
selon le médecin compétent, sans incidence sur l’état cérébral de la jeune A....
d’hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d’éléments, médicaux et non
médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières 14. Dans ces conditions, au vu de l’état irréversible de perte d’autonomie de la jeune A...qui la rend
à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Les éléments tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales et en l’absence de contestation sérieuse
médicaux doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter tant de l’analyse médicale des services du CHRU de Nancy que des conclusions du rapport du collège
notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident d’experts mandaté par le tribunal administratif, il résulte de l’instruction, nonobstant l’opposition
ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique. Une attention particulière doit être des parents qui ont toujours été associés à la prise de décision, qu’en l’état de la science médicale, la
accordée à la volonté que le patient peut avoir exprimée, par des directives anticipées ou sous une poursuite des traitements est susceptible de caractériser une obstination déraisonnable, au sens des
autre forme. Dans le cas d’un patient mineur, il incombe en outre au médecin de rechercher l’accord dispositions de l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique. Il s’ensuit que la décision du 21
des parents ou du représentant légal de celui-ci, d’agir dans le souci de la plus grande bienfaisance à juillet 2017 d’interrompre la ventilation mécanique et de procéder à l’extubation de la jeune
l’égard de l’enfant et de faire de son intérêt supérieur une considération primordiale. A...D...répond aux exigences fixées par la loi et ne porte donc pas une atteinte grave et
manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale.
12. En l’espèce, il résulte, en premier lieu de l’instruction et, en particulier, du rapport des trois
médecins experts commis par le tribunal administratif, qui ont réalisé un examen de l’enfant le 31 15. Il appartiendra au médecin compétent d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances
octobre 2017, que la jeune A...est placée en permanence en état de décubitus dorsal, intubée, ventilée de l’espèce, si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement doit être exécutée. En tout état de
artificiellement et porteuse d’une sonde naso-gastrique et d’une sonde oro-pharyngée en aspiration cause, sa mise en œuvre impose à l’hôpital de sauvegarder la dignité de la patiente et de lui dispenser
continue afin d’aspirer les abondantes sécrétions salivaires, étant dans l’incapacité de déglutir de les soins palliatifs nécessaires.
manière autonome. Elle ne présente aucune mobilité, spontanée, volontaire ou en réponse à la
douleur, et aucun réflexe cornéen n’est visible. Si quelques mouvements respiratoires ponctuels
8
Document 8 : CEDH, déc., 23 janvier 2018, Afiri et Biddarri c. France, n° 1828/18 27. Saisie de la question de l’administration ou du retrait de traitements médicaux, la Cour doit
prendre en compte les éléments suivants : - l’existence dans le droit et la pratique internes d’un cadre
3. Les requérants, divorcés, sont les parents d’Inès, âgée de 14 ans et souffrant d’une myasthénie législatif conforme aux exigences de l’article 2 ; - la prise en compte des souhaits précédemment
auto-immune sévère (maladie neuromusculaire). Le 22 juin 2017, Inès fut retrouvée inanimée après exprimés par le patient et par ses proches, ainsi que l’avis d’autres membres du personnel médical ;
un arrêt cardio-respiratoire. Prise en charge par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) - la possibilité d’un recours juridictionnel en cas de doute sur la meilleure décision à prendre dans
de Nancy, elle fut placée en service de réanimation sous ventilation mécanique et il fut procédé à l’intérêt du patient (Lambert et autres, précité, § 143).
une sédation analgésique. Le jour même, les requérants furent informés par un médecin de la gravité 28. La Cour a constaté, dans ces affaires, qu’il n’existe pas de consensus entre les États membres
de la situation clinique de leur fille. Le 28 juin 2017, les sédations furent arrêtées. Quatre du Conseil de l’Europe pour permettre l’arrêt d’un traitement maintenant artificiellement la vie,
électroencéphalogrammes et une imagerie par résonance magnétique (IRM) furent réalisés entre le même si une majorité d’États semblent l’autoriser. Bien que les modalités qui encadrent l’arrêt du
23 juin et le 3 juillet. L’équipe médicale constata une évolution neurologique très défavorable avec traitement soient variables d’un État à l’autre, il existe toutefois un consensus sur le rôle primordial
de nombreuses et graves lésions cérébrales. Les requérants furent de nouveau informés de la gravité de la volonté du patient dans la prise de décision, quel qu’en soit le mode d’expression (Lambert et
de la situation et de la tenue prochaine d’une réunion éthique visant à discuter de la poursuite des autres, précité, § 147, Gard, précité, § 83).
traitements. 29. En conséquence, la Cour rappelle que, dans ce domaine qui touche à la fin de la vie, comme
4. Le 7 juillet 2017, une réunion de concertation pluridisciplinaire eut lieu en présence de toute dans celui qui touche au début de la vie, il y a lieu d’accorder une marge d’appréciation aux États,
l’équipe médicale, paramédicale et administrative. L’ensemble des personnes présentes se prononça non seulement quant à la possibilité de permettre ou pas l’arrêt d’un traitement maintenant
en faveur d’un arrêt de la ventilation mécanique, sa poursuite étant considérée comme une artificiellement la vie et à ses modalités de mise en œuvre, mais aussi quant à la façon de ménager un
obstination déraisonnable, et de la mise en place de traitements de confort. Immédiatement après la équilibre entre la protection du droit à la vie du patient et celle du droit au respect de sa vie privée
réunion, les requérants furent informés de cette proposition. Le médecin proposa aux requérants de et de son autonomie personnelle. Cette marge d’appréciation n’est toutefois pas illimitée, la Cour se
réfléchir le temps d’un week-end avant de rediscuter de la situation. Le 10 juillet 2017, le Dr B., chef réservant de contrôler le respect par l’État de ses obligations découlant de l’article 2 (Lambert et
du service de réanimation pédiatrique, rencontra les requérants. Ceux-ci ayant demandé à réfléchir, autres, précité, § 148, Gard, précité, § 84).
le médecin les informa que leur décision serait respectée et qu’Inès bénéficierait, quoi qu’il en soit,
de soins de confort et du respect de sa dignité. Les requérants furent informés de l’engagement de 2. Application des principes au cas d’espèce
la procédure collégiale prévue par l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique lorsque le patient a) Le cadre législatif
dont l’arrêt des traitements est envisagé est hors d’état de manifester sa volonté (paragraphe 16 ci- 30. Les requérants considèrent que le droit interne n’encadre pas suffisamment les situations dans
dessous). (…) lesquelles les parents s’opposent à une décision d’arrêt des traitements concernant leur enfant
mineur.
21. Invoquant les articles 2 et 8 de la Convention, les requérants se plaignent du fait que la décision 31. La Cour rappelle avoir considéré que le cadre législatif en vigueur avant la loi du no 2016-87 du
d’arrêt des traitements de leur fille mineure soit in fine prise par le médecin alors qu’ils s’y opposent. 2 février 2016 était suffisamment clair, aux fins de l’article 2 de la Convention, pour encadrer de
Ils estiment qu’ils devraient avoir un pouvoir de codécision dans la procédure collégiale, en tant que façon précise la décision du médecin d’arrêter des traitements lorsqu’ils résultent d’une obstination
parents et titulaires de l’autorité parentale. Ils font valoir que le droit interne n’encadre pas déraisonnable (Lambert et autres, précité, § 160). Or, la Cour constate que la nouvelle loi n’a pas
suffisamment ces situations conflictuelles. 22. Invoquant l’article 13 de la Convention, ils considèrent substantiellement modifié le cadre législatif prévu par le code de la santé publique. La Cour relève à
que le droit interne n’institue aucun recours effectif pour des parents qui s’opposent à la décision cet égard que les requérants ne critiquent pas les modifications apportées par la nouvelle loi.
d’arrêt des traitements de leur enfant mineur. Ils se plaignent notamment de l’absence de caractère 32. S’agissant de la situation particulière d’un patient mineur, l’article R. 4127-42 du code de la santé
suspensif automatique du recours devant les juridictions administratives. publique prévoit que lorsqu’un médecin est appelé à donner des soins à un mineur, il doit non
seulement consulter les parents mais aussi s’efforcer d’obtenir leur consentement (paragraphe 16
25. Les griefs des requérants concernent l’arrêt de traitements qui maintiennent artificiellement la ci‑dessus). Dans la présente affaire, le Conseil d’État a précisé que dans le cas d’un patient mineur,
vie. En ce sens, ils entrent dans le champ d’application de l’article 2 (Lambert et autres, précité, et il incombait au médecin « de rechercher l’accord des parents [...], d’agir dans le souci de la plus grande
Gard, précité). La Cour examinera donc l’ensemble des questions de fond soulevées par la présente bienfaisance à l’égard de l’enfant et de faire de son intérêt supérieur une considération primordiale »
affaire sous l’angle de l’article 2 de la Convention. (paragraphe 14 ci-dessus).
33. En conséquence, la Cour arrive à la conclusion que la façon dont le droit interne, tel qu’interprété
1. Principes applicables par le Conseil d’État, encadre les situations dans lesquelles les parents s’opposent à une décision
26. La Cour a examiné, dans les affaires Lambert et Gard précitées, la question de l’arrêt des d’arrêt des traitements concernant leur enfant mineur est conforme aux exigences de l’article 2 de la
traitements qui maintiennent artificiellement en vie sous l’angle des obligations positives de l’État Convention.
(Lambert et autres, précité, § 124, Gard, précité, § 79). b) Le cadre décisionnel

9
34. Les requérants contestent le processus décisionnel en ce qu’il ne prévoit qu’une consultation 40. La Cour estime donc que, même si les requérants sont en désaccord avec son aboutissement, le
des parents du patient mineur et ne leur octroie pas un pouvoir de codécision. processus décisionnel mis en œuvre a respecté les exigences découlant de l’article 2 de la Convention
35. La Cour rappelle tout d’abord que ni l’article 2, ni sa jurisprudence ne peuvent se lire comme c) Les recours juridictionnels
imposant des obligations quant à la procédure à suivre pour arriver à un éventuel accord en matière 41. Les requérants se plaignent de l’absence de recours effectif en droit interne contre la décision
d’arrêt des traitements (Lambert et autres, précité, § 162). d’arrêt des traitements de leur enfant mineur.
36. La Cour rappelle également que, si la procédure en droit français est appelée « collégiale » et 42. Dans sa décision no 2017-632 QPC du 2 juin 2017 (paragraphe 19 ci‑dessus), le Conseil
qu’elle comporte plusieurs phases de consultation (de l’équipe soignante, d’au moins un autre constitutionnel a estimé, d’une part, qu’une décision d’arrêt ou de limitation de traitements de
médecin, de la personne de confiance, de la famille ou des proches), c’est au seul médecin en charge maintien en vie conduisant au décès d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté devait être
du patient que revient la décision (Lambert et autres, précité, § 163). La volonté du patient doit être notifiée aux personnes consultées par le médecin en vue de connaitre la volonté du patient, dans des
prise en compte et, lorsque la décision concerne un mineur, le médecin doit recueillir l’avis des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile et, d’autre part, qu’une telle décision
titulaires de l’autorité parentale et tenter de parvenir à un accord avec eux. La décision elle-même devait pouvoir faire l’objet d’un recours aux fins d’obtenir sa suspension, examiné dans les meilleurs
doit être motivée et elle est versée au dossier du patient. délais par la juridiction compétente.
37. En l’espèce, la procédure collégiale a été menée conformément au cadre législatif. Après une 43. La Cour relève que cette décision a été respectée en l’espèce, la décision d’arrêt des traitements
première réunion de concertation pluridisciplinaire, le médecin en charge d’Inès a organisé la du 21 juillet 2017 y faisant explicitement référence et indiquant que l’arrêt des traitements ne serait
procédure collégiale (paragraphe 4 ci-dessus). Un consultant extérieur, professeur honoraire de pas mis en œuvre dans l’hypothèse d’un recours (paragraphe 5 ci-dessus).
pédiatrie très impliqué dans les problèmes d’éthique et de handicap, sans aucun lien de hiérarchie 44. Les requérants ont saisi le TA d’une requête en référé liberté sur le fondement de l’article L.
avec le médecin en charge de la patiente, y a participé. Les avis de tous les membres de l’équipe 521-2 du code de justice administrative. Lorsqu’il est saisi sur ce fondement, le juge administratif des
soignante ont été recueillis (paragraphe 5 ci-dessus). Les requérants, en tant que titulaires de l’autorité référés statue en principe seul et dans l’urgence. Il peut prendre des mesures provisoires sur un
parentale, ont été consultés au cours d’au moins six entretiens formels entre le 7 et le 21 juillet 2017. critère d’évidence (l’illégalité manifeste) et notamment suspendre la décision attaquée. Tel que son
Le Conseil d’État a également recherché si la volonté d’Inès avait été prise en compte mais a office a été défini par le Conseil d’État dans l’affaire Lambert et autres, le juge des référés se trouve
considéré qu’en présence d’informations contradictoires, elle ne pouvait être déterminée avec investi, non seulement du pouvoir de suspendre la décision du médecin, mais encore de procéder à
certitude. Le Conseil d’État a alors relevé que, dans ces circonstances, l’avis des parents, en tant que un contrôle de légalité complet de cette décision (et non pas sur le seul critère de son illégalité
titulaires de l’autorité parentale, devait revêtir une importance particulière. Il a considéré à cet égard manifeste), si nécessaire en formation collégiale, et au besoin après avoir ordonné une expertise
que les requérants, malgré leur opposition à la décision, avaient « toujours été associés à la prise de médicale et demandé des avis au titre d’amicus curiae. Le Conseil d’État a également précisé qu’eu
décision » (paragraphe 14 ci-dessus). égard à l’office particulier qui était le sien dans un tel cas, le juge devait – outre les moyens tirés de
38. En l’absence de consensus entre les États membres quant à la façon dont est prise la décision la non-conformité de la décision à la loi – examiner les moyens tirés de l’incompatibilité des
finale d’arrêt des traitements, la Cour a considéré que l’organisation du processus décisionnel, y dispositions législatives dont il était fait application avec la Convention (Lambert et autres, précité,
compris la désignation de la personne qui prend la décision finale d’arrêt des traitements et les §§ 171-172).
modalités de la prise de décision, s’inscrivaient dans la marge d’appréciation de l’État (Lambert et 45. En l’espèce, le juge des référés a non seulement examiné l’éventuelle nécessité de suspendre la
autres, précité, § 168). décision du médecin mais a aussi procédé à un contrôle de légalité complet de cette décision après
39. En l’espèce, les médecins et l’équipe soignante se sont efforcés de parvenir à un accord avec les avoir ordonné une expertise médicale. Les experts désignés ont procédé à un examen approfondi de
requérants au cours de nombreux entretiens. La Cour constate que la volonté des parents de ne pas la situation (paragraphes 9-12 ci-dessus). Tant devant le TA que devant le Conseil d’État, les
mettre fin aux traitements de leur fille a été, faute d’accord, effectivement respectée par les médecins. décisions, particulièrement motivées, ont été exceptionnellement prises en formation collégiale.
En effet, avant même la procédure collégiale, le médecin en charge d’Inès leur a précisé que leur 46. En conclusion, la Cour est d’avis que, considéré dans son ensemble, le droit français a permis
décision serait respectée (paragraphe 4 ci-dessus). La décision prise à l’issue de la procédure collégiale un recours juridictionnel conforme aux exigences de l’article 2.
mentionne que, dans le cas d’une opposition des parents à l’arrêt des traitements, il sera recherché, d) Conclusion
avec l’équipe médicale, un projet de vie décent et adapté (paragraphe 5 ci-dessus). Lors d’un entretien 47. Au regard de ce qui précède, la Cour arrive à la conclusion qu’en l’espèce, les autorités internes
postérieur à la décision d’arrêt des traitements, le Dr B. a encore indiqué aux requérants qu’une telle se sont conformées à leurs obligations positives découlant de l’article 2 de la Convention, compte
décision ne serait jamais appliquée sans leur accord (paragraphe 8 ci‑dessus). Dans le même sens, le tenu de la marge d’appréciation dont elles disposaient en l’espèce. Il s’ensuit que les griefs des
rapport d’expertise précise que dans de tels cas de situation conflictuelle, les médecins ne procèdent requérants sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3
pas à un arrêt des traitements contre l’avis des parents (paragraphe 12 ci-dessus). Enfin, le Conseil a) et 4 de la Convention.
d’État a précisé qu’il appartenait désormais au médecin de déterminer si et dans quelles conditions
la décision d’arrêt des traitements devait être appliquée (paragraphe 14 ci-dessus). Document 9 : C. Cass., 31 décembre 2017, M. Mercier, 16-87054.
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
10
Statuant sur le pourvoi formé par : Document 10 : CE, Ass., 24 juin 2014, « affaire Vincent Lambert », n° 375081.
Le procureur général près la cour d’appel de Lyon, contre l’arrêt de ladite cour d’appel, 4e chambre, 1. Considérant que Mme F…I…, M. L… I…et le centre hospitalier universitaire de Reims ont relevé
en date du 10 novembre 2016, qui a renvoyé M. Jean X... des fins de la poursuite du chef de non- appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne,
assistance à personne en péril ; (…) statuant en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 10 novembre 2011, M. Jean l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 du médecin, chef du pôle Autonomie et santé du centre
X..., né le 8 mars 1928, a déclaré au médecin venu constater le décès de son épouse Josanne X... qu’il hospitalier universitaire de Reims, de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M.
l’avait aidée à mettre fin à ses jours en lui préparant les médicaments et le verre d’eau qu’elle avait J… I…, hospitalisé dans ce service ;
absorbés à cette fin ; qu’une information a été ouverte des chefs de meurtre et de non-assistance à 2. Considérant que, par une décision du 14 février 2014, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux,
personne en danger et que M. X... a été mis en examen de ces chefs ; que le juge d’instruction a après avoir joint les trois requêtes et admis l’intervention de l’Union nationale des associations de
rendu une ordonnance de non-lieu concernant le meurtre et de renvoi de M. X... devant le tribunal familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, a, avant de se prononcer sur les requêtes, d’une
correctionnel pour y répondre du délit de non-assistance à personne en danger ; que le tribunal part, ordonné qu’il soit procédé, par un collège de trois médecins, disposant de compétences
correctionnel a déclaré M. X... coupable de ce délit et l’a condamné à un an d’emprisonnement avec reconnues en neurosciences, désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat
sursis ; que M. X... et le ministère public ont relevé appel de ce jugement ; sur la proposition, respectivement, du président de l’Académie nationale de médecine, du président
En cet état ; du Comité consultatif national d’éthique et du président du Conseil national de l’Ordre des
médecins, à une expertise en vue de déterminer la situation médicale de M.I…, d’autre part, invité,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire et 591 du CPP ; en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’Académie nationale de
médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de l’Ordre des médecins
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 177 et 591 du CPP ;
ainsi que M. B… M…à lui présenter des observations écrites de caractère général de nature à
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 469 et 591 du CPP ; l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel
de la vie au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des
Les moyens étant réunis ; personnes qui sont dans un état pauci-relationnel ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... des fins de la poursuite du chef de non-assistance à personne en 3. Considérant que le collège des experts, désigné ainsi qu’il vient d’être dit, après avoir procédé aux
péril, l’arrêt énonce que la scène du 10 novembre 2011, devant s’analyser dans son ensemble, opérations d’expertise et adressé aux parties, le 5 mai 2014, un pré-rapport en vue de recueillir leurs
correspond à un acte positif de M. X... et non à une omission ou à une abstention coupable ; que les observations, a déposé devant le Conseil d’Etat le rapport d’expertise définitif le 26 mai 2014 ; qu’en
juges ajoutent que la seule qualification applicable est celle de meurtre, voire de complicité de réponse à l’invitation faite par la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, l’Académie
meurtre, mais que le non-lieu prononcé de ce chef, définitif en soi, empêche de nouvelles poursuites nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil national de l’Ordre des
;
médecins et M. B… M…ont, pour leur part, déposé des observations de caractère général en
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, nonobstant le motif erroné mais surabondant relatif à la application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative ;
complicité de meurtre, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que le Sur les dispositions applicables au litige :
juge d’instruction ayant été saisi du crime de meurtre et du délit de non-assistance à personne en
péril et ayant prononcé un non-lieu du chef de meurtre, son ordonnance de règlement avait autorité 10. Considérant qu’en adoptant les dispositions de la loi du 22 avril 2005, insérées au code de la
de la chose jugée, la personne mise en examen à l’égard de laquelle le juge d’instruction a dit n’y santé publique, le législateur a déterminé le cadre dans lequel peut être prise, par un médecin, une
avoir lieu à suivre ne pouvant plus être recherchée à l’occasion du même fait, à moins qu’il ne décision de limiter ou d’arrêter un traitement dans le cas où sa poursuite traduirait une obstination
survienne de nouvelles charges, en application de l’article 188 du code de procédure pénale ; déraisonnable ; qu’il résulte des dispositions précédemment citées, commentées et éclairées par les
observations présentées, en application de la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
14 février 2014, par l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; Conseil national de l’Ordre des médecins et M. B…M…, que toute personne doit recevoir les soins
les plus appropriés à son état de santé, sans que les actes de prévention, d’investigation et de soins
REJETTE le pourvoi ; qui sont pratiqués lui fassent courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté
Focus : l’affaire Lambert ; que ces actes ne doivent toutefois pas être poursuivis par une obstination déraisonnable et qu’ils
peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés
ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, que le patient soit ou non en fin de

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vie ; que, lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d’arrêter 15. Considérant, d’autre part, que le rôle confié au médecin par les dispositions en cause n’est, en
un traitement au motif que sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne peut, s’agissant tout état de cause, pas incompatible avec l’obligation d’impartialité qui résulte de l’article 6 de la
d’une mesure susceptible de mettre sa vie en danger, être prise par le médecin que dans le respect convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les
des conditions posées par la loi, qui résultent de l’ensemble des dispositions précédemment citées et stipulations de l’article 7 de la même convention, qui s’appliquent aux condamnations pénales, ne
notamment de celles qui organisent la procédure collégiale et prévoient des consultations de la peuvent être utilement invoquées dans le présent litige ;
personne de confiance, de la famille ou d’un proche ; que si le médecin décide de prendre une telle
décision en fonction de son appréciation de la situation, il lui appartient de sauvegarder en tout état Sur l’application des dispositions du code de la santé publique :
de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs ; 16. Considérant que si l’alimentation et l’hydratation artificielles sont au nombre des traitements
susceptibles d’être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule
Sur la compatibilité des dispositions des articles L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37 du code de la
circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de
santé publique avec les stipulations de la CEDH :
perte d’autonomie la rendant tributaire d’un tel mode d’alimentation et d’hydratation ne saurait
11. Considérant qu’il est soutenu que les dispositions des articles L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37 caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait
du code de la santé publique méconnaissent le droit à la vie tel que protégé par l’article 2 de la injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ;
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article
17. Considérant que, pour apprécier si les conditions d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation
8 de la même convention ainsi que le droit à un procès équitable et l’exigence de prévisibilité de la
artificielles sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu’en soit
loi résultant des articles 6 et 7 de la même convention ;
l’origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors
12. Considérant qu’eu égard à l’office particulier qui est celui du juge des référés lorsqu’il est saisi, d’état d’exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d’alimentation et
sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une décision prise par un d’hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d’éléments, médicaux et non
médecin en application du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières
entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité ; qu’outre les
l’exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie, il lui appartient, éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés
dans ce cadre, d’examiner un moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions législatives dont il a été collégialement et porter notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la
fait application avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de survenance de l’accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin
l’homme et des libertés fondamentales ; doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant,
antérieurement exprimée, quels qu’en soient la forme et le sens ; qu’à cet égard, dans l’hypothèse où
13. Considérant, d’une part, que les dispositions contestées du code de la santé publique ont défini
cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du
un cadre juridique réaffirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, le
patient d’être maintenu en vie dans les conditions présentes ; que le médecin doit également prendre
droit de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et le droit de ne pas subir un traitement
en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des
médical qui traduirait une obstination déraisonnable ; que ces dispositions ne permettent à un
membres de sa famille ou, à défaut, de l’un de ses proches, en s’efforçant de dégager une position
médecin de prendre, à l’égard d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, une décision de
consensuelle ; qu’il doit, dans l’examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé
limitation ou d’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger que sous la double et stricte
par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard ;
condition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soient
respectées les garanties tenant à la prise en compte des souhaits éventuellement exprimés par le Sur la conformité aux dispositions du code de la santé publique de la décision de mettre fin à
patient, à la consultation d’au moins un autre médecin et de l’équipe soignante et à la consultation l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. J… I… :
de la personne de confiance, de la famille ou d’un proche ; qu’une telle décision du médecin est
18. Considérant qu’il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit dans les motifs de la décision du 14
susceptible de faire l’objet d’un recours devant une juridiction pour s’assurer que les conditions
février 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, que M. J… I…, né en 1976, infirmier en
fixées par la loi ont été remplies ;
psychiatrie, a été victime, le 29 septembre 2008, d’un accident de la circulation qui lui a causé un
14. Considérant ainsi que, prises dans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditions dans grave traumatisme crânien ; qu’après cet accident, il a été hospitalisé pendant trois mois dans le
lesquelles elles doivent être mises en oeuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique service de réanimation du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne ; qu’il a été ensuite transféré
ne peuvent être regardées comme incompatibles avec les stipulations de l’article 2 de la convention dans le service de neurologie de ce centre, avant d’être accueilli pendant trois mois, du 17 mars au
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes 23 juin 2009, au centre de rééducation de Berck-sur-Mer dans le département des blessés crâniens ;
desquelles ” le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à qu’après ce séjour, il a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims, où, en raison de
quiconque intentionnellement (…) ” ainsi qu’avec celles de son article 8 garantissant le droit au son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est pris en charge pour tous les actes de la vie
respect de la vie privée et familiale ; quotidienne et est alimenté et hydraté de façon artificielle par voie entérale ;
12
19. Considérant que M. I… a été admis en juillet 2011 au Coma Science Group du centre hospitalier publique, le Dr. H…s’est fondé, d’une part, sur l’état de santé de M. I…, qu’il a caractérisé par la
universitaire de Liège pour un bilan diagnostique et thérapeutique ; qu’après avoir pratiqué des nature irréversible des lésions cérébrales dont il est atteint, l’absence de progrès depuis l’accident et
examens approfondis, ce centre a conclu que M. I… était dans un ” état de conscience minimale la consolidation du pronostic fonctionnel, d’autre part, sur la certitude que ” Vincent I…ne voulait
plus “, avec une perception de la douleur et des émotions préservées, notant que l’essai de contrôle pas avant son accident vivre dans de telles conditions ” ; qu’il a également fait état de ce que la
volontaire de la respiration mettait en évidence une réponse à la commande et recommandant procédure collégiale avait été engagée à partir des constatations faites au cours de l’année 2012 par
d’envisager la mise en place d’un code de communication avec le patient ; qu’après le retour de M. des membres du personnel soignant sur les manifestations comportementales de M. I… ;
I… au centre hospitalier universitaire de Reims, quatre-vingt-sept séances d’orthophonie ont été
23. Considérant qu’il revient au Conseil d’Etat de s’assurer, au vu de l’ensemble des circonstances
pratiquées pendant cinq mois, du 6 avril au 3 septembre 2012, pour tenter d’établir un code de
de l’affaire et de l’ensemble des éléments versés dans le cadre de l’instruction contradictoire menée
communication ; que ces séances ne sont pas parvenues à mettre en place un code de communication
devant lui, en particulier du rapport de l’expertise médicale qu’il a ordonnée, que la décision prise le
du fait de la non-reproductibilité des réponses ;
11 janvier 2014 par le Dr. H… a respecté les conditions mises par la loi pour que puisse être prise
20. Considérant que, au cours de l’année 2012, des membres du personnel soignant ont constaté des une décision mettant fin à un traitement dont la poursuite traduit une obstination déraisonnable ;
manifestations comportementales chez M. I… dont ils ont pensé qu’elles pouvaient être interprétées
24. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la procédure collégiale menée par
comme une opposition aux soins de toilette traduisant un refus de vie ; qu’à la suite de ces constats
le Dr. H…, chef du service prenant en charge M. I…, préalablement à l’intervention de la décision
et se fondant sur l’analyse qu’il faisait de l’absence d’évolution neurologique favorable du patient, le
du 11 janvier 2014, s’est déroulée conformément aux prescriptions de l’article R. 4127-37 du code
Dr. H…, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire de Reims et responsable
de la santé publique et a comporté, alors que les dispositions de cet article exigent que soit pris l’avis
du service de médecine palliative et soins de support – soins de suite et de réadaptation spécialisé ”
d’un médecin et, le cas échéant, d’un second, la consultation de six médecins ; que le Dr. H…n’était
Gériatrique ” prenant en charge le patient, a engagé la procédure collégiale prévue par l’article R.
pas légalement tenu de faire participer à la réunion du 9 décembre 2013 un second médecin désigné
4127-37 du code de la santé publique afin d’apprécier si la poursuite de l’alimentation et de
par les parents de M. I…, lesquels en avaient déjà désigné un premier ; qu’il ne résulte pas de
l’hydratation artificielles de M. I… était constitutive d’une obstination déraisonnable au sens de
l’instruction que certains membres du personnel soignant auraient été délibérément écartés de cette
l’article L. 1110-5 du même code ; que, le 10 avril 2013, ce médecin a décidé d’arrêter l’alimentation
réunion ; que le Dr. H…était en droit de s’entretenir avec M. L… I…, neveu du patient ; que les
artificielle et de diminuer l’hydratation de M. I… ; que, saisi par les parents de M. I…, l’un de ses
circonstances que le Dr. H…se soit opposé à une demande de récusation et au transfert de M. I…
demi-frères et l’une de ses sœurs, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-
dans un autre établissement et qu’il se soit publiquement exprimé ne traduisent pas, eu égard à
Champagne, par une ordonnance du 11 mai 2013, a enjoint de rétablir l’alimentation et l’hydratation
l’ensemble des circonstances de l’espèce, de manquement aux obligations qu’implique le principe
artificielles au motif que la procédure prévue par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique
d’impartialité, auxquelles il a satisfait ; qu’ainsi, contrairement à ce qui était soutenu devant le tribunal
avait été méconnue, dès lors que seule l’épouse de M. I…, lequel n’avait pas rédigé de directives
administratif de Châlons-en-Champagne, la procédure préalable à l’adoption de la décision du 11
anticipées ni désigné de personne de confiance, avait été informée de la mise en œuvre de la
janvier 2014 n’a été entachée d’aucune irrégularité ;
procédure, associée à son déroulement et informée de la décision d’arrêt de traitement prise par le
médecin ; 25. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort, d’une part, des conclusions des experts que ” l’état
clinique actuel de M. I… correspond à un état végétatif “, avec ” des troubles de la déglutition, une
21. Considérant que le Dr. H…a engagé une nouvelle procédure en septembre 2013 ; qu’il a consulté
atteinte motrice sévère des quatre membres, quelques signes de dysfonctionnement du tronc cérébral
l’épouse de M. I…, ses parents et ses huit frères et sœurs lors de deux réunions tenues les 27
” et ” une autonomie respiratoire préservée ” ; que les résultats des explorations cérébrales
septembre et 16 novembre 2013 ; que, le 9 décembre 2013, il a tenu une réunion à laquelle ont
structurales et fonctionnelles effectuées du 7 au 11 avril 2014 au centre hospitalier universitaire de
participé deux autres médecins du centre hospitalier universitaire de Reims qui s’occupent de M.
la Pitié-Salpêtrière de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont compatibles avec un tel état
I…et presque toute l’équipe soignante en charge du patient ; qu’ont été associés à cette réunion
végétatif et que l’évolution clinique, marquée par la disparition des fluctuations de l’état de
quatre médecins consultants extérieurs au service, dont l’un a été désigné par les parents de M.I… ;
conscience de M. I… qui avaient été constatées lors du bilan effectué en juillet 2011 au Coma Science
que les médecins du centre hospitalier universitaire de Reims, l’équipe soignante, trois sur quatre des
Group du centre hospitalier universitaire de Liège, ainsi que par l’échec des tentatives thérapeutiques
médecins consultants, l’épouse de M. I…et plusieurs des frères et sœurs de ce dernier se sont
actives préconisées lors de ce bilan, suggère ” une dégradation de l’état de conscience depuis cette
déclarés favorables à l’arrêt de traitement envisagé ; qu’au terme de cette procédure, le Dr. H…a
date ” ;
décidé, le 11 janvier 2014, de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles du patient à
compter du lundi 13 janvier 2014 à 19 heures, l’exécution de cette décision devant toutefois être 26. Considérant qu’il ressort, d’autre part, des conclusions du rapport des experts que les
différée en cas de saisine du tribunal administratif ; explorations cérébrales auxquelles il a été procédé ont mis en évidence des lésions cérébrales graves
et étendues, se traduisant notamment par une ” atteinte sévère de la structure et du métabolisme de
22. Considérant que, pour estimer que la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation
régions sous-corticales cruciales pour le fonctionnement cognitif ” et par une ” désorganisation
artificiellement administrées à M. I…, n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie du
structurelle majeure des voies de communication entre les régions cérébrales impliquées dans la
patient, traduisait une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé
13
conscience ” ; que la sévérité de l’atrophie cérébrale et des lésions observées conduisent, avec le délai et ses frères et sœurs lors des deux réunions mentionnées précédemment ; que si les parents de M.
de cinq ans et demi écoulé depuis l’accident initial, à estimer les lésions cérébrales irréversibles ; I… ainsi que certains de ses frères et sœurs ont exprimé un avis opposé à l’interruption du traitement,
l’épouse de M. I…et ses autres frères et sœurs se sont déclarés favorables à l’arrêt de traitement
27. Considérant, en outre, que les experts ont conclu que ” la longue durée d’évolution, la
envisagé ; que le Dr. H… a pris en considération ces différents avis ; que, dans les circonstances de
dégradation clinique depuis 2011, l’état végétatif actuel, la nature destructrice et l’étendue des lésions
l’affaire, il a pu estimer que le fait que les membres de la famille n’aient pas eu une opinion unanime
cérébrales, les résultats des tests fonctionnels ainsi que la sévérité de l’atteinte motrice des quatre
quant au sens de la décision n’était pas de nature à faire obstacle à sa décision ;
membres ” constituaient des éléments indicateurs d’un ” mauvais pronostic clinique ” ;
32. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les différentes
28. Considérant, enfin, que si les experts ont relevé que M. I… peut réagir aux soins qui lui sont
conditions mises par la loi pour que puisse être prise, par le médecin en charge du patient, une
prodigués et à certaines stimulations, ils ont indiqué que les caractéristiques de ces réactions
décision mettant fin à un traitement n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie et dont
suggèrent qu’il s’agit de réponses non conscientes et n’ont pas estimé possible d’interpréter ces
la poursuite traduirait ainsi une obstination déraisonnable peuvent être regardées, dans le cas de M.
réactions comportementales comme témoignant d’un ” vécu conscient de souffrance ” ou
J…I…et au vu de l’instruction contradictoire menée par le Conseil d’Etat, comme réunies ; que la
manifestant une intention ou un souhait concernant l’arrêt ou la poursuite du traitement qui le
décision du 11 janvier 2014 du Dr. H… de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles
maintien en vie ;
de M. J… I…ne peut, en conséquence, être tenue pour illégale ;
29. Considérant que ces conclusions, auxquelles les experts ont abouti de façon unanime, au terme
d’une analyse qu’ils ont menée de manière collégiale et qui a comporté l’examen du patient à neuf
reprises, des investigations cérébrales approfondies, des rencontres avec l’équipe médicale et le Document 11 : Cour EDH, 5 juin 2015, Lambert c. France, req. n° 46043/14.
personnel soignant en charge de ce dernier ainsi que l’étude de l’ensemble de son dossier, confirment
celles qu’a faites le Dr. H… quant au caractère irréversible des lésions et au pronostic clinique de M. 149. Les requérants soulèvent l’absence de clarté et de précision de la loi du 22 avril 2005 et
I… ; que les échanges qui ont eu lieu dans le cadre de l’instruction contradictoire devant le Conseil contestent le processus qui a abouti à la décision du médecin du 11 janvier 2014. À leurs yeux, ces
d’Etat postérieurement au dépôt du rapport d’expertise ne sont pas de nature à infirmer les déficiences résulteraient d’un manquement des autorités nationales aux obligations de protection
conclusions des experts ; que, s’il ressort du rapport d’expertise, ainsi qu’il vient d’être dit, que les que leur impose l’article 2 de la Convention.
réactions de M. I… aux soins ne peuvent pas être interprétées, et ne peuvent ainsi être regardées 151. La Cour renvoie au cadre législatif tracé par le code de la santé publique (ci‑après le code), tel
comme manifestant un souhait concernant l’arrêt du traitement, le Dr. H…avait indiqué dans la que modifié par la loi du 22 avril 2005. Elle rappelle par ailleurs que l’interprétation est inhérente à
décision contestée que ces comportements donnaient lieu à des interprétations variées qui devaient l’exercice de la fonction juridictionnelle (voir, entre autres Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie
toutes être considérées avec une grande réserve et n’en a pas fait l’un des motifs de sa décision ; [GC], no 13279/05, § 85, 20 octobre 2011). Elle observe qu’avant les décisions rendues dans la
30. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte des dispositions du code de la santé publique qu’il présente affaire, les juridictions françaises n’avaient encore jamais été appelées à interpréter les
peut être tenu compte des souhaits d’un patient exprimés sous une autre forme que celle des dispositions de la loi du 22 avril 2005, qui était pourtant en vigueur depuis neuf ans. En l’espèce, le
directives anticipées ; qu’il résulte de l’instruction, en particulier du témoignage de Mme F…I…, Conseil d’État a été amené à préciser le champ d’application de la loi, et à définir les notions de «
qu’elle-même et son mari, tous deux infirmiers, avaient souvent évoqué, leurs expériences traitements » et d’ «obstination déraisonnable » (voir ci‑dessous).
professionnelles respectives auprès de patients en réanimation ou de personnes polyhandicapées et 152. Dans sa décision du 14 février 2014, le Conseil d’État s’est prononcé sur le champ d’application
qu’à ces occasions, M. I…avait clairement et à plusieurs reprises exprimé le souhait de ne pas être de la loi : il a jugé qu’il résultait des termes mêmes des articles applicables, ainsi que des travaux
maintenu artificiellement en vie dans l’hypothèse où il se trouverait dans un état de grande parlementaires préalables à l’adoption de la loi, que ces dispositions étaient de portée générale et
dépendance ; que la teneur de ces propos, datés et rapportés de façon précise par Mme F…I…, a qu’elles étaient applicables à tous les usagers du système de santé, que le patient soit ou non en fin
été confirmée par l’un des frères de M. I… ; que si ces propos n’ont pas été tenus en présence des de vie.
parents de M. I…, ces derniers n’allèguent pas que leur fils n’aurait pu les tenir ou aurait fait part de
souhaits contraires ; que plusieurs des frères et sœurs de M. I…ont indiqué que ces propos 153. La Cour observe que, dans ses observations au Conseil d’État, M. Jean Leonetti, rapporteur de
correspondaient à la personnalité, à l’histoire et aux opinions personnelles de leur frère ; qu’ainsi, le la loi du 22 avril 2005, a précisé dans ses observations en qualité d’amicus curiae que la loi s’appliquait
Dr. H…, en indiquant, dans les motifs de la décision contestée, sa certitude que M. I… ne voulait à des patients cérébro‑lésés, et donc atteints d’une maladie grave et incurable dans un état avancé de
pas avant son accident vivre dans de telles conditions, ne peut être regardé comme ayant procédé à leur maladie, mais qui ne sont pas obligatoirement « en fin de vie », ce qui avait amené le législateur
une interprétation inexacte des souhaits manifestés par le patient avant son accident ; à intituler la loi « droits des malades et fin de vie » et non pas « droits des malades en fin de vie ».
31. Considérant, en quatrième lieu, que le médecin en charge est tenu, en vertu des dispositions du 154. Le Conseil d’État, dans sa décision du 14 février 2014, a interprété la notion de traitements
code de la santé publique, de recueillir l’avis de la famille du patient avant toute décision d’arrêt de susceptibles d’être arrêtés ou limités. Il a considéré, au vu des dispositions des articles L. 1110‑5 et
traitement ; que le Dr. H…a satisfait à cette obligation en consultant l’épouse de M. I…, ses parents 1111‑4 précités et des travaux parlementaires, que le législateur avait entendu inclure dans lesdits
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traitements l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable. »
vitales du patient et que l’alimentation et l’hydratation artificielles faisaient partie de ces actes. Les Par ailleurs, il a souligné qu’au cas où la volonté du patient ne serait pas connue, elle ne pourrait être
observations remises au Conseil d’État au titre d’amicus curiae convergent sur ce point. présumée consister en un refus d’être maintenu en vie.
155. La Cour note que le « Guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux en 160. Au terme de cette analyse, la Cour ne peut suivre l’argumentation des requérants. Elle considère
fin de vie » du Conseil de l’Europe aborde ces questions : le guide précise que les traitements que les dispositions de la loi du 22 avril 2005, telle qu’interprétées par le Conseil d’État, constituent
recouvrent non seulement les interventions visant à améliorer l’état de santé d’un patient en agissant un cadre législatif suffisamment clair, aux fins de l’article 2 de la Convention, pour encadrer de façon
sur les causes de la maladie, mais également celles qui n’agissent pas sur l’étiologie de la maladie mais précise la décision du médecin dans une situation telle que celle de la présente affaire. La Cour
sur des symptômes, ou qui répondent à une insuffisance fonctionnelle. Le guide relève que la conclut dès lors que l’État a mis en place un cadre règlementaire propre à assurer la protection de la
nutrition et l’hydratation artificielles sont apportées au patient en réponse à une indication médicale vie des patients.
et supposent le choix d’une procédure et d’un dispositif médical (perfusion, sonde entérale). Le guide
161. Les requérants contestent le processus décisionnel, dont ils estiment qu’il aurait dû être
observe qu’il existe des différences d’approche selon les pays : certains les considèrent comme des
véritablement collégial ou à tout le moins prévoir une médiation en cas de désaccord.
traitements susceptibles d’être limités ou arrêtés dans les conditions et selon les garanties prévues
par le droit interne ; les questions posées les concernant sont alors celles de la volonté du patient et 162. La Cour relève tout d’abord que ni l’article 2, ni sa jurisprudence ne peuvent se lire comme
celle du caractère approprié du traitement dans la situation considérée. Dans d’autres pays, elles sont imposant des obligations quant à la procédure à suivre pour arriver à un éventuel accord. Elle
considérées comme des soins répondant à des besoins essentiels de la personne que l’on ne peut rappelle que, dans l’affaire Burke précitée, elle a estimé conforme à l’article 2 la procédure consistant
arrêter à moins que le patient, en phase terminale de sa fin de vie, en ait exprimé le souhait. à rechercher les souhaits du patient et consulter ses proches, ainsi que d’autres membres du
personnel médical.
156. Aux termes de l’article L. 1110‑5 du code, un traitement est constitutif d’une obstination
déraisonnable lorsqu’il est inutile, disproportionné ou qu’il n’a « d’autre effet que le seul maintien 163. La Cour observe que, si la procédure en droit français est appelée « collégiale » et qu’elle
artificiel de la vie » . C’est ce dernier critère qui a été appliqué dans la présente affaire, et que les comporte plusieurs phases de consultation (de l’équipe soignante, d’au moins un autre médecin, de
requérants estiment imprécis. la personne de confiance, de la famille ou des proches), c’est au seul médecin en charge du patient
que revient la décision. La volonté du patient doit être prise en compte. La décision elle-même doit
157. Dans ses observations au Conseil d’État en qualité d’amicus curiae, M. Leonetti a précisé que
être motivée et elle est versée au dossier du patient.
cette formulation, plus stricte que celle initialement envisagée de traitement « qui prolonge
artificiellement la vie », était plus restrictive et faisait référence au maintien artificiel de la vie « au 164. Dans ses observations en qualité d’amicus curiae, M. Jean Leonetti a rappelé que la loi fait porter
sens purement biologique, avec la double caractéristique qu’il s’agit d’un patient présentant des la responsabilité de la décision d’arrêt de traitement au seul médecin et n’a pas voulu transférer cette
lésions cérébrales majeures et irréversibles et que son état ne présente plus de possibilité de responsabilité à la famille, pour éviter tout sentiment de culpabilité et pour que la personne qui a
conscience de soi et de vie relationnelle » . Dans le même sens, le Conseil national de l’ordre des pris la décision soit identifiée.
médecins a souligné l’importance de la notion de temporalité, en retenant qu’en présence d’un état
165. Il résulte des éléments de droit comparé dont la Cour dispose que, dans les États qui permettent
pathologique devenu chronique, entraînant une détérioration physiologique de la personne et une
l’arrêt des traitements et en l’absence de directives anticipées du patient, il existe une grande variété
perte de ses facultés cognitives et relationnelles, l’obstination pourrait être considérée comme
de modalités quant à la façon dont est prise la décision finale d’arrêt des traitements : elle peut l’être
déraisonnable dès lors qu’aucun signe d’amélioration n’apparaîtrait (ibidem).
par le médecin (c’est le cas le plus fréquent), de façon conjointe par le médecin et la famille, par la
158. Dans sa décision du 24 juin 2014, le Conseil d’État a détaillé les éléments à prendre à compte famille ou le représentant légal, ou par les tribunaux.
par le médecin pour apprécier si les conditions de l’obstination déraisonnable étaient réunies, tout
166. La Cour observe que la procédure collégiale dans la présente affaire a duré de septembre 2013
en indiquant que chaque situation devait être appréhendée dans sa singularité : les éléments médicaux
à janvier 2014 et que, à tous les stades, sa mise en œuvre a été au-delà des conditions posées par la
(dont il a indiqué qu’ils devaient couvrir une période suffisamment longue, être analysés
loi : alors que la procédure prévoit la consultation d’un autre médecin et éventuellement d’un second,
collégialement et porter notamment sur l’état du patient, sur l’évolution de son état, sur sa souffrance
le Dr Kariger a consulté six médecins, dont l’un désigné par les requérants ; il a réuni la presque
et sur le pronostic clinique) et les éléments non médicaux, à savoir la volonté du patient, quel qu’en
totalité de l’équipe soignante et convoqué deux conseils de famille auxquels ont participé l’épouse,
soit le mode d’expression, à laquelle le médecin doit « accorder une importance toute particulière »,
les parents et les huit frères et sœurs de Vincent Lambert. À l’issue de ces réunions, l’épouse de
et l’avis de la personne de confiance, de la famille ou des proches.
Vincent Lambert et six de ses frères et sœurs se sont déclarés favorables à l’arrêt des traitements,
159. La Cour relève que le Conseil d’État a énoncé deux importantes garanties dans cette décision : ainsi que cinq des six médecins consultés, alors que les requérants s’y sont opposés. Le médecin s’est
il a tout d’abord affirmé que « la seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible également entretenu avec François Lambert, le neveu de Vincent Lambert. Sa décision, longue de
d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie la rendant tributaire d’un tel mode treize pages (dont une version abrégée de sept pages a été lue à la famille) est très motivée. Le Conseil
d’alimentation et d’hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la d’État a conclu, dans sa décision du 24 juin 2014, qu’elle n’avait été entachée d’aucune irrégularité.
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167. Le Conseil d’État a estimé que le médecin avait satisfait à l’obligation de consulter la famille et d’amicus curiae des observations générales de nature à l’éclairer, notamment sur les notions
qu’il avait pu légalement prendre sa décision en l’absence d’une opinion unanime de cette dernière. d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie.
La Cour note qu’en son état actuel, le droit français prévoit la consultation de la famille (et non sa
174. La Cour constate que l’expertise a été menée de façon très approfondie : les experts ont examiné
participation à la prise de décision), mais n’organise pas de médiation en cas de désaccord entre ses
Vincent Lambert à neuf reprises, procédé à une série d’examens, pris connaissance de la totalité du
membres. Il ne précise pas non plus l’ordre dans lequel prendre en compte les opinions des membres
dossier médical, consulté également toutes les pièces du dossier contentieux utiles pour l’expertise
de la famille, contrairement à ce qui est prévu dans certains autres États.
et rencontré entre le 24 mars et le 23 avril 2014 toutes les parties concernées (famille, équipe médicale
168. La Cour relève l’absence de consensus en la matière et considère que l’organisation du processus et soignante, médecins conseils et représentants de l’UNAFTC et du centre hospitalier).
décisionnel, y compris la désignation de la personne qui prend la décision finale d’arrêt des
175. Dans sa décision du 24 juin 2014, le Conseil d’État a tout d’abord examiné la compatibilité des
traitements et les modalités de la prise de décision, s’inscrivent dans la marge d’appréciation de l’État.
dispositions pertinentes du code de la santé publique avec les articles 2, 8, 6 et 7 de la Convention,
Elle constate que la procédure a été menée en l’espèce de façon longue et méticuleuse, en allant au-
puis la conformité de la décision prise par le Dr Kariger avec les dispositions du code. Son contrôle
delà des conditions posées par la loi, et estime que, même si les requérants sont en désaccord avec
a porté sur la régularité de la procédure collégiale et sur le respect des conditions de fond posées par
son aboutissement, cette procédure a respecté les exigences découlant de l’article 2 de la Convention.
la loi, dont il a estimé, en particulier au vu des conclusions du rapport d’expertise, qu’elles étaient
169. La Cour examinera enfin les recours dont ont bénéficié les requérants dans la présente affaire. réunies. Il a notamment relevé qu’il ressortait des conclusions des experts que l’état clinique de
Elle observe que le Conseil d’État, qui était saisi pour la première fois d’un recours contre une Vincent Lambert correspondait à un état végétatif chronique, qu’il avait subi des lésions graves et
décision d’arrêt des traitements en vertu de la loi du 22 avril 2005, a apporté d’importantes précisions étendues, dont la sévérité, ainsi que le délai de cinq ans et demi écoulé depuis l’accident conduisaient
dans ses décisions des 14 février et 24 juin 2014 quant à l’étendue du contrôle exercé par le juge des à estimer qu’elles étaient irréversibles, avec un « mauvais pronostic clinique ». Le Conseil d’État a
référés administratifs dans un cas tel que celui de l’espèce. estimé que ces conclusions confirmaient celles qu’avait faites le Dr Kariger.
170. Les requérants avaient saisi le tribunal administratif d’une requête en référé liberté sur le 176. La Cour observe ensuite que le Conseil d’État, après avoir souligné « l’importance toute
fondement de l’article L. 521‑2 du code de justice administrative, qui prévoit que le juge « saisi d’une particulière » que le médecin doit accorder à la volonté du malade, s’est attaché à établir quels étaient
demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires les souhaits de Vincent Lambert. Ce dernier n’ayant ni rédigé de directives anticipées, ni nommé de
à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une personne de confiance, le Conseil d’État a tenu compte du témoignage de son épouse, Rachel
atteinte grave et manifestement illégale ». Lorsqu’il est saisi sur ce fondement, le juge administratif Lambert. Il a relevé que son mari et elle, tous deux infirmiers ayant notamment l’expérience de
des référés statue en principe seul, dans l’urgence, et peut prendre des mesures provisoires sur un personnes en réanimation ou polyhandicapées, avaient souvent évoqué leurs expériences
critère d’évidence (l’illégalité manifeste). professionnelles et qu’à ces occasions Vincent Lambert avait à plusieurs reprises exprimé le souhait
de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans un état de grande dépendance. Le Conseil d’État
171. La Cour relève que, tel que son office a été défini par le Conseil d’État, le juge des référés se
a considéré que ces propos ‑ dont la teneur était confirmée par un frère de Vincent Lambert ‑ étaient
trouve investi, non seulement du pouvoir de suspendre la décision du médecin, mais encore de
datés et rapportés de façon précise par Rachel Lambert. Il a également tenu compte de ce que
procéder à un contrôle de légalité complet de cette décision (et non pas sur le seul critère de son
plusieurs des autres frères et sœurs avaient indiqué que ces propos correspondaient à la personnalité,
illégalité manifeste), si nécessaire en formation collégiale, et au besoin après avoir ordonné une
à l’histoire et aux opinions de leur frère et a noté que les requérants n’alléguaient pas qu’il aurait tenu
expertise médicale et demandé des avis au titre d’amicus curiae.
des propos contraires. Le Conseil d’État a enfin relevé que la consultation de la famille prévue par
172. Le Conseil d’État a également précisé, dans sa décision du 24 juin 2014, qu’eu égard à l’office la loi avait eu lieu (ibidem).
particulier qui était le sien dans un tel cas, le juge devait ‑ outre les moyens tirés de la non-conformité 177. Les requérants soutiennent, en invoquant l’article 8 de la Convention, que le Conseil d’État
de la décision à la loi ‑ examiner les moyens tirés de l’incompatibilité des dispositions législatives n’aurait pas dû tenir compte des observations orales de Vincent Lambert, qu’ils estiment trop
dont il était fait application avec la Convention. générales.
173. La Cour relève que le Conseil d’État a examiné l’affaire dans sa formation plénière (l’assemblée 178. La Cour rappelle tout d’abord que le patient, même hors d’état d’exprimer sa volonté, est celui
du contentieux, composée de dix-sept membres), ce qui est très inhabituel pour une procédure de dont le consentement doit rester au centre du processus décisionnel, qui en est le sujet et acteur
référé. Dans sa décision du 14 février 2014, il a indiqué que le bilan effectué au centre hospitalier de principal. Le « guide sur le processus décisionnel dans des situations de fin de vie » du Conseil de
Liège remontait à deux ans et demi et a estimé nécessaire de disposer des informations les plus l’Europe préconise qu’il soit intégré au processus décisionnel par l’intermédiaire des souhaits qu’il a
complètes sur l’état de santé de Vincent Lambert. Il a donc ordonné une expertise médicale confiée pu précédemment exprimer, dont il prévoit qu’ils peuvent avoir été confiés oralement à un membre
à trois spécialistes en neurosciences reconnus. Par ailleurs, vu l’ampleur et la difficulté des questions de la famille ou à un proche .
posées par l’affaire, il a demandé à l’Académie nationale de médecine, au Comité consultatif national
d’éthique, au Conseil national de l’ordre des médecins et à M. Jean Leonetti de lui fournir en qualité
16
179. La Cour relève également que, selon les éléments de droit comparé dont elle dispose, dans un l’Homme (CEDH) qui a estimé qu’il ne violait pas l’article 2 de la Convention européenne des droits
certain nombre de pays, en l’absence de directives anticipées ou « testament biologique », la volonté de l’Homme qui protège le droit à la vie.
présumée du patient doit être recherchée selon des modalités diverses (déclarations du représentant
Le 3 mai 2019, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies (CRPD) saisi par
légal, de la famille, autres éléments témoignant de la personnalité, des convictions du patient, etc.).
les avocats des parents de M. Vincent Lambert, a demandé à l’État français, d’une part, ses
180. La Cour rappelle enfin que, dans l’arrêt Pretty précité (§ 63), elle a affirmé le droit de toute observations et d’autre part, de suspendre la décision d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation
personne à refuser de consentir à un traitement qui pourrait avoir pour effet de prolonger sa vie. entérales de M. Vincent Lambert pendant l’examen de son dossier par le Comité.
Dans ces conditions, elle est d’avis que le Conseil d’État a pu estimer que les témoignages qui lui
Le Défenseur des droits, mécanisme indépendant de suivi de la mise en œuvre de la CIDPH, doit
étaient soumis étaient suffisamment précis pour établir quels étaient les souhaits de Vincent Lambert
veiller à ce que, en toutes circonstances, l’État examine avec attention et célérité toute demande du
quant à l’arrêt ou au maintien de son traitement.
Comité.
181. La Cour est pleinement consciente de l’importance des problèmes soulevés par la présente
· Selon la « jurisprudence » des Comités des Nations Unies, les mesures provisoires demandées
affaire, qui touche à des questions médicales, juridiques et éthiques de la plus grande complexité.
par les comités doivent être respectées par l’État au risque d’entraver l’exercice effectif du droit de
Dans les circonstances de l’espèce, la Cour rappelle que c’est en premier lieu aux autorités internes
plainte prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la CIDPH.
qu’il appartenait de vérifier la conformité de la décision d’arrêt des traitements au droit interne et à
la Convention, ainsi que d’établir les souhaits du patient conformément à la loi nationale. Le rôle de · L’État ne pourrait donc y déroger qu’en justifiant de circonstances exceptionnelles, qu’il
la Cour a consisté à examiner le respect par l’État de ses obligations positives découlant de l’article soumet au Comité.
2 de la Convention.
· Le Défenseur des droits constate qu’en l’espèce, le 7 mai 2019, l’État français a examiné avec
Selon cette approche, la Cour a considéré conformes aux exigences de cet article le cadre législatif attention et célérité la demande du Comité en lui adressant ses observations argumentées.
prévu par le droit interne, tel qu’interprété par le Conseil d’État, ainsi que le processus décisionnel,
mené en l’espèce d’une façon méticuleuse. Par ailleurs, quant aux recours juridictionnels dont ont · L’État français indique ne pas être « en mesure de mettre en œuvre la mesure conservatoire
bénéficié les requérants, la Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l’objet qu’il lui a adressée ». Il le justifie notamment par le fait que « la situation de M. Vincent Lambert a
d’un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s’exprimer et tous les aspects avaient fait l’objet d’un examen particulièrement attentif des juridictions nationales, qui ont jugé, à plusieurs
été mûrement pesés, au vu tant d’une expertise médicale détaillée que d’observations générales des reprises, que la décision d’arrêt des traitements (…) était conforme à la loi (…) la [CEDH] a jugé
plus hautes instances médicales et éthiques. que cet arrêt des traitements ne violait pas les obligations de la France au regard de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et que « la remise
En conséquence, la Cour arrive à la conclusion que les autorités internes se sont conformées à leurs en cause de la décision d’arrêt des traitements, par une nouvelle suspension qui priverait d’effectivité
obligations positives découlant de l’article 2 de la Convention, compte tenu de la marge le droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable, n’est pas envisageable ».
d’appréciation dont elles disposaient en l’espèce.
Le Défenseur des droits souligne que la demande de mesures provisoires du Comité des Nations
Document 12 : Défenseur des droits, 17 mai 2019, Réponse à la réclamation Unies entre en contradiction avec les décisions de justice nationales et européennes précitées et qu’il
présentée par les avocats des parents M. Vincent Lambert le 12 mai . Communiqué ne lui appartient pas de résoudre cet éventuel conflit de normes.
de presse
Le Défenseur des droits a répondu ce jour à la réclamation présentée par les avocats des parents M. Document 13 : C. Cass, 28 juin 2019, n° 19-17.330.
Vincent Lambert le 12 mai.
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l’article 66 de la
· Il rappelle tout d’abord qu’une saisine du Défenseur des droits n’a pas d’effet suspensif à Constitution ;
l’égard des mesures qui seraient contestées devant lui en vertu de l’article 6 de la loi organique
n°2011-333 du 29 mars 2011 qui définit ses pouvoirs. Elle ne peut ni interrompre ni suspendre les Attendu qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de
délais de prescription des éventuelles actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre
que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou le dépôt de requêtes contentieuses. judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit
a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière,
· Il constate ensuite que plusieurs décisions de justice ont été rendues. Le Conseil d’État a jugé, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a
le 24 juin 2014, que la décision d’arrêt de traitement émise par le corps médical du CHU de Reims a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit
été prise conformément aux garanties prévues par le droit français, ce qu’il a confirmé le 24 avril
2019. Ce jugement a été soumis au contrôle juridictionnel de la Cour européenne des droits de
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de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que, le droit à la vie n’entrant pas dans le champ de la liberté
l’autorité administrative ; individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, la décision, prise par l’Etat, de ne pas déférer à
la demande de mesures provisoires formulée par le CDPH ne portait pas atteinte à la liberté
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en référé, que, le 29 septembre 2008, M. B... X... a été victime
individuelle, d’autre part, qu’en l’état notamment des décisions rendues en dernier lieu par le juge
d’un grave accident de la circulation ; que, le 22 septembre 2017, le docteur E..., médecin responsable
des référés du Conseil d’Etat le 24 avril 2019 et par la Cour européenne des droits de l’homme le 30
du service de soins palliatifs au centre hospitalier universitaire de Reims et, à ce titre, en charge de
avril 2019, cette décision n’était pas manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir lui
l’unité "cérébro-lésés" au sein de laquelle M. B... X... est hospitalisé, a informé les membres de la appartenant, de sorte que les conditions de la voie de fait n’étaient pas réunies, la cour d’appel a violé
famille de sa décision d’engager la procédure collégiale prévue par l’article L. 1110-5-1 du code de la
les textes susvisés ;
santé publique, à l’issue de laquelle le médecin en charge du patient peut limiter ou arrêter des
traitements, y compris la nutrition et l’hydratation artificielles, qui apparaissent inutiles, Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;
disproportionnés ou n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie et dont la poursuite
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
traduirait une obstination déraisonnable ; que, le 9 avril 2018, au terme de la procédure, ce médecin
a décidé d’arrêter la nutrition et l’hydratation artificielles de M. B... X... ; que, par ordonnance du 24 CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 mai 2019, entre les parties, par
avril 2019, le juge des référés du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a rejeté la requête tendant la cour d’appel de Paris ;
à la suspension de cette décision au motif que celle-ci ne pouvait être tenue pour illégale ; que, le 24
avril 2019, M. A... X..., Mme F... X..., M. G... H... et Mme S... X... épouse I (les consorts X...), DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
respectivement parents, demi-frère et sœur de M. B... X..., ont saisi d’une demande de mesures
provisoires la Cour européenne des droits de l’homme, qui, par décision du 30 avril 2019, a rejeté la
requête après avoir rappelé que, par arrêt du 5 juin 2015, elle avait jugé qu’il n’y aurait pas violation Actualité : Les directives anticipées
de l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en
cas de mise en œuvre d’une décision d’arrêt des traitements ; que, le 24 avril 2019, ils ont également
saisi le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) d’une communication au sens de Document 14 : Article L1111-11 du code de la santé publique
l’article 1er du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes
handicapées ; que, le 3 mai 2019, le CDPH a demandé à l’Etat de prendre les mesures nécessaires https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041721077/2021-11-16
pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. B... X... ne soient pas suspendues
pendant l’examen de la requête ; que, le 7 mai 2019, le gouvernement a informé le CDPH que la
remise en cause de la décision d’arrêt des traitements, par une nouvelle suspension qui priverait Document 15 : Cons. Const., QPC, 10 novembre 2022, Zohra M. et autres
d’effectivité le droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable, n’était pas envisageable et
que, par conséquent, il n’était pas en mesure de mettre en œuvre la mesure conservatoire demandée 2. Le troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans cette rédaction,
; que, le 10 mai 2019, le docteur E... a averti la famille de M. B... X... de son intention d’initier, au prévoit : « Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation,
cours de la semaine du 20 mai 2019, le protocole tendant à supprimer toute aide artificielle au d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une
maintien de la vie de celui-ci ; que, par assignation à heure indiquée du 15 mai 2019, les consorts X... évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement
ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner à l’Etat inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».
de faire respecter sans délai les mesures provisoires préconisées le 3 mai 2019 par le CDPH et de 3. Les requérantes, rejointes par l'association intervenante, reprochent à ces dispositions de
donner toutes instructions immédiates de maintien de l’alimentation et de l’hydratation entérales de permettre à un médecin d'écarter les directives anticipées par lesquelles un patient a exprimé sa
M. B... X... ;
volonté que soient poursuivis des traitements le maintenant en vie. Elles font valoir que, en
Attendu que, pour accueillir les demandes, l’arrêt retient qu’en se dispensant d’exécuter les mesures permettant au médecin de prendre une telle décision lorsque les directives lui apparaissent «
provisoires demandées par le CDPH, l’Etat a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses manifestement inappropriées ou non conformes » à la situation médicale du patient, ces dispositions
prérogatives puisqu’elle porte atteinte à l’exercice d’un droit dont la privation a des conséquences ne seraient pas entourées de garanties suffisantes dès lors que ces termes seraient imprécis et
irréversibles en ce qu’elle a trait au droit à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention de confèreraient au médecin une marge d'appréciation trop importante, alors qu'il prend sa décision
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui constitue un attribut inaliénable seul et sans être soumis à un délai de réflexion préalable. Il en résulterait une méconnaissance du
de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme, et donc principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, dont découlerait le droit au respect de
dans celle des libertés individuelles ;
la vie humaine, ainsi que de la liberté personnelle et de la liberté de conscience.

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4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « lorsque les
directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation
médicale » figurant au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique.
5. L'association intervenante fait en outre valoir que ces dispositions instaureraient une différence
de traitement injustifiée entre les personnes en état d'exprimer leur volonté sur l'arrêt d'un traitement
et celles qui n'ont pu l'exprimer que dans des directives anticipées.

11. En premier lieu, en permettant au médecin d'écarter des directives anticipées, le législateur a
estimé que ces dernières ne pouvaient s'imposer en toutes circonstances, dès lors qu'elles sont
rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas encore confrontée à la situation particulière
de fin de vie dans laquelle elle ne sera plus en mesure d'exprimer sa volonté en raison de la gravité
de son état. Ce faisant, il a entendu garantir le droit de toute personne à recevoir les soins les plus
appropriés à son état et assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie.
12. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation
à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles un médecin peut écarter les directives
anticipées d'un patient en fin de vie hors d'état d'exprimer sa volonté dès lors que ces conditions ne
sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi.
13. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne permettent au médecin d'écarter les directives
anticipées que si elles sont « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale
» du patient. Ces dispositions ne sont ni imprécises ni ambiguës.
14. En troisième lieu, la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale
destinée à l'éclairer. Elle est inscrite au dossier médical et portée à la connaissance de la personne de
confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches.
15. En dernier lieu, la décision du médecin est soumise, le cas échéant, au contrôle du juge. Dans le
cas où est prise une décision de limiter ou d'arrêter un traitement de maintien en vie au titre du refus
de l'obstination déraisonnable, cette décision est notifiée dans des conditions permettant à la
personne de confiance ou, à défaut, à sa famille ou à ses proches, d'exercer un recours en temps
utile. Ce recours est par ailleurs examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux
fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée.

16. Il résulte de ce qui précède que le législateur n'a méconnu ni le principe de sauvegarde de la
dignité de la personne humaine ni la liberté personnelle. Les griefs tirés de leur méconnaissance
doivent donc être écartés.
17. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté de conscience ni
le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent
être déclarées conformes à la Constitution.

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