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Environnement et interdisciplinarité
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Olivier Petit
Université d'Artois
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Introduction
Environnement et interdisciplinarité
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
Bien que ces trois notions soient ambiguës, un dénominateur commun apparaît : la
discipline qui donne un cadre structurant des études et des recherches
scientifiques. Ce cadre correspond à un territoire disciplinaire identifié et
approprié, défini par des concepts, des contenus, des démarches, des outils, des
méthodes, des documents… Cependant, les contours disciplinaires ne sont pas
toujours clairement stabilisés et précisément délimités dans la mesure où les
disciplines évoluent et se positionnent en permanence les unes par rapport aux
autres. Ces « marges floues » correspondent à des zones d’exploration possibles,
des terrains de conquête pour construire une démarche interdisciplinaire autour
d’un objet de recherche identifié comme l’environnement.
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
Cette dernière définition se cale sur le sens écologique de cadre de vie, employé
notamment par les anglo-saxons dans un sens voisin de milieu géographique ;
milieu qui peut être à la fois naturel et construit par l’homme ou encore tout ce qui
affecte le comportement de l’homme. L’environnement peut être considéré
également comme « le milieu physique perçu par l’homme, les groupes sociaux et
les sociétés humaines » (Dauphiné, 1979, p. 26). Les relations nature-sociétés sont
donc nécessaires et indispensables pour mieux appréhender l’environnement.
Deux éléments apparaissent alors indissociables pour définir l’environnement.
D’une part, la nature qui est composée d’éléments abiotiques (l’air, l’eau, la terre),
mais aussi d’éléments biotiques (la faune, la flore). La nature est le plus souvent
étudiée dans une approche strictement naturaliste par le biais du système
écologique ou écosystème. En effet, les naturalistes et écologues analysent le
milieu naturel, la faune, la flore, le sol (c’est-à-dire le biotope et la biocénose), les
bilans d’eau, les flux, les transferts d’énergie et de matières, les dynamiques, les
bilans énergétiques, les cycles du carbone, de l’ozone, les pyramides écologiques,
les biomasses, les productivités…
D’autre part, la société qui contemple, qui exploite, qui dégrade, qui gère, qui
modifie, qui protège la nature. Le champ disciplinaire correspond aux sciences
humaines et sociales, dans lesquelles les sociologues et économistes étudient
l’environnement comme un « sociosystème » et un « économicosystème » géré
par des individus ou des groupes sociaux en termes de pratiques et d’usages, mais
aussi d’enjeux et de conflits. De plus, l’environnement peut être également
appréhendé comme un « politico-juridicosystème » encadré par des lois, des
décrets, des codes, des coutumes, des ordonnances…
Il est enfin un véritable « psychosystème » perçu, représenté, idéalisé, symbolisé,
imaginé, rêvé… objet de mythes, de légendes… (Arnould, 2001).
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
terme, relève sans nul doute d’une innovation transdisciplinaire : ils définissent
ainsi une science des anthroposystèmes comme « organisant la complémentarité
des connaissances disciplinaires dans le cadre d’une approche systémique »
(Levêque et al., 2003, p. 127), ce qui passe par l’élaboration d’outils d’intégration
des disciplines par le biais d’outils et langages communs.
Du point de vue disciplinaire, certains auteurs se sont risqués à l’exercice de
délimitation, à l’instar de Jacques Theys (1993), repris par ailleurs par
Ch. Lévêque et al. pour qui « le champ de l’environnement renvoie à des objectifs
et à des valeurs de nature écologique (préservation de la biodiversité, gestion des
écosystèmes sur le long terme), économique (assurance d’une exploitation
« durable » des ressources), sociale (amélioration de la qualité de la vie),
sécuritaire (préservation de la santé face aux risques environnementaux) et
culturelle et esthétique (patrimonialisation des systèmes naturels plus ou moins
anthropisés et/ou certaines de leurs composantes » (Lévêque et al., 2003, p. 112).
Peu à peu cependant, une certain consensus s’est dégagé non pas sur la définition
du champs de l’environnement mais sur l’idée d’une convergence entre des
disciplines des sciences sociales et naturelles : « Les efforts engagés au sein des
organismes scientifiques pour qualifier le secteur de recherche de l'environnement
à partir du concept d'environnement débouchent sur une question centrale : "les
interactions entre les évolutions de l'écosphère et les sociétés humaines" (Jollivet,
Pavé, 1993), "l'étude des interactions multiples entre les activités humaines et
l'évolution des milieux de la planète" (Legrand, Perrier, 1994) » (Godard, 1996,
p 2). Cette façon de procéder reste cependant plus prudente que la première : elle
vise à convoquer des champs de recherche interdisciplinaires (humain/milieu ;
écosphère/sociétés), par définition plus larges, plus floues qu’une énumération
disciplinaire exhaustive. Et pour cause : la pluridisciplinarité, rappelle Jean-Marie
Legay, « est une découverte au même titre que celle d’un phénomène naturel. Car
avant même de l’exploiter, c’est la découverte d’une relation, peut-être d’une
corrélation, en tous cas d’une interaction entre des phénomènes réputés
jusqu’alors indépendants » (Legay, 2006, p. 11).
Ici cependant, ce problème de délimitation des champs disciplinaires devient vite
inopérant dans la mesure où force est de constater que de plus en plus, le champ
de l’environnement invite les disciplines à l’exogenèse, ou plutôt la transgenèse.
Ainsi, nous expliquent Patrick Legrand et Alain Perrier « Les sciences de
l’univers et de la vie se sont souvent structurées autour de certains milieux
déterminés : atmosphère, géosphère (continentale ou marine), biosphère (faune,
flore, micro-organismes) et ont conduit à l’émergence de disciplines de recherche,
telles que la météorologie, la géophysique, l’océanographie, l’écologie, etc. Ces
disciplines ont, dans un premier temps, conforté leur autonomie et accru la
spécificité de leur champ, celles de leurs objets et de leurs méthodes ; ce
mouvement a conduit à une parcellisation notable des connaissances. Depuis
quelque temps, ces disciplines sont confrontées à l’étude de systèmes
interconnectés et complexes, qui est à la base des approches environnementales.
Aussi ont-elles introduit des procédures de couplages interdisciplinaires et créé
des objets composites […]. D’endogène, le développement de ces disciplines est
devenu à la fois endogène et exogène, c’est-à-dire qu’elles trouvent à ces
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
4. Présentation de l’ouvrage
Cet ouvrage regroupe les communications présentées lors de deux journées
d’études organisées en 2005 et 2006 à l’Université d’Artois, sur le thème de
l’environnement et de l’interdisciplinarité (Galochet, Longuépée, Morel, Petit,
2006a, 2006b). Un regard croisé au travers des disciplines des Sciences Humaines
et Sociales (Droit, Economie, Géographie, Gestion, Histoire, Sociologie, Sciences
Politiques) et Sciences de la Vie et de la Terre (Ecologie, Géologie, Sciences de
l’environnement) permet d’explorer la façon dont les discours scientifiques se
sont progressivement construits et de retracer les méthodologies qui ont été
successivement mobilisées.
Les deux journées d’études ont été organisées à l’initiative des coordinateurs de
cet ouvrage, quatre enseignants-chercheurs Maîtres de conférences des universités
en géographie et en économie, tous travaillant dans le champ de l’environnement
(géographie de l’environnement, économie des ressources naturelles et de
l’environnement) qui ont fait le pari de l’interdisciplinarité dans le cadre de leurs
recherches mais aussi dans leurs enseignements. D’une certaine manière, ils se
positionnent comme des « passeurs de frontières » en jetant un pont entre
plusieurs communautés scientifiques au sein du domaine des Sciences Humaines
et Sociales (géographie, économie, sociologie, droit, sciences politiques) d’une
part en développant une démarche géo-environnementale définie par des relations
socio-spatiales avec la nature et d’autre part entre les Sciences Humaines et
Sociales et les Sciences de la Vie et de la Terre dans le cadre de collaborations
scientifiques et partenariats opérationnels issus de programmes de recherche
interdisciplinaires. Cette pratique de la recherche vise à articuler étroitement la
recherche fondamentale et la recherche finalisée en prise avec une forte demande
sociale de la part des gestionnaires de l’environnement et de l’aménagement du
territoire.
Une première partie de l’ouvrage abordera les aspects cognitifs et évolutifs des
avancées disciplinaires en matière d’environnement, pour aborder ensuite dans
une deuxième partie les enjeux épistémologiques de l’environnement et la
nécessité de faire dialoguer les disciplines sur une thématique se situant au
carrefour des relations société-nature. Enfin, la troisième partie de cet ouvrage
orientera la discussion vers l’appréciation des enjeux liés à l’évolution des
discours intégrant désormais le concept de développement durable, en analysant
plusieurs expériences de programmes de recherches interdisciplinaires dans le
domaine de l’environnement.
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
Bibliographie
ARNOULD Paul, « Les forêts entre nature et société ». Bulletin de l’Association de Géographes
Français, n°2, 2001, p. 105-109.
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Lévêque Christian, van der Leeuw Sander (éd.), Quelles natures voulons-nous ?, Paris,
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L’environnement, discours et pratiques interdisciplinaires
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VIVIEN Franck-Dominique, « Histoire d’un mot, histoire d’une idée : le développement durable à
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concept. Paris, Elsevier, coll. Environnement, 2001, p. 19-60.
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