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30/10/2023 16:45
OPENEDITION BOOKS
11 | 2020
Pratiques croisées en philosophie et sociologie OPENEDITION JOURNALS
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Cet article explore la question du savoir et de l’épistémologie. En échangeant sur leurs
perspectives disciplinaires, leurs méthodes et leurs démarches respectives, les autrices
interrogent la production et la circulation du savoir. Elles font dialoguer une approche
sociologique sur la circulation des idées, et notamment des études postcoloniales, avec les
épistémologies féministes du point de vue et l’idée, défendue par Donna Haraway, selon
laquelle tout savoir est « situé ». Elles discutent l’intérêt et les difficultés de cette perspective
pour tenter de construire une réflexion épistémologique à la croisée de la philosophie et des
sciences sociales.
This article explores the issue of knowledge and epistemology. By exchanging on their
respective disciplinary perspectives, methods and approaches, the authors question the
production and circulation of knowledge. They bring a sociological approach to the circulation
of ideas, including postcolonial studies, into dialogue with feminist standpoint epistemologies
and Donna Haraway’s idea that knowledge is always "situated". They discuss the interest and
difficulties of this perspective in attempting to develop an epistemological reflection at the
crossroads of philosophy and social sciences.
Index terms
Mots-clés : épistémologie, circulation des idées, études postcoloniales, savoir situé, théorie
du point de vue
Keywords: epistemology, circulation of ideas, postcolonial studies, situated knowledge,
standpoint theory
recherches et ce dans toutes les disciplines. Cette question se développe d’abord dans
le monde anglo-saxon à la suite d’un article de James Clifford « Notes on Travel and
Theory » dans lequel il cherche à comprendre comment les savoirs circulent1. Cette
thématique est reprise et prolongée notamment par Edward Said2. Avec le
développement des études postcoloniales et l’usage de concepts tels que métissage ou
hybridité, « le paradigme de la mobilité3 » devient de plus en plus important.
6 Du côté de la sociologie française la circulation des idées prend véritablement son
essor à la suite du discours programmatique prononcé par Pierre Bourdieu et publié
ensuite sous le titre Les conditions sociales de la circulation internationale des
idées4. Aujourd’hui, de nombreuses études se revendiquent de cette approche que ce
soit en histoire – et plus particulièrement dans le courant de la global history5 –, en
sciences politiques avec la circulation des savoirs experts6 et des théories politiques7,
ainsi qu’en sciences de la communication. En sociologie, la notion de circulation des
savoirs est principalement reprise dans la continuité des travaux de Pierre Bourdieu
et notamment en interrogeant l’espace académique et la production culturelle. Cette
première approche de la notion de circulation peut être approfondie grâce à la
réception des travaux de la Begriffsgeschichte et de l’école de Cambridge, ainsi que le
développement de l’histoire sociale des idées politiques telle qu’elle est pratiquée en
France8. Ce courant insiste sur l’importance de concilier une lecture interne et une
lecture externe dans l’étude des idées9.
7 En prenant appui sur ces nouveaux champs de recherche, il devient alors possible
de comprendre quelles sont les conditions de possibilité d’un nouveau débat
intellectuel mais aussi de réfléchir à la question des passeur·e·s ou traducteurs/trices
qui s’emparent de théories pour les faire connaître dans un nouvel espace national10.
Si l’on s’intéresse, par exemple, à l’évolution sémantique et graphique du terme
postcolonial – sans en donner de définition préalable – il devient possible de mettre
en évidence le déploiement d’une controverse intellectuelle. Il s’agit alors de proposer
une sociologie de la circulation des idées à partir d’une sociologie historique de
l’espace intellectuel allant des années 1960 à 2010, et qui s’appuierait sur histoire du
temps présent ainsi qu’une sociologie des intellectuel·le·s et de la circulation des
idées.
hétérosexistes15 ?
9 Pour répondre à ces questions, on peut avoir recours à des concepts qui sont issus
des espaces militants – comme le concept d’« empowerment » – qu’on ne traduira
pas ici, pour garder la trace de leur origine et de leur trajectoire, et quelque chose de
leur sens, de leur portée initiale. Dès lors, il devient nécessaire de s’intéresser aux
questions de traduction, de circulation, d’appropriation ou de reformulation des
concepts dans différents espaces, et de s’interroger sur la traduction de certains
termes (par exemple celui d’« agency16 ») ainsi que sur l’existence d’« intraduisibles »
du genre (« care », « queer », etc.). Dans ce cadre, on peut avoir recours aux critiques
décoloniales adressées à l’hégémonie de certaines approches, révélée ou renforcée par
la circulation de certains termes dans différents contextes ou encore s’intéresser à la
réappropriation politique et émancipatrice de certains mots dans de nouveaux
contextes, pour en comprendre les motifs et les enjeux. Par exemple, comment la
reprise du terme « queer » dans les mouvements féministes français contemporains
permet-elle de construire de nouveaux discours et de nouveaux espaces, tout en
rencontrant et renouvelant des problématiques déjà présentes ? De même, que
signifie et que permet la réappropriation sans traduction du terme « safe » dans des
collectifs militants, pour caractériser leur volonté de créer des espaces qui ne
reproduisent pas à l’identique les rapports de domination et les normes
hégémoniques ?
condition sociale (en tant que, par exemple, personne assignée femme à la naissance,
on peut avoir une connaissance « par corps21 » de l’hétérosexisme) et l’idée que ce
même savoir est à élaborer et à construire en adoptant une certaine position (par la
« prise de conscience » de la domination, par la création de solidarités et d’identités
de lutte) ? Il parait important à la fois de reconnaitre ces deux aspects, et de ne pas
les opposer comme, deux étapes distinctes de vie. L’autre difficulté est qu’il existe à la
fois un enjeu à ramener le savoir aux sujets qui le produisent, et en même temps un
enjeu à critiquer l’existence d’un « sujet » qui serait un individu isolé, auteur
conscient et volontaire de ses actes, de ses discours et de son savoir. Tout cela pose la
question de la manière dont on peut écrire pour visibiliser et mettre en œuvre, dans
l’écriture elle-même, cette multiplicité et ces devenirs dans lesquels nous sommes
pris. Comme l’écrit bell hooks : « J’ai travaillé à changer la façon dont je parle et
écris, pour incorporer à ma manière de dire un sens de la place/du lieu, de ce que je
suis non pas seulement au présent mais de l’endroit d’où je viens, les multiples voix
qui sont à l’intérieur de moi22. »
15 Ainsi, la notion de savoir situé implique de mettre en avant la circulation des
idées : sur le plan de la critique des savoirs dominants, cette notion conteste le
monopole du savoir, revendique la pluralité, l’hétérogénéité de savoirs locaux ou
minoritaires ; et sur le plan de la production de savoirs « émancipateurs », elle
implique de penser la production de savoir sans recourir à des sujets autonomes et
isolés, mais à plusieurs processus dans lesquels nous sommes pris·e·s
simultanément : la construction de notre perspective sur le monde, la création de
solidarités et d’échanges qui nous renforce, et l’ouverture radicale à d’autres
perspectives, qu’elles soient en « nous » ou hors de « nous ».
circulation. Il est aussi possible de se demander si la circulation est le fait des acteurs
et actrices ayant une « homologie de position » avec les producteurs de la théorie.
18 Il est aussi intéressant de questionner l’idée d’une « imposition » des idées et des
savoirs : cette idée sous-entend une passivité des récepteurs des textes. Le renouveau
des études sur les catégories dominées, que ce soit avec les cultural studies ou les
subaltern studies par exemple, montre bien que les acteurs et actrices dominé·e·s23
conservent aussi une certaine marge de manœuvre et une distance face aux rôles qui
leur sont imposés par les catégories et les théories dominantes. Il semble donc qu’il
faut tenter de sortir de cette vision qui sous-entend une réception pouvant être
qualifiée de « passive », alors qu’au contraire toute réception est aussi active dans le
sens où elle entraîne une réadaptation. Après, il est évident du point de vue
sociologique que toutes les catégories de population n’ont pas le même pouvoir (ni les
mêmes ressources) d’imposition d’une idée et que les dominant·e·s souhaitent
imposer une « vision et division » du monde social. Les études sur les circulations des
idées permettent justement de mesurer cela. On peut utiliser le terme de traduction
pour parler de ce phénomène. Comme le souligne Pierre Bourdieu, « Le fait que les
textes circulent sans leur contexte, qu’ils n’emportent pas avec eux le champ de
production […] dont ils sont le produit et que les récepteurs, étant eux-mêmes insérés
dans un champ de production différent, les réinterprètent en fonction de la structure
du champ de réception, est générateur de formidables malentendus24 ». La question
qui se pose alors est celle de la traversée des frontières et de l’état de l’espace de
traduction. Celle-ci fait écho au sens étymologique du terme de traduction. En effet,
ce dernier prend deux sens, le premier qui correspond à la traduction d’une langue à
l’autre ; le second qui correspond au déplacement d’un espace à un autre25. Poser la
question de la traduction va alors de pair avec la volonté de faire une histoire des
usages d’un mot ou d’une formule26. Les mots et les concepts ont une histoire, et
peuvent connaitre des évolutions sémantiques27. Ainsi, étudier les transformations
sémantiques du terme « postcolonial » depuis les années 1960 permet de dégager les
grandes tendances d’usage à la fois de manière synchronique et diachronique et
confirme l’expansion du terme postcolonial après le milieu des années 2000, l’année
2005 étant une année charnière dans cette évolution. L’étude de l’usage d’un terme
permet de mettre en évidence non seulement la proximité du terme avec d’autres
mais aussi de déterminer les espaces d’usage de ce terme (dans quel type de
publication, par quels auteurs et autrices). Comprendre les usages des termes et leurs
évolutions sémantiques permet alors de mieux appréhender les conditions de
circulation de ces théories et également les usages sociaux différenciés qui en sont
faits. Ainsi comme Wiebke Keim le souligne, la traduction dans les sciences sociales
doit « affronter trois registres de distance » : « l’étrangeté », l’« odeur du temps » et
la distance « interculturelle »28.
19 Toutefois, s’intéresser aux lieux de l’usage nécessite de s’intéresser à l’état du
champ académique, qui est l’espace de réception privilégié de ces théories critiques.
Dans un rapport critique au champ académique, les prises de position, l’organisation
de cet espace ne sont pas le fruit d’une forme de méritocratie qui verrait les
« meilleur·e·s » agent·e·s dominer le champ, que ce soit de manière symbolique,
économique ou culturelle29. Ces positionnements sont le résultat de trajectoires
antérieures (et notamment de dotations en capitaux auxquelles sont associées des
luttes stratégiques pour la reconnaissance). La production scientifique n’est jamais
exempte d’une inscription sociale, et en cela l’idée d’un savoir situé telle que la
développe Maria Puig de La Bellacasa30 en poursuivant l’analyse de Donna Haraway
est intéressante si l’on donne à l’analyse une dimension sociologique forte. L’étude de
la circulation des idées souligne l’importance des passeurs ou des traducteurs d’un
Conclusion
25 Cet article, fruit d’un dialogue entre une sociologue et une philosophe sur leurs
objets et leurs pratiques de recherche, propose une approche pluridisciplinaire de la
production et de la circulation des savoirs. Nous avons tenté de montrer qu’il était
possible d’analyser ces phénomènes au-delà de la simple différenciation entre
sociologie et philosophie. En prenant l’exemples de nos propres recherches sur le
postcolonial et le féminisme, en discutant les théories, méthodes et concepts que
nous mobilisons, nous avons mis en évidence la manière dont ces outils critiques
politisent la question du savoir, et viennent interroger le champ académique, le
partage disciplinaire et le partage entre science et militantisme.
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2 SAID Edward, Des intellectuels et du pouvoir, Paris, Seuil, 1996.
3 VAN DAMME Stéphane, « De la vie de laboratoire à la théorie du cyborg », L’homme, n° 187-
188, 2008, p. 393-412.
4 Discours ayant lieu lors de l’inauguration du Frankreichzentrum de l’université de Fribourg
le 30 octobre 1989 publié sous forme d’article : BOURDIEU Pierre, « Les conditions sociales de la
circulation internationale des idées », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 145,
2002, p. 3-8.
5 L’actualité et la légitimité de ce thème de la circulation sont incarnées notamment par sa
mise au concours de l’agrégation d’histoire en 2012 et 2013 sous la forme « Les circulations
internationales en Europe (1690-1780) ».
6 ETTINGER Delphine et STAMPNITZKY Lisa, « Experts, Etats et théorie des champs. Sociologie de
l’expertise en matière de terrorisme », Critique internationale, vol. 59, n° 2, 2003, p. 89-104.
7 RIOUFREYT Thibaut, « Les passeurs de la “Troisième Voie”. Intermédiaire et médiateurs dans
la circulation transnationale des idées », Critique internationale, vol. 59, n° 2, 2013, p. 33-46.
8 Sur ce point, voir la récente publication de l’ouvrage de synthèse : SKORNICKI Arnault et
TOURNADRE Jérôme, La nouvelle histoire des idées politiques, Paris, La découverte, 2015 ;
MATONTI Frédérique, « Plaidoyer pour une histoire sociale des idées politiques », Revue
d’histoire moderne et contemporaine, vol. 59-4bis, n° 5, 2012, p. 85-104 ; HAUCHECORNE
Mathieu et MATONTI Frédérique, « Actualité de l’histoire sociale des idées politiques », Raisons
politiques, vol. 67, n° 3, 2017, p. 5-10.
9 PUDAL Romain, « De l’histoire des idées politiques à l’histoire sociale des idées politiques », in
Les formes de l’activité politique. Eléments d’une analyse sociologique XVIII-XXe siècle, Paris,
PUF, 2011, p. 185-192.
10 La notion de passeurs est utilisée notamment par Serge Gruzinski et Louise Bénat Tachat
dans leur ouvrage Passeurs culturels mécanismes de métissage. D’autres termes sont
également utilisés comme celui d’homme-double dans la continuité des travaux de Christophe
Charle, d’intermédiaire, de médiateur. GRUZINSKI Serge et BÉNAT TACHAT Louise, Passeurs
culturels mécanismes de métissage, Paris, Marne-la-Vallée, Éditions de la Maison des Sciences
de l’Homme, 2002.
11 Le langage ordinaire, c’est le langage de tous les jours par opposition avec le langage
philosophique, logique, scientifique, etc.
12 C’est la « performativité » du langage (AUSTIN John Langshaw, How to do things with
words, Oxford, Oxford University Press, 1962).
13 Voir par exemple VIENNOT Eliane, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite
histoire des résistances de la langue française, Paris, iXe, 2014. Et DELPHY Christine, Classer,
dominer – Qui sont les « autres » ?, Paris, La Fabrique, 2008.
14 On peut penser aux énoncés apparemment descriptifs qui sont en réalité des injonctions
normatives, comme « Les petites filles sont plus sages que les garçons ». On se réfère ainsi à la
dimension à la fois discursive et corporelle de la « performativité du genre » telle qu’elle a été
analysée par Judith Butler (BUTLER Judith, Trouble dans le genre, traduit de l’américain par
Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2005).
15 Voir par exemple : GÉRARDIN-LAVERGE Mona, « “C’est en slogant qu’on devient féministe” -
Hétérogénéité du genre et performativité insurrectionnelle » in Semen, Revue de sémio-
linguistique des textes et des discours, n° 44, Besançon, Presses Universitaires de Franche-
Comté, 2018, p. 81-109.
16 Le concept d’agency a été mobilisé, en sciences sociales et notamment dans le champ des
cultural studies, pour échapper au dualisme déterminisme/liberté, et travailler plutôt sur les
pratiques de transformation ou de reproduction de l’ordre social par des agent·e·s — qui ne
sont pas des « sujets » au sens philosophique traditionnel du terme. La traduction du terme
n’est pas évidente, comme le soulignent par exemple Charlotte Nordmann et Jérôme Vidal
dans l’avertissement de traduction au début du Pouvoir des mots de Judith Butler : illes font
ainsi le choix de la traduction par « puissance d’agir » » agentivité », « agencéité » sont trop
« scientifiques » pour permettre réappropriation politique des termes. (BUTLER Judith, Le
pouvoir des mots : politique du performatif, traduit de l’américain par Charlotte Nordmann,
Paris, Amsterdam, 2004, p. 14-15)
17 HARAWAY Donna, « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the
Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, 14(3), 1988, p. 575-599. Trad. in Manifeste
cyborg et autres essais –Sciences, Fictions, Féminisme, anthologie établie par Laurence
Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Paris, Exils Editeurs, 2007.
18 HARDING Sandra (éd.), The Feminist Standpoint Theory Reader –Intellectual and Political
Controverses, New-York, Routledge, 2004.
19 Ayant montré le rôle du langage dans la construction et le maintien du patriarcat et des
normes de genre, on choisit d’utiliser le langage inclusif et des graphies féministes qui
« queerisent » le langage (ille, auteur·e, etc.), mettent en question la prétendue nécessité du
binarisme de genre dans la langue et qui abolissent la règle selon laquelle c’est « le masculin
qui l’emporte » enseignée à l’école et fermement défendue par l’Académie française.
20 PUIG DE LA BELLACASA Maria, « Divergences solidaires » Multitudes, n° 12, 2003, p. 39-47.
21 Expression empruntée à BOURDIEU Pierre, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 2003,
p. 203-204.
22 hooks bell, « Choosing the margin as a space of radical openness », in HARDING Sandra (éd.),
The Feminist Standpoint Theory Reader –Intellectual and Political Controverses, New-York,
Routledge, 2004, p. 153-159.
23 On comprend ici les termes de dominés et de dominants dans une logique bourdieusienne.
Les dominants du champ étant ceux qui cumulent l’ensemble des capitaux : symbolique,
économique, culturel qui leur permettent d’imposer une » vision et division du monde social ».
Au contraire, les dominés ne possèdent pas les ressources valorisées par le champ et se voient
imposer « une vision ou division du monde » légitime. Cette domination peut être la
domination d’acteurs mais elle peut également être la domination d’objet. Ainsi, par exemple
l’objet « immigration » a longtemps été dominé dans l’espace sociologique français face à un
objet « économique » toujours central.
24 BOURDIEU Pierre, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées »,
op. cit., p. 4.
25 Pascale Casanova met en évidence les précautions à prendre avec le terme « traduction »
comme « notion-écran qui empêche de repérer et de comprendre les enjeux réels de la
circulation internationale des textes littéraires ». L’idée de traduction va de pair avec celle
« d’échange inégalé ». CASANOVA Pascale, « Consécration et accumulation de capital littéraire.
La traduction comme échange inégal », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 144,
n° 4, 2002, p. 7-20.
26 KRIEG-PLANQUE Alice, La notion de « formule » en analyse du discours. Cadre théorique et
méthodologique, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2009.
27 DUFOIX Stéphane, La dispersion. Une histoire des usages du mot Diaspora, Paris, Éditions
Amsterdam, 2011.
28 KEIM Wiebke, « La circulation internationale des savoirs en sciences sociales », Revue
d’anthropologie des connaissances, vol. 10, n° 1, 2016, p. 1-41.
29 Pour une analyse sur la construction sociale de la neutralité voir : LEBARON Frédéric, « Les
fondements sociaux de la neutralité économique. Le conseil de la politique monétaire en
France », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 116-117, 1997, p. 69-90.
30 PUIG DE LA BELLACASA Marie, Politiques féministes et construction des savoirs. « Penser nous
devons » !, Paris, L’Harmattan, 2013.
31 POCOCK John, Le moment machiavélien. La pensée politique florentine et la tradition
républicaine atlantique, traduction de Luc Borot, Paris, PUF, (1975) 1997.
32 En reprenant le vocable utilisé par Kil Ho Lee dans sa thèse de doctorat, KIL HO Lee, Les
« revues intellectuelles ». La construction sociale d’un espace intermédiaire. Thèse de
doctorat, Université Paris X Nanterre, 2009.
33 COLLIER Anne-Claire, « Le passage en revue du postcolonial », Revue d'anthropologie des
connaissances, vol. 11, n° 3, 2017, p. 245-262.
34 On peut étudier le « rejet » des études postcoloniales en utilisant comme source les
recensions des ouvrages. Il s’agit alors de comprendre dans quels espaces certains ouvrages
sont bien accueillis, alors que dans d’autres ils vont être critiqués avec virulence. De ce point de
vue, on peut faire l’hypothèse qu’une absence de recension sur un ouvrage est également
porteuse d’enseignement sur l’accueil fait à ces théories. Dans une histoire des sciences, il
semble intéressant de laisser autant de place aux théories qui ont réussi à s’imposer qu'aux
théories qui ont échoué ; comprendre cet échec permet d’illustrer un rapport de pouvoir au
sein de l’espace de production intellectuel.
35 HILL COLLINS Patricia, « The social construction of Black feminist thought », Signs,
vol. 14, n° 4, 1989, p. 745-773. Traduit dans DORLIN Elsa, Black Feminism, Anthologie du
féminisme africain-américain, Paris, L’Harmattan, « Bibliothèque du féminisme », 2007.
36 Plus sp, L’Hauement : cette démarche renvoie à celle élus sp, L’Hauement : cetteLaverge
dans son travail de thl de
37 RICH Adrienne sur la « femme-alibi » dans sa conférence d'ouverture de 1979 intitulée
« Qu’est-ce qu’une femme a besoin de savoir ? » et prononcée au Smith Collège, Northampton,
Massachussets.
38 MOHANTY Chandra Talpade, « Sous le regard de l’occident », in DORLIN Elsa (dir.), Sexe,
Race, Classe, Pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, 2009, p. 171-202.
References
Electronic reference
Mona Gérardin-Laverge and Anne-Claire Collier, “Circulation et production des
savoirs.”, Terrains/Théories [Online], 11 | 2020, Online since 19 June 2020, connection on 30
October 2023. URL: http://journals.openedition.org/teth/2588; DOI:
https://doi.org/10.4000/teth.2588
Mona Gérardin-Laverge
Docteure en philosophie
Anne-Claire Collier
Docteure en sociologie
Laboratoire Sophiapol
By this author
Où se trouve le global… [Full text]
Published in Terrains/Théories, 5 | 2016
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