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La déforestation à Essaouira : une rupture apparente entre le développement


urbain et l'équilibre du milieu naturel

Article · February 2023

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Abdelmajid Hilal
Cadi Ayyad University
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61
Tableau des matières

Le Programme de développement territorial durable des oasis du Tafilalet : du stratégique à l’opérationnel ?

Asmae BOUAOUINATE et Mohamed ANEFLOUSS………………………..……............................................... 5

Les émigrés de la vallée du Todrha à l’étranger : acteurs associatifs dynamiques

NAIM Mohamed et EL MAKNISSI Abderrafie ………………………………………………………...….21

Les centres ruraux émergents, vers une stratégie du développement territorial : cas des communes

rurales du bassin versant de Tazarine (province de Zagora)

El araby Abdelaaziz & El Adib Mohamed……………………...................................................................... 31

Les subéraies atlantiques et leurs espaces periforestiers: problématique de dégradation et possibilités de

l’élaboration d’une stratégie participative de développement durable

Nadia MACHOURI, Abdellah LAOUINA, Mohamed SFA……...……………………….………………..41

Démographie, Urbanisation et Politique de la ville à Safi

KOBB Mohammed, FARHAT Hassan …………………………………………………………………..…53

La déforestation à Essaouira : une rupture apparente entre le développement urbain et l'équilibre

du milieu naturel

HILAL Abdelmajid, OUADRIM Mostafa, DOGHMI Driss………………………………………………..63

Risques climatiques et leurs incidences sur l’agglomération de Fès

Abdelhamid JANATI IDRISSI ,Abdelghani GARTET , Abdelkrim DAOUD, Jaouad GARTET,

Mohamed ERRAFIK, Mohamed EL FENGOUR………………………………………………………… .81

La planification communale : un outil d’animation du territoire. Cas du Programme d’Appui

à la Planification Communale (PAPCO), de l’Agence de développement social (ADS)

DAHBI Samir………………...……………………………………………………………………………..91

Le développement des ports marocains face aux changements su système du transport maritime

mondial des marchandises

H. EL-MAHDAD et A. ELOUIDANI………………………..……..................................................................103

La modélisation de l’érosion hydrique au niveau du bassin versant de RERHAYA (zone semi-aride)

ELALAOUI EL FELS Abdelhafid, GOURFI Abdelal, LOKRIFA Abdeljalil, OUCHALA

Miloud………………………..……................................................................................................................115

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La déforestation à Essaouira : une rupture apparente entre
le développement urbain et l'équilibre du milieu naturel

Hilal Abdelmajid1, Ouadrim Mostafa2, Doghmi Driss3

Introduction
Le domaine forestier d’Essaouira couvre 43% du territoire de la province. Cette superficie
est occupée par des essences forestières différentes dont l’Arganier (49,8%) et le thuya (35%).
La forêt d’Essaouira reste soumise à un climat irrégulier et sujet à des perturbations
fréquentes amplifiant sa diversité et entraînant une certaine fragilité. Cette situation se
complique davantage par l’extension des activités humaines en forêt telles que l’urbanisation, la
coupe du bois, le pâturage, les incendies…qui se traduisent impérativement par le recul du
couvert forestier.
Au cours des dernières décennies, la ville d'Essaouira trouve son extension et le
développement de ses activités dans l’écosystème forestier périphérique qui renferme une faune
et une flore très diversifiées, en plus de son rôle fondamental dans la stabilisation et la fixation
des dunes. Cet étalement urbain est devenu le danger numéro un de la déforestation de ce
paysage en raison des choix d’aménagement et de développement urbain.
Concilier les fonctions fortes et interdépendantes de la forêt littorale d’Essaouira, en
établissant des recommandations adaptées et opérationnelles, pour répondre aux attentes
actuelles et futurs de la société locale d’Essaouira en matière de développement urbain durable,
constitue l’enjeu majeur de cette étude.
1- Caractéristiques générales de la ville d’Essaouira et sa périphérie
1-1 Position géographique
La ville d’Essaouira est le chef lieu de la province, elle est limitée au nord par la province
de Safi, au sud par la wilaya d’Agadir et la province de Taroudant, à l’est par la province de
Chichaoua et à l’ouest par l’Océan Atlantique.
Faisant partie de la région de Marrakech Tensift Al Haouz, la province d’Essaouira est
située dans la partie ouest du grand Atlas et s’étend sur une superficie de 6335Km 2. Elle
représente donc 16.5% de la superficie de la région de Marrakech Tensift Al Haouz et 0.9% de
l’ensemble du territoire national. La province est dotée d’une façade atlantique de 152Km.
Il s’agit d’une zone quasi montagneuse accidentée au sud où le point culminant atteint
1400m d’altitude et qui est dominée au nord par des micro-plaines entrecoupées de collines.
La province d’Essaouira s’étend sur deux unités morphologiques majeures : le bassin de
Chichaoua-Essaouira et le Haut Atlas occidental. Le premier est constitué d’un immense
plateau, le second est caractérisé par l’existence de collines modelées par un réseau
hydrologique constitué essentiellement par l’oued Ksob.
Le territoire de la province est donc très varié, mais globalement il reste caractérisé par la
rareté des terres agricoles et la faiblesse des ressources en eau de surface. Mais, malgré ces
handicaps naturels, ce territoire est marqué par l’avantage « potentiel » que lui procure sa
proximité par rapport à Marrakech, Agadir et Safi. Toutefois, il n’est pas encore arrivé à tirer
partie de cet avantage en raison du problème de l’enclavement et de son relatif éloignement des

1- Enseignant-chercheur, FLSH Marrakech, hilal.abdelmajid2018@gmail.com


2- Enseignant-chercheur, FLSH Mohammedia, ouadrim11@gmail.com
3- Doctorant, FLSH Mohammedia, drissdoghmi@yahoo.fr

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principaux axes routiers, comme cela avait été confirmé par Troin.J-F 4: Essaouira reste encore
une « ville en isolat », le massif dunaire qui l’entoure, la forêt, le passage à distance de l’axe
routier Safi-Agadir, un arrière pays pauvre l’ont handicapée dans son affirmation comme centre
régional.
Cette situation tend à s’inverser avec les grands projets que connaît la ville et sa région
depuis une décennie à savoir l’ouverture de l’aéroport international et le flux important de
touristes étrangers, l’implantation d’un grand nombre de projets touristique (golf, complexe
touristique et résidentiel, station balnéaire Mogador et différents hôtels de 3 à 5*, le
dédoublement de la route reliant Essaouira et Chichaoua et le passage de l’autoroute Tanger-
Agadir au niveau de Chichaoua.
1-2 Localisation de l’aire d’étude
L’aire d’étude correspond à la zone SIBE "Dunes d'Essaouira". Ce SIBE est identifié par
le Ministère Chargé des Eaux et Forêts suite à une étude menée en 1995, et qui a identifiée en
plus 159 autres SIBE qui constitueront le futur réseau des parcs nationaux et réserves naturelles.
Cet espace, d'environs 11.000 hectares, occupe toute la frange côtière au nord et au sud de la
ville d'Essaouira. Ses limites passent au sud par le douar de Ouassen Sidi Harraz (à côté de Cap
Sim) dans la limite Sud du périmètre urbain d’Essaouira, et rentrent dans le territoire de 7 km
environ à partir de la côte, et d'autres 7 km à partir du casque urbain d'Essaouira, et finalement
passent au nord à 7 km de la ville d'Essaouira (Fig. 1).
Au niveau administratif, la zone d’étude se situe dans le territoire de la commune urbaine
d’Essaouira (90%) et les communes rurales de Moulay Bouzerktoune et Ounagha au nord et
Sidi Kaouki au sud (10%).
Fig.1 : Localisation de la zone d’étude.

4
- Troin. J-F (2003) : « Dynamiques des réseaux urbains et nouvelles armatures régionales au Maroc ». In Revue de
Géographie du Maroc, n° 1-2, volume 21, nouvelle série, p 29.

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1-3 Caractéristiques climatiques
Le climat de la zone côtière d’Essaouira est d’un type extrêmement original et particulier,
car cette zone littorale est placée à la conjonction du courant marin froid des Canaries et des
alizés issus de l’importante cellule anticyclonique des Açores. En règle générale les alizés frais
et humides du nord-est, suivent cette portion du littoral atlantique sans jamais y pénétrer, à
l’exception de la zone du cap Sim au sud de la ville d’Essaouira du fait de sa configuration.
Ces caractéristiques donnent à Essaouira et son hinterland un climat marqué par une
température moyenne très homogène pendant l'année, elle se situe autour de 16.7°C, avec un
écart relativement faible entre les températures moyennes du mois le plus chaud et du mois le
plus froid. La pluviométrie annuelle est comprise entre 260mm et 300mm, néanmoins
l’humidité est très forte particulièrement durant les mois les plus chauds avec une moyenne
annuelle de 83%. La vitesse du vent est très élevée et atteint un premier maximum en avril et un
maximum annuel en juillet (7,1 m/s)5, ces vents proviennent fréquemment du NNE et parfois
NE.
Ceci se traduit au niveau de la végétation, par des sélections naturelles très particulières et
adaptées à ces conditions, évoluant sur du sol caractérisé par la présence de dunes mobiles, semi
mobiles et d'anciennes dunes fossiles faisant apparaître des sols dunaires, des sols de grès et de
calcaire.
1-4 La démographie et l’activité anthropique
La population totale de la zone d’étude est d’environ 92000 habitants regroupés autour de
20461 ménages, ce qui donne une taille moyenne de 4.5 habitant/ménage, taille faible par
rapport à la moyenne nationale qui est de 6.1 habitant/ménage.
La ville d’Essaouira connaît un essor démographique important puisque le taux
d’accroissement atteint 2.2% contrairement à My Bouzerktoune où le taux n’est que de 0.1%.
Ceci s’explique par un exode rural important que connaît cette commune puisqu’elle se trouve
limitrophe à la zone urbaine où les opportunités de travail dans divers secteurs sont importantes.
En termes d’évolution la population de la ville Essaouira est passée de 15000 habitants en 1936
à 70000 en 2004.
Fig. n°2 : Evolution de la population de la ville d’Essaouira de 1936 à 2004.

Source de données : Escalier R. (1974) & RGPH

Grâce à ses paysages, ses atouts naturels, historiques et culturels, Essaouira a connu un
développement du tourisme et d’écotourisme remarquable durant les dernières décennies.

5
- Daoudi L., Flor Rodriguez G., Ben Ali A., Lharti S., Elmimouni A. et El Mouatez A. (2009) : « Le littoral
d’Essaouira entre dégradation naturelle et actions anthropiques ». In Revue de Géographie du Maroc, n° 1-2,
volume 25, nouvelle série, p 118.

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Avec ses vents forts fréquents pendant les six mois entre mars et septembre, elle est
devenue aussi une partie du circuit international de la planche à voile et se fait connaître sous le
nom de «Wind City Afrika».
Cet essor du tourisme a induit le développement d’autres activités, notamment artisanale.
Dans ce contexte le commerce du thuya, travaillé en marqueterie principalement mais aussi en
ébénisterie, a pris une ampleur sans précédent. En effet, la marqueterie en bois de thuya occupe
une place de choix dans les principales activités du secteur de l’artisanat qui compte environs
7600 artisans dans le territoire de la commune urbaine d’Essaouira. Cette dernière présente
d’importants taux annuels de croissance dans toutes les branches de l’artisanat sans doute
provoquée par l’activité réduite de l’industrie. Le quartier industriel existe même s’il n’est plus
dans sa vocation originelle. Ainsi le traitement industriel du poisson a pratiquement disparu et
les bâtiments désaffectés sont occupés par de nombreuses activités artisanales dont les artisans
du bois. Par ailleurs avec le développement du tourisme, le commerce de l’arganier a pris une
ampleur sans précédent.
En parallèle de la croissance démographique et la dynamique des activités anthropiques, la
ville a connu une extension spatiale vers l’Est.
2- la ville d'Essaouira a toujours développé une relation de cohabitation avec les
écosystèmes dunaires
2-1 La ville de Mogador et la forêt de genévrier : un lien d’équilibre et de coexistence
depuis le XVIIème siècle
La ville d’Essaouira était crée en 1760 en bordure même de l’océan atlantique, a son
origine, elle était entourée du côté des terres (Est), par une forêt dense de genévriers de 14000
hectares, prolongée elle-même par des massifs forestiers de thuya et d’Arganier s’étendant à
l’Est et au Sud sur 300.000 hectares.
La forêt de genévrier constituait une source d’approvisionnement intensif en matière du
bois pour la construction de la ville en tant que base navale comme l’a désignée le Sultan Sidi
Mohamed Ben Abdellah, permettant de faciliter le contrôle de la partie méridionale du pays et
de dynamiser les échanges commerciaux et diplomatiques avec l’extérieur notamment avec
l’Europe. Mais cette exploitation en fut menée sans appliquer aucune règle sylvicole, en se
contentant de couper les arbres donnant les poutres les plus intéressantes. C’est ainsi que l’on
trouve au quartier El Malleh à Essaouira des vieilles maisons, dont la charpente et même
l’ossature des murs, sont constituées par d’énormes poutres de genévrier (photo1).
Photo n°1 : Les toits des maisons sont faites par du bois de genévrier.

A ces exploitations massives inconsidérées s’ajoutèrent les abus de pâturage par les
riverains, qui développèrent leurs troupeaux (pour la production de viande et du lait) en les
nourrissant traditionnellement dans la forêt limitrophe.

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C’est de cette manière qu’au début du 20 siècle, la forêt de genévriers a complètement
disparu dans un rayon de 8 à 15 km, excepté quelques isolats résiduels 6.
2-2 Naissance du phénomène d’ensablement et processus de fixation des dunes
Cette situation de déforestation indiquée ci-dessus n’aurait aucune conséquence grave si
un phénomène inattendu n’était venu compliquer la situation. En effet, la côte est formée de
bancs de rochers calcaires friables qui, sous l’action des vagues, donnant naissance à du sable
lequel est poussé vers l’intérieur des terres par un vent très violent et presque continu.
Dans ces conditions, les sables provenant de l’érosion marine sont constamment poussées
vers les terres où ils s’accumulent en dunes importantes. Ces dernières furent constamment en
mouvement sous l’action des ventes du Nord.
Après la déforestation de la forêt de genévrier, qui empêchait le vent de s’exercer au sol,
engendrait des routes toujours coupées et recouvertes par les dunes de sable mouvant.
Ainsi, devant cette situation d’ensablement, pour se rendre à Essaouira, il fallait alors
abandonner les voitures et continuer sa route par caravane de chameaux sur 10 km 7.
Déjà en 1765, date de fondation de la ville, ces dunes étaient présentes, mais l’exploitation
excessive du bois pour la construction de la ville, ainsi que le pâturage et autres abus avaient
accéléré la déforestation, ce qui a laissé libre Court au développement et à l’accumulation
massive des sables autour de la ville.
Par la suite, au début du XIXè, ces dunes allaient former un véritable « petit Sahara»
autour de la ville. Au XX siècle, devant l’ampleur de ce désastre qui avait commencé à inquiéter
sérieusement le devenir de la ville, le protectorat français, par le biais du service des Eaux et
Forets, entreprenait des travaux de fixation de ces dunes. Ces travaux allaient s’échelonner sur
40 ans, soit de l’année 1918 jusqu’au début des années 1960. En 1960, l’ensemble de l’aire
dunaire fut fixé grâce au reboisement moyennant des plantes telles que les tamarix, les lotiers,
les retems, les genévriers, les thuyas, les acacias et mimosas.
Photos n°2 : La situation décrite au début du protectorat (1914) est telle que l’accès à la ville est devenu
pratiquement impossible.

Source : Archives du Service Provincial des Eaux et Forêts d’Essaouira.


Au début du protectorat l’accès à la ville allait devenir impossible, et pour face à ce
phénomène d’ensablement, de gros efforts ont été déployés et d’importants travaux engagés
pour l’aménagement des dunes sous l’égide du Brigadier Chef Dupuy, puis par l’inspecteur

6
- Simone C. (1996) : « Essaouira : naissance d’une ville et impact de ses activités sur le milieu ». In Impact de
l'homme sur les milieux naturels, Perceptions et Mesures, 7èmes journées scientifiques de la S.E.H., Aix en
Provence, 19-20 mai 1995, Travaux de la Société d’Écologie Humaine, édition de Bergier, p 119.
7
- Sulzlee C. (1963) : « Les dunes d’Essaouira », In Revue forestière française, n° 5, publication de l’école nationale
du génie rural, des eaux et des forêts, Nancy, p 402.

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Watier, que l’on fit venir de la région de Bordeaux en 1915 et qui a entrepris les travaux
similaires dans les dunes Rondaises du Sud-ouest de la France.
Après la guerre mondiale (1914-1918) l’affectation de l’inspecteur Watier à Essaouira, a
donnée une nouvelle impulsion aux travaux de fixation des dunes. Pour trouver des matériaux
de fixation, on recépa les premières années 30000 hectares de la forêt voisine, on mobilisa « une
armée » de 700 hommes et «une flotte» de 250 chameaux pour couper, transporter et mettre en
place les matériaux de couverture du sable 8.
En 1931, date à laquelle une brochure officielle fit le point des travaux réalisés, 30% de la
surface des dunes d’Essaouira était fixée et les résultats économiques attendus de la fixation
étaient pleinement réalisés.
En effet, le service des travaux publics avait pu construire au milieu des anciennes dunes
de sable une nouvelle route reliant directement Essaouira à Marrakech par l’itinéraire le plus
direct et qui est encore en service jusqu’à nos jours.
Sur le plan forestier, 5500 hectares étaient fixés, 3000 environ étaient boisés soit 2000
hectares de genévriers purs (à l’Est).
En 1962, les dunes de sables mouvants d’Essaouira sont devenues en un demi-siècle un
périmètre forestier protégeant efficacement la ville et ses communications, constituant une
réserve naturelle, caractéristique de la flore littorale de l’Atlantique.
En 1986, sur les 11744 hectares d’anciennes dunes, 11444 ha environ ont été fixées, dont
6672 ha reboisés en Acacia et Eucalyptus, dans le but de produire du bois et des produits
annexes et 4772 ha en genévrier rouge9.
2-3 Aperçu sur les groupements végétaux et leurs rôles dans la stabilisation des
écosystèmes dunaires
Les dunes atlantiques de la ville d’Essaouira sont des espaces naturels remarquables, mais
elles sont aussi particulièrement fragiles. Le substrat sableux qu’elles composent est loin d’être
idéal pour les plantes, pour vivre elles développent des stratégies variées pour pallier les
contraintes suivantes :
- la mobilité du sable, qui menace en permanence la plante d’être déchaussée, ou d’être
ensevelie.
- la pauvreté en apports nutritifs.
- le manque d’eau en surface, le sable étant extrêmement poreux et perméable, il ne peut
pas retenir l’eau douce.
- la salinité de l’eau des sols et des embruns qui sont chargés en fines particules de sel.
- les vents fréquents et parfois violents qui assèchent et agressent les tissus végétaux.
Les plantes, qui poussent dans ces conditions extrêmes et précaires, se sont adaptés à
l’aridité du milieu, contre les pertes d’eau par évapotranspiration. Cette adaptation se manifeste
par des réductions de l’appareil végétatif portant le plus souvent sur le limbe foliaire, celui-ci est
étroit et Cutinisé ou soyeux (poils) ou réduit à une écaille (juniperus phoenicea), à une épine
(Asparaguis acutifoluis) ou même inexistant (Ephedra fragilis).
La répartition de ces groupements présente quant à elle un double gradient :
- De l’océan vers l’intérieur des terres, les facteurs écologiques marins et éoliens imposent
une succession végétale allant des groupements halophiles vers les thermophiles, en passant par
la végétation psammophile.
- Du Nord au Sud, un gradient de précipitations fait que le déficit hydrique est nettement
plus marqué sur les dunes Sud moins stables que les dunes Nord d’Essaouira.
Les groupements végétaux sont groupés dans quatre séries de végétation : série à Rhus
albidus, série à juniperus phoenicea et Periploca laevigata, une série à juniperus phoenicea et
Rhus albidus et une dernière série à Tamarix canariensis.

8
- Sulzlee C. (1963) : Op.cit., p.p. 402-404.
9
- Allam M., Houmimyd A. (1990) : Etude de protection contre l’ensablement de la liaison routière entre Moulay
Bouzarktoun et Essaouira. Rapport du Service Forestier d’Essaouira.

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La végétation est le principal facteur naturel limitant les régimes de vent de forte
puissance qui sont à l’origine de processus intenses d’érosion et d’accumulation des sables.
Dans ce sens Nafaa R. l’avait à juste titre confirmée que la forêt constitue un écran qui protège
les sables des menaces de l’érosion10. En effet, elle joue un rôle déterminant dans la formation
du système dunaire côtier de la ville d’Essaouira. Elle a ainsi une vocation affirmée de
protection générale des milieux et des paysages : les massifs forestiers jouent un rôle clé dans la
genèse des faciès éco-morphologiques des dunes, source de rugosité, provoquent des
atterrissements.
La présence de végétation réduit le transport sédimentaire pour deux raisons principales :
-L’augmentation de la rugosité de la surface, ce qui réduit le flux de vent sur celle-ci.
-L’interception des grains en saltation ce qui agit comme une surface molle absorbant une
grande quantité d’énergie. Et par la même favorisant ainsi la sédimentation.
La colonisation végétale du champ dunaire influe sur la sédimentation et sur la formation
de typologies spécifiques de dunes. Ce sont des milieux originaux et diversifiés à forts enjeux
environnementaux et espaces convoités mais aussi fréquentés et appréciés.
3- Extension de la ville d'Essaouira et empiètement sur les massifs forestiers
3-1 Processus d’extension de l’urbanisation à Essaouira
L’étalement urbain de la ville d’Essaouira au détriment des dunes végétalisées, réside dans
la configuration de ces écosystèmes qui présentent des obstacles à son expansion.
Entre 1975 et 1984, la limite Est que constituait le boulevard Akaba sera dépassé pour la
première fois par plusieurs opérations de lotissements. C’est au cours de cette période que la
lagune 1, 2 et 3, le lotissement 4 et le programme social de la municipalité vont voir le jour.
De 1984 jusqu'à nos jours, la ville avait fait l’objet d’une série d’opération de lotissements
et de constructions réalisées pour la plupart à l’est du Boulevard Akaba, et qui dit Est dit dunes
végétalisées.

10
- Nafaa R. (2002) : Dynamique du milieu naturel de la Mamora : paléoenvironnements et évolution actuelle de la
surface. Publications de la FLSH Mohammedia, série thèses n°3, imprimerie Najah El Jadida, p 253.

69
Fig. n° 3 : Les phases du développement urbain d’Essaouira

Source: Hilal A. & Ouadrim M., 2013.


Il s’agit notamment des opérations Skala 1, 2 et 3, l’opération Borj 1 et 2, la lagune 4, les
opérations Erraounak et Almostaqbal avec ces nouvelles extensions, le boulevard Akaba n’est
plus un boulevard périurbain, il s’est progressivement converti en un axe principal qui structure
désormais l’urbanisation de la ville.
3-2 Contraintes foncières
Le foncier dans la ville d’Essaouira est caractérisé par la prédominance du statut forestier,
l’existence de terrains domaniaux et la faible part des terrains privés et Habous.
En effet, la ville est enserrée dans une enclave triangulaire limitée par la mer à l’Ouest, les
dunes à l’Est et Oued Ksob au Sud. En claire Essaouira ne dispose plus de terrains urbanisables
à l’intérieur du périmètre d’aménagement.
De ce fait, toute extension ne peut se faire que dans la partie Nord et Est, c'est-à-dire au
détriment des dunes stabilisées d’une part.
D’autre part, les dunes constituent un milieu naturel fragile qui présente des
caractéristiques particulières dont l’équilibre doit être préservé et qui est maintenu grâce à des
plantations d’un long effort d’aménagement, dont la rupture aurait des conséquences
difficilement maîtrisables.
En raison du déficit de l’assiette foncière évidente, l’administration compétente fait des
demandes de distraction du domaine forestier. Ces opérations restent assez onéreuses mais
contribuent, surtout, à affaiblir l’équilibre écologique de la zone.

70
C’est ainsi que des lotissements tous entiers ont été construits sur des zones non
aedificandi comme le cas des lotissements Erraounak et Azlef. Pour se soustraire aux servitudes
et aux orientations du plan d’aménagement, des dérogations ont été octroyées dans le cadre des
circulaires11 relatives aux dérogations par rapport aux orientations des documents d’urbanisme
homologués.
Le lotissement de la lagune, un autre exemple éloquent, a été réalisé sur un espace de
lagune qui, auparavant, présentait un intérêt écologique certain. Un autre exemple celui du
lotissement des dunes a été aménagé également sur un espace dunaire, ce qui constitue une
menace certaine pour les logements.
3-3 La déforestation persiste à Essaouira depuis des décennies
La manœuvre d’extension continue actuellement dans la partie Est de la route Essaouira-
Marrakech, plus précisément juste derrière les deux hôtels (Ryad Mogador et Ibis) prés de Sidi
Magdoul, par la création d’un nouveau projet de lotissement «Argana » sur une superficie de 40
hectares (photo 3).
Photos n°3 : Travaux d’aménagement du lotissement Argana sur les dunes Est.

Le milieu géographique de lotissement Argana était auparavant des dunes bien stabilisées
par des plantations d’Eucalyptus et d’acacia. Cet espace a subit un défrichement total, une
extraction de grandes quantités de sables. Puis des comblements par une charge solide (graviers)
et des arrosages excessifs pour pouvoir consolider la base.
En outre, une partie des dunes boisées Sidi Megdoul a été affectée, dans le plan
d'aménagement en vigueur, à des espaces verts publics 12. Mais dans la réalité, comme cela est
montré dans la photo n° 4, les choses sont autres.
Photo n°4 : Travaux de transformation d’une partie des dunes de sidi Magdoul en lotissements.

11
- Circulaires consécutives n° 254 du 12 février 1999, n°622 du 08 mai 2001 et n°3020 du 04 mars 2003.
12
- Direction d’urbanisme (2004) : Plan d’aménagement d’Essaouira, Règlement d’aménagement, p.p. 7-8.

71
En plus, juste à côté du projet lotissement Argana, des travaux d’aménagement par des
défrichements excessifs et d’extraction de sable pour un futur projet, d’une grande surface
commerciale de 4 hectares, sont en phase avancée (photo 5).
Photos n° 5 : Des opérations de défrichements et d’extraction du sable « projet labelvie ».

Le rythme de déforestation a connu une ampleur considérable dans les dernières


décennies: plus de 1050 ha ont été distraits au profit de la ville. Les statistiques officielles
reflètent la progression exponentielle des demandes d’occupation du domaine forestier (Fig. 4).
Fig. n° 4 : Evolution cumulée de la déforestation (hectare).

Source de données : Bulletins Officiels, CRI, Archives du Service Provincial des Eaux et Forêts.

Après une moyenne annuelle d’un hectare entre 1955 et 1994, le rythme de déforestation a
augmenté en se situant autour de 51 ha par an jusqu’en 2003. Une augmentation spectaculaire
sera enregistrée entre 2004 et 2011 avec une surface défrichée atteignant 70 ha/an.
Fig. n° 5 : Evolution du rythme annuel de la déforestation.

Source de données : Bulletins Officiels, CRI, Archives du Service Provincial des Eaux et Forêts.

72
L’augmentation de la déforestation notée depuis 1994 (fig.5) semble liée au
développement des activités touristiques dans la ville surtout après l’inscription de la médina sur
la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2001. Cette tendance est confirmée par la
prédominance des superficies qui ont été distraits au profit des projets touristiques (51%).
Fig. n° 6 : Répartition des surfaces distraites selon la nature des opérations (1955-2011).

Source: Bulletins Officiels, CRI, Archives du Service Provincial des Eaux et Forêts, Agence
urbaine.

3-4 Quelques aspects de la déforestation


3-4-1 Les délits de parcours et la coupe illicite de bois
La pression exercée sur le milieu forestier s’est accompagnée d’un pâturage traditionnel,
extensif et soutenu. Cet élevage pratiqué par les populations riveraines est majoritairement
caprin et ovin, mais aussi dans une moindre mesure bovin, chevalin et camelin. Ce pâturage,
difficilement contrôlable, dégrade la végétation et entraîne une redynamisation ponctuelle du
système dunaire par les piétinements du sol déjà fragile.
La proximité des dunes de la ville fait que la demande en bois est en recrudescence surtout
pour les fours et hammams mais aussi pour la fabrication des barques de pêches. Malgré un
rigoureux contrôle des délits de coupes sont constatés surtout pour le bois d’acacia, très sollicité
(forme courbée).
Selon les données des archives du centre de conservation et de développement des
ressources forestières d’Essaouira, le nombre de procès verbaux établis suite aux infractions des
délits entre 1993 et 2012 a atteint un total de 6361 PV réparti comme suit : délits parcours 4762
PV soit 75%, délits coupe de bois 1599 PV soit 25%.
3-4-2 Les Incendies
De l’analyse du bilan des incendies survenus en forêt dans la zone d’étude depuis 1999
jusqu’à 2011, il ressort une superficie totale endommagée de près de 8 ha. Ces sinistres quoique
peu significatifs de point de vue superficie représentent un risque sérieux pour l’environnement
forestier.
Tableau n°1 : Superficies de forêt atteintes par les incendies de 1999 à 2011.
Années 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 Total
Superficies
0,01 7,03 - 0,02 0,04 0,47 0,01 - 0,12 - - 0,28 0,04 08,02
incendies (Ha)
Source : Données des archives du centre de conservation et de développement des ressources
forestières d’Essaouira.

73
3-4-3 La Fragilisation des dunes et la remobilisation des sables
Les premières traces d’impacts négatifs de la déforestation, après les opérations de
terrassements ayant suivi le défrichement de la couverture végétale, se manifestent par des
mouvements et des dépôts de sables lesquels entravent et perturbent la poursuite de réalisation
des projets récemment installés (Photo 6). Ainsi d’autres facteurs naturels participent à ce
processus non comme déclencheurs mais plutôt comme des conditions favorables notamment le
vent et les dunes sensibles d’origine à l’érosion éolienne.
Photo n°6 : Envahissement des sables sur les pieds des murs des constructions en cours.

Parmi les autres formes de dégradation de ce milieu forestier engendrée par l’urbanisation
c’est la multiplication des points noirs de décharges en pleine forêt, notamment les déchets de
matériaux de construction (Photo 7). Ce qui nuit actuellement aussi bien à l’environnement
dunaire qu’à celui urbain.
Photos n°7 : Décharge de matériaux de construction en pleine forêt.

4- Quelle stratégie pour concilier entre le développement urbain et la conservation des


massifs forestiers ?
Vu la situation préoccupante du phénomène de la déforestation dans la zone périurbaine
d’Essaouira, certaines mesures méritent d’être prises pour assurer une gestion rationnelle du
patrimoine forestier indispensable à l’équilibre de l’environnement urbain et sa périphérie.
Ainsi, nous préconisons les mesures ci-dessous.
4-1 Adoption d’un système de zonage comme outil d’aide à la prise de décision
Les massifs forestiers dunaires ont une vocation affirmée de protection générale des
milieux et des paysages, ils jouent un rôle clé dans la genèse des faciès éco-morphologiques des
dunes, source de rugosité, provoquent des atterrissements.

74
La protection et l’assistance du tapis végétal spontané sont à la base de la gestion
conservatoire des dunes, il doit y avoir des formes d’équilibre qui doivent être établies entre les
flux d’énergie qui mobilisent les sédiments et la végétation qui les retient.
Le degré de contrôle de la dynamique dunaire sera très variable avec le niveau, le mode
d’occupation humaine et l’état de dégradation naturelle des groupements végétaux.
Ainsi, les principes de contrôle souple s’appliquent aux dunes « sauvages » à l’avant de
forêts non urbanisées. Les dunes « accueil » à proximité de la ville d’Essaouira doivent être
l’objet de mesures spécifiques de protection et d’organisation de la fréquentation.
L’aménagement à programmer pour ce milieu fragile doit adopter un système de zonage,
qui puisse par une gestion pluri-usages de l’espace, faire la distinction entre les niveaux de
protection des zones sensibles.
Fig. n° 7 : Conception d’un plan de protection des zones forestières sensibles.

Ce plan de zones forestières sensibles constitue une base de renseignements pour les
différents acteurs et intervenants dans la planification et la gestion de l’espace. Il permet le suivi
de l’évolution pour les secteurs particulièrement sensibles, et il est valable aussi pour
l’élaboration des documents d’urbanisme qui constituent une plate-forme pour la
programmation des nouvelles zones à ouvrir à l’urbanisation, mais si on veut bien sauver les
forêts sensibles il est important de les délimiter comme des zones non aiedificandi13. Et il faut
que les règlements de ces documents d’urbanisme soient appliqués dans le sens de l’intérêt
commun et non pas dans le cadre des dérogations en urbanisme14 qui remettent en cause, dans la

13
- Indiquant qu'une zone n'est pas constructible.
14
- la dérogation en urbanisme est, selon le dictionnaire d’urbanisme : une exception apportée à une règle générale
dont pourra bénéficier, à titre individuel, le demandeur d’une autorisation d’occupation ou utilisation du sol.

75
majorité des situations, les orientations d’aménagement homologués en privilégiant une vision
ponctuelle marquée par une gestion de cas par cas et sans vision globale15. Ceci suppose une
volonté politique permettant de surmonter le mécontentement des groupes de pression plaidant
pour des intérêts particuliers, soit dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme
ou dans le processus des autorisations des projets d’investissement.
Dans ce contexte et dans le cadre des possibilités d’extensions hors espaces forestiers
sensibles, le site d’Al Ghazwa ne présente pas de contraintes foncières et naturelles majeures.
Ce milieu géographique a été défini par le SDAU16 comme un nouveau pôle de développement
urbain pour pallier au déficit en espace urbanisable de la ville d’Essaouira. Mais son
développement est freiné par le retard de réalisation des équipements et aussi le retard
d’ouverture des axes routiers prévus par le plan d’aménagement homologué en 200417.
Ces conditions ont engendré une désorganisation dans l'occupation du sol d’Al Ghazwa, et
ont favorisé la convoitise sur les dunes végétalisées périurbaine d’Essaouira.
En effet, le milieu géographique d’Al Ghazoua constitue un site potentiel pour l’extension
de la ville d’Essaouira vu l’importance du terrain privé et la stabilité de son sol par rapport aux
dunes qui entourent la ville d’Essaouira. Ce qui nécessite la mise à disposition des conditions du
développement urbain de ce pôle périphérique pour arrêter l’empiètement de la ville d’Essaouira
sur les dunes et le couvert végétal.
Fig. n° 8 : Localisation d’Al Ghazwa (Réalisé sur fond google earth).

15
- Hilal A. (2012) : Efficacité des outils de planification urbanistique entre les contraintes de la réalité et l'impact de
la dérogation urbanistique. In politique de la ville: Etat des lieux et perspective de mise en œuvre (en arabe),
actes de la 23ème édition du colloque de Sefrou, imprimerie SOGEPRESS, Fès, p.p. 295-298.
16
- Approuvé par décret n°2.02.758 en date du 17 Rabii II 1425 (18 juin 2003), Bulletin officiel n°5127 du 21 juillet
2003 (en arabe).
17
- Approuvé par décret n°2.04.124 en date du 19 Moharem 1425 (11 mars 2004), Bulletin officiel n°5198 du 25
mars 2004.

76
4-2 Gestion durable des ressources forestières
L’écosystème forestier qui couvre la majeure partie de la périphérie d’Essaouira constitue
un milieu très fragile d’une part, et d’autre part constitue un milieu environnant par excellence
de la ville. Donc le développement durable au niveau de cette forêt périurbaine comporte une
réflexion sur la manière de préserver les ressources grâce au meilleur usage possible.
Les objectifs de développement doivent donc être compris comme la prise en compte des
aspects relatifs à la nécessite de développement socio-économique des populations, en rapport
direct avec les obligations de préserver le patrimoine et de conserver le potentiel et la richesse
locale en ressources naturelles. Pour atteindre cet objectif escompté, nous proposons quelques
orientations :
- Les acteurs locaux doivent rejeter les interventions sectorielles au profit d’une approche
globale, concertée et intégrée entre la ville et sa périphérie.
- Les documents d’urbanisme doivent être considérés comme outil de protection des
espaces forestières sensibles, et non pas uniquement comme outil de délimitation des terrains à
urbaniser à l'usage exclusif de la ville (habitat, équipements et infrastructures...) au détriment de
l'équilibre du milieu forestier.
- la préservation de la santé et la pérennité de la forêt périurbaine existante dans un
contexte marqué par une de forte pression foncière.
- Le développement des activités locales et l’amélioration du niveau de vie des
populations par l’apport d’une exploitation rationnelle éco-touristique des dunes végétalisées et
leur valorisation écologique.
- Le reboisement des espaces forestiers détruits dans la périphérie de la ville pour protéger
les dunes et atténuer l’ensablement.
- La protection et la valorisation de la diversité biologique, originale et spécifique afin
d’assurer une gestion environnementale performante.
- Répondre aux attentes de la société en matière de paysages, d’espaces naturels et de
loisirs de qualité.
- le développement de la prise de conscience et l'implication de la population locale dans
la gestion de la forêt : actions de sensibilisation, ateliers de plantation, activités culturelles,
sportives et pédagogiques en lien avec la forêt.
4-3 Nécessité d’une politique foncière rationnelle
Comme nous l’avons vu, la forêt périurbaine d’Essaouira, véritable interface entre le
sauvage et l’artificiel, est considérée depuis des décennies comme une simple réserve foncière
de la ville et ses activités (habitat, équipements, infrastructures...).
Cette forêt qui fait l’objet d’une forte pression foncière nécessitant de mener une politique
de protection foncière fermée : veiller à la maintenance des limites, surveiller les risques
d’empiétement, et dès que l’opportunité se présente, afin d’assurer une meilleure cohérence du
domaine géré, chercher à résorber les enclaves et rectifier la complexité des périmètres. Une
surveillance continue des limites est indispensable et plus fréquemment en période estivale dans
les zones urbanisées.
La révision d’aménagement est l’occasion d’une vérification systématique des limites et
de faire le point sur l’ensemble des problèmes fonciers en cours, la carte de l’état des limites
étant un document indispensable de l’aménagement forestier
Pendant les phases d’élaboration des documents d’urbanisme, une attention particulière
doit être accordée à la protection des forêts sensibles. Ces dernières doivent être placées sous
servitude particulière d’espace boisé classé. Dans ce sens nous proposons les orientations
suivantes :
- Recommander une zone de recul des constructions par rapport à la limite de la forêt pour
des raisons de sécurité à adapter aux caractéristiques du peuplement.

77
- Les forêts doivent être systématiquement classées, à l’exclusion de toutes les zones
n’ayant pas un usage strictement forestier (bâtiments, terrains attenants, chemins et routes, aires
de stationnement…)
- Les collectivités locales doivent disposer des réserves foncières pour anticiper sur
l’évolution des marchés fonciers et d’assurer une maîtrise de l’urbanisme sans empiéter sur
l’écosystème forestier.

Conclusion
Le massif forestier des dunes d’Essaouira est un facteur d'équilibre naturel, un bien
commun, un patrimoine de valeur qui demande à être protégé et à être transmis aux générations
futures. Néanmoins, ce paysage forestier est soumis à une artificialisation liée à l’urbanisation,
la surface construite augmente sans cesse et le processus de remplacement des milieux forestiers
par des zones urbaines continue. À cela s'ajoutent d'autres facteurs anthropiques, comme les
délits de parcours, la coupe illicite de bois et les incendies.
De ce fait, l'espace forestier d’Essaouira est en train de connaître une régression
progressive, malgré les différentes procédures et mécanismes juridiques qui tentent à préserver
la forêt périurbaine et maîtriser l'évolution urbaine d'Essaouira sur sa périphérie.
En effet la dérogation urbanistique, les contradictions entre les prévisions du plan
d’aménagement et la réalité nous font dire que le processus de la gestion urbaine du territoire
d’Essaouira n’est pas encadré dans un sens écologique.
La forêt périurbaine d'Essaouira risque donc de poursuivre sa régression spatiale. À ce
titre, il ressort la nécessité de mieux préserver la diversité et l’originalité naturelle de ces
milieux très particuliers.
Ensuite, une bonne conciliation dans l’interrelation entre la ville d’Essaouira et les massifs
forestiers suppose l’intégration des principes de développement durable dans le processus
d’élaboration des plans d’aménagement et l’application de ces documents d’urbanisme après
leurs homologations.
En outre, la bonne conciliation entre le développement urbain et son milieu forestier
périurbain ne peut réussir que si elle s’exerce dans la durée de manière coordonnée, avec la
participation de toutes les entités gouvernementales, ainsi que du secteur privé et de la
population locale.

Bibliographie
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routière entre Moulay Bouzarktoun et Essaouira. Rapport du Service Forestier
d’Essaouira.
- Daoudi L., Flor Rodriguez G., Ben Ali A., Lharti S., Elmimouni A. et El Mouatez A. (2009) :
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Géographie du Maroc, n° 1-2, volume 25, nouvelle série.
- Direction des Eaux et Forêts (1978) : Guide pratique du Reboiseur au Maroc.
- Doghmi D. (2011) : Etude de la végétation des dunes maritimes d’Essaouira : Dégradation
naturelle et actions anthropiques. Mémoire de Master en géographie, FLSH Mohammedia.
- Direction d’urbanisme (2004) : Plan d’aménagement d’Essaouira, Règlement d’aménagement.
- Direction d’urbanisme (2003) : Schéma directeur d'aménagement urbain d’Essaouira.
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Etudes sur l’urbanisation, Editions du centre national de la recherche scientifique, Paris.
- Hilal A. (2012) : Efficacité des outils de planification urbanistique entre les contraintes de la
réalité et l'impact de la dérogation urbanistique. In politique de la ville : Etat des lieux et
perspective de mise en œuvre (en arabe), actes de la 23ème édition du colloque de Sefrou,
imprimerie SOGEPRESS, Fès.

78
- Hilal A. & Ouadrim M. (2013) : «Aspects de dysfonctionnement de l’espace littoral
d’Essaouira et perspectives de gestion intégrée », In Revue de Géographie du Maroc,
volume 28, n° 1-2, nouvelle série, Imprimerie Rabat NET, Rabat.
- Metro A. (1953) : Techniques de fixation et mise en valeur des dunes du littoral atlantique
Marocain (Extrait du rapport annuel 1952, C.R.F Rabat).
- Nafaa R. (2002) : Dynamique du milieu naturel de la Mamora: paléoenvironnements et
évolution actuelle de la surface. Publications de la FLSH Mohammedia, série thèses n°3.
Imprimerie Najah El Jadida.
- Simone C. (1996) : « Essaouira : naissance d’une ville et impact de ses activités sur le
milieu ». In Impact de l'homme sur les milieux naturels, Perceptions et Mesures, 7èmes
journées scientifiques de la S.E.H., Aix en Provence, 19-20 mai 1995, Travaux de la
Société d’Écologie Humaine. Edition de Bergier.
- Service Provincial des Eaux et Forêts d’Essaouira (2007) : Etude d’aménagement des dunes
d’Essaouira, Analyse descriptive du site et méthodologique.
- Secrétariat Général du Gouvernement : Bulletins Officiels.
- Sulzlee C. (1963) : « Les dunes d’Essaouira », In Revue forestière française, n° 5, publication
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- Troin J.-F. (2003) : «Dynamiques des réseaux urbains et nouvelles armatures régionales au
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- Ouadrim M. (2005) : «les fluctuations du couvert végétal et des champs de dunes dans la
région d'Essaouira : les effets naturels et anthropiques», In Revue Bouhout, n°11,
publications de la FLSH Mohammedia, Imprimerie Najah El Jadida.

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