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FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET SOCIALES DE TUNIS

Année universitaire 2022-2023

Troisième année de la licence fondamentale en droit public

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC (II)

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L’État palestinien

Professeur :
Slim LAGHMANI

Equipe des travaux


dirigés :

Meriem AGREBI
Nada BEDCHICHE

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Table des matières

I°) Nations Unies :

1. Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien

Mandat et objectifs du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien : C’est en avril
1947 que l’Assemblée générale a été officiellement saisie pour la première fois de la Question de Palestine, le
Royaume-Uni ayant demandé d’inscrire cette question à l’ordre du jour après la fin du mandat que lui avait
confié la Société des Nations. L’Assemblée a décidé de partager la Palestine en deux États, l’un arabe, l’autre
juif, avec un régime international spécial pour Jérusalem (résolution 181 (II) du 29 novembre 1947) Si
l’indépendance de l’État d’Israël a été déclarée le 14 mai 1948, l’État arabe n’a pas vu le jour car plusieurs
guerres ont eu lieu dans la région, et le problème de la Palestine a continué d’être examiné à l’ONU dans le cadre
plus large du conflit au Moyen-Orient ou sous ses aspects relatifs aux réfugiés ou aux droits de l’homme.
Il a fallu attendre 1974, en conséquence de la guerre de juin 1967 et de la poursuite de l’occupation militaire par
Israël du reste du territoire de la Palestine sous mandat, pour que la question de Palestine soit réinscrite à l’ordre
du jour de l’Assemblée en tant que question nationale et pour que les droits inaliénables du peuple palestinien
soient réaffirmés et précisés dans la résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, comme le droit à
l’autodétermination sans ingérence extérieure, le droit à l’indépendance et à la souveraineté nationales et le droit
des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d’où ils avaient été déplacés et déracinés.
Dans sa résolution 3376 (XXX) du 10 novembre 1975, l’Assemblée générale a décidé de créer le Comité pour
l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, qu’elle a prié de lui recommander un programme de mise
en œuvre destiné à permettre au peuple palestinien d’exercer ses droits.
Dans le premier rapport qu’il a présenté au Conseil de sécurité, en juin 1976, le Comité proposait un plan en
deux étapes de retour des Palestiniens dans leurs foyers et vers leurs biens; un calendrier de retrait des forces
israéliennes des territoires occupés avant le 1er juin 1977, avec la participation, au besoin, de forces temporaires
de maintien de la paix pour faciliter le processus; l’arrêt des implantations de colonies de peuplement; la
reconnaissance par Israël de l’applicabilité de la quatrième Convention de Genève aux territoires occupés
jusqu’à l’évacuation de ces territoires; et la reconnaissance du droit naturel des Palestiniens à
l’autodétermination, à l’indépendance nationale et à la souveraineté en Palestine.
Les recommandations du Comité n’ont pas été adoptées par le Conseil de sécurité, en raison du vote négatif d’un
membre permanent, et n’ont pas été appliquées. Elles ont toutefois été approuvées à une écrasante majorité par
l’Assemblée générale, à laquelle le Comité fait rapport tous les ans. L’Assemblée a réaffirmé qu’il serait
impossible d’instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient sans assurer le respect des droits inaliénables
du peuple palestinien. Elle a également prié le Comité de suivre la situation en gardant à l’étude la question de
Palestine, de présenter un rapport et des suggestions à l’Assemblée générale ou au Conseil de sécurité, selon
qu’il conviendrait, et de favoriser la plus large diffusion possible des renseignements concernant ses
recommandations.
Le Comité est le seul organe de l’ONU exclusivement chargé de la question de Palestine L’Assemblée générale
renouvelle chaque année son mandat, la dernière fois par sa résolution 72/13 du 6 décembre 2017.

2. Textes officiels :
• Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 29 novembre 2012 (A/67/L.28 et Add.1)] 67/19.
Soixante-septième session, Statut de la Palestine à l’Organisation des Nations Unies. (Extraits)
« L’Assemblée générale,
Réaffirmant sa résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974 et toutes les résolutions sur la question, dont la
résolution 66/146 du 19 décembre 2011, réaffirmant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y
compris son droit à un État de Palestine indépendant,
Rappelant ses résolutions 3210 (XXIX) du 14 octobre 1974 et 3237 (XXIX) du 22 novembre 1974, par
lesquelles elle a respectivement invité l’Organisation de libération de la Palestine à participer à ses délibérations
en qualité de représentant du peuple palestinien et lui a accordé le statut d’observateur,
Rappelant également sa résolution 43/177 du 15 décembre 1988, dans laquelle elle a entre autres pris acte de la
proclamation de l’État palestinien par le Conseil national palestinien le 15 novembre 1988 et décidé que la
désignation de « Palestine » devrait être employée au sein du système des Nations Unies au lieu de la désignation

2
« Organisation de libération de la Palestine », sans préjudice du statut et des fonctions d’observateur de
l’Organisation de libération de la Palestine au sein du système des Nations Unies,
Tenant compte du fait que le Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine s’est vu investi, en
application d’une décision du Conseil national palestinien, des pouvoirs et responsabilités du Gouvernement
provisoire de l’État de Palestine,
Rappelant sa résolution 52/250 du 7 juillet 1998, par laquelle elle a conféré à la Palestine, en sa qualité
d’observateur, des droits et privilèges supplémentaires,
Sachant que la Palestine est membre à part entière de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la
science et la culture, de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, du Groupe des États
d’Asie et du Pacifique ainsi que de la Ligue des États arabes, du Mouvement des pays non alignés, de
l’Organisation de la coopération islamique et du Groupe des 77 et de la Chine,
Sachant également qu’à ce jour, 132 États Membres de l’Organisation des Nations Unies ont reconnu l’État
de Palestine,
Prenant note du rapport du Comité du Conseil de sécurité pour l’admission de nouveaux Membres, en date du 11
novembre 2011, Réaffirmant le principe de l’universalité de la composition de l’Organisation des Nations Unies,
1. Réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de
Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 ;
2. Décide d’accorder à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des
Nations Unies, sans préjudice des droits et privilèges acquis et du rôle de l’Organisation de libération de la
Palestine auprès de l’Organisation des Nations Unies en sa qualité de représentante du peuple palestinien,
conformément aux résolutions et à la pratique en la matière ;
3. Espère que le Conseil de sécurité donnera une suite favorable à la demande d’admission en tant que
membre à part entière de l’Organisation des Nations Unies présentée le 23 septembre 2011 par l’État de
Palestine. ».

• Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 (77/247).


Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est.
«L’Assemblée générale, . . .
18. Décide, conformément à l’Article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de
Justice de donner, en vertu de l’Article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après,
compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international
humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du
Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien
occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le
statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut
juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les Etats et
l’Organisation des Nations Unies ?»

II°) Jurisprudence
• C.I.J., Avis consultatif portant sur les « Conséquences juridiques de l’édification d’un
mur dans le territoire palestinien occupé » du 9 juillet 2004.
« 70. La Palestine avait fait partie de l’Empire ottoman. À l’issue de la première guerre mondiale, un mandat
«A» pour la Palestine fut confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations en application du paragraphe 4
de l’article 22 du Pacte, qui disposait que «[c]certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire
ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être
reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration
jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules».
La Cour rappellera ce qu’elle avait relevé dans son avis consultatif sur le Statut international du Sud-Ouest
africain, alors qu’elle s’exprimait de manière générale sur les mandats, à savoir que « [l]e mandat a été créé,
dans l’intérêt des habitants du territoire et de l’humanité en général, comme une institution internationale à
laquelle était assigné un but international : une mission sacrée de civilisation » (C.I.J. Recueil 1950, p. 132). Elle
avait également constaté à cet égard que « deux principes furent considérés comme étant d’importance
primordiale : celui de la non-annexion et celui qui proclamait que le bien-être et le développement de ces peuples
[qui n’étaient pas encore capables de se gouverner eux-mêmes] formaient « une mission sacrée de civilisation »
(ibid., p. 131). Les limites territoriales du mandat pour la Palestine furent fixées par divers instruments,

3
notamment, en ce qui concerne sa frontière orientale, par un mémorandum britannique du 16 septembre 1922 et
un traité Anglo-transjordanien du 20 février 1928.
71. En 1947, le Royaume-Uni fit connaître son intention de procéder à l’évacuation complète du territoire sous
mandat pour le 1 août 1948, date qui fut par la suite avancée au 15 mai 1948. Dans l’intervalle, l’Assemblée
er

générale des Nations Unies avait adopté le 29 novembre 1947 une résolution 181 (II) sur le gouvernement futur
de la Palestine, résolution qui «[r]ecommande au Royaume-Uni … ainsi qu’à tous les autres Membres de
l’Organisation des Nations Unies, l’adoption et la mise à exécution … du plan de partage» du territoire, prévu
dans la résolution, entre deux Etats indépendants, l’un arabe, l’autre juif, ainsi que la mise sur pied d’un régime
international particulier pour la ville de Jérusalem. La population arabe de Palestine et les Etats arabes rejetèrent
ce plan qu’ils estimaient déséquilibré ; Israël proclama son indépendance le 14 mai 1948 en vertu de la
résolution de l’Assemblée générale ; un conflit armé éclata alors entre Israël et plusieurs Etats arabes et le plan
de partage ne fut pas appliqué. ».

• CIJ, Requête introductive d’instance portant sur le transfert de l’ambassade des États-
Unis d’Amérique en Israël dans la Ville sainte de Jérusalem, 28 septembre 2018, Etat de
Palestine c. États-Unis d’Amérique.
« Par la présente requête, l’Etat de Palestine prie la Cour de régler le différend qui l’oppose aux États-Unis
d’Amérique concernant le transfert de leur ambassade en Israël dans la Ville sainte de Jérusalem ; il s’en remet à
elle pour le résoudre conformément à son Statut et à sa jurisprudence, en s’appuyant sur la convention de Vienne
sur les relations diplomatiques (ci-après la « convention de Vienne ») lue dans le contexte approprié.
3. L’objet du différend étant le transfert de l’ambassade des États-Unis d’Amérique en Israël dans la Ville sainte
de Jérusalem, il est essentiel d’exposer le contexte factuel et juridique dans lequel ce transfert a été décidé et
effectué. 4. La Ville sainte de Jérusalem revêt une dimension spirituelle, religieuse et culturelle unique. Ce
caractère particulier continue d’inciter les Nations Unies à adopter de nombreuses résolutions tendant à protéger
et préserver le statut unique et spécial qui est le sien.
5. Dès le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, par sa résolution 181 (II)
intitulée « Gouvernement futur de la Palestine », un plan de partage de la Palestine disposant que « [l]es Etats
indépendants arabe et juif ainsi que le Régime international particulier prévu pour la Ville de Jérusalem »
commenceront d’exister en Palestine. Selon ce plan, « [l]a Ville de Jérusalem sera constituée en corpus
separatum sous un régime international spécial. ... La Ville de Jérusalem comprendra la municipalité actuelle de
Jérusalem plus les villages et centres environnants, dont le plus oriental sera Abu Dis, le plus méridional
Bethléem, le plus occidental Ein Karim (y compris l’agglomération de Motsa) et la plus septentrionale Shu’fat
».
6. Les principes sous-tendant cette résolution, notamment la nécessité de protéger le caractère spécial de la Ville
et la reconnaissance du statut particulier de celle-ci dans le cadre des frontières fixées, continuent de servir de
base solide à toutes les résolutions adoptées depuis lors concernant Jérusalem.
7. En dépit du statut spécial de protection clairement prévu pour la ville de Jérusalem, Israël, la puissance
occupante, a mis en œuvre un ensemble de politiques illégales pour acquérir peu à peu le contrôle du territoire, y
compris par le recours illicite à la force et l’imposition de mesures administratives et législatives illégales, dans
le but d’annexer la ville.
8. Pendant la guerre qui a duré de décembre 1947 à janvier 1949, les forces israéliennes ont occupé la partie
occidentale de Jérusalem, en violation de la résolution 181. L’accord d’armistice du 3 avril 1949 a abouti à la
division de facto de la ville en deux parties : Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest, tandis que l’ONU continuait de
prôner pour la Ville un statut spécial.
En 1980, en réaction à la promulgation par Israël de la « loi fondamentale » faisant de Jérusalem la « capitale
entière et réunifiée d’Israël », le Conseil de sécurité a adopté deux résolutions très importantes sur le statut de la
Ville sainte. Dans sa résolution 476 (1980), « Le Conseil de sécurité … 3. Confirme à nouveau que toutes les
mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, en vue de
modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucune validité en droit et constituent une
violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre
et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient ; 4.
Réaffirme que toutes les mesures qui ont modifié le caractère géographique, démographique et historique et le
statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité…
15. Peu après, dans sa résolution 478, le Conseil de sécurité, notant qu’Israël ne s’était pas conformé à la
résolution 476 (1980), a décidé «de ne pas reconnaître la «loi fondamentale» et les autres actions d’Israël qui, du
fait de cette loi, cherch[aient] à modifier le caractère et le statut de Jérusalem» et a en outre demandé «a) à tous
les Etats Membres d’accepter cette décision ; b) aux Etats qui [avaient] établi des missions diplomatiques à
Jérusalem de retirer ces missions de la Ville sainte»

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16. Il convient tout particulièrement de relever que tous les Etats qui, dans l’intervalle, avaient établi leur
ambassade à Jérusalem ont décidé de les déplacer, conformément à cette résolution du Conseil de sécurité. Le
Chili, l’Équateur et le Venezuela avaient déjà annoncé leur décision de retirer leur mission diplomatique de
Jérusalem et, à la suite de l’adoption de la résolution, entre le 22 août et le 9 septembre, la Bolivie, la Colombie,
le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, Haïti, le Panama, les Pays-Bas, la République dominicaine et
l’Uruguay ont informé le Secrétaire général qu’ils avaient décidé de retirer eux aussi leur ambassade de
Jérusalem. Tout récemment, la République du Paraguay, qui avait décidé de transférer son ambassade à
Jérusalem en même temps que les États-Unis d’Amérique, a rapporté sa décision et réinstallé son ambassade à
Tel Aviv le 5 septembre 2018. Elle a indiqué qu’elle avait pris cette décision conformément à son engagement
constitutionnel de respecter le droit international. 19. Dans sa récente résolution 2334 du 23 décembre 2016, le
Conseil de sécurité a entre autres rappelé ses résolutions précédentes concernant Jérusalem, notamment la
résolution 478 (1980). 20. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont tous deux déclaré à maintes
reprises que toute action ou décision visant à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique de
la Ville sainte de Jérusalem était dépourvue d’effet juridique et était nulle et non avenue au regard du droit
international.
21. Le 6 décembre 2017, le président des États-Unis d’Amérique a unilatéralement reconnu la Ville sainte de
Jérusalem en tant que capitale d’Israël et annoncé le transfert de l’ambassade des États-Unis d’Amérique en
Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Le 18 décembre 2017, en raison du seul veto des États-Unis d’Amérique, partie
au différend, le Conseil de sécurité n’a pu adopter une résolution affirmant que « toute décision ou action qui
visent à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem n’ont
aucun effet juridique, sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application de ses résolutions sur la
question ». Le manquement du Conseil de sécurité aux responsabilités qui lui incombent au nom de tous les Etats
membres de maintenir la paix et la sécurité a conduit l’Assemblée générale à adopter, lors d’une session
extraordinaire d’urgence, la résolution ES-10/19 par laquelle elle affirme que «toute décision ou action qui visent
à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucun
effet juridique, sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions sur la question
adoptées par le Conseil de sécurité» et demande en outre «à tous les Etats de s’abstenir d’établir des missions
diplomatiques dans la Ville sainte de Jérusalem, en application de la résolution 478 (1980) du Conseil». Le 14
mai 2018, les États-Unis d’Amérique ont inauguré leur ambassade dans la Ville sainte de Jérusalem.
25. La compétence de la Cour pour connaître des questions abordées dans la présente requête trouve son
fondement dans l’article premier du protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques concernant le règlement obligatoire des différends.
26. L’Etat de Palestine a adhéré à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques le 2 avril 2014 et au
protocole de signature facultative le 22 mars 2018, les États-Unis d’Amérique étant quant à eux partie à ces deux
instruments depuis le 13 novembre 1972.
30. L’Etat de Palestine a soumis, le 4 juillet 2018, en application de la résolution 9 (1946) du Conseil de sécurité
et du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de la Cour, une « déclaration reconnaissant la juridiction de la Cour
internationale de Justice » pour le règlement de tous les différends nés ou à naître relevant de l’article premier et
de l’article deux du protocole de signature facultative. Cette disposition couvre tout différend relatif à
l’interprétation ou à l’application de la convention sur les relations diplomatiques à laquelle, ainsi que cela est
exposé ci-dessus, l’Etat de Palestine et les États-Unis d’Amérique sont tous deux parties.
34. Avant que la décision de transférer l’ambassade à Jérusalem ne soit mise en œuvre, l’Etat de Palestine a, par
une note verbale en date du 14 mai 2018, formellement informé le département d’Etat des États-Unis
d’Amérique qu’il considérait que toute mesure prise en ce sens constituait une violation de la convention de
Vienne sur les relations diplomatiques, lue conjointement avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
des Nations Unies, et prié les États-Unis d’Amérique de l’informer des «mesures qu[’ils] envisage[aient] pour
s’assurer de la conformité de leurs actes à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques»12 . 35.
N’ayant reçu aucune réponse à cette demande, le ministère des affaires étrangères et des expatriés de l’Etat de
Palestine13 a, par une note verbale en date du 4 juillet 2018, informé le département d’Etat des États-Unis
d’Amérique, conformément à l’article premier et à l’article II du protocole de signature facultative concernant le
règlement obligatoire des différends, de l’existence, entre les deux parties, d’un différend relatif à l’interprétation
ou à l’application de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques14, lue conjointement avec les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sur la modification du statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en
particulier la résolution 478 (1980), adoptée le 20 août 1980.
V. DÉCISION SOLLICITÉE
51. Par la présente requête, l’Etat de Palestine prie en conséquence la Cour de dire que le transfert dans la Ville
sainte de Jérusalem de l’ambassade des États-Unis d’Amérique en Israël constitue une violation de la convention
de Vienne sur les relations diplomatiques.

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52. L’Etat de Palestine prie également la Cour de prescrire aux États-Unis d’Amérique de retirer la mission
diplomatique de la Ville sainte de Jérusalem et de se conformer aux obligations internationales qui découlent de
la convention de Vienne sur les relations diplomatiques…
• CPI, communiqué de presse : La Chambre préliminaire I de la CPI rend sa décision sur
la demande du Procureur relative à la compétence territoriale concernant la Palestine,
05 février 2021
Aujourd'hui, le 5 février 2021, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour
») a décidé, à la majorité, que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine, un État partie
au Statut de Rome de la CPI, s'étend aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Gaza et la
Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
Le 20 décembre 2019, le Procureur a annoncé la conclusion de l'examen préliminaire de la situation en Palestine.
Le Procureur avait conclu que tous les critères définis dans le Statut de Rome pour l'ouverture d'une enquête
étaient remplis. La décision d'ouvrir une enquête concernant cette situation est du ressort du Procureur de la CPI.
Le 22 janvier 2020, le Procureur a saisi la Chambre en vertu de l'article 19-3 du Statut de Rome, lui demandant
de se prononcer uniquement sur la portée de la compétence territoriale de la Cour dans la situation dans l'État de
Palestine.
Dans la décision d'aujourd'hui, la Chambre préliminaire I a rappelé que la CPI n'était pas constitutionnellement
compétente pour statuer sur les questions de statut d'État qui lieraient la communauté internationale. En statuant
sur la portée de sa compétence territoriale, la Chambre ne se prononce pas sur un différend frontalier en vertu du
droit international ni ne préjuge de la question d'éventuelles futures frontières. La décision de la Chambre a pour
seul but de définir la compétence territoriale de la Cour.
La Chambre préliminaire I a examiné la demande du Procureur ainsi que les observations d'autres États,
organisations et universitaires déposées à titre d'amicus curiae et de groupes de victimes. La Chambre a estimé
que, conformément au sens ordinaire donné à ses termes dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du
Statut, la référence à « [l'] État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu » dans l'article 12-2-a
du Statut doit être interprété comme une référence à un État partie au Statut de Rome. La Chambre a conclu que,
quel que soit son statut au regard du droit international général, l'adhésion de la Palestine au Statut a suivi la
procédure correcte et ordinaire et que la Chambre n'est pas habilitée à contester et à examiner le résultat de la
procédure d'adhésion menée par l'Assemblée des États parties. La Palestine a donc accepté de se soumettre aux
termes du Statut de Rome de la CPI et a le droit d'être traitée comme tout autre État partie pour les questions
liées à la mise en œuvre du Statut.
La Chambre préliminaire I a noté que, parmi d'autres résolutions formulées de façon similaire, l'Assemblée
générale des Nations Unies dans la résolution 67/19 « [a réaffirmé] le droit du peuple palestinien à
l'autodétermination et à l'indépendance dans un État de Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis
1967 ». Sur cette base, la majorité de la Chambre, composée de la juge Reine Adélaïde Sophie Alapini-Gansou
et du juge Marc Perrin de Brichambaut, a conclu que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en
Palestine s'étendait aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Gaza et la Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est.
En outre, la majorité de la Chambre a estimé que les arguments concernant les Accords d'Oslo et ses clauses
limitant la portée de la compétence palestinienne ne sont pas pertinents pour le règlement de la question de la
compétence territoriale de la Cour en Palestine. Ces sujets et d'autres questions relatives à la compétence
pourraient être examinées lorsque et si le Procureur présentait une demande de délivrance d'un mandat d'arrêt ou
d'une citation à comparaître.
Le juge Marc Perrin de Brichambaut a joint une opinion partiellement séparée sur les raisons pour lesquelles
l'article 19-3 du Statut de Rome est applicable dans la situation actuelle. Le juge Péter Kovács, juge président, a
joint une opinion partiellement dissidente dans laquelle il n'est pas d'accord sur le fait que la qualification d' «
État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu » au sens de l'article 12-2-a du Statut de Rome
soit applicable à la Palestine, et que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine s'étende -
de façon quasi automatique et sans aucune restriction -aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir
Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.

III°) Doctrine :

Jean SALMON, « La qualité d’Etat de la Palestine », R.B.D.I., 2012/1, pp. 13-39.

I. - l’existence objective de l’état palestinien et les reconnaissances bilatérales


A. - Les conditions objectives de l’existence de l’État
Si l’on considère que la reconnaissance comporte un aspect déclaratif d’une entité préexistante méritant la
qualité d’État, on s’attend à ce que cette entité ait un contenu objectif. Ce dernier est caractérisé par un certain

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nombre de conditions que tant la pratique internationale que la doctrine énumère de la façon suivante : une
population ; attachée à un territoire ; dotée d’un gouvernement ; lequel est indépendant de tout autre (ou
souverain). Il est indiscutable depuis longtemps, même par ceux qui s’abstiennent encore de franchir le pas, que
la Palestine possède les caractéristiques habituellement requises pour une reconnaissance d’État, à savoir un
peuple, un gouvernement, un territoire et une indépendance.
Le peuple palestinien (qui dépasse les 4 millions d’individus) dispose d’un droit à l’autodétermination reconnu
depuis la période mandataire ainsi que dans la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Son droit à l’autodétermination, y compris le droit à l’indépendance et à la souveraineté nationale, n’a cessé
d’être proclamé chaque année par l’Assemblée générale de l’ONU depuis au moins trente ans. Dès 1980,
l’Assemblée générale a proclamé les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris : « b) le droit de créer
son propre État souverain et indépendant ».
Il existe par ailleurs des institutions formant un gouvernement, dont les institutions internationales
reconnaissent la solidité (ONU, FMI, BIRD et même l’Union européenne). Ce gouvernement a la capacité
d’entretenir des relations internationales par un réseau diplomatique étendu, même avec les pays qui ne le
reconnaissent pas comme État. Les divergences entre l’Autorité palestinienne et le Hamas n’affectent pas l’unité
de la personnalité juridique de la Palestine, représentée - comme observateur - par son représentant permanent à
l’ONU. Ce gouvernement assure le contrôle du territoire. Certes, l’occupation d’une partie importante de son
territoire limite l’effectivité de ce contrôle. Mais une occupation étrangère - au demeurant largement illégale -
n’affecte pas la qualité de ce gouvernement.
La Palestine dispose aussi d’un territoire, dans les frontières telles qu’elles existaient le 4 juin 1967, c’est-à-dire
constituées par les lignes d’armistice de 1949. Ce territoire a été confirmé comme suit par la Cour internationale
de Justice dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 intitulé « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur
dans le territoire palestinien occupé » :
« Les territoires situés entre la Ligne verte (voir paragraphe 72 ci-dessus) et l’ancienne frontière orientale de
la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la
Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël
avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires tels que
rapportés aux paragraphes 75 à 77 ci-dessus n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces
territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de
puissance occupante ».
Peu importe que la « ligne verte » ne soit pas une frontière définitivement fixée entre Israël et la Palestine. Une
indétermination relative au tracé des frontières entre un État et ses voisins n’est en rien un obstacle à sa
reconnaissance. Faut-il rappeler que la prétention que ses frontières ne seraient pas définitivement fixées ne fut
jamais un argument pour ne pas reconnaître Israël dont les frontières ne le sont toujours pas davantage ? Dans le
plaidoyer qu’il fit au Conseil de sécurité le 2 décembre 1948, au nom des États-Unis, Philip Jessup insista sur le
fait qu’Israël était un État même si ses frontières n’étaient pas fixées.
Enfin, on peut établir l’indépendance de l’État palestinien, c’est-à-dire le fait de n’être assujetti à aucune autre
puissance, de ne dépendre de la souveraineté d’aucun autre État. Cette indépendance fit l’objet d’une déclaration
solennelle du Conseil national palestinien (la Déclaration de l’indépendance de l’État de Palestine) le 15
novembre 1988. L’Assemblée générale des Nations Unies, par une résolution du 43/177 du 15 décembre 1988,
prit acte de cette Déclaration dans les termes suivants :
« L’Assemblée générale, [...]
Consciente de la proclamation de l’État palestinien par le Conseil national palestinien dans la ligne de la
résolution 181 (II) de l’Assemblée générale et dans l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien
; (...)
2. Affirme qu’il est nécessaire de permettre au peuple palestinien d’exercer sa souveraineté sur son territoire
occupé depuis 1967 ».
Cette indépendance n’est pas non plus entamée par l’occupation israélienne sur certaines parties du territoire
palestinien. Les arguments tendant à nier l’effectivité du gouvernement palestinien sur la base de l’occupation
israélienne semblent oublier que c’est ainsi reconnaître un effet à une occupation dont il est établi depuis 1967
qu’elle doit prendre fin (demande par le Conseil de sécurité de retrait des territoires palestiniens occupés depuis
la résolution 242 (1967)) et qu’elle est largement entachée d’illégalités.
On peut donc considérer que les conditions objectives de l’existence d’un État sont réunies depuis longtemps.
C’est en partie ce qui explique que la proclamation par le Conseil national palestinien de l’État de Palestine fut
suivie d’emblée d’une centaine de reconnaissances bilatérales en 1988.
B. - La condition subjective de l’animus - La volonté d’être reconnu
Le caractère formellement unilatéral de la reconnaissance dissimule le fait qu’il s’agit en réalité d’une relation
bilatérale, d’un accord. On est reconnu par qui veut bien vous reconnaître et pour ce que l’on veut être reconnu.
Trois arguments ont été avancés à ce propos pour repousser un statut d’État à la Palestine, arguments qui ont ceci
en commun qu’ils se rattachent à cette condition subjective qui, selon certains, n’existerait pas dans le chef de la

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Palestine. Ainsi, on a prétendu que cette dernière ne clarifiait pas l’espace sur lequel elle revendiquait sa
souveraineté (1), que les accords d’Oslo s’opposaient à une telle revendication (2) et enfin que l’Autorité
palestinienne ne s’était pas clairement proclamée elle-même comme État (3). Ces trois arguments seront réfutés
successivement.
(1) Pour ce qui est de l’espace sur lequel la Palestine revendiquait sa souveraineté, la déclaration d’indépendance
du 15 novembre 1988 visait déjà expressément la résolution 181 (II) du 29 novembre 1947 (plan de partage) et la
déclaration politique du Conseil national de l’OLP qui accompagnait la déclaration d’indépendance réclamait
seulement le retrait par Israël de tous les territoires palestiniens et arabes occupés en 1967, y inclus la partie
arabe de Jérusalem.
(2) Sans doute, les accords d’Oslo mirent sur pied un processus de paix qui avait pour but de résoudre divers
problèmes afin de permettre la coexistence de deux États côte à côte dans la paix. On en a tiré argument pour
soutenir que l’Autorité palestinienne avait donné son accord pour postposer la création de l’État jusqu’à la
conclusion du processus de négociation. À cet argument, il peut être répondu que les accords d’Oslo ne
remettaient pas en cause la déclaration de 1988 ; ils en postposaient les effets concrets pour une période
provisoire de 5 ans, période à l’issue de laquelle les négociations devaient être terminées, c’est-à-dire en 1998.
C’est pourquoi, pour ce qui concerne la mise en veilleuse de la proclamation de l’État, les accords d’Oslo
doivent être considérés comme obsolètes. Les autres objectifs des accords d’Oslo peuvent être poursuivis par
l’État palestinien - dans la mesure où Israël ne s’obstinera pas à continuer à dresser tous les obstacles possibles à
leur réalisation. Toute autre interprétation signifierait que la proclamation de l’État de Palestine dépendrait d’une
condition purement potestative dans le chef de l’État d’Israël.
(3) S’agissant de la volonté de l’Autorité palestinienne d’être reconnue comme État, cette question fit surface à
propos de la requête déposée en 2009 par la Palestine à la Cour pénale internationale à la suite de l’opération
armée « plomb durci » menée par Israël contre la bande de Gaza. À cette époque, l’Autorité palestinienne ne se
prononçait pas elle-même sur sa qualité d’État et sur ce en quoi elle voulait être reconnue. Depuis lors, l’Autorité
palestinienne est sortie de son silence. Elle était lasse de voir le processus de paix s’éterniser et, au fil des ans, la
situation dans les territoires occupés se détériorer : dépeçage et balkanisation de son territoire ; édification d’un
mur illégal sur son territoire ; population souffrant de brimades, d’expropriations contraires au droit humanitaire
et de multiples entraves à la circulation ; problème des réfugiés restant au point mort (ces derniers ne peuvent
même pas rentrer dans les territoires palestiniens occupés) ; frontières bouclées ; ressources naturelles pillées par
l’occupant, etc. Comme le déclarait Saeb Arekat, négociateur palestinien, le 8 juin 2011,
« Nous refusons de laisser notre État de Palestine se faire ensevelir sous quarante années d’expansion des
colonies israéliennes. Nous, Palestiniens, allons continuer d’œuvrer pour la reconnaissance de notre État
dans les frontières de 1967 ».
Cette volonté s’est traduite par différentes démarches officielles de l’Autorité palestinienne adressant une
demande explicite à tous les États de la communauté internationale de reconnaissance de la Palestine comme
État dans ses frontières de 1967. Le président Abbas, dans la lettre de candidature à l’admission de la Palestine à
l’ONU adressée au Secrétaire général des Nations Unies du 23 septembre 2011, demande « l’admission de la
Palestine sur la base des frontières du 4 juin 1967 avec Al-Quds Al-Sharif (Jérusalem) comme capitale ». Cette
lettre est signée par l’intéressé au titre de « Président de l’État de Palestine, Président du Comité exécutif de
l’Organisation de libération de la Palestine ».
À ce jour, environ 130 États ont reconnu la Palestine comme État dans les limites territoriales ainsi définies,
parmi lesquels, deux membres permanents du Conseil de sécurité : la Russie et la Chine. Récemment, plusieurs
États de l’Amérique latine (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, le Chili, l’Équateur, la Bolivie) et des États de
l’Union européenne comme Chypre et Malte se sont aussi prononcés en ce sens. Près de 70% des États du
monde considèrent que la Palestine est un État. Que les autres n’aient pas encore procédé à la même
reconnaissance affecte-t-il la qualité d’État de la Palestine ? Faut-il attendre que les États-Unis et Israël aient
donné leur nihil obstat, et que leurs alliés suivent pour que, d’un coup de baguette magique, la Palestine accède à
ce statut ? Ou bien faut-il reconnaître que les reconnaissances majoritaires présentes attestent une existence
incontestable. Sans doute ces reconnaissances ne lient-elles que les États qui y ont procédé. Mais en revanche,
les « objecteurs persistants » ne peuvent, par la simple poursuite de leur négationnisme, empêcher l’existence
d’un nouvel État accepté par la majorité de la société internationale.
II. -la reconnaissance collective par des organisations internationales
Toute organisation internationale composée d’États reconnaît, par définition, le statut d’État à tout nouveau
membre qu’elle admet dans son sein. En 1975, nous avions déjà signalé cette prérogative qui permet à
l’Assemblée générale des Nations Unies de qualifier les situations dont elle est saisie dans l’exercice de ses
compétences : existence d’un peuple ou d’un État, ou de se prononcer de manière inverse, avec le refus de
reconnaître une situation.
La reconnaissance de la qualité d’État peut ainsi découler d’une qualification explicite donnée par l’Assemblée
générale des Nations Unies. Un bon exemple est fourni par la résolution 3061 (XXVIII) du 2 novembre 1973,
par laquelle l’Assemblée générale des Nations Unies s’était félicitée « de l’accession récente à l’indépendance du

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peuple de la Guinée-Bissau qui a créé l’État souverain qu’est la République de Guinée-Bissau ». C’était une
consécration officielle de la qualité d’État avant l’admission qui devait avoir lieu l’année suivante, en septembre
1974. La qualification peut aussi résulter d’une invitation officielle par l’Assemblée générale de participer à une
conférence des Nations Unies au titre d’État. Ainsi, l’Assemblée a invité à la Troisième Conférence des Nations
Unies sur le droit de la mer, par sa résolution 3067 (XXVIII) du 10 novembre 1973, « la République de Guinée-
Bissau » et « la République démocratique du Viet Nam », l’une et l’autre expressément désignées comme des «
États ». Cette compétence appartient en réalité à toute organisation internationale qui admet en son sein un
nouveau membre avec la qualité d’État. C’est ainsi que la Palestine s’est vue reconnaître le statut d’État par son
admission à titre de membre du Mouvement des pays non alignés, de l’Organisation de la coopération islamique,
du Groupe des 77, de la Ligue arabe.
Une autre formule bien établie est celle d’observateur permanent, d’État non-membre de l’ONU. Ce statut relève
de l’usage, car aucune disposition de la Charte des Nations Unies n’en fait état. Il a été très fréquemment utilisé
pour de nombreux États. Ont bénéficié de ce statut dans le passé, en dehors du cas emblématique de la Suisse, les
États suivants : l’Autriche de 1945 à 1955 ; la Corée du Sud de 1949 à 1991 ; la Finlande de 1952 à 1955 ;
l’Italie de 1949 à 1955 ; le Japon de 1952 à 1955 ; la RFA de 1952 à 1973 ; la République du Vietnam (du Sud)
de 1952 à 1977 ; l’Espagne de 1953 à 1955 ; Monaco de 1956 à 1993 ; la RDA de 1972 à 1973 ; le Bengladesh
de 1972 à 1974 ; la République de Corée de 1973 à 1991 ; la Guinée-Bissau durant quelques mois en 1974 ; la
République démocratique du Vietnam de 1975 à 1977. Aujourd’hui, le Saint Siège, qui n’est pas un État (mais
qui représente les intérêts du Vatican qui, lui, est un État) possède depuis 1964 le statut d’observateur permanent.
L’OLP possède un statut spécial d’observateur au titre de mouvement de libération nationale depuis 1974 et la
Palestine depuis 1988. On verra ci-dessous que le statut d’observateur permanent État non-membre a été
envisagé dès le 22 septembre 2011 par le président Sarkozy à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU. Et
on envisagera les conséquences de la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 29 novembre 2012.
Mais, avant d’en arriver à ce point, il convient enfin de signaler comme particulièrement significative l’adhésion
de la Palestine à l’UNESCO. Le 31 octobre 2011, la Palestine est devenue « État membre de l’UNESCO. Parmi
les 194 États membres, 107 ont voté pour, 14 contre et il y eut 52 abstentions. Douze États n’ont pas participé au
vote. On verra ci-dessous les conséquences qui sont attachées à ce nouveau statut.

V. - les conséquences juridiques de l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale sur le « statut de la


Palestine à l’ONU »

A. - Les règles de droit international gouvernant le statut de la Palestine


L’Assemblée fait une synthèse de toutes les règles et principes de droit qui encadrent le statut de la Palestine.
Elle rappelle tout d’abord la résolution 181 (II) du 29 novembre 1947, adoptée il y a exactement 65 ans, qui
prévoyait la création de deux États sur le territoire qui se trouvait encore pour quelques mois sous mandat de la
Grande-Bretagne. Puis elle aborde, sans grand souci didactique il est vrai, une série de principes qui ont jalonné
les prises de position des organes des Nations Unies :
- Le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force énoncée dans la Charte ;
- Les résolutions de base du Conseil de sécurité à commencer par la résolution 242 (1967) qui condamne l’«
acquisition de territoire par la guerre », demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires
occupés » et affirme « l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique » de chaque État de la région.
- La résolution 338 (1973), par laquelle le Conseil de sécurité demande aux parties en cause de commencer
immédiatement l’application de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité dans toutes ses parties.
-La résolution 446 (1979), par laquelle le Conseil exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des
colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », déclare
que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demande à Israël de respecter la convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
- La résolution 478 (1980), par laquelle le Conseil demande à Israël de mettre fin à l’occupation de Jérusalem
et de mettre fin aux modifications du caractère juridique et géographique de la ville. Cette résolution faisait suite
au non-respect par Israël de la résolution 476 du 30 juin 1980 - une décision condamnant la loi israélienne votée
par la Knesset la même année instituant Jérusalem comme capitale « une et indivisible » de l’État d’Israël.
- La résolution 1397 (2002), par laquelle le Conseil de sécurité demande la « cessation immédiate de tous les
actes de violence, y compris tous les actes de terreur et toutes provocations, incitations et destructions », et
réclame la coopération des Israéliens et des Palestiniens visant à la reprise des négociations.
- La résolution 1515 (2003), par laquelle le Conseil se déclare « attaché à la vision d’une région dans laquelle
deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues », et demande en
conséquence aux parties en conflit de s’acquitter des obligations relatives à la « feuille de route » du Quartet.
- Enfin, la résolution 1850 (2008), laquelle soutient le processus d’Annapolis, et demande aux parties de «
s’abstenir de toute mesure susceptible d’entamer la confiance » et de ne pas « remettre en cause l’issue des
négociations ».

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- L’Assemblée générale rappelle ensuite les principes suivants :
- l’application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du
12 août 1949 au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ;
- le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État indépendant de Palestine ;
- l’obligation pour Israël de se retirer du territoire occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est,
- le problème des réfugiés qui doit être réglé conformément à la résolution 194 (III) ;
- l’illégalité des activités israéliennes d’implantation dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, qui doivent cesser entièrement ; l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur
les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé du 9 juillet 2004, qui
avait démontré l’illégalité de cette construction, est rappelé ;
- l’Assemblée souligne que la Communauté internationale ne reconnaît pas l’annexion de Jérusalem-Est et que
la question du statut de Jérusalem, capitale des deux États doit être réglée par la négociation ;
- l’Assemblée générale rappelle sa résolution du 58/292 du 6 mai 2004, qui affirme notamment que le statut du
territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, reste un statut d’occupation militaire et que
conformément au droit international et aux résolutions pertinentes des Nations Unies, le peuple palestinien a le
droit de disposer de lui-même et d’exercer sa souveraineté sur son territoire ;
- elle réaffirme son attachement, conforme au droit international, à la solution prévoyant deux États, avec un
État palestinien indépendant et souverain, démocratique, viable et d’un seul tenant, vivant dans la paix et la
sécurité côte à côte avec Israël, sur la base des frontières d’avant 1967,
- elle rappelle le fait que le Gouvernement de l’État d’Israël et l’Organisation de libération de la Palestine,
représentante du peuple palestinien, se sont mutuellement reconnus le 9 septembre 1993,
- elle affirme le droit de tous les États de la région de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et
reconnues au niveau international,
- elle accueille avec satisfaction les opinions favorables concernant l’état d’avancement de la création de l’État
exprimées par la Banque mondiale, l’Organisation des Nations Unies et le Fonds monétaire international, et
reprises dans les conclusions formulées par le Président du Comité spécial de liaison en avril 2011 et par la suite,
à savoir que l’Autorité palestinienne a dépassé le seuil à partir duquel un État devient fonctionnel dans les
principaux secteurs étudiés,
- elle prend enfin acte que 132 États membres de l’Organisation des Nations Unies ont reconnu l’État de
Palestine, et que l’État de Palestine est membre de diverses organisations internationales y compris l’UNESCO.
En conclusion de ce long préambule, l’Assemblée :
« 1. Réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de
Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 ;
•1. Décide d’accorder à la Palestine le statut d’État non-membre observateur auprès de l’Organisation des
Nations Unies, sans préjudice des droits et privilèges acquis et du rôle de l’Organisation de libération de la
Palestine auprès de l’Organisation des Nations Unies en sa qualité de représentante du peuple palestinien,
conformément aux résolutions et à la pratique existant en la matière ;
•2. Espère que le Conseil de sécurité examinera favorablement la demande présentée le 23 septembre
2011 par l’État de Palestine, qui souhaite devenir membre de plein droit de l’Organisation des Nations Unies
».
B. - Le statut d’État observateur non-membre
L’importance de ce long préambule réside aussi en ceci qu’il justifie l’octroi à la Palestine du statut d’État
observateur non-membre. Son territoire est bien précisé : il s’agit de celui qu’Israël a occupé depuis 1967, y
compris Jérusalem Est dont l’annexion par Israël n’est pas reconnue par la communauté internationale. Le
gouvernement de la Palestine a dépassé le seuil auquel un État devient opérationnel aux yeux d’institutions
spécialisées particulièrement exigeantes. L’occupation étrangère doit cesser, comme les implantations en
territoire occupé. La Palestine jouit de la souveraineté sur son territoire. Certes, l’Assemblée générale n’est pas
censée reconnaître les États ; il n’en demeure pas moins que la qualification qu’elle détermine est le résultat de
votes d’États souverains qui, lorsqu’ils se prononcent par un vote affirmatif, reconnaissent que l’entité visée est
un État - sauf à plonger dans la schizophrénie. À partir de ce moment, il n’est plus contestable que l’entité qui
bénéficie de cette qualification est titulaire des droits et des obligations que le droit international confère à l’État
du droit des gens. Certains essayeront en vain de soutenir que la résolution pourrait ne traiter que d’un État « en
devenir ». On ne voit toutefois pas comment cette position pourrait être compatible avec le dispositif de la
résolution, en particulier son troisième alinéa, qui demande au Conseil de sécurité d’admettre la Palestine comme
État membre des Nations Unies.

IV°) Exercice

Discuter le statut étatique de la10Palestine en droit international.

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