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Gwendal DENIEL
Le Mans Université
Résumé
La basse de viole de gambe baroque est un instrument de musique à cordes frottées ayant connu
son heure de gloire au cours des xviie et xviiie siècles en Europe. Elle a peu à peu disparu pour laisser
sa place à son homologue dans la famille des violons, le violoncelle, mais réapparaît depuis peu dans
quelques répertoires classiques. Probablement dû à la mise à l’écart de cet instrument dans la musique
classique, peu d’études scientifiques ont été réalisées sur ce dernier à ce jour, a contrario du violon
ou du violoncelle. Ce projet de fin d’études s’inscrit dans un projet plus large visant à comprendre
la particularité et l’identité sonore de cet instrument, et les identités sonores des écoles françaises et
anglaises, réputées pour la facture de cet instrument. Le présent travail vise à apporter des clés de
compréhension sur le comportement vibratoire de l’instrument à travers une analyse modale réalisée à
partir de mesures expérimentales au vibromètre laser 3D, ainsi qu’un modèle numérique en utilisant la
méthode des éléments finis.
Mots-clés. viole de gambe, basse de viole, analyse modale, vibrométrie, éléments finis
Abstract
The baroque bass viola da gamba is a bowed string instrument that enjoyed its heyday in Europe in
the xviie and xviiie centuries. It gradually disappeared, to be replaced by its counterpart in the violin
family, the cello, but has recently reappeared in some classical repertoires. Probably because of the
instrument’s marginal status in classical music, few scientific studies have been carried out on it to date,
unlike the violin or the cello. This end-of-study project is part of a wider project aiming to understand
the particularity and audio identity of this instrument, and the audio identities of the renowned French
and English schools. The aim of the present work is to provide keys to understand the instrument’s
vibratory behaviour through a modal analysis based on experimental measurements using a 3D laser
vibrometer, and a numerical model using the finite element method.
Keywords. viola da gamba, bass viol, modal analysis, vibrometry, finite elements
Analyse modale d’une basse de viole de gambe baroque G. Deniel
1 Introduction 3
1.1 Contexte de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 La basse de viole baroque : organologie et histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 État de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4.1 Bois et techniques de facture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4.1.1 Propriétés mécaniques du bois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4.1.2 Lien avec la facture instrumentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4.2 Comportement mécanique et acoustique des instruments à cordes frottées . . . . . 8
1.4.2.1 Fonctionnement mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.4.2.2 Comportement modal : généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.4.2.3 Comportement vibroacoustique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.4.3 Cas particulier de la basse de viole de gambe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.5 Objectifs de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2 Matériel et méthodes 17
2.1 Objet d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2 Étude numérique d’une basse de viole de gambe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2.1 Modèle 3D virtuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2.1.1 Scan 3D de la table et de la barre d’harmonie . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2.1.2 Conception assistée par ordinateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2.2 Étude par éléments finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2.2.1 Importation et assemblage de la géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.2.2.2 Paramètres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.2.2.3 Couplage vibro-acoustique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3 Mesure de pression et de mobilité au chevalet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.3.1 Protocole expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3.2 Traitement des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.4 Analyse modale expérimentale par vibrométrie laser 3D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.4.1 Protocole expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.4.2 Outils d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3 Résultats et discussions 34
3.1 Étude numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.2 Mesures expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.2.1 Pression et mobilité au chevalet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.2.2 Vibrométrie laser 3D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3.3 Validation du modèle numérique et identification des modes . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
4 Conclusion et perspectives 48
Bibliographie 51
Annexes 53
Analyse modale d’une basse de viole de gambe baroque G. Deniel
Remerciements
Ce projet n’aurait pas été réalisable sans la présence de plusieurs personnes, que je tenais à remercier
chaleureusement.
Tout d’abord, comment ne pas remercier Marguerite Jossic, ma maitresse d’apprentissage durant
tout le long de ma formation en alternance au sein de l’équipe de conservation et de recherche (ECR)
du Musée de la musique de Paris, sans qui je ne me serais jamais autant épanoui durant ces six mois de
projet. Je la remercie pour toute la patience et la pédagogie dont elle a su faire preuve à mon égard. Je
garderai dans ma mémoire tout le soutien et la confiance accordée, et m’en servirai d’exemple dans mon
futur professionnel.
Ensuite, je tiens à remercier une seconde personne, sans qui, ce projet n’aurait peut-être pas encore
vu le jour. Merci à Sebastian Kirsch (anciennement conservateur-restaurateur au sein de l’équipe ECR),
pour son précieux savoir, qui a permis d’appréhender ce projet avec de réelles connaissances autant
organologiques que scientifiques. Merci pour toute la bienveillance dont il a su faire part, ainsi que pour
tout le temps accordé lorsque j’en avais besoin. Je lui souhaite une très bonne continuation dans sa future
vie américaine.
Un grand merci à Vincent Gauthier (Laboratoire SATIE), pour toute son aide lors des mesures ex-
périmentales. Il a également su faire preuve d’une grande pédagogie sur beaucoup d’aspects scientifiques,
sans lesquels je n’aurai pas acquis la compréhension que je possède aujourd’hui. Je le remercie aussi pour
tout le suivi au cours de ce projet.
Je remercie également Emmanuel Foltête (ENSMM, FEMTO-ST) son suivi régulier lors des dif-
férentes réunions notamment, et avant tout pour son aide précieuse et son expertise dans le domaine
de l’analyse modale, particulièrement dans l’utilisation du logiciel MODAN. J’aimerais aussi remercier
Scott Cogan (FEMTO-ST) pour son suivi et ses conseils durant ces six derniers mois.
Un immense merci à Romain Viala (ITEMM, LAUM) pour son aide et ses conseils au sujet de
l’élaboration du modèle numérique.
Je tiens évidemment à remercier mon tueur à l’ENSIM, Francois Gautier (ENSIM, LAUM), pour
son aide et son suivi tout au long de ma formation en alternance, ainsi que pour sa pédagogie et ses
enseignements à l’école.
Je remercie Théo Dujon pour son partage de code MATLAB ® pour la visualisation de déformées
modales, ainsi qu’Emilie Dufossé, pour sa collaboration tout au long du projet.
Je tiens également à remercier l’équipe de la régie des œuvres du musée, Francesca, Charlotte,
Philippe, Clémentine, pour leur aide lors des déplacements d’instruments, et notamment durant ces six
derniers mois pour ceux liés au fac-similé (objet d’étude). Je remercie toute l’équipe ECR du musée,
Thierry, Ariane, Marie-Anne, Jean-Claude, Christine L. Romane, Alexandre, Christine H. pour l’ac-
cueil, pour toutes les conversations échangées et pour tous les moments passés ensemble. Merci enfin à
toute l’équipe du Musée de la musique, je n’oublierai jamais cette période de deux ans au sein de cet
établissement. J’ai beaucoup appris grâce à vous, et pour cela, une dernière fois, merci.
Pour finir, un grand merci à Nathalie Le Gouic (ENSIM), pour son aide durant ma recherche de
contrat tout au long de ma première année du cycle ingénieur, ainsi qu’à tous mes camarades de classe.
Mise en contexte G. Deniel
Contexte de travail
Ce projet s’inscrit dans la cadre d’une formation d’ingénieur à l’École Nationale Supérieure d’Ingé-
nieurs du Mans (ENSIM), en apprentissage au sein de l’Équipe Conservation-Recherche du Musée de la
musique de Paris. Le Musée de la musique fait partie de la structure Cité de la musique - Philharmonie
de Paris (figure 1), un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la
tutelle du Ministère de la Culture. Ce complexe est composé de la Philharmonie de Paris, inaugurée en
2015, comprenant la grande salle Pierre Boulez, des espaces d’exposition, salles de répétitions et ateliers
pédagogiques. La Cité de la Musique, ouverte en 1995, comprend quant à elle, une salle de concert, un
amphithéâtre, une médiathèque ainsi que le Musée de la Musique, inauguré en 1997. Située sur le site de
La Villette, la Cité de la Musique fait face au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse
de Paris. L’architecture de ces établissements a été réalisée par Christian de Portzamparc pour la Cité
de la musique et par Jean Nouvel pour la Philharmonie.
1
Mise en contexte G. Deniel
Le Musée de la Musique comprend, quant à lui, un laboratoire (figure 2) dans lequel travaille l’Équipe
de Conservation-Recherche (ECR), composée de conservateurs.ices, de restaurateurs.ices et de scienti-
fiques. L’ECR est rattachée au Centre de Recherche sur la Conservation (CRC, http ://crc.mnhn.fr/),
qui forme l’UAR 3224 mixte CNRS - Museum d’Histoire Naturelle - Ministère de la Culture. Cette équipe
travaille principalement sur la mise en place et le suivi des travaux de conservation et de restauration
ainsi que sur des sujets de recherche visant à approfondir la connaissance des œuvres. Au sein de l’ECR,
le laboratoire comprend un atelier de lutherie, un studio de photographie, un laboratoire de chimie et
une chambre semi-anéchoïque. Les recherches sont menées dans différents domaines (chimie, mécanique,
acoustique) et visent à une meilleure connaissance de l’histoire des techniques et des savoir-faire en fac-
ture instrumentale, l’orientation des choix de conservation et la caractérisation acoustique, mécanique
ou chimique des instruments.
© W. Beaucardet © G. Deniel
2
Introduction G. Deniel
1 Introduction
1.1 Contexte de l’étude
Le Musée de la musique possède l’une des plus larges collections d’instruments de musique au
monde, et compte parmi elle un grand nombre de basses de viole de gambe baroques. Le Musée de
la musique effectue depuis 2020 un projet de recherche portant sur les spécificités de cet instrument,
figure emblématique de la vie musicale européenne entre le xviie et le xviiie siècle. Le projet s’appuie
sur l’analyse géométrique et vibratoire d’un corpus de basses de viole de la collection, dans le but
d’identifier les spécificités sonores et géométriques des écoles de facture françaises et anglaises, les plus
réputées pour la facture de cet instrument au xviie et xviiie siècle. Une méthodologie de plus en plus
développée dans le contexte muséal consiste à comparer de grands ensembles d’instruments d’un même
corpus dans le but d’extraire des informations sur leur histoire commune, notamment en faisant le lien
entre l’évolution des pratiques de facture, de la mode ou des esthétiques musicales. Les évolutions de
facture sont facilement identifiables sur les objets par des conservateurs-restaurateurs, mais le son des
instruments reste souvent inaccessible, car les instruments ne sont pas toujours jouables. Cependant, il est
possible d’appréhender le comportement sonore d’un instrument de musique en utilisant une approche
vibratoire. Une des rares méthodologies permettant d’avoir accès rapidement, sur des grands corpus,
au comportement d’instruments à cordes frottées, est de calculer une fonction de transfert (appelée
mobilité), en mesurant les vibrations de l’instrument au niveau du chevalet. Cette fonction, que l’on
pourra aussi appeler fonction de réponse en fréquence (FRF), est capable de nous fournir des informations
utiles. Il est alors possible d’identifier des fréquences caractéristiques, appelées fréquences de résonance.
Cependant, ces informations peuvent être interprétées dès lors que l’on est capable de mettre en relations
ces résonances avec des modes de vibration donnés, pour lesquels en général, on connaît l’impact sur
le rayonnement sonore grâce à la littérature. Lorsque l’on sait labelliser les modes importants dans la
signature sonore, sur les FRF, on peut ensuite faire des analyses statistiques rapides sur de grands
ensembles d’instruments. Seulement, on ne sait aujourd’hui pas réaliser cette mise en relation sur la
basse de viole de gambe. De nombreuses études ont été réalisées sur la mécanique des instruments de
musique à cordes frottées, notamment sur le violon et le violoncelle, mais a contrario, peu sur la basse
de viole. Au premier abord, nous pourrions penser que le comportement vibratoire d’une basse de viole
pourrait se rapprocher de celui du violoncelle, de par leurs gabarits notamment. Cependant, certains
modes semblent compliqués à identifier. De plus, dans un cadre muséal et donc lorsque l’on travaille sur
des corpus d’époque, des détériorations liées à l’état de conservation qui peuvent nuire à la pertinence
de l’approche expérimentale. L’idée est donc venue de réaliser une analyse modale par une méthode
expérimentale ainsi que par une méthode numérique d’un modèle de basse de viole de gambe baroque,
dans le but de repérer les premiers modes basses fréquences. La réalisation d’un modèle numérique
est d’autant plus intéressante qu’il permettra de changer les paramètres géométriques des instruments
observés dans la collection, et d’observer leur influence sur l’ordre d’apparition des modes d’intérêt.
Il pourra également servir à modéliser des détériorations (fissures, trous) dans le but d’identifier leur
impact sur le comportement vibratoire de l’instrument. Ce modèle, pour être validé, peut être comparé
aux mesures expérimentales, notamment via la comparaison de la base modale.
Différents outils seront utilisés comme un vibromètre 3D pour les mesures expérimentales, ainsi
qu’un logiciel d’analyse par éléments finis pour l’étude numérique. Le laboratoire ne possédant pas
tout le matériel requis pour l’étude, plusieurs partenaires ont été invités dans le projet. Le laboratoire
du SATIE (Laboratoire des systèmes et applications des technologies de l’information et de l’énergie,
UMR CNRS 8029), représenté dans le cadre de cette étude, par Vincent Gauthier, nous ouvre l’accès
à la plateforme LaserInnov de Patrimex (PATrimoines Matériels : Réseau d’Instrumentation Multisites
EXpérimental -11-EQPX-0034), pour l’utilisation d’un vibromètre laser 3D. De plus, l’institut FEMTO-
ST (Franche-Comté Electronique, Mécanique, Thermique et Optique - Sciences et Techniques, UMR
CNRS 6174), représenté dans le cadre de cette étude par Scott Cogan et Emmanuel Foltête, fait partie
du suivi de projet pour son expertise dans le domaine de l’analyse modale.
3
Introduction G. Deniel
Figure 3 – Basse de viole à 7 corde par Nicolas Bertrand, Paris, 1720 (inv. E.0690, Musée de la musique)
(à gauche), "La leçon de musique", huile sur toile par Jean-Marc Nattier, France, 1710, (inv. E.997.13.1,
Musée de la musique) (à droite) © JM. Anglès
Instrument de musique à cordes frottées, la basse de viole de gambe se compose d’une caisse de
résonance, fabriquée traditionnellement en bois tels que l’érable ou le sapin. La caisse de résonance est
constituée d’un fond, d’une table d’harmonie et d’éclisses latérales, le tout assemblé de manière à former
une courbe en huit. L’instrument est reconnaissable à sa forme (un schéma de l’instrument est donné
en figure 4) : épaules tombantes, table voûtée percée d’ouïes généralement en forme de C, dos plat
mais souvent plié au niveau du lobe supérieur de la caisse. Une barre de bois, que l’on appelle barre
d’harmonie, est fixée sur le dos de la table afin de la renforcer. Une planche (le plus souvent confectionnée
à l’aide d’un bois résineux, comme la barre d’harmonie), appelée assiette, est généralement positionnée
au fond de la caisse, afin de rigidifier et de consolider le fond, ainsi que pour supporter l’âme.
L’âme est une pièce le plus souvent faite d’épicéa, placée à l’intérieur de la caisse de résonance,
maintenue verticalement entre le fond et la table. Elle a pour rôle de transmettre les vibrations de la
table (qui proviennent elles-mêmes des vibrations des cordes transmises par le chevalet) au fond de
l’instrument. Elle permet aussi à la table de résister à l’importante pression exercée par les cordes par
l’intermédiaire du chevalet. L’âme est d’ailleurs le seul point de soutien de la table au milieu de la caisse
de résonance.
4
Introduction G. Deniel
Figure 4 – Schéma de la basse de viole de gambe baroque suivant différents profils et plans de coupe,
modifié de [1]
Le corps de la basse de viole est creux, ce qui permet à la caisse de résonance d’amplifier le son
des cordes et de créer une sonorité expressive. Les cordes sont généralement en boyau ou en métal,
traditionnellement au nombre de six, bien que des variations existent en fonction du répertoire, des
époques, et des préférences du musicien. Ces cordes sont tendues entre le chevalet, en bois, situé sur la
table d’harmonie, et le cordier, généralement en bois également, fixé à la partie inférieure de la caisse.
L’une des caractéristiques de la basse de viole de gambe est la présence de frettes sur le manche.
Elles sont placées perpendiculairement et permettent au musicien de jouer avec une grande précision des
notes spécifiques. Le manche de la basse de viole est le plus souvent fabriqué en bois d’érable, et il est
fixé solidement à la caisse de résonance. Une particularité propre à la viole de gambe est que son manche
est souvent orné d’une tête sculptée.
D’un point de vue musical, la viole de gambe a progressivement gagné en importance dans l’interpré-
tation des pièces dites savantes. Elle a connu un succès croissant jusqu’au xviiie siècle, particulièrement
auprès des musiciens amateurs issus des classes aisées. Les raisons de cet engouement pour l’instrument
sont multiples : la douceur de son timbre, la présence de frettes sur le manche qui facilitent l’appren-
tissage, ainsi que la tenue de jeu qui permet au musicien de rester confortablement assis. Les basses de
viole présentent des caractéristiques organologiques, géométriques et sonores qui dépendent fortement
du lieu de facture et de l’époque considérée.
Au xvie siècle, le centre de facture des basses de viole se situe en Angleterre. L’instrument y est alors
couramment joué en ensemble avec d’autres instruments à cordes. Plus tard, au xviie siècle, la France
devient le centre de facture de l’instrument, avec un répertoire soliste caractéristique et l’invention, par
Michel Collichon à la fin du siècle, de la viole à 7 cordes [2]. Le Musée de la musique de Paris possède
notamment la première basse de viole à sept cordes connue [3]. Cependant, la basse de viole a peu à peu
disparu en Europe pour laisser sa place au violoncelle, suite à l’arrivée des concertos dès la fin du xviie
siècle. Elle réapparaît depuis peu dans quelques répertoires classiques.
5
Introduction G. Deniel
1.3 Problématique
La problématique de l’amélioration de la compréhension du comportement vibratoire et sonore de la
basse de viole baroque suscite un intérêt croissant parmi les musiciens, les luthiers et les chercheurs. La
basse de viole baroque est un instrument riche en histoire et en expressivité, mais sa complexité acous-
tique demeure encore partiellement inexplorée. Comprendre comment le choix du matériau constituant
les cordes, la géométrie spécifique (dos plat, profils de voûte, etc.) et les caractéristiques des matériaux du
corps de l’instrument influencent le son produit est essentiel pour comprendre l’évolution de cet instru-
ment entre les écoles de facture et les époques, l’attribution de certains répertoires à certains instruments,
et fournir des connaissances scientifiques venant alimenter les performances musicales historiquement in-
formées produites en contexte muséal. Cette étude cherche donc à explorer les mécanismes vibratoires
et sonores propres à la basse de viole baroque, en combinant des approches scientifiques, acoustiques et
historiques, afin de contribuer à une meilleure appréhension de cet instrument emblématique.
L’étude vise à fournir des premiers éléments de compréhension sur les liens entre le comportement
vibratoire et le comportement sonore de l’instrument, à travers la modélisation numérique d’un fac-similé
d’une basse de viole de Michel Collichon de la collection, ainsi que des mesures expérimentales, et la
comparaison issu de la littérature et des données existantes sur le comportement sonore des instruments
à cordes frottées.
Le bois est généralement considéré comme un matériau orthotrope, ce qui signifie que son compor-
tement est décrit dans trois directions principales. En d’autres termes, les propriétés du matériau, telles
que sa rigidité, varient en fonction de la direction dans laquelle elles sont mesurées. Cette différencia-
tion des propriétés mécaniques dans différentes directions est ce qui distingue un matériau orthotrope
d’un matériau isotrope. Les directions correspondantes sont affichées dans la figure 5. Sur cette figure,
L correspond à la direction longitudinale (sens de développement des fibres), R à la direction radiale et
T à la direction tangentielle. La plupart du temps, les bois utilisés pour la fabrication d’instruments de
musique sont sciés sur quartier ou sur dosse, ce qui correspond à une coupe dans les plans LR et LT.
6
Introduction G. Deniel
On décrit la matrice des modules techniques du bois comme suit, d’après [7] :
1 −νRL −νT L
EL ER ET 0 0 0
−ν 1 −νT R
LR
EL ER ET 0 0 0
−νLT −νRT 1
0 0 0
EL ER ET
S orthotrope =
1
0 0 0 0 0
GRT
1
0 0 0 0 0
GT L
1
0 0 0 0 0 GLR
L’article [7] nous donne la matrice [S] de plusieurs essences, notamment utilisés en lutherie.
Le bois est constitué de fibres qui se développent naturellement dans des directions spécifiques. Les
instruments de musique sont fabriqués en utilisant des pièces de bois avec des orientations de fibres
soigneusement choisies. En somme, le caractère orthotrope du bois influe sur la manière dont les vibra-
tions se propagent à travers un instrument de musique. Cela permet aux luthiers et aux concepteurs
d’exploiter ces propriétés pour créer des instruments avec des caractéristiques sonores spécifiques.
En Angleterre, probablement en raison du manque d’épicéa, qui devait être importé d’autres pays
européens, les luthiers ont développé une manière différente de confectionner la table d’harmonie. Ils
utilisent un jeu de planches pliées (généralement 5), d’une manière probablement inspirée de la construc-
tion des tonneaux, permettant l’utilisation de pièces de bois un peu plus petites [10]. Cette méthode est
appelée la méthode pliage à chaud. Le processus commence par la sélection d’un bois souple, approprié
pour la table d’harmonie, mais facilement malléable. Traditionnellement, le bois de sapin est le matériau
le plus couramment utilisé. Il doit être coupé en bandes, et chauffé pour être rendu suffisamment souple
pour le pliage sans se fissurer. Pour cela, le luthier utilise un dispositif de chauffage spécial, généralement
un fer à chauffer. Une fois que le bois atteint la bonne température et qu’il est suffisamment souple, le
luthier plie doucement le bois à l’aide des outils appropriés pour suivre la courbe du gabarit. Après avoir
obtenu la forme voulue, les planches de bois sont laissées à refroidir sur le gabarit puis collées entre elles.
Le refroidissement progressif permet au bois de conserver sa forme incurvée et de stabiliser la structure
de la table d’harmonie [11].
7
Introduction G. Deniel
Cette technique devient un trait caractéristique de la facture anglaise, et a été importée en France,
où les luthiers de la fin du xviie siècle ont commencé à construire des violes à partir d’originaux anglais,
très à la mode parmi les nobles français. On connaît d’ailleurs le nom de Michel Collichon, qui semble
être le premier à avoir utilisé cette méthode en France. Un dessin explicatif des deux méthodes est donné
en figure 6 ci-dessous.
Figure 6 – Dessin d’une table d’harmonie confectionnée à partir de la méthode de pliage à chaud (à
gauche) et par sculpture (à droite)
La confection de la table d’harmonie peut donc suivre plusieurs méthodes, selon les écoles de facture
ou l’époque notamment, mais reste toutefois un travail d’artisanat. En effet, tout l’art de la facture
instrumentale réside dans le savoir-faire et la technique du luthier. La table d’harmonie étant l’élément
principal dans le rayonnement du son de l’instrument, elle joue un rôle primordial dans la signature
sonore de la basse de viole. La méthode choisie pour sa confection, et donc son profil de voûte, ainsi que
la gestion de son épaisseur, auront un impact conséquent sur le comportement vibratoire de l’instrument.
La méthode par sculpture aura tendance à produire des tables possédants des profils d’épaisseur plus
variées et hétérogènes, contrairement à la méthode par pliage. De plus, pour une table sculptée, les fibres
sont coupées et suivent une seule et même direction, tandis que pour une table pliée, les fibres du bois
suivront la courbure de la table.
Le fonctionnement mécanique simplifié d’un instrument de musique à cordes frottées repose sur le
principe de l’excitation et de la résonance. L’archet est l’excitateur qui met les cordes en vibration, et la
caisse de résonance de l’instrument agit comme un résonateur qui amplifie et façonne le son des cordes
en réponse à leurs vibrations. C’est cette interaction entre l’excitateur et le résonateur, par le biais du
chevalet, qui permet de produire le son caractéristique de ces instruments [12].
Ensuite, de manière plus détaillée, les cordes sont frottées avec un archet, dont la surface légèrement
adhésive déplace la corde. Lorsque la force de rappel ramène la corde vers sa position de repos, cette
force finit par dépasser la limite d’adhérence, et la corde repart dans l’autre sens. À un moment donné,
la vitesse de la corde par rapport à l’archet devient nulle, et elle adhère à nouveau, créant ainsi une
vibration. Cette vibration a une fréquence fondamentale légèrement différente de celle de la corde qui
8
Introduction G. Deniel
vibrerait sans excitation. La différence de fréquence dépend de divers paramètres, tels que la nature
de l’enduit sur l’archet, généralement une résine appelée colophane, la force d’appui et la vitesse du
mouvement, tous contrôlés par l’instrumentiste [13]. Le paramètre principal est la longueur de la corde,
que le musicien règle en appuyant une ou plusieurs cordes sur le manche. Ces vibrations sont ensuite
transmises par le chevalet à la table d’harmonie. Le chevalet, qui se tient debout entre la table d’harmonie
et les cordes, agit comme un transmetteur d’énergie mécanique. Coincée entre la table d’harmonie et le
fond (l’assiette dans le cas de la viole), au niveau de l’emplacement du chevalet, l’âme a pour rôle de
transférer les vibrations au fond de la caisse de résonance. Une barre d’harmonie est positionnée sous la
table, ce qui permet de supporter la tension des cordes. La cavité acoustique de l’instrument à cordes
frottées comprend l’air contenu dans la caisse de résonance, qui est formée par la table d’harmonie, les
éclisses et le fond. Lorsque les vibrations des cordes sont transmises à la table d’harmonie, ces éléments
résonnent, amplifiant ainsi le son produit par les cordes. La forme et les dimensions de la cavité acoustique
influencent les caractéristiques sonores de l’instrument.
Chaque mode de vibration est associé à une fréquence propre, appelée fréquence de résonance
(exprimée en Hz). Ces fréquences dépendent des propriétés physiques de l’objet, comme sa forme, sa
rigidité et sa masse. Tout objet ou système physique possède plusieurs modes de vibration (un par degré
de liberté du système), chacun correspondant à un motif spécifique d’oscillation. Pour un système discret
à un degré de liberté avec amortissement visqueux, l’équation différentielle du mouvement de la masse
est [17] :
Si ce même système est conservatif (c = 0), on définit la fréquence propre fp par l’équation suivante :
r
ω0 k 1
fp = = ∗
2π m 2π
Pour un système à N degrés de liberté, avec un amortissement visqueux, l’équation (1) devient [18] :
9
Introduction G. Deniel
avec [M ] la matrice masse de dimension (N, N ), [C] la matrice amortissement de dimension (N, N ),
[K] la matrice raideur de dimension (N, N ), {x(t)} le vecteur position de dimension (N, 1), {ẋ(t)} le
vecteur vitesse de dimension (N, 1), {ẍ(t)} le vecteur accélération de dimension (N, 1), et t la variable
de temps.
En régime libre (pas d’excitation forcée extérieure), on a {F (t)} = 0. Les matrices [M ], [C] et [K]
se diagonalisent dans une seule et même base, appelée base modale du système. Elle comprend les vec-
teurs propres {ϕi }1≤i≤N et les valeurs propres (λi )1≤i≤N du système. Les vecteurs propres représentent
les déformées modales de chaque mode, et décrivent la déformation spatiale caractéristique du système
lorsque ce mode vibratoire particulier est excité. Les valeurs propres complexes sont reliées aux amor-
tissements modaux et aux fréquences propres du système. Les grandeurs de sortie d’une analyse modale
sont les déformées modales, les amortissements modaux et les fréquences propres du système. Dans la
base modale, la matrice de masse s’écrit diag(mi )1≤i≤N , la matrice de raideur s’écrit diag(ki )1≤i≤N et
d’amortissement s’écrit diag(ci )1≤i≤N . On définit le taux d’amortissement par ci = 2ζi mi ωi
la matrice q
ki
avec ωi = mi .
Dans la base modale d’un instrument de musique à cavité, chaque mode propre possède une contri-
bution acoustique provenant de la cavité d’air et vibratoire provenant de la structure. On distingue
alors les modes à dominante vibratoire appelés modes de corps ou de structure, des modes à dominante
acoustique, appelés modes de cavité.
Modes acoustiques
Les sept premiers modes d’une cavité de violoncelle sont illustrés en figure 7. Ceux-ci sont observés
en construisant une cavité en forme de violoncelle avec des parois rigides ou en incrustant le violoncelle
dans un bac à sable afin que les parois ne puissent pas vibrer. Les nœuds sont observés en déplaçant un
microphone sonde à l’intérieur de la cavité et en observant les emplacements auxquels la phase se déphase
de 180°. Les lignes en pointillés sont les lignes nodales. En acoustique, les lignes nodales représentent les
secteurs où la variation de pression dans le fluide est nulle. Le premier mode de cavité d’un instrument
de musique à cordes frottées est habituellement nommé A0 , et les suivants A1 , A2 ... AN , avec N entier
positif [12].
10
Introduction G. Deniel
Figure 7 – Représentation 2D des premiers modes acoustiques d’une cavité de violoncelle, d’après [12]
(les lignes nodales sont représentées par des pointillés, et l’appellation (m,n) se fait selon le nombre de
lignes verticales m et horizontales n)
Ici, le premier mode de cavité (0,0), appelé A0 ou mode Helmholtz se trouve à 104 Hz. Le mode de
Helmholtz fait référence à la résonance qui se produit dans une cavité délimitée par des parois rigides.
Ce phénomène est nommé d’après Hermann von Helmholtz. On considère ici une cavité ouverte à une
extrémité et fermée à l’autre, semblable à une bouteille ou un récipient avec un col étroit débouchant
sur un espace ouvert à la pression atmosphérique. Un schéma d’un résonateur de Helmholtz théorique
est donné en figure 8. Un mode de Helmholtz correspond au mode A0 de l’air contenu dans la cavité,
et se produit lorsque la longueur de la vibration de la cavité correspond à la taille de la cavité elle-
même ou à une fraction de cette taille. Ce mode de résonance est particulièrement audible dans les
fréquences basses [20-400 Hz] d’instruments de musique. Pour un instrument de musique, ce mode est
appelé pseudo-Helmholtz, car les parois n’étant pas parfaitement rigides, des couplages vibro-acoustiques
peuvent exister. Dans la suite, et par abus de langage, on appellera le mode de pseudo-Helmholtz A0 .
Avec c la vitesse du son dans l’air, A la section du col, L sa longueur et V le volume de la cavité,
la fréquence de résonance de ce système est inversement proportionnelle à la racine carrée du volume de
la cavité, elle est approchée par l’équation ci-dessous [22] :
r
c A
fH =
2π VL
Pour ce qui est de l’analogie est un système masse ressort, la masse m correspond à la masse d’air
dans le col, et k à la raideur induite par le volume d’air à l’intérieur de la cavité. Dans le cas du violon
ou du violoncelle, le col correspond aux ouïes. La forme et la taille des ouïes pourront donc avoir un
impact sur la fréquence associée à ce mode.
11
Introduction G. Deniel
Couplage vibro-acoustique
Le couplage vibro-acoustique est un phénomène qui se produit lorsque les vibrations mécaniques
d’un objet ou d’une structure sont couplées avec la génération, la propagation et la réception des ondes
sonores (acoustiques) dans un environnement donné. En d’autres termes, il s’agit de l’interaction entre
les vibrations et le milieu fluide dans lequel est immergée une structure. Ce phénomène se produit géné-
ralement lorsque des objets ou des structures vibrent à des fréquences qui sont proches ou en résonance
avec les fréquences acoustiques de l’environnement dans lequel ils se trouvent. Lorsque les vibrations
d’un objet se propagent à travers l’air ou un matériau solide, elles peuvent générer des ondes sonores qui
se propagent également. De même, les ondes sonores provenant de l’environnement peuvent induire des
vibrations dans les objets et les structures.
Pour le cas d’instruments de musique possédant une caisse de résonance ouverte par des ouïes, le
couplage de la table d’harmonie avec la cavité acoustique peut être considéré comme un système à deux
degrés de liberté, constitué d’un résonateur de Helmholtz dont l’une des parois (table d’harmonie) est
mobile [12]. L’analogie mécanique se fait par l’ajout d’une force représentent la tension des cordes ainsi
que d’un solide représentant la table, de masse mp de raideur intrinsèque Kp qui dépend du matériau.
Un deuxième piston de masse mh représente la masse d’air dans les ouïes, et le volume V d’air enfermé
fait office de deuxième ressort (figure 9). Le modèle à deux masses prédit deux résonances avec une
anti-résonance entre elles. Celles-ci correspondent à f1 (mode de pseudo-Helmholtz), f2 (mode de table)
et fA (mode de Helmholtz à parois rigides).
Figure 9 – a) Système mécanique créé par la cavité d’air et sa paroi mobile b) Réponse en basses
fréquences du même système, modifié de [12]
Le comportement vibratoire des instruments à cordes frottées est connu majoritairement par la
littérature sur le violon ([12] p.321-322). En 2015, C. Gough s’intéresse au couplage vibro-acoustique du
violon à l’aide de mesures expérimentales ainsi qu’en réalisant un modèle par méthode éléments finis
[15]. La méthode des éléments finis (MEF ou FEM) est une technique numérique largement utilisée
pour résoudre des problèmes complexes en sciences appliquées. Elle permet de résoudre des équations
différentielles, telles que les équations aux dérivées partielles, en les discrétisant sur un domaine donné.
Cette méthode est très polyvalente et peut être appliquée à de nombreux domaines tels que l’acoustique
musicale. Une partie des résultats obtenus grâce à son étude sont affichés en figure 10.
On observe sur cette figure les déformées modales des premiers modes couplés du violon. Ces motifs
de déformation correspondent aux modes de vibration, créant des points de hautes (en rouge et bleu)
et de basses (en vert) amplitudes, appelés respectivement ventres et nœuds de vibration. Une série de
nœuds de vibration est appelée ligne nodale.
12
Introduction G. Deniel
Figure 10 – Comparaison entre les déformées modales et les fréquences calculées de la caisse de réso-
nance sans âme d’un violon, pour des mesures expérimentales et un modèle éléments finis, d’après [15]
Rayonnement acoustique
Pour le violon, on observe une plage de modes fortement présents dans la réponse sonore, jusqu’à
environ 1 000 Hz, où il existe un nombre relativement restreint de modes de résonance bien définis tels
que les modes A0 , B1− (breathing), B1+ (bending) (cf. figure 10). Ils agissent comme des monopoles
acoustiques rayonnant uniformément dans toutes les directions [23]. Les études acoustiques des instru-
ments de musique à cordes frottées portent généralement sur les modes basses fréquences. Bien qu’ils
contribuent au timbre de l’instrument, certains autres modes comme le mode Cbr (center bout rotation,
cf. figure 10), A1 , ou d’autres à des fréquences plus hautes présentent des rayonnements moins impor-
tants. L’appellation des modes rayonnants varie selon la littérature, mais nous nous baserons, lors de
cette étude, sur les travaux de R. Viala [21], dont l’appellation utilisée est en partie la même que celle
proposée par C. Gough. Les modes de cavité sont nommés AN (A pour "acoustique") et les modes de
corps sont appelés BN (B pour "beam" ou "poutre") ou CN (C pour "corps").
Tout d’abord, on retrouve des mesures de FRF expérimentales dans "The Science of String Instru-
ments" [12], réalisées sur des basses de violes baroques. Quelques modes sont identifiés sur une copie
d’un modèle de Michel Collichon. Les cordes sont tendues et l’âme placée à l’intérieur de la caisse de
résonance. Le mode A0 semble être proche de 100 Hz, et un ensemble de modes de corps rayonnants entre
150 et 200 Hz. Il est dit explicitement dans ce document que le comportement vibratoire de la basse de
viole ressemble fortement à celui du violoncelle en dessous de 300 Hz. Cependant, aucune correspondance
13
Introduction G. Deniel
entre les pics de résonance visibles sur ces FRF et les modes propres n’est effectuée. On ne sait donc pas
si ces deux instruments peuvent présenter des inversions de modes (changement de l’ordre d’apparition
des modes sur l’axe fréquentiel).
En 2014, une étude a été réalisée par l’université de "Science and Technologie" de Kraków [16], visant
à réaliser un modèle numérique par méthode éléments finis d’un modèle de basse de viole baroque en état
de jeu (cordée), afin d’y étudier l’influence des précontraintes sur son comportement vibratoire. Cette
étude s’intéresse essentiellement à l’influence des précontraintes dues à l’âme, mais aussi à la tension des
cordes et à la force exercée par le chevalet sur la table d’harmonie. Le caractère orthotrope du bois est
pris en compte. Cette étude démontre le décalage en fréquence des modes propres lorsque l’on modifie
la position et la taille de l’âme. Cependant, le couplage air-structure n’est pas modélisé. Également, le
lien entre ces modes propres et le comportement sonore n’est pas précisé.
En 2015, D-M. Campbell confirme l’influence de l’âme dans le comportement acoustique de la basse
de viole [14], et la qualifie comme un amplificateur dans le rayonnement des premiers modes de la caisse
de résonance, notamment les modes mettant en vibration principalement la table d’harmonie.
En 2019, V. Chatziioannou réalise une modélisation numérique par méthode éléments finis d’une
viole de gambe renaissance en état de jeu (cordée), dont la table d’harmonie est d’épaisseur variable,
et compare les déformées modales obtenues à l’aide de mesures expérimentales [24]. Il est important de
savoir que la basse de viole renaissance se distingue de la basse de viole baroque en plusieurs points.
Notamment, de manière générale, le dos de la basse de viole renaissance est bombé, et sa caisse de
résonance ne possède pas d’âme. De plus, la forme des éclisses n’est pas la même, particulièrement au
niveau du bas et du haut de la caisse de résonance. Dans cette étude, l’instrument étudié a beau être
une basse de viole renaissance, elle possède un fond plat. Le caractère orthotrope du bois est pris en
compte. Cependant, le couplage air-structure n’est pas modélisé, mais une étude acoustique est menée
sur la cavité seule. L’article [24] nous fournit les cartographies des champs de pression des deux premiers
modes acoustiques, visibles en figure 11 (il n’est pas précisé sir les parois sont considérées rigides, mais
les ouïes sont modélisées comme des surfaces acoustiques libres). La forme des modes semble corréler
avec la documentation sur le violon, donnée en paragraphe 1.4.2.3.
Figure 11 – Deux premiers modes de cavité d’une basse de viole renaissance, (à gauche, mode 1) le
volume d’air oscille en phase, (à droite, mode 2) l’air dans les parties supérieures et inférieures de la
caisse de résonance oscille en opposition de phase, d’après [24]
En 2021, P. Silvestri et E. Ravina, réalisent une étude expérimentale sur le comportement vibro-
acoustique de deux basses de viole de gambe renaissance [19], l’une possédant un fond plat, et l’autre
un fond bombé. L’aspect du fond peut avoir un impact conséquent dans le comportement vibratoire de
l’instrument. La mesure réalisée dans cette étude utilise un accéléromètre placé selon plusieurs points de
référence sur l’instrument, ainsi qu’un marteau d’impact, frappant sur une multitude de points extérieurs
sur l’instrument. Pour atteindre des conditions libres, la viole est suspendue avec des élastiques au niveau
14
Introduction G. Deniel
du manche. Les déformées modales mesurées sont données pour un instrument sans barre d’harmonie et
sans âme, mais avec un fond plat. Une partie des déformées mesurées est représentée en tableau 1. Une
mesure de champ de pression est également effectuée par le jeu d’une note à 65.3 Hz, afin d’identifier les
modes rayonnants.
L’appellation des modes se fait selon celle utilisée par C. Gough [15].On distingue les deux premiers
modes de cavité A0 (rayonnant) et A1 , les premiers modes de la caisse de résonance C0 (rayonnant)
(décrit par C0b pour le fond et C0t pour la table), (dans [15], C. Gough ne nomme pas de mode "C1 ") C3
(rayonnant) (décrit par C3b pour le fond et C3t pour la table), B1 − (rayonnant) et CBR (non rayonnant),
ainsi que le mode B0 (non rayonnant) décrivant un mode de manche. C2 est identifié plus haut que CBR
en fréquences (370 Hz).
f f
Mode Déformée Mode Déformée
(Hz) (Hz)
Tableau 1 – Déformées modales basses fréquences d’une basse de viole renaissance à fond plat, sans
barre d’harmonie et sans âme, selon leurs fréquences et leurs appellations, d’après [19]
15
Introduction G. Deniel
Dans un premier temps, il s’intéresse au cas particulier d’un seul instrument, en identifiant sur sa
FRF les modes propres prépondérants pour sa signature sonore. Pour cela, il utilise une analyse comparée
de la FRF avec les déformées modales expérimentales de l’instrument obtenues par vibrométrie laser.
Dans un second temps, le présent travail vise à construire un modèle numérique de basse de viole
(du même instrument), validé par les mesures expérimentales en vibrométrie laser. Afin de pousser plus
loin l’état de la littérature, il intègre là une âme ainsi que le couplage vibro-acoustique entre la cavité
d’air à l’intérieur de la caisse et la structure de l’instrument. Loin d’être un but en soi, ce modèle
permettra à terme d’étudier de manière globale le corpus de basses de viole françaises et anglaises de
la collection, notamment l’impact de la diversité géométrique observée entre les écoles françaises et
anglaises, sur le comportement vibratoire et donc sonore de l’instrument. Par ailleurs, ce modèle pourra
être utilisé afin d’évaluer l’influence de l’absence d’âme, perdue sur certains instruments de la collection,
sur l’interprétation de la FRF en termes de modes vibratoires et de rayonnement sonore.
16
Matériel et méthodes G. Deniel
2 Matériel et méthodes
Afin d’améliorer la compréhension du comportement vibratoire et acoustique de la basse de viole, on
propose de remplir les objectifs précédemment énoncés par la mise en place de trois protocoles. Premiè-
rement, des mesures de pression et de mobilité au chevalet en chambre semi-anéchoïque seront réalisées.
Ces mesures permettront dans un premier temps, de récupérer plusieurs fréquences de résonance, pour
lesquelles l’on tentera d’identifier leur appartenance à des modes à dominante vibratoire ou acoustique.
Comme précisé en paragraphe 1.4.2.3, chaque mode possède une contribution acoustique et vibratoire
différente. Ainsi, on distingue les modes de vibration des modes acoustiques. Ensuite, une mesure par
vibrométrie laser 3D au laboratoire du SATIE sera effectuée, afin d’obtenir les déformées modales asso-
ciées aux fréquences de résonance préalablement identifiées. Puis, un modèle numérique sera développé,
qui permettra d’appuyer l’identification expérimentale des modes propres de l’instrument. Tous les pro-
tocoles expérimentaux et d’analyse vont être détaillés dans cette partie. Afin de réaliser l’ensemble de
ces études, il nous a fallu, dans un premier temps, choisir un objet d’étude, sur lequel seront effectuées
les mesures. Le modèle numérique sera également basé sur ce dernier.
Figure 12 – Fac-similé par T. Muthesius, 2002 (inv. F.13, Musée de la musique), d’une basse de viole
à 7 cordes, par Michel Collichon, 1683 (inv. E.980.2.667, Musée de la musique) © JP. Echard
Le manche, orné d’une tête d’ange sculptée, et son tasseau, sont d’une seule pièce de poirier. La
touche est en sapin plaqué d’ébène. La table est réalisée en cinq pièces assemblées longitudinalement
d’acajou d’Amérique (ou acajou de Cuba) [25]. Ce bois, de la même famille que l’acajou amer, a été
également utilisé pour le reste de la caisse. Les ouïes sont en forme de "C". On estime que les éléments
comme l’assiette, la barre d’harmonie et le tasseau du bas sont construits à partir d’un bois résineux.
17
Matériel et méthodes G. Deniel
Nous avons choisi cet instrument, car il s’agit du seul fac-similé de basse de viole baroque de la
collection et qu’il est facilement transportable, contrairement aux instruments originaux de la collection
dont les conditions de transport sont très encadrées en termes d’assurance et de climat. Il est donc possible
de l’amener à l’université de Cergy, où se situe le laboratoire du SATIE, qui possède un vibromètre 3D
que nous utiliserons dans le cadre de cette étude. Il s’agit également d’un instrument en parfait état de
jeu, contrairement à la plupart des basses de violes de la collection du musée.
La précision de mesure utilisée pour ce scan est de 0.1 mm. Le fichier de sortie est un fichier de
maillage .stl (Standard Triangle Language). La table ne sera pas scannée entièrement, car une partie
de la table d’harmonie, située sous le bas de la touche de l’instrument, est inaccessible à l’acquisition
par le scanner. La partie de la table d’harmonie se trouvant sous la touche sera alors extrapolée en
post-traitement. La méthode de scan par lumière structurée est utilisée.
18
Matériel et méthodes G. Deniel
Le scan ainsi obtenu est visible en figure 14. Le fichier .stl obtenu est ensuite importé dans l’outil
de modélisation 3D SOLIDWORKS ®. Il est importé à l’aide du module "ScanTo3D", qui permet de
convertir en surface ou en volume des fichiers .stl de scans 3D.
Figure 14 – Scan 3D de la table d’harmonie (fichier .stl) (le rectangle en haut de la table correspond
à la partie non scannée de la table, sous la touche)
La barre d’harmonie possédant également une géométrie complexe qui est peu renseignée sur les
plans 2D de l’instrument, un scan de celle-ci est également réalisé avec les mêmes paramètres que précé-
demment. En revanche, la barre d’harmonie se situant dans la caisse du fac-similé, elle est inaccessible
au scan. Le choix a donc été fait de scanner la barre d’harmonie de l’instrument original, supposée
quasiment identique à celle du fac-similé.
À partir des fichiers .stl obtenus, ainsi que du module ScanTo3D de SOLIDWORKS ®, nous
sommes en mesure de recréer la table d’harmonie complète pour le modèle éléments finis. L’utilisa-
tion de ScanTo3D nous permet tout d’abord de lire un fichier de maillage .stl sur SOLIDWORKS ®. Le
repère peut être redéfini. Dans l’idéal, le plan (y,z) est défini de manière à contenir tous les points du
contour de la table. Cependant, dans les faits, les points du contour de la table ne sont pas définis selon
un seul et même plan. Ce module permet ensuite d’éliminer le bruit de mesure (notamment de lisser les
contours), ainsi que de réduire le maillage afin de rendre le fichier plus simple à manipuler. Le maillage
est ainsi prêt à être converti en volume.
19
Matériel et méthodes G. Deniel
Pour la table d’harmonie, les dessins techniques sont importés sous SOLIDWORKS ® afin de re-
définir les bordures de la table. Une échelle de 5cm est représentée sur chaque dessin technique afin
de remettre le dessin à l’échelle. Le contour de la table d’harmonie peut alors être redessiné, avec une
précision d’un demi-pixel, soit 0.04 mm. Une fois les contours de la table et des ouïes définis, il faut
extrapoler la surface manquante de la table qui se trouve sous la touche. Pour cela, nous utiliserons
l’outil "surface remplir" de SOLIDWORKS ®. Cette fonction permet d’extrapoler une surface à partir
de contours. Cette nouvelle surface ainsi que la surface de la table d’harmonie sont assemblées à l’aide
de la fonction "surfaces cousues". Une fois la surface de la table d’harmonie complétée, un volume est
créé à partir de la fonction "épaissir". La fonction utilisée permet de créer un volume sur une épaisseur
constante. On sait, d’après le paragraphe 1.2, que les tables d’harmonie ne possèdent pas une épaisseur
constante. De plus, un révélé d’épaisseur de la table d’harmonie de l’objet d’étude a été effectué et le
confirme bien. Cependant, le relevé indique une épaisseur moyenne de 4.2 mm et un écart-type de 0.27
mm, sur une série de 63 valeurs. Les relevées sont effectuées sur la table, à l’aide d’une sonde "MAG-ic
probe" de précision égale à 0.01 mm, en suivant une grille de 5 cm de résolution. Une épaisseur constante
de 4.2 mm sera donc appliquée à la table. On négligera donc, dans le modèle, le fait que la table d’har-
monie possède une épaisseur variable. Des congés de rayon 2 mm sont appliqués sur la face supérieure
des contours. Un biseau est également réalisé sur la face intérieure du contour des ouïes dans le but de se
rapprocher au maximum de ce qu’on peut retrouver sur le modèle physique. La table d’harmonie ainsi
modélisée est visible en figure 15 ci-dessous.
Figure 15 – Modèle 3D de la table d’harmonie avec barre d’harmonie, vue de dessus (à gauche) et vue
de dessous (à droite)
Ensuite, la barre d’harmonie est importée dans SOLIDWORKS ® par la même méthode. Sa position
est déterminée à partir des dessins techniques. La table et la barre sont ensuite fusionnées à l’aide de la
fonction "combiner". Le logiciel est tout de même capable de reconnaître deux entités séparément.
Caisse de résonance
Après avoir modélisé l’ensemble de la table d’harmonie, nous pouvons passer au reste de la caisse
de résonance. Tout d’abord, le fond est redessiné par la même méthode que pour le contour de la table
d’harmonie. Une épaisseur constante est également appliquée, de 4.2 mm, déduite des relevés d’épaisseur
du dessin technique. Un congé de 2 mm de rayon est également appliqué sur la face extérieure du contour.
À partir du contour du fond, il est possible de dessiner une coupe transversale des éclisses, à l’aide de la
fonction "convertir les entités". Une épaisseur constante est également appliquée aux éclisses, égale à 2.1
mm, toujours basée sur les relevés d’épaisseur du dessin technique. Les éclisses sont modélisées comme
épousant le pourtour de la table d’harmonie et du fond.
Pour la modélisation de l’âme, le diamètre réel a été mesuré sur celle du fac-similé, soit 1 cm. Sa
position est révélée sur l’instrument physique à l’aide d’un réglet de résolution 1 mm, et est renseignée
en figure 16. Elle épouse la force de la table d’harmonie en son extrémité, et repose sur l’assiette.
20
Matériel et méthodes G. Deniel
Le reste des éléments comme le manche, la touche, le tasseau du bas, l’attache cordier, l’assiette,
ou les barrettes sont modélisés à partir des dessins techniques, qui sont importés sous SOLIDWORKS
® et par-dessus lesquels les esquisses sont réalisées, avec la même méthode employée que pour la table
et le fond. Ces éléments sont montrés en figure 17. Des simplifications géométriques ont en revanche
été faites concertant le haut du manche, car la précision géométrique de la tête sculptée ou des trous
servant à accueillir les chevilles n’apporte pas de réelles contributions dans le comportement vibratoire
de l’instrument. Enfin, les fines contres-éclisses présentes le long de la jointure entre la table d’harmonie
et les éclisses, et sur lesquelles repose la table, n’ont pas été modélisées à cause de certaines difficultés
rencontrées pour joindre les éclisses et contre-éclisses dans le modèle. Le modèle 3D final de la structure,
qui sera utilisé lors de l’étude par méthode éléments finis, est représenté en figure 18.
Figure 17 – Vue éclatée du modèle 3D complet de la basse de viole F.13 (les contre-éclisses ne sont pas
modélisées)
21
Matériel et méthodes G. Deniel
Figure 18 – Modèle 3D complet de la basse de viole F.13 (les contre-éclisses ne sont pas modélisées)
Volume de la cavité
Une fois le modèle de la structure terminé, il est possible de convertir l’intérieur de la caisse de
résonance en volume. Ce volume servira à réaliser l’étude acoustique lors du passage sur le logiciel d’étude
par éléments finis COMSOL Multiphysics ®. Ce volume sera appelé par la suite "cavité acoustique". Pour
créer ce volume, la surface des ouïes est d’abord interpolée à laide de la fonction "surface remplir" utilisée
précédemment. On obtient alors un volume clos. L’ensemble des surfaces internes ainsi que la surface
des ouïes sont assemblées à l’aide de la fonction "surfaces cousues". Cette fonction permet également de
créer un volume à partir de surfaces jointes. Le modèle 3D de la cavité acoustique est visible en figure
19 et est estimé à 0.024 m3 .
22
Matériel et méthodes G. Deniel
2.2.2.2 Paramètres
Maillage
Le maillage est généré à partir du mailleur automatique de COMSOL ®. Les tailles minimales et
maximales des éléments sont respectivement réglées à 0.034 m et 0.182 m. Le maillage est constitué
uniquement d’éléments tétraédriques. Le maillage comprend 355 075 éléments, dont 138 684 pour la
cavité et 216 391 pour la structure.
Afin de définir une fonction caractérisant l’impédance de rayonnement d’une ouïe, un polynôme du
second degré complexe est estimé à l’aide de la fonction polyfit() de MATLAB ®. Ce polynôme sera
ensuite inséré dans COMSOL ®, et sera appliquée sur la surface supérieure de chaque ouïe à l’aide d’une
condition "impédance". On définit l’impédance de rayonnement Z (P a.m/s) d’une ouïe en fonction de
la fréquence f (Hz) par :
Z = (3.0 × 10−5 ) · f2 + 6.3 × 10−3 · f − 5.8 × 10−1 + (−2.0 × 10−5 ) · f2 + 1.3 × 10−1 · f − 0.7 · i (3)
23
Matériel et méthodes G. Deniel
120
100
Impédance (Pa.s/m)
80
60
40
20
0
Re
Im
-20
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
Fréquence (Hz)
Figure 20 – Impédance de la surface d’une ouïe en fonction de la fréquence (Re désigne la partie réelle
et Im la partie imaginaire)
Paramètres matériaux
Les éléments de la basse de viole F.13 sont confectionnés à partir de quatre essences de bois différentes
[25]. De l’acajou d’Amérique (Swietania Mahagony) pour la caisse de résonance (table, fond, éclisses), du
poirier (Pyrus Communis) pour le manche, du sapin (Abies alba probablement) pour la touche (plaquée
d’ébène (Diospyros Crassiflora), et d’un bois résineux comme le sapin pour le reste des éléments, à savoir
la barre d’harmonie, le tasseau du bas, l’attache cordier et l’assiette. L’âme est réalisée à partir d’épicéa
ou de bois sapin.
Après expertise au sein de l’équipe ECR, par Jean-Claude Battault, certains éléments composant
la caisse de résonance sont réalisés à partir de bois coupé sur dosse. La coupe sur dosse est obtenue lors
du sciage des parties externes d’un tronc d’arbre. Cela a pour effet de créer des planches avec des motifs
ondulés, comme visible en figure 21. Sur cette figure, le sens des fibres du bois et l’orientation des axes
longitudinaux, radiaux et tangentiels, respectivement notés L, R, et T (cf. paragraphe 1.4.1.1), y sont
indiqués. Les planches de la table d’harmonie, le fond ainsi que les éclisses sont réalisés à partir d’une
coupe sur dosse, selon le plan tangentiel LT (cf. figure 5, paragraphe 1.4.1.1).
Figure 21 – Orientation des fibres du bois pour la cas d’une coupe sur dosse, modifié de [26]
L’orientation du bois doit être prise en compte dans le calcul éléments finis. Une orientation in-
correcte des éléments peut conduire à une mauvaise évaluation de la rigidité qui conduit à des bases
modales différentes présentant de mauvaises fréquences propres et des vecteurs propres irréalistes [21].
24
Matériel et méthodes G. Deniel
Pour cela, l’article [7] (basé sur les résultats du document [27]), nous donne les modules techniques de
plusieurs essences de bois, dont une essence d’acajou du Honduras (Amérique), ainsi qu’une essence de
sapin de Douglas. Romain Viala nous donne, d’après la base de données de l’ITEMM et de "MatWeb"
(base de données en ligne), les modules d’Young d’une essence de poirier. Ces modules sont donnés en
tableau 2.
Tableau 2 – Modules techniques d’une essence d’acajou du Honduras, et d’une essence de sapin de
Douglas, donnés par [7], ainsi que les modules d’Young pour une essence de poirier, donnés par Romain
Viala. Ei est le module d’Young selon la direction i, Gij le module de cisaillement selon le plan (i, j) et
νij le coefficient de Poisson selon le plan (i, j)
Ces modules sont implémentés dans COMSOL ®, en ajoutant trois matériaux orthotropes, à savoir
un pour l’acajou, un pour le poirier, et un pour le sapin. En se basant sur les données fournies par Romain
Viala, on choisit une masse volumique ρacajou = 590 kg.m3 pour l’acajou, ρpoirier = 600 kg.m3 pour le
poirier, et ρsapin = 512 kg.m3 pour le sapin. Les modules de cisaillement Gij ne sont pas disponibles
pour le poirier, ils ne seront donc pas pris en compte dans l’étude. Ne connaissant pas le module de
poisson pour une essence de poirier, on choisira arbitrairement νpoirier = 0.3, sur les conseils de Romain
Viala. Après expertise au sein de l’équipe ECR, on identifie le sens des fibres du bois pour chacun des
éléments de la basse de viole, hormis pour l’attache-cordier. L’attache-cordier sera alors associé à un
matériau isotrope, de module d’Young |E|sapin = 13.45 GP a, égal au module des trois composantes Ei
données pour le sapin. Le coefficient de poisson choisi à partir de [27] pour le sapin est νsapin = 0.3.
Étant un bois résineux, le sapin sera utilisé comme matériau pour l’âme, l’assiette, le tasseau du bas, la
touche et l’attache cordier. Les essences de bois ainsi que les orientations des différents éléments de la
basse de viole modélisée sont données en tableau 3. L’orientation est donnée telle que si L suit l’axe x,
R l’axe y, et T l’axe z, alors on notera l’orientation "LRT". Par exemple, si on note l’orientation "RTL",
R suit l’axe x, T l’axe y et L l’axe z. Une représentation des différents axes "LRT" selon chaque élément
du modèle est donnée en figure 22.
Tableau 3 – Essences de bois et orientation (les axes LRT sont projetés dans le repère global) des
différents éléments du modèle 3D
25
Matériel et méthodes G. Deniel
L’orientation du bois n’est pas modélisée localement. Elle sera la même en tout point d’un élément.
L’orientation locale du bois nécessite la définition d’un repère local qui n’a pu être fait faute de temps.
On ne modélise donc pas le fait que la fibre du bois suive une certaine courbure dans certains éléments
comme la table d’harmonie ou les éclisses. On suppose par ce choix que la table d’harmonie est creusée
et non pliée, ce qui diffère de la réalité.
Étude acoustique
Avant d’étudier le couplage fluide-structure du modèle 3D, une étude acoustique aux fréquences
propres est réalisée à l’aide du module "Acoustics" de COMSOL ®, afin d’identifier les fréquences et les
cartographies de pression (champs de pression) des premiers modes acoustiques avec paroi rigide. Cela
nous permettra de connaître la fréquence de Helmholtz rigide (mode de la cavité, non couplé à la table),
que l’on sait identifier sur les mobilités révélées sur l’instrument (cf. 2.3). Pour un instrument à caisse
de résonance ouverte (application au cas de la guitare classique par Benjamin Élie [28]), la fréquence
de Helmholtz rigide correspond à l’anti-résonance observée après le mode A0 (ou pseudo-Helmholtz).
Cette première étude permettra d’évaluer la justesse du dimensionnement du modèle 3D de la cavité
acoustique.
L’étude est réalisée uniquement sur la cavité acoustique (cf. figure 19). La masse volumique de l’air
et la vitesse du son dans l’air sont calculés en fonction de la température, établie à 20°C (293.15 K), et
de la pression atmosphérique, établie à 1 atm. Les parois sont considérées comme rigides. Une impédance
de rayonnement est définie pour chaque ouïe selon l’équation 3. Comme mentionné précédemment, le
maillage de la cavité est constitué uniquement d’éléments tétraédriques. Le maillage comprend 138 684
éléments. Les champs de pression acoustiques seront affichés en fonction de la pression.
Étude vibro-acoustique
Cette étude est réalisée à l’aide du module "Acoustics" ainsi que du module "Mécanique du solide"
de COMSOL ®. Une étude aux fréquences propres est menée. Une multi-physique "Interaction fluide-
structure" est appliqué sur les parois de la structure en contact avec l’air à l’intérieur de la caisse de
résonance. Les déformées modales seront affichées en fonction de la vitesse de vibration de la structure.
26
Matériel et méthodes G. Deniel
Dans cette étude, on définit la mobilité comme le rapport de la vitesse de vibration de la structure et
de la force appliquée, qui traduit la mise en vibration privilégiée de l’instrument à certaines fréquences,
appelées fréquences de résonance. La mobilité YM,N (f ) mesurée en un point M , par impact au point N
se calcul par la relation :
vM (f ) aM (f )
YM,N (f ) = =
FN (f ) jωM (f )FN (f )
Habituellement, cette mesure est réalisée au niveau du chevalet, soit sur instrument monté, en
plaçant l’accéléromètre sur le chevalet et en étouffant les cordes, soit sur instrument démonté en plaçant
l’accéléromètre sur la table d’harmonie, à l’emplacement du chevalet.
Dans l’objectif de réaliser une première identification des modes rayonnants, une mesure de pression
acoustique à l’aide d’un microphone sera également effectuée en simultané. Sur le spectre de la pression,
on observera les fréquences de résonance des modes rayonnants. Certes, tous les modes rayonnants ne
sont pas forcément à dominante acoustique. La mesure sera réalisée sans boucher, puis en bouchant les
ouïes de l’instrument afin d’identifier la fréquence du premier mode de cavité A0 .
27
Matériel et méthodes G. Deniel
Tableau 4 – Spécification des capteurs utilisés pour la mesure expérimentale de pression et de mobilité
au chevalet
On récupère donc cinq signaux d’accélération de l’accéléromètre, cinq signaux de force du marteau
et cinq signaux de pression du microphone. Chaque signal possède une période d’enregistrement d’une
seconde. On ramène alors les signaux dans le domaine fréquentiel à l’aide de la fonction fft() (fft : Fast
Fourier Transform, Tranformée de Fourier Rapide) de MATLAB ®.
28
Matériel et méthodes G. Deniel
Il faut savoir que lorsqu’on effectue une telle mesure, l’ensemble des modes de vibration ne peut être
observé. En effet, quand on effectue un impact sur une structure, les modes possédants une ou plusieurs
lignes nodales (cf. paragraphe 1.4.2.3 : Couplage vibro-acoustique) à l’endroit de l’impact, ne seront pas
ou très peu excités. De plus, les modes possédants une ou plusieurs lignes nodales au point de mesures
ne seront également pas ou très peu mesurés. Dans l’objectif d’exciter et d’observer le plus de modes
possibles, il est nécessaire de définir plusieurs points d’impact et de mesure. Cependant, les modes nous
intéressant étant les modes basses fréquence, ces derniers possèdent peu de lignes nodales. De plus, on
peut estimer leurs déformées modales à partir de la bibliographie citée en paragraphe 1.4.2.3 : Couplage
vibro-acoustique. Si on fait le rapprochement avec le violon ou le violoncelle, les premiers modes de
table et de corps rayonnants semblent posséder des points mobiles à l’emplacement d’au moins une des
deux pattes du chevalet. On rappelle que le chevalet repose grâce à deux points de contact sur la table
d’harmonie. Nous placerons donc l’accéléromètre au niveau de l’emplacement du chevalet, d’abord du
côté de l’emplacement de l’âme, puis du côté de la barre d’harmonie, comme indiqué sur la figure 24.
Figure 24 – Schéma représentatif des deux points d’appui du chevalet sur la table d’harmonie
Comme mentionné précédemment, pour chaque configuration, cinq impacts seront réalisés dans le
but de réaliser une moyenne de chaque signal, à savoir un signal d’accélération, de force et de pression.
Pour chaque impact, l’accélération, la force et la pression seront enregistrés simultanément sur une
période d’une seconde. De plus, chaque configuration sera mesurée pour l’instrument avec les ouïes
ouvertes, puis avec les ouïes bouchées. Les ouïes seront bouchées à l’aide de mousse acoustique découpée
selon la forme de chacune des deux ouïes.
29
Matériel et méthodes G. Deniel
Ici, un vibromètre laser 3D, dont l’accès est donné par le laboratoire SATIE, représenté dans le
cadre de cette étude par Vincent Gauthier, sera utilisé. Un vibromètre laser 3D est un instrument de
mesure utilisé pour quantifier et analyser les vibrations d’un objet par la mesure d’accélération selon les
trois dimensions de l’espace. Il s’appuie sur la technologie laser et sur le principe de la réflexion d’onde
lumineuse, pour mesurer les mouvements d’une surface avec une grande précision. Le vibromètre analyse
le décalage Doppler entre le faisceau incident et le faisceau réfléchi, c’est-à-dire une modification de la
fréquence du laser causée par le mouvement de la surface de l’objet. À partir de ce décalage, il est possible
de remonter à l’accélération normale de la surface visée. L’analyse de Fourier permet ensuite d’obtenir
l’amplitude et la phase de cette accélération en chaque point mesuré. En utilisant plusieurs faisceaux
laser provenant de différentes directions, le vibromètre peut obtenir des données sur les vibrations de
l’objet dans les trois dimensions de l’espace. Un post-traitement des données peut permettre d’obtenir
les déformées modales d’une surface, grâce à une série de points de mesure définis selon un maillage
spécifique.
Afin de mesurer les vibrations de l’instrument, il est nécessaire d’utiliser une source d’excitation.
Pour cela, un marteau d’impact est utilisé, et nous sommes ainsi en mesure de calculer les FRF (ici
associées aux mobilités cf. paragraphe 2.3) pour chaque point mesuré. Une série de mesures est réalisée
sur la table d’harmonie, puis sur le dos de la caisse de résonance. Une analyse modale des résultats obtenus
sera effectuée à l’aide de l’outil MODAN (MODal ANalysis), logiciel développé par l’institut FEMTO-ST
sous MATLAB ®. On rappelle que ces mesures serviront à la validation du modèle numérique.
30
Matériel et méthodes G. Deniel
La sensibilité de chaque tête est de 62.5e-3 (m/s)/V. La fréquence d’échantillonnage de chaque laser
est de F e(vib) = 62.5 MHz. Pour chaque point des maillages, représentés en figure 26, trois mesures au
vibromètre sont réalisées, soit trois impacts, dans le but de calculer une réponse moyenne. Les maillages
possèdent respectivement 96 et 90 points pour la mesure sur la table et la mesure sur le fond. Le post-
traitement effectue une transformée de fourrier à une fréquence d’échantillonnage de F e(f f t) = 5 kHz
("6400 FFT lines" sur une plage de fréquence de 2 kHz). Les résultats sont enregistrés sous la forme de
fichiers .unv (Universal Data File), un pour la mesure sur la table d’harmonie, et un pour la mesure sur
le fond de la caisse de résonance.
31
Matériel et méthodes G. Deniel
Figure 26 – Maillages pour la mesure expérimentale par vibrométrie laser 3D sur la table d’harmonie
et le fond de la caisse de résonance (le point d’impact et représenté par un point rouge)
L’instrument, ainsi que le système de mesure sont positionnés sur une table optique. L’amortissement
actif n’a pas été utilisé. Néanmoins, la table reste tout de même massive et assez stable pour pouvoir
accueillir la mesure dans des bonnes conditions. L’instrument est décordé (les cordes, les chevilles ainsi
que le chevalet sont enlevés, mais l’âme est toujours placée à l’intérieur de la caisse de résonance),
positionné sur de la mousse acoustique et maintenu au niveau de la tête du manche à l’aide d’une pince
dans laquelle de la mousse est inséré. La pince est fixée sur un trépied d’appareil photo. Les installations
de la basse de viole pour la mesure sur la table et sur le dos sont visibles en figure 27.
32
Matériel et méthodes G. Deniel
Dans notre cas, on choisit une bande de fréquence d’étude de [80 - 400 Hz]. Cette bande de fréquence
d’analyse est obtenue après plusieurs identifications modales sur des bandes fréquentielles croissantes, qui
permettent de conclure, d’après la bibliographie établie sur le violoncelle [12], que la majorité des modes
d’intérêt se trouvent dans cette bande fréquentielle. De plus, cette bande fréquentielle évite d’identifier
les modes de corps solides qui devraient se trouver en dessous de 80 Hz. L’ordre maximum du diagramme
est fixé à 100.
Une fois les modes propres de la table d’harmonie et du fond identifiées, les matrices Auto-MAC pour
chaque base modale obtenues sont calculées. D’abord, une matrice MAC (Modal Assurance Criterion)
[31] est un moyen visuel de comparer les déformées modales de deux bases modales. Elle est calculée entre
deux paires de vecteurs propres. Le critère MAC est calculé comme le produit scalaire normalisé des deux
ensembles de vecteurs {φA } et {φX }. Les scalaires résultants sont disposés dans la matrice MAC. On
donne la formule permettant de calculer le critère MAC entre un mode r et un mode q, respectivement
associés aux vecteurs propres {φA } et {φX } :
T
| {φA }r {φX }q |2
M AC(r, q) = T T
({φA }r {φA }r )({φX }q {φX }q )
Le critère MAC attribue une valeur de 0 à 1 aux paires de déformées modales. S’il existe une
relation linéaire (c’est-à-dire que les vecteurs se déplacent de la même manière) entre les deux vecteurs
complexes, la valeur du critère MAC sera proche de 1. Si ces deux vecteurs complexes sont linéairement
indépendants, la valeur du critère MAC sera faible, soit proche de 0. La matrice auto-MAC compare
quant à elle les vecteurs propres d’une seule et même base modale.
Enfin, les déformées modales sont visualisées à l’aide d’un script MATLAB ® développé par Théo
Dujon (étudiant à l’ENSIM), lors de son stage au laboratoire. Elles sont affichées en fonction de la vitesse
calculée sur l’axe z.
33
Résultats G. Deniel
3 Résultats et discussions
Cette section détaille les différents résultats numériques et expérimentaux obtenus, en les discutant.
Les résultats de l’analyse numérique et expérimentale sont commentés individuellement, puis comparés.
Les modes propres identifiés sont comparés à la littérature. Enfin, les pics de résonance visibles sur la
mesure de FRF et de pression rayonnée de l’instrument sont associés aux modes identifiés.
Étude acoustique
Pour l’étude acoustique de la cavité seule en simulation (parois rigides), les cinq premiers modes
sont affichés en figure 28.
Figure 28 – Cinq premiers modes acoustiques numériques de la cavité d’air (considérée rigide) à l’in-
térieur de la basse de viole
On nomme ici les cinq premiers modes de cavité par ordre de fréquence croissante, à savoir A0 ,
A1 , A2 , A3 et A4 . On remarque que le mode A0 possédant une fréquence propre de 125 Hz, ressemble
fortement au premier mode de cavité identifié sur une basse de viole renaissance à fond plat, donné
en figure 11, paragraphe 1.4.3, d’après [24]. Également, le mode A1 , possédant une fréquence propre
ressemble fortement au second mode de cavité identifié dans cette même étude. De manière générale,
les cinq modes identifiés en figure 28 ressemblent fortement, dans la forme des champs de pression, aux
résultats fournis pour une étude numérique acoustique d’une cavité rigide de violon, par R. Viala dans
[21], figure 5.24, section 5.4.
34
Résultats G. Deniel
Étude vibro-acoustique
Pour l’étude vibro-acoustique, on affiche dans un premier temps, en figure 29, les deux premiers
modes de cavité.
Figure 29 – Deux premiers modes de cavité de l’analyse numérique avec couplage vibro-acoustique
On retrouve le premier mode de cavité A0 à une fréquence propre de 101 Hz. On retrouve également
le second mode de cavité A1 à une fréquence propres de 174 Hz. On remarque donc que les fréquences
propres associées à ces modes sont décalées vers les basses fréquences par rapport à celles obtenues
par l’étude acoustique de la cavité rigide. On peut faire la comparaison avec les études menées sur le
violoncelle, dans "The Science of String Instruments" [12], qui fournissent des fréquences proches pour les
mêmes modes, comme par exemple A0 (violoncelle) = 104 Hz et A1 (violoncelle) = 226 Hz. Ce décalage
en fréquence est justifié par le fait que lors de l’étude vibro-acoustique, les parois de la cavité ne sont
pas considérées comme rigides, car l’on applique les paramètres matériaux mentionnés en paragraphe
2.2.2.2 : Paramètres matériaux. Également, on identifie bien la fréquence propre du mode de Helmholtz
rigide A0 (125 Hz), au-dessus de celle du pseudo Helmholtz A0 (101 Hz).
Dans un second temps, les modes propres de l’instrument, visualisés sur la table d’harmonie et le
fond de la caisse de résonance sont affichés en tableaux 5 et 6. Les déformées modales sont représentées à
l’aide d’une vue perpendiculaire au plan (y,z) (dont le repère est affiché sur chacune des déformées). Les
vues de chaque déformée sont orientées de telle sorte que l’on observe l’instrument de l’extérieur. Pour
les déformées de la table d’harmonie, la vue est orientée selon le sens et la direction de l’axe x, tandis
que pour celles du fond, la vue est orientée en opposition à la direction de l’axe x. Les autres éléments de
l’instrument sont cachés afin de faciliter la visualisation et le réglage des échelles. Les échelles de couleur
représentent la vitesse calculée sur l’axe x, en m/s.
35
Résultats G. Deniel
Tableau 5 – Cartographies de vitesse de la table d’harmonie des douze premiers modes propres issus
de l’analyse numérique avec couplage vibro-acoustique, dans la bande de fréquence [80-320 Hz] (échelles
en m/s et fréquence arrondies au Hz près). Les modes de corps solides dont la fréquence est inférieure à
80 Hz ne sont pas montrés.
36
Résultats G. Deniel
Tableau 6 – Cartographies de vitesse du fond des douze premiers modes propres issus de l’analyse
numérique avec couplage vibro-acoustique, dans la bande de fréquence [80-320 Hz] (échelles en m/s et
fréquences arrondies au Hz près). Les modes de corps solides dont la fréquence est inférieure à 80 Hz ne
sont pas montrés.
37
Résultats G. Deniel
Premièrement, la déformée modale du Mode 1 est visualisée sur l’ensemble de l’instrument afin
d’améliorer l’observation des déformations de la table et du fond (figure 30). En effet, on observe une
rotation nettement visible de la caisse autour de l’axe z. Cette rotation est identifiable sur les représen-
tations 2D des déformées modales du "Mode 1", visibles en tableaux 5 et 6.
Figure 30 – Premier mode (f = 101 Hz) de la simulation numérique, étude vibro-acoustique (les échelles
de couleur représentent la vitesse calculée sur l’axe x, en m/s)
Cependant, on identifie également une déformation de la caisse de résonance sur la table d’harmonie
ainsi que sur le fond de la caisse. Il s’agit donc bien ici du mode A0 , possédant une fréquence propre
de 101 Hz, comme celle du premier mode de cavité A0 identifié en figue 29 (a). Il s’agit du mode de
pseudo-Helmholtz A0 couplé avec un mode de corps, décrivant une double rotation, l’une autour de l’axe
contenant le manche, et l’autre autour de l’axe parallèle à x passant par la jonction du manche et de la
caisse. Ce couplage est induit par l’encastrement de la tête.
Ensuite, on affiche la déformée modale du Mode 2, possédant une fréquence propre de 125 Hz (figure
31). On observe une flexion autour d’un axe parallèle à y et passant par la jonction entre le manche et
la caisse de résonance. Dans le tableau 5, on observe un ventre de vibration sur la partie inférieure de
la table d’harmonie, ainsi qu’un ventre sur la partie inférieure du fond de la caisse. En comparant avec
[19], en tableau 1, paragraphe 1.4.3, on identifie ce mode comme étant le mode B0 .
Figure 31 – Second mode (f = 125 Hz) de la simulation numérique, étude vibro-acoustique (les échelles
de couleur représentent la vitesse calculée sur l’axe x, en m/s)
Le Mode 3, possédant une fréquence propre de 160 Hz, s’apparente au premier mode de table (C0
dans [19]) possédant un seul ventre de vibration, couplé à un mode fond, possédant un seul ventre de
vibration également. Le Mode 4 peut quant à lui être associé au mode A1 car il possède la même fréquence
propre que le mode de cavité du même nom identifié en figure 29. On observe en tableaux 5 et 6 une
forte mise en vibration de la caisse de résonance. Le Mode 9 peut être identifié comme le mode CBR
(non rayonnant d’après C. Gough dans [15]), après une comparaison avec la déformée modale associée à
ce mode, donnée par P. Silvestri dans [19], visible en tableau 1, paragraphe 1.4.3.
38
Résultats G. Deniel
Dans un premier temps, nous pouvons nous intéresser aux mobilités mesurées affichées en figure
32 (pour la bande de fréquence [50 - 500 Hz]), pour les quatre configurations de mesure. Des "pics" de
résonance se distinguent très clairement sur chacune des courbes. Chaque pic de résonance peut être
retrouvé sensiblement à la même fréquence pour les quatre configurations. On remarque également que
l’intensité de chaque pic varie en fonction du point d’impact et du point de mesure. On donne pour
chacune des résonances la fréquence du pic le plus haut sur l’axe de la mobilité.
-30 337 Hz
Mobilité (dB)
-40
-50
-60
-70
-80
Figure 32 – Mobilité au chevalet en fonction de la fréquence pour toutes les configurations de mesure
et pour la bande de fréquence [50 - 500 Hz] (les fréquences de résonance sont arrondies au Hz près)
La mobilité obtenue en configuration impact et mesure colocalisés coté barre est celle contenant
le meilleur rapport signal sur bruit. On utilisera alors cette configuration pour la représentation des
prochains résultats.
Dans un second temps, nous pouvons nous intéresser à la pression mesurée, en configuration impact
et mesure colocalisés coté barre. Également, rappelons que la mesure de pression a été effectuée selon
une configuration ouïes ouvertes, puis ouïes bouchées. La pression ainsi que la mobilité mesurée sont
représentées sur le même graphique (pour la bande de fréquence [50 - 500 Hz]) en figure 33, afin de
pouvoir mettre en relation les pics de résonance observés. On remarque que certains pics de résonance
apparaissent sur la mobilité par rapport à celle représentée pour la configuration impact et mesure
colocalisés coté barre en figure 32, et également que certaines fréquences sont légèrement décalées. Cela
vient du fait que l’instrument a été déplacé puis remis sur les blocs de mousse, entre les deux mesures. Les
conditions aux limites ont donc pu être légèrement changées. On identifie alors la fréquence de résonance
à 275 Hz comme une fréquence associée à un mode rayonnant fortement impacté par les conditions
aux limites appliquées. La fréquence de résonance à 340 Hz est également impactée par ce potentiel
changement de conditions aux limites car on remarque désormais une anti-résonance à cette fréquence.
39
Résultats G. Deniel
0
Mobilité en configuration ouïes ouvertes
Mobilité en configuration ouïes bouchées
Pression en configuration ouïes ouvertes
Pression en configuration ouïes bouchées
309 Hz 442 Hz
-50 100
482 Hz
50
259 Hz
Premièrement, la comparaison des pressions mesurées en configuration ouïes ouvertes et ouïes bou-
chées, permet d’identifier la fréquence du premier mode de cavité A0 , fA0 = 102 Hz. Le pic de résonance
associé disparaît lorsque l’on bouche les ouïes. Le mode A0 étant le mode de peudo-Helmholtz, il est bien
censé disparaître des réponses vibratoire et acoustique lorsque le col de la cavité, ici associé aux ouïes,
est bouché.
De plus, la fréquence de résonance à 181 Hz est décalée vers les basses fréquences lorsque l’on bouche
les ouïes. Une hypothèse peut être émise sur ce décalage en fréquence. Il pourrait s’agir ici d’un mode
de cavité, décalé en basses fréquences lorsque l’on bouche les ouïes, en raison de la masse ajoutée dans
le col (cf. figure 9, paragraphe 1.4.2.3).
40
Résultats G. Deniel
Pour la mesure sur la table d’harmonie, le point d’impact est renseigné sur MODAN afin de recaler
la phase des signaux à l’aide de la fonction de réponse en fréquence colocalisée (impact et mesure au
même point). Cependant, la fonction de réponse en fréquence au point d’impact n’ayant pas été mesurée
pour la mesure sur le fond, les phases des signaux ne peuvent pas être recalées. MODAN nécessitant une
mesure de référence (mesure au point d’impact), nous avons attribué cette référence arbitrairement à la
mesure réalisée au point n°1. Les phases des déformées ainsi obtenues ne pourront être comparées entre
la mesure sur la table et la mesure sur le fond.
Tout d’abord, le mode 1 à 102 Hz peut être identifié comme le mode A0 . Cette corrélation peut être
confirmée par comparaison avec la déformée modale du mode A0 identifiée par P. Silvestri dans [19],
visible en tableau 1, paragraphe 1.4.3. De plus, on peut associer ce mode A0 à la fréquence de résonance
à 103 Hz précédemment identifiée comme celle du mode A0 dans le paragraphe 3.2.1, sur le graphique
de la figure 33.
Ensuite, le Mode 2 possède une fréquence propre de 114 Hz pour la mesure sur la table, et 130 Hz
pour la mesure sur le fond. Ce mode pourrait s’apparenter au mode B0 visible en tableau 1, paragraphe
1.4.3. Il s’agirait d’un mode de corps possédant un axe de flexion entre le manche et la caisse de résonance,
ce qui pourrait expliquer le fait qu’on ne le repère pas sur les mobilités mesurées au chevalet, affichées en
figure 32, car l’instrument est positionné dans cette configuration de mesure, sur des plots en mousses.
Cela expliquerait également le fait que sa fréquence propre change lorsque l’on modifie les conditions
aux limites, entre la mesure sur la table et la mesure sur le fond. Pour rappel, l’instrument est encastré
par l’extrémité du manche, et pour le passage de la mesure sur la table à la mesure sur le fond, il est
pivoté de 180° pour que le vibromètre visualise le dos. On occasionne donc un potentiel changement des
conditions aux limites.
Les modes 3, 4 et 5 mesurés sur la table peuvent être identifiés comme fortement présents dans la
réponse vibratoire après corrélation des fréquences de résonance sur les mobilités mesurées au chevalet,
affichées en figure 32. Les Mode 3 et Mode 4 peuvent être identifiés comme rayonnants, et le Mode
5 comme moyennement rayonnant. Les Mode 3 et Mode 4 possèdent tous les deux, deux ventres de
vibration sur le dos tandis que le Mode 5 n’en possède qu’un. Le mode 3 semble alors être est le premier
mode de table (C0 d’après [19]) qui a la particularité d’avoir un fond dipolaire, qui peut soit correspondre
à un mode de plaque classique, soit résulter d’une mauvaise identification car le bouquet de phase associé
à cette forme modale n’était pas linéaire. De plus, le mode 4 présente une forme mixte entre le Mode 3
et le Mode 5, et est probablement associé au mode A1 .
On remarque également que la fréquence de résonance à 207 Hz apparaissant sur les mobilités
mesurées au chevalet, n’est pas identifiée comme associée à un mode, après l’analyse modale effectuée
sur les mesures par vibrométrie laser. Il pourrait s’agir ici d’un mode de mousse, sur lesquelles est posé
l’instrument lors des mesures de mobilité et de pression. Une mesure de mobilité sur un stand de guitare
(appui sur le bas de la caisse de résonance et maintien par la tête) a permis de montrer que cette fréquence
de résonance disparaît lorsque que l’on change les conditions aux limites. De plus, on remarque que la
fréquence de résonance à 322 Hz apparaissant sur les mobilités mesurées au chevalet, n’est pas identifiée
comme associée à un mode, après l’analyse modale effectuée sur les mesures par vibrométrie laser.
41
Résultats G. Deniel
(échelle ∗10−3 )
f = 102 Hz f = 114 Hz f = 171 Hz f = 185 Hz
(échelle ∗10−3 )
f = 199 Hz f = 245 Hz f = 255 Hz f = 277 Hz
Tableau 7 – Cartographies de vitesse de la table des onze premiers modes propres issus de l’analyse
modale expérimentale dans la bande de fréquence [80-400 Hz] (les échelles de couleurs sont exprimées
en m/s, et les fréquences sont arrondies au Hz près). Les modes de corps solides dont la fréquence est
inférieure à 80 Hz ne sont pas montrés.
42
Résultats G. Deniel
(échelle ∗10−3 )
f = 102 Hz f = 130 Hz f = 171 Hz f = 185 Hz
Tableau 8 – Cartographies de vitesse du fond des onze premiers modes propres issus de l’analyse modale
expérimentale dans la bande de fréquence [80-400 Hz] (les échelles de couleurs sont exprimées en m/s,
et les fréquences sont arrondies au Hz près). Les modes de corps solides dont la fréquence est inférieure
à 80 Hz ne sont pas montrés.
43
Résultats G. Deniel
Après comparaison avec les courbes de pression de la figure 33, du paragraphe 3.2.1, pour la fréquence
de résonance à 246 Hz sur la mobilité, on identifie le Mode 6, dont la fréquence propre est identifiée à
245 Hz sur la table et 244 Hz sur le fond, comme non rayonnant.
Enfin, on observe deux autres modes que nous pouvons associer à des modes fortement rayonnants,
en comparant avec les pressions mesurées, affichées en figure 33. Le Mode 8 à 277 Hz sur la table serait
fortement rayonnant, ainsi que le "Mode 11" à 382 Hz sur la table.
Par ailleurs, les matrices auto-MAC (cf. paragraphe 2.4.2) pour chaque analyse modale pour le fond
et la table sont données en figure 34. La matrice (a) associée à l’analyse modale de la table d’harmonie
montre que la déformée modale du premier mode ressemble fortement à celles des mode n°4 et n°7.
Les déformées modales des modes n°3, n°4 et n°5 semblent également se ressembler entre elles. De plus,
la matrice (b) associée à l’analyse modale du fond de la caisse de résonance montre que les déformées
modales des modes n°6 et n°7 se ressemblent également.
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Résultats G. Deniel
Les échelles associées à chaque déformée modale ne sont pas affichées par manque de place, mais
sont disponibles dans les tableaux 5, 6, 7 et 8 des sections 3.1 et 3.2. Les fréquences fke et fkn désignent
les fréquences du k-ième mode issu respectivement de l’analyse modale expérimentale et de l’analyse
numérique.
A0 [12]
(rayonnant)
f1e = 102 Hz f1e = 102 Hz f1n = 101 Hz f1n = 101 Hz f1n = 101 Hz
B0 [19] (non
rayonnant)
C0t [19]
(rayonnant) +
C3b [19]
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Résultats G. Deniel
A1 [12]
(couplage
Mode 5 table
f4e = 185 Hz f4e = 185 Hz f4n = 174 Hz f4n = 174 Hz f4n = 174 Hz
et Mode 3
fond)
(rayonnant)
B1 − ? (C2 [12] )
(moyennement
rayonnant)
C5 long tripole
[19]
? ou CBR
[19]
? (non
rayonnant)
Tableau 9 – Mise en relation et appellation des modes obtenus à l’aide des mesures expérimentales et
de la simulation (les couleurs sont représentées de manière qualitative)
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Résultats G. Deniel
Tableau 10 – Écarts relatifs entre les fréquences propres des modes identifiés par analyse modale
expérimentale et par simulation numérique
Avec un écart relatif maximal de 1 % pour le mode A0 identifié à 101 Hz dans l’étude numérique et
un écart relatif maximal de 12.1 % pour le mode C5 ou CBR identifié à 215 Hz dans l’étude numérique,
on estime que le modèle numérique peut être validé. Ces écarts pourraient cependant être expliqués par
le fait que l’épaisseur variable de la table d’harmonie n’ait pas été modélisée, tout comme les directions
courbes des fibres pour les éléments pliés de l’instrument, ainsi que les contre-éclisses.
À titre de synthèse, on présente la figure 35, qui permet de rendre compte des dominances vibratoires
et acoustiques de chacun des six modes.
Figure 35 – Appellation des modes identifiés, sur la mobilité au chevalet mesurée en configuration
impact et mesure coté barre, et sur la pression mesurée (les ouïes sont laissées ouvertes)
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Conclusion et perspectives G. Deniel
4 Conclusion et perspectives
Ce projet de fin d’études a permis de fournir des premiers éléments de compréhension sur le com-
portement vibratoire et acoustique de la basse de viole baroque. Pour cela, un lien a pu être fait entre les
fonctions de réponse en fréquence mesurables expérimentalement, les modes propres et le rayonnement
sonore de cet instrument. Notre démarche scientifique a été guidée par la vision à long terme d’établir
une méthodologie quasi-systématique pour l’identification des modes propres au sein du corpus de basses
de viole baroques de la collection. Pour cela, un modèle éléments finis a été développé, conçu pour être
à terme, paramétrable.
À notre connaissance, ce modèle numérique se trouve être le premier modèle intégrant tous les
éléments organologiques de l’instrument, notamment la présence de l’âme, ainsi que le couplage entre
la cavité d’air de la caisse et la structure de l’instrument. Ce modèle a pu être validé par des mesures
expérimentales en vibrométrie laser, avec des écarts fréquentiels entre la mesure et la simulation qui se
situent en dessous de 15 % dans la gamme de fréquence [50 - 300 Hz]. En particulier, l’étude a permis
de comprendre quelques éléments fondamentaux du comportement modal de l’instrument, pour lequel
aucune identification modale avec âme n’avait été faite à ce jour. Le mode A0 est identifié proche de
100 Hz comme pour le cas du violoncelle. Ensuite, on identifie la présence d’un mode de corps à 120 Hz
qui est détecté en fonction des conditions limites de mesure. Enfin, dans la zone de fort rayonnement
de l’instrument [175 - 250 Hz], les modes propres sont relativement proches en fréquences, avec des
couplages forts entre les modes de table et le mode de cavité A1 , qui induit un fort rayonnement.
Concernant le modèle numérique, une amélioration de ce dernier pourrait être envisagée par la suite,
notamment par la prise en compte de l’épaisseur variable de la table d’harmonie, de la direction des fibres
du bois pour les éléments pliés de l’instrument (table, éclisses) ainsi qu’une meilleure connaissance des
caractéristiques matériaux, comme celles du poirier qui lors de cette étude n’étaient pas complètement
informées. Une validation du modèle pourrait également être poussée plus loin en calculant les matrices
MAC (cf. paragraphe 2.4.2) entre les deux études expérimentales et numériques. Une fois ces ajustements
effectués, le modèle numérique pourra être utilisé pour observer l’influence de l’âme sur le comportement
vibratoire de l’instrument, notamment en changeant sa position à l’intérieur de la caisse de résonance,
ou en la retirant du modèle, car plusieurs instruments du corpus du musée ne possèdent pas d’âme. De
plus, suite à des premières expérimentations annexes sur le modèle numérique, il semblerait que changer
les paramètres mécaniques du modèle fasse permuter les modes dans la zone de fort rayonnement de
l’instrument. Dans la perspective où le musée souhaite identifier les modes de vibration à partir de FRF,
il est nécessaire de mieux comprendre l’influence des incertitudes géométriques et matériaux du modèle
sur cette identification. À terme, ce modèle vise à devenir paramétrable afin de travailler sur les corpus
anglais et français de la collection. Une unification entre ce travail et le travail entrepris par l’étude
de la table d’harmonie paramétrable effectuée par Emilie Dufossé, stagiaire de 5ème année à l’ENSIM,
permettrait d’aborder concrètement l’influence des différences géométriques au sein de ce corpus sur la
réponse vibratoire et le comportement sonore des instruments le composant.
Ce projet a non seulement des implications importantes pour l’acoustique musicale, mais ouvre
également des perspectives fascinantes dans le domaine de la fabrication et de l’optimisation sonore.
En combinant les connaissances musicales et scientifiques, nous sommes parvenus à jeter un éclairage
nouveau sur les interactions complexes qui définissent la sonorité de la basse de viole baroque. Les
résultats obtenus constituent un pas en avant significatif vers la compréhension les secrets acoustiques
des instruments musicaux.
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Analyse modale d’une basse de viole de gambe baroque G. Deniel
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Annexes
Annexe 1 : Dessins techniques de la basse de viole E.980.2.667
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