Vous êtes sur la page 1sur 6

Revue d'histoire et de philosophie

religieuses

Charles Hauter, Religion et réalité, 1922, librairie Istra, Strasbourg


Charles Hauter

Citer ce document / Cite this document :

Hauter Charles. Charles Hauter, Religion et réalité, 1922, librairie Istra, Strasbourg. In: Revue d'histoire et de philosophie
religieuses, 2e année n°5, Septembre-octobre 1922. pp. 445-449;

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1922_num_2_5_2397

Fichier pdf généré le 22/11/2019


— 445 —

Vient de paraître:

Religion et Réalité1)

manquer
primitives
son
phètes
l'affirmation
en
sentiment
fique,
humaine

la
rait
solutions
réalité.
successeurs
troux).
chemin
conclusion
idée
donnée
phénomène
collective
àde
analogues
difficile
entre
science
Ou
religieux
un
la
ou
science
communion,
I.
II.
A
III.
Dans
Le
bien
évolution.
la
dans
volonté
examen
la
bien
nous

l'encontre
et
fait
—empirique.
n'a,
Le
conscience
—àNous
àon
réalité
et
Messies,
du
Notre
sont
par
ce
de
une
Nous
religieux.
le
ou
surmonter.
et
de
En
àKantisme
quo
pas
on
avons
religieux
une
de
conteste
laquelle
livre
domaine
la
sens
netteté.
d'un
divine,
Madame
inférieures,
avons
excellence
confrontant
autre
Nous
critique
sépare
également
l'effort
Kant
toujours
et
réalité
religion.
avons
religieuse
premier
depuis
remarqué
kantien,
des
nous
être
humaine
l'avons
Dürkheim
Pour
conception
nous
confiance
restés
devait
discuté
àpar
dans
Par
forces
scientifique
de
ensuite
dans
la
M.-L.
particulière
supérieur
laété
essayons
leCette
la
chapitre
mais
des
insuffisantes
théorie
mieux
avons
la
foi
et
cette
ses
ni
fidèles
culte.
suffisamment
être
foi
observé
les
des
en
duquel
Enkendoirff.
conception
la
la
cloisons
une
la
étudié
et
dualité
diverses
et
encore
vise
de
foules
deux
considéré,
différences
discussion
solution
abouti
réalité
établir
possibilité
amour
et
d'Otto
Dans
de

cherche
au
la
notion

une
d'abord
ilpersonnel
déterminer
réalité
la
son
ainsi
parties.
principe
religieuses,
et
plus
se
si:etl'ouï
scientifique.
réalité
formes
notion
notre
religieuse
La
sont
sur
surtout
elle,
sent
considéré
kantienne
métaphysique,
école,
inexactes.
non
àon
profondes
ou
on
notion
noius
d'être
plus
chez
et
l'effroi
les
devait
établir
Nous
pénétré.
la
opinion
moins
aussi
de
arrive
avec
seulement
de
nous
l'autre
nous
formes
aux
les
réduit
satisfaisante.
les
avons
et
l'école
et
de
un
la
des
avons
sous
mystique
être
lequel
et
rapports
bien
génies
la
l'univers
aet
stades
étanches
la
religion.
àrapport
avons
Entière
nous
cas
penseurs
celle
semblé
conception
au
fondamentales
une
conception
voulu
mais
définitive,
(Renouvier,
sa
que
dans
estimé
seul
la
l'homme
religieux,
manifestation
avons
supérieurs
pensé
contradiction
dualité
de
l'effort
qui
et
n'est
religion
entre
acceptation
une
le
Et
ses
ambigu
sentiment;
frayer
religieux.
plusieurs
les
domaine
que
voici
existent
soumis
scienti¬
formes
ni
simple
que
divise¬
de
l'âme
entre
idées
die
Bou-
pro¬
une
ces
un
est
du
de
la
et
le

En vain Ritschl a essayé de supprimer le problème en établissant entre


religion et science une séparation radicale, et en enseignant que la religion
n'a pas à se préoccuper des .jugements ontologiques et ne suppose pas une
conception du monde. Pour nous, nous estimons que religion et science

*) Charles Hauter, Religion et réalité, 1922, librairie Istra Strasbourg, rue


des Juifs, prix 7 fr.
— 446 —

doivent (avoir même objet. Entre elles, il y a l'idée d'une nécessité


nente de l'univers. Il est vrai que pour la religion l'univers dépen
décision directe et individuelle de Dieu, tandis que la science ne
pas à Dieu d'agir sur l'univers.
Malgré tout il nous a semblé que la pensée exige leur coïn
Si nous ne pouvons pas encore concevoir cette coïncidence, cela p
de l'état incomplet et essentiellement provisoire de nos connai
A supposer que nous soyons un jour en possession de la religion
science idéales, la réalité religieuse et la réalité scientifique ne se
gueront plus. Et dès à présent la science et la religion sont appelé
compléter.
C'est ce que nous avons essayé d'établir dans les dernières p
notre livre :
LA SCIENCE ET LA RELIGION DOIVENT COÏNCIDER : x)
Si la religion affirme que chaque événement dépend directem
Dieu, il n'y a qu'une seule possibilité : c'est d'établir un rapport d
étroits centre Dieu et V univers, la pensée scientifique n'admetta
d'autre action sur les différentes parties de la réalité que celle de l'
La notion suprême de la science et de la religion doivent coïncide
Si l'on veut éviter cette conséquence — ■ tout en maintenant la
— il faut contester la vérité de la science, soit à l'exemple de certai
seurs kantiens, soit à l'exemple du pragmatisme. Alors la no
l'univers n'existe pas, et on est libre d'élaborer la pensée religieuse
on veut.
Nous ne voyons pas d'autre solution possible que de faire c
Dieu et l'univers. Cette conception n'est ni du matérialisme ni d
théisme. Le matérialisme ne connaît que le monde sensible; il su
donc une partie considérable de la réalité; le panthéisme nie le ca
personnel de l'univers, il prétend donc connaître un fait que ila pe
connaîtra qu'à la fin de son évolution.
La situation est donc la suivante : D'une part la pensée scie
doit se déclarer incapable de prononcer le dernier mot relatif à la
Elle ne sait encore rien des surprises que les recherches de l'ave
réserveront. La science n'est pas arrivée à la perfection. D'autre
religion prétend connaître un être personnel tout puissant. Elle est
à ce résultat par un chemin non scientifique et revendique une c
sance particulière. Elle n'a pas non plus réalisé toutes les poss
mais la notion de son Dieu ne lui paraît pas moins certaine qu'à la
celle de l'univers.
Parlant du rapport de la religion et de la science, nous ne dev
oublier l'état imparfait dans lequel se trouve chacune d'elles. Si l
l'univers et l'idée de Dieu sont exactes toutes les deux, il faut c
qu'à la fin de V évolution science et religion se rencontreront. La
parfaite et la religion parfaite ne seront plus en lutte.
Mais la solution définitive n'est pas possible avant ce terme l
Jusque-là nous nous trouvons dans une situation très complexe...
* * *
La religion est caractérisée par le fait qu'elle dépasse les phéno
Elle y ajoute la notion d'un Dieu personnel, transcendant vis-à

1) Extrait du dernier chapitre et de la conclusion, pages 128 à 138


__ 447 —

l'objet qui l'évoque. Cette loi de la vie religieuse résistera toujours à la


coïncidence de Dieu et de l'univers que nous demandons. Et cette loi est
un fiait aussi bien que touit autre; il faut la respecter. Mais si nous y
regardons de plus .près, cette loi n'est pas tellement contraire à notre
théorie, car l'univers lui aussi, par rapport à chacune de ses parties, est
transcendant. Lui aussi dépasse chaque (phénomène. En tant que totalité,
il est en même temps essentiellement différent de tout objet particulier.
Cependant toutes ces réflexions n'empêcheront pas le sentiment reli¬
gieux de montrer une certaine inquiétude vis-à-vis d'une pareille théorie.
Sa tendance à déborder la réalité ne lui permet pas d'admettre qu'on
puisse établir la coïncidence de Dieu avec une « donnée » quelconque.. .
Mais si nous soulignons la tendance de chaque religion à séparer
Dieu de toute réalité, il ne faut nullement oublier l'autre tendance qui
contrebalance puissamment la première. Non seulement la pensée, mais
aussi la religion nous oblige de faire coïncider Dieu et l'univers.
3n effet, la religion considère le Dieu et l'objet qui en évoque l'idée
à la fois comme différents et comme coïncidants. Dans les moments les
plus intenses .de l'expérience religieuse, le croyant qui se sent entièrement
possédé de .la puissance divine ne distingue plus nettement entre l'être
transcendant et ce qui le lui révèle. L© primitif se prosterne ainsi devant
la source, l'arbre, etc., le chrétien devant Jésus. En d'autres termes, V objet
excitatif participe à la nature transcendante de Vêtre divin. Le dieu ne
devient pas un arbre, mais l'arbre devient un dieu. Ce sont toujours les
dieux qui sont adorés, mais les dieux sont liés à des objets auxquels ils
doivent, pour ainsi dire, .leur vie! Car c'est une loi de la religion que les
dieux ont besoin de médiateurs pour entrer en rapports avec les hommes,
et que les hommes à leur tour ne communient avec les dieux que par ces
médiateurs.
Certes, les divinités finissent par se spiritualiser ; et cela pourrait
donner l'impression qu'elles peuvent se passer désormais de tout substra¬
tum. Mais cette impression serait fausse. La religion reste soumise aux
même nécessités; seulement ce ne sont plus des objets matériels, ce sont des
phénomènes de la vie spirituelle sur lesquels elle s'appuie.
La religion elle-même demande donc de rapprocher Dieu de la réalité.
C'est tout naturellement le cas quand l'univers devient, comme chez
Spinoza, l'objet excitatif .du sentiment religieux. Mais le rapprochement
devient aussi nécessaire pour toute religion historique qui aspire à se
transformer en religion moderne. Aucune de ces religions historiques n'a
été éveillée par l'impression puissante de l'univers. Mais aucune d'elles
ne pourra se maintenir sans faire entrer la notion de l'univers dans son
domaine. Elles seront obligées d'arracher cette notion à la sécularisation
complète dont la menace la pensée moderne. L'univers doit être pénétré
dans chacune de ses parties de la présence divine. Dieu ne sera donc pas
qu'un être transcendant; il sera immanent à Vunivers. En d'autres termes,
une religion historique devra comprendre les motifs de la piété qui s'at¬
tache exclusivement à l'univers comme celle d'un Spinoza...
* * *
C'est que le sentiment religieux demande à la fois la transcendance
et l'immanence de Dieu. Il n'y a pas de religion qui ne montre cette parti¬
cularité. Dans le christianisme, par ex., Dieu est différent du Christ et ne
l'est pas. Toute piété est ainsi, logiquement parlant, dans une oscillation,
telle une boussole qui ne sait trouver la direction définitive. Pourtant le
— 448 —

sentiment religieux ne montre aucune inquiétude. Disons donc plutôt jue


ce n'est pas la piété elle-même, c'est la pensée religieuse qui n'arrive pas
à se fixer. La religion, en tant que sentiment, est le repos de l'âme; elle ne
cherche plus, elle a trouvé; la religion, en tant que connaissance, est sans
solution satisfaisante et en plein mouvement.
* * *
La religion n'est pas encore en possession d'une -pensée adéquate. La
conscience religieuse n'est pas encore sortie de l'état confus, autrement
dit, elle n'est pas parvenue à la clarté. La religion n'est pas encore devenue
connaissance. Il se cache ainsi dans toute piété une réalité qui n'est pas
nettement conçue, réalité dont on peut dire que nous la possédons ou que
nous la vivons, mais que nous ne la saisissons pas intellectuellement.
Au point de vue de la connaissance, la religion est un mystère. C'esi ce
caractère mystérieux qui inspire, en grande partie, le livre d'Otto dont
nous avons parlé. C'est au mystère que s'attache l'élément de « trerien-
dum » qu'il croit découvrir dans chaque religion. Et ici seulement nous
pouvons dire le dernier mot au suijet de cette théorie. Dans la religion
existe, en effet, le mystère et c'est le « tremendum », mais seulement par
rapport à la réalité! Il ne l'est pas par rapport à Dieu qui est bonté. Car
si la pensée religieuse n'est pas parvenue à la clarté en ce qui concerne le
rapport entre Dieu et la réalité, elle possède suffisamment cette clarté
pour ce qui est de Dieu lui-même. Tandis que la bonite de Dieu est une
idée claire, le mystère se trouve exclusivement entre Dieu et la réalité.
C'est là encore que jaillit le plus fortement le sentiment de la transcen¬
dance de Dieu (« das ganz andere ») ou de sa sainteté (« majestas»), senti¬
ment qui produit en l'homme le frisson, le « tremere ». Mais nous voyons
maintenant plus clairement que tout cela doit se passer dans une région
inférieure de la vie religieuse. Dès que celle-ci s'est détachée de la réalité
pour s'unir exclusivement à Dieu, la réalité avec tous ses mystères disparaît
et le croyant ne connaît qu'un seul sentiment, celui de la paix.
* * *
La religion acquiert ainsi une importance suprême pour la détermina¬
tion du concept de la réalité. Elle nous en indique line profondeur que
nous ne connaissons pas encore et que nous ne possédons qu'en état de
sentiment. En constatant que la réalité est entourée de mystère nous avons
déterminé l'endroit où il faut chercher Dieu. C'est là que s'élance le senti¬
ment religieux pour y rencontrer celui qui lui est tout.
Mais il ne faïut pas oublier que c'est le mystère de la réalité dont iil est
question. L'impossibilité d'établir des règnes sans contact les uns avec les
autres se montre une fois de plus. Cela revient à dire que si la religion
pouvait aboutir à des pensées tout à fait claiires, elle nous ferait connaître
les profondeurs de la réalité. La théologie serait alors la science suprême
qui tiendrait la clef de l'univers. Pour le moment cette situation idéale est
loin d'être donnée. Nous marchons à tâtons. Mais nous savons que sur de
différentes routes la science et la religion poursuivent le même but, et elles
se rejoindront un jour.
Religion eit science sont des mouvements de la pensée qui aspire à la
clarté. Des sentiments confus, montant du domaine du subconscient, sont
à leur base. Transformer ces sentiments en des idées claires, voilà le
devoir. C'est ainsi que la pensée a créé déjà la notion de l'univers et que
la religion a obtenu l'idée d'un dieu personnel et bon. La science a, comme
nous avons dit, dessiné les contours d'une figure, sans y mettre la physio-
— 449 —

nomie; est-il permis cte dire que la religion a dessiné une physionomie,

mais n'a pas encore trouvé les contours? Un jour ne viendra-t-il pas où

ces deux tendances se compléteront et se confondront dans un seul mouve¬

ment de la pensée?....

* * *

Nous croyons qu'il s'agit d'une question d'une importance décisive

pour la civilisation à laquelle nous appartenons. Celle-ci serait appauvrie

d'une façon effroyable si la vie spirituelle était réduite à la seule vérité

que puisse fournir la science actuelle. La science, malgré ses succès éton¬

nants, ne peut prétendre posséder les vérités essentielles. Elle est fragmen¬

taire. C'est là son avantage, car ©lie peut évoluer, mais c'est aussi sa

destinée tragique, car elle est plus impuissante qu'on ne croit. Or, l'âme

humaine qui voudrait se nourrir de la réalité entière dont elle n'est qu'une

partie, sent confusément, comme le bruit d'une mer immense, tout ce qui

est encore caché à la pensée scientifique. Etant incapable de saisir cet

inconnu intellectuellement, elle se donne à lui dans un élan mystique et

elle se pénètre de sa puissance. Ainsi elle entre dans son véritable foyer.

Dira-t-on que le sentiment avec lequel l'enfant cherche sa mère est un

sentiment trompeur? Il ne l'est pas, il devance la connaissance claire.

L'humanité ne vit pas que des vérités exactes que lui a procurées jusqu'ici

la recherche des savants, elle a besoin d'intuitions qui lui montrent le

but de son long pèlerinage. Un jour la science justifiera ces intuitions.

Laissons donc aux hommes Γ aspiration qu'un Dieu plein de miséricorde


a mise dans leurs coeurs.

Ch. HAUTER

Vous aimerez peut-être aussi