Vous êtes sur la page 1sur 4

Séquence III : Science

Fiche RELIGION
Définition
Question 1 : Comment définir la religion ?

Etymologie : L’étymologie du mot « religion » est complexe et incertaine. On peut retenir 2 étymologies principales :
1/ du latin relegere, « reprendre avec soi » : acte intérieur par lequel on se repent (repentir = regret d’avoir commis une faute et son désir de réparation)
2/ du latin religare, « relier » : lien qui attache les hommes entre eux (communauté) par leur lien au divin.
Lien à la fois social (relation extérieure) et spirituel/intérieur (relation intérieur qui lie le croyant à la divinité) → lien horizontal et vertical

Caractéristiques de la religion
Difficulté de la notion de religion est qu’elle désigne des réalités très différentes → difficile d’identifier des caractéristiques précises : peut-on parler de LA religion malgré diversité DES
religions ? Peut-on établir un critère du religieux ?
• Un lien au monde et aux autres
Notre rapport au divin prend différentes formes selon les époques et les zones géographiques. Exemple : polythéisme, monothéisme, animisme, etc.
→ Religions liées au rapport sg que les hommes entretiennent au monde qui les entoure. Religions liées aux particularités d’un espace (relief, climat, démographie) => lieux sacrés VS
profanes. Exemples : mont Sinaï = montagne sur laquelle Dieu révèle les 10 commandements à Moïse dans l’Ancien Testament / La Mecque = ville la plus sainte de l’Islam
Diversité des religions liée à la diversité des cultures en général : religion indissociable d’une société vivant dans un environnement spécifique et qui a une histoire unique.
→ Pour les sociétés humaines, les religions expriment la diversité des façons de s’intégrer dans le monde et de vivre une expérience collective.
• La distinction entre le sacré et le profane
De manière générale, on peut définir la religion comme un ensemble cohérent de croyances et de pratiques partagées par une société.
Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, I, 1912
1/ Rôle unificateur de la religion. Ces croyances et ces pratiques font l’unité d’un groupe social = communauté de croyants => « Eglise » au sens grec ecclesia « assemblée d’hommes »
2/ Distinction sacré/profane. Le sacré désigne ce qui implique, pour l’homme, une attitude de respect. Le profane désigne ce qui n’a pas de valeur en soi, et n’engage aucun comportement
particulier. Exemple : Dans l’Antiquité, les temples étaient des lieux sacrés qu’on ne devait pas profaner sous peine de s’attirer la colère des dieux.
Cette distinction touche le rapport à l’espace (lieux de culte, lieux sacrés) et au temps (fêtes, pèlerinages).
• L’expérience d’une entité supérieure
Les religions engagent aussi le croyant dans une expérience personnelle qui peut être celle d’une entité supérieure. Cette expérience peut être immédiate, ou vécue par l’intermédiaire
d’un texte sacré. Cette xp engage l’individu dans une démarche de conversion : la personne convertie adopte une disposition intérieure qui le pousse à respecter de nvelles règles.
• Des distinctions nécessaires
1/ Religion ≠ superstition : La superstition désigne une pratique irrationnelle, voire excessive. Elle caractérise généralement l’attitude de celui qui interprète tout comme un signe
favorable ou néfaste. Au contraire, la religion implique des croyances et des rites cohérents. La religion n’exclut pas la raison dans le domaine théorique (cohérence) et pratique (rites).
Le rite renvoie à l’idée d’habitude, de règles, d’usage. Il désigne l’ensemble ordonné et codifié des règles qui permettent la célébration d’un culte ou d’une cérémonie.
Culte : vénération pour la divinité et ensemble des rites qui l’expriment → pratique so qui lie une communauté.
2/ Religion ≠ mythe : Le mythe est un récit fabuleux qui peut rendre compte des origines du monde, fait référence aux héros fondateurs, se déroule dans le tps des origines. Il a une valeur
de prescription ou d’explication. Par habitude, on oppose souvent le mythe (en grec muthos) au discours rationnel (logos).
3/ Religion magie : La magie est une pratique individuelle qui se situe en marge des rites collectifs de la religion et qui consiste à manipuler des forces surnaturelles (objets, formules
spécifiques) en vue d’une efficacité matérielle immédiate.
Séquence III : Science
Domaine théorique
Question 2 : La religion est-elle compatible avec la raison ?
1/ Opposition foi / raison
A/ Généralement, on oppose religion et raison car :
- La raison implique la recherche de preuves de ce qu’on admet comme vrai → implique effort de justification permanent, soit par l’xp, soit par l’argumentation.
- La foi, du latin fides « confiance », se définit comme une confiance aveugle envers une personne, un texte, indépendamment de tte preuve. Foi = sentiment
Raison / foi semblent incompatibles.
B/ La religion est-elle irrationnelle ?
- Dans les croyances religieuses : existence d’une part d’irrationnel et d’imaginaire
- Dans les rites et les cultes : existence d’une forme d’arbitraire (en apparence au moins)
C/ Mais la religion n’est pas la superstition (attitude irrationnelle). La religion suppose la raison :
- dans le domaine théorique : car la religion repose sur une vraie connaissance de la divinité VS croyance fausse/illusoire
- dans le domaine pratique : car la religion repose sur des rites qui ont leurs règles et leur cohérence

2/ La religion n’exclut pas la raison car :


A/ Spinoza, Ethique : Il faut faire une distinction entre la connaissance vraie de Dieu et l’ignorance qui conduit le commun des hommes à prêter des intentions et une psychologie
humaines à Dieu (= anthropomorphisme)(Dieu jaloux, protecteur, vengeur etc.) → Contre cette tendance à l’anthropomorphisme, Spinoza essaye de démontrer l’existence de Dieu, à la
manière des géomètres (more geometrico).
B/ On peut chercher à prouver l’existence de Dieu par la raison.
De nbx philosophes (Descartes par exple) et théologiens (Thomas d’Aquin) ont cherché à prouver l’existence de Dieu par le raisonnement. Ils se sont appuyés sur :
- la beauté et la régularité du monde pour en déduire l’existence d’une intelligence supérieure et créatrice
- l’idée de perfection qui implique l’existence de Dieu.
C/ La raison peut donc être mise au service de la foi :
Averroès, Discours décisif (Texte 1) : Le Coran commande aux hommes de se servir de leur entendement :
- ce qui légitime la pratique de la philosophie
- et l’étude des sciences profanes. → La raison peut apporter un concours à la Révélation et la philosophie devenir servante de la théologie.
Révélation : Acte par lequel Dieu est supposé se manifester aux hommes
Théologie : du grec theos « Dieu », logos « discours, raison, raisonnement » : étude, science de la divinité
→ PB : Dire que la raison doit être mise au service de la foi suppose hiérarchie entre foi et raison.
Pascal, Pensées : En affirmant le domaine propre de validité de la foi et de la raison, Pascal semble permettre la cohabitation entre les 2 facultés. Mais existence d’une hiérarchie.
La raison devrait s’humilier et reconnaître ses limites devant une foi triomphante qui nous donnerait accès à une vérité plus importante. Raison alors réduite à s’intéresser à des q°
secondaires, qui n’influencent pas le sens de notre vie, ou bien préparer le cœur humain à accepter la foi. → Voir « le pari de Pascal » : calcul rationnel en faveur de la foi

3/ Faut-il nécessairement chercher à établir une hiérarchie entre croire et savoir ?


Kant, Critique de la raison pure : Croire et savoir sont 2 domaines séparés qui ont chacun leurs fonctions. Il existe des q° auxquelles on ne peut pas apporter de réponses fdées sur xp et
raison. Par exemple, impossible de prouver existence de Dieu de manière rationnelle car q° qui ne relève pas de l’entendement car on ne peut pas démontrer l’existence d’une chose →
Nécessité de l’expérience. Kant déplace la q° de l’existence Dieu sur le plan pratique et moral : elle est une hypothèse moralement nécessaire. Agir moralement suppose de postuler
existence de Dieu comme ce qui impose de chercher le bien. Plutôt que de chercher à réconcilier foi et raison, il faut peut-être conserver tension enrichissante.
Séquence III : Science
Deux textes à connaître :

La religion ne doit pas exclure la raison Il faut distinguer religion et superstition

Texte 1 : Averroès, Discours décisif, §2-6, vers 1179-1180) Texte 2 : Spinoza, Traité théologico-politique, Préface, 1670
Le livre du Discours décisif établit le lien entre la Révélation et la philosophie : il est une Les derniers chapitres du traité développent une thèse énoncée dès la préface. Spinoza
fatwâ, c’est-à-dire un avis légal. Averroès y défend l’exercice de la philosophie et justifie soutient que la liberté de penser et par conséquent, la liberté religieuse n’entraînent pas
l’interprétation philosophique du Coran. la guerre civile. L’Etat a pour finalité de garantir la paix et a ainsi intérêt à instituer cette
liberté de conscience. Cette thèse défend la laïcité comme principe de séparation du
« Si l’acte de philosopher ne consiste en rien d’autre que dans l’examen rationnel des religieux et du politique.
étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la preuve de
l’existence de l’Artisan, c’est-à-dire en tant qu’ils sont analogues à des artefacts – car de « Quant aux séditions qui s’élèvent sous prétexte de religion, elles ne viennent que
fait, c’est dans la seule mesure où l’on en connaît la fabrique que les étants constituent d’une cause, c’est qu’on veut régler par des lois les choses de la spéculation, et que dès
la preuve de l’existence de l’Artisan ; et la connaissance de l’Artisan est d’autant plus lors des opinions sont imputées à crime et punies comme des attentats. Mais ce n’est
parfaite qu’est parfaite la connaissance des étants dans leur fabrique ; si la Révélation point au salut public qu’on immole des victimes, c’est à la haine, c’est à la cruauté des
recommande bien aux hommes de réfléchir sur les étants et les encourage, alors il est persécuteurs. Que si le droit de l’Etat se bornait à réprimer les actes, en laissant
évident que l’activité désignée sous ce nom [de philosophie] est, en vertu de la Loi l’impunité aux paroles, il serait impossible de donner à ces troubles le prétexte de
révélée, soit obligatoire, soit recommandée. l’intérêt et du droit de l’Etat, et les controverses ne se tourneraient plus en séditions.
Que la Révélation nous appelle à réfléchir sur les étants en faisant usage de la raison, et Or ce rare bonheur m’étant tombé en partage de vivre dans une république où chacun
exige de nous que nous les connaissions par ce moyen, voilà qui appert à l’évidence de dispose d’une liberté parfaite de penser et d’adorer Dieu à son gré, et où rien n’est plus
maints versets du Livre de Dieu – béni et exalté soit-il. En témoigne, par exemple, cher à tous et plus doux que la liberté, j’ai cru faire une bonne chose et de quelque utilité
l’énoncé divin : « Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués de clairvoyance », qui est une en montrant que la liberté de penser, non seulement peut se concilier avec le maintien
énonciation univoque du caractère obligatoire du syllogisme rationnel, ou du syllogisme de la paix et le salut de l’Etat, mais même qu’on ne pourrait la détruire sans détruire
rationnel et juridique tout à la fois ; ou par exemple l’énoncé divin : « Que n’examinent- du même coup et la paix de l’Etat, et la piété elle-même. »
ils le royaume des cieux et de la terre et de toutes choses que Dieu a créées »,
encouragement énoncé de manière univoque à l’examen rationnel de tous les étants.
Dieu – exalté soit-Il – a enseigné que parmi ceux qu’Il a distingués et honorés en leur
conférant cette science fut Abraham – sur lui soit la paix. Il dit en effet : « Ainsi fîmes-
nous voir à Abraham le royaume des cieux et de la terre » etc., jusqu’à la fin du verset ;
ou encore : « N’ont-ils point examiné les chameaux, comment ils ont été créés ? Et le
ciel, comment il a été élevé ? » ; ou encore : « […] et qui méditent sur la création des
cieux et de la terre » ; ou d’autres innombrables versets encore.
Puisque c’est donc bien établi que la Révélation déclare obligatoire l’examen des étants
au moyen de la raison et la réflexion sur ceux-ci, et que par ailleurs, réfléchir n’est rien
d’autre qu’inférer, extraire d’inconnu du connu – ce en quoi consiste le syllogisme, ou
qui s’opère au moyen de lui –, alors nous avons l’obligation de recourir au syllogisme
rationnel pour l’examen des étants. »
Séquence III : Science
Domaine pratique
Question 3 : Peut-on se passer de religion ? (Religion, morale, politique)

Quelles sont les fonctions de la religion ? D’autres institutions peuvent-elles remplir ces fonctions ? Peut-on imaginer un monde sans religion ?
1/ Fonction psychologique de la religion
A/ Croire = besoin humain qui s’exprime de différentes façons (mythes, religions etc.)
La religion a d’abord une f° psychologique : permet de rassurer l’individu devant l’étrangeté du monde et de donner du sens à la vie.
Exemple : la mort paraît moins effrayante si on imagine le paradis
B/ La croyance religieuse : une illusion
Freud, L’Avenir d’une illusion, 1927 : La croyance en Dieu n’est pas une erreur mais une illusion. Elle vient d’un besoin infantile de sécurité qui consiste à projeter vers une entité supérieure, tous
les attributs de la puissance. Cette illusion permet de se sentir protégé.
C/ Une croyance aliénante
Contrairement à l’erreur qui peut être reconnue, il est difficile de se passer de l’illusion car elle répond à un besoin et est souvent inconsciente. Alors qu’il suffit de reconnaître une erreur pour ne
plus la refaire, on a beau prendre conscience de l’illusion, elle ne cesse pas pour autant. La religion est une illusion dont il est difficile de se défaire car elle comble un besoin humain fondamental.
Mais cette illusion peut être un obstacle à la liberté intellectuelle car nos peurs nous maintiendraient à un stade infantile.

1/ La religion a aussi une f° sociale


A/ Religion : ciment indispensable à la société : La religion permet de souder une communauté qui partage les mêmes valeurs (entraide, charité, refus de la violence, respect…), les mêmes
croyances et les mêmes pratiques.
B/ « La religion est l’opium du peuple » : Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844. Pour Marx, les valeurs, les croyances et les pratiques que la religion donne à une société
contribuent à l’aliénation du peuple. En effet, la religion crée des formes de solidarité et des représentations (comme le paradis et l’enfer) qui conduisent les hommes à supporter leurs conditions
d’existence sans chercher à lutter pour leur émancipation. La religion crée une forme de réconfort comparable à l’opium qui est une drogue. La religion empêche l’homme de chercher à modifier
concrètement sa vie en agissant dans l’espace public pour créer un monde meilleur. La religion serait le fond de l’aliénation économique et politique qui maintient les hommes dans une forme
d’impuissance. La religion peut alors garantir l’ordre social et les rapports de domination des classes aisées sur les classes laborieuses (celles qui travaillent).

3/ Un société sans religion est-elle possible ?


Face à ces dangers pour la liberté humaine, peut-on concevoir une société radicalement athée ? L’humanité peut-elle vivre sans religion ni relation au sacré ?
A/ Athéisme radical et risque d’immoralité
Dostoïevski, Les Frères Karamazov, 1880 → L’effondrement du sentiment religieux signe-t-il effondrement de la morale ? Plus de Dieu = plus de morale ?
B/ En réalité, possibilité de ne pas adhérer à une religion tout en conservant ses valeurs
Nietzsche, Le Gai savoir, 1882 : Nietzsche dénonce l’illusion de ceux qui se croient athées alors qu’ils restent dépendants d’une religion. L’illusion d’une humanité libérée de tt sentiment religieux
serait un symptôme du nihilisme càd idéologie qui rejette tte croyance, qui refuse tte contrainte sociale = dévalorisation de toutes les valeurs. En réalité, nécessité de réinventer d’autres dieux,
parce qu’il faut réinventer du sacré. Exemple : Révolution Française → destruction d’églises, chasse aux prêtres, mais aussi formation d’une religion civile, sacralisation des valeurs républicaines
→ Rousseau, Du Contrat social, 1758 : nécessité dans l’Etat démocratique, d’une religion civile
C/ La permanence du sacré
- Pas de société sans rituel collectif : commémorations, cérémonies collectives = expressions d’un tel besoin
- Possibilité d’adopter principe de laïcité qui implique nécessaire séparation du religieux et du politique. Religion placée dans le domaine privé, tandis que politique réservé au public → objectif
de la laïcité : coexistence pacifique (Texte 2) La tolérance passe par l’instauration de la liberté de conscience et ne nuirait pas à la paix civile.
Paradoxe de la tolérance face au fanatisme : ne pas tolérer les intolérants → nécessité de fixer les limites de la tolérance dans un Etat de droit
Fanatisme : foi absolue, sans limite, zèle aveugle

Vous aimerez peut-être aussi