Vous êtes sur la page 1sur 9

Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Chapitre 1 : Du rapport entre religion et modernité

Introduction

Les sociologues du fait religieux ne sont pas nécessairement des contempteurs de


l’histoire et des déserteurs de l’« actuel ». Les plus créateurs d’entre eux ont tenté de lier la
sociologie du fait à leur réflexion sur la « vie moderne ». Et cette articulation donne un ensemble
de productions scientifiques où on sent l’affirmation et la formulation de ce lien ainsi que les
thèmes de recherche les plus actuels :
1) Définition de la sociologie des religions ;
2) Définition et constitution de l’objet de la sociologie des religions, le fait religieux ;
3) Importance sociale du religieux dans les sociétés modernes ;
4) Devenir du religieux (sécularisation) ;
5) Relation entre religieux et modernité.
Sommes-nous dans une situation de « recomposition religieuse » ?
Pour répondre à cette question, certaines expressions telles que « retour du religieux »
ou « revanche de Dieu » (Gilles Kepel) sont fréquentes dans la littérature scientifique de la
sociologie des religions. Elles désignent une sorte d’effervescence actuelle des nouveaux
mouvements spirituels, religieux et idéologiques liés avec la montée des courants
charismatiques et prédicatifs et le renouveau des pèlerinages ou encore le succès en librairie
des livres d’inspiration ésotérique (Danielle Hervieu-Léger, p.41).
Toutefois, pour certains sociologues, l’influence du religieux est en déclin et nos
sociétés seraient marquées par un mouvement de sécularisation. Pour d’autres, au contraire, on
assiste à un « retour du religieux ». Cette formulation est contestée car elle suppose un déclin
préalable. C’est pourquoi on utilise parfois l’expression « recomposition du religieux ».
Le thème religion et modernité n’est pas en reste en sociologie des religions. Sujet
inépuisable d’étonnement, le rapport entre le religieux et la modernité fait l’objet de
questionnement et d’études sociologiques. Longtemps les sociologues ont cru que les religions
allaient disparaître, condamnées par le progrès de la science, de la raison, de la médecine, de la
technique, par les effets de la laïcisation des sociétés. Or, les voilà qui resurgissent de partout.
On a parlé de « renaissance » à propos de l’islam, du protestantisme évangélique, mais aussi du
néochamanisme, des cultes populaires en Chine. L’exploration de ces différentes renaissances

Dr Mouhamadou Mansour DIA 1


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018
invite à s’interroger sur les fonctions qu’entretient la religion dans les sociétés actuelles :
sociales, morales, idéologiques, thérapeutiques, etc.
1. Définition de la notion de modernité

Par « modernité », on entend le fait que les sociétés occidentales accordent plus
d’importance aux valeurs matérielles qu’aux valeurs spirituelles ; aussi se définit-elle par un
individualisme et par une rationalité ou par une sorte d’affrontement de l’existence en dehors
des cadres et institutions sociaux, c’est-à-dire avec ses moyens personnels. Une grande
confiance en soi et la mise en valeur des pouvoirs. Des vertus et des mérites personnels et
individuels se cachent derrière ce que l’on appelle modernité. Il s’agit, en clair, du désir de
s’améliorer, de changer, de s’adapter dans un monde fragile et hostile, dominé par la volonté
de rompre avec un passé moins glorieux et moins heureux et le désir de retrouver ses propres
racines. En somme, la modernité se résume en une émancipation et en une absence de contrôle
par rapport aux cadres et aux institutions sociaux et contre l’archaïsme du passé.

La notion de modernité aurait plus de sens si on la distingue de celle de sécularisation.


Par définition, la « sécularisation » est un trait des sociétés actuelles où les phénomènes de
croyance se réduisent en même temps que se déploie, dans tous les domaines, le règne d’une
rationalité instrumentale désenchantée. C’est dans cette perspective que Philippe Portier dit que
« le mot « sécularisation » a été très utile par la sociologie dans les années 1960-1970. Il
entendait qualifier, suivant la formule de Bryan Wilson, « le processus par lequel institutions,
pensées et pratiques religieuses perdent de leur importance sociale ». Ce concept de
sécularisation qui postule le recul du religieux au fur et à mesure de l’avancée de la mentalité
rationnelle a beaucoup contribué à l’opposition entre religion et modernité.
2. Définition de la religion

Parmi les classiques des sociologues des religions, Emile Durkheim est celui qui a le
plus cherché à trouver une définition canonique de la religion. Cet objectif n’a pas connu de
succès, car en cherchant à prendre pour modèle de référence la religion qu’il considérait comme
étant la plus primitive, il confond en même temps la définition d’une religion particulière (le
totémisme) avec un type de société particulier (le clan). A partir de sa définition de la religion
primitive, il pense avoir retrouvé la définition globale de la religion qui englobe en son sein
toutes les autres religions.

Dr Mouhamadou Mansour DIA 2


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Dans cette logique, Emile Durkheim définit la religion par ce qu’il considère comme
étant sa source (sentiment collectif hypostasié) d’abord et ensuite par sa fonction principale
dans la société (protection du lien social) clanique et moins par ses caractéristiques communes
à toutes les religions comme il prétendait le faire. Il refuse de définir la religion par le rapport
à la divinité ou au surnaturel. Il aboutit par déifier la société en la considérant comme l’origine
du sentiment religieux, voire de la religiosité. Il évoque la notion de sacré qui n’est, pour lui,
que la transcendalisation du sentiment collectif distingué radicalement avec la notion de
profane. Ces notions qui composent la définition de la religion de Emile Durkheim partagent
les choses, l’espace et le temps entre l’accessible et l’inaccessible, l’important et le banal, le
sensible et l’intelligible, le révérenciel et l’utilitaire, l’à part, le réservé, le consacré et le banal.

De ce point vue, selon Emile Durkheim : « Les choses sacrées sont celles que les
interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits
s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières. » Cela étant, pour Emile Durkheim, la
religion et/ou la religiosité proviennent de l’importance que les individus accordent à certaines
idées ou choses. Elle provient de l’importance que les agents sociaux accordent au lien social.
C’est dans cette logique qu’il dit : « Lorsque les hommes partagent une idée avec une certaine
intensité et une certaine extension, elle inspire respect révérenciel identique aux croyances
religieuses : il est donc probable que la religion correspond à la région centrale de la conscience
commune. Dans les sociétés primitives « elle s’étend à tout ; tout ce qui est social est religieux.
Les deux mots sont synonymes. »

Durkheim aboutit à une définition finale de la religion par « systèmes de croyances et


de pratiques relatives à des choses sacrées ; c’est-à-dire séparées, interdites. Croyances et
pratiques qui unissent en une communauté morale appelée église tous ceux qui y adhèrent. »
Par cette définition, Emile Durkheim fait ressortir trois éléments de la religion. D’abord, la
religion est une conception particulière du sacré, du rapport avec le sacré et du comportement
envers le sacré (systèmes de croyances et de pratiques). Ensuite, l’espace religieux est celui
dans lequel on établit une relation (ou l'opposition, l'ambivalence) entre Sacré et Profane. Enfin,
la religion est une affaire collective qui crée des groupements et réunit une communauté de
croyants, le plus souvent, dans un lieu de culte consacré.

Dr Mouhamadou Mansour DIA 3


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Cependant, la définition de la religion par Emile Durkheim comporte des limites


objectives. D’abord, la première limite réside dans le fait de définir la religion par esprit
évolutionniste, en partant d’une religion particulière qui ne renferme pas forcément toutes les
caractéristiques communes à toutes les religions. Ensuite, la seconde limite consiste à confondre
dans sa définition religion et religiosité. Tantôt il parle de religion tantôt de sentiment religieux.
Alors que ces deux aspects du religieux méritent distinction. La religion relève de
l’institutionnel alors que la religiosité concerne les sentiments et pratiques religieux. Ensuite,
une autre limite de Emile Durkheim consiste à définir la religion par ses origines et non pas par
ses caractéristiques communes à toutes les religions comme il l’avait prétendu au début. Cette
méthode de définition du fait religieux est ascientifique dans la mesure où l’essence de la
religion n’est pas l’affaire du sociologue. Le rôle du sociologue consiste seulement à analyser
ses incidences sociales. Comment elle encadre les rapports sociaux, fonde les hiérarchies,
inspire les actions (sociales et historiques) et détermine les comportements ?

Par contre, Marx Weber s’était inscrit dans cette lancée en l’appliquant dans son étude
sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Dans cette dynamique, il explique l’origine
d’un système économique (le capitalisme) par des valeurs religieuses qui ont inspiré un
comportement économique particulier (ethos).

Max Weber, quant à lui, pense que la religion, en tant qu’espèce particulière de se
comporter et de vivre en société, en tant qu’éthique de vie, possède, non seulement, une portée
temporelle, mais, elle inspire et fonde l’autorité dans la société ; cela, d’une part par sa
dimension collective et d’autre part, par l’existence de maitres à pensées religieuses qui
exercent une domination spirituelle sur les autres membres par les ressources disposées en biens
de salut. La religion ne gère pas seulement des biens de salut dans l’au-delà, mais elle promet
des biens de toutes sortes dans l’ici-bas.

Avant Emile Durkheim, Karl Marx avait presque commis la même erreur que lui en
déclarant que la religion n’a pas une existence intrinsèque et que le sentiment religieux découle
de la société. Autrement dit, Karl Marx pense que la religion émane de l’infrastructure
économique pour lui servir de caution en anesthésiant les faibles (prolétaires) et légitimant les
forts (bourgeois). Elle n’est qu’une simple idéologie inventée par les hommes pour masquer les
rapports de domination. Dès fois aussi, il peut, selon lui, servir de moyen idéologique pour les
faibles de protester contre leur situation de détresse.
Dr Mouhamadou Mansour DIA 4
Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Donc, Karl Marx a très trop exclu toute idée de surnaturel et de divinité intrinsèque pour
définir la religion. Il s’en est allé jusqu’à considérer la religion comme une invention. Ce que
son collaborateur Friedrich Engels a refusé en estimant qu’il est trop simpliste pour expliquer
la genèse et le devenir de la religion, de déclarer que c’est un tissu d’absurdités inventé par les
imposteurs. Cela n’empêche pas d’analyser ses conditions socio-économiques d’émergence et
expliquer pourquoi elle a eu tant de succès. Engels finit par témoigner que les religions
possèdent réellement une puissance sociale, surtout, lorsqu’elles imprègnent les consciences
deviennent des forces collectives agissantes soit au service du statuquo ou au service de la
protestation.

A la différence d’Emile Durkheim, la vie en société n’est pour Simmel qu’une des
origines de la religion : le rapport à la nature et l’attitude de l’homme face au sort en sont
d’autres sources immanentes. Ainsi, Simmel définit la religion par la notion de piété qu’il
considère comme le sentiment de respect et de crainte vis-à-vis de certaines choses ou de
certains êtres.

L’intérêt de la démarche de Simmel pour la sociologie des religions réside dans le


déplacement qu’il effectue de la religion à la religiosité et dans son affirmation que toute
manifestation de piété ne produit pas forcément une religion.

Weber, quant à lui, n’a pas trop abordé la question de la définition englobante de la
religion. Il s’est limité à chercher les incidences sociales de la religion. Sa thèse a consisté à
considérer la religion comme un modèle de référence à l’action sociale dans les domaines
d’activités qui transcendent même le domaine spécifiquement religieux. Ainsi, il considère la
religion comme une manière particulière d’agir en société. Pour lui, la religion est « une
méthode de conduite en rapport avec une entité émotionnelle en accord avec une réalité
transcendante fondatrice ».

Aujourd’hui, les auteurs contemporains évitent l’usage de la notion de religion au


singulier et préfèrent celui de religieux au substantif pour écarter toute tentative de partir d’une
définition préconçue de son objet. Par-là, ils refusent de donner une définition simple et
univoque de la religion et montre comment ce phénomène social qu’est le religieux peut être
appréhendé par les sciences sociales.

Dr Mouhamadou Mansour DIA 5


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Le concept de fait religieux est évoqué en tant que fait social objectivable, observable
et analysable de manière opératoire dans toutes ses facettes (collectives, matérielles,
symboliques et sensibles) et dans ses rapports avec les autres sphères d’activités.

En effet, il faut retenir que toutes les définitions qui précédent ont été élaboré dans le
cadre d’une société moderne au sein de la discipline sociologique. Ceci nous renvoie à deux
aspects : d’abord le fait que la religion a constitué une problématique qui a beaucoup intéressé
les sociologues classiques qui n’ont manqué de l’aborder en abordant la société moderne,
ensuite l’importance de la religion dans les sociétés modernes malgré les tentatives de leur
opposition. On peut retenir à travers les définitions précédentes qu’une certaine façon simpliste
et réductionniste de concevoir la réalité religieuse a poussé certains auteurs à prédire son déclin
au fur et à mesure de l’avancée de la modernité occidentale. Ce qui nous permet de passer à la
définition de la modernité pour voir si elle porte en elle des caractéristiques intrinsèques qui
l’opposent naturellement à la religion.
3. Pourquoi oppose t’on religion et modernité ?

La sécularisation consiste à théoriser le recul de la religion, du moins son rôle


d’encadrement social, au fur et à mesure de l’avancée de la rationalité. Comme s’il y’avait une
sorte de divergences intrinsèques entre foi et raison.

On pense à Sigmund Freud qui assimile la religion à de l’illusion des sens (prendre nos
désirs pour des réalités). Karl Marx évoque la notion d’idéologie pour montrer que la religion
n’est qu’un moyen pour masquer la réalité des rapports de domination. Elle est l’opium du
peuple. On peut aussi évoquer le concept populaire de désenchantement du monde théorisé par
Max Weber pour désigner le processus de recul de la pensée mystique et de l’avancée de la
pensée rationnelle. Emile Durkheim a prédit le déclin des religions traditionnelles après
Auguste Comte qui dans sa théorie de la loi des trois états a relégué l’esprit religieux au passé
correspondant à l’enfance de l’humanité. Ainsi, considère-t-il l’esprit positif comme étant la loi
qui gouverne la modernité.

Cette vision simpliste a longtemps dominé la littérature scientifique de la pensée sociale


occidentale de manière générale et sociologique de manière spécifique. De Karl Marx à Auguste
Comte et Emile Durkheim en passant par Marx Weber, on retrouve des concepts qui laissent
penser à l’idée de sécularisation des sociétés occidentales au fur et à mesure qu’elles évoluent.

Dr Mouhamadou Mansour DIA 6


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Cependant, ces dits auteurs ont tous fini, sans exception, par reconnaitre que la religion
n’est pas un simple phénomène accidentel que des besoins circonstanciels font naitre et qui
devraient naturellement disparaitre une bonne fois pour toutes lorsque ces besoins n’existent
plus. Ceci dit, ces auteurs ont été frappés par le retour en force de l’effervescence religieuse
dans la société moderne. Notons que le religieux a longtemps été considéré comme étant
incompatible avec l’esprit du type d’homme moderne.

4. La symbiose de la modernité et du religieux

Si la religion possède une aussi grande capacité d’adaptation dans la société moderne,
c’est qu’elle ne peut pas être considérée comme un archaïsme. On ne saurait non plus la réduire
à un simple besoin de croire ou à une réponse illusoire à l’angoisse de la mort, comme le soutient
Michel Onfray dans son Traité d’athéologie. Les études nous montrent que les religions servent
davantage à affronter la vie qu’à supporter la mort.

Quand des villageois du sud de l’Inde continuent à se tourner vers leurs chamans ou
leurs prêtres pour leur demander la fertilité ou pour retrouver la santé, de jeunes catholiques de
tous les pays affluent aux journées mondiales de la jeunesse pour mieux se sentir vivre
ensemble. Partout dans le monde de l’échelle la plus locale à la dimension la plus globale, la
religion sous des formes extrêmement variées, continue d’imprégner le quotidien d’une
majorité de nos contemporains.

Face à cette effervescence religieuse, les sociologues des religions entreprennent de


réviser leurs grilles d’analyse. Pour eux, l’opposition radicale entre modernité et religion est
dépassée. La vitalité des religiosités ne doit pas faire oublier que l’humanité se partage entre
deux petites minorités opposées (les athées et les pratiquants réguliers) et une grande majorité
de personnes, ni incroyantes, ni fortement engagées dans une religion donnée. Cette majorité
oscille entre foi et agnosticisme, se conformant au scepticisme de Montaigne – croire, mais sans
certitude.

« Modernité et religion sont véritablement en symbiose, explique Frédéric Lenoir, elles


s’incluent mutuellement plus qu’elles ne s’excluent. Le religieux n’a jamais disparu dans la
modernité (…) il se transforme au contact de la modernité comme il a contribué à la façonner. »

Dr Mouhamadou Mansour DIA 7


Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

De nombreux sociologues, comme F. Lenoir, D. Hervieu-Léger, Yves Lambert, Jean


Paul Wlillaime…, ont entrepris de baliser la modernité religieuse : des notions comme la
globalisation du religieux (corollaire de la globalisation économique) permettent de mieux
rendre compte de ces processus qui permettent aux individus de bricoler leur foi en fonction
d’une offre spirituelle désormais planétaire. Le renouveau religieux impose. Il règne des
croyances éphémères. L’expérience personnelle prime sur l’adhésion coercitive aux Eglises
institutionnelles. On assiste à la prolifération des croyances à l’échelle planétaire. Pour une
majorité de gens, les vérités absolues revendiquées par les Eglises s’effacent déjà au profit d’un
relativisme du croire. L’homme moderne se compose son menu : un zeste de bouddhisme, un
soupçon d’ésotérisme, une référence à Jésus pour lier la sauce… Ce religieux-là, à la carte est
dit de tendance soft. L’individu valide ses croyances en s’inscrivant dans des réseaux qui les
partagent. Un tel système ne peut que reposer sur le postulat de la relativité des croyances
(toutes se valent aucune n’est détentrice d’une autorité absolue), qui autorise une navigation au
gré des expériences personnelles.

En opposition se démarque un système hard. A la personne qui entend approfondir sa


quête de transcendance, s’ouvrent des communautés plus structurées, contrôlées par des leaders
charismatiques, qui imposent à des communautés instrumentalisées des vérités toutes faites.
Comme l’explique Harvey Cox, il s’agit bien maintenant d’enfin de mettre fin à l’ennuyeux et
stérile débat sur la thèse de la sécularisation et passer à des termes plus féconds pour
comprendre la religion dans le monde contemporain. (…) La catégorie la plus utile à cette
compréhension n’est ni la résurgence ni la désacralisation, mais plutôt la transformation. Les
religions du moins celles qui survivent sont des organismes dont l’étonnante capacité
d’adaptation est quasi darwinienne. Afin de survivre, elles doivent équiper leurs fidèles des
capacités qui leur permettront de faire face à un monde en pleine mutation, sans toutefois les
arracher aux mondes symboliques (…) qui sont leurs sources de sens et de valeurs.

5. Pourquoi la religion est-elle de retour ?

Peter Ludwig Berge affirme sans ambages que l’idée selon laquelle nous vivons dans
un monde sécularisé est fausse. Le monde d’aujourd’hui est plus religieux qu’il l’a toujours été.
Pour lui, la réalité de la religion dans la modernité a rendu caduque les théories qui ont
longtemps prédit son déclin ou son recul que ce soit la sécularisation, le désenchantement du
monde, la rationalisation ou le positivisme etc.
Dr Mouhamadou Mansour DIA 8
Religion et Modernité SOC/P5/S2/2018

Restait donc à reprendre le problème de fond en comble. Le retour du religieux


représentait un défi pour la pensée en général et pour la sociologie en particulier. Dans le
Réenchantement du monde1, Peter Ludwig Berge réunissait un cartel de spécialistes pour
étudier le renouveau religieux : de l’impact politique de l’évangélisme protestant à la
dynamique de l’Islam, de l’importance croissante de la diplomatie papale avec Jean-Paul II (élu
en 1978, mort en 2005) à la prolifération des religions en Chine. Avec en toile de fond cette
question : pourquoi Dieu est-il de retour ?

Cet ouvrage collectif n’est qu’un des très nombreux travaux accumulés depuis les
années 2000 sur la place du religieux aux Etats Unis, sur la propagation d’un Islam radical, sur
la progression mondiale des sectes. Toute cette littérature, une fois mise en perspective, suggère
quelques réponses possibles à la question du « retour de Dieu ». Si les religions renaissent et se
renouvellent sans cesse, si elles semblent se marier si bien avec la modernité, c’est sans doute
qu’elles répondent à des attentes individuelles et à des besoins collectifs dont aucune société
n’a su, à ce jour, s’affranchir.

Ces aspirations sont de plusieurs ordres : idéologico-politiques, morales, sociales,


identitaires, communautaires, existentielles, matérielles et même thérapeutiques. Notons au
passage que ces attentes sont souvent imbriquées entre elles telles les pièces d’un puzzle, ce qui
rend hasardeuse toute classification.

1
1- P.L. Berger (dir.), Le Réenchantement du monde, Bayard, 2001
Dr Mouhamadou Mansour DIA 9

Vous aimerez peut-être aussi