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Massrrr,roINrnovIGNE.

L'INTERPRETATION DES SOCIETES


SECRETES CHINOISES
Entre paradigmeésotérique,
politique et criminologie

r,I-a Chine est la terre des societéssecrètes; et le Jaune est


un conspirateur-né, qui ne saurait prendre une tasse de thé
hors de chez lui, sans raser les murailles et sans échangerdes
mots de passe.Il applique le systemede la societe secrèteà
tous sesbesoinsethniques,politiques et sociaux,et mème à ses
plaisirstu.

Matgioi, Guénon et la question des sociétés secrètes


en Chine.

Le premier livre de Jean-Pierre Laurant que i'ai lu, à sa


parution, avant de le rencontrer et de devenir son ami, est
Matgioi, un az)enturiertaoi'ste,paru chez Dervy en 1982. Jean-
Pierre Laurant n'en était pas à son premier livre, et la question
du secret et des sociétessecrètesfaisait dejà panie de ses
intérèts. Mais un ouvrage sur Albert de Pouvourville
(1861-1939),connu dans le milieu esotériquesous le pseu-
donyme de Matgioi (<,I'cil du jour r), ne pouvait que conduire
notre auteur à se pencher sur le thème des societéssecrètes
chinoises. Thème delicat, car Matgioi et les < ésotéristes'r
s'étaientsur ce point, comme sur beaucoup d'autres, opposés

l. Albert or PouvouR\TLLE [Matgioi], oLa Révolution et les Sociétés


secrètes en Chine u, La Reaue de Paris, l" mars l9l2; cité dans
I-nunnNr J.-P., 1982, p. 44.
304 poLITIcA HERivlETrcA
" "

aux milieux académiques,et il y avait aussi conroverse sur


l'apport de Matgioi aux connaissancesque Rene Guenon
(188ó-1951)avait de cerremariereet qu'ii exprime en parti-
culier dans son dernier ouvrage, La Grande lriort,
(Guenon R., 1940). comme Laurant le monrre dans
Matgioi,
en 1946 Guénon ne considéraitplus pouvourville ni comme
un ami ni comme un auteur de référence.I.Jn ouvragecatho-
lique pieux de I'ancien raoisre anticlérical, sainte ihérèse
ct,
Lisieux protectricedespeuples(pouvourville A., 1936), aurait
( provoque la rupture r)ret conduit
Guenon à affirmer que <,si
Albert de Pouvourvilleetait toujours vivant, Matgioi etait
bien
moft,r (Laurant J.-p., lgg}, p. g3). Guenon ne cite pas
Matgioi dans La Grande Triade et préfère, en rnatière
de
societés secrètes,se fier à l'ouvrage du lieutenant-colonel
B. Favre Les sociétéssetètes en chine. origine. Role historique.
siruationactuelle(1933), à l'époque d'ailleursbien accueillipar
les universitaires.Bien entendu, Guénon ne se souciaitp",
a.
I'opinion de I'université, où mème en 1946 son idee que
les
societes secrèteschinoises émanaient d'un cenrre (taoiste)
unique n'était plus acceptée.
Laurant rappelle toutefois I'influence que Matgioi avair
eue
sur Guénon en certe matiere bien avant La Grande
Triade.En
l9l0' trente-six ans avant la publication de cet
ouvrage, le
Guénon, signant en ranr que Tau palingenius, evequéde
l::".:
l_'Eglisegnostique,apperaitdansun article de la revueLa
Gnosc
Matgioi ( norre Maître )) en matière de taoîsme (voir
LauneNr J.-P., lg'2' p. gg). Il est vrai que des guénoniens,
aprèsla mort de Guenon, ont considerela iormule
comme < dc
pure courtoisieu méme en l9l0 (Laurant
J.-p., lgg2,p. 95)
En effet, à cette epoque déià, Nguyen van cang,
re fils cadet
de I'inidateur taoiste de Matgioì au Vietnam,
Ie Maître
Nguyen van Lu, devenu miliiaire frangais, était
venu en
France (Laurant J.-p-, rggz, p. 40-41) et colíaborait
méme à
des revues du milieu ésoterique. Guenon aurait
donc pu
recevoirdes informations (et une initiation) directement
de ce
personnage,sanspasserpar Matgioi. c'est
ce que suggèrepaul
Chacornac(1958, p. 43), comme le rappelleLa,rrant (1 gg2,
p. 94) : a Nous pouvons dire aussi- et
sanspouvoir précisei
davantage* que Guénon, méme du cóte taoiste,regut plus
que
n'avait regu Albert de pouvourville. ))
Sans insister ici sur le processuspar lequel <,I,influence
de
Matgioi [sur Guénon] fut minimiséel p., ..rt"ins guenoniens,
alorsqu'elle etait <impossibleà eliminer,r(I-auranr
J.-p., rggz,,
MASSIMO INTROVIGNE 305
p. 95), il importe de signaler un aspecr sur lequel l'officier
colonial Pouvourville était plus proche de la rechercheuniversi-
taire contemporaineque l'ésotéristeMatgioi. En effet, les esote-
ristes ne s'intéressaientque très peu au còte politique, voire
criminel, des societéssecrèteschinoises; pour eux, ce còté
n'avait pas d'importance, ou alors il relevait de déviations
conúe-initiatiques. Mais Matgioi, ou plutòt pouvourville, en
tant qu'officier colonial, avait publie des analysesuès perri-
nentesde la situation politique en chine; il est probable qu,il
s'étaitméme adonneà l'espionnage.II était donc en mesurede
faire la liaison enffe les sociétéssecretes,la criminalité orga-
niséeet le nationalismerepublicain en chine, et de reconnaître
I'importance à leur creation du sentiment xenophobe et anti-
Manchou des < Chinois de souche,r (l,aurant
J._p., lggî,,
p. 44). Mais Pouvourville était aussi Matgioi, et il se rendait
donc compre que politique et criminalite n'excluaient pas,
mème au debut du xx" siècle, Ia presence d'éléments ésóté-
riques dans les mèmes societes. Et c,était justement cette
coexisrencede politique, ésoterisme et criminalite qui etait
I'aspect plus surprenanr de ra situation dont Matgioi iut ,rr.
connaissancedirecte dans son expériencecoloniale. Dans ce
sens' Matgioi pose un probleme qui est revenu justement au
cenfte des préoccupations universitaires dans la littérature
academiqueplus récentesur les societéssecrèteschinoises,
eu€
nous allons maintenant examiner.
En effet, si à l'époque de Matgioi et de Guénon il y avait peu
de spécialistesde sciencesreligieusesou d'historiers ptrr.
s'intéresserà ce theme considérécomme relevantplutòt àe la
sciencepolitique ou de la criminologie, en 1993 déià, David
ownby affirmait que la bibriographiesur les societéssecrères
chinoises etait tellement importante qu'elle etait devenue
oppressizte (ownby D., lgg3, p. 3). Depuis rgg3, plusieurs
ouvragesimportants y ont été rajoutes. Historiens et socio-
logues, pourtant, n'ont pas trouvé un accord sur l,interpre-
tation de ce phénomene.Nous commenceronsici par resumer
les points historiqueset sociologiquessur lesquelsun certain
accord semble se manifester, pour examiner dans une
deuxiemepartie les interprétationsles plus importantes et les
controverses afférentes, avant de proposer des éléments
pour une nouvelle interprétation possible. Nos sources
comprennent ici la litterature publiee aux xIX. et xx" sieclesen
anglaiset en frangais; des documentsde
iustice et de police, y
compris des arrétsrécentsde tribunaux italiens desinterviews
;
306 ( POLITICAHERMETICA'

avec des fonctionnaires de police dans plusieurs pays, ]'


compris les États-tlnis, la chine, singapo,ri.t l'Italie. Mème
si des dizainesde societéssecretesont vu le jour en chine à
paftir du xvIIt'siècle, nous nous limirons ici à la plus connue,
la Tiandihui ou societe du ciel er de la Terre, elle-mème
d'ailleurs divisée en plusieurs branches plus ou moins
independantes.

Tiandihui et société : quelques éléments historiques.

ks historiens de la chine s'accordent aujourd'hui pour


reconnaître que les < societessecrètesr, et la Tiandihui en
particulier, appartiennent à - ou bien, représententl'évolution
de - un type de <,sociétefraternelle,rbien présent en chine à
panir au moins du vlr" siecle.ces sociétés,sous les noms àai
et she,ont une grande importance dans les villages,et y sonr
reconnuescomme partie tout à fait legitime de I'organisation
sociale. Si, au Moyen Ag., I'on trouve souvent des sociétes
religieuses,à partir du xvr. siècle les societésvillageoisesles
plus importanres s'occupent de funérailles.comme celles-ci
coùtent assezcher, les membres des < societésde funérailles,
(que nous trouvons d'ailleurs déjà au vn. siècle)versent une
cotisation à une caissecommune qui permet ensuitede payer
les frais pour les funérailles de chaque membre à sa morr.
Moins largement diffusees,les societésde mariagesonr une
fonction similaire. L'élément commun, qu'il s'agissede fune-
railles ou de mariages, est ici la constitution d'une caisse
commune, ce qui permet la constitution desyinqian yaohui ou
sociétes de credit mutuel, très importantes d.ans la paysan-
nerie chinoise à panir du xvur. siecle.Toutes ces sociétésont
presque toujours aussiune fonction rituelle et religieuse,dans
une culture où séparerreligion et sociétén'est d'ailleursiamais
facile. Mais tout cela reste à I'intérieur de l,organisationvilla-
geoisetraditionnelle : méme si I'autorite imperiale s,inquiète
parfois des depensesexcessives des paysanspour cessocietes,
ellesdemeurentau seinde la structuresocialedu villageet n'en
meftent pas en question les autorités.
Les r.sociétes secrètesu du xv[I. siècle, en revanche, sont
considereespresqueimmédiatementcomme quelque chosede
dangereux et qui entraîne un risque de contestation de I'ordre
social villageois. on leur attribue, à tort ou (souvent) à raison,
la pratique du ( serment du sangr (ou <initiation du sangr),
MASSIMO IÌ.ITROVIGNE 307
c'est-à-dire un serrnent consacrépar le sacrifice d,un animal
dont le sang est ensuite bu : une pratique qui n'était pas
inconnue en chine, mais qui etait plus souvent associeeà des
mouvements politiques insurrectionnels ou à des bandes de
criminelsou de pirates,plutot qu'à de paisiblesassociationsde
paysans.
Qu'était-il arrive ? D'après plusieurs historiens, au
xvnl'siecle se produit en chine une situation similaire à celle
du xlx" siècleaméricain.De nouvellesformes d,économieet la
colonisationde terresnouvellesdansle Sud-Est de la Chine, et
encore plus à Taíwan, produisent une <,culture de la fron-
tiere 'r et méme une < culture de celibatairesu, dans ce sensque
c'étaient sufiout des jeunes màles qui se langaient dans
I'aventure souvent dangereusede l'émigration, suivis par très
peu de femmes. Les aurorités avaient beaucoup de mal à faire
respecterla loi dans cette <frontière D,surtout à Taîwan, et les
révoltes étaient mes fréquentes. C,est à I'occasion d'une de
celles-ci,la révolte de Lin shuangrven (l7g7-lzgg), que les
autorités impériales Qing <découvrenr Dla Tiandihui c-omme
problème maieur. L'enquète sur la revolte monffe en effet que
un shuangu/en etait un membre de ceffe société,qui avait ète
imponée à Ta'r'wanpar un corporteur de tissus provenant de
la région du Fujian appelé yan yan. A Taiwan, la Tiandihui,
présentéepar Yan Yan comme societéqui s'occupaitde fune-
railles et mariages,mais ausside protection des membres dans
un milieu dangereux, sans négliger des activites de petite
criminalité, avait trouvé un terrain fertile chez des gens delà
engagésdans des vendeftas enrre familles et entre immigrés
provenant de régions diverses. Une branche de la sociéte
s'était,semble-t-il,implantéeen 17g6sousle nom de < societe
pour l'avancementdesfrèrescadetsu (egalementTiandihui
en
chinois) à partir d'une question locale sur les droits des freres
cadetsniés par les aînés.
L'enquéte, d'ailleurs très sévère,des autorites
eing monúe
que la Tiandihui n'était pas née à I'occasionde la révolte de
Lin shuangwen. Les inculpés leur révelent des histoires assez
bizarressur une sociétéqui seraitnée en 176l à Gaoxi (Fuiian)
avec un groupe d'anciens émigrés fujianais au Sichuan qui
etaient revenus dans leur pays d'origine, dirigés par un moine
appelewan Tixi. s'il se ffouve des historienspour penserque
ce wan Tixi étair un personnagehistorique, on ignore si les
dirigeants d'aurres révoltes anti-imperiales du xv[r" siècle,tels
Lu Mao et Li Amin, faisaient aussi partie des premiers
308 ,,POLITICA HERMETICA
"

membres de la Tiandihui. Bien que la révolte de Lin


Shuangwenne soit pas que politique (le souhait d'une crimi-
nalite locale de ne pas ètre trop inquietee par les autorités ,v
jouant égalemenr un ròle important), les autorités
eing
lancent une répressionmassiveet féroce, eui en effet favorise
la diffusion de la Tiandihui (dont les membres prennenr le
nom Hong, <rroug€ )),nom de famille commun et reféré à une
couleur sacree)à I'exterieurdu Sud-Est et de Taiwan, dans la
chine entière er dans les colonies chinoises de I'Asie du
sud-Est, ou beaucoup de membres persécutés cherchent
refuge.
Peu à peu, les aurorités imperiales eing découwenr une
histoire des originesde la Tiandihui qui finit de les persuader
qu'il s'agitbien d'un complot politique.cette histoireremonte
à la fìn de la dynastie<,chinoisede souche,rMing (1644) er à
son remplacement par la dynastie < etrangerer (Manchou)
Qing- une concubine impériale appelee Li (<pèche,r, fruit
sacrédans plusieurstraditions chinoises)aurair eu un fils dans
le temple de Gaoxi, Xiao Zhu (le < jeune seigneunr,mais Zhu
est aussi le nom de famille des empereurs Ming). Les cinq
fondateurs de la Tiandihui auraient ete en mémi temps des
moines en fuite du monastèrede Shaolin aprèsla < trahison,)
de ce monastèrepar les eing (que les moines de shaolin,
expertsen afts martiaux, auraienttout d'abord aidésà resister
a une invasion etrangere)et les fils du <jeune seigneur> zhu.
Au debur du xrx'siècle, la police impérialedécouvredesrituels
ou des symbolesMing font souvenr leur apparition, avec la
devise .fan Qing .fu Ming (<renverser les
eing, restaurer les
Ming 'i), et le mot de passemuli doushizhi tianxia, quipeut érre
interpreté de faqonsdiversesmais qui peut bien signifier <rles
Zhus [c'est-à-direles Ming] regnerontsur tout ce qui est sous
le ciel ', (rer Haar 8.J., 2000). Les autoritéscherchentalors à
identifier des lieux précis er des personnes physiques
confirmanr cette histoire subversive,sans s'apercevoir qrr.,
dans le mythe d'origine de la Tiandihui, ces réferencessont
avant rout symboliques.
Le rituel de la Tiandihui ne sera connu qu,au xrx. siècle,
surtout gràceà despoliciersanglaiset néerlandaisà singapour
et en Indonesie,mais il est sansdoute d'origine plus ancienne.
ses elemenrsessentielssont le rappel du mythl d'origine, le
serment du sang, I'initiation avec communication de mots et
signesde passe,le rappel des peinesqui attendent les traîtres
et des référencesà un <,abri r, la < Cite des Saulesu, dont on
MASSI.NTOINTROVIGNE
309
montre un plan à I'initie. Dans plusieursversionsde
la cere_
monie, on lui donne aussiun u certificat ,rqui a en
mème temps
un róle quasiment magique de protection de I'initié.
ce cerii-
ficat a son importance, car il se refère à deux
élements qui
joueront un róle de prus en plus
important dans ra societe: la
protection (Yan Yan dejà aurait promis aux premiers
membres
taîwanaisqu'il sufiirait de montrer le certificat
aux bandits si
répandusà Ta'r'wanpour leur echapper)et des
activitesécono-
miques douteuses(la Tiandihui serabientòt accusee
de vendre
des certificats pour des chiffres exorbitants à
des paysans
plutót simples).
De là à des activites criminelles, il n,y qu,un
a pas. Bien
entendu, un processusclassiqued'arnplifitation
de la déviance
explique en partie ces developpements.D'un
cóté, c,estparce
que I'autorité impériale sevit méme conrre
des branchesde la
Tiandihui plus ou moins inoffensivesqu'elres
renrrent dans la
clandestinite et s'adonnent de prus en ptus
a des activites
criminelles. A singapour, res autorités anglaises
gouvernenr
longuement la communaute chinoise par
societes secrètes
interposees.ce n'-estque quand eiles
tio,ru.rrt reur pouvoir
desormais excessif (<un empire à l'interieur
de |Empire r)
qu'elles interdisent les socieiéssecrètes,
en théorie en l g69
avec la Dangerous societiessuppressio, ordinance
(roi sur la
suppressiondes sociétés dangereuses),qui
reste largement
sans application, et en pratique à pariir
a. f SqO.Mais il est
aussivrai que, avecla Tiandihui, les Anglais
avaienttolere une
activité de gestion privee de la prostiiution
et des jeux de
hasard, et méme des activitesde racket, que,
et bien avant la
répressionQing, la societé s'adonnait
à des activites crimi_
nel,lesà Tai'wan et ailleurs.
A partir de la fin du xrx" siècre,l,activite
de la Tiandihui est
illegalepresquepartout dansle monde. Elle
n,en esrpasmoins
répandueparrour ou il y a une emigration
chinoise(qui en plus
vient souvenren majorite de ra chine du
Sud-Esr), y compris
aux Etats-unis. La Tiandihui (plus connue
comme <,Ies
triadesD, nom dont |origine est controversée
mais qui fait
probablement avant tout référence
à l,union de Ia Terre, du
Ciel et de I'homme) et d'auúes < societés
secrètes,r chinoises
s'occupent surtout de prostitution, racket, jeux
de hasard,
drogues.Mais le rituel demeureimportanr,
,,raort en Asie du
Sud-Est, au moins jusqu'en r 950, et l,on en
ffouve des traces
aujourd'hui méme, alors que les societéssecrètes
apparaissent
comme un probleme criminel dans les
nouvellei regions
310 . POLITICA HER]VIETICA,

d'immigration chinoise,y compris I'Italie (ou lestribunaux ont


applique aux ( triades,rdes lois conguescontre la Mafia).
un problème demeure. Pourquoi plusieurs milliers de
chinois ont-ils risque la répressionferoce des autorités impe-
riales pour se faire initier à la Tiandihui, alors que, somme
toute, ils auraient pu devenir membres d'autres sociétésfrater-
nelles (et mème criminelles) qui, à premiere vue, garantissaient
des avantagessimilaires, sans s'exposerautomatiquement à la
peine capitale résenréeaux membres des <sociétéssecrèteso
considéreescomme anti-eing ? Et est-ce que cefte question
peut expliquer commenr er pourquoi la Tiandihui est passée,
de ce qu'elle était à l'origine, à une grande societe criminelle
internationale? Mais, < à I'origine,r, la Tiandihui, c,était quoi,
au iuste ?

Cinq interprétations.

La police Qing n'a pas vraimenr cherche à <interpréter u la


Tiandihui, et les gendarmesimperiaux ne s'intéresiaientpas
beaucoup à des questions d'origine et de rituel. Il en ,0" tàrr,
autremenr pour les fonctionnaires anglais, frangais (dont
Favre B., 1933, que nous avons signalé comme source de
Guenon) et néerlandaisqui ont rencontre les sociétéssecrètes
partout où ils exergaientleur pouvoir colonial sur des commu-
nautés chinoises en Asie du Sud-Est (presque rous leurs
ouvragessont réunis dans les six volumes diriges par Bolton et
Hutton, 2000). c'est à eux que nous devons le recueil et la
publication des rituels, avec un intérèt qui n'était pas que
policier, et qui explique aussiles grandescollections privées
de
drapeaux, bannières, certificats et autres omements des
<logesr de la Tiandihui, que l'onr peur voir aujourd'hui dans
des musées' surrout à Singapour (Lim T., rggg et 2a02). En
effet, plusieurs de ces fonctionnaires sont francs-magons, et
tous connaissent bien la franc-magonnerie européenne.
Parfois, ils ont méme une certaine sympathie pour la Tian-
dihui, qu'ils interpretent d'après un paradigme de la <,societé
secrèteu élabore à partir de la franc-magonnerie. ces auteurs
pensent que la franc-maqonnerie er la Tiandihui (qu'ils
appellent parfois ( magonnerie chinoise ,r)ne sonr que les d..r*
branches d'une proto-societé secrète originaire, proba-
blement egyptienne, et que leurs différencess'expliq.t.trt avec
le transfert de cette méme tradition respectivementvers I'ouesr
MASSIMO INTROVIGNE 3ll

et vers I'est. En effet, cette litterature parvient à retrouver des


similaritésremarquablesenúe les ceremoniesd,initiation de la
Tiandihui et certaines cérémonies magonniques. Bien
entendu, on peur se demander si ces similarités sont bien
réelles ou si elles ne derivent pas plutót de la mentalite
d'auteurs qui regardent la Tiandihui- à travers des lunettes
magonniques. Il n'en reste pas moins que cefte < écoler
a
preservédes documents capitaux, er que sa reconstitution
des
cérémoniesest géneralementconsidéréecomme assezfidele.
Ce qui est perimé ici est I'idée d'une ( proto_maqonneriel
égyptienne,que l'écore<,authentique,rd'éiudes magonniques
a rejetéeau xx'siècle. Avec la mythologie des origin.,
*"iorr-
niques, tombe aussil'idée d'une originÀcommune de
la franc-
maQonnerieet de la Tiandihui. D'ailleurs, ces spéculations
n'interessentplus les francs-magonscoloniaux à panir de
la fin
du xlx'siècle, alors que les societessecrèteschinoises
sont de
plus en plus associées à la criminalite.
. Dans les premières décennies du xx. siècle, une deuxieme
interprétation de la Tiandihui émerge dans le cercle
de Sun
Yat-Sen (1806-1925). D'aprèr .. pere du nationalisme
chinois moderne, les societessecr.t., ,orrt un proto-nationa-
lisme qui s'éleve conrre re pouvoir < étrange' d.,
eing au
nom de la nationalité chinoise.comm. ,ro,r, I'avons
rr,r,I'..,
l'analyse du mouvement nationaliste de sun yat-sen
(qu,il
compare, à I'occasion,à la Révolution frangaise)qri
conduit
Matgioi à épouser cefte hypothese (Laurant
J._p., lgg2,
p. 44). En plus, pour le républicain Sun yar-sen,
l'importani
dans la devise de la Tiandihui est I'idée de <,renverser
les
Qing ,r,qu'il interprete comme une aspiration au renversement
d'un pouvoir impériar antinational eì coffompu. <
Restaurer
les Ming Dne serait qu'utopique si l'on devait re prendre
à la
lettre, et doit donc ètre interprété de faqon symbolique
comme
( restaurer un pouvoir chinois
authentiquement national ,r.
Plusieursauteurs ont essayéde donn.. .rrr. base
académique
à ces < intuitions,>de sun yat-Sen, et l,on en ffouve
encore à
Tai'wan. Si I'alliance de sun yat-Sen et de certains
dirigeants
de la Tiandihui en chine et dans l'émigration n,est..rr-.,
p",
sans intérèt historique, I'interprétation ( proro-nationaliste
u
de la Tiandihui est quelque peu anachroniqueet ideologlgue,
et a eté aujourd'hui largementabandonnée.
si Sun Yat-sen a lu les <.. sociétéssecrètesDavecdes lunettes
nationalisres,Mao Zedong (1g93-l 976) a été un
momenr
tente par une lecture au moins de certainessociétéscomme
3L2 . pot-rrrcAHERrvtETrcA,

manifestation, certes primitive, d'un < esprit révolutionnaire ,,


chinois. L'expression< esprit révolutionnaire,) se trouve dans
I'appelque Mao adresse,en juillet 1936 (ChesneauxJ., 1965.
p.262)' au nom du comité central du Parti communiste, à la
Gelahui (Societedes Aînés er des Anciens), 9u€ la littérature
précedente avait consideréesoit comme une branche, soir
comme une ( societe secrète') concurrente de la Tiandihui
(voir Jacobsonc. w., tgg3), en lui demandant de sourenirsa
lutte. En effet, les < sociétéssecrètes> auront les positions les
plus diversesvis-à-vis du regime communiste qui, quant à lui.
s'efforcerade les supprimer apressavictoire (avecdesrésultats
d'ailleurs assez douteux, méme si la version officielle esr
aujourd'hui en chine que les r triades,r n'ont survécu qu,a
Hong Kong et à Ta'rwan(à partir desquelselleschercheraient
maintenant à s'infiltrer à nouveau dans le territoire chinois).
une interpretation des membres des < sociétés secrètes,,
comme <,révolutionnaires primitifs 'r (dans le sens d'Eric
Hobsbawm [l g5g]) a éte elaboreeen occidenr parJean ches-
neaux (1965; 1970) et ses éleves.Dans une perspective
proche du marxisme, soit les <societessecrètes,r comme la
Tiandihui, soit des mouvements religieux messianiques
comme le Lotus Blanc font partie d'une antisocieté qui
s'oppose à I'oppression et à I'exploitation des puyr".rr.
<,Renverserles Qing ) pour Sun yat-Sen signifie renvèrserles
étrangers au nom du nationarisme; porri cette école, cera
signifieplutót renverserI'oppressionsocialeau nom de l,ideal
hobsbawmiend'une < révolution primitive u qui s,ignore.Bien
entendu, cette lecture comme la precedente risque
l'anachronisme,car elle lit desphenomenesdu xvIII" siècleà la
lumiere des grandesrévolutionschinoisesdu xx".
La littérarure académiquedes années 19g0 et 1990 a éte
dominee par l'<,écoledes archives,r,qui fait suite à des
conditions politiques favorables qui onr permis l'étude
soigneusedesarchivessoit en chine soit à Ta'rwan.cette école
- liee aux noms des historiens
cai Shaoqing et ein Baoqi en
chine, et Zhuang Jifa à Taiwan - nie la piimaute de l'élément
dynastiqueet politique national (<renverserles
eing, restaurer
les Ming u) dans I'origine et le developpemenrde la Tian-
dihui. En la replaqantdans le conrextede la chine du Sud-Est
et de Ta'r'wan,ces auteurs parviennent à voir dans la Tiandihui
une sociétéd'entraide et une évolution des sociétésfraternelies
villageoises.si les historienschinois demeurent des marxistes
et expliquent les < sociétéssecrètesu par le contexte social (ce
MASSIMO INTROVIGNE 3r3
que fait aussi,dansune perspectivedifférente,ZhuangJifa),ils
mettent en avant la solidarite et la protection mutuelle plutòt
que la revolution, er c'est ici leur différence avec un Sun
Yat-Sen ou un chesneaux. L'un des plus importants inter-
prètes occidentaux,David ownby, bàtit son interpretation à
partir de I'r,écoledes archives)),en lisant la Tiandihui dans le
contexteet l'évolution de cessociétéset associationschinoises
qui se constituent chez les paysanssansla direction, er parfois
sans l'autorisation, des elites traditionnelles (ownby D.,
1996). Méme I'ouvrage, capiral, de Dian H. Murray sur les
origines de la Tiandihui, tout en tenanr compre de certaines
suggestionsde chesneaux, est largement fondé sur l'< ecole
des archives) et a été d'ailleurs écrit en collaborationavecein
Baoqi (Murray et Qin Baoqi, l9g4).
L'o École des archives,r ne s'interessepas beaucoup à des
elementsreligieux ou ésoteriques,soit à cause de I'adhesion
des auteurs à une sociologiequi considèrela religion comme
un produit secondairedes tensionssociales,soit parce qu'elle
demeure liée à un schéma traditionnel de I'historiographie
chinoise,qui voit la dissidencecomme religieuseau Nord (les
mouvementsmessianiques,dont le Lotus Blanc) et culturelle
ou fraternelle au Sud (les <,sociétéssecrètes>, dont la Tian-
dihui). Au mieux, on concédera que la Tiandihui, ou la
religion n'aurait pas eu à I'origine beaucoup d'importance, a
pris un ton apocalyptique et religieux au xx" siècle dans
certainesregionsou elle a absorbedes elementsmessianiques
bouddhistesou taoistespréexistants.
c'est ce qui a éte mis en doute par une cinquième interpré-
tation, proposée notammenr par Barend J. ter Haar (Lgg3,
2000). D'apres ter Haar, auteur d'un ouvragemonumental sur
le rituei de la Tiandihui, la ritualité a une très grande impor-
tance dans cerresocietéet révèlequ'il s'agit bien d'une forme
de messianisme,qui a certessesparticularités,mais qui remet
en cause la distinction classique entre un Nord < messia-
nique ') et un Sud < fraternel u dans la typologie des asso-
ciations chinoises qui s'opposenrau pouvoir impérial eing.
L'idee de <,restaurerles Ming,r, loin d,étre secondaire,est
révelee pour ter Haar par le rituel dans toure sa centralité.
Pourtant, il ne s'agit pas vraiment d'un legitimismeMing. En
effet, I'etude comparéedes messianismeschinois montre qu'il
est presque coutumier, pour les fondateurs de nouveaux
mouvementsreligieux et ésoteriques,de se présentercomme
descendants( secretsu d'empereurs, donc à l'époque eing
3t4 ( POLITICA HERMETICA u

comme descendanrsdes Ming. En plus, la fusion du boudd-


hisme et de la religiosite populaire chinoise préconisait
I'arrivee pour sauver I'humanité de désastresapocalyptiques
du Bouddha Maitreya assistéd'un Jeune prince clair de Lune
et d'un < Roi de Lumière,r. cette tradition est antérieure
ancienne aux Ming, mais a éte reprise par eux. En effet,
-moine le
fondateur des Ming, I'ancien zfui yuanzhang
(1328-1398), avait suivi le mouvemenr messianique
de Han
Lin'er (mort en 1366), le uJeuneRoi de Lumiere,r auquel
il
était touiours resté loyal. Apres la mort de Han, Zhu
et res
Ming avaient revendique pour eux-mèmesson heritage
et son
charisme messianique.ks référencesà un <Roi de Lumière u
et à des fondateurs fils de r,Zhu u dans le rituel
de la Tian_
dihui auraientdonc une rerationnon pas nécessairement
à une
restauration des Ming, mais à l'avènement d,un messie <,
Roi
de Lumière ,>,donc à une tradition messianiquequi,
en méme
temps' utilisait le symbolisme impérial dÀs Ming
er etait
utiliseepar lui.

Conclusion.

chaque interpretation apporte des eléments


utiles pour
répondre aux quesdons sur le róle et l'évolution de
la Tian-
dihui et des <sociétéssecrètesr en chine. si certains
éléments
sont lies à des conrexresideologiques ou politiques
disparus,
il faut donc considerer les interprétations comme parfois
complementaires plutót que touiours et necessairemenr
exclusivesles unes et les autres.
La societe fratemelle, la confrerie religieuse,le
mouvement
de contesration politique sont tous des antécédents
de la
< société secrèter chinoise du xvrlr"
siecle. Elle présente
toutefois des eléments de nouveauté réers, qui
àériu.nt
largement du contexte social particulier de certaines
macro-
regionschinoisesde l'époq.r.. b"rr* ce sens,si I'on peut
parler
de <rsosieté secrète,r,c,est avant tout dans le
sens de òeorg
Simmel (1858-19rs) (Simmel, 1996): la société
secrète
comme épiphenomène de la sociéte (et qui a du
succès,
nonobstant les oppositions er les persecutiòns, en
tanr que
réponseà des problèmeser des exigincesréelsde cette
méme
sociéte).Mais, comme le souligne
Jean-pierreLaurant (199r,
p. 67)' dans la societé secrèteil y a plus que ga.
En méme
temps qu'il assure le <fonctionnement intelrecruelr
d'une
MASSIMO INTROVIGNE 315

société,le secretesotériquepeut avoir <,la fonction essentielle


d'y faire entrer, d'autre part, une tradition qui la dépasser. La
Tiandihui des originesest une sociétésecrète< simmélienne,r
en tant que strictement liee à un contexte social que l'< école
des archives))a elucide dans sesdétails. Mais en mème temps
le secretésoteriqueque ter Haar retrouve dans son rituel insere
la Tiandihui dans <,quelque chose u qui depassesa fonction
strictement sociale et qui fait partie en méme temps de la
tradition des nouveaux mouvements religieux messianiques
chinois et d'un <paradigmeesotériquer (Zoccatelli p., 2000).
c'est un point que Matgioi avait deiànote, sansavoir nécessai-
rement tort, comme le monffe Laurant (lggZrp. a2_ae.
Resteà voir comment une societesecrète(au senssimmélien
du terme) perd beaucoup de sa ritualité dans un processusqui
dure près de deux siècles,et se réduit finalement à une asso-
ciation de malfaiteurs avec des eléments rituels qui ne sont
parfois plus compris par ces membres mèmes qui continuent
à en conserverquelque chose.Nous avonsdéià mentionne les
théories de I'amplification de la deviance : la Tiandihui a eté
o criminalisée ))par les autorites méme dans des contextes ou
elle n'était peut-èrrepas criminelle. Mais I'application de ces
théories à notre cas rencontre) on l'a vu, une limite evidente
dans les cas ou la Tiandihui s'adonnait à des activités crimi-
nelles mème avant que les autorités eing ne découvrent son
existenceet son nom. Cette criminalite < originaire,r dementit
aussiles théoriespolitiques d'après lesquellesla Tiandihui se
serait < criminalisee )) une fois sa fonction proto-politique
terminée,avecle succèsdesrévolutionschinoisesdu XX.siecle.
Le probleme demeure ouveft. chesneaux (1965, p. 52)
pense que - une fois les fonctions politiques de la Tiandihui
assuméespar d'autres acteurssociaux (les partis politiques) -
il ne lui restait que ses activites criminelles, qui coexistaient
avec les autres à I'origine. chesneaux, ici, voit les panis
comme concurrentsde la Tiandihui. Mais il ne s'intéressequ'à
la concurrence politique, et il néglige le contexte religieuxet
ésotérique. Il faudrait donc aborder le problème de la derive
criminelle de la Tiandihui à la lumiere de celle que Rodney
Stark (2003, p. 4) appelle une ( sociologie des dieux,r. Les
échangesavec les dieux dans un contexte comme celui de la
Tiandihui sont paniculiers plutòt que généraux : les dieux
garantissentcertains avantagesen échangede certains rituels,
mais n'oftent pas un projet general de salut. on connaît
I'aversiondes < sociétéssecrètes( pour le christianisme.Mais il
316 POI.ITICA HERVTETICA
"

serait intéressant de se demander si Ia concurrence ,le


plusieurs systèmesglobaux de salut - le chrisdanisme,
lc
communisme,mais aussiplusieursformes nouvellesde propt-,-
sition de la religiositechinoise- n,aurait pas progressi,r.-*nr
affaibli la capacite du rituel Tiandihui de-fonctionner co*rrc.
rituel religieux et esotérique et de transmetffe un (
secrer
dans le sens evoque par Laurant, en ne laissantsubsisterque
I'elément criminel, d'ailleursprésentdes l'origine.

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