Vous êtes sur la page 1sur 37

MA1 – Mathématiques Générales

Christian Reichert

version du 20 octobre 2017


Table des matières
I. Cours de MA1 3

1. Espaces de Hilbert et séries de Fourier 4


1.1. Introduction et rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2. Espace de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2.1. Définitions et quelques propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2.2. Orthogonalité, bases orthonormées, projections . . . . . . . . . . . 7
1.3. Séries de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3.1. Séries de Fourier abstraites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3.2. Séries de Fourier classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.3.3. Séries de Fourier généralisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

2. Distributions 19
2.1. L’idée de base des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2. L’espace D(R) des fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3. L’espace D 0 (R) des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.4. Les opérations sur les distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.5. La transformée de Fourier des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.5.1. L’espace S de fonctions test à décroissance rapide . . . . . . . . . 30
2.5.2. L’espace S 0 de distributions tempérées . . . . . . . . . . . . . . . 30

2
Première partie

Cours de MA1

3
1. Espaces de Hilbert et séries de Fourier
Les structures sont les armes du mathématicien.
(Nicolas Bourbaki 1 )

1.1. Introduction et rappels


Le but de ce chapitre est de se convaincre qu’il est aussi naturel de développer une
fonction en série de Fourier que d’écrire
     
1 1 0
x= =1× +2× = 1e1 + 2e2 = (x.e1 )e1 + (x.e2 )e2
2 0 1

où e1 , e2 sont les vecteurs unitaires de la base canonique de R2 et x.y = x1 y1 + x2 y2 est


le produit scalaire.

Définition 1.1 (espace vectoriel). Un espace vectoriel V sur K = R, C est un ensemble


muni d’une loi de composition interne d’addition + : V × V → V et d’une loi de
composition externe de multiplication · : K × V → V telles que les propriétés suivantes
soient vérifiées :
(i) ∀u, v ∈ V, α, β ∈ K : αu + βv ∈ V ,

(ii) ∀u, v, w ∈ V : u + v = v + u, u + (v + w) = (u + v) + w,

(iii) ∀α, β ∈ K, v ∈ V : α(βv) = (αβ)v,

(iv) ∀u, v ∈ V, α, β ∈ K : α(u + v) = αu + βv, (α + β)v = αv + βv,


(v) Il existe un élément 0 ∈ V tel que v + 0 = v ∀v ∈ V ,
(vi) 1 · v = v ∀v ∈ V .

Exemple 1.2.

1. L’espace Kn = {(x1 , . . . , xn ) : xi ∈ K, i = 1, . . . , n} avec les opérations x + y =


(x1 + y1 , . . . , xn + yn ), αx = (αx1 , . . . , αxn ) et le vecteur 0 = (0, . . . , 0).

1. pseudonyme d’un groupe d’auteurs francophones.

4
2. L’espace C 0 (K, K) = {f : K → K : f continue} avec les opérations (f + g)(x) =
f (x) + g(x), (αf )(x) = αf (x) et l’élément 0 est la fonction f définie par f (x) =
0 ∀x ∈ K.

3. L’espace KN = {x = (x0 , x1 , . . .) : xi ∈ K, i ∈ N}.

Définition 1.3 (sous-espace vectoriel). Un sous-espace vectoriel W d’un espace vectoriel


V est une partie W ⊂ V , W 6= ∅, telle que 0 ∈ W et ∀α, β ∈ K, w, x ∈ W : αw +βx ∈ W .

Exemple 1.4. Les espaces `p = x = (xn ) ∈ KN : ∞ p


 P
n=0 |xn | < ∞ sont des sous-espaces
de KN ainsi que l’espace `∞ = x ∈ KN : supn |xn | < ∞ . Ce résultat découle de l’inégalité
de Minkowski, ( nk=0 |xk + yk |p )1/p ≤ ( nk=0 |xk |p )1/p + ( nk=0 |yk |p )1/p , que nous n’al-
P P P
lons pas démontrer ici.

Définition 1.5 (norme). Un espace vectoriel V est normé s’il existe une application
k·k : V → R+
0 telle que
(i) ∀v ∈ V : kvk > 0 si v 6= 0 et k0k = 0,

(ii) ∀α ∈ K, v ∈ V : kαvk = |α| kvk,

(iii) ∀u, v ∈ V : ku + vk ≤ kuk + kvk (inégalité triangulaire).

Exemple 1.6. On peut munir les espaces `p de la norme kxk`p = ( ∞ p 1/p


P
n=0 |xn | ) .

1.2. Espace de Hilbert


1.2.1. Définitions et quelques propriétés
Définition 1.7 (espace pré-hilbertien). Un espace pré-hilbertien est un espace vectoriel
V muni d’un produit scalaire (·, ·) : V × V → K ayant les propriétés
(i) ∀α ∈ K, u, v ∈ V : (αu, v) = α (u, v),

(ii) ∀u, v, w ∈ V : (u + v, w) = (u, w) + (v, w),

(iii) ∀u, v ∈ V : (u, v) = (v, u), en particulier, (u, αv) = (αv, u) = α(v, u) = α (u, v),

(iv) (v, v) ≥ 0 ∀v ∈ V et (v, v) = 0 ⇔ v = 0.


p
On peut donc définir une norme sur V par kvk = (v, v). L’inégalité triangulaire pour
cette norme découle de l’inégalité de Cauchy-Schwarz (voir ci-dessous).

Remarque 1.8. Un espace préhilbertien réel de dimension finie est aussi appelé espace
euclidien, dans le cas complexe on l’appele aussi espace hermitien 2
2. Charles Hermite, mathématicien français (1822-1901)

5
Définition 1.9. Un espace préhilbertien V est un espace de Hilbert 3 s’il est de plus
complet par rapport à la norme du produit scalaire, c’est-à-dire toute suite de Cauchy
(vn ), vn ∈ V , converge vers un élément v ∈ V . On rappelle qu’une suite de Cauchy
vérifie
∀ > 0 ∃N ∈ N : kvn − vk k <  si n, k ≥ N .
Exemple 1.10.

1. Kn avec le produit scalaire (x, y) = nk=1 xk yk . Kn est complet par rapport à la


P
P 1/2
n 2
p
norme kxk = (x, x) = k=0 |xk | .
Rb
2. C 0 ([a, b], C), [a, b] ⊂ R, muni du produit scalaire (f, g) = a f (t)g(t) dt est un
espace préhilbertien, mais cet espace n’est pas complet donc ce n’est pas un espace
de Hilbert.
Proposition 1.11. Soit V un espace préhilbertien. Alors ∀u, v ∈ V
(i) |(u, v)| ≤ kuk kvk (inégalité de Cauchy 4 -Schwarz 5 ),

(ii) ku + vk ≤ kuk + kvk (inégalité triangulaire),

(iii) ku + vk2 + ku − vk2 = 2(kuk2 + kvk2 ) (règle du parallelogramme).


Démonstration. (i) Soit u, v ∈ V tels que (u, v) 6= 0 (sinon le résultat est évident). Alors
∀α, β ∈ R, α, β 6= 0
2
u v kuk2 kvk2 (u, v) (v, u)
0≤ − = + 2 − −
α β α2 β αβ αβ
kuk2 kvk2 Re (u, v)
= 2
+ 2 −2 .
α β αβ
⇒ 2Re (u, v) ≤ αβ kuk2 + αβ kvk2 . On peut supposer que kuk , kvk =
6 0. Avec α = kuk , β =
kvk on obtient 2Re (u, v) ≤ kvk kuk + kuk kvk = 2 kuk kvk donc Re (u, v) ≤ kuk kvk.
Ensuite on remplace u par (u, v)u et on obtient
 
Re (u, v)u, v = |(u, v)|2 ≤ (u, v)u kvk = |(u, v)| kuk kvk

ce qui implique |(u, v)| ≤ kuk kvk.


(ii)
ku + vk2 = (u + v, u + v) = kuk2 + kvk2 + (u, v) + (v, u)
= kuk2 + kvk2 + 2Re (u, v)
≤ kuk2 + kvk2 + 2 kuk kvk = (kuk + kvk)2 (d’après (i))
3. David Hilbert, mathématicien allemand (1862-1943)
4. mathématicien français (1789-1857)
5. mathématicien allemand (1843-1921)

6
(iii) ku + vk2 = kuk2 + kvk2 + 2Re (u, v) et ku − vk2 = kuk2 + kvk2 − 2Re (u, v) d’où le
résultat.

1.2.2. Orthogonalité, bases orthonormées, projections


Deux éléments u, v d’un espace de Hilbert V sont appelés orthogonaux, u⊥v, si (u, v) =
0. Une famille {vn }n∈N , vn ∈ V, est dite orthonormale ou orthonormée si (vi , vj ) = δij
où δij = 1 si i = j et δij = 0 sinon.
On rappelle qu’en dimension finie, une famille B = {e1 , . . . , en } dans un espace vec-
toriel V est appelée une base de V si elle est à la fois libre et génératrice, c’est-à-dire :
aucun des éléments ek est une
P combinaison linéaire des autres et on peut développer tout
vecteur v ∈ V comme v = nk=0 αk ek avec des scalaires uniques (αk ). Le nombre n ∈ N
est unique et c’est la dimension de l’espace V qui est alors un espace de dimension finie
n. Plus précisément on utilise les définitions suivantes :

Définition 1.12 (famille libre, génératrice, base en dimension finie). Soit V un espace
vectoriel sur K. On dit qu’une famille B = {e1 , . . . , en } ⊂ V est libre si

α1 e1 + . . . + αn en = 0 (αk ∈ K) =⇒ α1 = . . . = αn = 0.

On dit que B est génératrice si pour tout v ∈ V , v = nk=1 αk ek avec des coefficients
P
αk ∈ K. Un espace vectoriel V est de dimension finie n s’il existe une famille libre
B = {e1 , . . . , en } ⊂ V de n éléments et toute famille de V de n + 1 éléments est liée. Une
base B de V est donc une famille de n éléments de V à la fois libre et génératrice.

Remarque 1.13.

(i) La décomposition v =P nk=1 αk ek est unique car si v = nk=1 λk ek est une décomposition
P P
n
différente on aurait k=1 (αk − λk )ek = 0 et donc αk = λk puisque la famille
B = {ek } est supposée libre.
(ii) Une famille B = {ek }k=1,...,n dans un espace pré-hilbertien V de dimension finie n
est orthonormée si (ei , ek ) = δik . Une telle famille constitue une base de V :
n n
!
X X
∀ k = 1, . . . , n : αi ei = 0 =⇒ αi ei , ek = 0 =⇒ αk = 0,
i=1 i=1

donc B est libre. De plus, pour v ∈ V on a la décomposition v = nk=1 (v, ek ) ek :


P

n
!
X
∀ l = 1, . . . , n : v − (v, ek ) ek , el = (v, el ) − (v, el ) = 0
k=1
Pn
Donc u = v − k=1 (v, ek ) ek est soit zéro soit non-nul mais orthogonal à chaque
el . Dans le deuxième cas u est linéairement indépendant des éléments de B. On
aurait donc une famille libre de n + 1 éléments
Pdans un espace de dimension n ce
qui est impossible et finalement u = 0 ⇔ v = nk=1 (v, ek ) ek

7
On peut essayer d’utiliser cette définition de base aussi pour les espaces de dimen-
sion infinie, mais il s’avère qu’elle n’est pas très utile si l’on exige que chaque élément
de l’espace (de dimension infinie) doit être une combinaison linéaire finie et unique
d’éléments de la base. Un exemple où cela fonctionne est l’espace de tous les polynômes
P = {p : p(x) = a0 + a1 x + . . . + an xn , n ∈ N}. Cet espace est clairement de dimension
infinie tant que le degré des polynômes n’est pas limité. Néanmoins chaque élément de
P est une combinaison linéaire finie et unique d’éléments de B = {1, x, x2 , . . .}. On dit
que l’ensemble B des monômes constitue une base algébrique de P . Malgré cet example
il est préférable en dimension infinie de travailler avec la définition suivante d’une base :
Définition 1.14 (base en dimension infinie). Soit V un espace vectoriel normé de di-
mension infinie. Une famille {ek }k∈N , ek ∈ V, est appelée base (de Schauder 6 ) de V si
pour tout v ∈ V , il existe une suite unique (αk ) ∈ KN telle que

X n
X
v= αk ek = lim αk ek .
n→∞
k=0 k=0

Cela signifie
n
X
v− αk ek → 0 quand n → ∞
k=0

Définition 1.15. Soit V un espace de Hilbert de dimension infinie. Une famille or-
thonormale {ek }k∈N , ek ∈ V, est appelée base orthonormée ou base hilbertienne si elle
constitue une base de Schauder par rapport à la norme engendrée par le produit scalaire.
n o
Exemple 1.16. L’espace l2 = x ∈ CN : ∞ 2
P
i=0 |x i | < ∞ avec le produit scalaire (x, y) =
P∞ 2
i=0 xi yi est un espace de Hilbert. La famille {ek }, ek ∈ l où (ek )i = δk,i est une base
2
hilbertienne de l (voir TD).
Proposition 1.17. (Pythagore, inégalité de Bessel)
Soit {ek } une famille orthonormale dans un espace préhilbertien V . Alors
n
2
2
X
|(v, ek )|2 = kv −
Pn
∀v ∈ V : 0 ≤ kvk − k=0 (v, ek ) ek k
k=0

En particulier, si V est de dimension finie n + 1 et {e0 , . . . , en } est une base orthonormée


on a le théorème de Pythagore :
n
X
2
kvk = |(v, ek )|2
k=0

Si V est de dimension infinie on n’a, en général, que l’inégalité de Bessel



X
|(v, ek )|2 ≤ kvk2
k=0
6. mathématicien polonais (1899-1943)

8
Démonstration.
0 ≤ (v − nk=0 (v, ek ) ek , v − nl=0 (v, el ) el )
P P

= kvk2 − (v, nl=0 (v, el ) el ) − ( nk=0 (v, ek ) ek , v) + ( nk=0 (v, ek ) ek , nl=0 (v, el ) el )
P P P P

Xn Xn Xn
= kvk2 − |(v, el )|2 − |(v, ek )|2 + ((v, ek ) ek , (v, el ) el )
l=0 k=0 k,l=0
Xn n
X
= kvk2 − 2 |(v, ek )|2 + (v, ek ) (v, el ) (ek , el )
k=0 k,l=0
Xn Xn
= kvk2 − 2 |(v, ek )|2 + (v, ek ) (v, el )δkl
k=0 k,l=0
Xn Xn
= kvk2 − 2 |(v, ek )|2 + |(v, ek )|2
k=0 k=0
n
X
= kvk2 − |(v, ek )|2
k=0
ce qui démontre l’inégalité de Bessel. Pour le théorème de Pythagore on utilise le fait
que v = nk=0 (v, ek ) ek quand {e0 , . . . , en } est une base orthonormée de V .
P

Remarque 1.18. L’inégalité de Bessel se transforme en égalité (relation de Parseval)


quand la famille {ek } est une base hilbertienne (voir ci-dessous).
Soit V un espace de Hilbert et W un sous-espace de V . Le complément orthogonal
W ⊥ = {v ∈ V : (v, w) = 0 ∀w ∈ W } de W est aussi un sous-espace de V .
Théorème 1.19. Si W est un sous-espace fermé de V (c’est-à-dire la convergence
wn → w, wn ∈ W , n ∈ N, implique w ∈ W ), alors tout v ∈ V admet une décomposition
unique v = w + u où w ∈ W et u = v − w ∈ W ⊥ , c’est-à-dire V = W ⊕ W ⊥ . Le
vecteur w est appelé la projection de v sur W . De plus kv − wk = kuk est le minimum
de {kv − xk : x ∈ W }.
Démonstration. admise.
Exemple 1.20. Soit W un sous-espace de dimension finie n (et donc fermé) engendré par
la famille orthonormée {w1 , . . . , wn }, (wi , wk ) = δik . Pour calculer la projection w de
v ∈ V surPW on peut utiliser la condition v − w ∈ W ⊥ . Puisque W est engendré par les
wi , w = ni=1 αi wi pour certains αi ∈ K. Donc
v − w ∈ W ⊥ ⇔ (v − w, wk ) = 0, k = 1, . . . , n
n
!
X
⇔ v− αi wi , wk = 0, k = 1, . . . , n
i=1
n
X
⇔ (v, wk ) = αi δik = αk
i=1
Pn Pn
et w = i=1 αi wi = i=1 (v, wi ) wi .

9
1.3. Séries de Fourier
1.3.1. Séries de Fourier abstraites
Soit {ek } une famille orthonormée dans un espace de Hilbert V . On appelle série de
Fourier abstraite de v ∈ V (par rapport à {ek }) la somme ∞
P
k=0 (v, ek ) ek = limN →∞ SN
PN
où SN = k=0 (v, ek ) ek .
Proposition 1.21. La série de Fourier abstraite converge toujours.
Démonstration. Soient M < N entiers positifs.
N 2
X P 
2 N PN
kSN − SM k = (v, ek ) ek = k=M +1 (v, ek ) ek , l=M +1 (v, el ) el
k=M +1
N
X N
X
= ((v, ek ) ek , (v, el ) el ) = (v, ek ) (v, el ) (ek , el )
k,l=M +1 k,l=M +1
N
X
= |(v, ek )|2
k=M +1

D’après l’inégalité de Bessel σN = N 2 2


P
k=0 |(v, ek )| ≤ kvk ∀N . Ceci implique limN →∞ σN ≤
kvk2 < ∞. Donc (σN ) est une suite convergente et, par conséquent, une suite de Cauchy.
Alors (SN ) est aussi uneP suite de Cauchy et il existe u ∈ V tel que kSN − uk → 0 (N →
∞), u = limN →∞ SN = ∞ k=0 (v, ek ) ek .

Si {ek } est une base on peut identifier la limite :


Proposition 1.22. Si {ek } est une base orthonormée d’un espace de Hilbert V , alors
la série de Fourier abstraite de v ∈ V par rapport à {ek } converge vers v,

X
v= (v, ek ) ek ∀v ∈ V.
k=0

Démonstration. Par la définition d’une base,



X n
X
v= αk ek = lim αk ek
n→∞
k=0 k=0

pour une suite unique (αk ) ∈ KN . Grace à l’inégalité de Cauchy-Schwarz le produit


scalaire est continu :
un → u ⇒ |(un − u, v)| ≤ kun − uk kvk → 0 ⇒ (un , v) → (u, v)
Donc
n
(v, el ) = ( ∞
P Pn X
k=0 α k e k , el ) = lim ( k=0 α k e k , el ) = lim αk (ek , el ) = αl ,
n→∞ n→∞ | {z }
k=0
=δkl

10
d’où le résultat.

Proposition 1.23. (relation de Parseval)


Si {ek } est une base orthonormée d’un espace de Hilbert V , alors

X
kvk2 = |(v, ek )|2 ∀v ∈ V. (1.1)
k=0

Démonstration. On sait (d’après la proposition avec l’inégalité de Bessel) que


n n 2
2
X 2
X
kvk − |(v, ek )| = v − (v, ek ) ek .
k=0 k=0
Pn
Or kv − k=0 (v, ek ) ek k → 0 (n → ∞) car {ek } est une base.

1.3.2. Séries de Fourier classiques


Une fonction f : R → K = R(C), t 7→ f (t), est périodique de période P si f (t + P ) =
f (t) ∀t ∈ R. On note L2per (0, 2π; K) l’espace des fonctions 2π-périodiques à valeurs dans K
R 2π
telles que 0 |f (t)|2 dt < ∞. C’est un espace de Hilbert avec le produit scalaire (f, g) =
R 2π
0 f (t)g(t) dt. Afin d’alléger la notation nous allons par la suite munir L2per (0, 2π; R)

du produit scalaire (f, g) = π1 0 f (t)g(t) dt, respectivement L2per (0, 2π; C) du produit
R
1
R 2π
scalaire (f, g) = 2π 0 f (t)g(t) dt
Proposition 1.24. Dans l’espace L2per (0, 2π; K) on considère les familles {ek } et {ẽk }
définies par
1
K = R : e0 (t) = √
2
e2p−1 (t) = cos(pt) e2p (t) = sin(pt), p = 1, 2, . . .
K = C : ẽ0 (t) = 1
ẽ2p−1 (t) = eipt ẽ2p (t) = e−ipt , p = 1, 2, . . .
Ces suites sont orthonormales.
Démonstration. Nous faisons la démonstration pour (ẽk ). On se rappelle que
Z 2π Z 2π
1 1
(ẽk , ẽl ) = ẽk (t)ẽl (t) dt = eimt e−int dt
2π 0 2π 0
pour certains m, n ∈ Z. Or
Z 2π 2π
1 imt −int 1 ei(m−n)t
e e dt = = 0 si m 6= n et
2π 0 2π m − n
0
Z 2π
1
eimt e−int dt = 1 si m = n.
2π 0

11
Théorème 1.25. Les suites (ek ) et (ẽk ) constituent des bases orthonormées de l’espace
L2per (0, 2π; R) respectivement L2per (0, 2π; C).

Démonstration. admise

Remarque 1.26. La démonstration du théorème précédent est un peu technique. On peut


se servir d’un résultat des TD où on démontre qu’une famille orthonormée {ek } est une
base hilbertienne si uniquement l’élément 0 peut être orthogonal à tous les ek , c’est-
à-dire (v, ek ) = 0 ∀k ⇒ v = 0. Si on veut appliquer ce résultat aux deux familles de
fonctions trigonométriques il faut alors montrer que (f, ẽk ) = 0 ∀k implique f = 0 en
L2per (0, 2π; C), par exemple.

Conséquence :
Si K = R, alors f = ∞ 2 2
P
k=0 (f, ek ) ek ∀f ∈ Lper (0, 2π; R) au sens de l’espace Lper (0, 2π; R).
 Z 2π 
1 1 1
(f, e0 ) e0 = f (t) √ dt √
π 0 2 2
 Z 2π 
1
k = 2p − 1 : (f, ek ) ek = f (t) cos(pt) dt cos(pt)
π 0
 Z 2π 
1
k = 2p : (f, ek ) ek = f (t) sin((pt) dt sin(pt)
π 0

On définit les coefficients de Fourier classiques par

1 2π
Z
an = f (t) cos(nt) dt, n ≥ 0 (1.2)
π 0
Z 2π
1
bn = f (t) sin(nt) dt, n ≥ 1 (1.3)
π 0

Finalement,
∞ ∞
X 1 X
f (t) = (f, ek ) ek (t) = Sf (t) = a0 + (an cos(nt) + bn sin(nt))
2
k=0 n=1

au sens de l’espace L2per (0, 2π; R), c’est-à-dire si

N
1 X
Sf,N (t) = a0 + (an cos(nt) + bn sin(nt))
2
n=1

est la série de Fourier tronquée, alors


 Z 2π 1/2
1
lim kf − Sf,N k = lim |f (t) − Sf,N (t)|2 dt = 0.
N →∞ N →∞ π 0

12
Si K = C on trouve de manière similaire que

X N
X
int
f (t) = cn e = lim cn eint
N →∞
n=−∞ n=−N

au sens de l’espace L2per (0, 2π; C). Ici les coefficients de Fourier classiques sont définis par
Z 2π
1
cn = f (t)e−int dt.
2π 0

Puisqu’on peut considérer R ⊂ C on peut utiliser cette forme de la série de Fourier


classique aussi quand f ∈ L2per (0, 2π; R). Dans ce cas c−n = cn et on a

1
c0 = a0 ⇔ a0 = 2c0
2
an cos(nt) + bn sin(nt) = cn eint + c−n e−int , n = 1, 2, . . .
⇔ an = cn + c−n , bn = i(cn − c−n )
1 1
⇔ cn = (an − ibn ), c−n = (an + ibn ).
2 2

Relation de Parseval :
Dans le cas K = R on trouve, avec les coefficients de Fourier classiques,
1
(f, e0 ) = √ a0
2
k = 2n − 1 : (f, ek ) = an , n = 1, 2, . . .
k = 2n : (f, ek ) = bn , n = 1, 2, . . .

Donc avec 1.1 :


Z 2π ∞ ∞
1 X 1 X
kf k2L2per 2 2
|(f, ek )| = a20 + a2n + b2n .

= |f (t)| dt =
π 0 2
k=0 n=1

Dans le cas K = C on a
Z 2π ∞
1 2
X
|f (t)| dt = |cn |2 .
2π 0 n=−∞

Période quelconque : RP
Soit maintenant f périodique de période P telle que 0 |f (t)|2 dt < ∞. Alors g(s) =
P

f 2π s est 2π-périodique et
Z 2π Z P
2 2π
|g(s)| ds = |f (t)|2 dt < ∞
0 0 P

13
P
avec le changement de variable t = 2π s. On peut développer g en série de Fourier et au
2 a0 P∞
sens de Lper (0, 2π; R) on a g(s) = 2 + n=1 (an cos(ns) + bn sin(ns)) avec les coefficients
1.2. Or
1 2π 1 2π
Z Z  
P
an = g(s) cos(ns) ds = f s cos(ns) ds
π 0 π 0 2π
1 P 2 P
Z   Z
2π 2π
= f (t) cos n t dt = f (t) cos(nωt) dt
π 0 P P P 0

où ω = P . Pour bn on a
Z P
2
bn = f (t) sin(nωt) dt
P 0

Donc   ∞
2π a0 X
f (t) = g t = g(ωt) = + (an cos(nωt) + bn sin(nωt))
P 2
n=1

au sens de L2per (0, P ; R). Pour le cas K = C on trouve


∞ Z P
X 1
f (t) = cn einωt
avec cn = f (t)e−inωt dt.
n=−∞
P 0

En ce qui concerne la relation de Parseval,


2π ∞
a20 X 2
Z
1
|g(s)|2 ds = + (an + b2n )
π 0 2
n=1
P ∞
a20
Z
2 X
⇔ |f (t)|2 dt = + (a2n + b2n )
P 0 2
n=1
P ∞
a2 1 X 2
Z
1
⇔ |f (t)|2 dt = 0 + (an + b2n ).
P 0 4 2
n=1

Proposition 1.27. Si f est une fonction P -périodique, intégrable sur tout intervalle de
longeur P , alors Z P Z a+P
∀a ∈ R : f (t) dt = f (t) dt.
0 a
On peut, par ailleurs, calculer les coefficients de Fourier sur n’importe quel intervalle de
longeur P .

14
Démonstration.
Z a+P Z 0 Z P Z a+P
f (t) dt = f (t) dt + f (t) dt + f (t) dt
a a 0 P
| {z } | {z } | {z }
I1 I2 I3
Z a+P Z a
I3 = f (t) dt = f (s + P ) ds avec le cdv s = t − P
P 0
Z a Z 0
= f (s) ds = − f (s) ds = −I1 .
0 a

Si la fonction f est paire ou impaire, le calcul de la série de Fourier se simplifie.


Si f est paire, f (−t) = f (t), on a

2 P 2 P/2
Z Z
an = f (t) cos(nωt) dt = f (t) cos(nωt) dt
P 0 P −P/2
4 P/2
Z
= f (t) cos(nωt) dt
P 0
2 P/2
Z
bn = f (t) sin(nωt) dt = 0.
P −P/2

Si f est impaire, f (−t) = −f (t), on a

2 P/2
Z
an = f (t) cos(nωt) dt = 0
P −P/2
2 P/2 4 P/2
Z Z
bn = f (t) sin(nωt) dt = f (t) sin(nωt) dt.
P −P/2 P 0

Convergence ponctuelle :

Définition 1.28. On dit qu’une fonction f possède une limite à droite (à gauche) en t0 ,
notée f (t0 +) (f (t0 −)), si f (t0 +) = limh→0+ f (t0 + h) existe, respectivement f (t0 −) =
limh→0+ f (t0 − h) existe.
Définition 1.29. On dit qu’une fonction f : [A, B] → R est continûment dérivable par
morceaux s’il existe un nombre fini de points A = a0 < a1 < . . . < aN = B tels que
(i) f est continûment dérivable sur ]A, a0 [, ]a0 , a1 [, ..., ]aN , B[ et possède une limite à
droite en a0 , . . . , aN −1 ainsi qu’une limite à gauche en a1 , . . . , aN .
(ii) f 0 possède une limite à droite en a0 , . . . , aN −1 ainsi qu’une limite à gauche en
a1 , . . . , aN .
Exemple 1.30.

15
1. f (t) = Rect(t). En t0 = 1/2 : Rect(t0 +) = 0, Rect(t0 −) = 1.
2. f (t) = Trian(t). Continûment dérivable sur ] − 1, 0[ avec f 0 (t) = 1 et continûment
dérivable sur ]0, 1[ avec f 0 (t) = −1, f (0+) = f (0−) = 1, f 0 (0+) = −1 et f 0 (0−) =
1. La fonction Trian est donc continûment dérivable par morceaux sur [−1, 1].
Théorème 1.31 (Dirichlet 7 ). Soit f une fonction P -périodique, continûment dérivable
par morceaux sur une période (par exemple [0, P ]) Alors la série de Fourier Sf (t) associée
à f converge et on a
1
∀t0 ∈ R : Sf (t0 ) = [f (t0 +) + f (t0 −)]
2
En particulier, si f est continue en t0 , Sf (t0 ) = f (t0 ).
Démonstration. admise

Exemple 1.32. Soit f la fonction P -périodique en dents de scie définie par


(
2t/P si − P/2 < t < P/2
f (t) = .
0 si t = P/2

La fonction f est impaire, Sf (t) = ∞


P
n=1 bn sin(nωt) avec

P/2
2(−1)n+1
Z
4 2t
bn = sin(nωt) dt = .
P 0 P nπ
D’après le théorème de Dirichlet, pour t ∈] − P/2, P/2[ on a Sf (t) = f (t). En t = P/2 :
Sf (P/2) = 21 [f (P/2+) + f (P/2−)] = 12 (−1 + 1) = 0 = f (P/2). D’après la relation de
Parseval
1 P
Z
1
|f (t)|2 dt =
P 0 3
∞ ∞ ∞
1 X
2 2 X 1 X 1 π2
= bn = 2 ⇔ =
2 π n2 n2 6
n=1 n=1 n=1

1.3.3. Séries de Fourier généralisées


Le procédé de Gram-Schmidt Soit {xk }k∈N une famille libre dans un espace de Hilbert
V . (En dimension infinie cela signifie que chaque sous-famille finie {xk1 , . . . , xkn } doit
être libre.) On peut construire une famille orthogonale {ẽn } à partir de {xk } comme
suit :

ẽ0 = x0
n  
X ẽk ẽk
ẽn+1 = xn+1 − xn+1 ,
kẽk k kẽk k
k=0

7. mathématicien allemand (1805-1859), successeur de Gauss.

16
(Démonstration par récurrence). On obtient une famille orthonormée (en ) en posant
en = ẽn / kẽn k. R1
Soit maintenant V = L2 ([−1, 1]; R) avec le produit scalaire (f, g) = −1 f (t)g(t) dt et
{xk } = {1, t, t2 , . . .} :

ẽ0 (t) = 1, kẽ0 k2 = (ẽ0 , ẽ0 ) = 2, e0 (t) = 1/ 2
r
1 1
  Z Z 1
1 1 2 2 3
ẽ1 (t) = t − t, √ √ =t− t dt = t, kẽ1 k = t dt = 2/3, e1 (t) = t
2 2 2 −1 −1 2
..
.

Les polynômes ẽn (t) ainsi construits sont, à un facteur de normalisation près, les po-
lynômes de Legendre pn (t). On obtient les polynômes de Legendre à partir des ẽn en les
multipliant par une constante telle que pn (1) = 1 :

p0 (t) = 1
p1 (t) = t
1
p2 (t) = (3t2 − 1)
2
1
p3 (t) = (5t3 − 3t)
2
..
.

On peut montrer que


2
(pi , pk ) = δik ,
2i + 1
en particulier, kpi k2 = 2/(2i + 1). La famille {pk }k∈N forme une base orthogonale de
L2 ([−1, 1]; R). On peut donc développer une fonction f ∈ L2 ([−1, 1]; R) en série par
rapport à {pk } :
X∞
f= αk pk
k=0

au sens de L2 ([−1, 1]; R). Cette série est appelée série de Fourier-Legendre. Or
∞ ∞
X X 2 2
(f, pi ) = αk (pk , pi ) = αk δki = αi .
2k + 1 2i + 1
k=0 k=0

Donc Z 1
2i + 1 2i + 1
αi = (f, pi ) = f (t)pi (t) dt.
2 2 −1

17
1

0.5

-1 -0.5 0.5 1

-0.5

-1

Figure 1.1. – La fonction f (rouge) et l’approximation avec la série tronquée (bleue)

Exemple 1.33. Soit f (t) = sin(πt).


Z 1
1
α0 = sin(πt)1 dt = 0
2 −1
Z 1
3 3
α1 = sin(πt)t dt =
2 −1 π
α2 = 0
1
7(π 2 − 15)
Z
7 1
α3 = sin(πt) (5t3 − 3t) dt =
2 −1 2 π3
..
.

Donc
3 π 2 − 15 1 3
f (t) = t+7 (5t − 3t) + . . .
π π3 2
au sens de L2 ([−1, 1]; R) (voir figure 1.1).

18
2. Distributions
2.1. L’idée de base des distributions
Motivation Un problème motivant l’introduction de  fonctions généralisées , ap-
pelées distributions, est le suivant : on considère un circuit dérivateur, par exemple

Le signal de sortie y(t) = Vs (t) est lié au signal d’entrée x(t) = Ve (t) par Vs (t) =
−RCVe0 (t), c’est-à-dire y = S[x] ∼ x0 , au moins quand x est dérivable. Que faire quand
x = 1+ ? La solution des mathématiciens a été de généraliser la notion de fonction tout
comme, en passant aux nombres complexes pour la résolution de x2 +1 = 0, on généralise
la notion de nombre réel.
En 1927 le physicien Dirac introduit (dans un article sur la mécanique quantique) de
façon heuristique un objet aujourd’hui appelé impulsion de Dirac ou  fonction  δ de
Dirac :
 One cannot go far in the development of the theory...without needing a
notation for that function of...x that is equal to zero except when x is very
small, and whose integral through a range that contains the point x = 0 is
equal to unity. We shall use the symbol δ(x)
R ∞ to denote this function, i.e. δ(x)
is defined by δ(x) = 0 when x 6= 0 and −∞ δ(x) dx = 1. Strictly, of course,
δ(x) is not a proper function of x, but can be regarded only as a limit of a
certain sequence of functions. 
Par la suite S.L. Sobolev, L. Schwartz et d’autres ont élaboré une théorie mathématique
pour ce genre d’objets.
Supposons pour l’instant que δ(t) est une fonction au sens classique. Alors
Z t (
0 si t < 0
δ(τ ) dτ = = 1+ (t)
−∞ 1 si t > 0

au moins quand t 6= 0. L’échelon unité est une primitive de δ. De plus, en supposant ϕ

19
dérivable, ϕ(∞) < ∞,
Z Z ∞ Z

δ(t)ϕ(t) dt = +
δ(t)ϕ(t) dt = 1 (t)ϕ(t)|−∞ − 1+ (t)ϕ0 (t) dt
R −∞ R
Z ∞
= ϕ(∞) − ϕ0 (t) dt = ϕ(∞) − (ϕ(∞) − ϕ(0)) = ϕ(0).
0

Nous allons essayer de retrouver ces propriétés de δ aussi dans une théorie rigoureuse.
Afin de généraliser les fonctions, on les considère, comme dans le calcul ci-dessus, comme
des opérateurs agissant par intégration sur les fonctions elles-mêmes :
Z
T{f } (ϕ) = f (t)ϕ(t) dt.
R

Remarque 2.1. Nous utiliserons les notations T{f } (ϕ), Tf (ϕ) et hTf , ϕi en parallel pour
cette intégrale.
Un tel opérateur qui associe un scalaire à une fonction est appelé une fonctionnelle.
Quand f est dérivable on peut aussi regarder la fonctionnelle associée à f 0 :
Z Z
0 ∞
T{f 0 } (ϕ) = f (t)ϕ(t) dt = f (t)ϕ(t)|−∞ − f (t)ϕ0 (t) dt
Z R R

= − f (t)ϕ0 (t) dt = − T{f } , ϕ0


R

en supposant que ϕ est dérivable et à support borné (ϕ est nulle en dehors d’un intervalle
borné, en particulier ϕ(∞) = ϕ(−∞) = 0).

Rappel sur l’intégrale de Lebesgue


Dans la théorie des distributions on utilise l’intégrale de Lebesgue. L’idée de l’intégrale
de Lebesgue est illustrée dans l’image suivante :

R P
L’intégrale de Riemann (en bleu) est calculé comme f (x)dx ≈ i f (xi )×longeur(Ii ) où
les intervalles Ii sont une décomposition de l’abscisse en sous-intervalles et xi ∈ Ii Dans
l’approche de Lebesgue (en rouge) on calcule f (x) dx ≈ i yi × mesure(f −1 (Ji )) où les
R P
intervalles Ji sont une décomposition de l’ordonnée, yi ∈ Ji et f −1 (Ji )) = {x : f (x) ∈ Ji }
est l’ensemble des x pour lesquels f (x) ∈ Ji . La difficulté de la théorie de Lebesgue réside

20
dans la construction de la  mesure  de Lebesgue qui permet de mesurer les ensembles
f −1 (Ji ). Néanmoins la théorie résultante présente quelques avantages par rapport à la
théorie de Riemann, notamment le théorème suivant de convergence dominée :

Théorème 2.2. Soit g ∈ L1 (R),  > 0, une famille de fonctions continues par morceaux
telle que
(i) : g (x) → g(x) ( → 0) pour presque tout x.
(ii) : ∀x ∈ R,  > 0 : |g (x)| ≤ h(x) avec h ∈ L1 (R)
Alors g est intégrable et Z Z
lim g (x) dx = g(x) dx.
→0 R R

Démonstration. admise.

On remarque qu’ici une convergence simple suffit pour passer la limite sous l’intégrale
alors que dans la théorie de Riemann on a besoin d’une convergence uniforme.

2.2. L’espace D(R) des fonctions test


Définition 2.3. Une fonction ϕ : R → C est une fonction test de D(R) si
(i) ϕ est nulle en dehors d’un intervalle borné
(ii) ϕ est indéfiniment dérivable.
Donc
D(R) = {ϕ ∈ C ∞ (R; C) : supp(ϕ) borné}
où supp(ϕ) = {t : ϕ(t) 6= 0} est le support de ϕ.

Exemple 2.4. La fonction ρ(t) définie par


( 2
e−1/(1−t ) si |t| < 1
ρ(t) =
0 si |t| ≥ 1

est une fonction test de D(R), supp(ρ) = [−1, 1] .

Définition 2.5. On dit que la suite (ϕn )n∈N d’éléments de D converge vers 0 dans D si
(i) Il existe un intervalle [a, b] ⊂ R tel que supp(ϕn ) ⊂ [a, b] ∀n ∈ N
(ii) (ϕn ) ainsi que toutes les suites dérivées (ϕ0n ), (ϕ00n ), . . . convergent vers 0 uni-
formément sur R

kϕn k∞ = sup |ϕn (t)| → 0 (n → ∞)


t∈R
ϕ0n ∞ → 0 (n → ∞)
..
.

La convergence ϕn → ϕ dans D signifie que ψn = ϕn − ϕ → 0 (n → ∞).

21
0.35

0.3

0.25

0.2

0.15

0.1

0.05

-1 -0.5 0.5 1

Figure 2.1. – La fonction test ρ

2.3. L’espace D 0 (R) des distributions


Définition 2.6. On appelle distribution toute application T : D → C, ϕ 7→ T (ϕ) =
hT, ϕi qui est linéaire et continue, c’est-à-dire :

hT, αϕ + βψi = α hT, ϕi + β hT, ψi ∀α, β ∈ C, ϕ, ψ ∈ D


ϕn → ϕ dans D =⇒ hT, ϕn i → hT, ϕi dans C

Si on définit l’addition de deux distributions T, S et la multiplication par un scalaire


α ∈ C par

hT + S, ϕi = hT, ϕi + hS, ϕi ,
hαT, ϕi = α hT, ϕi ,

l’ensemble D 0 (R) des distributions est un espace vectoriel sur C.


Exemple 2.7.

1. Soit f une fonction qui est intégrable sur tout intervalle borné fermé de R, c’est-
à-dire f ∈ L1loc (R). Alors Tf définie par
Z
hTf , ϕi = f (t)ϕ(t) dt
R

22
est une distribution. Tf est appelée la distribution régulière associée à f . La
linéarité de Tf est une conséquence immédiate de la linéarité de l’intégrale. Mon-
trons la continuité : Si ϕn → ϕ dans D, alors
Z
|hTf , ϕn i − hTf , ϕi| = f (t)(ϕn (t) − ϕ(t)) dt
R
Z b
≤ |f (t)| |ϕn (t) − ϕ(t)| dt où supp(ϕn − ϕ) ⊂ [a, b] ∀n
a
Z b
≤ kϕn − ϕk∞ |f (t)| dt → 0 (n → ∞).
a
| {z }
<∞ car f ∈L1loc (R)

2. La distribution δ de Dirac est définie par


hδ, ϕi = ϕ(0), ϕ ∈ D.

Linéarité : hδ, αϕ + βψi = αϕ(0) + βψ(0) = α hδ, ϕi + β hδ, ψi


Continuité : hδ, ϕn i = ϕn (0) → ϕ(0) = hδ, ϕi quand ϕn → ϕ
On définit également δa par hδa , ϕi = ϕ(a), a ∈ R.
3. Le peigne de Dirac. Soit (λn ) ∈ CZ , a > 0. Un peigne de Dirac est une distribution
de la forme
X∞ X∞
T = λn δna , hT, ϕi = λn ϕ(na), ϕ ∈ D.
n=−∞ n=−∞

Or

X X
λn ϕ(na) = λn ϕ(na) avec supp(ϕ) ⊂ [A, B].
n=−∞ A≤na≤B

Pour la continuité on peut supposer que supp(ϕi ) ⊂ [A, B] ∀i et que supp(ϕ) ⊂


[A, B] où ϕi → ϕ dans D. Alors
X X
hT, ϕi i = λn ϕi (na) → λn ϕ(na) = hT, ϕi (i → ∞).
A≤na≤B A≤na≤B

Remarque 2.8. La distribution δ de Dirac n’est pas régulière. Supposons δ = Tf pour


f ∈ L1loc (R). Soit ρ(t) la fonction test de 2.4. On aurait
Z
hδ, ρ(nt)i = hTf , ρ(nt)i = f (t)ρ(nt) dt = ρ(0) = e−1 ∀n
R
Or
Z Z 1/n Z 1/n Z 1/n
f (t)ρ(nt) dt = f (t)ρ(nt) dt ≤ |f (t)| |ρ(nt)| dt ≤ |f (t)| dt → 0 (n → ∞)
R −1/n −1/n | {z } −1/n
≤1

ce qui est absurde.

23
0.35

0.3

0.25

0.2

0.15

0.1

0.05

-1 -0.5 0.5 1

Figure 2.2. – La fonction ρ(nt) pour n = 1, 10, 100.

Néanmoins il est possible d’approcher la distribution δ par des distributions régulières.


Pour cela on définit d’abord une notion de convergence dans D 0 :

Définition 2.9. Soit (Tn )n∈N , Tn ∈ D 0 , une suite dans D 0 . On dit que

lim Tn = T dans D 0 si ∀ϕ ∈ D : lim hTn , ϕi = hT, ϕi dans C .


n→∞ n→∞

Proposition 2.10. (Approximation de δ) R


Soit φ ∈ L1 (R) une fonction positive avec R φ(t) dt = 1 . Pour  > 0 on définit φ par
φ (t) = 1 φ(t/). Alors T = T{φ } → δ dans D 0 quand  → 0.

Démonstration. Soit ϕ ∈ D.
Z Z
1
hT , ϕi = φ (t)ϕ(t) dt = φ(t/)ϕ(t) dt
Z R R 

= φ(s)ϕ(s) ds avec s = t/


R
Z
⇒ |hT , ϕi − hδ, ϕi| = φ(s)ϕ(s) ds − ϕ(0)
R
Z Z
= φ(s) (ϕ(s) − ϕ(0)) ds car φ=1
R
Z
≤ φ(s) |ϕ(s) − ϕ(0)| ds
R

24
15

10

-1 -0.5 0.5 1

Figure 2.3. – La fonction nρ(nt) pour n = 1, 10, 30, 50.

Or, pour tout s, la valeur de g (s) = φ(s) |ϕ(s) − ϕ(0)| converge vers 0 quand  → 0 et
|g (s)| ≤ h(s) = 2 kϕk∞ |φ(s)| avec h ∈ L1 (R). Donc
Z
φ(s) |ϕ(s) − ϕ(0)| ds → 0 ( → 0)
R

d’après le théorème de convergence dominée de Lebesgue et T converge vers δ dans


D 0.

Exemple 2.11. Si on définit la fonction ρ̃ = I1 ρ, avec I = R ρ(t) dt, alors R ρ̃(t) dt = 1


R R

et les distributions associées à la suite nρ̃(nt) convergent vers δ quand n → ∞ (cf. la


figure 2.11).

2.4. Les opérations sur les distributions


La stratégie pour généraliser les opérations usuelles sur les fonctions aux distributions
est de s’inspirer des distributions régulières.

Produit d’une distribution par une fonction :


Si T = Tf est une distribution régulière, on aimerait définir le produit de cette distribu-
tion par une fonction g par
Z Z
hTf · g, ϕi = (f (t) · g(t))ϕ(t) dt = f (t) · (g(t)ϕ(t)) dt = hTf , gϕi .
R R

25
Problème : est-ce que gϕ est une fonction test de D ? Sinon le crochet hTf , gϕi n’a pas
de sens !
On aura gϕ ∈ D si g ∈ C ∞ (R; C) et dans ce cas la définition
hT · g, ϕi = hT, gϕi
a un sens pour tout T ∈ D 0.
Exemple 2.12. Soit g ∈ C ∞ (R; C) et δ l’impulsion de Dirac en 0.
hg · δ, ϕi = hδ, gϕi = g(0)ϕ(0) = g(0) hδ, ϕi
Donc g · δ = g(0)δ.

Dérivée d’une distribution :


Si T = Tf est une distribution régulière avec f 0 ∈ L1loc on a
Z Z
T{f 0 } , ϕ = 0 ∞
f (t)ϕ(t) dt = f (t)ϕ(t)|−∞ − f (t)ϕ0 (t) dt
R | {z } R
=0 car supp(ϕ) borné
Z
=− f (t)ϕ0 (t) dt = − Tf , ϕ0 .
R
Pour une distribution T ∈ D 0 quelconque on définit la dérivée T 0 ∈ D 0 par
T 0 , ϕ = − T, ϕ0 .
La dérivée n-ième T (n) est définie par
D E D E
T (n) , ϕ = (−1)n T, ϕ(n)
En particulier, toute distribution T ∈ D 0 est indéfiniment dérivable (au sens de la
définition ci-dessus).
Exemple 2.13.

(i) hδ 0 , ϕi = − hδ, ϕ0 i = −ϕ0 (0).


(ii) Soit f ∈ L1loc une fonction continûment dérivable sur les intervalles ]−∞, a[, ]a, b[, ]b, ∞[
et admettant une limite à gauche et à droite en a et b. On a
Z Z a Z b Z ∞
Tf0 , ϕ = − f ϕ0 = − f (t)ϕ0 (t) dt − f (t)ϕ0 (t) dt − f (t)ϕ0 (t) dt
R −∞ a b
Z a Z b
a b
= −f (t)ϕ(t) −∞
+ f 0 (t)ϕ(t) dt − f (t)ϕ(t) a
+ f 0 (t)ϕ(t) dt
−∞ a
Z ∞

− f (t)ϕ(t) b + f 0 (t)ϕ(t) dt
b Z
= −f (a−)ϕ(a) − (f (b−)ϕ(b) − f (a+)ϕ(a)) + f (b+)ϕ(b) + f 0 (t)ϕ(t) dt
Z R

= (f (a+) − f (a−))ϕ(a) + (f (b+) − f (b−))ϕ(b) + f 0 (t)ϕ(t) dt


R
= (f (a+) − f (a−)) hδa , ϕi + (f (b+) − f (b−)) hδb , ϕi + Tf 0 , ϕ

26
Ici f 0 est la fonction définie par f 0 (t) pour t 6= a, b et quelconque (par exemple = 0)
pour t = a, b). Donc Tf0 = (f (a+) − f (a−))δa + (f (b+) − f (b−))δb + T{f 0 } où il ne
faut pas confondre Tf0 et T{f 0 } . La dérivée de la distribution associée à l’échelon
unité, par exemple, est
0 + +
T{1 + } = (1 (0+) − 1 (0−))δ + T{0} = δ.

Remarque 2.14. On peut facilement généraliser le dernier exemple au cas où on a un


nombre fini de discontinuités et même aus cas où les discontinuités constituent un en-
semble dénombrable sans points d’accumulation (comme, par exemple, N ou Z).
Une propriété intéressante de la limite dans D 0 est que contrairement à l’analyse clas-
sique on peut toujours échanger limite et dérivée : si limn→∞ Tn = T alors limn→∞ Tn0 =
T 0 car
Tn0 , ϕ = − Tn , ϕ0 → − T, ϕ0 = T 0 , ϕ (n → ∞)
En particulier,

X ∞
X
0
S= Tk =⇒ S = Tk0 .
k=0 k=0

Translation :
Si f ∈ L1loc (R), a ∈ R, alors la translatée τa f de f est la fonction (τa f )(t) = f (t − a).
Sa distribution régulière associée vérifie
Z Z
T{τa f } , ϕ = f (t − a)ϕ(t) dt = f (s)ϕ(s + a) ds = hTf , τ−a ϕi
R R
Définition 2.15. La translatée τa T d’une distribution T ∈ D 0 est définie par
hτa T, ϕi = hT, τ−a ϕi , ϕ ∈ D.
Exemple 2.16. Pour t0 ∈ R,
hτt0 δ, ϕi = hδ, τ−t0 ϕi = ϕ(t0 ) = hδt0 , ϕi
car τ−t0 ϕ(t) = ϕ(t + t0 ).

Dilatation :
Si f ∈ L1loc (R), a ∈ R, alors la dilatée µa f de f est la fonction (µa f )(t) = f (at). Sa
distribution régulière associée vérifie
Z Z
ds 1
T{µa f } , ϕ = f (at)ϕ(t) dt = f (s)ϕ(s/a) = Tf , µ1/a ϕ .
R R |a| |a|
Définition 2.17. La dilatée µa T d’une distribution T ∈ D 0 est définie par
1
hµa T, ϕi = T, µ1/a ϕ , ϕ ∈ D.
|a|
Exemple 2.18.
1 1 1
hµa δ, ϕi = δ, µ1/a ϕ = ϕ(0) = hδ, ϕi ,
|a| |a| |a|
1
donc µa δ = |a| δ.

27
Produit tensoriel :
On rappelle que le produit tensoriel f ⊗ g de deux fonctions f (t) et g(s) est définie par
(f ⊗ g)(t, s) = f (t)g(s). Soit ϕ ∈ D(R2 ) (l’espace des fonctions indéfiniment dérivable
R2 → C à support borné), f, g ∈ L1loc (R). Alors
Z Z
T{f ⊗g} , ϕ = f (t)g(s)ϕ(t, s) dt ds
R R
Z Z 
= f (t) g(s)ϕ(t, s) ds dt = hTf,t , hTg,s , ϕ(t, s)ii
R R
où la notation Tt signifie que la distribution T agit sur une fonction de la variable t.
Définition 2.19. Soit Tt , Ss ∈ D 0 (R). On définit le produit tensoriel Tt ⊗ Ss ∈ D 0 (R2 )
par
hTt ⊗ Ss , ϕ(t, s)i = hTt , hSs , ϕ(t, s)ii
si la dernière expression est valable : la fonction t 7→ hSs , ϕ(t, s)i doit être dans D(R) et
la fonctionnelle D 0 (R2 ) → C ainsi définie doit être linéaire et continue.

Convolution :
Soient f, g ∈ L1loc (R) telles que f ∗ g ∈ L1loc (R). Pour la distribution régulière T{f ∗g} on
a (formellement)
Z Z Z 
T{f ∗g} , ϕ = (f ∗ g)(t)ϕ(t) dt = f (s)g(t − s) ds ϕ(t) dt
R R R
On pose u = t − s ⇔ t = u + s.
Z Z
... = f (s)g(u)ϕ(s + u) ds du
ZR R Z
= f (s) g(u)ϕ(s + u) du ds
ZR R

= f (s) (hTg,u , ϕ(s + u)i) ds


R
= hTf,s , hTg,u , ϕ(s + u)ii
= hTf,s ⊗ Tg,u , ϕ(s + u)i .
Ce calcul formel suggère la définition suivante de la convolution de deux distributions
S, T :
hS ∗ T, ϕi = hSs , hTt , ϕ(s + t)ii = hSs ⊗ Tt , ϕ(s + t)i .
Le problème est que le support de ψ(s) = hTt , ϕ(s + t)i n’est pas forcément borné bien
que supp(ϕ) soit borné par définition et si ce n’est pas le cas le crochet hSs , ψ(s)i n’a
pas de sens.
Définition 2.20. On dit que T ∈ D 0 (R) est nulle sur l’ouvert O ⊂ R si hT, ϕi = 0 pour
tout ϕ ∈ D avec supp(ϕ) ⊂ O. On appelle support de T le complémentaire du plus
grand ouvert sur lequel T est nulle et on définit
E 0 = T ∈ D 0 : supp(T ) borné


28
Exemple 2.21. hδ, ϕi = ϕ(0) = 0 ⇔ 0 6∈ supp(ϕ) ⇔ supp(ϕ) ⊂ R \ {0}. Donc δ est nulle
sur R \ {0} et son support est supp(δ) = {0}.
Théorème 2.22. Si S, T ∈ D 0 et on a S ∈ E 0 ou T ∈ E 0 , alors le produit de convolution
S ∗ T définie par
hS ∗ T, ϕi = hSs , hTt , ϕ(s + t)ii
existe et S ∗ T = T ∗ S.
Démonstration. admise

Exemple 2.23.

1.

hT ∗ δ, ϕi = hTs , hδt , ϕ(s + t)ii = hTs , ϕ(s)i = hT, ϕi


hδ ∗ T, ϕi = hδs , hTt , ϕ(s + t)ii = hTt , ϕ(t)i = hT, ϕi

Donc T ∗ δ = δ ∗ T = T ∀T ∈ D 0 (R), la distribution δ est l’élément neutre de la


convolution.
2.

hT ∗ τt0 δ, ϕi = hTs , h(τt0 δ)t , ϕ(s + t)ii = hTs , hδt , ϕ(s + t + t0 ii


= hTs , ϕ(s + t0 )i = h(τt0 T )s , ϕ(s)i

Donc T ∗ τt0 δ = τt0 T .

2.5. La transformée de Fourier des distributions


Soit f ∈ L1 , ϕ ∈ D. Alors fˆ est bornée et continue et engendre une distribution
régulière T{fˆ} ∈ D 0 .
D E Z Z 
−i2πxy
T{fˆ} (x), ϕ(x) = e f (y) dy ϕ(x) dx
ZR R
Z 
−i2πxy
= f (y) e ϕ(x) dx dy
R R
Z
= f (y)ϕ̂(y) dy = T{f } (y), ϕ̂(y)
R

où la dernière égalité est pour l’instant formelle car ϕ̂ n’est pas forcement dans D. Ce
calcul suggère la définition D E
T̂x , ϕ(x) = hTy , ϕ̂(y)i .
Le problème avec cette définition est que pour ϕ ∈ D ϕ̂ n’est pas dans D en général et
dans ce cas le crochet hTy , ϕ̂(y)i n’est pas défini. Il s’avère nécessaire de changer l’espace
de fonctions test afin d’obtenir un espace stable par transformée de Fourier.

29
2.5.1. L’espace S de fonctions test à décroissance rapide
On se rend compte en essayant de généraliser la transformée de Fourier aux distribu-
tions que la condition supp(ϕ) borné
D imposé
E aux fonctions test jusqu’à présent est trop
restrictif. On souhaiterait définir T̂ , ϕ = hT, ϕ̂i, mais ϕ̂ 6∈ D pour ϕ ∈ D donc cette
définition ne peut marcher. C’est L. Schwartz qui a trouvé le bon espace de fonctions
test, l’espace des fonctions de Schwartz, noté S , que nous allons définir maintenant.

Définition 2.24. Une fonction ϕ : R → C est dite à décroissance rapide si

∀p ∈ N : lim |tp ϕ(t)| = 0


|t|→∞

Exemple : ϕ(t) = e−|t|


On définit

S = {ϕ ∈ C ∞ (R; C) : ϕ et ses dérivées est à décroissance rapide}

En particulier, D ⊂ S . La convergence dans S est défini comme suit :

Définition 2.25. On dit que la suite (ϕn )n∈N d’éléments de S tend vers 0 quand n → ∞
si
∀p, q ∈ N : tp ϕ(q)
n = sup tp ϕ(q)n (t) → 0 (n → ∞)
∞ t

ϕn → ϕ signifie ϕn − ϕ → 0.

On se rappelle la règle que plus ϕ est lisse plus ϕ̂ est décroissante et que plus ϕ est
décroissante plus ϕ̂ est lisse. Une fonction à la fois lisse et décroissante devrait donc
conserver ses propriétés sous transformation de Fourier (On peut penser, par exemple,
à la gaussienne). Les fonctions de S sont à la fois lisses et décroissantes par définition
et le théorème suivant confirme la spéculation :

Théorème 2.26. L’espace S est stable par transformation de Fourier :

ϕ ∈ S ⇒ ϕ̂ ∈ S et
Z
−1
∀t ∈ R : ϕ(t) = F [ϕ̂(f )](t) = ei2πf t ϕ̂(f ) df.
R

ˆ = ϕ(−t).
En particulier, ϕ̂(t)

Démonstration. admise.

2.5.2. L’espace S 0 de distributions tempérées


Nous pouvons maintenant définir l’espace de distributions pour lesquelles la définition
formelle marche bien :

30
Définition 2.27. On appelle S 0 l’espace des fonctionnelles linéaires et continues S →
C, où la continuité est définie comme avant par
ϕn → ϕ dans S ⇒ hT, ϕn i → hT, ϕi dans C.
Les éléments de S sont appelés distributions tempérées.
Exemple 2.28.

(i) La distribution δ de Dirac est tempérée, δ ∈ S 0 .


D E Z Z
∀ϕ ∈ S : δ̂, ϕ = hδ, ϕ̂i = ϕ̂(0) = ϕ(t)e−i2π0t = 1.ϕ(t) dt = T{1} , ϕ
R R
⇒ δ̂ = T{1} ou δ̂ = 1.
(ii) τa δ = δa est aussi tempérée,
D E Z
∀ϕ ∈ S : δ̂a , ϕ = hδa , ϕ̂i = ϕ̂(a) = ϕ(t)e−i2πat = T{exp(−i2πat)} , ϕ(t)
R
⇒ (δ̂a )t = T{exp(−i2πat)} ou δ̂a = exp(−i2πat).
(iii) La distribution associée à la fonction constante 1, T{1} , est tempérée et
D E Z Z
∀ϕ ∈ S : T̂{1} , ϕ = T{1} , ϕ̂ = 1.ϕ̂(y) dy = ei2πy.0 ϕ̂(y) dy
R R
−1
=F [ϕ̂(y)](0) = ϕ(0) = hδ, ϕi ⇒ T̂{1} = δ ou 1̂ = δ.
Théorème 2.29. La transformation de Fourier F : S 0 → S 0 est linéaire, continue, et
bijective où la transformée inverse F −1 : S 0 → S 0 est définie par
F −1 (T ), ϕ = T, F −1 (ϕ) , T ∈ S 0, ϕ ∈ S .
Démonstration.
Linéarité :
∀S, T ∈ S 0 , α, β ∈ C, ϕ ∈ S : hF(αS + βT ), ϕi = hαS + βT, ϕ̂i = α hS, ϕ̂i + β hT, ϕ̂i
= α hF(S), ϕi + β hF(T ), ϕi ⇒ F(αS + βT ) = αF(S) + βF(T ).
Continuité :
Si Tn → T dans S 0 , alors ∀ϕ ∈ S :
hF(Tn ), ϕi = hTn , ϕ̂i → hT, ϕ̂i = hF(T ), ϕi quand n → ∞
Donc on a Tn → T ⇒ F(Tn ) → F(T ) dans S 0 .
Bijectivité :
Il suffit de montrer que F(F −1 (T )) = T ∀T ∈ S 0 :
F(F −1 (T )), ϕ = F −1 (T ), F(ϕ) = T, F −1 (F(ϕ)) = hT, ϕi ∀ϕ ∈ S
⇒ F(F −1 (T )) = T

31
Définition 2.30. On dit que la fonction f : R → C est à croissance lente s’il existent
C > 0 et N ∈ N∗ tels que

∀t ∈ R : |f (t)| ≤ C(1 + t2 )N

Il en résulte que f ∈ L1loc (R) et T{f } ∈ D 0

De plus, on a

Proposition 2.31. Toute fonction f à croissance lente engendre une distribution tempérée
T{f } ∈ S 0 .

Démonstration. La linéarité de T{f } est évidente. Montrons la continuité : il suffit de


montrer que T{f } , ϕn → 0 quand ϕn → 0 dans S 0 . Or

|f (t)|
Z Z
T{f } , ϕn = f (t)ϕn (t) dt ≤ 2 )N
(1 + t2 )N |ϕn (t)| dt
R R (1 + t
Z 2 2N
C(1 + t ) |ϕn (t)|
Z
1
2 2N
≤ 2 )N
dt ≤ C sup (1 + t ) ϕn (t) dt → 0 (n → ∞).
R (1 + t t∈R R (1 + t2 )N
| {z }| {z }
→0 (n→∞) <∞

où on a utilisé que supt |tq ϕn (t)| → 0 par définition (cf. la définition 2.25).

Proposition 2.32.
Soit T ∈ S 0 une distribution tempérée. On a
 
(i) Td (k) = (i2πx)k T̂ x
 x
(ii) T̂ (k) = F[(−i2πy)k Ty ]x
x

Démonstration.
D E D E D E
Td (k) , ϕ = T (k) , ϕ̂ = (−1)k T , ϕ̂(k) (y)
y
D E D E
= (−1)k Ty , F[(−i2πx)k ϕ(x)](y) = (−1)k T̂x , (−i2πx)k ϕ(x)
D E
= (i2πx)k T̂x , ϕ(x) ∀ϕ ∈ S , d’où le premier résultat,
D E D E D E
T̂ (k) , ϕ = (−1)k T̂x , ϕ(k) (x) = (−1)k Ty , F[ϕ(k) (x)](y)
D E D E
= (−1)k Ty , (i2πy)k ϕ̂(y) = (−i2πy)k Ty , F[ϕ(x)](y)
D E
= F[(−i2πy)k Ty ], ϕ ∀ϕ ∈ S d’où le deuxième.

32
Exemple 2.33. (i) La fonction x 7→ xk étant à croissance lente, la distribution associée
T{xk } est tempérée. Or

(k)
h i h i
F[T{1} ] = δ ⇒ Td
{1} = F (−i2πx)k T{1} = (−i2π)k F T{xk } = δ (k)
h i δ (k)
⇒ F T{xk } =
(−i2π)k

(ii) La fonction f (t) = ei2πat , a ∈ R étant bornée, la distribution associée est tempérée
et
Z
ei2πay ϕ̂(y) dy
 
F T{f } , ϕ = T{f } , ϕ̂ =
R
= F −1 [ϕ̂](a) = ϕ(a) = hδa , ϕi
 
⇒ F T{f } = δa .

En particulier,
  1
F T{cos(2πat)} = (δa + δ−a )
2
  1
F T{sin(2πat)} = (δa − δ−a )
2i

Transformée de Fourier et convolution :


La convolution de deux distributions est définie si l’une des deux est à support borné
(c’est-à-dire dans E 0 ). Or E 0 ⊂ S 0 et on peut montrer que la transformée de Fourier
Ŝ ∈ S 0 de S ∈ E 0 est engendrée par une fonction ψ ∈ C ∞ (R; C), Ŝ = T{ψ} . Le produit
Ŝ.T̂ définie par ψ(x)T̂x a donc un sens et on a le théorème suivant :

Théorème 2.34. (Transformée de Fourier et convolution E 0 ∗ S 0 ) Si on prend S ∈ E 0


et T ∈ S 0 on a Ŝ = T{ψ} pour une fonction ψ ∈ C ∞ (R; C) et

F [S ∗ T ] = Ŝ.T̂ = ψ.T̂

Une application de ce théorème est le calcul de la transformée de Fourier d’une fonction


périodique. Soit alors f continue par morceaux etP périodique de période P . On pose
f0 = f.1[0,P ] et on définit le peigne de Dirac ∆P = n∈Z δnP . Alors

T{f } = T{f0 } ∗ ∆P car


!
X X X
T{f0 } ∗ ∆P = T{f0 } ∗ δnP = T{f0 } ∗ δnP = τnP T{f0 }
n∈Z n∈Z n∈Z
X
= T{f0 (t−nP )} = T{f (t)} (d’après l’exemple 2.23)
n∈Z

33
1

0.8

0.6

0.4

0.2

−0.2

−0.4

−0.6

−0.8

−1
0 1 2 3 4 5 6 7

Figure 2.4. – représentation d’un échantillonnage de sin(t).

Or T{f0 } ∈ E 0 , F T{f0 } = T{fˆ0 } , ∆P ∈ S 0 et


 

1 X
F [∆P ] = δn/P (voir TD).
P
n∈Z

Donc, d’après le théorème,


!
1 X 1 Xˆ
F T{f } y = fˆ0 (y).
 
(δn/P )y = f0 (n/P )δn/P où
P P
n∈Z n∈Z
Z
1 ˆ 1 n
f0 (n/P ) = f0 (t)e−i2π P t dt
P P R
Z P
1 n
= f (t)e−i2π P t dt = cn (f ) le coefficient de Fourier cn de f.
P 0
  X
⇒ F T{f } = cn (f )δn/P .
n∈Z

Le spectre de la fonction P -périodique f est un peigne de Dirac avec la distance 1/P


entre les impulsions et comme poids les coefficients de Fourier cn (f ) . En appliquant la
transformée de Fourier inverse on obtient
X X
T{f } = cn (f )F −1 [δn/P ] = cn (f )T{exp(i2π n t)} .
P
n∈Z n∈Z
X 2π
Donc f (t) = cn (f )ein P t
au sens de S 0 .
n∈Z

34
Le théorème d’échantillonnage :
Dans ce paragraphe nous allons appliquer le résultat précédent à la reconstruction d’un
signal à partir d’un signal échantillonné. Soit f une fonction pour laquelle la transformée
de Fourier fˆ existe et est nulle en dehors d’un intervalle [−F0 , F0 ]. On considère la
fonction g qui coı̈ncide avec fˆ sur l’intervalle [−F, F ] où F ≥ F0 et qui est périodique
de période 2F . On a donc
X n X n
(T{g} )y = cn (g)ei2π 2F y = c−n e−i2π 2F y dans S 0 où
n∈Z n∈Z
Z F
1 n
cn (g) = g(y)e−i2π 2F y dy et
2F −F
Z F Z
1 n 1 n 1
c−n = g(y)ei2π 2F y dy = fˆ(y)ei2π 2F y dy = f( n )
2F −F 2F R 2F 2F
X 1 n
⇒ (T{g} )y = n
f ( 2F )e−i2π 2F y
2F
n∈Z
 
 X 1
⇒ F −1 T{g} = n
)F −1 Tne−i2π 2F 1 n
 P
f ( 2F n yo = n∈Z 2F f ( 2F )δ 2F
n
2F
n∈Z

Or fˆ(y) = 1[−F,F ] (y)g(y) et donc


T{f } = F −1 1[−F,F ] ∗ F −1 T{g}
   
où
sin(π2F t)
F −1 1[−F,F ] (y) (t) =
 
πt
−1
 X 1
f ( n )δ n

⇒F T{g} =
2F 2F 2F
n∈Z
X 1  
n
⇒ T{f } = f ( ) T sin(π2F t) ∗ δ 2F
n o n
2F 2F πt
n∈Z
X 1
= f ( n )T sin(π2F (t− 2F
n ))

2F 2F π(t− n )
n∈Z 2F
X 1
= f ( n )Tn sin(π(2F t−n)) o
2F 2F π(2F t−n)
n∈Z

1
Si on pose T = 2F on obtient la formule de Shannon (Whittaker, Nyquist,...)
X sin( Tπ (t − nT ))
f (t) = f (nT ) π au sens de S 0
n∈Z T (t − nT ))

Quand f est suffisamment régulière ce résultat a aussi un sens ponctuel. On peut donc
1
reconstruire le signal f (t) à partir de l’échantillonnage f (nT ) si F ≥ F0 ⇔ T = 2F ≤ 2F1 0
. la figure 2.5
Remarque 2.35. De façon heuristique on peut comprendre le résultatPci-dessus comme
suit. Le signal échantillonné est représenté par le peigne de Dirac fe = n∈Z f (nT )δnT =

35
1.5 1.5

1 1

0.5 0.5

0 0

−0.5 −0.5

−1 −1

−1.5 −1.5
−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10 −10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10

1.5 1.5

1 1

0.5 0.5

0 0

−0.5 −0.5

−1 −1

−1.5 −1.5
−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10 −10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10

1.5 1.5

1 1

0.5 0.5

0 0

−0.5 −0.5

−1 −1

−1.5 −1.5
−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10 −10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10

1.5 1.5

1 1

0.5 0.5

0 0

−0.5 −0.5

−1 −1

−1.5 −1.5
−10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10 −10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 6 8 10

Figure 2.5. – Le signal sin(2πt) et des reconstructions avec la formule de Shannon et


différentes fréquences d’échantillonnage.

P
f (t)∆T où ∆T = n∈Z δnT . Le produit f (t)∆T au domaine temporel se transforme sous
Fourier en produit de convolution
  1
fˆe (y) = fˆ ∗ F [∆T ] (y) = fˆ ∗ ∆ 1
T T
1 Xˆ 1 X ˆ n
= f ∗ δ Tn = f y−
T T T
n∈Z n∈Z

Le spectre de fe est alors la somme des translatées par n/T du spectre de f . Si fˆ est
nulle en dehors de [−F0 , F0 ] on obtient une périodisation de fˆ en choissisant T1 ≥ 2F0 .
Si T est trop grande, T1 < 2F0 , il y a  repliement . Si le signal f a été correctement
échantillonné, alors fˆe contient le spectre de f dans l’intervalle I = [− 2T
1 1
, 2T ] et on a
ˆ ˆ
f (y) = fe (y)1I (y). En revenant au domaine temporel on obtient
!
X
−1 −1

f (t) = fe ∗ F [1I ] (y) = f (nT )δnT ∗ F [1I ] (y)
n∈Z
X sin( π (t − nT ))
= f (nT ) π T
n∈Z T (t − nT ))

36
car la transformée inverse du créneau est un sinus cardinal et la convolution avec δnT
fait une translation par nT .
La reconstruction d’un signal à partir d’un signal échantillonné est illustré dans la
figure 2.5.

37

Vous aimerez peut-être aussi