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t
LES
TRAVAUX DE MARS
OU
L ART DE LA GUERRE .
Tome Troisiéme .

avec pr
V
I
L
L
E
DE

18
18
+235
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LY
LES 342760

TRAVAUX DE MARS ,

O U

L'ART DE LA GUERRE

TOME TROISIÈME.

CONTENANT

Les noms , charges & devoirs des Officiers d'Infanterie , de


Cavalerie & d'Artillerie. Des Evolutions nouvelles. De
l'Artillerie, & compofition des Loudres, avec celle de toutes
fortes de Feux d'Artifice. D Inftrumens qui fervent , ou
à la défenſe ou à l'attaque des Places , Villes & Châteaux.
De la marche & conduite desTroupes & Armées. Du cam-
pement pour les Sieges ; & de l'attaque des Places , Villes
& Châteaux. De la défenfe des Places , contre toutes for-
tes de Sieges & d'attaques. De la Capitulation & Reddi-
tion des Places. De la Milice des Turcs ; de leur maniere
de faire la guerre , d'attaquer , & de défendre les Places,

DEDIEZ AV ROT,

PAR ALLAIN MANESSON MALLET ,


Maître de Mathematiques des Pages de la petite Ecurie da
Sa Majefté , cy-devant Ingenieur & Sergent Major
d'Artillerie en Portugal .

DerniereEdition, revûë, & corrigée d'un grand nombre de fautes


qui étoient reſtées dans toutes les precedentes ,

A LA HAYE ,

Chez ADRIAN MOETJENS, Marchand


Libraire , prés la Cour à la Librairie Françoiſe,

M. D C. XCVI
AVEC PRIVILEGE,
}
TABLE-

DES

CHAPITRES

Contenus dans le Troifiême Tome

DE S

TRAVAUX DE MARS ,

O U
LA
VILA

L'ART DE LA GUERRE.
LYON

LIVRE CINQUIE ME.

Des Gens de Guerre , & de leurs Evolutions.

CHAPITRE PREMIER.

premierement de ceux de l'In-


D Es Gens de Guerre engeneral , &
fanterie. page I
Du Soldat. 2
Remarques fur l'Equipage & les Armes du Soldat. 4
Des Piquiers. 6
* De
3
Table des Chapitres.
De l'Anspeçade. 8
Du Caporal. ibid.
Du Sergent. 9
De l'Enseigne. ibid.
Du Lieutenant. IO
Du Sous-Lieutenant. ibid.

Du Capitaine. ibid.
Du Tambour. 12

Ordre d'une Compagnie d'Infanterie Françoiſe. 14


D'un Regiment d'Infanterie. 16

De l'Etat Major d'un Regiment engeneral. 17


18
De l'Etat Major d'un Regiment enparticulier.
22
Ordre des Poftes d'un Regiment mis en Bataille.
De laMarche d'un Regiment par diviſion. 24

De l'Infanterie Suiſſe. 26

CHAPITRE II.

Des Armes offenfives & défenſives quifont en uſage dans l'Infante-


rie. 29
d'Epées. ibid.
Des differentes fortes
Explication particuliere des parties du Moufquet. 32
De la charge du Mousquet , & de la maniere de le tirer. 34
Du Fufil. 36
De la Pique , & de la demy-Pique. 38
De la Halebarde, & des autres Armes qui ont à peu près fa figure
fagrandeur. 40

Des Armes défenfives qui fervent aux Piquiers & aux Officiers
d'Infanterie. 42

CHA-
Table des Chapitres

CHAPITRE III

Des Exercices des Armes en ufage dans l'Infanterie. 45


Des Moufquetaires. 46
Des Piquiers. 48
Des Bataillons en general. So
Des Bataillons en particulier. 52
Des chofes neceffaires à apprendre à un nouveau Soldat pour entrer
dans un Bataillon. 53
Des Commandemens , tant pour l'exercice du Moufquet , que de la
Pique. 54

CHAPITRE IV.

Des Evolutions & de leurs parties. 57


Maniere de pratiquer les Doublemens. 60
Des Doublemens. 62
De la Contre-marche. 64
De la Converſion. 66
Des Bataillons quarrez d'hommes, de Terrain,& degrand Front.68
Des Pelotons. 70
D'un Bataillon quarré d'hommes en forme d'une Croix. 72
Regle generale pour émouffer les Angles d'un Bataillon. 74.
Pourformer un Bataillon en Octogone, ou à huitfaces. 76
Maniere deformer un Bataillon en Octogone, avec le Centre vuide , le
front du Bataillon ayant cinq fois la hauteur. 80
Maniere de remettre le Bataillon à Centre vuide. 84

CHA-
Table des Chapitres.

CHAPITRE V.

De la Cavalerie. 87
Du Colonel general de la Cavalerie legere. - 88
Du Meftre-de-Camp general. ibid.
Du Commiffairegeneral de la Cavalerie legere. ibid.
Du Meftre-de-Camp. 89
Du Lieutenant Colonel, ibid.
De l'Etat Major d'un Regiment de Cavalerie. 90
Du Major & de fon Aide. ibid.
Du Capitaine de Cavalerie. 91
Du Lieutenant de Cavalerie. ibid.
Du Cornette & de fon Etendard. 92
Du Maréchal des Logis. ibid.
Du Brigadier. 93
Du Cavalier. 94
Du Trompette & de la Tompette. 96
Du Timbalier & des Timbales. 98
D'une Compagnie de Cavalerie. 100
Des Escadrons. 102
Des Regimens de Cavalerie. ibid.
Des Cuiraffiers. ibid.

CHAPITRE VI. ·

Des Compagnies d'Ordonnance de la Maifon du Roy. 105


Des Gardes-du-Corps . 106
DesGens-d'Armes & de leur Guidon. ibid.
Des Chevaux-legers. 107
Des Moufquetaires. ibid.
Des Grenadiers volans. ibid
De la petite Gendarmerie. 108
Des Dragons. ibid.
CHA-
Table des Chapitres .

CHAPITRE VII.

Des Exercices & des mouvemens de la Cavalerie. IC9


Noms des principales parties d'un Escadron. 110
Du Rang que tiennent les Cavaliers dans leurs Compagnies , & de la
methode pour former un Escadron. ibid.
Methode pourfaireferrer les Files d'un Efeadron. 112
Methode defaire défiler un Escadron. 114
Pour faire le Caracol. 116
Methode pour faire la Converfion. 118
Du Volte-face. 120
Methode de faire tirer la Cavalerie. ibid.

CHAPITR » VIII,

De l'Artillerie.
123
Des Officiers de l'Artillerie. ibid.
De l'Ordonnance des Arfenaux, & des Magazins de l' Artillerie. 124
Du Salpêtre ou Nitre. 126
De la compofition des Poudres , tant fines qu'à Canon. 128
Des differentes efpeces de Canon. 130
Des Pieces legeres & des Pieces de Campagne, 132
Noms mesures des parties du Canon. 134
De la fonte & des Alliages du Canon. 136
Noms des differentes parties d'un affuft de Canon. 138
Noms des rouages & d'autres pieces fervans à l'ufage du Canon. 140
Du Train ou des Chariots de l'Artillerie. 142
Des Inftrumens qui fervent à monter à defcendre les Canons de
leurs affufts . 144
Maniere de charger le Canon , & de le pointer avec lefronteau de
mire. 146
5 Des
Table des Chapitres.
Des précautions neceſſaires pour pointer le Canon. 148
Des Batteries engeneral , & du Tir du Canon. 149
-
Maniere de mettre lefeu aux Canons , deles raffraichir. 150
Des differentes efpeces de Canon. 152
Des Pierriers . 154
Des Mortiers & des Bombes , avec laforme de leurs affufts. 156
Maniere de mettre lefeu aux Mortiers & aux Bombes. 158
Du Petard , & de la maniere qu'ilfaut le charger. 160
Maniere de fe fervir du Petard. 162
Des Grenades. 164
De la compofition des Pots- à-feu, des Boffes, & des Balles-à-feu. 166
Des Dards , des Gouldrons, & des Fleches -à-feu , des Barriquesfou-
droyantes , des Flambeaux- à-feu. 168

CHAPITRE IX.

De la marche & de la conduite des Troupes. 171


Du Genenal d'Armée. 172
Des Lieutenans Generaux. ibid.
Des Maréchaux de Camp. 173
Des Brigadiers de l'Armée , & de leurs Brigades. 174
Des Aides de Camp. ibid.
Du Major General . ibid.
Du Maréchal des Logis de l'Armée. ibid.

Des Ingenieurs. 175


Du Capitaine des Guides . ibid.
Du Confeil du General. 176
Des Ordres du General. 177
Du Rendez-vous de l'Armée . 178 1
Desprécautions qu'un General doit avoir , avant que de mettre une
Armée en Campagne. 179
De

1
Table des Chapitres.
De la marche d'une Armée en plat-païs. 180
De la marche d'une Armée dans unpaïs étroit. 182
Des Défilez.
184
De la marche d'une Armée dans un paï's ennemy, 186
De la marche d'une Armée dans unpaï's couvert: 188
Du Confeil de Guerre. 190
Maniere de loger une Armée au Village. 191
Maniere defaire camper unCorps d'Infanterie, accompagnée d'Ar-
tillerie.
192
Maniere defaire camper une Armée composée de Cavalerie & d'In-
fanterie. 194
De l'attaque d'un Pont. 196
De l'attaque des Châteaux & autres petits lieux . 198
Des Batailles rangées. 200

CHAPITRE X.

Des Inftrumens qui fervent à la défense ou à l'attaque des Pla-


ces.
205
Des Barriques, & des Sacs-à-terre. 206
Des Gabions & des Corbeilles. 208
Des Fafcines , des Sauffiffons & des Chandeliers. 210
Des Palisades , & des Fraifes. 212
Des Chevauxde Frife , des Heriffons & des Herfes. 214
Des Chauffe-trappes , & des Mantelets. 216
Des Echellespropres à l'usage des Eſcalades. 218
Des Blindes , des Clayes , des Traverses & des Galleries. 220
Des diverfes fortes de Ponts , fervans à paffer les Rivieres. 222

CHA
Table des Chapitres.

CHAPITRE XI

DesSieges. 225
Remarquefur la differente durée des Sieges. ibid.
Du Degát qu'onfait aux environs des Places. 226
Du Blocus des Places . ibid.
Maniere d'affeoir un Camp pourformer un Siege. 227
Du Logement de la Cavalerie . 228
Du Logement de l'Infanterie. 230
Des Lignes de Circonvallation & de Contrevallation. 232
Du Parc de l'Artillerie , & du Quartier des Vivres . 234
Maniere de reconnoître une Place pour determiner les Attaques & les
Tranchées.
236
Despreparatifs pour la conduite des Tranchées. 237
De l'Ouverture & de la Conduite des Tranchées. 238
De la défenfe des Tranchées , & de leurs Places d'Armes. 240
De la Conftruction des Batteries. 242
Des Boyaux. 244
De l'attaque des Dehors. 246
De la prife des Dehors . 248
Maniere de foutenir les Sorties. 249.
De la Sappe du Glacis. 250
"
Des Logemens qu'onfaitfur les Glacis & fur les Chemins- couverts.
252
Maniere de paffer les Foffez fecs ou pleins d'eau , & d'attacherle
Mineur aux Faces des Baftions. 254.255
Des Inftrumens & des précautions qu'on doitprendre avant que de
travailler aux Mines. 258
De la Conduite des Mines. ibid.
Des Chambres , des Fourneaux , & de la Charge des Mines. 260
Des Bréches, & de lamaniere de les reconnoître. 262
D'un Affautgeneral , & defa preparation . 263.264
Ma-

1
Table des Chapitres.
Maniere defe loger fur la Tête d'une Bréche , & defe rendremaître
du Baftion , & enfuite de la Place. 266
De laprife des Villes de vive force ou d'emblée. 267
Maniere de lever le Siege , foit de nuit , foit enpleinjour · 268

CHAPITRE XII.

De la défenfe des Places. 269


Des précautions que doit prendre un Gouverneur ,pour mettrefa Pla-
ce en état de foûtenir un Siege. 270
Du nombredes Soldats pour la Garnifſon d'une Place. 271
Du nombre des Soldats pour la défenfe des Dehors. " 272
Des logemens des Soldats , des Corps-de-Garde , & de l'ordre d'y en_
trer & d'enfortir, avec le moyen defaire les Rondes. 273
Du Mot & Contre-mot , & de la maniere de le porter. 274
Ce qu'un Gouvern.doitfaire quand l'Ennemy le vient affieger. 275
Des Alarmes. 276
De l'ordre des Sorties. 277
De la défenfe des Dehors. 278
Des Pierrieres , Fougades & Caiſſons. 280
Des Retirades qu'on peutfaire dans les Dehors. 282
De ladéfenfe des Foffezfecs. 284
De ladéfenfe des Foffez pleins d'eau. 286
Des Contre-mines. 288
De la Reparation des Bréches. 290
Maniere depouffer des Fourneaux fous les Bréches des Baſtions . 292
Des Retranchemens particuliers qu'onfaitfur la Tête des Bréches.
294
Despréparatifs pourfoûtenir un Affaut general. 295
Maniere de foutenir un Affaut general. 296
Des Retranchemens qu'on fait dans le Corps des Baftions. 298
Des Retranchemens generaux. 300
De la défenfé des Retranchemens particuliers, &generaux. 302
D:
Table des Chapitres.
De ladéfenfe des Places contre les ſurpriſes & les escalades. 3°3
De la défenfe des Places contre les attaques d'emblée ou de vivefor-
ce. 304

CHAPITRE XIII.

De la Reddition des Places. 305


Desfufpenfions d'armes . 306
Des moyens de capituler. 307
Des Capitulations. 308
De la Reddition des* Places. 310
De la Reddition des Places Maritimes. 312
De la Prife de poffeffion des Places. 313

LIVRE SIXIE' ME.

De la Milice des Turcs.

CHAPITRE PREM I E R.

DE laFortification des Places Turques. 317.318


Des Foffez & Contrefcarpes des Places Turques. 320
Des Chemins-couverts , & des Glacis des Places Turques . 322
Des Dehors des Places Turques. 324
Des Châteaux & Citadelles des Places Turques. 326
De la Ville & du Château de Strigone ou Strigonie , vulgairement
appellée Gran. 328
De la Place de Comorre. 330
De la Villede Javarinou Raab. 332

СНА-
Table des Chapitres.

CHAPITRE II
,

De l'Infanterie Turque. 335


Des Agiamoglans. 336
Des Fanifaires. 338
Du Fanifar- Agafi. 341
Des Solaks ou Archers de la Garde du Grand Seigneur. 344
Des Ichoglans. 346
Des Acanzi , Azapes , & Guaftadours . 348

CHAPITRE III.

De la Cavalerie Turque. 351


Des Spahis. 352
Des Spahis de Timars , ou Timariots. 354
Des Zaims. 355
Des Etendards des Turcs. 356
Du Tug. 358
Des Dellis , Segbans , Muhlagi, &c. 360
Des Petits Tartares . 362

CHAPITRE IV.

De l'Artillerie & des principales Charges de l'Empire Ottoman.365


Du Topgi-Bachi , ou Grand Maître de l'Artillerie Turque . 366
Des Topchis. 368
Du Grand Vizir . 370
De la Charge de Caïmacan. 372
Des Bachas. ibid.
Des Beiglerbeys. 373

CHA
Table des Chapitres.

CHAPITRE V.

Des Troupes Turques : de leur maniere d'attaquer & de défendre


les Places. 375
Des Troupes & Armées du Grand Seigneur. 376
De quelle maniere les Turcsfont laguerre, 3 78
Du Campement des Turcs. 379
Des Tranchées des Turcs. 380
Des Affauts des Turcs. 382
Des Capitulations des Tures. 384
Articles accordez aux Habitans de Newhaufel par le Graud Vizir
384
De ladéfenfe des Places Turques, 387
VILLE

ON
LY

LES
LES

TRAVAUX DE MARS ,

2.
OU

L'ART DE LA GUERRE.

LIVRE CINQUIÈME.

Des Gens de Guerre , & de leurs Evolutions.

CHAPITRE PREMIER. LYO

Des Gens de Guerre engeneral, & premierement de


ceuxde l'Infanterie .

Ous le nom de Gens de Guerre je renferme toutes


les perfonnes qui font profeffion de porter les
Armes .
S
On les peut ranger fous les trois noms gene-
raux d'Infanterie, ou de Soldats à pied ; de Ca-
valerie , ou de Soldats à cheval ; & d'Artillerie, ou de Sol-
dats deftinez au fervice du Canon .

Tom. 111. A Du
2 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Soldat.

Our.
Pourfuivre un ordre facile je commencerai le détail de
l'Infanterie par le degré le plus bas, & je dirai que le Sol-
dat ou Fantaflin eft un perfonne enrollée fous un Capitaine ,
qui lui donne le preft ou la folde que le Prince fait diftribuer
à ceux qui fe mettent à fon fervice.
Les Soldats font diftinguez en Moufquetaires & en Pi-
quiers.
Les Moufquetaires , comme eft celui qui eft ici reprefen-
té, font équipez & armez des pieces fuivantes , fçavoir ,
Du Baudrier A.
D'une Epée B.
D'une Bandouliere C.
Du Moufquet D , & quelquefois d'un Fufil : nous en pat-
lerons dans les Chapitres fuivans.
Le Baudrier eft fait de peau de bufle , d'élan , de cheval ,
de cerf, ou devache : Ilpend de l'épaule droite fur la cuiffe
gauche , fa largeur eft de quatre à cinq poûces-
L'Epée , pour n'être ni trop longue ni trop courte , doit
avoir eny comprenant la lame & la poignée,trois pieds de lon-
gueur. Le Fantaffin Suiffe fervant en France porte au lieu d'é-
pée une maniere de Sabre courbé : nous en parlerons cy-aprés.
La Bandouliere d'où pendent les Charges à mettre la pou-
dre , une Bourſe où font les balles , & où l'on attache la Mé-
che , eft faite de cuir de bufle ou de vache ; la largeur eft de
trois à quatre pouces , & falongueur de deux pieds & demi .
Le.Moufquet , pour n'être ni trop pefant ni trop leger ,
doit avoir fon canon long de trois pieds & huit poûces , mon-
téfur unfuft de quatre pieds & huit poûces ; fon ouverture
ou calibre eft de huit lignes de Diametre.
Le Soldat felon les loix de la Guerre , ne peut quitter fa
Compagnie pour les affaires propres , fans lapermiffion de
fon Capitaine ou de celle des Commandans du Regiment ,
fous peine d'être reputé deferteur , & digne d'être paflé par
les Armes. Re-
OU L'ART DE LA GUERRE.
3

ACT

A 2
LES TRAVAUX DE MARS ,

Remarquesfur l'Equipage & les Armes du Soldat.

Eux qui ont voulu que les Soldats portaffent des Bau-
driers & des Bandoulieres , ne les leur avoient données
que pour leur couvrir le corps comme une maniere de cuiral-
fe dans l'occafion des Batailles rangées. Mais prefentement
que les Batailles nefont plús fi frequentes qu'elles étoient au-
trefois , à caufe qu'aujourd'hui on ménage mieux le fang des
Soldats , & que l'ancienne temerité eft rallentie , & que mê-
me d'ordinaire un Parti eft fi nombreux que l'autre n'ofe te-
nir la campagne , & fe trouve fifoible qu'il n'ofe hazarder un
combat ; c'eft en partie les raiſons qui ontdonné lieu de dé-
charger les Soldats de l'embarras de leurs Baudriers & de leurs
Bandoulieres.
En effet la longueur des Baudriers a foûjours été fort in-
commode au Soldat dans une marche pendant la pluye , &
dans les Attaques des Places & autres lieux , où il s'agit de
faire quelque action de vigueur : car il fautalors que le Fan-
taffin foit dégagé de tout embarras pour fe glifler plus facile-
ment dans un Vignoble , pour franchir un Foffé, ou pour
paffer par deflus une Paliffade ou une haye.
On a auffi rejetté l'ufage des Bandoulieres , tant pour em-
pêcher que par là on nefaififfe le Soldat au corps , qu'à caufe
qu'on a reconnu que le Soldat étant preffé de tirer , vuidoit
les balles & toute la poudre de fes charges dans les bafques de
fon jufte-au-corps , afin de prendre le tout plus preftement.
C'eſtpour ces raisons que dans cette année 1684. on a ôté
aux Soldats du Regiment des Gardes Françoifes & Suiffes
leurs Baudriers & leurs Bandoulieres , & qu'on s'eft conten-
té de leur donner un Ceinturon , qui fert à porter leurs Epées,
une Bourſe ou Gibeciere où ils mettent leurs balles , & un
Poulverin où ils mettent leur poudre , & où ils attachent auſſi
leur méche , comme on le peut remarquer au Soldat qui eft
ici reprefenté.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 5

5.

A3
6 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Piquiers.

N choifit ordinairement pour Piquiers les Soldats de


O la

d'être plus propres à allonger leurs Piques , & à les prefenter


avec plus de vigueur & d'étendue quand leurs Compagnies
font attaquées par la Cavalerie.
Les Armes offenfives du Piquier font ordinairement l'E-
pée & la Pique ; & les défenfives , le Corfelet , les Braflarts,
&c. dont nous parlerons ci-aprés.
Les Piquiers font emploiez d'ordinaire à la garde des pou-
dres , à caufe qu'ils ne portent point de feu avec eux. Ils font
d'une grande utilité dans les Batailles rangées , & fervent à
affûrer la marche des Troupes dans un païs découvert , où
fans les Piquiers les Moufquetaires auroient peine à refifter
contre la Cavaleire qui les attaqueroit : Car aprés qu'elle au-
toit efluyé quelque décharge des gens de pied , elle ne man-
queroit pas de les mettre en déroute , & de leur paffer fur le
ventre , files Bataillons n'étoient bordez d'un bon nombre
de Piquiers.
On a remarqué qu'un Cheval bleffé d'une Arme à feu n'ent
eft que plus animé; mais quand il fe fent frappé d'un fer de
Pique, tous les Eperons du monde ne le feroient pas avancer.
On remarque auffi qu'excepté dans les occafions que je
viens de dire, les Piquiers font partout ailleurs fort inuti-
les , ne pouvant être employez pour Factionnaires dans des
Poftes avancez , où pour avertir il faut faire du bruit. Ils ne
peuvent auffi fervir dans les Attaques ni dans les Aflauts des
Places, où il faut avoir des Armes aifées à manier, & qui
faflent beaucoup de bruit , pour intimider ceux qu'on atta-
que. Ces raifons & plufieurs autres ont donné lieu cette an-
née de donner à quelques Moufquetaires des Bayonnettes
pour mettre dans leurs canons , quand ils feront attaquez de
la Cavalerie , & faire l'effet des Piques dont peut-être l'ufage
fera ainfi rejetté .
De
OU L'ART DE LA GUERRE 2
J.

0000000

A 4
-8 LES TRAVAUX DE MARS ,

De l'Anfpeçade .

LES Anfpeçades que les Commiffaires de revues nomment


dans leurs regiftres Appointez , à caufe qu'ils ont plus
de paye que les fimples Soldats , font d'ordinaire les plus vi-
gilans & les plus vigoureux Soldats de la Compagnie : Ce
font eux qui enfeignent l'exercice des Armes aux nouveaux
venus dans la Compagnie : & comme ils doivent être fort en-
tendus pour les gardes , en l'abfence des Officiers du Corps-
de-garde ils vont pofer les Factionnaires la Halebarde en
main , ce qui les exempte de Faction , & qui leur donne le
titre de Bas Officier d'Infanterie. Il reçoit l'ordre de fon Ca-
poral. Quand la Compagnie marche , l'Anipeçade porte le
Moufquet , & quelquefois un Fufil , dans le fecond rang.

Du Caporal.

Le Caporal eft d'ordinaire un vieux Soldat , qui a été


Anfpeçade , ou que l'on veut gratifier de ce Pofte en recom-
pente de quelque action de bravoure. Le Caporal comman-
de à l'Anfpeçade , & eft exempt de faction . En l'abfence du
Sergent il commande au Corps- de- garde , &conduit la Ha-
lebarde en main les Factionnaires les plus importans. Il
reçoit le Mot des Rondes qui paffent auprés du Corps- de-
garde : il va l'épée nue pour recevoir le Mot de ceux que les
Sentinelles de fon Corps- de - garde arrêtent , de quelque qua-
lité qu'ils puiflent être : il les conduit au Corps- de-garde , fi
le Mot qu'ils lui ont dit n'eft pas le veritable. Quandla Com-
pagnie marche il porte le Moufquet ou un Fufil ; il eft au
premier rang.
Quand on releve la Compagnie de garde , c'eſt à lui de
configner au Caporal qui entre en garde les ordres qu'il faut
obferver , en cas qu'il y en ait de nouveaux , & de le charger
des meubles du Corps-de-garde , ou de ce qui y eft mis en
depoft , & de l'inftruire du nombre des Sentinelles qu'il doit
pofer tant la nuit que le jour , & de ce qu'il y a à faire d'extra-
ordinaire. Du

1
OU L'ART DE LA GUERRE. g:

Du Sergent.

E Sergent eft d'ordinaire un Soldat qui a paflé par les de-


L grez d'Anfpeçade , ou de Caporal ; quelquefois on lui
donne la Halebarde fans qu'il en ait exercé aucun , principa-
lement quand il eft de belle taille , vigilant , & qu'il içait
bien lire & écrire , qui font des conditions effentielles , prin-
cipalement au pofte du premier Sergent de la Compagnie , à
caufe qu'il tient le regiftre du logement des Officiers & des
Soldats de la Compagnie . Il appelle les Soldats par leurs noms
lejour du preft , & c'eft lui qui le fait d'ordinaire en l'abſen-
ce des Officiers , & pique ceux qui manquent dans les Gar-
des. Le Sergent de garde , en l'abfence des Officiers de la
Compagnie , monte & defcend les Gardes à la tête des pre-
miers rangs la Halebarde en main,qui eftfon Arme ordinaire,
& les autres Sergens, fe mettent fur les Ailes de la Compag-
nie , & là font dreffer & obferver les diftances des rangs &
des files , tant pour la marche que pour le combat. Tous les
foirs le Sergent qui eft de garde vient prendre l'ordredu Ma-
jor ou de fon Aide, & le porter àfon Corps-de-garde ; En-
fuite un autre Sergent valçavoir du Major ce quife paffe de
nouveau pour en avertir les Officiers.
Quand unSergent eft de garde , & qu'il fort du Corps.
de-garde pour quelque affaire d'importance , il laiffe l'Or-
dre & le Mot à un des Caporaux de ceux qui font de garde.

De l'Enfeigne.

L'Enfeigne eftun Officier qui porte le Drapeau de la Com-


où il eft incorporé , quand ily en a un ; mais
dans les Regimens où il n'y a que deux Drapeaux , chacun
d'eux porte le Drapeau à ſon tour.
Si la Compagnie marche en ordonnance , l'Enfeigne
fe doit tenir au milieu des Piquiers , mais la Compagnie
A s allant
TO LES TRAVAUX DE MARS,
allant à l'Aflaut , l'Enfeigne doit marcher avec fon Drapeau à la
tête des premiers rangs.
Dans une Bataille rangée les Enfeignes avec leurs Drapeaux
font hors des rangs , & fe poftent à la tête de leurs Bataillons ,
devant les Piquiers.
Dans quelque Pofte que fe rencontre un Enfeigne avec fon
Drapeau , il doit plûtôt mourir que de l'abandonner , l'hon-
neur de la Compagnie y étant attaché.

Du Lieutenant.

Le Lieutenant eft le fecond Officier de la Compagnie où il eft


incorporé: Il doit être une perfonne intelligente , ayant en
l'abfence du Capitaine le même pouvoir que lui fur la Compag-
nie. Quand elle eft en ordonnance , & qu'elle marche , ille
pofte à la gauche du Capitaine ; & à la droite , fi l'Enfeigne
s'y rencontre. En l'abfence du Capitaine le Lieutenant conduit
la Compagnie , quand elle eft formée en Bataillon ; mais le
Capitaine y étant , le Lieutenant tiendra la queuë.
-
- Du Sous- Lieutenant.

Le Sous-Lieutenant , qui eft le troifiême Officier de la Com-


pagnie, exerce les mêmes fonctions que le Lieutenant.
LeLieutenant , le Sous- Lieutenant , & l'Enfeigne font ap-
pellez Officiersfubalternes.

Du Capitaine.

Le Capitaine eft le premier Officier de fa Compagnie; Il doit


être diligent , courageux & confommé dans les Fortifications
& les Evolutions. Quand il conduit fa Compagnie il doit toût-
jours être à la tête entre le Lieutenant & l'Enfeigne , fuppofant
qu'ils s'y rencontrent. Il doit avoir grand foin de faire inftruire
les Soldats au maniment des Armes , & leur faire apprendre à
fe mettre en Bataille , à fe remettre étant rompus , à faireles
Converfions , & generalement tout autre exercice de Guerre.Le
Capitaine marchant en campagne avec fa Compagnie , ne peut
punir un Soldat de mort , fi ce n'eft qu'il fût rebelle , car alors
il le doittuer : mais pour toute autre chofe il ne peut que le faire
defarmer & dégrader , pour le livrer à la juſtice de ſon Colonel.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE.

zz
12 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Tambour.

LE Tambour eft une perfonne qui par le bruit de fa Caifle aver-


tit le Soldat de fon devoir , ou de quelque Ordre nouveau.
La Caiffe A , que le vulgaire appelle mal -à -propos Tambour
(puifque c'eft le nom de celui qui la porte ) eft un Inftrument
Militaire fait d'une ou de deux planches de châtaigner , jointes
ou tournées en figure cilindrique , creufes en dedans , & cou-
vertes par leurs extrémitez de deux peaux de veau , que l'on ban-
de ou lâche par le moyen de plufieurs ferres B , & cordes C , qui
tiennent à deux cerceaux D , pour faire tenir les peaux contre le
corps de la Caiffe.
Le Tambour , pour rendre le fon de fa Caifle plus harmo-
nieux , attache au deffous de la peau inferieure un timbre ou cor-
de à boyau E, qu'il fait tenir par le moyen du cerceau.
LesBaguettes du Tambour F , font longues de quinze à dix-
huit poûces ; elles font d'ordinaire d'un bois fort dur & net ,
comme eft le poirier , le bois d'Inde , & l'ébéne.
Les Batteries du Tambour font diverfes felon les differentes
occafions qui fe rencontrent , dont voici les plus ordinaires :
Battre la Diane , eft la Batterie que les Affiegeans & quel-
quefois les Affiegezfont à la pointe dujour.
Battre au Champs , eft pour avertir qu'on doit marcher ce
jour- là pour quelque occafion , c'eft ce que l'on nomme d'ordi-
naire le Premier.
Battre le Dernier ou l'Affemblée , c'eft pour avertir le Soldat
de fe rangerpromptement fous le Drapeau.
Battre la Marche , c'eft pour marquer qu'on a prisfes rangs
& que l'on part.
Battre la Fricaffée , c'eft pour avertir que l'on leve ou que
l'on pofe le Drapeau , ou c'eft pour faire avancer un Bataillon
dans une Bataille rangée , ou l'en retirer.
Battre la Charge ou la Guerre,c'eft pour l'avertir de faire feu.
Battre la Retraite , c'eft pour l'obliger à ceffer de tirer , &
à fe ranger au Drapeau , au Bataillon , ou àfon logement.
Battre la Chamade , c'eft quand on veut appeller quelqu'un .
Battre un Ban , c'eſt quand on veut publier quelque Ordre
nouveau , recevoir un Officier , ou châtier quelque Soldat.
Appeller , eft pour avertir le Soldat de venir au plus vîte
prendre les Armes pour faire parade devant quelque Officier
confiderable qui va paffer.
Ordre
OU L'ART DE LA GUERRE 13

13.

D
14 LES TRAVAUX DE MARS ,

Ordred'une Compagnie d'Infanterie Françoife.

Pres avoir parlé en particulier des Officiers des Soldats


A d'Infanterie , qui compofent le corps d'une Compag-
nie , jeles reprefenterai dans cette Planche tous enſemble fe-
lon le rang qu'ils tiennent quand ils la forment , & je me fer-
virai pour exemple d'une Compagnie aux Gardes , qui eft
d'ordinaire de cent hommes , dont letiers eft d'ordinaire de
Piquiers.
A , eft Capitaine.
B , le Lieutenant.
C , l'Enfeigne. Dans une parade l'Enfeigne porte fon Dra-
peau , mais dans les marches ordinaires il le donne à porter à
un Piquier qui eft commis pour cela.
D ,font les Sergens : il y en aun d'ordinaire qui marche
à la queue des Officiers , ou à la tête de la Compagnie , &
c'eft celui que l'on nomme premier Sergent , qui au defaut
des Officiers mene la Compagnie , & afoin du logement des
Soldats audefaut des Fourriers.
E , les Caporaux.
F , les Anfpeçades.
G, les Moufquetaires:
H , les Piquiers.
I, les Tambours.
A la Queuë de la Compagnie eft le Pofte ordinaire du
Sous- Lieutenat , quand les premiers Officiers fe trouvent
à la tête.

D'un
OU L'ART DE LA GUERRE. 15

15.

H
16 LES TRAVAUX DE MARS ,

D'un Regiment d'Infanterie.

Pres avoir traité des Soldats & des Officiers qui com-
pofent une Compagnie d'Infanterie , je dirai que
jonction de plufieurs de ces Compagnies commandées par un
feul chef, eft ce que l'on appelle Regiment d'Infanterie , &
que ce Cheffe nomme Colonel.
Les Regimens d'Infanterie en France font d'ordinaire
diftinguez par les noms de Vieux-corps, Petits - vieux- corps,
ou du nom de quelques Provinces, ou de leur Colonel. Les
noms des fix Vieux - Corps font Picardie, Piedmont, Cham-
pagne, Navarre , Normandie , & la Marine. Pour les
Petits-vieux ils n'ont point de nom fixé , ils prennent celui
des Colonels qui les commandent.
Les Regimens n'ont point un nombre fixé de Compa-
gnies, il y en ade huit Compagnies , d'autres de trente , quel-
ques-uns de cent , & même de plus.
Quand dans une Place fermée ou dans une Garniſon il fe
rencontre un Colonel & un Meftre-de-camp , ( c'eſt ainſi
qu'on appelle le Commandant d'un Regiment de Cavalerie )
c'eft le Colonel qui y commande , s'il n'y a pas un Gou-
verneur d'un degré au deflus de lui.
Quand ilfe rencontre plufieurs Regimens d'Infanterie en-
femble , celui du Regiment des Gardes marche le premier de
tous: & dans une revûë , ou dans une Bataille rangée , il
tient la droite de toute l'Infanterie.
Ily avoit autrefois en ce Royaume un Colonel General de
toute l'Infanterie Françoife ; mais depuis la mort du dernier
Duc d'Efpernon cette charge à été fupprimée : Elle lui don-
noit le pouvoir de nommer à toutes les charges de chaque Re-
giment , & même il avoit dans chacun de ces Corps une
Compagnie à lui que l'on appelloit la Colonelle : La juftice
ne fe faifoit dans tous ces Regimens que fous le nom du Roi
& le fien,

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 17

De l'Etat Major d'un Regiment en general.

Ans chaque Regiment il y a plufieurs Officiers , qui


Dans chaque Regiment il
font compris fous le nom d'Etat Major ; leurs noms
font ,
Le Colonel.
LeLieutenant Colonel.
Le Major.
L'Aide Major.
Le Maréchal des logis .
L'Aumônier.
Le Tambour Major.
Le Prevolt,
Le Lieutenant du Prevoft,
LeGreffier.
Le Chirurgien.
Le Commiffaireà la conduite.
Les Archers &
Un Executeur.

Tom. III. B De
18 LES TRAVAUX DE MARS ,

De l'Etat Major d'un Regiment en particulier.

Du Colonel.

E Colonel doit être un homme riche , d'authorité & de


refpect , pour commander abfolument à fes Capitaines:
Il doit conduire fon-Regiment felon la préeminence que le
Roi ou fon General lui ont donnée : Il doit avoir un foin
particulier que les Compagnies de fon Regiment foient
complettes d'Hommes , & équipées d'Armes. Son Pofte
dans les Revûës, les Batailles, &c. eft à la tête du Regiment : Il
a droit d'interdire les Capitaines & les Officiers Subalternes
de fon Regiment lorfqu'ils manquent au fervice , ou qu'ils
font caufe de quelque fedition : Il doit lui- mêmetoute forte
d'obeillance au General de l'Armée : LaJuftice du Regiment
s'exerce au nom du Roi & au fien : Dans une Garnilon on
pofe d'ordinaire un Corp - de- garde devant le logis du Co-
lonel.
Du Lieutenant - Colonel.
Cette Charge , qui eft la feconde du Regiment , n'eſt
donnée d'ordinaire qu'à un Officier qui s'eft diftingué par fes
belles actions. En l'abfence du Colonel il a tout pouvoirfur
le Regiment. Dans un jour de combat il fe pofte à la tête du
Regiment, & à la gauche du Colonel quand il s'y rencontre.
Le Colonel & le Lieutenant-Colonel ne montent point de
Garde dans la Place où ils font en Garnifon . En l'absence du
Colonel onpofe un Corps- de- garde devant le logis du Lieu-
tenant-Colonel..
Du Major .
Le Major, que quelques-uns nomment Sergent Major ,
doit être un Officier d'une vigilance toute particuliere. Il a
libre entrée chez le General pour recevoir les Ordres neceſ-
faires, tant pour la Marche de fon Regiment , que pour les
Munitions qu'il fait diftribuer à chaque Compagnie : 11
prend l'Ordre du General , ou de celui qui commande en
fon
OU L'ART DE LA GUERRE. 19
fon ablence , ou bien de fon Colonel , & le donne à fon
Aide , ou fur la Place à tous les Sergens de fon Regiment. Il
doit avoir un Rolle de tous les Officiers & de tous les Soldats
de chaque Compagnie , & un foin particulier des malades &
des bleffez , & de tout ce qui appartient generalement à la
fanté des Soldats. C'eft au Major d'avoir le foin de faire faire
l'exercice au Regiment , de le mettre en Bataille dans une
Revue ou Parade , & dans toutes les autres occafions où il
faut qu'il paroille ou qu'il combatte. Le Major eft le feul des
Officiers d'Infanterie qui eft à cheval dans un jour de com-
bat, afin d'être plus difpofé à executer les Ordres de fon Co-
lonel, tant pour faire avancer ou reculer le Regiment , que
pour rallier les Fuyards en cas de rupture.
Der Aide Major.

L'Aide-Major eft un Officier , qui en l'abſencé du Major


a le foin des affaires du Regiment : fon nom fait connoître
que ce doit être une perfonné d'un merite fingulier.

Du Garçon- Major.

On a créé depuis peu cette Charge dans le Regiment des


Gardes , afin que l'Officier qui l'exerce , ait foin de faire faire
l'exercice aux Soldats , & de les conduire en bon ordre tant
en montant qu'en defcendant la Garde : Il a paye de Lieu-
tenant.

Du Marefchal des Logis.


Cét Officier a le foin de loger le Regiment , ce qui lui
donne accés tous les foirs auprés de fon Colonel ou du Major
pour en recevoir les ordres. Dans une marche il doit aller
chaque foir prendre l'ordre du Marefchal des Logis general
de l'Armée pour fçavoir où fera le rendez-vous des Troupes .
& en avertir fon Colonel. Cette Charge dans les Petits-
Corps eft d'ordinaire exercée par l'Aide- Major.

B 2 De
20 LES TRAVAUX DE MARS ,
De l'Aumônier.

Cét Officier , qui eft toûjours un Prêtre dans les Troupes Ca-
tholiques , a foin du Service Divin : fa pieté & fon courage
font d'une grande utilité dans le Regiment où il eft incorporé.
Du Tambour- Major.
L'Office du Tambour-Major eft d'être foir & matin chez le
Major pour recevoir de lui l'ordre de battre la caiffe , afin d'en
avertir les autres Tambours du Regiment. Dans une Revûë le
Tambour-Major fe trouve la canne à la main à la droite des
Tambours de chaque Compagnie , & les conduit jufqu'à la vûë
du Commiffaire ou du Prince qui la fait faire. Le jour d'une
Bataille c'eft lui qui felon l'ordre qu'il reçoit de fon Colonel ou
du Major , fait battre la Charge ou la Retraite.
Du Prevost.
Cette Charge demande une perfonne de coeur, & qui ait quel-
que teinture des loix , puifque fa principale fonction eft d'arrê-
ter les coupables , de pourfuivre les deferteurs , s'en faifir & les
conftituer prifonniers , même d'ouïr leurs interrogations & les
confrontations des témoins , d'inftruire leur procés , & de les
livrer au Major du Regiment. Dans le Confeil de Guerre où il
s'agit de punir quelque Soldat, c'eft lui qui recueille les voix, qui
dreffe la Sentence , & qui la fait executer. Mais furtout il eft
obligé d'avoir un foin particulier que les Soldats qui font arrêtez
prifonniers , foient bien traitez des Geoliers ou de ceux qui les
ont en garde : Il doit auffi avoir foin que le Quartier où loge le
Regiment foit propre , que les Soldats vivent bien avec leurs
hôtes , & que dans un Campement il y ait des commoditez pour
les neceffitez des Soldats. Le Prevolt a le droit de taxer le prix
de toutes les denrées qui fe vendent au Quartier pour la fubfi-
ftance des Soldats du Regiment , aprés qu'il en a conferé avec
le Major. Dans une marche le Prevoft a le foin des Bagages du
Regiment , & doit toûjours avoir un certain nombre de cha-
riots , de charettes ou d'autres voitures propres à conduire les
malades dans les lieux ou dans les Hofpitaux les plus proches du
Campement, ou du lieu où fe doit donner un combat : C'eſt
auffi au Prevoſt à donner le rang aux Vivandiers ou Marchands
qui fuivent le Regiment.
Du Lieutenant du Prevoft.
On confie d'ordinaire cette Charge à un vieux Archer , qui
parfon
OU L'ART DE LA GUERRE. 21
par fon fervice s'eft fait diftinguer d'entre fes camarades. Il fait
en l'abfence du Prevoft une partie de fes fonctions , c'est- à-dire
il arrête prifonnier , il court aprés les deferteurs, il dreſſe mê
me leurs procés , &c.
Du Greffier.
Celuiqui eft revêtu de cette Charge a foin de garder les titres
& les Attes touchant l'Ancienneté & les Prerogatives du Regi-
ment. C'est lui qui dans le Confeil de Guerre , quand il s'agit
de punir quelque Soldat , fait la lecture des Informations , des
Recollemens , des Confrontations , & des Conclufions du Ma-
jor : C'eft auffi lui qui prononce l'Arreft au coupable , & qui
marche quelquefois le premier à cheval quand on le va execu-
ter. Cette Charge eftd'ordinaire exercée par le Lieutenant du
Prevoft.
Du Chirurgien-Major.
Le Chirurgien- Major doit avoir le foin que les autres Chirur
giens du Regiment faffent le poil toutes les femaines aux Sol-
dats de leurs Compagnies. C'eft lui qui garde les drogues & les
onguens propres à la cure des maladies & des playes , & qui a
le foin de garder dans un cofre , qui appartient au Regiment ,
Tous les outils & inftrumens neceffaires à la Chirurgie , comme
la Scie , à fcier les os des bras , des cuifles & des jambes ; le
Trepan, pour ouvrir le teft quand il eft offenfé ; les Sondes , les
Cherche-balles , les Rafoirs , les Biftouris , & c.
Du Commiffaire à la Conduite.
Cét Officier , qui prend la qualité de Commiſſaire des Guerres
afoin dans une marche que les Habitans des lieux de la route
fournitlent au Regiment l'Etape , ou une diftribution de Vi-
vres aux Soldats , ce qui leur eft enfuite payé ou rabatu fur le
rolle de leurs tailles. C'eft auffi le foin du Commiffaire de tra-
vailler avec le Maire ,ou les principaux Habitans du lieu où doit
fejourner le Regiment , à regler les billets pour le logement des
Soldats.
Des Archers.
La principale fonction des Archers eft d'accompagner le Pre-
voſt à la pourſuite des deferteurs , & de les conduire au fupplice.
De L'executeur.
C'eft d'ordinaire un coupable de vol , à qui on fait grace du
crime dont il châtie fes camarades.
B 3 Ordre
22 LES TRAVAUX DE MARS ,

Ordredes Poftes d'un Regiment mis en Bataille.

Our donner une idée plus particuliere des Poftes que les
PouOfficiers tiennent dans leur Regiment , j'en reprefente-
rai ici un de douze Compagnies mis en Bataille. Les lettres
marqueront le Pofte particulier de l'Officier qui fera nommé ,
fçavoir ,
Le Colonel A.
LeLieutenant-Colonel B.
Les Capitaines C.
Le Major D.
L'Aide- Major E.
LesLieutenans F.
Les Enteignes G. S'il fe rencontre des Lieutenans refor
mez dans le Regiment, leurs Poftes font à la droite & à la
gauche des Enfeignes , & fur la même ligne , ou avec les
Sous-Lieutenans à la queue du Bataillon.
Les Sergens H.
Les Sous- Lieutenans I.
Le Tambour-Major K.
Les Tambours L.
Les Moufquetaires M.
Les Piquiers N.
Pour ce qui eft de l'Aumônier , du Chirurgien & des au-
tres Officiers de l'Etat Major , ils n'ont point de Pofte fixe
quand le Regiment eft en Bataille , étant obligez d'aller où la
neceffité de leur Charge les appelle.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 23

23

B4
24 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Marche d'un Regiment par divifion.

Oit que le Regiment faffe revûë , qu'il entre ou qu'il for-


Soit te de quelque Place , c'eft la coûtume que tous fes Sol-
dars & Officiers qui font capables de porter les Armes s'y ren-
contrent chacun dans fadivifion,afin que lesPoftes étant rem-
plis onjuge plus certainement du nombre des Soldats & des
Officiers , principalement quand ils défilent quatre à quatre ,
fix àfix, ou huit à huit : dans cét exemple nous le ferons défi-
ler par divifion de 6. de front , & nous marquerons de lettres
les Poftes de chaque Officier felon leur rang , fçavoir :
A , le Colonel à la tête de fon Regiment , cinq ou fix pas
devant les Capitaines.
B , le Lieutenant-Colonel à la gauche du Colonel , à trois
ou quatre pas des Capitaines.
C, la moitié des Capitaines à la tête , & l'autre moitié à
la queue du Regiment.
D , les Lieutenans à la tête de chaque divifion des Mouf-
quetaires.
E , les divifions des Moufquetaires de la premiere manche.
F , les Tambours à la tête , au centre & à la queuë du Re-
1
giment.
G , lesSous-Lieutenans à la tête des divifions des Piquiers
H , les divifions des Piquiers.
I , les Enfeignes avec leurs Drapeaux,
K, les Moufquetaires de la feconde manche.
L , les Sergens fur les Ailes des divifions , pour faire ob-
ferver les rangs.
M, le Majorqui fait défiler.
N, l'Aide-Major.

"

De
OU L'ART DE LA GUERRE 25

25

D
N
D

Bi
26 LES TRAVAUX DE MARS ,

De l'Infanterie Suiffe.

neral Mr.il y
ENFrance leaDuc
un Corps d'Infanterie Suiffe , qui a pour Ge-
du Maine.
Dans chacun de fes Regimens il y a un Colonel , un Lieu-
tenant Colonel , un Major, deux Aides- Majors , & un grand
Juge.
Dans chaque Compagnie il y a un Capitaine , un Lieute-
nant , un Sous- Lieutenant , un Enfeigne , quatre Sergens , qua-
tre Trabands , un Prevoft , un Juge , un Capitaine d'Armes ,
un Fourrier , un Secretaire , & un Porte Enfeigne.
La Compagnie Colonellle du Regiment des Gardes Suiffes ,
a deux Lieutenans & fix Trabands , & marche d'ordinaire dans
l'ordre fuivant :
Le Capitaine A.
Deux Lieutenans B.
Un Sergent C.
Quatre Trabands D..
Les Caporaux E.
Les Anfpeçades F.
Quatre Tambours , & le Fifre G.
Les Moufquetaires H , de la premiere manche.
Deux Trabands I.
Deux Tambours K.
L'Enfeigne L.
Les Piquiers M.
Les Moufquetaites N , de la feconde manche.
Le Sous-Lieutenant O.
Sur les Ailes de la Compagnie font les Sergens P.
Traband eſt une perfonne choifie pour la défenſe particuliere
du Capitaine & du Drapeau.
L'Arme du Traband outre l'Epée , eft une Halebarde , dont
le fer eft taillé par fon extremité en lame de Pertuifane , & fes
deux côtez en Hache- d'Armes , & en bec de Corbin. Il porte
d'ordinaire la livrée du Colonel : il eft exempt des Factions , &
a par jour huit deniers de paye plus que les Soldats ordinaires de
la Compagnie.

CHA
LA GUERRE.
OU L'ART DE I 27

27
ON
LY
OU L'ART DE LA GUERRE. 2.9

CHAPITRE II.

Des Armes Offenfives & Défenfives quifont

enufage dans l'Infanterie.

Des differentes fortes d'Epées.

Omnie je fuis fur les remarques des Armes du Soldat ,


je dirai en paffant , que dans tous les lieux où j'ay
C été, je n'ay point vu de Magazin d'Armes fi bien
fourni de toutes fortes d'Epées que celui du Château de
Chantilly, Maiſon de plaifance de Monfieur le Prince ; car
outre qu'on y trouve une infinité d'Epées tres- anciennes , il
y en ade toutes les Nations ; fur tout on y en voit quantité
de celles qui font les plus ufitées pour l'Attaque & pour la
Défenfe des Places :J'ay crû obliger les curieux d'en reprefen-
ter ici quelques-unes par ordre alphabetique.
A, eft un Braquemar , un Couteau ou une Epée de Cour,
fa longueur eft d'un pied & demi.
B , eft une Epée de Rencontre ; nous en avons parlé dans
les pages précedentes , expliquant l'Equipage & les Armes
du Soldat.
C, cft une Eftocade , une Brette , ou une Epée de lon-
gueur; fa lame eft étroite & longue : en y comprenant fa
poignée elle a quatre pieds de longueur.
D , eft un Eſpadon ou double Epée ; fa lame eft fort lon-
gue & tranchante des deux côtez ; fa poignée eft de diffe-
rente longueur ; celles qui ont deux poignées & deux pom-
meaux ont ordinairement un pied & demi de longueur ;
l'on ne fe peut guere fervir de l'Eſpadon qu'avec les deux
mains.
E , eftune Epée fourrée , ou en bâton ; les Soldats s'en fer-
\ vent
1

1
30 LES TRAVAUX DE MARS ,
vent quand ils fe déguiſent en Marchands ou en Païfans pour
furprendre quelque Pofte .
F , eft une Epée à la Suiffe avec fa garde faite de deux pon-
tais MN , & de plufieurs branches.
G, eft une Epée à l'Eſpagnolle & à la Portugaife , ayant
fa garde creufe en maniere de calotte , avec deux grands quil-
lons OP , & un petit reversR : fa poignée eft fort courte ,
& fonpommeautres-petit.
H, eft un Poignard ; il eft fort en ufage en Italie , en E-
fpagne , & en Portugal.
I, eft une Bayonnette, ou une petite lame montée dans
un manche de bois ; le Soldat s'en fert dans quelques occa-
fions comme d'une demi - pique , en mettant ſon manche
dans le Canon de fon Fufil.
K , eft un Sabre ; ily en ade droits & de courbes ; les uns
& les autres font fort en ufage dans la Cavalerie : Ceux que
l'Infanterie Suiffe porte en France font courbez , & quel-
ques-uns los nomment Cimeterres : fa lame n'eft pas tout-à-
fait fi longue que celle de l'épée , mais en recompenfe elle eft
prefque deux fois plus large ; le Suiffe en frappe plus d'eftra-
maçon que de pointe.
L, eft unCimeterre ; il ne differe du Sabre courbé qu'en
ce qu'il a plus de courbûre , & que fa pointe eft comme échan-
crée en portion de cercle.

Ex-


OU L'ART DE LA GUERRE. 31

31

H M E
32. LES TRAVAUX DE MARS ,

Explicationparticuliere des parties du Moufquet.


Dans la page 2. de ce Volume j'ay parlé en general de quel-
ques pieces du Moufquet ; prefentement je vais nommer
en détail toutes celles qui le compofent.
A, eft le Canon ; dans les Troupes d'Infanterie pour n'être
ni trop pefant , ni trop foible , on l'a reglé à trois pieds & fix
pouces de longueur , fur une ligne d'épaiffeur vers fa bouche , &
de quatre à fa culaffe. Pour fon calibre il eft d'ordinaire de huit
lignes de Diametre. A huit lignes de la culaffe il eft percé d'un
petit trou, que l'on appelle Lumiere , & qui fert à communi-
quer le feu du Baffinet à la poudre qui eft dans le Canon.
B, eft la Platine ; c'eft une plaque de fer où font attachez le
Serpentin & le Baffinet. On la fait d'ordinaire tenir au Fuft du
Moufquet par trois viffes & un fichet.
C , eft le Serpentin ; c'eft une piece de fer attachée à la Pla-
tine par le moyen d'une viffe. L'extremité du Serpentin qui pa-
roît en dehors de la platine , eft coupée en deux feuilles pour re-
cevoir la Méche , qu'on y fait tenir par le moyen d'une viffe qui
ferre les deux feuilles : l'autre partie du Serpentin quife trouve
engagée fous la platine , formeune petite gachette , où va ré-
pondre la clef.
D , eft le Baffinet ; il eft fait de quatre pieces de fer , pofées*
en faillie fur la platine vis-à-vis la lumiere du Canon : La petite
piece inferieure qui eft taillée en creux pour recevoirla poudre
de l'amorce , eft celle que l'on nomme proprement Baffinet , à
caufe defa figure ; celle de deffus , ou la feconde piece , s'appel-
le Couverture , la troifiême Garde-feu , & la quatriême eft la Viffe
qui les tient toutes enfemble.
E , eft la Croffe ou le derriere du Fuft du Moufquer ; elle eſt
longue & large & même platte par fon extrennité où elle touche
l'eftomach du Soldat , afin que l'effort du recul lui foit moins
fenfible quand il tire fon coup.
F , eft la Clef; c'eft un morceau de fer dreflé en maniere d'S, qui
eft écroué par le bout, lequel eft caché dans la platine pour tenir
à la gachette du Serpentin , & le faire jouer au gré du Soldar. ་
G , eft le Fuft ; c'eft la longue piece de bois qui eft taillée en
canal ; elle eft d'ordinaire de la même piece de bois que la Crof-
fe , fon Canal foûtient le Canon , qui y eft engagé & qui ytient
par deux tenons ; le bois de noyer eft eftimé le meilleur pour
les Fufts.
H , eft la Baguette ; c'eft une maniere de gaule de bois de
chêne , dont on fe fert pour charger le Moufquet : elle tient au
deffous du Fuft par le moyen de trois Porte-baguettes. De
OU L'ART DE LA GUERRE 33

33.
‫ועגור‬

Tom,111. C
34 LES TRAVAUX DE MARS,

Dela Charge du Moufquet , de la maniere de le tirer.

E Moufquet étant du calibre que j'ay dit dans la page pré-


cedente , il faut une demi-once & un gros de poudre de
Magazin pour le charger.
Quand le Soldat n'a point de fourniment , & qu'il eft
preffe de tirer, il met d'ordinaire la balle dans le creux de fa
main ,
la couvre en fuite de poudre jufqu'à ce qu'elle ne
paroiffe plus ; cette quantité de poudre eft à peu près ce qu'il
enfaut pour charger fon Arme.
Les Balles du Moufquet du calibre ordinaire , font de fept
lignes de Diametre.
L'Amorce du Moufquet doit être d'une poudre plusfine"
que celle de la charge ordinaire.
La Méche la plus ferrée & la plus féche eſt préferable à la
nouvelle.
La Portée ordinaire du Moufquet , comme j'ay dit en plu-
fieurs endroits de cét Ouvrage , eft ordinairement de cent-
vingt toifes ; mais quand on le charge un peu plus que fon
ordinaire, il portejufqu'à cent-quarante & cent-cinquante
toiles.
Les bonnes Décharges ne fe doivent faire que de la demie
portée ou des deux- tiers, & c'eft un grand hazard quand elles
réüffiffent à la portée entiere.
Pour bien coucher enjouë , il faut que le Moufquetaire
pofe la Croffe du Moufquet contre fon eftomach un demi-
pied au deffous du menton ; la main gauche fous le fuft , vers
l'endroit où la baguette entre dedans ; il doit avoir la main
droite fur la croffe du côté de la platine , en telle forte que fon
poûce foit éloigné du derriere de la culaffe de quatre ou cinq
doigts , & que les autres doigts de fa main foient fous la clef
pour faire jouer le ferpentin. Il faut que le bout du Mouſquer
foit toûjours à la hauteur du gros de l'Ennemi , ou vis -à-vis
la genoüillere du Cavalier , quand il eft monté fur fon che-
val.
" Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 35.

35

TYT

G 2
36 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Fufil.

LEFufil, qui a d'ordinaire quatre pieds & dix poûcesde ton-


gueur, eft compofé de trois principales pieces , qui font
Sa Montûre marquée A.
Son Canon marqué B.
Sa Platine marquée C , & de fon Equipage.
Dela Monture.

Les principales parties de la Montûre , Fuft ou Bois fant


La Croffe D.
La Poignée E.
Le Canal F.
La LongeG, &
La Baguette H.
Du Canon.
Le Canon,qui eft long de trois pieds & huit pouces, ſe diſtin-
que en Corps & en Culaffe. Le Corps confifte en la bonté de fon
fer & en la beautéde fes ornemens ; & la Culaffe en fa Queuë.
De la Platine.

La Platine , qui eft longue de cinq poûces , a pour principa


lespieces
Le Baffinet I.
La Batterie K.
Le Reffort de Batteric L.
Le Chien M.
La Noix N.
Le grand Reffort O.
La Gachette P.
Le Reffort de la Gachette Q
Et la Bride R.
De l'Equipage de Fufil.
L'Equipage du Fufil confifte en
Sa Plaque S.
Son Poûcier T.
Son Ecuffon V.
Sa Détente X.
Sa Sous-garde Y.
Sa Porte-ville Z.
Et quatre Porte-verges ou Baguettes.
De
OU L'ART DE LA GUERRE.
37

B H
M

S
X
38 LES TRAVAU DE MARS ,

DelaPique, de la Demi -pique.

A Pique eft l'Arme ordinaire des Piquiers & des princi-


LAPique
paux Officiers d'Infanterie.
Elle eft faite d'un fer marqué A , & d'une Hampe B.
Son ferpour être bien fait , doit être par fa pointe de la fi-
gure d'une feuille d'Abricotier , pointuë & tranchante des
deux côtez, ayant en longueur environ quatre pouces , &
deux dans fa plus grande largeur : Ses Branches , qui fervent
à l'attacher à fa Hampe , doivent pour le moins être de deux
pieds de longueur , & d'une force capable de refifter aux
coups de Sabre que les Cavaliers ennemis y pourroient porter
pour les faire fauter , & à leur defaut fe donner jour entre les
Piquiers: Le moins de trouxque l'on peut faire à fes bran-
ches pour les faire tenir dans les fueillûres de leurs Hampes,
eft toûjours le meilleur.
La Hampe de la Pique pour être bonne , doit être faite
d'un brin de bois de frêne bien droit , & de l'épaiffeur de
quatorze à quinze lignes dans fon plus fort.
Autrefois les Piques étoient de quatorze à quinze pieds de
longueur entre le fer & le talon , mais depuis quelques années -
on lesa reglées à treize pieds & demi , & tout au plus à qua-
torzépieds de longueur.
Le Talon de la Pique eft d'ordinaire garni d'une virolle de
fer ou de cuivre , creusée par un côté pour recevoir la hampe,
& de l'autre côté elle eft pointue pour fervir à ficher la Pique
en terre , quand on ne la veut pas coucher.
La Demi-pique , que quelques-uns nomment Sponton ,
eft de huit à neuf pieds de longueur ; fon fer eft de la mêmẹ
figure que celui des Piques , excepté que la pointe eft plus
petite , fa largeur plus étroite , & fes branches plus courtes :
fon bois eft de la même efpece que celui des Piques ; il y en a
1
auffi quelques- unes de bois d'ébene & d'Inde.
Les Officiers d'Infanterie fe fervent de la Demi-pique dans
les actions de Parade.

De
OU L'ART DE LA GUERRE 32

39

C4
40 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Halebarde, des autres Armes qui ont à peu prés


fa figure & fa grandeur.

LAHalebarde eft l'Arme ordinaire des Sergens d'Infanterie :


Ily en a de plufieurs façons , mais les plus ufitées font com-
me la marquée A.
Son fer pour être bien fait doit avoir fa pointe en lame d'é-
pée , & trancher des deux côtez : fa longueur eft d'un pied à
quinze poûces , depuis fa pointe jufqu'au bout de fon manche,
qui eftcreux pour y recevoir fa hampe : Ce fer eft taillé d'ordi-
naire au pied de la lame , d'un côté en maniere de croiffant , &
del'autre en maniere d'étoile , & un peu au deffous fontun ou
deux crochets qui y font rivez & fort commodes pour élever des
fafcines , ou les attirer à foi , & même pour détourner ce qui
pourroit faire obftacle dans quelque paffage , comme gabions ,
facs de laine , futailles & autres chofes qui fervent à faire des
Barricades & des Retranchemens.
La Hampe ou le Manche de la Halebarde eft de bois de frêne
de cinq pieds & demi de long fur un poûce & demi de groffeur ,
de maniere que la longueur de la Halebarde toute montée eft
d'ordinaire de fix pieds,trois au quatre poûces: Le Talon ou l'ex-
tremité du bas de la Hampe eft quelquefois garni d'une maniere
de petite virolle de fer où de cuivre , qui eft creuſe d'un côté ,
pour y être attachée , & de l'autre côté pointue pour mieux fi-
cher la Halebarde en terre quand on fait halte , afin de marquer
où eftla tête de la Compagnie ou celle du Bataillon.
Les Sergens fe fervent fort utilement de la Halebarde pour
déterminer l'étendue du terrain qu'il doit y avoir entre les rangs,
& même pour dreffer les Files , & faire défiler les Soldats felon
l'occafion , & les châtier en cas de defobeïffance.
B, eft une Pertuifane ; fa Hampe qui eft de la même nature
que celle de la Halebarde , eſt un peu plus groffe & un peu plus
Jongue.
Č , eft une Hache d'Armes ; par la figure on peut bien juger
quefon ferfert à frapper par un côté , & à acrocher par l'autre.
D , eft une Faulx ; cette Arme eft tres bonne pour la défenſe
desDehors,la grandeur de fon fer étant d'une étrange execution .
E, eftune Fourche ; fon fer qui eft taillé en maniere de deux
pointes , aun crochet proche l'endroit où il eft attaché à fon
manche: Certe Arme & les précedentes font tres-bonnes pour
la défenſe des Poftes où il faut combattre de prés , lorfqu'on n'a
pas le temps de fe fervir des Armes à feu.
Des

(
OU L'ART DE LA GUERRE. 41

41.

E
42 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Armes Défenfives quifervent aux Piquiers


aux Officiers d'Infanterie.

Omme le principal employ des Piquiers eft de faire fer-


me contre la Cavalerie , on leur a donné des Armes
pour les couvrir des coups du Cavalier , principalement du
coup d'eftramaffon ou de revers .
Les noms de leurs Armes Défenfives font d'ordinaire ,
Le Cabafſet A.
Le Corfelet B.
Les Braffarts C.
Les Taffettes D.
Le Hauſle-col E.

DuCaballet.

Le Cabaffet , que l'on nomme d'ordinaire Pot-en-tête ,


fert à couvrir la tête des Piquiers ; autrefois les Piquiers du
Regiment des Gardes enportoient fous le nom de Bourgui-
gnotte , mais peu à peu ils en ont quitté l'ufage à caufe de fa-
pefanteur.

Du Corfelet.

Le Corfelet, qu'on nommolt anciennement Halecret ,


eft compofé de deux grandes pieces qui couvrent le devant &
le derriere du corps. Le Corfelet differe de la Cuiraffe , en
ce que la Cuiraffe eft à l'épreuve du Moufquet , & le Corfeler
ne l'eft que du Piſtolet ou du coup d'eftramaffon : les Piquiers
du Regiment aux Gardes s'en fervent encore aujourd'hui."

Des Braffarts.

Les Braffarts accompagnez de leurs Epaulieres , fe joi-


gnent au Corfelet par le moyen de trois boucles : ils ferventà
cou-
OU L'ART DE LA GUERRE. 43

43

A
1
44 LES TRAVAUX DE MARS,
couvrir les épaules , & à garnir les bras du Piquier : ilsfont
conpofez de plufieurs lames du même fer que le Corfelet ,
attachées les unes fur les autres par plufieurs cloux rivez de
part & d'autre , & difpofées d'une telle maniere les unes fur
les autres , qu'elles s'allongent ou fe refferrent felon que le
Piquier a envie de retirer ou d'avancer fon bras. Les Armu-
riers les enrichiffent d'ordinaire de cloux perdus.

Des Taffettes.

Les Taffettes & les Cuiffarts fervent à couvrir le deffaut


" de la Cuiraffe , où ils font attachez par quatre boucles , & à
couvrir une partie du bas-ventre & le devant des cuiffes; elles
font du même fer que les Braflarts , & travaillées de la même
maniere avecplus d'étendue & moins de rondeur.

Du Haufe-col

Le Hauffe-col , qui eft d'ordinaire de fer ou de cuivre


doré , eft quelquefois accompagné de fon Gorgerin ; les
Officiers Subalternes d'Infanterie , & les Capitaines, les
Lieutenans- Colonels, & même les Colonels , n'ont point
d'autres Armes Défenfives dans les revûës , dans les gardes,
& même dans le combat.
Les Piquiers Suiffes du Regiment des Gardes en France ,
& même leurs Officiers dans les revûës , les gardes , & les
combats , portent d'ordinaire le Pot-en-tête , le Corfeler ,
les Braffarts & les Taffettes.

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 45

CHAPITRE III.

Des Exercices des Armes en ufage


dans l'Infanterie.

Ans difficulté ce Chapitre eft un des plus neceffaires

Squ'ily ait dans ceVolume touchant les Officiersd'In-


fanterie , principalement pour les Officiers Subalter-
nes , puifqu'ils y peuvent remarquer toutes les differentes
Poftures que les Moufquetaires & les Piquiers font obligez
de faire pour refifter à leurs Ennemis , & même la maniere
qu'ilfaut tenir pour enfeigner aux Soldats à bien faire l'exer-
citefelon la Methode la plus nouvelle.

Dis
LES TRAVAUX DE MARS,

Des Moufquetaires.

Vant que de parler des Exercices , je repreſenterai dans


A cette page comme en maniese de prelude , les princi-
pales poftures que doivent tenir les Moufquetaires étant fous
les Armes. Il n'y a perfonne qui ne fçache que pour bien ar-
mer un Moufquetaire , il doit être muni d'un Epée , d'un
Ceinturon , fourni de fa Gibeciere , d'un Poulverin , de
Méche , & de fon Fournirement , avec un Moufquet garni
de toutes fes pieces.

La figure A reprefente un Moufquetaire en poſture , &


preft à recevoir le commandement.

La figure marquée B, reprefente un Moufquetaire ſe repo-


fantfurles Armes.

La figure Creprefente un Moufquetaire qui attend le com-


mandement pour tirer.

La figure D reprefente un Moufquetaire qui couche en


jouë.

La figure E reprefente un Moufquetaire qui tire les genoux


enterre, oupour border la haye.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE, 47

47

W233
‫در باالله‬

D
E
X
V AU
S RA RS
48 LE T DE MA ,

Des Piquiers.

N confiderera dans cette planche les Piquiers fous les


ONArmes , avec leurs principales parties , felon les di-
verfes occafions de marcher oude combattre: Je les reprefente
avec la Bourguignotte en tête qu'ils avoient accoutumé de
porter pour le garantir dans un Combat & dans une Mélée ,
des coups de Sabre que le Cavalier leur pouvoit porter. C'eſt
à leurs Anfpeçades ou Sergens à les inftruire au maniment de
leurs Armes.

A, Pique plantée.

B, Pique en avant.

C, Pique contre la Cavalerie.

D , Pique haute.

E , Pique de biais,

Des
OU L'ART DE LA GUERRE 49

49

3335

D
E

Tom. III. D
150 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Bataillons engeneral.

Ous les Gens de Guerre avant que de faire l'Exercice , ou


T de fe mettre en Bataille , pour entrer ou fortir des Villes ,
ont accoûtumé de fe joindre & de s'aflembler en de petits Corps,
& cespetits Corps s'appellent en l'Infanterie un Bataillon A,&
dans la Cavalerie un Efcadron B :je parlerai de ces derniers dans
le Chapitre de la Cavalerie.
Le Bataillon eft compofé de Piquiers & de Moufquetaires ,
& dans les Evolutions on divife le Bataillon en trois Gros ou
trois Corps tous les Piquiers font un Corps , que l'on met au
milieu , & les Moufquetaires font partagez en deux Corps ou
Manches , qui fe mettent fur les Ailes , comme il fe voit dans
le gros Bataillon A , qui eft divifé en trois Corps , dont celui
des Piquiers eft placé au milieu .

Definition des Parties d'un Bataillon.


AB , Front du Bataillon , Face du Bataillon , Chefde Files ,
Rang du Bataillon , ou Tête du Bataillon.
CD , Serre- Demi-File.
EF , Demi-File.
GH , Serre- File.
AG , Flanc du Bataillon , Aile du Bataillon , Hauteur du
Bataillon , File du Bataillon.
AGIK , Demi- Rangs de main droite.
BHLM , Demi-Rangs de main gauche.
AG , Aîle droite.
BH , Aîle gauche.
AGNO, Quarts de Rang de l'Aîle droite.
BHPQ, Quarts de Rang de l'Aîle gauche.
XYZ , &c. Quarts de Rang du milieu.
Il y a encore les Quarts de Files de la Tête , de la Queue, &
du Milieu ; mais pour cela il faut que les Bataillons foient à huit
de hauteur , ce qui n'eft plus ufité ou fort rarement.
Les Bataillons n'ont point un nombre fixe d'Hommes , mais
les bons font ceux que l'on fait depuis 600. jufqu'à mille hom-
mes: on les met à fix de hauteur , & quelquefois , mais rare-
ment , à huit.

Des
OU L'ART DELA GUERRE. st

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52 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Bataillons en particulier.

UNBataillon pour être


ralleles entr'elles bien dreffé
auffi-bien , doit
que fes Rangs avoir fes Files
. C'est pa-
une cho-
fe que l'Officier qui commande doit être fort foigneux de faire
obferver, auffi bien que de faire tenir les Rangs & les Files
droites ; à quoi fervent beaucoup les Sergens , qu'il fera tenir
fur les Aîles.
Pour la facilité des Evolutions & la beauté de l'Exercice , il
faut , fi cela fe peut , que lesRangs & les Files foient en nombre
pair.
La diftance qui doit être entre les Rangs & entre les Files
d'un Bataillon , eft autant differente qu'il fe trouve de differen-
tes occafions pour faire des mouvemens , & qu'on eft obligé
de fe former fur des Terrains diffemblables.
Quand on voudra faire, défiler un Bataillon , on commen-
cera par fa droite .
Quand un Bataillon paffe fous le Canon de l'Ennemi , file
terrain le permet , la diftance entre les Rangs & les Files doit
être de dix-huit pieds , afin que dans ce grand intervalle le Bou-
let trouve moins de prife.
Dansune Montre ordinaire dans l'Exercice , & dans une Re-
vûë , foit generale ou particuliere , on donnera douze ou treize
pieds entre chaque Rang , & trois ou quatre pieds entre chaque
File.
Dans un Combat d'un Bataillon contre de l'Infanterie feule ,
la diftance des Rangs & des Files eft ordinairement de trois ou
quatre pieds. Un Bataillon voulant refifter aux efforts d'un Ef
cadron , & empêcher que le choq de la Cavalerie ne s'y faffe
jour & ne le renverfe , cette diſtance doit être de quatre pieds.
Dans un Bataillon qui combat , lorfque les premiers Rangs
qui ont fait feu à la tête du Bataillon regagnent la Quenë du mê-
me Bataillon , ils paffent par les intervalles des Files , afin d'al-
ler recharger à la Queue , tandis que les autres Rangs font leur
décharge : Il eft alors de la prudence de l'Officier qui comman-
1 de, de laiffer cét intervalle propre & commode à défiler de la
forte , s'il n'aime mieux que les Rangs qui ont tiré , fe coupent
au Demi-Rang , & que paffant par les Aîles du Bataillon , ils
en regagnent la Queuë.
Quand un Bataillon eft fur fon front , c'eft-à - dire , quand
tous les Soldats font face vers le même côté , fil'on fait à droit
& à gauche , ce qui étoit File devient Rang , & reciproque-
ment , ce qui étoit Rang devient File : de forte que la Tête &
la Queue font alors confiderées comme les Aîles ou les Flancs ,
& les Flancs font comme la Tête ou la Queue. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 53
·
Des chofes neceffaires à un nouveau Soldat ,
pour entrerdans un Bataillon.

Vant que d'introduire un nouveau Soldat dans un Ba-


A taillon , les Anfpeçades , les Caporaux , ou les Ser-
gens , doivent le drefler au maniement des Armes , tant de
la Pique que du Moufquet , & lui apprendre tous les temps
& toutes les mesures que l'on obferve dans le Regiment , l'a-
vertiflant comme il fe doit regler & gouverner par l'homme
qui eft à la droite. De plus ils lui montreront comme il faut
qu'il fetienne fous les Armes , en lui faifant obferver de pren-
dreun pied de diftance entre fes deux talons ; & dans cette
fituation on lui fera faire à droit & à gauche , l'avertiflant
qu'on tourne toûjours fur le pied gauche , & qu'on doit toût-
jours partir du mêmepied gauche.
Il lui faut auffi apprendre les mefures pour marcher en fe
tenant le Corps droit , & ayant les deux Epaules dreffées en
ligne droite , felon les deux Epaules de l'homme de fa droite ,
& quand on marche en Bataille , ou qu'on fait alte , ilfaut
qu'il obferve les mêmes mesures des Epaules de fa droite , en
telle forte que le bout defon pied droit foit aligné avec ceux
de fa droite, obfervant que les bouts de fes deux pieds & ceux
des hommes de fa droite faffent un front égal.
Il lui faut enfeigner les mefures pour le quart de conver-
fion foit qu'on le faffe à droit ou à gauche , & furtout il lui
faut bien repeter qu'il ait un foin particulier de fe bien dreffer T
fur les deux Epaules de celui de fa droite , ou fur celles de ce-
lui de fa gauche , felon qu'on doit tourner à droit ou à gauche.
En un mot pour regler jufte fa fituation , il lui fautprefcri-
re dele tenir avec foin dans l'Enfilade des hommes qui font
devant lui , & fur le même front de ceux qui font à fes côtez ,
commel'unique fecret de tenir les Rangs & les Files droites.

D 3 Des
54 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Commandemens tant pour l'Exercice du Moufquet ,


quede la Pique.

Es Commandemens font les paroles que prononce l'Offi-


L cier pour exprimer les mouvemens qu'il ordonne , &
ces Ordres ou Commandemens partent toûjours de la bou-
che d'un feul Officier ( ou du bruit de la caiffe d'un tam-
bour ) qui fe tient à la tête du Bataillon : Et quand le Batail-
lon eft grand, il y a d'auttes Officiers fur les Angles qui re-
petent les mots aux Soldats , à caufe que les mêmes Soldats
font trop éloignez de l'Officier qui commande pour pouvoir
entendre les Commandemens qu'il fait.
La hauteur & le front du Bataillon étant déterminez , &
le Bataillon par confequent étant formé , les Piquiers au mi-
lieu des Manches des Moufquetaires , les Diftances étant
égales , les Rangs droits , & les Files droites , l'Officier qui
faire l'Exercice dit d'abord :

Pofez vos Méches à terre.

AceCommandement les Piquiers quifont haut la Pique,


font Pique en terre , &fuivent l'ordre des Commandemens,
Adroit, quatrefois.
A gauche , quatrefois.
Demi-tour à droit.
Remettez-vous.
Demi-tour àgauche.
Remettez-vous.

Ici les Piquiers fansfaire aucun mouvement , reftent Pi


queen terre.
Portez la main droite au Moufquet.
Haut le Moufquet.
Joignez la main gauche au Moufquet .
Prenez la Méche.
Mettez la fur le Serpentin
Com
OU L'ART DE LA GUERRE. 5
Compaffez la Méche.
Mettez les deux doigts fur le Baffinet.
Souflez la Méche.
En jouë.
Tirez .
Retirez vos Armes.
Reprenez la Méche.
Remettez - la en fon lieu.
Souflez fur le Baffinet.
Prenez le Poulverin ,
Amorcez.
Fermez le Baffinet.
Souflez fur le Baffinet.
Paflez le Moufquet du côté de l'Epée.
Prenez le Fourniment.
Mettez-le dans le Canon.
Laiflez tomber la poudre dans le Canon,
Remettez le Fourniment en fon lieu.
Tirez la Baguette.
Haut la Baguette.
Raccourcillez la Baguette.
Mettez-la dans le Canon.
Bourrez,
Retirez la Baguette.
Haut la Baguettte.
Raccourciffez la Baguette.
Remettez-la enfon lieu.
Portez la main droite au Moufquet.
Haut le Moufquet.
Moufquet fur l'épaule.
Ici les Moufquetaires ne bougent.
Haut la Pique.

Ici l'Officierqui commande , dit : Prenez garde à vous, Ba


taillon.
Prefentez vos Armes.
D 4 Joi
36 LES TRAVAUX DE MARS ,
Iciles Piquiers ne bougent.
Moufquetaires aprêtez- vous
Ici les Piquiers & les Mousquetaires prefentent leurs
Armes.
Adroit , quatrefois.
A gauche , quatrefois.
Demi-tour à droit.
Remettez-vous.
Demi- tour à gauche .
Remettez-vous.
Iciles Piquiers demeurent Piquesprefentées.
Enjouë.
Tirez.
Retirez vos Armes.
Ici les Piquiersfont haut la Pique.
Moufquetfur l'Epaule.
Repofcz- vous fur vós Armes.
Pofez vos Armes à terre.
Iciles Piquiersfont Pique en terre.
Reprenez vos Armes.
Moufquet fur l'Epaule.
Ici les Piquiersfont haut la Pique.
Reprenez vos Méches.
Ici les Officiers reprennent leurs Poftes , & marchent
dans l'Ordre qu'ils étoient venus , jusqu'à ce qu'ils ayent re-
conduit le Drapeau.

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. $$

CHAPITRE IV.

Des Evolutions.

Des Evolutions & de leurs parties.

Es Evolutions fe reduiſent & confiftent aux Double-


mens , aux Contre-marches , aux Converfions ,
L & c.
Quelque Doublement qu'il fe faffe , il faut toûjours par-
tir du piedgauche.
Doubler les Rangs n'eft autre choſe que de deux Rangs
n'en faire qu'un , ou mettre deux Rangs en un : &de mê-
me , doubler les Files n'eft autre chofe que de deux Files
n'en faire qu'une , ou mettre deux Files en une. De forte
que doubler les Rangs c'eft augmenter le Front du Bataillon ,
& en diminuer la Hauteur : &tout au contraire , doubler les
Files , c'eft diminuer le Front du Bataillon , & lui donner
plus de Hauteur.
On double les Rangs lorfque l'Ennemi attaque le Batail-
lon par Tête ou Queue , & qu'on le veut empêcher d'ê-
tre enveloppé , & pris par les Flancs ; car alors on com-
bat fous un plus grand Front, ce qui fait que les Rangs font
commandez de tirer quand l'Ennemi charge la Tête ou la
Queue , ou bien quand on le veur charger par Queue ou par
Têre.
On double les Files , foit pour s'accommoder à la necef-
fité d'un Terrain étroit , foit pour refifter à l'Ennemi , s'il at-
taque le Flanc du Bataillon. Ce n'eft pas que quand l'Enne-
mi vient à la charge fur les Aîles du Bataillon , il ne vaille
beaucoup mieux faire la Converfion que de combattre par
Files, ce qui fe doit entendre lorfque le Bataillon ne marche
point, qu'il combat en un Poſte arrêté , & que le Terrain
fournit affez d'espace pour faire la Converfion.
i DS Et
AUX
58 LES TRAV DE MARS ,
Et la raifonpourquoi dans ces fortes d'Attaques la Conver-
fion eftpreferable au Doublement par Files , c'eft qu'aprés
la Converfion le Bataillon garde fa premiere forme , & qu'il
oppoſe à l'Ennemi fes meilleurs hommes , qui d'ordinaire
font les chefs de Files : au lieu que le Doublement par Files
change l'ordre & la forme du Bataillon , ce qui étoit Rang
devient File , & ce qui étoit File devient Rang; & fi ce
changement fe fait parmi de nouvelles Levées , il trouble &
déconcerte les nouveaux Soldats.

Maniere
OU L'ART DE LA GUERRE. 39

59
60 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere depratiquer les Doublemens.

LE Bataillon étant bien dreffé, s'il eft de Moufquetaires feuls ,


l'Officier qui fait faire l'Exercice , dit : Moufquetaires , pre-
nezgarde à vous: fic'eftun Bataillon de fimples Piquiers , ilfait
faire haut la Pique à ceux qui doivent marcher , & il dit : Les
Rangs quidoivent doubler à droit , haut la Pique : Les Rangs qui
doivent doubler àgauche , haut la Pique. Et c'eft un ordre gene-
ral dans un Bataillon de Piquiers , que toûjours ceux qui doivent
doubler font haut la Pique , & l'on fait mettre la Pique en terre
à ceuxqui doivent demeurer fur leur Terrain.
Mais quand le Bataillon eft compofé de Moufquetaires & de
Piquiers , l'Officier fait les Commandemensfuivans , ce qui fe
pratique auffi pour les Moufquetaires feuls , & les Piquiers feuls,
Adroit , doublez vos Rangs en avant , marchez.
1 Pour faire le Doublement jufte , il faut que les Soldats en par-
tantdu pied gauche viennent fe placer dans le milieu des diftan-
ces des Rangs qu'ils doublent , Exemple A, ainfiqu'il eft mar-
qué de petits points. Sile Bataillon eft afix Rangs de hauteur,
quand on doublera par Rang foit en Avant ou en Arriere , le
Bataillon perdra un Rang de la hauteur du Terrain , & les di-
ftances des Rangs deviendront doubles de celles qui étoient au-
paravant.
Pourremettre le Bataillon en fon premier état , il n'y a qu'à
dire , Rangs , remettez vous. Pour doubler à gauche , il n'y a
qu'à dire , A gauche , doublez vos Rangs.
Pour faire doubler les Rangs par Demi-Files , il faut dire : A
droit par Demi-files doublez vos Rangs en avant , Marchez. On
dira de même pour doubler à gauche , par Demi-filesfur les Aîles
ou en Arriere , Exemple B. Pour remettre le Bataillon il n'y a
qu'à dire , Rangs remettez- vous.
Pour faire qu'un Bataillon double les Rangs en avant fur les
Aîles , il faut que depuis le Demi-file jufqu'au Serre-file le Ba-
taillon fe coupe au Demi-rang , & que le Demi-rang de main
droite faffe à droit, & le Demi-rangde main gauche faffe à gau-
che , & qu'ils viennent doubler fur les Aîles de deux , qui n'au-
ront bougé de deffus le Terrain , Exemple C.
Ce Doublement fert pour faire un Front confiderable , &
s'empêcher d'être envelopé, quand on craint que l'Ennemi n'at-
taque par Flanç.

Les
OU L'ART DE LA GUERRE. 61

62

A

62 LES TRAVAUX DE MARS ,

Les Doublemens.

n Bataillon eft obligé de pafferfous le Canon


qu'uVille
Lorfd'une Ennemie , on fe fert fort du Doublement
par Files , tant de celles qui fe font par Files , que de celles
qui fe fontpar le côté, & de celles qu'on pratique en avant.
Pour doubler donc les Files par le côtégauche , l'Officier
qui commande , dit : Agauche , Doublez vos Filespar le côs
té, Marche, Alte, A droit : alors il faut que le premier Chef
de File de la droite du Bataillon aille fe ranger derriere le Chef
de File de fa gauche , qui a fait ferme fans bouger , & que le
troifième Chef de File aille fe pofter derriere le quatriême ,
& ainfi de tous les autres. Ceux des Rangs feront les mêmes
mouvemens que ceux des Chefs de Files , ainfi que le mar-
quent les points du Bataillon A. Ce que je dis pour doubler à
la gauche le doit entendre auffi pour doubler à la droite , ajoût-
tant dans le Commandement le mot de droite , pour celui de
gauche.
Pour faire doubler les Files d'un Bataillon en avant , ce
qui fert pour marcher dans un chemin étroit , comme feroit
le paffage d'un Pont , d'une Porte ou d'une Barriere , afin
de gagner du Terrain en avant :
L'Officier qui commande alors , fi c'eft pour ſe doubler à
droit , dira , Files , Doublez à droit vos Files en avant.
Pour faire cela il faut que toute la premiere File gauche du
Bataillon s'avance devant la File qui eft à fa droite , & que la
troifiême File avance devant la quatriême , ainfi des autres ;
de maniere que dans un grande File le Chef de File qui n'a
bougé devient Chef de Demi-file , & ainfi qu'il fe peut re-
marquer dans le Bataillon B , où les points denotent le lieu &
le mouvement qu'a fait la File , en quittant fon Terrain.

Do
OU L'ART DE LA GUERRE 63

63

1111
64 LE TR DE MA ,
S AV RS
AU
X
De la Contre-marche.

A Contre- marche eſt un changement de la Face du Ba-


taillon , quand elle fe fait par Files.
Et elle eft un changement des Aîles du Bataillon quand elle
fe fait par Rangs.
La Contre-marche par Files fe fait lorfqu'on veut mettre
les Hommes de la Tête du Bataillon à la Queue du même
Bataillon : ce qui eft utile lorſque le Bataillon eft chargé en
Queue , & que l'on veut que les Chefs de Files , qui comme
j'ai déja dit , font ordinairement des Gens choifis , prennent
le Terrain des Serre-files .
La Contre- marche par Rangs fe fait , lorsqu'on veut faire
paffer un des Flancs du Bataillon à la place de l'autre Flanc.
L'Officier faifant faire la Contre-marche à droit dira : A
droitpar Files, faites la Contre-marche , Marche.
S'il la veut faire à gauche , il dira : A droit par Files,
faites la Contre-marche, Marche. Nôtre Exemple eft de la
droite, ainfi qu'il eft marqué au Bataillon A , où les petits
points montrent la marche des Files , & les gros points la pla-
ce'où fedoivent camper les Soldats.

Contre-marchepar Rangs.

Commandemens pour fairela Contre-marche par Rangs.


A droit par Rangs , faites la Contre-marche , Marche ,
prenezgarde à bien marcher.
Si on la veut faire à gauche , il n'y a qu'à dire : Agauche
par Rangs , Faites la Contre-marche, Marche , prenezgar-
de à bien marcher. !

Nôtre Exemple dans le Bataillon B eft de la premiere fa-


çon , ainfi qu'il fe peut reconnoître par les points qui mar-
quent la marche des Rangs en dedans. Si on la veut faire par
l'autre Flanc , il n'y a qu'à dire :
Agauchepar Rangs, Faites la Contre-marche, Märche.
Adroitpar Rangs , Faites la Contre-marche , Marche.
De
OU L'ART DE LA GUERRE.

65

Tom. 111. E
66 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Converfion.

A Converſion eſt un mouvement militaire , qui fait tourner


L
la Tête du Bataillon du côté où étoit le Flanc , ce qui eft
urile lorsque l'Ennemi attaque l'Aile du Bataillon , ou bien lorf-
qu'on veut attaquer l'Ennemi lui - même par le Flanc. Et com-
-me à la Guerre on eft ſouvent dans l'occafion & dans la neceffité
de faire ou de repouffer ces fortes d'Attaques , la Converfion eft
un mouvement tres- neceffaire , qu'on fait en cette façon.
Le Bataillon étant bien dreffé , comme celui qui eft marqué
A, l'Officier qui commande dit,Marche. Quand le Bataillon fait
la Converfion fur le premier Chef de File de main droite , il
tourne à main droite'; quand c'eft fur celui de gauche , il tour-
ne à gauche. Un quart de tour s'appelle premiere Converfion , 1
comme quand le Batailon A vient occuper la place du Bataillon
B , il tourne fur le Centre E. Demi- tour s'appelle feconde Con-
verfion , qui fera lorfque le Bataillon occupera le Terrain C.
Trois-quarts de tour s'appelle troifiême Converfion , qui fe-
ra en D.
Pour plus facile intelligence , le Bataillon A repreſente un
Corps preft à faire la Converfion ; & celui qui eft marqué B le
reprefente ayant fait la Converfion .
L'Aîle droite FH part la premiere , & en marchant décrit
les grands Quarts de Cercles reprefentez dans la Figure , & fe
vient ranger fur l'Aîle droite correfpondante marquée par
LG, enforte que tout le Rang des Hommes du Chef de File
du Bataillon vient fe placer fur le Rang F G du Bataillon B ;
& l'Aîle gauche ER ne fait que de petits quarts de Cercle ,
comme la Figure le montre , pour fe venir placer fur la ligne
correspondante E G.
Le Soldat qui eft à l'Angle E ne part point de fur fon Terrain
& fait feulement à droit , en forte qu'il eft comme le Centre ,
à l'entour duquel tournent tous les autres Soldats ; • & chaque
Soldat fait de plus grands ou de moindres quarts de Cercle , fe-
lon qu'il eft plus ou moins éloigné du Centre E : Comme le Sol-
dat O décrit le petit quart de Cercle OP , le Soldat V le Quart
de Cercle VT , & ainfi des autres.
On remarquera , que pour bien faire la Converfion , les
Sergens doivent toûjours fe tenir fur les Ailes , afin que tous les
Soldats marchent en ligne droite.

Les
OU L'ART DE LA GUERRE. 67

67

E 2
68 LES TRAVAUX DE MARS ,

Les Bataillons Quarrez d'Hommes , de Terrain,


degrand Front.

Our faire un Bataillon quarré d'Hommes , qui en ait fept de


Pour
Front & fept de Hauteur , on prendra 50. Hommes , & du
nombre de 50. on tirera la Racine quarrée la plus proche , qui
donnerafept pour le nombre des Hommes , qu'il faudra mettre
de Front & de Hauteur : Exemple A.
Pour faire un Bataillon quarré de Terrain , on prendra par
Exemple foixante Hommes : on multipliera ce nombre par
trois , qui eft l'efpace des pieds que chacun occupe en Front , le
produit fera 180. lequel produit on diviſera par ſept , qui eft
l'efpace des pieds que chacun occupe en Hauteur , & donnera
vingt-cinq ; prenez la Racine quarrée la plus proche de ce nom-
bre , qui eft cinq , & c'eſt le nombre d'Hommes qu'il faut à la
File ; puis divifez aprés les foixante Hommes par cinq , vien-
dra douze , & c'eft le nombre des Hommes qu'il faut mettre à
chaque Rang : Exemple B.
Pour faire un Bataillon de grand Front , on fuppofe toûjours
qu'on fçache le nombre des Hommes du Bataillon , & l'on de-
mande combien l'on veut d'Hommes de Front , & combien
on en veut de Hauteur. Si l'on veut fçavoir le nombre des Hom-
mes de la Hauteur , on divifera le nombre des Homines du Ba-
taillon par le nombre des Hommes du Front , que l'on fuppofe
auffi connu : Comme fuppofant un Bataillon de 120. Hom-
mes , dont on détermine le Front ou le Rang de 20. Hommes ,
pour fçavoir la Hauteur ou la File , divifez 120. par 20. le quo-
tient donnera 6. pour le nombre des Soldats de la File ou de la
Hauteur.
Reciproquement fila File ou la Hauteur eft déterminée , &
qu'on demande la quantité des Hommes du Rang ou du Front ;
divifez le nombre des Hommes du Bartaillon par le nombre de
la Hauteur , le quotient vous donnera le nombre du Rang ou du
Front: Comme ici dans le Bataillon de 120. Soldats rangez à
fix de Hauteur , on veut fçavoir le nombre du Front , divifez
120.par 6. le quotient donnera 20. pour les Hommes du Front :
Exemple C.
Les Bataillons quarrez d'Hommes font foibles de Front ; &
tout au contraire , ceux de grand Front font foibles en Hauteur.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE.

69

B
* LES TRAVAUX DE MARS ,
Des Pelotons.

L'Art de former les Bataillons enfoigne à rangerun Corps


d'Infanterie avec tant d'ordre & de précaution , qu'il puiffe
combattre avantageufement un autre plus grand Corps d'Infan-
terie feule , ou de Cavalerie feule, ou bien un Corps compoſé de
tous les deux. Mais cét Art le propofe particulierement d'em-
pêcher, autant que faire fe peur , l'Infanterie d'être rompuë par
les efforts de la Cavalerie,lorfqu'elle en eftattaquée en raze cam-
pagne, & qu'elle ne trouve point de Foffez, de Hayes , ou d'au-
tre Terrain favorable pour fe couvrir contre l'attaque des Eſca-
drons. Et comme la Pique & la Pertuifane font des Armes fort
propres à arrêter l'impetuofité des Chevaux , & à empêcher
qu'ils ne renverfent & le faffent ouverture dans le Bataillon ,
on commence à former le même Bataillon en faifant d'abord un
Corps de tous les Piquiers ; & le premier foin de l'Officier qui
commande , eft de lesdifpofer en forte qu'ils couvrent non feu-
lement les Moufquetaires, mais encore les Drapeaux & le Ba-
gage , fi le cas y échet.
Pourdonner cette difpofition au Bataillon , le fecret confifte
à obferver trois chofes , dont la premiere eft :
1. De prefenter les Armes partout , & defaire front de tous
côtez , afin que l'on ne puiffe attaquer le Bataillon par aucune
des Facesqui ne foit en état de fe défendre : Exemple O.
2. D'émouffer les Angles , c'eft-à-dire de faire en forte que
les Angles du Bataillon foient fort obtus & émouffez ; en forte
que les deux côtez qui forment l'Angle approchent d'une feule
ligne droite , Exemple M , N , P, Q, R , parce que l'Angle eft
l'endroit du Bataillon le plus foible, comme étant le moins garni
de Piques car les Soldats qui font proches de l'Angle preſen-
tent les Piques fur fes côtez , & ne pouvant pas en même temps
les prefenter vers l'Angle , le même Angle demeure neceffaire-
ment dégarni & découvert : de forte que les Anciens , qui s'at-
tachoient fort aux Bataillons quarrez , en flanquolent les An-
gles par des Pelotons ou Manches de Moufquetaires , marquez
A, B, C, D , qui font de petits Corps qu'on pofte fur le milieu des
Faces du Bataillon , &dont même on couvroit quelquefois les
Angles. Li eft vrai que ces petits Corps étant facilement coupez
par la Cavalerie , & détachez du Corps du Bataillon , l'uſage
en a été peu à peu rejetté.
3. De vuider le Centre S du même Bataillon , c'est- à- dire
de pratiquer dans le milieu des Piquiers un eſpace ou terrain, ca-
pable de placer & de couvrir les Moufquetaires , les Drapeaux,
& le Bagage. D'un
OU L'ART DE LA GUERRE 71

E 4
LES TRAVAUX DE MARS ,

D'un Bataillon quarréd'Hommes enforme d'un Croix.


'L faut pour cela que le nombre des Hommes du Bataillon
I quarréfoit un nombre qui puifle être divifé en quatre parties
égales , commeferoit 16. 36. 64. 100. &c.
On coupe le Bataillon au Demi-rang & à la Demi- file en cet-
te maniere.
Commandemens.

1. La Demi-file du Demi-rang de main droite ne bouge , A.


2. Chef de File du Demi-rang de main droite , à droit , C.
Mettez la Pique en terre.
C , Fait à droitpourfaireface vers l'Aîle droite du Bataillon ,
demeurefurfon Terrain.
3. La Demi-file du Demi-rang de main gauche ne bouge , B.
4. Chef-de-File du Demi-rang de main gauche , prenez garde
à vous , D. Marche.
LeDemi-rang D marche jufqu'à ce que le Serre-demi-file de
Angle marqué 5. foit unpas plus avancé que le Soldat 7.
du Demi-rangde main droite C, comme il paroît dans la 2.
Figure.
3. Ceux qui ont marché , mettez la Pique en terre , D.
6.Demi- files, prenez garde à vous, A,B. A gauche,Marche,Alte.
Les Demi-files ayantfait àgauche , marchent vers l'Aîlegau-
che du Bataillon, jufqu'à ce que le Soldat 6. des Demi-files A
Soit un pasplus avancé que le Soldat 4. duDemi-rang C.
7. La Demi-file du Demi-rang de main droite , à gauche , A.
LaDemi-file Afait àgauche , pourfairefront en dehors.
8. Ceux qui ont fait à gauche , mettez la Pique en terre.
A, demeurefurfon Terrain.
9. La Demi file du Demi-rang de main gauche , B, prenez gar-
de à vous. A droit , Marche , Alte.
La demi-file B ayant fait à droit , marche vers la Tête du Ba-
taillon , jufqu'à ce que le Soldat de l'Angle 3. foit proche du
Soldat 9.du Demi-rang D : ainfi le Soldat 8. de Bferapro
che duSoldat 2. de A ,comme il paroît en la Figure 2.
10. Ceux qui ont marché, à gauche, Mettez la Pique en terre.
B,fait face vers l'Aîlegauche , la Croix eftformée.
Si l'on veut émouffer les Angles,il faut avoir d'autres Piquiers,
& les ranger felon le precepte que nous en donnons cy-aprés.
Au lieu d'émouffer les Angles , on y met quelquefois de peti-
tes pieces d'Artillerie : on y met auffi des Charresies pour cou
vrir le Bataillon.
Re-
OU L'ART DE LA GUERRE

73

.8 B

9 B

ES
74 LES TRAVAUX DE MARS ,

Reglegeneralepour émouffer les Angles d'un Bataillon ,

Haque
Chaq petit Corps deſtiné à émouffer les Angles doit
ue petit
Cadjours être compofé d'un nombre quarré d'Hom-

mes , comme de 4. 9. 16. 25. 36. 49. &c. Il faut placer les
Hommes du Rang felon une progreffion ou proportion
Arithmetique , de laquelle l'intervalle , l'excés ou la differen-
ce des termes foit toujours 2. Ainfi ayant mis le premier
Homme aupoint angulaire A de la Figure ou du Battaillon I,
le fecond Rang fera de trois Hommes , qui eft un nombre
dont l'excés , l'intervalle & la difference eft 2. au respect de 1 ,
Le troisième Rang fera de cinq Hommes , qui eftun nom-
bre qui excede 3. de 2. Le quatrième Rang fera de 7. Hom
mes. Le cinquième Rang fera de 9. & ainfi de fuite , aug.
mentant toûjours chaque Rang de deux Hommes au deffus
du Rang qui eft devant lui,felon cette progreffion Arithmeti
que, qui a toûjours 2. pour l'intervalle ou la difference des
termes .
Pour les plager , ilfaut s'imaginer que le Peloton quarré
abcdparte de deflus le Terrain T fur la gauche du Bataillon
ou Branche Q. Lorfque fon dernier Rang a deft avancé un
pas au de là de l'Aile AD du même Batailion Q, il fait à
droit , & le Soldata de la feconde Figure ou du Peloton ,
vientfur le Terrain A de la premiere Figure. Les Câtez ad ,
ac,du Peloton conviennent fur les côtez correfpundans AD,
AC , de l'Angle. On commande aux Hommes du Peloton
de faireface vers l'Angle: & quand on les a rangé felon cette
progreffion Arithmetique , on leur fait faire face en dehors.

Pont
OU L'ART DE LA GUERRE, 75

Figure I

Fig.II
76 LES TRAVAUX DE MARS ,

Pourformer un Bataillon en Octogone , ou à huit Faces.


Oit un Bataillon de 40. Piquiers rangez à quatre de Hau-
avecla même metho-
teur, & dix de Front. On pourra avec
de former en Octogone tout nombre de Piquiers , qui gar-
dera cette raifon de 4. à 10. entre le Front & la Hauteur ,
comme feroit 8. de Hauteur , & 20. de Front ; 16. de Hau-
teur , & 40. de Front ; 32. de Hauteur , & 80. de Front. Car
dans cét Exemple j'ay choifi ce petit nombre de Piquiers pour
donner plus de lumiere à l'ordre & à la difpofition d'un plus.
grand nombre.
Commandemens .
1. Les deux Files de main droite , & les deux Files de main
gauche , prenez garde à vous , AB , IL.
2. La Demi- file des deux Files de main droite , demi-tour à
droit , B.
3. LaDemi file des deux Files de main gauche , demi- tour à
gauche , L.
4. Marche les Files de Aîles.
La Demi- file Bvient occuper le Terrain 4 : Lvientgagner
le Terrain 5 : A occupe 7 : Ivient fur le Terrain 8. Ces
quatrepetits Corps font deftinez à émouffer les Angles.
Ilreste aprésfur le Terrain du Bataillon lesfix Files CD,
GH , qu'il faut couper au Demi-rang & à la Demi-file
pour formerla Croix de la troifême Figure, vuider
le Centrepar quart de Converfion.
5. La Demi-file du Demi-rang de main droite C , demi- tour
à droit.
Mettez la Pique en terre.
Cfaitface vers la Quenë, & demeurefurfon Terrain.
6. Chef de File du Demi- rang de main droite , à droit , G.
Marche , Alte.
Les trois Files Gfont face vers Afur l'Aîle droite , mo
s'avancent de ce côté- là deux ou troispas au de-là de
leurterrain; ainfi ce qui étoit File eft devenu Rang.
7. Ceux qui ont marché , prenez garde à vous G , à droit ,
un quart deConverfion. Lop.
1

OU L'ART DE LA GUERRE. 77

Figure III
Figure 1.
R Τ с
с
Ve R
DIE

++
X S

A
A G H I Y I
YM K H
M

34
Fry.II
C D

N
‫די‬
th

G
H
Τ M
P к
H
M
Fio . IV
78 LES TRAVAUX DE MARS,
Les trois Files G font un quart de Converfion à droit , tour-
nent à l'entour du Soldat R , enforte que l'Atle gauche TY
de lapremiere, fe trouveplacée comme on le voit dans la Figu-
re 2. où ces trois Files Gfont marquées par les mêmes lettres
qu'elles lefont dans le Corps de la Figurepremiere.
Et parce qu'aprés avoirfait la Converfion , elles fontface vers
VR, afin qu'ellesfallent front en dehors du côté V XY, on
leur dit :
8. A gauche , mettez la Pique en terre.
Afin qu'elles demeurentfur leur terrain.
9. Chef-de File du Demi- rang de main gauche , prenez garde
à vous , H. Marche.
Il faut voir dans la Figure 2. les trois Files H marquées par
des ponctuations on les fait marcher en avant le long de la
ligne ponctuée PMQF , pour gagner enfuite le Terrain H
marqué par de gros traits dans la même Figure. Mais
pour gagner ce Terrain , elles marchent au de-là du Front
du Bataillon , jufqu'à ce que le fecond Rang pondue PN
fe foit avancé trois pas plus avant que le Flanc Y T des 3.
Files G, qui viennent de faire la Converfion : ce qui arri-
vera lorfque le Soldat Pfera fur le Terrain Q , & que lè
Soldat M fera fur le Terrain F : alors en leur dira ,
IO. A droit , Marche.
Pour faireface vers les trois Files G: & quand elles feront à
trois pas de la Queue de ces trois Files &, on leurferafaire
àgauche.
II. A gauche , mettez la Pique en terre.
Elles ferontface en dehors & demeurerontfur leur Terrain.
12. La Demi-file du Demi-rang de main gauche , prenez gar-
de à vous , D. Marche , Alte .
La Demi-file Ds'avance deux pas au de-là defon Terrain.
13. A droit , un quart de Converfion.
La Demi-file Dfait le quart de Converfion autour du Soldat Z.
comme on le peut voir dans la troifiême Figure . Et parce
qu'aprés la Converfion elles fontface en dedans vers le Cen-
tre, pour leurfairefairefront en dehors , on dit :
14. Ceux qui viennent de faire lequart de Converfion , De-
mi- tour à droit.
La Croix étant ainfiformée , onfait venir les quatre Files qui
fontfur le Terrain 4. 5.7 . 8.. Et l'on émouſſe les Anglesfe-
lonle precepte de lapage 74.

Ma-
7
OU L'ART DE LA GUERRE. 79

et79

FigureIII
Fivure I.

HO
R

no
ox
C

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. I G

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A
200X

A H I

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Fig. II

C
A

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N
‫די‬

G P
th

H
22

M
H

W
H
M
Fio . IV
80 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere deformer un Bataillon en Octogone , avec le Cen


tre vuide , le Front du Bataillon ayant cinqfois
la Hauteur.

ONpropofe 720. Piquers à 12. de Hauteur & à 60.de Front,


dont on veut former l'Octogone de la Figure →
Le Bataillon étant rangé comme il paroît dans le gros trait
noir de la Figure I. pour le reduire dans le Quarré marqué par
les ponctuations de la même Figure, on fe fert des Commande
mens fuivans.
Commandemens.
1. Les douze Files de l'Aîle droite , & les douze Files de
l'Aile gauche , prenez garde à vous , CDQ, PA B.
2. Les fix Files de main droite de l'Aîle droite , & les fix Files
de main gauche de l'Aîle gauche , haut la Pique , CD , AB.
3. Ceux qui on fait haut la Pique , doublez lesFiles en dedans
par Tête & par Queuë.
Aprend le Terrain V ; Bprend le Terrain T : C va occuper✪,
Dvafur R.
4. Ceux qui ont étéavertis , & ceux qui ont doublé , ne bou-
gez de fur vôtre Terrain , VPT , OQR.
5. Prenez garde à vous les Files du milieu , ME.
6. Haut la Pique les Files du milieu , E M.
7. La Demi-file de ceux qui viennent de faire haut la Pique ,
demi-tour à droit , M.
8. Marche ceux qui viennent de faire haut la Pique , jufqu'à ce
que le dernier Rang foit un pas plus avancé que le premier des
Files qui ont doublé par Tête & par Queue.
M& E viennent occuper le Terrain marqué par des ponctuations
ME , & forment le Quarré reprefenté par les mêmes ponitua-
tions , quife doit enfuite confiderer dans la Figure K.
9. Les fix Files de main droite , & les fix Files de main gauche
de ceux qui ont marché , demi-tour à droit. IF , HHfont
face le Centre duBataillon.
10. Ceux qui ont fait demi-tour à droit , marchez vers le Cen-.
tre , jufqu'à ce que le dernier Rang foit tout entré.
I & Fviennent fur le Terrain Y, & HH viennent fur le Ter
rain GG, ou étant , on leurfait faire à droit & à gauche
pour marcher en avant , fçavoir Yfaifantface vers Y , &
Gfaifant face vers G. Ainfi Y, Y, G , G, occupent le Ter-
rainN , N , N , N.
LeTerrain IY , FY demeure vuide. Aprés
OU L'ART DE LA GUERRE. &1

81
Fig. 1. & 83
M M
V


EN
M M M A
72 72 P

H
Q
D E E 72 B
36 72 36
R

H
E E

I L M F
H

244
T

I F N
36 36

Fig.K P

.....th

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Piq
M
Pig Mousa Piq
N
ི༧

Piq Pig
A

72
Fig .→
Pig Mousq Pig
N 72 N
Pig
-E

52 Tom. III. F
82 LES TRAVAUX DE MARS ,
Aprés cela on commande les deux Bataillons particuliers
OQR, VPT: & comme ils font tous face en dehors,on fait faire
demi-tour à droit au Bataillon OQR , & demi-tour à gauche
au Bataillon V PT; & par ce moyen ils feront face en dedans,
& on les fera marchet vers le Centre , enforte que O & V occu-
pent le Terrain Y , & que R & T occupent le Terrain G G.
Alors on coupera les huit quarts de Rangs ORVT LLLL
on les reduira en Triangles , pour émouffer les quatre Angles
qui font auprés d'eux , & le Bataillon fera formé en Octogone ,
felon la Figure + , où l'on voit les mêmes Lettre employées ,
comme elles répondent aux mêmes Lettres des deux autres Fi-
gures.
On a 532. Moufquetaires à 12. de Hauteur & à 44. de Front,
il en reftera encore 4.Ces 532. Moufquetaires feront aux Flancs
du Bataillon des Piquiers , on prendra 12. Files de leur Aîle
droite, qui feront 144. Moufquetaires ; & comme ils auront
un Front égal à celui du Corps des Piquiers marquez par E , on
les menera à la Tête de ce même Corps E , & on les fera entrer
dans le Centre par les intervalles des Piques. Quand ils feront
avancez vers le Centre on les coupera au Demi- rang , afin que
l'un de ces Demi-rangs marche vers le Corps des Piquiers mar-
quez Q, & l'autre Demi-rang marchera vers le Corps des Pi-
quiers marquez P.
Aprés on prendra fur l'Aîle gauche des Moufquetaires encore
12. Files , qui feront 144. Hommes , on les fera entrer vers le
Centre par les intervalles des PiquiersE , enfuite on les coupéra
à la Demi-file.
La Demi-file marchera vers M , & l'autre moitié demeurera
furfon Terrain , derriere les Piquiers E.
Pour les 304. Moufquetaires qui reftent , on en fera les Deux
Files de la bordure.

Ma-
OU L'ART DE LA GUERRE $3

81
Fry.I. k83
M M

Þ
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M M M A
30 a 72 P
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36 36
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244
36 I I
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73 ya
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M
Piq Mousa Pig
N 72 ‫אב‬
ིི་ ༠༧

Pig Mon Pig


P
72
Fig
Pig Mousq Pig
N ja N
Py
E

FE
LES TRAVAUX DE MARS ,

D'un Bataillon quarréd'Hommes enforme d'un Croix.


'L faut pour cela que le nombre des Hommes du Bataillon
I'
quarréfoit un nombre qui puifle être divifé en quatre parties
égales , comme feroit 16. 36. 64. 100. & c.
On coupe le Bataillon au Demi-rang & à la Demi- file en cet-
te maniere.
Commandemens.
1. La Demi-file du Demi-rang de main droite ne bouge , A.
2. Chef de File du Demi-rang de main droite , à droit , C.
Mettez la Pique en terre.
C , Fait à droitpourfaireface vers l'Aîle droite du Bataillon ,
demeurefur fon Terrain.
3. La Demi-file du Demi-rang de main gauche ne bouge , B.
4. Chef-de-File du Demi-rang de main gauche , prenez garde
à vous , D. Marche.
LeDemi-rang D marche jufqu'à ce que le Serre-demi-file de
Angle marqué 5. foit unpas plus avancé que le Soldat 7.
duDemi-rang de main droite C, comme il paroît dans la 2.
Figure.
5. Ceux qui ont marché , mettez la Pique en terre , D.
6.Demi-files, prenez garde à vous, A, B. A gauche, Marche, Alte.
Les Demi-files ayantfait àgauche , marchent vers l'Aîlegau-
che du Bataillon, jufqu'à ce que le Soldat 6. des Demi-files A
foit un pas plus avancé que le Soldat 4. du Demi-rang C.
7. La Demi-file du Demi-rang de main droite , à gauche , A.
La Demi-file Afait àgauche , pourfairefront en dehors.
8. Ceux qui ont fait à gauche , mettez la Pique en terre.
A, demeurefurfon Terrain.
9. La Demi file du Demi-rang de main gauche , B, prenez gar-
de à vous. A droit , Marche , Alte..
La demi-file B ayant fait à droit , marche vers la Tête du Ba-
taillon , jufqu'à ce que le Soldat de l'Angle 3. foit proche du
Soldat 9.du Demi - rang D : ainfi le Soldat 8. de Bfera pro-
che duSoldat 2. de A , comme ilparoît en la Figure 2.
10. Ceux qui ont marché, à gauche , Mettez la Pique en terre.
B ,faitface vers l'Aîlegauche , & la Croix eftformée.
Si l'on veut émouffer les Angles,il faut avoir d'autres Piquiers,
& les ranger felon le precepte que nous en donnons cy-aprés.
Au lieu d'émouffer les Angles , on y met quelquefois de peti-
zes pieces d'Artillerie : on y met auffi des Charrettes pour cou
vrir le Bataillon.
Re-
OU L'ART DE LA GUERRE- 言

73

.8 B

ES
74 LES TRAVAUX DE MARS,

Reglegeneralepour émouffer les Angles d'un Bataillon .

Chaque petit Corps deftiné à émouffer les Angles doit


toujours être compofé d'un nombre quarré d'Hom-
mes , comme de 4. 9. 16. 25. 36. 49. &c. Il faut placer les
Hommes du Rang felon une progreffion ou proportion
Arithmetique , de laquelle l'intervalle , l'excés ou la differen-
ce des termes foit toûjours 2. Ainfi ayant mis le premier
Homme au point angulaire A de la Figure ou du Battaillon I,
le fecond Rang fera de trois Hommes , qui eft un nombre
dont l'excés , l'intervalle & la difference eft 2. au reſpect de 1 ,
Le troisième Rang fera de cinq Hommes , qui eft un nom-
bre qui excede 3. de 2. Le quatrième Rang fera de 7. Hom
mes. Le cinquième Rang ferade 9. & ainfi de fuite , aug.
mentant toûjours chaque Rang de deux Hommes au deffus
du Rangqui eft devant lui,felon cette progreffion Arithmeti
que, qui a toûjours 2. pour l'intervalle ou la difference des
termes.
Pour les plager , il faut s'imaginer que le Peloton quarre
abcdparte de deflus le Terrain T fur la gauche du Bataillon
ou Branche Q. Lorfque fon dernier Rang a deft avancé un
pas au de là de l'Aile AD du même Batailion Q, il fait à
droit , & le Soldata de la feconde Figure ou du Peloton ,
vientfur le Terrain A de la premiere Figure. Les Câtez a d
ac, du Peloton conviennent fur les côtez correfpondans AD,
AC, de l'Angle. On commande aux Hommes du Peloton
de faire face vers l'Angle : & quand on les a rangé felon cette
progreffion Arithmetique , on leur fait faire face en dehors.

Pont
OU L'ART DE LA GUERRE, 75

75

Figure I

P

a d.

Fig.II
76 LES TRAVAUX DE MARS ,

Pourformer un Bataillon en Octogone , ou à huit Faces.


Oit un Bataillon de 40. Piquiers rangez à quatre de Hau-
Soitteur , & dix de Front. On pourra avec la même metho-
de former en Octogone tout nombre de Piquiers , qui gar-
dera cette raifon de 4. à 10. entre le Front & la Hauteur
comme feroit 8. de Hauteur , & 20. de Front ; 16. de Hau-
teur, & 40. de Front ; 32. de Hauteur , & 80. de Front. Car
dans cét Exemple j'ay choifi ce petit nombre de Piquiers pour
donner plus de lumiere à l'ordre & à la difpofition d'un plus .
grand nombre.
Commandemens.
1. Les deux Files de main droite , & les deux Files de main
• gauche , prenez garde à vous , AB , IL.
2. La Demi-file des deux Files de main droite , demi- tour à
droit , B.
3. LaDemi file des deux Files de main gauche , demi-tour à
gauche , L.
4. Marche les Files de Aîles.
La Demi- file Bvient occuper le Terrain 4 : Lvientgagner
le Terrain 5 : A occupe 7 : Ivient fur le Terrain 8. Ces
quatrepetits Corpsfont deftinez à émouffer les Angles.
Ilreste aprésfurle Terrain du Bataillon lesfix Files CD,
GH, qu'il faut couper au Demi - rang & à la Demi -file
pour former la Croix de la troifême Figure , vuider
le Centrepar quart de Converfion.
5. LaDemi-file du Demi-rangde main droite C, demi-tour
àdroit.
Mettez la Pique en terre.
Cfaitface vers la Quenë, & demeurefurfon Terrain.
6. Chef de File du Demi- rang de main droite , à droit , G.
Marche , Alte.
Les trois Files Gfont face vers Afur l'Aîle droite ,
s'avancent de ce côté- là deux ou troispas au de- là de
leurterrain; ainfi ce qui étoit File eft devenu Rang.
7. Ceux qui ont marché , prenez garde à vous G , à droit ,
un quart de Converfion. Le
OU L'ART DE LA GUERRE. 77

etj9

Figure III
Figure 1.
R Τ с

DE R

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Fr. II
C D

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H

H
M
H

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H
M

Fig . IV
28 LES TRAVAUX DE MARS;
Les trois Files G font un quart de Converfion à droit , tour-
nent à l'entour du Soldat R , enforte que l'Atle gauche TY
delapremiere , fe trouveplacée comme on le voit dans la Figu-
re 2. où ces trois Files Gfont marquées par les mêmes lettres
qu'elles lefont dans le Corps de la Figure premiere.
Et parce qu'aprés avoirfait la Converfion , elles fontface vers
VR, afin qu'elles faſſent front en dehors du côté V X Y , on
leur dit:
8. A gauche , mettez la Pique en terre.
Afin qu'elles demeurentfur leur terrain.
9. Chef- de File du Demi- rang de main gauche , prenez garde
à vous , H. Marche.
Il faut voir dans la Figure 2. les trois Files H marquées par
des ponctuations on les fait marcher en avant le long de la
ligneponctuée P M QF , pour gagner enfuite le Terrain H
marqué par de gros traits dans la même Figure. Mais
pour gagner ce Terrain , elles marchent au de-là du Front
du Bataillon , jufqu'à ce que le fecond Rang ponctue PN
fe foit avancé trois pas plus avant que le Flanc Y T des 3.
Files G, qui viennent de faire la Conversion : ce qui arri
vera lorfque le Soldat Pfera fur le Terrain Q , L que lė
Soldat Mfera fur le Terrain F : alors en leur dira ,
10. A droit , Marche.
Pour faireface vers les trois Files G : & quand elles feront à
troispas de la Queue de ces trois Files Ġ, on leurferafaire
àgauche.
II. Agauche , mettez la Pique en terre.
Elles feront face en dehors & demeurerontfur leur Terrain.
12. La Demi-file du Demi-rang de main gauche , prenez gar-
de à vous , D. Marche , Alte.
La Demi-file Ds'avance deux pas au de- là defon Terrain.
13. A droit , un quart de Converfion .
La Demi-file Dfait le quart de Converſion autour du Soldat Z₂
comme on le peut voir dans la troifiême Figure. Et parce .
qu'aprés la Conversion elles fontface en dedans vers le Cen
tre , pour leurfairefaire front en dehors , on dit :
14 . Ceux qui viennent de faire lequart de Converfion , De-
mi-tour à droit.
La Croix étant ainfiformée , onfait venir les quatre Files qui
font fur le Terrain 4. 5. 7. 8.. Et l'on émouſſe les Anglesfe-
lon le precepte de lapage 74.

Ma
OU L'ART DE LA GUERRE. 79

+ Figure III
Figure I.
R C
R
xonov

O
G+

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IP I

A
+
.

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Y Τ ‫אב‬

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Y M K
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Fr.II

R
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H
M
H
H

Fio.IV
80 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere deformer un Bataillon en Octogone , avec le Cen


tre vuide , le Front du Bataillon ayant cinqfois
la Hauteur.

ONpropofe 720.
dont on veut Piquers
former à 12. de Hauteur
l'Octogone & à 60.de
de la Figure +. Front,
Le Bataillon étant rangé comme il paroît dans le gros trait
noir de la Figure I. pour le reduire dans le Quarré marqué par
les ponctuations de la même Figure, on fe fert des Commande-
mensfuivans.
Commandemens.
1. Les douze Files de l'Aîle droite , & les douze Files de
l'Aile gauche , prenez garde à vous , CDQ, PA B.
2. Les fix Files de main droite de l'Aîle droite , & les fix Files
de main gauche de l'Aîle gauche , haut la Pique , CD , AB.
3. Ceux qui on fait haut la Pique , doublez lesFiles en dedans
par Tête & par Queuë.
Aprend le Terrain V ; Bprend le Terrain T ; C va occuper✪ ,
Dvafur R.
4. Ceux qui ont étéavertis , & ceux qui ont doublé , ne bou-
gez de fur vôtre Terrain , VPT , OQR .
5. Prenez garde à vous les Files du milieu , ME.
6. Haut la Pique les Files du milieu , EM.
7. La Demi-file de ceux qui viennent de faire haut la Pique ,
demi-tour à droit , M.
8. Marche ceux qui viennent de faire haut la Pique , jufqu'à ce
que le dernier Rang foit un pas plus avancé que le premier des
Files qui ont doublé par Tête & par Queue.
M & E viennent occuper le Terrain marqué par des ponctuations
ME, & forment le Quarré reprefentépar les mêmes ponitua-
tions , quife doit enfuite confiderer dans la Figure K."
9. Les fix Files de main droite, & les fix Files de main gauche
de ceux qui ont marché , demi-tour à droit. IF , HHfont
face le Centre du Bataillon.
10. Ceux qui ont fait demi - tour à droit , marchez vers le Cen-
tre , jufqu'à ce que le dernier Rang foit tout entré.
I & Fviennent fur le Terrain Y , & HH viennent fur le Ter
rain GG, ou étant , on leurfait faire à droit & à gauche.
pour marcher en avant , fçavoir Ÿfaisantface vers Y , &
Gfaifant face vers G. Ainfi Y, Y, G, G, occupent le Ter-
rainN, N, N, N.
Le Terrain IY , FY demeure vuide. Aprés
OU L'ART DE LA GUERRE. 81

81
Fig. 1. k83
M M

A
O
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EN
M M M A
72 73 P
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72
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Piq
M
Mousa Piq
72 ‫זב‬
Pig Mon Pig
Q

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J2 72
Fig .
Piq Mousq Pig
N 72 N
Pig
-E

Tom. III. F
82 LES TRAVAUX DE MARS ,
Aprés cela on commande les deux Bataillons particuliers
OQR ,VPT: & comme ils font tous face en dehors , on fait faire
demi-tour à droit au Bataillon OQR , & demi- tour à gauche
au Bataillon V PT; & par ce moyen ils feront face en dedans,
& on les fera marchet vers le Centre , enforte que O & V occu-
pent le Terrain Y , & que R & T occupent le Terrain G G.
Alors on coupera les huit quarts de Rangs ORVT LLLL
on les reduira en Triangles , pour émoufler les quatre Angles
qui font auprés d'eux , & le Bataillon fera formé en Octogone ,
felon la Figure + , où l'on voit les mêmes Lettre employées ,
comme elles répondent aux mêmes Lettres des deux autres Fi-
gures.
On a 532. Moufquetaires à 12. de Hauteur & à 44. deFront,
il en reftera encore 4.Ces 532. Moufquetaires feront aux Flancs
du Bataillon des Piquiers , on prendra 12. Files de leur Aîle
droite, qui feront 144. Moufquetaires ; & comme ils auront
un Front égal à celui du Corps des Piquiers marquez par E , on
les menera à la Tête de ce même Corps E , & on les fera entrer
dans le Centre par les intervalles des Piques. Quand ils feront
avancez vers le Centre on les coupera au Demi- rang , afin que
l'un de ces Demi-rangs marche vers le Corps des Piquiers mar-
quez Q, & l'autre Demi-rang marchera vers le Corps des Pi-
quiers marquez P.
Aprés on prendra fur l'Aîle gauche des Moufquetaires encore
12. Files , qui feront 144. Hommes , on les fera entrer vers le
Centre par les intervalles des Piquiers E , enfuite on les coupéra
à la Demi-file.
La Demi - file marchera vers M , & l'autre moitié demeurera
furfon Terrain , derriere les Piquiers E.
Pour les 304. Moufquetaires qui reftent , on en fera les Deux
Files de la bordure.

Ma-
OU L'ART DE LA GUERRE $3

81
Fry. I. 83
M M

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36 Q · 73 72 P
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Fig. K
o

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M
Piq Mousa Pig
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Pig Mori Mon Pig
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P
J2
Fig →
Pig Mousq Pig
N ja
Piq Pig
TE

F2
$4 LES TRAVAUX DE MARS ,

Manierede remettre le Bataillon à Centre vuide.

Ncommence par les Moufquetaires , que l'on tire du


Ο Centre par chaque Face M, P, E, Q. Et on leur fait
reprendre leurs Files & leurs Rangs , auffi bien qu'à ceux
de la bordure.
Au regard des Piquiers qui forment le Corps de l'Octogo-
ne , onleur fait ces Commandemens.
1. Ceux quifont dans les Angles , remettez -vous: O & R re-
prennent leurs diſtances , & font même face que Q. Les Fi-
les V & T en font de même au refpect de P , & les Files L ,
Lgardent le même ordre à l'égard des Piquiers M , E.
2. Les 12. Files de l'Aîle droite , & les 12. Files de l'Aîle
gauche , qui ont doublé par Tête & par Queuë , prenez
garde à vous , OQR , VPT.
3. Marchent les Files des Aîles qui viennent d'être averties.
OQR , VPT fe détachent & marchent en avant.
Ceux qui ont doublé par Tête & par Queuë , remettez-
yous. O & Rſe remettent fur le Terrain , qui eft mar-
qué dans la premiere Figure par les lettres CD : & V T re-
viennent fur le Terrain A & B de la premiere Figure.
5. Les Files qui ont marché vers le Centre , remettez-vous.
Les 4. petits Quarrez N , N , N , N reviennent fur le Front
de M & E.
6. Les Files du milieu , prenez garde à vous , EM.
7. La Demi-file des Files du milieu , demi-tour à droit.M
fait face vers le Centre du Bataillon.
8. Chef-de- File des Files du milieu , demi- tour à droit. E
fait face vers le même Centre.
9. Marchent les Files du milieu. E & M marchent en avant,
jufqu'à ce qu'elles foient fur le Front de CDQ & PAB de
la premiere Figure.
10. Chef-de- File de ceux qui ont marché , demi- tour à
droit. E fe remet fur fon premier Front , & le Bataillon
eft remis.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 85

85

A
N N

M
Fig.I IV
ME

M М


.

E I
A

F 3
ALLA
S *
LY

?
OU L'ART DE LA GUERRE. 87

CHAPITRE V.

De la Cavalerie.

'Eft avec raifon que ceux qui ont du Service appellent


C la Cavalerie le bras droit des Armées ; en effet c'eft
a
ce la Cavalerie que dépend d'ordinaire le bon fuccés
des Batailles & des plus importantes entrepriſes de la Guerre;
& l'experience fait affez remarquer , que leparti qui eft le
plus fort en Cavalerie , eft d'ordinaire le Maître de la Cam-
pagne ; que fi les Ennemis font un Siege , il defole leur païs
par fes courfes , leur enlevant par fes partis les Recruës & les
Convois qu'ils pourroient efperer , & empêchant par fes
Camps volans la jonction de leurs Troupes , & le ravitail-
· lement de leurs Places.
Pour parler d'un Corps fi confiderable avec quelque ordre,
j'en vais commencer le détail par l'emploi le plus confidera-
ble , qui eft celui de Colonel General. En avertiflant que
lous le nom general de Cavalerie , je n'entens parler ici que
de celle qui eft diftribuée en Regimens commandez par des
Meftres- de-camp, fous le titre de Cavalerie legere.

F 4 D#
88 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Colonelgeneral de la Cavalerie legere.

Ette Charge n'eft jamais confiée qu'à une perfonne d'un


CEmerite extraordinaire , ou qui par fa naillance & par
mille belles qualitez naturelles s'eft fait juger digne d'un Em-
ploi ficonfiderable. Il commande avecun pouvoir abfolu fur
toute la Cavalerie legere du Royaume. Sa Charge l'oblige
d'obferver exactement files Officiers des Regimens font leur
devoir felon le rang de leurs Commiffions , qui doivent être
toutes vifées de lui. Enfin elle eft fi confiderable , qu'elle lui
donne le pouvoir de commander la Cavalerie en toutes for-
tes d'occafions , & de l'envoyer à la Guerre,

Du Mefire- de-campgeneral.

Cette Charge eft la feconde de la Cavalerie legere , & ce-


lui qui l'exerce, a tout pouvoir de la commander en l'ab-
fence du Colonel.

Du Commiffairegeneral de la Cavalerie legere.

Sa Charge fuppofe neceffairement un Officier d'une ex-


perience confommée , d'autant qu'il commande la Cavale-
rie legere en l'ablence du Colonel & du Meftre-de- Camp
general.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 89

Du Meftre-de- Camp.
Cette Charge demande une perfonne de la premiere qua-
lité , ou quefes belles Actions ayent rendu digne d'un Pofte
fi confiderable. Il doit avoir l'inclination bien -faifante , aimer
la Juftice , & pancher plus du côté de l'indulgence que de la fe-
verité. Il doit s'étudier à connoître l'humeur defes Capitai-
nes & de fes autres Officiers , en éloignant peu à peu les plus
vicieux & de mauvais exemple. Il doit de temps en temps
rendre quelque bon office à quelques- uns du Regiment qui
le meritent davantage , foit en leur procurant quelque nou-
vel emploi, ou quelque gratification de la Cour , tâchant de
parler toûjours en bons termes de fes Officiers & même des
Cavaliers. Quand il fçaura qu'ily a difpute entre fes Officiers
de même Rang, il tâchera de les faire accorder, fans qu'ils
fçachent qu'il en foit averti , & affectera de n'être point pre-
fentà leur accommodement , afin de ne pas s'attirer la haine
de celui qui a tort . Quand quelque Cavalier fera mal avec
fon Officier , il tâchera de proteger le Cavalier , qui ordi-
-nairement eft affez mal traité par les Officiers fubalternes ,
fans que le Meftre- de- camp les autorife , principalement
quand c'eft pour des chofes qui ne touchent pas le fervice ni
la difcipline Militaire. Quandle Meftre- de-camp recevra des
ordres de fon General , il doit les executer dans le temps &
de la maniere qu'ils lui font marquez , principalement quand
il s'agit du fervice du Roi ; & s'il y a quelque chofe contre fes
Prérogatives , ce fera à lui à fe plaindre en temps & lieu.
Il doit rendre toute forte d'obeillance touchant le fervice aux
Lieutenans Generaux, aux Maréchaux de Camp , & aux
Brigadiers , même aux autres Officiers Generaux de la Ca
valerie. Quand il marche à la Tête de fon Regiment , il doit
être à la tête des Capitaines.
Pour ce qui eft des autres Charges du Regiment de Cavalerie,
comme de l'Aumònier , du Chirurgien , &c. c'eſt du Meftre-
de-camp qu'ils dépendent.
Du Lieutenant-Colonel.
En France les Regimens étrangers de Cavalerie , & ceux
qui marchent fur leur pied , ont des Lieutenans- Colonels.
FS De
90 LES TRAVAUX DE MARS ,

De l'Etat Majord'un Regiment de Cavalerie.

Endant la derniere Guerre il y avoit dans les Regimens


Pend a
François un Major , un Aide-Major , un Aumônier
& un Chirurgien.

Du Major& defon Aide.

Le Major d'un Regiment de Cavalerie eft d'ordinaire le


premier Capitaine du Regiment : Il doit être d'une probité
toute particuliere , puifque c'est lui qui reçoit la paye du
Regiment. Il doit être un homme d'un grand détail, étant
comme l'ame du Regiment , particulierement dans les Regi-
mens François où iloccupe le Pofte d'un Lieutenant-Colo-
nel : Ila enl'abfence du Meftre-de- camp tout pouvoir fur le
Regiment; ce qui le doit obliger à fe faire craindre & aimer
des Officiers & des Cavaliers , foit en general ou en parti-
culier. Quand le Regiment fait plufieurs Eſcadrons , c'eſt
lui qui doit commander à la tête du fecond.
Son Aide a le foin d'aller prendre l'ordre du Major de
Brigade, ou de fon Major, & de le porter au Comman-
dant du Regiment , pour aller enfuite le diftribuer aux
Maréchaux des Logis de chaque Compagnie. C'est lui qui
` a lefoin de faire les Logemens, & de les vifiter. Ila auffi le
foin d'aller avec le Maréchal de Camp , qui eft dejour , chez
le Maréchal des Logis de l'Armée pour y recevoir fes
Ordres. Dans unjour de combat il va reconnoître le terrain
quefon Regiment doit occuper, & il prend l'ordre du Ma-
jor de Brigade.

D#
OU L'ART DE LA GUERRE.

Du Capitaine de Cavalerie.

Un Capitaine de Cavalerie doit être un homme riche , afin


de pouvoir foûtenir les pertes qui lui peuvent arriver par la
mortalité de ſes chevaux , ou par la defertion de fes Cavaliers.
Il doit être un homme d'experience , & avoir fervi en differen-
tes occafions , afin de pouvoir prendre bien fon parti dans les
conjonctures où il fe trouvera engagé. Il doit être genereux , &
nerien promettre à fes Cavaliers qu'il ne veuille bien tenir. Il
faut qu'il foit difcret & moderé principalement quand il reçoit
quelques ordres fâcheux de fon Meftre-de-camp , qu'il doit ne-
anmoins executer aveuglément, & enfuitefaire fes plaintes avec
prudence. Quelques ordres qu'il puiffe recevoir pour la marche
de fa Compagnie , il doit toûjours les executer comme ils lui
font marquez , malgré la rigueur des pluyes , du froid , des gla-
ces , ou des vents : enfin rien ne le doit empêcher de fe mettre
en campagne , & de marcher de jour ou de nuit pour arriver au
lieu & dans le temps quefon ordre porte : Enun mot , com-
me lacharge de Capitaine de Cavalerie eft tres-belle , auffi de-
mande-t'elle un homme de merite.
Du Lieutenant de Caualerie.
Tout ce que j'ay dit du Lieutenant d'Infanterie fe peut rap-
-porterau Lieutenant de Cavalerie : Mais commeles Cavaliersfe
piquent ordinairement d'une naiffance plus relevée que les Fan-
taffins ; le Lieutenant de Cavalerie les doit traiter avec honnê-
teté , & avec des égards qu'on n'a pas pour le fimple Soldat , afin.-
de les entretenir dans une fierté qui contribue à les rendre plus
braves, & plus fidelles : car la plupart des defertions qui arri-
vent dans la Cavalerie , viennent du mauvais traitement que les
Cavaliers reçoivent du Lieutenant , furtout quand il les frappe
de la canne , ou quand il les maltraite fans raifon : Neanmoins
s'il étoit befoin d'en châtier quelques- uns fur le champ pourdon-
ner exemple aux autres, il ne le doit jamais faite que de fon épée.
Le Lieutenant doit avoir une parfaite connoiffance des bonnes
& des méchantes qualitez des chevaux , afin de fe défaire des
vicieux , & faire enforte que la Compagnie foit toûjours bien
montée. Dans une marche le Pofte des Lieutenans eft à la tête
de la Compagnie à la gauche du Capitaine;quelquefois les Lieu-
tenans fe poffent à la Queue des Efcadrons, pour empêcher que
les Cavaliers ne quitent leurs Rangs , & qu'ils ne s'écartent de
l'Etendard fans congé , ou pour quelque raifon legitime.
Ви
$92 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Cornette & defon Etendard.


Cét Officier eft d'ordinaire un jeune homme de qualité, qui
commence par cét emploi à apprendre le métier de la guerre.
11 eft le troisième Officier de la Compagnie , & fa nomina-
tion dépend du Roi feul.,Le principal emploi du Cornette eft
de porter l'Etendard dans le milieu du premierRangde l'Eſca-
dron , où il doit plûtôt perir , que de fe le laiffer arracher ,
étant la marque d'honneur du Corps où il eft incorporé.
L'Etendard eft une piece d'étoffe environ d'un pied &
demi en quarré , fur laquelle font brodées les Armes , les
Devifes , ou les Chifres du Prince ou du Meftre-de-Camp:
On attache d'ordinaire l'Etendard au bout d'une lance longue
de 8. à 9. pieds , & dans le temps des playes on l'enferme dans
une bourfe qui eft attachée au fer de la lance.
Le Cornette doit avoir une botte faite exprés pour rece-
voir le talon de la lance de l'Etendard , & une Echarpe pour
fe la lier autour du corps dans un combat , crainte qu'on ne
la lui enléve.
Du Maréchal des Logis.
Cét Officier doit être un homme vigilant & d'une grande
application , ayant infpection fur toute la Compagnie. Il
doit avoirunfoin particulier , que les munitions & les fou-
rages qu'il reçoit du Munitionnaire foient bons , & il les doit
diftribuer à fes Cavaliers fans alteration , & doit avoir ſoin
qu'ils ne les vendent. Il doit vifiter ſouvent les Ecuries , &
voir files chevaux y font à couvert des eaux , s'ils font bien
penfez & nourris , s'il ne manque rien à leurs felles , bri-
des , &c, en un mot , s'il fontprefts à partir au premier Bou-
tefelle. C'eſt au Maréchal des Logis à aller prendre l'ordre
chez l'Aide-Major pour le porter àfon Capitaine & aux au-
tres Officiers de fa Compagnie. Dans une Marche où dans
une Garniſon c'eft lui qui ale foin de pofer les Corps-de-gar-
des. Quand la Compagnie marche il le pofte à la Queue, afin
d'empêcher les Cavaliers de quitter leurs Rangs. S'ily a quel-
que détachement à faire de la Compagnie , ‫ י‬c'eft d'ordinaire
le Maréchal des Logis qui en a le foin . Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 93-

Du Brigadier.

Chaque Compagnie de Cavalerie a deux Brigadiers


font tirez du corps des Cavaliers par diftinction,.
Le Brigadier doit être un homme de coeur & de bon
exemple, afin d'être capable d'appaifer les querelles qui peu-
vent naître entre les Cavaliers. Il doit s'étudier à connoître
l'humeur particuliere de fes Cavaliers , pour ne pofer en
vedette que ceux dont la fidelité & la bravoure lui font con-
nuës , principalement dans les Poftes avancez où il eft à
craindre qu'un homme timide ne donne de faufles alarmes ,
oune fe laifle enlever. Le Brigadier doit fçavoir lire & ć-
crire , afin de tenir un registre des ordres qu'il reçoit du
Maréchal des Logis , pour les diftribuer enfuite à fes Cava-
liers. Il marhe à la droite du premier Rang de la Compagnie.

Du
94 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Cavalier.

LE Cavalier , que d'ordinaire l'on nomme auffi Maître , eft


un homme qui fait profeffion.de fervir à cheval : Il doit
avoir la taille mediocre, tant pour la facilité de monter à cheval,
quepour ne point l'incommoder. Il doit être enrôlé à l'âge de
vingt- cinq à trente ans , afin d'être plus difciplinable que s'il
étoit d'un âge plus avancé. Il eft important de fçavoir le lieu de
fa naiffance , & la qualité de fes parens , pour éviter la défer-
tion. Il doit être d'une conftitution robufte , & aimer naturel-
lement les chevaux , afin d'en avoir un foin tout particulier ;
c'eftpourquoi les Cavaliers de la campagne font préferables à
ceux des Villes , où il y a plus de delicateffe. Il faut auffi qu'il
foit fobre, & le moinsjoueur qu'il fera poffible : S'il s'en ren-
contre de blafphemateurs , on leur doit percer la langue , fur-
tout quand ils font incorrigibles.
L'Habillement du Cavalier eft d'ordinaire
Un Collet, ouune maniere de jufte-au-corps debuffe avec
des manches de peau d'élan , ce qui eft marqué dans la Figure
prefente de la lettre A. Ilade plus
Un Baudrier de bufle B.
Un Porte- Moufqueton fait de cuir de bufle C. &
Des Bottes avecleurs Fournitures E.
Depuis quelques jours on a eu ordre de donner aux Cavaliers
des Ceinturons au lieu de Baudriers, dans la penfée que les Cein-
turons les embarafferont bien moins que les Baudriers.
Chaque Ceinturon , qui eft de buffe , porte un Cartouche ou
une maniere de Gibeciere , dans laquelle font enfermées envi-
ron douze charges dePiftolet & deMoufqueton. Ces charges qui
contiennent précisément la quantité de poudre & la balle qu'il
fautpour lesarmes aufquelles elles font deſtinées , font empac-
quetées dans de petits rouleaux de papier de la groffeur du calibre
des Moufquetons & des Piſtolets d'Arçon . Quand les Cavaliers
veulent fe fervir de ces charges , ils les déchirent avec les dents
par un de leurs bouts pour faire tomber en même temps la pou-
dre & la balle dans le Canon , & le papier du rouleau leur tient
lieu de bourre.
Les Armes du Cavalier font d'ordinaire,
4
Un Sabre ou une Epée marquée E.
Des Piftolets d'Arçon F. &
Un Mousqueton
Du
OU L'ART DE LA GUERRE 95

95

D
98 LES TRAVAUX DE MARS ,

DuTrompette, & de la Trompette.

LETrompette eft un homme de cheval commis pour fonner


de la Trompette , d'où il prend fon nom.
La Tromperte eft un des plus agreables inftrumens militaires
que nous ayons ; elle eft faite d'argent , de rolette, ou de cuivre
rouge , & le plus fouvent d'airain . Le corps de la Trompette est
formé d'un long Tuyau doublement courbé , comme eft le mar-
qué A. Les plus confiderables parties de la Trompette & de fes
ornemens font
L'Embouchure B.
Le Bouton C.
Le Pavillon D.
Un Cordon de foye , d'or ou d'argent E.
La Sourdine F. &
Sa Banderolle G. C'eft fur cette Banderolle que l'on peint ,
où l'on brode d'ordinaire les Armes du Meftre- de- camp , à
qui appartient le Trompette.
Le Trompette doit être un homme de fatigue & vigilant ,
pour être preft à toute heure d'executer les Commandemens de
fonner , dont les plus confiderablesfont ,
Le Boute felle ou à cheval, pour avertir les Cavaliers qu'ils
avent à s'aprêter.
A l'Etendard , pour monter à cheval.
L'Appel , pour redrefler les Troupes quand elles fe perdent
de nuit, ou pour ſe faire reconnoitre.
La Marche.
La Charge , quand il eft queſtion de combattre.
La Retraite , quand il faut fe retirer.
Le Guet , auffi- tôt quel'ordre eft diftribué.
La Sourdine , quand il faut marcher à petit bruit.
Chaque Compagnie de Cavalerie doit avoir fon Trompette ,
qui porte la livréedu Prince ou du Colonel à qui appartient le
Regiment. Il doit toûjours être logé ou campé avec la Com-
pagnie. Il prend d'ordinaire l'ordre du Maréchal des Logis.
Le Trompette doit être un homme difcret , principalement
quand il eft employé dans les Pourparlers , où il ne doit jamais fe
fervir d'autres termes que de ceux dont il eft chargé , & ne s'in-
gererjamais de donner aucun confeil ; atin que dans les Confe-
rences & dansles Traitez on ne trouve point d'ambiguité nide
fentimens contraires à ceux qu'il a propoſez.
Du
OU L'ART DE LA GUERRE . 97

97

-Tom . III.
98 LES TRAVAUX DE MARS ,
Du Timbalier & des Timbales.

Imbalier eft un homme de cheval , commis pour bat-


T tre les Timbales , d'où il prend fon nom .
Timbales font deux manieres de grands Baffins de cui-
vre rouge ou d'airain , ronds par leurs fonds , & couverts
par leurs deffus d'une peau de bouc, qu'on y fait tenir par
le moyen d'un cercle de fer & de plufieurs écrous attachez
au corps de la Timbale , & d'un pareil nombre de viffes ,
que l'on monte ou démonte avec une clef. Les Timbales
fe tiennent enſemble par le moyen d'une couroye , que
l'on fait pafler dans deux anneaux , qui font attachez
l'un devant & l'autre derriere le pommeau de la felle du
Timbalier. Les Timbales font garnies de deux Tabliers mar-
quez A, qui font d'ordinaire de damas ou de fatin, fur lefquels
font brodées les Armes du Prince ou du Colonel à qui elles
appartiennent : quand le temps eft fale , on les couvre d'ordi-
naire d'un cuir de vache noir.
Le Timbalier doit être un homme de cœur , & chercher
plûtôt à perir dans le Combat , que de fe laiffer enlever avec
fes Timbales. Il doit avoir un beau mouvement des bras &
l'oreille jufte , & fe faire un plaifir de divertir fon Maître par
des airs agreables dans les actions de réjouiflance. Il n'y a
point d'inftrument qui rende un fon plus martial que la

Timbale , principalement quand elle eft accompagnée du


fon de quelques Trompettes.
Le Timbaler pour frapper fur les Timbales fe fert de baguer-
tes de bois de cormier ou de buis , longues chacune de buit à
neufpouces, ayant chacune à une de leurs extremitez une petite
rofette de la grandeur d'un écu blanc ; c'eft l'extremité de ces
petites rofettes qui frappe la peaude la Timbale , & qui lui fait
rendre un fon bien plus agreable , que fi elle étoit frappée d'une
baguette de Tambour.
Le Timbalier & le Trompette dans les Marches & les Re-
vües marchent à la tête de l'Efcadron , trois ou quatre pas de-
vant le Commandant ; mais dans un jour de Combat ils font
fur les Ailes dans les intervalles des Efcadrons , pour recevoir
les ordres du Major ou de l'Aide- Major du Regiment.
D'une
ου
OUιL'ART DE LA GUERRE. 99

99

H G 2

LYON
100 LES TRAVAUX DE MARS ,

D'une Compagnie de Cavalerie.

Es Compagnies de Cavalerie font maintenant compo


Lefées
fées de deux Brigadiers , de deux Carabiniers , de tren-
te- cinq Cavaliers , & d'un Trompette.
Dans le nombre des trente-cinq Cavaliers doit être com-
pris un bon Maréchal , rien n'étant fi neceffaire.
Les Carabiniers font des Cavaliers choifis par diſtinction
dans la Compagnie , comme plus experimentez au métier
de la guerre , & les plus adroits à tirer ; ils ont des Carabines
rayées , qui portent trois cens pas , & que l'on charge à
force avec une Baguette de fer. Ils ont par mois quarante-
cinq fols plus de paye que les Cavaliers , & un Louis-d'or
toutes les fois qu'ils remportent leprix les jours que l'on en
propofe.

Marche d'une Compagnie de Cavalerie.

La Marche que nous reprefentons ici d'une Compagnie


fervira à marquer le Pofte de chaque Officier , felon le Rang
qu'il tient dans la Compagnie , quand elle marche fur quatre
Files . Sçavoir ,
Le Trompette A.
Le Capitaine B.
Le Lieutenant C.
Le Cornette D.
L'Etendard E.
Les deux Brigadiers F.
Les Cavaliers G.
Les Maréchaux des Logis H

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 1 Y

toL

3
IQ2 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Escadrons.

Dans la page 50. de ce Volume j'ay dit , que fous le nom


d'Efcadron on entendoit parler d'un petit Corps de Cava-
lerie dans celle- ci j'ajoûterai que l'Efcadron fe forme à pre-
fent de quatre Compagnies , ce qui peut aller à foixante , à
foixante & quinze , a cent , ou à fix-vingt Maîtres , & que ja-
mais il ne paffe deux-cens , à caufe qu'un plus grand nombre de
chevaux fe rencontrans dans des terrains difficiles , commefe-
roit un Bois , un Défilé , ou un Marais , on ne les fçauroit
pofter avantageufement , ni les faire agir avec fuccés.
C'eft une regle generale , que l'Efcadron eft toûjours à trois
Rangs de hauteur , & que l'intervalle d'entre fes Rangs eft à
peu prés de la longueur de deux chevaux. S'il eft compofé de
foixante & quinze Maîtres , il y en aura vingt- cinq à chaque
Rang; s'il eft de fix-vingt Maîtres , il y en aura quarante dans
chaque Rang.

Des Regimens de Cavalerie.

Endant la derniere Guerre les gros Regimens de Cavalerie


étoient composez de douze Compagnies , d'autres de huit,
& quelques-uns de quatre.
Voici la reprefentation d'un Regiment qui forme trois Efca
drons , où le Pofte de chaque Officier eft marqué par lettre
Alphabetique.
Le Meftre-de- camp , A.
Le Major , B.
Le premier Capitaine , C.
Les Capitaines , D. dans un même rang.
Les Lieutenans , E.
Les Brigadiers , F.
Le Cornette G , avec fon Etendard .
Les Cavaliers ou Maîtres , H.

Des Cuiraffiers.

LES Cuiraffiers font des Cavaliers armez de Cuiraffes à l'é-


preuve du piftolet ; ils forment un Regiment commandé
par un Meftre-de- Camp , un Major , &c,

CHA-
QU L'ART DE LA GUERRE . 103
203.

XXX AGA X

G4
ON .
LY
OU L'ART DE LA GUERRE. 105

CHAPITRE VI.
* ..

Des Compagnies d'Ordonnance de la Maiſon


du Roi.

Ous le nom de Compagnie d'Ordonannce , j'ay die


dans les pages précedentes , que j'entens parler des
S
Gardes-du-Corps , des Gens-d'armes , des Chevaux-
legers de la Garde , & c.

& S Des
106 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Gardes -du- Corps.

Es Gardes-du-Corps font des Gentilshommes ou des


Cavaliers choifis par leur bravoure , ou par leur fide-
lité pour fervir àla Garde de la Perfonne du Roi.
Ils font diftinguez en quatre Compagnies commandées
par quarte Capitaines , qui fervent par quartier auprés dela
Perfonne defa Majefté.
Dans chaque Conpagnie il y a trois Lieutenans , trois
Enfeignes , douze Exempts, & quelque quatre-cens Maîtres.
Ily a un Major & deux Aides-Majors pour toutes les qua-
tre Compagnies , & chaque Compagnie a un Aide-Major.
Chaque Cqmpagnie a des Brigadiers & Sous - Briga-
diers. Les Brigadiers prennent la Queue quand l'Eſcadron
eft formé, comme font les Maréchaux des Logis dans la
Cavaliere legere.
Chaque Compagnie a les Trompettes & fes Timbaliers .
Quand les Gardes - du - Corps accompagnent le Roi , ils
ont toûjours le fabre nud à la main. Dans une Bataille ils
ont la droite de toute la Cavalerie.

Des Gens-d'Armes , & de leur Guidon.

Es Gens-d'armes font des Cavaliers conſommez d'ordi-


L naire dans le ſervice , qui anciennement étoient ar-
mez de toutes pieces. Ils ont un Capitaine - Lieutenant ,
deux Sous-Lieutenans , trois Enfeignes & trois Guidons.
·
Sous le nom de Guidon on entend ici parler d'une ma-
niere de Drapeau qu'il porte , dont l'étoffe eft pareille à celle .
des Drapeaux , mais il eft plus long que large , & fendu par
le bout , qui forme deux pointes un peu arondies. D'ordi-
naire le Guidon eft garni d'une frange d'or ou de foye , de la
* même maniere qu'eft brodée la Deviſe ou le Chifre qui eft
au Guidon.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 107

Des Chevaux-legers.

Es Chevaux -legers ont un Capitaine- Lieutenant, deux


Sous- Lieutenans , deux Cornettes & deux Maréchaux
des Logis , avec Trompettes & Timbales.

Des Mousquetaires.

Ous le nom de Moufquetaires j'entens parler des Mouf-


quetaires du Roi , qui font des Gentilshommes iffus
des meilleures Familles du Royaune , qui entrent dans ce
Corps pour apprendre le métier de la Guerre.
Ils font partagez en deux Compagnies , qui portent le
nom de Premiere Compagnie ou de Moufquetaires Gris ,
& de Seconde Compagnie ou de Moufquetaires Noirs.
Les uns & les autres combattent felon les differentes occa-
fions, tantôt àpied & tantôt à cheval.
Les deux Compagnies des Moufquetaires ont le Roi pour
Capitaine , & chaque Compagnie en particulier aun Capi-
taine Lieutenant , un Sous- Lieutenant , un Enfeigne , un
Cornette , fix Maréchaux des Logis , des Tambours, &
des Hautbois.

Des Grenadiers volans.

LEsGrenadiers volans font gens à cheval choifsdans tou-


te l'Infanterie du Royaume, tant pour leur bonne mine,
que pour leur valeur. Ce font eux d'ordinaire qui fe trou-
L. vent à l'attaque des Contreſcarpes , des Demi-lunes & des
Affauts. Leurs Armes font un Fufil & un Sabre.
Ils font l'exercice à peu prés comme il eſt traité dans le
Chapitre fuivant.
Depuis que cette Compagnie eft fur pied , le Roi la fait
marcher à la Tête de la Brigade de fa Maifon , quoi qu'elle
n'ait point de Rang pour rouler avec cette Brigade,

De
1

108 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la petite Gendarmerie.

Ous le nom de la petite Gendarmerie font compriſes les


SousCompagnies des Gens - d'armes Ecoffois , Bourgui-
gnons , Anglois , Flamands , & les Compagnies des Gens-
d'armes & des Chevaux-legers de la Reine , & des Gens - d'ar-
mes & des Chevaux-legers de Monfeigneur le Dauphin , de
Monfieur le Duc d'Anjou , & des Gens- d'armes & des Che-
vaux-legers de Monfieur .
Chaque Compagnie de Gens - d'armes a un Capitaine-
Lieutenant , un Sous-Lieutenant , un Enſeigne , un Gui-
don , & un Maréchal des Logis.
Chaque Compagnie des Chevaux-legers a un Capitaine-
Lieutenant, un Sous- Lieutenant , un Cornette & un Ma-
réchal des Logis.
Chacune de ces Compagnies a une paire de Timbales &
des Trompettes.

Des Dragons.

Es Dragonsfont des Gens qui combattent tantôt à pied ,


LEtantôt à cheval , & qui d'ordinaire font les premiers
commandez pour porter la Guerre dans le païs Ennemi.
Maisparce que leurs chevaux contribuent extremement au
fuccés de leurs expeditions , j'ay crû n'en devoir parler qu'en
traitant de la Cavalerie.
Dans chacun de leurs Regimens il y a un Colonel , un
Lieutenant - Colonel , un Major & un Aide- Major.
Dans chaque Compagnie il y a un Capitaine , un Licu-
tenant , un Cornette , un Maréchal des Logis , deux Ser-
gens , un Tambour , & quelques-uns ont des Hautbois.
Les Officiers des Dragons ont de grands avantages , car
ils roulent dans la Cavalerie & dans l'Infanterie felon leur
rang.

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 109

CHAPITRE VII.

Des Exercices ou des Mouvemens


de la Cavalerie.

Omme les Armes des Cavaliers ne confiſtent qu'en


une bonne Epée , une paire de Piſtolets d'Arçon, &
C un Moufqueton , & qu'il n'y a pas un Cavalier qui
ne fçache charger & fe fervir de fes Armes à feu , en les tirant
à proposfelon tous les mouvemens qu'il eft obligé de faire ,
on confond ordinairement dans la Cavalerie le nom d'Exer-
cice avec celui d'Evolution , qui font diftinguez dans l'Infan-
terie, où l'on prend l'Exercice pour le maniment des Armes,
& l'Evolution pour le mouvement d'un Corps entier.

Noms
110 LES TRAVAUX DE MARS ,

Noms des principales parties d'un Eſcadron.

L'ON ne fefert plus des mêmes termes dans la Cavalerie


comme l'on faifoit anciennement; ncanmoins pour
Latisfaire quelques Curieux , je donnerai dans cette page
lestermes qui font prefentement ufitez , & dans les pages
fuivantes ceux qui les années paffées étoient le plus en ulage.
Autrefois on donnoit aux differentes parties des Efca-
drons les mêmes noms que l'on donnait aux parties des Ba-
taillons ; c'est-à -dire que les noms de Front , de Rang , de
File , de Hauteur , d'Aile , de Serre-file , de Demi- rang ,
&c . convenoient aufli bien à l'Eſcadron qu'au Bataillon :
Mais prefentement par les noms de la Droite & de la Gauche
de l'Escadron onfupplée à tous ces termes ; & quand on veut
formerun Efcadron , on fe contente du terme de Doubler.

Du Rangque tiennent les Cavaliers dans leurs Compagnies ,


de la Methode pour former un Efcadron .

C'eft prefque une regle generale , que les plus anciens


Cavaliers prennent leur rang plus prés de la Tête de la Com-
paguie que les nouveaux , à moins que les Officiers n'en
difpofentautrement; c'eft auffi une loy receuë , que quand
on forme un Efcadron , la plus ancienne Compagnie prenne
la droite de l'Eſcadron , comme eft la marquée A : que la
feconde Compagnie prenne la gauche de l'Escadron , com-
me eft la marquée B : que la troifiême prenne la gauche de la
premiere Compagnie vers le Centre de l'Eſcadron , ainfi
qu'eft la marquée C : & enfin que la quatriême Compagnie
occupe la droite de la feconde vers le Centre de l'Efcadron ,
comine eft la marquée D.

Me-
OU L'ART DE LA GUERRE.

222 .
112 LES TRAVAUX DE MARS ,

Methodepourfaire ferrer les Files d'un Efcadron.


Uand un Efcadron marche dans un païs uni , fes Files
font d'ordinaire à un ou deux pas les unes des autres ,
Q
ce qu'étant à peu près l'épaiffeur du corps d'un cheval donne
plus de grace & de dégagement à l'Efcadron. Mais lorsqu'on
eft obligé de refferrer les Files pour occuper moins de ter-
rain , alors l'Officier qui commande dit :
Que laFilede l'Aîle droite ne bouge.
Adroitferrez vos Files.
Agauche remettez- vous : Exemple A.
Si l'Officier veut que ce foit l'Aîle droite qui s'appro-
che , alors il dit :
QuelaFilede l'Aîlegauche ne bouge.
Agaucheferrez vos Files.
A droit remettez- vous.
Quand on veut en même temps ferrer les Files d'un Efca-
dron , tant fur la droite que fur la gauche , ce qui eft propre-
ment couper l'Efcadron par le milieu , alors l'Officier dit :
Que les Files de l'Aile droite de l'Aile gauche ne bougent.
Far Demi-rangferrez vos Files à droit àgauche.
Methodepourfaireferrer les Rangs d'un Efcadron.
J'ay dit en parlant des Efcadrons dans la page 102. que
la diftance ordinaire qu'il doit y avoir entre les Rangs d'un
Efcadron , eft à peu prés de la longueur de deux chevaux ;
Mais comme fouvent par neceffité on eft obligé de les refler-
rer , foit en avant ou fur les Serre- files , l'Officier qui come
mande, quand c'eft en avant , dit :
Que les Chefs-de -files ne bougent.
Par Rangs en avantferrez l'Escadron: Alte: Exemple B.
Mais files rangs de l'Efcadron étoient trop ferrez fur le
"
devant , & que neanmoins on voulût conferver le terrain
que les Chefs-de- files occupent , & élargir davantage l'E-
fcadron fur les Serre- files , alors l'Officier qui commande dit:
Queles Chefs de files ne bougent.
Par Rangs reculez-vous. Alte,
Methode
OU L'ART DE LA GUERRE. 113

ng

透透 透捷透

JB

Tom.Ill. H
114 LES TRAVAUX DE MARS ,

Methodedefairedéfiler un Efeadron.

Uand l'Efcadron eft obligé de paffer par quelques


Quotes ,Rauco,ou Défilez , qui ont moins de lar-
geur que le Front de l'Efcadron , alors onle fera défiler en
cette maniere: Un des plus anciens des Brigadiers fe poftant
à l'entrée du Défilé , fera défiler l'Eſcadron par l'Aîle droite
s'il eft à fon choix , & par trois Files ou par quatre jufqu'à
la dernierre File de l'Aîle gauche. A melure que les Files
auront paffé le Défilé , elles fe doivent remettre à la gauche
des Files qui étoient à leur droite , avant qu'elles entraf-
fent dans le Défilé. Ce qui étant pratiqué par toutes les
Files , l'Eſcadron fe trouvera formé à la fortie du Défilé
comme il étoit avant que d'y entrer : Exemple A.
L'on fait auffi défiler par Rangs fur l'Aîle droite ou fur
l'Aîle gauche , & l'on forme l'Eſcadron à la fortie du Défilé
toûjours fur la gauche des Cavaliers , ficefont ceux de l'Aîle
droite qui ayent paffé les premiers dans leDéfilé ; & fur la
droite desCavaliers,fi ce font ceux de l'Aîlegauche qui ayent
franchi les premiers le Défilé : Exemple B.
Il eſt plus avantageux de défiler par Files que par Rangs ,
à caufe que trois Files compofent un Eſcadron , & qu'un
Rang ne forme rien.

Pour
OU L'ART DE LA GUERRE. 119

1158

"Na....

H 2
116 LES TRAVAUX DE MARS ,

Pourfaire leCaracol.

Uand un Eſcadron en veut infulter quelqu'autre qu'il


Q fçait être mal monté , plus foible, ou qui a ordre
de ne bouger de fon terrain , alors l'Efcadron qui attaque ,
fe fert ordinairement du Caracol , qui eft un mouvement
qui fe fait par le Flanc ou par la Hauteur de l'Eſcadron ;
& c'eft la File qui fait le mouvement , en ferpentant , &
en faifant des paflades par la campagne à droit & à gauche,
pour ôter la mire à ceux que l'on infulte : Exemple A.
Quand on veut faire le Caracol , l'Officier qui comman-
de dit :
A moi l ' Ailedroite par Caracol àgauche , faiſantfront
en Queuë.
S'il veut faire le Caracol par quart de Rang , l'Officier
dira:
Par quart de Rang& par Caracol , l'Escadron en qua-
tre Troupes.
-Pour fe remettre ,
Quarts-de-Rang à moi , l'Escadron en une Troupe.
Si l'on veut faire le Caracol par Demi- rang l'on coupera
le Bataillon comme par la moitié , & alors les Officiers fe-
ront le même Commandement que nous avons dit pour fai-
rele Caracol.
Quand on veut faire défiler un Eſcadron fans le rompre
pour pafler dans quelque lieu où peuvent marcher trois
Maîtres defront , on fe peut fervir du Caracol en comman-
dant aux Cavaliers de faire à droit ou à gauche ; afin que la
File de l'Aîle droite ou de l'Aîle gauche devienne Chef-de-
File des trois Rangs de l'Eſcadron , qui feront alors chan-
gez en trois longues Files : Exemple B.

Marko-
OU L'ART DE LA GUERRE. 117

217

-B
718 LES TRAVAUX DE MARS ,

Methodepourfaire la Converfion.

N fe fert dans la Cavalerie de la Converſion pour la


même fin que dans l'Infanterie ; c'est- à- dire , que
fans vouloir rompre l'Eſcadron on le fait tourner en cercle ,
en prefentant aux Ennemis toûjours le premier Rang , ou
lesmêmes Chefs-de-Files de l'Eſcadron .
Pour faire la Converfion du côté droit , l'Officier qui
commande dit :
Amoipar Converfion àdroit : Exemple A.
Pour faire cette Evolution avec juftefle , il faut que les
Cavaliers les plus éloignez de l'Angle du Chef- de-File de
l'Aîle droite , marchent beaucoup plus vite que ceux qui
en font proche , car ces derniers n'ont prefque point de
tour à faire, celui qui eft à l'Angle n'ayant qu'à tourner fur
le pied droit de fon cheval.
Si l'on veut faire la Converfion du côté gauche , l'Of-
ficier qui commande dira :
A maiparConverfion àgauche. Exemple B.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 119

119

HA
120 LES TRAVAUX DE MARS ;
Du Volte-face.
E Volte face eft le Demi-tour à droit , ou le Demi-tour
Làgauche , que
fait un Eſcadron , enforte que la tête des
chevaux vient occuper le terrain où étoit auparavant leur
croupe , ou au contraire la croupe vient fur le terrain où étoit
auparavant la tête.
L'on fe fert du Volte-face dans beaucoup de rencontres ,
mais particulierement quand l'on veut defunir ou rompre
quelque Infanterie.
Les Escadrons qui font commandez pour faire ces fortes
d'actions s'y prennent de differentes manieres. Il y en a qui
viennent au petit pas en tirant par Rangs , puis tout à coup
feignant de plier devant l'Infanterie qu'ils ont attaqueée ,
d'autres Efcadrons de leur parti viennent à toute bride, & fe
rompent encore devant les Bataillons , en faifant femblant
de fuit en tumulte ; par ces moyens ils attirent d'ordinaire
l'Infanterie ennemie , principalement quand elle eft com-
mandée par des Officiers de peu d'experience , qui croyans
pourfuivre des fuyards , s'avancentavec precipitation & avec
defordre pour gagner plus de terrain , & font caufe que leurs
Soldats quittent leurs rangs , & qu'ils fe difperfent dans la
campagne. Mais c'eft dans ce temps-là que la Cavalerie , qui
fembloit s'être debandée , ſe remet en Eſcadron , & fait le
Volte-face ou le Demi-tour , pour venir charger avecavan-
tage l'Infanterie , qui fe croyant victorieuſe avoit rompu fes
Bataillons.
Ce queje dis du Volte-face pour plufieurs Eſcadrons , fe
peut entendre de même pour unfeul.
Methode de faire tirer la Cavalerie.
Dans toutes les actions & mouvemens que je viens de di-
re , le Cavalier ne doit point tirer fans ordre de fon Officier.
Les Commandans , avant que de faire tirer , tâcheront ,
autant qu'il leur fera poffible , de gagner la main , c'eft- à-
dire, d'avoir toûjours l'Ennemi fur la droite , foit qu'ils faf-
fent tirer par Rangs , par Files , ou par Caracol, &c.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 12

121

。 。
LY
O
OU L'ART DE LA GUERRE. 123

CHAPITRE VII I.

DelArtillerie .

Des Officiers de l'Artillerie.

Du Grand- Maiftre.

A premiere Charge dans l'Artillerie eft celle de


Grand-Maître. Cette Charge eft une des premie
·L res du Royaume , & connuë de tout le monde.

Du Lieutenant General de l'Artillerie.

Cette Charge eft la feconde de l'Artillerie : celui qui l'e-


xerce atout pouvoir de la commander en l'abſence du Grand-
Maître.

Des Lieutenans d'Artillerie.

Les Lieutenans d'Artillerie font des Officiers d'une ex-


perience confommée , qui commandent l'Artillerie en
l'abſence du Grand - Maître & du Lieutenant General ; aprés
eux font
Les Commiffaires Provinciaux ,
Les Commiflaires ordinaires , &
LesCommiflaires extraordinaires.
Leurprincipal foin eft , que l'Artillerie foit bien fervie.
Pour les autres Officiers qui fuivent , ou fçaura par leurs
noms l'obligation de leurs Charges ; ils font plufieurs en
nombre, dont les plus confiderables font
Les Maréchaux des Logis , qui fixent les departemens.
Les Officiers Pointeurs , qui mettent les-Pieces en Bat-
teries.
Les Canonniers, qui chargent & tirent les Pieces.
Les
124 LES TRAVAUX DE MARS,
Les Artificieurs , qui ont le foin des Grenades , des
Bombes & d'autres feux d'Artifice.
Les Capitaines des Mineurs , qui ont lefoin d'inftruire
& de fournir les Mineurs.
Le Capitaine general des Chariots , qui fournit les Atte-
lages , les Chariots , les Charrettes & les autres Voitures ,
pour la conduite des Equipages.
Les Capitaines des Chariots qui ont le foin que les Char-
rettes , les Chariots & les autres Voitures foient prêtes pour
l'ordre commandé .
Le Capitaine des Ouvriers , qui commande aux
Charpentiers ,
Charrons ,
Maîtres- forgeurs ,
Tonneliers , & aux
Tourneurs.
Les Gardes du Parc.
Les Déchargeurs ou Sous gardes.
Les Contrôleurs.
Les Treforiers.
Les Aumôniers. 1

Les Chirurgiens , &c.


Del'Ordonnance des Arfenaux , & des Magazins
d'Artillerie.

'Arſenal eft d'ordinaire la demeure des principaux Of-


ficiers d'Artillerie. Quand les lieux font grands & com-
modes pour fournir les Eaux neceffaires pour le nettoye
ment du Salpêtre , on yfait les Poudres : mais le plus fou-
vent leur principal ufage eft d'y fondre l'Artillerie, & d'y
forger toute leur ferrure , auffi bien que de faire les Aftuts.
Ildoit y avoir dans les Arfenaux plufieur Salles , pour tra-
vailler aux Moules , aux Chappes & aux Noyaux des Ca-
nons , des Pierriers , des Mortiers , &des Petards , qui fe
font de fonte. Car pour les Boulets & les pieces de Fer, auffi
bien que les Pierriers qui en font faits , on les fait aux For-
ges. Dans
OU L'ART DE LA GUERRE. 125
Dans les Salles , qui ne doivent pas être beaucoup éloignées
des précedentes , on y fait les Forges pour fondre les Métaux ,
& pour couler les Pieces. 1
Dans les Salles prochaines de ces dernieres on nettoyera les
Canons , & les autres Pieces , pour les preparer à l'épreuve ,
& enfuite les reparer , rechercher leurs Frifes , Moulûres , &
tous leurs Ornemens , pour faire enfuite leurs Affuts.
Frot proche de ces lieux feront les boutiques des Charrons &
des Maréchaux , pour faire & ferrer les Affuts , les Chariots ,
& tout ce qui eft neceffaire pour le train de l'Artillerie. Plus
bas feront les Magazins , où l'on ferrera les pieces éprouvées ,
remettant à la fonte celles qui feroient éventées , que l'on pofe-
rafur des Chantiers , ou fur de fortes pieces de bois.
Enfin on choifira les lieux les plus fecs pour y bâtir des Remi-
fes , afin d'y mettre à couvert les Affuts & les pieces qui feroient
montées , de peur que l'eau , la neige & les autres injures du
temps ne gâtent & pourriffent tout ce qui eft de bois dans leurs
Affuts & Attelages.
Les Magazins d'Artillerie demandent auffi un lieu fec & ref-
ferré , principalement la Chambre où l'on doit mettre les Bar-
riques de poudre ; car la poudre ne doit pas être répandue en
terre ainfiqu'un monceau de bled , non feulement à caufe qu'el-
le s'amolliroit ; mais parce que tout fon nitre s'évaporeroit ,
& elle deviendroit moite & par monceaux , comme la balliûre
du charbon moüillé.
Un Magazin d'Artillerie pour être bien fitué , doit être dans
un lieufort , & qui foit plus fous la puiffance du Gouverneur de
la Place, que fous celle des Habitans : Il doit y avoir quantité
de Salles avec plufieurs Rateliers , pour attacher & fufpendra
les Corfelets , les Cuiraffes , les Morillons , les Piques , & les
Hallebardes car pour les Moufquets , les Carabines , les Fu-
fils , & les Piftolets , ils fe rangent les uns fur les autres.
Les Salles où l'on met les Cordages , les Méches , les Toiles
eirées , le Cuivre , l'Etain , le plomb , & tous les autres Uften-
ciles & Munitions qui fervent pour l'attaque & la défenſe deş
Places , doivent être entre les Salles des Armes & celles des
Feux d'Artifice , où l'on renferme les Bombes, les Grenades ,
les Petards , les Lances à feu , les Boffes , les Gaudrons , &
toute autre compofition fujette au feu.
Pour les Balles à Canon , elles feront bien dans les Cours ,
celles d'un même Calibre mifes enfemble , & feparées d'avec
celles d'un autre Calibre par une petite Muraille , fur laquelle,
on écrira le nom du Calibre , pour éviter la confufion des Cali-
bres quand on feroit preflé. HS ' Du'

!
126 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Salpêtre ou Nitre.

Eprincipal Elprit de la compofition ou la premiere


matiere de la Poudre eftde Nitre, communément appel-
lé Salpêtre. Les lieux les plus naturels pour le produire font
ceuxqui font quelque peu humides , comme font les Caves ,
les Celliers , les Eftables & les Ecuries , où l'on met d'ordi
naire repofer les Bêtes , lefquelles de leurs urines & fientes
engraiffent ces fortes de lieux . Pour bien connoître la terre
& les murailles où il y a du Salpêtre , il n'y a qu'à prendre des
plâtras ou de la terre de celle où l'on le cherche , & enpor-
ter fur la langue ; fi elle n'y fait point d'acrimonie , c'eft fi-
gne qu il n'y a point de Nitre : mais fi elle pique , & fe trou-
ve unpeu falée, c'eft une marque qu'elle en renferme : Cel-
le quipiquele plus , en renferme davantage.
Pour feparer le Nitre ou Salpêtre de la terre où l'on juge
qu'ily en a , il faut metre de cette même terre ou plâtras dans
des Cuviers que l'on remplira d'eau , & quand on aura laiffé
bien imbiber cette terre ou plâtras , on fera couler l'eau dans
des Baffins de cuivre rouge : enfuite on la purifiera fur le feu
dans des Cuviers auffi de cuivre rouge , & ainfi peu àpeu ferá
tiréle Nitre , & rendu parfait par le moyen du feu.
Pour rendre le Salpêtre dans faderniere perfection , on le
mettra dans une Chaudiere de cuivre , & on le dégraiffera en
yjettant quelque peu de foulfre , pour brûler & pour con-
fumer toute fa graiffe , prenant le foin de tems en temps de
l'écumeravec des Cuilleres de cuivre.
LeSalpêtre étant donc purifié par le feu , on en emplira
des Baffins de cuivre rouge , pour le laiffer refroidir . Cette
eau , qui fe congelera & fe prendra autour des Baffins , com-
medes rayons d'une gelée tendre, fera le Salpêtre , dont le
plus blanc eft le meilleur.
Lorfqu'on envoudra faire de la Poudre , comme il eft dit
dans la page fuivante , on reduira le Salpêtre en poudre , oụ
en farine en pefant deflus avecun rouleau ou une piece de
bois. De
OU L'ART DE LA GUERRE 127

PERS
128 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Compofition des Poudres , tantfine qu'à Canon.

A Poudre eft compofée de Salpêtre , de Soulfre , d'Eau


L & de Charbon fait de bois de Saule.
Pour faire la Poudre la plus fine , on met fix parties de
Salpêtrefur une de Soulfre , & fur une de Charbon.
Celle que les Marchands appellent ordinairment Poudre
fine, qui eft toutefois la feconde , fe fait en mettant cinq par-
ties de Salpêtrefur une de Soulfre , & fur une de Charbon.
La Poudre commune a ſeulement fur une partie de Soul-
fre , & fur une de Charbon , quatre parties de Salpêtre.
Les Poudres dont on le fervoit en Portugal lorfque j'y
étois , tant pour le Canon que pour le refte de l'Artillerie , 1
étoient faites en telle proportion, que pour en faire un Quin-
tal ou cent livres , on avoit mêlé fur foixante & dix-fept livres
de Salpêtre , onze livres & demie de Soulfre , & onze livres
& demie de Charbon,
Toute cette compofition fe lie avec de l'Eau fimple , &
c'eſt de la dépenfe inutile d'y mêler de l'Eau de vie , du Vin
blanc , & d'autre liqueur ou effence , qui à la longueur des
temps étant évaporée , ou prenant vent , l'air en ôte tout
l'humide, & rend le Salpêtre , le Soulfre & le Charbon fans
liaiſon.
On fera le mélange du Salpêtre , du Soulfre & du Char-
bon avec de l'Eau pure ; & quand cela fera détrempé , on
le battra dans un mortier avec un pilon de bois : s'il y en a
quantité , on le battra dans des Moulins , femblables aux
Moulins à huile , ou à papier.
Pour donner le Grain à la Poudre , on mettra la compo-
fition dans un Crible fait de parchemin , ou de peau de veau,
& percé à petits trous , felon la groffeur qn'on defire avoir
la Poudre . Pour cette compofition on fe fervira de deux
morceaux de bois , appellez Chevalets , qui la feront pafler,
& le Grain fe formera felon l'ouverture des trous.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 129

220

Tom. IIL
130 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des differentes efpeces de Canon.

ON affare que laPoudre & le Canon ont été inventez


Ο dans nôtre Europe environ l'an 1366. ou 1379. dans
un petit Village , fitué entre Venife & Chioggia : mais d'au-
tres Auteurs plus modernes difent que ce fut fur les côtes
de Danemarc qu'on en fondit les premieres Pieces , envi-
ron l'an 1419.

De toutes les differentes efpeces de Pieces d'Artillerie


le Canon eft celle qui tient lepremier lieu : ilporte un Bou-
let de 48. livres pefant , avec 24. livres de Poudre de Maga-
zin , & unpeu plus.
Le Demi- Canon ou Coulevrince porte 24. livresde Balle.
La Bâtarde porte 36. livres.
La Moyenne 24. livres.
Le Faucon 10. livres.
Le Fauconneau 5. livres.
Les autres Pieces qui ne font plus en ufage , & dont les
volées étoient trop longues pour la difformité des Metaux
& des Calibres , ou pour leur trop grande richeffe ou difette
de Metail , étoient le Dragon , le Bafilic , la Sirenne , &
une infinité d'autres que le Roi a fait refondre , pour en
faire une fonte plus fine & plus riche , commefont les fui-
vantes.
A, eft unegrande Coulevrine extraordinaire , longue de
quinze pieds , portant 16. livres de Boulet.
B, eft un Demi- Canon , portant 24. livres, de Balle.
C , eft un Canon leger ou un Demi- Canon , portant 24
livres de Boulet.
Ces Pieces de 24. font les plus ufitées pour faire les Bat-
teries dont on le fert pour l'Attaque de Places.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE 131

231

B
A

I 2
132 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Pieces legeres , ou des Pieces de Campagne.

Es Pieces qui font le plus en ufage pour la Marche des


L Armées , des Camps- volans , pour les défenfes des
Murailles , des Baftions , des Cavaliers & des autres lieux
où il faut des Pieces legeres & faciles à être maniées , font les
fuivantes.

A, eft une Coulevrine portant 16. livres de balle.

B,. eft une Coulevrine Bâtarde de 10. pieds de long ,


portant un Boulet de 8. livres.

C, eft une Bâtarde legere de 8. livres.

D , eft une Piece de Regiment de 4. livres.

E , eft un Pierrier , purtant un Boulet de 3. livres.

F, eft la Boëte d'un Pierrier,

Onremarquera , que quand on dit qu'une Piece porte un


Boulet de 16. ou de 24. On entend parler que la Balle , qui
eft toûjours de fer & non de plomb , peſe 16. ou 24. livres.
On obferve auffi , autant que faire fe peur , que la char-
ge de la Poudre pefe la moitiéde la Balle , ou fes deux-tiers.

Noms
OU L'ART DE LA GUERRE. 133

233

1 3
1
134 LES TRAVAUX DE MARS ,

Noms & Mefures des parties du Canon.

CEque je dirai du Canon , touchant les parties & fes orne-


mens , fe doit auffi entendre des Coulevrines , des Bâtar-
des & autresPieces. Et à l'égard de la pefanteur du Métail , on
appelle un Marc une demi- livre ; & quand on dit , cela pefe 8.
Marcs , c'eft-à- dire , 4. livres. Cela fuppofé , voici les noms
des parties du Canon.
AB , eft le Diametre de la Piece. I LO , la Culaffe.
C , le Bourlet. MN, l'Epaiffeur du Métail
DE , le Collet. à la Culaffe.
F , l'Aftragal. S , la Lumiere.
G , le Renfort. O , la Plate-bande avec l'Ar-
HI, le Tourillon . chet.
LA, la Volée ou l'Ame. R, le Bouton percé dans fon
A M , le Noyau . milieu.
Le Diametre de laBouche du Canon eft de fix poûces, & 2.lignes.
Le Diametre de la Balle fix poûces.
Le vent de la Balle deux lignes.
Les Balles pefent 48. liv . & cela s'appelle le Calibre du Canon.
Le Métail eft épais au Collet de 2. poûces, & à la Culaſſe de ſix .
Le Noyau eft long de 9. pieds, & partout d'un même Diametre .
Tout le Canon a un peu plus de dix pieds de long.
Le Diametre du Tourillon eft de fix poûces.
La Volée eft de cinq pieds & demi.
Le Renfort eft diftant de la bouche de quatre pieds & demi.
L'épaiffeur ou hauteur du Bourlet eftde cinq poûces.
L'Aftragal eft à demi-pied prés de la bouche.
Le métail de la Piece pefe environ cinq mille fix cens livres.
Son Affuſt eft long de quatorze pieds , & l'Effieu de fept.
Le Canon montéfur fon Affuft a prés de dix- neuf pieds de long.
7 Sa Charge de Poudre doit pefer la moitié de la Balle ou 24. liv.
Le Canon tire par heure dix coups , & parjour fix-vingt.
Le Canon tire de point en blanc fix-cens pas.
Il faut vingt chevaux pour mener un Canon.
Les Charrettes attelées de 4. chevaux portent 34. Balles de
Canon.
Six Charrettes & 24. chevaux fuffisent à traîner les Munitions
pour faire tirer un Canon tout un jour.
Pour le fervice d'un Canon il faut 2. Canonniers , 3. Chargeurs,
& 30. Pionniers.

De
OU L'ART DE LA GUERRE.
135

135

D
F

I 4
136 LES TRAVAUX DE MARS ,
De la Fonte des Alliages du Canon.
Our bien faire l'Alliage ou Mélange des Métaux propres à la
Pour Fonte des Pieces ci-devant nommées , on mêlera fur cent
livres de franc Cuivre douze ou quinze livres de vieil Etain.
Dans la Fonte de ces Métaux , appellée Bain , on y peut mêler
des morceaux de vieilles Cloches , de Canons , de Mortiers d'E-
piciers , de Chauderons , pour en faire un Saumon ou Monceau ,
afin d'y ajoûter d'autant plus ou moins d'Etain, que le Métail de
ce Saumon fera plus ou moins aigre , car plus on met d'Etain
dans la Fonte , & plus la Matiere en devient aigre & caffante.
Les Ouvriers à qui j'ay vû faire de l'Artillerie à Lisbonne ,
qui étoient Lorrains & Allemans , faifoient leurs Moules &
Chappes en la manierefuivante.
Ils piloient d'abord des tuiles , & de ces tuiles pilées, avec de
l'Eau ils en faifoient un certain Ciment où Mortier , qui leur
fervoit à faire leurs Moules.
Pour faire les Moules à Canon , ils prenoient une piece de
bois un peu plus longue que le Canon qu'ils vouloient faire , &
ils mettoient cette piece en chantier fur deux autres pieces de
bois. Ils appliquoient enfuite tout autour de certe piece de bois
du Mortier précedent , qu'ils faifoient tenir en y mêlant de
la Filafle & des Etoupes ; & aprés cette couche ils en met-
toient une autre , faite d'une terre qui s'appelle de Poil , qui eft
de la terre bien battue & mêlée avec de la fiente de cheval & du
poil de bourré. Ayant donc garni leurs pieces de bois de cette
terre , jufqu'à ce qu'ils euffent attrapé la grofleur du Canon
propofé , ils faifoient aprés fur ce Modelle tous les Embelliffe-
mens & fculptures qui fe font d'ordinaire fur les Bourlets , les
Collets , l'Aftragal , la Volée , le Daufin , le Renfort , & la
Plate- bande : Exemple A.
Pour la Culaffe B , ils la faifoient à-part avec tous fes Orne-
mens. Mais pour faire la Chappe du Moule , qui fait l'orne-
ment du Canon , ils couloient deflus leur Modelle C une cou-
che de Suiffort mince , & couvroient ce Modelle par deffus de
la terre précedente , qui recevoit la forme & tous les embellif-
femens du Canon , d'où ôtant le Moule , ils y ajoûtoient la
Culaffe,qu'ils y lioient avec de forts bandages, tant en longueur,
qu'en largeur : Ex. D. Et enfuite ils portoient cette Chappe
au trou de la Fonte , & l'ayant bien mife à plomb , & entou-
rée deterre bien battue , ils couvroient le Noyau d'une pâte de
charbon , & le mettoient bien à plomb dans la Chappe. Enfin
ils y laiffoient couler la Fonte , & le Moule étant refroidi , ils
trouvoient leurs Pieces faites felon la dexterité de leur travail.
Noms
OU L'ART DE LA GUERRE. 137

Is
138 LES TRAVAUX DE MARS ,

Noms des differentes parties d'un Affuft de Canon.

E Boís le meilleur pour faire les Affufts & les Roua-


LEges d'Artillerie eft l'Orme , le Chêne , & le Frêne ,
chacun coupé dans leur faifon.
A, eft un Affuſt de Canon , large dans œuvre du côté de
la Tête de 13. poûces , & au bout de 18.
B , font les Flafques, longues de quatorze pieds & demi, épaif-
fes de demi-pied , &larges d'un pied & huitpouces.
C, les Entre-toifes.
D , les Boulons.
E , l'Effieu.
F, lesBandes de deflus.
G, les Crochets de retraite.
H , la Happe.
I, leJour de la Huffe .
K, le Muſeau de l'Effieu .
L, le Boulon & la Lunette.
M , la Rondelle .
N, la Cheville de Limon.
O , le Limon.
P , le Repos.
Q, la Huffe de la Cheville de Limon .

Les Entaillûres & les Crochets de l' Affuftfont

a ,le Jour du Tourillon . , le Jour du Boulon.


b >.l'Hurtoir. m , le Limon .
c , le Crochet de Retraite. n , le Ragot .
d , les Chevilles à tête perduë.o , le Jour de la Clavette.
e , l'Equerre . p, la Bande des Limons.
f, les Goupilles. q , la Clavette, & la Chaînette.
g, la Bande de deffous . r, le Crampon de la Chaînette.
h , le Jour de l'Effied. s, la Bande du bout d'Affuſt.
i , la Cheville à tête quarrée. t , le Joar du Boulon.
k , la Bande de deffus.

Noms
OU L'ART DE LA GUERRE. 139

239

&
B
E
C

M H
P

1.

m
n
140 LES TRAVAUX DE MARS,

Noms des Rouages & d'autrespieces , fervant à


l'usage duCanon.

Eft une Roue legere propre à l'ufage des Pieces de


A.Campagne.
B , les Rais.
C, lesJentes.
D , le Moyeu.
E , les Cloux.
F , les Bandes .
G, les Liensfur Bandes.
H, les Liens fous Bandes.
I, les Leviers.
K, l'Effieu.
L, les Rouës propres à l'ufage de la groffe Artillerie.
M, lesVoyes des Rouës.
N, l'Orniere .
O, la grande & petite Frette.
P , l'Emboîture.
Q, le grand & petit coin.
R, leFronteau de mire.
S , le Foulloir .
T , l'Ecouvillon.
V , la Lanterne.
X , le Porte-feu.

Un Canon étant monté ſur ſon Affuſt & Roüage , eft


élevé de terre environ de trois pieds : les Roues étant fer-
rées font hautes de cinq pieds.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE 141

241
E

T
·

M
N
P

R
142 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Train ou des Chariots de l'Artillerie,

Apresavoirparlé affez amplement du Canon & de for


Affuft , j'en reprefenterai ici de tout-armez , mon-
tez & équipez , comme font ceux qu'on prépare pour quel-
ques expeditions.
Lepremier , marqué A , eft un Canon armé de tout ce
qui lui eft neceffaire pour tirer en campagne.
B, eft un Combleau , qui tient le Canon ferme à l'Affuſt.
C , le Foulloir.
D, les Leviers & les Pinces de toutes les manieres.
E, les Liens des Leviers, de l'Ecouvillon & du Chargeoir.
F, la Hampe ou Manche de l'Ecouvillon .
G, la Lanterne.
Le Canon H, garni comme le precedent , ade plus un
Avant-train, marqué I , qui eftfait d'un Effieu & d'une pai-
re de Rouës , hautes de trois pieds & demi , fort commodes
pour rouler dans le pais fec.
La Coulevrine K eft pofée fur un Chariot leger , ainfi que
font les Chariots qui fervent à conduire l'Artillerie dans
une longue route & païs de terre forte.
Les Roues font hautes de fix à fept pieds, & ne font ferrées
que de fimple Frette & Bandage.
Quand l'Artillerie marche en campagne , il n'appar-
tient qu'aux Chargeurs & aux Canonniers de s'afleoir fur le
Train de l'Artillerie,

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 143

143

A
H

K
144 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Inftrumens quifervent à monter & à defcendre les


Canons deleurs Affufts.

A Chévre A fert pour guinder ou monter les Canons


L deffus leurs Affufts , & pour les en defcendre.
La Chévre eft haute de douze à quatorze pieds , & doit
être d'un bois de frêne , de chêne, ou d'autre bois fort.
Elle eft faite de trois pieces de bois , dont il y en a deux
qui font jointes enſemble par diverfes travées. Les trois pie-
ces de la Chévre font jointes en haut par une Cheville de
fer , à laquelle eft attachée une Poulie qui foûtient un Ca-
ble , dont l'un des bouts s'attache aux Daufins du Canon ,
& l'autre bout au Moulinet de la Chévre.
Quand on veut monter ou defcendre le Canon de fon
Affuit , il n'ya qu'à tourner le Moulinet de la Chévre.
B, eft une Echelle de retraite , qui fert avec la Chévre
à monter les Canons fur leurs Affufts , quand ils n'ont point
de Daufins .
C, eft un Criq fort ufité pour foûtenir les Affufts & les
Effieux des Trains d'Artillerie , quand leurs rouës font rom-
pues ou quand on les veut charger pour en mettre de nou-
velles.
D, eftun Quadran ou Quart- de- Cercle , fait de bois ou
de cuivre, divisé en quatre-vingt-dix degrez , ou nonante
parties. Un de fes Demi-diametres doit être fort long , à
fçavoir celui qu'on pofe dans la bouche du Canon. Au Cen-
tre de ce Quadran on attache un Fil chargé d'un Plomb ,
afin de remarquer la diverfe élevation des Pieces , ou les
grandeurs des Angles fur lefquels on pointe les Canons ,
felon que l'on eft obligé de prendre de differentes mires.

Ma-
OU L'ART DE LA GUERRE. 14

245

Tom . III. K
146 LES TRAVAUX DE MARS ,

Manierede charger le Canon , de lepointer


avec le Fronteau de mire.

N met d'ordinaire pefant de Poudre , la moitié de ce


O que la Balle pele , comme à une Piece qui porte un
Boulet de 48. livres de fer , ony met 24. livres de Poudre
commune : & cela avec la Lanterne du Chargeoir ; & aprés
avoir tiré le Chargeoir de dedans la Piece , celui quila charge
y mettra le Foulloir pour affembler la Poudre qni feroit épar-
fe dans la Volée. Aprés en fe mettant deffus ou à côté de la
Piece , il donnera deux ou trois bons coups du Foulloir con-
tre la Poudre , la ferrant bien dans fa chambre , cependant
que quelqu'un bouchera la lumiere de la Piece avec le doigt ,
fi elle ne fe ferme d'un Archet. La Poudre étant donc toute
mife dans l'Ame , il pouffera avec le Foulloir un bouchon
de Paille , de Foin , ou d'Etoupe , contre la Poudre. Aprés
cela il nettoyera avec l'Ecouvillon le refte de l'Ame , puis
ayant enveloppé le Boulet d'un peu d'Etoupe , & l'ayant mis
dans la Piece il l'enfoncera avec un bouchon de Foin pour te-
nir le Boulet en état , & le Canon fera chargé.
Pour pointer le Canon , on prendra un Fronteau de mi-
re comme le marqué A , qui eft de cuivre ou de bois , taillé
felon la rondeur & la groffeur de la Piece, afin qu'étant mis fur
le Collet du Canon B, le Rayon viſuel B C du Pointeur, en
paffant fur la Plate-bande de la Culafle du Canon , & fur le
fommet du Fronteau de mire, qui doit égaler les Métaux ou
la hauteur de la Culaffe , le Rayon de vue foit parallele à la
ligne du Niveau de l'Ame du Canon OP , & aille vis- à - vis
le But , neanmoins un peu plus haut , à cause de l'épaiffeur
des Métaux .
Pour viferjufte , étant dans une Batterie , il faut commen-
cer à tirer de haut vers le bas , oude bas vers le haut par plu-
fieurs fois , jufqu'à ce qu'on ait attrappé le but , afin de con-
ferver avec le Quadran la mire trouvée, pour tirer toûjoursau
même lieu , fiony eft obligé , en la maniere fuivante.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 147

147

K 2
148 LES TRAVAUX DE MARS ,

Desprécautions neceffairespourpointer le Canon.

Eux qui fe mêlent de pointer le Canon , doivent fon-


CEger , qu'une Frize , une Bande, plus ou moins épaifle,
un Rouage inégal , unefimple têtede clou, font capables de
faire tourner l'Affuft , & par confequent de faire tourner à
gauche ouà droit la Piece & la Balle. Aprés qu'ils auront
donc pourvû à ces accidens , ils tâcheront de mettre leurs
Pieces horizontalement fur la Plate-forme de leurs Batteries ,
en mettant les deux Tourillons du Canon juſtement paralle-
les à la Plate -forme , que nous fuppofons auffi être de Ni-
veau.
De plus , ils fçauront qu'une Balle , en fortant de la bou-
che du Canon jufqu'à fon repos , a deux mouvemens , un
violent , & l'autre mixte où hyperbolique , & que ce n'eft
que par le premier mouvement que les Canonniers don-
nent au but, & que pour tirer ou pour jetter des Bombes ,
ilfe faut fervir de tous les deux mouvemens.
Ce n'eft pas , que quand on fefert de Canon pour tirer
ou battre un lieu qui feroit au de-là du premier mouvement
c'est-à-dire , environ fix ou 'fept-cens pas communs , qui
eft la portée ordinaire du Canon de point en blanc , on ne
puiffe fort utilement fe fevir du fecond mouvement , qui
porte la Balle avec forcejufqu'à plus de douze- cens pas : mais
pour y reüffir il faut fe fervir du Quadran ou du Quart de
Cercle , fait comme il a été enfeigné dans les pages préce-
dentes , afin qu'ayant une fois attrapé le But , la Piece ioit
pointée felon l'Angle qui aura reglé le coup.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 149

Des Batteries engeneral , & du Tir du Canon.


1
Canon tiréde deux- cens
UNd'ordinaire pas , ou de cent toiles , perce
quinze à dix-fept pieds de terre moyenne-
ment raffife , & dix à douze feulement de bonne terre.
Un coup de Canon tiré dans une terraffe de la diftance de
250. toiſes ou environ , ruinera plus de terre , qu'un homme
n'enpeut reparer avec 50. hottées , l'allant querir à 60. toifes
de la Bréche. La force du Canon tiré de bas en haut , de haut
en bas , & même de niveau , eft égale du côté du Canon ; mais
au regard du Boulet , du feu & du corps qui reçoit le coup , la
force en eft differente : car le boulet tiré de bas en haut porte
toûjours plus loin , jufqu'à ce qu'il ait atteint quarante- cinq de-
grez , ou la moitié du Quart de nonante , ou du Quadran.
Les coups tirez au niveau de l'Ame , ou horizontalement ,
font les plus courts , & fervent d'ordinaire dans les Battailles
rangées , a emboucher l'Artillerie des Ennemis , & à favorifer
les Tranchées & les Boyaux du Siege.
Les coups tirez de haut en bas ne fervent qu'à plonger fur
l'Artillerie des Affiegeans , & à rompre leurs Affufts , ou à
mettre le feu aux Poudres.
Mille coups tirez avec dix Canons ruinent plus de terrain que
1500. coups tirez avec cinq Canons."
lly a trois fortes de Batteries , d'Elevées , à Niveau , &
d'Enterrées.
Les Batteries élevées fervent à découvrir & foudroyer dans
les Travaux.
Les Batteries qui fe font fur le niveau de la campagne, facili-
tent lesTranchées.
Les Batteries enterrées ruinent les Edifices & les défenfes des
Places.
Pour battre les Courtines on fait trois Batteries , une de
front , & deux à côté , appellées Camarade , & toutes tirent
au même endroit.
Pour faire Bréche à lapointe d'un Baftion , on tire par Ca-
marade. Pour faire Bréche dans le Pan d'un Baftion , on fait
des Batteries croifées, dont l'une tire aux Défenſes de la Ville ,
& les autres au Pan du Baſtion .

K 3 MA
150 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere de metre le feu aux Canons , & de lès


raffraichir.

Our bien mettrele feu au Caron , il faut que le Canon-


nier tienne de la main droite le Porte-feu bien allumé ,
pour
& qu'il ait le dos tourné du côté de la Volée de la Piece , &
le vifage du côté de fon Commandant , afin qu'il foit toû-
jours preft de mettre le feu au Canon , & qu'aprés qu'il ý
aura mis le feu , en faisant un demi-tour à gauche fur le pied
gauche , il foit dégagé du Recul de la Piece, & en état de la
remettre en Batterie : Exemple A.
Leplus grand foin que les Commiffaires d'Artillerie & les
Canonniers doivent avoir , une Piece étant en Batterie ,
c'eft de la raffraîchir, principalement quand on eft obligé
de s'en fervir de nuit & de jour pendant quelque temps. En
effet c'eſt par le raffraîchiffement qu'on empêche que les Pie-
ces étant échauffées ne s'éventent , ou ne fe caffent , comme
elles le feroient , fi l'on tiroit inceffamment, ainfi que l'expe-
rience le montre.
Le plus grand nombre des coups qu'on peut tirer d'une
piece de vingt-quatre , felon l'experience qu'on a faite dans
les derniers Sieges , va toutau plus à dix coups par heure , &
au bout de trente coups , ou de trois heures , ilfaut laiffer re-
pofer la Piece une heure , ou la raffraîchir en la maniere
fuivante.
On raffraîchit une Piece en bouchant la lumiere , & en
mettant de l'Eau dans la Volée , la levant unpeu , en abaif-
fant la Culaffe. Ou plus commodément , on enveloppe le
Canon avec des peaux de mouton , dont la laine porte contre
la Piece. Mais quand on a du Vinaigre , il n'y a rien de fi
bon pour raffraîchir une Piece de fonte promptement , mê-
lant deux pintes de Vinaigre avec quatre pintes d'Eau , que
l'on mettra dans la Volée.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 11

K 4
152 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des differentes Efpeces de Canon.

A Piece la plus longue de toutes celles que j'ay vûës , eft


LA une qui eft dans le Château de faint Giao de la Barre
de Lisbonne , ayant en longueur 22. pieds Geometriques ,
tirant des Boulets de quatre-vingt dix , ou cent livres de
fer, avec 60. livres depoudre. Par l'effai qu'en a fait faire
le Roi Dom Sebaſtien à Alcantre , il s'eft trouvé qu'elle
porte en mire commune 1600. pas.
Lorsque j'étois à Eftremos , on y envoya de Lisbonne
deux Pieces qu'on y avoit fonduës , faites comme la mar-
quée A.
Çes Pieces tirent 24. livres de fer avec 10. livres de
poudré. Elles ont en longueur unpied & demi , & au bout
& à la place de l'Ame eft un Globe d'un demi-pied de Dia-
metre, au bout duquel eft la Lumiere marquée B. L'avan-
tage & le defavantage de cette Piece eft , qu'elle fe char-
ge & décharge avec le bras , fans neceffité d'Ecouvillon ,
de Foulloir , & d'autres Inftrumens fervans à charger l'Ar- i
tillerie.
Ces Pieces font commodes pour être portées en toutes
fortes de lieux , deux Mulets pouvant en porter une en
Brancard ; & leurs Affufts , faits comme ceux des Vaif-
feaux , par deux autres Mulets : mais il faut entourer &
enfermer leurs Tourillons comme ceux des Mortiers , par
de forts Bandages de fer ; car celles quej'ay vû tirer , font
ungrand fracas , & outre qu'elles reculent deux fois plus que
les Pieces ordinaires , c'eft qu'elles fe tournent dans leurs
Affufts & les rompent , fi elles n'y font fortement arrêtées,

Bes
OU L'ART DE LA GUERRE. 152

253

Jad

KS
154 LES TRAVAUX DE MARS ,
Des Pierriers.

Es Pierriers marquez A , font de fer. Ceux-là fervent le


Leplusfouvent aux petits Vaiffeaux des Marchands , qui
à faute de Canon ſe fervent de Pierriers , pour tirerfur les
Barques de leurs Ennemis , quand elles viennent à l'abordage.
Pour les Pierriers de fonte , ils font d'un grande ſervice
dans les Châteaux & dans les petites Places , où l'on ne peut
fe fervir d'Artillerie , foit parce que les Terre-plains yfont
troppetits & trop étroits pour le recul des Affufts communs ,
ou que par faute de Munitions on ne peut tirer tous les
coups qui feroient neceffaires ; ou enfin parce que le lieu
attaqué étant fort élevé , & les Ennemis fort proches , on
ne peut affez faire plonger l'Artillerie de la Place , pour tirer
où ils fefontlogez. J'ay vû quantité de ces Pierriers de fonte
fur les murailles du Château de Villa-Vifoza , qui fervirent
merveilleufement aux Portugais à tirer des Mailles de chaî-
nes, des Cloux, des Cailloux , & de toutes autres chofes de
cette nature contre les Elpagnols, qui étoient au pieddes Mu-
railles , lorsqu'ils affiegeoint la Place , qu'ils ne prirent point.
Quand on veut charger un Pierrier , on met dans fa
Volée par le derriere la Balle , les Pierres , ou les Ferrailles ,
qu'on y veut mettre , & enfuite une Boëtte faite de fer ou
de bronze , comme la marquée C , qu'on remplit de groffe
poudre , afin qu'en la ferrant par derriere avec une Cheville
de fer , le Pierrier foit preſt à tirer.
Quand onvoudra tirer le Pierrier , il doit être polé fur un
Pivot qui tienne à les deux Tourillons , comme eft le mar-
qué D. On le tiendra de la main gauche par derriere , pour
l'élever , le tourner , & l'abaiffer juſqu'à la mire où on le
veut tirer, & mettant le feu de la main droire à la Boëte du
Pierrier , il fera alors effet ; de forte qu'ayant beaucoup de
Boetes chargées , on tirera cinq fois plus de coups qu'avec
d'autres Pieces , fans qu'il s'échauffe fi facilement que les
autres Pieces d'Artillerie , à caufe qu'il a de l'air par les deux
bouts. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 155

255
X
156 LES TRAVAU DE MARS ,

Des Mortiers & des Bombes , avec laforme de


leurs Affufts.

E ne parlerai point ici de l'Alliage & de la Fonte des


que cel-
le des Canons toute leur difference étant feulement en
leur forme & en leur ufage : les Canons fervans à pouffer
des Boulets , & les Mortiers à élever , ou àjetter des Bom-
bes. La forme d'un Mortier eft reptefentée par la lettre A,
&fon Profil par la lettre B.

Noms des Parties d'un Mortier.

CD , eft l'Ame d'un Mortier.


E , eft fon Bourlet.
D , eft le Fond de l'Ame.
F , la Volée.
G , les Tourillons.
H , le Renfort.
I, la Culaffe.
K , la Lumiere.

La Bombe Left de fer , toûjours de figure ronde , avec


une Lumiere proche de fes deux Anfes. Dans cette Lumiere
on met une Fufée M remplie de Poudre , de Benjoin & de
Charbon de Saulx , le tout mêlé enfemble avec de l'Huile
de Petrol , afin d'alentir la Poudre de cette Fufée , & em-
pêcher qu'elle ne donne le feu à la Poudre de la Bombe auffi-
tôt que le feu feroit mis à la Fufée: Exemple N.
La groffeur des Bombes eft indéterminée ; mais il faut
qu'elle entre & forte du Mortier avec une grande facilité , y
ayant pour le moins deux pouces de vuide de tous les côtez
( du Mortier, & ce vuide fe remplitde terre.
L'Affuft des Mortiers eft fait comme le marqué O , mon-
téfur quatre petites Roues , faites chacune d'une feule piece.

Ma-
OU L'AR
L'ART DE LA GUERRE 157

157

Y དཏྟཊྛ ཨུ ཊྛ དཱས ཉྫཱརནཾ ཨཱ ཝཱ


A
th

M
X
158 LES TRAVAU DE MARS ,

Manierede mettre lefeu aux Mortiers ,


aux Bombes.

Our bien pointer les Mortiers , & par confequent fe fer-


povivir utilement des Bombes , il faut fçavoir , que
la
Bombe a troisfortes de mouvemens , depuis lafortie de fon
Mortier jufqu'à ce qu'elle arrive au lieu defiré. Le premier
eft le mouvement violent ou d'expulfion , qui porte la Bom-
be plus haut que le lieu à toucher : lefecond mouvement eft
mixte , qui eft celui de l'éloignement ; & enfin le dernier eft
celui de la chûte. Il eft à remarquer dans tous ces trois mou-
vemens , que l'impreffion de la Poudre s'aneantit d'autant
plus , que la Bombe s'éloigne du Mortier .
Pour bien pointer un Mortier , on poſera un côté du
Quart - de- Cercle fur le Métail de la Bouche du Mortier ,
comme le montre la figure A, afin de remarquer , fi dans
cette forte d'élevation , qu'on a crû être raiſonnable pour
porter la Bombe jufqu'au lieu defiré , on ne s'eft point trom-
pé; car fi la Bombe a paffé deffus le lieu remarqué ; c'eft
figne que le Mortier eft trop bas , & qu'il lui faut donner
plus d'élevation. Si la Bombe eft tombée entre le Mortier
& le lieu à brûler , c'eſt une marque que le Mortier a trop
d'élevation , & qu'il lui en faut donner moins. Et ainfi
raifonnant fur le trop ou le troppen de hauteur , on ne man-
quera jamais ( en confervant toûjours également la Plate-
forme du Mortier ) de donner au but aprés deux ou trois
coups d'experience.
Pour mettre le feu au Mortier & à la Bombe , le Ca-
nonnier divifera la Méche de fon Porte-feu en deux , & al-
lumera premierement de fa main droite la Fulé de la Bom-
be, & enfuite de la main gauche il mettra le feu à la Lu-
miere du Mortier , qui faifant fon effet , chaffera la Bom-
be en l'air ; & alors on remarquera fi elle a été plus ou
moinsloin que le lieu où l'on vife.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE 159

259
160 LES TRAVAUX DE MARS,

Du Petard, de la maniere qu'ilfaut le charger.

L fe fait fort peu d'entrepriſes où l'on ne ſe ſerve du


1 Petard ,étant tout-à - fait neceffaire pour rompre les Por-
tes , les Barrieres , les Chaînes , & tout ce qui peut faire
C
obftacle dans une Surpriſe.
La figure A reprefente un Petard , & la lettre B fon Pro-
fil. Le Métail d'un Petard eft fait de l'Alliage de Rolette ou
de Cuivre rouge , avec de l'Etain & un peu de Léton ou
Cuivrejaune; comme par exemple fur douze livres de Ro-
fette on y mêle une livre de Léton , & une moitié d'Etain.

Noms des parties d'un Petard.

C , le Collet.
D , leBourlet.
1, l'Anfe.
F , la Lumiere.
E , la Culaffe.

Le Madrier G eft une groffe piece de bois , dans laquelle


on fait une Entaillûre H, pour recevoir la Bouche du Pe-
tard. Quand le pois du Madrier n'eft pas affez fort , on le
double de lames defer.
Pour charger le Petard , on tâchera en battant la Poudre
qu'on mettra dedans ( qui doit être de la plus fine ) de ne la
point égrener ; & quand l'on y en aura fait entrer une fois &
demic autant qu'il en peut tenir fans qu'elle foit battuë , le
Petard alors fera bien chargé. Enfuite de la Poudre on mettra
un Feutre par deffus , & un Tranchoir de bois , & l'on rem-
plira le refte du Petard de cirejaune , ou de Poix Grecque,
couvrant le tout d'une Toile cirée , pour l'attacher par fon
Collerou par fes Anfes contre le Madrier , ainfi que le repre-
fente la figure L.

Manie
OU L'ART DE LA GUERRE. 167

ENS

F
E

Tom . II. L
162 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere defe fervir du Petard.

LEs lieux que l'on veut petarder font acceffibles ou non.


Ceux qui font acceffibles étant les plus aifez à petarder,
fontauffi fouvent les plus dangereux pour les Petardiers , à
caufe que l'on met d'ordinaire les meilleurs Corps- de- Gardes
du côté où l'on craint plus la furpriſe.
Pour attacher le Petard au lieu où l'on peut approcher,
onferaprovifion de Tirefonds , comme les marquez A , &
degros Crochets , comme celui de B : puis on fichera un
ou plufieurs de ces Tirefonds ou de ces Crochets dans la
Porte , la Barriere, la Bafcule, ou autre lieu qu'on veut petar-
der , aufquels on attachera le Petard en telle forte que fon
Madrier batte bien contre la Porte ; car plus le Madriery eft
joint, plus il y fait d'effet : Exemple C.
Mais fi le lieu étoit inacceffible , comme font les Ponts-
levis quand ils font levez , alors pour pofer le Petard contre ,
on fe fervira de la Fléche D , au bout de laquelle on attachera
un Petard , & on mettra une Fufée proche de la Lumiere du
Petard, ou tout le long de la Fléche , afin qu'étant allumée,
elle mette le feu au Petard : Exemple G.
Mais lorsque le Pont-levis eft levé , & qu'il ne joint pas
bien à la Porte , on fe fervira du Pont E , au bout duquel on
1
attachera un Petard , & pouflant ce Pont contre le Pont-le-
vis , ilfe tiendra ferme par fes deux pointes F , & le Pétar-
dier pourra en toute affurance mettre le feu au Petard , &
même à la faveur de ce Pont il peut encore petarder les Por-
tes qui font derriere le Pont-levis.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE 163

L 20
164 LES TRAVAUX DE MARS , 3

Des Grenades.

LEsGrenadesAfontfort ufitées dans lesEntreprises


pour faire lâcher le pied à ceux qui font à la défenſe
des Barricades , & des Retranchemens faits dans des lieux
étroits.
La Grenade n'eft autre chofe qu'une Balle de métail ou
de fer , creuſe & remplie de Poudre fine , qui étant allu-
mée, brife & rompt en morceaux le métail dont elle eſt
compofée , agiffant fur ceux qui fe rencontrent proche de
fa chute , qui font obligez d'abandonner le Pofte , s'ils ne
veulent s'expofer à perdre les jambes.
La Grenade doit avoir dans fa Lumiere une petite Fufée
remplie de la même compofition que celle des Fufées de
Bombes , afin que la Grenade ne créve point dans la main
du Grenadier ; comme il n'arrive que trop fouvent à ceux
qui negligent cette Fufée , qui fe trouvent auffi -tôt eftro-
piez de leurs mains qu'ils ont mis le feu à la Grenade.
La Figure B montre la pofture que doit tenir celui qui
jette la Grenade, afin que par un feul mouvement & dans
un inftant, tournant le dos vers le lieu où il la veut jetter , il
agiffe plus promptement ; car dans toute autre pofture il fau-
droit pour le moins deux ou trois temps pour la jetter , ce
qui feroit dommageable au Grenadier.
On fait auffi des Grenades de Carton , & de Fer- blanc ,
qui fervent àmettre le feu dans les Magazins des Poudres ,
& autres lieux fufceptibles du feu. Dans les forties , les
Affiegez s'en fervent fort utilement pour jetter dans les Bat-
teries pour mettre le feu aux Poudres , ou pour confumer
les Parapets & les Travaux qui font faits de Laines , de
Furailles , de Sauciffons , ou de Fafcines.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 105

265

L3
166 LES TRAVAUX DE MARS ,

feu , des Boffes , & des


Dela Compofition des Pots-à -
Balles-à-feu.

Our faire les Pots-à- feu A , on prend une Grenade de


Pour
fer chargée comme il a été dit cy-devant.
On la renferme dans un Pot de tetre , qu'on remplit de
fine Poudre , jufqu'à ce que la Grenade en foit toute cou-
verte; puis on couvre ce Pot d'un morceau de Parchemin
ou de Peau de Mouton , & par deffus on met deux bouts
de Méche en croix , où mettant le feu & jettant le Pot avec
une Anſe , qu'on y fait d'une Méche , vers le lieu qu'on
veut endommager , ce Pot venant à tomber & àfe caffer,
la Poudre du Pot ne manquera pas de prendre feu , & de
brûler tout ce qui fe rencontrera à l'entour , & même de
mettre le feu à la Grenade , qui ne doit point avoir de Fufée ,
pour fairefon execution plus promptement.
Les Balles-à- feu B font de la même groffeur que les Gre-
nades ; leur mixrion eft de Salpêtre , de Poudre pilée , de
Soulfre , de Camphre & de Borax , le tout humecté d'huile
de Petrol , & en fuite détrempé dans de la Poix noire , de
la Cire neuve , de la Colophone , & du Suif de Mouton ,
bien bouillis enſemble pour en faire une Balle , qu'on
couvre d'Etoupe & d'une feuille de Papier brouillard, pour
ne point tenir aux mains.
Pour fe fervir de ces Balles , & pour y mettre le feu , on
fait un trou dedans avec un poinçon , & ce trou eft rempli
d'une amorce lente , afin qu'y mettant le feu , elle puifle
peu à peu allumer la Balle , qui enfuite éclairera & mettra
auffi le feu à ce qu'elle touchera.
Les Boffes Cfont de grofles Bouteilles rondes ou quar-
rées d'un verre fort mince , où il peut tenir quatre ou cinq
livres de Poudre. On attache au gouleau de ces Boffes plu-
10 fieurs bouts de Méche, que l'on allume avant que de jetter
les Boffes fur ce que l'on veut brûler , où les Boffes venans
à fe fracaffer , les Méches allumées mettent le feu à la Pou-
dre, & l'on voit l'effet que l'on s'étoit proposé. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 167

167

L
4
168 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Dards , des Gouldrons , des Fléches àfeu, des Barriques


foudroyantes, des Flambeaux àfeu.

LESDards-à- feu marquez A, ont leurs Baguettes longues de


quatre ou cinq pieds. Ces Dards fe jettent pour découvrir
les Travailleurs des Affiegeans dans le plus fort de l'obſcurité.
Les Boulets ou les Sachets B de ces Lances doivent être pleins
d'Etoupe , trempée dans de la Cire neuve fondue & de la Te-
rebenthine, mêlée avec de la Poudre de Soulfre bien pulverifée.
Pour bien joindre cette mixtion , on y mêlera de l'huile
de Petrol.
Quand on voudra darder ou jetter ces Dards , on mettra le
feu aux deux bouts de la Méche , qui doivent être de la même
compofition. Il eft difficile de fe bien fervir en ces Païs de ces
Dards , où l'on n'eft pas accoûtumé à darder ; non plus que des
Fléches C , qui font faites de la même maniere , & qu'onjette
avec des Arbaletes.
Les Gouldrons Dfont de petites Fafcines , trempées dans de
la Poix noire, de la Cire neuve & de la Colophone . Ils fervent
à mettre le feu aux Traverſes , aux Galleries & aux Faſcines.
Les Barriques à feu E font fort en ufage pour êtrejettées dans
les Bréches , principalement quand l'Affiegeant y fait quelque
logement , ou qu'il fe veut épauler avec des Fafcines , des Ais ,
ou autre matiere combuſtible.
L'on fait d'ordinaire les Barriques foudroyantes de Gabions,
de Fûtailles , de Quarteaux & de Demi-quarteaux , qu'on
remplit de Filaffe trempée dans de la Colophone , de la Te-
rebenthine , de la Poix noire , de l'huile de Petrol , & mêlée
avec tout ce qui peut prendre feu , mettant dedans des Grena-
des , des Pots-à- feu , & tout ce qui peut brûler & faire du mal
aux Ennemis , & embrafer leurs logemens , fuppofant qu'ils
foient faits de matieres combuftibles.
Le Flambeau Feft fait de deux morceaux de Natte attachez
enfemble en forme de croix , trempée dans de la Cire nenve ,
de la Colophone & de la Poix noire. On s'en fert de nuit pour
découvrir les Travailleurs de l'Ennemi.

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 169

B ‫וווו הוווווווו‬
1137719

L S
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1( 8
38 O
OU L'ART DE LA GUERRE. 171

CHAPITRE IX.

De la Marche & de la Conduite


des Troupes.

Pres avoir parlé affez amplement de l'Infanterie ,


de la Cavalerie , & de l'Artillerie , il me femble
A qu'il eft à propos d'unir ici ces trois Corps enfem-
ble, pour en former celui d'une Armée , & d'expliquer
les précautions que doitprendre un General qui a ordre de
la commander , quand il eft obligé de la faire paſſer au travers
des Etats de fon Souverain , ou dans les terres de ſes Enne-
mis , foit par un Pais couvert , ou dans des Plaines , par des
Défilez , ou par un Païs de Montagnes , &c.
Pour parler avec quelque ordre de tous ces differens fa-
jets, il faut traiter auparavant des Officiers generaux , afin
que fçachant ce qui appartient à leurs Charges , on remarque
plus facilement ce qui eft deleur devoir , dans la Conduite
des Troupes.

Du
172 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du General d'Armée.

"Out ce que j'ay dit dans les Chapitres précedens tou-


Touchant
tce la naillance
dit&danbra
la voure des Premiers Officiers

d'Infanterie , de Cavalerie , & d'Artillerie , fe doit trouver


éminemment dans le General d'Armée. Il eft certain , que
fila naiffance eft illuftre , elle lui attirera plus de refpe&
t&
plus d'obeiffance : Outre cet avantage il doit être vigoureux
& brave de fa perfonne , & avoir l'ame naturellement portée
auxgrandes entrepriſes , aimant la gloire , & ayant de l'aver-
fion pour les flatteries , qui nefont qu'amollir les plus grands
Capitaines . Le zèle pour fon Souverain doit être fa qualité
dominante. Il doit être adroit à manier l'efprit d'un Efpion, &
ne doit rien negligerpour en avoir un grand nombre, prin-
cipalement de ceux qui font doubles , & qui naturellement
ont plus d'inclination pour lui que pour le parti de fon En-
nemi. Il doit être vigilant , & intrepide dans les dangers ,
& ne fe laiffer jamais aveugler aux profperitez. Enfin ildoit
aimer la Juftice , & écouter favorablement lesBourgeois &
les Païfans mal-traitez , & doit donner des marques de fa
juftice & de fa liberalité ; mais furtout fe faire aimer des
Officiers & des Soldats de fon Armée , qui eft un point
effentiel de ſa Charge , auffi- bien que celui de les bien com
mander .
Des Lieutenans Generaux,

Le Roi ne donne ces Charges qu'à des Officiers d'une


bravoure & d'un merite extraordinaire , qui pour leur fi-
delité fe font faits diftinguer dans tous les Emplois qu'il
leur a confiez. Ils tiennent le fecond rang aprés le General.
Le nombre des Lieutenans generaux n'eft point fixé ,
il dépend de la volonté du Roi , qui en fait plus ou moins ,
felon que fes Armées fontplus ou moins nombreuſes .
Les principales fonctions des Lieutenans generaux
font , d'être auprés du General , pour joindre leurs avis
auxfiens , & en même temps pour executer fes Ordres , foit
qu'il
OU L'ART DE LA GUERRE. 173
qu'il les employe à commander des Corps de Cavalerie ou
d'Infanterie , ou qu'il leur donne la conduite des Convois, ou
le Commandement des Camps-volans & des Corps d'Ar-
mée. Dans un jour de Bataille les Lieutenans generaux
commandent les Aîles de l'Armée ; & dans les Šieges ils
ont le foin des Attaques. Ily en a toujours un dans la Tran-
chée , que l'on nomme Lieutenantgeneral dejour , à cau-
fe qu'alternativement durant l'efpace de vingt - quatre heu-
res , chacun a l'œil fur tout ce qu'il faut faire pour hâter la
prife de la Place.

Des Maréchaux de Camp.

L'on ne donne les Charges de Maréchaux de Camp


qu'à des Officiers confommez dans le fervice , & qui ont
une longue experience de la conduite des Troupes , & de
la maniere de les faire camper. En effet , le principal em-
ploi d'un Maréchal de Camp eft , dans les Marches de re-
connoître les Défilez , & d'aller avec le Maréchal des Lo-
gis de l'Armée , & avec les principaux Ingenieurs , recon-
noître leterrain oùl'Armée doit venir coucher , & remar-
quer foigneufemeut fi ce terrain eft d'une étendue com-
mode à la loger, s'il y a de l'eau & du bois fuffifamment ;
car pour peu qu'il y manque quelqu'une de ces chofes "
principalement dans les faifons avancées , il faut cherher
un terrain où on les puiffe mieux trouver. Apres que les
Maréchaux de Camp ont déterminé l'étendue & la forme
du Camp , ils ont foin d'aller pofer la grande Garde dans un
Poſte avantageux à une demi - lieue ou environ du Camp
du côté des Ennemis , fi on en craint. C'eſt à eux à voir
loger les Troupes , & à les voir partir : ce qui demande
unhomme infatigable , & qui foit le premier & le dernier
à cheval.
Le nombre des Maréchaux de Camp n'eſt point limi-
té, il y en a plus ou moins felon la force de l'Armée. Ils
vont tous les foirs prendre l'ordre du Général , pour ſçavoir
ce qu'ils auront à faire dans lejour fuivant.
Des
174 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Brigadiers de l'Armée , de leurs Brigades.


Sous le nom de Brigade on entend parler d'un Corps de Trou-
pes foit de Cavalerie ou d'Infanterie : Celui qui a la Charge de
commanderun de ces Corps ou Brigades, s'appelle Brigadier.
Il y a plufieurs fortes de Brigadiers', mais ici je ne parlerai
que des Brigadiers de l'Armée, qui font ceux qui ont le Com-
mandement fur la quatriême partie de toute la Cavalerie , ou de
toute l'Infanterie. Ces Officiers- là doivent fçavoir le métier de
la Guerre, & il leur eft avantageux d'avoir autrefois comman-
dé quelques Regimens , afin de fçavoir conduire à propos leurs
Brigades par tout où le General leur commandera.
Le Pofte des Brigadiers eft à la tête de leurs Brigades.
Dans chaque Brigade il y a un Major particulier.
On remarquera ici , qu'on pofe toûjours un Corps-de-garde
à la principale porte de la demeure du General , des Lieutenans
generaux & des Brigadiers de l'Armée.
Des Aides deCamp.
Les Aides de Camp des Generaux , des Lieutenans gene-
raux , &c. font d'ordinaire dejeunes gens de qualité , qui vou
lans de bonne heure apprendre le métier de la Guerre , ou fe
faire connoître des Troupes , prennent cét emploi , qui dans
une Bataille les oblige d'être prefque toûjours à cheval auprés de
leur Commandant , pour porter fes ordres où bon lui femble;
ce qu'ils doivent faire dans les propres termes qu'ils les ont reçus,
parlant toujours aux Officiers à qui ils les portent, avec une
honnêteté qui puiſſe marquer le lieu de leur naiffance.
Du Major general.
Cette Charge demande une perfonne d'experience & de dé-
tail , quifçache s'énoncer nettement , & expliquer au General
( chez qui il a entrée à toute heure ) la force de chaque Briga-
de , l'état des Regimens en particulier , & les divers incidens
qui arriuent dans les Troupes. Sa principale fonction eſt d'aller
tous les foirs prendre l'ordre du General , ou en fon abſence du
Lieutenant general qui eft dejour, pour le diftribuer ponctuelle-
ment aux Majors des Brigades de l'Armée : enfin le Major gene-
ral eft fur toute l'Armée , ce qu'eſt un Major particulier dans
un Regiment.
Du Maréchaldes Logis de l'Armée.
L'Officierqui exerce cette Charge doit être une perfonne fça-
vantedans les Mathematiques , principalement dans la Geogra-
phie ,
OU L'ART DE LA GUERRE, 175
phie , & dans la Geometrie : car par la premiere de ces Scien-
ces il fçaura tous les noms & la fituation des Défilez , des Che-
mins , des Villages , des Bourgs & d'autres lieux par où l'Ar-
mée doit paffer pour venir loger au lien qu'on lui deftine ; & par
la Geometrie il diftribuera précisément aux Maréchaux des Lo-
gis de chaque Regiment le terrrain que chacun de leurs Regi-
mensdoit occuper , proportionné à celui où l'on veut que loge
l'Armée. C'eft à lui à marquer le Quartier du Roi , le Parc de
l'Artillerie , le Quartier des Vivres , & la Place de l'Hofpital.
Il va tous lesjours recevoir l'ordre du General , pour fçavoir
cequ'il a à faire pour lejour fuivant.
Des Ingenieurs.
Sous le nom d'Ingenieur on renferme d'ordinaire les perfon-
nes qui ont infpection fur la Mafonnerie des Places , que le
Roi faitbâtir , fur la compofition des Feux d'Artifice , & fur la
conduite des Travaux d'un Siege . Mais on regarde commede
veritables Ingenieurs ceux qui accompagnent une Armée , foit
dans les Batailles , ou dans les Sieges. Ceux-cy doivent avoir
autant de courage que de prudence, puifqu'ils font les premiers
à planter le Piquet à découvert devant les Villes affigées pour
tracer la Tranchée , pour marquer le lieu des Places-d'Armes ,
& l'endroit où l'on doit conftruire les Batteries & les Redoutes,
pour accompagner les Dragons quand il faut rompre & tranchir
une Paliflade , faire un logement fur la tête d'un Glacis oufur
une Contrefcarpe , pour paffer un Foflé fec ou plein d'eau, pour
conduire une Mine , pour fe retrancher au pied ou fur la tête
d'une Bréche , &c. ce qui ne le fait pas fans grand peril ; auffi
ont-ils l'honneur d'être appellez quelquefois dans le Confeil du
General , & de recevoir l'ordre de lui oudu Lieutenant gene-
ral qui eft dejour.
Du Capitaine des Guides.
La Charge de Capitaine des Guides demande une perfonne
qui fçache la Carte & plufieurs langues , qui , fans avoir égard à
la dépepfe , ait toujours auprés de lui un bon nombre de gens ti-
deles pour conduire l'Armée quand elle marche de nuit,ou pour
accompagner les Partis , les Convois, les Détachems, l'Artille-
rie & les Bagages,qui fe pourroient égarer faute de Conducteurs.
Pour ce qui eft des Charges des Intendans , des Commiffai .
res , & des Treforiers des Guerres , étans plus des Finances que
de la Guerre , je m'abſtiendrai d'en traiter ici, auffi bien que
des Commiffaires des Vivres.
Du
176 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Confeildu General.

Prés que le General aura reçû les ordres de fon Souve


A rain , écrits & contrefignez du Secretaire des Guer-
res , le General s'attachera à fuivre ces ordres de point
en point : Et afin d'y mieux reüffir , & de ne point don-
ner prife à fes Ennemis jaloux de fa gloire , il doit avoir un
Livre Journal , dans lequel il fera écrire par fon premier
Secretaire tous les Ordres , les Lettres , & les Réponfes qu'il
aura reçûs ou donnez , afin d'être toûjours en état de rendre
compte à fon Prince de fes déportemens.
Le General fçachant donc en quel lieu il doit porter la
Guerre, & fi e'eft feulement pour entrer dans le Païs enne-
mi, oupour faire diverfion de leurs Troupes , ou fi c'eft en
effet pour affieger une Place , pour enlever quelques Poftes
ou bien pour chercher l'Ennemi & donner Bataille ; il tien-
dra Confeil fur ces diverfes occurrences , & y appellera les
principaux Officiers de la Cavalerie , de l'Infanterie & de
l'Artillerie , avec le Commiffaire General des Vivres , afin
qu'ils déterminent entr'eux lesJournées de leur Marche , &
les Etapes de leur Route.
Dans ce Confeil, où l'on traite de la feureté de l'Armée
pour arriver aulieu propofé , on parlera de la qualité du païs ,
fçavoir s'il eft commode pour la Marche de la Cavalerie , ou
plus favorable pour l'Infanterie , ou fi ces deux Corps peu-
vent marcher enſemble. Enfin on y traitera du Charroi , &
le General de l' Artillerie avec le Commiffaire des Vivres fe-
ront voir l'avantage ou l'incommodité du Païs pour lacon-
duite du Canon , des Vivres & des Bagages de l'Armée ;
affin que les uns & les autres prennent , fur le refultat qui en
fera fait , les mesures neceffaires pour executer les ordres du
Souverain.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 177

Des Ordres du Generál.

E General ayant reçû de fon Souverain l'ordre de par-


Liraun
tir à un jour nommé , ou l'ayant refolu dans fon Con-
feil , il doit écrire aux principaux Officiers , qui ne fe font
pas trouvez au Confeil general. Et comme c'eft la coûtu-
me que les Ennemis entretiennent toûjours des Efpions
dans les Villes capitales , & dans la Place où demeure le Ge-
neral , il envoyera fes lettres par des moyens cacheż & ex-
traordinaires , afin que ceux qui éclairent fes actions foient
trompez ; ce que le General ne peut mieux faire , qu'en fei-
gnant d'être malade , pour avoir tout loifir de faire écrire les
lettres. Il commencera à les envoyer à ceux qui font les plus
éloignez de luy, & du lieu où il a refolu d'aller ; ce qui leur
donnera moyen d'arriver au Rendez -vous , auffi- tôt que ceux
qui en fontfort proches , à qui le General ne doit faire fçavoir
fa penſée que dans les derniers jours.
Quatre ou cinqjours avant que le General doive partir ,
il fera courir un bruit , qu'il veut faire quelque partie de chaf-
fe en un lieu qui foit éloigné de la route que doit tenir fon
Armée. Cette feinte , ou quelqu'autre de cette nature , em-
barralle les Efpions , principalement quand ils voyent qu'il y a
de la vrai-femblance. La veille du jour que le General doit
partir , il fera avertir , à l'ordre, que les Troupes qui font
à l'entour de lui , fe trouvent le lendemain fous leurs Dra-
peaux , afin de marcher felon leur ordres.
Les Generaux d'Artillerie & les Commiffaires des Vivres
font ceux , qui reçoivent les premiers les ordres , afin d'avoir
dutemps à faire leurs provifions fans bruit , & à fournir les
Magazins , d'où l'Armée doit tirer fes rafraichiflemens : &
c'eft ce qui les doit obliger à tenir leur ordre fort fecret.

Tem. III. M D
V AUX S,
178 LES TRA DE MAR

Du Rendez- vous de l'Armée.

ERendez-vous d'une Armée eft un certain lieu , que le


General choifit, ou qui lui eft prefcrit par les ordres de
fon Prince , où tous les Regimens qui doivent compofer le
Corps de fon Armée , fe doivent rendre au jour qu'il leur a
déterminé ; nonobftant les vents , les pluyes , les neiges ,
les froidures & autres injures du temps.
Le Rendez-vous doit être un lieu commode , non feule-
mentpour recevoir & pour loger l'Armée ; mais auffi pour
y fournir les Vivres , & toutes autres chofes neceflaires : c'eft
pourquoi il fe doit toûjours faire proche quelques Places
fituées fur une Riviere , afin de fournir les eaux neceffaires ,
tant à la Cavalerie , qu'à l'Infanterie.
Quand le Rendez-vous de l'Armée fe fait dans quelque
Ville , & qu'on n'y veut feulement que paffer la nuit , le meil-
leur pour les Habitans & pour l'Armée eft de camper au de-
hors des Murailles, donnant feulement permiffion à quelques
Cavaliers & Fantaffins , de venir acheter des vivres pour
leurs Camarades.
Quand l'Armée doit fejourner quelque temps à fon Ren-
dez- vous , & que le lieu eft capable de la recevoir, alors on
ne fera point de difficulé de l'y loger , pourvû que ce lieu-là
ait de l'eau en abondance pour les Habitans , & pour toute
l'Armée : car autrement il faudroit aller loger ailleurs, jufqu'à
ce qu'on en eût trouvé fuffifamment . On remarquera que lo-
geant l'Armée à la campagne , les Quartiers feront les plus
prés l'un de l'autre que faire fe pourra, afin de ne lapoint
affoiblir : Et quoique le Rendez-vous de l'Armée ſoir
éloigné du Pais ennemi , & qu'il femble qu'on ne doive rien
craindre ; neanmoins à mesure que les Regimens arriveront
au Rendez- vous , & qu'ils entreront dans leurs Poftes ou
Logemens , ils auront foin de pofer leurs Corps - de - Gardes ,
& d'avancer des Sentinelles , qui affûrent le Campement.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 179

Desprécautions qu'un General doit avoir , avant que de


mettreune Armée en Campagne.

E General , avant que de fe mettre en Campagne , con-


L certera avec le Maréchal de Camp l'ordre de la marche.
Pour la faire dans la derniere juftèffe , le General doit
connoître la force de l'Armée qu'il doit commander , &
même celle de l'Armée ennemie. Pour fçavoir l'état de la
fienne , il ne lui fera pas difficile ; car en faiſant faire un rôlle
du nombre des Regimens de Cavalerie & d'Infanterie ,
qui la compofent, & y faifant fpecifier le nombre des hom-
mes qui s'y rencontrent , & la quantité des Efcadrons &
des Bataillons qu'ils peuvent former , il fçaura quel nom-
bre d'hommes il aura à commander. Sur ce nombre il re-
glera l'Avant-garde , la Bataille , &l'Arriere-garde mais
auparavant il doit être inftruit par fes Elpions & par fes
Coureurs de la facilité ou de l'incommodité des chemins ,
s'ils font fermes , unis , & capables d'y conduire de l'Artil-
lerie , fi le Païs eft montagneux , couvert , ou en plaine ,
s'il y a quantité de bois & de Rivieres à paffer , fi les che-
mins font coupez de Canaux , de Marais ou d'Etangs , fi
les Défilez y font frequens , fi l'Ennemi le peut attaquer
ou furprendre avec avantage dans quelques Embufcades
ou Défilez : enfin aprés s'être bien inſtruit d'où il pourrati-
rer fes avantages , il dreffera l'ordre de fa Marche , pour
partir quand il le jugera à propos. 11 doit fur toutes chofes ,
avant que de s'engager à fe mettre en Campagne , avoir
donné fes ordres pour lever des Recruës , & faire des Con-
vois , qui font deux chofes tout-à fait neceffaires pour con-
ferver une Armée qui pretend marcher dans le Païs ennemi.

M.2 De
180 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Marche d'une Armée enplat -païs.

E General ayant fait dire à l'ordre , la veille du jour qu'il


a deffein de faire marcher l'Armée
tienne preſt pour partir le lendemain dés la pointe du jour ;
les Cavaliers & les Fantaffins fe rangeront dés le grand
matin fous leurs Etendards & Drapeaux , qui eft le lieu
où chaque Compagnie fe doit affembler.
Toutes les Compagnies s'étant là formées , elles fe met-
tront en Marche, & fe rangeront en Eſcadrons & en Ba-
taillons , pour fe mettre enfuite en Bataille , au lieu qui
leur fera marqué par le Maréchal de Camp ou par fes Aides.
Le Maréchal de Camp doit fur toutes chofes être bien in-
formé de l'état du Païs où doit marcher l'Armée , s'en in-
ftruifant lui-même par les Cartes generales & particulieres
du Païs , ou par le recit du Capitaine des Guides , ou bien
par les Habitans du Païs.
Il rangera donc fes Troupes en Bataille , felon qu'il leju-
gera à propos , ou felon que le General le lui aura ordonné.
Si c'est pour cheminer dans un Pais plat & découvert , qui
foit commode pour la Marche de la Cavalerie , pour l'Artil
lerie & pour fon Charroi , alors il doit étendre les Aîles de
fon Armée , afin de marcher en la maniere fuivante.
On fera trois Corps de toute l'Armée.
Celui du milieu fera des deux-tiers de toute l'Infanterie ,
rangée en gros & par Bataillons , chacun de deux ou trois
Regimens.
Sur les Aîles de cette Infanterie fera placée la plus groffe
Artillerie , accompagnée de quelque Bataillon d'Infanterie.
A l'Aîle droite & à l'Aîle gauche de cette ligne du milieu
fera la Cavalerie , difpofée par Efcadrons , chaque Efcadron
de deux Cornettes : Le refte de l'Infanterie marchant en
Pelotons , enfermera entr'elle & la Cavalerie , les Bagages
& les Munitions de l'Armée , avec quelques Pieces de
Campagne , ainfi qu'il fe peut remarquer dans la Marche
reprefentée dans cette Figure.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 181

181

..

M 3
182 LES TRAVAUX
VAUX DE MARS ,

Dela Marche d'une Armée dans unpaïs étroit.

Ans la route d'un voyage il ne fe rencontre guere d'acci-


D dent qui donne plus d'embarras à une Armée , que
lorfqu'elle eft obligée de paffer dans des pais étroits , ou rem-
plis de Fondrieres.
Si ces chemins font par des Montagnes , le General en-
voyerafes Coureurs fe pofterfur les lieux les plus élevez , afin
qu'ils découvrent dans les plus bas , fi l'ennemi n'y eft point
retranché, & qu'ils remarquent la difpofition des Plaines ,
faifant toujours prendre langue de la route de l'Ennemi .
Si le chemin eft couvert d'arbres , on aura foin d'envoyer
unjour ou deux avant que l'Armée y arrive, des Charpentiers
& des Pionniers , accompagnez de quelque Cavalerie , pour
les foûtenir pendant qu'ils couperont les arbres , & élargi-
ront les chemins;afin que l'Armée puiffe y paffer en colomne.
On fera avancer d'abord quelques Efcadrons de Cavalerie, &
enfuite un Gros qui fera foûtenu de l'Infanterie ; puis fuivra
l'Arillerie mêlée de quelques Bataillons d'Infanterie. Enfuite
marchera le reſte de l'Armée , qui fera fermé du refte de la
Cavalerie . Mais quand le Pais eft fi âpre , qu'on n'y peut con-
duire ni Charrois , ni Artillerie, les chemins s'étendans par
les Montagnes , les Côteaux , les Vallées , les Rivieres , &
autres lieux difficiles , & que toutefois on a befoin de Canon ,
alors le General fera fonder les Guez & les Chemins , en s'é-
cartant un peu de la route. Il envoyera toûjours fes Coureurs
pour prendre langue des Ennemis ; & lorfque s'étant bien in-
formé des chemins , & qu'il en aura rendu quelqu'un capa-
ble defouffrir le paffage du Canon , il divifera fon Armée en
deux Corps : Il en ferafiler un , & en fuite l'Artillerie , qui
ferafuivie du fecond Corps , ou Arriere-garde,

Des
OU L'ART DE LA GUERRE 183

283

M 4
184 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Défilez.

EDéfilé eft un des grands obftacles qui fe puiffent oppo-


fer à la Marche d'une Armée , furtout quand le Dé-
filé fe rencontre entre des Bois & des Marécages , & que
le Païs eft occupé par un puiflant Ennemi , qui peut ca-
cher & mettre à couvert une partie de les Troupes.
Neanmoins file General eft refolu de franchir ces for
tes de Paflages , il doit avant que de s'y engager , les faire re-
connoître par un petit Corps de Cavalerie , commandé
parun Officier d'experience , qui puifle poufler leurs Gar-
des en cas de refiftance .
Le Pallage étant donc libre , le General fera défiler fon
Armée parI'Aîle droite , logeant quelques petits Corps
d'Infanterie dans des Vallons , ou fur des Hauteurs , pour
aflurer le paflage au refte de fes Troupes , & pour empê-
cher qu'elles nefoient coupées. Si les Ennemis découvrent
la fortie de fon Défilé , il tâchera de gagner quelque Pofte
favorable , afin qu'en faifant un grand front avecune par-
tie de fa Cavalerie , il dérobe le nombre de fes Troupes à
la vûë de fon Ennemi , & qu'il les puiffe ranger en Bataille
felon qu'il le jugera plus à propos.
Ce fut de cette maniere que Monfieur le Prince , qui
étoit alors Duc d'Enguien , qui n'avoit que 21. ans & quel-
ques mois , fit défiler en 1643. l'Armée de France , com-
pofée de quinze mille hommes depied , & de fix à fept mille
chevaux , par un long Défilé de Bois & de Marécages fur
le chemin de Boffu à Rocroi , dans le tems que Dom Fran-
cifco de Melos , Gouverneur des Pais-Bas , & General des
Armées d'Efpagne , affiegeoit la Ville de Rocroi avec une
Armée de plus de dix-huit mille hommes de pied & de huit
mille chevaux, qui furent taillez en pieces dans la Bataille.
que Monfieur le Prince gagna le lendemain qu'il eut franchi
le Défilé.

De
OU L'ART DE LA GUERRE 18

ROCRO

MI
186 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Maxche d'une Armée dans un Païs ennemy.

Land on porte la Guerre chez l'Ennemi, & qu'on eft


Qobligé de traver fer quelques-unes de lesProvinces
font pour y aller faire un Siege , foit pour conduire du fe-
cours àquelque Place qu'on protege alors , ou les Ennemis
auront déja été battus en Bataille rangée , ou ils tiendront
la Campagne pour ravitailler la Place qu'on leur affiege , ou
pour empêcher qu'on ne conduife du fecours au Camp des
Affiegeans.
Dans tous ces divers incidens, foit qu'on campe à la Cam-
pagne , ou au Village , le General aura un grand foin , que
le Commiflaire general des Vivres & les Thteforiers des
Guerres agiffent avec toute la fidelité que leur Charge de-
mande, principalement pour les Vivres , qu'on doit in-
ceffamment faire venir fur la route , foit par Vivandiers ou
par Convois.
Si les Ennemis ont été battus , & qu'ils ne foient plus en
état de faire un Corps d'Armée , alors on marchera comme
ila été dit dans les pages précedentes , foit en païs plat ou
couvert.
Mais fiaprés leur déroute il fefont ralliez , & que de leur
débris ils ayent fait un Corps affez confiderable pour traver-
fer l'Armée victorieuſe , alors on marchera ferré: & afin que
l'Armée foit en état de franchir & de paffer par toutes fortes
de lieux , on la difpofera par Colomnes.
La Cavalerie fe mettra fur les Aîles , à la Tête , & fur la
Queue des Colomnes ; l'Infanterie fera dans le milieu & en
gros Bataillon ; l'Artillerie & les Bagages à côté , le tout
accompagné de quelques vieux Regimens pour les cou-
vrir , & pour empêcher d'être coupez, ainfi qu'il le voit
dans cette Planche.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 187

1
188 LES TRAVAUX DE MARS ;

Dela Marche d'une Armée dans un Païs couvert.

Ne Armée ne fouffrejamais plus d'incommodité , que


UNe quand elle fe rencontre dans un Païs couvert , prin-
cipalement quand elle s'eft engagée dans les terres de l'En-
nemi ; car outre qu'elle ne peut marcher en Bataille , il
lui eft comme impoffible d'y conduire de l'Artillerie , ces for-
tes de païs étant ptefque toûjours entrecoupez de Bois , de
Rivieres , & c.
L'Armée fe trouvant donc engagée ou obligée de paffer
par ces fortes delieux , le General ou le Maréchal de Camp
envoyera des Ingenieurs avec quelque Parti de Cavalerie , &
quelques Troupes de Fantaffins & de Pionniers , pour com-
blerles Foffez , pour élever des Ponts , pour conftruire des
Bateaux , & generalement pour faire tout ce que l'Ingenieur
leur commandera , quiprendrafes mefures pour faciliter la
Marche de l'Armée. C'eft durant ce travail que le General
aura un grand foin de faire bartre la Campagne par divers
Partis de Cavalerie , afin de prendre langue de l'Ennemi , &
fçavoir s'il eft en Campagne , quelle route il prend, & genera-
lement tout ce qui peut fervir pour éviter les Embufcades &
les Surpriſes. C'eft alors, oujamais , que le General doit faire
agir fes Efpions, afin de découvrir le deflein des Ennemis ,
qui eft le plus grand avantage qu'il puiffe recevoir dans une
telle conjoncture .
Le General s'informera donc par fes Coureurs & Bat-
teurs d'Eftrade , de la contenance de l'Ennemi , ce qu'il ne
doit croire que par le recit de plufieurs , & fachant qu'il ne
l'attend en aucun paffage , il fera avancer l'Armée , & ira à
lui , s'il a l'ordre.
Mais fi le General fçait que l'Ennemi le veut furprendre
dans quelque Défilé ou paffage de Riviere , ou que les Paï-
fans fe foient retranchez avec quelques Troupes dans quel-
que Village ou Château , alors il tiendra Confeil de Guerre
pour deliberer fur ce qu'il faut faire.
Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 189
190 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Confeil de Guerre.

Ans ce Confeil , où il n'entre que les Officiers ge-


Danneraux
s aux & & les
les Ingenieurs , fi le General juge que le
lieu puiffe être enlevé en peu de temps , il s'étendra fur la
neceffité qu'ily a de fe rendre maître d'un tel Pofte , & des
grands avantages que l'Armée en recevra pour la feureté
de fes Convois & des Rafraîchiflemens.
Si d'un autre côté le General reconnoît que le lieu foit
fort , & dansune Affiettefi avantageufe qu'on ne puifle s'en
rendre maître , qu'en y fejournant quelques jours , ce qui
feroit fouffrir à l'Armée la perte du temps , & celle de fes
meilleures Troupes ; alors le General doit balancer dans
ce Confeil les fentimens de tout le monde , & agiter judi-
cieuſement tout ce qui regarde l'intereft de fon Prince , &
la gloire de la Nation , afin qu'écoutant fans aucune préoc-
cupation les raifons des uns & des autres , il fe détermine au
plusgrand nombre des voix.
Si le plus grand nombre eft d'un fentiment contraire au
fien , & que la chofe lui femble être importante , il fera
écrire les raifons qu'il a propofées dans le Confeil > auffi
bien que les fentimens de ceux qui ont été pour & contre
lui , puis il les ferafigner des premiers Officiers , afin qu'un
jour il puiffe montrer , qu'il n'a rien entrepris qu'aprés
une meure deliberation.
Quand le General jugera que l'affaire eft de la derniere
importance, il doit en informer la Cour , & y deputer une
perfonne capable d'expliquer aux Miniftres de vive voix ,
ce qu'on ne peut mettre par écrit : cependant le General
s'arrêtera dans la premiere Place où il campera jufqu'à
nouvel ordre.

Ma-
OU L'ART DE LA GUERRE. 291

Maniere de loger une Armée au Village.

L arrivefouvent une neceffité de faire alte, & que la com-


Inactive decquelque Village fe rencontre propre pour loger
une Armée , foit à caufe de l'avantage du lieu , ou pour
l'abondance des eaux , ce qu'il faut toujours chercher pour
faire un bon Campement.
Alors le Maréchal des Logis de l'Armée marquera les
maifons par billets ou par quelqu'autre marque , felon l'or-
dre qui fuit.
Premierement le logis du Generaliffime .
Celui du Meftre-de- camp general .
Du General de la Cavalerie.
Du General de l'Infanterie.
Du Commiflairegeneral des Vivres.
Des Lieutenans du General , qui auront leurs logis pro-
che celui du General.
Des Aides- de-Camp , ou Aides de la Cavalerie.
Du Commandant du Regiment de la Garde du General,
Du Prevoft General.
Des Vivres.
De l'Artillerie.
Pour les Meftres- de-camp , & les Commandans des
Regimens , ils logeront aux quartiers de leurs Regumens.

Ma
192 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere de faire camper un Corps d'Infanterie


accompagnée d'Artillerie.

Omme la Cavalerie , étant feule , ne fait que des


mais je
que quand on n'eft obligé de fe fervir que d'Infanterie , le
Pais où l'on veut porter la Guerre étant trop coupé de
Montagnes , ou dépourvû de Fourrages , ou bien lorfqu'on
fait des débarquemens confiderables , alors les Troupes
feront logées felon l'ordre fuivant.
A, eft la Tente ou le Logis du General.
B, les Gardes du General.
C, le Parc de l' Artillerie , qui doit être retranché.
D, les Charrois des Vivres , file païs en peut permetre,
E, les Vivandiers.
F, les Huttes.
G, la Place d'Armes,
H , les Retranchemens.
Į, le Champ de Bataille,

Manie
OU L'ART DE LA GUERRE, 193

AAAA

A
F

Tom .III. N
194 LES TRAVAUX DE MARS ,

Manieredefaire camper une Armée composée


de Cavalerie d'Infanterie.

A belle façon de faire camper une Armée , eft de la met-


L tre toûjours fur deux lignes , avec un Corps de referve ;
mais celafuppofe que le Terrain foit commode.
On fera en forte que d'une ligne à l'autre il y ait environ
deux-cens pas de diſtance .
Que tous les Efcadrons de Cavalerie de chaqueligne occu-
pent chacun trente- cinq pas de terrain , & qu'il y ait autant de
vuide entre l'un & l'autre, afin qu'un Efcadron puiffe paſſer
par les intervalles , en cas qu'il fallût combattre.
Les Bataillons d'Infanterie qui font forts , & qui campent
en Bataille à fix de hauteur , doivent avoir quatre-vingt pas
de terrain , plus ou moins , felon la fituation du lieu .
Entre les Efcadrons de Cavaliere , & les Bataillons d'In-
fanterie, d'une même ligne, on laiffera quarante ou cinquante
pas de diſtance.
Pour l'Artillerie , on pofera les Canon's fur la premiere
ligne entre l'Infanterie aux lieux que l'on jugera les plus
avantageux : Exemple A.
Les Chariots & les Munitions de Guerre feront campez
entre la feconde ligne & le Corps de reſerve du côté de la
droite, Exemple B : & les Munitions ou les Vivres fur la gau-
che , ou auprés la Tente du Commiflaire general des Vivres ,
Exemple C.
Les Officiers tant dans la Cavalerie que dans l'Infanterie
campent à la tête de leurs Efcadrons & Bataillons.
La Place d'Armes , & les principaux Corps-de - Gardes
font toûjours à la Tête du Campement , où fe pofent les
Armes , Etendards , Drapeaux, Tambours & Timbales.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 199
FERREL

101110

N 2
196 LES TRAVAUX DE MARS ,

De l'Attaque d'un Pont.

General ayant refolu d'attaquer le Pofte qu'il ren-


UN contre dans fa Marche , que nous fuppofons être un
Pont , fortifié de quelques Ouvrages à Cornes , ou de
quelques Tours ou petits Châteaux , comme le font pref-
que tous les Ponts , il prendra lui-même le foin de le re-
connoître, ou y envoyera fes Ingenieurs , afin de remar-
quer fice Pont eft de bois ou de pierre , entrecoupé de Baf-
cules ou tout uni ; & en mêmetemps il fera détacher quel-
que petit Parti , afin de fonder les Guez de la Riviere : "Car
en cas que la Riviere fût guéable , le General pourroit
faire paffer quelque Cavalerie , qui porteroit en croupe de
l'Infanterie, & par ce moyen attaquer le Pont par les deux
bouts.
Si le Pont eft défendu de quelque Château qui ait du
Canon , le General fera faire à la hâte quelques Batteries
croifées, en telle maniere , que fes Pieces foient hors de
la mire de celles qui font fur les Tours du Château , d'où
l'on ne peut tirer que par les Creneaux & par les Em-
brafûres, qui regardent & défendent feulement ce qui eft
oppofé de front.
Le General ne ceffera de faire feu , jufqu'à ce qu'on ait
rompu ces Embrafüres , & déinonté les Pieces du Château.
Si la Tête du Pont n'étoit fortifiée que de quelques
Retranchemens , le General , fans s'amufer à l'attaquer dans
les formes ordinaires , y allant par Tranchées , fera con-
ftruire quelques Cavaliers à la hâte , pour le faire Bréche
& pour monter à l'Affaut l'Epée & le Piſtolet à la main
afin de l'enlever d'emblée. Cette maniere d'attaquer eft
vigoureufe , & expofe beaucoup les Soldats : mais elle eft
la plus affurée pour ces fortes de Poftes, qui autrement con-
fommeroient encore plus de monde , & cauferoient peur-
être la perte de l'Entrepriſe , fi l'on s'amuſoit à y aller par
Tranchées.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 197

N3
AUX
198 LES TRAV DE MARS ,

Del Attaque des Châteaux & autres petits lieux,

Ors qu'une Armée rencontre fur la route des Villages ,


Lors ou qu'une Armée
d'autres Poftesre , que les Païfans ont fortifiez
pour s'y défendre, & pour y mettre à couvert leurs Meu-
bles & leurs Beftiaux : alors le General remarquera fi le
lieu merite que l'Armée faffe alte , ou fi en continuant fa
Marche , un Détachement fuffira pour mettre les Mutins
à la raison.
S'il trouve à propos de faire alte , le Maréchal -de- Camp ,
accompagné de quelques Ingenieurs , cherchera le terrain
le plus commode pour camper l'Armée , comme font le
voifinage de quelque Riviere ou Fontaine.
Les Maréchaux des Logis de la Cavalerie , & les Bri-
gadiers de l'Infanterie de l'Armée , diftribueront le loge
ment de leurs Troupes , felon les ordres du Maréchal des
Logis de l'Armée , & le General fera prendre la refection
à l'Armée avant que de rien entreprendre , s'il le juge à
propos.
Les Loix de la Guerre défendent formellement aux Paï-
fans , fur peine de la corde , de fe renfermer dans de fim-
ples Murailles pour arrêter une Armée Royale. Si le Ge-
neral les fait fommer , c'eft une grace extraordinaire. S'ila
refolu de les forcer , il nommera les Officiers qui doivent
commencer l'Attaque , afin qu'avec leurs gens , & ceux
qui les doivent foûtenir , ils aillent avec chaleur aufeu , les
uns fournis d'Armes courtes , les autres de Petards , de
Grenades , de Boffes , de Pots à feu , & même quelques-
uns auront des Echelles. Les premiers , à la faveur des Man-
telets , s'approcheront des Portes pour y attacher le Pe-
tard, durant que d'autres efcaladeront les Murailles , cha-
cun fe fervant de feux d'Artifice , continuant l'action avec
chaleur jufqu'à ce que le Pofte foit emporté.
Le fuccés en doit être du moins funefte aux Comman-
dans , qui doivent être punis d'une temerité trop hardie.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 199

N.4
200 LES TRAVAUX DE MARS ,
Des Batailles rangées.

Ous le nom de Batailles rangées j'entens parler de l'Or-


Souslenom deharums range deux Armées ennemies ,
foit qu'elles fejoignent de deffein formé , par rencontre , ou
par neceffité.
Dans l'une ou dans l'autre de ces occafions , il eft de la
fcience d'un General de fe rendre maître des Hauteurs qui
commandent fur le terrain où fe doit faire le Combat ; &
fi fon Ennemi s'en eftfaili , il faut avant que de venir aux
mains , qu'il tâche par de petites Efcarmouches de l'en faire
déloger , principalement l'Ennemi a le foleil ou le vent à
dos , qui font les grands avantages qu'un General puiffe pro-
curer àfon Armée.
Mais s'il arrivoit que l'Ennemi fe fût retranché fur ces
Hauteurs , & qu'il s'obftinât à les conferver , voulant com-
battre avec tous ces avantages , alors il feroit de la pru
dence du General de faire faire quelque mouvement à fes
Troupes , pour obliger l'Ennemi à décamper : & pour
mieux y reüffir , il rangera fon Armée en Bataille dans l'or-
dre qui eft ici reprefenté , fuppofant que le terrain le puiffe
permettre.
Les Armées qu'on difpofe pour combattre en Bataille
rangée font d'ordinaire divifées en trois Corps , que l'on
metfur trois lignes .
La premiere ligne s'appelle Avant-garde , Exemple A.
La feconde ligne fe nomme Bataille , Exemple B. &
La troifiême ligne , fi elle eft prefque de force égale à l'une
des deux autres , s'appelle Arriere - garde : que fi on la
fait plus foible, on lui donne le nom de Corps.de - referve ,
Exemple C.
Le milieu de chacune de ces trois lignes eft d'ordinaire
d'Infanterie , Exemple D : & la Cavalerie eft poftée fur les
Aîles de chacune des mêmes lignes , Exemple E.
Quelquefois on met entre les intervallès des Bataillons
quelques Efcadrons , afin que quand l'Infanterie a fait feu ,
& com-

"
OU L'ART DE LA GUERRE. 201

DA E

泄围 E

NS
202 LES TRAVAUX DE MARS ,
& commencé à mettre le defordre parmi les Ennemis , la Ca-
valerie puiffe aller achever de rompre ce qui eft déja ébranlé :
Même en gardant ce mélange , s'il arrive que l'Infanterie qui
a fait feu , aitfouffert elle-même quelque échec , la Cavalerie
eft proche & prête à la foûtenir & lui donner loifir de fe rallier.
Le Pofte de l'Avant-garde eft le plus honorable ; la Bataille
a la feconde place d'honneur , ce qui n'a pourtant point de lieu
à l'égard du Regiment des Gardes , ni des Gens- d'Armes du
Roi , parce que les uns & les autres fe trouvant dans le fervi-
ce , on les met toûjours à la feconde ligne.
Dans chaque ligne il y a auffi le Pofte d'honneur : les vieux
Corps felon l'ordre de leur anciennneté ont toûjours l'Aîle droi-
te, & on met fur l'Aîle gauche celui des vieux Corps qui eft le
fecond en ordre d'ancienneté , & ainfi de Rang en Rang ; de
forte que le milieu de la ligne eft le Pofte le moins honorable.
On laiffe d'ordinaire cent pas de terrain entre la premiere &
la feconde ligne , & deux cens pas entre la feconde & la troi-
fiême , afin d'avoir de l'efpace pour rallier les Troupes fi elles
font rompues : S'il y avoit moins de terrain , il arriveroit que
les Troupes d'une ligne venant à plier , renverferoient les Trou-
pes de la feconde , qui en feroient trop proche.
Dans chaque ligne les Bataillons font éloignez des Bataillons,
& les Efcadrons des Efcadrons , d'une diftance à peu- prés égale
à celle de leur front. On laiffe ces intervalles , parce que les Ef-
cadrons & les Bataillons de la feconde ligne fe mettent vis- à- vis
des intervalles de la premiere , & que de même les Corps de
l'Arriere-garde fe poftent vis- à- vis des intervalles qui font entre
les Corps de la Bataille ; afin que par ces diſtances les uns & les
autres aillent plus facilement aux Ennemis , & que fi la pre-
miere ligne vient à être rompuë , au lieu de fe renverfer fur les
Troupes de la feconde ( comme il arriveroit fi les Corps de tou-
tes les lignes faifoient des Files ) elle puifle fe rallier derriere
fon terrain , & laiffer ces intervalles libres à la feconde ligne ,
qui s'avancera pour foûtenir ce qui aura plié.

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 203

སཐ ཨཱི ནཏི བཞི ཏི ན


LE
VIL
ON
LY
OU L'ART DE LA GUERRE. 205

CHAPITRE X.

Des Inftrumens quifervent ou à laDéfenſe ,


ou àl'Attaque des Places.

Omme c'eft une égale neceffité dans l'Attaque &


dans la Défenſe des Places , de tâcher à fe couvrir
C dufeu des Ennemis , il importe beaucoup , avant
& comment on les
que de dire comment on les attaque ,
défend , de donner la conftruction des Inftrumens qui font
les plus ufitez dans ces fortes d'Entrepriſes.

Des
406LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Barriques, des Sacs-à - terre.

Es Barriques A, & les Sacs-à- terre B , fervent merveil


L leufement aux Affiegeans pour faire leurs Approches
contre des Villes quand le terrain des environs eft dépourvû
de terre , plein de Roches , pierreux , ou bienfi aquatique &
marécageux , que l'eau empêche d'y fouiller. C'eft principa
lement dans cette forte de lieux, que l'ufage des Barriques &
des Sacs-à-terre eft de grand fervice à celui qui attaque .
Les Sacs-à-terre & les Barriques font auffi fort commodes
pour les Affiegez , qui en mettent deflus les Parapets pour
tirer entre-deux, & pour avoir des Embrafûres affurées ;
mais leur principal ufage eft de les employer à reparer les Bré-
ches , & à élever fur la Tête des Bréches des Parapets à la hâ-
te , ce qui nefe peut mieux & plus commodément faire
qu'avec des Sacs & des Barriques- à-terre.
?
Les Sacs-à-terre font de deux fortes , grands & petits.
Les grands Sacs-à-terre tiennent environ un pied cubique,
ouun pied & demi de terre : Exemple C.
Les petits Sacs-à-terre tiennent un demi-pied cubique de
terre ou un peu moins : on les met fur le talud fuperieur des
Parapets , puur couvrir ceux qui font derriere , & qui tirent
par l'Embrafûre ou l'intervalle qu'on laifle entr'eux.
Les Barriques- à-terre font proprement des demi- muids
que les Affiegez & même les Affiegeans empliffent de ter-
re , pour le couvrir, & pour leur fervir de Parapet dans les
Retranchemens , au defaut des Gabions.
Les Affiegez s'en fervent auffi pour jetter pardeffus les
Parapets , pour rompre & pour enfoncer les Galleries
que les Affiegeans feroient dans le Foflé. Elles font tres-
bonnes pour touler dans les Bréches , quand les Affaillans
viennent à l'affaut,

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 207

096

འ་་ ཏསཚ
208 LES TRAVAUX DE MARS ,

1 Des Gabions & des Corbeilles.

Es Gabions fervent pour faire le Parapet des Batteries.


L On les fait de branchages d'Ozier , de Coudre ,
d'Aulne & d'autre bois verd.
Les grands Paniers marquez A , s'appellent Gabions , &
les petits B portent le nom de Corbeilles.
Les Gabions fe font en cette maniere : On fiche un piquet
dans une place unie , où on les veut faire , & de ce piquet ,
comme centre , & de la diftance d'un pied & demi on
1 deux pieds ( afin que le Gabion foit large par embas de trois
ou quatrepieds ) on fait une Circonference , qui donner la
largeur du Gabion , & fur cette Circonference on ficherades
Piquets ou des Baguettes , de la longueur de s. ou 6. pieds de
hauteur, qui eft celle qu'on donne aux plus grands Gabions.
Puis on entrelacera ces Gaules ou Baguettes avec des branches
déliées & les plus fouples qu'on aura , les ferrant les unes & les
autres le plus fortement qu'il fera poffible , pour achever le
Gabion , commefont les marquez A & C.
Les Gabions pour être bien faits , doivent être plus larges
par le pied que par le haut , afin d'avoir une affiette plus af-
jurée: mais à caule du vuide qui feroit entre-deux , on les
fait d'ordinaire auffi larges par la tête que par lepied.
Les Corbeilles B font des Paniers fort petits , ayant feule
mentun pied ou un pied & demi de hauteur , fur huit pofces
de largepar leur baze. On remarquera, que fices Paniers oNE
huit Pouces de large par leur baze , is en doivent avoir dix
ou douze par le haut , afin qu'étant remplis de terre , & mis
lesuns contre les autres , ils laiffentune Embrafûre, par où les
Moufquetaires , qui feroient derriere , puiffent tirer à couvert
& horsla mire del'Ennemi.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 269

.124....

No ...

"

-B

Tom. 111.
210 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Fafcines, des Sauffiffons , & des Chandeliers.

Es Fafcines Afont faites de branchages d'arbres qu'on


Sauffifious
font faits de gros bois ou de troncs d'arbres.
Les Fafcines font de deux manieres , groffes & petites.
Les groffes Fafcines font liées en deux ou trois endroits ,
&font également groffes , auffi bien dans leurs bouts que
dans leur milieu , ayant en rondeur ou groffeur deux ou trois
pieds. Leur longeur eft d'environ trois à quatre pieds.
Les groffes Fafcines, mêlées avec de la terre, fervent au de-
faut de Gabions à faire le Parapet des Tranchées & des Bat-
teries. Elles font auffi fort bonnes pour combler les Foffez , &
pour y faire des Traverſes , & d'autres Retranchemens.
Les petites Faſcines E font de deux à trois pieds de lon-
gueur , ayant feulement en rondeur un pied & demi , elles
font feulement liées par le milieu comme un fagot.
Les petites Fafcines étant gouderonnées & trempées dans
de la Cire neuve , de la Poix réfine , de la Terebentine , &
autrematiere glutineufe, fervent à éclairer la nuit, loriqu'elles
font allumées, & à découvrir les Travailleurs de l'Ennemi.
Les Affiegez le fervent auffi des grandes & des petites Faf-
cines , pour jetter dans les Bréches , afin qu'étant allumées ,
elles brulent les logemens des Affaillans , & leur empêchent
de demeurer au pied , & fur la montée de la Bréche.
Les Chandeliers F font de groffes pieces de bois , de fix
à fept pieds de haut, pofées debout fur une Travée ou brin
de Bois: Les pieces élevées fur la Travée font appuyées par
derrriere de deux petits Etais.
Les Chandeliers étant remplis deFafcines , fervent à cou-
vrir les Soldats & les Travailleurs , & leur tiennent lieu d'un
Parapet dans le travail des Tranchées.
Les Sauffiffons B fervent à affermir le chemin des Char-
rois , & étant mêlez avec de la terre & des Fafcines , onen
fait les Traverſesdes Foffez pleins d'eau.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 211

B
....

2
212 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Palifades & des Fraifes.

Es Paliffades A font des pieces de bois qu'on plante


L d'ordinaire au devant des Poftes qui pourroient être pris
d'emblée, ou qui ont l'accés fort aifé , pour être fans defenſe ;
ou proche de quelque Rideau , des Montagnes , ou bordée de
quelque Riviere ou Marais. On affure ces lieux en plantant
aux environs & fur leurs bords des Paliffades.
Dans les Places on s'en fert encore fort utilement pour
ficher au deffus du Parapet du Glacis , ou dans le Chemin-
couvert ; même on en met dans les Foffez fecs , principale-
ment quand onyfait des Traverſes. On les employe encore.
au pied des Baftions , files Foffez font pleins d'eau , afin
d'empêcher les Escalades & les Surpriſes : Exemple B.
Les Batteries que font les Affiegeans doivent avoir au de-
là de leur Foflé un Rang ou deux de Paliflades , afin d'empê-
cher que les Affiegez dans leurs Sorties n'entrent dans le Fof-
fé, & de-là d'emblée dans la Batterie pour en enclouer le Ca-
non: Exemple C.
Les bonnes Paliffades font ordinairement fi proches l'une
de l'autre , qu'il n'y a que l'intervalle pour paffer le Moufquet.
La hauteur des Paliffades hors de terre eft d'ordinaire de
quatre à cinq pieds. On les enfonce en terre environ un pied
ou unpied & demi.
Les Fraifes F, qu'on plante au deffous des Cordons des
Murailles de pierre, & aux environs des Dehors , fervent à
empêcher que les Soldats ne defertent, ou qu'on ne furprenne
ces Dehors ou la Place , avec des Echelles.
Quand on fraife les Ouvrages de terre , on doit faire en-
trer les pieces de bois , qui font de cinq ou fix pieds de lon-
gueur, moitié dans la terre, & l'autre moitié dehors.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 213

FORT
DE LIN
CK

B
‫س‬

03
214 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Chevaux de Frife , des Heriffons & des Herfes.

Es Chevaux de Frile A fe font d'une piece de bois de dix


L à douze pouces de Diametre , & longue environ de
deux toifes ; on taille d'ordinaire cette piece en fix Pans ,
afin de faire dans ces Pans des trous tout au travers , difpofez
en croix , & diftans les uns des autres de trois ou quatre
poûces : Exemple B. On met dans ces trous des Piquets
longs de cinq ou fix pieds , pointus & ferrez par les deux
bouts , comme les marquez C.
La groffe piece de bois des Chevaux de Frife , doit être
d'un bois de frêne ; fielle eft d'un autre bois , on la doit lier
d'un bon bandage de fer , afin que la quantité de trous qui
yfont , ne la fafle point éclater :. ExempleD.
Les Affiegeans , pour fermer les Avenues de leurs Camps,
en mettent plufieurs enſemble , qui fe tiennent à leurs ex-
tremitez par des Crampons de fer: Exemple E.
Les Chevaux de Frife , qu'on fait pour jetter dans les
Bréches , doivent être plus petits que ceux - cy , mais d'un
bois plus dur que le fapin , à caufe que leurs Piquets font
trop aiſez à être caffez à la main.
Le Heriffon F eft une groffe piece de bois , lardée de
toutes parts de pointes de fer : On s'en fert pour fermer les
lieux qui doivent être ouverts de fois à autres. Le Heriflon
tournefurun Pivot , marqué G.
Les Affiegeans & les Affiegez , au defaut des Chevaux
de Frife , pour jetter dans les Chemins où doit paffer la Ca-
valerie , & dans les Bréches où monte l'Infanterie , le fer-
vent quelquefois des Herfes à labourer la terre , tournant
leurs dents oupointes en haut , afin d'incommoder la Mar-
che de la Cavalerie , & celle de l'Infanterie : Exemple H.
Les Herfillons I font des planches , longues de dix à dou-
ze pieds, qui ont leurs deux côtez remplis de pointes de
cloux.

Des
OU L'ART味 DE LA GUERRE. 215

225

F
216 LES TRAVAUX DE MARS;

Des Chauffe-trappes , des Mantelets.

Es Chauffe-trappes A font de grands , de moyens oude


Lpetits cloux à plufieurs pointes.
Les petites ont leurs pointes de trois poûces de longueur..
Erant jettées dans les Foflez fecs , & dans les montées des
Bréches , elles nuifent infiniment aux Aflaillans.
Les moyennes Chauffe- trappes ont leur fer de quatre poû-
ces , & les grands l'ont de cinq. L'ufage des unes & des autres
eft d'être femées dans les Embufcades & autres lieux où doit
paffer la Cavalerie. Elles font auffi fort propres pour être
jettées dans les Bréches , & autres lieux , par où il faut que
I'Infanterie monte.
Les Mantelets font faits d'ordinaire de bois de chêne ,
qu'on fcie en planches , épaiffes de trois pouces , ou de trois
poûces & demi , afin de mieux refifter aux coups de Mouf-
quets.
Il y a des Mantelets de deuxfortes , de fimples & de dou-
bles.
Les Mantelets fimples fe font en joignant deux ou trois
planches enfemble , les unes auprés des autres , afin de les
faire larges environ de trois pieds , fur cinq de haut , qui eft
la hauteur qu'on leur donne , pour couvrir ceux qui les por-
tent ou qui les pouffent devant eux : Exemple B.
Quand onfe fert de ces fimples Mantelets pour faire des
Logemens fur les Contrefcarpes , on les couvre de lames de
fer-blanc , & on les tient un peu menus par un de leurs bouts ,
afin d'enjoindre deux enfemble , pour tenir le Soldat , qui
feroit deffous , à couvert de la Grenade & des autres Feux
d'artifice : Exemple C.
Les Mantelets doubles D fervent au defaut des Tranchées
à faireles Approches & les Batteries , qu'on creuſe ou que
l'on éleve contre les Places que l'on affiege.
On fait ces Mantelets en mettant de laterre entre deux
rangs de planches , & on les monte fur des Rouës , pour les
faireavancer , & pour les conduire où l'on veut : Exemple E.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE 212

週 匪
218 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Echelles propres à l'uſage des Ecalades,

Uandles Villes n'étoient fortifiées que de Tours, & que


pour les prendre les Attaquans en élevoient d'autres de
leur côté , alors les Echelles étoient en grand ufage ; car du-
rant qu'une partie des Affiegeans décochoient de leurs Tours
D des Fléches , contre ceux qui étoient dans les Tours de la
Ville , d'autres du même parti que les Affiegeans venoient
avec des Echelles ecalader les Murailles & les Tours des Af
fiegez.
Mais maintenant que les Placesfont fortifiées de Baftions
& de Dehors , les Efcalades ne font plus guere en ufage :
Neanmoins conimeje me fuis rencontré à la derniere Place
qu'on avoulu furprendre de cette maniere , qui étoit la ville
d'Albuquerque, je prendrai l'occafion d'en faire ici la def-
cription.
Ces Echelles étoient faites de trois autres petites Echelles ,
& chaque petite Echelle avoit fept Echellons.
Ces petites Echelles , pour bien s'emboiter les unes dans
les autres , étoient faites de la maniere fuivante.
La premiere, qui étoit deftinée pour être le pied de la
grande Echelle , étoit étroite par le haut , & fon dernier
Echellon débordoit par les côtez de l'Echelle , ainfi que le
montre la lettre A. Les bouts de cette même petite Echelle
du côté d'en haut , étoient entaillez comme C, afin de rece-
voir le premier Echellon de la feconde petite Echelle , de
laquelle le pied étoit plus large que le haut , afin d'être re-
çu, emboité, &lié fortement avecle haut de la premiere
petite Echelle.
Le haut de cette feconde petite Echelle étoit aufli entaillé
comme celui de la premiere , afin de recevoir le premier
Echellon de la troifiême petite Echelle , qu'on lioit forte-
ment les unes avec les autres , & toutes ces petites Echelles
en formoient une auffi grande que l'on fouhaitoit , comme
eft la marquée B.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE 219

...Danice....

B
220 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Blindes , des Clayes , des Traverſes , & des


Galleries.

LEs Blindes A font faites de branchages d'ozier , ou d'autre


bois, qu'on lie par le haut & par le bas , de l'épaiffeur d'un
demi- pied.
Les Blindes fervent de Rideau & de couverture aux Pion-
niers dans leur travail. Elles font fort employées à couvrir les
détours & le deffus des Tranchées & autreslieux , quifont ex-
pofez à la vue des Ennemis.
Les Clayes B font faitesde gros & de menus branchages d'o-
zier , ou d'autre bois fouple , les branches les plus minces étant
entrelacées de plus groffes , ainfi qu'eft la Claye B.
La longueur des Clayes les plus ordinaires , eft de cinq à fix
pieds , fur trois ou trois & demi de largeur. Les Clayes les
mieux faites font celles qui font les plus ferrées.
Les Clayes font fort ufitées pour l'affermiffement des Plate-
formes des Batteries , & pour le paffage des Foffez , principale-
ment quand les Foffez font remplis de vafe ou de bourbe.
Les Galleries C fervoient autrefois à couvrir & à attacher le
Mineur aux Faces des Baftions.
Afin que les Galleries foient bien faites , elles doivent être à
double rang de planches du côté du Flanc du Baftion qu'elles re-
gardent pour être plus capables de refifter aux coups de la Place.
Le deffus de la Gallerie doit être en dos d'âne , ou en vive- arrê-
te, & même couvert de lames de fer-blanc , pour éviter les
Gauderons , les Boffes & autres feux gluans , que les Affiegez
pourroient jetter deffus , à deffein de la brûler.
Les Traverfes D fe font dans les Foflez fecs , en creufant de-
dans comme une Tranchée , en jettant la terre du côté du Flanc
oppofé ; mais dans les Foffez pleins d'eau , on les fait en jettant
dans le Foflé , vis-à- vis de l'endroit où l'on veut attacher le
Mineur , des Sauffiffons , des Solives & autres pieces de bois ,
avec quantité de Fafcines , de pierres , de terre , & de toutes
autres chofes qui peuvent combler le Foflé , & lerendre capa-
ble de foûtenir une Gallerie pour ceux qui s'en veulent fervir :
Exemple E.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 222

B
222 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des diverfes fortes de Ponts , fervans à paffer les Rivieres.

EPontmarqué A eft fait de gros foliveaux & de plan-


L ches de bois , liées enfemble par de forts bandages dé
fer , letout foûtenu par des Futailles , qui font renfermées
d'un grand Chaffis , aux quatre Angles duquel font des
Rouës, pour en faciliter la conduite par la campagne. La
Balluftrade de ce Pont eft faite d'une toile,pour ôter à ceux de
la Ville ennemie la vûë de ceux qui paffent par deffus le Pont.
Le Pont B eft fait de Rofeaux , de Fafcines & d'autres
branchages d'arbres , afin de faciliter le paſlage à l'Infante-
rie fur de petites Rivieres.
Le Pont marqué C eft fait de l'affemblage de plufieurs
pieces de bois , avec deux planchers , dont le premier fert
pour le paflage de l'Infanterie " & celui de deffus , pour celui
de la Cavalerie , de l'Artillerie & du Bagage.
Mais en verité, toutes ces fortes de Ponts , & une infinité
d'autres de diverfes façons , inventez depuis peu , conftruits
par l'aflemblage de plufieurs machines , ou pieces de bois
jointes ou emboitées enſemble , font defectueuſes & de peu
de fervice; car outre qu'il faut toujours entretenir un grand
nombre de Charpentiers , de Menuifiers , de Serruriers , &
d'autres Ouvriers , pour les monter & conduire , c'eft , qu'il
y faut une infinité de Clavettes , de Villes , & de Bandages
de fer , dont la perte ou la rupture de la moindre piece rend
toute la Machine inutile : mais pour les Ponts de Batteaux ,
ils peuvent être conduits par toutes fortes de perfomnes fans
grand effort, & auffi font- ils les meilleurs.
Le Pont D eft tres-ingenieux pour pafler de petites Ri-
vieres.
Le marqué E eft fait de Batteaux , qu'on prend fur la
mê.ne Riviere où on le fait : mais celui de Feft fait de Bat-
teaux, qu'on améne exprés montez fur un train de Cha-
riots, fi ce n'eft qu'on les faffe rouler fur des Roues qui y
font attachées proche de la Quille.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 223

MARX

B
VI
M&LA LL
O R
LY

2
OU L'ART DE LA GUERRE ·225 .

CHAPITRE XI.

Des Sieges.

Remarque fur la differente durée des Sieges.

Omme il eft difficile de trouver deux Villes fituées


d'une même maniere , auffi eft- il fort mal-aifé de fai-
C re deux Sieges d'une même façon , & encoreplus
d'en déterminer la durée.
Car ily a des Villes , où fans faire ouverture ni conduite
de Tranchées , les Affiegeans peuvent venir dés le premier
jour du Siege , fe loger fur les Contrefcarpes de leur Foffe , &
cela le plus fouvent à la faveur d'un Chemin creux , d'une
ruine , ou de quelque Fauxbourg mal fortifié.
Mais auffi ily a des Places où le terrain des environs eft fi
bien ménagé , qu'à une portée de Canon de leurs Murailles
ou du plus éloigné de leurs Dehors , il n'y a ni ruine , ni che-
min creux , qui en puiffent faciliter l'approche. A ces fortes
de Places , qui ne font pas les pires , on n'y peut venir que
par Tranchée , ou en gagnant le terrain pied àpied ; ce qui
rend d'ordinaire ces Sieges dangereux , & fort longs , pour
une infinité d'incidens qui arrivent dejour en jour dans les
Attaques , dans les Sorties , dans les Mines & autres actions
de Guerre, que ceux des deux Partis mettent en ufage , les
uns pour le défendre avecplus d'opiniâtreté, & les autres,
afin d'attaquer avec plus de chaleur.

Tom. III. P Du
226 LES TRAVAUX DE MARS ,
Du Degât qu'onfait aux environs des Places.
Ous les nom de Degât j'entens parler ici du ravage que les En-
Sousnemis font aux environs des Places, qui manquent à leur pa-
yer leurs Contributions , ou qu'ils veulent affieger.
On faitfaire d'ordinaire le degât par des Partis de Cavalerie
& d'Infanterie , lesuns mélez avec les autres , afin qu'ils foient
plus en état de fourrager & de brûler tous les grains & autres
commoditez qui fe rencontrent autour des Places , & dont ceux
qu'on va affieger , pourroient tirer quelque avantage. Dans cet-
te action auffi bien que dans celles de tous les Sieges , le General
doit agir avec une prudence finguliere ; car de ces fortes de
commencemens on tire de grandes conjectures du progrés d'un
Siege : c'est pourquoi les Partis qu'il envoyera , doivent être
commandez par des perfonnes qui fçachent bien la Guerre ,
comme font les Meftres- de- camp , les Majors & autres Offi-
ciers , qui auront la prudence d'éviter les Embufcades de ceux
qu'on va affieger , & de foûtenir leurs Sorties , & même de
faire tête à leurs Partis , en les repouffant juſques fous leurs dé-
fenfes.
Ceux qui font détachez pour faire le degât , doivent quit-
ter l'Armée à deux lieuës , ou tout au moins à une lieues de la
Ville qu'on va affieger. Ils porteront le feu partout où ils paſſe-
ront , neanmoins avec cette difcretion , de conferver tout ce
qu'ils jugeront capable de couvrir leur Camp , comme font les
Bois , les Maifons des particuliers , les Eglifes , & autres lieux
faints, pourvu que les Affiegez ne s'en puiffent pas fervir pour
favorifer leurs Sorties , & pour difputer le terrain ; car alors en
emportant avec refpect les pierres facrées des Autels, & les fain-
tes Reliques , on rendra le refte inutile , pour en bâtir aprés le
Siege de plus magnifiques. C'eft dans le temps de ces Degâts que
le Maréchal de camp , accompagné des Ingenieurs , va recon-
noître la Place le plus prés des Dehors qu'il fera poffible , afin
de juger plus pertinemment de la bonté ou de la foibleffe des
Fortifications de la Place qu'on va affieger.
Du Blocus des Places.
Left de la fcience d'un General , en s'engageant dans le Païs
I'
ennemi , de ne laiffer aucune Place derriere lui , dont il ne
foit le maître , à moins qu'il ne la juge incapable de traverser la
marche de fes Recreuës , & de fes rafraîchiflemens.
Autrement un General prendroit fort mal fes mefures , de
vouloir affieger une Place dans les formes ordinaires , l'Ennemi
étant maître des Châteaux , & d'autres Poftes , qui lui empê-
cheroient la liberté de la Campagne . Mais
OU L'ART DE LA GUERRE. 227
Mais lorfque les Places qu'on veut affieger , font dans le cour
d'un Etat, comme font d'ordinaire celles d'un peuple revolté
contre fon Prince , alors le General , qui fera commandépour
les aller mettre à la raifon , confiderera , s'il faut attaquer leurs
Places de vive force , ou par de longs Sieges , s'ils peuvent être
fecourus de leurs Alliez , ou s'ils s'affurent feulement fur l'a
vantage de leurs Montagnes, & fur la force de leurs Murailles.
Le General étant donc informé de l'état de ceux de la Place ,
& prévoyant qu'ils ne peuvent être fecourus d'aucune part , que
toutes leurs forces confiftent feulement dans leur opiniâtreté ,
dans la profondeur de leurs Foffez , & dans la hauteur de leurs
Murailles : alors il fe contentera de les vaincre par la famine ,
en formant un Blocus.
Le Blocus n'eft autre chofe , qu'une maniere, de diftribuer
fes Troupes dans les Villages , les Châteaux & autres lieux , qui
ferencontrent fur les avenues de le Place , défendant trés ex-
preffement à qui que ce foit , de communiquer avec ceux de la
Ville , & de leur apporter des Vivres , fur peine de la vie , fai-
fant mettre en prifon tous ceux qui fortiront de la Place , pour
les châtier felon la volonté du Prince.

Maniere d'affeoir un Camp pourformer un Siege.

LE Maréchal de Camp de l'Armée ayant fait faire le degât ,


le General fera marcher fes Troupes pour commencer le
Siege. C'eft dans cette occafion que le General doit faire dou-
bler le pas à fes Troupes , afin d'oter aux Ennemis les moyens
de fortifier la Place de vivres & d'Hommes , en cas qu'ils l'euf-
fent auparavant negligé.
Le General étant à demi-lieuë de la Ville , envoyera quelque
perfonne intelligente au Maréchal de Camp , afin que ce Maré-
chal l'inftruife des Poftes les plus avantageux qui font autourA de
la Place.
Le General étant ainfi informé de l'avantage & du defavan-
tage du terrain , où il doit affeoir fon Camp , prendra un peu le
devant , pour fe donner lui -même le foin de reconnoître tous
les Poftes.
Ilfera accompagné du Maréchal de Camp & des Ingenieurs ,
qui lui ferontremarquer l'avantage des lieux , dont on lui a déja
fait le recit , afin d'y faire défiler les Troupes ,' diftribuant la
Cavalerie dans les Plaines & proche des Rivieres , & l'Infan-
terie fur les Côteaux & les Montagnes , à une portée de Canon
de la Place.
&+ P 2 Dans
228 LES TRAVAUX DE MARS ,
Dans ce premier jour il eft fort difficile de donner à chaque
Regiment la jufte meſure du terrain qui lui eft neceffaire , nide
déterminer précisément l'étendue que les Parcs d'Artillerie &
les Quartiers des vivres doivent occuper. Neanmoins pour
rendre la chofe facile , nous en allons parler en détail.
On remarquera , que quand l'Armée eft compofée de diver-
fes Troupes étrangeres , il eft meilleur de mettre tous les Regi-
mens d'une même Nation enſemble , que de les feparer, afin d'é-
viter les querelles , qui n'arrivent que trop fouvent entre gens
de diverfe Religion & de different Gouvernement .

DuLogement de la Cavalerie .

Dans la Cavalerie un Cavalier s'appelle Maître, comme


nous l'avons déja dit ailleurs. Il doit avoir d'ordinaire un
Valet & 3. Chevaux ; ou pour le moins 2.Maîtres doivent avoir
à deux un Valet & 3. Chevaux , afin que le troifiême Cheval
puiffe allerau fourrage .
Pour loger une Compagnie de Cavalerie de cent Chevaux
( c'est ainsi qu'on fpecifie le nombre des Cavaliers ou Maîtres ).
on donnera foixante-dix pieds de terrain de front à la Compa-
ganie , Exemple A B ; & deux-cens de hauteur , Exemple A C.
A deux Maîtres qui logent enfemble , on leur donne de ter-
rain huit pieds de large , & douze de long , pour faire leurs Bar-
raques : Exemple D.
Pour les Barraques des Chevaux , elles occupent chacune
4. pieds de large , & dix de long : Exem. E. Les hommes font
tous logez en deux Rangs , & les chevaux auffi : Exemple EG.
Entre les Barraques & les Ecuries il y aune ruelarge de huit
pieds : Exemple I.
Les Chevaux tournent leur tête vers les Barraques de leurs
Maîtres.
Larue entre les Ecuries a dix pieds de large pour la fortie dés
Chevaux : Exemple L.
Le Logis du Capitaine eft à la tête des Barraques de fa Com-
pagnie , dont il occupe tout le front , & fa largeur eft de qua-
rante pieds : Exemple O.
Entre le logis du Capitaine & la Compagnie eft une ruë de
vingt pieds de large : Exemple P.
Derriere la Compagnie font les Vivandiers , feparez des
Compagnies par une rue qui a vingt pieds de large: Exemple R.
Quand plufieurs Compagnies campent enfemble , les unes
auprésdes autres, il doit y avoir vingt pieds de diftance entr'elles.
Du
QU L'ART DE LA GUERRE. 229

229

G

D

B ‫حباكورلة‬

7.3
.
230 LES TRAVAUX DE MARS,

Du Logement del'Infanterie.

E ne parle point ici du Logement de l'Infanterie , lorfque


JEn
fur la marche elle arrive dans un Village , ni du Loge-
ment de celle qui eft en Garniſon dans une Place , puifque
la premiere loge chez les Païlaus par billets ; & l'autre dans
des Cazernes , ou chez le Bourgeois par chambrée , ou
feul à feul. Je parle de l'Infanterie , qui eft obligée de cam-
per & de le bâtir des Huttes , & cette façon de loger s'ap-
pelle Campement.
Le front du terrain d'une Compagnie AB , & la hau-
teur CD , ne ſe peuvent exactement limiter , fi l'on ne
fçait au jufte le nombre des Soldats qui font dans la Com-
pagnie : Et comme les Compagnies font plus ou moins
fortes , felon que les Recrues & la Defertion font plus ou
moins frequentes; neanmoins pour donner quelque regle
affurée , je fuppoferai qu'il faille loger deux Compagnies
enfemble , chacune de cinquante hommes , ou une feule
de cent hommes effectifs.
On donnera au front de la Compagnie AB cinquante-
fix pieds de terrain , pour avoir lieu d'y marquer quatre
rangs de Huttes.
Ön donnera à la hauteur de la Compagnie AG deux- cens
pieds de terrain , pour y faire vint- cinq Huttes ; entre
les rangs des Huttes on fera trois Rues de huit pieds chacune
de large : Exemple D.
Chaque Hutte a huit pieds en quarré , pour loger deux
Soldats : les portes des Huttes répondent toutes fur deux
ruës , & fontvis-à- vis l'une de l'autre : Exemple E.
Ala tête de chaque Compagnie eft le Logis du Capitaine
& des Officiers fubalternes.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 237

23222

P 4
232 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Lignes de Circonvallation , de Contrevallation.

le General prévoit qu'il ne puiffe pas emporter d'em-


Sl be Genoude qu', laplacequ'ila ordre d'attaquer,
& que d'autre part il craigne que l'Ennemi ne fecoure la Pla-
ce , en paffant fur le ventre à fon Armée ; alors il fera faire
tout autour de fon Camp une ligne de Circonvallation :
même s'iljuge que la Ville foit puillante en nombre d'hom-
mes , & que le Gouverneur puifle fairefouvent des Sorties ,
pour incommoder fon Camp, & pour lui faire des Prifon-
niers; en ce cas pour les foûtenir & pour les repouffer , il
fera faireune ligne de Contrevallation du côté de la Ville.
Les Ingenieurs , aprés que les Troupes feront campées ,
feront tout le tour de la Place , pour voir les lieux par où
ils doivent faire creufer la ligne de Circonvallation , pre-
pant le Plan des environs de la Place , y marquant toutes
les Collines , les Rideaux , les Vallées , les Rivieres , les
Eglifes , & generalement tout ce qui peut fervir de loge-
ment , tant à la Cavalerie , qu'à l'Infanterie , comme font
les Vignes , les Hayes , les Ruines , & autres lieux cou-
verts. Les Ingenieurs ayant donc prefenté au General le
Plan des environs de la Ville , reglé avec lui l'endroit par
où l'on doit faire paffer la ligne de Circonvallation , ils la
marquerontfur le terrain avec des Piquets , & des Corde-
aux, de la largeur de deux toifes , faifant la bafe de fon Pa-
rapet de huit pieds de large , la hauteur interieure du Para-
pet de fix pieds , & l'exterieure de cinq , avec une Banquet-
te large de trois pieds , & haute d'un pied & demi .
La ligne de Circonvallation doit être du côté de la Cam-
pagne, & la terre du côté du Camp ; & la ligne de Con-
trevallation , qui fe fait fur de pareilles meſures , doit avoir
fon Foffé du côté de la Ville , & laterre du côté du Camp ,
pour couvrirceux qui font derriere.

D
OU L'ART DE LA GUERRE. 233

PS
234 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Parc de l'Artillerie , & du Quartier des Vivres.

E Parc de l'Artillerie eft le lieu , ou le Magazin , dans le


L quel on conferve les Poudres , les Bombes , les Pe-
tards , les Grenades , les Boffes , les Balles-à-feu , les Mé-
ches , & tous les Equipages & les inftrumens qui fervent à
defcendre & à monter les Canons de deflus leurs Chariots
& leurs Affufts.
Le Parc pour être bien placé , doit être tout-à-fait hors
de la portée de Canon de la Place , & ce lieu doit être choifi
de telle maniere , qu'il foit commode pour toutes fortes
de voitures.
Quand ily a quelque Village ou Maiſon , fituée environ
à deux portées du Canon de la Ville , ces fortes de lieux
font fort commodes pour faire les Parcs. Sur tout on doit
avoir foin de les bien fortifier , & de ne leur donner que
des Piquiers pour leur garde , principalement aux endroits
où l'on met les Poudres, afin d'éviter le feu.
On fait d'ordinaire autant de Parcs , qu'on a refolu d'At-
taques , afin que les Troupes dans le befoin ayent auprés
d'elles tout ce qui leur eft neceflaire.
Le Parc ou le Quartier des Vivres eft un lieu où font logez
les Vivandiers & les Marchands. Il y en a quelque fois >
comme j'ay déja dit , dans le milieu de chaque Regiment ,
& beaucoup mieux à la Queue , qui eft une place bien
plus commode pour la diftribution de leurs denrées & de
leurs marchandiſes , auxquelles le Major a foin de mettre
leprix , felon qu'il le juge raifonnable.
Les Majors qui voudront prendre foin de la fanté & pro-
preté de leurs Soldats , marqueront toujours quelques cer-
tains lieux derriere leurs Regimens , où ils ferontfaire quel-
ques Foffez où les Soldats iront à leurs neceſſitez.

Ma-

1
OU L'ART DE LA GUERRE. 235

MIL
健康
236 LES TRAVAUX DE MARS ,

Manierede reconnoître une Place pour déterminer


les Attaques & les Tranchées .

A Circonvallation étant parfaite , & les Parcs fortifiez


L de quelques Forts à Etoile , ou à Demi- baſtions , le
Maréchal de Camp , accompagné des Ingenieurs , & efcor-
té de quelque Cavalerie , s'appprochera le plus prés qu'il lui
fera poffible , des Dehors , ou des Contrefcarpes de la Place ,
afin de découvrir la bonté ou la foiblefle des Fortifications de
la Ville.
La force d'une Place confifte dans la bonté de fes Dehors ,
lorfqu'ils font bien flanquez des Défenfes de la Place , &
qu'ils ne font point commandez des lieux circonvoifins ,
fes Foffez étant larges & fort profonds , les Baſtions folides ,
grands & bien défendus des Cazemates & des Cavaliers , avec
des Parapets capables de refifter à la violence du Canon.
La foiblefle d'une Place eft d'avoir quantité de grands De-
hors , commandez des lieux circonvoifins , & mal flanquez
de la Place , avecdes Foffez étroits , & àdemi- comblez , des
Remparts éboulez , des Parapets ruinez , & des Baftions
petits & mal terraffez. Cela étant diligemment remarqué,
avec la nature du Terrain , commej'ai dit dans les pages pré-
cedentes , les Ingenieurs feront leur rapport au General , afin
de déterminer le nombre des Attaques regulieres , qui fe-
ront deux ou trois , tout au plus , n'y ayant point d'Armée
allez forte pour en faire quatre ou cinq à la fois , & les four-
nir de tout ce qui leur eft neceflaire.
Le nombre des Tranchées étant donc déterminé , les In-
genieurs les marqueront avec des Cordeaux & des Piquets
fur les lieux mêmes , & l'endroit par où elles doivent paller ,
fefervant de l'avantage du Terrain , comme font les Che-
mins creux , les Vallons , les Cavins , les Fondrieres , les
Foffez , les Hayes , les Rideaux , & generalement tout ce
qui peut mettre des Soldats à couvert.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 137

Despreparatifs pour la conduite des Tranchées.

Laplupart desceuxqui ont écrit de Lignes d'approche ,


principalement ceux qui ne s'y font jamais rencon-
trez , ont parlé du travail & de l'avancement , & de la con-
duite d'une Tranchée , comme d'une chofe fi facile , qu'ils
ont bien olé prendre la liberté de limiter le temps qu'il fal-
loit employer pour la pouffer jufque fur les Contrefcarpés
d'une Place affiegée , & de mefurer les pas & les toifes
que les Pionniers devoient avancer le travail dans un jour ,
dans une nuit , ou dans une heure. Pour moi , qui en ay
conduit quelques-unes , j'ay trouvé que cela étoit plus dif-
ficile dans l'execution , qu'il n'étoit à fe l'imaginer dans le
Cabinet. En effet le progrés ou l'avancement d'une Tran-
chée dépend de tant d'accidens , que je ne fçaurois aflez m'é-
tonner de ceux qui en veulent limiter le temps précis.
Pour en parler avec quelque jufteffe , je dirai que l'In-
génieur , ou en fa place celui qui a l'ordre du travail , doit
avant toutes chofes confiderer la diverfe qualité du ter-
rain par où il doit conduire fa Tranchée , afin de re-
marquer , fi ce terrain eft feulement de fimple terre , ou fi
la terre eftfablonneufe , pleine de pierres , tout- à-fait de ro-
che, ou enfin entrecoupée de quelques Canaux , ou bien
en Marécage. Cela étant bien confideré , fi le Païs eft de
bonne terre , il fera feulement provifion de Hoyaux , de
Béches , & de Pelles , ainfi que je l'ay marqué dans la
page 300. du Second Volume ; afin de s'en fervir pour ou-
vrir, pour creufer, & pour élargir la Tranchée fur les me-
fures qui feront données cy-aprés.
Mais fi le terrain eft de roche , & qu'il foit trop dur
pour être fouillé , ce qu'on fçaura facilement par le recit
des Païfans d'alentour , l'Ingenieur fera provifion d'une
grande quantité de Sacs-à -terre , de Fafcines , & de Gabions,
pour s'en fervirà s'épauler contre les Défenfes de la Place ,
& couvrir fes Tranchées , comme il va être enfeigné.
De
238 LES TRAVAUX DE MARS ,

Del'Ouverture de la Conduite des Tranchées.

A difference qu'il y a entre l'Ouverture & la Conduite des


Tranchées , eft que fous le mot d'Ouverture on exprime le
-commencement du travail de la Tranchée , qui a proprement
la queue toûjours tournée du côté des Affiegeans ; & que par
celui de Conduite on explique le progrés ou l'avancement de la
Tranchée , dont le bout , qui eft toûjours du côté de la Place
qu'on affiege , s'appelle Tête de la Tranchée.
Le lieu de l'Ouverture de la Tranchée doit être marqué par
⚫ le Maréchal de Camp , ou par le General. Le vrai lieu pour
commencer l'Ouverture de la Tranchée doit être hors la portée
• du Moufquet
des plus proches Dehors de la Place , & même au
de-là de la portée du Canon , quand on juge qu'il peut incom-
moder les travailleurs.
Lorfqu'aux environs de la Place il y a quelque Maifon à l'a-
bri des Moufquetades , & de l'Artillerie des Affiegez , & que
pour y aller , il n'y a que fort peu de terrain qui foit enfilé de la
Place , alors on s'en fervira pour faire l'ouverture de la Tran-
chée , y envoyant les Pionniers à couvert de quelques Mante-
lets , fuivis de ceux qui ont ordre de les foûtenir , qui doivent
être plûtôt de Cavalerie que d'Infanterie , les premiers ayant
l'avantage de courir & de découvrir la Campagne , ce que l'In-
fanterie ne peut pas faire fiaifément.
On remarquera qu'en ouvrant & en pouffant la Tranchée,les
premiers Pionniers font à genoux , & qu'ils ne travaillent guere
quela nuit , où ils font fix fois plus de befogne en trois heures ,
qu'ils n'en feroient de jour en dix heures. Ils ne font d'abord
qu'un petit Foffé , que ceux qui les fuivent , élargiffent , &
creufent peu à peu , jufqu'à ce qu'il foit large environ de deux

toifes & profond de quatre à cinq pieds , principalement quand
onapproche de la Place , afin qu'avec la terre qu'on en tire , &
qu'on jette au devant de ceux qui font dans la Tranchée ,, ils
foient à couvert des défenfes de la Ville.
On remarquera de plus , que le moins de détours que l'on
peut faire à une Tranchée , eft toûjours le meilleur , pourvû
qu'elle nefoit point enfilée ou vûë de la Place.

De .
OU L'ART DE LA GUERRE. 439

239
240 LES TRAVAUX DE MARS ;

De ladéfenfe des Tranchées , de leurs Places-d'Armes,

´L n'y a rien qui affure plus les Travailleurs d'une Tran-


Iche , que de fevoir foûtenus des gens de leur Parti ; de
comme il ne fe fait guere d'approche , que les Affiegez ne
fallent des Sorties pour infulter les Pionniers , pour combler
leurs Travaux , & pour donner la chaffe à ceux qui les foû-
tiennent , c'est ce qui doit obliger les Attaquans de faire des
Places-d'Armes & des Redoutes de diftance en diſtance.
Les Poftes les plus commodes, pour fervir de Places- d'Ar-
mes à la Cavalerie & à l'Infanterie , font ceux qui fe peuvent
facilement fecourir les uns les autres , & qui font à l'abri des
Défenfes de la Ville ; comme font les chemins creux , &
principalement l'endroit où ces chemins fe croifent ; car leur
profondeur fert comme de Parapet à l'Infanterie. Faute de
profondeur naturelle , on couvre ces Places- d'Armes avec
des Gabions , des Sacs- à-terre , ou avec des Arbres ; en un
motavec tout ce qui peutempêcher ceux de la Place de décou
vrir dedans. On fait quelquefois un Foflé tout autour , &
alors la Place-d'Armes eft fortifiée comme une Redoute ou
un autre Fort.
Lorsqu'on travaille aux Approches , & qu'on trouve de
ce's chemins creux , on s'en doit fervir pour faire la Tran-
chée , y élevant d'abord quelque Redoute , pour nettoyer
tout le long , en cas que les Affiegez s'en vouluffent fervir
comme de Contr'approches . Quand pour éviter l'Enfiladé
on fera obligé de détourner le Boyau , on élevera fur l'Aîle
droite & fur l'Aîle gauche de la Tranchée des Epaulemens ,
ou une maniere de Traverfes marquées A , pag. 251. cy-
apres ; & aux extremitez quelques Redoutes , qui auront
environ quatre ou cinq toiles de face. Dans ces Redoutes &
Epaulemens on logera la plupart des Soldats commandez
pour la garde de la Tranchée , envoyant toûjours quelque
Parti de Cavalerie , & même d'Infanterie , à la tête des Tra
vailleurs pour leur donner courage , & pour appuyer leur tra-
vail.
De
OU L'ART DE LA GUERRE.
241

241

ftt

Tom. 111.
Q
242 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Conftruction des Batteries.

Commeles
Pieces desBatteries
Affiegez ne fe font
, pour que pourdémonterles
appuyer les Pionniers des
Afliegeans , & rompre les Défenfes de la Place , on en con-
ftruit de differentes fortes : de Hautes A , de Simples B , &
d'Enterrées C.
Les Batteries Enterrées C font les plus ufitées , comme
j'ay dit, pour faciliter les Approches , & pour ruiner les
Parapets & les Défenfes des Places. Celles qu'on appelle
Simples Bfont pour le même ufage ; car les Hautes A ne fer-
vent d'ordinaire , que pour foudroyer ou battre de revers
dans lesDehors & dans les Baſtions.
Pour faire la Batterie Simple , qui eft la plus ufitée dans le
commencement d'un Siege , on doit remarquer de jour le
lieu où on la veut conftruire , qui doit être éloigné de la Place
au plus de 160. toifes ; car fi la diftance en eft plus grande , les
Boulets de fes Canons ne feroient que blanchir les Parapets ,
ou s'enterrer dans les Terraffes , fans faire aucun effet.
Quand on fera la Tranchée la premiere , on tâchera de
mettre la Batterie entrela Tranchée & une Redoute , n'y ap-
portant les Gabions , qu'aprés que la retraite fera battuë &
fans bruit : faiſant même feinte de faire paroître d'un autre
côté quelque Affuft ou Roüage , pour donner mire aux Af-
fiegez , & par ce moyen divertir leurs Canons de deffus les
Travailleurs.
L'on ne peut dire au jufte la grandeur d'une Batterie : mais
pour chaque Piece on donne 22. pieds & demi de terrain
les deux pieds & demi fervant pourl'embrafûre qui doit être
plus large par le dehors que par le dedans de la Batterie , & ce-
la pour la commodité de tourner la bouche du Canon.
La Batterie enterrée le fait fur les mêmes meſures , le ni-
veau de la Campagne lui fervant de Parapet. A l'une & à l'au-
tre Batterie on fait des Magazins au dedans , & on enferme
le tout d'un Foflé bien paliſladé.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 242

XiM

-B


244 LES TRAVAUX DE MARS ,
Des Boyaux.

Ors qu'on fait deux Attaques en même temps fur une


Lors
même Tenaille de Place , ou en contre deux Baſtions
qui font fort proches , foit à deflein d'en divertir les for-
ces, ou pour attaquer effectivement ces differens Baſtions ,
on a coûtume de tirer des Boyaux A & B d'une Tran-
chée à l'autre , afin de fecourir plus facilement celle quiſe-
roit la premiere attaquée par les Affiegez.
Les Boyaux fe font comme les Tranchées ; la terre qu'on
en tire fe jette du côté du Camp , afin d'avoir un Parapet ,
& un moyen de fe tenir derriere à couvert , pour foûtenir
les Sorties , & pour appuyer les Travailleurs.
Pour mieux fortifier ces Boyaux , on y fait de diſtance en
diſtance des Demi- redoutes ou des Epaulemens.
Quand la Garnifon de la Place eft forte & entreprenante ,
on fait des Fougades à l'entour des Redoutes , & même de-
dans,afin de faire fauter ceux qui viendroient pour s'en rendre
maîtres : on appuye auffi ces Boyaux de quelques Batteries ,
qui doivent être fortifiées d'un Foffé large environ de deux
toifes , & d'une de profondeur , afin d'oter aux Affiegez le
moyen d'en enclouer le Canon .
Les Boyaux , qui vont d'une Tranchée à l'autre , doivent
être conduits , en gagnant le terrain du côté de la Place ;
mais lorsqu'on eft fi prés des Contrefcarpes qu'ils en font
enfilez , alors on les fait paralleles aux Courtines de la Place ,
les fortifiant toûjours de quantité de Redoutes , defquelles
lesplus grandes fervent à faire des Batteries.
Ces Batteries , qui fe font fi proche des Contrefcarpes ,
font tres-bonnes pour favorifer la Sappe , & le logement des
Contrefcarpes. Elles ont auffi l'avantage d'être hors la mire
du Canon de la Place , qui pour être trop élevé n'y peut plon-
ger qu'avec grande difficulté.
LeBoyau le plus prés de la Place , & qui lui eft comme
parallele, fert d'ordinaire de Ligne de Contrevallation , étant
fortifié de Redoutes & de Demi- redoutes,
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 245.

not

Q3
246 LES TRAVAUX DE MARS;

De l'attaque des Dehors.

ILy afort peu dePlaces , de celles qu'on attaque par les


formes , qui n'ayent leur Contrefcarpe défendue de
quelques Dehors , qui eft un moyen (felon le fentiment de
quelques Ingenieurs ) d'empêcher les Affiegeans de pouf-
fer ailément leurs Approches jufqu'au pied des Glacis de
la Ville ; c'est pourquoi s'ily a des Dehors à la Place qu'on
affiege, il faut s'en rendre maître d'emblée , ou à la faveur
de quelques Mines.
Pour s'en rendre maître d'emblée , fi l'on a la commodité,
on logera quelque Piece de Canon fur quelque Cavalier
élevé à la hâte, pour foudroyer dans l'Ouvrage , & poury
commander de revers. Enfuite ceux qui feront commandez
pour l'action , étant armez de Cuiraffes & d'Armes courtes ,
accompagnez de quantité de Grenadiers & de porteurs
d'Echelles , fe glifferont dans le Foffé , & efcaladeront les
Dehors , y entrant l'épée à la main , faifant main bafle , &
pouffant ceux qui les voudroient défendre opiniâtrément.
Mais files Dehors font bien élevez , & que ceux qui font
à leurs défenfes foient gens entendus , ils empêcheront par
leur grand feu les Pionniers de travailler , & de conduire
leurs Tranchées jufqu'auprés de leurs Foflez ; c'eft pour-
quoi fans chercher les détours des Boyaux , on creufera la
Tranchée en ligne droite , les Travailleurs fe couvrant de
Mantelets & de Blindes , ainfi qu'il a été expliqué dans la
page 220. A la faveur de ces Blindes on conduira la Tran-
chée en ligne droite , faifoit à côté de la même Tranchée
de petits Parapets paralleles à la tête de l'Ouvrage attaqué.
Derriere ces Parapets on logera les Soldats , qui appuye-
ront les Travailleurs . Avec ces fortes de Tranchées , ayant
gagné le Foflé du Dehors & pouffé une Mine fous quelque
Angle de l'Ouvrage , dés que la Bréchey fera faite , on ira
à l'Affaut , & on s'en rendra maître pour s'y retrancher
comme il fera dit dans la page fuivante.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 247

Jama

Q4
248 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela prife des Dehors,

"Ous ceux qui enlevent des Dehors , n'en demeurent


тоpas toûjours les maîtres ; car bien fouvent les Affie-
gez aprés avoir défendu avec opiniâtreté la Tête de leurs Ou-
vrages , fontfeinte de ceder tout d'un coup à l'effort de ceux
qui les attaquent ; mais ces fortes de feintes ne fe font le plus
fouvent que pour engager l'Affiegeant à fe venir loger & re-
trancher fur leurs Fourneaux.
C'eft pourquoi ceux qui auront forcé quelque Dehors ne
s'engageront pas toûjours à fuivre les fuyards, s'ils ne remar-
quent en eux une grande confternation: mais feulement ils tâ
cheront à s'y loger , rangeant leurs Gabions , leurs Fafcines ou
leurs Mantelets en Angle faillant : ou bien à force de Gre-
nades , de Bolles , & de Balles à feu , on obligera les Af-
fiegez d'abandonner tout-fait leurs Dehors : Durant ce temps
quelques Moufquetaires fe glifleront fur le Rempart de l'Ou-
vrage , où ils feront des Barricades , & des Logemens , à me-
fure qu'ils gagneront le terrain : car ces lieux-là font les moins
fujers aux Fourneaux , à cauſe de l'élevation du terrain .
Si l'on avoit quelque indice , que les Affiegez euffent mi-
né l'Ouvrage , il faudroit tâcher dans le même temps qu'on
fait le premier logement , d'y creufer quelques Contremines ,
afin de donner vent à la Mine : mais fipar malheur pour ceux
qui fe feroient logez les premiers dans l'Ouvrage , les Affie-
gez l'avoient miné , & que la Mine fit fon effet , il faudroit
pour lors attaquer le Pofte l'Epée & le Piſtolet à la main ,
pour tâcher de s'en rendre maître une feconde fois , & crain-
dre encore l'effet de quelque fecond Fourneau . C'eft pour-
quoi quand ongagnera quelques Dehors , il faut d'abord les
contreminer, faifant dans leur milieu un Puits ou deux , les
plus profonds , & les plus larges qu'il fera poffible , felon le
temps que l'on aura.

La
OU L'ART DE LA GUERRE. 249

La manieredefoutenir les Sorties.

Es Affiegez foibles en Habitans & en Soldats , font ra


LErement des Sorties , les hommes leur étant trop chers
pour les expofer aux hazards des Entrepriſes : Mais tout au
contraire, les Places qui ont leur Garniſon forte , foit en
Bourgeois ou en Soldats , font prefque toutes les nuits des
Sorties , non feulement à deffein d'enlever des Quartiers,
d'enclouer le Canon des Batteries de l'Affiegeant , mais mê-
me afin d'empêcher le progrés des Tranchées.
C'est pourquoi pour continuer les Tranchées juſqu'au
pied des Dehors ou des Glacis de la Place , & pour foûtenir
les Sorties de ceux de la Ville , on fera en forte que les Tran-
chées foient bien flanquées par leurs détours , en forte qu'une
flanque l'autre , & qu'elles foient fortifiées de Redoutes , ca-
pables de tenir une partie des Soldats , qui font deftinez à dé-
fendre les Travailleurs. L'autre partie des Soldats fera en-
voyée à la tête de la Tranchée , fe couchant fur le ventre, du-
rant que les Pionniers remueront la terre.
Ceux qui font commandez pour la défenfe de la Tranchée,
& par confequent pour foûtenir les Sorties , doivent avoir
le Pot de fer en tête , avec des Corfelets à l'épreuve du Mouf
quet, ou bien à caute de leur trop grande pefanteur , ils fe fer-
viront de Mantelets , pour faire quelque Logement ou
Corps- de -garde proche la tête de la Tranchée ; mais enfin
s'ils font obligez de lâcher le pied & de plier , ils fe retireront
dans les plus prochaines Redoutes , jufqu'à ce qu'ils foient
fecourus de leurs Camarades , pour repouffer la Sortie des
Affiegez.
On remarquera qu'après avoir repouflé ceux de la Place ,
il ne faut point s'engager à les fuivre , de peur des Embufca-
des , principalement fi c'eft la nuit : on doublera feulement
la Garde de la Tranchée , afin de foûtenir l'Ennemi avec plus
d'opiniâtreté , s'il revenoit à la charge.

as De
250 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Sappe du Glacis.


Ors qu'on a effuyé tous les obftacles que les Affiegez pou
voient oppofer au travail des Tranchées , & que malgré
leurs frequentes Sorties , on les a enfin conduites jufqu'au
pied du Glacis , on eft pour lors obligé , pour venir au paffa-
ge du Follé , de paffer ou par deffous le Glacis , ou par deflus.
Quand on palle par deffous le Glacis , on appelle cela
fairela Sappe, & cette forte de Sappe eft differente de celle
des Anciens , qui en faifoient pour rompre les Murailles des
Affiegez avec des Beliers.
Mais la Sappe d'aujourd'hui fe fait d'une autre maniere :
Quand on fera arrivé à quelques pas du Glacis , on pouffera la
la Tranchée en ligne droite , les Travailleurs fe couvranş
alors de Blindes, de Sacs-à- terre , ou encore mieux de
Mantelets montez fur des Rouës ; & de cette façon ayant ga-
gné le pied du Glacis , ils feront , à droit & à gauche de la
Tranchée , des Epaulemens ou des Traverſes marquées A ,
avec leurs Parapets , poury loger à couvert un bon nombre
de Soldats ; & fi l'on adu loifir , on élevera un Cavalier où
plufieurs , fur lefquels on logera quelque Piece d'Artillerie ,
pour démonter celles de la Place , ou pour ruiner les défen-
fes de la Ville.
Pour en revenir à la Sappe , qui fe fait à quelque cinq ou
fix toifes de l'Angle faillant du Glacis , les Pionniers étant
venus par la Tranchée jufqu'au pied de cette Eſplanade , com-
menceront à creufer la Tranchée toûjours en defcendant par
deffous le Glacis , & aprés avoir avancé quelques toifes de
travail , ils y feront un Fourneau pour faire fauter la terre qui
feroit au deffus d'eux , faifant jouer les Fourneaux auffi-tôe
qu'ils feront chargez , de peur que ceux de la Place ne les
éventent par des Contremines. En faifant ces Fourneaux ,
il faut que les Pionniers ayent le foin d'en poufferjufquefous
la Tête du Glacis , afin de la faire fauter avec ſes Paliffades ;
ce quiayant reüffi , ony fera un Logement en la maniere fui-
vante.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 251

152

A
immA
252 LES TRAVAUX DE MARS ,
Des Logemens qu'onfait fur les Glacis &fur
les Chemins- couverts .

LEsLogemens qu'on fait en conduifant les Tranchées font


fort peu diffemblables de ceux qu'on fait fur les Con-
trefcarpes , & ne different les uns des autres , qu'en ce que
ces derniers font les plus dangereux à faire , le terrain ne s'y
rencontrant pas fi commode , & le feu de la Place y étant plus
grand àeffuyer.
Lorſqu'on eft arrivé au pied du Glacis , fi l'onjuge que la
Sappe foit une voye trop longue pour fe rendre maître du
Chemin- couvert, on l'attaquera d'emblée ou de vive force;&
quoique dans cette forte d'action il y periffe beaucoup d'Of-
ficiers & de Soldats , & que ce foient d'ordinaire les plus bra-
ves , neanmoins c'eft quelquefois le parti le plus raiſonnable
àprendre pour s'y loger . Etant donc refolu d'emporter d'em-
blée le Chemin- couvert , & d'y faire des Logemens , on fe-
ra auparavant provifion dans les Tranchées , & dans les Re-
doutes voisines , de quantité de pierres , de Faſcines & de
Sacs-à-terre.
Comme cette Entreprife demande de la vigueur , & qu'il
y faut aller avec chaleur , l'Officier , & ceux qui l'accompa-
gneront , feront armez d'armes courtes , comme d'Epées ,
de Piſtolets , de Moufquetons , de Grenades , de Bofles , de
Gauderons , & de Pots- à-feu .
Le Signal étant fait , l'Officier & les Gens donneront avec
refolution , les Charpentiers couperont les Paliflades , &
les Grenadiers fe jettans fur les Chemins- couverts , fecondez
des Moufquetaires , feront lâcher le pied à l'Ennemi qui les
défend. Durant cette action les Pionniers feront un Loge-
mentfur le milieu du Glacis , en fe couvrant contre les défen-
fes de la Place.
Les Ennemis ayant été contraints d'abandonner le Che-
min-couvert , les Pionniers avec leurs Mantelets , leurs Bal-
lors de laine , & leurs Sacs à- terre, yferont auffi-tôt un Lo-
gement , s'épaulans le plus avantageufement qu'ils pourront
du côté du Baftion oppofé , qui eft le côté le plus à craindre.
Maniere
OU L'ART DE LA GUERRE. 253

253
254 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere depaffer les Foffezfecs , & d'attacher le Mineur


aux Faces des Baftions.

Eux qui ne font point de fcrupule de facrifier leurs Sol-


CE dats , pourvû qu'ils attachent le Mineur aux Baſtions ,
s'y prennent de cettefaçen : Auffi-tôt qu'ils font logez fur
les Contrefcarpes , ils font porter à la moitié des Soldats qui
font commandez pour l'Entrepriſe , des Mantelets , cou-
verts de lames de fer-blanc , & ils defcendent avec chaleur
dans le Foffé , fe ferrant le plus prés qu'ils peuvent contre la
Face du Baſtion , où ils rangent plufieurs Mantelets les uns
auprés des autres , pour s'épauler du Flanc , & pour fe cou-
vrir des Feux d'artifice de la Place , pendant que le Mineur
fait fon trou , & que les Moufquetaires des Chemins -cou-
verts & les Batteries tirent inceflamment contre les défenfes
de la Place.
Mais ceux qui agiffent avec plus de circonfpection
s'étant logez ſur le Chemin-couvert , mettent une Piece ou
deux de Canon en Batterie , afin de faire une petite Bréche
dans la Muraille , à dix ou douze toifes de l'Angle flanqué
du Baftion , afin que le Mineur n'ait point tant de feu à ef
fuyer.
Cette précaution étant prife , on remarquera fi la Contref
carpe eftfeulement de terre , ou fi elle eft revêtuë ; file talud
eft bien addouci , ou fort efcarpé : car étant fort escarpé ou
revêru il faudra le rompre de loin , afin de faire la defcente du
Follé plus aifée , jettant toûjours la terre du côté du Flanc des
Ennernis , & du Baſtion que l'on attaque.
Puis on fera dans le Follé une Traverſe large d'une toife ,
& la terre qui enfortira , fera jettée du côté du Flanc oppofé
qui la découvre. La profondeur de la Traverfe fera de quatre
pieds , afin que la terre qu'on jettera à côté, puifle couvrir
un homme.
Pour éviter les Feux d'artifice des Affiegez , on couvrira
la Traverfe de planches couvertes de lames de fer- blanc ,
ou bien ony mettra des Gazons , &tout ce que l'onjugera ca-
pable de refifter aux Feux d'artifice. Ma-
OU L'ART DE LA GUERRE. 255

Maniere defranchir les Foffezpleins d'eau , & d'attacher


le Mineur aux Faces des Baftions.

' Eau des Foffez eft dormante où vive : Ceux qui font
L remplis d'eau dormante, fe faigneront en creufant ,
comme j'ai déja dit , quelque Canal ou Puits plus bas que le
niveau du Follé , afin d'en tirer l'eau , & enfuite franchir
le Foffé avec une Traverfe , ou avec des Clayes , filefond
du Foffé eft rempli de vaze ou de bouë.
Mais fil'on ne peut en aucune maniere détourner l'eau ,
ni deflécher ces Foffez , on fe refoudra à les combler vis- à-vis
du lieu où l'on veut attacher le Mineur; & pour cét effet on
fera battre pour la Fafcine , & l'on commandera quelque
Capitaine , accompagné de cent ou de deux- cens Soldats ,
armez feulement de Serpes , pour aller dans les jardins , les
bois , & autres lieux remplis d'arbres , pour faire ces Fafci-
nes , & les apporter en même temps jufqu'à la Queuë de
la Tranchée , fans en exempter les Officiers.
Ayant donc fait une grande provifion de pierres , de
Troncs d'arbres , de Fafcines , de Sacs à-terre , & de Bar -
riques pleines de terre , on jettera tout cela dans le Foffe ,
en gagnant le Baſtion , durant que les Batteries des Con-
trelcarpes feront grand feu contre les Affiegez.
V Et comme les Affiegez , pour empêcher l'avancement
de la Traverſe , ne peuvent que la brûler avec du feu d'ar-
tifice , ou venir en batteau pour en interrompre le travail ,
on les arrêtera en chargeant de Cartouches quelques Pieces
de celles qui feront fur les Contrefcarpes , afin de les aby-
mer, eux & leur batteaux ; & lorfque la Traverfe commen-
cera à paroître hors de l'eau , on jettera deffus tout ce qui fera
le moins fufceptible de feu , afin que le Mineur s'aille at-
tacher au Pan du Baftion , & l'on remarquera qu'il lui aura
fallu faciliter fon entrée , ainfi que je l'ay dit dans la page pré-
' cedente.

Des
256 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Inftrumens & des précautions qu'on doit prendre avant


quede travailler aux Mines.

Outes les Mines fe font, ou dans de la terre naturelle


Tout qui eft celle qui n'a jamais été remuée , ou dans des
terres nouvellement rapportées , ou dans des Murailles.
Les terres naturelles font la bonne terre , le Banc de
bois , le gros Cailloüage , & les lits de Sable.
Pour pouffer des Mines dans la bonne terre , dans le Banc
de bois , & dans la terre bien raffife , on y travaillera comme
il fera dit dans la page fuivante ; mais fi la terre eftfablonneu-
fe , humide , ou nouvellement remuée, on fera provifion
de quantité de grands Caiffons , faits de planches de bois
dur & bien gouderonnées , capables de tenir fix ou fept
quintaux de Poudre , même jufqu'à un millier , pour s'ent
fervir comme il fera dit cy- aprés.
Onfera auffi provifion de quelques planches de bois , &
d'un bon nombre de Sacs de toile bien gouderonnée , avec
quelques Sauffifles auffi gouderonnés , qui étant pleines de
Poudre , ferviront à donner le feu aux Mines.
Les Sacs-à-poudre les plus ufitez tiennent cinquante li-
vres de Poudre, ou un Demi quintal .
La Sauffifle A n'a point de longueur déterminée : mais
elle eft d'une groffeur & ouverture raisonnable , lorfqu'un
œufde poule peut entrer dedans.
Les Inftrumens C font de grands & petits Cifeaux , qui
fervent aux Mineurs pour rompre les Moëlons & autres
Pierres.
La Griffe D fert pour ôter les Pierres de liaiſon.
La Maffe E fert pour faire entrer les Ciſeaux dans le joint
des Pierres.
Le Hoyau Gfert à piocher la Chambre & les Fourneaux
de la Mine.
La Houë H fert à charger les terres , & à les mettre dans
les Corbeilles I , pourles tranfporter hors de la Mine.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 257

E H

Tom. III. R
LES TRAVAUX DE MARS,
De la Conduite des Mines.

L eft fort difficile de parler au jufte de la conduite & de


I l'effetd'uneMine, Pauft a'uue infinité d'accidens qui
s'y rencontrent , non feulement de ceux qui procedent du
côté de la Poudre ; mais auffi de ceux qui viennent des Ter-
des Sables & des Roches , qui les rendent plus ou moins
grandes , que les terres font plus ou moins liées.
Ceux quiauront la conduite d'une Mine , doivent fur tou-
tes chofes, avant que d'y travailler , confiderer bien le lieu
& le terrain qu'ils ont à miner , s'informans des Païfans ou
des Prifonniers de la Place , fi les Baftions à miner font vuides
ou pleins de terre , s'ils font d'une terre vieille ou nou-
vellement apportée , fi c'eft du fable ou de la terre forte ,
& même s'il y a de l'eau , & fur toutes chofes fi les Baf-
tions ne font point contremninez.
Cela étant connu , le premier Mineur , qui fe logera dans
le Pan du Baſtion , fe tiendra à genoux , & travaillera leplus
vite qu'il luy fera poffible, en faifant le Canal de la Mine
en ligne droite , d'unelargeur à paffer un homme à genoux .
Dans ce commencement fi le Baſtion eft revêtu , ilfe fervi-
ra de Cifeaux & de Griffes de fer , afin de feparer & tirer
les pierres de leurs joints , qu'un fecond Mineur dégagera
du Corps du Baſtion , pour s'en fervir à boucher la Mine ,
quand elle fera chargée.
Lorſque le Baſtion fera feulement de terre , on fe fervira
de la Pioche ; mais à l'une & à l'autre Mine on fera le Ca- .
nal en ferpentant de fix pieds en fix pieds jufqu'à ce qu'on
foit arrivé au lieu où l'on veut faire la Chambre des Pou-
dres. Quoique cette maniere de conduire la Mine foit plus
difficile que celle qui fe conduit toute en ligne droite , ne-
anmoins c'eſt la meilleure , pour peu d'intelligence que puif-
fent avoir ceux qui l'entreprennent.
Les Mineurs, pour travailler plus commodément dans
les Terres , couvrent leurs Teftes & leurs Epaules d'une
maniere de Capuchon de toille.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 259

259

www.www
wwwwwww

R2
260 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Chambres, des Fourneaux & de la Charge des Mines.

A Chambre des Poudres eft toûjours en Fourneau


L en Bonnet-à-Prêtre, ou en Cube.
Celles qu'on fait en Fourneaux fervent pour miner dans
les Roches & lieux fort étendus , où une feule Mine ne
fuffiroit pas pour faire l'effet qu'on defire. Mais fila Roche
étoit trop dure , & qu'on n'y pût faire une Chambre affez
grande, pour y loger toutes les Poudres dont on auroit be-
foin , alors on fe fervira des Veines de terre qui s'y rencon-
trent , pour en faire des Fourneaux , qu'on cifelera & élargira
pour les rendre plus grands , fi la Roche & le temps le peu-
vent permettre. On les fera capables d'y mettre foixante ,
quatre-vingt, & cent livres de Poudre , avec cette remar-
que , que fi l'on met moins de foixante livres de poudre dans
un Fourneau , il faudra faire plus d'un Fourneau , & leur
faire pourtant prendre feu à tous en même temps.
La Mine à Bonnet-à-Prêtre eft celle qui eft faite d'un feul
Fourneau , dont le ciel eft taillé ou travaillé en quatre ou
cinq pointes , comme de petites Cheminées , qui courent
de differens côtez : ces Cheminées fervent à donner pallage
au feu , afin qu'il faffe fon effet de plufieurs côtez en un mê-
me temps. J'en fis deux à Fereire de cette façon , dont l'une
réüffit , & l'autreprit vent.
Mais la plus fure de toutes les Mines eft celle , dont la
Chambre eft fimplement quarrée , ou en Cube : la poudre
qu'on y mettra, fera dans des Sacs ou dans des Barils ; mais
en telle forte , que la Sauffifle ou la traînée mette le feu à
tous les Barils ou à tous les Sacs en un même temps.
Pour faire une Mine dans un Baſtion Royal, on la char-
gera jufqu'à un millier , & cinquante Quintaux de poudre ;
mais la veritable quantité dépend de l'eftimation du Mi-
neur , qui en mettra plus ou moins, felon qu'il jugera le
lieu être plus ou moins difficile à être ébranlé.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 261

R 3
2 LES TRAVAUX DE MARS;

DesBréches, de la maniere de les reconnoître.

A Bréche étant faite aux Baſtions , foit par la Mine , à


L ceux qui font fans Chemiſes , ou par des Batteries
croifées , à ceux qui font revêtus de pierre , le General en-
voyera quelque Officier la reconnoître. Celui qu'il com-
mandera doit être une perfonne intelligente , comme font
les Majors & les Ingenieurs. Ils feront armez à l'épreuve du
Moufquet , depuis les pieds jufqu'à la tête , accompagnez de
quelques Moufquetaires : il doit fur toutes chofes remarquer
fi la montée de la Bréche eft rude , & fi elle fe peut ren-
dre plus aifée ; fi elle eft commandée de revers ou non ; fila
Montée est épaulée contre le Flanc oppofé ou non : car toutes
ces cironftances étant connues , ony remediera en la rendant
plus douce & plus facile , rompant à coups de Canon ce qui
empêcheroit la facilité d'y monter. Pendant qu'on reconnoît
la Bréche , on doit empêcher les Affiegez de fe retrancher
fur la Tête , & pour ce faire on tirera inceffamment le Canon
des Batteries , qu'on aura élevées proche des Glacis , ou fur
les Contrefcarpes.
Si la Mine n'avoit pas faittout l'effet qu'on en efperoit, on
commandera de nouveau des Mineurs , pour en faire une fe-
conde , avec la plus grande diligence qu'il fera poffible.
J'avertirai en paflant que quoique les Mineurs tirent folde
par mois du Prince qu'ils fervent , il eft toûjours bon deleur
donner dans l'occafion des gratifications particulieres , afin
de les obliger à travailler avec plus de diligence : Même afin
qu'ils pouffent leur Mine bien avant dans la folidité du Rem-
part , qui eft une chofe où les Mineurs manquent prefque
tous , principalement quand les Baftions font maffifs ; je
voudrois les payer à la tâche , afin qu'ils en fiffent davantage ;
car l'avidité du gain fait trouver la peine douce , & le peril
moins grand.

Pre-
OU L'ART DE LA GUERRE. 163
Preparationpour un Aſſautgeneral.
A Bréche étant trouvée ou rendue facile à coups de Ca-
L non , le General tiendra Confeil de Guerre , pour de
liberer de l'ordre qu'on doit tenir pour aller à l'Affaut,
Comme c'eft un Pofte d'honneur , il fe trouve toujours
quantité de gens qui pretendent avoir droit de marcher les
premiers ; mais cet avantage appartient préferablement à
ceux qui font cejour- là de garde à la Tranchée.
Dans ce Confeil on refoudra , fi c'eft affez que de fe loger
fur la montée de la Bréche , enyfailant quelques logemens ,
ou fi l'on ira d'emblée fe pofter fur la Tête. Onydoit par-
ler de toutes les difficultez qui ſe pourront preſenter , afin
d'y pourvoir de bonne heure.
Les obftacles les plus grands que les Affiegez puiffent op .
pofer , pour empêcher que l'on ne monte facilement à
l'Affaut , c'eft de creufer & de preparerà la hâte des Four-
neaux deffous la montée de la Bréche , mais l'Affiegeant les
doitéventer. Que fi la montée de la Bréche eft fort rude , on
l'addoucira , comme j'ay dit , à coups de Canon. Si les Af-
fiegez l'ont remplie de petites Chaufle-trappes , on les ren-
dra inutiles , auffi bien que les Herfes , en détournant les
unes avec des Râteaux , ou en jettant deflus de petits Sacs-à
terre, & renverfant ou élevant les Herfes. Il faut avoir le
même foin , fi l'on trouve la montée embaraffée par des Che
vaux de Frife jettez detravers ; mais la plus grande difficul
té eft , quand la Bréche eſt vûë de revers par l'Artillerie
d'une Cazemate, principalement quand la Bréche n'eft gue-
re épaulée , & qu'elle eft prefque en ligne droite : car alors
les Canons de la Cazemate , furtout s'ils font chargez à Car-
touche , y feront de grands fracas. Pour y remedier , on
pointera quelque piece de Canon dans le Foffé pour ruiner
l'Artillerie de la Cazemate , & l'on feraprovifion de Grena-
des , de Mantelets , de Fafcines , de Barriques , de Sacs-à-
terre, de Gabions & de quantité de Pics , de Pelles , & de
tous autres Inftrumens propres à remuer les terres , & àfaire
des logemens aupied , ou fur la Tefte de la Bréche.
R.4 D'shis
264 LES TRAVAUX DE MARS ,
D'un Affautgeneral.
Uand l'Affaut aura été refolu , & que les Affiegeans auront
Quan
dire , le General fera battre la chamade pour fçavoir la derniere
refolution des Affiegez , & fe mettre en pofture de châtier leur
opiniâtreté.
Le temps le plus favorable pour monter à l'Affaut eft de jour,
où chacun tâche par une loüable émulation à payer de fa per-
fonne , & où les Poltrons font même obligez de faire figure , ne
fe pouvans cacher , commeils feroient de nuit ; joint que l'Ar-
lerie des Affiegeans tire de jour avec bien plus de jufteffe contre
les défenfes de la Place , & fur la tête des Bréchés , qu'elles ne
feroient la nuit, où ceux qui feroient commandez pour monter
à l'Affauc , courroient grand rifque d'effuyer les coups de leurs
propres Camarades.
Le Signal de l'Affaut étant donné par le moyen d'une Bombe
ou de quelque Balle lumineufe, chacun ira à l'Affaut , felon le
rang & le commandement qu'il en aura. Comme il eft bon de
divertir les Affiegez , & de les troubler dans leurs défenſes , ou-
tre les deux Bréches , qui eft le moindre nombre qu'on en doit
faire , pour donner un Affaut general , on feindra de vouloir
efcalader ou furprendre quelqu'autre côté de la Place.
Les premiers qui iront à l'Affaut , feront environ 40.com-
mandez par quelque Lieutenant , ou Enfeigne , & par deux
Sergens. Ils feront armez à l'épreuve du Moufquet , ou pour le
moins du Piftolet ; la moitié porteront des Moufquetons , des
Piſtolets , des Hallebardes & autres Armes courtes , & les au-
tres des Pics , des Mantelets , & des Fafcines , pour faire des
Logemens .
Ceux qui fuivront ces premiers , feront en plus grand nom-
bre , & feront eux mêmes foûtenus d'une plus grande quantité ,
s'appliquans à fe foûtenir les uns les autres , jufqu'à ce qu'ils
ayent fait un Logement fur la Tête de la Bréche , fi on en eft
convenu.
Ileft à remarquer quedans toutes les Actions où il faut agir avec
chaleur , il eftbon que les Officiers & les Volontaires qui s'y rencon-
trent, ne foient habillez que fimplement ; car quand on les voit riche-
ment vêtus, pour peu qu'ils viennent à être bleflez les Soldats les
achevent pour les deshabiller , ou les emportent pour les faire penfer,
ce qui arrefte la vigueur de l'action , & fait fouvent manquer l'entre-
prife. Pour y remedier le General avant que de donner le fignal de
l'Affaut , défendra fur peine de la vie aux Soldats d'emporter aucune
perfonne de quelque qualité qu'elle puifle être , morte on bleffée ,
avantque l'action foit finic. Mil-
OU L'ART DE LA GUERRE. 265

2665

0020010

RS
268 LES TRAVAUX DE MARS,

Maniere defe loger fur laTête d'une Bréche , & defe


rendre maître du Baftion , enfuite de la Place.

'Affaillant s'étant rendu maître de la Bréche il fe conten-


tera de s'y loger , s'il juge que les Affiegez foient trop
fortss ,, pour laiffer enlever d'emblée leurs premiers & leurs
feconds Retranchemens , ou fi l'ordre du General porte de
nepoint avancer plus avant que la Tête de la Bréche.
Il n'y a point de Pofte plus dangereux , & où il y ait plus
de feuà effuyer que dans les Logemens qu'on fait fur la Tê-
te d'une Bréche , pour peu que ceux de la Place foient gens
de cœur : neanmoins comme de ces Logemens dépend le
plus fouvent la perte ou la confervation de la Bréche , & la
poffeffion du Baftion , le General n'y doit rien épargner ; les
hommes , dans cette occafion , doivent fefervir de Parapet,
les uns aux autres.
En faiſant les Logemens fur la Tête de la Bréche , on
tâchera à s'enterrer dans le Terre-plain du Baſtion ; ou fi l'on
n'a pas tout le temps neceflaire , on mettra par deflus les
Cadavres des Sacs-à- terre , des Faſcines , & des Planches
couvertes de lames de fer-blanc , afin d'empêcher que les
Affiegez ne mettent le feu au Logement. Dans le temps que
les Affaillans travailleront à leurs Logemens , ils feront
poufler des Fourneaux jufque fous les Retranchemens de la
Place , afur d'éventer leurs Fourneaux , & faire fauter leurs
Retirades , fi on ne les attaque d'emblée .
Les Fourneaux ayant fait leur effet , les Affiegeans s'a-
vanceront armez d'Armes courtes de Rondaches , & de
Mantelets , & fournis de quantité de Grenades , faifant aban-
donner les Retranchemens , ou Retitades , à ceux de la Pla-
ce , & s'en rendront maîtres , pouffant vigoureuſement les
Affiegez hors du Baftion , en les obligeant à fe retirer dans
les Barricades de leurs mes , & dans leur Reduit , qui eft le
dernier Pofte où les Affiegez peuvent faire leur capitula-
tion .

De
OU L'ART DE LA GUERRE 267

Delaprife desVilles de vive force ou d'emblée,

Uandon a deffein fur une Place , puiffante en Habitans ,


& qu'on ne craint point d'Armée ennemie , on ne s'a-
maiera pointà faire des Lignes de Circonvallation , ny des
Tranchées. Toutes ces precautions ne font bonnes , qu'aux
Places , qui ont des Garnifons plus fortes que le nombre des
Bourgeois , ou bien quand on craint que la Place ne foit bien-
tôt fecouruë d'hommes & de vivres , par ceux du Party con-
traire.
Seachant donc que la Place eft bien fortifiée , capable de
foûtenir un long Siege , que les Bourgeois y font en grand
nombre , & le fecours fort éloigné , onferagrand feu pour
la reduire. L'armée le logera pour cet effet dans les Villages, &
lieux circonvoisins de la Place , & on commandera feule-
ment quelques Regimens , pour appuyer les Travailleurs
qui iront élever à la haſte , à la portée du Canon de la Place
&même plus prés , des Redoutes , ou autres petits Forts ,
avec des Foffez larges de deux ou trois toiles , & profonds de
7.ou 8. pieds , s'il eſt poſſible,
Dans ces Forts on logera quantité de Canon , & le plus
grand nombre de Mortiers qu'ilfera poffible , afin que faifant
agir l'Artillerie contre les Maifons , fans aucun relâche , &
jettant fans ceffe des Bombes dans la Place , on renverse , &
mette le feu partout,
Cette façon de faire la Guerre, eft tres bonne pour se rendre
maître des grandes Villes en peu de temps , fuppofant , com-
me nous avons dit , que ceux de la Ville n'ayent point d'At-
mée en Campagne pour les fecourir ; car il n'y a point d'Ha-
bitans , quelques zelez qu'ils foient pour leur Prince , qui
neſe revoltent & ne tuënt la Garniſon , pour ſe foûmettre à
celuy qui les attaque , voyant leurs Maifons , & leurs biens
devorez par les flammes , leurs Femmes , & leurs Enfans ,
écrafez par la cheute & les fracas de Bombes, & eux mêmes
seduits à la mercy de tous ces funeftes accidens.
Ma-
268 LES TRAVAUX DE MARS ,

Manierede lever le Siege ,foit de nuit , foit en pleinjour.

"Outes les Entrepriſes qu'on fait ne reüffiffent pas tou-


Tout e , & l'on le voit quelquefois obligé de lever le
jours
Siege , foit parce que les Maladies fe mettent dans le Camp,
ou que la faifon s'avançant , les pluies continuelles , les nei-
ges , les vents , & autres injures du temps , font mourir ou
deferter les Soldats , ou bien parce que les Affiegez font bien
retranchez , & reçoivent continuellement du fecours , tant
d'Hommes quede Vivres,
On levele Siege en plein jour, lors qu'on ne craint point
que ceux de la Place faffent des Sortiesfur ceux qui feront les
derniers à le retirer, qui eft le Pofte d'honneur , pour une Re-
traite. Pour fe retirer en bon ordre , on divifera fes Troupes
entrois parties inégales : laplus petite qui fera la premiere ,
renfermera les Malades , les Bagages , Vivandiers , Canons
rompus , Mortiers , & fi faire le peut , generalement tous
les Inftruments qu'on avoit apportez pour les Travaux du
Siege.
La feconde partie , qui fera plus forte en nombre d'hom-
mes que la premiere , & plus foibleque la 3. emmenera l'Aг-
tillerie , & toutes les Munitions qui en dépendent.
La troifiême partie , qui fera la plus forte , & le Pofte
d'honneur , mettra le feu au Camp , & fera tête aux Af-
Legez, en cas qu'ils vouluffent charger en queue. Si l'on
craint la rencontre de quelque Armée , on changera cet ordre
pour en prendre un autre, comme il a été enfeigné dans la
conduite des Troupes.
Quand il vient une puiflante Armée en faveur des Af-
fegez , pour forcer les Lignes , alors il faut que les Affie-
geans , fans prendre tant de mefures , gâtent& rendent inutile
Lout ce qui pourroit fervir à l'Ennemy, & qu'ils fe retirent
Touspar une même route , afin de fe rallier promptement , &
d'être en état de faire une refiftance opiniâtre , juſqu'à ce
qu'ils ayentgagné quelque Place de leur party.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 269

CHAPITRE X I I.

Dela défenfe des Places.

E Chapitre traite de la plus fçavante leçon que puif-


fe étudier le Gouverneur , ou Commandant d'une
C Place. Chacun fçait , qu'il eft plus glorieux de
bien défendre une Ville , que d'en prendre deux , puiique
l'abondance des Vivres , & le grand nombre des Soldats , te
rencontrent toûjours beaucoup plus du côté des Affiegeans ,
quifont maîtres de la Campagne , que de ceux qui font en-
fermez. C'est ce qui m'a obligé à m'étendre dans ce Chapi-
tre , en faveur des Commandans , pour leur enfeigner à le dé-
fendre , & à chercher le moyen de conferver les Poftes qu'on
leur a confiez.

Des
270 LES TRAVAUX DE MARS ,

Desprecautions que doitprendre un Gouverneur , pour mer-


trefa Place en état defoûtenir un Siege.

Eux qui commandent les Places Frontieres , doivent


CEavoir une
perpetuelle défiance de leurs Voiſins , même
au plus fortdela paix. En effet un Gouverneur n'eft pas tou
jours àla fuite de la Cour , & ne fçait pas toûjours le fecret du
Cabinet, pour prendrefes precautions fur les differens éve-
nemens qui y peuvent arriver dans un inftant.
De forte qu'il le doit toûjours reprefenter que fa Place va
être affiegée, & qu'il eft de fon honneur de la défendre ; &
de la conferver dans les interefts de fon Prince , au peril de fa
vie.
Dans cette veuë, il doit avoir un foin particulier que les
Remparts , les Parapets , & autres défenfes de fa Place loient
en bon état , les Foffez bien nettoyez , les Dehors de la Pla-
ce bien relevez , & bien paliffadez.
Il prendra auffi le foin de vifiter fouvent les Magazins
d'Artillerie , pour voir fi les Balles & les Boulets font de Ca-
libre , & les Poudres en bon état , & s'ily ena aflez pour
fournir durant un Siege à toute fa Garnifon, tant pour les Pie-
ces d'Artillerie & les Contremines , que pour tous les ufages
qui confomment de la Poudre durant un Siege, qu'on fup-
pofe qui doit durer pour le moins quatre ou cinq mois.
Si le Gouverneur eft un homme vigilant , il fçaura combien
ily a de bouches dans fa Place , combien de Soldats & de
Bourgeois , & qui font ceux qui font capables de porter les
armes dans un befoin. Il fera tenir un Registre de toutes ces
chofes , auffi bien que de la quantité des Grains qui fe rencon-
treront dans les Magazins publics , & particuliers , afin de
déterminer une ration pour chaque Soldat & Habitant de la
Place , felon l'abondance ou difette de Vivres , étant de la
Politique du Gouverneur de mettre de bonne heure les bou-
ches inutiles hors de fa Place.

Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 271

Du nombre des Soldats pour la Garniſon-d'une Place.

E nombre des Soldats qu'il faut entretenir pour la Garni-


fon d'une Place , fe limitera , ou fur la puiflance des
Ennemis qui la peuvent affieger , ou fur l'étendue du Tet-
rain qu'elle renferme , ou enfin fur la quantité de fes Baf-
tions Royaux , qui font ceux qui ont leurs Flancs de feize à
vingttoifes.
A un Pentagone , on donné pour chaque Baſtion trois-
cens hommes.
Aun Hexagone trois- cens cinquante.
Aun Eptagone quatre-cens tout au plus , & aux autres
Placesqui auroient plus de Baftions , une Garnifon de deux
mil cinq cens hommes y doit faire une bonne défenſe , fup-
pofant qu'il y ait des Vivres pour en nourrir la Milice.
Ceux qui mefurent les Garnifons des Villes , par l'éren-
duë de leur circuit, veulent autant d'Hommes pour fa défen-
fe , que fon Chemin- couvert contient de pieds de Terrain.
Mais ceux qui fe reglent fur le nombre dedeux ou trois
Attaques , que les Affiegez peuvent faire tout auplus en
un même temps contre une Place ordinaire , fins s'arrefter
aunombre de fes Baftions , ny à l'étendue de fes Murailles ,
ne veulent que deux mille hommes de Garniſon , fans comp-
ter les Bourgeois & Artiſans de la Place , les employant en la
maniere fuivante.
Ils en mettent neuf- cens à chaque Attaque , qu'ils divi-
fent en trois parties , pour avoir toûjours trois- cens hommes
aux trois Gardes differentes , afin que par le repos de deux
nuits, franches & entieres, les Soldats puiflent plus facile-
ment refifter aux fatigues d'un Siege , & aux injures du
temps.

Di
272 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du nombre des Soldats pour la défenſe des Dehors.


Land une Place a des Dehors , on laiffe en partie la
Qgarde de fes Rues & Murailles aux Bourgeois de la Vil-
le, qui font fort propres à tirer de deffus leurs Remparts :
mais pour la défenſe des Dehors , il faut toûjours la con-
fier à ceux de la Garniſon.
A chaque Dehors on met un Corps de Garde de 30. hom- 1
mes , ouplus encore , quand les Ouvrages font d'une gran-
de Garde. Les Soldats fe retirent dans des Cazernes ou
Corps- de-gardes bâtis de bois.
Aux Ravelins , & Demi-Lunes , que les Ennemis veu-
lent attaquer, il faut entretenir 100. 150. & mêmejusqu'à
200. hommes , quand elles font grandes ; fans mettre en
compte les Grenadiers , Pionniers , & autres gens propres
àtravailler aux Fourneaux , & aux Retranchements.
Aux Tenailles , Cornes , & Couronnes attaquées , on
yjette deux fois autant de monde qu'aux Demi- Lunes , &
même plus , felon la chaleur avec laquelle les Affiegez les
attaquent. Mais pour ne point affoiblir la Garnifon de la
Place , on mêlera un tiers de Bourgeois , de ceux qui ne fe-
ront point mariez , avec deux-tiers de Soldats ; comme à
une Corne , où l'on mettroit 300. hommes , on y envoye-
roit 200. Soldats , & 100. Bourgeois.
Aux Forts détachez , comme les Forts à Chemife , à
Tenaille , & à demi-Baſtions , on met d'ordinaire 60. hom-
mes de garde , & plus , quand on juge qu'ilsferont attaquez.
Lesplus petites Redoutes que ceux de la Ville feront à
l'extremité de leurs Dehors , doivent tenir vingt ou trente
hommes.
Quand la Place n'a point de Dehors , l'on met à la défen-
fe de la Contrefcarpe un homme , pour une toife de Ter-
rain , afin qu'ily ait affez de monde fur les Contrefcarpes ,
pour former deux ou trois Corps , & faire tefte aux deux
ourrois Attaques , que les Affiegeans peuvent faire pour les
forcer.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 273
Des logemens des Šoldats , des Corps-de-Garde , & de l'or-
dre d'y entrer, d'en fortir , avec le moyen de
faire les Rondes.
Uand les Villes Affiegées fon petites , les Soldats peu-
Ο vent être logez par chambrées , chez le Bourgeois :
mais lorsque les Places font grandes , & bien remplies d'Ha-
bitans , on logera les Soldats dans les Citadelles , ou bien
dans des Cazernes , & grands Corps - de-Garde , qu'on bâ-
tira proche des Remparts.
Pout le nombre des Corps-de- Garde , il ne fe peut déter-
miner aujufte , mais on en bâtira toujours dans les gorges des
Baftions vuides , & au pied des gorges des Baftions folides ,
& même dans le milieu des Courtines , qui excedent 72.
toifes ; pofant des Sentinelles aux Angles flanquez , aux
épaules des Baſtions , & au milieu des Courtines.
L'heure la plus commode , pour monter la Garde , eft fur
les dix heures du Matin , ou à deux heures aprés Midy , afin
que dans ce changement les Sentinelles découvrent plus aifé-
ment dans les Chemins creux , & autres lieux circonvoisins ,
où les Ennemis pourroient fe cacher à deffein de faire quel-
que furpriſe.
Les Sergens qui fortiront de Garde , feront remarquer à
ceux qui y entreront , les lieux qui font les plus foibles , &
les plus dangereux , afin d'ypofer de bonnes Sentinelles. On
doublera les Sentinelles aux lieux foibles , comme font ceux
qui ne font flaquez que de fort loin , ou qui ont leurs Mu-
railles rompues , ou leur Foffé à demy comblé.
Les Rondes & Patrouilles fe font pour découvrir , files
Sentinelles ne dorment point , & fi entre deux Sentinelles ,
il ne fe fait point quelque'entrepriſe fur la Place. Ceux qui
font les Rondes , font d'ordinaire deux , dont l'un porte l
Lanterne entemps obfcur , & l'autre a le Signal & Contre-
fignal , pourreconnoiftre les veritables Sentinelles & Ron-
des d'avec les fauffes , & voir files Affiegez font quelque En-
trepriſe fur la Place , & s'ils n'ont point jetée du monde fur le
Rempart.
Tom . III. S Du
274 LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Mot , & Contre- Mot, & de la manieme de leporter.

'Ayde Major , ou en faplace un Lieutenant , ayant eſté


L' recevoir l'ordre chez le Major , ou chez le Comman-
dant de la Place , environ fur les fix à fept heures du foir , qui
eft le temps que les Portes de la Place doivent être fermées ,
celuy qui aura receu l'ordre fe tranfportera fur la Place d'Ar-
mes, oùil doit trouver tousles premiers Sergens de chaque
Compagnie, ou en leur abfence les feconds , tous rangez en
rond, chacun avec leurs Hallebardes. Aprés qu'il les aura
inftruit des chofes neceffaires pour leurs Compagnies , il
donnera le Mot au Sergent de la Colonelle , tout bas à l'O-
reille ;le Sergent de la Colonelle le donnera auffi à l'Oreille.
& tout bas, au Sergent de la Lieutenante , qui le donnera à
l'autre Sergent qui le fuit , & ainfi d'Oreille en Oreille , le
dernier Sergent dira le Mot à celuy qui le leur a apporté , afin
de voir, s'ils ne le font point trompez, en prenantun mot
pour un autre..
Ainfi tous les Sergens ayant receu l'ordre , chacun d'eux
fe retirera pour l'aller porter à leurs Officiers , & en quelquè
lieu qu'ils les rencontrent , l'Officier recevant le Mot de fon
Sergent , qui eft tefte nuë , doit auffi fe lever & fe découvrir ,
pour recevoirl'ordre à l'Oreille .
Les Officiers fubalternes devroient obferver une chofe ,
qui eft , quequand on leur apporte l'ordre dans les Maifons
où ilsfoupent , hors de chez eux , il faudroit le recevoir tout
bas , & non fele faire dire tout haut par leurs Sergens , ce
qui eftune mêchante coutume , parce que leurs Valers fe di-
fent le Mot les unsaux autres.
Le Mot eft d'ordinaire quelque nom de Saint , avec celuy
d'une Ville , comme Noftre - Dame de Paris , fainte Croix
d'Orleans . Le Contre-Mot qui fe donne dans le temps des
Alarmes , eft le nom de quelque inftrument , comme une
Canne, un Marteau, un Piftolet.

Ce
OU L'ART DE LA GUERRE. 275

Ce qu'un Gouverneur doitfaire quand l'Ennemy le


vient affieger..

Uelques - uns tiennent pour maxime , qu'auffi- tôt


Quelques
que l'Ennemy le prefente devant la Place , le Gou-
verneur doit envoyer au de-là des Dehors, une partie de ſa
Garnifon , pour reduire l'Affiegeant à ne commencer fes
Approches que de fort loin. Commeje faifois travailler aux
Fortifications de Fereire , le Gouverneur ayant appris que
les Ennemis avoient paru à la portée du Canon , fans fça-
voir fi c'étoit un fimple Party , ou fi l'on venoit feulement
reconnoiftre noftre travail , il fit fortir plus de la moitié de
fa Garnifon , & la rangea fur un grand Front , au de- là de la
grande Demy-Lune , appellée San Jago , comme s'il eût
voulu combatre en Bataille rangée. Cela me furprit , &
dés que j'eus fait tirer quelques Pieces qui estoient montées
fur la groffe Tour , jepris la liberté de fuy venir demander,
pourquoy ilexpofoit à legerement une partie de fes forces ?
Il me dit , que c'eftoit pour commencer à difputer le Ter-
rain , & pour rallentir les premiers efforts de l'Ennemy.
Cette réponſe étoit d'un homme bien intentionpé , mais
peu éclairé. Auffi fouffrit- il queje luy reprefentafle , qu'il
falloit ménager fes Soldats , ne les pas expofer de fi bonne
heure, & les referver pour la défenfe des Dehors , pour le
paffage du Foffé , pour la défenſe des Bréches , & pour tou-
tes les actions qui peuvent faire durer un Siege , plûtôt que
de les détacher ainfi pour tuer feulement quelques Fantaf-
fins , ou Cavaliers ennemis.
En effet, à moins que la Garnifon ne foit nombreuſe ,
ou qu'on ne falle dans ces commencemens faire les Sorties
parles Volontaires , on fe contentera de faire tirer le Canon
fur l'Ennemy, pour l'obliger à fe camper au de- là de la por-
tée , & effayer à luy tuer quelque Officier confiderable
dont la perte puiffe traverser la chaleur des Attaques , ou
arrefter la continuation du Siege,
S2 Des
276 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Alarmes.

L'Alarme eft une ,certaine espece


d'un de terreur,
Party portentcrainte ou,
à l'autre
tumulte confus que ceux
afin de les épouvanter , & les jetter dans la confufion . Le
temps le plus propre pour craindre , ou pour porter les Alar-
mes eft la nuit; mais à la verité , il n'y a piont d'heure de-
terminée , puifqu'on neles fait guere que dans le temps où
l'on croit diftraire les Ennemis , & les jetter dans le defordre.
Les Alarmes font moins frequentes dans les petites Pla-
ces , que dans le grandes , principalement quand ces der-
nieres fonthabitées d'un grand nombre de Bourgeois , ou de
gens de diverfes factions.
Les Alarmes qui fe font dans la Place , font feintes ou ve-
ritables. Les feintes fervent à découvrir les perfonnes mal
intentionnées , & qui font d'un fentiment contraire à ceux
du Souverain.
1
Les Alarmes qui viennent de dehors , & qui precedent
toûjours quelque fuite funefte, font tres dangereufes , fi on
n'y remedie de bonne heure.
Le fecret de remedier aux Alarmes de dehors , eft de te-
nir quelque Corps - de - Garde au de- là des Contrefcarpes.
Quand les Alarmes font frequentes , on changera fouvent
le Mot , & le Contre- Mot , & fil'on reconnoift que la Sen-
tinelle ait pris l'épouvante , & donné l'Alarme fans raiſon ,
on la châtira exemplairement. Lorfque l'Alarme eft forte ,
& que l'on craint quelque fedition , alors on s'affurera de
tous les Eftrangers qui feront dans la Villle , faifant mettre des
chandelles aux feneftres & tendre les Chaînes dans les Ruës .
Mais le meilleur ordre qu'on peut donner pour repouf-
fer ceux qui voudroient faire quelque infulte , c'eft de com-
mander aux Soldats & aux Bourgeois , qu'au fon d'une
" Cloche , qu'on leur defignera , les uns ayent à border les
Remparts & les Parapets , & les autres à fe rendre dans les
Places d'Armes , & Rues de la Ville , afin qu'en cet inſtant
toutfoit en état de défenfe.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 277

De l'ordredes Sorties.

Uand la Garnifon d'une Place eft forte , les fecours fre-


Qa quens , & les Habitans en grand nombre , le Gouver-
neur doit s'étudier à fatiguer les Ennemis , juſques dans leur
Camp , par de frequentes Sorties.
Ces Sorties doivent être les plus fecretes qu'il fera poffible.
Pour le nombre de ceux qui s'y doivent rencontrer, il ne
peut être precifément déterminé , dépendant du grand nom-
bre de gens qui font dans la Place , & de la force du Pofte
qu'on veut attaquer ; mais furtout le Gouverneur, qui ne doit
point fortir de fa Place , du moment qu'elle eft affiegée , ne
dégarnira jamais fes Murailles de fes forces ordinaires , quel-
que avantage qu'on lui faſſe eſperer.
Ceux qui feront commandez pour faire la Sortie, feront
armez d'armes courtes , & auront avec eux quantité de jet-
teurs de Grenades , Pots-à -feux , de Porteurs de Gaude-
rons , & de Pionniers, pour brûler & rompre les Travaux
des Affiegeans. Unjour , ou deux avant qu'on faffe la Sor-
tie , on fatiguera inceflamment les Affiegeans , par de fre-
quentes Alarmes , afin de les faire tenir continuellement fous
les Armes , & leur faire negliger le fervice.
L'heure de faire la Sortie eftant venue , on fera filer les
Troupes & paffer le Foflé , fur les Ponts , ou dans des Bar-
ques ; & s'ils font fecs , ony rangera les Troupes en Bataille ;
ou bien dans les Places d'Armes des Contrefcarpes , files
Foffez font pleins d'eau. De là on les fera fortir en bon ordre,
pour attaquer le Pofte qu'on veut emporter ; mais avant que
de partir , on doit donner aux Soldats de certaines marques
pour le reconnoiftre , en cas qu'on foit découvert , ou obli-
gé à fe retirer. Ces marques feront de faire une Croix blan-
che au Chapeau , ou bien de mettre un Mouchoir au Chape-
au, ou de faire fortir la Chemiſe par derriere ou autre

marque , telle qu'on jugera le plus à propos.

$3 De
X DE MARS ,
£78 LES TRAVAU

De la défenfe des Debors .

L'Affiegeant à force de pouffer la Tranchée , s'eftant venu


loger les Contrefcarpes de la Place , ou fur celle des
premiers.Ouvrages détacheż , il attaquera les Dehors , ou
par leurs teftes ou par leurs longs côtez ; mais ce fera plutôt
par ces longs côtez ; à caufe qu'ils ne font flanquez que des
Parapets du Chemin- couvert, & des Faces des Baltions oppo-
fez , que l'Affiegeant ruine d'ordinaire dés lepremier jour
du Siege par fes Batteries. Que s'il attaque ces Dehors par
leur tefte , cefera par l'Angle mort de leur Tenaille , qui n'eſt
vâ ny de Front , ny de Flanc , à caufe de la hauteur , &
de l'épaiffeur defon Parapet : mais comme tous les Dehors
ne fontpas en Tenaille, & que la plus- part ont des Flancs ,
qui eft la meilleure défenfe , il les attaquera fans doute par
le cofté.
Onluy empefchera de faire des Logemens fur le bord &
dans le Foffé , en faifant dans le Foffé des Caponnieres , qui
ne font autre chofe que des Corps- de-Gardes couverts de
tous côtez ; ou bien à force de Fourneaux, on les fera fauter,
n'épargnant nullement les Grenades , Bolles , Pots- à-feu ,
.
Gauderons , & Trompes à- feu , qui fervent merveilleuſe-
ment à faire deferter les Soldats , & brûler les Futailles, Ga-
bions , Fafcines , Planches , & tout ce qui fertà faire & à cou-
vrit leurs Logemens .
Si l'Affiegeant ne fe rebute point du feu , on l'attaquera
7
par les Flancs , faifant des Retirades , creulant des Four-
neaux,Taillades,& enterrant des Caiffons de toutes parts, tant
fur les Chemins-couverts , que dans les Foffez , où l'on fera
des Caponnieres. Sil'Affiegeant eft fi vigoureux, qu'il fafſe
plier ceux qui fontà la défenſe de ces Retranchemens, on les
abandonnera , & lors qu'il yfera entré , on mettra le feu aux
Fougades, pour le faire fauter, & à force de Grenades, Boffes,
Pots -à - feu , coups de Moufquetons , Piftolets , Halle-
bardes , Crocs , on reviendra à la charge , pour reprendre
fon Pofte , & achever , ou faire Prifonniers ceux que le feu
aura épargné. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 279

270

自然

‫سالة‬

S 4
180 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Pierrieres , Fougades , Caifons.

Es Pierrieres A , font des Buttes , ou monceaux de


L pierres , qu'on laiffe expreffément aux environs des
Places , pour incommoder l'Affiegeant dans le travail de
fes Approches. On couvre ces Pierrieres de Terre , pour en
déguiſer le piege à l'Affiegant , même on feint de fortifier
ces endroits-là de Paliffades , en forme de Bonnette , ou
Angle-faillant , afin que l'Affiegeant venant pour gagner
ces Poftes , l'Artillerie qui fera fur les Remparts de la Pla-
ce , ou dans les prochains Dehors , faffe les décharges con-
tre ces Pierrieres , qui rejailliront par éclats d'une maniere
tres- dangereuſe , pour ceux qui feront derriere , ou qui
viendront pour s'ypofter.
Les Fougades B , font de petites Mines , ou Fourneaux ,
qu'on fait au deffous des lieux qu'on veut faire fauter.
Pour faire les Fougades , on fait on trou , comme un pe-
tit Puits , profond d'une ou de deux toifes , qu'on remplit
de plufieurs Sacs pleins de Poudre , & par deffus on met
quantité de pieces de bois de travers , avec des Pierres
Terres , & toutes autres chofes capables de faire un grand
fracas , quand ony mettra le feu , par le moyen d'une Sau-
ciffe, qui doit communiquer avec les Contrefcarpes , ou
les plus prochains Logemens.
Les Caiffons C, fervent aux mêmes ufages que les Fouga-
des , & même on en enterre dans les lieux , où l'on croit
que les Ennemis viendront faire quelque Logement ou
travail.
Les Caiffons font des Caiffes de bois de Sapin , d'une
grandeur capable de contenir deux ou trois Bombes , plus
ou moins , felon la qualité & la quantité du Terrain quel'on
veut faire fauter : ony met le feu avec une Sauciffe , qui ira
des Caiffons auxplus prochains Dehors , ou Logemens.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. a81

S S
282 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Retirades , qu'onpeutfaire dans les Dehors.

Ors qu'on eft obligé de plier & d'abandonner la Tê-


Lé,
te, ou le côté d'un Ouvrage , ce qu'on ne doit faire
que dans la derniere extremité , on ne quitera pas pour ce-
la l'Ouvrage tout entier ; il faut que pendant qu'il y en a
qui combattent les Ennemis, il y en ait d'autres qui travail-
lent aux Retirades , qui ne font proprement que des Barri-
cades , ou fimples Retranchemens , qui fe flanquent , &
qui ont au devant d'eux quelque petit Foflé.
Il eſt de la fcience de l'Ingenieur , & de l'honneur des Of-
ficiers , & des Soldats , detravailler à ces fortes de Travaux ,
puifqu'ils ne fe font que pour la détenfe de la liberté , & pour
la gloire de la Nation . Un Enfeigne , un Lieutenant , mê
me un Capitaine, ou autre Officier , ne fera pas mépriſe
des honneftes gens , pour avoir porté des Falcines , ou jet-
té de la terre devant luy, pour le couvrir , & défendreplus
long- temps les interêts de fon Prince.
La Retirade doittoûjours avoir un Foffé au devant : Elle
fe fera dans le Ravelin , comme en A.
On élevera le Corps de cette Retirade , le plus haut qu'il
ferapoffible, faifant deffous quelques Fourneaux , pourła
faire fauter , quand l'Ennemy s'y fera logé.
Celles des Demy-Lunes B, fe feront comme elles font
marquées dans cet exemple , principalement fi le Terrain eft
grand.
Pour les Retirades des Tenailles , Cornes , Couronnes
& Couronnemens , on les fera toûjours en Angles- faillans ,
ou rentrans , ainsi qu'elles font marquées dans les Ouvrages
de cette planche , failant toûjours des Fougades deflous ,
dedans, & aux environs , pour faire fauter les Logemens
de sEnnemis.

De
OU L'ART DE LA GUERRE.

283
284 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la défenfe des Foffezfecs.

'Eft un defavantage fort confiderable à une Place , furtout


quand elle eft grande , & qu'elle n'a point de Cazemates ,
d'avoir un Foffé plein d'eau , parce qu'il eft bien difficile de dif-
puter le paffage aux Affiegeans ; & tout ce qu'on peut faire dans
ces Foffez , c'eft d'y planter des Paliffades , qui peuvent être
facilement rompues , ou fciées par les Affiegeans : Ou bien on
yfera à fleur d'eau quelque fillon de Terre pour arrefter leurs
Barques , fi on n'aime mieux les aller combattre dans des Ba-
teaux , pour les empefcher de poufferleurs Traverfes , & d'at-
tacher le Mineur au Pan du Baſtion.
Mais tout au contraire , c'eft un avantage fort confiderable à
une Place qui eft grande , & qui eft forte d'Hommes , d'avoir
un Foffé fec , afin de chicaner pied à pied le paffage à l'Ennemy :
& quoy qu'il femble que le Foffé fec foit auffi avantageux aux
Affiegeans , qu'aux Affiegez , il y a toutefois bien de la diffe-
rence ; puifque ces derniersfont inceflamment raffraîchis de la
Place , & à couvert du feu de la Ville , là où les Affiegeans y
font continuellement expofez au fracas des Bombes , Grenades ,
& Gauderons , que les Affiegez jettent inceffamment de leurs
Remparts fur les Travaux que font les Attaquans dans le Foffé
fec.
La chicane qu'on peut faire dans les Foffez fecs contreles Af-
fiegeans , eft d'y faire des Fougades & des Retranchemens.
Les Fougadesfeferont , comme nous avons déja dit ; & les
Retranchemens feront en Lunettes ou Tenailles , comme ceux
qui font marquez A , ou de quelqu'autre maniere , felon la ne-
ceffité & la commodité du Terrain.
Monfieur de Vauban Maréchal de Camp , & Gouverneur de
la Citadelle de l'Ifle , qui s'eft diftingué par fes longues experien-
ces dans les Fortifications d'un tres grand nombre de Places , &
par les fervices confiderables , dans la conduite d'un nombre in-
fini de Travaux , fe fert d'une maniere d'Ouvrage à Cornes pour
défendre avantageufement le Foffé.
Les Coffres B , font deux Parapets , qu'on éleve dans le Fof-
fé pour s'épauler des deux côtez , & que l'on couvre de Plan-
ches , garnies de lames de fer blanc , ou couvertes de terre ,pour
être à l'abry des Feux d'artifice.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 285

285
286 LES TRAVAUX DE MARS ,

Deladéfenfedes Foffezpleins d'eau.

Left certain qu'aux grandes Places, les Foflez pleins d'eau,


fervent plus à l'ornement qu'à la défenfe.
En effet , ils ne font bons que pour l'embelliffement d'une
Maifon de plaifance , pour un Château , ou pour une petite
Ville, dont les Magazins,& les Garniſons fuffisent pour foûte
nir un Siege , fans avoir befoin d'aucuns fecours ; car lorfque.
les Places font grandes , & leurs Foffez pleins d'eau , ces for-
tes de Foffez font , comme j'ay déja dit , fort incommodes ,
pour recevoir du fecours , faire des forties & empefcher l'Af-
fiegeant de pouffer des Traverfes & Galleries , juſqu'aux Pans
des Baſtions , à moins qu'il n'y ait dans les Flancs de ces Pla-
ces des Cazemates , comme les miennes , qui empefcheront
que l'Affiegeant n'y puiffe achever aucun travail.
Si l'on objecte contre l'ufage des Cazemates : que les Ca-
nons de la plate- forme fuperieure peuvent mettre le feu aux
Canons de l'interieure , il eft aifé de répondre que ceux qui
ont foin de l'Artillerie , ne doivent changer les Pieces de la
Cazemate baffe , que devant , ou aprés que celles d'enhaut
ont tiré. Ainfi iln'y a plus de danger , joint que la maniere
de charger les Pieces de Cartouches, en ofte tout le peril . Car
lors que le Canonnier veut mettre le feu à la Piece , il eft.
obligé de faire un trou au Cartouche, en fourrant par la lute
miere du Canon une Aiguille de cuivre ,pour rompre le Cat-
touche , puis rempliffant la lumiere de Poudre , on y neutra
le feu , qui fe communiquera au Cartouche.
L'effet des Cartouches eft admirable pour rompre les Galle-
leries que peuvent faire les Affiegeans dans les Foffez pleins
d'eau , pour peu que le travail paroille au deflus.
La planche prefente montre un Pentagone fortifié , de
ma maniere , avec des Cazemates.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 287

287
288 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Contremines.

N fe fert des Contremines , quand malgré tous les


Ο Feux d'artifice qu'on apû jetter fur les Affiegeans , &
le grand feu , & les Retranchemens , qu'on leur a pû op-
pofer , ils n'ont pas laiffé de franchir le Foffé , & d'attacher
le Mineur quelque part.
Suppofant donc qu'on foit éclaircy par quelque transfu-
ge , par les Traverfes que les Affiegeans auront faites dans
le Follé , ou bien par les Terres qu'on verra fortir des Ba-
ftions, que les Affiegeans font travailler à la Mine , on tâ-
chera à les prevenir en contreminant leur travail , en pouf-
fant quelques Fourneaux , ou bien en fe retranchant en
quelqu'endroit du Baftion , comme il fera dit cy-aprés.
Les Contremines fe font , oudans le même temps qu'on
bâtit les Baftions , ou feulement lors que ces Baftions font
attaquez. Les Contremines qui fe font quand on travaille
à l'élevation du Baftion , fe pratiquent comme un petit Ber-
ceau qui tourne tout autour des Faces du Baftion , & des
lieux qu'on veut contreminer : la hauteur de cette allée eft de
quatre à cinq pieds , & large pour paffer un homme : elle ſe
fait à la diftance d'une toife , ou d'une toife & demie de la
Chemiſe du Baſtion , avec quantité de trous , ou foûpiraux ,
qui vont gagner le deflus , & même vers les Foflez du Baf
tion : Exemple A.
Mais les ouvertures B, des Contremines qu'on fait dans
la neceffité d'un Siege, font comme des puits qu'on creule
dans la folidité de la terraffe , ' où l'on foupçonne qu'eft le Mi-
neur. Ces puits n'ont point de largeur , ny de profondeur
determinée: mais vers l'endroit , où l'on foupçonne qu'eft
le Mineur, on pratique vers le fond de ces puits des Ra-
meaux , que l'on y conduit pour éventer la Mine ou la
rendre inutile, en la déchargeant de fes Poudres , ou en
coupant la traînée , de peur que le Affiegeans n'y mettent
le feu , oubien en y jettant beaucoup d'eau.
Do
OU L'ART DE LA GUERRE. 189

289

A
B

Tom . III. T
290 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Reparation des Bréches.

Orfque nonobftant toutes les Contremines de ceux de


la Place , les Affiegeans ont fait reüffir quelqu'une.
de leurs Mines , alors les Affiegez , fi la Bréche eft perite ,
doivent travailler à la combler , ou à enterrer des Caif-
fons au deffous , pour faire fauter les Affiegeans qui entre-
prendroient d'y monter. Si la Bréche eft grande , les Affie-
gez doivent la reparer , pour en rendre la montée autant dif- :
ficile , que le temps & le Terrain le leur pourront permettre.
Il n'y arien de plus commode pour combler une petite
Bréche, que la terre mêlée avec du fumier , & des Faſci-
nes, que ceux de la Place doivent avoir en grande quantité.
Mais s'il arrivoit que les Bréches fuffent fi grandes , qu'on
remarquaft que toute la terre qu'on y pourroit jetter avec
lefumier , & les Faſcines qu'on auroit preparées , ne peuf-
fent combler la Bréche , alors fi on avoit le temps , on s'ef-
forceroit d'y faire proche de la Teſte quelque Fourneau ,
ou d'y enterrer quelque Barrique de Poudre , pour y faire
quelque Fougade. Que fi on ne peut reüffir n'y à l'un , ny
à l'autre, à caufe que les Affiegeans font feu continuel con-
tre la Tefte de la Bréche , on jettera pour lors fur la montée
de la Bréche , quantité de Chauffe-trappes , & des Herſes
renversées , avec quantité de Chevaux de Frife , attachez
enfemble par leurs extremitez , pour enfermer toute la mon-
tée. Si on en met plufieurs rangées , ils empêcheront les Af-
fiegeans de monter à l'Affaut , principalement s'ily en avoit
quelqu'un de fer, à moins que l'Attaquant ne les ait au-
paravant rompus avec le Canon ; ce qui demande beaucoup
de temps , & arrefte leur premiere chaleur.
Si on juge qu'en mettant des Chevaux de Frife , les
Affiegeans s'en puiffent fervir pour faire des Logemens
on preparera des Fourneaux fous la Brécke , & auprés des
Retranchémens , ainſi qu'il va être enfeigné dans les pages
fuivantes .

Ma.
OU L'ART DE LA GUERRE, 291

-་ ་

T2
292 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere depouffer des Fourneaux fous les Bréches


des Baftions.

'L eft certain qu'un Affiegeant eft toûjours maiſtre de la


montée d'une Bréche , & qu'il luy eft toûjours facile de
s'y loger , à moins que les Flancs qui regardent ces Bréches ,
n'ayent des Cazemates.
C'eft une des grandes utilitez des Cazemates , de donner
moyen de pouffer des Fourneaux jufques fous les Logemens ,
que les Affaillans peuvent faire dans les Pans des Baftions.
Ces Fourneaux fe font dans la folidité du Rempart , les
uns proche des Bréches , les autres prefque à fleur du Terre-
plain , ou bien au deffous des Retranchemens.
Pour conduire ces petites Mines , l'on fait l'ouverture de
leurs chemins par la Chambre des Poudres des Cazemates ;
& commetout le deffein qu'on a dans le principal effet de ces
Fourneaux , eft de faire fauter les gens qui font logez fur la
montée de la Bréche , les Affiegez doivent pouffer ces Mines
le plus prés de la Bréche qu'il leur fera poffible , y mettant
jufqu'à cent livres de Poudre , que l'on enferme dans des
Sacs , ou dans des Caiffons. La traînée de ces Fourneaux fe
fera en ligne droite , & large tout au plus de l'eſpace qu'il
faut pour pouvoir paffer un homme à genoux .
Pour répondre à l'objection , qu'on pourroit faire contre
des Fourneaux faits de cette maniere , en difant qu'aprés
qu'un Fourneau auroit fait fon effet les Affiegeans pourroient
fe fervir de fon chemin , pour entrer dans la Cazemate , &
venir en fuite dans la Place , on replique : Qu'en comblant ce
chemin , & laiffant feulement le paflage libre pourune , ou
pour plufieurs Saucifles , l'Aflaillant fera privé de fon eſpe-
rance; joint qu'il luy fera toûjours bien plus facile d'attaquer
la Place par un Affaut , où plufieurs Soldats pourront aller
de front toutà la fois , que d'aller fous terre àgenoux , où le
premier qu'on y tuëroit boucheroit le trou , & ofteroit à
l'Affiegeant l'efperance de gagner la Place par là.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 293

T3
294 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Retranchemens particuliers qu'onfait fur laTefte


des Bréches.

EsRetranchemens particuliers doivent toujours être en


Angle rentrant , afin qu'ils flanquent non feulement
les Bréches , & autres lieux attaquez ; mais encore afin qu'ils
fe défendent eux mêmes.
Les Affiegeans nefont guere de Bréches à l'Angle flan-
qué d'un Baltion , parce qu'on la découvre des deux Flancs
des Baſtions voifins , & qu'elle fe trouve expofée au feu
continuel des Cazemates de la Place : neanmoins fi la Bré-
che y étoit faite , on y fera des Retranchemens en maniere
d'Ouvrage à Cornes , afin de la flanquer.
Si la Bréche eft faite dans la Face du Baſtion , comme il
arrive ordinairement , à caufe que cet endroit n'eſt veu de
ceux de la Place , que d'un feul côté , on y fera des Re-
tranchemens en Angle rentrant.
On nefait guere de Bréche à l'Angle de l'Epaule , à cau-
fe que c'eſt la partie du Baftion la plus folide , & la plus ex-
pofée au feu de la Courtine , & du Flanc oppofé , & que
les Aflaillans venant à l'Affaut , y feroient battus de flanc
& de revers , non feulement du Flanc fimple , mais auffi
des Cazemates : neanmoins s'il arrivoit qu'on y fit quelque
Bréche , on y tireroit des Retranchemes en Anglefaillant &
rentrant.
On remarquera que dans tous ces differens Retranche-
mens , on doit s'approcher le plus qu'il fera poffible , des
Parapets des Baftions , & de leurs ruines , afin de battre en
flanc & de revers ceux qui y viendroient à l'Affaut , & d'être
à l'abry de leurs Canons .
Lorſque la Tête de la Bréche eft tellement découverte ,
que le Canon des Affaillans découvre tout le deffus , ony
preparera quelque Fougade , & dans le Corps du Baſtion on
fera un Retranchement, comme il fera dit dans les pages
fuivanres.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE , 295

Despréparatifspour foûtenir un Affaut General.

'Ne vigoureuſe refolution eft le plus important de


UN tous les apprefts qu'on puiffe faire en cette occafion ;
fans cela toutes nos inftructions font fuperfluës , & nous le
dirons pour la derniere fois ; un Gouverneur ou un Com-
mandant de Place , doit avoir du cœur , & du jugement ; il
doit aimer la gloire, & s'attacher aveuglément aux interefts de
fon Prince. Cela ſuppoſé , la reſiſtance & les efforts ne luy
coûteront rien , & il n'y aura que le manque de Soldats , de
Munitions ou de Terrain qui le pourra faire capituler .
Les Ennemis même l'en eftimeront davantage , & bien
loin de luy preferire des conditions defavantageufes , comme
on craint quelquefois , ils feront toûjours ravis de traitter
avec unhonn fte-homme , fuppofant que pendant le cours
du Siege, il n'ait rien dit , ou rien écrit contre l'honneur
des Affiegeans , & qu'il n'ait point mal traité les Prifonniers;
& cela fuppofé les Affiegeans ne luy feront jamais un crime
d'avoir repouffé un ou plufieurs Aflauts Generaux .
Il fera porter dans les Places d'Armes , les plus proches
des lieux qu'il croit qu'on attaquera , quantité de Demy-
picques , Pertuifanes , Hallebardes , Moufquetons , Pi-
itolets, Barriques , Mantelets , Sacs- à -terre , Fafcines , Che-
vaux de Frile , Chauffe-trappes , Gauderons , Boffes , Gre-
nades , Pots- à-feu , & Chauderons pour chauffer les Hui-
les qu'on y portera. Il n'oubliera pas quantité de Mantelets ,
& de pierres , & generalement tout ce que le Gouverneur
eftimera capable de couvrir fon monde , & d'incommoder
les Affaillans dans la montée des Bréches , & dans tous les
Logemens qu'ils pourront faire.
Si les Habitans de la Place font en grand nombre , &
mal intentionnez , le Gouverneur les defarmera, ou en
enfermera une partie dans les Convents , & autres lieux
forts , où il établira de bons Corps- de-Gardes , auffi bien
qu'aux principaux Carrefours & aux Ruës de la Ville.
T 4 Ma-
196 LES TRAVAUX DE MARS ,

Maniere defoûtenir un Affaut General.

E Gouverneur d'une Place étant averty , foit par quel-


L
ques Efpions , ou transfuges , que les Affiegeans font
refolus de luy donner un Aflaut , il fera mettre fa Milice
fous les Armes , dans les Places d'Armes. Il diſtribuëra
Les Gens en trois Corps , une partie , à fçavoir , ceux qui
devroient monter ce jour- là en garde , iront à la défenfe
des Bréches ; ceux qui fortiront de garde , iront fe repo-
fer dans la grande Place d'Armes ; & la troifiême partie fe-
ra mife dans les petites Places d'Armes.
Le nombre des hommes étant limité pour chaque Bré-
che, ceux de chaque Bréche feront divifez en trois parties.
La premiere fera de ceux qui doivent foûtenir l'empetuofi-
té des Affaillans : ils feront armezà l'épreuve du Moufquet ,
& porteront des Piftolets , Moufquetons , Hallebardes ,
Crocs , & toutes fortes d'Inftrumens propres à chaffer , à
renverfer, & à combler des Logemens. Les feconds qui
fuivront ces premiers , porteront toutes fortes de Feux d'ar-
tifice , & les derniers travailleront aux Retranchemens , ou
raffraîchiront les premiers , felon que les Aflaillans agitont
avecplus ou moins de chaleur.
Les Affiegeans venant à l'Affaut , on ne manquera pas de
tirer fur eux le Canon des Cazemates chargé à Cartouche ;
& fi les Affaillans fe contentent de fe loger fur la montée de
la Bréche , on les en fera déloger par les Feux d'artifice.
Si l'Attaquant veut pouffer la pointe jufque fur la Tête
de la Bréche , c'eſt dans ce temps que le feu des Retranche-
mens, & des Fourneaux doit faire fon effet ; c'eft dans ce
moment que les Moufquetaires des Cavaliers empefcheront.
que les Affiegeans ne paroiffent au deffus de la Bréche , par
l'avantage de la hauteur de ces Cavaliers d'où l'on découvre fi
bien fur la Tête de la Bréche , que quand l'Ennemy s'y en-
terrercit , on le feroit toûjours perir , ou par les coups qui
plongeroient fur luy , ou par l'effet des Fourneaux .
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 297

297

T'S
298 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Retranchemens qu'onfait dans le Corps des Baftions.

Our bien faire des Retanchemens dans un Baftion , ils


doivent aller d'un Flanc à l'autre , comme celuy qui eft
marqué A , ou d'une Cazemate à l'autre , comme ceux de
B , foit qu'ils foient en Angle faillant , ou rentrant. Enfin
ils doivent fermer la Gorge du Baftion , comme ils font re-
prefentez dans l'exemple C. C'eſt là qu'avec mon Cavalier ,
ils font le dernier Retranchement qu'on peut ménager dans
un Baſtion.
Les Baſtions pleins , font les feuls où l'on fe peut retran-
cher avec avantage. Car dans les Baſtions vuides , on ne le
peut faire que par Retirade , ou par des Barricades deffus le
Rempart. Et c'eft ce que l'Affiegeant peut forcer avec de fim-
ples Grenades , puifque ces fortes de Retranchemens ne fe
peuvent bien flanquer. Car d'objecter qu'on fe peut retran-
cher dans la Gorge d'un Baftion vuide , en prolongeant le
Rempart des Courtines , c'eft ce qu'on ne peut jamais bien
faire dans un befoin , parce que d'ordinaire l'on manque de
temps & de monde ; joint que fi ce Retranchement n'égale
pas la hauteur des autres Remparts , ceux qui feront à fa dé-
fenfe , courront grand rifque d'être brûlez des Grenades ,
Bolles, Pots-à- feu , & de tous les autres Feux d'artifice ,
que les Affaillans yjetteront d'un lieu plus élevé.
Que fi les Affiegez élevent ce Retranchement à la hau-
teur des Remparts, c'eft faire fur la fin un Baftion plein ,
avec des difficultez incroyables , & c'eft fe rendre enfin du
partyde ceux qui veulent les Baftions folides.
A tous les Retranchemens , il faut un Parapet feulement
de cinq ou fix pieds d'épaifleur , mais leur hauteur fera de 5.
pieds , & leurs Foffez les plus larges , & les plus profonds
qu'il fera poffible , d'où l'on fera fortir des Fourneaux fous
le Terrain qui eft au devant d'eux , afin de faire fauter les
Affiegeans , quand ils viendront forcer ces Retranchemens.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 299

DV DES 299
VE
CALC VL PO
LIGNES
LES COSTES

202

B..
300 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Retranchemensgeneraux.

L'on ne faitguere de cas Retranchemens qu'aux Places


quifont de grand circuit, & qui ont une forte Garniſon.
En ce cas fi l'on voit que l'Affiegeant s'attache à quelque Te-
naille de la Place , où qu'on juge effectivement que l'endroit
attaqué ne peut tenir long-temps , foit pour être mal flanqué ,
foit pour être commandé de quelques lieux voifins , alors on
y fera un grand Retranchement, qui en fermera toute la partie
qu'on croit laplus foible dela Place.
Ces grands Retranchemens , qui prennentle plus fouvent
leur forme de la fitutation de leur Terrain , doivent être flan-
quez de Baftions , & de demy-Baſtions , avec de bons Fof
fez, bordez de Paliffades , & le devant contreminé , afin de
de faire fauter & perir les plus hardis des Affiegeans , quand
ils fe pofteront fur les vienx Remparts , ou qu'ils viendront
pour rompre les Paliffades , & forcer ces grands Retranche-
mens.
CesRetranchemens generaux doivent être plus élevez que
que le vieux corps de la Place , qu'on fuppofe être au devant
d'eux , afin que les Retranchemens commandent deffus , &
qu'ils obligent les Affiegeans , quand ils y feront poftez, à
remuer les Terres , & à s'enterrer pied à pied , qui eft le
moyen de leur faire perdre du temps.
Enfin ils doivent être contreminez , & l'on doit mefme y
difputer le Terrain par d'autres Retranchemens , faits comme
le precedens.
Nonobftant ces grands Retranchemens on doit avoir foin
d'avoir un Reduit dans la Place , fe fervant pour cet effet de
quelque Eglife , ou Prifon , que l'on fortifiera de Foffez ,
afin que fi le fecours promis n'arrivoit pas aflez à temps , &
que les Vivres , ou les hommes vinflent à manquer , ou
qu'on fuft forcé d'abandonner ce dernier Reduit , l'on peuſt
fe retirer dedans pour ménager quelque accommodement.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 301

301
302 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la défenfedes Retranchemens particuliers ,


generaux.

Si malgré le grand nombre des Affaillans qu'on a faitperir , fi


malgré le feu continuel des Flancs , & des Cazemates , qui
découvrent dans la montée des Bréches , enfin fi nonobftant
l'effet des Mines , des Fourneaux , & des Retranchemens
faits fur la Tête des Bréches , les Affiegeans n'ont pas laiſſé de
pouffer leur pointe avec tant de vigueur , qu'ils ayent obligé les
Affiegez d'abandonner la Tête de la Bréche , & leus premiers
Retranchemens , alors les Affiegez doivent fe retirer dans les
feconds pour y faire ferme.
Ces feconds Retranchemens ne font pas fi expofez au Canon
de l'Affiegeant , que ceux que l'on fait fur la Tête des Bréches ;
& c'eft ce qui doit encourager ceux de la Place , à la défenſe de
ces Retirades , principalemet quand il y aura derriere un Cava-
lier , qui fervira à les foûtenir contre les effors de l'Ennemy.
Quand les Affiegeans viendront pour attaquer ces Retran-
chemens , on ne manquera pas de les faire fauter , en mettant
le feu aux Fougades , & aux Fourneaux qu'on aura preparez au
devant de leurs Foffez , ainfi que je l'ay dit cy- devant : & cha-
cun par une loüable émulation , tâchera de faire abandonner le
Terre plain aux Affiegeans , les repouffant à coups de main juf-
ques dans la Bréche , & même les en faifant déloger.
S'il arrivoit qu'on fût contraint de plier , & d'abandonner
ces feconds Retranchemens , on fe logeroit dans celuy qu'on
auroit encore pratiqué derriere , afin de tenir toûjours ferme ,
en attendant le fecours , & ainfi de fuite jufqu'à la derniere Re-
tirade.
Mais enfin fi l'on étoit affez mal -heureux , de fe voir pouffé à
bout fans avoir aucun fecours, on fe retireroit alors dans le der-
nier Retranchement , qui eft d'ordinaire celuy qui eft fait dans
la Gorge du Baftion, ou qui en enferme plufieurs tout enfemble :
C'eft-là où l'on doit combattre, non feulement pour le Terrain,
pour l'honneur , & pour la confervation de fa famille , & de
fon bien ; mais même pour celle de la vie. Et comme il ne faut
qu'un moment pour amener un favorable fecours,auffi ne faut- il
rien negliger pour en faire durer l'efperance : car étant obligé
de quiter ces Retranchemens , on y traitera pour fon falut ; ou
bien l'on fe retirera dans le Reduit , où l'on fera toûjours une
honnefte capitulation.
De
OU L'ART DE LA GUERRE 303

De la défenfe des Places , contre les furpriſes ,


les Efcalades.

Es Villes Frontieres étant les plus expofées aux Surpri-


fes , demandent des Gouverneurs , ou des Comman-
dans qui foient vigilans , & qui ayent du fervice , afin d'éviter
les trahifons , les feditions , & les furpriſes. On n'entreprend
plus guere prefentement d'emporter les Places par efcalade ;
car pourpeu qu'elles ayent de Travaux avancez,il eft tres mal-
aifé de les pouvoir traverfer fans bruit , pour venir efcalader
le corps de la Place. Ainfi l'ufage des Dehors eft un vray,
moyen pour remedier à ces fortes de Surpriſes ; outre qu'un
Gouverneur doit avoir des Sentinelles , & des Efpions ,
pour obferver inceffamment la conduite de l'Ennemy.
Que s'il fe rencontre dans les Villes , que les Habitans
foient de differente Religion , naturellement feditieux , &
partialifez entr'eux, ce qui pourroit favorifer ces infultes ino-
pinées , il eft important de les defarmer , & de faire changer
de féjour aux plusfufpects.
Si on a quelque avis , ou quelque foupçon , que l'Enne-
my veut entreprendre fur la Place , foit d'émblée ou par Ef-
calade , on fe tiendra alors foigneulement fur íes gardes ,
doublant partout les Sentinelles , ne laiflant aucun lieu de la
Place qui ne foit garni de monde. Même on fera tenir la
Campagne dejour par quelques Cavaliers , durant que d'au-
tres iront battre l'Eftrade , & prendre langue des Ennemis.
De nuit , on fera faire force Rondes fur les Murailles ; & on
tiendra quelques Corps-de- Gardes éloignez de la Place , ou
de fes Dehors, environ la portée du Moufquet . Ces Corps- de-
Gardes avancez font tres bons pour découvrir l'Ennemy de
nuit ; car il ne peut tuer tous ceux qui yfont , qu'ils ne faf-
fent quelque bruit , & qu'ils ne tirent quelques coups : Ce
qui fera le veritable moyen de donner l'Alarme à la Ville , &
d'y faire prendre les Armes pour la défenfe , & par ce moyen
éviter la furprife.
De
304 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela défenfe des Places contre les attaques d'emblée


ou de viveforce.
Iles Ennemis fans former un Siege viennent d'emblée ,
Siles
julques prés des Contrefcarpes de la Ville , à la faveur de
quelques chemins creux , Boyaux , ou fimples Tranchées , à
dellein de foudroyer la Place à force d'Artillerie & deBombes,
qui eft une voye de prendre les Villes en mettant le tout pour
le tout , alors le Gouverneur de la Place doit faire renfermer
dans les Eglifes , Temples , Prifons & autres lieux forts , les
Femmes , les Enfans , & même ce qu'il y aura de Bourgeois
peu zelez pour la défenfe , afin déviter les feditions , tumul-
tes, & revoltes du peuple . On fera creufer dans les Ruës
des trous , ou petits Follez , afin que les Bombes venant
ày tomber , n'incommodent poient ceux qui marcheroient
par la Ville.
LeGouverneurpour bien défendre fa Place, divifera fes
Troupes en 3. parties , qui feront alternativement comman-
dées ; les premiers pour la defenſe des Murailles , tandis
que la feconde partie demeurera fous les armes , dans les Pla-
ces d'Armes ,& autres Places publiques, & que la troifiême
fera deftinée pour éteindre le feu des Maifons , & empefcher
les Bourgeois de s'affembler , & de faire quelque confpira-
tion . Mais comme cette maniere d'attaquer par le feu eft
violente , elle ne peut être de longue durée , car le moindre
fecours ne feroit que trop fuffifant pour battre des gens quine
feroient point retranchez .
C'eft pourquoy file Gouverneur juge que les Sorties luy
puiffent apporter quelque avantage , pour enclouer le Ca-
non , & les Mortiers des Ennemis , & même luy faire perir
quelque perfonne , dont la perte foit capable de luy faire
changer de refolution , ilne manquera pas d'en faire de vi-
goureufes , Mais s'il luy eft impoffible de fe défendre davan-
tage , la Place étant prefque toure brûlée , alors pour fauver
le refte , il fera battre la Chamade , pour capituler & traiter ,
ainsi qu'il eft enfeigné dans le Chapitre fuivant .
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 305

CHAPITRE XI I I.

De la Reddition des Places.

Ce Chapitre ne traite pas feulement de la Reddition des


Places ; mais il montre encore l'ordre qu'il faut tenir
dans les fufpenfions d'Armes , Capitulations & Traitez
qu'onfait avec les Ennemis , & la maniere de ceder les
Places auxvictorieux, d'enprendrepoffeffion.

'Aurois bien fini cet Ouvrage par le Chapitre precedent :


I mais commela Guerre entre le Camp & la Garniſon , ne
finit pas toujours par la prife des Places , à moins que les
Articles de leurs Capitulations nefoient judicieuſement dref-
fez, & ponctuellemeut executez , j'ay creu devoir finir cet
Ouvrage par une circonstance , qui eft toûjours la derniere
action des Sieges.

Tom. III. V Des


X
306 LES TRAVAU DE MARS ,

Desfufpenfions d'Armes.

'Eft le jeu de la Fortune , & le fort des Armes , qui fait


C'E que ceux qui auront été heureux à défendre des Villes
mal fortifiées , contre de puiffantes Armées , fe trouveront
quelquefois aprés une longue défenfe , contraints de ceder
de bonnes Places à leurs Ennemis , nonobftant toute leur
experience , & leur bravoure.
C'eftune loy qui s'eft renduë comme naturelle , que tou-
les Villes affiegées , foient à la fin prifes, principalement
quand elles manqueront de Terrain , ou de fecours de Vi-
yres , & d'Hommes.
Un Gouverneur le voyant donc preffé d'une maniere à
à ne pouvoir plus refifter contre l'Affiegeant , à moins qu'il
ne facrifie fa Place , & les Bourgeois à la paffion de l'Af-
fiegeant, & à la rage de fes Soldats , il arborera un Pavil
lon blanc , on fera battre une Chamade , pour demander
à traiter. LeTambour doit monter fur le Parapet de la Pla-
ce, & du moment qu'il battra fa Caiffe , le Gouverneur
fera ceffer la repararation des Bréches , & autres Travaux de
la Place , & défendra de tirer , fur peine de la vie.

Des

1
OU L'ART DE LA GUERRE. 307

Des moyens de capituler.

È Tambour ayant doncbattu la Chamade , & crié à hau-


te voix , que ceux de la Place demandent à traiter ; Le
General fera auffi - tôt fortir de la Tranchée l'Officier quiy
commande. Cet Officier ira feul , ne pafferapas le lieu que
le Tambour luy montrera , & ne portera point d'autres ar-
mes que fon Epée.
A l'inflant le General ayant fait affembler le Confeil de
Guerre , le Commandant de la Tranchée y fera le rapport de
ce que le Tambour propofe , fefervant des même termes du
Tambour , afin que ceux du Confeil ſe déterminent avec
plus de feureté , foit.qu'il faille recevoir les Vainqueurs ,
comme des gens d'honneur , qui fe font défendus courageu-
fement , ou comme des perfonnes qui ont violé le droit des
gens.
Le Confeil de Guerre ayant donc refolu de traiter avec les
Affiegez , le General pour ne leur point donner temps de
reprendre haleine , ou de recevoir du fecours , leur fera
fçavoir , qu'ils ayent à luy envoyer des Deputez. Ceux de la
Place les feront fortir par le Guichet d'une Porte , ou bien
ils les defcendront avec une corde, par deffus le Rempart de
la Ville . files Foflez font fecs. Dans cette conjoncture , les
Gouverneurs des Places ne doivent jamaisfortir de leurs Vil-
les , pour aller en perfonne traiter avec l'Affiegeant , quel-
ques promeffes , & quelques Oftages que ceux de dehors luy
puiffent donner. La Charge de Gouverneur oblige celuy qui
en eft honoré , de fe tenir renfermé dans le lieu où il com-
mande , parce que de la confervation de fa perfonne dépend
celle de la Ville ; il en eft comme l'Ame , & il doit y refter
julqu'aprés la Capitulation , & n'en fortir que le dernier.

V 2 Des
AUX
308 LES TRAV DE MARS ,

Des Capitulations.

Nnepeur parler au jufte des Capitulations : car felon


les differens fujets de Guerre , les Capitulations font
diffemblables. Ceux qui combattent pour la Religion ,
doivent mettre entre leurs principaux Articles ; que leur Pla-
cene fera point pillée , ny eux moleſtez dans leurs biens ,
qu'ils feront reconnus pour fideles fujets du Prince victori-
eux , & jouiront de toutes les franchiſes , & prerogatives
dontjouiffent fes autres Sujets , avec le libre exercice de leur
Religion , Preftres ou Miniftres , Eglifes ou Temples.
Ceux qui fe défendent pour l'intereft de leurs Princes , &
pour leur propreliberté , mettront , qu'ils auront tous la vie
fauve , & qu'il ne fera fait aucun tort , ny injure, tant aux
Soldats de la Garniſon , qu'aux Bourgeois de la Ville , foit
qu'ils fortent, ou qu'ils demeurent dans la Place ; que la
Garnifon qui fortira , marchera Tambour battant , Enfeigne
déploiée , Méche allumée par les deux bouts , Balle en bou-
che , avec quelques pieces de Canon.
Quand ceux de la Place font des feditieux , qui fe font
revoltez , ou qui ont violé le droit de gens , les Affiegeans
ne les doivent recevoir qu'à difcretion. Ces fortes de perfon- :
nes font indignes de l'honneur d'entrer en Capitulation ; ou
fil'Affiegeant leur veut faire quelque grace , il en fera châtier
quelqu'un exemplairement , pour donner exemple aux au-
tres. On bien on les traitera comine l'on fit ceux d'une Place ,
quifut emportée par un Siege , où je conduifois les Travaux .
Lesprincipaux Articles furent , Que les Femmes, fuivies de
leurs enfans , fortitoient les premieres à pied , fans autre
Bagage que ce qu'elles pourroientporter fur leurs têtes : Que
les Bourgeois de la Place marcheroient en fuite à pied , fans
Epée , & feulement avec leurs Manteaux : Que l'infanterie
de la Place marcheroit aprés aux fans Moufquet , ny autres
Armes que leurs Epées fous le bras , & hors de leurs bau-
driers.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 309

309

V 3
310 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Reddition des Places.

E Gouverneur fçachant le lieu où fa Garnifon & luy fe


doivent retirer , foit que l'ordre de fon Prince le luy ait,
prefcrit , qu'il l'ait determiné luy- même , ou que ce foit par
une des conditions que le Vainqueur luy impofe , il pren-
dra le temps de la fufpenfion d'Armes pour ranger fes Trou-
pes en Bataille , dans la grande Place d'Armes , laiffant
neanmoins à la défenfe des Murailles , ceux qui font en
garde fur les Remparts , jufqu'à ce que la Garnifon forte
de la Place , & que les Affiegeans y entrent.
Pour l'Artillerie & les Bagages qu'il doit emporter , il
les fera affembler dans les plus prochaines Places d'Armes
du côté de la Porte par où il doit fortir , & le Signal dự
délogement étant donné par une Bombe , ou par un coup
de Canon , fes troupes commenceront à défiler par une
Porte, dans le temps que les victorieux entreront par une
autre. La marche commencera par un gros de Cavalerie
s'ily en a dans la Place , qui fera fuivie des Bagages , par-
my lefquels feront les Bleflez , & les Malades. Aprés le
Bagage marchera l'Infanterie , Tambour battant , deux à
deux , ou quatre à quatre, avec le Moufquet fur l'épaule,
Pique de biais , Enfeigne déployée , fi cela leur a été ac-
cordé; car quelquefois il fe fait des Traitez , où l'Infanterie
fort le Moufquet fous le bras , Pique traînante , & En-
feigne liée. Aprés l'Infanterie marchera l'Artillerie , fi l'on
a droit d'en emmener ; ce qui eft une marque d'honneur
pour celuy qui rend la Place , & un témoignage qu'il s'eft
défendu fort vigoureufement , & qu'ila dignement foûte-
nu les interefts de fon Prince. En fuite de l'Artillerie , le
refte de la Cavalerie , ou Infanterie , fortira en bon ordre.
Le Gouverneur à Cheval fortirale dernier , & fera accom-
pagné de fes Gardes , files conditions le portent,

De
.
OU L'ART DE LA GUERRE. 311

V4
312 LES TRAVAUX DE MARS ,

De la Reddition des Places Maritimes .

L n'y a point de Places plus capables de foûtenir de longs


Sieges , que celles qui font fituées fur les bords de la mer,
à caufe des continuels raffraîchiffemens de Vivres , &
d'Hommes , qu'elles peuvent recevoir à toute heure. Tou-
tefois fi on eft contraint de les abandonner , voicy l'ordre
qu'on tiendra pour la retraite.
Si on conferve encore quelque Pofte aux environs de
la Place , on feindra d'y envoyer la Garde ordinaire &
tous enſemble reviendront dans la Place le plus fecretement
qu'il leur fera poffible , laiffant des Piques debout , avec
quelques Méches allumées , & quelques Chapeaux qui
paroiftront derriere les Parapets.
L'embarquement fe commencera par les Bourgeois qui
voudront abandonner la Place, Aprés eux on embarquera
la grofle Artillerie , au mions celle qui ne fera point en Bat-
terie à la veuë des Ennemis.
Le Commandant donnera fes ordres avec tant de jufteſ-
fe , que les Poftes interieurs foient les premiers defarmez ,
& leurs oldats les premiers embarquez.
Pour éviter le defordre de l'embarquement , les Troupes
s'affembleront dans la grande Place d'Armes , fi elle eft hors
la veuë des Ennemis , & aprés qu'une Compagnie fera em-
barquée , une autre en viendra faire autant. Les Troupes
défileront fuivant leurs Poftes , & nón felon leur ancienneté.
La Cavalerie qui fera dans la Place , s'embarquera avant
l'Infanterie , files Bâtimens font capables de porter des
Chevaux. Les Troupes qui feront en garde fur les Rem-
parts, & aux Bréches , feront la retraite marchant comme
fi elles alloient au combat : les Officiers avec la Picque, &
les Moufquetaires avec la Méche allumée par les deux bouts.
L'heure la plus commode pour fe retirer , eft fur les quatre
heures du matin , lorſque ceux du Camp font fatiguez des
veilles de la nuit.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 313

De la Prife de Poffeffion des Places.

L'Affiegé ayant donc été obligé de rendre fa Place , les


Murailles appartiennent par le droit de la Guerre au
Prince conquerant , auffi bien qu'une Cloche de chaque
Parroiffe, pour la reparation de fon Artillerie.
Les premiers qui entreront dans la Place feront le Ma-
réchal de Camp de l'Armée , les Maréchaux des Logis , &
quelques Ingenieurs , avec quantité de Pionniers ; ces pre-
miers pour marquer & diftribuer les Logemens des Trou-
pes , & les autres pour faire nettoyer & faciliter les Che-
mins & les Ruës.
Les Ruës étant nettes , & les Logemens marquez , une
partie de l'Infanterie commencera entrer dans la Place ,
pour fe faifir des Poftes qu'abandonnent ceux qui quittent
la Ville. En faite entrera l'Artillerie ; qui fera fuivie des
Malades , & des Bleffez , derriere lefquels feront les Vivan-
diers , & le refte de l'Infanterie.
Pendant que l'Infanterie filera dans la Place , la Cava-
lerie battra la Campagne : une partie fera commandée pour
aller aux Villages & lieux circonvoifins , faire apporter des
Vivres , & les choſes dont les Affiegez ont eu plus befoin
durant le Siege.
Aavant que le dernier Gros de l'Infanterie entre la dans
Place , les Ingenieurs doivent avoir eu le foin de faire ruiner
le Camp , en brûlant & détruiſant tous les Forts , Batte-
ries , Tranchées ; & generalement tout ce qui pourroit fer-
vir aux Ennemis , s'ils entreprenoient de venirà leur tour
former un Siege. Les victorieux auront auffi un foin fort
particulier de faire reparer les Bréches , nettoyer les Foffez ,
relever les Dehors , & Parapets ; faifant même provifion de
Vivres , & de monde , s'ils craignoient d'être affiegez au
premierjour.
Fin du Cinquieme Livre.

V 5
LES

TRAVAUX DE MARS,

OU

L'ART DE LA GUERRE.

LIVRE SIXIÈME.

DE LA MILICE DES TURCS.


317
LES

TRAVAUX DE MARS ,

O U

L'ART DE LA GUERRE.

LIVRE SIXIEME.

De la Milice des Turcs.

CHAPITRE PREMIER.

De la Fortification des Places Turques.

Pres avoir parlé amplement de la fortification


qui eft en ufage parinyles Princes Chreftiens ,
des differentes Troupes qu'ils mettent fous les
armes , & de la maniere de faire la Guerre ; j'ay
crû , queles conjonctures prefentes de la Guerre des Turcs
m'autoriferoient à difcourir auffi de leurs Places , de leurs
Troupes & de leur conduite militaire.

De
A UX
318 LES TRAV DE MARS ,

De la Fortification des Places Turques.

Es Turcs quifont fort ignorans dans les belles Lettres ,


Lne font pas plus éclairez dans tous les Arts, & moins dans
celui des Ingenieurs que dans les autres ; auffi ne leur voit- on
fortifier aucune Place dans les Regles de l'Art . Tous les Pof-
tes qui font fortifiez fur la Frontiere de leur Empire ,ne l'ont
été que par les foins des Princes Chrétiens ; & la plû part ne
fontvenues fous la domination Ottomane , que par la mefin-
telligence de leurs Habitans , ou par la foiblefle de leurs Gar-
nifons.
Mais quoique ces Places ayent quelquefois auffi coûté
beaucoup de fangà ces Infidelles ; dés qu'ils les ont , ils fe
contentent d'en reparer les Bréches , & ne fe mettent plus
guere enpeine d'en conferver les Travaux croiant qu'il eſt
inutile de faire de la dépenſe pour l'entretien des Places que
les Chrétiens n'attaqueront jamais à caufe du peu d'union
qu'ily a entr'eux : & par ces raifons l'on voit les plus belles
& les plus fortes Places fe ruiner entre les mains desTurcs ,
faute d'élever quelques pans de murailles , ou de reparer quel-
que revêtiffement qui puiffe empêcher l'éboulement detout
un Baſtion. Et en effet la Place de Theme(war autrefois fi
forte , n'a plus qu'une méchante enceinte de terre en maniere
de Remparts , foûtenus de grandes Claies , fans aucun Flanc
pour la défendre. Et quand même la neceffité les oblige à
fortifierquelque Pofte , toute leur fcience confifte à lenfer-
mer dans l'enceinte la plus étroite qu'ils peuvent , en élevant
une Terraffe ou maniere de Rempart tout autour , felon la
difpofition du terrain qu'ils veulent fortifier , en avançant
des Tours en quelques endroits , pour mieux en flanquer
l'enceinte.
Quant aux Baftions , ces Infidelles n'en conftruiſent
point, fi ce n'eft que quelque Renegat en donne quelquefois
le trait au contraire des Regles : mais comme les Turcs font
ignorans , pourvû que le travail ait de l'elevation , cela fuffit ,
comme on peut remarquer au Plan que voicy , où le Baftion
plat A cft fans aucune défenfe. Des'
OU L'ART DE LA GUERRE,
319

SMAVRE
320 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Foffez& Contrefcarpes des Places Turques.

Uoique les Turcs reconnoiffent par experience , que


les Foffez d'une Ville font de grands obftacles aux Af
Q
fiegeans , neanmoins quand ils font obligez de fortifier quel-
que Pofte , ce qui leur arrive rarement , ils n'obfervent au-
cune mefure dans la largeur , & dans la profondeur de leurs
Foffez , les creufant & les élargiflant fans aucun choix , plus
ou moins,felon qu'ils trouvent les terres plus ou moins faciles
à remuer & à transporter,jufqu'à l'achevement de leur travail.
Ils femettent fort peu en peine fi la Contrefcarpe de leur
Foffe eft coupeé à plomb , ou en talut ; fi ce Foffé eſt défen-
du de la partie du Fort qui le doit flanquer, ou s'il eft en-
filé ou vû de revers de quelque endroit de la Campagne : en
un mot ils ne creufent proprement un Foffé , que pour en
avoir de la terre , fans fonger aux avantages qu'ils pourroient
tirer de fa bonne difpofition . Auffi l'on remarque, que
dans les plus fortes Places de leurs conqueftes à peine y trou-
ve-t'on un Fofté qui ne foit à demi comblé ; ainfi qu'on voit
ajourd'huyles Follez de la ville de Bude , appellée autrement
Óffen, qui étoient autrefois fort estimez pour leur profon-
deur & largeur.
Je donne icy l'afpect de la Ville de Bude & de celle dePeſth,
feparées l'une de l'autre par le Danube. Les fortifications
qu'on yvoit font à l'antique & défectueufes. Elles font les
mêmes que le Sultan Soliman fecond y fit rétablir aprés avoir
ôté Bude à Ifabelle Reyne de Hongrie : mais en même-
temps , par une generofité rare chez les Ottomans , il ceda
cette Ville àJean Vaivode de Tranfilvanie , qui fut couron-
né Roy de Hongrie , & qui la garda jufqu'à fa mort. Soli-
mam revint à Bude en 1542. & s'en rendit Maître abfolu ,
y mettant une forte Garniſon deJanniffaices.
Les premieres Fortifications de cette Place doivent leurs
fondemens au Cardinal George Martinufius , qui avoit été
Moine de l'Ordre du Mont d'Oliver , & depuis Archevê-
que de Strigonie. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 321

321
BUDE.

綠 貝

Tom. III.
X
828 LES TRAVAUX DE MARS ,

DesChemins-couverts , & des Glacis des Places Turques.

N demeurera perfuadé de ce que j'ay avancé dans la


ONpage precedente , que les Turcs ne font pas de grands
Genies dans l'Art de fortifier les Places , & qu'ils ne le
mettent pas beaucoup en peine de la défenſe de leurs Foffez :
ce qui procede du peu de crainte qu'ils ont de l'attaque des
Chrétiens , qui font prefque toujours fur la défenfive , &
qui s'eftiment même fort-heureux , quand ces Infidelles.
les laiffent vivre en repos. En effet on remarque , que les
Turcs negligent tellement tous les travaux qui pourroient
prolonger un Siege , qu'on ne voit plus autour des Places
qu'ils ont autrefois conquifes , aucune marque de Che-
mins-couverts , de Banquettes , Parapets , Redans , Pla-
ces-d'armes & Paliffades , qui compofoient ou afluroient
leurs Contre-ſcarpes , leurs Chemins-couverts & leurs Gla-
cis, le tout étant applani , & converti en pâturage & Jar-
dins : Ce que l'on peut remarquer dans le Plan de Zolnock,
Place fituée dans la haute Hongrie fur la Teyffe.

De


OU L'ART DE LA GUERRE 323

323
ZOLNO CK

Tersse
Riviere

X 2
324 LES TRAVAUX DE MARS ;

Des Dehorsdes Places Turques.

Iles Turcs negligent fi fort le corps de leurs Places , ils en


les
Si confervent encore bien moins les Dehors. Car comme ces
Infidelles n'aiment qu'à combattre & qu'à fe defendre en gros ,
ignorans la plupart du temps l'avantage ou le defaut de la fitua-
tion du Terrain d'une Place , ils ne font confifter la bonté d'un
Pofte , que fur le grand feu de l'Artillerie , dont ils chargent le
fommet de leur Terraffe ; & fur la bravoure de leurs Ianiflaires ,
qui font en effet tres propres pour la défenſe des Places , étant
Ja plupart dés leur bas âge fi bien inftruits à tirer du Moufquet ,
qu'ils ne manquent guere un homme à la diſtance de deux - cens
pas. C'eftpour cesfortes d'avantages que les Turcs ne s'appli-
quent point à fortifier les avenues de leurs Places , & même
l'on remarque, que dans les plus fortes qu'ils ont prifes , & où
il y avoit de tres- beaux Dehors , ils les ont laiffé détruire par
l'injure du temps , ou bien eux mêmes en ont comblé les Foffez ,
pour en vendre le Terrain à des particuliers, & faire de l'argent
comptant, fans s'inquieter de ce qu'il pourra arriver dans la fui-
te des temps.
Ce n'eft pas qu'ils ignorent l'ufage des Dehors , & qu'aux dé-
pens de leur fang ils n'ayent fouvent remarqué qu'ils font d'une
grande utilité pour défendre les approches d'une Place. Mais ,
commej'ay déja dit , ils font tellement prévenus de la jalou-
fie qu'il y a entre les Princes Chrétiens , qu'ils jugent ces pre-
cautions peu neceffaires , & foûtiennent qu'il eft inutile de con-
ferver cesTravaux avancez,puis qu'ils ne ferontjamais attaquez.
Et fuppofant qu'on fift une irruption chez eux , ils ne manque-
ront pas de Renegats qui leur en traceront à fouhait , comme
depuis peu ils en ont trouvé , qui leur ont tracé à Newhaufel
deux manieres de Ravelins ou Demi-lunes marquées dans fon
Plan des lettres A , & B.
Newhaufel eft un Fortereffe à fix Baftions ; fituée dans une
plaine proche la riviere de Noytra , à l'Orient de la ville de
Presbourg, au deffus de celle de Comorre , & à une journée
ou environ de la Ville de Strigonie , en tirant vers le Septen-
trion. Les Maifons de cette Place font feulement faites de bois
& de terreblanchie par le dehors avec de la Chaux.
Les Turcs l'ont affiegée pour la premiere fois en 1621. & y
font revenus pour la feconde fois en 1663. qu'ils l'ont prife.
Depuis ce temps - là ils l'ont confervée.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE 2

B:

ra
yt
NEWHAUSEL Ne

Xz
316 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Chateaux & Citadelles des Places Turques.

EsTurcs rendusfçavans par les experiences des Sieges


L & des Conquêtes qu'il ont faites fur les Chrétiens
croyent que les Montagnes font les mielleurs Poftes qu'on
puifle choifir pour fe fortifier , deforte qu'ils preferent les
Chafteaux , fituez fur des Hauteurs , à ceux qui font dans
les Plaines. Ils fe fondent fur leur maniere ordinaire d'at-
taquer les Places qui eft de pouffer à force de Guafta-
dours ou Pionniers des Montagnes de terre vers les Places
qu'ils affiegent , tant pour le couvrir du feu des Affiegez ,
que pour combler les Foflez , élever des Batteries qui com-
mandent au corps de la Place. Ainfi quand ils font for-
tifiez fur une Montagne , ils craignent fort peu que l'Af
fiegeant puifle pouffer affez de terres pour égaler la hauteur
du Fort qu'ils poffedent.
Ce font- là les Citadelles qu'ils affectent , pour retenir une
Place & mêine toute une Province dans leur obeïffance
à caufe qu'il eft difficile de les y forcer , pour peu qu'ils
foient en nombre , & qu'ils ayent de l'eau , du Ris , & du
Togatch, qui eft une espece de bifcuit ou de galette , faite
debled noir,, & cuite entre deux tuilles fur des charbons.
La fobrieté naturelle des Turcs dans ces fortes de Poftes
les y rend invincibles , à la confufion des troupes Chrétien-
nes , qui n'étant pas capables d'une longue abftinence , ne
peuvent long-temps refifter au Blocus qu'on mer ordinaire-
ment devant les Places , quand on les veut reduire. De tous
les Poftes femblables que les Turcs confervent avec foin , je
me contenteray de reprefenter icy le Chafteau de Soppoto en
Albanie.

De
OU L'ART DE LA GUERRE 327

327
SOPPOTO.1

GOLFE

X 4
328 LES TRAVAUX DE MARS ,

Dela Ville duChafteau de Strigone ou Strigonie ,


vulgairement appellée Gran.

Ette Ville eft fituée dans la Baffe-Hongrie , & porte


Couvent le nom de Gran , du nom d'une petite Ri-

viere, qui afa fource aux Montages de Crapach dans la hau-


te-Hongrie ; & qui vient mêler les eaux dans celles du Danu-
be , que les Hongrois nomment Thonaw , au deffous du petit
village de Baracan , fitué fur la rive Orientale du Danube
vis- à- vis cette ville de Strigonie , qui étoit autrefois le Siege
d'un Archevêque Primat du Royaume de Hongrie.
La fituation de cette Place eft fur une colline , dont la pen-
te vient infenfiblement fe rendre fur le bord du Danube :
Elle eft commandée d'une haute Montagne fur laquelle eſt
le Chafteau,qui étoit autrefois fort eftimé,tant par la difficul-
té de fon accés , que par la bonté de fon enceinte & la for-
ce fes Tours : Mais depuis que les Turcs fe font rendus
maîtres de cette Place , ils ont , felon leur coûtume , laiffé
ruïner la plupart de fes Traveux . L'on regarde aujourd'huy
ce Chafteau avec autant de pitié , qu'il donnoit autrefois de
terreur & d'admiration.
Soliman , fecond du nom , Empereur des Turcs , la foûl-
mit en 1543. Rodolphe ſecond la reprit fur les Turcs , & ces
Infidelles l'avoient encore une fois reduite fous leur obeïf-
fance. Mais en l'année 1683. le Roy de Pologne l'a repriſe
fur eux aprés qu'ils eurent levé le Siege de Vienne.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 329

329

GRAN.

Danube R

AMB
A
AMMA

Baracan

X {
330 LES TRAVAUX DE MARS,

De la Place de Comorre.

Vant que de finir ce Chapitre , je prefenteray dans les pages


Avant quede
fuivantes lespince
Plans de Comorre & de Javarin , qui font
fans difficulté les deux plus fortes Places que les Chrêtiens pof-
fedent maintenant dans le refte des Terres qu'ils ont en Hon-
grie du côtédes Turcs , & qui nous fervent de Rempart con-
tre ces Infidelles .
Comorre eft fituée à l'extremité de l'Ile de Schut du coftté
qui regarde le Sud-Est , à l'endroit où les eaux des bras du Da-
nube fe joignent en un feul lit , pour couler enfemble vers la vil-
le de Gran , qui n'en eft éloignée que de huit lieuës.
La Place de Comorre doit fes premieres Fortifications à Fer-
dinand , frere de l'Empereur Charles V. qui y fit travailler en
l'année 1550. La Figure de la Place eft fort irreguliere , & ne
tient duTriangle ny du Quarré, comme l'on le peut remarquer
dans le Plan Ichnographique qui eft au haut de cette Planche , où
j'ay auffi reprefenté les Fortifications des Forts de S. Philippe
& de S. Pierre, dont le premier eft marqué de la lettre A , & le
fecond de la lettre B. Ils ferviront à couvrir les deux Ponts de
Batteaux qui communiqueront dans l'Ifle.
Quoique cette Place foit petite , elle eft neanmoins égale-
ment eftimée des Chreftiens & des Turcs , à caufe que fans la
priſe de Raab ce Pofte ne peut être affiegé à moins de trois ar-
mées ; une pour l'attaquer dans l'Ifle même , tandis que les deux
autres camperont fur les bords du Danube pour empefcher les
fecours. La difficulté de faire fubfifter en même temps ces trois
armées , eft caufe que les Turcs n'ont ofé attaquer ce Poſte dans
les dernieres revolutions de la Hongrie.
Par un Traité fait avec les Hongrois , l'Empereur y tient
une Garniſon Allemande,qu'il eftime luy être plus fidelle que les
Hongrois , qui aiment naturellement leur liberté , & qui ne
peuvent demeurer long temps en garniſon.
Le Plan Orthographique de Comorre qui eft au bas de la Plan-
che , reprefente outre fes Fortifications , l'Eglife , la maifon
du Gouverneur, & les Cazernes, où logent la Garnifon & quel-
ques Vivandiers & Marchands.

De
OU L'ART DE LA GUERRE. 331

331
COMORRE.
A

ANAMAN ...

re
Nouueau Comor
Dessein

.......

22
22
2

COMORRE

www

Danube R
332 LES TRAVAUX DE MARS ;

De laVille deJavarin on Raab.)

Ette Ville , que ceux du Pais nomment Gyor , eft fi-


C tuée dans une plaine fur le rivage Meridional du
Danube.
Les deux petites Rivieres de Raab entrent dans le Fol-
fé de la Place du côté de l'Occident. Cette Ville eft éloi-
gnée de celle de Comorre de cinq lieuës.
La Figure de Raab eſt une maniere de Quarré- long , for-
tifié de fept Baſtions à Cazemates , dont ily en adeux mar,
quez des lettres A , & B , à qui on donne le nom de Baf-
tions plats.
Les trois Baſtions C , D , E , ont chacun un grand Ca-
valier élevé devant leur Demi-gorge, à l'endroit où le Rem-
part forme l'angle du Poligone.
Sur le Rempart & dans la Demi-gorge du Baftion mar-
qué F , eft la Maifon ou Hoftel du Gouverneur.
Les Foffez de cette Place font fort larges, & remplis des
eaux courantes des Rivieres de Raab , qui fe vont mêler à
celles du Danube ; ce qui rend la Place tres-forte . Sa Con-
trefcarpe eft fortifiée du côté de l'Orient d'un Baſtion dé-
taché , & d'une Demi-lune : Du côté du Midy elle a un
Ravelin & un Baftion détaché , ce dernier couvrant le Pont
qui conduit à la Ville : Et à fon Occident du côté d'un
Fauxbourg que les Hongrois nomment Vorstadt , eft une
efpece de Contrefcarpe pour couvrir le pont qui commu-
nique de ce Fauxbourg avec la Ville.
Sinan Bafla fe rendit maître de cette Place en 1594. &
trois années aprés , les Chreftiens la furprirent à la faveur
du Petard , par l'adrefle du Sieur de l'aubecourt , Gentilhom-
me François , dont les Allemans par jaloufie ont fupprimé le
nom dans leurs Ecrits. Depuis ce temps-là elle eft toûjours
demeurée aux Chreftiens , qui ont propofé de la fortifier
fur le Deffein qu'on peut remarquer au Plan Ichnographique
qui eft au haut de cette Planche.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 333

333

Namint 1991 ....

Nouueau Am ...
You Defein
Lau arin oude
Raab.

Danube. R.
Baab.2.

LAVARIN
OV

RAAB .

E
B
VILLE
ON
LY 4
38
(18
OU L'ART DE LA GUERRE. 335

CHAPITRE II.

De l'Infanterie Turqué.

Es Turcs ont naturellement repugnance à combattre


à pied, & ne font état de l'Infanterie , que parce
L
que qu'il leur en faut neceffairement pour les Tra-
vaux des Sieges & pour la garde de quelque Pofte impor-
tant. Mais pour n'être pas obligez à entretenir des Garni-
fons nombreuſes auffi-tôt qu'ils fe font rendus Maîtres
d'une Place , fi elle n'eft pas la plus forte du Pays , ils en
ruinent toutes les Fortifications , la laiffant ouverte de tou-
tes parts .
Comme les Turcs combattent plus pour l'avidité du gain
que pour l'honneur , & qu'ils n'eftiment les emplois que
felon qu'ils en tirent plus d'argent comptant , cela fait que
les Soldats d'un même Corps & d'un même rang ont une
paye differente : leur folde , qui confifte en Afpres , eft
proportionnée à leur bravoure , les uns en ayans plus & les
autres moins .
L'Afpre eft la premiere espece de monnoye d'argent, dont
les Turcs fe fervent pour faire leurs comptes ; elle vaut en-
viron huit deniers ou quatre de nos Doubles.

Des
X
336 LES TRAVAU DE MARS ,

Des Agiamoglans.

LEs Turcs appellent Agiameglans , ceux qu'ils deftinent à por-


ter les Armes dans l'Infanterie , pour être Janiflaires ; &
foit qu'ils foient prifonniers Chrétiens , ou de race Turque , il
faut qu'ils faffent une maniere d'apprentiflage , plus ou moins
long, felon que ces Infidelles ont plus ou moins befoin d'In-
fanterie. Ces Agiamoglans n'ont point de demeure fixe ; on
les envoye indifferemment dans les Serails de Burfe , d'Andri-
nople , ou de Pera ; & les mieux faits font envoyez dans les Jar-
dins du Grand Seigneur à Conftantinople , où ils font obligez
de travailler à tout ce qui peut endurcir un homme à la fatigue ,
jufqu'à défricher & cultiver les terres , porter du bois , faire la
cuifine ; enfin à tout ce qui peut rendre une perfonne foumiſe &
obeïflante . Ils ont un Chef que l'on nomme Stambol- Agafi ,
qui a un foin tout particulier de leur éducation & de leur con-
duite ; c'eft luy qui tient un Regiftre de leurs noms, de leur âge ,
du lieu où il les envoye , & des fonctions où il les deftine ; de
forte que quand ces Infidelles ont befoin de Janiffaires , ils en
avertiffentle Stambol Agafi , qui auffi- toft en fait venir de tous
les lieux où il les a départis.
Quand ces Agiamoglans arrivent à Conftantinople , on les
loge dans quelque Oda ou chambre des Janiffaires ; & pour les
recevoir Janiffaires , le Stambol- Agafi les fait tous paffer de-
vant le Commiffaire : les plus anciens marchent les premiers ;
& à mesure que le Stambol- Agafi les nomme , le Commiffaire
les enrôle dans les Regiftres du Grand Seigneur ; & de cette
maniere , ilsfont incorpotez dans le Corps des Janiffaires. En-
fuite , pour fçavoir où fera leur Appartement , ils vont tous en
file , tenans la vefte de leur camarade , falüer l'Oda-Bachi , ou
Maitre de leurs chambres , qui leur donne à chacun un coup
derriere l'oreille à mesure qu'ils paflent devant luy , & cela
pour faire connoître qu'ils lay font foûmis.
La paye de ces Agiamoglans ou nouveaux Janiffaires eft fort
mediocre dans les commencemens , n'étant d'abord que de deux
Afpres par jour , ou de trois ou quatre , quand on remarque en
eux quelque chofe de martial , qui donne une bonne efperance.
Quand il font enrôlez , ils portent le même Doliman que les
anciens Janiffaires , dont nous allonsparler dans la page fuivante.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 337

337.

ང་

AGIAMO GLANS .

Tom . III.
338 LES TRAVAUX DE MARS ;

DesJanifaires.

EsJaniflaires que les Turcs nomment Jegni- Zeri, étoient


autrefois des enfans Chreftiens que la pauvreté de
leurs peres obligeoit d'abandonner à ces Infidelles , pour
valeur du Carach , ou tribut que le Grand Seigneur exige
de tous les Chreftiens qui veulent avoir liberté de conf
cience dans fes Etats ; oubien on y recevoit ceux qui étoient
faits prifonniers fur les Chreftiens : mais la Coûtume des
enfans de tribut eft abolie , & le Grand Seigneur ne l'exige
plus que dans la Mingrelie & dans quelques autres lieux vers
la Mer Noire , qui ne peuvent payer le Carach en argent.
Le nombre des Janiffaires n'eftpas determiné : ily en a
plus ou moins , felon que leurs troupes fouffrent de diffe-
rentes déroutes : on avoit autrefois fixé leur nombre à tren-
te-trois mille; mais maintenant on en compteroit bien cent
mille , fi l'on vouloit mettre en ligne de compte tous ceux
qui achetent cette qualité en deniers comptans qu'ils payent
aux Kiaia & Serdars , ou à l'Aga desJaniffaires , à deffein
feulement de le faire craindre , ou de ne plus payer de tribut,
ou pour d'autres interefts particuliers. La paye desJaniffai-
res par jour eft de deux jufqu'à douze Afpres , fans comp-
ter le Doliman , ou la Robe deDrap de Theffalonique , dont
le Grand Seigneur leur fait preſent toutes les années , au
premier jour de leur Ramazan ou Carême. A meſure
qu'un Janiflaire rend quelque fervice particulier , ou qu'il
fe fait diftinguer , le Grand Seigneur lui augmente fa folde
de quelques Afpres ; outre l'affurance qu'il a que fa paye
luy fera continuée quand il deviendroit invalide , parce qu'il
fera fait Otourac & Afarela ou Morte-paye.
LesJaniffaires étant à Conftantinople font obligez d'aller
loger dans leurs Odas ou chambrées ; ( çar tous lesJaniflaires
ont dans Conftantinople cent foixante chambrées où ils
doivent fe retirer , fur peine d'être chaftiez rigoureufement. )
Ces chambrées font quelquefois de deux ou trois cens Ja-
niffaires
OU L'ART DE LA GUERRE.
339

339

TANISSAIRES
340 LES TRAVAUX DE MARS ,
niflaires, plus ou moins felon la guerre ou la paix; & ils font obli-.
gez defe retirer à certaine heure , aprés laquelle l'Oda-Bachi ou
Maitre de la chambrée , ou en fon abfence le Ashgi ou Cuifinier
de la chambrée , marque ceux qui y manquent , pour les faire
châtier feverement , fi leur abfence a été fans congé ; ou pour les
reprimander feulement, fi ç'a été par quelque neceffité indiſpen-
fable
Chaque Janiffaire eft obligé de donner au Trefor de fa cham-
brée ou au Trefor general des Janiffaires , en temps de paix , un
& demi pour cent de tout l'argent qu'il reçoit de fa paye ; & en
temps de guerre fept pour cent. Mais moyennant cela , la cham-
bre eft tenue de luy donner une place de trois pieds de largeur
fur fix de longueur pour étendre fon Matelas , & de luy fournir à
dîner & à fouperun plat de ris , avec un morceau de mouton, du
pain & de l'eau , ( car on fçait que les Mahometans , par un
principe de Religion ne boivent point de vin; ) deforte qu'un Ja-
niffaire peut aifément épargner la plus grande partie de fa paye.
L'habillement des Janiffaires eft un Doliman ou une longue
robe avec des manches courtes : elle cft liée par le milieu du
corps d'un Couffac , ou ceinture de toile rayée de plufieurs cou-
leurs , avec une frange d'or ou d'argent aux extremitez . Pardes-
fus leur Doliman , ils portent un Spahi ou furvefte de drap bleu ,
à la negligence , ou en maniere de nos fourtouts. Au lieu de
Turban ils ont en tête un Zarcola ou façon de bonnet de feutre ,
avec un long chaperon de même étoffe qui leur pend parderriere
fur les épaules ; dans les jours de parade ils enrichiffent leur
Zarcola de plufieurs longues plumes , qui tiennent dans un petit
tuyau qui eft attaché fur le devant de leur bonnet , comme on
le peut remarquer à la Figure A de la Planche precedente.
Les Janiflaires ne portent d'ordinaire dans Conftantinople
qu'un longbâton ou canne d'Inde à la main , comme reprefente
la Figure B: mais leurs Armes ordinaires pour la guerre en
Europe , font le Sabre, & le Fufil ou le Moufquer. Ils portent
auffi un fourniment ( où eft leur poudre ) qui leur pend du côté
gauche par lemoyen d'une couroye en écharpe , & ils entortil
lent leur bras droit de méche en maniere de bracelets, ainsi que le
marque la Figure A : ou bien fans tant affecter de façon , ils
marchent vêtus comme eft la Figure marquée . C. ·
Dans l'Afie , les Janiflaires fe fervent ordinairement de l'Arc
& des Fléches, à caufe de la difette des poudres, qui y font rares;
mais ils font toujours munis d'un Haniare, ou maniere de poi-
gnard où coûteau , dont ils menacent à tout moment ceux dont
ils exigent quelque chofe. Les Arcs & les Fléches font fournies
aux
OU L'ART DE LA GUERRE. 341
auxJaniffaires pardes Alkitef- terdars,ou fous- Treforiers generaux.
Les Janiffaires ne fe marient que rarement, & même fort tard,
à caufe que l'on eft perfuadé en Turquie , auffi bien qu'ailleurs ,
qu'un homme qui eft marié n'eft plus fi determiné que celuy qui
n'a foin que de fa perfonne : toutefois on ne les empêche point
de fe marier; & même , quand c'eft par l'aveu de leurs Offi-
ciers , ils font exempts de coucher dans leurs chambres ; mais
tous les Vendredis ils font obligez de venir faire parade à leur
chambrée , & de fe faire voir à leur Wekilbarg ou Treforier de
la chambre , s'ils ne veulent perdre leur paye. Quand il leur
naift quelque enfant, le Grand Seigueur leur augmente leur
folde de quelques Afpres par jour.
Le corps des Janiffaires n'eft plus fi confiderable qu'autrefois :
ils s'étoient rendus fi formidables qu'ils ont bien ofé fe mêler du
gouvernement de l'Empire. Ils eurent la hardiffe en 1648. de
depofer le Sultan Ibrahim, & de l'étrangler dans le Château des
fept Tours; mais depuis ce temps - là lesgrands Vizirs, pour con-
ferver l'autorité de leurs Souverains , ou la leur même , fe font
étudiez à abbaiffer l'orgueil des Janiffaires , & on a fait perir
exprés lesplus braves dans le Siege de Candie permettant aux
autres de fe marier ou d'exercer des métiers , contre l'ancienne
Coûtume & Difcipline des Janiffaires , ce qui a beaucoup af-
foibli leur Corps ; car leur place n'eftant remplie que de Gens
fans experience & accoûtumez à l'oifiveté , ils ne fçaventpar
où fe prendre pour foutenir la fierté de leurs devanciers.
Comme la plupart des Janiffaires font enfans de Chrétiens ,
pris en guerre , ou de libertins Turcs , c'eft pourquoi ils igno-
rent la plupart qui font leurs parens ,auffi c'eſt leur chambrée qui
herite de leurs dépouilles : ceux même qui font Turcs , par un
mouvement de pieté , laiffent toûjours en mourant quelque cho-
fe à leuroda ; ce qui fait que ces chambres font extrémement ri-
ches , mettant tout en intereft à raifon de vingt-cinq pour cent.
Outre celale Grand Seigneur fait donner à ces chambrées, à bon
marché , toutes les chofes neceffaires à la vie , auffi bien pen-
dant la guerre qu'en temps de paix ; & c'eft pour cela qu'elles
nourriffent les Janiffaires à fibon marché.
Du Fanifar-Agafi .
1 LEs Turcs donnent le nom de Fanifar- Agafi à celui qui a le
commandement general fur tout le Corps des Janifaires :
cette Charge répond à peu prés à celle de nôtre Colonel general
de l'Infanterie , quand elle étoit en pied fous les ordres de feu
Monfieur le Duc d'Efpernon . Cer Aga eft le premier de tous
les Agas ou Officiers d'Infanterie de l'Empire Ottoman : fon
Y 3 nom
342 LES TRAVAUX DE MARS ,
nom vient du mot Turc Aga , qui fignifie un bâton ; & même
dans les jours de ceremonie il en porte un en main , pour mar
que de fon autorité ; & les Janiffaires en portent auffi un dans
les grandes Villes pour marque de leur rang de fervice.
Ce General étoit autrefois tiré d'entre les Janiffaires ; mais
depuis que le Grand Seigneur a remarqué qu'il s'y faifoit des
brigues , & que fon élection étoit fuivie de jaloufie & de haine ,
qui la rendoit quelquefois méprifable à fes Officiers , il le choi-
fit prefentement entre les Ichoglans de fon Serail.
Cet Aga a de paye par jour 16. cens Afpres , ou 20 écus, & 7.
à 10. mille écus par an pris fur des Timars qui font affectez à la
Charge ; il a auffi prefque tous les jours des prefens du Sultan ;
principalement quand fes Janiffaires ont bien fait leur devoir
dans quelque occafion confiderable ; mais quand il eſt aſſez heu-
reux pour plaire à fon Prince, c'eſt à qui lui fera des preſens pour
parvenirpar fon moyen aux emplois : car en Turquie on ne don-
ne point les Charges au merite , mais à celuy qui en donne plus
deBourfes, (qui eft leur maniere de compter les grandes fommes)
chaque Bourfe étant d'environ cinq- cens écus,
Ce Commandant ne marche guere dans Conftantinople ,
qu'il nefoitfuivi d'un grand nombre de Janiffaires , principale-
ment quand il eft arrivé quelque fâcheufe revolution à l'Empire;
car c'eft dans ces momens que lesJaniffaires prennent leur temps
pour demander leur paye,ou pour en avoir augmentation,mena-
çans de piller la Ville ,ce qu'ils ont fait en plufieurs rencontres.
Cet Aga pour refifter à ces foulévemens & pour faire mieux
executer fes Ordres , fe fait ( dans ces occurences ) accom-
pagner de 30. ou 40. Mungis ou Prevofts des Janiffaires ,
avec 5. ou 6. cens de cette Milice, pour fe faifir des malfaicteurs
& les faire conduire dans fes prifons : car il a tout pouvoir fur la
vie des Janiffaires , qu'il ne fait neanmoins mourir que de nuit ,
de peur de quelque foulévement par la compaffion de leurs cama-
rades : la Falacque ou baftonnade fur la plante des pieds eft pour
les moindres crimes. Mais quand leurs crimes meritent la mort
il les fait étrangler , ou coudre dans un fac & jetter dans quelque
Lacou Riviere.
Quand le Janifar-Agafi meurt , foit de mort naturelle ou
violente , tous fes biens vont au profit du Trefor commun des
Janiflaires , fans que le Grand Seigneur en touche un Afpre.
Dans cette année 1684. le Grand Seigneur a élevé le Janifar-
Agafi à la Charge de Generaliffime de ſes troupes en Europe.

JJ Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 343

343

TANISSARAGASI .

.....!
344 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Solaks on Archers de la Garde du Grand Seigneur.

Es Archers qui
Es qui n'ont pour Armes que le Sabre , l'Arc &
les Fléches , font toûjours choifis d'entre les plus adroits
Arbilêtiers des Janiffaires : ilsfont tous d'une taille avantageu-
fe , & d'une phyfionomie agreable.
Leur nombre eft d'ordinaire de quatre cens ; & leur princi-
pale fonction eft d'être toûjours auprés de la Perfonne du Grand
Seigneur , quand il marche en campagne ; & afin qu'il y en ait
toûjours de garde auprés de la Perfonne du Sultan , ils fe parta-
gent par bandes , afin qu'il s'en rencontre à tous les relais , les
uns fe rangeans à la droite & les autres à la gauche du Prince.
Ceuxqui fe poſtent à la droite de l'Empereur , doivent être na-
turellement gauchers , ou doivent avoir acquis cette habitude
de longe main , afin que quand l'occafion fe rencontre de déco-
cherune Fléche , ils n'étonnent point le cheval du Sultan , ou
ne luy tournent point le dos , qui eft entre ces Infidelles une
tres-grande incivilité.
Ils ont auffi lefoin dans les Marches de ne laiffer approcher
qui que ce foit de la Perfonne du Sultan , fans l'ordre de leur
Solak- Baffi ou Capitaine ( qui dépend du Janifar-Agafi ) toute-
fois a l'exception du grand Vizir , qui fans leur permiflion , peut
venir à toute heure falüer le Sultan , pour lui communiquer les
affaires.
Quand dans la marche des troupes le Grand Seigneur eft obli-
gé de paffer quelques Rivieres , où il n'y a point de Pont , c'eft
aux Solaks à chercher les meilleurs Guez , & à paffer auprés du
cheval du Sultan : & pour cela ce Prince leur donne à chacun la
valeur d'un écu , s'ils ont eu de l'eau jufques aux genoux ; fi l'eau
a monté jufqu'à la ceinture , ils en ont deux , & fi elle a été aux
mammelles ils en reçoivent trois , mais cela une fois feulement
pour une campagne. Quand les Rivieres font fort groffes , ils
montent à cheval , & quelque hazardqu'il y ait, ils n'abandon-
nentjamais laPerfonne du Sultan.
Leur paye eft de douze ou quinze Afprès par jour ; ils font
habillez 2. fois l'année d'un Spahi ou fur- tout de Damas de fa-
tin blanc , qui leur tombe par derriere juſques à mi-jambe , dont
ils retrouffent les bouts à leur cienture : ils portent en tête un
Boure ou haut bonnet , broché d'or tout autour, avec un tuyau
d'argent doré , ou d'autre métail enrichi de quelque pierre pre-
tieufe ; ils font fortir de ce tuyau les plus beaux plumages d'ai-
grette qu'ils puiffent avoir ce qui leur donne un bon air.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 349

345

SOLAKS

Y 5
V AUX
346 LES TRA DE MARS ,
Des Ichoglans.
LEs Turcs, parune politique toute particuliere, affectent de ne
fe fervirque d'Efclaves Chrétiens preferablement à des fer-
viteurs Turcs: fondez fur ce qu'aprés que ces mal heureux Efcla-
ves auront perdu le fouvenir de leur Patrie , & l'amitié de leurs
parens,ils n'auront plus d'autre but que les interefts de leur Maî-
tre; ce qui ne fe peut trouver que trés rarement dans un Valet
libre,qui d'ordinaire n'embraffe les interefts de fon Maître qu'en
tant qu'il y trouve mieux fon compte. C'eft auffi dans cette
veue , que le Grand Seigneur , pour fe faire des Creatures qui
lui foient entierement dévouées, a établi les Ichoglans , qu'il éle-
ve aux plus grandes Charges de l'Empire , felon qu'illes voit
affectionnez à fon fervice ; car on en a vû monter jufqu'a celle de
Spahiler- Agafi ou General de la Cavalerie , qui aprés celle de
grand Vizir , de Mufti & de Boftangi , eft la plus confiderable
chez les Ottomans. Qn éleve les Ichoglans avec un grand foin
dans les Serails de Pera , d'Andrinople , ou dans le grand Serail
de Conftantinople ; & ils ont dans ces trois Palais , des Odas ;
où felon leurs differens genies , il fe trouve des Maîtres qui les
enfeignent , les uns dans les Langues Turque, Arabe , Perfien-
ne , &c. les autres dans les fubtilitez de l'Alcoran ; ceux- cy au
maniment des Armes à feu, ceux- là à lancer le Gerit ou Dard; &
d'autres à tirer & bander un Arc preftement , monter un che-
val à poil , en un mor, à tout ce qui peut perfectionner un jeune
homme. Ils ont d'ordinaire pour Chefun vieil Officier du Serail,
que l'on nommme Capa Aga , qui leur fait faire leur exercices ,
avec une ſeverité prefque incroyable ; leur impofant de rudes
châtimens pour les moindres fautes , foit en leur faifant donner
la Falacque , ou en les faifant jeûner au pain & à l'eau , ou bien
en les fatiguant par des emplois abjects ; car les Turcs tiennent
pour maxime , qu'il eft impoffible qu'un Officier puiffe bien
commander , s'il n'a pas d'abord appris à obeïr.
L'habit des Ichoglans eft fimple , & fait d'un drap qui n'eft ny
tropgros ny trop fin , que les Anglois apportent à Conftantino-
ple. Quand les Ichoglans font quelque exercice violent , ils re-
• trouffent & attachent leur Doliman à leur ceinture , laiffant
voir leur Caleçon, qui eft d'une maniere de treillis , ou de quel-
que peau paffée en chamois.
Ils font élevez fort fobrement , leur nourriture n'étant pref-
que que de ris.
Ils ne parviennent aux charges qu'à l'âge de quarante ans, à
moins que le Grand Seigneur par une grace toute particuliere
n'en difpenfe celuy à qui il veut donner de l'employ. Des
OU LART DE LA GUERRE 347

347

ICHO GLANS
348 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Acanzi , Azapes , & Guaftadours.

Dus les noms d'Acanzi & d'Azapes les Turcs compren-


Sous
nent prefque tous les Fantaffins Turcs qui fervent vo-
lontairement dans les Armées du Grand Seigneur ; avec
cette difference que les Acanzi , quoy qu'ils n'ayent point
de paye fixe non plus que les Azapes , font neanmoins obli-
gez d'aller à la guerre, à caule de certaines exemptions & pri-
vileges qu'ils ont dans le lieu de leur reſidence.
Pour les Azapes ils n'ont ny paye ny privilege dans les Ar-
mées , & n'y ſubſiſtent que de ce qu'ils peuvent gagner à la
petite guerre , étans au defaut de petits Tartares , les avant-
coureurs ou enfans perdus des Turcs.
Les Officiers des Janillaires qui n'en font pas grand état,
les expofent au premier feu des ennemis , & s'en fervent à re-
muer les terres dans les travaux d'un Siege , entaffans , lors
qu'ils font tuez , leurs cadavres comme des fafcines , pour fe
couvrir dans les tranchées , & s'en fervans comme de plan-
ches pour franchir un Follé.
Quand les Janiflaires ſe font rendus maîtres de quelque
Villes où ily a un fort Château , ils fe refervent d'ordinaire la
défenſe du Château , & confient celle de la Ville aux Azapes,
qui dans ces conjonctures ont cinq ou fix Afpres de paye.
L'habillement des Azapes eft fort court & leger, confiftant ,
pardeffus leur chemife & caleçon , en un Doliman & Spahi ou
Juft-au- corps fort court : ils portent en tête un petit Barentin ou
bonnet de feutre , ou de quelqu'autre étoffe approchante , ca-
pable de refifter aux injures du temps.
Leurs armes font un Sabre fort court , un Arc , & des fléches
enfermées dans un Carquois penché fur un de leurs côtez. On
met ordinairement quarante ou cinquante Fléches dans un
Carquois ; les bonnes Fléches font de bois de Fraîne , & on en
a deux pour trois Afpres.
Les Guaftadours font des Pionniers ordonnez pour le remuë-
ment des terres , tant pour la défenfe du Camp , que pour la
conduite des Travaux d'un Siege ; les Turcs emploient d'ordi-
naire pour Gaftadours des Armeniens ou des Grecs , qu'ils font
aller autravail à grands coups de Sabre ou de nerfde boeuf.
CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 349

349

ACANZ
LA
ON
LY
OU L'ART DE LA GUERRE . 351

CHAPITRE II I.

De la Cavalerie Turque.

Vant que d'entrer dans le détail de ce Chapitre , il


eft neceffaire de remarquer que les Turcs appellent
A Timars & Ziamets , des fonds de terre deftinez
pour l'entretien de certaines Chapelles , Maladeries , Pa-
lais , Villages &c. dont les Sultans fe font emparez fur le
Clergé & la Nobleffe Chreftienne dans les Pays qu'ils ont
conquis. C'eft par le moyen de ces Timars & Ziamets ,
que le Grand Seigneur entretient la plus grande partie de fa
Cavalerie.
Les Timars font de differente valeur , mais les plus riches
n'excedent pas vingt mille Afpres de rente , ce qui revient
à feize ou dixfept cens livres de revenu ; & les Ziamets ont
pour le moins une femblable rente. Ceux qui font pourvûs
des Timars fe nomment Timariots , & ceux qui ont des
Ziamets s'appellent Zaims.

Des
352 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Spahis.
Es Turcs donnent ce nom à un Corps de Cavalerie qui eft
d'ordinaire compofé d'Ichoglans , de Chreftiens qui fe
font faits Turcs , ou de Turcs effectifs.
Ces Spahis , qui font environ au nombre de douze ou quinze
mille en Europe , font partagez en deux troupes , dont la pre-
miere , qu'il nomment Silhatari , porte un Etendard jaune'; &
la feconde qu'ils appellent Spahaoglari , a un Etendard rouge.
Leurs Armes font un Sabre , & une Lance , qu'ils appellent
Mifrack. Ils fe fervent auffi du Gerit ou Dard long de quatre à .
pieds , & ferré par un de fes bouts , qu'ils dardent avec beau-
coup d'adrefle , & s'ils manquent leur coup , ils ramaffent leur
Dard fansfortir de la felle , quoique leur cheval coure à toute
bride.Il y en a auffi qui portentune épée attachée à côté de la fel-
le de leurs chevaux : d'autres portent des Arccs & des Fléches ,
& quelques- uns des Piftolets & des Carabines. Quand le Grand
Siegneur va enperfonne à la guerre , il fait d'ordinaire un pre-
fent de y. mille Afpres à chaque Spahis , & ils appellentcette
liberalité Sadack · Ackchiafi , ou don pour acheter des Arcs &
des Flêches.
Lorfque ces Spahis marchent en campagne , ils fuivent leur
Erendard , mais fans obferver aucun ordre , marchant confufé-
mentpar petits Corps,tantôt à la tête,ou à la queue de la troupe.
La paye des Spahis eft differente , mais en general elle va de-
puis douze Afpres jufques à cent par jour ; & cette paye aug-
mente affez fouvent de deux Afpres auffi parjour , principale-
ment quand un Spahis rend quelque fervice extraordinaire à
l'Etat , ou pour autant de têtes qu'il apporte des ennemis , ou
pour les avis qu'il donne de la mort d'un Spahis , le Grand Sei-
gneur faifant cette grace fur la paye du défunt , pour n'être point
trompé en continuant de payer les appointemens d'un homme
mort.
Outre les deux troupes de Spahis dont je viens de parler , ily
an a encore 4. autres , qui ne fe levent que dans les urgentes ne-
ceffitez de l'Etat la premiere qu'ils appellent Sag- Ulefigi , por-
te un Etendard rouge & blanc ; la feconde qu'ils nomment Sol-
Ulefigi , a un Etendrad blanc & jaune; la troifiême , à qui ils
donnent le nom de Sag-Gureba , a fon Etendard verd ; & la qua-,
triême , qu'ils nominent Sol- Gureba , ale fien blanc : Toutes
ces fortes de Spahis ont leur paye depuis 12. Afpres jufqu'à vingt
par jour , mais ils font obligez à toutes fortes de fervices.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE . 353

353

SPANIS


354 LES TRAVAUX DE MARS,

Des Spahis de Timars on Timariots.

LESTimariots font des Cavaliers qui font obligez de fervir à


leurs dépens auffi - tôt que les Beiglerbeys ou Gouverneurs de
Province leur en font faire le commandement au nom du Sul-
tan , à caufe des fonds de terre dont ils jouiffent , dont le revenu
eft affecté à ce ſervice.
Ily a deux fortes de Timariots , les uns que l'on appelle Tez-
kerebirs , & les autres Tezkeretis .
Les Tezkerebirs reçoivent les provifions de leur Timar de la
Cour du Grand Seigneur ; mais le plus grand revenu de ces Ti-
mars ne doit point exceder dix-neuf cens quatre- vingts dix- neuf
Afpres.
Les Tezkeretis prennent leurs Lettres du Beiglerbey , & le
revenu de leur Timar eft d'ordinaire depuis trois mille , juſqu'à
fix mille Afpres.
Quand les Timariots vont à la Guerre ils font difperfez par
Regimens , qui font commandez par des Alai-Beglers , qui ré-
pondent à peu prés à nos Meftres de Camp. Les Regimens des
Timariots font diftinguez par les differentes couleurs de leurs
Etendards ; & ils fe fervent auffi de Timballes dans leurs Mar-
ches ; ils nomment les Timballes Tabel-Alem.
Chaque Timariot en allant à la Guerre eft obligé de conduire
avec luy & à fes frais , autant de Gebelus ou Cavaliers , qu'il a
de trois mille Afpres de revenu , & de plus il doit avoir trois ou
quatre paniers pour chacun de fes hommes ; car outre que les
Timariots doivent combattre comme les Spahis , ils font obli.
gez de fournir la terre , les pierres ou autres materiaux , qui fer-
vent à la conduite des Tranchées & à l'élevation des Batteries
d'un Siege , durant que les Janiflaires en appuyent la tête , &
qu'ils font aux mains avec les Affiegez.
Les Timariots dans les preffantes neceffitez de l'Empire fer-
ventfur Mer. Mais foit que la Guerre fe faffe fur Mer ou fur
Terre , quand il y en a , ils ne peuyent ny eux ny ceux qu'ils
font obligez de fournir , être difpenfez du fervice perfonnelle-
ment ; car quand même ils feroient malades , vieux ou jeunes ,
il n'y a point d'excufe , on les porteroit à l'Armée en litiere ou
dans des paniers , principalement quand le Grand Seigneur
marche en Campagne.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 355

Des Zaims.

Es Zaims , font des Cavaliers ou Seigneurs Turcs tres-


L confiderables dans le Pays , à caufe du Privilege de leurs
Ziamets.
Le moindre revenu d'un Ziamet eft de vingt mille Afpres,
& le plus riche eft de quatre-vingts & dix-neufmille neuf
cens quatre-vingts dix -neuf; car s'il montoit à un Afpre de
plus , il feroitauffi -tôt appliqué au revenu d'un Sangia- Bey
ou Bacha , dont la qualité répond à peu près à celle d'un de
nos Comtes.
Les Zaims fervent tres- rarement fur Mer , aimant mieux
payer une certaine taxe qu'on en exige pour l'exemption ;
mais quand ils marchent en Campagne , ils doivent être ac-
compagnez d'autant de Cavaliers qu'ils comptent de fois
cinq inille Afpres dans le revenu de leur Ziamet , de forte que
celuy qui a trente mille Afpres de revenu doit mener avec luy
fix Cavaliers , & s'il en reçoit foixante mille , il doit avoir
douze Cavaliers.
Quoique que les Turcs foient fort foigneux d'obliger les
Timariots & les Zaims pendant le fervice d'être accompa-
gnez du nombre de Gebelus ou Cavaliers qu'ils doivent four-
nir , neanmoins quand ils parlent de la force de leurs Trou-
pes , ils ne comptent un Zaim & tous fes Cavaliers , que
pour un Selictar ou Sabre.
Lorsqu'un Zaim marche en Campagne , il doit fe fournir
de Tentes, & en avoir une particuliere pour faire fa cuifine, &
une autre pour fervir d'Ecurie.
Les Zaims auffi-bien que les Timariots en allant à la Guer-
re, marchent fous le Commandement de leur Alai- Begler
ou Mestre de Camp ; ces Meftres de Camp dépendent d'un
Bacha qui leur tient lieu de Colonel General ; mais dans les
grandes affaires , ce Bacha eft obligé de conferer avec le Se-
raiker ou General de l'Armée ; qui eft d'ordinaire le Grand
Vizir.
Z 2 Des
356 LES TRAVAUX DE MARS;
Des Etendards des Tures.

LEs Turcs , comme j'ay remarqué cy-devant , fe fervent d'E-


tendards de differentes couleurs pour diftinguer chaqueGros
de leur Cavalerie , mais en general ils en ont un pour toute l'Ar-
mée, que les Cheftiens nomment le Grand Etendard.
Le Grand Etendard que le Roy de Pologne a gagné fur ces
Infidelles en 1683. au paffage de Kalemberg , efticy reprefenté a-
vec fa Figure & les lettres qui font brodées fur le principal côté.
Cét Etendard eft haut de fept ou huit pieds , il eſt d'une
Etoffe verte & rouge , tiffu d'or & de foye , avec une Deviſe
écrite en lettres Arabefques , que l'on lit ainfien cette Langue :
L'a Allab- be illa Allah Muhamed reful Allah. Ce qui fignifie , Il
n'y a point d'autre Dieu que le feul Dieu , & Mahomet est envoyé
de Dieu.

Aux quatre coins de cét Etendard font auffi écrits les noms
de Albuquer , & de Omar , qui font les 2. Succeffeurs de Maho-
met. La pomme de cuivre doré , qui eftau haut de l'Etendard,
eft de la groffeur des 2. poings, & c'eft ce métail auffi bien que la
Devife , qui nous fait douter fi c'eſt l'Etendard que les Turcs
appellent Bajarac , ou Etendard de Mahomet ; car ceux qui
nousont parlé du Bajarac , difent que fa Devife qui eft en let-
tres Arabefques, marque ces mots Nafrum min Allah,pour figni-
fier l'Aide de Dieu , ce qui eft bien different de celuy qui a été
pris par le Roy de Pologne & envoyé au Pape , qui l'a fait at-
tacher à la voute de l'Eglife de faint Pierre auprés d'un autre ,
qui a étégagnéfur ces Infidelles à la Bataille de Chotzen , il y a
quelques années.
La Banniere que les Turcs nomment Bajarac, eft gardée foi-
gneufement au Serail de Conftantinople dans une Armoire pra-
tiquée dans le mut qui eft du côté droit , quand on entre dans la
chambre ou eft le lit deftiné à coucher le Grand Seigneur en Eté.
Les Turcs croyent que cét Etendard a été apporté du Ciel, &
donné à Mahomet dans le temps qu'il faifoit la guerre aux
Gaurs , ou Princes Chreftiens , comme une marque infaillible
de fa victoire.
Par un ufage qui eft paffé en Loy dés le moment que le Grand
Seigneur ( pour des affaires de la derniere importance ) fait ex-
pofer cét Etendard , tous les Turcs , qui ont atteint l'âge de fept
ans , font obligez de prendre lesarmes & de fe rendre fous cette
Banniere , s'ils ne veulent paffer pour ennemis de Mahomet , &
être privez du titre de Mujulmans ou de veritables croyans.
L'expofition de cette Banniere a fouvent fervi à tirer les Prin-
resOttomans de tres mechantes affaires. Du
‫‪OU L'ART DE LA GUERRE.‬‬ ‫‪357‬‬
‫‪357‬‬

‫بلاده‬ ‫حسناء‬

‫‪DO‬‬

‫رلله‬
‫ةلسح ا‬
‫ا‬ ‫لسل‬

‫الله‬
‫السحر‬
‫لسل‬
‫رس‬

‫‪1‬‬

‫‪23‬‬
358. LES TRAVAUX DE MARS ,

Du Tug.
LEs Turcs appellent Tug une maniere d'Etendard , qui confifte
en une queue de cheval attachée & arrêtée par un bouton
d'or à un bâton ou demi - pique.
Ceux qui en racontent l'origine, difent , Que les Chreftiens
ayantun jour livré Bataille aux Turcs , ces Infidelles furent obli-
gez de plier par la valeur des Chreftiens , qui leur avoient même
au plusfort de la meflée enlevé leur Grand Etendard. Ils ajoû-
tent que le General des Turcs au defefpoir de voir fuir fes Troup-
pes, & outré de la perte du grand Etendard , abbatit d'un coup
de fabre la queue d'un cheval, qu'il attacha au bout d'une demi-
pique, puis la tenant à fa main , il ſe mit à courir vers les fuyards,
en criant: Voicy le Grand Etendard , qui m'aime me fuive : A
l'inftant les Turcs reprenant courage , & s'eftant ralliez revin-
rent à la charge & gagnerent la Bataille , où ils recouvrerent
leur Etendard.
D'autres difent que fix mille Turcs ayant été faits prifonniers
dans une Bataille , trouverent le moyen d'échaper, & enfuite
combattirent fi bien, qu'ils regagnerent un autre Bataille . Mais
pour avoir plus de facilité à fe difcerner , ils s'aviferent de cou-
per une queue de cheval,qu'ils mirent pour Etendard; & s'eftant
joints à quelques troupes de leur Party , ils continuerent d'arbo-
rer ces Tugs ou queues ; & la victoire ayant fuivi ces nouveaux
Etendards , les Turcs les regardoient comme un heureux preſa-
ge; & depuis ce temps-la ils ont affecté d'en porter à la guerre
pour mieux animer leurs foldats.
Quand le Grand Seigneur marche en Campagne pour aller à la
Guerre , on porte devant luy fept de ces Tugs , & quand il eft
campé on les pofe devant fa Tente du côté où eft la marche de
l'Armée .
Le Grand Vizira le privilege d'avoir trois de ces Tugs.
Le trois principaux Bachas de l'Empire , à fçavoir celuy de
Bagdet , celuy du Caire , & celuy de Bude , ont la permiffion de fe
fervir de cette marque d'honneur dans le détroit de leur Jurif
diction.
Les Bachas, qui ne font pas Vizirs , ont le privilege d'en avoir
deux.
Les Beys, qui font au deffous des Bachas, n'en portent qu'un .
Dans le bas reliefqui eft au deffous du tombeau de Jean Cafi-
mir Roi de Pologne , dans l'Eglife Abbatiale de faint Germain
des Prez de cette Ville , on voit ce Monarque à la tefte de fa
Cavalerie , qui a pour Etendard un Tugfait de la même maniere
que celuy qui eft icy repreſenté, Des
OU L'ART DE LA GUERRE 359

359

24
360 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Dellis , Segbans , Muhlagis , &c.

LEs Turcs donnent le nom de Dellis à certains Cavaliers de


Bofnie , & d'Albanie, qui fuivent volontairement les Ar-
mées du G. S. fans aucune folde. Ils font fi temeraires quand ils fe
font une fois engagez dans un Party,qu'il n'y a crainte de chaſti-
ment qui les en puiffe faire defifter. Et c'estjustement pour ces
raifons que les Turcs leur ont donné le nom de Delli , qui figni-
fie en leur langue fol hardy.
Ceux qui veulent obtenir ce nom , qui eften Turquie en gran-
de reputation , font tous gens de grande taille , robuftes , &
d'une phyfionomie fiere , avec de grandes mouftaches. Ils font
obligez par honneur à s'éprouver dans les plus grands perils, afin
de donner quelque marque de leur bravoure, qui pafferoit pour
mediocre , fielle n'étoit du moins certifiée par la mort de huit
ou de dix Cavaliers Ennemis.
Leur habillement eft bizarre. Ils portent un juppon & de lon-
gues & larges chauffes, qu'ils appellent Salvares , le tout fait de
la peau de quelque jeune Ours , le poil mis en dehors. Ils por-
tent en tête une maniere de bonnet a la Georgienne pendant fur
les épaules , fait de la peau de quelque Leopard bien moucheté:
Dans lesjours de parade , ils enrichiffent le devant de ce bon-
net de la queuë d'une Aigle en forme de bouquet de plume, &
mettent fur leur rondache les aîles du même Oyfeau. Leur
chauffure confifte en des brodequins de maroquin jaune , poin-
tus par le devant , & fort haut par le derriere, ferrez par le del-
fous; ils y attachent des éperons qui ont prés d'un pied de lon-
gueur , pour piquer leurs chevaux aux gras des cuiffes ; car ils
montent leurs chevaux fort court. Leurs Armes font d'ordinai-
rele Sabre , la Lance & une Hache d'Ames ; & il s'en trouve
quelques- uns qui portent des Piftolets.
Les Sanjacs , & les Beiglerbeys s'en fervent d'ordinaire pour
leur Garde à caufe de leur fidelité & de leur bravoure ; ils leur
donnent de paye par jour 12. on 15. Afpres , & les montent
avantageulement.
Ily a encore quelque autre forte de Cavalerie ches les Turcs ,
comme les Segbans & les Muhlagis.
LesSegbans ont d'ordinaire foin de la garde du Bagage de la
Cavalerie , & font à peu prés comme nos Dragons ; leur paye
outre leur nourriture eft de 3. ou quatre écus par Lune ou mois.
Les Muhlagis font profeffion d'être bons hommes de cheval ,
ils fervent d'ordinaire les Beiglerbeys ; mais comme les uns &
les autres ne font pas de Corps confiderables , je me difpenferay
d'en parler davantage. Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 368
361.

25
362 LES TRAVAUX DE MARS ;

Des Petits Tartares.

Ous le nom de petits Tartares on entend parler en gene-


Salde tous les peuples qui habitent entre la partie Meri-
dionale de la Mofcovie, & les bords Septentrionaux de la Mer
Noire; mais en particulier les Petits Tartares dont nous par-
lons icy, font ceux qui habitent feulement dans l'ancienne
Cherfonéfe Taurique , nommée aujourd'huy Crimée , &
quelques autres lieux fituez à l'Occident , le long , & vers les
embouchûres de la riviere de Nieper.
Ces Petits Tartaresfont la plû-part fous l'obeïffance d'un
Ham , ou Cam , qui eft électif, & neanmoins toûjours tiré
d'une même famille: le Prince qui eft élû eft confirmé dans
fa dignité par le Grand Seigneur.
On tient que ces deux familles ont fait un traité fecret ,
par lequel le Grand Seigneur entend que fi les maſles de la fa-
mille Ottomane viennent à manquer , ils ayent pour fuccef-
feurs les maſles de celle du Ham. Reciproquement le Ham
s'eft obligé que quand le Grand Seigneur ira commander en
perfonne fes Troupes d'Europe , ill'accompagnera avec une
Armée de cent mille Tartares ; mais fi c'eſt ſeulement le
Grand Vizir ou quelque Bacha qui commande les Troupes
Ottamanes , le Ham ne fera obligé que d'y envoyer un de fes
fils avec quarante ou cinquante mille hommes.
Les Petits Tartares font habillez fort fimplement ; leur
habit confifte d'ordinaire en des chauffes longues & fort é-
troites à la Matelotte , avec une maniere de cafaque fans plis
tres proprepour aller à cheval , & qu'ils retrouflent fort pro-
prement, quand il s'agit de galopper ou de combattre. Ils
portent la plûpart en tête un long bonnet pointu fait de
laine.
Les Armes de ces Peuples font le Sabre , l'Arc , les Flé-
ches & le Dard ; & leplus fouvent ils n'ont dans les grandes
executions que leur Sabre. Ils font tous gens de belle tail-
le , forts , robuſtes , d'un regard fauvage , terrible & fort
inthu-
OU L'ART DE LA GUERRE. 363
inhumains. Ils font infatigables , vivans comme des bêtes ,
mangeans la chair des chevaux & des chiens fans fe mettre en
peine de quelle maladie ils font morts. Pour faire cuire la
chair de cheval , ils fe contentent de la couper par tranches ,
& de la mettrefous la felle des chevaux qu'ils montent; de
forte que la pefanteur du Cavalier & la chaleur naturelle du
cheval qui galoppe , l'ayant cuitte en quelque façon , ils la
mangent comme un tres- bon mets.
Les Turcs fe fervent des Petits Tartares comme d'Enfans
perdus ou d'Avant- coureurs de leurs Armées. Quand ils
ont deffein de defoler un Païs où ils ne veulent pas porter la
Guerre , ces Petits Tartares qui marchent fans ordre Mili-
taire , entrent dans les lieux par furprifes, montez fur des che-
vaux d'une viteſſe prefque incroyable , & qui font auffi - bien
que leurs Maîtres accoûtumez à paffer plufieurs journées fans
boire & fans manger.
D'abord que ces Barbares font entrez dans quelque lieu ,
ils commencent ày mettre lefeu pour faire diverfion , & pil
lent & défolent enfuite fans aucune pitié ny diſtinction des
lieux Sacrez ou Profanes , & fans épargner la dignité , l'âge
ny lefexe ; car ils enlevent juſqu'aux enfans de la mammèlle,
& viennent enfuite vendre tout ce butin en Turquie.

CHA-
1
OU. L'ART DE LA GUERRE. 365

CHAPITRE. I V.

De l'Artillerie & des principales Charges


de l'Empire Ottoman.

Loyque les Turcs aiment naturellement beaucoup


plus l'ufage des Fléches, que celuy des armes à feu,
O neanmoins ils font grand eftime de l'Artillerie ;
& l'on peut dire à l'avantage de ces Infidelles , qu'ils ont été
les premiers qui ont trouvé l'invention des Mortiers ; &
même l'on en attribuë la gloire au Sultan Mahomet fecond ,
ainfique l'on le peut remarquer dans Chalcondile Livre hui-
tiême.

Du
366 LES TRAVAUX DE MARS,

Du Topgi- Bachi, ou Grand Maiftre de l'Artil-


lerie Turque.

Ette Charge eft des principales de l'Empire Ottoman, &


C celuy qui l'exerce eft d'ordinaire un des Gendres du
Grand Seigneur , ou une des principales Creatures du Grand
Vizir.
Le nom de Topgi-Bachi ou Topidgi Bachi , dérive de ce-
luy de Top , qui en langue Turque fignifie un Canon , & du
mot de Bach, qui dans la même Langue fignifie un Seigneur ,
Chefou Commandant ; la combinaiſon de ces deux noms
forme celuy de Topgi-Bachi , ou Commandant du Canon,
La Charge de cet Officier eft fort lucrative ; car outre fes 4
apointemens , qui montent prefque à un million d'Afpres, il
a droit de prendre & de faire caffer en pieces toutes les cloches
qui fe rencontrent dans les Villes Chreftiennes qui tombent
fous la domination des Turcs , afin d'en employer le débris
pour la fonte de leur Artillerie.
Le Topgi- Bachi a fous luy le Dukigi- Bachi ou Maiſtre des
Topchis, qui font les Cannonniers & les Fondeurs ; ceux - cy
ont un Kiatib particulier ou Commiflaire , qui leur fait faire
montre tous les mois.
Ce Grand Maistre de l'Artillerie Turque commande auffi
au Tzegebetzi- Bachi ou Geli- Bachi , qui eft l'Intendant
des Armes , ou Chefdes Gebegis ou Armuriers. Quelque-
fois le Tzader- Meter- Bachi ou le fur-Intendant des Tentes,
& le Tzalitzi-Meter-Bachi , qui commande aux Trom-
pettes & aux Tambours de l'Armée , dependent du Topgi-
Bachi,

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 367

367

1- ten..
22..
368 LES TRAVAUX DE MARS ,

Des Topchis.

Ous ce nom les Turcs comprennent generalement tous


ceux qui font employez à la Fonte de l'Artillerie , &
deftinez à la charger , & ày mettre le feu.
Comme l'Empire Ottoman eft d'une vafte étenduë , ces
Infidelles ne conduifent point de grofles Artilleries dans leurs
Armées , principalement quand ils portent la guerre d'une
frontiere à uneautre ; parce que la lenteur des Charrois, tirez
par des Bœufs , & le manquement des Chevaux propres au
collier ( qui font tres-rares en Turquie , ) feroient avorter
leurs entrepriſes , furtout quand il faut paffer des païs coupez¸
de Montagnes oude Marefcages ; auffi ne voit- on ordinaire-
ment dans leurs Armées que des Pieces de huit ou douze li-
vres de balle , à caufe de la legereté de leur train.
Mais quand ils ont deffein de former quelque Siege confi-
derable , ils font porter en Saumons fur des Chameaux , le
métail propre à fondre leurs Canons ; & dans les Villages plus
voifins du Camp , les Topchis , qui en ces occafions font en
grand nombre , jettent en moule des Pieces de differens cali-
bres, & il s'en trouve dont le boulet a quarante poûces de dia-
metre .
Ces Pieces font belles, & jetrées tres-proprement ; le Col-
let, la Frife, & la Culaffe, font enrichis de quantité de moulû-
res qui reprefentent des Plantes ou des Fruits ; car il eft de-
fendu aux Turcs par leur Alcoran , de reprefenter aucune
Figure humaine, de crainte qu'un jour Dieu n'oblige l'ou-
vrier à y mettre une ame , ou ne le condamne aux peines
d'Enfer.
Les Tucsfont tres-mal adroits dans la conftruction des Pla-
te-formes de leurs Batteries , & dans la maniere de pointer
leurs Pieces ; auffi quand ils peuvent avoir quelques Canon-
niers Chreftiens , ils les careffentautant qu'il leur eft poffible,
mais ils leur font toûjours fufpects , s'il ne font Renegats.

Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 369

369
370 LES TRAVAUX DE MARS ,
Du GrandVizir.
Nappelle en Turquie le Grand Vizit Vizir- Azem, c'eſt
à dire, Chef du Confeil, ou le premier Miniftre d'Etat.
Aproprement parler , celuy qui eft honoré de cette dignité
eft le Lieutenant general de l'Empire Ottoman , &aprés le
Grand Seigneur il a tout pouvoir dans les Armeés , & fur tou-
tes les Charges qui ne regardent point laJudicature.
Il porte d'ordinaire dans fon fein le Seau du Grand Seigneur,
fur lequel eft le nom de ce Monarque ; & c'est en vertu de ce
Seau que fans obferver aucune formalité, il peut lever tous les
obftacles qui s'oppolent à ſon adminiſtration . Il donne & ôte
àfon gré (quoy qu'au nom du Sultan) les Gouvernemens des
Provinces , & les autres emplois de l'Empire. Il en faut excep-
ter les Bachas, qu'il n'ofe depofer,fans en conferer auparavant
avec le Grand Seigneur , dontil éblouit pourtant l'efpritpar
des raifons fauffes ou vrayes , principalement quand les armes
Ottomanes ont fait fous les ordres ou fous fa conduite quel-
que progrez important ; mais fi elles fouffrent quelque perte
confiderable, il court rifque de la vie , comme il eft arrivé
recemment au Grand Vizir Muftapha Culoglou , qui pour
avoir levé le fiege de Vienne en 1683.a être étranglé dans
Belgrade fur la fin de la même année.
Lepremier Vizir a ordinairement une grande fuite, & 1 plus
de deux mille Officiers domeftiques . Quand il paroift en pu-
blic dans quelque ceremonie extraordinaire , il porte au de-
vant de fon Turban deux Aigrettes enrichies de diamans &
d'autres pierreries ; & quand il marche pour la guerre on ar-
bore devant luy trois Tugs ou queues de cheval , ainfi queję
l'ay déja remarqué.
Son pouvoir, quoy que fort grand, ne s'eftend pas fur la vie des
Bachas , qu'il ne peut faire mourir , fans être autorisé d'un ordre
écrit de la main propre du Sultan. Il ne fçauroit même difpofer
de la vie des Soldats fans la participation de leurs Chefs,
Dans les affaires importantes qui fe decident dans le Divan ou
Chambre du Confeil,le Grand Vizir eft toûjours accompagné de
fix autres Vizirs que l'on appelle Vizirs du Banc : ceux- là n'en-
trent au Divan que pour dire leurs avis.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 377

GRAND VISIR.

A2 2
372 LES TRAVAUX DE MARS ;

De la Chargede Caïmacan.

Dans l'Empire Ottoman il y a deux Caïmacans , un qui


cft toûjours auprés du Grand Seigneur , l'autre qui re-
fide à Conftantinople comme Gouverneur de la Ville , &
comme Lieutenant du Grand Vizir, dont il eſt ordinairement
la Creature.
Le Caïmacan de Conftantinople doit être homme coura-
geux , intrepide , & capable de refifter aux infultes des Janif-
faires , & des autres Troupes qui fe pourroient mutiner en
l'abſence du Grand Vizir , fous pretexte du méchant gouver-
nement des Miniftres.
Quand il arrive quelque affaire épineufe , principalement
entre les gens de guerre ou entre les Ambafladeurs , il en don-
ne auffi-tôt avis au Grand Vizir , ou bien il va recevoir les
ordres du Grand Seigneur.
Quand le Grand Vizir fejourne à Conftantinople , le Caï-
macan de la Ville n'a aucune autorité.
Au commencement de l'année 1682. le Grand Seigneur
a élevé un Caïmacan à la Dignité de Grand Vizir.
Des Bachas.

Danstout l'Empire Ottoman il n'y a que le Grand Vizir


qui par excellence porte purement & fimplement le
nom de Bacha,quand même il auroit le malheur d'être Man-
ful, ou degradé de fa Charge. Pour les autres Bachas on ajoûte
toûjours leur nom propre, ou celuy de leur Gouvernement.
Il y a dans l'Empire Ottoman fept Bachas principaux , qui
portent auffi la qualité de Vizirs , mais qui ne fe mêlent d'au-
tre chofe que du gouvernement de leurs Provinces , dont
quelques-unes ont porté autrefois le titre de Royaume , &
que les Turcs defignent feulement par le nom de leurs Villes
capitales , comme de Bagder, du Grand Caire, de Bude , &c.
Les appointemens de ces principaux Miniftres ne fe pren-
nent pas fur le Hafna ou Trefor qui eft dans la Cour du Serail
de Conftantinople , où l'on tient le Divan , mais ils font affi-
guez fur plufieurs Timars.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 373
Des Beiglerbeys.
E mot de Beiglerbey en langue Turque fignifie Seigneur des
Seigneurs, & le mot de Beiglerbelic veut dire un Gouverne-
ment,d'où dépendent plufieurs Sangiacats ou manieres de Com-
tez, dont les Maîtres font appellez Sangiacs ou Seigneurs d'E-
tendard , à caule que quand ces Sangiacs vont à la guerre , ils
conduifent la Cavalerie de leurs Provinces , & ont pour Eten-
dards des Tugs ou queues de cheval.
Les Beiglerbeys ont fous eux des Tefterdars ou Treforiers dans
chaque Sangiacat , & des Soubaffis qui font comme Lieutenans
ou Prevots logez par les petites Villes : ils ont encore au deflous
d'eux des Flambolers , ou Capitaines de deux , ou trois , qua-
tre, & cinq-cens chevaux, qui font envoyez par les Beiglerbeys
ou Sangiabeys aux lieux neceffaires , afin de pourvoir prompte-
mentaux affaires qui furviennent.
Les Beiglerbeys font diſtinguez en Hafile-Beiglerbeys & en
Saliane-Beiglerbeys.
Les Hafile-Beiglerbeys font ceux qui ont un certain revenu
affigné fur les Villes , fur les Bourgs & fur les Villages qui rele- '
vent de leur Gouvernement, & font au nombre de vingt & deux.
Le premier de ceux d'Afie eft celuy d'Anatolie avec un mil-
lion d'Afpres d'appointement; il fait ordinairement ſa reſidence
dans la Ville de Kiotahi ou Chioutai.
Le fecond eft de Caramanie, & a d'appointement fix- cens foi-
xante & quatorze mille Afpres ; il fait fa refidence dans la Ville
d'Iconium.
Letroiſième est de Diarbekir , avec un million deux cens mil-
le fix censfoixante Afpres.
Le quatriême eft celuy de Scham ou de Damas , qui a un mile
lion- d'Afpres.
Le cinquiême eft celuy de Sivas, & a neuf cens mille Afpres.
Le fixiême eft d'Erferum , & a un million deux-cens mille fix
cens foixante Afpres.
Le feptiême élt de Wan ou Van , & a un million cent trente-
deux mille deux-cens neuf Afpres.
Le huitiême eft de Tehildir fur les frontieres de Georgie , &
a neuf-cens vint-cinq mille Afpres.
Le neufviême eft de Schebrezul en Affyrie , & aun million
d'Afpres .
Le dixiême eft d'Alep; il a huit-cens dix-fept mille foixante
& douze Afpres.
Le onziême eft de Marach auprés de l'Euphrate, & a fix- cens
yingt-huit mille quatre-cens cinquante Afpres.
Aa 3 Le
374 LES TRAVAUX DE MARS ,
Le douzième eft de Kibros ou Cypre , & a cinq-cens mille
fix-cens cinquante Afpres.
Letreizième eft de Tarobolos Scham ou de Tripoli de Syrie , &
a huit-cens mille Afpres.
Le quatorziême eft de Terbozan ou de Trebifonde, & a fept-cens
trente-quatre mille huit cens cinquante Afpres.
Lequinziême eft de Kars , & a huit- cens vingt-mille fix-cens
cinquante Afpres.
Le feiziême eft de Moful ou de Ninive , & a huit-cens quatre-
vingt-un mille cinquante fix Afpres.
Le dix-feptiême eft de Rika , & a fix-cens 60. mille Afpres,
Le dix-huitiême , qui eft le premier Beiglerbey d'Europe ,
eft celuy ¡de Rumili , qui a de revenu un million & cent mille
Afpres.
Le dix-neufviême eft la Charge du Kupudan, ou du Capitaine
general de la Mer blanche , & a huit-cens quatre-vingt mille
Afpres.
Le vingtiême eft de Bude , dont on ne fçait point precifement
le revenu.
Le vingt-uniême eft Themeswar , de qui les appointemens ne
font pas connus.
Le vingt-deuxiême eft de Bofna en Sclavonie , dont on ignore
auffi le revenu.
Les Saliane-Beiglerbeys font ceux qui tirent leurs appointemens
des deniers qui font levez dans les Provinces de leurs Gouverne-
mens par les Officiers du Grand Seigneur , de forte qu'on peut
dire qu'ilsfont payez de l'Epargne du Prince , auffi-bien que les
Sangiacs ou Seigneurs particuliers de ces Provinces- là , & la Mi-
lice dupaïs.
Les plus confiderables de ces Saliane-Beglerbeys font ceux du
Grand Caire, de Bagdet , de Temen dans l'Arabie heureufe , de
Habelech fur la frontiere des Abyffins , de Bofra fur les frontieres
de Perfe , de Labfa fur les frontieres d'Ormus , & c.
On remarquera que les Turcs donnent la qualité de Kul ou
d'Efclave du Prince au grand Vizir , aux Bachas , aux Beigler-
beys, & generalement à tous ceux qui reçoivent des gages de
l'Epargne , & des appointemens affectez à quelque Charge
dépendante de la Couronne. Cette qualité eft tres - eftimée
parmy les gens de guerre ; car tous ceux qui en font reveſtus ,
peuvent impunément & de pure autorité infulter , battre &
maltraiter le peuple, fans qu'on ofe s'y oppofer,

CHA-
OU L'ART DE LA GUERRE. 375

CHAPITRE V.

Des TroupesTurques : De leur maniere d'attaquer


& de défendre les Places.

Vant que de m'engager dans ce Chapitre , on re-


marquera que le Grand Seigneur eft feul Maître ab-
A folu de tous les Chafteaux & Places de fon Empire ;
qu'il n'en donne le gouvernement qu'à ceux qui luy en
offrent plus d'argent (& feulement pour une joüiffance , )
ce qui oblige les Gouverneurs à exercer des violences extraor
dinaires fur les peuples qui leur font foûmis , & fur les per-
fonnes qui paflent par leur gouvernement : ainfi dans le peu
de temps qu'ils ont à commander , ils amaffent dequoy payer
ce,qu'ils ont promis , & encore quelque chofe de plus , &,
fe mettent en état de faire des prefens aux principaux Offi-
ciers de la Porte , pour en obtenir quelqu'autre Gouverne-
nement plus confiderable ; car en Turquie on ne donne rien .
au merite ; & c'eft auffi pour cela que les Turcs font fi avides
d'argent , que pour en avoir il n'y a rien qu'ils n'entrepren-
nent , quand ce feroitmême au préjudice de leur parole : en
un mot ils ne font rienque par interêt ,

73

Aa 4 Des
376 LES TRAVAUX DE MARS ;

Des Troupes & Armées du Grand Seigneur.


Es Troupes de l'Empire Ottoman font d'ordinaire com-
pofées de Turcs,de Grecs & d'autres Chreftiens,pris ou
enlevez de force , & faitsJaniffaires , comme nous avons dit.
Les Troupes Auxiliaires des Turcs font des Circaffiens ,
des Curdes , petits Tartares , Moldaves , Valaches & Tran
filvains.
On croit que l'Armée la plus nombreuſe que ces Infidelles
ayent mife fur pied en Europe , étoit celle qu'Ofman con-
duifit en Pologne, où elle eut dupire : On la faifoit monter à
cinq-cens mille hommes. Celle que le Grand Vizir Muſta-
pha Culoglou a amenée au Siege de Vienne en 1683. étoit
eftimée de cent cinquante mille hommes , y ayant fait venir
la plus grande partie des forces d'Afie & d'Afrique.
Ce n'eftpas que le Grand Siegneur n'en puifle faire encore
de plus confiderables , principalement quand il s'agit du
Nefirban, ou de la défenfe de la Religion Mahometane ;
car alors tous les Turcs font obligez de prendre les armes.
L'invention des Timars & Ziamets eft un moyen admira-
blepour mettre en peude temps une Armée fur pied ; car
lors que le Grand Seigneur fe refout à la guerre , il n'a pas be-
foin d'avoirl'argent à la main, & de faire battre la Caiffe pour
faire des Troupes , il fuffit qu'il mande aux Beiglerbeys qui
font fur la route du pais où il veut porter la guerre , de faire
affembler leurs Timariots & leurs Zaims , & de lever le cin-
quiême de tous les mâles propres à porter les Armes ; 1ce
qui fournit d'autant plus de monde , que le pais eft plus ou
moins peuplé , car pour desJaniffaires leurs chambrées font
toujours completes .
L'équipage des Troupes Turques eft fort fimple ; & pour
veu que les hommes ayent des tentes , ils font bien équipez :
Jes fieges , les tables & les bois de lits leur font fort inutiles ,
étant accoûtumez de manger affis fur terre , une fimple pail-
lafle ou matelas avec une méchante couverture , leur fervent
de lir
Leurs
OU L'ART DE LA GUERRE. 377
Leurs Armées étant en marche ne logent jamais dans les
Villes , Bourgs ou Villages , mais elles campent ordinaire-
menten un lieu où il y ait de l'eau , & de l'herbe pour nourrir
leurs chevaux ; car les Turcs ne preparent point de Magazins
pour la ſubſiſtance deleurs Troupes , & ne fe fervent point
d'Etapes : mais quand le Grand Seigneur à déterminé route ,
le grand Vizir fait fçavoir à tous les Cadis ouJuges , & àtous
les Imans Moulas , ou Curez & Preftres Turcs , des Vil-
les , Bourgs & Villages qui fe rencontrent dans l'étenduë de
huit ou dix lieues de la route , de faire conduire dans un lieu
& dans un jour nommé une quantité prefcrite de vivres ou
fourrages , moyennant un certain prix ; ce qui eft fuivy d'u-
ne prompte obeiflance.
Quand leGrand Seigneur va en perfonne à la guerre , il
mene avec luy generalement tous lesJaniffaires & Spalis qui
font leur refidence à Conftantinople , que l'on fait mon-
ter à plus de trente- cinq mille hommes. Mais quand il n'y
a que le grand Vizir , ou quelqu'autre Bacha qui comman-
de , il n'en marche pas la moitié.
L'Avant garde des Turcs n'eft pas le Pofte d'honneur dans
la marche de leurs Troupes , auffi chez eux ce premier Corps
n'eft d'ordinaire compofé que de Curdes , depetits Tartares,
d'Arcangis &c. qui courent & defolent le pays ennemi , &
qui fouventfont battus pour le trop écarter du Gros.
Les Armées des Turcs font rarement alte dans leur marche ,
& continüent d'ordinaire tout d'une traite le chemin qu'elles
ont à faire en un jour , fe raffraichiffans de fruits & d'eau en
marchant ; & fur le foir ils font leur principal repas avec un fi
lence admirable , ce que l'on attribue à leurfobrieté naturelle,
& furtout à l'abftinence de vin ; car il eft défendu aux Troupes
d'en apporter fur peine dela vie , & même le General détache
des Officiers qui marchent deux ou troisjours devant l'Armée
pour faire fermer toutes les tavernes qui font fur la route , &
faire publier que perfonne ne foit affez hardi de porter du vin
aux Troupes fur peine de la vie.
Dans la marche un Turcn'oferoit rien enlever , & la police
y eft fibien établie que s'il abefoin de quelque chofe , il faut
qu'il l'achete du payfan au prix taxé ; ce qui fait que l'on ne voit
point de defordre , & qu'on n'entend point de plaintes.
Aa 5 De
378 LES TRAVAUX DE MARS ,
De quelle maniere les Turcsfont laguerre.
Lfemble que chaque Nation ait une difpofition particulie-
I re pour faire la guerre d'une maniere differente ; par
exemple le François aime l'attaque à caufe de l'impetuofité de
fon naturel ; l'Eſpagnol par fon humeur flegmatique , eſt
propre à la défenfe d'une Place ; l'Allemand par l'avantage de
fa taille affecte la Cavalerie , & fe plaift dans les rencontres &
dans les Batailles ; le Suiffe par fa vigueur & par l'ufage de fa
longue & large épée , eft propre à la confervation d'un Pofte :
Mais pour ce qui eft des Turcs , on n'a pas encore pû décou-
vrir quelle eft la partie où ils excellent dans l'Art de la guerre ,
ny quelles font les regles de leurs evolutions.
On fçait bien qu'ils marchent en campagne par Eſcadrons
& Bataillons , que taſchant d'imiter dans les Batailles rangées
l'ordonnance de celles des Chreftiens , ils divifent leurs
Troupes en Avant-garde , Corps de Bataille & Arriere-gar-
de : quand ils vont aux mains ils font des cris , ou plûtôt des
hurlemens qui fentent plus la befte que l'homme.
On remarque de plus que quand ces Infidelles ont perdu
une Bataille , ou qu'ils ont été contraints de lever le Siege
de quelque Place confiderable , leur premier foin eft de faire
mourir le General qui commandoit , & tous les Officiers qui
avoient quelque affinité avec luy , fans avoir égard à leurs
alliances ny à leurs qualitez , pour faire monter à leurs em-
plois des perfonnes d'une foible experience.
Enfin leurs foldats s'imaginent que s'ils meurent la face.
tournée du côté de leurs Ennemis , ils ne manqueront pas
d'aller droit au Ciel , foit qu'ils admettent la predeftination ,
foit pour d'autres raifons capables de les encourager.
Pendant les guerres de Candie on vit une infinité d'exem-
ples femblables , & furtout on remarqua en 1659. que dans
cette préoccupation , vingt-cinq Turcs à la veue du Prince
Americ Gouverneur de la Suda pour les Ventitiens , eurent
la hardieffe d'aller attaquer le fabre à la main un Bataillon Ita-
lien, qui étoit de quatre- cens hommes ; & aprés l'avoir mis
en déroute remporterent cinquante têtes des plus braves.
Du
OU L'ART DE LA GUERRE. 379
Du Campement des Turcs.
Uoique ces Infidelles foient naturellement rudes , ils ne laif-
fent pas d'aimer la propreté & l'ordre dans de certaines
chofes , principalement dans leurs campemens. En effet il n'y a
rien de fibien diftribué ny de fi propre que leur Camp , furtout
quand le Grand Seigneur, ou que le premier Vizir y font en per-
fonne car alors on y voit plus de foixante- mille Tentes ornées
de leurs banderolles de diverfes couleurs , dreffées fur chaque
côté des rues , & des places publiques , avec tant de fymmetrie ,
qu'il femble que les Hourtagders,ou Tapiffiers, ayent voulu jetter
le Plan d'une Ville reguliere .
L'induftrie de ces Tapiffiers eft admirable pour bien dreffer
une Tente,quoyqu'elles ayent d'ordinaire deux couvertures, une
qui fait le corps de la Tente, & une autre qui eft tendue un pied
par deffusla premiere , pour arrefter par cette élevation l'impe-
tuofité du vent , & faciliter la chute de la pluye , ce qui deman-
de un tres-grand nombre de cordes, qu'ils fçavent fi adroitement
entrelacer les unes dans les autres , que cela feul en défend l'a-
venue, de forte qu'on n'y fçauroit entrer que par le côté où eſt
la porte .
Elles font d'ordinaire tres belles & doublées par dedans de
quelque riche étoffe, avec des tapis & couffins contre terre. Ily
en a qui ont plufieurs appartemens ménagez & diftribuez pour
differens Offices , comme font les appartemens d'un Hoſtel bien
bafti.
Les Grands Seigneurs Turcs , ont d'ordinaire une double
tenture , afin que pendant qu'ils font dans un Pofte , leurs Ta-
piffiers puiffent preparer d'autres Tentes dans les lieux où l'on
doit enfuite venir camper.
Quand ils campent en un lieu pour plufieurs jours , il envi-
ronnent leur camp d'un foflé, dont ils jettent la terre du côté des
Tentes , & y mettent en batterie les petites Pieces qu'ils ont
coûtume de conduire en campagne .
Ils n'y laiffent d'ordinaire que trois ou quatre avenues, où il y
a toujours une Garde confiderable, qu'ils doublent de nuit , &
même qu'ils font coucher hors l'enceinte du Camp , comme
unemaniere de Bioüac ou de Garde avancée .
Ils ont grand foin de tenir leur Camp net , & de fe precau-
tionner contre la puanteur ; même pour remedier aux neceffitez
de leur Milice , ils font creufer des trous en terre , qu'ils envi-
ronnent d'une grille qu'ils portent exprés avec leurs Tentes ; &
quand ces lieux commencent à fentir mauvais, ils les comblent
& en creufent d'autres ailleurs. Des
380 LES TRAVAUX DE MARS ,
DesTranchées des Turcs.

LEs Turcs pour l'approche des Places fe fervent auffi bien de


Tranchées que les Chreftiens , & les conduisent prefque
avec les mêmes maximes , en affectant de fe fervir toûjours de
de l'avantage du terrain . Ainfi dans les Plaines ou dans les lieux
fablonneux , ils font leurs Tranchées en ferpentant ; avec cette
difference, que leurs détours y font plus frequens , leurs boyaux
beaucoup plus petits , la largeur & profondeur plus grandes.
qu'aux nôtres, afin d'éviter mieux l'enfilade & n'être pas fi long-
temps à les conduire.
Quand ils trouvent le roc , ou que la terre leur manque , ils
en font apporterpar des Guaftadours. Mais file terrain eft fi fec
qu'il ne fe puiffe foûtenir , ils donnent un reveftiffement de pier-
re à leurs Tranchées ; ou bien ils élevent quantité de Redoutes ,
prefques attachées les unes aux autres fur une longue file , fans
s'amufer à donner precifement à ces Redoutes , une figure quar-
rée: car ils en font en quarré , en long , en ovale , ou d'autre
figure , felon que le terrain le permet.
Dans la bonne terre , ils font les détours de leur Tranchée fi
proche lesuns des autres , qu'il femble que la Tranchée ne faffe
qu'uneligne droite ; & pour la couvrit du feu des Affiegez , ils
la blindentprefque partout.
Comme ils font accoûtumez à faire la guerre dans des païs
chauds , où les pluyes ne font pas fi frequentes que dans ceux- cy,
ils font leurs Tranchées deux-fois plus profondes que les nôtres,
& nefontpoint obligez de les faigner, ou d'être jufqu'à mi-jam-
be dans l'eau , comme il arrive affez fouvent dans nos Travaux
d'approche.
Pour la défenſe des Tranchées ils fe fervent de Redoutes ,
mais le plus fouvent fur la droite & fur la gauche de laTranchée,
ils creufent des Places d'Armes qui font prefque paralleles aux
Courtines des Places qu'ils attaquent , ainfi que l'on en peut re-
marquer icy plufieurs , que j'ay deffinées fur celles que ces In-
fidelles ont autrefois faites en attaquant le Baſtion de S. André
de la Ville de Candie.
Quand ils s'opiniâtrent à l'attaque d'une Place , & qu'ils ju-
gent quefon fiege titera en longueur , ils ne laiffent pas outre
ces Travaux de pouffer vers les Poftes de l'Ennemy de grands
Cavaliers , comme des montagnes de terre pour foudroyer dans
la Place affiegée , & pour en voir de revers tous les Retranche-
mens.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 381

CANDIE 381.
X
VAU S
382 LES TRA DE MAR ,

Des Affauts des Turcs.

LEs Turcs allant à l'Affaut contre les Chreftiens , fe perfua-


dent qu'ils fe vont expofer pour défendre la caufe commu-
ne de Dieu & de fon Prophete , felon qu'ils le trouvent écrit
dans leur Alcoran . Dans cette veuë ils vont au feu avec une in-
trepidité qui eft prefque incroyable ; car en rejettant l'ufage des
armes à feu , qu'ils difent faire plus de bruit que d'effet , &
n'eftre bonnes qu'à tirer par deffus une muraille ; ils marchent
à l'Affaut en criant avec un tranfport de fureur leur Allah >,
Allah , ou nom de Dieu , fans fe mettre en peine s'ils marchent
à découvert , s'ils font veus de front ou de revers , fe contentans
de tenir d'une main leur fabre , & de porter de l'autre leur ron-
dache , plus pour la parade que la pour défenſe.
Il femble qu'en ces occafions ils ne craignent rien moins que
la mort; car on les voit braver le grand feu des Affiegez , les
pierres , les huiles bouillantes , & tout ce que l'on peut jetter
pour les empêcher d'avancer : Malgré ces obftacles ils foulent
aux pieds leurs bleffez pour tâcher de fe loger fur une brêche , ou
d'attraper à la main quelque Affiegé , afin de luy couper la tefte
pour marque de bravoure, & fur l'efperance d'une retribution
deleur General en luy reprefentant ces teftes. S'il ya quelques-
uns d'entre eux qui fe foient retirez du combat avant le figne de
la retraite , les Officiers qui commandent le Corps deſtiné à foû-
tenir ces Affaillans , les obligent à grands coups de fabre à re-
tourner à l'affaut , ou leur coupent le col , pour effrayer ceux qui
voudroient imiter leur lâcheté ; car les Turcs ont pour princi-
pale maxime de perir plûtoft fur le Terrain gagné que de l'aban-
donner.
C'eftpour cela qu'on les voit travailler dans leur Logement
avecune promptitude extraordinaire : même on remarque que
durant le Siege de Candie , le grand Vizir Akmet Coprogli, fit à
la tefte de fon Camp couper le col à un Bacha qui commandoit à
l'Attaque de la Sabioniere, pour avoir laiffé prendre un Drapeau,
Quand ces Infidelles emportent une Place d'affaut ou d'em-
blée ils ne donnent aucun quartier à la Garnifon , ny aux habi-
tans , faifant tout paffer au fil de l'épé fans diftinction d'âge ny
de fexe fouvent ils coupentla tefte au Gouverneur, quelque
fois ils le font écorcher tout vif, & enfuite étaller en triomphe
& promenerde Ville en Ville les miferables reliques de ces il-
luftres Défenfeurs.
Des
OU L'ART DE LA GUERRE. 383

VIENNE 383

MAAAR

ARA

‫יה‬
384 LES TRAVAUX DÉ MARS ,
Des Capitulations des Turcs.

Quoique
tre objetlapolitique du Grandde
que la confervation Seigneur
fes Etatsn'ait point d'aut-
, & l'ambition
d'en acquerir d'autres par toutes fortes de moyens , nean-
moins on remarque que depuis un certain temps ces Infidelles
commencent à fe piquer d'honneur dans l'exacte obferva-
tion des Traitez qu'ils font avec les Chreftiens : Ce queje ne
puis mieux juftifier qu'en rapportant les Capitulations qu'ils
ont accordées en 1663.à la Garnifon de la Ville de Newhaufel.
Articles accordez aux Habitans de Newhaufelpar le Grand Vizir
Ous le Grand Vizir & General du Tres puiffant Empe-
Nous reur Ottoman , & les Ballas , & autres Hauts Offi-
ciers qui font auprés de Nous , dans les Troupes , tant de Ca-
valerie que d'Infanterie , depuis le plus petit jufques au plus
grand , foient Tartares , Walaches , & Moldaves , &tous
ceux qui combattent fous les Enfeignes de Sa Hautefle , ju-
rons par le Dieu Tout- Puiffant qui a créé le Ciel & la Terre ,
la Lune & les Etoiles , par Noftre Saint Prophete Mahomet,
& parla Tête de Nôtre Tres-puiffant Empereur :
Que le Colonel & fupreme General de la Fortereffe de
Newhaufel , étant convenu de rendre la Place , par le con-
fentement de tous les Hongrois , Allemands , & autres qui
fontfousfon commandement , nous procurerons que toutes
les conditions & les Articles à luy cy-aprés accordez , foient
fidellement & fincerement executez , empêchant qu'il yfoit
en aucune façon contrevenu par qui que ce foit, au peril
de nôtre reputation .
Le Colonel Adam Forgats Gouverneur de Newhaufel , fon
Lieutenant Paulo Sereni , & tous les Officiers & Soldats Alle-
mands & Hongrois , Cavalerie & Infanterie & autres Chref-
riens , demeurans en ladite Fortereffe , pourront librement &
feurement en fortir avec leurs Femmes , Enfans , Domeftiques ,
chevaux , armes & bagages.
Les pauvres Religieux & autres Ecclefiaftiques auront auffi la
liberté de fe retirer avec les chofes à eux appartenantes.
Les Soldats Allemans , & Hongrois pourront fortir Enfei-
gnes déployées, & tambour battant , avec les vivres qui leur fe-
font neceffaires , fans toucher aux munitions publiques .
Aprés
OU L'ART DE LA GUERRE. 385

AA

tro

Tom. III. Bb
385 LES TRAVAUX DE MARS ,
Aprés que l'on aura rendu les Poftes principaux , & le haut
des Baſtions , aucun des nôtres n'entrera dans la Place , jufques
à ce que tous les Chreftiens qui voudront fe retirer, foient fortis.
Tous les habitans fains , malades ou bleffez , feront conduits
à Comorre , avec une eſcorte de nôtre Milice , fous le comman-
dement de 2. Officiers , afin qu'ils puiffent s'y rendre en feureté.
Nous donnerons en Oftages jufques à leur arrivée deux de nos
Agas : & ilsferont pareillement tenus de laiffer deux de leurs
Officiers , pour l'affurance de leur retour.
On fournira aux Chreftiens étrangers qui font dans ladite
Fortereffe , des chariots pour les remener en leur Patrie.
Pource qu'on effaye par divers difcours , de faire douter de
leurfeureté, nous promettons qu'il ne fera fait aucune violence,
ni aux Soldats , ni aux habitans : mais qu'ils pourront libre-
ment partirfans apprehender le moindre mauvais traitement ,
pour leurs Perfonnes , ni pour leurs biens.
Afin qu'ils puiffent fe retirer plus commodément , on leur
fournira des chariots jufques à 400. & davantage s'il en eft be-
foin.
Toutes hoftilitez cefferont jufques à l'execution entiere des
preſens Articles .
Afin que la Garnifon ne paffe point à travers nôtre Armée ,
il fera dreffé un Pontfur la Nitria , ou l'on racommodera celuy
que l'on y a cy-devant conftruit.
Elle pourra fe repofer en chemin , fans craindre qu'il luy foit
fait aucune infulte.
On fournira aux malades qui resteront dans la Place , les cho-
fes dont ils auront befoin , jufques à ce qu'ils foient en état de fe
retiter où ils voudront , avec escorte .
Si quelqu'un des habitans defire demeurer dans la Place, il n'y
recevra aucun trouble , foit au regard de fa Religion , oude fes
facultez.
S'il s'y trouve quelques prifonniers des noftres , ils feront re-
mis en liberté.
Et nous permettons auffi à la Garniſon , d'emmener quatre
Pieces de canon .
Cette Capitulation a été fi fidellement executée par les Turcs,
que les Tartares s'étant mis en devoir de fe jetter fur la Garni-
fon de Newhaufel , tous les Bachas accoururent contre une trou-
pe de ces brigands , & firent main-baffe for plufieurs; puis s'adref-
fans aux foldats Chrétiens qui marchoient trop lentement , leur
donnerent avis d'avancer , pour ne pas tomber une autre fois
entre les mains de ces Barbares.
De
OU L'ART DE LA GUERRE. 387

De la Défenfe des Places Turques.

J'Ay déja remarqué que les Tures font tellement prevenus


de la mefintelligence des Princes Chreftiens , qu'ils tien-
nent inutile de fortifier leurs conqueftes , & même d'en con-
ferver les Travaux , quoy qu'ils ayent gagné des Places avan-
tageufement fortifiées.
Cette negligence eft fondée fur l'opinion qu'ils avoient de
troimpher partout où ils portoient les armes."
Quant à la perte deJavarin qui arriva en 1597. & celle de
Gran en 1683. elles ont été un effet du hazard ou d'une in-
fulte, & non pas d'une attaque reguliere.
CarJavarin , comme j'ay déja dit , leur fut enlevé par fur-
priſe à la faveur d'un petard , & Gran par le defordre de l'Ar
inée de ces Infidelles , qui ayant été ruinée devant Vienne ,
ne fongeoit qu'à fauver ſon débris dans Bude : Encore Gran
fit acheter fon terrain bien cherement aux Polonnois , dont
plufieurs furent taillez en pieces , même le Roy de Pologne
ycourut danger de fa vie.
Auffi les Turcs par un principe de Religion qu'ils obfervent
ponctuellement , ne rendent jamais aux Chreftiens par des
Traitez écrits les Places où ils ont des Mofquées , foit qu'ils
en ayent bâti de neuves, ou qu'ils ayent employé à cet ufa-
ge quelque Eglife des Chrétiens. C'eft pour cette raison que
la plupart des Mahometans des Ifles de l'Archipel n'y ont
point de Mofquées , à caufe qu'ils font fouvent obligez de
traiter avec les Corfaires Chreftiens qui y font frequemment
des defcentes : & fi par une Capitulation écrite ils abandon-
noient une Moſquée à ces Corfaires , ils fe croiroient cou-
pables d'unfacrilege irremiffible , & d'une lâcheté fans pa- .
reille.

Findu troifiême Volume des Travaux de Mars.

LYON
Bb z TA-
TABLE ALPHABETIQUE
DU TROISIE'ME VOLUME
DES

TRAVAUX DE MARS ,

OU

L'ART DE LA GUERRE.

A. Artillerie. 123:
Canzi . 348 Artillerie Turque. 365
Å Affuft de Canon, 138 Afarela. 338
Aga. 342 Ashgi . 340
Agiamoglans. 336 Afpres . 335
Aide-Major. 17.19. & 22 Affaut. 263 264. 265. & 296
Aides de Camp. 174 Aftragal. 134
Aîle du Bataillon. 50 Attaque. 196. & 198
Aîle droite. 50 Attaque des Dehors . 246
Aîle gauche . 50 Avant-garde. 200. & 202
Alai- Beglers. 354 Avant - train. 142
Alarmes. 276 Aumônier. 17. & 19
Alcoran
368 Azapes. 348
Alkitef- Terdars. 341 B.
Alliage. 136 Achas . 358. & 372
Allah B B
382 Baguettes . 32. 55. & 98
Alte.
191 Bajarac. 356
1 Ame. 134 Bain. 136
Amorce. 34 Balles.
34
Anfpeçades. 8. & 14 Balles à Canon. 125
Appointez. 8 Balles à feu. 166
Appel. Iz Ballots de laine. 252
Archers. 17. & 21 Ban. 12
Arriere- garde. 200 Banderolle. 96
Arſenal, 124 Bandes. 138. & 140
Articles. 308 Bandouliere. 2
Artificieurs. 124 Baracan. - 328
Baren-
TABL E.
Barentin. 348 Boulons. 138
Barraques. 228 Boure. 344
Barricades. 282 Bourre. 94
Barriques. 206 Bourguignotte. 48
Barriques foudroyantes. 168 Bourlet. 134
Bafcule. 162 Bourſes, 342
Bafilic. 130 Boute-felle. 96
Bas Officiers. 8 Bouton. 96. & 134
Baffinet. 32 Boyaux. 244
Baltion vuide, 298 Braquemar. 29
Baraille. Braflarts . 6.842
200. & 202
Bâtarde . 130. & 132 Bréches. 262.263.290 . & 294
Bataillon. 50. 52. 60. 68.72. Brette, 29
76 & 80. Brigades. 174
Bataillon de grand front. 68 Brigadiers. 93. & 174
Bataillon octogone . 76 Bude. 320
Bataillon octogone à centre Buttes. 280
vuide, 80 C.
Bataillon quarré d'hommes. Abaffet. 42
68 CafeCaifle. 12
Bataillon quarré d'hommes Caiffons. 280
en forme d'une croix . 72 Calibre. 125.130. & 134
Bataillon quarréde terrain.68 Cam. 362
Batteries. 242 Camarade. 149
Battre. Campemens 194. 227. & 230
12
Baudriers, 2.4 & 94 Camps-volans. 132
Bayonnerte. 30 Canon. 32. 36. 130. 134.149.
Beiglerbeys, 354.& 373 & 152.
Beys. 358 Canon armé, 142
Bioüic. 379 Capa Aga. 346
Blindes. 220 Capitaine. 10. 14. & 22
Blocus. 226. & 227 Capitaine de Cavalerie. 91
Boëre. 132 Capitaine des Guides. 175
Bombes. 156. & 158 Capitaines des Mineurs. 124
Bolles, 166 Capitaine General des Cha-
Bottes. 94 riots , &c. 124
Bb 3 Capi-

1
TABLE.
Capitulations. 307. & 308 Citadelles des Places Tur-
Caponnieres. 278 ques. 362
Caporaux. 8. & 14 Clavette. 138
Carabiniers. 100 Clayes. 220
Caracol. 116 Clef. 32
Carach . 338Cloux. 140
Cartouche. 94. & 286 Coffres. 284
Cavalerie, 1. & 87Coin . 140
Cavalerie Turque. 351Collet, 94, & 134
Cavalier. 94 Colonel . 16 18.22. & 24
Cazemates.
286 Colonel general de la Cava-
Cazernes. 230. & 273 lerie legere. 88
Ceinturon. 4.46. &94 Combleau. 142
Chamade. 12.& 306 Commiffaire general. 88
Chambrées. 338 Commiffaire à la conduite,
Chambres. 260 17.821
Champ de bataille. 192 Commifl . extraord .
Chandeliers. 210 Commiff. ordinaires. 123
Chantiers. 125.& 136 Commiff, Provinc.
Chantilly. 29 Comorre, 330
Chappes. 124.& 136 Confeil de Guerre. 190
Charpentiers. 124 Confeil du General. 176
Charrons.
124 Conduite des Tranchées.238
Châteaux, 326 Contremarches . 57.& 64
Chauffe-trappes.
216 Contremines. 288
Chef de Files . 50 Contremor. 274.8276
Chemins- couverts.
322 Contrefcarpes . 320
Chevalets.
128 Contre-fignal. 273
Chevaux de Frife .
214 Contrevallation . 232
Chevaux- legers. 107 Contrôleurs . 124
Chevilles,
138 Converfions . 57.58.66. & 118
Chévre. 144 Corbeilles. 208.&256
Chirurgien. 17. & 21 Cordon . 96
Cimeterres.
30 Cornette. 92
Circonvallation,
232 Corps-de - Garde. 273
Cifeaux.
256 Corps-de-referve, 200
Cor-
·
TABLE.
Corfelet. 6. & 42 E.
Coucher en jouë. Chelles.
EEcouv 144.&218
Coulevrine. 130. 132. & 142
34 illon.
142
Coullac. 340 Emblée. 267.& 304
Crampon. 138 Emboitûre. 140
Crapach. 328 Embouchure. 96
Criq. 144 Emouffer les Angles. 70
Crochets. 138. & 162 Enfeigne. 9. 14. & 22
Crolle. 32 Entre -toiles. 138
Cuiraffiers. 102 Epée. 2. &30
Cuiffarts. 44 Epée fourrée. 29
Culaffe. 134. 150. 156.& 160 Equerre. 138
D. Equipage du fufil. 36
d s 168 Elcadrons. 50. 102.& 110
DAr .
Décharges. 34 Escalades.
303
Déchargeurs, 124 Espadon . 29
Défenſe des Places. 269 Elpions. 172.& 177
Défenfe des Deh, 272 . & 278 Effieu. 138. & 140
Défenfe des Tranchées, 240 Eftocade. 29
Défilez. 184 Eftrade. 303
Dégât. 226 Etape. 21
Dehors . 324 Etendard . 92.96. & 356
Dellis. 360 Executeur. 17.821
Demy-canon. 130 F.
Demi-file. 50 Ace du Bataillon. 50
Demi-Pique. 38 FA Falacque. 342
Demi-rang de main droit. 50 Fafcines. 210
Demi rang de main gauche. Faucon. 130
50 Fauconneau . 130
Diametre. 134 Faulx . 40
Divan. 370 File du Bataillon, So
Doliman. 336. & 338 Flambeaux à feu. 168
Doublemens. 57.60 . & 92Flanc du Bataillon. 59
Dragon . 130Flafques. 138
Dragons. 108 & 360 Fléche. 162
Drapeau . 9. & 106 Flèches à feu. 168
Dukigi- Bachi. 366 Bb & Fai
TABLE
Foibleffe d'une Place. 236 Globe. 152
2 Force d'une Place. 236 Gouldrons , ou Gaudrons.
Foffez. 254.255. & 320 168.252 . &c.
Foffez pleins d'eau. 255. & Goupilles. 138
286 Gran. 328
Follez fecs. 254. & 284 Grand Maître. 123
Fougades. 380. & 284 Greffier . 17.& 21
Foulloir. 140. & 142 Grenades . 164
Fourche. 40 Grenadiers volans. 107
Fourneaux. 260. & 292 Griffe. 256
Fourniment. 34. & 55 Guaftadours . 326. & 348
Fraiſes. 212 Guet. 96
Frete. 140 Guidon. 106
Fricaflée. 12 Gyor. 331
Front de Bataillon. 50 H.
Fronteau de Mire. 140 Ache d'Armes. 40
Fufée. 156 HHalebarde.
40
Fufil.
2. & 36 Ham. 362
Fuft.
32. &36 Hampe. 38.40. & 142
G. Haniare . 340
8
20 Ha p p e. 136
Abions.
Hauffe- col. 42. &44
Ga
Galleries.
220 Hauteur du Bataillon. 50
Garçon Major. 19 Heriflon.
214
Garde. 273 Herfes.
214
Gardes du Corps. 106
Herfillons. 214
Gardes du Parc. 124
Houc. 256
Garniſon. 271
Gaurs. Hoyau. 256
356
Hurtoir. 138
Gebegis. 366
Hulles. 138
Gebelus.
354 Huttes . 230
Geli-Bachi.' 366
I.
Gens- d'armes. 106
Gerit. 341
Gibeciere. 346 JAnifar-Agali.
94 Janiflaires. 336. & 338
Glacis. 322 Javarin. 332
Icho-
TABLE.
Ichoglans. 342. & 346 M.
Jegni-Zeri. 338 e r 160
r i
Jentes. MAd .
140 Magazin. 125
Infanterie.
I Major. 17. 18 22. & 90
Infanterie Turque.
335 Majorgeneral . 174 .
Ingenieurs. 175 Maître. 94. & 228
Intendans .
175 Maîtres- Forgeurs. 124
Jour. 138 Mantelets. 216
K.
Marche. 96. 100. 180. 182 .
m b e r g 35 6 186. & 188.
Kale .
Kiaia.
338 Maréchal. 100
Kiatib.
366 Maréchal des Logis, 17. 19 .
L. & 92
Anterne.
Leve 140. & 142 Maréchal des logis de l'Ar-
r leSiege . 268 mée.
174
Leviers.
140. & 142 Maréchaux de Camp. 173
Liens,
140. & 142 -Maréchaux des Logis. 123
Lieutenant.
10.14.&24 Mafle . 256
Lieutenant Colonel. 17. 18. Méche .
22.& 24. 34
Meftre-de- Camp.
89
Lieutenant d'Artillerie. 123 Meftre - de-Camp general . 88.
Lieutenant de Cavalerie. 91 Milice des Turcs.
Lieutenant General d'Artille- Mines. 317
258.260. & 280
rie. 123 Mineurs. 255.8262
Lieutenant General de jour. Mifrack.
352
173 Montûre.
Limon. 36
138 Morilions. 125
Logemens des Soldats. 273 Mortiers.
156
Logement.
230. & 252 Mofquées. 387
Logement de la Cavalerie. Mot.
274.8276
228 Moules.
136
Logement de l'Infanterie.230 Moufquet. 2.832
Lumiere. 32. 134. 156. & Moufquetaires. 2. 14. 22. &
160 26
Lunettes.
138. & 284 Moufquetaires du Roy. 107
Mouf
TABLE.
Moufqueton. 94. & 109 Pieces de Campagne. 132
Mouvement. 148. & 158 Pieces legeres. 132
130 Pierrieres, 280
Moyenne.
Moyeu. 140 Pierriers. 124.132 . & 154
360 Pionniers.. 134. & 326
Muhlagi.
Mungis. 342 Pique. 38. & 48
Mufeau. 138 Piquiers. 2.6.14. & 22
Mufulmans. 256 Piftolet. 94
N. Places d'Armes. 192. & 240
Plate-bande. 134
6
NNoyau.124.134-813 Plate - ba 32. & 36
Newhaufel. 324 Plier. 302
rd
0. Poigna . 30
3 3 6 P o i l
136
Dda-Bachi. 336. & 340 Pointer. 146. & 148
Offen. 320 Pointeurs. 123
.Pont. 162.196. & 222
Ordres du General. 177
Orniere. 140 Portée du Moufquer. 34
Otourac. ueton50. & 158
3 ୪ Porte-feu. q140.1
3338
Ouverture. 238 Porte- Mouf . 94
P. Pofte d'honneur. 202
Aliffades. Pot-à-feu. 166
212
PA Pot-en-tête. 44
Paniers. 208
Poudre. 128
Parc de l'Artillerie . 192. &
Prevoft. 17. &20
234
Prife des Dehors. 245
Patrouilles. 273
Q.
Pavillon. 96
Pelotons. Uadran.
70 Quartier des vivres.234
Pertuilane. 40
Pefth. 320 Quarts de rang de l'Aîle droi-
Petard. 160.& 162 te. 50
Petardiers. 162 Quarts de rang de l'Aîle gau-
Petite Gendarmerie. ché.
108 50
Petits Tartares. 362 Quarts de rangdu milieu. so
Piece de Regiment. 132
Raab.
TABLË.
R. Saumon.
136
332 Sauffifle. 256
RAab.
Raffraichir. 150 Sauffiflons. 210
· Ragot. 138 Schut. 330
Rais. 140 Segbans. 360
Ramazan. 338 Selictar
355
Rameaux. 288 Seraiker. 355
Rang. so Serdars. 338
Reddition des Places. 305. & Sergens. 9. 14.&22
310 Sergent Major. 18
Reduit. 300 Serpentin. 32
Regimens. 16. 17. & 202 Serre-demy-file. 50
Remiſes. 125 Serre-file.
50
Rendez-vous. 178 Sieges. 225.227.8270
Renfort. 134 Signal. 264,& 273
Répos. 138 Silhatari. 352
Retirades. 282 Sinan.
332
Retraites. 12.96. & 268 Sirenne .
130
Retranchemens. 294, 298. Solak- Baffi. 344
300.& 302 Solaks.
344
Rocroi. 184 Soldat . 2
Rondelle, 138 Sol-Gureba.
352
Rondes. 273 Sol- Ulefigi. 352
Roues. 140. & 142 Seppoto . 326
S. Sorties.
249.&277
Abre. Sourdine.
30. &94 96
Sabre
Sacs-à- terre. 206 Sous garde (de fufil) 36
Sadach-Ackchiafi. 352 Sous- gardes (d'Artillerie) 124
Sag- Gureba. Sous- Lieutenant. 10. & 22
352
Sag-Ulefigi. 252 Spahaoglari. 352
Salles. 124.& 125 Spahi. 340
Salpêtre. 126 Spahiler -Agafi. 346
Salvares. 360 Spahis. 352.& 354
Sainte Maute,
Sangia-Bey. 355 319
Sappe. Stambol- Agafi.
250 336
Siri-
TABLE.
Strigone. 328 Tourillon. 134
Surpriſes. 303 Tourneurs. 124
Sufpenfion d'Armes. 306 Trabands. 26
T. Tranchées. 236.237. & 238
Abel- Alem. Traverſes. 220
TTabl 354
iers Tre for iers. 124. & 175
98

yuy
Talon. 38 Trompes-à-feu. 278
Tambours. 12. 14. 17. 20. & Trompette. ୨୪
22 Tug. 358
Tallettes. 44 Tzegebetzi-Bachi. 366
Tenaille de Place. V.
244
Tezkerebirs. Auban. 284
354
Teskeretis. VVaubecourt. 332
354
Tefte d'une Bréche. 266 Vent de la balle. 134
Tefte d'une Tranchée. 238 Vinaigre, 150
Thonaw. 328 Vivandiers. 192. & 228
Timariots. Volée. 134
354
Timars. 342.351 . & 354 Volte -face. 120
Timbales. 98 Vorftadt. 332
Timbalier, 98 Wekilharg. 341
Tir. Vuider le centre d'un Batail-
149
Tirefond. 162 lon. 70
Z.
Togatch. 326
Tonneliers. Aims.
355
12 4
8 ZZimZiamets.
Topchis. 36 351. & 355
366 Zolnock. 322
Topgi-Bachi.
LAVILLE

LYON
*
FIN.

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